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d’État
Dénoncer et revendiquer
Un élément frappe de prime abord lorsqu’on s’intéresse au rapport entre
la Russie et le cyberespace, c’est le nombre d’attaques dans lesquelles
Moscou est mis en cause depuis 2014. La Russie fait ainsi figure, entre
hackers attaquant des entreprises et des partis politiques et trolls se
livrant à la désinformation sur des forums, de nouveau cyber-ennemi
universel. Cette place, qui était auparavant dévolue à la Chine, est
maintenant l’apanage de la Russie, à tel point qu’une analyse plus fine
s’impose. En effet, entre le début des années 2000 et 2013-2014, la
Chine était vue comme l’agresseur numéro un, disposant d’une véritable
cyberarmée, dont des officines proches des services de renseignement
américains allaient jusqu’à donner le nom (unité 61398) et la localisation
des bureaux. Durant cette période, Pékin aurait ainsi attaqué des
entreprises, des institutions militaires et des gouvernements, dérobant
nombre d’informations sensibles, dont les plans des derniers
armements américains. Depuis, plus rien, comme si la Chine avait
disparu dans un trou noir du cyberespace. La Russie quant à elle faisait
figure d’acteur important, mais non majeur, dans ce domaine. Les
hackers russes apparaissaient, avant 2013-2014, comme étant d’un bon
niveau, mais incapables d’atteindre la masse critique nécessaire à la
formation d’un bloc unifié et organisé, brique de base d’une force cyber
respectable. Que s’est-il donc passé en l’espace de quelques années
pour arriver à un tel renversement, suscitant des craintes parfois
exagérées pendant les élections présidentielles américaines et
françaises ou au moment du référendum britannique sur le Brexit ?
Dans les deux cas, estonien et géorgien, que l’on peut également
étendre à l’Ukraine en 2014, il convient de considérer la relative
faiblesse de l’adversaire en termes techniques. La cybersécurité des
infrastructures publiques ou des éléments militaires dans ces deux pays
semble faible, loin des standards européens, américains ou chinois.
Sans vouloir minimiser les compétences de la Russie ou des acteurs de
nationalité russe, le niveau des adversaires ou des opposants est à
prendre en compte dans l’analyse qui peut être faite a posteriori des
cyberattaques. Toutefois, ces actions démontrent également que la
Russie n’est jamais là où on l’attend. Dans le cas estonien, même s’il ne
s’agit que d’un faisceau de présomptions, la coordination des actions
des hackers et des trolls pour l’accomplissement de la punition
symbolique d’un gouvernement ayant, selon Moscou, bafoué l’histoire,
est particulièrement fine dans l’utilisation de la dissimulation. Dans le
cas géorgien, la Russie a surpris par le niveau de ses opérations
combinées, utilisant le cyberespace en complément des moyens
conventionnels. La dissimulation – la maskirovka – permanente des
capacités de la Russie soulève de nombreuses interrogations sur ses
buts et ses capacités réelles, ce qui ne fait qu’entretenir l’idée du cyber-
ours attendant le moment idoine pour sortir de sa torpeur.
Le RuNet et le cyberespace
La galaxie des sites en langue russe, connue sous le nom de RuNet,
présente les attributs d’un écosystème russophone, sans toutefois avoir
la cohérence d’ensemble de son homologue chinois. Le RuNet est en
réalité structuré autour de trois sites majeurs que sont Yandex,
Vkontakte et Mail.ru. En offrant le triptyque moteur de recherche/réseau
social/suite mail, le RuNet donne aux utilisateurs russophones les
moyens de la communication 2.0 à un espace culturel singulier. Il
constitue un ensemble avec lequel il faut compter dans le cyberespace
même s’il ne dispose pas des mastodontes de l’e-commerce comme
Amazon ou Alibaba et si des sites comme Yandex ou Vkontakte ont une
audience limitée hors de la sphère russe.