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PSYC-E-2003 (BA2)
Psychologie du Développement.
Approche émotionnelle et sociale
Prof. L. De Coster
Suppléance : Cindy Mottrie
Préambule
Le présent syllabus a été rédigé par le professeur Lotta De Coster, titulaire du cours de Psychologie du
développement, partie émotionnelle et sociale.
Cindy Mottrie, suppléante de ce même cours depuis l’année académique 2017-2018 y a ajouté certaines
parties, notamment le chapitre 6. Les autres éléments ajoutés par elle sont annotés dans le syllabus.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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3.3. Les changements individuels associés à des expériences personnelles signifiantes .......... 32
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2. La naissance ................................................................................................................................... 84
1. Le désir d’enfant............................................................................................................................ 96
3. La contraception ............................................................................................................................ 99
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3.1. René Spitz : l’impact des carences maternelles précoces et des ruptures de lien sur
le développement psychique ......................................................................................................... 148
b. Les représentations d’attachement : les Modèles Internes Opérants (M.I.O.) ................. 159
a. Phase 1 (0-3 mois) : pré-attachement initial ou discrimination limitée des figures ......... 165
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8.1. La sensibilité des mères face aux signaux émis par leur enfant ....................................... 172
1.5. Evolution ultérieure de l’attachement insécure évitant (A) entre 3 et 6 ans .......................... 206
1.6. Evolution ultérieure de l’attachement insécure ambivalent (C) entre 3 et 6 ans ................... 207
1.8. Evolution ultérieure de l’attachement désorganisé de type D entre 3 et 6 ans ....................... 208
1.9. Stabilité ou évolution des styles d’attachement entre 4 et 12 ans ?........................................ 209
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6. Début de l'âge adulte et âge adulte (18/20-30/45 ans) : intimité ou isolement ....................... 242
7. Age adulte et âge mûr (30/45-65 ans) : générativité ou stagnation ......................................... 242
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2. Le moi objectif ou catégoriel (ou moi différentiel (18-24 mois) .............................................. 249
3. Le Moi émotionnel (Lewis, 1991) : compréhension et maîtrise des émotions ........................ 252
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L’objectif du cours de psychologie du développement est de vous introduire dans le monde complexe et
fascinant de la psychologie du développement de la personne :
- dans les différents environnements dans lesquels il évolue (famille, crèche, école…) ;
3. Situer les concepts et les théories en psychologie du développement dans leur contexte
historique et épistémologique. Par ex. théorie de l’étayage, le concept d’attachement, de
relation d’objet.
4. Savoir formuler une position critique vis-à-vis des différents paradigmes et théories
exposés.
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- Lectures personnelles pour approfondir l’un ou l’autre sujet (voir articles sur l’UV).
Le cours est dispensé au 1er quadrimestre, le lundi de 10 à 12 heures, auditoire UD2.118a (pour
les 3 séances en présentiel, inscription préalable à ces séances) par Cindy Mottrie, suppléante
du Prof. De Coster. Les cours sont podcastés. Nous insistons sur le caractère particulier de
ce support. En effet, il est demandé de ne pas faire circuler ces supports vidéo en dehors
du cadre strict du cours, des exemples cliniques y sont donnés. Nous demandons donc aux
étudiants d’être particulièrement respectueux de ce matériel sensible.
Les notes de cours, le lien vers les podcast et les Power Point seront disponibles sur l’UV.
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Outils didactiques
Voici plusieurs ouvrages de référence (liste non exhaustive) utilisés pour construire le cours
qui pourraient également être utiles pour approfondir certains aspects du cours. Vous ne devez
pas acheter ces ouvrages, ils seront cités dans les notes de cours. Ces extraits seront uniquement
partagés à des fins didactiques. La plupart des ouvrages de référence sont disponibles à la
bibliothèque des sciences humaines de l’ULB.
- Lemelin, J-P., Provost, M., Tarabulsy, G.M., Plamondon, A., Durfresne, C. (sous la
direction de) (2012). Développement social et émotionnel chez l’enfant et l’adolescent.
Les bases du développement. Tome 1. Québec : Presses Universitaires du Québec.
- Stassen Berger, K. (2008). The Developing Person. Through the Life Span. 7th edition.
Adaptation en français : Psychologie du développement (2e édition, 2012). Bruxelles :
De Boeck Supérieur.
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Méthode d’évaluation
L’évaluation se fera sous forme de questions à choix multiple. Les questions viseront plusieurs niveaux
d’appropriation de la matière et requièrent une étude précise et une excellente compréhension de la
matière.
Cindy Mottrie
Bureau : Bâtiment D, Campus Solbosch, local DC9.122 Secrétariat : Madame Nadine Renquin
Mail : nrenquin@ulb.ac.be Tél. : 02/650 32 90
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Chapitre 1
Introduction à la psychologie du développement
Les domaines de la psychologie sont en grande partie définis par les sources de variation qu’ils
mettent en évidence (Siegler, 2000). Le type de variabilité qui reçoit la plus grande attention
permet de définir les domaines de la psychologie. Par ex. :
- La variabilité entre les groupes d’âge constitue le principal centre d’intérêt. L’âge est la
principale variable indépendante.
- Les théories de Piaget, Vygotski, Wallon et Bruner énoncent par exemple toutes des
relations univoques entre l’âge et le mode de pensée.
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Il semble donc particulièrement intéressant d’étudier le sujet dans sa « globalité » : comme être
affectif, social et cognitif (sans bien entendu oublier la dimension physique et motrice du corps).
A ce niveau, nous tenons à insister sur le caractère d'unicité de la personnalité. Il est en effet
difficile et artificiel de dissocier le développement biologique et moteur du développement
affectif, social et cognitif de l'enfant, tous ces éléments sont fortement imbriqués.
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De plus, l’étude du développement ne se limite pas à l’enfance mais elle concerne la vie entière
(ou « life span »). D’un point de vue théorique, la psychologie du développement étudie les
étapes et tâches développementales liées à chaque période de la vie, depuis la période fœtale et
la naissance jusqu’à l’âge adulte et jusqu’au vieillissement. Cette perspective « vie entière » est
certes fort intéressante mais notons avec Lehalle et Mellier (2013) que la mise en œuvre est
toutefois prématurée dans la mesure où la plupart des études réellement développementales
concernent jusqu’à présent l’enfance et l’adolescence. Ceci s’explique par le fait que l’âge
adulte se prête mal à des études développementales en raison de la grande variabilité des
trajectoires individuelles.
Ce cours est donc davantage centré sur les périodes périnatales, de l’enfance et de l’adolescence,
périodes dans lesquelles les changements sont les plus importants.
Notons avec Lehalle et Mellier (2013, p. 16) qu’une psychologie de l’enfant et de l’adolescent
est obligatoirement une psychologie du développement pour plusieurs raisons :
Le fonctionnement actuel d’un individu dépend de ses expériences passées et les modalités
d’ajustement aux circonstances environnementales qu’il a pu mettre en place lors de sa
trajectoire développementale (Lehalle et Mellier, 2013). Selon Lehalle et Mellier (2013), cette
considération permet de justifier l’existence d’une psychologie du développement.
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« l’étude des changements individuels au travers de la succession des âges de la vie, depuis la
période fœtale, jusqu’à l’âge adulte et jusqu’au vieillissement » (Lehalle et Mellier, 2013, p. 6).
Cette perspective dite « vie entière » ou « life span » en anglais tend à s’imposer actuellement.
Ce serait l’« Etude scientifique des phénomènes de changement et de continuité qui marquent
la vie d’un individu et des facteurs qui influent sur ces phénomènes ». (Bee & Boyd, 2008, p.4).
Nous trouvons des définitions très semblables dans la plupart des manuels de la psychologie du
développement. Par exemple « la psychologie du développement est la partie de la psychologie
générale qui étudie les changements individuels, c’est-à-dire l’ontogenèse, centrée sur
l’évolution individuelle » (Lehalle et Mellier, 2013, p. 5).
Cet objectif conduit à recourir à une grande variété de méthodes et d'approches (approches
clinique ou expérimentale, examen des répercussions psychologiques, intérêt pour les fonctions
perceptives, mnésiques, affectives, cognitives, abord différentiel, psychanalytique,
psychopathologique, pédagogique).
- Qu’est-ce qui se développe chez l’enfant ? Qu’est-ce qui change et qu’est-ce qui reste stable
(changement et continuité) ?
- Quels sont les facteurs d’influence sur le développement ? Quel est le rôle de « l’inné » par
rapport à « l’acquis » dans le développement humain ?
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- Un enfant qui vit une enfance heureuse deviendra-t-il de manière probable un adulte
heureux?
- Est-ce que des interactions précoces peu satisfaisantes mènent à des relations ultérieures
compliquées?
À la fin de l’Ancien régime, de multiples signes laissent voir un changement dans la place que
l’on accorde à l’enfant : création de jouets à son intention, illustration picturale de la vie
familiale, de ses rites. Les pédagogues se penchent également sur la condition de l’enfant, sur
son éducation, sa promotion. La notion d’enfant, dans nos sociétés, n’a ainsi pas toujours existé.
Ariès (1960), Donzelot, (1977), Théry (1996) et d’autres auteurs situent son apparition au 18ème
1
Ariès, Ph. (1960). L'enfant et la famille sous l'Ancien Régime. Paris : Plon.
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siècle dans la société bourgeoise et au 19ème siècle pour les autres, lorsque le travail des enfants
est dénoncé et que l’enfant n’est plus considéré comme un adulte en réduction, mais comme un
être avec sa propre identité. Suite à cette révolution sociologique prennent place les révolutions
intellectuelle, scientifique et économique qui assoient l’identité nouvelle de l’enfant : il porte
des besoins spécifiques et est au cœur de la personnalité du futur adulte (Théry, 1998).
En fait, il a fallu attendre le 20e pour que l'on commence à diviser l'existence des êtres humains
en périodes, qui actuellement se subdivisent en :
- (pré-adolescence)
- adolescence
- (post-adolescence)
- âge adulte
Etymologiquement, le terme « enfant » dérive du mot latin "infans" qui signifie "qui ne parle
pas", ce qui ne correspond pas à la représentation actuelle que nous avons de l'enfant qui est
celle qui englobe le sens initial tout en s'étendant aux âges dits de la scolarité primaire. L'enfance
comprend en effet différentes périodes : elle s'étend de la conception à l'âge de 10- 12 ans, étape
qui coïncide avec le début de l'adolescence. Notons ici que les limites de cette période sont en
fait très fluctuantes et relatives selon les critères de référence que l'on utilise.
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Ex. : si l'on se réfère à des critères biologiques, on peut dire que la puberté signe la fin de l'enfance.
Ex. : si on se réfère à des critères culturels, on peut dire que l'enfance se termine à la fin de
l'école primaire.
Il faut souligner enfin qu'un concept intervient actuellement, celui de la pré-adolescence qui
correspond à une étape de transition entre l'enfance et l'adolescence, au même titre que la post-
adolescence est une étape intermédiaire entre l'adolescence et le stade adulte.
S’il existe un grand nombre de divergences de points de vue ou même des contradictions parmi
les théories du développement de l’enfant, la majorité de celles-ci s’accordent pour attribuer à
l’enfance un rôle privilégié en tant que déterminant des étapes ultérieures de la vie (Cloutier,
1985). Ainsi, en 1970, l’auteur américain Dodson a écrit un best-seller « How to parent? » dont
le titre a été traduit en français (1987) par « Tout se joue avant 6 ans ». Avec ce titre un peu
choc l’on insiste sur l’importance cruciale des premières années de vie pour la suite, l’idée est
que l’enfance représente une période critique du développement parce qu’elle constitue une
période de changements intenses. Mais Dodson (1970) n'a jamais prétendu que tout l’avenir est
définitivement inscrit ou déterminé dès la petite enfance. Notre existence est en effet un
processus en perpétuelle transformation (et on note une grande plasticité chez le bébé humain,
parallèlement à sa grande immaturité).
- Sur le plan physique, la première année de la vie apportera un taux de croissance inégalé
par la suite.
- Sur le plan cognitif, les deux premières années de la vie conduiront le bébé à la pensée
représentative, niveau que seul l’humain semble atteindre et qui permet le langage et
l’acculturation.
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- Sur le plan affectif, les premières relations d’attachement à des humains sont reconnues
comme les bases premières typiques des relations interpersonnelles établies par la suite :
les psychanalystes et les éthologistes s’accordent (et cela n’est pas toujours le cas) pour
concevoir ces premières relations d’attachement comme cruciales dans le développement
personnel. » (Cloutier et Renaud, 1990, p. 7).
- Donner une signification aux faits. Expliquer les observations puis les organiser.
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Tel que précisé ci-dessus, la psychologie du développement étudie l'individu dans son
évolution, elle considère l'ensemble des changements qui interviennent au cours de l'évolution
de chacun, depuis la conception, et même avant, jusqu'à la fin de la vie. Paradoxalement, le
changement qui survient chez l’individu ne peut être identifié qu’en fonction du maintien d’une
invariance chez lui. Le sujet qui se développe reste le même, il conserve son identité tout en se
transformant. La psychologie du développement étudie aussi la continuité des comportements
au cours de la vie. Ce sont ces deux aspects, à savoir le changement et la continuité qui
représentent la trame du développement humain (Bee et Boyd, 2003).
Dans un deuxième temps, ils examinent l'influence respective de la nature et de la culture sur
les changements et la continuité (Bee et Boyd, 2003/2008, p.4)).
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- les changements qualitatifs dans l’organisation, la nature ou la structure des éléments, par
exemple dans le développement cognitif. Il s’agit par exemple de l’apparition de nouveaux
comportements qui sont plus appropriés que les anciens.
Ces changements, relativement inévitables (et parfois qualifiés d’universels) peuvent êtres dus
à des influences biologiques et à des expériences communes.
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- Exemple : l’acquisition de la marche aboutit simultanément sur une plus grande autonomie
physique et une plus grande indépendance psychologique, et ce, plus ou moins au même
âge pour tous les enfants.
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Il existe des changements communs à une même collectivité ou à un groupe d’individus dus à
une culture ou à une cohorte commune.
- dans certains pays, les filles se marient très tôt (13-14 ans).
- Chine : on peut penser à l’influence du style parental autoritaire sur leurs enfants.
Il s’agit d’un terme sociologique pour désigner des groupes d’individus d’âge équivalent ayant
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connu les mêmes expériences au même moment de leur vie2. Voici quelques exemples
d’effets de cohorte :
- Les enfants et les adolescents de la crise des années 1930. Une étude à Berkeley-Oakland
(Californie) a mis en évidence que les enfants qui avaient vécu la crise des années 1930
présentaient des traits psychologiques différents des adolescents de la même époque, ayant
vécu les mêmes événements.
¡ Les individus qui étaient enfants pendant ces années difficiles affichaient moins
d'optimisme et de confiance que ceux qui étaient adolescents à cette époque.
¡ Ils étaient aussi moins ambitieux et moins orientés vers la réussite que leurs
pairs adolescents.
- La génération Y ou les enfants du millénaire, nés après 1995, qui ont vécu la crise
économique globale, la montée des technologies et des réseaux sociaux (« media exposure
») et une société de (hyper)consommation (malgré la crise économique globale). Avec les
nouvelles technologies et les médias sociaux, on vit dans une société de l’image. Les réseaux
sociaux amplifient sans doute le phénomène de l’exposition et de la mise en scène de
soi-même (facebook, selfies, snapshot…).
http://www.hercampus.com/school/psu/whats-generation-y
2
Nous pouvons faire le lien avec le modèle de Bronfenbrenner (voir plus loin dans le cours) qui inclut une
dimension temporelle, le chronosystème. Outre le fait que le développement s’inscrit forcément dans le temps, le
contexte historique et culturel peut influer sur toute une génération, ou plus précisément sur une cohorte
d’individus qui ont vécu des événements semblables au cours d’une période de leur vie. Dans une culture donnée,
les cohortes successives peuvent avoir des expériences de vie très différentes (Bee et Boyd, 2008, p. 9).
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Le développement de chaque individu est influencé par une combinaison unique d’événements
particuliers. Un facteur clé est le moment où survient l’expérience
Par ex. : vivre le divorce de ses parents à 6 ans, vivre un déménagement à 11 ans, un changement
d’école à 14 ans, devenir maman à 18 ans, avoir une perte auditive, …
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Le concept de « période critique » renvoie à une période au cours de laquelle l’enfant est
particulièrement sensible et vulnérable par rapport à la présence ou à l’absence de certains types
d’expériences (cf. « maintenant ou jamais »).
Les circuits nerveux de notre cerveau sont à la fois déterminés par des instructions génétiques
(inné) et à la fois par les expériences issues de notre environnement (acquis). L’influence de
l’environnement sur notre cerveau varie cependant en importance selon notre âge. Notre
environnement a par ex. beaucoup plus d’impact sur le système nerveux d’un nouveau-né que
sur celui d’un adulte. Dans certaines périodes précoces de la vie, les voies neuronales sont en
effet très sensibles aux influences de l’environnement.
ü L’intervalle de temps durant lequel un véritable remodelage des voies cérébrales est
possible.
ü Une période au cours de laquelle l’enfant est particulièrement vulnérable par rapport à la
présence ou à l’absence de certaines sortes d’expériences (cf. l’expression de « maintenant
ou jamais » ; le « maintenant » peut recouvrir plusieurs semaines, mois ou années).
Exemple : Le phénomène d’empreinte chez les oisons observé par l’éthologue K. Lorenz3.
« Vers le milieu des années 1930, l’éthologue K. Lorenz a observé que, juste après la naissance,
les oisillons de l’oie cendrée s’attachent rapidement au premier gros objet qui bouge devant
3
Konrad Lorenz (1903-1989), éthologiste autrichien, a consacré sa vie à l'étude du comportement animal et
humain. Ses travaux ont été couronnés par le prix Nobel de Physiologie et de Médecine (1973), qu'il partagea avec
Nicolaas Tinbergen et Karl von Frisch.
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eux, la plupart du temps leur mère. Mais si celle-ci est absente, cet attachement peut se
transférer à tout objet en mouvement de taille suffisante, comme ce fut le cas pour les bottes
de caoutchouc de Lorenz. Les oisillons suivent alors cet objet en mouvement comme s’il
s’agissait de leur mère ». « Lorenz a utilisé le terme d’empreinte (« imprinting », en anglais)
pour suggérer la permanence avec laquelle cette représentation s’imprime dans ces jeunes
cerveaux. L’empreinte s’acquiert donc très rapidement et, une fois acquise, ne disparaît
généralement plus. Elle ne peut se former que durant une période limitée dans le temps (pas
plus que deux jours après l’éclosion des œufs dans ce cas-ci), d’où l’utilisation de l’expression
« période critique » pour décrire cette phase déterminante de l’attachement social ».
- Y en-a-t-il?
- Selon vous, les périodes critiques sont elles aussi courtes que chez les oiseaux ?
Certaines périodes critiques peuvent être très courtes, comme celle à l’origine du phénomène
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de l’empreinte chez les oiseaux, ou plus longues et moins bien délimitées pour des
comportements complexes comme le langage humain.
Exemple : le cas de Genie (pseudonyme), née en 1957 et découverte en 1970 (protection des
enfants à Los Angeles), victime de négligence et d’isolation sociale.
« Un cas rare mais parfaitement documenté rapporte l’histoire de parents perturbés qui ont
élevé leur fille jusqu’à l’âge de 13 ans dans des conditions de privation de langage quasi-
totale. Malgré des cours de langue ultérieurs soutenus, elle ne put atteindre plus qu’un niveau
de communication rudimentaire. Ceci ressemble aux mêmes difficultés rencontrées avec les
enfants sauvages et confirme l’importance de la période critique pour l’acquisition du
langage ».
Il y a eu des recherches sur le cas de Geny entre 1970-1977 et son cas a été comparé avec celui
de Victor d’Aveyron, un enfant sauvage du 18e siècle (France), un cas classique d’acquisition
langagière tardive et de retard de développement. Les étudiants intéressés pourront visionner
plusieurs documentaires :
- http://www.youtube.com/watch?v=VjZolHCrC8E
- http://en.wikipedia.org/wiki/Genie_(feral_child)
Le concept de « période sensible » est un concept plus large et plus souple que celui de période
critique et renvoie à une période de quelques mois au cours de laquelle l’enfant est
particulièrement réceptif à certains types d’expériences ou marqué par leur absence. Durant
cette période sensible, un certain type de stimulation est efficace (cf. « une occasion
favorable »).
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Exemple : la période de 6 à 12 mois est importante et favorable pour l’établissement d’un lien
d’attachement entre le bébé et ses parents.
La vie n’est pas uniquement faite de changements, il y a aussi de la continuité. Celle-ci est en
partie due à des influences biologiques et en partie à des influences environnementales (Bee et
Boyd, 2003, pp. 9-10).
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Nous sommes nés dotés d’une structure de prédispositions innées, on peut en effet observer des
caractéristiques continues ou plus ou moins invariables relevant en grande partie de l’hérédité :
la taille, la tendance à la maigreur ou à l’obésité, des traits de la personnalité tels que
l’introversion ou l’extraversion, le tempérament (le niveau d’activité, l’adaptabilité, la
sensibilité sensorielle, l’humeur, la concentration…).
Il est important de souligner le fait que ces caractéristiques ne sont pas totalement déterminées
par le patrimoine génétique, elles peuvent également varier pendant la vie d’une personne sous
l’influence de facteurs environnementaux (expériences de vie, interactions…) qui viennent
interagir avec les prédispositions.
La continuité des conduites est aussi déterminée par l'environnement et par le comportement.
La continuité des conduites s’explique en partie par notre tendance à choisir un environnement
adapté à nos caractéristiques et à notre tempérament. Ainsi, nous avons tendance à choisir le
même type d’environnements, d’activités et de stratégies.
- Nous choisissons par exemple des études ou un emploi qui correspondent à nos aptitudes
et à notre personnalité.
- Nous allons plus spontanément vers des activités que nous pensons réussir et nous
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- La continuité s’explique aussi par le fait que devant de nouvelles situations, nous avons
tendance à appliquer des stratégies de résolution de problème que nous connaissons déjà.
De plus, notre comportement et notre tempérament déclenchent chez les autres des réactions
qui, à leur tour, renforcent nos propres modèles. Les interactions répétées avec les autres peuvent
aussi renforcer certaines caractéristiques.
- Par exemple, un enfant qui s’autonomise et dont les parents renforcent positivement sa
prise d’initiative et d’indépendance va continuer à développer cette caractéristique.
La continuité des comportements est aussi entretenue par les « modèles internes construits à
partir de l’expérience ». Les psychologues et chercheurs constatent que l’effet d’une
expérience repose davantage sur l’interprétation que l’on en fait que sur les propriétés objectives
de l’expérience elle-même. Cela permet de mieux comprendre comment la même expérience –
par exemple un échec amoureux, du stress lors des examens – semble influer sur les individus
de façons aussi variées.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Chaque enfant se crée un ensemble de modèles internes à travers lesquels toutes les expériences
sont filtrées. Ces modèles internes sont constitués d’un ensemble d'attentes sur la façon dont les
autres vont agir. Ce sont des constructions (ou représentations) internes élaborées à partir de
notre expérience et de notre compréhension cognitive des événements. Ces modèles internes
influencent notre perception et guident nos comportements de façon qu'ils correspondent à nos
attentes.
Des exemples de modèles internes construits à partir de l’expérience sont le « modèle interne
opérant d’attachement » (M.I.O.) décrit par Bowlby, le modèle interne du concept de soi, les
modèles internes des relations sociales, ou encore le processus d’identification et d’introjection
des figures parentales en psychanalyse.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Chapitre 2
Méthodes d’étude et de recherche en psychologie du développement
L'approche longitudinale suit le développement des mêmes sujets à différents moments de leur
évolution (d'année en année par exemple). Ici chaque personne est comparée à elle-même au
cours du temps (on suit pas à pas l'évolution du comportement étudié). Cette méthode
longitudinale a servi de base à des travaux aussi importants que ceux de Piaget ou de Wallon
(ils se sont en fait servis du suivi de quelques cas pour élaborer leur théorie, souvent de leurs
propres enfants qu’ils observaient très régulièrement).
Afin de permettre la comparaison dans le temps, les instruments et les conditions d'observation
sont dans la mesure du possible identiques. On utilise par exemple, des épreuves standardisées
(tests). Notons qu'il faut souvent modifier les épreuves en tenant compte du développement de
l'enfant, mais on court alors le risque de ne plus mesurer tout à fait la même chose.
L'inconvénient majeur de la méthode longitudinale est qu'elle est longue et qu'il y a risque de «
perte des sujets » (par ex. à cause d’un déménagement, d’un changement d’école…). Une autre
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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L'approche transversale considère au même moment des sujets différents, d'âge différent. Les
groupes d’âge sont comparés sur la base de réponses et de performances à des épreuves
standardisées (groupes comparés selon le sexe, le niveau social, le niveau scolaire, ...).
Pour étudier l’acquisition et le développement des notions temporelles chez les enfants, on peut
par exemple étudier et comparer les réponses chez des enfants de 4 à 9 ans en les divisant en
plusieurs groupes d’âge : les enfants de 4 ans, de 5 ans, de 6 ans, de 7 ans, de 8 ans, de 9 ans.
Le fait de recourir à des sujets différents permet de leur appliquer à tous les mêmes tâches, alors
que dans une approche longitudinale, la répétition des examens a l'inconvénient de susciter des
effets secondaires indésirables tels que l'habituation, la facilitation par apprentissage ou au
contraire le désintérêt suite à la répétition de la situation. Mais la méthode longitudinale s’avère
précieuse si l’on souhaite vérifier que les évolutions observées au niveau des groupes
transversaux se retrouvent bien au niveau des individus (Lehalle et Mellier, 2013, p. 8). En
effet, lorsque plusieurs étapes de développement sont mises en évidence en comparant des
groupes d’âge, elles ne se retrouvent pas nécessairement au niveau de chaque individu.
La méthode transversale comporte aussi des inconvénients. Ainsi par exemple, en procédant à
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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des études de groupes et non pas d'individus, on abolit les différences entre individus au niveau
de leur rythme de développement (cette méthode gomme les irrégularités individuelles, les
régressions éventuelles, les avancées, ...).
Certains auteurs préconisent l'usage conjoint des deux méthodes, dans ce cas on suit
simultanément le devenir de plusieurs cohortes d'enfants d'âge différent. La comparaison des
résultats longitudinaux aux résultats transversaux permet de vérifier s’il y a eu ou non un effet
« test-retest » et si les trajectoires individuelles reflètent bien les différences entre les groupes
d’âge. Ainsi, la méthode « longitudinale transverse » comporte à la fois un aspect transversal
car des groupes d’enfants d’âges différents sont constitués au début de l’étude ; et un aspect
longitudinal, car chaque enfant de chaque groupe d’âge est suivi longitudinalement pendant un
certain temps.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
2.1. L'observation
L'observation est la méthode la plus discrète car l'observateur n'impose aucune contrainte de
type tests, conditions expérimentales, ... à l'observé.
Il convient de noter ici que les réalités psychologiques ne se révèlent pas d’elles-mêmes (Lehalle
et Mellier, 2013, 7-9). Toute observation implique de la part de l’observateur à la fois une
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
sélection d’indices (par ex. quand il va observer, ce qu’il va noter, s’il réalise un enregistrement
vidéo…) et un regroupement en catégories (il va assimiler et regrouper des comportements
différents ensemble dans une même catégorie). Les faits observés passent donc par la grille de
lecture de l'observateur et notamment par le filtre de ses questionnements : pour être instructive,
l’observation implique que l’observateur s’interroge sur une problématique ou question de
recherche et qu’il recherche les outils les plus objectifs pour trouver des éléments de réponse
(Lehalle et Mellier, 2013, p. 7). Le problème crucial de l'observation est l'établissement d'une
grille d'unités de comportements. La technique consiste à construire un répertoire
comportemental standardisé qui permet le découpage du flux comportemental (cf.
éthogramme).
Lors de la collecte des données, le chercheur relèvera, en continu ou par échantillons temporels
(time sampling) de 15" ou 30" par exemple, les occurrences de ces unités en les notant dans sa
grille d'observation.
Dans les recherches actuelles, on utilise des techniques d'enregistrement vidéographique qui
suppléent le regard humain. Celui-ci amplifie ou complète l'observation et permet d’effectuer
une micro-observation. Il permet d'autre part un codage différé des données recueillies par des
observateurs multiples. Lors de cette analyse différée sur écran (par exemple avec le programme
Observer-XT de Noldus), plusieurs observateurs munis de la même grille comportementale
vont coder indépendamment les données. Cette évaluation parallèle fait ensuite l'objet d'un
calcul de « fidélité inter-juges » (pourcentages d'accord ou corrélations). Une corrélation
d'environ .90 atteste d'une bonne fidélité inter-juges. La technique vidéo est ainsi le gage
d'objectivité de l'observation.
Le chercheur joue un rôle important dans les observations. Reprenons l’exemple proposé par
Lehalle et Mellier (2013) des études menées depuis longtemps sur les activités des enfants dans
les cours de récréation. Pour pouvoir étudier cela, il faut que l’observateur s’interroge sur une
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
question plus précise, par exemple le caractère solitaire ou social des activités, les types
d’échange et leur degré de convivialité, le caractère ludique ou violent des bagarres éventuelles
etc. Ce n’est donc pas l’observation en elle-même qui produit un objet d’étude, car une
observation n’est pas directement comparative. Mais plusieurs observations, recueillies
chacune dans des conditions précises, peuvent produire un objet d’étude comparatif, comme
par exemple « comparer les types d’interactions sociales dans la cour de récréation selon les
niveaux d’âge des enfants » (Lehalle et Mellier, 2013, p.7).
- le paradigme des conservations pour l’étude des opérations intellectuelles (dans la suite
des travaux de Piaget).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Henri Wallon, développementaliste français, a, tout comme Piaget, utilisé une méthode clinique
d'entretien verbal pour étudier la représentation du monde chez l'enfant. Cette technique est
celle de la conversation libre, individuelle, interactive, laissant parler l'enfant (pas de questions
standardisées comme dans les tests).
Au niveau méthodologique, il est intéressant de noter que la méthode clinique telle que
pratiquée en psychologie du développement, tient à la fois de l’entretien psychiatrique (d’où le
qualificatif de clinique) et de la psychologie expérimentale qui vise à mettre en évidence ce qui
est généralisable dans la conduite des sujets.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
L’approche mosaïque peut être décrite comme « une méthode multiple, participative, réfléchie,
adaptable, axée sur les expériences vécues par les enfants et incorporée dans la pratique » ayant
les caractéristiques suivantes :
4
Clark, A., McQuail, S., & Moss, P. (2003). Exploring the Field of Listening to and Consulting with Young Children. Thomas
Coram Research Unit. Department for Education and Skills creating opportunity, releasing potential, achieving excellence.
Research Report RR445. Queen’s Printer 2003. ISBN 1 84478 026 0
Clark, A. (2005). Ways of seeing: using the Mosaic approach to listen to young children’s perspectives. In Clark, Kjorholt, &
Moss, P. (eds.). Beyond Listening. Children’s perspectives on early childhood services. Bristol: Policy Press, pp. 29-49.
Clark, A., & Statham, J. (2005). Listening to young children. Experts in their own lives. Adoption & Fostering,
Vol. 29, N°1, 45-56.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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- Participative, ce qui signifie de considérer les enfants comme les experts et les acteurs de
leur propre vie, de leur donner une voix et une place active.
- Réflexive dans le sens où elle invite les enfants à réfléchir sur le sens et les significations
de leurs activités et expériences.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Une autre difficulté est en lien avec l'éthique du chercheur. On reproche parfois aux
recherches sur le comportement humain de ne pas respecter la vie privée des sujets et l'on
s'inquiète des conséquences néfastes qu'elles peuvent avoir sur le plan social, physique ou
psychologique. D'où la nécessité de respecter une éthique du chercheur (cf. code de
déontologie), destinée à protéger les personnes impliquées dans des expériences. Ainsi il
convient que le chercheur informe le sujet qu'il va l'étudier et qu'il obtienne son accord (le
consentement libre et éclairé). Dans le cas des bébés et des très jeunes enfants, c'est aux parents
de donner leur accord. Lorsqu'il s'agit d'enfants, on doit demander leur accord également.
Il est essentiel que les relations chercheur-sujet soient franches. Ainsi le chercheur doit révéler
au sujet la nature des tests et des observations proposés et répondre à ces questions. Le
chercheur doit préciser le but et clarifier tout malentendu. Le sujet a le droit de se retirer en tout
temps sans préjudice. Les données obtenues doivent rester confidentielles et anonymes (la
confidentialité). Il existe actuellement des comités d'éthique qui siègent notamment dans les
hôpitaux pour contrôler les projets de recherche et la conduite de ces recherches.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Chapitre 3
Le débat « nature et culture », « inné et acquis »
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Le courant associationniste est issu de l’empirisme de John Locke et postule que toutes les
connaissances viennent de l’environnement par l’intermédiaire des sensations, des perceptions,
des expériences. Pour Locke, « l’esprit est une tabula rasa » ; le cerveau des bébés était
considéré comme entièrement vide de toute connaissance au moment de la naissance.
Dans le courant associationniste, nous pouvons encore citer les théories de l’apprentissage ou
le behaviorisme (Watson, Skinner) qui développent l’image d’un enfant guidé dans son
évolution par conditionnements et renforcements positifs ou négatifs ainsi que le courant de
l’apprentissage social (Bandura). Ces théories se centrent principalement sur les conduites
d'apprentissage. Les behavioristes considèrent le nouveau-né comme un "récepteur passif" des
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
stimuli qui viennent du milieu dans lequel il vit et se développe. Le nouveau-né est prêt à
recevoir ces stimulations extérieures. Il pourra les coordonner grâce à l'expérience et à
l'apprentissage. Ils définissent l’apprentissage comme « tout changement relativement
permanent qui résulte de l’expérience ».
L'approche socio-cognitive, dont Bandura est le représentant le plus important, peut être classée
dans un mouvement néo-behavioriste. Bandura, comme tous les behavioristes d'ailleurs, met
l'accent sur les interactions de l'organisme et du milieu à travers le conditionnement. Bandura
stipule toutefois que le renforcement n'est pas une condition incontournable de l'apprentissage
ou de l'acquisition d'un comportement.
Le courant constructiviste est représenté par Piaget qui a toujours cherché une 3e voie pour
dépasser l’opposition entre l’empirisme et l’innéisme. Mais attention : le constructivisme ne
doit pas être perçu comme le « juste milieu » entre les deux courants précédents mais comme
une position théorique originale. L’idée est que le développement est constitué des réactions
des enfants aux sollicitations de l’environnement : l’enfant est activement impliqué dans son
évolution. L’enfant est acteur de son propre développement, il n’est plus considéré comme se
développant tout seul par la maturation, ni comme façonné passivement par les pressions
externes (Lehalle et Mellier, 2013, p. 17).
Des auteurs classiques tels que Vygotski (1896-1934) insistaient déjà sur le fait que le
5
Remarque : le courant interactionniste ou socio-constructiviste dont Vygotski fait partie adopte également une
conception constructiviste des relations entre l’inné et l’acquis, en mettant toutefois davantage l’accent sur le social
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
développement de l’enfant résulte de l’interaction entre la culture (le milieu social) d’une part
et la maturation (biologie) d’autre part. Cependant, pour l’école vygotskienne (Vygotski,
Valsiner…), c’est l’environnement social qui prédomine et non les processus de maturation
(Bee et Boyd, 2003/2008, p. 13).
De nos jours, de nombreux théoriciens affirment que les bébés possèdent à leur naissance une
structure initiale de prédispositions innées. Les prédispositions innées correspondent à un
mode particulier de réaction aux stimuli de l’environnement que possède le nouveau-né et qui
provient de son patrimoine génétique ou de l’effet de son environnement prénatal (Bee et Boyd,
2003, p. 11). Ces dispositions constituent un point de départ, elles permettent à l’enfant de réagir
et d’accorder de l'attention à des stimulations particulières.
Par exemple, l’enfant a tendance à réagir aux intonations aiguës de la voix humaine plutôt qu'aux
autres sons. Ainsi, quand il commence sa vie, l’enfant est déjà préparé à rechercher certaines
expériences particulières et à réagir à celles-ci.
Ainsi, actuellement, la plupart des psychologues du développement soulignent le fait qu’il existe
ou le culturel. Il aurait été possible de traiter ce point comme un sous-point du point 1.3 (c’est d’ailleurs le cas dans
plusieurs manuels en psychologie du développement).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
une interaction très complexe entre le milieu et l'hérédité comme facteurs déterminants du
développement de la personne, leurs travaux peuvent être qualifiés « d’interactionnistes »
(Gopnik, Meltzoff et Kuhl, 2005 ; Papousek et Papousek, 1993 ; Shell & Hall, 1980 ; Siegler,
2000). L’hérédité nous oriente plutôt vers des trajectoires de développement différentes, alors
que le milieu, s’il s’agit de milieux équivalents bien sûr, nous conduit plutôt vers des trajectoires
communes (cf. horloge sociale).
Depuis les années 1980, le cadre de recherche s’est élargi à l’ensemble des systèmes ou des
contextes dans lequel l’enfant grandit et se développe. Ainsi, pour étudier le développement de
l’enfant, la perspective écologique prend en considération la totalité du système écologique dans
lequel il évolue : la famille, le voisinage, l’école, les relations que les parents entretiennent entre
eux et avec leur propre famille…
Le modèle écologique a pris racine dans le domaine de la biologie et des sciences naturelles.
L'utilisation du modèle écologique dans le champ psychosocial est, quant à elle, beaucoup plus
récente. Les premiers écrits faisant référence au modèle écologique en psychologie datent
principalement du début des années 1970 (Source : http://www.cerfasy.ch/cours_modeco.php
(Prof. Robert Pauzé, Université de Sherbrooke, Canada)
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Ontosystème : l'ensemble des caractéristiques, des compétences, des habiletés, des ressources
ou vulnérabilités innées ou acquises d'un individu…
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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la garderie… L’enfant est influencé par cet environnement immédiat mais il influe aussi sur ce
dernier.
Macrosystème : le macrosystème englobe tous les systèmes précédents (micro, méso, exo) et
représente les valeurs et croyances d’une culture globale ou une sous-culture. La place accordée
aux enfants dans la famille, la manière d'éduquer un enfant, les attitudes adoptées par les parents
à l'égard de leur enfant sont en bonne partie le reflet des valeurs et des croyances partagées par
le sous-groupe culturel auquel appartient la famille.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Figure : Bronfenbrenner’s ecological systems theory (in Berk & Roberts, 2009, p. 28)
La perspective écologique développée par Bronfenbrenner n’est pas nouvelle. Des auteurs
classiques tels que Vygotski, psychologue russe (1896-1934)6 insistaient déjà sur le fait que le
développement de l’enfant résulte de l’interaction entre la culture (le milieu social) d’une part
et la maturation (biologie) d’autre part. Cependant, pour l’école vygotskienne (Vygotski,
Valsiner…), c’est l’environnement social qui prédomine et non les processus de maturation.
Actuellement, de nombreux auteurs font référence à ses idées pour élaborer une sorte de
6
Voir aussi rapport de recherche « Vygotski et l’éducation », Bee et Boyd, 2003, p. 13.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
constructivisme social (Schneuwly et Brockart, 1985, cités par Lehalle et Mellier, 2013, p. 24).
Vygostki estimait que les acquisitions des enfants se manifestent d’abord dans un contexte
social avant d’être possibles au niveau purement individuel (Lehalle et Mellier, 2013), c’est-à-
dire que selon cette perspective, les enfants présentent des performances meilleures soit quand
ils agissent en groupe, soit quand ils sont soutenus et guidés par une personne plus compétente
(un autre enfant ou un adulte). Ce décalage entre le niveau individuel de l’enfant et le niveau
collectif de fonctionnement est appelé « zone proximale de développement » (Vygotski, cité
par Lehalle et Mellier, 2013, p. 24).
Vygotsky aborde aussi la notion de découverte assistée (apprentissage avec l’aide de quelqu’un
qui facilite le développement).
- Lorsque la situation d’apprentissage est trop difficile, il n’y aura pas d’apprentissage.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Les modèles comme celui proposé par la chercheuse Frances Horowitz (1987) semblent
indiquer que l’interaction entre les qualités innées de l'enfant (vulnérabilité / flexibilité) et la
qualité de l'environnement (facilitant ou non facilitant) influe sur son développement. Un même
environnement aura sur les enfants des effets qui varieront selon les caractéristiques innées des
uns et des autres (par ex. tempérament, intelligence, tendances pathologiques).
Légende : Modèle d’Horowitz (1987) – in Bee, H. & Boyd, D. (2008). Les âges de la vie, psychologie du
développement humain. Paris : Pearson Education.
- Avoir un faible poids à la naissance (qui peut être lié à une naissance prématurée, une
dysmaturité…).
- Avoir un dysfonctionnement neurologique mineur ou des anomalies physiques.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Ces facteurs dits de protection ou encore de résilience confèrent une plus grande souplesse ou
une plus grande adaptabilité à l’enfant. Les « faiblesses » de l’enfant (facteurs de vulnérabilité)
et les facteurs de protection interagissent avec l’environnement de l’enfant, de sorte qu’un
même environnement (par exemple une même famille, une même école) aura des effets
différents selon les caractéristiques que l’enfant apporte dans cette interaction (Bee et Boyd,
2008, p. 11). Frances Horowitz, en 1987 et en 1990, a proposé un modèle développemental
interactionniste particulièrement explicite de cette interaction entre les caractéristiques de
l’enfant (vulnérabilité ou résilience) et le caractère plus ou moins « facilitant » de son
environnement.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
selon Bronfenbrenner) :
Voici quelques facteurs non facilitants liés au milieu de vie de l’enfant (cités par Bee et Boyd, 2003) :
- Avoir de pauvres relations interpersonnelles (par ex. dues à une négligence parentale).
- Vivre dans la pauvreté, dans une famille avec un faible niveau socioéconomique.
- Vivre une carence dans le soutien émotionnel.
- Etre confronté à la dépression maternelle (et donc l’indisponibilité émotionnelle de la
mère).
De même, un enfant vulnérable réussit fort bien à s’épanouir dans un milieu très facilitant. Les
enfants qui présentent des facteurs de protection (flexibilité) et ceux qui présentent des facteurs
de vulnérabilité (faiblesse) réagissent donc bien à un environnement facilitant (suffisamment
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Cependant, l’interaction d'un enfant vulnérable et d’un environnement non facilitant (par ex.
peu stimulant ou trop stimulant) peut engendrer des conséquences désastreuses pour son
développement (cf. la notion du double « mauvais sort »). Selon le modèle d’Horowitz, seul le
« double mauvais sort » - un enfant vulnérable qui grandit dans un milieu peu stimulant – donnera
de mauvais résultats développementaux, c’est-à-dire un développement inadapté ou
pathologique (Bee et Boyd, 2008, p.12).
La psychologie du développement a mis en évidence que les enfants vivent des moments de
fragilisation qui sont des moments clés dans leur histoire. Dans ces moments-là une perturbation
extérieure risque d’avoir de plus graves conséquences parce que les mécanismes de défense
sont plus facilement submergés (cf. moments opportuns-inopportuns, Bee et Boyd, 2003).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
7. Le concept de résilience7
7.1. Définition
Ce terme provient des sciences physiques. Il désigne la capacité d’un métal à résister aux
pressions pour reprendre sa structure initiale après avoir été déformé.
« La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer
à se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles,
de traumatismes parfois sévères » (Manciaux, 2001).
Le concept a été utilisé en psychologie en 1982 par Werner. Cette psychologue américaine a
suivi à Hawaï 700 enfants sans famille, sans école, vivant dans la rue et victimes d’agressions
physiques ou sexuelles. Trente ans plus tard, la plupart d’entre eux étaient devenus des adultes
fragiles psychiquement. Cependant, 28% avaient appris un métier, fondé une famille, et ne
7
Nous remercions Maud Melchiorre, suppléante de ce même cours de 2015 à 2017 pour la rédaction de ce point
sur la résilience.
65
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
souffraient pas de troubles psychiques majeurs. Elle en conclut que certains enfants avaient une
capacité particulière à surmonter les traumatismes ; elle nomma ces enfants, enfants
« résilients ». Pour la psychanalyse, « le traumatisme est un évènement de la vie du sujet qui se
définit par son intensité, l’incapacité ou se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le
bouleversement et les effets durables qu’il provoque dans l’organisation psychique »
(Laplanche, Pontalis, 1967).
Des études au sein de groupes exposés à la guerre, la pauvreté et la maladie chronique montrent
trois grandes catégories de facteurs favorables à la résilience : facteurs individuels (ressources
du sujet), familiaux (relations étayantes), de soutien (au sein d’un groupe social, groupe de
pairs, ...). Wolin et Wolin (1999) puis le psychanalyste Bessoles (2001) ont ainsi retenu sept
caractéristiques de personnalité susceptibles d’avoir un rôle protecteur face aux événements
difficiles (« tuteurs de résilience ») :
Certains auteurs considèrent que des relations précoces de bonne qualité seraient à la base de la
construction de la résilience et se centrent alors sur la théorie de l’attachement. Cyrulnik insiste
sur le fait que la résilience se construit dans la relation avec autrui. C’est ce qu’il appelle « un
tricotage de l’attachement ». Cela signifie que pour devenir résilient, l’enfant doit avoir connu,
66
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
avant le « fracas » du traumatisme, une certaine stabilité affective. Il reprend ainsi, l’idée
exprimée auparavant par Bowlby et Ainsworth, sur le lien d’attachement. Ces deux auteurs ont
découvert que l’enfant, dans les interactions avec sa mère, peut développer différents types
d’attachement : sécurisant, ambivalents, évitant, désorganisés. Selon le type de relation qu’il
aura réussi à établir, l’enfant saura plus ou moins bien se reconstruire après une blessure de la
vie. Les enfants ayant un type d’attachement sécurisant seront les plus aptes à être résilients.
Les « tuteurs de résilience » ou « tuteurs de développement » sont des personnes qui, placées
sur le chemin de l’enfant, vont le guider et le soutenir. Pour cela il faut que s’effectue «la
rencontre» c'est-à-dire « le fait que l’enfant résilient ait pu croiser et accrocher un jour un
adulte, ou au moins un aîné, qui lui a apporté de l’aide, de l’affection et de l’estime ». Les
« tuteurs de résilience » sont donc les personnes qui rendent possible la reprise d’un
développement après que l’enfant ait subi un traumatisme. Ces tuteurs peuvent être un parent,
un enseignant, éducateur, psychologue, ...
Les variables susceptibles d’inhiber les processus résilients sont les suivantes :
1. Intensité du traumatisme ;
2. Soudaineté de l’agression ;
3. Etat de santé mentale préalable du sujet ;
4. Absence de liens sociaux, professionnels et culturels.
Nous pouvons dégager certains traits de personnalité « garants » de protection contre les
comportements transgressifs : l’estime de soi, la confiance, l’optimisme et un sentiment
d’espoir ; l’autonomie ; l’endurance ou la capacité à combattre le stress ; la sociabilité ; la
capacité de vivre une gamme d’émotions ; des attitudes positives permettant de faire face à des
problèmes et de les résoudre.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
- La résilience comme trait, caractéristique intrinsèque du sujet. Un sujet résilient serait porteur
de traits de caractère singuliers, tels que l’estime de soi, l’autonomie, une orientation sociale
positive (Bouvier, 2001), une bonne santé et un tempérament facile, un attachement solide et
une sécurité de base, une compétence relationnelle, une compétence cognitive, une compétence
émotionnelle, une capacité et l’ooportunité de contribuer aux autres et la foi dans sa propre vie
(Gottlieb, 1999) ;
La résilience doit être pensée comme un processus dynamique, considérée « dans la multiplicité
de ses facettes (Lecomte préférant ainsi parler de résiliences plurielles) : en tenant compte de
l’âge du sujet ainsi que de la nature du traumatisme subi, ainsi qu’en portant attention autant
aux critères relatifs à la réalité externe (insertion sociale, réussite...) qu’à ceux relevant de la
réalité intrapsychique » (Lighezzolo et de Tychey, 2004, p 29).
8
Korff-Sausse (2002) pointe avec justesse les apports originaux de la psychanalyse au concept de résilience : elle postule que
la résilience se veut une notion descriptive alors que la psychanalyse se veut explicative, d’expliciter non pas les effets de la
résilience mais d’en comprendre les processus, les mécanismes à l’œuvre.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
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Coster & C. Mottrie. ULB.
Chapitre 4
Théories du développement humain
La catégorisation des principales théories du développement humain que nous proposerons dans
ce syllabus est (légèrement) différente de celle proposée dans l’ouvrage de Bee et Boyd (2003).
Cette catégorisation n’est pas exhaustive.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
1. Théories de la maturation
5. Théories humanistes
6. Théorie de l’attachement
Comme nous l’avons déjà vu, la maturation englobe les changements physiques (qualitatifs et
quantitatifs) déterminés par les informations du code génétique et communs à tous les membres
d’une espèce. Pour les théoriciens de cette orientation, tout comportement est conditionné par
le niveau de maturation organique et neurologique atteint par l'individu (Shell & Hall, 1980).
L'approche maturationniste permet de rendre compte de l'ordre et du moment d'apparition de
certaines conduites partagées par une espèce.
Exemple : le fait de tenir sa tête droite vers deux mois est dû à la maturation neuro- musculaire
des muscles du cou.
Notons que le point de vue maturationniste ne considère pas comme exclusif, mais comme
prévalent, le rôle du programme héréditaire.
L'influence du naturaliste anglais Charles Darwin (1809-1882) et de ses travaux sur l’évolution
des espèces vivantes (De l’origine des espèces, 1859) est nette. Selon Darwin :
- les comportements qui ont une signification de survie pour l'espèce, vont avoir tendance à
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
- l'origine de l'homme en tant qu'espèce (phylogénèse), autant que son origine comme
individu (ontogénèse) ne peuvent être saisie que dans la nature et chez l'enfant. Darwin a
une vision de l’homme en tant qu’espèce animale soumise aux lois de l'évolution naturelle ;
- l'adulte est le résultat d'une évolution personnelle qui commence à la conception (Cloutier
& Renaud, 1990, p. 15)9.
Ces théories se centrent principalement sur les conduites d'apprentissage. Les behavioristes
considèrent le nouveau-né comme un "récepteur passif" des stimuli qui viennent du milieu dans
lequel il vit et se développe. Le nouveau-né est prêt à recevoir ces stimulations extérieures. Il
pourra les coordonner grâce à l'expérience et à l'apprentissage. Ils définissent l’apprentissage
comme « tout changement relativement permanent qui résulte de l’expérience ».
Ø Dans sa théorie, il place le sujet au cœur d’une triade d’interactions entre facteurs
9
Cloutier, R., Renaud, A. (1990). Psychologie de l'enfant, Québec, Morin.
73
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Ø Bandura souligne encore le fait qu'un grand nombre de conduites sont acquises par
l'enfant grâce à l'observation et l'imitation. L'apprentissage par observation et
imitation est l'acquisition d'un comportement par l'observation d'un modèle ou d'une
personne. Il précise que l'enfant n'imite pas n'importe qui et n'importe quoi mais plutôt
des personnes avec qui il entretient des relations socio-affectives positives et qui ont
pour lui un certain prestige.
Piaget (1896-1980) est l’une des figures centrales de la théorie du développement cognitif chez
l’enfant, il est parti de la question suivante : « comment la pensée se développe-t-elle ? ».
Contrairement à l’approche behavioriste (théories des apprentissages), Piaget ne pense pas que
le milieu façonne l’enfant. Selon Piaget, les enfants cherchent activement à comprendre et à
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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s'adapter à leur environnement en explorant et en examinant les objets et les personnes qui les
entourent, ils participent donc activement à leur développement (cognitif et autre). Le
changement implique une réorganisation qualitative.
Piaget, tout comme d’autres précurseurs de la théorie cognitive tels que Vygotski et Werner, a
été frappé par le caractère régulier du développement de la pensée chez l’enfant, la séquence de
développement semble fixe, les enfants semblent tous faire :
Le rythme d'évolution (vitesse) à travers les stades du développement est toutefois propre à
chaque enfant, tout comme l'atteinte du stade final. Notez déjà que la perspective piagétienne
fait partie de ce qu’on appelle une approche des « structures cognitives communes » mais que
d’autres approches cognitives existent : par ex. le courant du traitement de l’information. Celle-
ci intègre les notions de capacités individuelles et de structures communes et en étudie les
mécanismes sous-jacents. Elle s'intéresse aux éléments de base de la cognition. Ex. : Stratégies
mnémoniques et résolution de problème.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Ces théories tiennent compte des expériences affectives passées qui ont pu influencer le
comportement des individus. L'élaboration du Moi représente l'élément fondamental du
développement de la personnalité (voir cours et TP d’Introduction à la Psychologie Clinique de
BA1).
- Économique: la vie psychique est parcourue par des forces d’intensité variable.
Freud propose deux topiques. La première est définie par trois « lieux » (1e topique) : le
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Les recherches les plus récentes en psychanalyse proposent que des facteurs tant internes
qu’externes participent à la construction psychique. Ainsi, Roussillon souligne : « j’ai pu
proposer l’hypothèse que l’une des sources majeures de la souffrance psychopathologique était
en lien direct avec les compétences qui n’avaient pas pu trouver l’environnement qui leur
permettait de s’actualiser, les potentiels qui avaient été contraints de dégénérer, c’est-à-dire
en lien avec ce qui n’avait pas pu avoir lieu, avec ce qui n’a pu se développer, s’accomplir »
(Roussillon, 2007, p.47).
Les recherches mais aussi la richesse de la clinique autour du bébé de ces dernières décennies
ont profondément nourri les théories psychanalytiques, amenant notamment l’importance du
corps dans la construction psychique et alimentant les réflexions depuis la théorie proposée par
Freud.
Roussillon (2007, p.46) amène ainsi que les théories psychanalytiques actuelles sont davantage
à considérer du côté de l’« épigénèse interactionnelle », théorie combinant les facteurs
génétiques et les facteurs de l’environnement au sein d’une conception plastique du
fonctionnement biologique. L’épanouissement des compétences du bébé va largement dépendre
d’un certain nombre de facteurs qui doivent être fournis « par l’environnement premier pour
qu’elles prennent sens dans la relation, s’actualisent, et puissent devenir appropriables. »
(p.46). Nous parlerons de façon plus approfondie des théories psychanalytiques dans le décours
du cours.
Les théoriciens humanistes comme Carl Rogers et Abraham Maslow, s’éloignent de l’approche
psychanalytique qui a tendance à mettre l’accent sur le développement pathologique.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
positive et pousse l'individu à réaliser pleinement ses capacités et à atteindre son plein potentiel
par l'actualisation de soi (« autoactualisation »). L’individu s’adapte continuellement et
restructure sans cesse l’ensemble de ses expériences qui peuvent occuper la conscience, telles
que les sensations, les perceptions et les pensées. Les théoriciens humanistes désignent cet
ensemble d’expériences par le terme de « champ phénoménologique ».
6. La théorie de l’attachement
Quels sont les points communs que les théories de l’apprentissage, cognitives, psychanalytiques
et humanistes ont en commun ? Quelles sont les principales différences entre ces multiples
théories du développement humain ?
Pour répondre à ces questions, Bee et Boyd (2003) proposent de tenir compte de deux axes (voir
aussi figure 1.7 in Bee et Boyd, 2003, p. 31) :
1) Est-ce que la théorie propose oui ou non une vision en termes de « stades du
développement » ?
2) Est-ce que la théorie voit le changement comme ayant une direction identifiable (avec
une finalité) ou non (sans finalité) ?
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Cette classification selon deux axes permet de situer les théories développementales :
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Chapitre 5
Les stades de développement psychosexuels selon Freud
Dans ce point nous allons décrire les stades du développement psychosexuel ou psycho-affectif
chez l’enfant tels qu’on les retrouve dans l’approche freudienne (Bee et Boyd, 2003 ; Freud,
1905 ; Golse, 1992, Le développement affectif et intellectuel de l'enfant. Paris : Masson). Freud
conçoit le développement du psychisme en fonction de la succession des stades de la libido
(évolution libidinale) ou de la sexualité au sens large.
Le livre de Roussillon est un excellent ouvrage de référence qui présente les théories
psychanalytiques ainsi que ses évolutions. (Roussillon, Manuel de psychologie et de
psychpathologie clinique générale, 2007)
Rappelons que pour Freud, la sexualité est à comprendre de façon générale, comme la recherche
d’un plaisir lié aux diverses zones érogènes, cela bien avant la maturité génitale de la sexualité,
telle qu’elle se manifeste à l’adolescence (Lehalle et Mellier, 2013, p. 267. La notion de
psychosexuel chez Freud doit s'entendre comme désignant un développement du psychisme en
fonction de la sexualité. L'organisation du développement psychosexuel se met en place au
cours de différents stades.
10
Roussillon R. (2018), Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale, Elsevier Masson, 3ème
édition.
82
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
C’est dans ce double processus plaisir-déplaisir que se constitue une théorie de la sexualité
infantile. « Ainsi, les « théories » à partir desquelles l’enfant « signifie » son expérience du
monde et de lui-même sont « des théories sexuelles infantiles ». Elles sont des théories du plaisir
et du déplaisir, des théories de ce qui provoque le plaisir, des théories de ce qui fait souffrir, de
ce qui soulage, de ce qui soigne, des théories du traitement de la pulsion (et par la pulsion) et
des grandes énigmes qu’elle produit dans la vie psychique. » (p.25)
Chacun de ces stades met en œuvre une zone érogène (par exemple la bouche dans le stade
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
oral), définit des tendances (par exemple expulser ou retenir au stade anal) et des relations (par
exemple autoérotiques au stade phallique). Les stades du développement se succèdent de façon
très progressive, en laissant des traces à partir desquelles les points de fixation ou de régression
sont susceptibles de se cristalliser et de déterminer l'apparition de troubles particuliers (par
exemple, selon cette théorie, la psychose renvoie à des frustrations dès le stade oral).
La pulsion a 4 zones:
- La source d’où elle jaillit. Le bébé adore sucer, téter ; cela donnera plus tard le
plaisir oral: fumer, boire, certaines toxicomanies où l’on recherche un plaisir oral
jusqu’à la psychopathologie;
La pulsion est toujours ancrée dans le corps et son apaisement n’est jamais total, ce qui peut
être traumatique (ou pas).
2. La naissance
Freud fut le premier à souligner le danger de ce qu'il a appelé « la situation initiale », danger
possible en raison de la séparation initiale biologique de la mère et de son nouveau-né et de
l'afflux brutal pour celui-ci d'excitations sensorielles venant du milieu extérieur aérien. O. Rank
parlait à ce propos du « traumatisme de la naissance » qu'il considérait comme le réservoir de
toutes les angoisses ultérieures.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Durant la première année d'existence, la bouche est le principal centre de la stimulation. Selon
Freud, la tâche développementale principale associée à ce stade est le sevrage.
La zone érogène encore appelée source de pulsion est la zone bucco-labiale mais aussi tous les
organes sensoriels (vision, toucher tout particulièrement). Durant cette période, il s'agit pour le
bébé de faire passer à l'intérieur de soi des éléments du monde extérieur.
L'objet pulsionnel est le sein maternel ou son substitut. Selon la théorie freudienne, le sein
provoque « la satisfaction libidinale étayée sur le besoin physiologique d'être nourri » (théorie
de l'étayage).
- l'incorporation des objets (en avalant « l'objet » l'enfant se sent uni à lui). A ce stade, avoir
l'objet en soi revient à être l'objet.
- Le stade oral tardif ou phase sadique orale (6 à 12 mois) marqué par le désir de mordre, par
le désir « cannibalique » d'incorporation du sein. A ce stade, l'ambivalence se développe à
l'égard de l'objet : en suçant le sein, l'enfant l'attaque en même temps, en le mordant.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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La relation objectale : selon la théorie freudienne, c'est au stade oral que débute l'évolution de
la relation objectale. Cette évolution est marquée par le passage du narcissisme primaire (régi
par le principe de plaisir) au stade anaclitique. Dans la théorie psychanalytique, le stade
narcissique11 correspond à l'état anobjectal de non-différenciation par l'enfant de son corps
propre et de l'extérieur (donc de sa mère). Peu à peu par la répétition des expériences orales de
satisfaction et de frustration, le sein, premier objet partiel, commence à être perçu. La relation
est alors anaclitique, ce qui signifie que l'enfant s'appuie sur les moments de satisfaction pour
former les premières traces de l'objet. Les frustrations, le sevrage par exemple, vont permettre
la différenciation mère-enfant et le développement du principe de réalité.
Vers la fin de la première année, la mère commence à être reconnue dans sa totalité, ce qui
introduit l'enfant dans le domaine de la relation d'objet total. Cette phase de reconnaissance de
l'objet total peut être rapprochée du deuxième organisateur du Moi développé par Spitz, à
savoir l'angoisse du 8ème mois. Le premier organisateur du psychisme étant le sourire social
vers 3 mois.
La région anale est le centre de la stimulation durant la deuxième et la troisième année de vie
de l’enfant. Ce stade commence avec le début du contrôle sphinctérien. Selon la théorie
freudienne, la tâche principale de ce stade est l'apprentissage de la propreté.
11
Selon Freud (repris par Laplanche et Pontalis, 1967), la notion de narcissisme primaire désigne un premier état
de la vie, antérieur à la constitution du Moi, dont la vie intra-utérine représenterait l'archétype (le sommeil en serait
une reproduction plus ou moins parfaite). Source : Laplanche, J., Pontalis, J.-B. (1967). Dictionnaire de la
Psychanalyse. Paris : PUF.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
L'objet pulsionnel est représenté par les matières fécales dont les significations sont multiples:
il s'agit d'un objet excitant la muqueuse, mais aussi d'une partie du corps propre que l'enfant
peut soit expulser, soit retenir. Cet objet devient / peut devenir de la sorte un moyen de
transaction (une monnaie d'échange) entre les parents et l'enfant. L’apprentissage de la propreté
peut en effet devenir source de conflit car la question du contrôle est centrale dans cette période :
le contrôle des sphincters certes mais aussi le contrôle dans la relation parents-enfant. « Je
décide si je te fais ce cadeau ou non ».
- en une recherche d'exercer une pression sur les objets et les personnes que l'enfant commence
à différencier.
Les sous-stades : K. Abraham a également distingué pour le stade anal, deux sous-stades :
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
d'expériences douloureuses.
- d'autre part, ces matières anales peuvent prendre la valeur d'un « bon objet » (cadeau) ou
celle d'un « mauvais objet » (arme).
Toujours selon Freud et Abraham, c'est à ce stade que l'enfant va consolider la frontière entre
l'intérieur et l'extérieur, entre le Soi et le Non Soi et qu'il va prendre plaisir dans la manipulation
relationnelle des objets extérieurs (sa mère ou son substitut) (Golse, 1992). A la lumière de ces
données théoriques, selon les psychanalystes, l'éducation sphinctérienne ne doit ni être trop
précoce, ni trop rigide afin que l'enfant ait le temps d'éprouver un certain pouvoir sur l'autre et
qu'il n'ait pas à s'identifier à un Surmoi parental trop tyrannique.
C’est durant cette période, vers 2 ans, qu’apparaît le troisième organisateur du psychisme
selon Spitz : à savoir le fait de dire « non ». Cette façon répétitive qu’a l’enfant de dire non à
cette période est une mise au travail du processus de séparation-individuation d’avec ses images
parentales.
Ainsi, toute tentative d'éducation à la propreté avant la maîtrise de la marche risque de se solder
12
Tourette, C., Guidetti, M. (1994). Introduction à la psychologie du développement. Paris : Armand Colin.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
par un échec. Après cette étape en revanche, l'enfant présente la maturité neuro-motrice
nécessaire à ce contrôle et est disponible pour l’apprentissage de la propreté.
Si l'enfant marche à quinze mois, il pourra être propre (c'est-à-dire signaler ses besoins
d'évacuation à temps et se retenir un moment) vers vingt mois, mais on peut considérer que
l'âge de deux ans est un âge normal pour l'acquisition de la propreté diurne.
Selon Freud, le complexe d’Oedipe est un moment fondateur de la vie psychique (Golse, 1992).
La source pulsionnelle ou zone érogène se déplace vers les organes génitaux et reste
l'excitation sexuelle recherchée dans la possession du partenaire privilégié du couple parental
(le père pour la petite fille, la mère pour le petit garçon).
L'objet de la pulsion est représenté par le pénis chez le garçon comme chez la fille, conçu ici
non pas comme organe génital mais comme organe de complétude narcissique (nommé phallus)
(Marcelli, 1996). Ainsi, on peut dire que le stade phallique demeure un stade prégénital car le
pénis est davantage conçu comme un organe porteur de puissance, ou de complétude
narcissique, que comme un organe strictement génital. L'objet de la pulsion est précisément le
partenaire privilégié du couple parental.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
C'est à ce stade que se manifeste la curiosité sexuelle infantile. Selon Freud, l'enfant prend
conscience de la différence anatomique des sexes (c'est-à-dire de la présence ou de l'absence de
pénis). Il note encore qu’il existe des différences entre le garçon et la fille en ce qui concerne le
complexe d'Oedipe.
Chez le garçon :
Le complexe d'Oedipe pour le petit garçon n'entraîne pas un changement d'objet d'amour (l'objet
d'amour initial est déjà la mère). Chez la fille, par contre, un tel changement d'objet doit se
mettre en place. La mère est pour le garçon, l'objet de la pulsion sexuelle. Il convient donc pour
lui de déployer vis-à-vis d'elle toutes ses ressources libidinales. Le père quant à lui devient
l'objet de rivalité ou de menace, mais en même temps l'objet à imiter pour s'en approprier la
puissance par un processus défensif d’identification.
Chez la fille :
Selon Freud, par le jeu des identifications, la fille souhaite prendre la place de sa mère auprès de son
père, la rivalité ainsi instaurée avec sa mère l'amène à se détourner d'elle et donc à changer d'objet
libidinal. Ce changement conduit la fille à un nouveau but, à savoir celui d'obtenir du père ce
que la mère ne lui a pas donné : le phallus. Dans la théorie freudienne, la fille va renoncer au
phallus mais cherche un dédommagement auprès de son père, sous forme d'un enfant de celui-
ci. Toujours selon Freud, à l'égard de la mère, la fille développerait une jalousie haineuse. Celle-
ci est accompagnée de culpabilité car la mère demeure une source primordiale de satisfactions
pulsionnelles.
Freud explique que le « déclin du complexe d'Œdipe » est caractérisé par le renoncement
progressif à posséder l'objet libidinal sous la pression de l'angoisse de castration chez le garçon
et la peur de perdre la mère chez la fille. Les déplacements identificatoires, les sublimations
permettent à l'enfant de trouver d'autres objets de satisfaction, en particulier dans la socialisation
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Selon Freud, la période dite de latence est caractérisée par la mise en veilleuse de la sexualité,
se traduisant par la désexualisation des pensées et des comportements des enfants et par la
ségrégation sexuelle dans les interactions sociales. Lors de cette période du développement, les
conflits deviennent moins importants, les mécanismes de défense se mentalisent davantage.
Freud note encore un respect envers les images parentales et un intérêt pour des activités
sociales plus larges.
Selon les psychanalystes, la période de latence s'étendrait sur six longues années, recouvrant
l'ensemble du cycle de l'enseignement primaire. Les psychologues du développement désignent
plutôt la période de latence par l’expression la « grande enfance » J. Royer (2000, p.237)
propose de subdiviser la grande enfance en trois phases : début (5,6 et 7 ans) ; la phase
intermédiaire (8, 9 et 10 ans) ; celle de la fin (11 et 12 ans).
L'étude concernant la « grande enfance » a été assez délaissée par les chercheurs en psychologie,
qui semblent avoir privilégié celle de la petite enfance ou de l'adolescence. D’après Royer
(2000)13, ce désintérêt des chercheurs pour la « grande enfance » est explicable par le fait que
ce temps de la vie a été couramment désigné, depuis presque un siècle, sous le terme de
« période de latence » par les psychanalystes, « située entre l'effervescence affective de la prime
enfance clôturée par "l'Œdipe", et l'avènement des remaniements orageux de la puberté »14.
Cette période était considérée par Freud, qui l'a peu étudiée, comme aconflictuelle, en raison
13
J. Royer (2000). Découvertes de la grande enfance de 6 à 12 ans. Paris : Desclée de Brouwer, pp. 11-12
14
C'est-à-dire que la période de « latence » était considérée comme un espace affectif dans lequel il ne se passerait
pratiquement rien, si ce n'est qu'une attente : « une "latence" immobile, creuse, passive, sans conséquence, et
partant sans intérêt ni théorique ni pratique ». Or, si le terme de « latence » évoque bien l'attente, il évoque aussi
de par son étymologie latine (latens < latere = être caché) « quelque chose de caché mais de bien présent et même
susceptible d'émerger de façon impromptue ».
92
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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d'une modification et une mise en veilleuse de la sexualité. Selon Freud, l'énergie sexuelle est
relativement inactive durant cette période, comme s'il s'agissait d'une période d'attente,
d'accalmie psychosexuelle. En réalité, on peut voir que les conflits des stades précédents
persistent en partie, mais se montrent moins importants et plus mentalisés (Golse, 1992).
Selon les psychanalystes, l’enfant de la latence est un enfant qui a oublié ses désirs incestueux
et agressifs envers ses parents. La liquidation ou le déclin du complexe d'Oedipe suppose en
effet l'identification de l'enfant au parent du même sexe et le refoulement du conflit qui l'oppose
à ce même parent. Selon Freud, le dénouement de la crise œdipienne va permettre la naissance
de sentiments plus nuancés. A ce stade, l’enfant va manifester des sentiments de tendresse, de
l’affection, du respect envers les images parentales ainsi que différentes manifestations
sublimées de l'amour ; les mouvements agressifs envers le parent du même sexe se renversent.
Selon les psychanalystes, l'identification au parent de même sexe, qui marque la fin de la
période phallique, va maintenant s'étendre aux autres personnes de même sexe. On observe une
ségrégation sexuelle importante dans les interactions sociales ainsi que le développement des
mécanismes de défense. On observe aussi une désexualisation des pensées et des
comportements. L'enfant devient plus sociable, plus disponible pour des apprentissages
scolaires. Enfin, les psychanalystes notent une extension extra-familiale de la problématique
oedipienne. L'enfant est attiré vers des activités sociales plus larges, vers des milieux
relationnels différents (école, groupes sportifs, ...) (Golse, 1992 ; Royer, 2000).
Pour conclure, nous pouvons dire que de façon générale la théorie freudienne du développement
de l’enfant estime que l'enfant qui atteint la phase de latence se trouve libéré des préoccupations
affectives et que son énergie est enfin libre pour de nouveaux investissements dirigés vers le
monde extérieur. L’enfant oriente ses pulsions sexuelles vers des buts nouveaux : la curiosité
sexuelle devient, par un processus de sublimation, une pulsion de recherche et de savoir.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
7. La puberté et l'adolescence
Pour les psychanalystes, il s’agit plus d’une « crise » que d’un « stade ». Ils notent la réactivation
des intérêts sexuels, sous la pression des bouleversements physiques de la puberté.
La zone érogène génitale est à nouveau réinvestie et des problématiques infantiles, notamment
orales peuvent être réactivées et déboucher sur des pathologies comme l'anorexie, la
toxicomanie, ... Dans ce contexte, les mécanismes de défense les plus archaïques (clivage, déni,
idéalisation) réinterviennent souvent.
L'adolescence est caractérisée par une crise narcissique et identificatoire. Les conflits et
« tâches développementales » sont nombreux à cette période et se situent à différents niveaux
(Gillot-de Vries, 2004) :
- l'autonomisation par rapport aux parents est souhaitée et en même temps elle est crainte;
- le rapport au corps est modifié car il y a avènement de la maturité sexuelle (pleines capacités
de la réalisation sexuelle) et apparition des caractères sexuels secondaires;
- le deuil des objets infantiles (images parentales) entraîne parfois une certaine dépressivité;
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Tous ces conflits sont souvent difficiles à élaborer d'emblée et sont « agis » par l'adolescent de
façon plus ou moins intense. Ces passages à l'acte sont de l'ordre de la colère, mais aussi parfois
de la fugue ou même de tentatives de suicide. Dans cette bataille pour l'autonomisation, les
phases dépressives sont fréquentes et non forcément pathologiques. Elles ont une valeur
maturative incontournable car elles permettent le deuil de l'enfance (Ferrari et Epelbaum, 1993).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Chapitre 6
La période périnatale15
Nous avons vu dans les premiers chapitres du cours que tant le patrimoine génétique de l’enfant
que l’environnement dans lequel il grandit impactent son développement.
Dans ce chapitre, nous mettrons en évidence la façon dont la période périnatale est
particulièrement importante dans le développement de l’enfant. Nous y abordons des concepts
qui permettent de penser cette période délicate du point de vue du bébé, de ses parents et grands-
parents.
Ainsi, la période prénatale a toute son importance car il s’agit de faire une place à l’enfant à
naître, également une place au sens psychique du terme. Missonnier parle d’ailleurs de
« premier chapitre de la vie ».
1. Le désir d’enfant
Selon Bydlowski (1980), désirer un enfant est une démarche consciente, qui s’intègre dans un
« plan de vie » en relation avec les idéaux sociaux et familiaux de chaque individu. « Lorsque
tout se passe bien, sans embûches, le désir d’enfant est à peine interrogeable. Il est naturel,
précipitamment accompli et vite saturé par son objet d’élection, l’enfant ». (Bydlowski, 1998,
p.65). Cependant, il apparaît aussi que « la transmission de la vie échappe complètement ou
partiellement à ceux qui la transmettent » (p.85). Ainsi, le désir d’enfant contient également
15
Ce chapitre est tiré de la thèse de doctorat de Cindy Mottrie : Etudes des liens filiatifs et affiliatifs chez des mères
hospitalisées en unité parents-bébé et leurs retentissements sur les interactions mère-bébé, 17 février 2017,
Université Libre de Bruxelles.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Soulé (1983) considère que l’enfant imaginaire est le fruit du désir oedipien, il est investi d’une
part importante de projection narcissique, au sens où cet enfant rêvé par la petite fille est celui
dont la mère rêvait elle-même et que sa fille n’a pas été. Par contre, Lebovici (1995) différencie
l’enfant imaginaire de l’enfant fantasmatique. Ce dernier est décrit de façon similaire à l’enfant
imaginaire décrit par Soulé. Cependant, Lebovici insiste sur la notion de transmission des
conflits inconscients. L’enfant fantasmatique est celui qui alimente les rêveries maternelles
(caractéristiques du futur bébé, interactions.).
Pour que le bébé réel puisse exister comme sujet, il est nécessaire que l’enfant imaginaire cède
la place au bébé de la réalité. C’est pour cette raison, qu’il est généralement dit qu’au moment
de la naissance, parents et bébé doivent s’adopter mutuellement.
En ce qui concerne le désir d’enfant chez le garçon, Fourez (2004) décrit le parcours
psychoaffectif de façon plus linéaire que chez la fille. Effectivement, le désir sexuel menant au
désir d’enfant prend racine dans le lien premier à la mère. Contrairement à la fille, le garçon ne
devra pas changer d’objet d’amour comme devra le faire la petite fille. De l’objet d’amour mère
des débuts, elle doit opérer un changement vers l’objet d’amour paternel. Elle reviendra par la
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
suite vers la mère. Selon l’auteur, le désir d’être père est plus prégnant que le désir d’enfant
pour l’homme.
Plusieurs auteurs (Watillon, 1985 ; Fourez, 2004) estiment que le désir de grossesse et le désir
d’enfant sont deux choses différentes. La mise à jour d’une différenciation entre ces deux désirs
peut émerger dans les grossesses dites « imprévues ». Le sens donné à chacun de ces désirs
diffère symboliquement et psychiquement, seule la femme pourra le donner.
Le ventre arrondi de la femme enceinte peut par exemple jouer le rôle de confirmation de
l’identité féminine (Fourez, 2004 ; Watillon, 1985). Dans certains cas, notamment dans les
grossesses adolescentes, le désir de grossesse supplante le désir d’enfant. La grossesse peut
jouer alors le rôle de confirmation de l’identité féminine. Les demandes d’avortement peuvent
mettre à jour la prévalence d’un désir de grossesse sur le désir d’enfant.
Lorsqu’une femme « tombe » enceinte pour tester son potentiel de fertilité, la réalisation
concrète de la grossesse amène également l’image de l’enfant. « Si, auparavant, la grossesse
était conçue sur un mode narcissique plus qu’objectal, en tant que complétude de la femme,
voire comme un remède antidépressif pour combler un vide ou un deuil récent, alors l’enfant
peut être perçu comme quelque chose de différent de la grossesse, et même un obstacle
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
s’opposant à des projets professionnels ou d’études. Parfois, cet enfant devient un rival sur le
plan imaginaire en prenant la place de la composante infantile de la femme qui aura désiré sa
grossesse comme un jeu. » (Pasini, 1980, p.118).
La grossesse en elle-même peut amener d’intenses angoisses chez la mère (Watillon, 1985).
3. La contraception
Avant même que le bébé ne naisse, de nombreux mouvements psychiques sont imprimés dans
et par son environnement. Ainsi, dans son article « le premier chapitre de la vie ? nidification
fœtale et nidation parentale », Sylvain Missonnier16 propose de considérer la grossesse comme
le premier chapitre de la vie, en y intégrant le processus de pensée autour du bébé à naître et en
mettant en exergue la tension actuelle autour du fœtus. « Or, en la matière, les procédures
médicales du suivi de grossesse ont singulièrement complexifié l’intendance de cette
anticipation. D’un côté, le fœtus, devenu « patient » du diagnostic anténatal, membre exposé de
la famille dès son premier cliché échographique dans l’album, « sujet » d’une possible
ritualisation du « deuil » en cas de « décès », ou encore survivant-né dans un utérus artificiel en
16
Missonnier, S. (2007). Le premier chapitre de la vie ? Nidification fœtale et nidation parentale. La psychiatrie
de l'enfant, vol. 50,(1), 61-80. doi:10.3917/psye.501.0061.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Tout une narrativité, une mise en mots, une mise en histoire(s) se met en place autour du bébé
à naître. Ceci concerne ce qui se dit du bébé à naître, des parents qui l’attendent, des
mouvements familiaux provoqués par la grossesse et la naissance, etc. L’arrivée d’un bébé
bouscule les repères identitaires des futurs parents, les places au sein de la famille et remet en
jeu l’histoire inter- et transgénérationnelle. « On ne naît pas parent, on le devient », c’est un
processus qui débute d’une certaine façon avant même la conception. Nous allons nous arrêter
sur les grands auteurs qui ont conceptualisé ce champ.
17
IVG : Interruption volontaire de grossesse. IMG : Interruption médicale de grossesse.
18
Garon-Carrier, G. (2014). Le stress prénatal et le développement humain : une réponse adaptative à un environnement
adverse ou un effet tératogène au développement de l’enfant ?. Devenir, vol. 26,(4), 291-305. doi:10.3917/dev.144.0291.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Ainsi, on peut supposer que les facteurs génétiques ou encore l’environnement postnatal ne sont
pas les seuls déterminants de la capacité à réguler la réponse physiologique aux situations
stressantes Le milieu de vie maternel durant la période de grossesse semble effectivement avoir
un impact sur cette capacité de régulation du stress. « A cet effet, plusieurs résultats d’études
suggèrent qu’un dysfonctionnement de l’axe HHS est associé à une moins bonne capacité à
s’adapter aux situations stressantes (O’Connor, et al., 2005) et s’accompagne de difficultés
développementales dans plusieurs sphères de vie de l’enfant (sociale, cognitive, émotionnelle,
etc.) (Charil, et al., 2010 ; Laplante, Zelazo, Brunet, et al., 2007 ; Laplante, Brunet, Schmitz, et
al., 2008 ; King, et al., 2009). » (p.292).
Dans une revue de la littérature, Missonnier19 reprend ce qui se dégage en majorité des études
relatives au stresse prénatal. Ces études se sont concentrées sur les conséquences du stress
prénatal de la mère sur la grossesse en tant que telle, « en particulier, sur trois issues : la
prématurité, le faible poids de naissance du nouveau-né et les modalités de l’accouchement. À
l’évidence, les hypothèses en faveur d’une corrélation entre le stress maternel, la prématurité
et la réduction du poids prennent de la consistance au fil des études, (...) La consommation
d’alcool, de tabac, de drogues pendant la grossesse étant réputée être des variables
significatives pour la prématurité et la diminution du poids du bébé, leur frontière commune
avec celle du stress est régulièrement évoquée sans que les différents facteurs ne soient toujours
bien distingués. » (Missonnier, 2013, p.47-48).
Il ajoute encore que le support social efficace durant la grossesse et des stratégies de coping
adaptée vont limiter les effets du stress. « L’humeur dépressive et la dépression constituent des
facteurs aggravants ». (p.51). De nombreux facteurs sont impliqués dans la notion de stress
prénatal. Il n’est pas simple de dégager ce qui relève de l’anxiété comme étant un trait de
19
Missonnier, S. (2013). Grossesse, stress et psychanalyse. Un débat primordial. La psychiatrie de l'enfant, vol.
56,(1), 37-66. doi:10.3917/psye.561.0037.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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D.W. Winnicott était un pédiatre, psychiatre et psychanalyste (après la rencontre avec les textes
de Freud) britannique. Il était psychanalyste didacticien de la British Psychoanalytical Society.
Chef de service à l’hôpital pour enfants Paddington Green à Londres. De par sa pratique clinique
autour du bébé et son intérêt pour le développement de la vie psychique, il a beaucoup contribué
à conceptualiser les mouvements psychiques propres à la période périnatale.
A la différence de Freud, il a une clinique directe avec de petits enfants et des adolescents. Dans
ses consultations et sur base d’intuitions cliniques, il invente des dispositifs cliniques intégrant
notamment les parents dans la thérapie d’enfants. Actuellement, aucun thérapeute
n’envisagerait de travailler sans les parents. Il se démarque de Sigmund Freud, d’Anna Freud
et des Kleiniens pour construire sa propre pensée. Son œuvre est devenue populaire parmi les
spécialistes, psychiatres, psychologues, pédiatres et éducateurs, parfois aussi auprès du grand
public.
Il réalise que travailler en s’appuyant sur les ressources parentales et conjointement avec la
mère, a un effet sur l’enfant. Thérapeute d’enfants, il a observé directement des nourrissons :
l’enfant est observé et pas reconstruit comme dans la théorie freudienne. Winnicott se démarque
aussi de la pensée freudienne en considérant que ce qui est premier c’est l’amour de l’objet.
Alors que pour Freud, c’est la pulsion.
Un bébé, dès qu’il naît (et même dès la grossesse), est un être de relation. Il est important qu’il
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Ainsi, dans les conditions optimales du développement, les expériences précoces vont prendre
corps dans un environnement facilitant (Winnicott, 1965), environnement rassemblant des
conditions favorables au développement de l’enfant. En premier lieu, cet environnement est
proposé par la sphère parentale, puis relayé par la sphère familiale élargie. « Le devoir
biologique des parents ne se réduit pas à prendre soin de l’enfant, à défendre ses intérêts
matériels, ce devoir est double : nous savons très précisément que l’exigence de conservation
de l’espèce n’est remplie qu’à condition qu’un lien affectif se forme entre les partenaires
sexuels. Lorsque l’évolution du lien affectif au partenaire se dégrade, de lourdes difficultés
apparaissent [...] les parents sont les premiers de la série des rencontres qui précèdent celle du
partenaire sexuel. Les parents doivent donner la possibilité à l’enfant d’établir la relation d’objet
dont il aura besoin plus tard. [...] Quand nous voyons la chose du point de vue de l’enfant, nous
disons : à la puberté, l’enfant doit tuer symboliquement son père et sa mère » (Aichhorn, 1933-
1934, cité par T. Aichhorn, 2007, p 159-160). L’enfant seul n’existe pas, il n’existe qu’en
relation avec le monde extérieur. Plusieurs expériences psychiques précoces concourent à la
constitution d’un environnement suffisamment bon : tout d’abord, la préoccupation maternelle
primaire, le processus d’illusion/désillusion, le rôle de miroir joué par la mère (ou substitut
maternel), le holding, le handling et enfin l’object-presenting. En découle pour le sujet la
construction d’un vrai self ou d’un self d’emprunt nommé faux self.
Winnicott (Winnicott D. W., 1956) circonscrit cette période de quelques semaines avant
l’accouchement à quelques semaines après. Dans cet intervalle, la mère se montre tout
spécialement capable de s’adapter aux tous premiers besoins du nouveau-né, avec délicatesse
et sensibilité, dans une sorte de repli. Elle capte des signaux qu’elle est à même de décoder et
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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d’interpréter avec une efficacité extrême. Cet état peut être comparé à une dissociation, voire à
un état schizoïde, une forme de « maladie mentale normale ». Il existe des variations
individuelles « Certaines femmes y parviennent avec un enfant et échouent avec un autre…
d’autres ne sont pas capables de se laisser aller à cet abandon ». La mère serait ainsi dans une
forme d’identification régressive à son bébé. Tustin parle de « gestation psychique » comme
poursuite de la grossesse anatomique (Bydlowski & Golse, De la transparence psychique à la
préoccupation maternelle primaire, 2001) .
Cette disposition spécifique de la mère caractérisée par son extrême sensibilité à l’égard de tout
ce qui a trait à son nourrisson, permet l’étayage du Moi de l’enfant en lui offrant une continuité
d’existence et la possibilité d’évoluer dans un milieu sécurisant, parfaitement adapté à ses
besoins. Winnicott parle d’un état normal, même si les mots qu’il utilise empruntent beaucoup
au registre de la psychopathologie. Dans un premier temps, les besoins et attentes du bébé
représentent des besoins corporels qui vont progressivement évoluer en besoin du moi. Le
besoin du bébé évolue par la suite du domaine corporel au domaine psychique dans la quête
d’une différenciation Moi-non Moi.
Proche de la capacité de rêverie de la mère dont parle Bion, l’enfant aurait besoin « de se
retrancher du monde pour faire de la réalité sa réalité, grâce à la médiation symbolisante des
objets, grâce à cette présence active, contenante, détoxicante (W. Bion, 1963) de l’objet
maternel » (Marty, 2007, p 11). Cette capacité de rêverie « décrit l’état d’esprit réceptif à toutes
les projections de l’être aimé, et capable d’accueillir ses identifications projectives, bonnes ou
mauvaises » (Roussillon, 2007, p.65).
Pour Bion, cette activité maternelle viendrait se suppléer à l’absence d’appareil à penser du
bébé. Il la nomme fonction alpha : sa fonction est la transformation des éléments bêta, c'est-à-
dire des sensations brutes non assimilables, non pensables par le bébé en éléments alpha, à
104
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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savoir une représentation pensable et transformable, disponibles pour la pensée. Ceci mène à la
création d’un appareil « contenants-contenus ».
« La fonction alpha permet ainsi d’appareiller les contenus projetés avec un contenant afin que
ces éléments « contenants-contenus » puissent être réintrojectés et que le propre appareil à
penser de l’enfant se construise peu-à-peu » (Roussillon, 2007, p.65).
Cette période est aussi remarquable sur le plan des possibilités de remaniement psychique
puisque l’inconscient est d’une certaine façon « plus proche » de la conscience. Ce mouvement
régressif soutient ainsi la préoccupation maternelle primaire.
Ainsi, la mère (et le père) fournit, dès les premiers instants de vie de son bébé, une suffisante
adaptation, une adéquation suffisante, aux besoins de son bébé, un cadre continu et sécurisant.
Le bébé ne parviendra à décrypter l’environnement qu’avec l’aide de tiers médiateur et du
travail de symbolisation de la mère (et du père).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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La fonction contenante entre alors en jeu et répond au besoin du bébé d’être contenu. Cette
fonction contenante est « d’abord assurée par l’objet maternant avant d’être progressivement
intériorisée, introjectée » (Ciccone, in Roussillon, 007, p.64). Dans cette fonction se trouve le
travail de symbolisation, de mise en sens de l’objet maternant et contenant qui va aider le bébé
à petit-à-petit se faire une représentation mentale du monde et de lui-même.
C’est seulement à la fin de sa vie que Winnicott parlera enfin de mère-environnement. Cet
environnement est composé du père, de la famille, de la réalité sociale, etc. Il va de soi mais
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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émerge lorsqu’il fait défaut. Dans la perspective winnicottienne, ce n’est pas le « bon » ou le
« mauvais » maternage qui prévaut mais plutôt « la vision d’un petit humain qui vient au monde
‘doté d’un pouvoir organisateur de son monde, monde qu’il va falloir reconnaître pour le faire
sien’ (Roustang, 1994, cité par Dethiville, 2008) » (Dethiville, 2008, p. 21).
On reproche d’ailleurs souvent à Winnicott de ne pas inclure le père dans sa notion de mère
suffisamment bonne. Cependant, il a toujours affirmé : « Quand je parle de la mère, j’inclus
toujours le père » (Winnicott, 1966, 1992 trad. fr.). Et il souligne le rôle prépondérant du père,
non pas tellement le père de la réalité mais celui qui est inscrit dans la réalité psychique de la
mère. » (Dethiville, 2008, p. 76). Il est vrai que Winnicott (1969) se centre principalement sur
la femme devenant mère. Les termes choisis n’incluent pas le père. Cela a-t-il mené à des
dérives, comme le questionne Harrus-Révidi (2006) ? Quel est l’impact d’une telle conception
sur la psychiatrie des années 1965-1980 ? La mère y était rendue responsable de tous les maux
de son enfant, sans tenir compte de l’implication (ou non) du père. La littérature et encore
davantage les pratiques cliniques, restent très imprégnées par une centration majeure sur la
relation mère-nourrisson. Pourtant, la psychanalyse s’intéresse dès le départ à l’organisation de
la psyché individuelle en référence au groupe dans lequel elle se développe. Freud, puis Lacan,
intègrent à leur théorisation du développement psychique la structure sociale. La structuration
psychique intime en serait d’ailleurs l’écho (Houzel, 1999).
Cependant, l’intimité et la continuité de la relation qu’un bébé noue avec ses figures de soins,
ce qu’on appelle relation d’objet, est centrale pour son développement psychique. Voyons à
présent comment la mère, le père ou encore la figure significative de soins met en place un
processus d’illusion/désillusion fondateur du sentiment d’exister et de la construction
psychique.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Pour être créé, l'objet doit être aussi trouvé, c'est-à-dire placé là par la mère-environnement : «
Au début, la mère, par une adaptation qui est presque de 100%, permet au bébé d'avoir l'illusion
que son sein, à elle, est une partie de lui, l’enfant. Le sein est pour ainsi dire sous le contrôle
magique du bébé [...] La tâche ultime de la mère est de désillusionner progressivement l’enfant,
mais elle ne peut espérer réussir que si elle s’est d’abord montrée capable de donner les
possibilités suffisantes d’illusion [...] Un phénomène subjectif se développe chez le bébé,
phénomène que nous appelons le sein de la mère. La mère place le sein réel juste là où l'enfant
est prêt à le créer, et au bon moment » (Winnicott, 1971, p 21).
C'est, donc, grâce à la disposition particulière de la mère de donner à son bébé des capacités
suffisantes d'illusion, puis de le désillusionner progressivement, que le bébé se retirera de cet
état d'illusion, selon un rythme qui lui est propre et en fonction de ses potentialités singulières.
« Chaque moment de la structuration de la psyché et de la subjectivité de l’enfant implique que
l’environnement lui fournisse les éléments spécifiques dont il a besoin pur s’organiser et
trouver ses « solutions » (Roussillon, 2007, p.51). L’intégration se produit si l’écart entre cette
forme diffuse d’attente à l’égard de l’environnement et la réponse n’est pas trop grand. Il peut
alors intégrer l’expérience d’avoir un effet sur le monde et va pouvoir s’approprier ses solutions
propres et personnelles.
Dans le cas où l’écart est trop grand entre ses besoins et la nécessité pour lui de s’adapter aux
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besoins de l’environnement, autrement dit si l’écart est trop grand entre ses besoins internes et
la réalité proposée, des solutions psychopathologiques commencent à se mettre en place.
Dans les premiers stades du développement psychoaffectif de l’être humain, le bébé se trouve
aux prises d’une forme d’indifférenciation intérieur/extérieur, il vit l’environnement comme un
prolongement de lui-même et ce n’est que progressivement que le bébé va percevoir sa mère
comme un sujet à part entière, objet séparé de lui. C’est dans le bain langagier sous tendu par
les affects que l’enfant va se sentir être et son psychisme se constituer.
Nous verrons que les recherches mettent en évidence que le bébé a très tôt, une certaine
conscience d’être en relation avec d’autres humains, séparés de lui. Mais il vit, à certains
moments et dans les premiers temps de sa vie, des expériences d’indifférenciation, expériences
fondatrices dans son développement psychique.
Cette période correspond au narcissisme primaire, première position subjective qui mène à la
construction de la subjectivité. Un double enjeu la caractérise : à la fois, le bébé doit construire
un lien investi à sa mère et simultanément, doit accepter et se représenter la différenciation
d’avec elle : s’attacher sans se confondre.
Le débat très fécond de savoir si le bébé perçoit une relation à un autre et comment il perçoit
cette relation mène à un champ de recherche ouvert et riche (Golse, Roussillon, Rizzolati). Le
débat est loin d’être clos. Tout le monde s’accorde, en se basant sur les travaux en
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neurosciences, sur le fait que le bébé perçoit effectivement sa mère, très précocement, même si
cette perception n’est pas comparable à celle qu’il s’en fera plus tard.
Le holding signifie le maintien, la façon dont est porté l’enfant, tant physiquement que
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psychiquement. Cette notion est centrale car elle concourt à la construction du Self de l’enfant,
à condition que la mère lui assure et lui offre de façon satisfaisante et continue une sécurité
affective et une présence protectrice tant physiologique (de par les soins somatiques dispensés)
que psychique. Le holding vient soutenir le sentiment d’être au monde du bébé et permettre au
bébé de se sentir comme une unité différenciée de sa mère. « Winnicott désigne par le terme de
holding (maintien) l’ensemble des soins de la mère donnés à l’enfant pour répondre à ses
besoins physiologiques spécifiés selon ses propres sensibilités tactile, auditive, visuelle, sa
sensitivité à la chute et qui s’adaptent aux changements physiques et psychologiques de
l’enfant. L’aspect essentiel du maintien, souligne-t-il, est le fait de tenir physiquement l’enfant.
Le centre de gravité du nourrisson ne se situe pas dans son propre corps, mais entre lui et sa
mère. » (Boukozba, 2003, p. 64). Ces contacts physiques permettent à l’enfant de se vivre dans
une continuité d’être.
Le handling signifie, pour sa part, le maniement, il s’agit de la manière dont le bébé est soigné
et manipulé par sa mère. Le contexte dans lequel s’inscrit le handling participe du
développement psychique du bébé ainsi que de l’instigation de la relation soma/psyché.
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6. La naissance
Partant du bébé, objet considéré comme éminemment narcissique, Bydlowski et Golse (2001)
déplient le passage de la transparence psychique vers la préoccupation maternelle postnatale en
quatre étapes :
3. Lorsqu’il naît, le bébé nouveau-né est externe. La mère est en relation avec lui grâce aux
traces mnésiques profondément enfouies et massivement réactivées du bébé qu’elle a elle-
même été. Le bébé est ici un objet externe physique mais psychiquement encore internalisé.
4. Ce n’est que plus tard seulement que le bébé sera un véritable « objet externe », « c’est-à-
dire non plus comme pur représentant de l’objet interne, mais désormais comme un
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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interlocuteur externe et n’ayant son correspondant interne qu’au niveau des représentations
mentales qui s’y attachent » (p.4).
Certaines femmes ne passent pas par ces étapes de façon si nettes et restent dans le rêve de
grossesse, « rêvant de l’objet interne perdu – alors que, mû par la force de son besoin de
conservation, le bébé externe la stimule au dialogue » (Bydlowski & Golse, 2001, p. 4).
Certaines mères parviennent à cet état avec un enfant et pas avec un autre. D’autres encore ne
pourront jamais accéder à cet abandon (Winnicott D. W., 1956). Pour que ce passage s’effectue,
le regard du père est primordial. « L’important est que le père regardant la mère la tire de son
rêve de grossesse et l’encourage à regarder le bébé. Le regard de ce dernier s’en ira plus tard
vers un ailleurs qui n’est ni la mère, ni le père » (Bydlowski & Golse, 2001, p. 4). La fonction
symbolique de tiers séparateur de la dyade mère-bébé intervient pour humaniser le petit
d’homme (Legendre, 1985; 1996; Lacan, 1957-1958, 1998). Les études sur le fonctionnement
triadique incluent d’emblée, nous le verrons, le père de la réalité.
Le petit d’homme convoque toujours quelque chose du narcissisme parental chez ses parents.
La phrase de Freud (Freud, 1914) « His majesty the baby » fait entendre la présence d’un bébé
narcissique qui comble le narcissisme parental. Ce bébé est censé tout accomplir et tout réparer.
Freud (1914) écrit à propos du regard des parents sur leur enfant : « Il existe ainsi une
compulsion à attribuer à l’enfant toutes les perfections, ce que ne permettrait pas la froide
observation, et à cacher et oublier tous ses défauts – le déni de la sexualité infantile est bien en
rapport avec cette attitude – mais il existe aussi devant l’enfant une tendance à suspendre toutes
les acquisitions culturelles dont on a extorqué la reconnaissance à son propre narcissisme et à
renouveler à son sujet la revendication de privilèges depuis longtemps abandonnés. L’enfant
aura la vie meilleure que ses parents, il ne sera pas soumis aux nécessités dont on a fait
l’expérience qu’elles dominaient la vie – maladie, mort, renonciation de jouissance, restriction
à sa propre volonté ne vaudront pas pour l’enfant, les lois de la nature comme celles de la
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Ainsi, chaque naissance sollicite d’une certaine façon une tentative de réparation de l’enfant
qu’on a été, plus particulièrement d’une part narcissique. Ainsi, quand on complimente un bébé,
c’est le parent lui-même qu’on complimente.
Avec la constellation maternelle, Stern (1995) considère également que les changements sont
si importants qu’ils relèguent au second plan les organisations ou complexes précédents, tels
que l’organisation œdipienne. Dans cette configuration, c’est non pas la triade père/mère/bébé
qui est centrale mais l’axe qui organise cette nouvelle psyché maternelle est la triade mère de
la mère/mère du bébé/bébé. Selon lui, outre les facteurs biologiques, les influences
socioculturelles avec les idéaux et les contraintes imposées à la mère sont fondamentales.
Quatre thèmes principaux composent la constellation.
1. la croissance de vie, sollicite la capacité de la mère à faire vivre et grandir son bébé.
3. la matrice de soutien relate la capacité qu’a la mère à créer un réseau lui offrant un soutien
protecteur et bienveillant, et ce, dans le but de réaliser les deux premières tâches. D’une
part, le réseau protège la mère, lui assurant ses besoins vitaux, et d’autre part, il assure une
fonction de soutien pour la mère en l’accompagnant et en la valorisant dans son
apprentissage.
4. la réorganisation identitaire est liée au thème précédent puisqu’il est « à la fois la cause et
la conséquence du réinvestissement des figures maternelles de la matrice de soutien »
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(Cailleau, 2011, p. 165). La femme doit réorganiser sa place dans l’axe intergénérationnel.
Elle revit toute l’histoire de ses identifications non seulement avec sa mère mais aussi avec
d’autres figures parentales/maternelles afin de se procurer les modèles nécessaires.
Plus tard, la constellation maternelle sera remplacée par la constellation œdipienne où chacun
des parents doit médiatiser la relation que l’enfant entretient avec l’autre parent, et ce, afin que
les contenus pulsionnels, fantasmatiques et affectifs ne soient pas trop destructeurs. Selon
Houzel, « la constellation de la maternité est à comprendre comme une configuration
particulière de cet équilibre des rôles parentaux, dans lequel les aspects paternels ne sont pas
absents, mais plutôt tamisés par les aspects maternels, auxquels en retour ils servent d’appui. »
(Houzel, 1999, p. 144).
D’après nous (C. Mottrie), il est non seulement indispensable que la mère accepte d’introduire
le père auprès de leur enfant, comme le théorise la psychanalyse. Mais il faut aussi que le père
soit prêt à prendre sa place pour réguler l’agressivité inhérente à la relation dyadique, comme
le considèrent les théories développementales et systémiques. Un mouvement psychique ne va
pas sans l’autre.
Il n’est pas simple de situer l’origine historique du concept d’interactions parents-bébé ni même
les concepts fondateurs de cette notion. Ils sont multiples et selon l’importance accordée à l’un
ou l’autre, les auteurs varient dans leur position.
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Ainsi, avec le concept de « relation tonico-affective », Golse (2011) considère que Wallon
(1949) est le précurseur des études sur les interactions précoces développées par la suite.
Ajuriaguerra (1974) reprend plus tard cette notion sous le terme de « dialogue tonique ».
Mellier (1999), quant à lui, situe la notion d’interactions parents-enfant suite aux travaux de
Brazelton (1983) qui qualifie les liens parents-enfants comme des interactions. Il amène la
notion de plaisir dans l’interaction, plaisir à deux, soutenant les désirs de chacun. Ce plaisir
s’ouvre au partage avec un tiers. Lorsque les interactions se déroulent dans une certaine routine,
le bébé peut expérimenter la stabilité. De la satisfaction éprouvée lors de ces échanges, le bébé
pourra répéter seul, à sa manière et avec ses moyens, la satisfaction des échanges avec ses
figures parentales (Mellier, 1999).
Grâce à ce nouveau regard, toute la conception des liens parent-enfant se modifie : on passe
d'une théorie où la mère organisait les échanges à une reconnaissance du bébé comme étant un
réel acteur dans la relation. Il en va de même de la théorie transactionnelle de Sameroff (1984)
qui inclut le bébé comme un partenaire actif. L'environnement et le nourrisson s'influencent l'un
l'autre dans un processus continu de développement et de changement, modifiant ainsi
l’interaction. Lebovici (1983) considère que la mutualité et la réciprocité (présence, absence,
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degré) des interactions peuvent qualifier les différentes interactions observées. Les deux
partenaires sont acteurs de cette interaction et de son degré de mutualité et de réciprocité.
Actuellement, les auteurs (Kreisler & Cramer, 1981 ; Lamour & Lebovici, 1991 ; Mellier, 1999)
s’accordent sur le caractère circulaire des interactions parent-bébé et sur les compétences du
bébé (Brazelton T. B., 1973), envisagé comme partenaire actif de cette interaction.
En conclusion, les interactions, dans le contexte périnatal, peuvent être définies comme
« l’ensemble des phénomènes dynamiques qui se déroulent dans le temps entre le nourrisson et
sa mère ». Trois types d'interactions parent-enfant sont communément admises : les interactions
comportementales, affectives et fantasmatiques (Lamour & Lebovici, 1991, p. 180).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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1. l'engagement social où le bébé regarde son partenaire, vocalise de manière positive et lui
sourit ;
3. l'engagement objectal ;
4. le retrait passif.
Tronick & Weinberg (1998) considèrent qu'il n'y aurait pas de forme optimale universelle et
unique d'interactions mère – bébé par rapport à laquelle des déviations seraient considérées
comme pathologiques, ainsi que l'impliquerait le modèle de la synchronie. Les interactions
varient entre les individus et au travers des différentes communautés en fonction du sens donné
culturellement. Lebovici (1983) soulignait déjà l’importance du contexte affectif, fantasmatique
et narcissique baignant les interactions précoces, opposé à une simple restriction aux
interactions comportementales.
Tronick et Weinberg (1998) décrivent les routines interactives qui socialisent les bébés, leur
permettant d'incorporer culturellement des pratiques sociales et émotionnellement acceptables.
Ces routines interactives peuvent être considérées comme des structures narratives. Ces
narratifs sont des actions communicatives et non des mots.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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De son côté, Stern (2008, 1999 1ère parution) développe la notion d’enveloppe prénarrative
comme un « schéma d’événement ressenti » qui figurerait la réalité psychique infantile du
nourrisson dans les douze premiers mois de sa vie. Cette enveloppe se construit à partir de la
répétition dans le temps d’expériences subjectives organisées dans le cadre des relations
d’objets. Ces routines interactives sont comme des phrases qui se répètent pour le bébé, dans
ses sensations, son corps. La sensorialité est au cœur de la vie du bébé.
Les interactions typiques parent-bébé sont caractérisées par des allers-retours entre des états
coordonnés et des états dyscoordonnés, sur fond d'affects variés. Il s’agit des interactions de
réparation. La régulation mutuelle comprend ce processus de réparation ainsi que la dynamique
de régulation des états homéostatiques. Ainsi, les interactions mère-bébé « normales » sont un
processus continu de réparation.
On doit ainsi à Schore et Schore (2008) d’avoir proposé que la théorie de la régulation des
affects supplée la théorie de l’attachement. Grâce aux recherches en neurosciences, ils ont
étudié les répercussions des troubles de l’interaction précoce sur le cerveau droit (surtout le
système limbique et paralimbique) et sur la constitution de l’attachement. Les processus
d’attachement seraient sous-tendus par le développement de structures cérébrales. Cette
hypothèse avait déjà été formulée par Bowlby lui-même. Les auteurs postulent que les
expériences traumatiques précoces pourraient avoir des effets, au travers du processus
d’ontogenèse, sur le développement de ces structures cérébrales. « A travers les séquences
d’ajustement, de désajustement et de réajustement, le bébé devient une personne, achevant une
« naissance psychique (Mahler, Pine, & Bergman, 1975) » (Schore & Schore, 2008, p. 11).
L’interaction dyadique du bébé avec ses partenaires fonctionne comme un régulateur de son
processus d’équilibre interne. La régulation est mutuelle car l’enfant envoie des signaux à sa
mère/son père pour que celle-ci l’aide à se réguler. « Dans l’interaction par exemple, l’enfant
utilise ses expressions faciales et ses comportements comme des signaux (par exemple un
sourire signifie « continue ! », alors que des pleurs ou un détournement du regard signifient
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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« stop ! »). Il faut donc que la mère soit apte à comprendre les signaux que l’enfant lui adresse,
lorsqu’il tente de s’autoréguler » (Tissot, Frascarolo, Despland, & Favez, 2011, p. 623). Mère
et bébé oscillent entre des états synchronisés dans l’interaction et d’autres non synchronisés.
Ces erreurs de communication mènent à des affects négatifs. Le fait que l’enfant puisse
expérimenter de bonnes réparations de ces erreurs et des états synchronisés engendre des affects
positifs. Ces processus se régulent dans l’interaction, par le partage des états affectifs (Tronick
& Weinberg, 1997).
L’ajustement mutuel permet soit de maintenir des états coordonnés soit de réparer les erreurs
de communication. « En apprenant ces réparations, l’enfant apprend des stratégies qui lui
permettront de ressentir qu’il peut être efficace dans l’interaction, que ces interactions sont
positives et réparables et que la personne qui s’occupe de lui est digne de confiance. Dans ces
processus, la mère apporte donc à l’enfant ce qui lui manque, par des phénomènes de boucles
rétroactives. » (Tissot, Frascarolo, Despland, & Favez, 2011, p. 623).
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par un certain mode d’entrée en relation, en cherchant à augmenter la complexité de ses propres
états par la rencontre intersubjective avec l’autre. Pour les auteurs, c’est le départ d’une
répétition de relations négatives et d’attachement affaibli.
7.3. L’intersubjectivité
Les états émotionnels de la mère au contact de son bébé sont induits par sa vie fantasmatique
et une répétition de mode relationnel intégré. Avec la notion d’intersubjectivité, « on désigne,
tout simplement !, le vécu profond qui nous fait ressentir que soi et l’autre, cela fait deux. »
(Golse, 2010, p. 162). Sous cette définition simple, l’auteur considère pourtant que les processus
d’accès à l’intersubjectivité sont complexes. Deux perspectives apparaissent : les auteurs
français, particulièrement les psychanalystes, considèrent que l’accès à l’intersubjectivité est
lente et graduelle là où les anglophones (Stern, 1989, 2003 trad. Française ; Trevarthen, 1980)
la considèrent comme acquises d’emblée.
Golse (2010) défend quant à lui une troisième voie qui se situe dans une position intermédiaire :
« L’accès à l’intersubjectivité ne se joue pas en tout-ou-rien, mais il se joue au contraire de
manière dynamique entre des moments d’intersubjectivité primaire effectivement possibles
d’emblée, mais fugitifs, et de probables moments d’indifférenciation, tout le problème du bébé
et de son entourage étant, précisément, de stabiliser progressivement ces tout premiers
moments d’intersubjectivité en leur faisant prendre le pas, de manière plus stable et plus
continue, sur les temps d’indifférenciation primitive. » (p.163). Les recherches sur
l’intersubjectivité mettent en leur centre le nourrisson et son potentiel relationnel inné.
Roussillon (2004) rappelle que la pulsion et le sexuel sont intégrés à la question de
l’intersubjectivité.
Selon Trevarthen (Trevarthen & Aitken Kenneth, 2003; Trevarthen, 1980), le nourrisson
présente une capacité d’intersubjectivité innée. La définition de l’intersubjectivité implique
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2. Le bébé serait muni de la capacité d’ajuster son contrôle subjectif à la subjectivité des autres
pour pouvoir communiquer. Cela nous renvoie à la notion de « conscience dyadique »
développée plus haut.
Ainsi, le modèle de régulation mutuelle de Tronick & Weinberg (1998) est construit sur le
même postulat que le bébé possède cette capacité de se subjectiver et de s’ajuster à son
partenaire. Ils étudient le processus de développement en l'envisageant sous l'angle des
interactions. Selon eux, dès sa naissance, le bébé chercherait à nouer des liens, à établir de
l'intersubjectivité avec ses pairs. Cette modalité interactive très précoce serait inhérente à
l'espère humaine. La forte motivation du bébé à créer du sens prend nécessairement appui sur
sa relation aux autres, dans une rencontre intersubjective et une création mutuelle de sens. Si
l’enfant expérimente une relation au monde inappropriée, et ce en fonction de sa culture, il ne
pourra se développer normalement.
Avant de nous pencher sur les études concernant les interactions de la triade père-mère-bébé,
considérons la théorie psychanalytique des interactions mère-bébé, caregiver-bébé. Car l’étude
des interactions dyadiques restent fondamentales dans la compréhension du tissage des premiers
liens.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Nous avons vu plus haut que Golse (2011) considère le dialogue tonique comme le « véritable
ancêtre épistémologique du concept d’interaction, et qui convoque le fonctionnement corporel
et psychique des deux partenaires de l’interaction, ce qui s’avère, on le sent bien, résolument
moderne » (p.99). Le dialogue tonique, cette façon dont les partenaires vont s’ajuster l’un à
l’autre implique un corps en relation. D’emblée, Ajuriaguerra (1974) considère que les corps
en relation tonique et dialogique amènent le sujet tout entier dans la communication affective.
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cours des 18 premiers mois de la vie de l'enfant, on observe une modification du contenu
langagier des mères adressé à leur enfant. Durant cette période, le contenu affectif tend à se
réduire pour laisser place à davantage de contenu informatif (Sherrod, Crawley, Petersen, &
Bennett, 1978). Ceci illustre la place et l’importance de ce bain d’affects les premiers mois de
la vie.
L'accordage affectif (Stern, 1985) a un rôle majeur à jouer dans le développement psycho-
affecif de l’humain. Par cet accordage transmodale, le partenaire retransmet au bébé la qualité
perçue de ses états affectifs internes via un autre canal sensori-moteur. Imaginons un bébé,
couché sur le dos, battant les jambes en rythme, l’adulte lui répond : « houplà ! houplà !
houplà ! Comme tu es content ! ». Il reprend, vocalement, le même rythme que le bébé l’avait
fait corporellement. Le partenaire change de modalité et traduit quelque chose de la vie affective
du tout-petit. Subséquemment, le bébé fait l'expérience que sa vie émotionnelle peut être
partagée et comprise par le monde qui l'entoure : il parle avant même de pouvoir s'exprimer
avec des mots. Dans le processus des interactions affectives, vers la fin de la première année,
la référence sociale joue également un rôle structurant. Ce processus est celui où on cherche
chez l'autre une information émotionnelle, information qui agira sur nos conduites (Emde,
1983).
Avant cela, dès 1 mois, les bébés sont capables de reconnaître les expressions faciales de leur
partenaire. Ils modifient leur propre expression faciale dans un délai d’une seconde suite à la
modification expressive de leur mère. À 6 mois, il apparaît que leurs réponses sont davantage
différenciées. Ceci suppose que les bébés acquièrent progressivement la capacité de donner un
sens spécifique aux expressions faciales de leur partenaire. Les données cognitives perçues et
retraduites sur leur propre faciès alimenteraient chez les bébés la capacité à mettre en forme
leurs éprouvés au sein des échanges affectifs. Les chercheurs mettent ainsi en évidence la
capacité extrêmement précoce du bébé non seulement à discriminer les émotions mais aussi à
les imiter (Lavallée, Cossette, Seidah, & Bégin, 2011).
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La tonalité affective dégagée par un individu est induite par sa vie affective et sa vie
intrapsychique. Comment cela intervient-il entre le bébé et ses figures parentales ? Les
interactions fantasmatiques modélisent cette rencontre.
Kreisler et Cramer utilisent cette notion pour la première fois en 1981 (Kreisler & Cramer,
1981). Elle fût précisée par Lebovici deux ans plus tard. Les interactions fantasmatiques
représentent « l'influence réciproque du déroulement de la vie psychique de la mère et de celle
de son bébé. » (Lamour & Lebovici, 1991, p. 180). Elles doivent être envisagées comme un
mode de fonctionnement intersubjectif de deux psychés portant la marque chacune de leur
intrasubjectivité personnelle. Un bébé au contact de sa mère suscite chez elle des pensées,
sensations et images issues de son propre passé. Lorsque la mère se met à parler de ces contenus,
le bébé lui formule des réponses motrices, expressives et toniques qui auraient valeur de
préfantasmes. Ces réponses pourraient laisser penser qu'il comprend sa mère mais il s'agirait
plutôt d'une compréhension corporelle via des tensions affectives saisies par son système
sensoriel (Lebovici, 1983).
Avec Soulé (Soulé, 1982), Lebovici (Lebovici, 1998) présente ainsi un bébé imaginé fait de
quatre représentations du bébé qui jalonnent le parcours intrapsychique des parents : le bébé
imaginaire, le bébé fantasmatique, le bébé mythique et le bébé narcissique. Ces bébés se
croisent et/ou se superposent dès la grossesse.
- l’enfant imaginaire (Soulé, 1982) est le fruit du désir œdipien, il est investi d’une part
importante de projection narcissique, au sens où cet enfant rêvé par la petite fille est celui
dont la mère rêvait elle-même et que sa fille n’a pas été. Le bébé imaginaire est un bébé
subjectif, s’il est né du passé du parent, il prépare aussi l’arrivée d’un vrai bébé (Lebovici,
1994). Le bébé que le parent s’imagine se construit « à partir de ce qu’on a vécu en tant
que bébé, de ce que l’on aurait voulu vivre, de ce que l’on croit avoir manqué, tout au
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- Le bébé fantasmatique est celui qui alimente les rêveries maternelles (caractéristiques du
futur bébé, interactions) durant la grossesse, il renvoie aux racines du désir d’enfant et est
essentiellement inconscient. Il convoque les imagos parentales, les conflits préœdipiens et
œdipiens quel qu’en soit le niveau d’élaboration. Le bébé fantasmatique naît très tôt dans
l’inconscient maternel et serait le produit de désirs anciens et des fantasmes inconscients.
- Le bébé narcissique : la phrase célèbre de Freud (Freud, 1914) « His majesty the baby » fait
entendre la présence de ce bébé narcissique qui comble le narcissisme parental. Il est censé
tout accomplir et tout réparer.
Dans son dispositif thérapeutique, Lebovici utilise l’interprétation avec des nourrissons,
formulant des propositions d’interprétation de leurs éprouvés en lien avec l’histoire parentale.
Ceci suppose d’attribuer une forme d’inconscient au bébé (Lebovici, 1994a). De son côté, Stern
(1989, 2003, trad. fr.) a toujours voulu se démarquer des reconstructions psychanalytiques au
sein des consultations conjointes jusqu’à ce que le bébé atteigne l’âge de 18 mois, âge
d’acquisition d’un langage articulé. Selon cet auteur, l’organisateur central du lien
interpersonnel est le « sens de soi » qui se met en place au cours des deux premières années de
la vie. Il le conçoit comme un équipement cognitif qui permet à l’enfant de faire la différence
entre soi et l’autre. Le « sens de soi » se déploie en différents temps.
- Le « sens de soi émergent » permet qu’un sentiment continu d’exister émerge à partir des
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- Ensuite, le « sens de soi noyau », entre 3 et 8 mois, permet plusieurs tâches : d’une part, il
organise la socialisation en expérimentant l’effet produit sur l’autre via la mimique et la
motricité volontaire et d’autre part, il permet que s’intègre une représentation de l’autre
comme régulateur de soi.
- Le « sens de soi subjectif » s’appuie sur les expériences « d’accordage » et permet au bébé
d’interpréter les affects qu’il lit dans l’expression et le comportement de l’autre.
- Enfin, selon Stern, « les fantasmes n’émergent qu’avec le « sens de soi verbal » et s’étayent
sur les « schémas d’être avec », généralisations des souvenirs d’expériences maintes fois
répétées. Les divers « sens de soi » à la fois organisent l’expérience du « moment d’être
avec » et sont organisés par elle. » (Lemaître, 2002, p. 112).
Dès lors, ces interactions fantasmatiques font débat car elles impliquent que le bébé ait d’emblée
une vie psychique au sens de représentations.
Lebovici (1983) attire notre attention sur le danger lié à la diffusion des découvertes sur les
interactions, découvertes, qui, depuis son ouvrage, se sont considérablement développées. Alors
qu’il soulignait le double danger de vouloir révéler les capacités précoces des nourrissons et
celui de faire confiance à des recettes comportementales, il s’avère aujourd’hui que bon nombre
de parents et professionnels sont pris par ce doux mirage de la compétence et du comportement,
réduisant les interactions parents-enfants à un simple échange « animal », en oubliant l’aspect
fondateur des organisations fantasmatiques et narcissiques. Dans ces organisations, il nous
semble que l’on ne tient pas suffisamment compte de l’aspect groupal de la parentalité. Nous
rejoignons donc Moro (Moro & Mazet, 1998; Moro, 2003) quant à l’importance des interactions
culturelles.
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Du point de vue psychanalytique, le père, dans sa fonction symbolique tierce, sépare mère et
bébé d’une fusion corporelle archaïque et primitive. Le tiers conflictualise la dyade. « Les jeux
de l’Œdipe sont constitués deux à deux » (Cupa, Deschamps, Michel, Genyk, & Valdes, 1998,
p. 143). L’enfant est exclu du couple et c’est la mère qui introduit (ou non) le père dans la dyade
primitive qu’elle forme avec son bébé, afin de contrer ses mouvements incestueux. Les théories
systémiques et développementales considèrent elles que « le processus de triangulation est lié
à l’inclusion du père (le père). Le père contextualise la dyade » (Cupa, Deschamps, Michel,
Genyk, & Valdes, 1998, p. 141).
Ainsi, le père est un tiers réel qui contextualise la dyade (Cupa, Deschamps, Michel, &
Lebovici, 2000). Une des fonctions contextualisantes du père serait par exemple la régulation
de l’agressivité de la mère à l’égard de son bébé (Cupa, Deschamps, Michel, Genyk, & Valdes,
1998, p. 141). Dans ce même courant, Bowen (1960) et Haley (1967) considèrent que l’enfant
ne réagirait pas seulement à ses parents en tant qu’individus mais plutôt à la relation entre eux.
Cette conception reprise par Selvini et al. (Selvini Palazzoli, Cirillo, Selvini, & Sorrentino,
1988, 2013 trad. fr.) permettrait d’envisager les choses de façon non plus linéaire mais
circulaire. Rappelons comment Bullinger (2004) considère que, pour l’enfant, c’est l’interaction
qu’il vit avec son partenaire qui est objet de connaissance.
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Coster & C. Mottrie. ULB.
C’est de ce groupe de réflexion qu’émerge la définition du schéma d’être à trois. Il s’agit d’une
« image mentale multimodale (visuelle, auditive, tactile, etc.) construite à partir d’une
expérience subjective d’être avec deux autres personnes. » (Hervé, Lamour, Moro, Fivaz-
Depeursinge, & Maury, 2000, p. 42). Que ce soit dans une population clinique ou non clinique,
la recherche montre que les schémas d’être-à-trois préfigurent en partie les interactions
comportementales et affectives à trois. Cependant, même si une mère fait état de schémas
d’être-à-trois, ce n’est pas pour autant qu’ils sont de nature œdipienne (Cupa, Deschamps,
Michel, & Lebovici, 2000).
20
Groupe « Interface » de recherche de la WAIMH (World Association of Infant Mental Health), mettant en
présence des chercheurs et cliniciens d’obédience psychanalytique, systémique et développementale : D. Bürgin,
J. Byng-Hall, A. Corboz-Warnery, E. Fivaz-Depeursinge, M. Lamour, S. Lebovici, D. N. Stern
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
interactionnels observables entre les partenaires seraient étroitement articulés aux triangles
imaginaires (Hervé, Lamour, Moro, Fivaz-Depeursinge, & Maury, 2000).
Ces données semblent logiques pour leurs auteurs car les interactions sociales sont au cœur du
développement du bébé. Le bébé est davantage dans un contexte avec plusieurs personnes que
dans une stricte interaction dyadique (Schaffer, 1984), et ce, dès la naissance. Dans de
nombreuses cultures, différentes personnes s’en occupent, il est ainsi en contact avec différentes
modalités de soins (Stern, 2004 cité par Fivaz et al. 2010). Les auteurs eux-mêmes ont démontré
que le bébé était davantage spontanément en interaction triadique qu’en interaction dyadique
(Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 1999). Nash (1995) avait déjà amené que le bébé est
davantage prédisposé à la relation qu’à l’attachement. Cela fait sens du point de vue de la théorie
de l’évolution selon Fivaz et al. (2010).
De cette façon, à partir du moment où notre espèce survit en groupe, les bébés doivent naître en
étant prêts à interagir en groupe, et ce, dès le départ. Cela s’oppose à l’idée d’une
communication qui se développerait de deux personnes vers trois personnes ou plus. Le bébé
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
est donc programmé pour interagir à trois, dans un partage d’intersubjectivité collective (Fivaz
et al., 2010).
Ces recherches proposent ainsi une révision du Complexe d’Œdipe. Ce dernier ne serait pas une
émergence du psychisme de l’enfant, mais se construirait plutôt dans la réalité des interactions
entre trois personnes. Stern (2010), commentant l’article de Fivaz et al. (Fivaz, Lavanchy-
Scaiola, & Favez, 2010), approuve lui aussi une révision du Complexe d’Œdipe qui prendrait
ses sources dans les interactions immédiates, dès la naissance.
Moro et Mazet (1998) considèrent que les trois types d’interactions décrites ci-dessus ne
peuvent prendre sens en dehors du contexte dans lequel elles se nouent. Le système culturel
d’appartenance des parents est aussi un système interactif généralisé. Par son travail sur les
familles de migrants en situation périnatale, Moro (1994) met en évidence combien les ruptures
vécues par les parents en situation de migration fragilise leur parentalité. Le cadre culturel
externe y est rompu, en conséquence, le cadre culturel intériorisé se rompt, cadre à partir duquel
est décodée la réalité externe. Augmentant la transparence psychique de la transparence
culturelle, l’auteur attire notre attention sur l’importance des représentations culturelles qui
affluent par le même processus au cours de la grossesse. Ces façons de faire et de dire sont
propres à chaque culture. Tous ces éléments culturels que les parents pensaient appartenir à la
génération qui précède, se réactivent et deviennent tout d’un coup vivants pour eux. (Moro,
2010a, p. 79).
Les femmes migrantes envisagent elles-mêmes la migration comme complexe : « Elles sont
traversées par des mouvements contradictoires : quitter leurs « commères » (mères avec),
certes, mais pour trouver la liberté… Pour certaines d'entre elles, les plus démunies, cette
liberté sera une sorte de chimère et elle aura un prix très élevé : la solitude (Moro, 1993) »
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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(Moro, 2003, p. 97). La dimension culturelle structure l’interaction, l’informe et fait partie
d’elle. A tel point que tout comme l’interaction ne peut exister sans les affects et les fantasmes,
elle ne peut exister sans la culture, envisagée comme un « contenant culturel » (Moro, 1994).
Système complexe de liens, l’interaction parent-bébé intègre toutes les dimensions de l’humain
dans une co-construction des interactions (De La Noë, Réal, & Moro, 1996).
Dans la situation migratoire, la rupture avec le pays d’origine, l’absence du groupe culturel et
social permet de donner une vision assez claire de son importance dans la construction de la
parentalité. La culture et les appartenances y sont ébranlées et effractées. Comme Winnicott le
disait, l’environnement maternant émerge lorsqu’il fait défaut.
Anzieu (1974, 1985) attribue à la peau une importance capitale. Il postule que la peau fournit à
l’appareil psychique les représentations constitutives du Moi et de ses principales fonctions. En
somme, les fonctions de ce qu’il nomme le Moi-peau, comme enveloppe psychique, s’étayent
sur les fonctions de la peau, en tant qu’enveloppe corporelle. « Par moi- peau nous désignons
une figuration dont le moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Le Moi-peau se constitue dès la période in utero, à partir d’expériences qui mettent en jeu
l’enveloppe corporelle. Selon Anzieu, le Moi-peau porte l’image d’une peau psychique. Le
Moi-peau se pense comme une enveloppe psychique cutanée, limite et interface du Moi. Le
Moi-peau porte les traces d’expériences précoces. En effet, « la première différenciation du moi
au sein de l’appareil psychique s’étaye sur les sensations de la peau et consiste en une
figuration symbolique de celle-ci. C’est ce que je propose d’appeler le Moi-peau » (Anzieu,
1974, p 148).
Les interactions précoces sont marquées par la circularité entre les protagonistes. Ainsi, les
facteurs de complication des interactions peuvent être de natures diverses :
- dépression postnatale,
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Les études menées dans le champ des neurosciences démontrent que les stimuli maternels
spécifiques entraînent de nombreuses modifications du système physiologique chez le bébé : la
chaleur corporelle maternelle, le toucher maternel, le lait maternel, … Tout autant d'interactions
corporelles qui touchent le corps du bébé et qui impactent le développement de son cerveau :
conséquences sur le système neuroendocriniens du bébé, production d'hormones de croissance,
modification du rythme cardiaque, ... La qualité des soins dispensés modifie le fonctionnement,
la structure et l'architecture neurochimique du cerveau du bébé (Lester & Tronick, 1994).
Ainsi Lyons-Ruth (2005, cité par Rochette-Guglielmi, 2015) démontre qu’un attachement
désorganisé est le plus préjudiciable pour l’enfant. « L’absence d’un donneur de soins
disponible et sensible conduit à des élévations significatives des niveaux de glucocorticoïde en
réponse aux stresseurs, élévations plus fortes que celles que l’on observe chez les enfants plus
âgés ou les adultes » (Lyons-Ruth, 2005 cité par Rochette-Guglielmi, 2015, p.79). Ces
modifications ont un impact sur la constitution du cerveau. La période sensible selon ces propos
s’étend de la naissance à un an. Le graphique ci-dessus démontre en effet que c’est au cours des
12 premiers mois de vie que les cortex sensorimoteur, pariétal, temporal et préfrontal se forment
(Gogtay, et al., 2004).
135
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Les soins précoces sont donc fondamentaux pour instaurer, entre autres, des réponses stables
au stress dès le début de la vie et assurer le développement du cerveau dans de bonnes
conditions.
Si la mère (le père) se montre « insuffisamment bonne », l’enfant est en prise directe avec
l’environnement et son psychisme se trouve coloré de ces premières expériences inadaptées.
Les réactions suscitées par ses incompréhensions de l’environnement vont s’arrimer à son
psychisme comme points de ruptures dans son développement et dans sa continuité d’être.
L’enfant ne peut mettre du sens sur ce qui lui arrive. La fonction pare-excitatrice est mise en
défaut. Ces ruptures dépassent la « simple » frustration mais sont des menaces pour son
intégration psychique ; « [...] Les carences maternelles provoquent des réactions aux
empiètements et ces réactions interrompent la continuité d’être de l’enfant [...] Un excès de
cette réaction n'engendre pas la frustration mais représente une menace d'annihilation » (Ibid.,
21
Point rédigé par Maud Melchiorre
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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p 289).
Ce vécu d'annihilation est selon Winnicott « une angoisse primitive très réelle, bien antérieure
à toute angoisse, qui inclut le mot mort dans sa description » (Ibid.). En somme, pour reprendre
Jeammet (2009) : « Dans les cas de carence relationnelle précoce, l’enfant développe une
activité de quête de sensations. A la place de la mère, il recherche des sensations physiques
douloureuses qui ont toujours une dimension autodestructrice. L’absence de l’objet investi
n’est plus remplacée par le plaisir du recours à une activité mentale ou corporelle, mais par
l’autostimulation mécanique du corps. La violence de cette autostimulation est proportionnelle
au degré de carence en ressources autoérotiques. Ainsi la clinique illustre le lien étroit entre
l’absence de relation objectale et l’attaque contre le corps propre. La violence destructrice est
un des seuls moyens pour les enfants carencés d’arriver à se sentir exister, c’est-à-dire
d’arriver à avoir un contact avec eux-mêmes à la place du contact avec l’objet [...] » (p 221).
Si la mère est incapable de répondre « adéquatement » aux sollicitations de son bébé, elle
substitue au geste spontané du bébé le sien, auquel ce dernier est alors contraint de se soumettre.
Cette situation maintes fois répétée participe à la constitution d’un faux self. « La mère qui
n’est pas suffisamment bonne n’est pas capable de rendre effective l’omnipotence du nourrisson
et elle ne cesse donc de faire défaut au nourrisson au lieu de répondre à son geste. A la place,
elle y substitue le sien propre, qui n’aura de sens que par la soumission du nourrisson. Cette
soumission de sa part est le tout premier stade du faux self et elle relève de l’inaptitude de la
mère à ressentir les besoins du nourrisson [...] Lorsque la mère ne peut pas s’adapter
suffisamment bien il y a séduction du nourrisson [...] par l’intermédiaire de ce faux self, il en
arrive à faire semblant d’être réel » (Winnicott, 1956, p 106-108).
La qualité des expériences précoces colore l’appareil psychique. Les sujets évoluant au sein de
familles non suffisamment « calmantes », contenantes sont trop précocement amener à
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Comme relevé au point sur le processus d’illusion/désillusion, le bébé risque, face à un écart
trop grand entre ses besoins et les réponses de l’environnement, de mettre en place des solutions
psychopathologiques. Soit l’enfant met en place une forme d’alerte dans la relation par le biais
d’un symptôme psychosomatique ou comportemental ou encore par un processus d’inhibition.
Soit, à l’inverse, il entre dans une hypermaturation, où la maturation est forcée, accélérée,
« mais sur un mode mal intégré que Winnicott appelle « faux-self » : l’adaptation s’effectue,
mais en « faux » ; elle s’effectue, mais au prix de la qualité de l’intégration psychique »
(Roussillon, 2007, p.51)
Mellier invite à penser les bébés en détresse comme vivant un état interne ne leur permettant
pas/plus de transformer une situation banale en une expérience vécue et éprouvée. Pour le bébé,
c’est forcément par un autre que passe la subjectivation de cette souffrance. Lorsque les
partenaires autour du bébé peinent eux-mêmes pour transformer leur propres éprouvés, pris par
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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une souffrance non-symbolisable, comment le bébé fait-il avec ses propres angoisses ? « La
clinique avec les bébés montre que la souffrance surgit là où l’émotion ne peut se partager
entre le bébé et l’adulte comme Golse l’a montré » (Mellier, 2005, p. 20).
Winnicott (1957, 1975 trad. fr.) a présenté comment les soins suffisamment bons de
l’environnement maternant donnaient au bébé l’illusion qu’il est à l’origine de sa propre
satisfaction. Roussillon (2005) propose que lorsque la discordance et le désajustement
relationnel imprègnent ses relations avec le monde, le bébé se construit plutôt l’illusion d’être
à l’origine d’un monde mauvais car inintelligible et discordant. Le bébé « se sent mal » car il
sent mal le monde autour de lui, qui est étrange et il se sent à l’origine de ce mal, de
l’insatisfaction éprouvée. « Si le bébé peut « imiter » précocement ce qu’il voit, c’est qu’il peut
prendre en lui, intérioriser ce qui se produit au-dehors, se l’attribuer. Ce mécanisme lui permet
d’explorer « de l’intérieur » les mouvements et états de l’objet, mais il brouille aussi le
repérage de ce qui vient de soi et de ce qui vient de l’autre. » (Roussillon, 2005, p. 83).
L’absence d’émotions chez un bébé doit donc nous alerter. L’expression d’émotions peut bien
entendu être le signal d’une souffrance chez le tout-petit mais son absence révèle l’impact de
souffrances et d’anxiétés primitives difficiles d’accès. Le risque est qu’un processus de clivage
ou de déni de ses expériences se mette en place très précocement. « Si l’émotion met en lien,
l’absence d’émotion est une source de tensions qui appelle du lien » (Mellier, 2005b, p. 16).
Elle amène également une forme de tensions et de malaise émotionnel dans l’environnement
familial et institutionnel du bébé. Les équipes travaillant avec des bébés en souffrance sont en
contact avec ces souffrances très primitives, pour pouvoir la rencontrer, l’accueillir et la
transformer, il est nécessaire qu’elles soient entourées d’outils permettant de la métaboliser :
observations du nourrisson (Ester Bick), travail de supervisions d’équipe, etc.
Tous les bébés font face aux anxiétés primitives, qui se jouent en-deçà des émotions,
contrairement à l’angoisse de séparation, qui est émotion. Ces anxiétés « se situent avant une
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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possible prise de conscience par le bébé des enjeux de la séparation. Elles se caractérisent par
des manifestations souvent corporelles qui peuvent arriver à former de véritables défenses
primitives pour éviter tout éprouvé psychique. » (Mellier, 2005, p. 80). Les angoisses
archaïques les qualifient : chute sans fin, écoulement (Bick, 1968), peurs de liquéfaction
(Tustin, 1972), de précipitation (Houzel, 2002), agonies primitives (Winnicott D. W., 1974,
1975 trad. fr.) ou terreurs sans nom (Bion, 1962; 1970, 1974 trad. fr.).
Selma Fraiberg (1981, 2005 trad. fr.) a mené un travail qui permet de saisir les souffrances
précoces chez le nourrisson. Lors d’une étude portant sur des enfants issus de milieux familiaux
très carencés et maltraitants, avec des mères déprimées et psychotiques, elle a dégagé cinq
signes majeurs de souffrance chez le nourrisson de la naissance à dix-huit mois : l’évitement,
les réactions de « gel », la lutte, les transformations de l’affect et l’inversion des attitudes. Chez
le nourrisson, la défense est à entendre, avec Wallerstein (1976, cité par Fraiberg, 1981) comme
un phénomène réactionnel.
Tout d’abord, l’évitement est décrit par l’auteur comme « une réponse inattendue en réaction
à une circonstance donnée. Il (le comportement d’évitement) était toujours lié à une
perturbation de la relation mère-enfant et à des schémas d’évitement de la part de la mère elle-
même » (Fraiberg, 1981, 2005 trad. fr., p. 55).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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A cela s’ajoute la perception d’un malaise ou d’un sentiment de bizarrerie (le phénomène du
« cube brûlant », attention préférentielle pour les choses plutôt que les personnes) dans le
comportement de l’enfant. Mais c’est l’évitement du regard qui est le plus saillant : « regard
peu orienté vers autrui, fugitif, « à la dérobée », avec une recherche rare du contact oeil à oeil,
regard « hyperpénétrant » ou au contraire trop proche, avec « effet cyclope » ; regard flou,
« en passe muraille » (Picco & Carel, 2002, p. 173). Rappelons que l’évitement, dans une
interaction « normale » a une fonction régulatrice de l’interaction en signalant un déplaisir.
Les réactions de gel mènent à « une immobilité complète, un gel de la posture, de la mobilité,
de la voix » (Fraiberg, 1981, 2005 trad. fr., p. 60), le regard dans le vide. Elles ont été repérées
dès l’âge de cinq mois. Classiquement observées en psychologie humaine et animale dans un
contexte de très grand danger, les nourrissons manifestent ce gel en dehors d’une situation de
danger.
La lutte, les transformations de l’affect et l’inversion des attitudes concernent des enfants plus
grands. La première caractérise des enfants décrits comme « des petits monstres hurlants ». Ces
crises de colère expriment une anxiété non intégrée. Les secondes concernent des enfants dès
neuf mois. Elles se manifestent comme une sorte de formation réactionnelle. Par exemple,
l’enfant rit en lieu et place d’une manifestation d’anxiété, réaction qui aurait été plus juste dans
les situations observées par Fraiberg. Enfin, l’inversion des attitudes mène à un retournement
de l’agressivité contre soi : se taper la tête contre le sol, se cogner violemment contre des
meubles sans manifester de douleur (Fraiberg, 1981, 2005 trad. fr.).
Le corps reste le lieu d’expression privilégié de la souffrance chez le nourrisson. Les troubles
fonctionnels en sont une. Les troubles du sommeil, se manifestent soit par de l’hypersomnie,
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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envisagée comme une forme de retrait dans le sommeil, soit par de l’hyposomnie, envisagée là
comme une forme d’hypervigilance. Les troubles alimentaires se composent de l’anorexie du
nourrisson ou des bébés se nourrissant sans fin, l’absence de plaisir lors de l’alimentation,
l’absence d’appel lors des sensations de faim, les régurgitations et vomissements. On observe
encore les troubles intestinaux (diarrhée, constipation), les infections à répétition, les fièvres
inexpliquées, les pathologies respiratoires, les troubles de la peau et les retards de croissance
staturo-pondéraux (Lamour & Barraco, 1998; Mazet & Stoléru, 2003).
Ensuite, Mazet et Stoléru (2003) dégagent trois secteurs qualifiant de possibles troubles du
développement révélant une souffrance chez le tout-petit : le langage, la motricité et
l’intelligence. Par exemple, une corrélation a été mise en évidence entre les fonctions cognitives
lors de la première année de vie et le fonctionnement cognitif plus tard dans la vie, et ce, dans
des tâches évaluées par des tests d’intelligence à l’âge adulte : l’intérêt pour la nouveauté
(attention novelty), l’habituation, la mémoire, la résolution de problèmes (Frick, Colombo, &
Saxon, 1999).
En outre, des troubles du comportement peuvent être cités tels que des balancements, une
succion excessive (doigts, vêtements) qui prennent la forme d’auto-stimulation.
Enfin, de nombreuses études démontrent que les personnes déprimées ont un faciès peu
expressif. Dès lors, les bébés ayant à faire avec des mères ou des parents déprimés sont en
contact avec cette faible expressivité émotionnelle. C’est via l’expérience du Still-Face
(Tronick, Als, Adamson, Wise, & Brazelton, 1978) qu’ont été mis en évidence les effets d’un
visage inexpressif sur le bébé. Des bébés issus d’une population tout-venant étaient tout-à-coup
confrontés à une mère à qui l’on demandait de devenir inexpressive. On observe les tentatives
désespérées du bébé pour relancer l’interaction avec son partenaire telle qu’il la connait. Le
Still-face expérimental se poursuivant, le bébé manifeste des affects négatifs, des états de
tension corporelle et tente de s’auto-consoler. La dépression du postpartum, souvent
caractérisée par une forme de Still-Face, peut ainsi compromettre les capacités de la mère mais
142
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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aussi celles de la dyade à réguler mutuellement l’interaction (Tronick & Field, 1987 ; Gianino
& Tronick, 1988 ; Weinberg & Tronick, 1994).
Enfin, abordons briévement le modèle épigénétique. Ce domaine de recherche s’est ouvert ces
dernières années et offre de nouvelles perspectives concernant la compréhension du développement et
de la transmission de troubles : il s’agit du modèle épigénétique. Il étudie la façon dont
l’environnement peut influencer nos gènes. De nombreuses recherches se concentrent sur l’influence
de l’environnement précoce sur ces mécanismes.
« L’épigénétique est généralement définie comme l’ensemble des modifications de l’expression d’un
gène sans que la séquence d’ADN de ce gène ne soit modifiée. Elle fait l’objet de nombreuses
recherches, qui ont commencé en biologie puis se sont étendues en médecine dans des domaines comme
la cancérologie, l’endocrinologie, la neurologie et la psychiatrie. Les mécanismes épigénétiques sont
des régulateurs dynamiques de l’expression des gènes. Ils interviennent donc non pas au niveau de la
séquence d’ADN du gène mais au niveau des processus qui permettent au gène d’être exprimé. Ces
processus sont la transcription et la traduction. » (Monhonval & Lotstra, 2014, p. 30).
Si de nombreux mécanismes épigénétiques ont déjà été mis en évidence, d’autres restent encore
inconnus. La pédopsychiatrie et la psychiatrie s’intéressent à ce modèle car il permet de poser des
questions concernant la manière dont les modifications épigénétiques se déploient selon les périodes
développementales, leurs places dans la survenue de symptômes et syndromes pédopsychiatriques. En
outre, ce modèle cherche à mettre en évidence également la façon dont les facteurs environnementaux
ou écophénotypes tels que la maltraitance, la consommation de toxiques ou encore les évènements de
vie stressants, interviennent. (Apter, 2017).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Chapitre 7
Le développement de l’attachement22
Lecture proposée
Selon le modèle des relations sociales de Hartup (1988, cité par Bee et Boyd, 2003), les
relations verticales impliquent un attachement à une personne ayant un statut social plus élevé,
des connaissances plus vastes, telle qu’un parent ou un professeur. Ces relations répondent à
des besoins de sécurité et de protection. Elles aident l'enfant à établir ses modèles internes et à
développer ses habiletés sociales.
Les relations horizontales sont des relations plus égalitaires et réciproques, telles que les
relations avec les pairs. Elles aident l'enfant à pratiquer ses habiletés sociales et à apprendre la
coopération, la compétition et l'intimité. Plus tard, les relations et l’attachement entre adultes
sont caractérisés par la réciprocité et considérées comme des « relations horizontales ».
22
Nous tenons à remercier chaleureusement Monsieur Thacien Gahizi, doctorant à l’Unité de psychologie du
Développement pour les échanges et pour sa contribution précieuse lors de la rédaction de plusieurs points de ce
chapitre portant sur le concept et la théorie de l’attachement et lors de l’approfondissement de la bibliographie.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Dans ce chapitre, nous nous pencherons sur l’évolution des relations et plus précisément sur le
développement du lien affectif entre les parents et leur enfant d’une part et du lien d’attachement
entre l’enfant et ses parents d’autre part. En psychologie, la théorie connue sous le nom de
« théorie de l’attachement » essaie de comprendre quelle est l’importance des premières
relations affectives entre le bébé et ses parents (ou substituts parentaux) sur le développement
socio-affectif de l’être humain. On peut donner la définition suivante à l’attachement :
« Un lien émotionnel spécifique que le bébé développe avec son caregiver ; relation qui émerge
au fil du temps à partir d’une histoire d’interactions de soin/caregiving » (Tereno, 2007, p.
152).
La théorie de l’attachement telle que nous la connaissons aujourd’hui a une longue histoire
derrière elle. Elle est l’œuvre d’un certain nombre de personnes, les figures principales sont
John Bowlby (1969, Angleterre), Mary Ainsworth et ses collègues (1978, Etats-Unis/Canada)23
et Mary Main et ses collègues (1985, qui ont identifié le 4e style d’attachement, celui du groupe
D ou désorganisé). D’autres auteurs qui ont beaucoup écrit sur l’attachement et les interactions
précoces sont, entre autres, Crittenden, Robert Emde, Peter Fonagy (représentations)24, le
couple Guedeney25, Blaise Pierrehumbert (en Suisse), Schaffer et Emerson (1964), L.A. Sroufe,
Daniel Stern (qui propose la notion de synchronie interactive et d’accordage affectif), Colwyn
Trevarthen en Ecosse (qui travaille beaucoup sur la notion d’intersubjectivité) et Van
Iizendoorn (1995, qui a entre autre fait plusieurs méta-analyses d’études sur l’attachement).
23
Ainsworth, M. and Bowlby, J. (1965). Child Care and the Growth of Love. London: Penguin Books. Ainsworth, M. (1967).
Infancy in Uganda. Baltimore: Johns Hopkins. Ainsworth, M., Blehar, M., Waters, E., & Wall, S. (1978). Patterns of
Attachment. Hillsdale, NJ: Erlbaum.
24
Fonagy, P. (2001). Attachement and Psychonanalysis. New York : Other Press. Target,M., Fonagy,P. and Schmueli-
Goetz,Y. (2003) 'Attachment representations in school-age children: the development of the Child Attachment Interview
(CAI).' Journal of Child Psychotherapy 29, 2, 171-186.
25
Guedeney N, Guedeney A. (2002). L’attachement : Concepts et applications. Paris : Masson.
146
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Nous allons voir comment ces chercheurs et auteurs ont contribué à l’élaboration et la précision
de la théorie de l’attachement.
Au départ Bowlby a reçu une formation scientifique rigoureuse et des connaissances en ce qu’on
appelle aujourd’hui la Psychologie du développement, à l’Université de Cambridge
(Bretherton, 1992). A la sortie de Cambridge, il a enseigné un an comme volontaire à la « Priory
Gate School » une école pour enfants « inadaptés ». Dans cette école, il a fait la rencontre avec
deux enfants qui ont eu une influence sur la suite de sa vie professionnelle.
L’un était un jeune adolescent isolé et sans affection, qui avait été expulsé de sa précédente
école pour vol et qui n’avait connu aucune figure d’attachement stable dans sa vie. L’autre était
un enfant de sept ans qui suivait Bowlby partout où il allait au point d’être connu comme son
« ombre ». L’expérience avec ces deux enfants persuada Bowlby de l’influence des premières
relations dans la famille sur le développement de la personnalité et il décida de devenir
pédopsychiatre (Ainsworth, 1974).
C’est ainsi qu’il entreprend des études de médecine et de psychiatrie tout en suivant une
formation à la British Psychoanalytic Institute. C’est pendant cette formation qu’à travers son
analyste, Joan Riviere, qui était une proche collaboratrice de Mélanie Klein, il est exposé aux
idées de cette dernière. Il exprimera cependant ses réserves à propos des théories de Mélanie
Klein, notamment à cause du peu d’importance qu’elle accorde aux expériences réelles, en
accordant une grande importance aux fantasmes (Bowlby, 1978). Bowlby fait donc partie du
mouvement psychanalytique mais est « libre », il ne s’inscrit pas dans les conceptions
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Les premières ébauches de ses conceptions furent exposées clairement pour la première fois
dans une étude intitulé « The forty-four Juvenile Thieves : Their Characters and Home Lives »
(Les quarante-quatre jeunes voleurs, leur personnalité et leur vie de famille) publiée en 1944,
où à travers un examen approfondi de 44 cas de délinquants il parvint à établir le lien entre leurs
symptômes et leurs histoires de carence maternelle et de séparation.
Avant les éthologistes, certains psychanalystes, dont René Spitz, avaient constaté l'apparition
de troubles sévères lorsqu'un enfant élevé jusqu'alors par sa mère était brutalement séparé d'elle
pour être placé dans un orphelinat ou dans une pouponnière. Il est important de préciser que ces
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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enfants n'avaient pas l'opportunité de reconstruire dans ces orphelinats une nouvelle relation
privilégiée avec un adulte et même s'ils étaient bien nourris et soignés, ils présentaient
rapidement un tableau dépressif (Gillot-de Vries, 2003-2004).
Spitz a nommé dépression anaclitique (par perte de l'objet aimé), le syndrome présenté par ces
enfants qui, après la séparation, pleurent beaucoup, deviennent ensuite indifférents et enfin
léthargiques. Ces troubles s'accompagnent de problèmes somatiques tels que les troubles du
sommeil, une sensibilité accrue à la maladie, un retard psychomoteur, ...
Ce tableau peut encore s'aggraver si l'enfant de plus de six mois est privé pendant une plus
longue période (au-delà de cinq mois) de toute relation avec sa mère ou son substitut. Il s'agit
alors du syndrome de l'hospitalisme.
Une autre source d’influence qui a impacté la pensée de Bowlby est à situer du côté de
l’éthologie. Bowlby avait été interpellé par les travaux de l’éthologiste Konrad Lorenz sur le
phénomène d'empreinte qu'il définissait comme un mécanisme inné permettant au petit qui vient
de naître de suivre le premier objet mobile qu'il voit et qui est généralement sa mère.
Bowlby s'intéressa également aux recherches menées sur les jeunes singes rhésus séparés de
leur mère et qui recherchent avant tout le contact physique et la proximité de l'adulte
(expériences d'Harlow).
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Harlow a conduit une expérience qui reste fameuse : « il sépare huit jeunes macaques rhésus de
leur mère et les élève dans des cages, seuls, à l'exception de deux «mères de substitution» : l'une
est un bloc de bois, adouci par de l'éponge et recouvert par du coton. Un visage circulaire est
dessiné, avec de larges yeux et, à l'intérieur, une petite ampoule génère de la chaleur. L'autre
substitut est fait uniquement de fil de fer mais comporte aussi un visage. Les deux mères de
substitution sont munies d'un système d'alimentation aboutissant à une tétine. Harlow observe
que les bébés singes passent leur temps, jusqu’ à 16 à 18 heures par jour, agrippés au substitut
recouvert de tissu. Ce lien se maintient même après de longues séparations. Quand les bébés
singes étaient placés dans une Situation étrange, c’est-à-dire dans une pièce avec une variété de
stimuli connus propres à éveiller leur intérêt, ils commençaient par se ruer sur la mère de
substitution en tissu et s'accrochaient à elle jusqu'à ce qu'ils s'apaisent. Après plusieurs séances,
ils pouvaient commencer à utiliser leur mère de substitution en tissu comme base
d'exploration » (A. Guedeney, 2002).26
26
Si vous souhaitez plus d’informations concernant les expériences menées par Harry Harlow, vous
pouvez consulter les sites suivants :
- http://pages.uoregon.edu/adoption/studies/HarlowMLE.htm
- http://www.youtube.com/watch?v=Ti8lJDFJLGE
150
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Photos de Harlow et d’un jeune singe rhésus dans sa cage avec deux mères de substitut.
En 1948, Bowlby, aidé par un travailleur social du nom de Robertson, entreprend une
observation systématique sur l’ensemble de la problématique des effets de la séparation
d’avec la mère pendant la petite enfance. Il questionne l’impact de cette séparation sur le
développement ultérieur de l’enfant. En observant avec les enfants séjournant soit dans des
hôpitaux, soit dans des pouponnières, donc des enfants éloignés de leurs parents pour une
longue durée et sans substitut parental stable, ils remarquent que ces derniers expriment de la
détresse. Plus le séjour se prolongeait, plus les troubles s’aggravaient lors du retour dans le
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foyer d’origine. Les réactions de ces enfants pouvaient se subdiviser en trois phases : la phase
de protestation, la phase de désespoir et la phase de détachement.
- Dans la phase de désespoir, l’enfant réagit comme s’il vivait un deuil. Il pleure de manière
monotone et intermittente, se retire et devient passif.
- Quant à la phase du détachement, elle est caractérisée par la perte du sens du contact
humain. L’enfant ne réagit plus à l’environnement. Il se centre sur lui et démontre une
stabilité superficielle. Leur conclusion fut que la perte de la figure maternelle pendant la
petite enfance est un événement déterminant dans l’établissement de la personnalité
(Bowlby, 1978b).
En résumé, on peut retenir que plusieurs influences majeures ont conduit Bowlby à la
formulation de sa théorie. Il y a tout d’abord les travaux de Spitz sur les réactions à la perte de
la mère par le nourrisson. Il y a aussi l’influence de l’éthologie, avec les travaux de Lorenz sur
les oiseaux et la notion d’empreinte, et ceux de Harlow sur les singes rhésus séparés de leur
mère. C’est en effet à la suite des travaux de Spitz (observation d'enfants placés en institution
et étude sur les effets de la carence familiale), que Bowlby, s'inspirant des études éthologiques
(Lorenz et Harlow), a postulé l'existence chez le bébé humain de comportements spécifiques
d'attachement à une figure privilégiée, aussi appelée la « donneuse de soin » ou le « donneur de
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soin » (« caregiver »). Selon Bowlby, pour connaître un développement normal, l’enfant a
besoin de développer une relation d’attachement avec au moins une personne qui prend soin de
lui de façon continue et cohérente. Selon Bowlby (1980) cet attachement repose sur des
fondements biologiques, et jouit des propriétés motivationnelles comparables mais
indépendantes des autres besoins comme boire, manger ou les besoins sexuels. Il affirme que
c’est l’attachement qui fournit une base de sécurité à l’enfant. Enfin, rajoutons encore
l’influence des théories évolutionnistes et cognitivistes.
Rappelons que pour Freud la satisfaction du besoin de nourriture se fait par l'intermédiaire du
sein maternel qui dispense en outre un plaisir libidinal. Ce plaisir s'étaye sur le besoin de
nourriture, c’est ce que les psychanalystes appellent la théorie de l'étayage. Selon Freud,
l'attachement de l'enfant à sa mère s'établit donc secondairement à la satisfaction des besoins
physiologiques et après que l'enfant ait identifié sa mère comme pourvoyeuse des gratifications
orales. Nous avons vu que les théories actuelles de la psychanalyse évoluent et complexifient
l’approche initiale de Freud, en reconnaissant que le besoin initial de relation.
Bowlby va rejeter ce modèle freudien et proposer dès 1962 une nouvelle théorie pour rendre
compte de l'établissement des liens du petit enfant aux adultes qui en ont la charge. Bowlby
va considérer que l'enfant naît avec un besoin de proximité physique, de contact social ; il est
153
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Coster & C. Mottrie. ULB.
préprogrammé dès la naissance pour rechercher le lien. Tel que dit plus haut, ce « besoin
d'attachement » est selon lui, un besoin primaire, inné, tout aussi vital pour l'enfant que le lait
maternel et indépendant des autres besoins physiologiques.
Bowlby (1978) insiste par ailleurs sur le fait que l’attachement est différent de la dépendance
et qu’un attachement sécure - c’est-à-dire le fait d’avoir confiance dans la disponibilité de sa
figure d’attachement- est associé à l’exploration et à l’indépendance plutôt qu’à la dépendance
(Prior et Glaser, 2010).
27
Certains chercheurs, notamment Bernard Golse, souhaitent faire des ponts entre les théories
psychanalytiques et de l’attachement. Ainsi, la mise en perspective des concepts issus de la
métapsychologie de holding, handling et object-presentig (Winnicott) et le concept
d’attachement (Bowlby) nous conduit à considérer le travail de la pulsion d’attachement
27
Ces derniers paragraphes ont été ajoutés par Cindy Mottrie.
154
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
(Anzieu, 1985, 1990). « Bowlby a mis en évidence cinq critères28 qu’il me paraît nécessaire de
compléter par un sixième. Leur réunion conditionne la réussite de l’attachement mutuel entre
la mère (ou l’environnement maternant) et le tout-petit, c’est-à-dire qu’elle apporte à celui-ci
l’expérience structurante d’un échange de tendresse. Il s’agit d’un accomplissement pulsionnel
non libidinalisé, indépendant de l’investissement des zones érogènes et qui a conduit Bowlby à
l’hypothèse d’une pulsion spécifique d’attachement, intermédiaire entre la pulsion
d’autoconservation et la pulsion sexuelle. En effet, les patients à qui a manqué cette expérience
complète de l’attachement présentent une grande diversité dans leur vie sexuelle : active,
modérée ou nulle » (cité par Golse, 2013, p 49).
La pulsion d’attachement trouve un étayage au niveau des échanges entre la mère et son bébé :
échange de sourires, échange de signaux sensoriels et moteurs lors de la prise de nourriture
(allaitement ou biberon), solidité du portage, chaleur du contact, toucher et concordance des
rythmes.
Golse considère ainsi que le concept de narrativité peut permettre un rapprochement progressif
mais éminemment souhaitable entre ces deux modélisations théoriques, attachement et
psychanalyse. La narrativité est « à mettre au rang des processus de liaison dont on sait la
valeur antitraumatique. (…) elle est antitraumatique grâce à la création de liens. » (Golse,
Récit, attachement et psychanalyse, 2013, p. 17). La narrativité se construit d’abord dans le pré
et infraverbal pour ensuite devenir verbale et soutient les processus de liaison psychiques. Elle
est d’abord prénarrative et se construit dans les interactions précoces.
28
Les cinq critères en question sont les suivants : échange des sourires, solidité du portage, chaleur de l’étreinte, douceur du
toucher et interaction des signauxsensoriels et moteurs lors de l’allaitement.
155
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Enfin, ajoutons que Konrad Lorenz décrit l’existence de déclencheurs de soins chez le bébé
qui vont soutenir l’élan de l’adulte vers le bébé : un front bombé, de grands yeux, bas sur le
visage, des joues rebondies, etc. Blaise Pierrehumbert précise que ce sont en fait les adultes
humains qui sont pourvus de « circuits » perceptifs particuliers, réceptifs au charme des bébés ;
ces circuits sont ces fameux « déclencheurs ».
Pour Bowlby, l'enfant est orienté vers le partenaire adulte dont il recherche la proximité. Cet
objectif peut être atteint s'il utilise différents systèmes de comportement qui sont au cours des
deux premiers mois au nombre de cinq :
156
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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- Une fonction de protection du jeune enfant et de survie de l'espèce. Elle permet au petit
dans une situation de danger de venir chercher protection auprès des adultes. On voit aussi
que le contact mère-bébé permet à la maman de réduire et de contrôler les agressions
provenant du milieu extérieur (ex. : les agressions sonores qui empêchent le nouveau-né de
trouver le sommeil) et permet au bébé d'apprendre de sa mère des activités indispensables
à sa survie (activités d'initiation, d'initiative).
Dans les conceptions de Bowlby (1978), le concept d’attachement implique deux mouvements
de la part de l’enfant et plus tard de l’adulte. C’est ici d’ailleurs que l’influence de l’attachement
sur le développement socio-affectif apparaît clairement.
- En effet, nous distinguons dans ce même concept, d’une part les comportements
d’attachement qui recouvrent les diverses expressions et modalités comportementales que
l’individu met en œuvre pour maintenir la proximité ou le contact avec la figure
d’attachement.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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1°) est isolé, fatigué, souffrant, il recherche la proximité. Son système d'attachement est alors
activé.
2°) se sent bien, qu'il est confiant, son système d'attachement est inactivé et son monde
environnant s'élargit. Son système d'exploration du monde peut alors être activé. Il va pouvoir
jouer, entreprendre, découvrir…
158
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Plusieurs auteurs du courant psychanalytique ont reproché à Bowlby d’avoir développé une
théorie comportementaliste (5 comportements d’attachement innés) mais en fait, selon la
théorie de Bowlby, les comportements traduisent et reflètent des représentations internes
d’attachement. Bowlby parle de modèles internes/intériorisés opérants/opérationnels ou encore
opératoires : les M.I.O. que l’enfant construit dès la première année de vie. A partir de ses
relations et interactions avec les figures d’attachement (la/les personne(s) qui lui prodigue(nt)
des soins), l’enfant intériorise la façon dont celle-ci va réagir, ce qui va lui permettre de
supporter de mieux en mieux son absence et d'anticiper son retour.
Les études sur l’attachement conduites avant 1980 étaient centrées sur la « sensibilité
maternelle » et la qualité de l’attachement à la figure maternelle à travers le dispositif de la
situation étrange proposée par Ainsworth. Ce n’est que plus tard que les études sur le père et la
paternité ont vu le jour (on peut penser aux études de Jean Le Camus en France)29. Petit à petit
29
Le Camus Jean, « Quelle place pour le père dans la théorie de l’attachement ? », L'attachement, de la théorie à
la clinique, Toulouse, ERES, «Le Carnet psy», 2007, 144 pages. URL : www.cairn.info/l-attachement-de-la-
theorie-a-la-clinique--9782749205069-page-117.htm. DOI : 10.3917/eres.humb.2007.01.0117.
159
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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les auteurs reconnaissent l’apport d’un père impliqué auprès de l’enfant et différencié
psychologiquement, au-delà de son rôle d’autorité, d’interdiction, il invite l’enfant à une
ouverture sur le monde. Ces auteurs insistent sur un apport différencié des parents et notent déjà
une spécialisation des comportements parentaux après quelques semaines de vie de leur bébé.
La mère et le père interagissent différemment avec leur bébé.
Ainsi, la mère :
- Favorise l’autonomie, lance des mises au défi et donne moins d’aide directe à l’enfant.
160
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Coster & C. Mottrie. ULB.
premier attachement vis-à-vis d'une seule personne. Ensuite le nombre de figures d'attachement
augmente. La mère apparaît comme la figure la plus importante (76 %), les pères arrivent en
seconde position (59 %). Un tiers des enfants ont en plus une relation d'attachement avec un
grand-parent et 18 % avec un autre membre de la famille, 12 % enfin avec un frère, une soeur,
un autre enfant ou un autre adulte.
Revenons maintenant à la théorie de Bowlby : pour que le M.I.O. (modèle interne opérant) de
l’enfant permette un lien d’attachement sécure, il est important que sa figure d’attachement soit
présente physiquement ou accessible (au début), disponible émotionnellement, qu’elle donne
des soins adéquats et sensibles et qu'elle réponde aux demandes de l’enfant avec affection. Dans
ce cas-là, elle pourra représenter une « base de sécurité » (lors de la 3e phase du développement
de l’attachement : l’attachement proprement dit, caractérisé par la réciprocité). A partir de 2-3-
4 ans (4e phase « d’attachement adapté »), le fait de savoir que le caregiver est potentiellement
disponible devient progressivement aussi efficace que la proximité physique (Tereno, 2007, p.
152). Ce palier maturatif est lié à la construction de la représentation interne de la figure
d'attachement (M.I.O.), représentation qui l'aide à mieux supporter la séparation, notamment
lors de l'entrée à l'école maternelle.
161
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Précisons encore les conditions d’un « attachement harmonieux » selon le psychologue français
Hubert Montagner (1988) :
- La rapidité de la réponse : un enfant dont les besoins sont rapidement comblés, pleure
moins à un an. Il se sent en sécurité, développe sa capacité d’autonomie et va intégrer une
vision du monde rassurante.
- L’initiative des interactions : le bébé s’attache plus facilement à une personne qui recherche
le contact, qui veut échanger et communiquer avec lui.
- La sensibilité de la réponse : l’enfant a besoin d’une réponse rapide mais aussi adaptée à
ses besoins.
- La disponibilité émotive générale : le bébé s’attache plus facilement à une personne qu’il
sent réellement disponible.
162
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Le cercle de sécurité illustré ci-dessus montre que si les soins dispensés à l’enfant sont adéquats
et sensibles, le donneur de soin/caregiver assume le rôle de support ou d’ancrage autour
duquel l’enfant centre ses activités exploratrices avec confiance (Mary Ainsworth) ou une
« base de sécurité » à partir de laquelle l’enfant peut activer son système d’exploration. Aussi,
l’enfant, quand il a peur ou s’il est en souffrance, peut avoir recours à la figure d’attachement.
Celle-ci, reconnaissant l’expression de ses besoins, lui offre du réconfort et représente un refuge
ou un « havre de sécurité » (Prior et Glaser, 2010, 28 ;Tereno et al., 2007, p. 156-157).
Au contraire, si les soins ne sont pas adéquats, lorsqu’ils sont marqués par l’indisponibilité
émotionnelle et/ou une inconsistance de proximité physique ou émotionnelle de la figure
d’attachement ou encore par le rejet répété des signaux de l’enfant, l’enfant développera un
attachement insécure ou anxieux et des relations avec un moindre degré de confiance (Tereno
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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La tranche d’âge de 0 à 4 ans est celle qui a été beaucoup étudiée par Bowlby (1978a, 1978b,
1984) et Ainsworth (1978). Ils ont relevé quatre phases de développement de l’attachement
sélectif de la naissance jusqu’à quatre ans. Mary Ainsworth (1978), psychologue d’origine
canadienne (installée par la suite aux Etats-Unis) a décrit, à la suite des travaux de Bowlby
diverses phases d'attachement : le pré-attachement, l’émergence de l’attachement,
l’attachement proprement dit et l’attachement adapté.
3) Phase 3 : Attachement proprement dit, caractérisé par la réciprocité de 6-7 mois à 24 - 36 mois.
164
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Ces phases n’ont pas de début ni de fin clairs, la différenciation est progressive, en fonction des
enfants et des figures d’attachement. Elles correspondent à différents niveaux d’organisation
et de régulation dyadiques et reflètent 1) l’histoire interactionnelle, 2) l’histoire du mode de
caregiving et 3) les expectatives de l’enfant concernant la disponibilité de la figure
d’attachement. Ces étapes peuvent mener à un attachement sécure ou anxieux/insécure en
fonction, e.a. de la qualité des soins (sensibilité) et de la proximité physique et émotionnelle de
la figure d’attachement.
Remarque : on sait actuellement qu’il y a des choses qui se passent et des liens qui se créent
entre la maman et son bébé lors de la grossesse, mais cet aspect n’est pas repris dans la théorie
de Bowlby.
La phase de pré-attachement initial dure de la naissance à trois mois. Dès le début de sa vie, le
bébé possède un ensemble de comportements innés qui favorisent la proximité : il montre de
l'intérêt pour les sources de stimulations sociales et utilise toutes ses compétences sensorielles
pour entrer en contact avec les personnes de son entourage familier (en les regardant, en les
écoutant…). En plus des comportements d’orientation (regarder, écouter…), on observe aussi
des comportements de signalisation (vocaliser, sourire, pleurer..) et de proximité physique (se
lover, sucer, s’accrocher…). Ces comportements permettent au bébé de signaler ses besoins, ils
l’orientent vers les autres favorisant ainsi le rapprochement des adultes.
Mais entre 0 et 8 semaines, même si le bébé a une tendance à s’orienter de préférence vers les
humains en général, il n'y a pas encore d'attachement préférentiel, c'est-à-dire que les
comportements d’attachement ne sont pas encore dirigés vers une personne précise. C’est
seulement vers 8-12 semaines, qu’on observe des signaux avec une discrimination limitée des
figures (Tereno et al. 2007).
165
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Quant aux parents, lors de cette phase, ils sont amenés à s’adapter au rythme de leur bébé, à
répondre à ses besoins physiologiques (le nourrir, le langer…) et de sécurité. Par essais et
erreurs, le parent (caregiver) apprend à interpréter et à répondre de façon adaptée aux états
fluctuants et aux signaux de son bébé (par exemple les pleurs de faim, les pleurs de fatigue…).
Le parent est également amené à établir des routines synchronisées et créer un dialogue parent-
bébé (cf. notions d’accordage affectif et de synchronie interactive chez Daniel Stern, 1977 et
d’intersubjectivité chez Trevarthen et Aitken, 2004). Des études indiquent que la synchronie
interactive mène à une synchronisation au niveau neuronal des liens entre expérience et attentes
du bébé. Sroufe (1990) propose encore le concept de « matrice relationnelle primaire », il s’agit
d’une « matrice organisée autour du système de soins de la figure parentale, s’exprimant sous
la forme de patterns de régulation dyadiques, dans lesquels le degré de participation de l’enfant
est progressivement croissant » (Sroufe, 1990, cité par Tereno et al. 2007, p. 155).
Notons encore que l’établissement des modèles régulateurs de l’équilibre physiologique dans
le cadre de la relation de soins ou de la « matrice relationnelle primaire » semble fonctionner
comme base et comme prototype pour la régulation psychologique ultérieure (Tereno, 2007).
Rappelons tout d’abord que cette phase n’a pas un début très clair, la différenciation est
progressive et en fonction des figures.
- Le bébé commence à discriminer les personnes qui s’occupent de lui. Il réagira moins
spontanément devant un étranger. Les signaux commencent à être dirigés vers une (ou
plusieurs) figure(s) privilégiée(s) et différenciée(s). On parle de l’apparition d’une réponse
166
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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différenciée du bébé. On observe le début d’une relation particulière avec les personnes qui
s’occupent de lui (le bébé a une préférence envers elles) mais tel que dit plus haut, les
comportements d'attachement du bébé favorisant la proximité sont toutefois encore dirigés
vers plusieurs personnes privilégiées sans que l'une d'elle ne soit déjà devenue sa « base de
sécurité » (Bowlby) ou sa « base de ravitaillement émotionnel » selon la terminologie de
Mahler.
- Vers trois, quatre mois, l'enfant sourit et vocalise davantage aux personnes qui s'occupent
de lui ou qui lui sont familières. Le premier vrai sourire social intentionnel (vers 12
semaines) renforce la relation.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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l'âge de six mois. Cela coïncide avec plusieurs changements ou progrès au niveau du
développement de l’enfant, changements qui vont activer le système d’exploration (et donc
augmenter le risque pour la sécurité du bébé) et parallèlement le système d’attachement (pour
protéger le bébé) :
C'est à partir de cette troisième phase d’attachement que l'on peut considérer que l'enfant a
déterminé son objet d'attachement, Bowlby note une préférence marquée pour la mère, surtout
dans les périodes de stress, pendant lesquelles le bébé utilise sa figure d’attachement comme
« base de sécurité » pour explorer l’environnement. Lors de cette phase dite d’attachement
proprement dit, la mère est utilisée comme base de sécurité. L'enfant se déplace seul, explore
son environnement avec comme dilemme celui de s'éloigner de sa mère pour faire la conquête
de son milieu et celui de maintenir le contact avec elle. On voit à ce propos que l'enfant de cet
âge jette fréquemment un coup d'oeil vers sa mère, pour s'assurer qu'elle se trouve bien à
proximité de lui.
Comme preuve de cet attachement discriminé, Bowlby évoque la peur des étrangers et une
168
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C’est la phase de la formation d’un « partenariat corrigé quant au but » entre l’enfant et sa figure
d’attachement. Elle ne commence pas avant la deuxième année et pour beaucoup d’enfants pas
avant la troisième année. Elle peut aller jusqu’à quatre voire cinq ans. Lors de cette 4e phase,
l’enfant de 2-3 ans conçoit la figure d’attachement comme une personne indépendante,
permanente dans le temps et l’espace, et ayant ses propres objectifs. Grâce à cette
reconnaissance réciproque de leurs états émotionnels, leur capacité à distinguer leurs points de
vue mais aussi à tenir compte du point de vue l’un de l’autre, ils vont pouvoir atteindre un but
commun.
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même (auto-régulation).
A ce stade, les styles d’attachement se sont complètement formés. Si l’enfant a fait des
expériences relationnelles de qualité, il va développer un attachement sécure. C’est-à-dire qu’il
va garder les stratégies primaires qui lui permettent d’approcher sa figure d’attachement. Il a
développé une représentation, un modèle interne opérant des autres et de lui-même comme
dignes de confiance. Par contre, si l’enfant a fait des expériences moins satisfaisantes à ses
besoins de réconfort il va avoir recours à des stratégies adaptatives (par ex. recours à la
cognition et à l’évitement des émotions ou au contraire recours aux émotions). Selon les cas,
ces stratégies peuvent être l’inhibition des comportements d’attachement et conduire à un
attachement de style insécure-évitant (groupe A), ou des stratégies d’hyperactivation des
comportements d’attachement et conduire à un attachement de type insécure-ambivalent
(groupe C).
Précisons cependant avec Guedeney et coll. (2006) et Prior et Glaser (2010) que ces styles
d’attachement ne sont en aucun cas synonymes de psychopathologies mais restent dans une
construction « normale » et adaptative du lien d’attachement. En effet, même si les schèmes
d'attachement insécures peuvent compromettre l'exploration, la confiance en soi et la maitrise
de l'environnement, ils représentent également une adaptation de l'enfant, en ce sens qu'ils
forment des réactions appropriées à l'absence de réponse d'un caregiver.
Par exemple, dans le schème évitant (stratégie centrée sur la cognition), minimiser les
expressions d'attachement même dans des conditions de menace légère permet à l'enfant d'éviter
d’éloigner davantage un caregiver déjà rejetant, laissant ainsi ouverte la possibilité d'une
réponse de sa part en cas de menace plus sérieuse (Tereno, 2007).
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A l'origine, la « strange situation » a été conçue pour observer la sensibilité des mères face aux
signaux émis par leur enfant durant le début de l'existence. Les observations réalisées dans ce
contexte ont montré que le développement de l'attachement est étroitement lié aux réponses
socio-émotionnelles des figures d'attachement face aux besoins physiologiques et sociaux
exprimés par les bébés.
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effet pas beaucoup de sens de dire que quelqu’un a un attachement « faible », « fort », « intense »
etc. Les attachements sont plutôt décrits et classés suivant leurs caractéristiques qualitatives.
8.1. La sensibilité des mères face aux signaux émis par leur
enfant
Ainsworth a réalisé au départ une étude longitudinale sur des dyades mère-enfant (n = 26). La
première partie de la recherche a été menée au cours de la première année d'existence des bébés,
au domicile des parents. L'observation centrée d'abord sur les mères a été menée au cours d'une
situation alimentaire. L'évaluation de la sensibilité ou de l’insensibilité des mères aux signaux
émis par les bébés (par exemple : capacité de consoler les pleurs) a permis de constituer trois
catégories de mères.
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Ces mères nourrissent leur bébé à la demande. Elles cherchent à le satisfaire de façon adaptée
à ses caractéristiques (de rythme par exemple). Elles ont des bébés qui pleurent moins que ceux
des autres catégories et ont le plus de contacts avec eux. Ce sont elles qui sont les plus satisfaites
de leur enfant.
Les conduites de ces mères envers leur bébé sont aléatoires, variables d'un moment à l'autre en
fonction de leur propre état. Elles ont les bébés qui pleurent le plus.
Elles sont interventionnistes envers leur bébé et ne suivent pas leur rythme. Elles ignorent les
signes émis par leur enfant. Elles ont des bébés qui ont des épisodes de pleurs importants.
Pour Ainsworth et ses collègues, l’aspect le plus important du comportement maternel associé
avec l’attachement du nourrisson est la sensibilité maternelle aux signaux et aux
communications de l’enfant. Notons toutefois que leurs recherches (Ainsworth, Bell, & Stayton,
1971 ; Ainsworth et al., 1978, cités par Prior et Glaser, 2010, p. 49-50) tiennent compte de
diverses caractéristiques maternelles : la « sensibilité-insensibilité aux signaux », mais aussi
« »l’acceptation-rejet », la « coopération-interférence » et enfin la « disponibilité-ignorance ».
Ces mesures forment les « Maternal Sensitivity Scales » ou les Echelles de Sensibilité
Maternelle.
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Après avoir observé les attitudes maternelles, Ainsworth a rencontré les enfants lorsqu'ils
avaient l'âge d'un an et ce, dans le cadre de la « strange situation » afin d'évaluer les différents
types d'attachement que les enfants ont avec leur mère. La situation étrange consiste en un
dispositif de recherche en laboratoire (paradigme expérimental) comportant 8 épisodes qui
incluent des séparations et des réunions entre l’enfant et sa figure d’attachement et
l’introduction d’un adule étranger dans la pièce d’observation.
Chaque enfant a été observé dans une pièce de laboratoire, en présence de sa mère et de jouets
disposés sur le sol. On évalue la qualité des relations d’attachement en observant la fréquence
et la durée des comportements interactifs entre l’enfant et la figure d’attachement pendant les
épisodes de réunion et après une brève séparation (recherche de proximité, maintien du contact,
résistance au contact).
Les réactions et les comportements des bébés ont été filmés puis analysés au cours de huit
épisodes composant la « strange situation » :
1. Présence de la mère et de son enfant.
2. Arrivée d'une personne inconnue qui cherche à avoir un contact avec le bébé.
3. Départ de la mère, alors que l'enfant reste seul avec l'inconnue (épisode de séparation).
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Remarque : avant de présenter les données issues de cette observation, il faut préciser que la
situation créée dans cette expérience pose certaines questions d'ordre éthique (cf. point sur
l’éthique du chercheur développé dans le premier chapitre). Est-il en effet tout à fait acceptable
de provoquer des situations qui peuvent apparaître « bizarres » voire stressantes pour certains
bébés ?
Les enfants qui ont une stratégie organisée pour atteindre l’objectif de proximité d’une figure
d’attachement peuvent être attachés de façon sécure ou insécure à celle-ci (Prior et Glaser, 2010,
p. 30).
- Un attachement sécure signifie que l’enfant a confiance que la figure d’attachement sera
disponible et réagira de façon sensible et bienveillante au besoin de proximité et, en cas de
besoin, au besoin de réconfort.
- Un attachement insécure peut être décrit comme anxieux à cet égard. Les attachements
organisés insécures se distinguent en « évitant » et « résistant » ou ambivalent (aussi appelé
ambivalent-résistant).
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Ainsworth (1978) ne souhaitait pas attribuer d’étiquettes descriptives ou « classer » les enfants,
c’est pour cette raison qu’elle a appelé les trois groupes A, B et C. La validité de sa classification
a été démontrée dans de nombreuses études et a résisté au temps.
L’enfant typique de ce groupe B est plus positif dans son comportement envers sa mère que les
enfants du groupe A et C. Il est plus harmonieux et plus coopératif dans ses interactions avec
sa mère et plus désireux d’obéir à ses demandes. Il utilise sa mère comme base de sécurité à
partir de laquelle il explore. A la maison, il ne pleure pas lorsque sa mère quitte la pièce. Quand
son système d’attachement est fortement activé, comme dans la procédure de la situation
étrange, il recherche la proximité de sa mère et un contact corporel étroit avec elle. L’enfant
sécure est rapidement calmé, et en quelques minutes, il retourne à son exploration et à ses jeux
(Prior et Glaser, 2010, 30-31).
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Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur vert ?
- Parent accueilli positivement, avec chaleur au retour (enfant se laisse consoler facilement
après la réunion)
Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur rouge ?
- Quand le bébé est menacé ou angoissé par la séparation, il signale son besoin directement,
il réagit au départ du parent (enfant proteste quand sa mère le quitte) mais séparation
(relativement) aisée.
- Les émotions négatives (angoisse ou colère), exprimées durant la séparation ou pour
communiquer ses besoins au caregiver, n’interfèrent pas avec l’exploration renouvelée
(exploration aisée).
- Réconforté en partie par la personne étrangère mais attend clairement le retour du parent.
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Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur bleu ?
2. Arrivée d'une personne inconnue qui cherche à avoir un contact avec le bébé.
7. Retour de l'inconnue.
- Le bébé peut être amical ou non avec la personne étrangère mais il montre une préférence
claire pour le parent.
- Réconforté en partie par la personne étrangère mais attend clairement le retour du parent.
Les mères de ces enfants ont été évaluées dans la première partie de la recherche comme étant
sensibles et adaptées aux besoins de leur bébé (cf. groupe mères plutôt sensibles). La mère est
réceptive et accessible ; elle a les comportements maternels suivants (cf. Tereno, 2007, p. 161):
- Elle valorise le contact physique, elle a un contact physique fréquent et soutenu avec le
bébé. On note une bonne capacité maternelle à calmer son bébé en le prenant dans les bras.
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- Elle a une bonne « sensibilité maternelle » : elle décode les signaux de l’enfant et gère ses
réponses en harmonie avec les rythmes du bébé (= réponse « sensible » et adaptée aux
besoins du bébé).
- L’ambiance des interactions est prévisible : le bébé peut comprendre et anticiper les
conséquences de ses propres actions.
Il est intéressant de souligner que les parents les plus sensibles ne le sont qu’environ 75-80 %
du temps, la majorité des parents qu’à 60-75 %.
Il faut encore ajouter que l'enfant peut se montrer sécurisé quand il est avec son père et
insécurisé quand il est avec sa mère ou vice versa. Les comportements de l'enfant dans la
« situation étrange » traduiraient ainsi la qualité d'une relation particulière et non pas une
caractéristique de l'enfant lui-même.
A propos du père, on peut dire qu'il est aussi une figure significative comme peuvent le devenir
les quelques personnes qui ont des contacts réguliers avec l'enfant. L'interaction père- enfant a
été moins étudiée et a souvent été réduite aux jeux physiques brusques que les pères feraient
avec leur jeune enfant. On a pu penser que les pères ont moins tendance que les mères à tenir
(« hold », cf. holding chez Winnicott), sourire, vocaliser. Mais les choses changent actuellement
et une recherche de Cox (1992)20 a mis en évidence que l'on retrouve presque autant d'enfants
sécures (en situation étrange) avec le père qu'en relation avec la mère (47 % vs 54 %) et aussi
que la sécurité de l'attachement à 1 an peut être prédite à partir de la qualité de l'interaction père-
nourrisson observée à l'âge de 3 mois.
Les enfants sécurisés se sont construits un modèle de mère disponible et répondant à leurs
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Le type d’attachement insécure évitant caractérise 14 ou 15% des relations parents-enfants (van
Ijzendoorn et al., 1999). Comme pour le pourcentage de l’attachement sécure, le % peut
légèrement fluctuer en fonction des études, cela s’explique notamment par le fait que dans
l’étude initiale d’Ainsworth et al. (1978), la classification D n’existait pas encore.
Les données qui suivent concernent les enfants âgés entre 12 et 18 mois. Les enfants ayant un
style évitant déploient des stratégies axées sur la cognition avec un contrôle excessif de
l’émotivité.
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Comme le décrivent Prior et Glaser (2010, p. 31), lors de l’expérience de la Strange Situation,
ces enfants maintiennent un haut degré d’exploration à travers les épisodes de séparation et de
réunion. Ils protestent très peu au départ de la mère et réagissent très peu à son retour
(Schneider-Rosen, 1990).
Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur vert ?
Ces enfants donnent l'impression d'être autonomes, indépendants car ils présentent de
nombreuses conduites d'exploration sans solliciter leur mère. L’enfant se lance dans
l’exploration, en interagissant affectivement très peu avec la figure d’attachement (par ex. ne
partage pas d’enthousiasme pour un jouet ou un succès).
- L'enfant évite le contact avec sa mère, surtout après une absence. Exemples de réponses
d’évitement au retour du parent :
o l’enfant évite activement la figure d’attachement du regard, il tourne le dos et ne
recherche pas le contact physique. Il ignore la figure d’attachement en ne la
regardant pas et en conservant son attention sur son jeu. Contorsions si mère cherche
à le prendre
- Il n'implique pas la figure d’attachement dans ses jeux et ses explorations et ne recherche
pas ou peu la proximité avec la figure d’attachement. N’initie pas activement l’interaction
ou la recherche de contact après la séparation : pas de mouvement vers la mère.
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Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur rouge ?
- Evitement, absence de réponse, pas de réaction au départ de la mère : l’enfant affiche peu
ou pas de signes de détresse au départ de la figure d’attachement. Inhibition des affects
négatifs : « les émotions négatives comme la colère sont exprimées indirectement au travers
de l’évitement et de l’absence de réponse » (Tereno, 2007, p. 159).
- Il cherche peu sa figure d’attachement lorsqu'elle s'absente.
- Pleurs reliées au fait d’être laissé seul. (Détresse disparaît à l’arrivée de la personne
étrangère.)
Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur bleu ?
1. Arrivée d'une personne inconnue qui cherche à avoir un contact avec le bébé.
7. Retour de l'inconnue.
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étrangère.
- Comportement de l’enfant envers la mère et l’étranger peu différencié. Discrimination
minime dans le traitement de ces deux personnes.
Les enfants de ce groupe sont ceux dont les mères ont été les moins sensibles à leurs besoins
(cf. groupe de mères rigides). L'attitude de ces enfants est donc interprétée comme étant une
attitude défensive d'évitement car ils ont été trop souvent frustrés par la non-satisfaction de leurs
besoins. Ils ont appris à éviter leur mère en quelque sorte pour ne pas connaître de nouvelles
déceptions.
Peter Fonagy (1996) ajoute qu'un attachement insécure se constitue quand l'enfant est contraint
de développer des comportements défensifs lui permettant de se protéger du parent qui n'a pas
une représentation suffisante du fonctionnement de son enfant.
Selon Ainsworth (1978), l’échec à rechercher le contact reflète une distorsion majeure de la
régulation émotionnelle et compromet la capacité du bébé à retourner à une exploration active
de qualité. On pourrait avoir l’impression d’un bébé éteint.
Chez les enfants ayant un attachement insécure évitant avec leur mère, Tereno (2007, p. 161)
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note :
- Rejet chronique face à la vulnérabilité émotionnelle (par ex. rejette le bébé en demande de
réconfort).
- Valorisation de l’enfant pour ses performances cognitives et le contrôle de son état affectif.
- Mère pas sensible, interventionniste ou rigide. La dépendance du bébé lui est insupportable
(« bébé prend tout, tout mon énergie »; peur que le bébé se réveille (signes de vie = bruits
dérangeants). Se couper des émotions, de tout ressenti est une façon pour la mère de se
contenir, pour éviter les débordements.
En somme, les mères dépressives, négligentes et celles qui se retirent ont davantage de chance
d'avoir des enfants évitants ou fuyants.
Quel Modèle Interne Opérant (M.I.O.) est associé à un attachement insécure évitant ?
Les enfants « évitants » semblent s’être construits un modèle interne (M.I.O.) de mère rejetante
ou intrusive, lorsqu’ils sont en état de vulnérabilité émotionnelle.
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Ce groupe représente environ 9% des relations parents-enfants (van Ijzendoorn, 1999 cité par
Prior et Glaser, 2010, p. 37). Les enfants ayant un attachement insécure ambivalent développent
une stratégie axée sur l’affect liée aux efforts répétés pour solliciter la sécurité de la part de la
figure d’attachement. Malheureusement ces efforts sont inefficaces. Ce sont les enfants qui
pleurent le plus, que ce soit à la maison ou dans la strange situation (Prior et Glaser, 2010). Ils
répondent immédiatement au départ de la mère par une intense détresse, et ne sont pas consolés
à son retour. Ils recherchent le contact de la figure d’attachement, mais en même temps
éprouvent un ressentiment envers elle car celle-ci ne peut pas constituer une base de sécurité
pour l’exploration.
Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur vert ?
Pour Schneider-Rosen (1990) les caractéristiques suivantes s’appliquent à ces enfants, qui
paraissent passifs et dépendants :
- Ses explorations se font avec passivité. Exploration passive des jeux et des nouvelles pièces.
Est graduellement capable d'explorer de nouveaux jouets et de nouveaux environnements
mais revient fréquemment vers sa figure d’attachement.
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Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur rouge ?
- Les séparations sont extrêmement stressantes. Le bébé est intensément affecté et bouleversé
par les séparations. La réponse émotionnelle est très forte (exagérée) : l'enfant manifeste
grande détresse lorsque sa mère le quitte.
- Si la figure d’attachement s'absente, il ne la recherche pas ou passivement ; il résiste
fortement aux contacts avec un étranger (p. ex. pour jouer).
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Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur bleu ?
2. Arrivée d'une personne inconnue qui cherche à avoir un contact avec le bébé.
7. Retour de l'inconnue.
En résumé, l'enfant avec un attachement insécure ambivalent manifeste une grande détresse
lorsque sa mère le quitte, et elle ne peut arriver à le consoler quand elle revient. Ces enfants se
montrent mal à l'aise du début à la fin de l'observation. Ils manifestent un intense besoin de
contact (ils s'accrochent à leur mère et explorent peu les jeux) mais aussi une forte agressivité
ou une grande recherche quand ils sont séparés d'elle. En présence de l'inconnue, ils montrent
des signes de détresse. On voit que ces enfants attendent de leur mère, qu'elle leur apporte la
sécurité dont ils ont besoin et qu'elle leur a fait expérimenter un certain nombre de fois mais
cependant pas suffisamment pour qu'ils soient sécurisés.
Les mères de ces enfants se trouvaient dans le groupe des mères aléatoires ou peu sensibles.
Les mères qui répondent de façon inconsistante sont plus susceptibles d'avoir des enfants
ambivalents.
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Quel Modèle Interne Opérant (M.I.O.) est associé à un attachement insécure ambivalent ?
Ces enfants déploient une stratégie axée sur l’affect. Les enfants résistants semblent avoir
internalisé l’image d’une mère répondant de façon inconsistante à leurs besoins. Les schèmes
d'attachement insécures ne sont pas idéaux (non-optimaux) du fait qu'ils peuvent compromettre
l'exploration, la confiance en soi et la maitrise de l'environnement. Cependant, tel que dit plus
haut, les schèmes insécures représentent également une saine adaptation de l'enfant, en ce sens
qu'ils forment des réactions appropriées à l'absence de réponse d'un caregiver.
A la suite de la classification des différents styles proposée par Ainsworth, il est apparu que
certains enfants ne rentraient pas dans les groupes A, B ou C. Il s'agissait d'enfants difficiles à
classer dans l'une des trois catégories précédentes (sécure/B, insécure évitant/A, insécure
ambivalent/C). Pour aborder et résoudre ce problème, Mary Main et ses collègues de
l’Université de Berkley ont réexaminé plus de 200 enregistrements vidéo de situation étrange
(Prior et Glaser, 2010). Elles ont trouvé que ces enfants « inclassables » dans la catégorisation
d’Ainsworth ne partageaient pas un profil ou un nouveau mode de comportement, mais avaient
plutôt un comportement bizarre qui manquait de stratégie cohérente et organisée, notamment
pour faire face au stress de la séparation (Prior et Glaser, 2010, p. 33). Concrètement, ces enfants
mélangeaient des conduites (stratégies) de chacun des groupes de façon imprévisible.
Dans la situation étrange, ils manifestent une désorientation brève, parfois évidente, mais
parfois aussi discrète, de leurs stratégies comportementales lorsqu'ils sont en présence de leur
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figure d'attachement. Certains de leurs comportements sont inclassables. Il s’agit par exemple
du fait de rester immobile ou avoir des comportements contradictoires d’approche et de fuite
(Main et Solomon, 1988).
Cette observation a mené Main et Solomon à introduire une nouvelle catégorie d’attachement
ou un quatrième groupe d'enfants (Main et Solomon, 1986, 1990) : le groupe D, attachement
insécure de type désorganisé ou désorienté. Les critères pour rentrer dans cette catégorie sont
les suivants : « en présence de son soignant lors de la situation étrange, le comportement de
l’enfant correspond à un ou plusieurs des indices de comportement, ou indices de
désorganisation et de désorientation qui suivent :
- Présence simultanée de comportements contradictoires, tels qu’un évitement fort avec une
forte recherche de contact, une forte détresse ou une forte colère.
Notez que l’on peut retrouver différents degrés d’intensité des indices de comportement
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L'enfant avec un profil d’attachement désorganisé n’a pas de réelle stratégie défensive, on note
une absence de stratégies adéquates pour gérer le stress. Ce type d’attachement concerne 15%
des enfants (van Ijzendoorn et al., 1999 cités par Prior et Glaser, 2010, p. 37).
Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur vert ?
L'enfant avec un profil d’attachement désorganisé présente des comportements « bizarres » dans
le contexte de la situation étrange : il semble sidéré, désorienté ou inquiet (il a peu de contrôle).
Au retour du parent, il peut manifester des comportements apeurés (il peut être pétrifié,
immobile, se rouler par terre, se cogner la tête), éviter le contact avec sa mère, puis rechercher
un contact très étroit.
On note aussi des comportements contradictoires : l’enfant évite le contact avec sa mère, puis
recherche un contact très étroit. L’enfant semble incapable de s’approcher du parent ni de s’en
détacher.
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Quelles sont les observations pour les épisodes avec le code couleur rouge ?
On note une difficulté à transiger avec les émotions négatives dans les situations de stress.
Notons encore que la découverte du groupe d'enfants avec un attachement « désorganisé » s'est
avérée d'une grande importance notamment en ce qui concerne les aspects cliniques et la
psychopathologie infantile. La catégorie 4 (« désorganisé ») est considérée comme un
marqueur clinique important (Grossmann, 1998)22, prédictif de nombreux problèmes
d'ajustement (Cicchetti & al., 1995)23. Sprangler et Grossmann (1993)24 ont montré que les
enfants du groupe 4 « désorganisé » ont des taux de cortisol inhabituellement élevés après la
situation étrange. Ceci semble indiquer l'existence d'un état d'alarme continu chez les enfants
« désorganisés » et ce, même en présence de leur mère, marquant ainsi leur insécurité. Les
recherches actuelles (Main 1998)25 concernant les enfants du groupe « désorganisé » tendent à
prouver qu'ils présentent un risque significativement plus élevé de troubles du comportement
durant l'enfance et de troubles mentaux pendant l'adolescence.
Enfin, notez qu’il existe des classifications alternatives pour l’attachement. Crittenden (1995) a
développé le Modèle Maturationnel Dynamique de l’Attachement, dans laquelle le chercheur
retient les catégories A, B et C, mais remplace D par A/C (Prior et Glaser, 2010, p. 36).
Rappelons tout d’abord que les recherches ont montré que la disponibilité émotionnelle (ou
non) des figures d’attachement ainsi que la réaction appropriée (sensibilité/’responsiveness’)
(ou non) des parents à l’enfant impactent l’aspect sécure de l’attachement (Tereno et al., 2007).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Sachant cela, on peut se poser la question de savoir « Quels sont les facteurs parentaux
(maternels) intervenant dans les comportements « désorganisés » ? Quels sont les facteurs de
risque pour l’installation d’un attachement désorganisé-désorienté (type D) ? ».
- Insensibilité extrême.
- Désorganisation.
Dans l’état de dissociation, le parent n’est pas conscient de ce qu’il fait. Dans le cas de
l’insensibilité extrême, le parent est conscient de ce qu’il fait mais il n’a pas nécessairement
conscience de l’impact de ses comportements sur l’enfant. Dans la situation de comportements
parentaux perturbés, apeurés, effrayants ou confus, le parent peut générer la peur et
l’appréhension, en mettant l’enfant dans une situation de conflit insoluble (Tereno, 2007, p. 160
et 162) :
30
Les études mentionnent souvent des traumas non résolus chez le parent (par ex. liés au décès d’un proche, à
l’abus physique ou sexuel) ou encore la dépression ou d’autres facteurs psychologiques (dépendance par exemple).
Cyr, Dubois-Comtois, & Moss (2010) ; Cyr & Moss (2001); Hesse (1999); Moss, Cyr, et coll. (2004)
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Ainsi les comportements effrayés (apeurés) ou effrayants (épeurants) chez le parent peuvent
mener à un comportement désorganisé/désorienté chez l’enfant. Distinguons les notions de
parent apeuré/effrayé (frightened) et épeurant/effrayant (frightening).
- Le parent apeuré manifeste une expression faciale de peur (yeux grands ouverts, sourcils
ronds, lèvres étirées et inversées) et des gestes brusques et soudains (sursaut, recul des
épaules, posture vigilante, porte la main à sa bouche à la vue de l’enfant.
Dans la dissociation comme « état d’absence », le parent ne paraît plus conscient de ses
comportements, de son expression faciale, de ses postures et mouvements, ni de l’intonation de
sa voix. On observe une immobilisation, une respiration différente, le parent ne cligne pas des
yeux pendant plusieurs secondes, il a le regard vide. Il traite l’enfant comme un objet (par
exemple dans la façon dont il le transporte). Le parent erre dans la pièce de façon désorientée
et on note aussi une stéréotypie (mouvements anxieux et répétitifs). D’autres observations sont
des bizarreries dans le contact avec l’enfant (approche de façon parabolique ou en se retirant
rapidement), une posture étrange, un comportement déphasé, hésitant et inadapté et/ou des
comportements frénétiques (change d’un jouet à l’autre rapidement, sans arrêt).
Dans le cas d’insensibilité extrême du parent, on note à la fois des comportements épeurants et
épeurés. Parmi les comportements épeurants on note :
194
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- L’intrusion : le parent s’approche de l’enfant au point où cela le stimule trop, l’irrite ou est
même désagréable pour lui. Envahir l’espace vital de l’enfant.
- Rudesse et contrôle : le parent force par exemple l’enfant à se placer dans une certaine
position. Il continue à tenir l’enfant malgré sa résistance. Il tire l’enfant par le poignet.
- Agressivité : le parent se montre hostile ou agressif à l’égard de l’enfant (on peut noter cette
agressivité dans le ton de la voix et au niveau du comportement). Le parent manifeste des
comportements ou postures d’attaque (montrer les dents, « sortir les griffes », grogner).
- Retrait majeur : on note une absence d’interaction entre le parent et son enfant ou des
interactions minimes. On observe une absence d’intervention lorsque l’enfant s’engage dans
une situation dangereuse ou potentiellement dangereuse. Le parent donne des réponses
minimes lorsque l’enfant est en détresse et maintient son enfant à distance.
Main et Hesse (1990)27 pensent que les femmes ayant eu un traumatisme au niveau de leur
attachement, adoptent quand elles deviennent mères un comportement effrayé ou effrayant
quand elles sont en interaction avec leur bébé. Cette attitude prive l'enfant d'une base de sécurité
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Des recherches récentes ont aussi été menées dans le contexte de la maltraitance28 et de la
négligence des enfants. Celle de Lyons-Ruth (1996)31 peut être citée. Il y apparaît que les
enfants de mères maltraitantes ont toutes les raisons d'avoir peur d'elles. Ils restent néanmoins
attachés à elles mais de façon conflictuelle. Ainsi la personne qui les néglige ou les maltraite
est aussi la personne censée être leur base de sécurité. On voit donc que s'installe ici un conflit
d'attachement. Les enfants maltraités ou exposés à une accumulation de facteurs de risques sont
plus susceptibles de développer un attachement désorganisé (Cyr, Dubois-Comtois, & Mos,
2010). De 40 à 80% des enfants maltraités selon les échantillons développent un attachement
désorganisé (Van Ijzendoorn et coll. 1999).
Une étude de Murray (1992)30 enfin met en évidence le fait que la dépression maternelle
postnatale est significativement associée aux comportements « désorganisé » de l'enfant.
31
Lyons-Ruth, K. (1996), Attachment relationship among children with agressive behavior problems : The role of
disorganized early attachment patterns, Journal of Consulting and Clinical Psychology, 64, 64-73. Lyons-Ruth
prouve que l'attachement désorganisé de l'enfant et les problèmes psychologiques de la mère permettent de prédire
un comportement hostile et agressif de l'enfant à l'école maternelle. Cicchetti (1995) a trouvé jusqu'à 85 % d'enfants
avec des comportements « désorganisé » dans des échantillons cliniques.
196
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Les recherches évoquent encore des facteurs plutôt imputables à l'enfant. Le bagage de l’enfant,
et notamment les caractéristiques d'organisation des comportements néonataux (hypothèse de
dysfonctionnement neurologique mineur) interviennent également. On peut évoquer le
tempérament du bébé, certains bébés sont plus vite dépassés par les stimuli (leur seuil
d’excitation et de tolérance est plus bas) (Tereno et al., 2007).
Remarque : ici on peut faire le lien avec le concept de vulnérabilité développé par l’approche
interactionniste de Horowitz que nous avons vue dans le premier chapitre ainsi qu’avec le
concept d’ontosystème proposé dans l’approche éco-systémique de Bronfenbrenner.
Une étude de Spangler & coll. (1996)31 a porté sur 88 bébés qui avaient été évalués à l'aide de
l'échelle du comportement néonatal de Brazelton. La sensibilité maternelle a été observée
plusieurs fois pendant la première année. Les données mettent en évidence le fait que les types
d'attachement sécure, insécurisant de type évitant/fuyant et insécurisant de type ambivalent-
résistant (observés à la « strange situation ») peuvent être prédits par la sensibilité maternelle.
Toutefois les comportements « désorganisés » des enfants étaient prédits par les
caractéristiques d'organisation des comportements néonataux et non par la sensibilité
maternelle. Les auteurs interprètent ces résultats de la façon suivante : les caractéristiques du
nouveau-né pourraient être non pas déterminées par des facteurs génétiques mais par le stress
prénatal lié à l'état psychologique des mères. Ces données n'excluent pas l'hypothèse d'un
dysfonctionnement neurologique mineur chez les enfants manifestant un comportement
« désorganisé ».
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Enfin, notons que les enfants institutionnalisés ou adoptés à l’international sont plus à risque de
développer un attachement désorganisé (Cyr, Dubois-Comtois, & Moss, 2010).
198
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Chapitre 8
Evolution ultérieure des styles d’attachement
Nous avons déjà vu que le modèle interne (M.I.O.) se construit au cours de la première année.
Progressivement, l'attachement se manifeste de façon moins pressante et moins fréquente car
l'enfant possède aussi, par son évolution cognitive, de nouveaux moyens pour préserver sa
sécurité : il utilise des symboles (par exemple le langage, les dessins…), construit de nouvelles
stratégies, possède d'autres centres d'intérêt (Golse, 1992). Aux environs de trois ans, Bowlby
a décrit un palier maturatif dans la construction de la représentation interne de la figure
d'attachement, représentation qui l'aide à mieux supporter la séparation, notamment lors de
l'entrée à l'école maternelle.
199
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1. L’attachement de 4 à 12 ans
Il semble que les recherches ont négligé la période allant de 4 à 12 ans jusqu’à encore
récemment (Guedeney et coll., 2006). Pendant cette période, les systèmes d’attachement vont
principalement voire seulement se complexifier au fur et à mesure que l’enfant grandit.
Les comportements liés à l'attachement perdent certaines caractéristiques typiques des jeunes
enfants et adoptent d'autres caractères propres à un âge plus élevé. La période préscolaire permet
par exemple la mise en place de la négociation et du marchandage.
Après avoir élaboré des stratégies comportementales d'attachement qui lui permettent de bien
fonctionner dans son milieu familial, l'enfant va ensuite développer des représentations
d'attachement en tirant de son expérience personnelle un modèle de relation qui, une fois
constitué, oriente sa perception des choses et va le guider dans les situations interpersonnelles
(Miljokovitch et al., 199832 ; Pierrehumbert, 1996)33. Ces modèles forment en définitive la base
des attentes dans les relations avec les proches (Bowlby, 69, 82; Bretherton, 90; Main, 95)34.
L'âge, la croissance des facultés cognitives et une expérience sociale continue font évoluer le
modèle interne opérant (M.I.O.) en le transformant et en le complexifiant au fur et à mesure que
l’enfant grandit. Ainsi, les enfants de quatre ans ne sont plus stressés par la séparation s'ils ont
déjà négocié avec leur caregiver des modalités partagées de séparation et de retrouvailles.
Pendant les années qui vont suivre, les modèles internes d'attachement vont continuer à
s'élaborer (jusqu'à plus ou moins cinq ans) et à se consolider. Ils vont permettre à l'enfant de
mieux comprendre le réel, d'anticiper les événements, d'être assuré que la personne à laquelle
il est attaché constitue pour lui une « base de sécurité ».
200
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Bowlby (1973) lui-même, dans la définition qu’il a donnée des modèles internes opérants
(M.I.O) a insisté sur l’idée que ces modèles, bien que résistants aux changements, étaient
toujours susceptibles de changer. Il a ajouté que l’attachement se développe « du berceau à la
tombe ». En gros, il suppose qu’après 4/5 ans il va y avoir une complexification et une
consolidation des modèles internes opérants déjà formés, au rythme des développements de
l’intelligence et du langage. Il considère également que les expériences significatives dans la
vie peuvent induire un changement de ces modèles, mais il ne s’est pas attardé là-dessus.
Vers l'âge de cinq ans, la majorité des enfants ont nettement établi un modèle interne de la mère
et un modèle du concept de soi. Il convient de préciser ici que ces modèles internes se
construisent dans le contexte des interactions mère-enfant, c'est la raison pour laquelle modèle
opérationnel de soi et modèle opérationnel d'attachement sont interdépendants. Bretherton
(1985)35 illustre ce propos par l'exemple suivant :
- Inversement, un enfant qui fait l’expérience d’une figure d’attachement non disponible et
émotionnellement instable, a tendance à constuire un modèle de soi négatif.
Bowlby souligne aussi le fait qu’après 5 ans, l'enfant s'approprie le modèle interne
d’attachement et l'applique dans ses relations sociales (pairs, professeurs), ce qui le rend plus
résistant au changement.
201
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La schématisation ci-dessous représente le lien entre les Modèles Internes Opérants (M.I.O.), les Modèles
Internes de Soi et les styles d’attachement (schématisation intégrant la théorie de Bowlby, 1969).
Moi (modèle interne de soi) : aimable, désirable, Moi (modèle interne de soi) : indésirable, incapable d’être
capable, précieux, accepté aimé et de gratifier l’autre, impuissant, menacé, rejet
Mes parents (modèle d’attachement ou M.I.O.) : Accessibles, Mes parents (modèle d’attachement ou M.I.O.) :
sensibles à mes besoins, fiables, réconfortants. inaccessibles, insensibles, menaçants, imprévisibles,
rejetants.
L’évaluation de l’attachement en âge préscolaire (3 -6 ans) doit tenir compte des nouveaux défis
de développementaux :
- Le système d’attachement n’est plus aussi facilement activé. L’enfant dépend moins du
contact physique et se fie aux interactions à distance (regards, parole du parent).
202
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Les évaluations disponibles de l’attachement en âge préscolaire (3 -6 ans) sont, entre autres
(citées par Tereno et al., 2007, p. 160) :
La technique des histoires à compléter a comme objectif d’accéder aux représentations que
l’enfant a de ses relations d’attachement. On demande à l’enfant de compléter une histoire à
partir d’un scénario ou début d’histoire donné, en utilisant des figurines. C’est une mesure
d’évaluation moins menaçante et moins difficile que de poser des questions directes à l’enfant
(comme dans un entretien tel que l’AAI ou l’Adult Attachement Interview) (Prior et Glaser,
2010, p. 125). Le psychologue (l’interviewer ou l’expérimentateur) raconte à l’enfant le début
de l’histoire, dramatisant l’affect et le dilemme présenté dans l’histoire pour engager l’enfant
émotionnellement. Il invite ensuite l’enfant à « montrer et raconter ce qui se arrive ensuite »
(Prior et Glaser, 2010, p. 131)
- Le jus renversé : la famille est assise autour de la table et boit du jus, l’enfant prend la
bouteille sur la table pour se resservir et renverse le jus.
- Vélos : l’enfant et son ami demandent à Maman s’ils peuvent sortir avec leur vélo. Maman
dit « oui, mais soyez prudents ». Les enfants roulent vraiment très vite et puis l’enfant tombe.
- Le monstre (ou le voleur) dans le noir : l’enfant est au lit, les parent sont sur le canapé.
L’enfant entend un bruit, les lumières s’éteignent, l’enfant a peur que ce soit un monstre (ou
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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un voleur).
Chaque interview est filmée et les enregistrements sont retranscrits pour tenir compte des
réactions narratives tant verbales que non verbales. La technique des histoires à compléter a
permis de montrer qu’il existe différentes manières de relater un événement selon le style
d’attachement.
- L’enfant sécurisé (B) nous donne accès autant au déroulement ordonné des événements
qu’aux émotions vécues par les personnages (équilibre rationnel-émotionnel).
- L’enfant évitant (A) nous donne accès au déroulement des événements mais très peu aux
émotions vécues par les personnages (factuel).
- L’enfant résistant (C) nous donne accès aux émotions vécues par les personnages de
manière intense et touffue, mais très peu au déroulement ordonné des événements
(émotionnel).
En ce qui concerne les styles d’attachement, entre 3 et 6 ans, et entre 4 et 12 ans, on retrouve
les mêmes classifications qu’entre 12 et 18 mois : attachement sécure -B-, évitant/fuyant -A-,
résistant-ambivalent - C-, désorganisé - D-. La différence avec les plus jeunes enfants est le fait
que la désorganisation (groupe D) devient une classification à part entière. Dans le cas de
l’attachement désorganisé (D) devient plutôt organisé: enfant se montre de plus en plus
contrôlant.
204
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Dans les interactions de l’enfant ayant un attachement sécure avec sa figure d’attachement, on
observe :
- Que l’enfant est un peu craintif lors des séparations, inhibition temporaire de l’exploration,
pas de pleurs.
- Il accueille favorablement son parent avec des questions sur son absence et des remarques
sur ses activités propres durant son absence.
Quant à l’adaptation sociale ultérieure de l’enfant « sécure » entre 3 et 6 ans, des auteurs comme
Sroufe (1985)36 ont mis en évidence, dans des études longitudinales, le fait que les enfants d'âge
205
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
pré-scolaire qui ont un attachement sécure ont une plus haute estime de soi, sont plus
compétents socialement et montrent une plus grande sensibilité aux besoins de leurs pairs. Ils
sont aussi plus populaires que les enfants ayant établi les autres types d'attachement avec leur
mère.
- L’interaction exclut le parent. Il y a peu de contact visuel et peu d’échanges à distance. Face
à une question posée par le parent, réponse minimale de l’enfant.
206
Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Interactions :
- L’enfant est conflictuel et irritant dans l’interaction avec le parent : il s’accroche au parent,
est en négociation constante.
Exploration :
- Plus de difficulté à admettre leurs défauts et plus négatifs dans la description d’eux-mêmes
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Sroufe (1985) note encore que les enfants considérés comme évitants pendant la petite enfance
ont tendance à être décrits à 6 ans par leurs enseignants comme relativement insécurisés et
détachés et comme ayant des difficultés à évoquer leurs sentiments à propos de la séparation.
Ci-dessous nous reprenons plusieurs observations des enfants désorganisés, dans la situation
étrange et dans la vie quotidienne :
- On observe toujours un stress élevé (mesuré par taux de cortisol) dans la situation étrange
(adaptée à l’âge de 3-6 ans).
- Agressivité plus grande à l’école maternelle. Vécu scolaire associé au rejet et aux activités
déviantes.
- Régulation déficiente des affects (impulsivité, colère, irritabilité, faible capacité d’attention,
faible tolérance aux délais et aux frustrations)
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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se donnent le rôle de faire rire le parent). Les enfants tentent de contrôler l’état affectif des
parents.
- Quant au contrôle punitif, l’enfant devient hostile et directif envers le parent. Il peut essayer
d’humilier ou de rejeter le parent et de le diriger, en lui disant par exemple : « Je t’ai dit de
te tenir tranquille! ».
Quant à l’évolution sociale ultérieure des enfants classés dans le groupe « désorganisé » durant
leur petite enfance, et tout particulièrement ceux qui ont un niveau intellectuel faible, ils sont
jugés à 7 ans par leurs enseignants comme perturbateurs, impulsifs et agressifs de façon
disproportionnée (Lyons-Ruth, 1997 ; Sroufe, 1985).
Les quelques études existantes pour la période entre 4 et 12 ans semblent plaider pour une
stabilité des patterns d’attachement à cette période de la vie. Cette stabilité pourrait s’expliquer
par le phénomène d’« exclusion défensive » qui peut être défini comme un mécanisme
consistant à ne pas traiter les informations « gênantes » pour le système constitué de
l’attachement et à les exclure du système de représentations (Bowlby, 1984).
Ceci dit, en citant les études de Waters et coll. (2000), de Carlson (1998) et d’Ammaniti et coll.
(2005), Guedeney et coll. (2006) nous font remarquer que certains événements de vie (comme
le décès d’un parent, le divorce parental, la maladie chronique d’un parent ou de l’enfant et
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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même un événement aussi banal que la naissance d’un enfant puîné, peuvent influer sur la
continuité ou la discontinuité du style d’attachement.
2. L’attachement à l’adolescence
Comme on peut s’y attendre, les modifications propres à l’adolescence vont avoir des
répercussions sur les comportements d’attachement. Delage (2008) met en évidence trois
éléments majeurs pouvant amener l’adolescent à revisiter ses attachements. Il s’agit des
nouvelles capacités cognitives à l’adolescence, de la poussé vers l’autonomie, mais aussi de
l’attirance sexuelle et des relations avec les pairs.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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- Pour ce qui est de l’influence de la poussée vers l’autonomie que connait l’adolescent sur
l’attachement, on constate une prise de distance vis-à-vis des parents à l’adolescence. Le
temps passé avec eux, la proximité émotionnelle entre les adolescents et leurs parents, le
recours à leur avis pour prendre des décisions, se réduisent très fortement
D’autre part on note aussi une influence de (la qualité de) l’attachement sur l’adolescence.
Selon le style d’attachement (sécure ou insécure, organisé ou non) et plus précisément selon les
modèles internes opérants (M.I.O.) construits pendant l’enfance, l’adolescence va se dérouler
et se vivre différemment. Cette influence de l’attachement sur l’adolescence peut être observée
à deux niveaux.
Les relations avec les parents seront différentes selon que l’adolescent a un attachement sécure
ou insécure.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Par contre, lorsque l’adolescent a plutôt un style d’attachement insécure ou anxieux, ses M.I.O.
sont insécures et « fermés » se traduisant par des adaptations difficiles, un vécu de menace dans
la continuité de soi et des relations, une modification des perceptions de la réalité relationnelle.
Cet adolescent dit « insécure » active exagérément ou inhibe ses conduites d’attachement
(impasse de l’autonomisation) ; il a tendance à activer uniquement une des deux composantes
du système d’attachement (attachement ou sécurité – autonomie), soit le côté fusionnel par
rapport à la figure d’attachement, soit le versant d’exploration d’un extrême (il va par exemple
être dans la rue, dans le passage à l’acte).
Atger (2006) en citant l’étude de Kodak (1993) qui a utilisé l’AAI (Adult Attachment Interview)
pour mesurer l’attachement chez les adolescents, affirme que les sujets sécures sont capables
de discuter de manière plus constructive de sujets stressants avec leurs parents, alors que les
sujets insécures ont tendance à interpréter l’intervention de leurs parents comme une attaque et
utilisent la discussion avec les parents comme un moyen de pression.
Une autre dimension qu’on peut signaler à propos du rapport entre l’attachement, l’adolescence
et la famille est que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’attachement est différent de la
dépendance. A ce sujet, Prior et Glaser (2010) nous dit qu’un attachement sécure implique le
fait d’avoir confiance en sa base de sécurité et est associé à l’exploration et à l’indépendance
plutôt qu’à la dépendance. L’adolescent insécure confond attachement et dépendance et la crise
d’adolescence est vécue comme une menace de rupture.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
A l’adolescence, les relations a avec les pairs, qu’elles soient amoureuses ou d’amitié, vont
prendre un caractère de relations d’attachement. Ces attachements aux pairs peuvent même
surpasser les attachements aux parents. Cependant la qualité de ces relations va aussi dépendre
des modèles internes opérants (M.I.O.) que l’adolescent a pu se construire jusque-là.
Atger (2007) montre que la cohérence du discours et de la pensée à propos des expériences
et des affects qui caractérise les adolescents sécures est un atout dans les relations que ces
derniers entretiennent avec les pairs. Par contre, l’exclusion défensive des informations
concernant l’attachement qui caractérise les sujets insécures entrainent une distorsion des
échanges et des expériences négatives avec les autres.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
L’attachement ne s’arrête pas à l’adolescence. Même si Bowlby n’a pas théorisé ce que pouvait
être le système d’attachement et sa fonctionnalité à l’âge adulte, il avançait que l’attachement
est actif « depuis le berceau jusqu’à la tombe ». Quel que soit l’âge du sujet, différents stimuli
peuvent activer « le système d’attachement » (la nécessité de contact humain, de réconfort) :
- Tout ce qui est situation de perte ou de séparation de la figure d’attachement ainsi que
des situations de danger concernant la figure d’attachement ou soi-même.
- Tous les évènements qui génèrent de l’anxiété et/ou doute sur soi. Par ex. maladies,
dommages physiques, menaces, les conflits et les défis de la vie.
Selon les méta-analyses, on note que 70% des sujets présentent à l’âge adulte le même type
d’attachement qu’à un an. A l’âge adulte, la stabilité concernant l’aspect sécure de l’attachement
fait référence à la sécurité avec ses deux facettes : base de sécurité et havre de sécurité (Feeney
et Collins, 2004 ; Crowell et coll. 2002 ; Waters et coll. 2002).
Il y a toutefois aussi des changements par rapport à l’attachement chez le jeune enfant, car chez
l’adulte, l’attachement est caractérisé par la réciprocité. Chacun est à la fois donneur et receveur
de soutien, d’attention et de sécurité.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
- un ou plusieurs amis.
Si l’attachement avec les parents persiste tout au long de la vie, le partenaire amoureux
représente – du moins dans les sociétés occidentales et occidentalisées- la figure d’attachement
principale à l’âge adulte. L’attachement entre d’ailleurs en jeu dans le choix du partenaire.
Lorsqu’on demande aux personnes « quel serait le partenaire idéal », les qualités citées, bien
avant les qualités physiques et la fortune, sont celles d’une figure d’attachement adéquate : la
sensibilité et la compétence à répondre aux besoins d’attachement (Guedeney et coll., 2006).
Les travaux scientifiques sur l’attachement chez l’adulte ne commencent qu’au milieu des
années 1980, notamment avec l’AAI ou l’entretien d’attachement adulte proposé par Main
(Guedeney et al., 2006).
Rappelons que Bowlby avait suggéré que le bébé construisait graduellement, au fil de ses
premières expériences relationnelles, un certain nombre d'attentes au sujet des interactions et
relations avec ses proches. Ces attentes finiraient par se cristalliser sous la forme de modèles
internes opérationnels (M.I.O.) ou de représentations mentales des relations d'attachement. Ces
modèles cognitifs permettraient à l'enfant de comprendre les comportements et les motivations
de ses proches, motivations sur lesquelles il pourra alors agir. Ces modèles perdureraient au
cours de l'enfance jusqu'à l'âge adulte, permettant à l'individu d'interpréter et d'anticiper les
comportements des autres et de guider ses propres attitudes au sein des relations
interpersonnelles.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Nous avons déjà vu que Mary Main a contribué à l’avancement de la théorie de l’attachement
en introduisant une quatrième catégorie de classification des styles d’attachement en
complément des trois catégories mises en évidence par Ainsworth (1978). Une autre
contribution majeure est l’Adult Attachment Interview (AAI), un outil qui mesure l’attachement
chez l’adulte (Main, Kaplan & Cassidy, 1985)37.
L’AAI est un entretien semi-directif ou semi-dirigé ayant pour but de cerner l’état d’esprit actuel
de la personne adulte à l’égard des expériences relationnelles qui se sont déroulées dans
l'enfance d'un individu. On lui demande de les évaluer lui-même et de réfléchir à leur propos.
Les souvenirs d'enfance concernant les relations avec les figures parentales sont explorés aussi
loin que la mémoire le permet. L'accent est mis sur la façon dont les sujets apprécient
actuellement ces événements et sur l'importance que ceux-ci ont prise dans leur vie. Exemples
de questions d’entretien :
Je voudrais que vous choisissiez cinq adjectifs qui qualifient la relation que vous avez eue avec
votre mère / votre père pendant votre enfance.
- De quel parent vous vous sentiez le plus proche pendant votre enfance ?
- Quelle est la première fois que vous vous souvenez d’avoir été séparé de vos parents ?...
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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- un blocage du souvenir,
- le degré de coopération…
Comme le montre Guedeney et al. (2006), cet instrument construit par Main et son équipe (qui
comprenait entre autres George et Kaplan), va ouvrir une nouvelle dimension de la recherche
et permettre d’interroger désormais le niveau des représentations. Plus que le contenu, c’est en
effet l’analyse du discours qui va permettre de classer les expériences d’attachement telles que
racontées par les adultes. Main et son équipé étaient frappées par des correspondances entre la
classification de la sécurité de l’attachement de l’enfant (sécure, insécure), évaluée par la
Strange Situation et les récits des parents (AAI). Elles distinguent 4 types de discours qui
reflètent 4 types d’états d’esprit (modèles internes) à l’égard des relations d’attachement :
La correspondance entre les styles d’attachement des jeunes enfants et l’état d’esprit de leurs
parents a ouvert la voie à l’étude de la transmission (intergénérationnelle) de l’attachement.
Miljkovitch (2001) nous met toutefois en garde contre l’évocation hâtive de cette transmission
intergénérationnelle de l’attachement notamment par un amalgame entre le terme d « état
d’esprit » que propose Main et celui de « style d’attachement ». Elle rappelle que même une
personne qui avait formé un style d’attachement insécure peut, suite à une psychothérapie ou
une condition psychologique plus favorable, réfléchir à ses expériences, prendre du recul, et
parvenir à ne plus être sous l’emprise de son passé. Ce qui veut dire que, malgré le sentiment
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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d’insécurité qui continue de l’habiter il a développé un état d’esprit lui permettant d’interagir
harmonieusement avec son entourage.
Le modèle sécurisé-autonome est celui des personnes dont le discours sur leur passé est cohérent
et logique, même si ce passé a été difficile. Elles se souviennent avec aisance (« souvenirs
libres ») de leurs premières relations, qu'elles aient été favorables ou non. Elles ont accès à leurs
souvenirs et émotions et en comprennent l’impact. Ces personnes valorisent généralement les
relations d'attachement. En cas de problèmes, faire recours à une figure d’attachement reste une
stratégie privilégiée. La confiance en soi et en autrui est le trait dominant dans la narration du
sujet présentant un état d’esprit autonome. Cet état d’esprit chez l’adulte correspond à
l’attachement sécure chez l’enfant.
Parmi les adultes sécures (autonomes), l’AAI permet de distinguer les individus avec une
sécurité/autonomie : continue (« continuous secure ») : ont toujours été sécures depuis
l’enfance ; ou acquise (« earned secure ») : ont vécu des expériences négatives dans leur
enfance et à propos de l’attachement, mais ont pu acquérir une sécurité au cours de la vie. Cette
« résilience » serait due à une relation avec une autre personne significative (« significant
other ») qui a communiqué la signification et la valeur de la sécurité d’attachement (McCarthy
& Maughan, 2010).
Les recherches récentes (Atger, 2007 ; Delage, 2008 ; Green, Furrer et McAllister, 2011
Miljkovitch, 2001; Pierrehumbert, 2006 ) vont abonder dans ce sens et démontrer d’une part le
caractère remaniable des modèles internes opérants en fonction des rencontres et des
expériences de la vie, et d’autre part le rôle que jouent ceux-ci pour prédisposer l’individu à
certains comportements, le rendant par la même occasion fort ou, au contraire, vulnérable dans
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Le sujet avec un état d’esprit ou un modèle détaché a tendance à minimiser le caractère négatif
de ses expériences et à idéaliser exagérément ses parents (il décrit ses parents de façon positive
voire idéalisée), mais des souvenirs contradictoires sont racontés. Les termes utilisés pour
décrire ses parents sont des fois en contradiction avec les épisodes relatées. Fréquemment ces
personnes insistent sur la difficulté à se rappeler leur enfance. Elles manifestent une certaine
indifférence et un certain désengagement émotionnel à propos de leur vie relationnelle, actuelle
notamment. Elles se se montrent indifférentes, indépendantes et méfiantes des autres Elles
excluent les affects, leurs narrations évoquent les processus d’exclusion défensive : leur
discours est peu élaboré et pauvre en affects et souvenirs relatifs aux parents. L’état d’esprit
détaché à l’âge adulte émane d’un attachement insécure évitant chez l’enfant.
Les personnes ayant un état d’esprit ou modèle préoccupé restituent une image incohérente de
leur passé du point de vue expériences relationnelles. Les sujets ne parviennent parfois pas à
contenir une colère encore vive à l'égard de leurs parents ou sont parfois craintifs, dépendants
à l'égard de ceux-ci. Leurs récits sont souvent incohérents, ambivalents. Chez les sujets
présentant un état d’esprit préoccupé, le manque de confiance en soi et en autrui est le trait
dominant les narrations. Ces sujets manifestent une dépendance relationnelle, et leur discours
est plutôt confus, affectif et reprochant vis-à-vis des parents. L’état d’esprit préoccupé se
développe à partir d’un attachement insécure ambivalent à l’enfance.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Le discours des sujets ayant un état d’esprit désorienté ou non résolu accuse des blocages lors
de l’évocation des expériences traumatiques. Ils empruntent aux trois catégories d’états d’esprit
précédentes (sécure, insécure évitant et insécure ambivalent). Ce sont des sujets qui ont souvent
souffert de traumatismes, d’abus ou ils ont connu un deuil qui n’a pas été résolu. Ces sujets ont
pu être initialement des enfants sécurisés, mais les abus et/ou les deuils les ont fait basculer
dans l’insécurité de l’attachement.
Ces personnes :
- Ne sont pas parvenus à une élaboration mentale qui leur aurait permis de reprendre une
certaine distance émotionnelle à l'égard de ces événements.
De façon plus générale, nous tenons encore à souligner que la recherche « AAI » a permis de
démontrer comment :
- les parents ont une puissante influence émotionnelle sur les enfants,
Les recherches récentes (Atger, 2007 ; Delage, 2008 ; Green, Furrer et McAllister, 2011
Miljkovitch, 2001; Pierrehumbert, 2006 ) démontrent :
- d’une part le caractère remaniable des M.I.O. en fonction des rencontres et des
expériences de la vie (modifications au sein de l’environnement familial, une
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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psychothérapie…),
- d’autre part le rôle que jouent ceux-ci pour prédisposer l’individu à certains
comportements, le rendant par la même occasion fort ou, au contraire, vulnérable dans
les moments critiques de son existence. Ces styles d’attachement, ces stratégies
adaptatives peuvent se modifier en fonction des expériences, interventions (par ex. le
soutien social peut modifier la trajectoire attachementale) (cf. Tereno et al., 2007, p.163
et 167). Le même enfant peut passer d’un attachement insécure vers un attachement
insécure avec le même parent quand surviennent des changements significatifs dans les
circonstances de vie (Egeland et Farber, 1984).
Quant à Green et coll. (2011) ils démontrent qu’il y a une influence réciproque entre les styles
d’attachement et le support social, une influence qui serait médiatisée par les événements
stressants au cours de la vie. En citant beaucoup d’études sur ce sujet (Davila et al., 1999; Davila
& Sargent, 2003 ; Kirkpatrick & Hazan, 1994 ; Rholes et al., 1995, 2001) ces auteurs concluent
que les événements concrets et significatifs de la vie relationnelle (comme le mariage, les
rencontres amoureuses, les déceptions et les pertes des êtres aimés) influent sur les styles
d’attachement et donc sur les modèles internes opérants. En retour, ces modèles internes
opérants sont comme des lunettes à travers lesquelles nous percevons toutes les expériences de
la vie.
A son tour Miljkovicth (2001) après avoir passé en revue plusieurs études longitudinales sur ce
sujet (Hamilton,1995 ; Sroufe et al., 1993 ; Waters et al., 1995 ), conclut ce qui suit à propos de
l’évolution des modèles internes opérants :
« … l’idée que la sécurité d’attachement de la petite enfance se prolonge jusqu’à l’âge adulte
est remise en question. L’ensemble des travaux tend à montrer que la stabilité de la sécurité
d’attachement dépend plus de la constance de la qualité des interactions avec les parents que
des représentations cognitives sous-jacentes. Les MIO peuvent néanmoins correspondre à une
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Il peut donc toujours y avoir des changements dans un sens comme dans un autre en ce qui
concerne la sécurité d’attachement. Ces changements font souvent suite aux évènements de vie
importants ou à des modifications au sein de l’environnement familial. Les soins donnés aux
enfants sont aussi déterminants dans cette stabilité ou non dans l’évolution de l’attachement.
Une autre source de changement peut être un travail sur soi, notamment à l’aide d’une
psychothérapie. Ceci car, comme le dit bien Miljkovitch (2001, p.155) :
« Pour qu’une personne change de représentations, elle doit d’abord accepter de les évoquer.
Or, pour penser à des souvenir pénibles sans être envahie par des sentiments de vulnérabilité, il
est important, voire indispensable qu’elle se trouve dans un contexte sécurisant. Au sein d’une
relation de confiance, il est plus facile de reconnaître d’anciens manques, car du fait qu’on se
sent aimé ou accepté, les expériences du passé, bien que douloureuses remettent moins en cause
la valeur de sa personne. De plus on peut plus facilement faire resurgir d’anciens sentiments
d’insécurité lorsqu’on se sent soutenu et que les impressions de solitude jadis ressenties sont
revécues autrement, grâce à la présence d’une tierce personne. »
Cette question de la stabilité ou non des modèles d’attachement établis dans l’enfance est d’une
grande importance. Il semble d’une part que ces modèles restent définitivement inscrits dans la
mémoire de l’individu et d’autre part que différents événements de la vie peuvent permettre de
les revisiter, d’en moduler la tendance à « opérer » et au final de former de nouveaux modèles
internes opérants. On peut donc dire en conclusion, que ces modèles de la petite enfance, tout
en déterminant la manière d’appréhender le monde, subissent inévitablement des changements
au cours de la vie, mais que leurs « résidus » (vulnérabilité ou résilience) continuent aussi
d’exister. Dès qu’une expérience viendra les actualiser en confirmant leur pertinence, ils seront
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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activés.
Nous avons vu que M. Main a été frappée par la correspondance entre les modèles
d’attachement chez l’adulte (état d’esprit) et les styles d’attachement chez l’enfant. Elle a tenté
de démontrer que les modèles d'attachement tendent à se reproduire d'une génération à l'autre.
Ainsi un certain nombre d'études résumées par Van IJzendoorn (1995)38 ont montré l'existence
d'une correspondance étonnamment élevée (de 75 à 85 %) entre les modèles des mères (se
rapportant donc à leur narration) et les types de comportements d'attachement de leurs enfants
dans la « situation étrange ». Il y aurait donc une certaine transmission intergénérationnelle des
modèles d'attachement.
Ainsi :
« autonome » de la mère ;
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Récemment, plusieurs travaux, notamment ceux de Fonagy, ont suggéré une hypothèse au
niveau des influences des attitudes parentales sur le mécanisme de cette transmission.
- Ainsi les mères « autonomes » seraient capables d'admettre qu'elles éprouvent parfois
des affects négatifs, qu'elles peuvent nommer, dont elles ont conscience. N'ayant pas
peur des sentiments négatifs, elles parviendraient à établir de bonnes relations avec leur
bébé en tenant compte des affects de celui-ci.
Ces études ont en fait montré l'importance de la sensibilité parentale aux signaux émis par
l'enfant pour l'établissement d'un attachement sécurisé. L'argument le plus décisif en faveur de
cette hypothèse provient des études sur les interventions préventives en vue d'améliorer la
sensibilité (responsivité) maternelle (voir aussi Tereno et al., 2007).
Ex. : de l'étude de Van den Boom (1994)39 qui a tenté d'améliorer la « responsivité » maternelle
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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grâce à des entretiens de guidance. Ses interventions portaient sur des mères d'enfants irritables
(irritabilité mise en évidence par l'échelle néonatale de Brazelton). Or pour certains, les enfants
irritables seraient à risque de présenter des relations d'attachement insécurisées. Les résultats de
la guidance montrent que les enfants des mères ayant bénéficié de l'intervention : 62 % formaient
un attachement sécurisé alors qu'ils n'étaient que 22 % en l'absence de guidance.
Les résultats de cette étude relativisent et soulagent quelque peu les appréhensions relatives au
déterminisme transgénérationnel précité. La « responsivité » à elle seule est pourtant loin
d'expliquer l'amplitude des coefficients de correspondance entre parents et enfant. D'autres
facteurs (génétiques, environnementaux…) non encore établis compteraient aussi dans le
processus d'attachement. C'est ce que Van IJzendoorn (1995) appelle « le chaînon manquant »
intergénérationnel. Nous ne pouvons que spéculer à propos de ces facteurs qui méritent d’être
davantage étudiés.
En définitive, on peut dire que les mécanismes par lesquels les modèles d'attachement seraient
transmis entre générations restent à démontrer (Bee et Boyd, 2003 ; Gillot-de Vries, 2003-
2004).
La théorie des modèles internes opérationnels d'attachement peut aussi aider à comprendre
pourquoi le degré de sécurité de l'attachement aux parents prédirait la qualité des relations entre
pairs dans les années à venir. Sroufe (cité par Bee et Boyd, 2003) a observé, lors d'une recherche
dans un camp de vacances, que les enfants fortement attachés de 10 ou 11 ans étaient plus
positifs, présentaient davantage d'habiletés sociales ainsi qu'une bonne confiance en soi. Les
enfants ambivalents étaient plus susceptibles d'agir de façon délinquante, et les enfants fuyants
étaient davantage isolés socialement.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
Coster & C. Mottrie. ULB.
Ainsi, il apparaît que les enfants qui ont un attachement sécure aux parents ont des attentes plus
positives de ce qu'ils peuvent espérer des relations. Cela les rend plus confiants et plus impliqués
avec leurs pairs qui sont alors eux-mêmes plus enclins à leur répondre positivement. De ce fait
les enfants ont alors des représentations plus positives des relations avec leurs pairs .
Ces études montrent donc la validité prédictive des patterns d'attachement à la mère pendant la
petite enfance, sur les qualités d'adaptation spécifiques durant l'enfance et ce parfois avec des
corrélations impressionnantes, mais cette « continuité » n'exclut pas les possibilités de
changements psychologiques.
Toutefois, selon Bowlby (1969) les opportunités de changement sont supposées diminuer avec
l'âge, en raison :
- d'une stabilité croissante des modèles internes opérationnels de soi et des autres…
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Nous avons également vu que l’attachement se développe jusqu’à l’âge adulte et que, bien que
la prime enfance soit une période cruciale pour le développement ultérieur de l’attachement, il
y a toujours lieu d’espérer un changement dans ce processus et ce jusqu’à l’âge adulte. Les soins
qu’on reçoit, les évènements significatifs dans la vie et même une psychothérapie sont des
facteurs pouvant sous-tendre ce changement.
Nous avons vu que l’attachement peut être sécure ou insécure, organisé ou désorganisé.
L’insécurité ou la désorganisation du style d’attachement avec une figure d’attachement ne
constitue pas une pathologie en soi, même si cela peut représenter un facteur de risque.
Cependant, il existe aussi des pathologies liées à l’attachement, et c’est le cas des troubles de
l’attachement.
« Les difficultés relationnelles varient entre des perturbations temporaires et celles qui sont à
risque élevé pour le développement futur de perturbations graves » (Tereno et al., 2007, p. 171).
« Les comportements qui peuvent être critiques s’ils sont chroniques, peuvent être
complètement appropriés face à une menace ou à des situations spécifiques » (Tereno et al.,
2007, p. 170).
Les auteurs qui ont travaillé sur ces troubles commencent par admettre qu’ils sont difficiles à
cerner et à définir (Prior et Glaser, 2010 ; Rygaard, 2005 ; O’Connor et Zeanah, 2003), il n’y a
pas suffisamment d’études scientifiques pour les définir clairement. Cependant une chose
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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semble faire l’unanimité : quand, suite à différents événements de la vie, la protection qu’est
censé procurer l’attachement à l’enfant est perturbée ou ne peut simplement pas se produire,
celui-ci développera par la suite un ensemble typiques de réactions et de comportements
sociaux « anormaux ». Ce sont ces comportements que beaucoup de gens appellent les troubles
de l’attachement ou troubles réactionnaires/réactionnels de l’attachement.
Les manifestations du type excessivement inhibé (1) : Incapacité persistante, dans la plupart
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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des situations, à engager des interactions sociales ou à y répondre d’une manière appropriée au
stade du développement. Cette incapacité se traduit souvent par des réponses excessivement
inhibées, hypervigilantes ou nettement ambivalentes et contradictoires.
Les manifestations du type désinhibé (2) : Liens d’attachement diffus, qui se manifestent par
une sociabilité indifférenciée/indiscriminée et une incapacité marquée à faire preuve
d’attachements sélectifs (DSMIV).
- Quant au comportement d’attachement non sélectif, cela renvoie au fait que ce sont des
enfants très « confiants » avec les nouvelles personnes qu’ils rencontrent, incapables de
faire la différence sur le plan affectif entre les personnes familières et les étrangers.
Leurs relations sont courtes et superficielles et ils sont « handicapés » lorsqu’ils essaient
de développer avec les autres des relations mutuelles aimantes et serviables (Rygaard,
2005). Selon Rygaard (2005), qui a une longue expérience de travail avec les enfants
présentant les troubles de l’attachement, et d’autres spécialistes dans le domaine, c’est
là où se trouve leur plus grand problème : comme les compétences sociales de ces
enfants sont compromises, d’autres aspects de la vie - comme jouer, apprendre,
travailler, avoir des amis, faire partie d’une famille ou d’un groupe – en souffrent aussi.
Le DSM mentionne encore que l’origine des TRA se trouverait au niveau de la carence de soins
adaptés (soins déficients et pathogènes), comme en témoigne au moins un des éléments suivants
:
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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adoptifs).
Rappelons que les comportements ambivalents et contradictoires – que l’on évoque pour le style
inhibé (1) font partie du style d’attachement insécure désorganisé/désorienté (D) qui est la seule
catégorie qui s’approche, potentiellement, de la psychopathologie. Mais le pattern D et le TRA
ne sont toutefois pas de synonymes (Minnis et al., 2006, p. 337-338). La catégorie D renvoie à
une mesure d’une relation particulière entre parent(mère)-enfant, présente dans 15% des
dyades. Le TRA est rare (la prévalence est toutefois inconnue à ce jour dû au fait que les critères
diagnostics actuels ne sont pas toujours opérationnalisables, ni systématiquement appliqués,) et
se manifeste dans différents contextes sociaux (trouble social plus large qu’un trouble de
l’attachement).
Notons encore que les comportements TRA peuvent coexister avec des comportements
d’attachement sécures à la surface. C’est à dire que les enfants avec TRA n’ont pas
nécessairement un attachement anxieux mais ils n’ont pas d’attachement sélectif. Dans cette
perspective, on peut dire que l’attachement insécure/anxieux n’est ni nécessaire, ni suffisant
pour parler de trouble réactionnel de l’attachement. Les spécialistes du domaine (par ex.
Rygaard, 2005), soulignent toutefois que les attachements insécures et surtout désorganisés sont
des facteurs de risque pour les troubles de l’attachement, avec certains traits caractérisant les
attachements désorganisés pouvant se développer en symptômes des troubles de l’attachement.
En outre, Hughes (2003) explique que les questions de traumatisme et surtout de traumatisme
intrafamilial et/ou interpersonnel - surtout quand ils impliquent la figure d’attachement – sont
aussi des facteurs de risque pour les troubles de l’attachement. L’avenir du TRA serait inconnu
(notons à cet égard le manque d’études longitudinales entre l’enfance et l’âge adulte) mais le
TRA est considéré comme la première étape d’une trajectoire développementale vers des
troubles du comportement (conduct disorder).
En résumé, les troubles de l’attachement peuvent être définis comme des problèmes de
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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comportement plus ou moins graves, ayant pour origine l’histoire de l’attachement du sujet.
Dans certains cas ces problèmes de comportement sont liés au fait qu’une relation
d’attachement avec un ou plusieurs adultes n’a pas pu s’établir. Dans d’autres cas, cette relation
a été tellement désorganisant pour l’enfant, qu’il n’arrive plus à tolérer les soins venant de qui
que ce soit car réveillant chez lui des sentiments négatifs. Cette définition accorde une grande
importance aux premières années de la vie dans l’installation et le développement de ces
troubles. Bien que d’autres facteurs peuvent venir s’y greffer et aggraver la situation, le manque
de soins précoces, continus et empathiques, de nourriture et de stimulation par un ou des adultes
pendant l’enfance et surtout avant l’âge de 2 ans, semblent être les facteurs les plus
déterminants.
Le rapport avec les troubles de l’attachement s’explique par le fait que le nombre de ruptures
de contact va atteindre un point où le développement psychologique va devoir s’arrêter à une
phase précoce. Rygaard (2005) explique le phénomène en ces termes :
èSi les besoins physiques ou affectifs de l’enfant sont ignorés ou rejetés, l’enfant détourne son
énergie du développement et du jeu vers sa protection, sa survie ou la simple satisfaction de ses
besoins. Le développement est pour ainsi dire un phénomène en surplus, qui s’accélère chaque
fois que l’enfant est satisfait et dans un état d’équilibre interne. Une frustration modérée de ses
besoins (comme de devoir apprendre à dormir seul) est probablement aussi nécessaire pour
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Le point de vue de Rygaard (2005) rejoint celui de Paul D. Steinhauer à qui on doit par ailleurs
une grille de facteurs décrivant les troubles de l’attachement. En parlant des risques d’ordre
psychologique et développemental auxquels sont exposés les enfants confiés aux services de
protection, Steinhauer (1996) affirme que les plus graves sont liés à l’attachement et à la
séparation ainsi qu’au deuil suivant les pertes subies par ces enfants. Ce que Steinhauer appelle
le « détachement permanent » correspond en fait à ce que Bowlby (1984) appelle l’ « exclusion
défensive » et qu’il explique comme un mécanisme consistant à ne pas traiter les informations
« gênantes » pour le système constitué de l’attachement et à les exclure du système de
représentations. Le détachement permanent correspond à une inattention sélective à des stimuli
internes ou externes, qui devraient susciter chez l’enfant, s’ils étaient réellement éprouvés, des
comportements de recherche de contact. Avec le détachement permanent, l’enfant se montre
tout simplement incapable d’aimer et d’être aimé41.
Ce détachement permanent survient donc quand la formation d’un lien sélectif est impossible.
C’est souvent à cause d’un changement très fréquent des figures d’attachement qui entraine une
absence de relations stables et sécurisantes, le fait de vivre de façon répétitive des abus
émotionnels (messages d’incompétence, disqualifications) ou le deuil non résolu suite à la perte
d’un parent. De ce fait l’enfant développe des « biais cognitifs » qui prédisposent au sentiment
d’échec et aux passages à l’acte.
Il n’est cependant pas rare que suite aux soins reçus par l’enfant pendant son développement
ultérieur, aux différents événements affectant sa vie, ou même à un travail sur soi à l’aide d’une
psychothérapie, on assiste à un changement dans les modèles internes opérants qui déterminent
les comportements d’attachement (cf. aussi Tereno et al., 2007).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Chapitre 9
Développement de la personnalité et construction identitaire
Dans ce chapitre, nous aborderons quelques auteurs qui se sont intéressés à la question du
développement de la personnalité, de l’identité et du concept de soi (les points traités ci-dessous
sont bien entendu loin d’être exhaustifs dans ce champ d’étude) :
Erikson a intégré les principaux concepts de la théorie de Freud mais il a estimé, comme de
nombreux autres auteurs d'ailleurs, que Freud avait accordé une importance excessive aux
instincts et aux conflits sexuels. Erikson reprend les stades de Freud mais met plutôt l’accent
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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sur les rapports sociaux comme des déterminants essentiels de la personnalité (on peut
qualifier sa théorie de « psychosociale »). Selon Erikson, les demandes de la culture (société)
sont plus importantes que la maturation sexuelle, et le développement est un processus qui se
poursuit durant toute la vie (cf. notion de « life span development »).
Erikson a précisé que « même si les enfants de toutes les cultures traversent les stades du
développement selon la même séquence, la façon dont la culture encadre leurs comportements
et répond à leurs besoins selon l'âge rendra chaque évolution unique. Chaque plan d'évolution,
pour chaque individu s'effectue dans un contexte social : les parents, la fratrie, les amis, les
professeurs, constituent les partenaires du développement. Ils sont eux-mêmes en
développement, à une étape donnée de leur propre cycle de vie et ils interagissent avec l'enfant
qui se situe, lui aussi, à une étape de son cycle de vie » (Erikson cité par Cloutier et Renaud,
1990).
Erikson met également l’accent sur l’influence des habiletés physiques et cognitives
grandissantes, il croit que le moteur du développement est la quête de l'identité (ou encore la
quête du Moi ou de l’Ego). La notion d’identité renvoie à un phénomène complexe et
multidimensionnel. La signification objective de l’identité renvoie au fait que chaque individu
est unique, différent des autres par son patrimoine génétique (on peut penser à l’utilisation du
DNA (ADN) ou de l’empreinte digitale pour identifier les sujets). Erikson retient plutôt la
signification subjective de la notion d’identité. Pour lui, la notion d’identité correspond au
sentiment subjectif de son individualité, d’une unité personnelle (« Je suis Moi »), de sa
singularité (« je suis différent des autres, j’ai telles ou telles caractéristiques ») et d’une
continuité temporelle (« Je suis toujours la même personne ») (Erikson, 1972, p.13). Erikson a
soutenu que, dans une grande mesure, nous sommes les architectes conscients de notre
personnalité. Il accorde ainsi plus de pouvoir au Moi que ne le permettait Freud. Tel que déjà
annoncé, Erikson conçoit le développement de l’identité comme passant par une succession de
stades depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Il insiste sur le fait que chaque stade se caractérise
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par des conflits et des tensions que la personne devra surmonter en s’adaptant aux exigences
du milieu tout en préservant son identité. L’identité personnelle est donc confrontée aux
attentes et aux aspirations influencées par le monde social et culturel de l’individu. C’est en
ce sens que l’on peut qualifier sa théorie de « théorie psychosociale du développement
humain », c’est-à-dire une théorie qui tient compte des interactions constantes entre processus
biologiques, psychiques et socioculturels.
Ainsi, alors que Freud proposait des stades de développement psychosexuel, Erikson présente
des stades de développement psychosocial. Sa théorie présente 8 stades psychosociaux à travers
lesquels l'individu évolue durant toute son existence, et ceux qui sont les plus étudiés sont la
confiance (début de l'enfance) et l'identité (adolescence). Selon Erikson, la résolution d'un stade
nous aide à aborder la « tâche développementale » du suivant. Les stades sont qualifiés d'après
les traits de personnalité qui pourraient être développés au cours d'une période. Chaque stade
correspond à la résolution d'un conflit. Les conflits ont pour origine les exigences de l'individu
et les contraintes imposées par la société.
Chaque stade se définit donc à partir d'une crise, d’un problème, d'un conflit
psychosocial principal, plaçant la personne entre deux pôles opposés : l'un
fournissant une solution adaptée au conflit (tendance positive, par ex. la confiance),
l'autre une solution inadaptée (tendance négative, par ex. la méfiance). La notion de
crise est à comprendre comme un tournant, une période cruciale de vulnérabilité
accrue (déséquilibre) et de potentialité accentuée (force créatrice).
Une résolution optimale de la crise/du conflit implique l’intégration des aspects constructifs des
tendances opposées. Lorsque la tendance positive l’emporte sur la négative et que les défis
psychologiques sont résolus positivement, on assiste à l’émergence d’une nouvelle force de
base qu’Erikson désigne comme la « force adaptative du Moi ». Une autre caractéristique de
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la théorie d’Erikson est le fait qu’il reconnaît l’importance d’un environnement humain
spécifique (personnes, relations significatives).
La façon dont une étape est vécue aura une influence directe sur la façon dont l’étape suivante
sera abordée. Si l'on veut accéder au stade suivant, il faut avoir vaincu le problème psychosocial
correspondant au stade précédent. Si l'on échoue à résoudre le conflit, à n'importe quel moment
du développement, il peut y avoir émergence de troubles de la personnalité et impossibilité
d'atteindre le stade de la pleine réalisation du potentiel humain, le huitième stade celui du
troisième âge. En même temps, Erikson (cité par Stassen Berger, 2000)49 note que les enjeux de
chaque crise psychosociale ne sont toutefois jamais définitivement résolus.
Tâche principale : L’enfant doit acquérir la conviction que, quoi qu'il arrive, quelqu'un l'aime
et le soutient. Il doit développer un sentiment d’attachement sécurisant ainsi qu’une confiance
en sa capacité d’agir sur les choses.
Au départ l'enfant a besoin d'établir un rapport avec l'autre par lequel il pourra assurer la
satisfaction de ses besoins. L'autre est en général la mère. Le bébé doit pouvoir acquérir auprès
d'elle un sentiment de sécurité lié au fait qu'il sait qu'elle est toujours là pour satisfaire ses
besoins. Les besoins affectueux donnés par la mère créent chez l'enfant un sentiment de
confiance. Le caractère répétitif et satisfaisant de ces soins permettra plus tard à l'enfant de
mieux supporter les frustrations momentanées ou de retarder une satisfaction immédiate car il
a acquis une certaine confiance en l'adulte (« adaptation »).
Par contre, si les soins donnés au bébé n'ont aucun caractère de stabilité, ce dernier pourra faire
preuve de méfiance à l'égard de l'entourage (avec comme conséquence un retrait affectif et
social) et réagir à la frustration par l'angoisse et la désorientation (« inadaptation »).
La confiance de base, permettant d’envisager les difficultés de la vie comme des éléments
surmontables et temporaires, est nécessaire pour le bon développement de l’enfant mais ce
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dernier doit également conserver une certaine dose de méfiance afin de reconnaître les dangers
du monde extérieur et de se protéger contre les aléas de la vie. C’est l’intégration des deux pôles
(confiance-méfiance) qui permet le développement de la force adaptative du stade nommée
espoir.
- lui permettre de vivre la séparation tout en lui assurant une présence sécurisante,
- favoriser les contacts de l’enfant avec d’autres personnes significatives (famille élargie,
amis des parents…).
Il est intéressant de noter que cela rejoint les recommandations issues de la théorie et de la
recherche sur l’attachement.
Dès que l'enfant commence à marcher et à acquérir une certaine indépendance, il se heurte aux
contraintes sociales. Il manifeste alors le désir d'autonomie, de « faire seul ». Mais comme il ne
peut s'en sortir vraiment seul, il faut le préserver des éventuelles maladresses tout en favorisant
ses conduites autonomes. Erikson souligne l'importance de cette attitude parentale et suggère
de ne pas humilier l'enfant en se moquant de sa maladresse. L'humiliation est nocive pour
l'enfant qui s'achemine lentement vers l'indépendance et qui manque de confiance en ses
capacités (à inhibition, lâcheté).
L’intégration des deux pôles (autonomie, honte et doute) fait apparaître la volonté, force
adaptative du stade, qui permet la recherche d’autonomie malgré les échecs.
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Il semble que l’élément clé de ce stade réside dans l’équilibre entre les nouvelles aptitudes et
les nouveaux besoins d’autonomie de l’enfant d’une part, et le besoin des parents de protéger
l’enfant. Ceci est proche de ce qu’on retrouve dans la théorie de l’attachement.
Bergeron et Bois (1999, cités par Bee et Boyd, 2003, p. 120, tableau 4.1) font état de plusieurs
attitudes éducatives favorisant le développement de l’autonomie :
Les enfants de 4 ans débordent d'énergie et planifient beaucoup d'activités en interaction avec
leur environnement. La capacité de pouvoir se fixer des buts est formée de l’aptitude à prendre
des initiatives (initiative) et de la prise de conscience que l’énergie mal canalisée peut provoquer
des conséquences fâcheuses (culpabilité). Les buts servent à planifier l’action et à prévoir les
conséquences.
Lorsque l'enfant est capable d'initiative personnelle dans l'organisation de ses activités, il va
entreprendre, organiser, se mesurer à une tâche donnée pour le plaisir d'être occupé, d'être actif.
Alors que précédemment l'enfant se mettait vite en colère, à cette étape au contraire il adopte
une attitude positive et se montre prêt à effectuer des tâches constructives décidées par lui-
même.
Le problème majeur qui peut survenir à cette période réside dans le sentiment de culpabilité
qui peut naître chez l'enfant (par ex. lorsque les parents sont trop restrictifs ou trop permissifs).
Nous sommes à l'époque du complexe d'Oedipe il faut le souligner. Si dans la situation
œdipienne, dans les situations où l'enfant prend des initiatives, les parents se sont montrés trop
sévères, il risque de développer une conscience morale qui elle aussi sera trop sévère. En effet,
l'enfant ayant intériorisé des exigences parentales excessives, sa « conscience » engendrera chez
lui une culpabilité continuelle (pouvant mener à l’inertie, à un manque d’initiative…).
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La capacité de se fixer un but, la force adaptative de ce stade, émerge lorsque les deux pôles
ou les deux tendances, positif et négatif, sont bien intégrés. La capacité de l’enfant à se fixer
des buts suppose qu’il prenne des initiatives, mais également qu’il reconnaisse ses limites afin
d’établir des objectifs réalisables.
Bergeron et Bois (cités par Bee et Boyd, 2003, page 199, tableau 6.1) reprennent plusieurs
attitudes éducatives favorisant l’acquisition de l’initiative :
Selon Erikson, lorsque l'enfant a réglé ses difficultés œdipiennes par l'identification au parent
du même sexe, il passe à ce quatrième stade. Il doit assimiler les habiletés élémentaires requises
dans sa culture ainsi que les normes culturelles. C'est d'ailleurs le moment de l'entrée à l'école.
L'enfant fait alors connaissance avec le travail, il apprend que pour être reconnu socialement, il
faut produire, il faut réaliser quelque chose. L'enfant veut alors participer utilement aux activités
des adultes et acquérir leurs aptitudes. L’enfant se sent capable de tâches concrètes et s’y
applique, développant ainsi son sens du travail (jeu, travail, récréation, étude). Erikson résumé
ce stade par la phrase suivante : « Je suis ce que je peux apprendre à faire marcher » (Erikson,
1972).
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après avoir pu mesurer ses limites (infériorité). La difficulté peut venir du sentiment chez
l'enfant de ne pouvoir réaliser ce qu'on lui demande : il y a alors un sentiment voire un complexe
d'infériorité surtout s'il ne reçoit pas d'approbation du groupe pour ses réalisations (avec
comme conséquence possible une peur des responsabilités, un manque d’ambition, la certitude
d’échouer avant même de débuter les activités à réaliser…).
De ce stade dépend, selon Erikson, l'adaptation sociale ultérieure. C’est donc un moment
fondamental pour l’inscription de l’enfant dans la culture et le monde social. Les relations
significatives relevées sont celles avec l’école et le réseau du voisinage.
De façon plus générale (ceci ne rentre plus dans la théorie d’Erikson), rajoutons que lors de
cette période, le fonctionnement psychique « s’obsessionnalise », il n’est pas rare que les enfants
de la « grande enfance » deviennent soigneux, précautionneux…) et que les enfants mettent en
place des rituels ou commencent une collection (à cet égard, on peut penser au grand succès des
livres Panini où l’enfant doit collectionner les autocollants et compléter le livre). L'éducation
(notamment l’école) met à profit cette obsessionnalisation pour demander à l'enfant d'accepter
des rythmes réguliers et une discipline plus précise.
Lors de cette période dans la vie de l’enfant, au niveau clinique, on rencontre de nombreuses
demandes de psychothérapies d’enfants (ces demandes peuvent être liées à la scolarité de
l’enfant, à une souffrance, au divorce des parents….). Les symptômes deviennent plus
mentalisés que dans la petite enfance (leur expression est moins somatisée) et ne sont pas encore
inscrits dans des passages à l’acte de l’adolescence.
Tâche de développement : réexaminer son identité et les rôles qu’on doit assumer (Qui suis-
je ? D’où est-ce que je viens ? Où vais-je ? Que vais-je faire dans la vie ? Quelles conduites
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sexuelles dois-je adopter ? Quelles sont mes opinions politiques et religieuses ?...) et acquérir
une perception de soi intégrée. Les adolescents doivent développer leur identité professionnelle,
sexuelle, amicale, idéologique… Petit à petit, l’adolescent parvient à se définir. Rappelons que
pour Erikson, le développement est une accumulation d’expériences qui induisent des modes
de résolution et qui déterminent les adaptations ultérieures (Erikson). Ainsi, certains aspects de
la construction identitaire au moment de l’adolescence sont en lien avec les oppositions
autonomie/doute et initiative/culpabilité des périodes précédentes (Lehalle et Mellier, 2013, p.
268).
Selon Erikson, l'adolescent est en quête de son Moi (identité) ; il cherche à relier entre eux les
éléments disparates de sa personnalité, il revit les conflits vécus antérieurement, en s'en prenant
souvent à ses parents. La résolution positive du stade consiste à développer un sentiment
optimal de l’identité : « le sentiment d’être bien dans son corps, de savoir où l’on va et
l’assurance intérieure d’une reconnaissance anticipée de la part de ceux qui comptent »
(Erikson, 1972).
Il arrive parfois que l'adolescent ne parvienne pas à une structuration stable des éléments de sa
personnalité et il reste alors avec l'idée d'une dispersion de son être. Certains individus ne
parviennent pas à se concevoir comme individu unique, sexuellement différencié qui portera un
jour des responsabilités familiales et professionnelles. Si cette difficulté subsiste, il s'adapte mal
et peut être incapable de faire des choix et des projets, ne sachant pas trop ce qu'il est. Dans ce
cas, Erikson parle d’une résolution négative du stade se traduisant par une incertitude ou
confusion identitaire.
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Après la conquête de son identité, il s'agit pour l'adolescent de la renforcer auprès des autres. Il
est mûr alors pour l'intimité qui requiert un investissement de sa part, mais sans risque de se
dissoudre dans l'autre. Il est maintenant capable de véritable amour (force adaptative). Sa tâche
consiste à allier les exigences de sa vie professionnelle et celles de sa vie privée.
Le risque durant cette période est de s’isoler et de se dissocier des autres, soit par peur ou par
esprit de compétition. La résolution négative du stade mènerait à l’isolement.
Précisons encore que les relations significatives sont les amitiés, la relation avec le partenaire
amoureux.
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- Un sujet cherche à transmettre ses connaissances aux collègues plus jeunes et à les faire
profiter de son expérience.
importants à ce stade. Un individu aura le sentiment d'une vie réussie s'il a des personnes aimées
autour de lui et si sa contribution à la société le satisfait. Le seul fait d'avoir des enfants ne peut
procurer ce sentiment de réussite; c'est l'éducation qu'on leur donne qui constituera la réelle
contribution sociale importante. La force adaptative du Moi lors de ce stade consiste en un
sentiment de sollicitude et d’engagement envers les autres, un souci pour autrui sans s’oublier soi-
même (sans annihiler la conscience de sa propre personne).
La tâche développementale : accepter la fin de sa vie, faire un retour sur les événements et sur
les relations significatives dans sa vie.
La résolution positive du dernier stade de la vie humaine devrait correspondre selon Erikson à la
pleine réalisation du potentiel humain et à un sentiment d'épanouissement, de plénitude et
d'intégrité personnelle du Moi. L'individu ne doit alors regretter aucun de ses actes et éprouver le
sentiment que si c'était à refaire il agirait de la même façon (sentiment d’accomplissement). Dans
cette optique, la mort ne l'effraye pas. Il se sent solidaire de l’espèce humaine.
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Résolution négative : avoir des regrets, considérer sa vie comme une suite d’échecs, faire face au désespoir.
Le risque encouru par l'individu dans cette période est de sombrer dans la nostalgie et le désespoir.
Ironiquement, le désespoir engendre la peur de la mort. Les individus pleinement accomplis sont plus
sereins, tandis que l'individu désespéré, malgré son dégoût apparent de la vie, souhaiterait au fond, que lui
soit accordée une nouvelle chance afin de recommencer quelque chose.
En somme, on voit que par rapport à la théorie freudienne, la théorie psychosociale d'Erikson
est davantage centrée sur l'évolution des conduites adaptatives et sur le contexte social dans
lequel évolue l'individu.
En effet, depuis plusieurs années, nous sommes confrontés à une augmentation « inhabituelle » du nombre
de personnes âgées. L’amélioration globale de la santé et l’allongement de l’espérance de vie mènent à un
nombre plus important de personnes vieillissantes.
32
Ce point est inspiré du mémoire de Barsamian Julie, 2018, Le style d’attachement est-il significatif ou un guide
pour les relations d’attachement dans le couple ?, Université Libre de Bruxelles.
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Le vieillissement, en plus d’une diminution fonctionnelle, a des incidences sur la vie sexuelle et libidinale.
Cela débute généralement lors de la ménopause qui remet en question la féminité et l’appareil reproductif.
Le début de la retraite peut également représenter une période de vie impliquant des réaménagements, tant
au niveau social que conjugal. Cette période est indéniablement la dernière étape de vie qui nécessite
l’introduction de nouveaux positionnements identitaires (Alaphilippe, Gana, & Bailly, 2001 ; Talpin &
Joubert, 2008).
Lorsque les personnes âgées ont des enfants et que ceux-ci quittent le foyer familial, de nouveaux
investissements sont mis au travail : « Si passer de la position de couple à la position de parent n’est pas
chose aisée, accepter le départ des grands enfants, devenir grands-parents, et se retrouver en couple, à la
retraite, l’est sans doute encore moins » (Talpin & Joubert, 2008, p. 112). La naissance des enfants mène
à un réaménagement pour le couple, et au stade de la vie qu’est la vieillesse, le couple doit renégocier
autrement son rôle et sa position parentale. Si ce passage ne peut être négocié, de l’animosité conjugale, de
l’amertume et des aspects déliants peuvent prendre le dessus.
Dans la théorie freudienne, on assiste à une description déjà systémique des interactions
familiales (en termes d’attirances amoureuses, interdits, rivalités, identifications) (Lehalle et
Mellier, 2013, p. 267).
En avançant l’idée que l’enfant n’est pas un récepteur passif soumis à l’influence familiale et
que ses besoins et ses tâches développementales changent avec l’âge (cf. notion de stades),
ces théories tiennent compte de l'importance de la nature interactive et transactionnelle du
développement : les parents doivent en effet constamment s’adapter à l’enfant en évolution.
Quant aux points faibles de la théorie de Freud, notamment en ce qui concerne sa théorie du
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Un autre point faible de la théorie psychanalytique est liée au fait que la terminologie
psychanalytique est relativement imprécise et floue (par ex. le concept de « libido » n’a pas le
même sens chez Freud ou chez Jung…). Il n’est pas toujours très clair à quel moment la
psychanalyse fait référence à un organe concret (par ex. le pénis/phallus, le concept d’envie de
pénis dont on a discuté au cours) ou à une métaphore.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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Rappelons aussi avec Winnicott le danger des techniques purement comportementales qui
risquent de renforcer un fonctionnement en « faux-self » sans intégration psychique des
expériences, en étant d’une certaine façon détaché de soi-même. (C. Mottrie)
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Dans ce point nous étudierons les étapes du développement du concept de soi lors des premières
années de vie de l’enfant. Le concept de soi correspond à un ensemble détaillé de
représentations portant sur le Moi, on pourrait parler d’une « théorie du Moi » ou d’un «schème»
au sens de Piaget. On peut définir le concept de Soi comme l’ensemble des connaissances et
des perceptions de soi (Bee et Boyd, 2006, p. 112) ; ou encore « la prise en charge représentative
de son unité individuelle » (Wallon). Bowlby parlait du « modèle interne du concept de soi »
ou du « schème de soi » (Bowlby in Bee et Boyd, 2006, p. 114), modèle qui se construit en
parallèle avec le M.I.O. (modèle interne opératoire ou modèle interne de relations avec autrui).
Le concept de soi se construit au cours de la petite enfance et durant toute la vie. Selon William
James (1890), le concept de soi a deux composantes : le « je » (le moi subjectif) et le « moi »
(moi objectif). Ci-dessous nous allons développer la théorie de Lewis (1990) sur l’émergence
de la conscience de soi chez le nourrisson. Lewis distingue plusieurs étapes développementales :
le Moi subjectif ou existentiel (« je ») (fin 1e année), le Moi objectif ou catégoriel (« moi ») (fin
2e année). Nous évoquerons également d’autres dimensions du soi comme le Moi émotionnel,
le Moi social, le Moi sexuel, le Moi psychologique…
Selon Lewis (1990), la première tâche développementale dans l’élaboration du concept de soi
consiste en un éveil de la conscience de Soi distinct du monde (« je comprends que je suis une
personne distincte des autres ») et en la compréhension que le Moi persiste dans le temps et
l’espace (« J’existe ») (dont l’expression du Moi existentiel).
À 2 ou 3 mois, l'enfant distingue son moi du reste du monde. Il prend conscience qu'il a une
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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existence séparée de sa mère et de son environnement. Lewis parle d’un éveil de la conscience
de soi grâce aux nombreuses interactions quotidiennes du bébé avec son entourage qui lui
donnent le sentiment qu’il peut exercer une influence sur les événements et les choses : par ex.,
quand le bébé touche un mobile, celui-ci bouge ; quand il pleure, quelqu’un vient le réconforter ;
quand il sourit, on lui sourit... Grâce à ces processus d’interaction, le bébé commence à faire la
distinction entre lui et le reste du monde et sa conscience de soi (le « je ») apparaît.
Cependant, selon Lewis (990) le Moi existentiel ou subjectif pleinement formé n’apparaît
probablement que vers 8-9 à 12 mois, avec l'acquisition de la permanence de l'objet. L'enfant
prend conscience alors de sa propre permanence et de son existence en tant qu'entité stable et
continue dans le temps et dans l’espace. Il s’agit d’une première étape vers la prise de
conscience de soi : le bébé se perçoit comme quelqu’un qui agit sur l’environnement et qui vit
des expériences (« J’ai une existence propre en et permanence »).
Selon Lewis (1991), le moi objectif ou différentiel apparaît lorsque l'enfant se perçoit comme
un objet dans le monde, un objet possédant ses propres qualités ou propriétés particulières
(caractéristiques telles que la taille, le genre, la coordination ou la maladresse, qualités,
défauts…). Cet objet peut être observé et catégorisé, ce qui amène le sujet à se définir par
rapport à une série de catégories. L’enfant pense par exemple : « je suis un garçon, je suis plus
grand que mon copain Matisse mais j’ai des cheveux plus courts… ».
Dans la technique du miroir, on installe l’enfant devant un miroir. Puis on met à l'insu de l'enfant
une tache ou point rouge sur son nez (on fait semblant d’essuyer son visage) et on le laisse se
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regarder dans le miroir à nouveau. L'enfant voit aussitôt cette tache et il porte la main :
- soit au nez de l'enfant qu’il voit dans le miroir : il n'a pas encore atteint l'étape d'identification
de lui-même ;
- soit à son propre nez (entre 18 - 24 mois) et non à celui qu’il voit dans le miroir : il a alors
compris que l'enfant du miroir qui a une tache sur le nez, c'est bien lui.
- Vers 9 à 12 mois, presque tous les enfants touchent « l’enfant du miroir » et seulement un
pourcentage très faible d’enfants touche la tache rouge sur son propre nez. Ils n’ont pas
encore la conscience de soi.
- Vers 15-18 mois (1e moitié 2e année) 25% des enfants seulement touchent leur propre nez,
ces enfants comprennent que cette image d’eux n’est pas eux.
- A partir de 21 mois, les trois quarts des bébés (75%) touchent le point rouge sur leur propre
nez (si on prend le « seuil de réussite » habituel de 75%, on pourrait dire que les enfants de
cet âge (2e moitié 2e année de vie) ont « réussi le test de l’image spéculaire », comme témoin
de leur concept de soi).
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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- Vers 24 mois, l'enfant s'identifie clairement avec l'image spéculaire, il se nomme en voyant
son image dans le miroir (dans l'expérience de la tache sur le nez, il effacera à cet âge la
tache, en direct, sans tenter de l'effacer sur le miroir).
- Le refus d’aide et l’envie de tout faire par lui-même chez l’enfant de 2 ans (Attention : tel
qu’expliqué au cours, l’expression « âge terrible » ne semble pas appropriée pour parler de
cette période dite d’opposition, qui reflète plutôt une poussée de la conscience de soi, Bee
et Boyd, 2006).
- Dire son propre nom lorsque l’enfant voit sa photographie ou son image.
- Sur le plan du langage, la conscience de soi coïncide avec l’utilisation du je et du moi par
l’enfant.
- Remarquons que l'analyse des dessins d’enfants peut également nous renseigner, dans une
certaine mesure, sur l'évolution du concept de soi (on peut plus précisément penser au dessin
du bonhomme têtard, qui est le témoin d’une certaine conscience de soi), cependant la
maladresse du geste graphique de l'enfant jeune interfère avec la représentation qu'il donne
du personnage humain.
Les premiers concepts de soi « objectif » qu'élabore l'enfant d'âge préscolaire (2-6 ans) sont
vraiment concrets, car l'enfant centre son attention sur des caractéristiques visibles, telles que
le genre, l'apparence et la compétence (habiletés) sur le plan physique, social et cognitif. À la
fin de ce stade, l’enfant peut se décrire à partir d’un grand nombre de critères concrets (ceci est
en lien avec leur développement cognitif). Vers 6-7 ans, l’enfant peut se décrire à partir d’un
grand nombre de critères concrets (ceci est en lien avec son développement cognitif).
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Les bébés éprouvent et expriment différentes émotions (primaires ou sociales). Les émotions
primaires ne sont pas liées à la conscience de soi : on peut penser à l’intérêt, la douleur, le
dégoût, le plaisir et la joie, la colère, la surprise, la tristesse et la peur (émotions déjà présentes
chez de jeunes bébés). Comme nous l’avons vu pour le concept de soi objectif, vers la fin de la
2e année (vers 21-24 mois), la majorité des enfants se reconnaissent dans un miroir (cf. moi
objectif). Vers le même âge, l’enfant manifeste également des émotions liées au concept ou à
la conscience de soi : par ex. gêne, fierté, empathie, honte, culpabilité (Lewis et al., 1989 et
1992). Ce sont des émotions sociales (états affectifs plus complexes et stables que les émotions
primaires). Lorsqu’ils se reconnaissent dans un miroir ou sur une photographie (autour de 18-
21 mois), la moitié des enfants démontrent des émotions sociales, telles que la gêne ou la fierté.
- Il est plus facile pour le bébé de comprendre les émotions d’autrui quand l’info passe
simultanément par plusieurs canaux, par ex. une expression faciale particulière et la même
émotion dans la voix (Walker-Andrews, 1997, cité par Bee et Boyd, 2006, p. 114).
- Il est aussi plus facile pour le bébé de reconnaître les émotions sur un visage familier que
sur un visage étranger (Kahana-Kalman et Walker-Andrews, 2001, cités par Bee et Boyd,
2006, p. 114).
- Les bébés commencent à décoder les émotions exprimées par un seul canal (par ex.
seulement par le visage ou seulement par la voix),
- Les bébés comprennent également les émotions exprimées par une personne étrangère
(Balaban, 1995, cité par Bee et Boyd, 2006, p. 114).
- De plus, la gamme d’émotions que les bébés peuvent reconnaître sur les visages et les
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tonalités des voix humaines s’élargit (par rapport aux enfants plus jeunes) : joie, surprise,
colère, peur, intérêt et tristesse (Soken et Pick, 1999 ; Walker-Andrews et Lennon, 1991,
cités par Bee et Boyd, 2006, p. 114).
- Les bébés utilisent la perception des émotions chez les autres pour anticiper leurs actions et
guider leur propre comportement (Phillips, Wellman et Spelke, 2002, cités par Bee et Boyd,
2006, p. 114).
- Ils font preuve d’une meilleure compréhension des émotions et parallèlement aussi d’une
meilleure capacité à exprimer les émotions.
- Vers 10 mois on observe un processus d’internalisation : le bébé passe d’un contrôle externe
à un contrôle interne, il apprend à se calmer lui-même.
÷ Par exemple, un bébé frustré par la faim peut se calmer quand il voit que sa mère ou son père
se prépare à le nourrir (Bee et Boyd, 2006, p. 114-115).
- L’enfant manifeste des émotions liées au concept ou à la conscience de soi : par ex. gêne,
fierté, honte (Lewis et al., 1989 et 1992). Ce sont des émotions sociales (états affectifs plus
complexes et stables que les émotions primaires).
Entre 2 et 6 ans :
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- L’enfant apprend aussi les règles sociales et les circonstances appropriées pour exprimer
ses émotions (par ex., quand devons-nous rire et quand devons-nous nous en abstenir ?).
Vers 4 ans, l’enfant apprend à masquer ou à simuler ses émotions, il peut par ex. exprimer
un sourire de convenance (faux sourire qui se différencie du sourire spontané), tout comme
une fausse colère ou un faux dégoût. Il pourrait y exister un lien avec l’émergence de la
« théorie de l’esprit » (vers 4 ans) (Bee et Boyd, 2006).
4. Le Moi social
Les enfants deviennent progressivement plus conscients d'eux-mêmes en tant que participant
d’un réseau social », comme le démontrent les rôles qu'ils assument dans les jeux qu’ils
inventent (« moi, je serai le médecin, et toi, tu seras une vieille madame » ; « moi je serai la
maman, et toi, tu seras le bébé ») et leur compréhension de la place qu’ils occupent dans leur
famille. Comme nous l’avons déjà vu, les enfants construisent à la fois un modèle interne du
concept de soi et un modèle interne des relations avec les autres. Pendant l’enfance et
l’adolescence, le Moi ou le Soi social (notamment la capacité d’établir des liens d’amitiés)
permet à l’enfant et à l’adolescent de s’inscrire dans un réseau social.
5. Le Moi sexué
Précisons d’abord que le terme « sexe » renvoie aux aspects biologiques de la féminité et de la
masculinité (aspects génétiques et anatomiques) alors que le terme « genre » se réfère à leurs
aspects psychologiques et sociaux.
En se basant sur la théorie génétique piagétienne et sur des entretiens non directifs avec de
jeunes enfants, Kohlberg (1966), dans son modèle cognitivo-développemental décrit différents
stades successifs dans la compréhension du genre et dans l’acquisition des stéréotypes qui en
découlent.
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Ce stade implique l’habileté à identifier correctement son sexe et celui des autres. À 2 ou 3 ans,
les enfants identifient correctement leur propre sexe et ils utilisent des caractéristiques
extérieures, telles que la longueur des cheveux et les vêtements, pour identifier le sexe des
autres. Ils commencent aussi à montrer leur préférence pour les compagnons de jeu du même
sexe et pour les jeux sexuellement stéréotypés.
Entre 3 et 4 ans, l’enfant passe au stade deux. Il comprend que le genre est stable dans le temps ;
il sait que le petit garçon deviendra « un homme ou un papa », et que la petite fille deviendra
« une femme ou une maman ». De plus, à cet âge-là, Kohlberg (1966) souligne le fait que
l’égocentrisme de l’enfant va l’amener à valoriser positivement tout ce qui est semblable à lui.
Selon Kohlberg (1966), aux alentours de 5 ans, l’enfant rentre dans le stade trois. Il comprend
que le sexe est déterminé biologiquement, que le genre constitue un aspect immuable et
irréversible de l’identité et que les changements d’apparence n'altèrent pas le sexe d’un
individu. A partir de là, il perçoit la conformité à un rôle comme moralement juste et estime
que des violations des rôles de sexe sont inacceptables, et au moins aussi incorrectes que des
transgressions morales (Le Maner-Idrissi, 1997).
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L’enfant comprend son rôle sexuel quand il connaît les comportements sociaux attendus en
fonction du sexe des individus et qu’il s’y conforme.
- A 2 ans, les enfants peuvent différencier les tâches (comportements stéréotypés) des
hommes et des femmes.
- À 5 ans, ils peuvent associer les traits de personnalité au sexe. Une recherche transculturelle
révèle que les enfants de 24 pays perçoivent les femmes comme « faibles, affectueuses,
douces, sensibles et tendres », et les hommes comme « agressifs, forts, cruels et rudes ».
La recherche de Damon (citée par Bee et Boyd, 2003) sur ce que les hommes et les femmes
devraient faire indique cette progression (les parents de Georges devraient-ils le laisser jouer
avec des poupées ?) :
- Les enfants de 9 ans affirment que c'est inhabituel, mais pas anormal (ce n'est pas mal).
6. Le Moi psychologique
Durant les années du primaire (6-12 ans), on peut observer une transition vers une définition de
soi plus complexe, laquelle est moins liée aux qualités (caractéristiques) externes et davantage
aux qualités internes et abstraites, telles que les sentiments et les idées. L’enfant comprend qu’il
possède des traits psychologiques permanents (moi psychologique) et qu’il a une personnalité
qui lui est propre. Les enfants se comparent aussi de plus en plus aux autres (« je cours plus ou
moins vite ,je suis plus ou moins doué que d’autres enfants de ma classe »), on peut parler d’une
définition comparative et relative de soi.
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Nous voyons la même évolution dans leur description des autres. Les enfants de 6 à 7 ans
utilisent des caractéristiques externes, comme l'apparence, les biens matériels et les activités ;
ils utilisent encore un vocabulaire d'évaluation dichotomique, par exemple des mots comme
«super» ou «minable». Ensuite, entre 7 et 8 ans, on note un changement vers des termes qui
font davantage référence à des caractéristiques (traits) internes stables ou durables en non plus
à des qualités externes. Ces nouvelles constructions psychologiques atteignent un sommet vers
l'âge de 13-14 ans, lorsqu'elles occupent la moitié des éléments décrits.
Notons encore à propos du développement du concept de soi à l’adolescence, qu’à cette étape
du développement, on assiste à une réorganisation du concept de soi. Celui-ci devient plus
abstrait : l’adolescent se décrit à l’aide de traits de personnalité durables (le Moi psychologique),
de croyances, philosophie personnelle…
Certains auteurs soulignent aussi l’importance du « concept de soi scolaire » (perception des
compétences, comparaison interne/performance des pairs, sentiment d’efficacité personnelle)
qui a un impact sur le choix des cours, les ambitions, l’orientation des études.
Le concept de soi sexuel et le concept des rôles sexuels devient plus flexible à l’adolescence.
Les adolescents acceptent la variabilité de comportements pour chacun des sexes (modèle
androgyne).
1. Le tempérament
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- La sociabilité (la facilité ou non à se rapprocher des autres et à être récompensé par les
interactions sociales)
- L’approche émotionnelle positive : la tendance qu’a le bébé d’aller vers les expériences
nouvelles (objets, lieux, situations, personnes) plutôt que de les éviter. Cette réaction initiale
de l’enfant à un nouveau stimulus est généralement accompagnée d’une émotion positive.
Cette dimension est semblable à ce que Buss et Plomin appellent la sociabilité.
- L’inhibition : la tendance du bébé à avoir une réaction de peur ou d’évitement face aux
nouvelles personnes, aux nouvelles expériences et situations et face aux nouveaux objets
(Kagan et al., 1990, y voient le précurseur de la timidité).
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Evoquons encore la théorie de Thomas et Chess (1977, cités par Bee et Boyd, 2006 et par Bee
et Boyd, 2003, p. 132) qui présente 9 dimensions du tempérament chez l'enfant. À partir de ces
9 dimensions, ces chercheurs proposent 3 types de tempérament : l’enfant « facile », l’enfant
« difficile » et l’enfant « lent à s’adapter ».
- L'enfant avec un tempérament « facile » (40% des enfants) présente des fonctions
biologiques régulières (il dort bien et il mange à des heures régulières), il est habituellement
joyeux et de bonne humeur et il aborde positivement les choses nouvelles, il s’adapte
facilement au changement.
- L'enfant avec un tempérament « difficile » ou exigeant (10% des enfants) présente des
fonctions biologiques moins régulières, de sorte qu’il lui faut plus de temps pour acquérir
des habitudes « normales » de sommeil et d'alimentation. Ce type d’enfant réagit fortement
et négativement aux choses nouvelles et aux changements ; il pleure davantage et est
souvent irritable. D’ailleurs, ses pleurs sont jugées plus irritantes que les pleurs de l’enfant
facile (Boukydis et Burgess, 1982, cités par Bee et Boyd, 2003, p. 132).
- L'enfant « lent à s’adapter » (15% des enfants) est moins actif, moins intense dans ses
réactions émotionnelles et il résiste passivement aux choses nouvelles. Il présente en effet
peu de réactions intenses, qu’elles soient positives ou négatives. Face aux changements et
aux personnes nouvelles, il fait preuve d’une certaine résistance passive. Son adaptation à
une nouvelle expérience ou à une nouvelle personne s’avère cependant généralement
positive.
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Thomas et Chess (1977, cités par Bee et Boyd, 2003) croient que ces modèles de tempérament
sont présents à la naissance et reflètent des différences physiologiques. Ils avancent également
que ces modèles persistent pendant l'enfance et l'âge adulte. Ceci nous amène à formuler la
question récurrente en psychologie du développement de l’inné et de l’acquis au niveau de
l’origine du tempérament.
Le fait que les tempéraments de jumeaux identiques soient plus semblables que ceux de
jumeaux fraternels appuie l'hypothèse de l'héritage ou de l’origine génétique. Cependant,
d'autres recherches donnent à penser que l’influence de l'environnement ne doit pas être exclue.
Les scores de tempérament sont assez stables pendant l'enfance et semblent constants au début
de l'adolescence ainsi qu'au début de l'âge adulte. Cependant, les scores obtenus chez les
nourrissons ne permettent pas de prédire les scores à l'âge scolaire et à l'âge adulte. Comment
comprendre cette contradiction apparente (stabilité versus absence de prédiction) dans les
résultats des recherches ? Celle-ci peut être attribuée à la façon de mesurer le tempérament chez
un nouveau-né et chez un enfant plus âgé (il s’agit de manières et techniques différentes et donc
pas forcément comparables) ou à l'influence sur le tempérament des premières expériences de
l'enfant.
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Baumrind (1971 et 1991, cité par Bee et Boyd, 2006) identifie 4 aspects du fonctionnement de
la famille.
- Les exigences et les attentes quant au niveau de maturité de l’enfant : ces attentes peuvent
être adaptées à l’enfant, ou trop faibles ou trop importantes.
- La qualité de la communication entre les membres de la famille : celle-ci peut par exemple
être ouverte, bonne, inexistante…
Baumrind (1971, 1991) illustre l’impact de ces aspects du fonctionnement familial sur le
développement de l’enfant :
- Les parents qui établissent des règles et les appliquent avec constance sans utiliser de
punitions corporelles ont des enfants qui ont moins tendance à être rebelles ou
désobéissants. Ils sont aussi plus sûrs d'eux et moins agressifs.
- Les parents qui ont des attentes élevées correspondant au niveau de maturité de l'enfant ont
des enfants qui sont moins agressifs, plus généreux et qui possèdent une plus grande estime
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de soi.
- Enfin, les parents qui parlent beaucoup avec leurs enfants et les écoutent (bonne
communication) ont des enfants qui font preuve d’une maturité émotionnelle et sociale plus
élevée.
Baumrind (cité par Bee et Boyd, 2006) a aussi identifié 4 styles d'éducation selon deux
dimensions : le degré d'acceptation ou de rejet (affection/chaleur et communication) et le niveau
d'exigence et de discipline (encadrement/contrôle et attentes/exigences) des parents envers leur
enfant. Il arrive ainsi aux 4 styles d’éducation suivants : le style autoritaire, le style permissif,
le style démocratique et le style désengagé.
Le style autoritaire
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Dans ce cas de figure, Baumrind note un degré d'acceptation faible vis-à-vis des enfants (voire
un rejet), une insensibilité et parallèlement un niveau d'exigence et de discipline élevé. Quant
aux conséquences sur les enfants, Baumrind relève peu d'habiletés sociales, une faible estime
de soi, une possibilité de repli sur soi, de mauvais résultats scolaires.
Le style permissif
Pour le style parental dit « permissif », Baumrind note un degré d'acceptation élevé, les parents
peuvent être qualifiés d’affectueux, mais le niveau d'exigence et de discipline vis-à-vis des
enfants est faible. Ici parmi les conséquences de ce style parental sur les enfants, on observe
qu’ils sont plus agressifs, plus dépendants, leur maturité sociale est faible, ils sont moins
susceptibles d'assumer des responsabilités.
Le style démocratique
Ici on note un degré d'acceptation élevé, les parents sont affectueux et le niveau d'exigence et
de discipline est également élevé. Les parents démocratiques utilisent souvent une discipline
inductive (c’est-à-dire qu’ils vont tenter d’expliquer pourquoi un comportement est souhaité
ou au contraire mauvais). Le style démocratique a des conséquences positives sur les enfants :
ils développent de bonnes habiletés sociales, font preuve d’une plus grande confiance en soi,
ont une estime de soi élevée ainsi que de meilleurs résultats scolaires.
Ici on observe du côté des parents un degré d'acceptation faible (rejet de l’enfant), le parent se
montre insensible et a un niveau d'exigence et de discipline faible. Les conséquences sur les
enfants sont négatives. Les recherches qui relient le style parental négligent aux comportements
et au développement de l’enfant, constatent des enfants plus impulsifs et asociaux, moins
orientés vers la réussite et moins compétents socialement.
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- Un exemple est très proche de la notion de « continuité cumulative » que nous avons
abordée au début du cours. C’est-à-dire que chacun de nous, y compris les jeunes enfants,
choisit ses expériences : nous choisissons par exemple d’être actifs dans les domaines dans
lesquels nous nous sentons à l’aise, domaines que nous connaissons bien ou que nous
apprécions...
Ainsi, on observe que les enfants présentant un degré de sociabilité élevé recherchent les
contacts avec les autres. Les enfants présentant un degré d’activité faible (rappelons que le degré
d’activité est une autre dimension du tempérament) sont plus susceptibles de choisir des
activités calmes ou sédentaires (par ex. dessin, lecture, puzzle, jeux de société) que le football
ou d’autres sports.
- De la même façon, le tempérament peut influer sur la façon d’interpréter une expérience
donnée. Ce facteur permet de mieux comprendre comment deux enfants appartenant à la
même famille peuvent vivre les interactions familiales, le style d’éducation ou encore les
mêmes événements de façon très différente.
Bee et Boyd (2003, p. 135) donnent l’exemple d’une famille qui déménage souvent pour des
raisons professionnelles liées à la carrière des parents. Si un des enfants possède une forte
prédisposition innée à l’inhibition comportementale, les nombreux changements pourront
provoquer chez cet enfant de plus en plus de réactions de crainte et d’inhibition. L’enfant pourra
en venir à anticiper chaque déménagement comme une expérience redoutable et il sera plus
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Imaginons maintenant un frère ou une sœur de la même famille qui serait muni(e) d’une forte
prédisposition innée qui le/la pousse à aller vers les autres (sociabilité, comportement
d’approche). Cet enfant va probablement interpréter les déménagements comme des
expériences stimulantes, il/elle sera plus susceptible de considérer son enfance comme positive
et riche en expériences.
- Enfin, comme nous l’avons vu, il existe encore un autre facteur de l’environnement qui tend
à renforcer les prédispositions innées du tempérament, soit la tendance des parents et
d’autres personnes appartenant au monde de l’enfant à réagir de façon différente à des types
de tempérament différents.
L’enfant avec un tempérament sociable qui sourit souvent est plus susceptible de provoquer des
sourires et des interactions positives de la part des parents, notamment parce qu’il a renforcé
leur comportement par son tempérament positif/facile (Buss et Plomin, 1984, cités par Bee et
Boyd, 2003, p. 135).
Enfin, alors que plusieurs facteurs de l’environnement tendent à renforcer les aspects
fondamentaux du tempérament de l’enfant, créant ainsi une stabilité et une continuité du
tempérament et de la personnalité au fil du temps, les facteurs environnementaux peuvent aussi
entraîner l’enfant vers de nouveaux modèles (on peut penser au modèle de Soi et aux M.I.O.
qui peuvent être modifiés par des changements de son milieu de vie ou par une intervention
thérapeutique) et vers de nouvelles façons de réagir.
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Chapitre 10
L’adolescence : perspective développementale
Lecture proposée :
Objectifs de l’article :
- Établir une définition qui permet de dépasser ce qui est circonstanciel dans cette étape de
vie (l’adolescence comme période de « changement» (Taborda, 2005, p. 522).
Au départ, l’adolescence n’existe pas en tant que catégorie d’âge spécifique (Ariès, 1973), on
pourrait dire qu’il s’agit d’une construction récente, car ce n’est que vers la fin du 19e siècle que
l’adolescence apparaît comme préoccupation dans le discours politique et moralisant. Au 20e
siècle, on reconnaît l’existence des besoins et capacités physiologiques et psychologiques
propres aux adolescents (//développement de l’enseignement secondaire) et on commence à
considérer l’adolescence comme un « stade » du développement humain. Parallèlement à cette
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évolution, l’adolescence prend une place comme thème de recherche dans diverses disciplines
(sociologie, anthropologie, psychologie).
Selon Taborda et ses collègues (2005), le problème est que l’adolescence, la « réalité
adolescence » est difficile à conceptualiser de façon intégrée, à caractériser de façon uniforme.
Nous retrouvons cette idée chez Fize (2009) : « L’adolescence n’est pas une entité homogène,
les individus sont uniques, les situations particulières ».
Face à ce constat, certains auteurs (par ex. historiens, anthropologues) concluent que «
l’adolescence » n’existe pas (ce serait un phénomène artificiel, inventé par certaines cultures à
un moment donné de leur histoire). Dans cette optique, l’adolescence ne correspondrait pas à
une étape naturelle du développement humain. L’adolescence se présente comme un «produit
social» lié à des circonstances historiques particulières. Les anthropologues, en observant
d’autres civilisations, arrivent à la conclusion que l’expérience adolescente et sa durée sont en
relation avec les aménagements culturels au moyen desquels une société assure le passage de
l’état d’enfance à l’état d’adulte (Claes, 1986 cité par Taborda, 2005). Certains comportements,
qualifiés « d’adolescents » dépendent du milieu social et non d’un certain stade du
développement physique.
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Psychologie du développement. Approche émotionnelle et sociale. PSYC-E-2003. Année académique 2018-2019. Notes de cours de L. De
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- Cela équivaut à caractériser négativement cette phase de la vie : « les sujets qui
traversent cette phase ne sont plus des enfants et pas encore des adultes ».
- Toutes les périodes de la vie peuvent être qualifiées de « période de transition ». L’idée
de transition n’étant pas exclusive de l’adolescence, elle ne permet pas à caractériser de
façon spécifique cette période.
- Danger de réduire l’adolescence aux problèmes et conflits que le passage à l’âge adulte
soulève (par ex. insertion dans la vie active, prolongement de la scolarité, pénurie
d’emplois).
- Suppose que l’enfance et l’âge adulte soient des états stables alors que les recherches
récentes montrent plutôt un développement continu de l’individu.
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qui coïncide avec le cycle de la vie (par ex. pensée post-formelle sur le plan
cognitif).
- Les conflits et les problèmes des adolescents prolongent des difficultés éprouvées
pendant l’enfance mais masquées (ou en gestation). De même, les problèmes
adolescentaires ne sont pas toujours très différents des problématiques adultes
« L’adolescence : l’âge qui succède à l’enfance et qui commence avec les premiers signes de
la puberté ». Dans cette définition, on note l’hégémonie du critère biologique. Ce critère a connu
un grand succès dans le domaine de la psychologie des adolescents (Taborda, 2005, p.524) qui
considérait la puberté comme un palier biologique.
- Croissance soudaine.
- Apparition des premières règles (lorsque la taille a atteint son allongement maximum).
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- Remarquons qu’il y a une forte variabilité entre 13 et 15 ans, parfois la puberté n’a pas
encore débuté, parfois la maturité est quasi complète.
Selon Taborda, il y a une difficulté/problème lié au fait de situer le début de l’adolescence par
la puberté : le moment d’apparition de la puberté varie considérablement selon les individus,
les sexes (chez filles : débute et finit plus tôt), le milieu, le climat, les époques (par ex. l’âge des
premières règles à Paris en 1900 est situé à 14 ans 5 mois ; en 1950 à 12 ans 5 mois…).
On note donc une précocité somatique qui se traduit par une accélération pubertaire (liée à
l’amélioration des conditions de vie, de l’alimentation et de l’hygiène…) alors que sur le plan
social, on note paradoxalement un allongement de la scolarité (et parfois une infantilisation des
jeunes/des adolescents par la société).
Taborda et al. (2005) soulignent et retiennent les variations importantes pour avancer qu’on ne
peut réduire l’adolescence à ce seul critère physiologique, biologique. « Toutefois, ces
transformations pubertaires ont des répercussions psychologiques (par ex. nouvelle image
corporelle) que l’on ne peut nier » (Taborda, 2005, p. 524). Ils considèrent que le danger
consiste à confondre adolescence et puberté et considérer la puberté comme le « facteur causal »
de l’adolescence. A ce propos, ils écrivent que les auteurs de l’école psychanalytique, par ex.
Peter Blos, 1962; Hélène Deutsch, 1967 et Anna Freud, 1936 invoquaient beaucoup trop
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Il n’y a pas de critère précis en psychologie qui permet de délimiter la fin de l’adolescence. On
évoque des critères sociaux qui correspondent à l’accès au statut d’adulte : fin des études, entrée
dans le monde du travail, départ de la maison familiale, autonomie économique, majorité civile,
fondation d’une famille…
Le problème lié à de tels critères est le fait qu’ils ne sont pas précis, ils correspondent à des
événements dont l’ordre et la durée se sont modifiés au cours de l’histoire (Claes, 1986 cité par
Taborda, 2005, p. 524).
Plusieurs auteurs proposent des solutions pour résoudre la difficulté de délimiter la fin de
l’adolescence. Ils localisent par exemple la fin de l’adolescence quand il y a une « indépendance
au niveau de l’action » (Stone et Church, 1973), quand il y a une « maturité » (Horrocks, 1978),
quand on observe la capacité à s’impliquer dans relation intime (Erikson, 1959). Taborda et al.
( 2005, p. 525) considèrent toutefois que ces « positions sont peu consistantes et infécondes
pour permettre une identification rigoureuse des caractéristiques spécifiques de l’adolescence ».
Il existe de nombreuses définitions en terme de « crise » depuis le début du 20e siècle avec le
présupposé de « discontinuité » et de « rupture » (« potentiel de crise », période critique »). On
peut penser aux conceptions de Stanley Hall, 1904, Peter Blos (1962)52, Anna Freud (1958,
1969)53, Erik Erikson (« crise identitaire »), Pierre Male (« crise juvénile simple ou sévère »),
Debesse (« crise d’originalité juvénile ») (cités par Taborda et al., 2005, p. 525).
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- Passage ou période marquée par des tensions et des conflits inévitables, par des
perturbations et inadaptations transitoires mais indispensables à l’équilibre ultérieur ».
Par ex., selon Anna Freud, « Etre normal durant la période de l’adolescence est, en soi-même,
anormal ». Elle décrit l’adolescence comme « Un trouble du développement qui serait considéré
anormal/pathologique dans d’autres phases de la vie ».
Rappelons ici qu’Erik Erikson (1956) comprend également l’adolescence comme une «crise
normative» qui peut se résoudre toute seule, comme une phase normale de conflit exacerbé qui
contribue au processus de formation de l’identité (fonction).
- par ex. les relations entre parents et enfants ne sont pas forcément conflictuelles et
tendues.
- 82% des 13-18 ans déclarent pouvoir parler facilement avec leurs parents,
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Taborda conclut (2005, p. 528) : « faute du nécessaire support empirique, l’idée de crise se
révèle inappropriée pour orienter la réflexion visant à identifier les caractéristiques spécifiques
de l’adolescence ».
Taborda et al. (2005) expliquent que c’est l’ensemble des transformations (corporelles,
cognitives, morales, socio-affectives, identitaires…) qui caractérisent les années adolescentes.
Elles mènent l’adolescent vers une autonomie croissante et cela à la fois au niveau de la pensée,
des affects et des relations avec autrui (Taborda, 2005, p. 528 – 529).
274
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Coster & C. Mottrie. ULB.
Conclusions
L'évolution de la psychologie contemporaine va dans le sens d'un abandon des grands systèmes
théoriques au profit de l'élaboration de modèles plus limités mais ayant une plus grande valeur
heuristique.
Pour avoir une bonne compréhension de l’enfant, il est toutefois important d’adopter une vue
d’ensemble de son développement et d’aborder l’enfant sous son aspect à la fois affectif, social
et cognitif. Il est également important de se rappeler que le développement, notamment celui
de l’enfant, n'est pas linéaire et progressif mais que l’on peut souvent observer des stagnations,
des régressions ou encore de grands sauts qualitatifs dans différents domaines (la marche, le
langage, les relations sociales…).
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