Vous êtes sur la page 1sur 2

PAT H O L O G I E D U B Â T I M E N T

35
Désordres après reprise sur des
ravalements de façades en plâtre
Même lorsque les opérations de ravalement des façades en plâtre
sont effectuées régulièrement, on constate des désordres prématurés dans de nombreux
cas. C’est essentiellement une erreur de choix de la solution à apporter
qui est à l’origine des sinistres.

• d’incuits et d’impuretés provenant du monde artisanal de


cuisson du gypse dans les “fours-culées”,
• de sable de rivière,
• de chaux aérienne,
• d’eau ajoutée lors du gâchage.
La technique de finition que l’on connaît de la première moi-
tié du siècle était la suivante :
Le mortier mis en place était laissé nu pendant 8 à 12
mois pour assurer le séchage, avant de recevoir une ou plu-
sieurs couches d’imprégnation à l’huile de lin chaude, elles-
mêmes recouvertes 6 à 12 mois plus tard par des finitions
peinture du type huile de lin/blanc de zinc (pigment à l’oxy-
de de zinc) et siccatifs, préparées sur chantier.
Cette technique n’a pas connu de gros sinistres pendant
un demi-siècle environ.

Un parc de réhabilitation immense et des solutions


inadaptées, hors du traditionnel
A partir des années 60, les impératifs en matière d’entretien
du patrimoine ont conduit à la restauration de milliers de
mètres carrés de façades. Face à cette demande massive
un grand nombre d’entreprises ont décidé d’essayer de
nouvelles solutions de ravalement. Il est essentiel de recen-
ser les erreurs commises à partir des solutions choisies.
Écaillage généralisé sur une façade en plâtre, et cloquage • L’emploi de plâtre fin de construction (sans ajout de sable
du revêtement d’imperméabilité sur plâtre en zone d’humi- et de chaux) pour la réparation des zones dégradées a
dité (mauvaise protection du bandeau). constitué une des erreurs les plus graves. Ce choix a engen-
dré rapidement des désordres spectaculaires : microfis-
sures, fissures, crevasses, érosion du plâtre, décollement
des finitions. Nous héritons encore, de nos jours, de ces

A Paris et dans sa proche banlieue où l’on recense un


nombre important de façades en plâtre, il est curieux d’y
erreurs.
• La purge insuffisante des parties fragiles de plâtre mort,
sonnant le creux, mal adhérentes, a également provoqué
remarquer une concentration des altérations qui affectent une dégradation rapide des façades récemment entrete-
habituellement les revêtements de finition : cloquage, écailla- nues.
ge, fissuration, décollement par lambeaux, farinage, déve- • Les délais de réalisation de plus en plus courts (souhaits
loppement de micro-organismes, encrassement... Quelques du maître d’ouvrage, autorisation municipale, droits de voirie
autres villes françaises comme Rouen, Lyon, Vichy, présen- imposant un encombrement de durée minimale...) ont
tent beaucoup plus ponctuellement quelques ouvrages du conduit à appliquer des peintures sur des fonds insuffisam-
même type. ment secs, d’où l’apparition de moisissures, puis de cloqua-
La proximité de grandes réserves de gypse et la volonté ge et de décollement de films.
d’utiliser un matériau léger et incombustible (suite à une suc- • Le choix de peintures “classiques” pour maçonneries
cession d’incendies gigantesques au cours des siècles), ont hydrauliques, mais insuffisamment souples pour un subjecti-
incité les bâtisseurs à dresser des mortiers de plâtre sur des le plâtre, est à l’origine de la lèpre bien connue des façades
structures type pans de bois à l’origine, puis plus “tradition- parisiennes.
nelles” en terme de maçonnerie, comme la pierre et les blocs • Enfin, l’oubli de quelques grands principes architecturaux,
(briques, parpaings). dont notamment la nécessité de protéger les parties faible-
Il faut insister sur le fait qu’autrefois on gâchait un véritable ment inclinées contre les effets de la pluie (absence de ban-
mortier de plâtre, par mélange : deaux, corniches, avancées, modénatures...). Il faut égale-
• de plâtre gros dit “plâtre au panier” où les fines particules ment éviter les longs ruissellements sur une façade lisse en
étaient éliminées pour conserver des petits blocs d’un brisant le chemin de l’eau par des ressauts. Ces oublis ont
mélange de sulfate de calcium semi-hydraté (SO4 Ca, 1/2 donné lieu à des désordres caractéristiques nettement
H2O), localisés, dont l’amplitude décroît avec la distance qui les
PAT H O L O G I E D U B Â T I M E N T 35

Cas d’une protection mal conçue Protection des bandeaux


(et cependant fréquente)

Revêtement Revêtement
d’imperméabilité d’imperméabilité

Revêtement non protégé Cordon


du rejaillissement de la pluie de mastic
Possibilité d’infiltration d’eau

Bavette
Bavette

schéma 1 schéma 2

sépare de leur origine : érosion du plâtre, cloquage et décol- parition dans le temps de microfissures en périphérie des
lement du revêtement, foisonnement de micro-organismes. réparations. Une peinture classique, par définition, n’a aucu-
Parfois des protections architecturales existent, mais leur ne vocation à résister au moindre mouvement du subjectile.
protection est défaillante (schéma 1). Il s’en suivra donc une microfissuration de la peinture, per-
mettant la pénétration de l’eau, en enclenchant la dégrada-
Préparation du mortier de plâtre : un mélange précis tion totale du film (moisissures, cloquage, etc.). Il est donc
Les réparations doivent être exécutées avec un mortier dont la préférable d’opter pour le choix d’un revêtement souple
composition approche celle des matériaux d’autrefois, à savoir, encaissant les déformations. Les revêtements d’imperméa-
selon l’article 12-3 du DTU 26.1 , un mélange du type : bilité de façade de classe I3 (résistance à la fissuration de
• plâtre gros . . . . . . . . 40 kg 3 volumes, 10/10 mm) et de classe I4 (résistance à la fissuration de
• chaux aérienne . . . . . 6 kg 1 volume, 20/10 mm) conviennent.
• sable sec . . . . . . . . . 30 kg 2 volumes, En conclusion, la meilleure approche que l’on puisse faire en
• eau . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 l 2,5 volumes. ce qui concerne une opération de ravalement de façade sur
Ces mélanges existent prédosés industriellement (MPC, plâtre, est de respecter les règles professionnelles relatives au
Plâtre du Marais...). traitement des façades plâtre “type parisien”, de juin 1997.
Outre une définition précise des travaux préparatoires à
Choix du revêtement de finition engager, du choix des revêtements et de la description de
et conception de travaux préparatoires : leur mise en œuvre, ces règles rappellent la nécessité de res-
Sauf cas indiscutable nécessitant le piochage intégral d’une pecter un délai minimum de 3 semaines (dans des condi-
façade, il est très rare qu’un maître d’ouvrage accepte d’en- tions favorables) entre les réparations du plâtre et l’applica-
gager une dépense importante pour la réfection totale de tion du revêtement (séchage du mortier d’une part, carbo-
l’enduit plâtre existant. Généralement les reprises de plâtre natation de la chaux d’autre part). Elles attirent enfin l’atten-
intéressent 20, 30, 50, voire 60 % au plus, des surfaces tion sur la nécessité de traiter les points singuliers, par
concernées. Dans les deux cas présentés ci-après (reprise exemple la protection de bandeaux et corniches (schéma 2).
totale ou reprise partielle du plâtre), la conception des tra-
vaux sera totalement différente.
1. Reprise complète de l’enduit plâtre. Dans ce cas, toute La leçon que l’on peut tirer de ce constat est que
liberté est permise quant au choix de la finition : peinture type trop de considérations personnelles, sans aucun fon-
pliolite, émulsion acrylique, siloxane ou minérale du type sili- dement scientifique, ont servi de base à l’élaboration
catée, ou bien encore revêtement d’imperméabilité, à moins de solutions de traitement des façades en plâtre. Un
que l’on opte pour le seul emploi du mortier de réparation, certain nombre de concepteurs de descriptifs veulent
laissé nu mais teinté dans la masse. Signalons qu’il existe s’appuyer sur les “expériences fructueuses” du
aujourd’hui une formulation de mortier de plâtre à grain fin, passé, mais oublient que les conditions d’exécution
qui permet une bonne esthétique finale. d’un chantier sont totalement différentes aujourd’hui.
Attention : les peintures à la chaux sont à proscrire sur rava- Ne serait-ce qu’en matière de délai d’exécution.
lement plâtre.
2. Reprises partielles du ravalement. Dans ce cas, qui est
le plus fréquent, le choix est limité. A l’exception des façades
sur courettes très abritées, qui peuvent recevoir un système
de peinture classique, les façades sur rues ne peuvent se
traiter que par revêtement d’imperméabilité de façade à 9, boulevard Malesherbes
base de polymères (systèmes élastomériques, donc 75008 Paris
souples, formulés à partir d’une résine en émulsion).
En effet, quelle que soit la qualité de composition du mor-
tier, et quel que soit le soin apporté à sa mise en œuvre, ce
matériau de réparation montrera dans le temps des proprié- 114, avenue Émile Zola
Michel HOUEIX

tés physiques et mécaniques légèrement différentes de 75739 Paris Cedex 15


celles du matériau d’origine partiellement conservé (module
d’élasticité, dilatation, retrait...). Ce qui se traduira par l’ap- R EPRODUCTION INTERDITE SANS AUTORISATION DES ÉDITEURS

Vous aimerez peut-être aussi