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Janine CONNES
Docteur ès Sciences
Directeur de la Division informatique au CNRS
et Hervé DELOUIS
Docteur ès Sciences
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© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 205 − 1
THÉORIE ET TRAITEMENT NUMÉRIQUE DES SIGNAUX DONNÉS PAR LES APPAREILS ANALYTIQUES ____________________________________________________
U n signal est la mesure d’une grandeur physique dont on étudie les varia-
tions en fonction d’un paramètre. Depuis sa création au niveau d’un capteur
jusqu’à sa mise à la disposition de l’expérimentateur, ce signal passe à travers
les éléments d’une chaîne de mesure (transducteurs, amplificateurs) qui lui font
subir un certain nombre d’altérations systématiques (traînées, retards) et aléa-
toires (bruits, signaux parasites). C’est pour remédier, autant qu’il est possible, à
ces altérations que les techniques de traitement du signal sont mises en œuvre ;
une bonne connaissance des lois fondamentales est nécessaire pour tirer, d’un
montage expérimental donné, la totalité de l’information disponible. L’améliora-
tion du signal est souvent obtenue en incorporant, dans la chaîne de mesure,
des éléments qui corrigent celle-ci par voie analogique (filtres), mais la multipli-
cation et la puissance des ordinateurs permet, de plus en plus fréquemment, de
faire des traitements à posteriori plus efficaces et mieux optimisés.
1. Rappel mathématique Dans l’expression (2), les parties paire et impaire de f (t ) sont
explicitement distinguées. Un formalisme plus simple est rendu
possible par l’emploi des fonctions exponentielles imaginaires :
Ce rappel n’a pas pour but de donner les éléments de mathémati- exp(ix ) = cos x + i sin x
ques à ceux qui ne les possèdent pas. Il donne simplement des
résultats qui seront utiles dans l’article et précise les notations. Le qui permet d’écrire le développement suivant :
lecteur soucieux de rigueur pourra se reporter à l’ouvrage de
L. Schwartz [1]. Une lecture plus facile, illustrée d’exemples con-
crets, est offerte par celui de R. Bracewell [2]. Le lecteur se reportera +∞
également à l’article dans le traité Sciences fondamentales et à la f (t) = ∑ c k exp ( 2iπ kt ⁄ T )
référence [15] [17]. k = –∞
avec :
1.1 Série de Fourier
E
t0 + T
1
c k = --- t0 f ( t ) exp ( –2iπ kt ⁄ T ) dt (4)
T
Toute fonction périodique f (t ) de période T, soumise à certaines
limitations, peut se représenter par la somme d’une série de fonc- On voit qu’une fonction périodique peut être décrite par une série
tions sinusoïdales de périodes T, T/2, ..., T/k , ... : de coefficients ck, qui sont les termes de son spectre discret. Le plus
souvent, paramètre t sera le temps, et chaque terme sera caractérisé
∞ par sa fréquence k/T, multiple de la fréquence fondamentale ou fré-
∑ ak cos ------------
- Ð ψ k
2π kt
f (t) =
(1) quence du premier harmonique 1/T. Mais t peut aussi désigner un
T autre paramètre et le formalisme précédent reste valable : par
k=0
exemple, l’étude d’une grandeur définie dans l’espace conduit à
que l’on transforme habituellement, pour éliminer les angles de parler du spectre de fréquences spatiales, fréquences mesurées en
phase ψk : nombre d’ondes par unité de longueur.
∞
f ( t ) = a0 + ∑ ak cos ( 2π kt ⁄ T ) + bk sin ( 2π kt ⁄ T ) (2)
1.2 Transformée de Fourier
k=1
avec :
Le cas d’une fonction non périodique peut être défini par un pas-
E
t0 + T sage à la limite du cas précédent, lorsque la période T tend vers
1
a0 = t0 --- f ( t ) dt l’infini. La fréquence 1/T du terme fondamental tend alors vers 0, et
T
les fréquences des différents harmoniques se rapprochent pour
donner à la limite une fonction continue de la variable ν = 1/T. La
E E
t0 + T +∞
2
bk = t0 --- f ( t ) sin ( 2π kt ⁄ T ) dt (3) f (t) = –∞
F ( ν ) exp ( 2iπν t ) dν (5)
T
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E
+∞
–∞
δ ( t ) á dt = 1
E
+∞
1
–∞
cos ( 2πν 0 t )exp ( –2iπν t ) á dt = --- [ δ ( ν Ð ν 0 ) + δ ( ν + ν 0 ) ]
2
Figure 1 – Coefficients et transformée de Fourier
Inversement, la transformée de Fourier de δ(ν – ν0) est :
E
+∞
F (ν), spectre de f (t ), est appelée transformée de Fourier de f (t ).
∆ (t ) = δ ( ν Ð ν 0 ) · exp(– 2iπνt ) · dν = cos(2πν0t ) – i sin(2πν0t )
F (ν) peut se déduire de f (t ) par une expression comparable à (4) qui –∞
donne les valeurs de ck lorsque f (t ) est périodique :
En particulier, la transformée de Fourier de δ (ν) est la constante
E
+∞ unité. On en déduit que l’impulsion de Dirac est l’unité pour le pro-
F(ν) = f ( t ) exp ( –2iπν t ) dt (6) duit de convolution :
–∞
f✱δ=f
On remarquera la symétrie des expressions (5) et (6). La fonction
E
f (t ) est la transformée de Fourier inverse de F (ν). +∞
δ ( t ) · f (t 0 – t ) · d t = f (t 0 )
–∞
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E
+∞
g (t ) = G ( ν ) · exp(2iπνt ) · dν (9)
–∞
E
+∞
l’excitation exp ( 2iπν t ) á dν qui est l’impulsion δ(t ). Le système
–∞
étant stationnaire, sa réponse à une impulsion δ(t – t0) sera g(t – t0)
et la réponse à une excitation quelconque peut s’écrire :
E E
+∞ +∞
r(t) = e ( t Ð t 0 ) g ( t 0 ) dt 0 = e ( t 0 ) g ( t Ð t 0 ) dt 0 (10)
–∞ –∞
2.3 Convolution
E
+∞
r (t ) = R ( ν ) · exp(2iπνt ) · dν (8)
–∞
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Exemple : des applications de cette convolution sont l’interpolation d’une fonction échantillonnée, qui sera vue au paragraphe 4.4 et le détramage
des images transmises par télévision ou par bélinogramme.
Le détramage d’une image par voie analogique a été proposé par A. Maréchal avec la méthode de filtrage des fréquences spatiales [3]. L’efficacité
de cette méthode vient de ce que l’imagerie optique permet un accès direct à l’espace des fréquences, la répartition d’amplitude lumineuse dans le
plan image étant la transformée de Fourier de la répartition d’amplitude dans le plan de la pupille. On peut donc, dans le plan pupillaire, agir directement
sur le spectre des fréquences spatiales de l’image. L’objet tramé, éclairé en lumière parallèle, donne deux taches de diffraction à l’infini correspondant
aux ordres 1 et –1 du réseau constitué par la trame (figure 3). Ces taches, ramenées dans le plan de la pupille par la lentille L1, sont occultées par le
diaphragme E, qui est le filtre passe-bas éliminant toutes les fréquences spatiales de l’objet supérieures ou égales à celle de la trame. Dans l’image, la
trame a ainsi complètement disparu. Ce montage dérive directement de l’expérience d’Abbe.
Un exemple analogue se présente en spectroscopie par transformation de Fourier. On enregistre, dans ce cas, un interférogramme à deux ondes qui
est la transformée de Fourier de la partie paire de la répartition spectrale de luminance de la source étudiée. Si cette répartition spectrale présente une
composante périodique en fonction du nombre d’ondes σ (par exemple le spectre cannelé donné par la transmission d’une lame à faces parallèles),
l’interférogramme est caractérisé par une impulsion au voisinage de la différence de marche ∆0 = 1/δσ si δσ est la période du spectre cannelé. Si la dif-
férence de marche maximale est inférieure à ∆0, le spectre cannelé n’apparaîtra pas du tout ; si la différence de marche maximale atteint ou dépasse
cette valeur, le spectre cannelé sera transmis avec toute son amplitude (figure 4).
Il est remarquable, dans ces deux exemples, que l’on passe de la transmission parfaite à la transmission nulle d’une modulation sinusoïdale en fonc-
tion de la variable t pour une variation infinitésimale de la valeur d’un paramètre expérimental. Cela est dû à la variation brutale de la fonction de transfert
au niveau de la fréquence de coupure ; cette variation comporte des inconvénients que nous analyserons à propos de l’apodisation (§ 3.2.1). Lorsque
le paramètre t est le temps, une fonction de transfert rectangulaire est impossible : en effet, la réponse impulsionnelle correspondante présente des
valeurs non nulles pour t < 0, ce qui est contraire au principe de causalité.
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E
de numériser un signal. +∞ +∞
E
● L’échantillonnage par contre, ou quantification de la variable, +∞
est plus délicat à cerner. Il doit être assez serré pour ne pas perdre f (t) dt
en information, mais il doit aussi éviter une trop forte redondance, –∞
perte de temps et de puissance de traitement d’un signal. C’est le
mathématicien anglais R. Shannon qui a précisé quantitativement On sait alors que le spectre Fe(ν) de fe(t ) est le produit de convolu-
les conditions que doit remplir un échantillonnage pour garder tion de F (ν) par la transformée de Fourier du peigne de Dirac de
l’intégralité de l’information contenue dans une fonction f(t ). période T. Celle-ci est un nouveau peigne de période ∆ν = 1/T :
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Une fonction f (t ), dont le spectre est limité par une fréquence νM, conduisent à des résultats inacceptables. Il faut alors faire l’interpo-
est entièrement déterminée par les valeurs qu’elle prend pour des lation rigoureuse, opération inverse de l’échantillonnage, qui resti-
valeurs de t distantes de T = 1/(2 νM ). tue f (t ) sans approximation.
Le signal ou le résultat de son traitement étant donnés sous forme Les altérations déterministes subies par le signal ne sont pas les
d’une série de valeurs numériques, il s’agit de restituer l’intégralité seules dont l’expérimentateur doive se protéger. À tout signal sont
de la fonction échantillonnée. Dans certains cas, l’échantillonnage en effet superposées des fluctuations aléatoires de la grandeur
est beaucoup plus serré que ne l’exige le théorème de Shannon, et mesurée, appelées bruit. Ces perturbations peuvent être extérieures
des segments de droite reliant les points échantillonnés donnent au signal : ce sont des signaux parasites que l’on peut plus ou moins
une image satisfaisante de f (t ). On peut faire une interpolation plus bien éliminer par des dispositifs expérimentaux adéquats : blinda-
satisfaisante avec des segments de parabole ; elle nécessite déjà la ges électromagnétiques, supports mécaniques antivibratoires. Lors-
mise en œuvre de moyens de calcul appréciables. Si l’échantillon- que toutes ces perturbations extérieures ont été supprimées, il
nage est minimal, c’est-à-dire si son pas est maximal, ces méthodes subsiste des fluctuations inhérentes à la structure des éléments de
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la chaîne de mesure, ou à la structure du capteur, ou, dans les sur bruit, représente la quantité d’information. Il faut modifier le
meilleurs cas, à la nature de la grandeur même objet de la mesure. principe d’obtention du signal pour pouvoir augmenter ce nombre.
Exemples : Le bruit de la mer rendu sensible à l’oreille par l’appro- Exemple : C’est ainsi que, jusqu’en 1965, les spectres des planè-
che d’une cavité résonnante, coquillage ou autre, est la manifestation tes (Jupiter, Mars, Saturne, Vénus) dans le proche infrarouge étaient
des fluctuations dues à la nature statistique de la pression d’un gaz. obtenus par des spectromètres à réseau avec une limite de résolution
Les fluctuations du signal d’un photomultiplicateur notablement supé- de 30 cm–1. Ces spectromètres permettaient d’atteindre, sur d’autres
rieur au courant d’obscurité sont la manifestation du bruit de photons. sources, des résolutions bien meilleures, mais la faiblesse du flux
acceptable par ces appareils imposait cette limite. C’est la mise en
œuvre de la spectrométrie par transformation de Fourier qui a permis
d’atteindre une limite de résolution de 0,1 cm–1, jusque-là réservée au
5.1 Bruit blanc soleil. Les appareils classiques, pour arriver à ce résultat, auraient exigé
une constante de temps telle que tous les télescopes à temps complet
depuis leur mise en service n’auraient pas suffi à l’obtention des spec-
tres délivrés par la nouvelle méthode.
La connaissance, aussi complète soit-elle, d’un bruit ne permet
pas de prévoir ses variations en fonction de t ; toutefois, certaines
des propriétés statistiques de cette fonction aléatoire peuvent être
très bien définies. Nous allons prendre comme exemple le bruit 5.2 Bruit anormal aux basses fréquences ;
Johnson, qui traduit l’agitation thermique des électrons libres dans
un métal. Il apparaît aux bornes d’une résistance métallique une modulation
tension v (t ) dont la valeur moyenne est nulle et dont la variance
est :
Lorsque, dans la recherche de l’amélioration du rapport signal sur
2 2 bruit, on en vient à utiliser de très fortes constantes de temps, on
[ v ( t ) Ð v ] = [ v ( t ) ] = 4 kTR ∆ν (14)
observe des fluctuations lentes dont l’amplitude est très supérieure
à ce que prévoit la répartition uniforme en fréquences de l’expres-
avec k constante de Boltzmann (1,38 · 10–23 J/K),
sion (14). Pour en rendre compte, on fait appel à une densité spec-
T (K) température thermodynamique, trale de la puissance de bruit proportionnelle à 1/ν. Par opposition
au bruit blanc pour lequel cette densité est indépendante de ν, on
R (Ω) résistance électrique, qualifie ce bruit de rose. C’est le bruit de scintillation. La modulation,
par la turbulence atmosphérique, du flux reçu d’une étoile par une
∆ν (Hz) largeur du spectre de v (t )
pupille de faible surface en est un exemple ; les fluctuations lentes
La largeur ∆ν est déterminée par la fonction de transfert de la (constante de temps supérieure à 0,1 ms) du courant dû à l’émission
chaîne de mesure à travers laquelle est observée la tension v (t ). thermoélectronique en sont un autre.
Une caractéristique essentielle de ces fluctuations, caractéristique Avec un tel bruit, un signal dont les variations en fonction de t
que l’on retrouve, au moins en première approximation, pour beau- sont lentes (signal à spectre étroit, ne comportant que des fréquen-
coup d’autres bruits, est l’uniformité de la répartition de leur puis- ces basses) est défavorisé du fait qu’il se trouve dans un domaine de
sance en fonction de la fréquence. C’est la proportionnalité de v (t )2 fréquences où la densité spectrale de bruit est anormalement
à ∆ν qui rend compte de cette uniformité spectrale. Par analogie grande. On échappe à cette contrainte en transportant le signal
avec la lumière, un tel bruit est dit blanc. L’amplitude du bruit est
autour d’une fréquence ν0 où l’amplitude du bruit de scintillation est
donnée par la racine carrée de (14), elle est donc proportionnelle à
la racine carrée de la largeur de bande de la fonction de transfert. négligeable, le bruit blanc subsistant seul. Ce transfert de fréquence
Nous retrouvons là une raison fondamentale pour limiter, dans une est obtenu par la modulation du signal.
chaîne de mesure, cette largeur de bande et, par suite, la finesse de
la réponse impulsionnelle. On module un signal autour d’une fréquence ν0 en faisant son
produit par cos(2πν0t ). Le spectre du signal est donc convolué par
Exemple : Le courant délivré par un photomultiplicateur présente
l’ensemble des deux impulsions de Dirac centrées sur ν0 et –ν0. Ce
des fluctuations dues à la nature quantique de l’émission photoélectri-
que (bruit de photons). Si l’on observe, avec un oscilloscope dont la lar- produit de convolution donne deux images du spectre du signal,
geur de la bande passante est de l’ordre de 106 Hz, la tension de 1 V centrées sur ces fréquences (figure 8b ). On voit alors que, pour une
donnée aux bornes d’une résistance de charge de 1 MΩ par un courant largeur donnée du spectre du signal, la puissance de bruit superpo-
photoélectrique de 1 µA, on observera des fluctuations de cette ten- sée au signal est inférieure à ce qu’elle était avant modulation.
sion de l’ordre de 0,4 V. Sur un enregistreur dont la constante de temps
est 0,1 s, ces fluctuations ne seront plus que de 1 mV. Le signal modulé peut être amplifié, traité par la chaîne de mesure
dans de bonnes conditions de rapport signal sur bruit, et avec une
D’une manière générale, l’étude d’un signal avec une faible lar- bonne protection contre les signaux parasites, jusqu’à ce que l’on
geur de la réponse impulsionnelle n’est possible que pour des puisse revenir au signal originel par un nouveau transfert de fré-
signaux intenses ; l’étude des signaux faibles n’est possible qu’avec quence opéré par une détection.
un faible pouvoir de résolution. Cette remarque appuie la réserve
faite à propos de la superrésolution (§ 3.2.2) : il est en effet facile, Le choix de la fréquence de modulation doit être fait en fonction
dans certains cas, d’affiner la réponse impulsionnelle par modifica-
du spectre du bruit et des signaux dont on veut se protéger. Un
tion du dispositif expérimental ; mais cela conduit à une diminution
inacceptable du rapport signal sur bruit. Dans de telles conditions, il montage optique avec modulation est très peu sensible à la lumière
est évident que toute tentative d’augmentation de la résolution par ambiante, pourvu que la fréquence de modulation ne soit pas voi-
traitement à posteriori du signal est vouée à l’échec. Le nombre sine d’un multiple de la fréquence des éclairages électriques. Ces
d’éléments résolus, fondamentalement limité par le rapport signal fréquences sont, en principe, à éviter également dans les montages
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E
électroniques, bien que parfois l’on cède à la tentation d’actionner t0 + T ⁄ 2
un modulateur à 50 Hz ou 100 Hz par le secteur.
t 0 Ð T ⁄ 2 A cos ( 2πν t ) cos ( 2πν 0 t ) dt
Exemple : Les detecteurs de rayonnement électromagnétique
dans le proche infrarouge (thermiques ou photoconducteurs) sont très
sensibles à la température. On ne peut éviter de faibles dérives thermi-
sin [ 2π ( ν Ð ν 0 ) T ]
ques qui rendent impossible la mesure en continu des faibles flux. En = A cos [ π ( ν Ð ν 0 ) t 0 ] --------------------------------------------- (15)
hachant le flux incident à l’aide d’un modulateur, on perd la moitié du 2π ( ν Ð ν 0 )
flux lumineux, mais on divise le plus faible flux mesurable par un fac-
teur pouvant dépasser 1 000. L’égalité (15) suppose certaines approximations permises par
Les amplificateurs électroniques de tension continue à grand gain l’hypothèse T >> 1/ν0. On voit que l’amplitude A à une fréquence ν
passent souvent par l’intermédiaire d’une modulation et d’amplifica- est transmise avec un coefficient numérique qui s’atténue très vite
teurs alternatifs, beaucoup moins sensibles aux dérives. quand |ν – ν0| devient grand devant 1/T. La bande passante décou-
pée dans le spectre du signal modulé est ainsi très étroite si l’on
choisit une constante d’intégration importante (plusieurs secondes).
5.3 Détection En revenant à la figure 8d, on peut voir sur les spectres l’avantage
de ce procédé. Multiplier le signal modulé par cos(2πν0t ) revient à
faire le produit de convolution de S(ν) par le spectre de ce cosinus,
La détection d’un signal modulé est une opération non linéaire. c’est-à-dire l’ensemble de deux impulsions de Dirac centrées en ν0
En première approximation et pour les signaux faibles, c’est une et –ν0. Le résultat de cette convolution est une image fidèle de S(ν)
transformation quadratique, le détecteur donnant en sortie une autour de la fréquence 0, et deux images d’amplitude moitié autour
grandeur proportionnelle au carré de la grandeur appliquée à des fréquences 2 ν0 et –2 ν0, images qui seront éliminées par le fil-
l’entrée. Derrière le détecteur, un filtre isole les basses fréquences trage.
correspondant au signal à détecter. Mais, dans cette transforma-
tion, la puissance de bruit à la fréquence 0 se trouve déterminée D’un point de vue pratique, ce procédé de détection nécessite une
non par la puissance de bruit à la fréquence de modulation avant structure instrumentale plus étoffée : il faut disposer d’une réfé-
détection, mais par l’ensemble de la puissance de bruit répartie rence synchronisée sur la modulation, d’une possibilité d’ajuster la
dans la bande de fréquences transmise avec le signal modulé. En phase, et faire le produit du signal par la référence. Cette dernière
effet, le spectre S’ (ν) du signal et du bruit détectés est donné par opération est très souvent réalisée approximativement, mais plus
l’autoconvolution du spectre S(ν) du signal et du bruit avant simplement, en remplaçant la fonction cos(2πν0t ) par une fonction
détection (figure 8c ). La valeur de ce produit d’autoconvolution créneau alternativement égale à +1 et –1, de même fréquence et de
pour ν = 0 est proportionnelle à la surface de la courbe représen- même phase.
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6. Exemples de traitement de
signal échantillonné sur Tableau 1 – Nombre d’opérations à effectuer dans un calcul
ordinateur de transformée de Fourier
+∞
131 072 = 217 ≈ 17 · 109 ≈ 22 · 105 ≈ 8 000
F (k ∆ν ) = ∑ f (n ∆t )exp (– 2iπ nk ∆ν ∆t ) 2 097 152 = 221 ≈ 44 · 1011 ≈ 44 · 106 ≈ 100 000
n = –∞
et on choisit les pas d’échantillonnage ∆ν et ∆t tels que : La technique, dite de Decimation in time [8], que nous allons rap-
peler est particulièrement bien adaptée à l’élaboration d’un pro-
1 gramme de transformée de Fourier rapide.
∆ν ∆t = ----
N Montrons d’abord que la DFT(N ) de n’importe quelle fonction
complexe est une combinaison linéaire de la DFT(N/2) de deux fonc-
Comme le spectre de la fonction f (t ) échantillonnée (§ 4) est tions ayant moitié moins de points et issues de la première.
périodique, on ne devra faire varier n qu’entre 0 et N.
Soit {Yn}N/2 et {Zn}N/2 les ensembles de N/2 valeurs correspondant
aux valeurs paires et impaires de l’indice n :
NÐ1 NÐ1 (N ⁄ 2) Ð 1 (N ⁄ 2) Ð 1
I n exp 2iπ ------- =
nk
∑ ∑ ∑ ∑
nk nk 2 nk
Bk =
In WN (16) Ck = Yn WN ⁄ 2 = Yn WN
N
n=0 n=0 n=0 n=0
(N ⁄ 2) Ð 1
(19)
∑
2 nk
Dk = Zn WN pour k = 0, 1, 2,..., ( N ⁄ 2 ) Ð 1
π
si W N = exp 2i ---- n=0
N
pour k = 0,1,..., N – 1 Dans (16), nous allons séparer les termes pairs et impairs, ce qui
donne :
Soit {In}N l’ensemble des N valeurs In de la fonction complexe à
transformer et soit {Bk}N l’ensemble des N valeurs Bk du spectre (N ⁄ 2) Ð 1 (N ⁄ 2) Ð 1
(2n + 1)k
∑ ∑
2 nk
complexe. Bk = Yn WN + Zn WN (20)
n=0 n=0
L’équation (16) peut alors se schématiser de la façon suivante :
et, en tenant compte de (19) :
+
DFT ( N )
←
k
{ In }N → { Bk }N (17) Bk = Ck + W N á D k
–
DFT ( N ) D’après l’équation (16) définissant la D.F.T., les fonctions Ck et Dk
–
sont périodiques, de période N/2 :
DFT ( N )
signifiant : Discrete Fourier Transform (transformée de
Fourier discrète) sur N valeurs avec exponentielle négative. Ck + N/2 = Ck
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I’’(t ) = I’(t ) ✱ F (t )
La figure 14 indique les positions relatives du spectre utile (partie
Pour réaliser cette convolution à partir du signal numérisé, deux
hachurée) et du spectre du bruit.
précautions sont à prendre :
a ) l’intervalle d’échantillonnage du signal à filtrer et de la réponse
impulsionnelle doit obéir aux règles de Shannon (§ 4.2) ;
b ) le nombre d’échantillons de la fonction F (t ) étant nécessaire-
ment limité, le filtre obtenu n’est pas idéal. Pour l’améliorer sans
augmenter d’une façon prohibitive le temps de calcul, il faut pondé-
rer, avant la convolution, F (t ) par une fonction de la forme :
t 2 2
A ( t ) = 1 Ð ---
T
Figure 14 – Positions relatives du spectre utile et du spectre de bruit 6.2.2 Vérifications expérimentales
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6.3 Conclusion
Références bibliographiques
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