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Théorie et traitement numérique des

signaux donnés par les appareils


analytiques

par Patrick BOUCHAREINE


Ancien élève de l’École Normale Supérieure
Professeur à l’École Supérieure d’Optique

Janine CONNES
Docteur ès Sciences
Directeur de la Division informatique au CNRS

et Hervé DELOUIS
Docteur ès Sciences

1. Rappel mathématique............................................................................. PE 205 - 1


1.1 Série de Fourier ........................................................................................... — 2
1.2 Transformée de Fourier............................................................................... — 2
1.3 Produit de convolution................................................................................ — 2
1.4 Impulsion de Dirac....................................................................................... — 2
2. Systèmes linéaires................................................................................... — 3
2.1 Fonction de transfert ................................................................................... — 3
2.2 Réponse impulsionnelle.............................................................................. — 3
2.3 Convolution.................................................................................................. — 3
3. Étude de la réponse impulsionnelle.................................................... — 4
3.1 Propriétés ..................................................................................................... — 4
3.2 Amélioration de la réponse impulsionnelle .............................................. — 4
4. Échantillonnage........................................................................................ — 5
4.1 Numérisation............................................................................................. — 5
4.2 Théorème de Shannon................................................................................ — 5
4.3 Théorème de Shannon généralisé ............................................................. — 6
4.4 Interpolation................................................................................................. — 6
4.5 Échantillonnage en présence de bruit ....................................................... — 6
5. Signal et bruit ........................................................................................... — 6
5.1 Bruit blanc .................................................................................................... — 7
5.2 Bruit anormal aux basses fréquences ; modulation ................................. — 7
5.3 Détection ...................................................................................................... — 8
5.4 Détection synchrone.................................................................................... — 8
6. Exemples de traitement de signal échantillonné sur ordinateur — 8
6.1 Calcul rapide d’une transformée de Fourier discrète (DFT) par
utilisation de la Fast Fourier Transform (FFT) ........................................... — 8
6.2 Filtrage numérique ...................................................................................... — 10
6.3 Conclusion.................................................................................................... — 10
Références bibliographiques ......................................................................... Doc. PE 205

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U n signal est la mesure d’une grandeur physique dont on étudie les varia-
tions en fonction d’un paramètre. Depuis sa création au niveau d’un capteur
jusqu’à sa mise à la disposition de l’expérimentateur, ce signal passe à travers
les éléments d’une chaîne de mesure (transducteurs, amplificateurs) qui lui font
subir un certain nombre d’altérations systématiques (traînées, retards) et aléa-
toires (bruits, signaux parasites). C’est pour remédier, autant qu’il est possible, à
ces altérations que les techniques de traitement du signal sont mises en œuvre ;
une bonne connaissance des lois fondamentales est nécessaire pour tirer, d’un
montage expérimental donné, la totalité de l’information disponible. L’améliora-
tion du signal est souvent obtenue en incorporant, dans la chaîne de mesure,
des éléments qui corrigent celle-ci par voie analogique (filtres), mais la multipli-
cation et la puissance des ordinateurs permet, de plus en plus fréquemment, de
faire des traitements à posteriori plus efficaces et mieux optimisés.

1. Rappel mathématique Dans l’expression (2), les parties paire et impaire de f (t ) sont
explicitement distinguées. Un formalisme plus simple est rendu
possible par l’emploi des fonctions exponentielles imaginaires :

Ce rappel n’a pas pour but de donner les éléments de mathémati- exp(ix ) = cos x + i sin x
ques à ceux qui ne les possèdent pas. Il donne simplement des
résultats qui seront utiles dans l’article et précise les notations. Le qui permet d’écrire le développement suivant :
lecteur soucieux de rigueur pourra se reporter à l’ouvrage de
L. Schwartz [1]. Une lecture plus facile, illustrée d’exemples con-
crets, est offerte par celui de R. Bracewell [2]. Le lecteur se reportera +∞
également à l’article dans le traité Sciences fondamentales et à la f (t) = ∑ c k exp ( 2iπ kt ⁄ T )
référence [15] [17]. k = –∞

avec :
1.1 Série de Fourier
E
t0 + T
1
c k = --- t0 f ( t ) exp ( –2iπ kt ⁄ T ) dt (4)
T
Toute fonction périodique f (t ) de période T, soumise à certaines
limitations, peut se représenter par la somme d’une série de fonc- On voit qu’une fonction périodique peut être décrite par une série
tions sinusoïdales de périodes T, T/2, ..., T/k , ... : de coefficients ck, qui sont les termes de son spectre discret. Le plus
souvent, paramètre t sera le temps, et chaque terme sera caractérisé
∞ par sa fréquence k/T, multiple de la fréquence fondamentale ou fré-
∑ ak cos  ------------
- Ð ψ k
2π kt
f (t) = 
(1) quence du premier harmonique 1/T. Mais t peut aussi désigner un
T autre paramètre et le formalisme précédent reste valable : par
k=0
exemple, l’étude d’une grandeur définie dans l’espace conduit à
que l’on transforme habituellement, pour éliminer les angles de parler du spectre de fréquences spatiales, fréquences mesurées en
phase ψk : nombre d’ondes par unité de longueur.


f ( t ) = a0 + ∑ ak cos ( 2π kt ⁄ T ) + bk sin ( 2π kt ⁄ T ) (2)
1.2 Transformée de Fourier
k=1

avec :
Le cas d’une fonction non périodique peut être défini par un pas-

E
t0 + T sage à la limite du cas précédent, lorsque la période T tend vers
1
a0 = t0 --- f ( t ) dt l’infini. La fréquence 1/T du terme fondamental tend alors vers 0, et
T
les fréquences des différents harmoniques se rapprochent pour
donner à la limite une fonction continue de la variable ν = 1/T. La

E fonction f (t ) n’est plus représentée par une somme de composantes


t0 + T
2
ak = t0 --- f ( t ) cos ( 2π kt ⁄ T ) dt de fréquences discrètes, mais par une intégrale sur toutes les
T valeurs des fréquences ν (figure 1) :

E E
t0 + T +∞
2
bk = t0 --- f ( t ) sin ( 2π kt ⁄ T ) dt (3) f (t) = –∞
F ( ν ) exp ( 2iπν t ) dν (5)
T

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la compréhension de certaines opérations. Nous en verrons un


exemple avec l’étude de l’échantillonnage (§ 4).

1.4 Impulsion de Dirac

Dans le formalisme des fonctions classiques, une fonction pério-


dique, représentable par une série de Fourier, n’a pas de transfor-
mée de Fourier. En effet, l’expression (5), nulle pour toute valeur de
ν différente de k/T (k entier positif, négatif ou nul), n’est pas définie
pour toute valeur de ν égale à k/T. Pour permettre la représentation
analytique de tels spectres, le physicien P.A.M. Dirac a introduit
l’impulsion δ(t ), nulle pour t ≠ 0, infinie pour t = 0, de telle sorte que :

E
+∞

–∞
δ ( t ) á dt = 1

La justification de cette notation a été donnée par L. Schwartz


avec la théorie des distributions [1] qui généralise la notion de fonc-
tion en y incluant l’impulsion de Dirac.
Dans ces conditions, une fonction périodique admet une transfor-
mée de Fourier, par exemple :

E
+∞
1
–∞
cos ( 2πν 0 t )exp ( –2iπν t ) á dt = --- [ δ ( ν Ð ν 0 ) + δ ( ν + ν 0 ) ]
2
Figure 1 – Coefficients et transformée de Fourier
Inversement, la transformée de Fourier de δ(ν – ν0) est :

E
+∞
F (ν), spectre de f (t ), est appelée transformée de Fourier de f (t ).
∆ (t ) = δ ( ν Ð ν 0 ) · exp(– 2iπνt ) · dν = cos(2πν0t ) – i sin(2πν0t )
F (ν) peut se déduire de f (t ) par une expression comparable à (4) qui –∞
donne les valeurs de ck lorsque f (t ) est périodique :
En particulier, la transformée de Fourier de δ (ν) est la constante

E
+∞ unité. On en déduit que l’impulsion de Dirac est l’unité pour le pro-
F(ν) = f ( t ) exp ( –2iπν t ) dt (6) duit de convolution :
–∞
f✱δ=f
On remarquera la symétrie des expressions (5) et (6). La fonction

E
f (t ) est la transformée de Fourier inverse de F (ν). +∞
δ ( t ) · f (t 0 – t ) · d t = f (t 0 )
–∞

La figure 2 donne quelques exemples de fonctions paires et de


1.3 Produit de convolution leurs transformées de Fourier (réelles dans ce cas).

Le produit de convolution de deux fonctions f (t ) et g (t ) est défini,


s’il existe, par :
2. Systèmes linéaires
E E
+∞ +∞
h(t) = f ( τ ) á g ( t Ð τ ) á dτ = g ( τ ) á f ( t Ð τ ) á dτ (7)
–∞ –∞

2.1 Fonction de transfert


que l’on note h = f ✱ g.
Il est à rapprocher du produit de corrélation, pour lequel g(t – τ)
est remplacé par g(τ – t ), qui a certaines propriétés identiques mais Pour concrétiser l’exposé, nous donnerons maintenant explicite-
qui s’en distingue, en particulier lorsque l’on fait subir aux fonctions ment au paramètre t la signification du temps.
f et g des translations le long de l’axe des t. Ce produit traduit une La réponse de tout système linéaire (c’est-à-dire pour lequel on
opération fréquente en physique, l’analyse d’une répartition f (t ) par peut appliquer le théorème de superposition) et stationnaire (c’est-
une fonction d’exploration g(t ) ; la commutativité du produit permet à-dire indépendant de toute translation par rapport au temps) à une
d’échanger les rôles des fonctions f (t ) et g (t ). excitation fonction sinusoïdale du temps, de fréquence ν0, est une
fonction sinusoïdale de même fréquence ν0. On dit que ces fonc-
L’utilisation des transformées de Fourier dans des domaines
tions sont des fonctions propres pour ces systèmes. Un tel système
variés est justifiée par une propriété essentielle de la
peut donc être caractérisé par le rapport G(ν0) de la réponse à l’exci-
transformation : la transformée de Fourier d’un produit de convolu-
tation, pour chaque fréquence ν0. Ce rapport est une grandeur com-
tion de deux fonctions f (t) et g(t) est le produit des transformées de
plexe qui rend compte d’un gain en amplitude et d’un déphasage
Fourier F (ν) et G(ν) de ces fonctions.
(cette grandeur est un nombre pur si réponse et excitation sont de
La convolution, qui est une opération mathématique compliquée, même nature). On définit ainsi la fonction de transfert G(ν) du sys-
est traduite dans l’espace des spectres par un produit simple. Outre tème linéaire ; à partir de cette fonction la réponse à une excitation
des commodités de calcul, cette propriété apporte des facilités dans quelconque peut être obtenue. En effet, une telle excitation peut se

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2.2 Réponse impulsionnelle

La réponse r(t ) se déduit donc de e(t ) par un produit de convolu-


tion par une fonction g(t ), transformée de Fourier inverse de G(ν), et
appelée réponse impulsionnelle du système linéaire :

E
+∞
g (t ) = G ( ν ) · exp(2iπνt ) · dν (9)
–∞

On voit en effet, sur l’expression (9), que g(t ) est la réponse à

E
+∞
l’excitation exp ( 2iπν t ) á dν qui est l’impulsion δ(t ). Le système
–∞
étant stationnaire, sa réponse à une impulsion δ(t – t0) sera g(t – t0)
et la réponse à une excitation quelconque peut s’écrire :

E E
+∞ +∞
r(t) = e ( t Ð t 0 ) g ( t 0 ) dt 0 = e ( t 0 ) g ( t Ð t 0 ) dt 0 (10)
–∞ –∞

Suivant les cas, on préférera caractériser un système linéaire par


sa réponse impulsionnelle g(t ) ou par sa fonction de transfert G(ν).
Une indication suffisante, bien qu’incomplète, peut être donnée par
le module de G(ν) que l’on assimile parfois, abusivement, à G(ν).
Exemples :
— le formalisme précédent est utilisé dans des cas pratiques où la
linéarité n’est qu’une approximation : une émulsion photographique,
qui donne une absorption comme réponse à une excitation qui est une
lumination (énergie par unité de surface), se caractérise soit par sa
fonction de transfert, soit par sa réponse impulsionnelle qui est ici
l’image photographique d’un point lumineux. Mais la réponse de
l’émulsion est loin d’être linéaire, et la réponse impulsionnelle, ainsi
que l’amplitude de l’image d’une mire sinusoïdale, dépendent du
temps de pose ;
— la stationnarité n’est aussi parfois qu’approchée : la réponse
impulsionnelle d’un spectromètre, appelée aussi fonction d’appareil,
est le signal qu’il donne lorsqu’il est éclairé par une radiation monochro-
matique. Cette réponse n’est pas parfaitement définie car sa forme, et
surtout son amplitude, dépendent de la valeur de λ, longueur d’onde
de la radiation monochromatique étudiée.

2.3 Convolution

On voit, d’après (10), que la réponse r(t ) d’un système linéaire à


Figure 2 – Quelques fonctions paires et leurs transformées de une excitation e(t ) est le produit de convolution de e(t ) par la
Fourier réelles réponse impulsionnelle g(t ). On demandera à cette réponse g(t ) de
s’approcher, autant que possible, de l’unité du produit de convolu-
tion, qui est δ(t ) [cf. § 1.4], c’est-à-dire que la fonction de transfert
devra être aussi plate que possible. Si g(t ) a une certaine largeur,
représenter par sa décomposition spectrale, ou transformée de l’effet de cette convolution est un lissage qui estompe les variations
Fourier : de e(t ) sur un intervalle plus petit que la largeur de g(t ). Dans cer-
tains cas, cet effet est très spectaculaire ; si la fonction de transfert a
E
+∞
une forme rectangulaire, toute fréquence inférieure à une fréquence
e (t ) = E ( ν ) exp(2iπνt ) dν
–∞ de coupure νM est parfaitement transmise et toute fréquence supé-
rieure est supprimée. La réponse impulsionnelle correspondante est
Par application du principe de superposition, on déduit que la [sin(2πνMt )]/(πt). La convolution d’un signal par cette réponse impul-
réponse à e(t ) est la somme des réponses données par le système sionnelle supprime du signal toute fréquence supérieure à νM.
pour chacune des composantes :
R(ν) = E(ν) · G(ν)

E
+∞
r (t ) = R ( ν ) · exp(2iπνt ) · dν (8)
–∞

La fonction de transfert apparaît comme un opérateur simple qui


agit sur le spectre de l’excitation e(t ). La réponse r(t ), donnée par (8),
est la transformée de Fourier inverse de R(ν), qui est le produit du
spectre E(ν) par G(ν).

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Exemple : des applications de cette convolution sont l’interpolation d’une fonction échantillonnée, qui sera vue au paragraphe 4.4 et le détramage
des images transmises par télévision ou par bélinogramme.
Le détramage d’une image par voie analogique a été proposé par A. Maréchal avec la méthode de filtrage des fréquences spatiales [3]. L’efficacité
de cette méthode vient de ce que l’imagerie optique permet un accès direct à l’espace des fréquences, la répartition d’amplitude lumineuse dans le
plan image étant la transformée de Fourier de la répartition d’amplitude dans le plan de la pupille. On peut donc, dans le plan pupillaire, agir directement
sur le spectre des fréquences spatiales de l’image. L’objet tramé, éclairé en lumière parallèle, donne deux taches de diffraction à l’infini correspondant
aux ordres 1 et –1 du réseau constitué par la trame (figure 3). Ces taches, ramenées dans le plan de la pupille par la lentille L1, sont occultées par le
diaphragme E, qui est le filtre passe-bas éliminant toutes les fréquences spatiales de l’objet supérieures ou égales à celle de la trame. Dans l’image, la
trame a ainsi complètement disparu. Ce montage dérive directement de l’expérience d’Abbe.
Un exemple analogue se présente en spectroscopie par transformation de Fourier. On enregistre, dans ce cas, un interférogramme à deux ondes qui
est la transformée de Fourier de la partie paire de la répartition spectrale de luminance de la source étudiée. Si cette répartition spectrale présente une
composante périodique en fonction du nombre d’ondes σ (par exemple le spectre cannelé donné par la transmission d’une lame à faces parallèles),
l’interférogramme est caractérisé par une impulsion au voisinage de la différence de marche ∆0 = 1/δσ si δσ est la période du spectre cannelé. Si la dif-
férence de marche maximale est inférieure à ∆0, le spectre cannelé n’apparaîtra pas du tout ; si la différence de marche maximale atteint ou dépasse
cette valeur, le spectre cannelé sera transmis avec toute son amplitude (figure 4).
Il est remarquable, dans ces deux exemples, que l’on passe de la transmission parfaite à la transmission nulle d’une modulation sinusoïdale en fonc-
tion de la variable t pour une variation infinitésimale de la valeur d’un paramètre expérimental. Cela est dû à la variation brutale de la fonction de transfert
au niveau de la fréquence de coupure ; cette variation comporte des inconvénients que nous analyserons à propos de l’apodisation (§ 3.2.1). Lorsque
le paramètre t est le temps, une fonction de transfert rectangulaire est impossible : en effet, la réponse impulsionnelle correspondante présente des
valeurs non nulles pour t < 0, ce qui est contraire au principe de causalité.

Figure 3 – Détramage d’une image

3. Étude de la réponse ● D’autres propriétés de g(t ), moins fondamentales, peuvent


prendre de l’importance pour l’étude de signaux particuliers.
impulsionnelle L’observation d’un signal de faible amplitude à proximité d’un
signal intense dépend de la manière dont g(t ) croît et décroît de part
et d’autre de son maximum. La réponse impulsionnelle peut présen-
ter des pieds ou pics secondaires (anneaux d’Airy donnés par un
3.1 Propriétés objectif circulaire sans aberrations, ghosts donnés par un réseau de
diffraction, écho des signaux vidéo). Cette réponse peut aussi pré-
senter des ailes, la valeur de g(t ) ne s’annulant que lentement de
● Une première caractéristique de la réponse impulsionnelle est part ou d’autre de 0 (objectif ou réseau diffusants, traînée d’un
son amplitude maximale, qui représente la sensibilité de la chaîne amplificateur). La réponse r(t0) est alors la superposition des répon-
de mesure. Cette sensibilité doit être exprimée par une grandeur ses aux excitations reçues sur un intervalle ∆t dont la largeur est
significative : un appareil d’analyse chimique (spectromètre, chro- égale à celle des ailes. Ce défaut est grave lorsque le signal présente
matographe, etc.) sera qualifié par sa réponse pour une concentra- un grand nombre d’éléments, ou que l’un d’entre eux est très
tion donnée s’il analyse des traces dans un volume important, mais intense : spectrométrie d’absorption, spectrométrie Raman, période
c’est sa réponse pour une masse donnée qui sera à considérer s’il aveugle des radars.
analyse des quantités microscopiques. En général, la hauteur de la
réponse impulsionnelle d’un spectromètre est donnée par le flux
transmis par unité de luminance de la source, mais un spectrogra-
phe, utilisant la plaque photographique comme récepteur, se carac-
3.2 Amélioration de la réponse
térise plutôt par l’éclairement au niveau de l’émulsion. impulsionnelle
● Une deuxième caractéristique de la réponse impulsionnelle g(t )
est la largeur de l’ensemble des valeurs de t pour lesquelles elle
admet des valeurs notables. On la définit habituellement par la lar- 3.2.1 Apodisation
geur à mi-hauteur, distance entre les points pour lesquels g(t ) est
égale à la moitié de sa valeur maximale. C’est approximativement Lorsque g(t ) présente des pieds (cf § 3.1), il est possible, au prix
l’intervalle qui devra séparer deux mesures indépendantes pour d’une légère augmentation de sa largeur à mi-hauteur δt, de les
qu’une variation du signal entre ces deux mesures soit résolue par affaiblir efficacement. Cette apodisation est particulièrement facile
l’appareil. Un critère précis de résolution doit tenir compte de la lorsqu’on a accès expérimentalement à la fonction de transfert dans
forme exacte de g(t ). (Exemple : imagerie optique par une pupille l’espace des fréquences ν. En effet, la présence de pieds dans g(t )
rectangulaire ([16], p. 225). est la manifestation d’une variation trop brutale de G(ν) en fonction

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Si l’on connaît R(ν) et G(ν), on peut retrouver E(ν) pour toute


valeur de ν pour laquelle G(ν) n’est pas nul. On peut même favoriser
les variations rapides de e(t ) en donnant à G(ν) des valeurs supé-
rieures à celle de G(0) pour les fréquences élevées : c’est de la
superrésolution. Il faut remarquer que ce mode opératoire introduit
une variation brutale de G(ν) au voisinage de la fréquence de cou-
pure et entraîne donc des suroscillations dans la réponse impulsion-
nelle. C’est une opération inverse de l’apodisation.
Exemples : l’introduction de circuits bouchons accordés sur une
fréquence voisine de la fréquence de coupure dans les amplificateurs
vidéo améliore les résultats des tests sur mire périodique. Mais la
désapodisation que cela entraîne sur la réponse implusionnelle se tra-
duit par l’apparition d’un liseré au voisinage des fronts raides de
l’image. Un autre exemple est donné par l’amélioration du piqué d’une
image par le filtrage des fréquences spatiales (A. Maréchal [3]).

Il ne faut pas trop demander à ce dernier type de traitement de la


réponse impulsionnelle. En effet, nous n’avons pas tenu compte
jusqu’à présent des perturbations aléatoires qui accompagnent la
réponse r(t ). Le spectre de ces perturbations est plus ou moins régu-
lièrement réparti sur toutes les fréquences, et l’augmentation de
G(ν) se traduit toujours par une augmentation du bruit. Les gains de
résolution que l’on peut attendre sont donc limités aux cas où le rap-
port signal sur bruit est excellent, et leur valeur ne saurait dépasser
quelques unités.
Exemples : Il en existe quelques-uns où les résultats obtenus sont
spectaculaires : lorsque la réponse impulsionnelle est très bien définie,
que le rapport signal sur bruit est très bon, et que l’on possède une
information sur le signal attendu. En spectrométrie interférentielle
(Fabry-Pérot, spectrométrie par transformation de Fourier), la réponse
impulsionnelle, ou fonction d’appareil, est très reproductible, et le rap-
port signal sur bruit peut dépasser 1 000. Dans ces conditions, on peut
résoudre des structures simples beaucoup plus fines que la fonction
Figure 4 – Spectre cannelé et son interférogramme d’appareil. Un satellite très proche d’une raie apparaîtra si l’on fait la dif-
férence entre la réponse r(t ) et la réponse impulsionnelle convenable-
ment ajustée en amplitude et position. Dans cet exemple simple,
l’opération peut être faite par voie manuelle ou analogique, mais l’utili-
de ν. En atténuant les discontinuités de G(ν), on peut éliminer toute
sation des ordinateurs permet de résoudre des structures plus comple-
oscillation dans g(t ). Ce résultat peut être obtenu par multiplication
xes. La figure 5 donne l’enregistrement par spectrométrie de Fourier
de G(ν) par une fonction apodisante, ou par un produit de convolu-
de la raie 2,07 µm du thorium ionisé (trait plein).
tion à posteriori du signal par la transformée de Fourier de cette
fonction apodisante. Sachant qu’elle comportait 10 composantes, on a pu retrouver
l’emplacement et l’intensité de ces composantes, représentées en
Exemple : B. Roizen-Dossier a étudié, de manière approfondie, les petits tirets. La courbe en tiretés représente la somme des réponses
possibilités de l’apodisation dans le cas de l’imagerie optique non aber- impulsionnelles pour ces dix composantes.
rante [5]. La méthode du filtrage des fréquences spatiales permet
d’agir sur la transformée de Fourier de la répartition de l’amplitude
lumineuse d’une image dans le plan pupillaire. Le signal, étant en réa-
lité le carré de cette amplitude (intensité lumineuse), est la transfor-
mée de Fourier du produit d’auto-convolution de la répartition 4. Échantillonnage
pupillaire. En plaçant sur la pupille un écran absorbant suivant une loi
appropriée, on peut observer une tache de diffraction optimisée pour
un critère déterminé. On peut, par exemple, diviser par 100 l’intensité
diffractée au niveau du premier anneau d’Airy avec un écran transmet- 4.1 Numérisation
tant 40 % de la lumière incidente et en élargissant de 25 % le pic cen-
tral.
Un signal est une fonction continue d’un paramètre t. Une chaîne
de mesure analogique délivre ce signal sous forme d’une fonction
3.2.2 Superrésolution ou déconvolution continue (très souvent une tension électrique fonction du temps).
Quelques-unes des opérations décrites dans les paragraphes précé-
Une démarche tout autre peut avoir pour but d’affiner g(t ) pour dents sont réalisables par voie analogique (filtrage, moyenne, inté-
s’approcher de la réponse idéale δ(t ) qui donnerait une image non gration) mais, de plus en plus souvent, on a recours au calcul
déformée de e(t ). On peut même se demander si, connaissant r(t ) numérique sur ordinateur. Il faut alors remplacer le signal analogi-
et g(t ), il n’est pas possible, à partir de l’équation (10), de revenir que par une suite de valeurs numérisées (ou digitalisées, de
à e (t ). La réponse à cette question est donnée par l’équation l’anglais digit = chiffre). Même lorsque le traitement numérique
homologue de (10) dans l’espace des fréquences, qui est, d’après n’est pas nécessaire, la numérisation améliore la dynamique d’une
le théorème sur la transformée de Fourier d’un produit de convo- chaîne de mesure, c’est-à-dire le rapport du plus grand signal
lution (§ 1.3) : admissible au plus petit signal détectable (un voltmètre analogique
ne dépasse guère 1 000, un voltmètre numérique peut atteindre
R (ν) = E (ν) · G (ν) 107).

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Figure 5 – Résolution en ses composantes, par traitement


numérique, de la raie 2,07 µm du thorium (5 000 cm–1).
(Doc. C.N.R.S., lab. A Cotton)
Figure 6 – Échantillonnage d’une fonction

La numérisation fait subir au signal deux transformations : une


quantification, les valeurs numériques étant discrètes, et un échan- La multiplication de δ(t – kT ) par T, dans cette expression, permet
tillonnage, ces valeurs étant données pour des valeurs discrètes de de donner à :
la variable. Cette double quantification (de la fonction et de la varia-
ble) doit être prise en considération par l’expérimentateur désireux

E
de numériser un signal. +∞ +∞

● La quantification de la fonction ne pose, en général, pas de


–∞
f e ( t ) dt = ∑ T á f ( kT )
problème : le nombre de chiffres, ou de digits, est choisi pour ne pas k = –∞
perdre en information ; lorsque ce nombre est limité par la quantité
d’information traitée, on applique les théorèmes de la quantification la même dimension que :
qui sont assez intuitifs [7].

E
● L’échantillonnage par contre, ou quantification de la variable, +∞
est plus délicat à cerner. Il doit être assez serré pour ne pas perdre f (t) dt
en information, mais il doit aussi éviter une trop forte redondance, –∞
perte de temps et de puissance de traitement d’un signal. C’est le
mathématicien anglais R. Shannon qui a précisé quantitativement On sait alors que le spectre Fe(ν) de fe(t ) est le produit de convolu-
les conditions que doit remplir un échantillonnage pour garder tion de F (ν) par la transformée de Fourier du peigne de Dirac de
l’intégralité de l’information contenue dans une fonction f(t ). période T. Celle-ci est un nouveau peigne de période ∆ν = 1/T :

4.2 Théorème de Shannon +∞


1
Fe(ν) = F (ν) ✱ ∑ --- á δ [ ν Ð ( k ⁄ T ) ]
T
(12)
Pour étudier l’échantillonnage d’une fonction f(t ), il faut raisonner k = –∞
sur son spectre F (ν). Nous avons rappelé, au paragraphe 1, que le
spectre d’une fonction périodique de période T était discret, repré- Chaque impulsion du peigne donne dans (12) une image de F (ν),
sentable par une suite d’impulsions de Dirac distantes de ∆ν = 1/T. et le produit de convolution se traduit par une répétition de F (ν)
Quand T tend vers l’infini, ces impulsions se rapprochent pour don- avec une périodicité ∆ν = 1/T. Cette multiplication périodique n’alté-
ner une fonction continue de ν. Inversement ici, le remplacement de rera pas l’information si les différentes images de F (ν) ne se chevau-
f (t ) par une suite de valeurs discrètes distantes de T donne à F (ν) chent pas, c’est-à-dire si la période 1/T est au moins égale à la
une périodicité ∆ν = 1/T (figure 6). Ce résultat peut être mis en évi- largeur de l’intervalle spectral couvert par F (ν). Si le signal est com-
dence en remarquant que la fonction échantillonnée est représentée posé de fréquences comprises entre 0 et νM, cette largeur est 2 νM.
par le produit de f (t ) par une série d’impulsions, ou peigne de Le pas d’échantillonnage T ne devra donc pas excéder la valeur
Dirac : limite 1/(2 νM ). Si cette condition est respectée, le retour à f (t ) est
possible par une opération d’interpolation, qui consiste à filtrer la
+∞
bande de fréquences (–νM, νM ) en multipliant le spectre Fe(ν) par
fe ( t ) = f ( t ) ∑ T á δ ( t Ð kT ) (11) une fonction porte s’annulant à l’extérieur de ce domaine.
k = –∞

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Une fonction f (t ), dont le spectre est limité par une fréquence νM, conduisent à des résultats inacceptables. Il faut alors faire l’interpo-
est entièrement déterminée par les valeurs qu’elle prend pour des lation rigoureuse, opération inverse de l’échantillonnage, qui resti-
valeurs de t distantes de T = 1/(2 νM ). tue f (t ) sans approximation.

Restituer f (t ) à partir de fe(t ), c’est supprimer la périodicité de


Fe(ν) en multipliant cette fonction par une fonction G(ν) égale à 1
4.3 Théorème de Shannon généralisé entre –νM et νM et nulle à l’extérieur de cet intervalle. Nous savons
que l’opération correspondante sur fe(t ) est un produit de convolu-
tion par la transformée de Fourier g(t ) de G(ν) :
Si le signal est limité par une fréquence maximale νM et par une
fréquence minimale νm (sans composante continue), le théorème de sin ( πν M t )
Shannon est bien sûr applicable, mais on peut profiter de ce que le g ( t ) = ---------------------------
- (13)
spectre F (ν) est nul entre –νm et νm pour augmenter le pas d’échan- πt
tillonnage. On peut en effet obtenir une imbrication sans recouvre-
ment pour une périodicité plus courte que 2 νM. Le gain que l’on La fonction g(t ) est définie de moins l’infini à plus l’infini. Il faudra,
peut attendre de cette possiblité dépend des valeurs relatives de νM dans la pratique, la limiter à un intervalle fini, et l’interpolation ne
et νm. Lorsque νM = k · (νM – νm), le pas maximal d’échantillonnage sera qu’approchée. Mais cette dernière restriction mise à part, cette
est 1/[2 (νM – νm)], au lieu de 1/(2 νM ). On peut donc ne prendre que méthode d’interpolation est la seule rigoureuse ; elle est indispensa-
1 point sur k de ceux nécessaires lorsque le spectre F (ν) s’étend ble lorsque le pas d’échantillonnage est maximal, surtout si l’on a
jusqu’à 0 (figure 7). profité du fait que la fonction échantillonnée a un spectre à bande
étroite.

4.5 Échantillonnage en présence de bruit

Nous n’avons pris en compte, jusqu’à présent, que les altérations


déterministes du signal. Une allusion a déjà été faite aux perturba-
tions apportées par le bruit (§ 3.2.2) ; une étude plus détaillée peut
être faite en ce qui concerne l’échantillonnage. Le pas d’échantillon-
nage est choisi en fonction de l’étendue du spectre du signal. Que se
passe-t-il si un bruit dont le spectre est plus étendu que le signal se
superpose à celui-ci ? Le fait que l’interpolation ultérieure ne per-
mette pas de revenir au bruit initial n’est pas gênant, mais nous
allons voir que ces circonstances détériorent le rapport signal sur
bruit. En effet, lorsque nous découperons dans le spectre la bande
de fréquences déterminée par G(ν), nous retrouverons, superposés
dans cette bande, les spectres de bruit des ordres voisins, qui se
chevauchent par suite du pas d’échantillonnage adapté à une bande
spectrale plus étroite. On peut dire approximativement que, si le
spectre du bruit est k fois plus large que le spectre du signal, k
ordres superposeront dans G(ν) leur spectre de bruit, et la puissance
de bruit superposée à f (t ) sera multipliée par k. Pour que l’échan-
tillonnage ne fasse pas perdre en rapport signal sur bruit, donc en
quantité d’information, il est donc essentiel de limiter la largeur du
spectre du bruit avant de procéder à l’échantillonnage. Cette opéra-
tion, appelée lissage du signal, peut être faite approximativement
par voie analogique, en adaptant au spectre du signal la bande pas-
sante de la chaîne de mesure ou, plus rigoureusement, par un fil-
trage mathématique effectué par voie numérique. Il s’agit alors d’un
produit de convolution du signal par la transformée de Fourier
d’une fonction de transfert appropriée (cf § 2.1).
Figure 7 – Échantillonnage d’une fonction à spectre étroit

4.4 Interpolation 5. Signal et bruit

Le signal ou le résultat de son traitement étant donnés sous forme Les altérations déterministes subies par le signal ne sont pas les
d’une série de valeurs numériques, il s’agit de restituer l’intégralité seules dont l’expérimentateur doive se protéger. À tout signal sont
de la fonction échantillonnée. Dans certains cas, l’échantillonnage en effet superposées des fluctuations aléatoires de la grandeur
est beaucoup plus serré que ne l’exige le théorème de Shannon, et mesurée, appelées bruit. Ces perturbations peuvent être extérieures
des segments de droite reliant les points échantillonnés donnent au signal : ce sont des signaux parasites que l’on peut plus ou moins
une image satisfaisante de f (t ). On peut faire une interpolation plus bien éliminer par des dispositifs expérimentaux adéquats : blinda-
satisfaisante avec des segments de parabole ; elle nécessite déjà la ges électromagnétiques, supports mécaniques antivibratoires. Lors-
mise en œuvre de moyens de calcul appréciables. Si l’échantillon- que toutes ces perturbations extérieures ont été supprimées, il
nage est minimal, c’est-à-dire si son pas est maximal, ces méthodes subsiste des fluctuations inhérentes à la structure des éléments de

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la chaîne de mesure, ou à la structure du capteur, ou, dans les sur bruit, représente la quantité d’information. Il faut modifier le
meilleurs cas, à la nature de la grandeur même objet de la mesure. principe d’obtention du signal pour pouvoir augmenter ce nombre.
Exemples : Le bruit de la mer rendu sensible à l’oreille par l’appro- Exemple : C’est ainsi que, jusqu’en 1965, les spectres des planè-
che d’une cavité résonnante, coquillage ou autre, est la manifestation tes (Jupiter, Mars, Saturne, Vénus) dans le proche infrarouge étaient
des fluctuations dues à la nature statistique de la pression d’un gaz. obtenus par des spectromètres à réseau avec une limite de résolution
Les fluctuations du signal d’un photomultiplicateur notablement supé- de 30 cm–1. Ces spectromètres permettaient d’atteindre, sur d’autres
rieur au courant d’obscurité sont la manifestation du bruit de photons. sources, des résolutions bien meilleures, mais la faiblesse du flux
acceptable par ces appareils imposait cette limite. C’est la mise en
œuvre de la spectrométrie par transformation de Fourier qui a permis
d’atteindre une limite de résolution de 0,1 cm–1, jusque-là réservée au
5.1 Bruit blanc soleil. Les appareils classiques, pour arriver à ce résultat, auraient exigé
une constante de temps telle que tous les télescopes à temps complet
depuis leur mise en service n’auraient pas suffi à l’obtention des spec-
tres délivrés par la nouvelle méthode.
La connaissance, aussi complète soit-elle, d’un bruit ne permet
pas de prévoir ses variations en fonction de t ; toutefois, certaines
des propriétés statistiques de cette fonction aléatoire peuvent être
très bien définies. Nous allons prendre comme exemple le bruit 5.2 Bruit anormal aux basses fréquences ;
Johnson, qui traduit l’agitation thermique des électrons libres dans
un métal. Il apparaît aux bornes d’une résistance métallique une modulation
tension v (t ) dont la valeur moyenne est nulle et dont la variance
est :
Lorsque, dans la recherche de l’amélioration du rapport signal sur
2 2 bruit, on en vient à utiliser de très fortes constantes de temps, on
[ v ( t ) Ð v ] = [ v ( t ) ] = 4 kTR ∆ν (14)
observe des fluctuations lentes dont l’amplitude est très supérieure
à ce que prévoit la répartition uniforme en fréquences de l’expres-
avec k constante de Boltzmann (1,38 · 10–23 J/K),
sion (14). Pour en rendre compte, on fait appel à une densité spec-
T (K) température thermodynamique, trale de la puissance de bruit proportionnelle à 1/ν. Par opposition
au bruit blanc pour lequel cette densité est indépendante de ν, on
R (Ω) résistance électrique, qualifie ce bruit de rose. C’est le bruit de scintillation. La modulation,
par la turbulence atmosphérique, du flux reçu d’une étoile par une
∆ν (Hz) largeur du spectre de v (t )
pupille de faible surface en est un exemple ; les fluctuations lentes
La largeur ∆ν est déterminée par la fonction de transfert de la (constante de temps supérieure à 0,1 ms) du courant dû à l’émission
chaîne de mesure à travers laquelle est observée la tension v (t ). thermoélectronique en sont un autre.

Une caractéristique essentielle de ces fluctuations, caractéristique Avec un tel bruit, un signal dont les variations en fonction de t
que l’on retrouve, au moins en première approximation, pour beau- sont lentes (signal à spectre étroit, ne comportant que des fréquen-
coup d’autres bruits, est l’uniformité de la répartition de leur puis- ces basses) est défavorisé du fait qu’il se trouve dans un domaine de
sance en fonction de la fréquence. C’est la proportionnalité de v (t )2 fréquences où la densité spectrale de bruit est anormalement
à ∆ν qui rend compte de cette uniformité spectrale. Par analogie grande. On échappe à cette contrainte en transportant le signal
avec la lumière, un tel bruit est dit blanc. L’amplitude du bruit est
autour d’une fréquence ν0 où l’amplitude du bruit de scintillation est
donnée par la racine carrée de (14), elle est donc proportionnelle à
la racine carrée de la largeur de bande de la fonction de transfert. négligeable, le bruit blanc subsistant seul. Ce transfert de fréquence
Nous retrouvons là une raison fondamentale pour limiter, dans une est obtenu par la modulation du signal.
chaîne de mesure, cette largeur de bande et, par suite, la finesse de
la réponse impulsionnelle. On module un signal autour d’une fréquence ν0 en faisant son
produit par cos(2πν0t ). Le spectre du signal est donc convolué par
Exemple : Le courant délivré par un photomultiplicateur présente
l’ensemble des deux impulsions de Dirac centrées sur ν0 et –ν0. Ce
des fluctuations dues à la nature quantique de l’émission photoélectri-
que (bruit de photons). Si l’on observe, avec un oscilloscope dont la lar- produit de convolution donne deux images du spectre du signal,
geur de la bande passante est de l’ordre de 106 Hz, la tension de 1 V centrées sur ces fréquences (figure 8b ). On voit alors que, pour une
donnée aux bornes d’une résistance de charge de 1 MΩ par un courant largeur donnée du spectre du signal, la puissance de bruit superpo-
photoélectrique de 1 µA, on observera des fluctuations de cette ten- sée au signal est inférieure à ce qu’elle était avant modulation.
sion de l’ordre de 0,4 V. Sur un enregistreur dont la constante de temps
est 0,1 s, ces fluctuations ne seront plus que de 1 mV. Le signal modulé peut être amplifié, traité par la chaîne de mesure
dans de bonnes conditions de rapport signal sur bruit, et avec une
D’une manière générale, l’étude d’un signal avec une faible lar- bonne protection contre les signaux parasites, jusqu’à ce que l’on
geur de la réponse impulsionnelle n’est possible que pour des puisse revenir au signal originel par un nouveau transfert de fré-
signaux intenses ; l’étude des signaux faibles n’est possible qu’avec quence opéré par une détection.
un faible pouvoir de résolution. Cette remarque appuie la réserve
faite à propos de la superrésolution (§ 3.2.2) : il est en effet facile, Le choix de la fréquence de modulation doit être fait en fonction
dans certains cas, d’affiner la réponse impulsionnelle par modifica-
du spectre du bruit et des signaux dont on veut se protéger. Un
tion du dispositif expérimental ; mais cela conduit à une diminution
inacceptable du rapport signal sur bruit. Dans de telles conditions, il montage optique avec modulation est très peu sensible à la lumière
est évident que toute tentative d’augmentation de la résolution par ambiante, pourvu que la fréquence de modulation ne soit pas voi-
traitement à posteriori du signal est vouée à l’échec. Le nombre sine d’un multiple de la fréquence des éclairages électriques. Ces
d’éléments résolus, fondamentalement limité par le rapport signal fréquences sont, en principe, à éviter également dans les montages

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tative de S(ν). Même si le filtre placé derrière le détecteur trans-


met une bande spectrale dont la largeur est adaptée à celle du
spectre du signal, la puissance de bruit transmise par ce filtre est
liée à la largeur de la bande passante filtrée avant détection. Il
devient difficile, voire impossible, de trouver des éléments suffi-
samment sélectifs pour pouvoir filtrer efficacement le bruit, lors-
que la largeur du spectre du signal est faible devant la fréquence
de modulation ν0, [c’est-à-dire quand (ν0/∆ν) > 100].

Les qualités remarquables de certains dispositifs amplificateurs


sont liées à leur sélectivité.
Exemple : L’amplificateur MASER (Microwave Amplifier by Stimu-
lated Emission of Radiation ) est apte à amplifier les très faibles signaux
reçus d’un satellite de télécommunication grâce à la très grande sélec-
tivité [(ν0/∆ν) > 106] apportée par une résonance atomique dans un
cristal de rubis.

5.4 Détection synchrone

Lorsque le filtrage du bruit est critique, et qu’une très grande


sélectivité est rendue possible par l’étroitesse du spectre du signal,
on a recours à une méthode de détection linéaire, susceptible
d’offrir une largeur de bande inférieure à une fraction de hertz pour
des fréquences de modulation aussi élevées que souhaité : il s’agit
de la détection synchrone.

On multiplie le signal modulé à la fréquence ν0 par la fonction


cos(2πν0t ) en phase avec la modulation (d’où le terme synchrone,
en anglais lock-in ). Après ce produit, on intègre pendant une durée
T. On peut schématiser ces opérations par l’expression suivante,
Figure 8 – Modulation et détection du signal
dans laquelle on s’intéresse à une composante du signal modulé de
fréquence ν voisine de ν0 :

E
électroniques, bien que parfois l’on cède à la tentation d’actionner t0 + T ⁄ 2
un modulateur à 50 Hz ou 100 Hz par le secteur.
t 0 Ð T ⁄ 2 A cos ( 2πν t ) cos ( 2πν 0 t ) dt
Exemple : Les detecteurs de rayonnement électromagnétique
dans le proche infrarouge (thermiques ou photoconducteurs) sont très
sensibles à la température. On ne peut éviter de faibles dérives thermi-
sin [ 2π ( ν Ð ν 0 ) T ]
ques qui rendent impossible la mesure en continu des faibles flux. En = A cos [ π ( ν Ð ν 0 ) t 0 ] --------------------------------------------- (15)
hachant le flux incident à l’aide d’un modulateur, on perd la moitié du 2π ( ν Ð ν 0 )
flux lumineux, mais on divise le plus faible flux mesurable par un fac-
teur pouvant dépasser 1 000. L’égalité (15) suppose certaines approximations permises par
Les amplificateurs électroniques de tension continue à grand gain l’hypothèse T >> 1/ν0. On voit que l’amplitude A à une fréquence ν
passent souvent par l’intermédiaire d’une modulation et d’amplifica- est transmise avec un coefficient numérique qui s’atténue très vite
teurs alternatifs, beaucoup moins sensibles aux dérives. quand |ν – ν0| devient grand devant 1/T. La bande passante décou-
pée dans le spectre du signal modulé est ainsi très étroite si l’on
choisit une constante d’intégration importante (plusieurs secondes).

5.3 Détection En revenant à la figure 8d, on peut voir sur les spectres l’avantage
de ce procédé. Multiplier le signal modulé par cos(2πν0t ) revient à
faire le produit de convolution de S(ν) par le spectre de ce cosinus,
La détection d’un signal modulé est une opération non linéaire. c’est-à-dire l’ensemble de deux impulsions de Dirac centrées en ν0
En première approximation et pour les signaux faibles, c’est une et –ν0. Le résultat de cette convolution est une image fidèle de S(ν)
transformation quadratique, le détecteur donnant en sortie une autour de la fréquence 0, et deux images d’amplitude moitié autour
grandeur proportionnelle au carré de la grandeur appliquée à des fréquences 2 ν0 et –2 ν0, images qui seront éliminées par le fil-
l’entrée. Derrière le détecteur, un filtre isole les basses fréquences trage.
correspondant au signal à détecter. Mais, dans cette transforma-
tion, la puissance de bruit à la fréquence 0 se trouve déterminée D’un point de vue pratique, ce procédé de détection nécessite une
non par la puissance de bruit à la fréquence de modulation avant structure instrumentale plus étoffée : il faut disposer d’une réfé-
détection, mais par l’ensemble de la puissance de bruit répartie rence synchronisée sur la modulation, d’une possibilité d’ajuster la
dans la bande de fréquences transmise avec le signal modulé. En phase, et faire le produit du signal par la référence. Cette dernière
effet, le spectre S’ (ν) du signal et du bruit détectés est donné par opération est très souvent réalisée approximativement, mais plus
l’autoconvolution du spectre S(ν) du signal et du bruit avant simplement, en remplaçant la fonction cos(2πν0t ) par une fonction
détection (figure 8c ). La valeur de ce produit d’autoconvolution créneau alternativement égale à +1 et –1, de même fréquence et de
pour ν = 0 est proportionnelle à la surface de la courbe représen- même phase.

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6. Exemples de traitement de
signal échantillonné sur Tableau 1 – Nombre d’opérations à effectuer dans un calcul
ordinateur de transformée de Fourier

N N1 N2 (F.F.T.) gain N1/N2

Lorsqu’on veut calculer, en valeur numérique, une expression 64 = 26 4 096 384 ≈ 10


telle que (6), on est conduit à effectuer des sommes telles que :
1 024 = 210 ≈ 106 ≈ 104 ≈ 100

+∞
131 072 = 217 ≈ 17 · 109 ≈ 22 · 105 ≈ 8 000
F (k ∆ν ) = ∑ f (n ∆t )exp (– 2iπ nk ∆ν ∆t ) 2 097 152 = 221 ≈ 44 · 1011 ≈ 44 · 106 ≈ 100 000
n = –∞

et on choisit les pas d’échantillonnage ∆ν et ∆t tels que : La technique, dite de Decimation in time [8], que nous allons rap-
peler est particulièrement bien adaptée à l’élaboration d’un pro-
1 gramme de transformée de Fourier rapide.
∆ν ∆t = ----
N Montrons d’abord que la DFT(N ) de n’importe quelle fonction
complexe est une combinaison linéaire de la DFT(N/2) de deux fonc-
Comme le spectre de la fonction f (t ) échantillonnée (§ 4) est tions ayant moitié moins de points et issues de la première.
périodique, on ne devra faire varier n qu’entre 0 et N.
Soit {Yn}N/2 et {Zn}N/2 les ensembles de N/2 valeurs correspondant
aux valeurs paires et impaires de l’indice n :

6.1 Calcul rapide d’une transformée de Y n = I 2 n


In →  (18)
Fourier discrète (DFT) par utilisation  Zn = I2 n + 1
de la Fast Fourier Transform (FFT)
 N 
n ∈  0, 1, 2,..., ---- Ð 1 
 2 
Calculer numériquement une transformée de Fourier discrète,
+
c’est calculer une expression de la forme : Soit {Ck}N/2 et {Dk}N/2 la D.F.T. ( N ⁄ 2 ) de {Yn}N/2 et {Zn}N/2 :

NÐ1 NÐ1 (N ⁄ 2) Ð 1 (N ⁄ 2) Ð 1
I n exp  2iπ ------- =
nk 
∑ ∑ ∑ ∑
nk nk 2 nk
Bk = 
In WN (16)  Ck = Yn WN ⁄ 2 = Yn WN
N
n=0 n=0  n=0 n=0
 (N ⁄ 2) Ð 1
(19)


2 nk
 Dk = Zn WN pour k = 0, 1, 2,..., ( N ⁄ 2 ) Ð 1
π
si W N = exp  2i ----  n=0
N

pour k = 0,1,..., N – 1 Dans (16), nous allons séparer les termes pairs et impairs, ce qui
donne :
Soit {In}N l’ensemble des N valeurs In de la fonction complexe à
transformer et soit {Bk}N l’ensemble des N valeurs Bk du spectre (N ⁄ 2) Ð 1 (N ⁄ 2) Ð 1
(2n + 1)k
∑ ∑
2 nk
complexe. Bk = Yn WN + Zn WN (20)
n=0 n=0
L’équation (16) peut alors se schématiser de la façon suivante :
et, en tenant compte de (19) :
+
DFT ( N )

k
{ In }N → { Bk }N (17) Bk = Ck + W N á D k

DFT ( N ) D’après l’équation (16) définissant la D.F.T., les fonctions Ck et Dk

sont périodiques, de période N/2 :
DFT ( N )
signifiant : Discrete Fourier Transform (transformée de
Fourier discrète) sur N valeurs avec exponentielle négative. Ck + N/2 = Ck

Le calcul de (17) nécessite N2 opérations complexes. L’application et Dk + N/2 = Dk


directe de cette formule dans un programme conduirait, dès que N
= – W N = –exp  2iπ ----
k+N⁄2 k k
est grand, à des temps de calcul prohibitifs. Des algorithmes, géné- D’autre part, W N
 N
ralement connus sous le sigle F.F.T., ont été mis au point ces derniè-
res années à partir des travaux de Cooley et Tuckey sur ce sujet. Le D’où les relations importantes :
but de ces algorithmes est de rendre le temps de calcul non plus
proportionnel à N2, mais proportionnel à N log2 N. Ils supposent en
général que N est une puissance de 2. Le tableau 1 montre l’intérêt k 
Bk = Ck + WN Dk 
de cet algorithme dès que N est grand. N1 est le nombre d’opéra-  (21)
avec k = 0, 1,..., ( N ⁄ 2 ) Ð 1 
k
tions à effectuer avec un calcul de transformée de Fourier classique Bk + N ⁄ 2 = Ck Ð WN Dk
(16) et N2 est le nombre d’opérations avec la FFT. 

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Il s’ensuit qu’il est possible de calculer la DFT de {In}N à partir de


la DFT de {Yn}N/2 et {Zn}N/2. La figure 9 illustre le calcul normal d’une
DFT(8) avec N = 8. La figure 10 illustre le même calcul mais à partir
des DFT(4) de {Yn}N/2 et {Zn}N/2.

Figure 11 – Calcul d’une transformée de Fourier discrète DFT(8) à


Figure 9 – Calcul d’une transformée de Fourier discrète DFT(8) partir des DFT(2)

D.F.T.(N ) par un algorithme de ce type est proportionnel à N · n soit


N log2 N.
En regardant la figure 11, on voit aussi qu’il sera nécessaire de
prévoir un triage des échantillons In avant d’appliquer l’algorithme.
C’est également l’un des éléments caractéristiques de ces métho-
des. Ce triage peut être fait par des techniques de triage proprement
dit ou bien en utilisant les propriétés dites d’inversion de bits [9]
[10], que nous ne développerons pas ici.
Un autre avantage très important de cet algorithme est qu’en
diminuant le nombre d’opérations, l’on augmente la précision du
résultat.
Grâce à cet algorithme, les domaines d’application de la transfor-
mée de Fourier se sont multipliés. Certains constructeurs de minior-
dinateurs livrent même des sous-programmes FFT sous forme de
microprogrammes stockés dans des mémoires mortes (R.O.M.).
Il existe des adaptations de cet algorithme, permettant de trans-
former une fonction réelle quelconque ou une fonction réelle pré-
sentant un caractère de symétrie (paire ou impaire).

6.2 Filtrage numérique


Figure 10 – Calcul d’une transformée de Fourier discrète DFT(8) à
partir des DFT(4)
Par une suite d’opérations mathématiques, le filtrage numérique
consiste à éliminer, dans le spectre du signal étudié, les fréquences
de bruit qui sont dans un domaine extérieur à celui du signal utile.
Le même processus peut être appliqué pour le calcul de {Ck}N/2 et Les filtrages linéaire, adapté, etc. sont de plus en plus étudiés. Nous
{Dk}N/2. On arrive ainsi à l’organigramme décrit sur la figure 11. Cet nous bornerons ici à rappeler le principe du filtrage linéaire et à don-
organigramme peut être généralisé à une valeur quelconque de N si ner des références bibliographiques.
N est une puissance de 2.
L’application des relations (21) divise par 2 le nombre de points 6.2.1 Principe du filtrage linéaire
auxquels il faudra appliquer la DFT, et elle introduit une étape
d’intercombinaison.
Soit un signal I’ (t ) (figure 12) enregistré à travers un simple filtre
Si N = 2n (soit n = log2 N ), il faudra n étapes d’intercombinaisons passe-bas (figure 14). C’est la superposition du signal I(t ) (qui ici a
et, dans chaque étape, le nombre d’opérations complexes sera pro- été choisi pair) qu’on aurait en l’absence de bruit et d’un bruit x (t ).
portionnel à N. On voit donc bien apparaître le fait qu’un calcul de Le spectre correspondant B’p(ν) obtenu par calcul de l’intégrale de

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Fourier, donc avec le rapport signal/bruit compatible avec le temps


d’enregistrement T du signal, est composé du spectre utile à étudier
Bp(ν), limité au domaine ∆ν0 compris entre ν1 et ν2, auquel se super-
pose un bruit X (ν) (figure13).

Figure 15 – Filtre idéal

Figure 12 – Fonction enregistrée I ’ (t )

Figure 16 – Réponse impulsionnelle du filtre idéal

Le signal filtré I’’(t ) dont le spectre B’’p(ν) se déduit de B’p(ν) par


l’opération :

B ’’p(ν) = B’p(ν) G(ν)


Figure 13 – Spectre B’p(ν) correspondant à la fonction I ’(t ) est obtenu comme résultat de la convolution :

I’’(t ) = I’(t ) ✱ F (t )
La figure 14 indique les positions relatives du spectre utile (partie
Pour réaliser cette convolution à partir du signal numérisé, deux
hachurée) et du spectre du bruit.
précautions sont à prendre :
a ) l’intervalle d’échantillonnage du signal à filtrer et de la réponse
impulsionnelle doit obéir aux règles de Shannon (§ 4.2) ;
b ) le nombre d’échantillons de la fonction F (t ) étant nécessaire-
ment limité, le filtre obtenu n’est pas idéal. Pour l’améliorer sans
augmenter d’une façon prohibitive le temps de calcul, il faut pondé-
rer, avant la convolution, F (t ) par une fonction de la forme :

t 2 2
A ( t ) = 1 Ð  ---
T

avec T longueur du support de F (t ).


Tous les détails relatifs à ces opérations et leurs résultats peuvent
être trouvés dans la référence [13].

Figure 14 – Positions relatives du spectre utile et du spectre de bruit 6.2.2 Vérifications expérimentales

Les figures 17, 18 et 19, donnent des exemples d’une fonction


Le filtre idéal est constitué par la fonction créneau G(ν) (figure 15) I’(t ) enregistrée avec une constante de temps de 2 s et filtrée succes-
qui vaut 1 dans les domaines ∆ν0 symétriques par rapport à l’origine sivement avec des filtres passe-bas de plus en plus étroits. Les tirets
et est nulle ailleurs. Il lui correspond la réponse impulsionnelle représentent l’écart quadratique moyen des fluctuations.
(figure 16) qui est la transformée de Fourier inverse de G(ν) (§ 2.2) :
Les méthodes de filtrage numérique deviennent de plus en plus
sin ( π∆ν t ) ν1 + ν2 sophistiquées. Des détails peuvent être trouvés dans [12] [14].
F ( t ) = ∆ν --------------------------- cos 2π  ------------------ t
π∆ν t 2

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THÉORIE ET TRAITEMENT NUMÉRIQUE DES SIGNAUX DONNÉS PAR LES APPAREILS ANALYTIQUES ____________________________________________________

Figure 17 – Bruit expérimental et son spectre


Figure 19 – Filtrage du bruit I’’(t )

6.3 Conclusion

L’usage d’ordinateurs puissants, qui permettent de réaliser pen-


dant des temps très courts, donc à des prix de revient abordables,
des opérations complexes, telles que les transformées de Fourier, le
filtrage numérique, les inversions de matrices, a ouvert une ère nou-
velle dans le traitement numérique du signal. Toutefois, pour obte-
nir le meilleur résultat d’une expérience, deux règles fondamentales
doivent être observées :

a ) on doit choisir la méthode qui, pour un temps de mesure


donné, donne le meilleur rapport signal/bruit ;

Figure 18 – Filtrage du bruit I’’(t )


b ) si l’on veut introduire un traitement numérique, le signal
numérisé doit être correctement échantillonné : un échantillonnage
trop serré conduit à des temps de calcul trop longs ; un échantillon-
nage trop écarté fait perdre définitivement des informations et con-
damne tout traitement ultérieur.

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