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Mardi 27 février 2007
106 kilomètres sur lesquels transiteront, en 2020, 18 millions de tonnes de marchandises
Le canal à grand gabarit
Seine-Nord-Europe en chiffres
• Longueur : 106 km
• Largeur : 54 m
• Profondeur : 4,5 m
• Gabarit : convois de 4 400 tonnes max.
• 7 écluses
• 3 pont canaux
• 57 ponts routiers
• 2 ponts ferroviaires
• Trafic fluvial estimé à 18 millions
de tonnes par an à l’horizon 2020
Les avantages du transport
fluvial
Un kilo équivalent pétrole
permet de déplacer une tonne sur :
50 km
130 km
275 km
Une tonne transportée coûte
en moyenne :
12 €
17 €
21 €
22 €
Canal fluvial Seine-Nord
Le chaînon manquant
A
nnoncée pour 2013,
l’ouverture du canal
Seine-Nord-Europe,
le plus grand chan-
tier fluvial français
depuis un siècle, va
relancer le transport
de marchandises par
canaux. Il sera vérita-
blement le premier acte de désenclave-
ment du réseau fluvial français par son rac-
cordement aux 20 000 kilomètres de
réseau fluvial européen à grand gabarit.
Le canal Seine-Nord, long de 106 kilo-
mètres, connectera l’Oise au canal de Dun-
kerque-Escaut. Entre Clairoix, près de
Compiègne, et Aubencheul-au-Bac, près
de Cambrai, il reliera le bassin de la Seine
au réseau fluvial de l’Europe du Nord, et
au-delà… à la mer Noire.
Ces deux espaces géographiques sont
reliés aujourd’hui par le canal du Nord.
Mais les dimensions de cet ouvrage, com-
mencé au début du XXe siècle et achevé en
1965, ne répondent plus aux besoins. Il ne
peut accueillir que des péniches à petit
gabarit, de 400 à 600 tonnes, alors que,
sur les grandes voies d’Europe du Nord,
comme sur la Seine et l’Oise, naviguent
des bateaux transportant plusieurs mil-
liers de tonnes de marchandises… Le futur
canal Seine-Nord, lui, pourra accueillir des
péniches d’un gabarit de 4 400 tonnes.
Actuellement, sur les 6 700 kilomètres
de voies navigables françaises, 4 700 ne
peuvent accueillir que des péniches de
petit gabarit. En outre, à l’exception du
Rhin, les grands bassins de navigation flu-
viale, notamment le Rhône et le canal du
Midi, sont en circuit fermé, non connectés
avec les autres. Le canal Seine-Nord donne-
ra donc un accès direct aux six grands
ports maritimes qui, du Havre à Rotter-
dam, concentrent « 70 % de la circulation
des marchandises en Europe », indique
Nicolas Bour, chef du projet Seine-Nord à
Voies navigables de France (VNF).
Si l’ouvrage évoqué depuis trente ans
est près de se réaliser, c’est parce que le
Focus
Belgique,
Pays-Bas
Aubencheul-au-Bac
Arras A26
Canal du Nord
(Bateaux de
650 tonnes max.)
A2
Péronne Aménagements prévus
A29
A1
Som
me
Canal de
St-Quentin
Noyon
e I TA L I E
Ois
Compiègne
Aisne
10 km
transport fluvial a connu, ces dix dernières
années, « une croissance exceptionnelle de
40 % », comme le souligne François Bor-
dry, président de VNF. Il est devenu une
véritable alternative, alliant transport de
masse et avantage énergétique.
A la différence du projet de canal Rhin-
Rhône, retiré par le gouvernement de Lio-
nel Jospin en 1997 à cause d’oppositions
locales et nationales, le canal Seine-Nord
bénéficie d’appuis politiques. « Ce projet a
franchi le cap de l’irréversibilité », affirme le
sénateur (UMP) Philippe Marini, maire de
Compiègne (Oise) et président de l’Asso-
ciation du canal Seine-Nord-Europe.
Financement public-privé
Depuis trois ans, le projet a franchi avec
succès toutes les étapes. Le comité intermi-
nistériel de l’aménagement et du dévelop-
pement du territoire du 18 décembre 2003
l’avait inscrit dans la liste prioritaire des
infrastructures. Et, le 21 avril 2004, le Par-
lement européen l’a fait entrer dans la liste
des 30 projets prioritaires du Réseau tran-
seuropéen de transport.
Le 9 janvier, le ministre des transports,
Dominique Perben, a confirmé le calen-
drier de sa réalisation en annonçant la
mise en œuvre, jusqu’au 13 mars, de l’en-
quête publique dans 68 communes. Cette
étape devrait être validée par le futur gou-
vernement avec la publication, fin 2007,
du décret d’utilité publique.
Le chantier, qui devrait s’ouvrir en
2009, mobilisera 11 000 emplois directs et
indirects, dont 4 000 sur le site. Cet ouvra-
ge d’art, dont le coût est estimé à 3,2 mil-
liards d’euros, bénéficiera, comme le pro-
pose M. Perben, d’un partenariat public-
privé, système permettant de confier à des
entreprises privées, par un contrat global,
la conception, la réalisation, le finance-
ment et la gestion d’une infrastructure.
A ces partenaires privés viendront
s’ajouter, dans le plan de financement,
l’Etat, les collectivités locales, les pays voi-
sins – la Belgique et les Pays-Bas, dont les
activités de transport fluvial devraient aug-
Douai Le gabarit des voies navigables européennes
Convois de 14 500 à 27 000 tonnes
Convois de 3 200 à 18 000 tonnes
Convois de 1 600 à 6 000 tonnes
R OYA U M E - U N I
Canal Seine-Nord-Europe
Le Havre
Platesformes
d’activités
Quais de
transbordement
Quais céréaliers
Equipements
pour la plaisance
Bassins-réservoirs
d’eau
menter de 30 % grâce au canal –, l’Union
européenne et les usagers, avec le péage.
Cette infrastructure répond à une impé-
rieuse nécessité économique. Ainsi, pour
honorer le programme de construction de
60 000 logements par an (contre 40 000
actuellement) prévu dans le nouveau sché-
ma directeur de l’Ile-de-France, il faudra,
chaque année, aller chercher en Belgique
et dans le Nord quelque 3 millions de ton-
nes de matériaux supplémentaires. « Avec
l’éloignement des gisements, il n’est pas envi-
sageable de transporter une telle quantité
par camions », estime Alain Snakkers, pré-
sident de l’Union nationale des industries
de carrières et matériaux de construction
(Unicem) de l’Ile-de-France.
« Sans le canal Seine-Nord, nous ne pour-
rons pas répondre à la croissance des
Une ressource en eau pour la région lilloise
LE CANAL Seine-Nord-Europe offre plu-
sieurs opportunités d’utilisation. Il assu-
re, par un mode doux et écologique, la cir-
culation des marchandises, promeut un
tourisme différent, prévient les crues ou
les inondations et fournit des ressources
en eau pour les activités économiques et
les populations.
L’Oise et, dans une moindre mesure,
l’Aisne fourniront les 20 millions de
mètres cubes d’eau nécessaires à cette
trouée étanche, longue de 106 kilomètres,
large de 60 mètres et profonde de
4,5 mètres. La mise en eau n’affectera
donc pas les nappes phréatiques ni les
eaux de surface comme les lacs ou les
étangs… Cependant, de part et d’autre du
canal, deux bassins-réservoirs d’une capa-
cité totale de 14 millions de mètres cubes
seront aménagés pour parer à toute pénu-
rie d’eau dans le canal.
Une fois l’ouvrage rempli et pour main-
tenir un étiage constant, il sera possible de
0123
Kiel
Convois de 1 250 à 1 450 tonnes Emden Hambourg
Bateaux de 250 à 1 000 tonnes
PAY S - B A S
Amsterdam Brême
Europort Rotterdam
Londres
Zeebrugge
Dunkerque Hanovre
Dortmund
Gand
Lille Liège Cologne
Namur Coblence
Rouen B E LG I QU E Francfort
Paris
Metz
Canaux
de grand
gabarit
Strasbourg jusqu’à
Stuttgart
la mer Noire
Mulhouse ALLEMAGNE
Chalon-sur-Saône Bâle
FRANCE
Lyon
Pavia
Ferrara
Fos
100 km
Source : Voies navigables de France Infographie Le Monde
L’enquête publique sur le plus grand
chantier fluvial en France depuis cent
ans va s’achever le 13 mars. En 2013,
cette voie permettra de relier la Seine
aux 20 000 kilomètres de canaux
européens à grand gabarit. Un moyen
de naviguer jusqu’à la mer Noire
ports », affirme, de son côté, Stéphane Sni- tonnes aujourd’hui à 30 millions en 2050.
djers, directeur général de MSC France, En 2020, cette croissance de l’activité se
une société qui participe au trafic de conte- traduira par le report sur les péniches de
neurs sur la Seine. « Le canal est aussi un l’activité de 500 000 camions, et même de
outil d’aménagement du territoire qui va 2 millions de poids lourds en 2050.
créer 25 000 emplois », estime Christian Ce transfert des camions vers le canal
Estrosi, ministre de l’aménagement du ter- Seine-Nord permettra aussi de désengor-
ritoire. ger des axes routiers et autoroutiers parmi
les plus chargés d’Europe, comme l’auto-
Routes moins engorgées route Paris-Lille, qui mobilise actuelle-
Pour le monde agricole aussi, ce nouvel ment 70 % des dépenses nationales de
axe sera un important débouché avec l’im- sécurité et de gestion de la circulation. On
plantation, le long de ses rives, de cinq estime que la diminution du nombre de
sillons céréaliers. En outre, quatre plates- poids lourds en circulation, permise grâce
formes logistiques, couvrant une superfi- au canal, entraînera, dès 2020, une réduc-
cie totale de 350 hectares, permettront le tion d’au moins 220 000 tonnes d’émis-
chargement ou le déchargement des sions de CO2 et de 570 000 tonnes en
bateaux. Ce dispositif devrait faire passer 2050. a
le trafic des marchandises de 5 millions de Dominique Buffier
le délester de sa surcapacité ou, dans le Autre atout environnemental : la maî-
cas contraire, de l’alimenter en puisant à trise des crues. Le canal traverse en effet
d’autres sources. les deux bassins versants de l’Oise et de la
La nouvelle infrastructure devrait per- Somme, qui connaissent des inondations
mettre d’améliorer l’alimentation en eau récurrentes. Depuis 1993, la vallée de
de la région lilloise et d’une partie du Pas- l’Oise a ainsi été victime de grandes crues
de-Calais. « Aujourd’hui, la gestion de à quatre reprises.
l’eau dans la région lilloise se fait avec une Grâce à des dispositifs de récupération
marge de sécurité nulle, déclare Francis Ver- du surplus des eaux lors de la montée de
camer, vice-président (UDF) délégué à ces cours d’eau vers le canal, il serait possi-
l’eau à la Communauté urbaine de Lille. ble de réduire les risques d’inondation.
Les ressources répondent tout juste à la On estime que, lors d’une crue du type de
demande. » celle de l’Oise en 1995, le canal aurait per-
mis d’abaisser le niveau des eaux de 1 m à
Un moyen de maîtriser les crues 20 cm. Plus de 500 habitations auraient
La situation est d’autant plus tendue ainsi été épargnées, pour une économie
que la récupération de l’eau par les nap- de 14 millions d’euros.
pes phréatiques, dans la région, se révèle Sur la base des cinquante dernières
de plus en plus difficile au regard des nor- années, des experts ont calculé que le
mes environnementales. Les eaux du canal, en diminuant l’importance des
canal Seine-Nord pourraient couvrir un crues, aurait permis de réduire les domma-
tiers des besoins en eau de l’aggloméra- ges de 3,7 millions d’euros par an. a
tion lilloise. D. B.