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Cet article fut en grande partie écrit à la John Carter Brown Library (Providence, Rhode
Island), où j’ai été reçu en 2004 comme Andrew W. Mellon Senior Research Fellow.
1 - L’importance de l’élevage de bétail fut mise en relief par JOÃO CAPISTRANO DE
ABREU, Capitulos de historia colonial, Belo Horizonte, Itatiaia, [1907] 2000 ; les rapports
esclavagistes dans les moulins à sucre sont étudiés par GILBERTO FREYRE, Maîtres et
esclaves, Paris, Gallimard, [1933] 1997 ; CAIO PRADO JR analysa l’impact du capitalisme
marchand sur la société coloniale dans Formação do Brasil contemporâneo, São Paulo,
Livraria Martins Editora, 1942 ; RAYMUNDO FAORO se pencha sur les privilèges bureau-
cratiques avec Os donos do poder, Pôrto Alegre, Editôra Globo, 1958 ; CELSO FURTADO
étudia, entre autres, l’articulation du marché intérieur, fondé sur « l’économie de l’or »,
au marché international dans La formation économique du Brésil, Paris, Publisud, [1959]
1998. 339
3 - JOSÉ C. CURTO, « Luso-Brazilian alcohol and the legal slave trade at Benguela and
its Hinterland, 1617-1830 », in H. BONIN et M. CAHEN, Négoce blanc en Afrique noire,
Abbeville, Publications de la Société française d’histoire d’outre-mer, 2003, pp. 351-
369, ici p. 351, n. 2.
4 - EVALDO CABRAL DE MELO, O negócio do Brasil: Portugal, os Paı́ses Baixos e o Nordeste,
1641-1669, Rio de Janeiro, Topbooks, 1998, p. 78.
5 - L’association entre la canne à sucre et les avantages de l’esclavage africain est établie,
entre autres, dans les ordres royaux de 1562, destinés à l’île de Madère. Quoique l’on 341
sont pas en tous points égales à celles observées aux îles citées ci-dessus. Effective-
ment, la singularité de l’Amérique portugaise tient aux relations directes avec les
ports africains, à côté du commerce triangulaire centré à Lisbonne. Comment se
nouaient ces échanges ?
Soutenues par les exportations de produits sud-américains, tels les cauris, la
farine de manioc, le tafia (jeribita) et le tabac, ces permutations se prolongent
jusqu’au milieu du XIXe siècle. Pareillement, le commerce triangulaire portugais
ne fonctionnait pas à sens unique. Des bateaux lisboètes pouvaient transporter au
Brésil des marchandises européennes ou asiatiques, en particulier des tissus de
l’Inde, qui étaient ensuite réexportées vers les ports africains. En sens inverse, les
négriers achetaient en Angola de l’ivoire ou de la cire d’abeille, rapportés dans
les ports brésiliens pour être réexpédiés à Lisbonne. Il reste que le commerce
bilatéral Brésil-Afrique est à l’origine, entre les marchands métropolitains et les
marchands coloniaux, d’une contradiction spécifique à l’histoire de l’Atlantique
portugais.
L’évolution de l’Angola tranche en effet avec celle des factoreries portugaises
et européennes situées ailleurs en Afrique. À la différence de ces dernières, canton-
nées aux ports, l’Angola fut le seul théâtre d’une occupation de l’arrière-pays,
donnant lieu à l’implantation d’institutions ibériques. Au XVIIe siècle, les chambres
municipales de Luanda et de Maçangano (située à 150 km au S.-O. de Luanda)
géraient les rapports avec la métropole, d’un côté, et, de l’autre, les communautés
natives, les colons, les marchands et le clergé. Ce dernier est rattaché au diocèse
du Congo et d’Angola, dont les évêques résidèrent entre 1596 et 1621 au siège
épiscopal de Mbanza Congo ou São Salvador do Congo (à 200 km du littoral) – le
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7 - Le mot « Angolista » pour désigner les colons d’Angola fut suggéré par José Mathias
Delgado, reprenant une expression courante au XIXe siècle : voir son commentaire dans
ANTÓNIO DE OLIVEIRA CADORNEGA, História geral das guerras angolanas (1680), édité par
José Matias Delgado, Lisbonne, Agência Geral do Ultramar, 1972, vol. 1, pp. 322-324.
8 - Ibid. Publié seulement en 1940 au Portugal, le manuscrit du livre avait cependant
circulé en Europe. Voir CHARLES R. BOXER, « A “História” de Cadornega no Museu
Britânico », Boletim cultural, 1, 1960, pp. 73-80 ; BEATRIX HEINTZE, « Antônio de Oliveira
de Cadornegas Geschichtswerk – Eine außergewöhnliche Quelle des 17. Jahrhunders »,
in B. HEINTZE, Studien zur Geschichte Angolas im 16. und 17. Jahrhundert: Ein Lesebuch,
Cologne, Rüdiger Köppe, 1996, pp. 48-58.
9 - Cependant, au contraire de ce qu’a écrit Charles Boxer, l’aggravation du conflit
hispano-portugais empêcha la reprise de la traite entre Luanda et Buenos Aires après
1648, frustrant les projets de Salvador de Sá (CHARLES R. BOXER, Salvador de Sá and
the struggle for Brazil and Angola, 1602-1686, Londres, University of London, 1952). 343
Initiée au cours des deux dernières décennies du XVIe siècle, la traite entre
La Plata et Rio de Janeiro se maintient de manière intermittente jusqu’au début
du XIXe siècle. Ainsi, Buenos Aires – aux côtés de Rio de Janeiro, Bahia, Recife,
Ouidah et Luanda – constitue l’un des pôles du système sud-atlantique. Tant et
si bien que la WIC et la Couronne portugaise envisagèrent, chacune à leur tour,
de prendre Buenos Aires aux Espagnols afin de mieux contrôler le commerce entre
Luanda et Potosı́. Ce dessein peruleiro (nom donné aux Portugais participant au
commerce du Haut-Pérou) des gens de Rio de Janeiro est à l’origine de Colônia
do Sacramento, cette factorerie interlope du Rı́o de La Plata, fondée en 1680 par
une expédition luso-brésilienne, menée depuis la baie de Guanabara.
l’Angola. Ils savaient que le marché négrier régional était aux mains des marchands
angolistas et de leurs pombeiros natifs, courtiers entre le port et les foires de l’inté-
rieur (le sertão). Une fois installés à Luanda, pour contourner ces intermédiaires,
ces gouverneurs lançaient des razzias (guerras do sertão) contre les natifs rebelles
ou réputés tels, pour en faire des captifs qui étaient ensuite déportés vers leurs
propriétés brésiliennes. Or ces raids désorganisaient les réseaux des pombeiros et
les foires du sertão, déstabilisant la traite régulière terrestre au grand dam des
Angolistas. C’est pourquoi, dans une requête envoyée à la Cour en 1660, ces derniers
protestaient contre ces guerres qui finissaient par « entraver le commerce commun »
de toute la région 11.
D’autres raisons expliquent l’opposition de la cour de Lisbonne aux inter-
ventions brası́licas. Au milieu d’une période trouble, les raids lancés par les gouver-
neurs mobilisaient des troupes vers des terres hostiles et insalubres de l’intérieur,
laissant le port de Luanda à la merci d’un assaut maritime. De fait, la trêve armée
entre le Portugal et les Provinces-Unies s’accompagnait de tensions. On craignait
donc à Lisbonne que les Hollandais, encore présents dans l’estuaire du Congo, ne
lancent une contre-attaque à Luanda. De même, en paix avec la France (traité des
Pyrénées, 1659), mais toujours en guerre avec le Portugal, l’Espagne était à même
d’investir les territoires lusitaniens. Sans accès aux marchés africains, Madrid
– s’appuyant sur des capucins espagnols établis au royaume du Congo – pouvait
envoyer une expédition navale en direction de l’Angola. Au cours des années
1650 et 1660, Luanda fut à plusieurs reprises informée d’une menace hollandaise
ou espagnole.
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17 - Voir, à ce propos, JOHN M. MONTEIRO, Negros da terra: Índios e bandeirantes nas origens
de São Paulo, São Paulo, Companhia das Letras, 1994.
18 - LUIZ FELIPE DE ALENCASTRO, O trato dos viventes: Formação do Brasil no Atlântico
Sul, séculos XVI e XVII, São Paulo, Companhia das Letras, 2000. 347
cinquante mille au cours de ce quart de siècle 19. Par comparaison, les expéditions
des bandeirantes des années 1627-1640, concentrées au Sud, et ayant entraîné la
capture d’environ cent mille Indiens, apparaissent comme l’une des opérations
esclavagistes les plus prédatrices de l’époque moderne. Plusieurs indices confir-
ment que les grandes incursions des Paulistes se déroulèrent dans une conjoncture
où la rupture de la traite atlantique a fait doubler le prix des esclaves africains dans
l’Amérique portugaise. Hausse qui, d’ailleurs, a motivé les deux seules expéditions
négrières du XVIIe siècle entre le Mozambique et le Brésil, en 1643 et 1644, pour
compenser la perte des ports d’Elmina et de Luanda 20.
À ce propos, les opérations négrières des colons de Rio de Janeiro, de Bahia
et de Pernambouc, insérées dans les circuits atlantiques, tranchent avec les entre-
prises continentales des Paulistes, fondées sur l’asservissement d’Indiens et la
production de denrées pour le marché interrégional. Expérimentés dans les incur-
sions terrestres, les Paulistes mobilisaient des esclaves guerriers (servos de guerra),
généralement des Indiens Temiminó, pour former des colonnes mobiles de cen-
taines de combattants 21.
La divergence d’intérêts entre les colons de Rio de Janeiro et ceux de São
Paulo connut sa démonstration la plus saisissante en 1648. Alors que Salvador de
Sá rassemblait des miliciens de la baie de Guanabara, de Bahia et de Pernambouc
pour son expédition transatlantique, les Paulistes faisaient bande à part. Pis encore,
depuis 1640, date de la proclamation de l’encyclique du pape Urbain VIII contre
l’esclavage des Indiens, ils étaient entrés en rébellion contre la Couronne, jusqu’en
1654. Ayant expulsé les jésuites de leur ville, les Paulistes se refusaient à obéir
aux ordres royaux les obligeant à réadmettre les missionnaires et à leur rendre les
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19 - HERBERT S. KLEIN, The Atlantic slave trade: New approaches to the Americas, Cambridge,
Cambridge University Press, 1999, pp. 210-211, avec la revision statistique de DAVID
ELTIS, STEPHEN D. BEHRENDT et DAVID RICHARDSON, « A participação dos paı́ses da
Europa e das Américas no tráfico transatlântico de escravos: novas evidências », Afro-
Ásia, 24, 2000, pp. 9-50, ici p. 28.
20 - Il n’y a pas de traite régulière entre le Mozambique et le Brésil avant la fin du
e
XVIII siècle.
21 - La colonne de bandeirantes qui secondait Rapôso Tavares dans l’expédition de 1648
en direction de l’Amazonie comptait à elle seule quatre-vingts Paulistes et huit cents
Indiens. Voir JAIME CORTESÃO, Rapôso Tavares e a formação territorial do Brasil, Lisbonne,
Portugalia, vol. 2, 1966, pp. 175-176 ; J. M. MONTEIRO, Negros da terra..., op. cit., pp. 62-63.
348 22 - J. CORTESÃO, Rapôso Tavares..., op. cit.
23 - Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, une nouvelle tentative pour développer la
culture du blé, entreprise par des colons Açoriens dans le Rio Grande do Sul, échoua
également, face à la concurrence des blés métropolitain et étranger après 1808 (FERNANDO
HENRIQUE CARDOSO, Capitalismo e escravidão no Brasil meridional, São Paulo, Difusão
Européia do Livro, 1962, pp. 49-69).
24 - ERNESTO ENNES, Os palmares: Subsı́dios para a sua história, São Paulo, Companhia
Editora Nacional, 1938, pp. 66-69, 79-80, 123 et 135.
25 - « Si, dans telles ou telles circonstances, un circuit marchand ne parvient pas à se
boucler, de quelque façon que ce soit, il est évidemment condamné à disparaître »
(FERNAND BRAUDEL, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XV e-XVIII e siècles, t. 2,
Les jeux de l’échange, Paris, Armand Colin, 1979, p. 121). 349
L’élevage et le repeuplement
Au milieu du XVIIe siècle, le développement de l’élevage atteint au Brésil une
dimension inédite dans l’Empire portugais. Comme on le sait, l’élevage accroissait
l’offre alimentaire dans les plantations du littoral, permettant une concentration
accrue d’esclaves dans l’agriculture d’exportation. Intitulée Brasilia qua parte paret
Belgis, une carte représentant en 1647 le territoire hollandais en Amérique du Sud
signale déjà l’avancée du bétail dans la vallée du São Francisco. C’est la raison
pour laquelle la région constitue l’un des enjeux des négociations luso-hollandaises
menées à l’arrière-plan des traités de Westphalie.
Agrandissant le territoire occupé, y compris au Sud, où se répandaient les
troupeaux des missions jésuites, l’essor du cheptel bovin change la société colo-
niale. À partir des années 1680, l’élevage a été partiellement tiré par le marché
atlantique avec le démarrage des exportations de tabac, dont les rouleaux étaient
emballés dans du cuir, lequel représentait 15 % du prix du produit exporté 28.
Il faut signaler que l’élevage extensif créait des rapports de production peu
propices au système esclavagiste. La faible présence du capital marchand, la nature
du procès de production et l’absence de contrôle direct du propriétaire réduisent
l’emprise esclavagiste au sein de ces ranchs, bien que l’on y registre la présence
de captifs noirs, indiens ou métis, vachers payés en nature ou à la tâche pour faire
paître et conduire les troupeaux aux foires 29. Qu’il soit libre ou non, le vacher du
sertão du São Francisco – appelé « curraleiro » – a peu de choses en commun avec
les captifs ou les cultivateurs libres encadrés par les maîtres de moulin du littoral.
Activité subsidiaire à l’agriculture d’exportation, l’élevage étend les zones mar-
chandes, chasse les Indiens de leurs terres et étend la domination dans l’hinterland.
Nous sommes ici dans une logique de repeuplement colonial : les natifs sont
expulsés ou éliminés tandis que leur territoire est repeuplé par des colons et des
captifs noirs et métis 30. Rompant l’isolement de l’Estado do Grão-Pará e Maranhão
(l’Amazonie portugaise), les raids contre les Indiens et la progression des bovins
ouvrent des chemins vers le Nord-Est et les capitaineries du Nord, isolées par
des courants maritimes adverses. Dans sa Crônica sur l’Amazonie (1698), le père
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vol. 2, pp. 37-63 ; ADRIANO PARREIRA, Economia e sociedade em Angola na época da Rainha
Jinga, século XVII, Lisbonne, Editorial Estampa, 1990, p. 98 ; TEOTÓNIO R. DE SOUZA,
Goa medieval: A cidade e o interior no século XVII, Lisbonne, Editorial Estampa, 1994,
pp. 110-120 ; SANJAY SUBRAHMANYAM, The Portuguese empire in Asia, 1500-1700: A political
and economic history, New York, Longman, 1993, pp. 261-269.
33 - VICENTE DO SALVADOR, História do Brasil, 1500-1627, São Paulo, Editora da Univer-
sidade de São Paulo, [ca 1627] 1982, p. 110. L’étude la plus complète sur le sujet ne
mentionne pas le cas du zimbo bahianais : JAN HOGENDORN et MARION JOHNSON, The
shell money of the slave trade, New York, Cambridge University Press, 1986.
34 - OLFERT DAPPER, Description de l’Afrique, Amsterdam, Boom & Van Someren, 1686,
p. 368. À la suite d’améliorations dans le transport maritime, la mortalité des esclaves
transportés par tous les négriers européens diminue au cours du XVIIIe siècle (OLIVIER
PÉTRÉ-GRENOUILLEAU, Les traites négrières, Paris, Gallimard, 2004, pp. 127-145).
35 - L. F. DE ALENCASTRO, O trato dos viventes..., op. cit., pp. 254-255.
36 - Dans son article 22, le Code noir (1685) de Colbert en fait la référence alimentaire
pour les captifs antillais : « Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine,
à leurs esclaves [...], pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure de Paris, de farine
de manioc [...] », Recueils de règlements, édits, déclarations et arrêts, avec le Code noir, Paris,
352 Les Libraires Associés, 1745, vol. 2, pp. 81-101, ici p. 89.
40 - A. BRÁSIO, Monumenta..., op. cit., 1re série, vol. 3, « Informação acerca dos escravos
de Angola » (1582-1583), pp. 227-231.
41 - Ibid., vol. 15, « Carta do padre Luı́s Brandão, Luanda, 21 de agôsto de 1611 »,
pp. 442-443. Il existe une édition récente du traité d’Alonso de Sandoval, De instauranda
Aethiopum salute (1627), édité par ENRIQUETA VILA VILAR, Un tratado sobre la esclavitud,
354 Madrid, Alianza Editorial, 1987, p. 154.
42 - Cette thèse est aussi soutenue par le jésuite Luis de Molina : voir ANTÓNIO MANUEL
HESPANHA, « Luı́s de Molina e a escravização dos Negros », Análise social, XXV, 157,
1999, pp. 937-990 ; et aussi, DOMINGOS MAURÍCIO, « A Universidade de Évora e a escra-
vatura », Didaskalia, 7, 1977, pp. 153-200.
43 - Voir la bulle Romanus Pontifex (1455), in A BRÁSIO, Monumenta..., op. cit., 2e série,
vol. 1, pp. 277-286 ; CHARLES-MARTIAL DE WITTE, « Les bulles pontificales et l’expan-
sion portugaise au XVe siècle », Revue d’histoire ecclésiastique, 53, 1958, pp. 443-471, ici
p. 455.
44 - P. ANTÓNIO VIEIRA, « Sermão XIV », et « Sermão XXVII do Rosário », in ID., Sermões,
Porto, Lello e Irmão, 1993, vol. 4, pp. 733-769 et pp. 1202-1241.
45 - NUNO MARQUES PEREIRA, Compêndio narrativo do peregrino da América (1728), Rio
de Janeiro, Academia Brasileira de Letras, 1988, vol. 1, pp. 149-150.
46 - D. ANTÓNIO DE CASTRO XAVIER MONTEIRO, « Como se ensinava o direito das gentes
na Universidade de Coimbra no século XVI », Anais (Lisbonne, Academia Portuguesa da
História), 1993, pp. 9-36, ici p. 26 ; et ANONYME, « Opinião de um frande capuxinho
sobre a escravidão no Brasil em 1794 », Revista do Instituto histórico e geográfico Brasileiro,
40, 2, 1897, pp. 155-157. 355
dynamique des régions minières pour redéployer les colons et les voies de trans-
port, en vue d’une meilleure occupation du territoire gagné à l’Espagne.
Plus caractéristiques de l’articulation des économies régionales au réseau
minier, les activités du Sud de la colonie illustrent la portée de la nouvelle politique
territoriale. Mis à part le bétail provenant des fazendas (grandes propriétés) de la
vallée du São Francisco, le Minas Gerais recevait, via São Paulo, des chevaux et
surtout des mulets des plaines sudistes, et ce dès les années 1730, dont l’usage
grandissant faisait évoluer les circuits de transport et le peuplement. Des directives
sur le commerce mulassier furent édictées par Luiz Antônio de Souza, le Morgado
(Majorat) de Matheus, gouverneur de São Paulo de 1765 à 1775, dont la juridiction
s’étendait surtout dans le sud de l’Amérique portugaise 50. Ayant interdit l’élevage
de mulets au Mato Grosso, Goiás et à Minas Gerais, Souza réserva cette activité
aux fermiers des prairies du Sud, qui conduisaient les troupeaux jusqu’aux foires
de São Paulo et à Minas Gerais, par des chemins jalonnés de postes de perception
(registros) royale du droit de péage (entrada) sur les « bêtes venant du Sud » 51.
Du coup, la Couronne tira parti de la déterritorialisation de la reproduction
des mulets pour obtenir trois avantages : la complémentarité des économies régio-
nales, l’augmentation des revenus des marchands et du fisc royal, et la consolidation
de la frontière méridionale, seul point de contact entre Portugais et Espagnols.
Suivie par les successeurs de Souza, cette politique de complémentarité écono-
mique et régionale marqua le marché mulassier jusqu’au milieu du XIXe siècle 52.
Le schéma établi à propos du commerce de mulets aide à comprendre les
bénéfices procurés par la déterritorialisation de la reproduction des esclaves dans
l’Atlantique. Effectivement, en acquérant des Noirs, les colons du Brésil déve-
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53 - MIRABEAU marquis de, L’ami des hommes ou Traité de la population, Avignon, [s. éd.],
1756, p. 329 ; VOLTAIRE, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, Chicoutimi, Université
du Québec, [1756] 2002, p. 117.
54 - KENNETH R. MAXWELL, « Pombal and the nationalization of the Luso-Brazilian eco-
nomy », The Hispanic American historical review, 48, 4, 1968, pp. 608-631 ; JORGE PEDREIRA,
« A indústria », in P. LAINS et A. F. DA SILVA, História econômica de Portugal, 1700-2000,
358 3 vol., Lisbonne, Imprensa de Ciências Sociais, 2005, vol. I, pp. 178-208.
Source : D’après H. S. KLEIN, The Atlantic slave trade..., op. cit., pp. 210-211, et L. F. DE
ALENCASTRO, O trato dos viventes..., op. cit., annexe 7, pour le XVIIe siècle.
n’est pas le cas au Brésil, puisque l’indépendance du pays ne modifia pas la matrice
spatiale coloniale. C’est bien Liverpool qui remplaça Lisbonne comme premier
port de commerce, mais, avant comme après 1808, et jusqu’en 1850, ce sont les
ports africains – au premier rang desquels l’Angola – qui continuèrent à occuper
la deuxième place dans les échanges extérieurs du pays.
Il reste que cette forme d’insertion internationale plaçait le nouvel État à
contre-courant de l’ordre juridique et marchand que l’Angleterre imposait sur les
mers. Scellé en 1810, quand la Couronne portugaise restait l’otage de la Royal
Navy, le traité d’alliance luso-anglais précisait que Lisbonne devait coopérer avec
Londres pour faire cesser le commerce des Africains. Un nouveau traité entre les
deux pays, signé en 1815 au Congrès de Vienne, réitéra cette politique qui aboutit
à l’interdiction définitive de la traite au Nord de l’équateur.
Portée par une approche territoriale de l’évolution politique, l’historiographie
brésilienne fait souvent l’impasse sur une question posée avec une grande acuité
à l’indépendance : comment les dirigeants parvinrent-ils à viabiliser le nouvel État
dans la sphère internationale ? Ou, plus précisément, comment l’État négrier s’est-
il inséré dans le concert des nations ?
À la déclaration d’indépendance du Brésil (septembre 1822), la reconnais-
sance diplomatique anglaise – cruciale pour le pays, puisqu’elle entraînerait la
reconnaissance portugaise – fut conditionnée par le respect de l’embargo sur le
trafic d’Africains. Dès février 1823, et au moins à cinq reprises, George Canning,
ministre des Affaires étrangères britanniques, fit des propositions en ce sens au
gouvernement de Rio de Janeiro. Celles-ci furent rejetées en vertu de l’argument
avancé par José Bonifácio Andrada, le principal ministre brésilien, selon lequel
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79 - « Cartas de João Loureiro ao Conselheiro Manuel José Maria da Costa e Sá 1826-
1842 », Revista do Instituto histórico e geográfico brasileiro, 86, 1913, p. 29.
80 - À propos de la réorganisation de la politique portugaise en Afrique après l’indépen-
dance du Brésil, voir VALENTIM ALEXANDRE, « The Portuguese Empire 1825-1850 », in
O. PÉTRÉ-GRENOUILLEAU (éd.), From slave trade to Empire: Europe and the colonisation
of Black Africa 1780s-1880s, Londres, Routledge, 2004, pp. 110-132.
81 - « American slavery and the conflict of laws », Columbia law review, 71, 1, 1971, pp. 74-
99. LOUISE WEINBERG, « Methodological interventions and the slavery cases; or night
thoughts of a legal realist », Maryland law review, 56, 1997, pp. 1316-1370.
82 - Sans empêcher, bien entendu, la prééminence du droit de propriété sur le droit à
la liberté qui, souvent, a permis aux maîtres antillais de garder leurs esclaves lorsqu’ils
résidaient en métropole ; voir ROGER BOTTE, « L’esclavage africain après l’abolition de
1848. Servitude et droit du sol », Annales HSS, 55-5, 2000, pp. 1009-1037.
83 - Analysant les aspects économiques et sociaux de la modernisation de l’esclavage au
e
XIX siècle (à Cuba, à Porto Rico, aux États-Unis et au Brésil), sans prêter attention à
l’imbrication de ce processus dans le State building aux États-Unis et au Brésil, la notion
de « second esclavage » – conçue par Dale Tomich et utilisée par d’autres spécialistes –
perd une grande partie de sa portée (DALE W. TOMICH, « The “second slavery”: Bonded 367
87 - Les 6 400 Africains introduits au Brésil entre 1850 et 1856 représentent un effet
résiduel des grands flux interrompus en 1850.
88 - Plus exactement, le Brésil prenait à sa charge le remboursement de l’emprunt, d’un
montant équivalent, contracté en 1823 par le gouvernement portugais auprès de la 369
lourdement, et de façon durable, sur les finances du pays, cet emprunt se présentait
aussi comme un aval de la City au gouvernement monarchique et à l’unité nationale
brésilienne. Gagé sur les revenus des douanes centrales de Rio de Janeiro, le prêt
britannique présupposait que ceux-ci ne fussent pas amputés par d’éventuelles
sécessions régionales.
Afin de s’assurer, lors du traité anti-traite de 1826, un délai supplémentaire
pour faire cesser le trafic négrier, le gouvernement concéda des privilèges tarifaires
aux produits anglais dans le traité commercial de 1827 89. Par la suite, d’autres pays
obtinrent les mêmes tarifs. De telles concession tarifaires ont représenté une lourde
contrainte budgétaire, vu que Rio de Janeiro n’avait ni les moyens ni la volonté
politique de taxer les propriétaires ruraux ou d’augmenter les tarifs d’exportation
sur les produits agricoles.
À l’expiration de l’accord commercial, en 1844, le Brésil revit à la hausse les
taxes sur les importations et amorça des négociations avec ses partenaires commer-
ciaux 90. Toutefois, en Angleterre, la question tarifaire se greffait sur la campagne
abolitionniste, divisant l’opinion en deux camps. Dans le premier se retrouvaient
presque tous les abolitionnistes. Rejoignant les Tories protectionnistes et les repré-
sentants des planteurs antillais – leurs ennemis de la veille –, ils luttaient pour le
maintien de la surtaxe sur le sucre brésilien et cubain, issus du travail servile 91.
Dans le camp des anti-abolitionnistes, le mouvement Anti-Corn Laws poussait à
l’élimination des taxes sur le sucre étranger, sans s’embarrasser de la politique
abolitionniste prônée par le gouvernement. Ce faisant, le tout nouveau The Eco-
nomist, organe du libre-échangisme, flétrissait la politique « puérile et suicidaire »
de l’Angleterre au Brésil, signalant la pénétration américaine sur le marché brési-
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même maison Rothschild ; voir CAROLINE SHAW, « Rothschilds and Brazil: An introduc-
tion to sources in The Rothschild Archive », Latin American research review, 40, 1, 2005,
pp. 165-185, et STEPHEN HABER et HERBERT S. KLEIN, « The economic consequences
of Brazilian independence », in S. HABER, How Latin America fell behind: Essays in economic
histories of Brazil and Mexico, 1800-1914, Stanford, Stanford University Press, 1997,
pp. 243-259.
89 - Dès 1833, lorsque s’aggrava le contentieux anglo-brésilien au sujet du commerce
des Africains, décrété illégal au Brésil en 1831, les conseillers d’État soulignent que la
réglementation sur le commerce des esclaves et la politique tarifaire restent associés
dans la négociation globale avec Londres (Atas do Conselho, 10 de outubro de 1833, op.
cit., vol. 2, pp. 293-296).
90 - Il s’agit des tarifs Alves Branco, fixés pour la première fois à un taux « ad valorem »,
dont le décret date du 12 août 1844, mais l’application, sujette à discussion avec les
pays intéressés, fut rapportée au budget 1845-1846 (Anais do Senado, Rio de Janeiro,
1845, livre 3, pp. 454-456).
91 - C. DUNCAN RICE, « “Humanity sold for sugar!” The British abolitionist response
to free trade in slave-grown sugar », The historical journal, 13, 3, 1970, pp. 402-418.
370 92 - The Economist, 19 avril 1845.
93 - British parliamentary papers: Slave trade (1847-1848), Shannon, Irish University Press,
1968, vol. 4, Reports from the selected committee on the slave trade, « 2nd report », pp. 169-170.
94 - D. ELTIS, Economic growth..., op. cit., pp. 234-244.
95 - British parliamentary..., op. cit., vol. 38, Correspondence with the British commissioners
on the slave trade, 1851, « Journal of Lieutenant Forbes, on his mission to Dahomey »,
pp. 329-347. 371
Navy devaient pointer, non pas vers la haute mer ou les ports africains, mais vers
Rio de Janeiro. Tout naturellement, l’élimination de l’embargo économique sur le
« slave-grown sugar » poussait au durcissement des pressions militaires 96.
Concentrée sur l’étude de la traite anglaise et nord-américaine, ou des rela-
tions entre les industriels anglais et les producteurs esclavagistes de coton du Sud
des États-Unis, l’historiographie n’a pas assez prêté attention à la contradiction
entre le libre-échangisme et le commerce des Noirs au milieu du XIXe siècle. Cette
inattention entraîne des malentendus qui s’étendent à l’histoire de l’art 97. Les
mouvements d’opinion et la presse britanniques aident à expliquer le durcissement
de Londres. D’ailleurs, la géopolitique mise en pratique dans la guerre de l’Opium
et le traité de Nankin (1842) préfigurait déjà la diplomatie de la canonnière et la
seconde expansion européenne.
La nouvelle offensive se déroula en trois temps. Le premier fut marqué par
le Palmerston Act (1839), fixant unilatéralement le droit de visite sur les navires
portugais. Dès lors, la Royal Navy pouvait sévir plus largement dans l’estuaire du
Congo et sur les côtes angolaises et mozambicaines, chasses gardées de la traite
destinée au Brésil. Visant directement Rio de Janeiro, l’étape suivante de l’offen-
sive fut commandée par Aberdeen, successeur de Palmerston au Foreign Office.
Après avoir soutenu que le traité anglo-brésilien de 1826 assimilait déjà la traite
illégale à la piraterie, Aberdeen fit voter une loi, dite Aberdeen Bill (1845), autori-
sant le droit de visite et de saisie des bateaux négriers battant pavillon brésilien 98.
Pourtant, à cette époque, d’autres conflits occupaient la politique européenne dans
l’Atlantique-Sud. En Argentine, le caudillo Rosas entravait le commerce anglais
et français, étendant son influence à l’Uruguay et au Paraguay. Il s’ensuivit un
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inspirées par les captifs urbains. D’autres événements vinrent aggraver ces craintes.
Au début de 1850, et pour la première fois, une épidémie de fièvre jaune frappa le
pays, et surtout la population d’origine européenne de la capitale et des principales
villes 104. De l’avis général, la maladie, devenue endémique à Rio de Janeiro, avait été
répandue par des Africains débarqués clandestinement dans la baie de la Guanabara.
La perspective de tels dangers sociaux et épidémiologiques alimentait la
campagne de ceux qui s’élevaient contre l’« africanisation » de la société – inquié-
tude exprimée dans les éditoriaux de la presse de Rio dès 1831 – et misaient sur
l’essor de l’immigration européenne pour civiliser le pays. Pour le gouvernement,
l’essentiel restait à faire : convaincre négriers, intermédiaires et planteurs de la
nécessité d’arrêter le commerce d’Africains.
C’est sous le gouvernement dirigé par Eusébio de Queiroz (1812-1868) que
la tâche a été accomplie. Il s’agit là d’une rupture fondatrice qui signifie une
seconde naissance de l’État. Descendant d’une famille portugaise de l’Angola, sa
terre natale, Queiroz entretenait des liens politiques et familiaux avec des hauts
fonctionnaires, des parlementaires, des planteurs et des négriers. Entre 1833 et
1844, il occupa le poste de chef de la police de Rio de Janeiro, exerçant son
autorité sur les capitales provinciales. À travers ses relations et dans l’exercice de ses
fonctions, il a pu mesurer l’étendue de la contrebande d’Africains. Par complicité ou
par réalisme politique, ou plutôt pour les deux motifs à la fois, il n’a pas réprimé
la traite illégale, largement pratiquée. Nommé ministre de la Justice en 1848, il
exerce, de facto, le poste de premier ministre au sein d’un gouvernement dont la
cohésion marquera l’histoire du pays. Dès lors, il change de bord et parvient à
arrêter définitivement la traite. Opéré par un homme enraciné dans la culture sud-
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107 - La loi en préparation établissait, notamment, que les crimes liés à la traite passe-
raient de la juridiction des jurys populaires, manipulés par les négriers, aux tribunaux
de la marine de guerre, encadrés par le gouvernement.
108 - LUIZ FELIPE DE ALENCASTRO, Le commerce des vivants : traite d’esclaves et Pax
Lusitana dans l’Atlantique Sud, XVIe siècle-XIXe siècle, Thèse de Doctorat en Histoire,
Université de Paris-X – Nanterre, 1986, pp. 522-527.
109 - D. ELTIS, Economic growth..., op. cit., pp. 234-244.
110 - WILLIAM R. SUMMERHILL, « Market intervention in a backward economy: Railroad
376 subsidy in Brazil, 1854-1913 », The economic history review, 51, 3, 1998, pp. 542-568.
Immigration et nationalité
Dans le cadre des débats sur l’immigration, trois mobiles ont inspiré les initiatives
gouvernementales. Au départ, les autorités avaient introduit des colons pour conso-
lider des régions militairement vulnérables, comme dans le sud du pays, où des
familles açoriennes furent établies après le traité de frontières avec l’Espagne
(1750) 112. De même, des terres publiques furent distribuées à des colons européens
dans des zones menacées par des tribus indiennes ou par des villages de Marrons.
En second lieu, l’admission de travailleurs libres a répondu aux besoins des services
des ponts et chaussées. Dans une province comme celle de Rio de Janeiro, marquée
par un paysage vallonné et une pluviosité qui endommageait les chemins, de nou-
velles infrastructures de transport étaient indispensables. Les autorités réquisition-
naient pour cela les Indiens des aldeamentos (conformément au Directório), ainsi
que des esclaves et des outils appartenant aux planteurs. Mais ces mesures soule-
vaient des protestations et étaient difficiles à mettre en œuvre. Dès les années
1830, l’Assemblée provinciale de Rio de Janeiro mit à profit ses nouvelles préroga-
tives fiscales pour subventionner l’arrivée d’« engagés » portugais destinés aux tra-
vaux de voirie. À ce stade, l’immigration se présente encore comme un complément
nécessaire à l’essor des exploitations esclavagistes. Tout change dans une troisième
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111 - WARREN DEAN, « Latifundia and land policy in nineteenth-century Brazil », The
Hispanic American historical review, 51, 4, 1971, pp. 606-625 ; LÍGIA OSÓRIO SILVA, Terras
devolutas e latifúndio: Efeitos da lei de 1850, Campinas, Ed. Unicamp, 1996.
112 - JOSÉ DAMIÃO RODRIGUES, « Entre duas margens: A circulação atlântica dos Açoria-
nos nos séculos XVII e XVIII », Arquipélago, VI, 2002, pp. 225-245. 377
113 - JOSÉ P. XAVIER PINHEIRO, Importação de trabalhadores Chins, Rio de Janeiro, Typo-
graphia de J. I. da Silva, 1869.
114 - LUIZ PEIXÔTO DE LACERDA WERNECK, Idéais sobre a colonização, Rio de Janeiro,
Ed. Laemmert, 1855.
115 - Né au Portugal, formé au droit à Coimbre, Nicolau Vergueiro arrive au Brésil en
1803, puis se fait élire député à l’Assemblée constituante portugaise convoquée à
378 Lisbonne (1821). Favorable à l’indépendance brésilienne, il retourne en Amérique du
Sud pour être élu à la Constituante de son nouveau pays (1823). Toutefois, en troquant
la Constituante de Lisbonne pour celle de Rio de Janeiro, Vergueiro ne choisit pas
seulement l’indépendance du Brésil : il opte aussi pour le maintien de la présence
brésilienne dans l’Atlantique-Sud. C’est lui qui préconise alors le projet négrier
d’« union » entre le Brésil et l’Angola, déjà mentionné. Plusieurs fois ministre et parle-
mentaire, grand propriétaire terrien, il fit la traite illégale d’Africains après 1831. Voyant
le vent tourner, il commença à transporter, à partir de 1843, des immigrants suisses,
allemands et portugais vers ses plantations de café à São Paulo.
116 - Sur les limites de cette expérience, voir THOMAS DAVATZ, Memórias de um colono
no Brasil (1850), Belo Horizonte, Itataia, 1980, et surtout la préface de Sérgio Buarque
de Holanda, pp. 15-46. 379
aval, les tractations internes aboutissant à la fin de la traite et aux lois agraires et
d’immigration montrent que le point maximal de la crise du système esclavagiste
et l’amorce de son dépassement se produit en 1850, et non en 1871, lors du vote
de loi sur le ventre libre. Bien qu’elle ne soit pas dominante dans l’historiographie
brésilienne, cette interprétation n’est pas nouvelle. Dans un ouvrage capital sur
Empire du Brésil, le leader abolitionniste et écrivain politique Joaquim Nabuco
expliquait à la fin du XIXe siècle : « Il fut plus facile d’abolir l’esclavage d’un seul
coup [en 1888] que de faire respecter la loi du 7 septembre [1831] », qui rendait
illégale la traite des Africains 117.
En élargissant l’approche, on observe que la contradiction entre le système
agricole et esclavagiste afro-brésilien, d’un côté, et le système industriel et libre-
échangiste britannique, de l’autre, paraît symétrique à celle qui opposait le Sud et
le Nord des États-Unis, à la veille de la guerre de Sécession. Mais en Amérique
du Nord le conflit porte sur le contrôle de l’État fédéral, alors que dans l’Atlantique-
Sud l’enjeu est la division internationale du travail, c’est-à-dire les échanges directs
entre le pôle industriel anglais et les périphéries sud-américaine et africaine.
Toujours dans une perspective générale, ces événements illustrent des chan-
gements structurels survenus dans l’Atlantique. De fait, la domination anglaise
imposa une transformation de l’espace colonial portugais dans l’Atlantique-Sud. On
touche là la ligne de partage qui sépare le colonialisme moderne et l’impérialisme
contemporain, la première et la seconde expansion européenne. Dans ce même
ordre d’idées, le cas brésilien pointe l’écart entre la première phase de l’expansion
victorienne outre-mer, caractérisée par l’affirmation d’intérêts commerciaux et des
traités favorables dans le cadre d’un « empire informel », et la seconde phase,
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120 - JOSÉ BONIFÁCIO DE ANDRADA E SILVA, « Apontamentos para a civilização dos ı́ndios
bravos do Império do Brasil (1823) », Revista do Instituto histórico e geográfico brasileiro,
12, 1849 ; ID., Representação à Assembléia Geral Constituinte e Legislativa do Império do Brasil
sôbre a escravatura, Paris, F. Didot, 1825. 381
la nation brésilienne. Creusée par l’esclavage, puis par l’arrivée d’immigrants euro-
péens, levantins et asiatiques, ses disparités culturelles conduisent les classes diri-
geants à s’unir dans un « nationalisme d’État », dont le corollaire est la reconstruction
de la société : puisque l’organisation du travail dans les latifundia incorpore conti-
nuellement des étrangers, déstructurant le corps social, les hauts commis, les
lettrés, les intendants – l’intelligentsia étatique et paraétatique désignée au Brésil
sous le qualificatif de « bacharéis » – s’adjugent la mission historique de civiliser
la nation. C’est le « fardeau des bacharéis », support idéologique d’une pensé auto-
ritaire, en phase avec l’idée du « fardeau de l’homme blanc » qui légitimait la
seconde expansion coloniale européenne. À défaut de promouvoir les natifs, le
débat sur la civilisation des Indiens contribua à jeter les bases de l’autoritarisme
brésilien.
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