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FISCALITE INTERNATIONALE
F TURQ - Université Paris Descartes
La maitrise subtile des droits internes et des conventions fiscales, dites de « non double
imposition », par les entreprises et leurs conseils, ont eu souvent pour effet la « double non-
imposition ».
Le problème n’est pas nouveau :
Recently more and more enterprises organized abroad by American firms have arranged their
corporate structures aided by artificial arrangements between parent and subsidiary regarding
intercompany pricing, the transfer of patent licensing rights, the shifting of management fees,
and similar practices […] in order to reduce sharply or eliminate completely their tax liabilities
both at home and abroad. »
Président Kennedy, déclaration datant de 1961
Une réaction politique est intervenue ces dernières années : lors de la réunion du G20 de
Saint-Pétersbourg des 5 et 6 septembre 2013, les chefs d'État des grands pays de la planète
y ont engagé de nouvelles politiques pour endiguer l’évasion fiscale des entreprises
multinationales.
A la même époque, le montant de l'argent public perdu chaque année dans l'Union
européenne à cause de l'évasion fiscale, était évalué à 1.000 milliards d'euros, d'après le
Parlement européen.
I - OCDE et BEPS
A) Historique
Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) refers to tax planning strategies that exploit these
gaps and mismatches in tax rules to artificially shift profits to low or no-tax locations where
there is little or no economic activity, resulting in little or no overall corporate tax being paid.
BEPS is of major significance for developing countries due to their heavy reliance on corporate
income tax, particularly from multinational enterprises (MNEs).1
1
http://www.oecd.org/ctp/beps-about.htm
Le plan d'action BEPS approuvé par le G20 en Juillet 2013 a identifié 15 domaines clés à
traiter.
Le paquet BEPS final, qui comprend et consolide les rapports intérimaires de 2014 a été
élaboré et approuvé en deux ans seulement. Ce paquet a été présenté par le Secrétaire
général de l'OCDE Angel Gurría au G20 des ministres des Finances lors de leur réunion du 8
Octobre 2015 à Lima et ensuite aux dirigeants du G20 lors de leur sommet à Antalya les 15-
16 Novembre 2015.
Les groupes de travail comprenaient, outre les pays membres de l’OCDE et du G20 :
- 14 developing countries, ATAF (African Tax Administration Forum), CREDAF (Center of Tax
Administration Directors), CIAT (Inter American Center of Tax Administrations)
- 60 developing countries via regional networks2
Tous les acteurs sont conscients que le succès du projet repose sur l’adhésion du plus grand
nombre. Pour le directeur du centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE, « BEPS
est inclusif ».
Un accord a été trouvé sur un ensemble complet de mesures conçues pour être
transposées dans les législations nationales et dans les conventions fiscales selon une
approche coordonnée, qui pourra s’appuyer sur des mécanismes de suivi ciblés et sur une
transparence accrue.
L’ensemble des mesures issues du Plan d'action BEPS représente le premier remaniement
d’importance – et longtemps attendu – des standards fiscaux internationaux depuis près d’un
siècle.
Les pays s’engagent désormais à adopter cet ensemble compréhensible de mesures. Celles-
ci comprennent notamment de nouveaux standards minimums, des remises à niveau de
standards fiscaux existants, des approches communes qui faciliteront la convergence des
pratiques nationales, et des orientations fondées sur les bonnes pratiques.
En adoptant les mesures issues du projet BEPS, les pays de l’OCDE et du G20 et les pays en
développement qui ont pris part aux travaux poseront les fondations d’un cadre modernisé
pour la fiscalité internationale, dans lequel les bénéfices sont imposés là où les activités
économiques sont exercées et où la valeur est créée.
Certaines modifications peuvent être introduites sans délai, comme les révisions des principes
applicables en matière de prix de transfert, tandis que d’autres supposent des changements
qui pourront être adoptés par l’intermédiaire des conventions fiscales et notamment de
l’instrument multilatéral.
Il y a des limites à la mise en pratique de telles recommandations, qui sont autant de défis
posés à BEPS :
- Mise en place efficiente si et seulement si consensus général, coordonné et simultané de tous
les États à l’échelle globale ;
- Efficacité de la mise en place de telles mesures entièrement dépendant de l’action des États.
2
https://www.oecd.org/ctp/48993634.pdf
B) Contenu du « BEPS Package »
On y trouve :
- Des standards de base,
- Un renforcement des normes internationales concernant les conventions fiscales et les prix de
transfert,
- Une approche commune de « best practices » en matière de droit interne,
- Des rapports analytiques avec des recommandations (économie numérique et instruments
multilatéraux),
- Des rapports détaillés sur la mesure du « BEPS »
Grâce à la déclaration normalisée pays par pays et aux nouvelles exigences en matière de
documentation des prix de transfert, les administrations fiscales auront une vision d’ensemble,
pour chaque entreprise multinationale, des lieux de déclaration des bénéfices, des impôts
acquittés et des activités économiques exercées. Ces données permettront d’évaluer les
risques en matière de prix de transfert et d’autres pratiques de BEPS, afin d’affecter au mieux
les ressources disponibles lors des contrôles, qui seront ainsi plus efficaces.
Ce risque de concurrence pourrait être tempéré par la disponibilité des informations (action
12) ainsi que par l’exigence de transparence et de substance (action 5).
Cette agressivité risque de provoquer des doubles impositions. L’action 14, « Accroître
l’efficacité des mécanismes de règlement des différends » sera donc nécessaire !
C) Mise en œuvre
Le forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales est
le cadre multilatéral dans lequel les travaux sur la transparence et l'échange d'informations
ont été réalisés par les pays de l'OCDE et non-OCDE depuis 2000.
Les membres fondateurs du Forum mondial comprenaient des pays de l'OCDE et les
juridictions qui ont accepté de mettre en œuvre les normes de transparence et d'échange de
renseignements à des fins fiscales.
Le Forum mondial a été restructuré en septembre 2009 en réponse à l'appel du G20 pour
renforcer la mise en place de ces normes. Le Forum mondial compte désormais 125 membres
sur un pied d'égalité et est le premier organisme international ayant pour but d'assurer
3
http://www.idaireland.com/how-we-help/resources/infographics/knowledge-development-
box/IDA_KDB.pdf
l'application des normes convenues au niveau international de transparence et d'échange de
renseignements dans le domaine fiscal. À travers un processus approfondi d'examen par les
pairs, le Forum mondial restructuré surveille le fait que ses membres appliquent pleinement la
norme de transparence et d'échange de renseignements qu'ils se sont engagés à mettre en
œuvre. Il travaille également pour établir des règles du jeu équitables, y compris parmi les
pays qui n'ont pas rejoint le Forum mondial.
Il y a maintenant une reconnaissance générale que tous les gouvernements doivent mettre en
œuvre les normes internationales de transparence et d'échange de renseignements si l’on
souhaite que l'évasion fiscale internationale soit combattue avec succès. Le mandat du Forum
mondial est de promouvoir la mise en œuvre rapide de ces normes. Il est également chargé à
veiller à ce que les pays en développement bénéficient du nouvel environnement de
transparence.
Le Forum mondial s’assure que ces normes élevées de transparence et d'échange de
renseignements à des fins fiscales sont en place partout dans le monde grâce à son suivi et
les activités d'examen par les pairs, l'assistance technique, l'apprentissage entre pairs et le
soutien des compétences.
Tous les membres du Forum Mondial, ainsi que les juridictions identifiées par le Forum
Mondial comme pertinentes pour ses travaux, sont soumis à un examen par les pairs de leur
cadre juridique et réglementaire pour la transparence et l'échange de renseignements à des
fins fiscales et de la mise en œuvre des normes dans la pratique. Le processus d'examen par
les pairs, menée en deux phases, est supervisé par 29 membres du Forum mondial qui sont
membres du comité d’examen par les pairs (PRG). Le PRG se réunit trois à quatre fois par
an en moyenne, et discute et approuve les rapports d'examen par les pairs, qui sont ensuite
soumis pour adoption au Forum mondial.
Le Forum a fait et fait ses preuves dans le domaine des normes d’échange d’information. Il
est la structure qui aura pour mission l’application et le contrôle du projet BEPS.
4
Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales
Transparence fiscale 2014 Rapport de progrès
We are now seeing a gradual realignment, by both MNEs and tax authorities, towards the post-
BEPS landscape. Since the revised rules agreed in the BEPS project are far from clear, it is
hard to discern how they are being interpreted or what the outcomes will be.
Facebook could pay millions of pounds in UK tax after approving fundamental changes to its
corporate structure in Europe.5
Sur la base des recommandations de l'OCDE, de nombreux pays ont commencé à étudier des
changements de leurs lois fiscales nationales. Certains points d'action auront un impact
immédiat sur les multinationales (par exemple, les prix de transfert, actions 8 à 10 et action
13), tandis que d'autres nécessitent des modifications des lois ou des modifications des traités
(par exemple action 7).
Les normes envisagées auront pour conséquence une homogénéisation des bases ; la
concurrence va donc porter sur les taux : début mars, la Grande Bretagne a annoncé une
baisse du taux d’imposition des bénéfices :
« Budget measure marked another step on a seemingly inexorable journey that has seen the
UK’s corporation tax drop from 28 per cent in 2008 to 20 per cent now. In four years’ time, it
will fall to just 17 per cent, 4.5 percentage points above the rate in Ireland, one of the lowest
in the world. »7
ACTION 1 : Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique (290 pages)
La plupart des régimes fiscaux internationaux ont été conçus bien avant l’émergence de
l’économie numérique. L’Action 1 aborde les défis fiscaux qui ont surgi à la suite de la
numérisation du commerce et de l’économie mondiale. De façon générale, l’Action 1 cerne
quatre principales préoccupations en matière de politique fiscale soulevées par l’économie
numérique :
- le lien d’une personne avec un territoire où elle n’a pas de présence physique;
- l’attribution d’une valeur à des opérations dans le cadre desquelles des données sont
recueillies, utilisées ou fournies;
- la caractérisation de revenus tirés de nouveaux produits et services numériques.
- l’assurance de la collecte efficace de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou de la taxe sur les
produits et services (TPS) à l’égard de l’approvisionnement transfrontalier en produits et
services numériques.
5
SOL PICCIOTTO - http://www.taxjustice.net/2016/03/07/google-facebook-and-a-gradual-
realignment-to-the-post-beps-landscape/
6
The Guardian http://www.theguardian.com/technology/2016/mar/04/facebook-pay-millions-
more-uk-tax-reports
7
Sarah Gordon and Vanessa Houlder – Financial Times
http://www.ft.com/intl/cms/s/0/874d250e-ec3d-11e5-bb79-2303682345c8.html#axzz43ffpHrVj
8
source : les 15 rapports OCDE
Le rapport final sur l’Action 1 est essentiellement axé sur la première et la dernière de ces
préoccupations.
En conséquence,
- Il a été convenu de modifier la liste des exceptions à la définition de l’établissement permanent
(PE) :
o pour veiller à ce que chacune des exceptions figurant dans ce document soit limitée à des
activités qui ont par ailleurs un caractère "préparatoire ou auxiliaire",
o et d'introduire une nouvelle règle anti-fragmentation afin de s’assurer qu'il est impossible de
bénéficier de ces exceptions par la fragmentation des activités commerciales entre des
entreprises étroitement liées. Ainsi, par exemple, un entrepôt, où un certain nombre de
salariés remplissent des commandes passées en ligne auprès d’un détaillant d’un autre
territoire de compétence, serait considéré comme un établissement stable, aux termes de
cette recommandation
- Il a également été convenu de modifier la définition du PE pour tenir compte des circonstances
dans lesquelles des arrangements artificiels relatifs aux ventes de biens ou services d'une
entreprise dans un groupe multinational aboutissent effectivement à la conclusion de contrats,
tels que les ventes devraient être traitées comme si elles avaient été faites par cette société.
- Selon le guide révisé sur les prix de transfert, il doit être clair que la propriété juridique seule
ne génère pas nécessairement un droit à tout ou partie des revenus du retour générés par
l'exploitation de l'immatériel, mais que les sociétés du groupe exerçant des fonctions
importantes, détenant des actifs et courant des risques importants, ont droit à un rendement
approprié.
L'économie numérique crée également des défis pour la collecte de la TVA, en particulier
lorsque des biens, des services et des biens incorporels sont acquis par les consommateurs
privés auprès de fournisseurs à l'étranger. La « Task Force on the Digital Economy » (TFDE)
a discuté et analysé un certain nombre d'options possibles pour relever ces défis, notamment
grâce à une analyse de leur incidence économique, et a conclu que :
- La possibilité de modifier les exceptions au statut PE, afin de veiller à ce qu'elles ne soient
disponibles que pour les activités qui sont en fait préparatoires ou auxiliaires, devrait être mis
en œuvre à travers le réseau de conventions fiscales existantes d'une manière synchronisée
et efficace via la conclusion de l'instrument multilatéral qui modifie les conventions fiscales
bilatérales dans l’action 15.
- La perception de la TVA sur les transactions transfrontalières, en particulier celles entre les
entreprises et les consommateurs, est une question importante. Il est donc recommandé aux
pays d'appliquer les principes INTERNATIONAL VAT/GST GUIDELINES10 et d'envisager la
mise en place des mécanismes de collecte qui y sont inclus.
En France, le gouvernement a présenté un projet de loi pour la taxation des GAFA, sur la base
du chiffre d’affaires.
9
https://www.osler.com/fr/ressources/reglements/2015/rapports-finaux-2015-du-projet-beps-
reforme-de-l
10
INTERNATIONAL VAT/GST GUIDELINES - November 2015
ACTION 2 : Neutraliser les effets des dispositifs hybrides (458 pages)
Un montage hybride survient lorsque, en raison de différences dans le traitement fiscal dans
deux territoires, la même opération donne lieu à des résultats fiscaux incompatibles. Par
exemple, un montage hybride peut découler d’un instrument hybride (tel un instrument qui
peut être considéré comme une dette dans le pays A, mais comme un actif dans le pays B)
ou d'une entité hybride (telle une entité qui est une société de personnes dans le pays A, mais
une société par actions dans le pays B)
Cette nouvelle approche contribuera à limiter les cas de double non-imposition en neutralisant
les avantages fiscaux qui découlent des asymétries, en mettant un terme aux déductions
multiples et coûteuses au titre d’une même dépense, aux déductions opérées dans un pays
sans imposition correspondante dans l’autre pays et à la génération de plusieurs crédits
d’impôt étrangers pour un seul impôt étranger acquitté. En neutralisant l’asymétrie des
résultats fiscaux, ces règles empêcheront l’utilisation des dispositifs hybrides à des fins
d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, sans avoir d’effets négatifs sur
le commerce et l’investissement à l’international.
Ces types d'arrangements sont très répandus et entraînent une érosion importante des bases
imposables des pays concernés. Ils ont un impact global négatif sur la concurrence, l'efficacité,
la transparence et l'équité.
EXEMPLE HYBRIDES
La règle principale s'appliquerait de manière à refuser une déduction pour un paiement dans
le territoire du payeur s'il n’est pas inclus dans le revenu imposable dans le territoire du
bénéficiaire, ou lorsqu'il est aussi déductible dans le territoire du bénéficiaire. Si la règle
principale n’est pas appliquée, la règle secondaire du territoire du bénéficiaire devrait
s’appliquer de manière à inclure le montant dans le revenu, ou à refuser la déduction.
11
https://www.gov.uk/government/news/budget-2016-some-of-the-things-weve-announced
Le rapport final reconnaît que pour rendre ses recommandations efficaces, il faudra un fort
degré d’intégration et de coordination entre les pays. Le nombre et la grande complexité des
montages et des transactions qui pourraient donner lieu à un montage hybride (le rapport final
fait quelque 450 pages, dont près de 300 pages d’exemples et de principes directeurs). La
mise en œuvre des recommandations sera une entreprise délicate si les pays adoptent
différentes versions des propositions, à des moments différents.
Dans le cadre de l’action 3, un État pourrait imposer une société résidente sur sa part des
résultats transférés dans une société étrangère contrôlée, implantée dans un autre État et qui
y bénéficie d’un régime fiscal privilégié.
12
http://www.legislation.gov.uk/
13
https://www.irs.gov/pub/int_practice_units/DPLCUV_2_01.PDF
- Les groupes recourent à l’emprunt auprès de parties liées ou aux prêts intragroupes pour
financer la production d’un revenu exonéré d’impôt.
14
https://www.gov.uk/government/news/budget-2016-some-of-the-things-weve-announced
Dépenses locales admissibles,
engagées pour le développement Revenu global de Revenu pouvant
de l’actif incorporel x l’actif incorporel = bénéficier d’un régime de
Dépenses totales engagées pour le faveur local
développement de l’actif incorporel
Aucun nouveau bénéficiaire, non conforme à ces règles, ne pourra être accepté après le 30
juin 2016.
Dans le domaine de la transparence, un cadre couvrant toutes les décisions qui pourraient
donner lieu à des préoccupations BEPS en l'absence d'échange spontané obligatoire a été
convenu.
Une surveillance continue et d'un mécanisme d'examen couvrant les régimes préférentiels, y
compris les régimes de propriété intellectuelle, et le cadre de la transparence a été convenu
et vont maintenant être mis en place.
Le forum sur les pratiques fiscales dommageables (FHTP) a décidé d’élaborer un cadre
général des « best practices ».
Un échange d’informations sur les « rulings » ci-dessus doit être mis en place entre :
- Les pays de résidence de toutes les parties liées avec lesquelles le contribuable conclut une
transaction, pour laquelle une décision est accordée ou qui donne lieu à des revenus
provenant de parties liées qui bénéficient d'un traitement préférentiel,
- Le pays de résidence de la société mère ultime ou immédiate
ACTION 6 : Empêcher l’octroi des avantages des conventions fiscales lorsqu'il est
inapproprié d'accorder ces avantages (106 pages)
Les nouvelles règles anti-abus présentées concernent en premier lieu les stratégies de
chalandage fiscal par lesquelles une personne qui n’est pas résidente d’un État contractant
tente d’obtenir les avantages d’une convention fiscale conclue par cet État.
De nouvelles modifications à apporter au Modèle de Convention fiscale de l’OCDE ont été
approuvées afin que les conventions ne fassent pas obstacle, involontairement, à l’application
de règles nationales anti-abus.
Pour atteindre cet objectif, les pays peuvent opter pour une approche reposant sur une règle
de limitation des avantages et sur la prise en compte du « critère des objectifs principaux ». Il
est donc proposé que l’article 10 des conventions modèle OCDE soit ainsi modifié :
« Nonobstant les autres dispositions de la présente Convention, un avantage en vertu de la
présente Convention ne peut être accordée à l'égard d'un élément de revenu ou de capital s'il
est raisonnable de conclure, compte tenu de tous les faits pertinents et circonstances, que
l'obtention de cet avantage a été l'un des principaux objectifs de tout arrangement ou
transaction, à moins qu'il ne soit établi que l'octroi de cet avantage dans ces circonstances
serait être en conformité avec l'objet et le but des dispositions pertinentes du présent
Convention. »
L’une des conséquences du critère de l’objectif principal est qu’il donnerait lieu à beaucoup
d’incertitude et qu’il réduirait les investissements. Plus particulièrement, la nature ambiguë de
ce critère et ses difficultés d’interprétation pourrait mener les autorités fiscales à refuser les
avantages prévus par une convention dans pratiquement toutes les situations (car
pratiquement toutes les situations où une convention fiscale s’applique donnent lieu à un
avantage fiscal).
ACTIONS 8/10 : Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur (190
pages)
Les normes internationales en vigueur pour les règles de prix de transfert peuvent être
détournés afin d’aboutir à des résultats pour lesquels la répartition des bénéfices ne
corresponde pas à l'activité économique qui a produit les bénéfices. Les Actions 8-10 du Plan
d'action BEPS ont analysé ce problème, afin que les résultats soient alignés sur la création de
valeur.
En matière de prix de transfert, l’OCDE proposait les méthodes suivantes, reprises notamment
par l’administration française15 :
Le rapport affirme que la norme internationale en place concernant les règles sur les prix de
transfert, soit le principe de pleine concurrence, peut être appliquée à tort, de sorte qu’il est
possible que dans les résultats, le partage des bénéfices ne corresponde pas à l’activité
économique qui a généré les bénéfices. Cette éventuelle application erronée est fondée sur
la perception que le principe de pleine concurrence accorde une trop grande importance aux
attributions contractuelles des fonctions, aux actifs et aux risques, ce qui pourrait mener à des
résultats qui ne correspondent pas à la valeur créée par l’activité économique sous-jacente
exercée par les membres d’un groupe multinational.
L’OCDE fournit par ailleurs des exemples expliquant la façon de compléter ou remplacer les
dispositions contractuelles par la « transaction réelle ».
15
Direction générale des impôts (France) - Les prix de transfert Guide à l’usage des PME -
2006
Le rapport final reconnaît que, lorsque le contribuable peut démontrer de façon satisfaisante
ce qui était prévisible au moment de la transaction et qui se traduisait dans les hypothèses de
prix, et que les faits nouveaux qui ont mené à l’écart entre les projections et les résultats sont
le fruit d’événements imprévisibles, les administrateurs fiscaux ne seront pas habilités à faire
des ajustements aux dispositions ex-ante en matière d’établissement des prix, en fonction des
résultats ex post.
L’action 8 examine notamment les questions de prix de transfert relatifs aux opérations portant
sur les actifs incorporels, car une mauvaise répartition des bénéfices générés par les actifs
incorporels a contribué à l'érosion de la base et le transfert de bénéfices. Les pays ont décidé
d’appliquer aux régimes préférentiels applicables à la propriété intellectuelle (PI) l’approche
du lien qui demande que soient mis en regard les avantages fiscaux éventuellement accordés
et l’existence d’une activité significative de recherche-développement.
Les taux de profit des filiales de multinationales situées dans des pays à faible imposition des
bénéfices sont plus élevés que le taux de profit mondial moyen de leur groupe. Par exemple,
les taux de profit déclarés par des filiales situées dans des pays à faible imposition sont deux
fois plus élevés que le taux de profit mondial moyen du groupe.
Les taux d'imposition effectifs supportés par les grandes entités multinationales sont estimés
à 4 à 8½ points de pourcentage inférieur à celui des entreprises similaires réalisant
uniquement des opérations domestiques.
Les investissements directs étrangers sont de plus en plus concentrés. Dans les pays où
l’investissement étranger représente plus de 200% du PIB, il était 38 fois plus élevé que dans
tous les autres pays en 2005 et 99 fois plus élevé en 2012 !
La dette vis à vis de sociétés liées ou indépendantes est plus concentrée pour les filiales des
multinationales dans les pays à taux élevés d'imposition.
Le rapport final préconise que l’OCDE collabore avec les États pour qu’ils recueillent et
analysent davantage de statistiques sur l’imposition des entreprises, et qu’ils les présentent
de manière cohérente. Les recommandations contenues dans le rapport à cet égard visent
principalement :
- à améliorer l’accès aux données et l’analyse des données existantes,
- et à proposer la collecte de données nouvelles au titre de l'Action 5 (Lutter plus efficacement
contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la
substance), de l'Action 13 (Documentation des prix de transfert et déclarations pays par pays),
et de l'Action 12 (Règles de communication obligatoire d’informations) du Projet BEPS.
Le fait d’améliorer l’accès aux données devrait permettre aux administrations et aux
chercheurs d’être davantage à même, dans le futur, de suivre et de mesurer le phénomène
BEPS ainsi que les actions engagées pour l’enrayer.
Les recommandations offrent la latitude nécessaire pour trouver un juste équilibre entre la
nécessité pour l’administration fiscale d’obtenir, en temps utile, des renseignements de
meilleure qualité et les contraintes de respect des règles pour les contribuables.
Le rapport recommande que les pays introduisant des régimes de divulgation obligatoire :
- imposent une obligation de divulgation à la fois au conseil ou à l’organisateur et au
contribuable,
- énoncent des sanctions (y compris des sanctions non monétaires) pour assurer la conformité
avec les régimes de divulgation obligatoire qui sont compatibles avec leur législation nationale
générale
ACTION 13 : Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays (74
pages)
Dans de nombreux pays, les entreprises multinationales doivent tenir à disposition de
l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert
pratiquée dans le cadre des transactions. En France, l’article L 13 AA du livre des procédures
fiscales impose la présentation :
- d’informations générales sur le groupe,
- d’informations spécifiques sur l’entreprise vérifiée,
- ainsi que les Interprétations, instructions et circulaires, etc. … prises par les administrations
fiscales étrangères.
En premier lieu, les orientations relatives à la documentation des prix de transfert prévoient
que les entreprises multinationales doivent communiquer aux administrations fiscales des
informations générales concernant leurs activités et leur politique de prix de transfert à l’échelle
mondiale, au moyen d’un « fichier principal » qui serait mis à la disposition de toutes les
administrations fiscales des pays concernés.
En deuxième lieu, des renseignements sur les prix de transfert axés sur l’aspect transactionnel
doivent également être communiqués au moyen d’un « fichier local » spécifique à chaque
pays, indiquant les opérations pertinentes entre parties liées, les montants que ces opérations
mettent en jeu, et l’analyse par l’entreprise des prix de transfert qu’elle a fixés au titre de ces
opérations.
En troisième lieu, les grandes entreprises multinationales sont tenues de déposer chaque
année une déclaration pays par pays indiquant pour chacune des juridictions fiscales où elles
exercent des activités, le montant de leur chiffre d’affaires, leur bénéfice avant impôts, les
impôts sur les bénéfices qu’elles ont acquittés et ceux qui sont dus. Elles doivent également y
indiquer leur nombre d’employés, leur capital social, leurs bénéfices non distribués et leurs
actifs corporels dans chaque juridiction fiscale. Enfin, elles doivent identifier dans cette
déclaration chacune des entités du groupe qui exerce des activités dans une juridiction fiscale
donnée et, pour chacune d’elles, indiquer la nature de ces activités.
Ces nouvelles exigences en matière de déclaration pays par pays sont à mettre en œuvre
pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016 et s’appliquent, sous réserve de
l’examen prévu en 2020, aux entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires annuel
consolidé est égal ou supérieur à 750 millions d’euros. Il est entendu que certains pays
puissent avoir besoin de temps pour suivre leur processus législatif interne notamment afin de
procéder aux ajustements nécessaires à la loi.
TABLEAU 1 : Vue d’ensemble de la répartition des bénéfices, des impôts et des
activités par juridiction fiscale
NOM DU GROUPE D’ENTREPRISES MULTINATIONALES :
EXERCICE FISCAL CONSIDÉRÉ :
MONNAIE UTILISÉE :
Juridiction fiscale
Partie
Chiffre indépendante
d’affaires Partie liée
Total
Bénéfice (perte) avant impôt
Impôt sur les bénéfices
acquittés (sur la base des
règlements effectifs
Impôts sur les bénéfices dus
(année en cours
Capital social
Bénéfices non distribués
Nombre d’employés
Actifs corporels (hors trésorerie
et équivalents de trésorerie)
Dans l’Union Européenne, selon un projet de directive, les groupes multinationaux situés au
sein de l'Union ou exerçant leurs activités dans l'Union dont le revenu total consolidé est égal
ou supérieur à 750 millions d’euros devront remplir des déclarations pays par pays. Les
autorités compétentes des États membres qui recevront ces déclarations devront
automatiquement les communiquer aux États membres dans lesquels une ou plusieurs entités
du groupe ont leur résidence fiscale ou sont soumises à l'impôt sur les activités exercées par
un établissement stable. 16
Une dispute oppose les tenants de l’intégration de cette directive dans le dispositif comptable,
ce qui donnerait aux informations un caractère public, et les partisans de son caractère fiscal
donc « discret ».
16
https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/tax-cooperation-control/administrative-
cooperation/enhanced-administrative-cooperation-field-direct-taxation/country-country-
reporting_fr
En France, une nouvelle obligation de documentation est introduite dans le cadre de
l’application de l’action 13, qui complète, pour la France, les obligations résultant de l’article L
13 AA du LPF et 223 quinquies A du CGI. Il s’agit d’une déclaration pays par pays prévue par
l’article 223 quinquies C du CGI, pour :
- les groupes établis en France qui réalisent un chiffre d'affaires annuel hors taxes consolidé
supérieur ou égal à 750 millions d'euros et qui établissent des comptes consolides, détiennent
ou contrôlent des sociétés ou des succursales hors de France et ne sont pas détenues par
des sociétés françaises ou étrangères déjà̀ soumises à̀ cette déclaration ;
- les sociétés établies en France et appartenant à̀ un groupe étranger répondant à ces critères
lorsqu'elles ont été́ désignées par le groupe à cette fin, ou qu'elles ne peuvent démontrer
qu'une autre entité́ française ou étrangère a été́ désignée à cette fin. Cela vise notamment les
filiales françaises de groupes établis dans un État qui n'aurait pas mis en place le "reporting"
pays par pays.
Ce dispositif a été introduit en droit fiscal français, malgré une censure partielle du Conseil
Constitutionnel.17
La norme minimale :
- Veillera à ce que les obligations conventionnelles liées à la procédure amiable soient
pleinement mises en œuvre de bonne foi et que les cas du MAP soient résolus en temps
opportun ;
- Assurera la mise en œuvre des processus administratifs qui favorisent la prévention et la
résolution rapide des litiges liées aux traités ;
- Veillera à ce que les contribuables puissent accéder aux MAP lorsque éligibles.
Malgré les recommandations dans le rapport final quant à l’Action 14, les différends fiscaux
relatifs au BEPS à l’échelle internationale devraient enregistrer une forte hausse. Plus
particulièrement, le rapport final combine des règles suffisamment ambiguës à un vaste accès
à des données financières, ce qui fera inévitablement en sorte que bien des pays tenteront de
percevoir des recettes fiscales supplémentaires auprès des sociétés. En l’absence de règles
de répartition particulières pour éviter la double imposition, ou d’un mécanisme de résolution
des différends rapide et contraignant, les contribuables pourraient se trouver souvent pris entre
deux feux.
« Le fait d'aller de l’avant avec les autres recommandations relatives au BEPS avant la mise
en œuvre complète de mécanismes de résolution de différends efficaces est comme envoyer
17
Cf ; déclaration 2258 SD présentée dans le document n° 4 « prix de transfert »
une voiture neuve dévaler une pente, avant d’avoir vérifié (ou même, dans certains cas,
installé) les freins. »18
CONVENTION MULTILATÉRALE
POUR LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES RELATIVES
AUX CONVENTIONS FISCALES
POUR PRÉVENIR L’ÉROSION DE LA BASE
D’IMPOSITION ET LE TRANSFERT DE BÉNÉFICES
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https://www.osler.com/fr/ressources/reglements/2015/rapports-finaux-2015-du-projet-
beps-reforme-de-l
Les dispositifs L’instrument multilatéral doit permettre d’éviter la double
hybrides (action 2) exonération dans les deux États concernés
Deux types de clause anti-abus sont désormais inclus dans le
modèle de convention fiscale de l’OCDE :
- la clause «limitation on benefits» (clause LoB) ;
- la clause «principal purpose test» (clause PPT).
La clause LoB prévoit des critères objectifs pour limiter le «treaty
Shopping» (e.g. actionnariat, structure juridique) tandis que la
clause PPT porte sur des critères plus subjectifs (la transaction a-
L’utilisation abusive t-elle un but principalement fiscal ?).
des conventions
fiscales Une Convention fiscale couverte est modifiée pour inclure le texte
(action 6) du préambule suivant :
« Entendant éliminer la double imposition à l’égard d’impôts visés
par la présente Convention, et ce, sans créer de possibilités de
non-imposition ou d’imposition réduite via des pratiques d’évasion
ou de fraude fiscale/évitement fiscal* (résultant notamment de la
mise en place de stratégies de chalandage fiscal destinées à
obtenir des allègements prévus dans la présente convention au
bénéfice indirect de résidents de juridictions tierces), »
Lorsqu’une personne agit dans une Juridiction contractante ayant
conclu une Convention fiscale couverte, pour le compte d’une
entreprise et, ce faisant, conclut habituellement des contrats ou
joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de
Les mesures visant à contrats et que ces contrats sont :
éviter le statut a) - au nom de l’entreprise ; où
d’établissement stableb) - pour le transfert de la propriété́ de biens appartenant à̀ cette
(action 7) entreprise ou pour la concession du droit d’utiliser de tels biens ou
des biens que l’entreprise a le droit d’utiliser ; où
c) - pour la prestation de services par cette entreprise,
Cette entreprise est considérée comme ayant un établissement
stable dans cette Juridiction contractante
PROCEDURE AMIABLE
Lorsqu’une personne estime que les mesures prises par une
Juridiction contractante ou par les deux Juridictions contractantes
entrainent ou entraineront pour elle une imposition non conforme
aux dispositions de la Convention fiscale couverte, elle peut,
L’amélioration du indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces
règlement des Juridictions contractantes, soumettre son cas à l’autorité́
différends compétente de l’une ou l’autre des Juridictions contractantes. Le
(action 14) cas doit être soumis dans les trois ans qui suivent la première
notification de la mesure qui entraine une imposition non conforme
aux dispositions de la Convention fiscale couverte.
ARBITRAGE
Une Partie peut choisir d'appliquer cette partie à ses Conventions
fiscales couvertes et le notifie au Dépositaire. (OCDE) Cette partie
s’applique entre deux Juridictions contractantes à l’égard d'une
Convention fiscale couverte uniquement lorsque les deux
Juridictions contractantes ont formulé́ une telle notification.
Étape 1 : Il convient tout d’abord de déterminer si l’IM estl en vigueur pour les deux juridictions
contractantes ayant conclu la convention fiscale ? (Les Juridictions contractantes sont-elles
parties de l’IM ?). A ce jour, le Maroc n’est pas encore partie prenante.
Étape 2 : La convention fiscale est-elle notifiée dans les positions sur l’IM des deux Juridictions
contractantes, à leur liste de conventions à être couvertes par l’IM ?
Étape 3 :
Est-ce que l’une des Juridictions contractantes se réserve le droit de ne pas appliquer une
disposition de l’IM ?
Est-ce que les deux Juridictions contractantes ayant conclu la Convention fiscale couverte
décident d’appliquer une disposition facultative de l’IM ?
Étape 5 : Les dispositions de l’IM prennent effet dans les Juridictions contractantes aux fins
d’une Convention fiscale couverte à des moments différents pour les impôts prélevés à la
source par rapport à̀ tous les autres impôts perçus par une Juridiction contractante.
8) S’agissant des impôts prélevés à la source, la prise d’effet est au 1er jour de l’année
civile suivante,
9) S'agissant de tous les autres impôts perçus par cette Juridiction contractante, la prise
d’effet est à l’expiration d’une période de 6 mois.
Le MLI est donc entré en vigueur au 1er janvier 2019 pour la France. Naturellement, il n’aura
vocation à s’appliquer que dans les relations avec des États ayant également déposé leur
instrument de ratification.