Vous êtes sur la page 1sur 24

2018/2019

FISCALITE INTERNATIONALE
F TURQ - Université Paris Descartes

DOSSIER N° 5 : G 20, OCDE, BEPS

La maitrise subtile des droits internes et des conventions fiscales, dites de « non double
imposition », par les entreprises et leurs conseils, ont eu souvent pour effet la « double non-
imposition ».
Le problème n’est pas nouveau :
Recently more and more enterprises organized abroad by American firms have arranged their
corporate structures aided by artificial arrangements between parent and subsidiary regarding
intercompany pricing, the transfer of patent licensing rights, the shifting of management fees,
and similar practices […] in order to reduce sharply or eliminate completely their tax liabilities
both at home and abroad. »
Président Kennedy, déclaration datant de 1961

Une réaction politique est intervenue ces dernières années : lors de la réunion du G20 de
Saint-Pétersbourg des 5 et 6 septembre 2013, les chefs d'État des grands pays de la planète
y ont engagé de nouvelles politiques pour endiguer l’évasion fiscale des entreprises
multinationales.
A la même époque, le montant de l'argent public perdu chaque année dans l'Union
européenne à cause de l'évasion fiscale, était évalué à 1.000 milliards d'euros, d'après le
Parlement européen.

I - OCDE et BEPS
A) Historique
Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) refers to tax planning strategies that exploit these
gaps and mismatches in tax rules to artificially shift profits to low or no-tax locations where
there is little or no economic activity, resulting in little or no overall corporate tax being paid.
BEPS is of major significance for developing countries due to their heavy reliance on corporate
income tax, particularly from multinational enterprises (MNEs).1

Enrayer l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS selon l’acronyme


anglais) est une priorité absolue pour les pouvoirs publics partout dans le monde.
Au-delà de la sécurisation des recettes fiscales en réalignant l’impôt sur les activités
économiques et la création de valeur, le Projet BEPS mené par l’OCDE et par le G20 vise à
créer un ensemble unique de règles fiscales internationales fondées sur le consensus,
afin de protéger les bases d’imposition tout en augmentant la sécurité et la prévisibilité pour
les contribuables

1
http://www.oecd.org/ctp/beps-about.htm
Le plan d'action BEPS approuvé par le G20 en Juillet 2013 a identifié 15 domaines clés à
traiter.
Le paquet BEPS final, qui comprend et consolide les rapports intérimaires de 2014 a été
élaboré et approuvé en deux ans seulement. Ce paquet a été présenté par le Secrétaire
général de l'OCDE Angel Gurría au G20 des ministres des Finances lors de leur réunion du 8
Octobre 2015 à Lima et ensuite aux dirigeants du G20 lors de leur sommet à Antalya les 15-
16 Novembre 2015.
Les groupes de travail comprenaient, outre les pays membres de l’OCDE et du G20 :
- 14 developing countries, ATAF (African Tax Administration Forum), CREDAF (Center of Tax
Administration Directors), CIAT (Inter American Center of Tax Administrations)
- 60 developing countries via regional networks2

Tous les acteurs sont conscients que le succès du projet repose sur l’adhésion du plus grand
nombre. Pour le directeur du centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE, « BEPS
est inclusif ».

Un accord a été trouvé sur un ensemble complet de mesures conçues pour être
transposées dans les législations nationales et dans les conventions fiscales selon une
approche coordonnée, qui pourra s’appuyer sur des mécanismes de suivi ciblés et sur une
transparence accrue.
L’ensemble des mesures issues du Plan d'action BEPS représente le premier remaniement
d’importance – et longtemps attendu – des standards fiscaux internationaux depuis près d’un
siècle.
Les pays s’engagent désormais à adopter cet ensemble compréhensible de mesures. Celles-
ci comprennent notamment de nouveaux standards minimums, des remises à niveau de
standards fiscaux existants, des approches communes qui faciliteront la convergence des
pratiques nationales, et des orientations fondées sur les bonnes pratiques.
En adoptant les mesures issues du projet BEPS, les pays de l’OCDE et du G20 et les pays en
développement qui ont pris part aux travaux poseront les fondations d’un cadre modernisé
pour la fiscalité internationale, dans lequel les bénéfices sont imposés là où les activités
économiques sont exercées et où la valeur est créée.
Certaines modifications peuvent être introduites sans délai, comme les révisions des principes
applicables en matière de prix de transfert, tandis que d’autres supposent des changements
qui pourront être adoptés par l’intermédiaire des conventions fiscales et notamment de
l’instrument multilatéral.

Il y a des limites à la mise en pratique de telles recommandations, qui sont autant de défis
posés à BEPS :
- Mise en place efficiente si et seulement si consensus général, coordonné et simultané de tous
les États à l’échelle globale ;
- Efficacité de la mise en place de telles mesures entièrement dépendant de l’action des États.

Approches à retenir pour les différentes parties prenantes au rapport BEPS


ÉTATS ENTREPRISES MULTINATIONALES ET
LEURS CONSEILS
- - Actions simultanées et coordonnées de - - Analyse des structures existantes.
tous les États au niveau mondial. - - Management proactif tant pour les
- - Travail en étroite collaboration avec structures présentes que futures.
l’OCDE dans le cadre des différents travaux
- - Proactivité et rôle actif dans le cadre des
issus du rapport BEPS. discussions autour du rapport BEPS de
l’OCDE

2
https://www.oecd.org/ctp/48993634.pdf
B) Contenu du « BEPS Package »
On y trouve :
- Des standards de base,
- Un renforcement des normes internationales concernant les conventions fiscales et les prix de
transfert,
- Une approche commune de « best practices » en matière de droit interne,
- Des rapports analytiques avec des recommandations (économie numérique et instruments
multilatéraux),
- Des rapports détaillés sur la mesure du « BEPS »

Grâce à la déclaration normalisée pays par pays et aux nouvelles exigences en matière de
documentation des prix de transfert, les administrations fiscales auront une vision d’ensemble,
pour chaque entreprise multinationale, des lieux de déclaration des bénéfices, des impôts
acquittés et des activités économiques exercées. Ces données permettront d’évaluer les
risques en matière de prix de transfert et d’autres pratiques de BEPS, afin d’affecter au mieux
les ressources disponibles lors des contrôles, qui seront ainsi plus efficaces.

Les rapports, initialement publiés en anglais, sont progressivement présentés en version


française.
La structure de l’ensemble des 15 rapports présentés en octobre 2015 est la suivante :

15 ACTIONS AROUND 3 MAIN PILLARS


COHERENCE SUBSTANCE TRANSPARENCE &
CERTITUDE
Neutraliser les effets des Empêcher l’octroi des Mesurer et suivre les données
dispositifs hybrides avantages des conventions relatives au BEPS
(2) fiscales lorsqu'il est inapproprié (11)
d'accorder ces avantages (6)
Concevoir des règles Empêcher les mesures visant à Règles de communication
efficaces concernant les éviter artificiellement le statut obligatoire d'information
sociétés étrangères d’établissement stable (12)
contrôlées (3) (7)
Limiter l’érosion de la base Transfer pricing aspects of Transfer Pricing
d’imposition faisant intangibles (8) Documentation and Country-
intervenir les déductions by-Country Reporting (13)
d’intérêts et d’autres frais
financiers (4)
Lutter plus efficacement Transfer pricing, risk & Accroître l’efficacité des
contre les pratiques fiscales capital (9) mécanismes de règlement des
dommageables, en prenant Transfer pricing high risk différends
en compte la transparence transactions (10) (14)
et la substance (5)
Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique (1)
Élaboration d’un instrument multilatéral pour modifier les conventions fiscales bilatérales
(15)

L’ensemble représente 1931 pages en version anglaise !


On remarque que :
- l’action 2 représente à elle seule 458 pages,
- le problème des prix de transfert est traité dans 4 des 15 actions !
Les pays de l’OCDE et du G20 se sont engagés à définir une proposition pour accompagner
la mise en œuvre et le suivi des mesures issues du projet BEPS, permettant la participation
des pays et juridictions sur un pied d’égalité.

Il devrait résulter de l’action BEPS une modification profonde de la pratique fiscale :

Entre les États


Suite à l’ensemble des travaux de l’OCDE et aux conséquences qu’ils ont et continueront à
avoir, la concurrence fiscale à laquelle se livrent les États s’en trouvera renforcée.
Dans un monde où les règles de détermination de la base d’imposition seraient fixées et
définies par des entités supranationales, la concurrence fiscale serait amenée à se concentrer
autour des taux d’imposition, et des régimes spéciaux (eux-mêmes visés par le rapport BEPS).

Exemples : Abaissement des taux d’impositions, « Knowledge Development Box » en Irlande


et dans d’autres pays européens (Irlande, France, Belgique, Hongrie, Luxembourg, Pays Bas,
Espagne et Royaume Uni), « Patent Box » aux États-Unis.

Knowledge Development Box adds a further dimension to Ireland’s ‘best-in-class’ Tax


offering
- A Tax Rate of 6.25% will apply to profits arising to certain Intellectual Property Assets which
are the result of qualifying Research & Development activity carried out in Ireland
- Qualifying Intellectual Property assets are patented inventions and copyrighted software
- The KDB will take effect 1 January 2016
- Encourage companies to develop IP in Ireland that have a high ‘value add’ for the Irish
economy
- This is the first and only KDB (Knowledge Box or Patent Box) in the world to meet the
OECD’s ‘modified nexus’ standard3

Ce risque de concurrence pourrait être tempéré par la disponibilité des informations (action
12) ainsi que par l’exigence de transparence et de substance (action 5).

Au niveau des États :


Agressivité accrue des administrations fiscales nationales remettant en cause les schémas
d’investissement internationaux.
Exemple : remise en cause de la structure entre l’Europe et le Canada utilisant des instruments
hybrides de type MRPS - mandatorily redeemable preferred shares - (i.e. hybrides ayant les
caractéristiques principales d’obligations convertibles).

Cette agressivité risque de provoquer des doubles impositions. L’action 14, « Accroître
l’efficacité des mécanismes de règlement des différends » sera donc nécessaire !

C) Mise en œuvre
Le forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales est
le cadre multilatéral dans lequel les travaux sur la transparence et l'échange d'informations
ont été réalisés par les pays de l'OCDE et non-OCDE depuis 2000.
Les membres fondateurs du Forum mondial comprenaient des pays de l'OCDE et les
juridictions qui ont accepté de mettre en œuvre les normes de transparence et d'échange de
renseignements à des fins fiscales.
Le Forum mondial a été restructuré en septembre 2009 en réponse à l'appel du G20 pour
renforcer la mise en place de ces normes. Le Forum mondial compte désormais 125 membres
sur un pied d'égalité et est le premier organisme international ayant pour but d'assurer

3
http://www.idaireland.com/how-we-help/resources/infographics/knowledge-development-
box/IDA_KDB.pdf
l'application des normes convenues au niveau international de transparence et d'échange de
renseignements dans le domaine fiscal. À travers un processus approfondi d'examen par les
pairs, le Forum mondial restructuré surveille le fait que ses membres appliquent pleinement la
norme de transparence et d'échange de renseignements qu'ils se sont engagés à mettre en
œuvre. Il travaille également pour établir des règles du jeu équitables, y compris parmi les
pays qui n'ont pas rejoint le Forum mondial.

Il y a maintenant une reconnaissance générale que tous les gouvernements doivent mettre en
œuvre les normes internationales de transparence et d'échange de renseignements si l’on
souhaite que l'évasion fiscale internationale soit combattue avec succès. Le mandat du Forum
mondial est de promouvoir la mise en œuvre rapide de ces normes. Il est également chargé à
veiller à ce que les pays en développement bénéficient du nouvel environnement de
transparence.
Le Forum mondial s’assure que ces normes élevées de transparence et d'échange de
renseignements à des fins fiscales sont en place partout dans le monde grâce à son suivi et
les activités d'examen par les pairs, l'assistance technique, l'apprentissage entre pairs et le
soutien des compétences.

Tous les membres du Forum Mondial, ainsi que les juridictions identifiées par le Forum
Mondial comme pertinentes pour ses travaux, sont soumis à un examen par les pairs de leur
cadre juridique et réglementaire pour la transparence et l'échange de renseignements à des
fins fiscales et de la mise en œuvre des normes dans la pratique. Le processus d'examen par
les pairs, menée en deux phases, est supervisé par 29 membres du Forum mondial qui sont
membres du comité d’examen par les pairs (PRG). Le PRG se réunit trois à quatre fois par
an en moyenne, et discute et approuve les rapports d'examen par les pairs, qui sont ensuite
soumis pour adoption au Forum mondial.

Le Forum a fait et fait ses preuves dans le domaine des normes d’échange d’information. Il
est la structure qui aura pour mission l’application et le contrôle du projet BEPS.

The post Base Erosion and Profit Shifting world


Les recommandations détaillées dans les rapports de l’OCDE sont conçues pour redéfinir les
bases d’imposition des multinationales et, éventuellement, à payer plus d'impôts en éliminant
sensiblement bon nombre des stratégies d'évitement fiscal utilisées actuellement.

4
Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales
Transparence fiscale 2014 Rapport de progrès
We are now seeing a gradual realignment, by both MNEs and tax authorities, towards the post-
BEPS landscape. Since the revised rules agreed in the BEPS project are far from clear, it is
hard to discern how they are being interpreted or what the outcomes will be.
Facebook could pay millions of pounds in UK tax after approving fundamental changes to its
corporate structure in Europe.5

Sur la base des recommandations de l'OCDE, de nombreux pays ont commencé à étudier des
changements de leurs lois fiscales nationales. Certains points d'action auront un impact
immédiat sur les multinationales (par exemple, les prix de transfert, actions 8 à 10 et action
13), tandis que d'autres nécessitent des modifications des lois ou des modifications des traités
(par exemple action 7).

Les grandes entreprises et leurs conseils agissent déjà :


Starting in April, the world’s largest social network will change its policy so that revenue
generated from its largest advertisers displaying content on Facebook will be routed through
the UK rather than Ireland. The change is expected to generate higher taxable profits in Britain
and forms part of the US company’s plan to mitigate criticism of tax avoidance.6

Les normes envisagées auront pour conséquence une homogénéisation des bases ; la
concurrence va donc porter sur les taux : début mars, la Grande Bretagne a annoncé une
baisse du taux d’imposition des bénéfices :
« Budget measure marked another step on a seemingly inexorable journey that has seen the
UK’s corporation tax drop from 28 per cent in 2008 to 20 per cent now. In four years’ time, it
will fall to just 17 per cent, 4.5 percentage points above the rate in Ireland, one of the lowest
in the world. »7

II - ANALYSE DU CONTENU DES ACTIONS BEPS G20/OCDE8


Il y a 15 actions dans les propositions de l’OCDE

ACTION 1 : Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique (290 pages)
La plupart des régimes fiscaux internationaux ont été conçus bien avant l’émergence de
l’économie numérique. L’Action 1 aborde les défis fiscaux qui ont surgi à la suite de la
numérisation du commerce et de l’économie mondiale. De façon générale, l’Action 1 cerne
quatre principales préoccupations en matière de politique fiscale soulevées par l’économie
numérique :
- le lien d’une personne avec un territoire où elle n’a pas de présence physique;
- l’attribution d’une valeur à des opérations dans le cadre desquelles des données sont
recueillies, utilisées ou fournies;
- la caractérisation de revenus tirés de nouveaux produits et services numériques.
- l’assurance de la collecte efficace de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou de la taxe sur les
produits et services (TPS) à l’égard de l’approvisionnement transfrontalier en produits et
services numériques.

5
SOL PICCIOTTO - http://www.taxjustice.net/2016/03/07/google-facebook-and-a-gradual-
realignment-to-the-post-beps-landscape/
6
The Guardian http://www.theguardian.com/technology/2016/mar/04/facebook-pay-millions-
more-uk-tax-reports
7
Sarah Gordon and Vanessa Houlder – Financial Times
http://www.ft.com/intl/cms/s/0/874d250e-ec3d-11e5-bb79-2303682345c8.html#axzz43ffpHrVj
8
source : les 15 rapports OCDE
Le rapport final sur l’Action 1 est essentiellement axé sur la première et la dernière de ces
préoccupations.

Plutôt que de former un secteur distinct de l’économie, la technologie de l’information et de la


communication est maintenant présente dans tous les secteurs, car de plus en plus
d’entreprises de divers types font de la publicité en ligne, de l’infonuagique, offrent des
services de paiement en ligne, ainsi que d’autres services et modèles d’affaires électroniques.
L’économie numérique, toutefois, pose aussi bien des défis fiscaux en raison de la mobilité
accrue des gens et des systèmes, du recours à des flux de données plutôt qu’à des biens
matériels, de la possibilité de créer des monopoles et de la volatilité générale.9

En conséquence,
- Il a été convenu de modifier la liste des exceptions à la définition de l’établissement permanent
(PE) :
o pour veiller à ce que chacune des exceptions figurant dans ce document soit limitée à des
activités qui ont par ailleurs un caractère "préparatoire ou auxiliaire",
o et d'introduire une nouvelle règle anti-fragmentation afin de s’assurer qu'il est impossible de
bénéficier de ces exceptions par la fragmentation des activités commerciales entre des
entreprises étroitement liées. Ainsi, par exemple, un entrepôt, où un certain nombre de
salariés remplissent des commandes passées en ligne auprès d’un détaillant d’un autre
territoire de compétence, serait considéré comme un établissement stable, aux termes de
cette recommandation
- Il a également été convenu de modifier la définition du PE pour tenir compte des circonstances
dans lesquelles des arrangements artificiels relatifs aux ventes de biens ou services d'une
entreprise dans un groupe multinational aboutissent effectivement à la conclusion de contrats,
tels que les ventes devraient être traitées comme si elles avaient été faites par cette société.
- Selon le guide révisé sur les prix de transfert, il doit être clair que la propriété juridique seule
ne génère pas nécessairement un droit à tout ou partie des revenus du retour générés par
l'exploitation de l'immatériel, mais que les sociétés du groupe exerçant des fonctions
importantes, détenant des actifs et courant des risques importants, ont droit à un rendement
approprié.

L'économie numérique crée également des défis pour la collecte de la TVA, en particulier
lorsque des biens, des services et des biens incorporels sont acquis par les consommateurs
privés auprès de fournisseurs à l'étranger. La « Task Force on the Digital Economy » (TFDE)
a discuté et analysé un certain nombre d'options possibles pour relever ces défis, notamment
grâce à une analyse de leur incidence économique, et a conclu que :
- La possibilité de modifier les exceptions au statut PE, afin de veiller à ce qu'elles ne soient
disponibles que pour les activités qui sont en fait préparatoires ou auxiliaires, devrait être mis
en œuvre à travers le réseau de conventions fiscales existantes d'une manière synchronisée
et efficace via la conclusion de l'instrument multilatéral qui modifie les conventions fiscales
bilatérales dans l’action 15.
- La perception de la TVA sur les transactions transfrontalières, en particulier celles entre les
entreprises et les consommateurs, est une question importante. Il est donc recommandé aux
pays d'appliquer les principes INTERNATIONAL VAT/GST GUIDELINES10 et d'envisager la
mise en place des mécanismes de collecte qui y sont inclus.

En France, le gouvernement a présenté un projet de loi pour la taxation des GAFA, sur la base
du chiffre d’affaires.

9
https://www.osler.com/fr/ressources/reglements/2015/rapports-finaux-2015-du-projet-beps-
reforme-de-l
10
INTERNATIONAL VAT/GST GUIDELINES - November 2015
ACTION 2 : Neutraliser les effets des dispositifs hybrides (458 pages)
Un montage hybride survient lorsque, en raison de différences dans le traitement fiscal dans
deux territoires, la même opération donne lieu à des résultats fiscaux incompatibles. Par
exemple, un montage hybride peut découler d’un instrument hybride (tel un instrument qui
peut être considéré comme une dette dans le pays A, mais comme un actif dans le pays B)
ou d'une entité hybride (telle une entité qui est une société de personnes dans le pays A, mais
une société par actions dans le pays B)
Cette nouvelle approche contribuera à limiter les cas de double non-imposition en neutralisant
les avantages fiscaux qui découlent des asymétries, en mettant un terme aux déductions
multiples et coûteuses au titre d’une même dépense, aux déductions opérées dans un pays
sans imposition correspondante dans l’autre pays et à la génération de plusieurs crédits
d’impôt étrangers pour un seul impôt étranger acquitté. En neutralisant l’asymétrie des
résultats fiscaux, ces règles empêcheront l’utilisation des dispositifs hybrides à des fins
d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, sans avoir d’effets négatifs sur
le commerce et l’investissement à l’international.

Ces types d'arrangements sont très répandus et entraînent une érosion importante des bases
imposables des pays concernés. Ils ont un impact global négatif sur la concurrence, l'efficacité,
la transparence et l'équité.

EXEMPLE HYBRIDES

La règle principale s'appliquerait de manière à refuser une déduction pour un paiement dans
le territoire du payeur s'il n’est pas inclus dans le revenu imposable dans le territoire du
bénéficiaire, ou lorsqu'il est aussi déductible dans le territoire du bénéficiaire. Si la règle
principale n’est pas appliquée, la règle secondaire du territoire du bénéficiaire devrait
s’appliquer de manière à inclure le montant dans le revenu, ou à refuser la déduction.

Budget 2016 en Grande Bretagne :


“Over the next 5 years, the government will raise nearly £8 billion from large companies and
multinationals through changes to the rules … including … introducing rules to prevent
multinational companies avoid paying tax in any of the countries they do business in, a
technique called hybrid mismatches” 11

11
https://www.gov.uk/government/news/budget-2016-some-of-the-things-weve-announced
Le rapport final reconnaît que pour rendre ses recommandations efficaces, il faudra un fort
degré d’intégration et de coordination entre les pays. Le nombre et la grande complexité des
montages et des transactions qui pourraient donner lieu à un montage hybride (le rapport final
fait quelque 450 pages, dont près de 300 pages d’exemples et de principes directeurs). La
mise en œuvre des recommandations sera une entreprise délicate si les pays adoptent
différentes versions des propositions, à des moments différents.

ACTION 3 : Concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères


contrôlées (75 pages)
Les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (SEC) ou Controlled Foreign
Companies (CFC) sont définies pour éviter qu’un contribuable détenant une participation de
contrôle juridique dans une filiale étrangère, ou exerçant un contrôle économique, puisse
éroder la base d’imposition dans son pays de résidence voire, dans certains cas, dans d’autres
pays, en recourant à un transfert de revenu vers une SEC. En l’absence de telles règles, les
SEC offrent des possibilités de transfert de bénéfices et de report à long terme de l’impôt.
Ces recommandations, qui ne constituent pas des standards minimums, sont conçues pour
fournir aux juridictions qui les adopteront des règles efficaces empêchant les contribuables de
transférer des revenus vers des filiales étrangères.
De telles règles existent déjà dans plusieurs législations :
- article 209 B en France
- Part 9A of the Taxation (International and other Provisions) Act 2010 (TIOPA).12

Aux États Unis, la subpart F du code traite également ces montages :


A major tax advantage of using a foreign corporation to conduct foreign operations is income
tax deferral: generally, U.S. tax on the income of a foreign corporation is deferred until the
income is distributed as a dividend or otherwise repatriated by the foreign corporation to its
U.S. shareholders.
The Subpart F provisions eliminate deferral of U.S. tax on some categories of foreign income
by taxing certain U.S. persons currently on their pro rata share of such income earned by their
controlled foreign corporations (CFCs).13

Dans le cadre de l’action 3, un État pourrait imposer une société résidente sur sa part des
résultats transférés dans une société étrangère contrôlée, implantée dans un autre État et qui
y bénéficie d’un régime fiscal privilégié.

ACTION 4 : Limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions


d’intérêts et d’autres frais financiers (120 pages)
Selon l’OCDE, l’utilisation des paiements d’intérêt (et en particulier du paiement d’intérêt entre
parties liées) est l’une des méthodes les plus simples pour transférer le revenu disponible en
planification fiscale internationale.
Des situations très diverses peuvent être observées :
- En France, les articles 39, 209 IX, 212, et 223 B limitent la déduction de certains intérêts
- En Belgique, au contraire, l’article 205 bis permet la déduction d’un intérêt notionnel, alors
même que le financement est assuré en capitaux propres.

Les risques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS) dans ce


domaine peuvent survenir dans les trois principaux cas de figure suivants :
- Les groupes recourent davantage à des emprunts dans des pays à fiscalité élevée.
- Les groupes utilisent des prêts intragroupes pour générer des déductions d’intérêts bien
supérieures à leurs charges d’intérêts réelles envers des tierces parties.

12
http://www.legislation.gov.uk/
13
https://www.irs.gov/pub/int_practice_units/DPLCUV_2_01.PDF
- Les groupes recourent à l’emprunt auprès de parties liées ou aux prêts intragroupes pour
financer la production d’un revenu exonéré d’impôt.

Reconnaissant que certains groupes recourent davantage à l’emprunt auprès de tierces


parties pour des raisons non fiscales, l’approche propose d’utiliser une règle fondée sur un
ratio de groupe.
Il est recommandé que les pays qui appliquent une règle fondée sur un ratio intérêts
nets/EBITDA fixent leur ratio de référence dans une fourchette de 10 % à 30 %.
Cette règle autoriserait une entité qui dépasse le ratio de référence à déduire des dépenses
d’intérêts jusqu’à concurrence du ratio intérêts nets/EBITDA de son groupe mondial.
L’approche commune proposée doit permettre d’établir un lien direct entre les déductions
nettes de charges d’intérêts d’une entité et le revenu imposable issu des activités
économiques de celle-ci, tout en contribuant à renforcer la coordination des règles des pays
en la matière.
La grande Bretagne vient d’annoncer de telles mesures, dans le cadre de son budget 2016 :
“Some large companies use excessive interest payments to reduce the tax they pay on their
profits in the UK. Relief on interest payments will now be capped at 30% of UK earnings, with
exceptions for groups with legitimately high interest payments”14

ACTION 5 : Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en


prenant en compte la transparence et la substance (85 pages)
Les Actions du Projet BEPS visent à empêcher les contribuables d’utiliser de façon abusive
les règles fiscales nationales et internationales, l’Action 5 prend en compte le fait que certains
pays se rendent coupables de manipuler le système fiscal international. Plus particulièrement,
l’Action 5 vise à freiner la concurrence fiscale entre les pays et à éviter un « nivellement par le
bas », qui pourrait faire en sorte d’exonérer d’impôt certaines sources de revenu.
En matière de pratiques fiscales dommageables, les préoccupations actuelles sont liées pour
l’essentiel aux régimes préférentiels qui peuvent être utilisés pour transférer artificiellement
des bénéfices et au manque de transparence entourant des décisions administratives relatives
à des contribuables.

Exiger une activité importante pour les régimes préférentiels :


Les pays ont convenu que l'exigence d'une activité importante utilisée pour évaluer les régimes
préférentiels devrait être renforcée afin de rééquilibrer la taxation des profits avec les activités
importantes qui les génèrent.
Dans le contexte des régimes relatifs à la propriété intellectuelle, il ne peut être permis à un
contribuable de bénéficier d’un tel régime que dans la seule mesure où ledit contribuable a lui-
même engagé les dépenses de recherche et développement (R et D) admissibles ayant
généré les revenus de propriété intellectuelle.
Ainsi, dans le cadre, l’exigence d’une activité substantielle pourrait amener à prendre en
compte qu’une quote-part des revenus, selon la répartition suivante :

14
https://www.gov.uk/government/news/budget-2016-some-of-the-things-weve-announced
Dépenses locales admissibles,
engagées pour le développement Revenu global de Revenu pouvant
de l’actif incorporel x l’actif incorporel = bénéficier d’un régime de
Dépenses totales engagées pour le faveur local
développement de l’actif incorporel

Aucun nouveau bénéficiaire, non conforme à ces règles, ne pourra être accepté après le 30
juin 2016.

Cadre d'amélioration de la transparence en ce qui concerne les rescrits (rulings) :


La coopération entre les administrations fiscales est essentielle dans la lutte contre la fraude
fiscale et pour protéger l’intégrité des systèmes fiscaux. Un aspect fondamental de cette
coopération est l'échange de renseignements, notamment pour ce qui concerne les pratiques
fiscales potentiellement dommageables (FHTP)

Il convient notamment de distinguer :

Ce sont des conseils, des informations et des engagements fournis par


Taxpayer- une autorité fiscale à un contribuable ou un groupe de contribuables
specific rulings spécifiques concernant leur situation fiscale et sur laquelle ils ont le droit
de compter.
Advance tax Ils sont spécifiques à un contribuable et lui présentent une
rulings détermination des conséquences fiscales d'une transaction envisagée.
APA differs from the classic ruling procedure, in that it requires the
Advance Price detailed review and to the extent appropriate, verification of the factual
Agreements assumptions on which the determination of legal consequences is
based, before any such determinations can be made. Further the APA
provides for a continual monitoring of whether the factual assumptions
remain valid throughout the course of the APA period.
Unilateral APAs are APAs established between a tax administration of
one country and a taxpayer in its country.
Cross-border Other cross-border unilateral tax rulings covering transfer pricing or the
unilateral APAs application of transfer pricing principles :
and any other - issues that fall short of an APA, for instance, because the ruling is limited
cross-border to addressing questions of a legal nature based on facts presented by
unilateral tax a taxpayer (unlike an APA which generally deals with factual issues) or
because the ruling is binding only for a particular transaction,
- or all of a taxpayer’s international transactions for a given period of
time).
Ce sont des décisions applicables à des groupes ou types de
General rulings contribuables ou peuvent être donnés en relation à un ensemble défini
de circonstances ou d'activités, plutôt que d'appliquer à un contribuable
spécifique
Source : OCDE

Dans le domaine de la transparence, un cadre couvrant toutes les décisions qui pourraient
donner lieu à des préoccupations BEPS en l'absence d'échange spontané obligatoire a été
convenu.
Une surveillance continue et d'un mécanisme d'examen couvrant les régimes préférentiels, y
compris les régimes de propriété intellectuelle, et le cadre de la transparence a été convenu
et vont maintenant être mis en place.
Le forum sur les pratiques fiscales dommageables (FHTP) a décidé d’élaborer un cadre
général des « best practices ».
Un échange d’informations sur les « rulings » ci-dessus doit être mis en place entre :
- Les pays de résidence de toutes les parties liées avec lesquelles le contribuable conclut une
transaction, pour laquelle une décision est accordée ou qui donne lieu à des revenus
provenant de parties liées qui bénéficient d'un traitement préférentiel,
- Le pays de résidence de la société mère ultime ou immédiate

Dans le cas de pays disposant des structures juridiques adéquates, l’échange de


renseignements a commencé le 1er avril 2016 pour les décisions futures. Les échanges
concernant certaines décisions passées ont du être effectives depuis le 31 décembre 2016.

ACTION 6 : Empêcher l’octroi des avantages des conventions fiscales lorsqu'il est
inapproprié d'accorder ces avantages (106 pages)
Les nouvelles règles anti-abus présentées concernent en premier lieu les stratégies de
chalandage fiscal par lesquelles une personne qui n’est pas résidente d’un État contractant
tente d’obtenir les avantages d’une convention fiscale conclue par cet État.
De nouvelles modifications à apporter au Modèle de Convention fiscale de l’OCDE ont été
approuvées afin que les conventions ne fassent pas obstacle, involontairement, à l’application
de règles nationales anti-abus.

L’objectif est de faire disparaître le « chalandage fiscal » (treaty shopping). La condition


essentielle qui doit être remplie par une personne qui cherche à obtenir des avantages en
vertu d'une convention fiscale est que la personne doit être « un résident d'un Etat contractant
», tel que défini à l'article 4 de la Convention modèle de l'OCDE.

Pour atteindre cet objectif, les pays peuvent opter pour une approche reposant sur une règle
de limitation des avantages et sur la prise en compte du « critère des objectifs principaux ». Il
est donc proposé que l’article 10 des conventions modèle OCDE soit ainsi modifié :
« Nonobstant les autres dispositions de la présente Convention, un avantage en vertu de la
présente Convention ne peut être accordée à l'égard d'un élément de revenu ou de capital s'il
est raisonnable de conclure, compte tenu de tous les faits pertinents et circonstances, que
l'obtention de cet avantage a été l'un des principaux objectifs de tout arrangement ou
transaction, à moins qu'il ne soit établi que l'octroi de cet avantage dans ces circonstances
serait être en conformité avec l'objet et le but des dispositions pertinentes du présent
Convention. »
L’une des conséquences du critère de l’objectif principal est qu’il donnerait lieu à beaucoup
d’incertitude et qu’il réduirait les investissements. Plus particulièrement, la nature ambiguë de
ce critère et ses difficultés d’interprétation pourrait mener les autorités fiscales à refuser les
avantages prévus par une convention dans pratiquement toutes les situations (car
pratiquement toutes les situations où une convention fiscale s’applique donnent lieu à un
avantage fiscal).

ACTION 7 : Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut


d’établissement stable (51 pages)
Les conventions fiscales prévoient généralement que les bénéfices générés par l’activité d’une
entreprise étrangère ne sont imposables dans un État que si cette entreprise y dispose d’un
établissement stable auquel ces bénéfices sont attribuables. La définition d’un établissement
stable contenue dans les conventions fiscales est donc un élément déterminant pour établir si
une entreprise doit acquitter un impôt sur les bénéfices dans un État dont elle n’est pas
résidente.
Le rapport propose des changements à apporter à la définition de l’établissement stable
figurant à l’article 5 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui constitue fréquemment la
base de travail lors des négociations relatives à une nouvelle convention bilatérale. Ces
modifications permettront de mettre en échec les pratiques visant à éviter de manière
inappropriée l’apparition d’un lien fiscal, en particulier en faisant appel à des commissionnaires
plutôt qu’à des distributeurs ou en fragmentant les activités de manière artificielle.

Contournement artificiel du statut d’établissement permanent (PE) grâce à des contrats de


commissionnaires et stratégies similaires
Un contrat de commissionnaire peut être défini comme un arrangement par la situation dans
laquelle une personne vend des produits dans un État en son nom propre mais pour le compte
d'une entreprise étrangère qui est le propriétaire de ces produits. Grâce à un tel arrangement,
l'entreprise étrangère est en mesure de vendre ses produits dans un État sans avoir
techniquement un établissement permanent auquel ces ventes peuvent être attribuées à des
fins fiscales et sans, par conséquent, être imposables dans cet Etat sur les bénéfices
provenant de ces ventes. Étant donné que la personne qui conclut les ventes ne possède pas
les produits qu'elle vend, cette personne ne peut pas être imposable sur les bénéfices
provenant de ces ventes et ne peut être imposée que sur la rémunération qu'elle reçoit pour
ses services (habituellement une commission).
Aux termes des modifications proposées aux articles 5(5) et (6) de la convention modèle, il ne
sera plus nécessaire que les contrats soient conclus dans un pays pour donner lieu à un ES
dans ce pays. Lorsqu’une personne agit dans le pays source pour le compte d’une entreprise
non résidente et qu’elle joue habituellement un « rôle essentiel » menant à la signature de
contrats « couramment conclus », que les contrats sont au nom de l’entreprise et visent le
transfert de propriété de l’entreprise (ou le droit d’utiliser la propriété de l’entreprise), ou la
prestation de services par l’entreprise, cela donnera lieu à un établissement stable.

Contournement artificiel du statut d’établissement permanent à travers les exceptions


spécifiques à l'art. 5
Lorsque les exceptions à la définition de l'établissement stable qui se trouvent à l’article 5,
paragraphe 4, de la Convention modèle de l'OCDE ont d'abord été introduites, les activités
couvertes par ces exceptions ont été généralement considérés comme préparatoires ou
auxiliaires : stockage, entrepôt, achat et autres activités préparatoires et auxiliaires.

Depuis l'introduction de ces exceptions, cependant, il y a eu des changements importants dans


la façon dont les affaires sont menées.
Selon les circonstances, les activités précédemment considérées comme simplement
préparatoires ou auxiliaires peuvent correspondre aujourd'hui à des activités commerciales de
base. Afin de garantir que les bénéfices tirés des activités de base réalisées dans un pays
puissent être imposables dans ce pays, il est proposer de modifier l'article 5, pour faire en
sorte que chacune des exceptions soit restreinte aux activités qui sont par ailleurs d'un
caractère effectivement "préparatoire ou auxiliaire".
Il est proposé d’ajouter une nouvelle règle « anti-fragmentation » à l’Article 5. Aux termes de
cette règle, une entreprise ou des entreprises étroitement liées ne pourront plus se prévaloir
de l’exemption pour caractère préparatoire ou auxiliaire si leurs activités d’ensemble (évaluées
en association) ne sont pas de caractère préparatoire ou auxiliaire

ACTIONS 8/10 : Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur (190
pages)
Les normes internationales en vigueur pour les règles de prix de transfert peuvent être
détournés afin d’aboutir à des résultats pour lesquels la répartition des bénéfices ne
corresponde pas à l'activité économique qui a produit les bénéfices. Les Actions 8-10 du Plan
d'action BEPS ont analysé ce problème, afin que les résultats soient alignés sur la création de
valeur.
En matière de prix de transfert, l’OCDE proposait les méthodes suivantes, reprises notamment
par l’administration française15 :

3 méthodes prix comparable sur le marché libre


traditionnelles prix de revente moins
prix de revient plus
2 méthodes Partage des bénéfices
transactionnelles Méthode transactionnelle de la marge nette

Le principe de pleine concurrence


Il s’est avéré utile en tant que norme pratique et équilibrée pour les administrations fiscales et
les contribuables afin d'évaluer les prix de transfert entre entreprises associées, et pour éviter
la double imposition. Cependant, avec l'accent mis sur la prise en compte des fonctions, des
actifs et des risques, les directives existantes peuvent être utilisées et manipulées. Cette
manipulation peut conduire à des résultats qui ne correspondent pas à la valeur créée par
l'activité économique sous-jacente réalisée par les membres d'un groupe multinational.

Le rapport affirme que la norme internationale en place concernant les règles sur les prix de
transfert, soit le principe de pleine concurrence, peut être appliquée à tort, de sorte qu’il est
possible que dans les résultats, le partage des bénéfices ne corresponde pas à l’activité
économique qui a généré les bénéfices. Cette éventuelle application erronée est fondée sur
la perception que le principe de pleine concurrence accorde une trop grande importance aux
attributions contractuelles des fonctions, aux actifs et aux risques, ce qui pourrait mener à des
résultats qui ne correspondent pas à la valeur créée par l’activité économique sous-jacente
exercée par les membres d’un groupe multinational.

Quelques principes révisés de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert :


1) Face au juridisme qui s’est développé par l’influence des conseils fiscaux, la transaction réelle
entre des entreprises associées dans un groupe multinational est déterminée, au besoin, en
complétant les modalités du contrat par la preuve du comportement réel des parties. Lorsque
les dispositions contractuelles sont incomplètes ou qu’elles entrent en contradiction avec le
comportement, le comportement des parties peut remplacer les dispositions contractuelles.
2) La contribution réelle d’une entreprise associée qui ne fait que fournir le capital (p. ex. une
entreprise de type « tiroir-caisse » (« cash box ») dépend du contrôle exercé par cette
entreprise. Lorsque l’entreprise n’exerce pas de contrôle sur le risque d’investissement, elle
ne devrait s’attendre qu’à un rendement sans risque.

L’OCDE fournit par ailleurs des exemples expliquant la façon de compléter ou remplacer les
dispositions contractuelles par la « transaction réelle ».

Biens incorporels difficiles à évaluer


Lorsque les administrations fiscales trouvent difficile d’établir ou de vérifier les événements qui
sont pertinents pour l'établissement du prix d'une transaction où entrent en jeu des biens
incorporels difficiles à évaluer, le rapport final énonce que les administrations fiscales
pourraient prendre en compte des résultats effectifs (ex post) en tant que preuve probante de
la pertinence des arrangements anticipés (ex ante) en matière d’établissement de prix.

15
Direction générale des impôts (France) - Les prix de transfert Guide à l’usage des PME -
2006
Le rapport final reconnaît que, lorsque le contribuable peut démontrer de façon satisfaisante
ce qui était prévisible au moment de la transaction et qui se traduisait dans les hypothèses de
prix, et que les faits nouveaux qui ont mené à l’écart entre les projections et les résultats sont
le fruit d’événements imprévisibles, les administrateurs fiscaux ne seront pas habilités à faire
des ajustements aux dispositions ex-ante en matière d’établissement des prix, en fonction des
résultats ex post.

La méthode transactionnelle du partage des bénéfices


Le rapport final semble faire marche arrière quant à la possibilité de faire un plus grand usage
de la méthode transactionnelle du partage des bénéfices (MTPB) envisagée dans le projet de
rapport sur le partage des bénéfices. Le rapport reconnaît que la MTPB n’est peut-être pas
simple à appliquer pour les contribuables, ou à évaluer pour les administrateurs fiscaux.

L’action 8 examine notamment les questions de prix de transfert relatifs aux opérations portant
sur les actifs incorporels, car une mauvaise répartition des bénéfices générés par les actifs
incorporels a contribué à l'érosion de la base et le transfert de bénéfices. Les pays ont décidé
d’appliquer aux régimes préférentiels applicables à la propriété intellectuelle (PI) l’approche
du lien qui demande que soient mis en regard les avantages fiscaux éventuellement accordés
et l’existence d’une activité significative de recherche-développement.

L’action 9 propose des règles empêchant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de


bénéfices par le biais du transfert de risques entre membres d’un même groupe ou de
l’attribution d’une fraction excessive du capital aux membres de ce groupe.
L’allocation contractuelle des risques ne doit être respectée que lorsqu’elle correspond aux
pratiques réelles de prise de décision et de contrôle effectif de ces risques.

L’action 10 vise à empêcher l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par


le biais de transactions dans lesquelles des entreprises indépendantes ne s’engageraient pas,
ou ne s'engageraient que rarement
Ces transactions contrôlées n’obéissent pas à une optique commerciale rationnelle. Il s’agit
de pratiques utilisant les règles de prix de transfert pour détourner des bénéfices des activités
commerciales principales d’un groupe multinational, et le recours à certains types de paiement
entre entités d’un même groupe multinational (frais de gestion, dépenses engagées par le
siège) pour réduire la base d’imposition en l’absence d’alignement avec la création de valeur

ACTION 11 : Mesurer et suivre les données relatives au BEPS (272 pages)


De nombreuses études factuelles, utilisant différentes sources de données et méthodes
d’évaluation, ont établi l’existence de transferts de bénéfices répondant à des motivations
fiscales. Si l’ampleur des pratiques de BEPS est difficile à estimer, compte tenu de la
complexité de ces stratégies et des limitations affectant les données disponibles, plusieurs
études récentes suggèrent un manque à gagner important en termes de recettes de l’impôt
sur les bénéfices des sociétés en raison des pratiques de BEPS.
L’Action 11 vise à combler des lacunes en matière de données disponibles et à mettre au point
des méthodes de collecte et d’analyse de l’étendue et de l’incidence économique du BEPS.
L’Action vise aussi à élaborer des outils qui permettront de surveiller et d’évaluer l’efficacité et
l’incidence économique des mesures prises pour remédier au BEPS.

Les taux de profit des filiales de multinationales situées dans des pays à faible imposition des
bénéfices sont plus élevés que le taux de profit mondial moyen de leur groupe. Par exemple,
les taux de profit déclarés par des filiales situées dans des pays à faible imposition sont deux
fois plus élevés que le taux de profit mondial moyen du groupe.
Les taux d'imposition effectifs supportés par les grandes entités multinationales sont estimés
à 4 à 8½ points de pourcentage inférieur à celui des entreprises similaires réalisant
uniquement des opérations domestiques.

Les investissements directs étrangers sont de plus en plus concentrés. Dans les pays où
l’investissement étranger représente plus de 200% du PIB, il était 38 fois plus élevé que dans
tous les autres pays en 2005 et 99 fois plus élevé en 2012 !

La divergence des bénéfices imposables vis à vis de l'emplacement de l'activité de création


de valeur est particulièrement claire en ce qui concerne les actifs incorporels, et le phénomène
a connu une croissance rapide. Par exemple, le rapport de la valeur des redevances reçues
pour les dépenses de recherche et de développement dans un groupe de pays à faible
imposition était six fois plus élevé que le ratio moyen pour tous les autres pays, et a été
multiplié par trois entre 2009 et 2012. Les redevances reçues par des entités situées dans ces
pays à faible fiscalité représentaient 3% des redevances totales, fournissant des preuves de
l'existence de BEPS, mais pas une mesure directe de l'échelle de BEPS.

La dette vis à vis de sociétés liées ou indépendantes est plus concentrée pour les filiales des
multinationales dans les pays à taux élevés d'imposition.

Le rapport final préconise que l’OCDE collabore avec les États pour qu’ils recueillent et
analysent davantage de statistiques sur l’imposition des entreprises, et qu’ils les présentent
de manière cohérente. Les recommandations contenues dans le rapport à cet égard visent
principalement :
- à améliorer l’accès aux données et l’analyse des données existantes,
- et à proposer la collecte de données nouvelles au titre de l'Action 5 (Lutter plus efficacement
contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la
substance), de l'Action 13 (Documentation des prix de transfert et déclarations pays par pays),
et de l'Action 12 (Règles de communication obligatoire d’informations) du Projet BEPS.

Le fait d’améliorer l’accès aux données devrait permettre aux administrations et aux
chercheurs d’être davantage à même, dans le futur, de suivre et de mesurer le phénomène
BEPS ainsi que les actions engagées pour l’enrayer.

ACTION 12 : Règles de communication obligatoire d'information (102 pages)


À ce jour, l’une des principales difficultés rencontrées par les administrations fiscales est
l’absence d’accès en temps voulu à des informations complètes et pertinentes sur les
stratégies de planification fiscale. La consultation de telles informations, en particulier au début
du processus, permet de réagir rapidement face aux risques fiscaux, en évaluant mieux ces
risques, en ciblant les opérations de contrôle et en apportant les changements nécessaires à
la législation en vigueur.
L’action 12 propose un cadre modulaire et des orientations fondées sur les bonnes pratiques :
- A l’intention des pays dépourvus de règles en matière de communication obligatoire
d’informations, pour définir un régime permettant d’obtenir très tôt les renseignements sur les
stratégies de planification fiscale à caractère potentiellement agressif ou abusif et sur leurs
utilisateurs. Les recommandations figurant dans ce rapport ne constituent pas un standard
minimum, et les pays peuvent décider librement d’instituer, ou non, un régime de déclaration
obligatoire.
- Ce cadre a également vocation à servir de référence aux pays qui disposent déjà d’un régime
de déclaration obligatoire et souhaitent en accroître l’efficacité.

Les recommandations offrent la latitude nécessaire pour trouver un juste équilibre entre la
nécessité pour l’administration fiscale d’obtenir, en temps utile, des renseignements de
meilleure qualité et les contraintes de respect des règles pour les contribuables.
Le rapport recommande que les pays introduisant des régimes de divulgation obligatoire :
- imposent une obligation de divulgation à la fois au conseil ou à l’organisateur et au
contribuable,
- énoncent des sanctions (y compris des sanctions non monétaires) pour assurer la conformité
avec les régimes de divulgation obligatoire qui sont compatibles avec leur législation nationale
générale

Couverture des régimes fiscaux internationaux


Il y a un certain nombre de différences entre les régimes nationaux et transfrontaliers qui
rendent ces derniers plus difficiles à cibler avec des régimes de divulgation obligatoire. Les
régimes internationaux sont plus susceptibles d'être spécifiquement conçus pour un
contribuable ou une transaction particulière et peuvent impliquer plusieurs parties et des
avantages fiscaux dans différentes juridictions, ce qui peut rendre ces systèmes plus difficiles
à cibler avec des caractéristiques nationales. Afin de surmonter ces difficultés, le rapport
recommande que :
- Les pays développent des contrôles spécifiques.
- Les contribuables qui entrent dans les transactions intra-groupe avec des conséquences
fiscales importantes soient tenus de faire des recherches raisonnables pour savoir si la
transaction fait partie d'un arrangement qui comprend un résultat transfrontalier qui est
spécifiquement identifié comme étant à déclaration obligatoire en vertu du régime de
divulgation.

Améliorer le partage d'informations


La transparence est l'un des trois piliers du Projet BEPS G20OCDE et un certain nombre de
mesures élaborées dans le cadre du projet donnera lieu à des informations supplémentaires
à partager avec ou entre les administrations fiscales. Le « Joint International Tax Shelter
Information and Collaboration Network » (JITSIC Network) de l’OCDE sur l'administration
fiscale fournit une plate-forme internationale pour une coopération renforcée et la collaboration
entre les administrations fiscales, sur la base des instruments juridiques existants, qui
pourraient inclure la coopération sur les informations obtenues par les pays participants en
vertu des régimes de divulgation obligatoire.

ACTION 13 : Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays (74
pages)
Dans de nombreux pays, les entreprises multinationales doivent tenir à disposition de
l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert
pratiquée dans le cadre des transactions. En France, l’article L 13 AA du livre des procédures
fiscales impose la présentation :
- d’informations générales sur le groupe,
- d’informations spécifiques sur l’entreprise vérifiée,
- ainsi que les Interprétations, instructions et circulaires, etc. … prises par les administrations
fiscales étrangères.

L’action 13 du Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de


bénéfices (Plan d’action BEPS, OCDE, 2013) appelle à l’élaboration de « règles applicables à
la documentation des prix de transfert afin d’accroître la transparence pour l’administration
fiscale, en tenant des coûts de discipline pour les entreprises. On pourra notamment imposer
aux multinationales de communiquer à tous les pouvoirs publics concernés les informations
requises sur leur répartition mondiale du revenu, de l’activité économique et des impôts payés
dans les différents pays, conformément à un modèle commun ».
En réponse à cet appel, une approche normalisée à trois niveaux de la documentation des
prix de transfert a été élaborée :
(i) un fichier principal contenant des informations normalisées relatives à l’ensemble des
membres du groupe multinational considéré ;
(ii) un fichier local faisant spécifiquement référence aux transactions importantes du contribuable
local ;
(iii) une déclaration pays par pays contenant certaines informations relatives à la répartition
mondiale des bénéfices de l’entreprise multinationale et des impôts qu’elle acquitte,
accompagnées de certains indicateurs concernant la localisation des activités du groupe
multinational considéré

En premier lieu, les orientations relatives à la documentation des prix de transfert prévoient
que les entreprises multinationales doivent communiquer aux administrations fiscales des
informations générales concernant leurs activités et leur politique de prix de transfert à l’échelle
mondiale, au moyen d’un « fichier principal » qui serait mis à la disposition de toutes les
administrations fiscales des pays concernés.

En deuxième lieu, des renseignements sur les prix de transfert axés sur l’aspect transactionnel
doivent également être communiqués au moyen d’un « fichier local » spécifique à chaque
pays, indiquant les opérations pertinentes entre parties liées, les montants que ces opérations
mettent en jeu, et l’analyse par l’entreprise des prix de transfert qu’elle a fixés au titre de ces
opérations.

En troisième lieu, les grandes entreprises multinationales sont tenues de déposer chaque
année une déclaration pays par pays indiquant pour chacune des juridictions fiscales où elles
exercent des activités, le montant de leur chiffre d’affaires, leur bénéfice avant impôts, les
impôts sur les bénéfices qu’elles ont acquittés et ceux qui sont dus. Elles doivent également y
indiquer leur nombre d’employés, leur capital social, leurs bénéfices non distribués et leurs
actifs corporels dans chaque juridiction fiscale. Enfin, elles doivent identifier dans cette
déclaration chacune des entités du groupe qui exerce des activités dans une juridiction fiscale
donnée et, pour chacune d’elles, indiquer la nature de ces activités.

Ces nouvelles exigences en matière de déclaration pays par pays sont à mettre en œuvre
pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016 et s’appliquent, sous réserve de
l’examen prévu en 2020, aux entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires annuel
consolidé est égal ou supérieur à 750 millions d’euros. Il est entendu que certains pays
puissent avoir besoin de temps pour suivre leur processus législatif interne notamment afin de
procéder aux ajustements nécessaires à la loi.
TABLEAU 1 : Vue d’ensemble de la répartition des bénéfices, des impôts et des
activités par juridiction fiscale
NOM DU GROUPE D’ENTREPRISES MULTINATIONALES :
EXERCICE FISCAL CONSIDÉRÉ :
MONNAIE UTILISÉE :
Juridiction fiscale
Partie
Chiffre indépendante
d’affaires Partie liée
Total
Bénéfice (perte) avant impôt
Impôt sur les bénéfices
acquittés (sur la base des
règlements effectifs
Impôts sur les bénéfices dus
(année en cours
Capital social
Bénéfices non distribués
Nombre d’employés
Actifs corporels (hors trésorerie
et équivalents de trésorerie)

TABLEAU 2 : Liste de toutes les entités constitutives du groupe d’entreprises


multinationales correspondant aux données agrégées par juridiction fiscale
Juridiction fiscale A B
1 2 3 1 2 3
Entités constitutives résidentes et juridiction fiscale
Juridiction fiscale de constitution si elle diffère de la juridiction fiscale de
résidence
Recherche & développement
Création ou gestion de propriété industrielle
Achats ou approvisionnements
Fabrication ou production
Vente, commercialisation ou distribution
Services administratifs, de gestion ou de soutien
Fournitures de services à des parties indépendantes
Financement interne du groupe
Services financiers réglementés
Assurances
Détention d’actions ou d’autres instruments de fonds propres
Activités dématérialisées
Autres

Dans l’Union Européenne, selon un projet de directive, les groupes multinationaux situés au
sein de l'Union ou exerçant leurs activités dans l'Union dont le revenu total consolidé est égal
ou supérieur à 750 millions d’euros devront remplir des déclarations pays par pays. Les
autorités compétentes des États membres qui recevront ces déclarations devront
automatiquement les communiquer aux États membres dans lesquels une ou plusieurs entités
du groupe ont leur résidence fiscale ou sont soumises à l'impôt sur les activités exercées par
un établissement stable. 16
Une dispute oppose les tenants de l’intégration de cette directive dans le dispositif comptable,
ce qui donnerait aux informations un caractère public, et les partisans de son caractère fiscal
donc « discret ».

16
https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/tax-cooperation-control/administrative-
cooperation/enhanced-administrative-cooperation-field-direct-taxation/country-country-
reporting_fr
En France, une nouvelle obligation de documentation est introduite dans le cadre de
l’application de l’action 13, qui complète, pour la France, les obligations résultant de l’article L
13 AA du LPF et 223 quinquies A du CGI. Il s’agit d’une déclaration pays par pays prévue par
l’article 223 quinquies C du CGI, pour :
- les groupes établis en France qui réalisent un chiffre d'affaires annuel hors taxes consolidé
supérieur ou égal à 750 millions d'euros et qui établissent des comptes consolides, détiennent
ou contrôlent des sociétés ou des succursales hors de France et ne sont pas détenues par
des sociétés françaises ou étrangères déjà̀ soumises à̀ cette déclaration ;
- les sociétés établies en France et appartenant à̀ un groupe étranger répondant à ces critères
lorsqu'elles ont été́ désignées par le groupe à cette fin, ou qu'elles ne peuvent démontrer
qu'une autre entité́ française ou étrangère a été́ désignée à cette fin. Cela vise notamment les
filiales françaises de groupes établis dans un État qui n'aurait pas mis en place le "reporting"
pays par pays.

Ce dispositif a été introduit en droit fiscal français, malgré une censure partielle du Conseil
Constitutionnel.17

ACTION 14 : Accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends (50


pages)
Les pays reconnaissent que les changements introduits au titre du projet BEPS pourraient
générer certaines incertitudes et risqueraient, en l’absence des mesures appropriées,
d’accroître à court terme les cas de double imposition et les différends soumis à une procédure
d’accord amiable. Les pays se sont engagés sur l’adoption d'un standard minimum concernant
le règlement des différends liés aux conventions fiscales. Un grand nombre de pays se sont
déjà engagés à introduire prochainement une clause d’arbitrage obligatoire et contraignante
dans leurs conventions fiscales.
Ce mécanisme - mutual agreement procedure (MAP) - est d'une importance fondamentale
pour l'application et l'interprétation des traités fiscaux, notamment pour veiller à ce que les
contribuables ayant droit aux avantages du traité ne soient pas soumis à une imposition par
l'un ou l’autre des Etats contractants qui ne serait pas en conformité avec les termes du traité.

La norme minimale :
- Veillera à ce que les obligations conventionnelles liées à la procédure amiable soient
pleinement mises en œuvre de bonne foi et que les cas du MAP soient résolus en temps
opportun ;
- Assurera la mise en œuvre des processus administratifs qui favorisent la prévention et la
résolution rapide des litiges liées aux traités ;
- Veillera à ce que les contribuables puissent accéder aux MAP lorsque éligibles.

Malgré les recommandations dans le rapport final quant à l’Action 14, les différends fiscaux
relatifs au BEPS à l’échelle internationale devraient enregistrer une forte hausse. Plus
particulièrement, le rapport final combine des règles suffisamment ambiguës à un vaste accès
à des données financières, ce qui fera inévitablement en sorte que bien des pays tenteront de
percevoir des recettes fiscales supplémentaires auprès des sociétés. En l’absence de règles
de répartition particulières pour éviter la double imposition, ou d’un mécanisme de résolution
des différends rapide et contraignant, les contribuables pourraient se trouver souvent pris entre
deux feux.
« Le fait d'aller de l’avant avec les autres recommandations relatives au BEPS avant la mise
en œuvre complète de mécanismes de résolution de différends efficaces est comme envoyer

17
Cf ; déclaration 2258 SD présentée dans le document n° 4 « prix de transfert »
une voiture neuve dévaler une pente, avant d’avoir vérifié (ou même, dans certains cas,
installé) les freins. »18

ACTION 15 : Élaboration d’un instrument multilatéral pour modifier les conventions


fiscales bilatérales (58 pages)
En vue d’enrayer les pratiques BEPS d’une manière ciblée et synchronisée, l’Action 15 a été
créée pour élaborer un instrument multilatéral qui pourrait être utilisé comme solution de
rechange à la modification individuelle de plus de 3 500 conventions fiscales bilatérales qui
pourraient être touchées par le Projet BEPS.
La mondialisation a amplifié l’impact des écarts et des frictions entre les systèmes fiscaux des
différents pays, rendant nécessaire le réexamen de certaines caractéristiques du système
actuel de conventions fiscales bilatérales qui facilitent les pratiques d’érosion de la base
d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS).
L’Action 15 du Plan d’action concernant BEPS prévoit l’analyse des questions de droit fiscal
et de droit international public que pose l’élaboration d’un instrument multilatéral qui permettrait
aux pays qui le souhaitent de mettre en œuvre les mesures résultant des travaux sur BEPS,
et de modifier les conventions fiscales bilatérales. À partir de cette analyse, les pays intéressés
ont développé un instrument multilatéral offrant une approche innovante de la fiscalité
internationale tenant compte des transformations rapides de l’économie mondiale et de la
nécessité de s’adapter sans délai à cette évolution.

CONVENTION MULTILATÉRALE
POUR LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES RELATIVES
AUX CONVENTIONS FISCALES
POUR PRÉVENIR L’ÉROSION DE LA BASE
D’IMPOSITION ET LE TRANSFERT DE BÉNÉFICES

Article 1 – Champ d’application de la Convention


La présente Convention modifie toutes les Conventions fiscales couvertes...

Article 2 – Interprétation des termes


L'expression « Convention fiscale couverte » désigne un accord conclu en vue d’éviter la
double imposition en matière d’impôts sur le revenu (que cet accord porte ou non sur
d'autres impôts) :
i) qui est en vigueur entre deux ou plusieurs :
A) Parties ; et/ou
B) juridictions ou territoires, ayant conclu un accord susmentionné́ et dont les relations
internationales relèvent de la responsabilité́ d’une Partie ; et
ii) pour lequel chacune de ces Parties a formulé́ une notification au Dépositaire indiquant
cet accord ainsi que tous les instruments le modifiant ou l’accompagnant (identifiés par leur
titre, les noms des parties, la date de signature et, si applicable au moment de la notification,
la date d'entrée en vigueur) comme un accord qu'elle souhaite voir visé par la présente
Convention.

1) Contenu de l’Instrument Multilatéral


Dans l’esprit du projet BEPS, la convention multilatérale traite particulièrement :

18
https://www.osler.com/fr/ressources/reglements/2015/rapports-finaux-2015-du-projet-
beps-reforme-de-l
Les dispositifs L’instrument multilatéral doit permettre d’éviter la double
hybrides (action 2) exonération dans les deux États concernés
Deux types de clause anti-abus sont désormais inclus dans le
modèle de convention fiscale de l’OCDE :
- la clause «limitation on benefits» (clause LoB) ;
- la clause «principal purpose test» (clause PPT).
La clause LoB prévoit des critères objectifs pour limiter le «treaty
Shopping» (e.g. actionnariat, structure juridique) tandis que la
clause PPT porte sur des critères plus subjectifs (la transaction a-
L’utilisation abusive t-elle un but principalement fiscal ?).
des conventions
fiscales Une Convention fiscale couverte est modifiée pour inclure le texte
(action 6) du préambule suivant :
« Entendant éliminer la double imposition à l’égard d’impôts visés
par la présente Convention, et ce, sans créer de possibilités de
non-imposition ou d’imposition réduite via des pratiques d’évasion
ou de fraude fiscale/évitement fiscal* (résultant notamment de la
mise en place de stratégies de chalandage fiscal destinées à
obtenir des allègements prévus dans la présente convention au
bénéfice indirect de résidents de juridictions tierces), »
Lorsqu’une personne agit dans une Juridiction contractante ayant
conclu une Convention fiscale couverte, pour le compte d’une
entreprise et, ce faisant, conclut habituellement des contrats ou
joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de
Les mesures visant à contrats et que ces contrats sont :
éviter le statut a) - au nom de l’entreprise ; où
d’établissement stableb) - pour le transfert de la propriété́ de biens appartenant à̀ cette
(action 7) entreprise ou pour la concession du droit d’utiliser de tels biens ou
des biens que l’entreprise a le droit d’utiliser ; où
c) - pour la prestation de services par cette entreprise,
Cette entreprise est considérée comme ayant un établissement
stable dans cette Juridiction contractante
PROCEDURE AMIABLE
Lorsqu’une personne estime que les mesures prises par une
Juridiction contractante ou par les deux Juridictions contractantes
entrainent ou entraineront pour elle une imposition non conforme
aux dispositions de la Convention fiscale couverte, elle peut,
L’amélioration du indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces
règlement des Juridictions contractantes, soumettre son cas à l’autorité́
différends compétente de l’une ou l’autre des Juridictions contractantes. Le
(action 14) cas doit être soumis dans les trois ans qui suivent la première
notification de la mesure qui entraine une imposition non conforme
aux dispositions de la Convention fiscale couverte.
ARBITRAGE
Une Partie peut choisir d'appliquer cette partie à ses Conventions
fiscales couvertes et le notifie au Dépositaire. (OCDE) Cette partie
s’applique entre deux Juridictions contractantes à l’égard d'une
Convention fiscale couverte uniquement lorsque les deux
Juridictions contractantes ont formulé́ une telle notification.

L’arbitrage ainsi défini est obligatoire et contraignant.


Introduction d'une clause générale anti-abus en matière d'IS en droit fiscal français
Dans le cadre de l’action 6 (clauses anti-abus), pour les exercices ouverts à compter du 1er
janvier 2019, pour déterminer le montant de l'IS dû par une entreprise, l'administration fiscale
peut écarter un montage ou une série de montages (CGI art. 205 A nouveau) :
- dont l'objectif principal ou l'un des objectifs principaux est d'obtenir un avantage fiscal
allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité du droit fiscal applicable ;
- qui n'est pas authentique, ce critère étant acquit si le montage ou la série de montages
n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables reflétant la réalité
économique.

2) Les étapes de la mise en œuvre

Étape 1 : Il convient tout d’abord de déterminer si l’IM estl en vigueur pour les deux juridictions
contractantes ayant conclu la convention fiscale ? (Les Juridictions contractantes sont-elles
parties de l’IM ?). A ce jour, le Maroc n’est pas encore partie prenante.

Étape 2 : La convention fiscale est-elle notifiée dans les positions sur l’IM des deux Juridictions
contractantes, à leur liste de conventions à être couvertes par l’IM ?

Étape 3 :
Est-ce que l’une des Juridictions contractantes se réserve le droit de ne pas appliquer une
disposition de l’IM ?
Est-ce que les deux Juridictions contractantes ayant conclu la Convention fiscale couverte
décident d’appliquer une disposition facultative de l’IM ?

Étape 4 : Identifier quelles sont les dispositions existantes modifiées ?


Afin que l’application de l’IM soit transparente et ne donne lieu à̀ aucune ambiguïté́ , l’IM
requiert que les Parties notifient les dispositions existantes qui seront modifiées par les
dispositions de l’IM. De plus, chaque article de l’IM contient des dispositions qui décrivent en
détail la manière dont les dispositions applicables de l’IM modifient une Convention fiscale
couverte (les clauses de compatibilité́ ). L’effet d’une notification dépend du type de clause de
compatibilité́ . Celles-ci peuvent prévoir qu’une disposition de l’IM
3) « [s’applique] à la place »,
4) « s’applique à̀ »,
5) « modifie »,
6) « [s’applique] en l’absence »,
7) ou « [s’applique] à la place ou en l’absence ».

Étape 5 : Les dispositions de l’IM prennent effet dans les Juridictions contractantes aux fins
d’une Convention fiscale couverte à des moments différents pour les impôts prélevés à la
source par rapport à̀ tous les autres impôts perçus par une Juridiction contractante.
8) S’agissant des impôts prélevés à la source, la prise d’effet est au 1er jour de l’année
civile suivante,
9) S'agissant de tous les autres impôts perçus par cette Juridiction contractante, la prise
d’effet est à l’expiration d’une période de 6 mois.

En septembre 2018, la France a déposé son instrument de ratification du traité multilatéral


auprès de l’OCDE. Le parlement français avait voté la loi autorisant ladite ratification en juillet.

Le MLI est donc entré en vigueur au 1er janvier 2019 pour la France. Naturellement, il n’aura
vocation à s’appliquer que dans les relations avec des États ayant également déposé leur
instrument de ratification.

Vous aimerez peut-être aussi