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Réviser son bac

avec

Sciences de la vie et de la Terre Term S

Une réalisation de

Avec la collaboration de :

© rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Manon Corbin
Marie-Noël Morin-Ganet
Sandrine Henry
Mary Sroda

En partenariat avec
AVANT-PROPOS

Cet ouvrage, consacré au programme spécifique de Sciences de la vie et de la Terre de terminale S et


conçu par des professeurs enseignant ce niveau, constitue une préparation originale et efficace à l’épreuve
écrite du baccalauréat en SVT.
Pour vous préparer au mieux au baccalauréat, vous trouverez à la fin de l’ouvrage, dans le Guide
pratique, la présentation détaillée de l’épreuve de SVT, les exigences des correcteurs et des recommanda-
tions – y compris des conseils de méthode et d’organisation – pour réussir cette épreuve.
Dans la double page de L’essentiel du cours, les principales notions de chaque chapitre, accom-
pagnées de schémas, sont expliquées et présentées de manière structurée et synthétique, dans le
respect du contenu et de l’esprit du programme officiel de SVT de terminale  S. Dans les colonnes,
sont précisément définis les mots et les notions clés du cours et des zoom sur certains points du
programme vous permettent d’approfondir vos connaissances.
Dans Un sujet pas à pas, un sujet complet vous est proposé, accompagné de son corrigé et des conseils
de l’enseignant sur les principaux pièges à éviter. Pour chaque chapitre, c’est l’un des trois exercices de
l'épreuve écrite de SVT qui est traité. L’ensemble des sujets couvre les différents exercices de l’épreuve
écrite de SVT au baccalauréat : partie 1 (restituer ses connaissances lors d’une question de synthèse ou
d’un QCM), partie 2 exercice 1 (raisonner dans le cadre d’un problème scientifique) et partie 2 exercice 2
(pratiquer une démarche scientifique). Cette rubrique se révèle donc être un outil efficace pour s’entraîner
tout au long de l’année à l’épreuve du baccalauréat.
Pour chaque chapitre, des articles issus du quotidien Le Monde, ont été sélectionnés pour leur in-
térêt et leur pertinence au regard d’une ou de plusieurs notions abordées dans le cours. Il s’agit
d’articles récents, qui montrent combien les problématiques des Sciences de la vie et de la Terre
s’inscrivent dans l’actualité, suscitent des polémiques ou des controverses, que ce soit dans le

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domaine de la santé ou dans celui de l’environnement. Ces articles montrent également la rapidité de
l’évolution des connaissances en biologie et en géologie notamment. Les articles choisis vous permettent
d’approfondir les notions du cours, d’étayer vos propos lors des épreuves, grâce à des exemples issus du
Monde, d’alimenter votre réflexion critique et, finalement, d’appréhender les sciences comme un savoir
toujours en construction.
Cet ouvrage est une aide précieuse pour réussir l’épreuve de SVT, et au-delà, pour découvrir la
richesse des Sciences de la vie et de la Terre.

M.-N. M.-G.

Message à destination des auteurs des textes figurant dans cet ouvrage ou de leurs ayants-droit : si
malgré nos efforts, nous n’avons pas été en mesure de vous contacter afin de formaliser la cession
des droits d’exploitation de votre œuvre, nous vous invitons à bien vouloir nous contacter à l’adresse
plusproduit@lemonde.fr.

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méthodologie, fiches, exercices, sujets d'annales corrigés... des outils gratuits et efficaces
pour préparer l'examen.
L’ESSENTIEL
SOMMAIRE
DU COURS

GÉNÉTIQUE ET ÉVOLUTION p. 5
chapitre 01 – Le brassage génétique et sa contribution
à la diversité génétique p. 6
chapitre 02 – Diversification génétique et diversification
des êtres vivants p. 12
chapitre 03 – De la diversification des êtres vivants
à l’évolution de la biodiversité p. 18
chapitre 04 – Un regard sur l’évolution de l’homme p. 24
chapitre 05 – Les relations entre organisation et mode
de vie, résultat de l’évolution : l’exemple de la vie fixée
chez les plantes p. 30

LE DOMAINE CONTINENTAL ET SA DYNAMIQUE p. 37


chapitre 06 – La caractérisation du domaine continental :
lithosphère continentale, reliefs et épaisseur crustale p. 38
chapitre 07 – Contexte de la formation des chaînes
de montagnes et disparition des reliefs p. 44

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chapitre 08 – Le magmatisme en zone de subduction : une
production de nouveaux matériaux continentaux p. 50
ENJEUX PLANÉTAIRES CONTEMPORAINS p. 55
chapitre 09 – Géothermie et propriétés thermiques de la Terre p. 56
chapitre 10 – La plante domestiquée p. 60

LE MAINTIEN DE L’INTÉGRITÉ DE L’ORGANISME :


QUELQUES ASPECTS DE LA RÉACTION IMMUNITAIRE p. 65
chapitre 11 – La réaction inflammatoire, un exemple
de réponse innée p. 66
chapitre 12 – L’immunité adaptative, prolongement
de l’immunité innée p. 72
chapitre 13 – Le phénotype immunitaire au cours de la vie p. 78

NEURONE ET FIBRE MUSCULAIRE : LA COMMUNICATION NERVEUSE p. 83


chapitre 14 – Le réflexe myotatique, un exemple de
commande réflexe du muscle p. 84
chapitre 15 – Motricité volontaire et plasticité cérébrale p. 88

LE GUIDE PRATIQUE  p. 93
génétique

et évolution

sac amniotique

A
E NT
AC
PL

cordon
ombilical

© rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
vaisseaux
sanguins
fœtaux

partie
maternelle

cordon
ombilical utérus
maternel
L’ESSENTIEL DU COURS

MOTS CLÉS
ALLÈLES Le brassage génétique
Versions différentes d’un même
gène, caractérisées par de légères
différences au niveau de leur sé- et sa contribution à la
diversité génétique
quence nucléotidique.

CHROMOSOMES
HOMOLOGUES
Chromosomes appartenant à une

T
même paire dans le caryotype
d’une espèce diploïde. Ils portent
ous les individus appartenant à une même espèce pos-
les mêmes gènes, au même locus, sèdent le même nombre de chromosomes et les mêmes
mais pas forcément les mêmes gènes, occupant la même position le long de l'ADN. Au cours
allèles.
de l’évolution, des mutations peuvent conduire à l’apparition de
DIPLOÏDE (2N) différentes versions des gènes : les allèles. Différents brassages
Qui possède deux représentants
homologues de chaque chromo- au cours de la reproduction sexuée expliquent que chaque
some, c’est-à-dire des paires de individu (hormis les jumeaux vrais) soit génétiquement unique,
chromosomes.
c’est-à-dire possède une combinaison unique d’allèles.
GAMÈTE
Cellule reproductrice haploïde Une multitude de gamètes homologues se placent côte à côte : ils s’apparient.
(ovule chez la femelle, spermato- différents En métaphase I (3), les chromosomes se disposent
zoïde chez le mâle). Chez les organismes diploïdes, la reproduction sexuée sur le plan équatorial, au centre de la cellule. En
implique la formation de cellules reproductrices, ou anaphase I, les deux chromosomes de chaque
HAPLOÏDE (N)

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gamètes haploïdes, contenant chacune la moitié de paire se séparent et migrent chacun aléatoirement
Qui possède un seul exemplaire de l’information génétique de l’individu qui les produit. vers l’un des pôles de la cellule. Les chromosomes
chaque chromosome. À l’exception des gamètes, chacune des cellules d’un d’origine paternelle ou maternelle se répartissent
organisme diploïde possède des paires de chromo- au hasard, les paires étant indépendantes les unes
ZOOM SUR… somes homologues : l’un d’origine paternelle et des autres. C’est le brassage interchromosomique.
l’autre d’origine maternelle. La première étape de En fin de télophase I, deux cellules haploïdes, ne
LE BRASSAGE la formation des gamètes est une double division
INTERCHROMOSOMIQUE cellulaire appelée méiose, qui permet d’obtenir quatre 1 X
Y 4
Il correspond à la migration indé- cellules haploïdes à partir d’une cellule diploïde. Elle A1 A2

pendante des différentes paires est précédée d'une copie à l’identique du matériel B1 B2
C1 C2

de chromosomes au cours de la génétique (réplication de l’ADN). Chaque chromosome D1 D2

première division de méiose. On Séparation de la cellule en deux cellules


Quantité d’ADN par cellule
peut le mettre en évidence en ana- Cellule à 3 paires
de chromosomes
à 3 chromosomes à 2 chromatides
(un de chaque paire)
lysant les résultats de croisements
étudiant des gènes portés par des 4Q 2
Réplication Séparation des chromosomes
paires de chromosomes différentes 5
de l’ADN homologues
(gènes indépendants). A1
C2 A2 C1

B1 D2
Séparation des B2 D1

LE BRASSAGE 2Q
chromatides sœurs
INTRACHROMOSOMIQUE
A1 C2 C1 A2

B1 D2 D1 B2
Il augmente la diversité des ga- Formation d’une chromatide
Q Réplication
mètes en formant des chromatides sœur pour chaque chromosome
par réplication de l’ADN
Séparation des chromatides sœurs
de l’ADN dans chaque cellule issue de la première
recombinées par crossing-over en 1ère division
de méiose
2e division
de méiose
division de méiose
La deuxième division de méiose aboutit
prophase de première division de
méiose. Les gamètes de type re- Interphase Méiose
Temps
3 à 4 cellules possédant chacune un chromosome
de chaque paire à une chromatide

combiné possèdent une nouvelle Variation de la quantité de matériel chromosomique lors


combinaison d’allèles qu’aucun de la méiose
Chr omatide
Chromatide
des parents ne présentait. On peut sœur

Gène A
mettre en évidence ce brassage en passe alors d’une chromatide à deux chromatides Allèles du gène A
analysant les résultats de croise- sœurs. La méiose est une double division cellu-
Répartition des chromosomes Gène B
ments étudiant des gènes portés laire (2). La première division de méiose se déroule au centre de la cellule. Allèles du gène B
Les chromosomes de chaque paire
par une même paire de chromo- en plusieurs étapes. Au cours de la prophase I, les se répartissent aléatoirement d’un côté
ou de l’autre du plan équatorial Chromosome
somes (gènes liés). chromosomes se condensent, puis les chromosomes

6 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL DU COURS

portant plus qu’un seul chromosome de chaque pêcher le déroulement des divisions de l’embryon ZOOM SUR…
paire, sont formées (4). et conduire à un avortement spontané.
La seconde division de méiose ressemble à une LES ANOMALIES
mitose : les deux chromatides sœurs de chaque Les anomalies au cours de la CHROMOSOMIQUES
chromosome sont séparées. Une cellule en méiose méiose : sources de troubles Des perturbations du déroulement
donnera donc quatre cellules différentes, contenant mais aussi de diversification de la méiose peuvent conduire à
une copie de chaque gène, soit l’allèle d’origine Lors de la méiose, deux chromosomes (méiose I) des anomalies chromosomiques
paternelle, soit l’allèle d’origine maternelle (5). ou deux chromatides (méiose II) peuvent migrer dont quelques-unes peuvent être
vers le même pôle de la cellule. Dans ce cas, viables : trisomie 21, trisomie 18
Crossing-over entre chromosomes homologues en prophase de première division de méiose certains gamètes porteront un chromosome de (mortalité avant l’âge de 1 an) ou
Chiasma moins, et d’autres un chromosome surnumé- trisomie 13 (décès in utero ou avant
raire. Ces gamètes peuvent être fécondants, mais 3 mois). Elles peuvent aussi toucher
le zygote ne possédera pas le nombre de chromo- les chromosomes sexuels : triso-
somes spécifique de son espèce : s’il est viable, mie XXY (syndrome de Klinefelter,
l’individu sera porteur d’une anomalie chromoso- homme stérile), trisomie XYY, tri-
mique, comme une monosomie (45 chromosomes somie XXX ou monosomie X (syn-
Enjambement des chromatides Échange de matériel génétique au lieu de 46) ou une trisomie (47 chromosomes). drome de Turner, femme stérile).
Chromosomes remaniés

Le brassage intrachromosomique LES FAMILLES


MULTIGÉNIQUES
Les chromosomes homologues sont si étroitement • Certains ensembles de gènes
accolés lors de la prophase I que des échanges de se caractérisent par de grandes
matériel génétique peuvent se produire entre chro- similitudes au niveau de leurs
matides : c’est le brassage intrachromosomique. séquences. Ces gènes sont situés
Au hasard, les chromatides chevauchantes se cou- à des locus différents sur un
pent, puis le bras coupé se ressoude avec l’autre même chromosome ou sur des
chromatide. C’est le crossing-over. chromosomes différents. Une res-
Ainsi, à partir d’une cellule mère de gamètes mâles, semblance de plus de 20 % n’est

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on obtient quatre spermatozoïdes génétiquement pas le fait du hasard, mais d’une
différents. Pour les gamètes femelles, les divisions parenté. Ces gènes résulteraient
sont inégales car seule une cellule garde tout le de duplications à partir d’un gène
cytoplasme ; les autres dégénèrent. Si dans les ancestral. Ce mécanisme, associé
gamètes mâles la méiose est achevée, pour les à des mutations qui se produisent
gamètes femelles, la méiose est arrêtée en cours de manière indépendante sur les
de processus et s’achèvera après la fécondation Anomalie de répartition des chromosomes homologues différents duplicatas, permettrait
(avant la fécondation on parle donc d’ovocyte et en première division de méiose : la moitié des cellules filles d’expliquer l’existence des familles
non d’ovule). aura un chromosome surnuméraire, l’autre moitié aura un multigéniques. La duplication d’un
chromosome en moins gène constitue une source de diver-
Le hasard de la fécondation sification car la protéine codée par
Les brassages au cours de la méiose permettent Lors des crossing-over, des morceaux de chroma- gène peut acquérir de nouvelles
d’obtenir une grande diversité de gamètes conte- tides peuvent être échangés de façon inégale : les fonctions par mutations du gène
nant chacun une combinaison unique et nouvelle gamètes qui résultent de ces divisions peuvent dupliqué, sans que le gène et la pro-
d’allèles. Chez chaque parent, un seul de ces ga- soit ne plus porter certains gènes (on parle de téine d’origine ne soient affectés.
mètes sera impliqué dans la fécondation. délétion de gènes), soit en avoir deux copies (on • L’exemple de la famille des glo-
Dans une fratrie humaine, la probabilité que deux parle alors de duplication de gènes). Si la fécon- bines chez l’homme.
individus non jumeaux vrais soient génétiquement dation implique un gamète portant l'une de ces L’hémoglobine est une protéine
identiques est quasiment nulle. anomalies, l’embryon peut ne pas survivre ou constituée de l’association de
Dans l’espèce humaine, la migration indépendante présenter des malformations dues à cette anoma- quatre chaînes polypeptidiques.
des chromosomes (brassage interchromosomique) lie génétique. Dans certains cas, la duplication de Au cours de sa vie, l’organisme
permet théoriquement la formation de 223 types gènes a permis de créer des familles multigé- humain fabrique plusieurs types
de gamètes différents et la rencontre au hasard niques, comme les gènes du complexe majeur d’hémoglobines, constituées de
avec un gamète de l’autre sexe conduit à chaque d’histocompatibilité (CMH) ou les gènes codant chaînes de globines différentes :
fécondation à (223)2, soit 70 000 milliards de combi- pour les globines.  chaînes zêta, epsilon, alpha, bêta,
naisons possibles pour une cellule-œuf ou zygote. gamma ou delta. Les six gènes co-
Ce chiffre est très sous-évalué car il ne tient pas dant pour ces globines sont situés
compte du brassage intrachromosomique dû aux UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER sur des locus différents sur les
crossing-over. Une quasi-infinité de combinaisons chromosomes 16 et 11. La com-
génétiques différentes sont en réalité possibles. • Chromosomes – Le complexe du « Y » paraison des séquences d’acides
Toutefois, seule une fraction de ces zygotes est p. 10-11 aminés des différentes globines
viable et peut poursuivre son développement. Une (Florence Rosier, Le Monde daté du 30.04.2014) permet de constater leur grande
anomalie chromosomique peut par exemple em- ressemblance.

Génétique et évolution 7
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

NOTIONS CLÉS
CONVENTIONS
D’ÉCRITURE
Partie 1 : La méiose
EN GÉNÉTIQUE Le QCM c) une non-disjonction de la paire chromosomique
En génétique, les différents allèles Cochez la proposition exacte pour chaque question n° 21 lors de la division II de la méiose.
d’un gène sont désignés par une de 1 à 6. d)un accident génétique uniquement lors de la
ou deux lettres. 1. Cette photographie représente une cellule à : formation des gamètes femelles.
L’allèle dominant est écrit en
majuscule ou minuscule et porte
le signe (+) en exposant ; l’allèle Une cellule d’anthère
récessif est écrit en minuscules de lys en division
et ne porte pas de signe. Ex. : chez
la drosophile, les ailes peuvent
être vestigiales (allèle vg) ou nor-
males (allèle vg+). Le phénotype
s’écrit entre crochets. Ex. : [vg+]
signifie que la drosophile porte
des ailes normales. Le génotype
s’écrit entre parenthèses. Les deux
allèles que possède l’individu
diploïde sont séparés par deux a) 2n = 24, en anaphase d’une mitose.
traits dont chacun représente l’un b) 2n = 24, en anaphase I d’une méiose.
des chromosomes homologues. c)2n = 12, en métaphase d’une mitose.
Ex. : le génotype d’une drosophile d) 2n = 12, en anaphase II d’une méiose.
hétérozygote s’écrit (vg+//vg). 2. La mitose :
a) est source de diversité génétique.
CROISEMENT TEST, b) donne naissance à 4 cellules à partir d’une cellule.
TEST CROSS

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c) conserve toutes les caractéristiques du caryotype.
Croisement d’un individu présen- d) permet la production des gamètes. Le sujet de question de synthèse
tant le phénotype dominant avec La diversité du vivant a pour origine de nombreux
un homozygote récessif, c’est-à- 3. La méiose produit : mécanismes dont certains sont d’origine génétique.
dire porteur des allèles récessifs a) 4 cellules haploïdes à partir d’une cellule diploïde. En prenant comme exemple la transmission de deux
des gènes considérés. Le croise- b) 2 cellules diploïdes à partir d’une cellule diploïde. gènes liés, montrez comment lors de la méiose il peut
ment test permet, par l’étude du c) 4 cellules diploïdes à partir d’une cellule diploïde. s’effectuer un brassage de l’information génétique.
phénotype des descendants, de d) 2 cellules haploïdes à partir d’une cellule diploïde. Votre exposé sera accompagné de schémas.
mettre en lumière le génotype des
gamètes du parent présentant le 4. La réplication de l’ADN a lieu : Le corrigé
phénotype dominant. a) entre les deux divisions de la méiose. QCM  : 1. b), 2. c), 3. a), 4. d), 5. d) 6. b)
b) uniquement avant une mitose.
DOMINANCE/ c) uniquement avant une méiose. L’analyse du sujet de question
RÉCESSIVITÉ/ d) avant la première division de la méiose de synthèse
CODOMINANCE La précision « deux gènes liés » permet de limiter
Lorsque les deux chromosomes 5. Lors d’une méiose se déroulant sans anomalie, il le sujet au brassage intrachromosomique. Il s’agit
homologues portent des allèles peut s’effectuer : alors de trouver un génotype parental pertinent
différents pour un même gène, a) un brassage intrachromosomique entre chromo- (hétérozygote) pour deux couples d’allèles portés
celui qui s’exprime au niveau somes non homologues. par la même paire de chromosomes, puis de re-
du phénotype est appelé « allèle b) un brassage interchromosomique entre chromo- présenter les phases de la méiose appropriées, en
dominant ». L’autre est récessif. somes homologues. insistant sur différents moments de la prophase I
Si les deux allèles s’expriment, c) un brassage interchromosomique puis un brassage (crossing-over).
comme dans l’exemple du groupe intrachromosomique.
sanguin AB, ils sont dits « codo- d) un brassage intrachromosomique puis un brassage Proposition de corrigé
minants ». interchromosomique. Introduction : La méiose est définie comme la divi-
sion cellulaire permettant la production de gamètes
HOMOZYGOTE/ Le document suivant représente le caryotype d’un haploïdes ne portant qu’un allèle pour chaque gène
HÉTÉROZYGOTE enfant atteint d’une anomalie chromosomique. sur les deux que possède le parent.
Un individu peut posséder deux 6. Le caryotype ci-dessous peut avoir pour origine : Problématique générale : Comment expliquer que
allèles identiques pour un gène : a) une duplication du chromosome 21 lors de la des parents ne puissent engendrer que des descen-
il est alors homozygote pour ce méiose. dants génétiquement différents ?
gène. S’il possède deux allèles dif- b) une non-disjonction de la paire chromosomique Problématique limitée au sujet : Dans le cas de
férents, il est hétérozygote. n° 21 lors de la division I de la méiose. gènes liés, comment expliquer que des descendants

8 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

puissent porter des associations d’allèles différentes ZOOM SUR...


de leurs parents ? Ce qu’il ne faut pas faire
Point de départ : Une cellule souche de gamète d’un • Cocher plusieurs réponses par question dans le La drosophile, organisme
parent hétérozygote pour deux gènes portés par la QCM : une seule est exacte. modèle en génétique
même paire de chromosomes. • Confondre brassage interchromosomique La mouche drosophile est devenue
(métaphase et anaphase I) et brassage un organisme modèle en géné-
I. Deux gènes liés sont censés migrer ensemble lors intrachromosomique (prophase I). tique depuis le début du XXe siècle.
de l’anaphase I de la méiose • Négliger les schémas ou représenter Elle présente notamment l’avan-
Résultat : on peut former deux types de gamètes des chromosomes trop petits. tage de n’avoir qu’un petit nombre
seulement concernant les deux gènes étudiés. • Se tromper en plaçant les allèles sur les de chromosomes. Les résultats
chromosomes de la cellule parentale de départ. obtenus ont pu être extrapolés
II. Les résultats expérimentaux révèlent des recom- • Omettre d’évoquer le brassage interchromoso- aux autres organismes. Ce sont
binaisons mique même si, en considérant uniquement deux notamment les travaux sur la dro-
Les analyses de croisements entre un hétérozygote et gènes liés, ce brassage n’est pas visible. sophile qui ont permis de faire le
un double homozygote récessif effectués en labora- • Traiter la fécondation alors que le sujet lien entre les chromosomes et les
toire, chez la drosophile par exemple, montrent que ne porte que sur la méiose. caractères héréditaires.
les parents hétérozygotes produisent en réalité quatre
types de gamètes, mais dans des proportions
qui ne sont pas équivalentes : une majorité I. Deux gènes liés migrent ensemble
DATES CLÉS
2 couples lors de l’anaphase I de la méiose.
de gamètes « parentaux » et une minorité de a a a a
L’histoire de la génétique
+ +

d’allèles
2 gènes liés a a
gamètes « recombinés » qui portent des associa- Gène A :
a+ a+
• 1866 : Mendel, prêtre et bota-
tions d’allèles qui n’existaient pas chez le parent. allèles a+ et a niste, élabore les premières lois
Gène B :
allèles b+ et b
de la transmission des caractères
b+ b+ b b
III. Les échanges entre chromosomes homo- b+ b+ b b
héréditaires.
logues Cellule souche de gamète Télophase I • 1879 : Fleming observe le com-
Les recombinaisons ont lieu en prophase I du parent hétérozygote portement des chromosomes au
de méiose, au moment de l’appariement des cours de la mitose.
chromosomes homologues. Des crossing-over a+ a+ a a • 1888 : Strasburger observe le

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
se forment et les chromosomes échangent des comportement des chromosomes
portions de chromatides : c’est le brassage intra- au cours de la méiose.
chromosomique. Cependant, pour un couple de b+ b+ b b • 1901 : De Vries introduit la notion
gènes donné, les recombinaisons homologues Télophase II de mutation.
n’ont lieu que dans un certain pourcentage des • 1902 : Sutton et Boveri proposent
méioses au moment de la formation des gamètes. que les chromosomes soient les
Les échanges entre Chromatides parentales porteurs de l’information géné-
chromosomes homologues gamètes «parentaux»
Conclusion : L’étude de croisements concernant Prophase I
tique.
un couple de gènes liés permet de mettre en crossing-over
a+ a
• 1906 : Johanssen introduit le
évidence le brassage intrachromosomique, qui a+ a a+ a terme « gène » pour désigner un
augmente la diversité possible des gamètes. Si facteur héréditaire.
l’on considère l’ensemble des chromosomes et • 1915 : Morgan apporte les preuves
des gènes d’un individu, la combinaison du b+ b expérimentales de la théorie chro-
b+ b+ b b
brassage intrachromosomique et du brassage mosomique de l’hérédité grâce à
Chromatides recombinées
interchromosomique (migration indépendante Fin de
gamètes «recombinés»
ses études sur les drosophiles.
Prophase I
des différentes paires de chromosomes en • 1941 : Beadle et Tatum établissent
a a+
méiose I) permet de produire une infinité de a+ a a+ a
qu’un gène est responsable de la
gamètes différents. La fécondation réunira au synthèse d’une enzyme (protéine).
hasard deux gamètes parmi de nombreuses • 1944 : Avery, McLeod et McCarty
possibilités.  b+ b+ b b b+ b découvrent que l’ADN est le sup-
port de l’information génétique
chez la bactérie.
• 1953 : Watson et Crick élaborent le
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME modèle de la structure en double
hélice de l’ADN grâce aux travaux
Partie 1 : Synthèse sans documents de Franklin.
– Discutez des conséquences possibles des anomalies survenues lors de la méiose et de la fécondation. (schémas • 1959 : Lejeune met en évidence
attendus) l’anomalie chromosomique de la
Partie 2.1 : Rédigé (tableau à compléter) trisomie 21 (syndrome de Down).
– Ordonnez et annotez des clichés d’observation de différentes phases de la méiose. • 1988 : lancement du projet Gé-
Partie 2.1 : QCM avec document  nome humain.
– Étude d’un graphique représentant l’évolution de la quantité d’ADN au cours de la méiose et de la fécondation. • 2003 : achèvement du séquen-
çage complet du génome humain.

Génétique et évolution 9
9
L'ARTICLE DU

Chromosomes – Le complexe du « Y »


C’est le plus petit de nos chromosomes. Le « Y » est l’apanage des hommes.
Certains prédisent sa disparition, d’autres soulignent sa résilience. Des études récentes
relancent le débat. Premier volet d’une enquête sur science, sexe et genres.

L
e chromosome mâle est-il sachusetts) porte haut le style de chiens] et les “lézards-dragons”, d’un gène (SOX3) a créé un nou-
menacé d’extinction ? Si Harvard – jusque dans cet accent nous aide à retracer l’histoire veau gène, SRY, qui a déterminé
petit mais précieux, ténu aristocratique qui signe l’upper- évolutive de nos chromosomes les caractères du sexe mâle. Ce
mais têtu, le « Y » est-il, comme class de la Nouvelle-Angleterre. sexuels, mais aussi à comprendre gène a surgi sur un des chromo-
le prétendent certains généti- David Page est surtout l’un des leur caractère si étrange. Le chro- somes d’une paire d’autosomes :
ciens, condamné à s’amenuiser plus éminents spécialistes du mosome X est ainsi rempli de l’ancêtre primitif du Y, ou « proto-
encore et encore, jusqu’à finir chromosome Y. C’est lui qui, en gènes brain and balls. » Y ». L’autre chromosome de cette
par s’effacer ? Ou bien est-il 1999, identifiait la première muta- Brain, en anglais, désigne le paire est devenu l’ancêtre du X : le
enfin devenu stable et résistant, tion d’un gène du Y responsable cerveau. Quant au mot balls, il « proto-X ». A ce stade, ces deux
comme l’affirment d’autres d’une infertilité masculine. Lui qualifie – en un terme fleuri que chromosomes restaient pourtant
experts ? Depuis une dizaine qui, en 2003, achevait le séquen- la décence interdit de traduire ici – très semblables, hormis le gène de
d’années, le débat, souvent ani- çage de ce chromosome. L’un des les glandes génitales mâles. De détermination du sexe.
mé, parfois « haut en couleur » plus brillants défenseurs du plus fait, le chromosome X a accumulé, Mais l’acquisition du gène SRYa
mais toujours élégant, oppose exigu de nos chromosomes. semble-t-il, des gènes importants entraîné l’accumulation progres-
les meilleurs spécialistes du do- Face à lui, en avocate générale : la dans la cognition et les fonctions sive, sur le proto-Y, de mutations.
maine. Il est aujourd’hui ravivé flamboyante Jenny Graves, 73 ans, reproductives mâles et femelles. Si Celles, bénéfiques pour le mâle,
par plusieurs études, dont deux qui n’a rien de l’austérité attendue bien que, dès 2002, Jenny Graves le ont été conservées. Avec pour effet
publiées le 24 avril dans Nature. d’un accusateur public. Volontiers qualifiait de chromosome « smart une divergence croissante entre le
Confondant paradoxe : c’est un provocatrice, elle aussi fait autori- and sexy » (« intelligent et sexy »). proto-Y et le proto-X. Devenus trop

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bien chétif chromosome, fra- té dans son domaine : la génétique Et la généticienne de poursuivre : différents, ces deux chromosomes
gile et peut-être éphémère, qui évolutive. « Une scientifique très « Les gènes du X ont joué un rôle ont alors perdu la capacité de se
détermine le sexe fortiche. En impressionnante », estime Eric important dans l’évolution rapide « recombiner » entre eux – c’est-à-
soi, le Y est un oxymore : il est Pailhoux, de l’Institut national de de l’espèce humaine. De son côté, dire d’échanger des fragments de
le frêle support du sexe fort, le la recherche agronomique (INRA) le Y humain est devenu un chro- chromosome, lors de la formation
socle gracile du sexe aux muscles à Jouy-en-Josas (Yvelines). « Une mosome pathétiquement petit : des cellules reproductives. Or cet
si habiles, l’évanescent détermi- forte personnalité, passionnée et il a perdu la plupart de ses gènes, échange est crucial pour l’autoré-
nant du sexe puissant… Bref rap- très attachante, mais aussi très hormis le gène de détermination paration des chromosomes.
pel préliminaire : dans l’espèce respectée », dit Edith Heard, pro- du sexe mâle[le gène SRY]. Il se dé- Le proto-Y ne pouvant plus se re-
humaine aujourd’hui, comme fesseure au Collège de France et grade rapidement et pourrait bien combiner avec un partenaire, il est
chez la plupart des mammifères spécialiste du chromosome X à avoir entièrement disparu dans devenu vulnérable aux accumula-
placentaires et des marsupiaux, l’Institut Curie (Paris). les prochains millions d’années, tions d’« accidents » génétiques. Il
les individus masculins sont XY Professeure émérite à l’Univer- avec des conséquences inconnues a ainsi collectionné les séquences
(dotés d’un chromosome sexuel X sité nationale australienne, Jenny pour notre espèce. » d’ADN répétées, inversées, ampli-
et d’un chromosome sexuel Y) et Graves prédit depuis plus de dix Pour comprendre la suite, il nous fiées (« amplicons ») ou en miroir
les individus femelles, XX (dotés ans la « fin programmée » du faut revenir sur la fascinante his- (« palindromes »). D’où le surnom
de deux chromosomes X). chromosome Y : dans 10 mil- toire évolutive de nos chromo- que lui a donné David Page : « Le
« À votre gauche, le grand et lions d’années, annonçait-elle en somes sexuels. Cette saga débute il Palais de cristal génétique ». Et
majestueux chromosome X. Sur 2002 dans Nature. Dans cinq mil- y a environ 300 millions d’années. cette accumulation a entraîné son
sa droite, le minuscule et dis- lions d’années, prophétise-t-elle Auparavant, nos très lointains amenuisement progressif. « Selon
cret chromosome Y… Pourquoi depuis 2009, tout en affûtant les ancêtres étaient-ils hermaphro- Jenny Graves, lorsqu’un chromo-
riez-vous ? J’ai passé toute ma arguments de cette sombre pro- dites ? Leur sexe était-il déterminé some comme le Y est bourré de
carrière scientifique à défendre phétie. par des facteurs de l’environne- séquences répétées, sa dégénéres-
l’honneur du chromosome Y, Lors d’une « lecture », donnée ment – comme la température, cence est inéluctable », explique
face aux insultes qui pleuvaient le 28 janvier 2010 à la Carnegie aujourd’hui encore, chez le cro- Edith Heard. « Car ces séquences
sur sa nature et ses perspectives Institution for Science, à Washing- codile ? Quoi qu’il en soit, il n’y répétées ou en miroir se recom-
d’avenir », témoignait, pince-sans- ton, Jenny Graves décrivait ainsi avait alors que des chromosomes binent entre elles. Des boucles se
rire, le très distingué professeur son approche : « La comparaison non sexuels (chromosomes auto- forment, et des fragments d’ADN
David Page lors d’une conférence entre les mammifères et d’autres somes). Mâles et femelles étaient à l’intérieur de la boucle sont
TED (technology, entertainment, vertébrés partageant un lointain strictement semblables, d’un point éliminés. » Le chromosome Y a
design) à Boston, le 11 janvier 2013. ancêtre, tels les kangourous et de vue chromosomique. ainsi perdu les deux tiers de son
La soixantaine élégante, le direc- les ornithorynques, les “diables Mais chez un ancêtre commun matériel génétique ancestral. Le
teur du prestigieux Whitehead de Tasmanie” [des marsupiaux à tous les mammifères, il y a chromosome X, de son côté, a été
Institute (MIT, Cambridge, Mas- carnivores à l’apparence de petits 300 millions d’années, la mutation préservé : les femelles étant dotées

10 Génétique et évolution
L'ARTICLE DU

de deux X, ceux-ci ont conservé la 25 millions d’années. Avec Jennifer aux changements évolutifs. » l’équipe de Lars Forsberg montre
possibilité de se recombiner entre Hughes, il a comparé les chromo- Dans le premier de ces articles, que les hommes âgés qui ont le
eux – et de s’autoréparer. somes Y de l’homme et du Ma- l’équipe d’Henrik Kaessmann (uni- plus fort taux de perte du Y, dans
Il y a 300 millions d’années, rai- caque rhésus, dont les ancêtres ont versité de Lausanne) a comparé ces cellules, ont aussi le plus de
sonne Jenny Graves, le proto-Y divergé à cette époque. Leur étude les gènes actifs du Y de 15 mam- risques de cancer. Ils meurent en
hébergeait environ 1 500 gènes. montre que le chromosome Y n’a mifères. Premier résultat : chez moyenne 5,5 ans plus tôt que ceux
Or, aujourd’hui, le Y humain perdu qu’un seul gène au cours les mammifères placentaires, les qui ont les plus faibles taux de
ne compte plus que quelques des vingt-cinq derniers millions chromosomes X et Y ont cessé de perte du Y.
dizaines de gènes : il a perdu 97 % d’années – mais aucun durant le se recombiner il y a 180 millions La polémique n’est pourtant pas
de ses gènes ancestraux. « À ce dernier million d’années (Nature, d’années. Mais, surtout, ce travail close, car la thèse de Jenny Graves
rythme, calcule Jenny Graves, le 22 février 2012). « Au début de montre que si certains gènes du Y bénéficie d’un allié de poids, en
chromosome Y aura totalement son histoire, le chromosome Y ont subsisté, c’est parce qu’ils sont la minuscule forme de rongeurs
disparu d’ici à 5 millions d’an- était en chute libre. Ses gènes ont essentiels : ils gouvernent l’acti- saugrenus, mâles bien que XX. Dé-
nées. » Ajoutant, implacable : « Si le été d’abord perdus à un rythme vité d’autres gènes, produisant des crivant le chromosome Y comme
chromosome Y obtient un succès incroyablement rapide. Mais « facteurs de transcription ». Ce un « accident évolutif », lors d’une
évolutif, c’est en matière de spirale le Y s’est ensuite redressé et depuis sont de surcroît des gènes « sen- conférence donnée le 3 avril 2013
descendante. » il se porte bien. Cet article détruit sibles au dosage » : ils ont impéra- devant l’Académie australienne
Publiée dans Science, une étude l’idée qu’il pourrait disparaître », tivement besoin d’être présents en des sciences, Jenny Graves remuait
du 24 novembre 2013 semble lui commentait alors le chevalier ser- double exemplaire, à la fois sur le Y sans pitié le couteau dans la plaie :
donner raison : chez la souris, vant du chromosome mâle. et sur le X. D’où leur préservation « C’est une très triste nouvelle pour
seuls deux gènes du Y suffisent La défense du Y peut aussi sur le Y. tous les hommes ici présents. »
pour créer des mâles. L’équipe s’appuyer sur cette étude parue La seconde étude, publiée par Adoucissant toutefois son propos :
de Monika Ward (université de le 9 janvier dans PLoS Genetics. l’équipe de David Page, confirme « La bonne nouvelle, c’est qu’il
Hawaï) a modifié génétiquement Melissa Wilson Sayres, de l’uni- l’importance de ces gènes résiduels existe aujourd’hui une multitude
des souris, les privant de chromo- versité de Berkeley (Californie), a du Y. Les auteurs ont comparé les de petits rongeurs qui vivent très
some Y. Puis les chercheurs ont comparé chez 16 hommes – huit chromosomes Y de huit mammi- bien sans chromosome Y et sans
doté ces souris de seulement deux Européens, huit Africains – les fères. Ils montrent aussi que la gène Sry. »
gènes provenant du Y : le gène SRY, séquences d’ADN de 27 gènes du « sensibilité de dosage » de ces Dans son Prologue aux Poètes,
qui gouverne la différenciation des chromosome Y. Et cette comparai- gènes cruciaux, sur le Y, a créé Aragon écrivait : « Tout peut chan-

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gonades en testicules, et un second son révèle une étonnante conser- une pression de sélection qui les ger de sens et de nature/ Le bien le
gène impliqué dans la fabrication vation. Les auteurs expliquent a préservés. Non seulement ces mal les lampes les voitures/ Même
des spermatozoïdes. Or ces sou- cette très faible diversité par la gènes ancestraux interviendraient le ciel au-dessus des maisons/ Tout
ris ont été capables de produire « sélection positive » de gènes dans la formation des testicules peut changer de rime et de rai-
du sperme, avec toutefois des importants pour le succès repro- et la production du sperme, mais son/ Rien n’être plus ce qu’au-
anomalies. Mais les précurseurs ductif de l’espèce. ils seraient aussi essentiels à la jourd’hui nous sommes/ Tout peut
de leurs spermatozoïdes, après Publiés le 24 avril dans Nature, viabilité des mâles. Ils pourraient changer mais non la femme et
fécondation in vitro, ont permis la deux autres articles font claire- même jouer un rôle dans certaines l’homme. » L’avenir dira s’il faut
naissance de mâles fertiles. ment pencher la balance en faveur maladies liées au sexe. croire l’homme de lettres : la géné-
De son côté, le chromosome X de la préservation du Y. Dans le Ce résultat est peut-être à rap- tique rejoindra-t-elle ici la littéra-
comporte de nombreux gènes commentaire qui accompagne procher de cette étude suédoise, ture ? Seuls nos lointains descen-
essentiels à la spermatogenèse : ces études, Andrew Clark (Cornell publiée le 28 avril dans Nature dants le sauront.
un rôle qu’on n’attendait pas for- University) conclut ainsi : « Le Genetics. Chez les hommes âgés,
cément de ce chromosome. Jenny chromosome Y semble avoir un la perte du Y est fréquente dans Florence Rosier
Graves en déduit que le Y n’est potentiel d’adaptation très rapide les cellules sanguines. Mais Le Monde daté du 30.04.2014
plus indispensable pour assurer
ces fonctions « mâles »… Beau
joueur, David Page admet cette POURQUOI CET ARTICLE ?
« double vie » du X. Dans un article
publié par son équipe dans Nature Cet article reprend des notions de 1re S concer- à petit, le chromosome Y a perdu la majorité de
Genetics le 21 juillet 2013, il montre nant la mise en place du phénotype mâle chez ses gènes, tant et si bien que certains scientifiques
d’ailleurs que de vastes fragments les mammifères, et présente également les prédisent sa disparition d’ici 5 millions d’années.
du chromosome X se sont spé- résultats de recherches menées sur le devenir du Des études ont montré que le chromosome X
cialisés dans la production du chromosome Y. Ce chromosome est apparu il y possède ainsi de nombreux gènes impliqués
sperme. Ainsi, le X humain compte a environ 300 millions d’années chez un ancêtre dans la spermatogenèse, et chez une espèce de
340 gènes uniquement actifs dans commun à tous les mammifères. Il possède rongeur, on observe même des individus mâles et
le testicule. notamment le gène SRY, responsable de la diffé- pourtant XX. D’autres travaux ont cependant mis
Loin de désarmer, David Page a renciation des gonades en testicules. Accumulant en évidence le rôle crucial de certains gènes du Y
réuni ses bataillons d’arguments progressivement des mutations, le chromosome et la préservation de ces gènes au cours du temps.
génétiques pour sauvegarder Y a divergé du chromosome X, interdisant toute Alors le chromosome Y est-il voué à disparaître ?
l’honneur en péril du Y. La dégé- possibilité de recombinaison avec celui-ci. Petit La réponse reste en suspens.
nérescence du chromosome Y,
affirme-t-il, a été stoppée il y a

Génétique et évolution 11
11
L’ESSENTIEL DU COURS

MOTS CLÉS
CELLULES
Diversification génétique
GERMINALES
Cellules à l’origine des gamètes.
Leur patrimoine génétique est
et diversification
des êtres vivants
transmissible à la descendance de
l’individu.

L
CELLULES
SOMATIQUES es mutations et la rencontre au hasard de deux gamètes gé-
Toutes les cellules d’un organisme à
l’exception des cellules germinales.
nétiquement uniques ne suffisent pas à expliquer la totalité
de la diversification des êtres vivants. Celle-ci s’est réalisée
HYBRIDATION
Croisement de deux individus
au cours du temps, depuis les premières formes de vie, il y a
appartenant à deux espèces diffé- quatre milliards d’années. Les mécanismes mis en jeu sont va-
rentes ou deux variétés différentes riés et ne sont pas toujours liés à une diversification génétique.
d’une même espèce.

PLASMIDE Le transfert horizontal de gènes antibiotiques a favorisé le développement de popula-


Chez les procaryotes, un plasmide Le transfert vertical qualifie la transmission de tions bactériennes de plus en plus résistantes.
est une molécule d’ADN surnu- matériel génétique d’une génération à une autre.
méraire généralement circulaire Des transferts horizontaux sont possibles entre des Hybridation et polyploïdisation
pouvant être transférée à d’autres bactéries qui ne descendent pas les unes des autres, Deux espèces végétales voisines peuvent être inter-
bactéries. qu’elles appartiennent ou non à la même espèce. Par fécondes. Leur croisement, naturel ou artificiel, peut
exemple, des gènes de résistance aux antibiotiques donner des hybrides présentant des critères variés,
PLOÏDIE sont portés par des plasmides, courtes molécules susceptibles d’intéresser les agriculteurs : produc-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Nombre de lots de chromosomes d’ADN circulaires. Deux bactéries peuvent s’échanger tivité, goût, résistance au froid, à un insecte… Parmi
que possède une cellule. directement du matériel génétique plasmidique grâce les plants issus des graines obtenues à partir de ces
à des ponts cytoplasmiques. Une bactérie acquiert croisements seront sélectionnés ceux qui expriment
POLYPLOÏDE alors la résistance à certains antibiotiques à partir les caractères les plus intéressants pour l’agriculture.
Se dit d’un organisme qui possède d’une autre bactérie. Il s’agit d’un mécanisme de Les céréales destinées à la consommation, comme
plus de deux exemplaires de cha- diversification rapide. L’usage excessif de traitements le blé ou le maïs, sont issues d’une succession de
cun de ses chromosomes.
Chromosome bactérien
NOTION CLÉ Copie à l’identique du plasmide
portant le gène de résistance
LES GÈNES à un antibiotique

HOMÉOTIQUES
Les gènes homéotiques, ou ar- Plasmide
portant le gène
chitectes, sont impliqués dans R R
de résistance à R
l’identité cellulaire le long de l’axe l’antibiotique
antéropostérieur lors du dévelop-
pement embryonnaire. L’expres- Bactérie A résistante Bactérie B sensible
à un antibiotique à un antibiotique
sion de chacun d’entre eux est
restreinte à un groupe de cellules
délimité dans l’espace, ce qui dé- Pont entre les deux
termine le plan d’organisation. bactéries, permettant
R
Répartis sur quatre chromosomes le passage du plasmide
copié
chez les vertébrés et un seul chro-
mosome chez les insectes, ils for-
ment une famille multigénique. R
Les séquences de ces gènes sont si R R
ressemblantes entre les différentes
espèces qu’il peut être possible,
par manipulation génétique, de Bactérie A résistante Bactérie B résistante
à un antibiotique au même antibiotique
remplacer un gène homéotique que la bactérie A
d’insecte par son homologue de
vertébré, sans conséquence sur le Transfert d’un plasmide portant un gène de résistance à un antibiotique, d’une bactérie résistante à une bactérie non
phénotype. résistante (conjugaison)

12 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL DU COURS

croisements. Dans le cas de ces végétaux, il y a eu ont étudié les pinsons des Galápagos. On a découvert NOTIONS CLÉS
augmentation du nombre de chromosomes : on plus récemment que la forme de leur bec était liée à
parle de polyploïdisation. Ce phénomène est fréquent l’expression de certains gènes, dont le gène BMP4 EMPREINTE
chez les végétaux, mais beaucoup plus rare chez les (bone morphogenetic protein) : plus intensément et Processus d’apprentissage mis en
animaux. Il peut notamment résulter d’une absence plus tôt ce gène est exprimé au cours du dévelop- jeu au cours du développement
de réduction du nombre de chromosomes lors de pement embryonnaire, plus le bec de ces oiseaux des jeunes, et entraînant une mo-
la formation des gamètes ou d’un doublement des devient robuste, ce qui a des conséquences sur leur dification durable du comporte-
chromosomes suite à une erreur dans une mitose alimentation. La protéine BMP4 est le produit de ment, qui peut être héritable mais
ou une méiose. l’expression de ce gène, elle agit sur la différenciation de manière non génétique.
des cellules lors du développement
Généalogie du blé embryonnaire.
Si un gène homéotique s’exprime
Engrain sauvage Aegilops speltoides à un endroit inapproprié, les
Triticum urartu Diploïde conséquences sont visibles sur
Diploïde 2n = 14 le plan d’organisation. Chez les
serpents, le gène Hox6, respon-
2n = 14
sable de la formation de côtes,
s’exprime tout le long de l’axe
Amidonnier T. tauschii = Ae. squarrosa
antéropostérieur, contrairement à
Ancêtre des blés durs Diploïde ce qui se passe chez les autres ver-
2n = 14
T. turgidum tébrés. Ceci explique la présence
2n = 4x = 28
Tétraploïde de côtes sur toutes les vertèbres
des serpents.
Les variations de la localisation,
Froment = blé tendre Épeautre = blé rustique de la chronologie et de l’intensité
T. aestivum 2n = 6x = 42 T. aestivum ssp spelta de l’expression des gènes homéo-
tiques sont une source importante
Hexaploïde = 42 chromosomes Hexaploïde 2n = 6x = 42
de diversification des êtres vivants. Chimpanzés

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L’engrain sauvage et l’égilope faux épeautre sont Des associations entre espèces SYMBIOSE
diploïdes (ils ont 7 paires de chromosomes) et ont été différentes Association à bénéfices réci-
croisés. Cela a d'abord donné un hybride stérile qui a Une diversification des êtres vivants est possible sans proques entre deux organismes
pu ensuite subir une polyploïdisation et donner une modification de leur génome, par l’association d’es- appartenant à des espèces dif-
plante tétraploïde (2 × 7 paires, soit 28 chromosomes), pèces différentes. Dans le cas des symbioses, les deux férentes.
qui a été elle-même croisée avec un plant diploïde. individus tirent un avantage à s’associer : échanges Exemples de symbioses :
Cela a donné, après hybridation suivie de polyploïdi- de substances nutritives, protection, hébergement, – les lichens sont constitués
sation, deux sortes de céréales à 42 chromosomes (3 × défense… sont des exemples de bénéfices réciproques. d’une association entre une
7 paires). La domestication a eu plusieurs effets, telle algue unicellulaire et un cham-
l’augmentation de la taille de l’épi mais également La transmission de comportements pignon : l’algue fournit les pro-
du nombre de grains par épi. La productivité a donc nouveaux duits de la photosynthèse, tan-
été améliorée. Chez les oiseaux, le chant est indispensable au choix dis que le champignon permet
des mâles par les femelles pour la reproduction. Il la survie dans un milieu sec ;
L’infection par un virus s’agit d’un comportement transmis par les parents – certaines colonies de four-
Près de 10 % du génome des mammifères provien- aux jeunes par apprentissage. mis sont en symbiose avec des
nent de virus. Ils sont des parasites intracellulaires : Chez les chimpanzés, le choix et l’utilisation de arbres tel le cécropia, elles y
leur génome s’insère dans celui des cellules infectées. cailloux pour casser des noix sont transmis des sont hébergées et nourries tout
Cet ajout de matériel génétique peut être défavorable, adultes aux jeunes de certaines communautés seu- en participant activement aux
mais aussi procurer un avantage transmissible à la lement, durant un apprentissage de cinq années. défenses de l’arbre contre les
descendance s’il s’agit de cellules germinales. Les comportements nouveaux sont transmis de gé- herbivores ;
nération en génération par voie non génétique.  – les mycorhizes sont une as-
Des variations dans l’expression sociation entre les racines des
de certains gènes végétaux et des champignons ;
Charles Darwin au XIXe siècle, les Grant au XXe siècle DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER – les nodosités des fabacées,
comme le haricot, associent les
• La génétique des moisissures, tout un racines de ces plantes à des
fromage p. 16 bactéries du genre Rhizobium :
(Hervé Morin, lemonde.fr, 24.09.2015) la plante fournit les produits de
la photosynthèse, tandis que les
• Casser des noix, une question de culture bactéries apportent les produits
Géospizes (10 à 20 cm) de gauche à droite : fuligineux – chez le chimpanzé p. 17 azotés issus de la fixation de
à bec pointu – modeste – des mangroves (Jérôme Grenèche, Le Monde daté du 19.05.2012) l’azote atmosphérique.

Génétique et évolution 13
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

ZOOM SUR…
LE CYCLE DE RÉPLICA-
TION D’UN RÉTROVIRUS
Partie 2.2 : L’origine
Un rétrovirus est constitué d’ARN
dans une enveloppe protéique.
Il peut infecter les cellules qui
présentent à leur surface des pro-
téines auxquelles il peut s’amar-
virale du placenta
rer : ce sont ses cellules-cibles. Le L’intitulé complet du sujet au développement du placenta chez la souris. En
virus peut alors y transférer son Chez les mammifères, le placenta constitue une zone effet, les syncytines sont des protéines de surface
matériel génétique en fusionnant d’échanges entre le sang maternel et le sang fœtal, permettant aux cellules qui les portent de fusionner
avec la membrane cellulaire. L’ARN nécessaire au développement du fœtus. En 2009, entre elles, comme le fait un virus pour entrer dans
viral est converti en ADN par rétro- des chercheurs ont émis l’hypothèse d’une origine une cellule. Ces fusions permettent la fabrication
transcription grâce à une enzyme virale de certains gènes indispensables à la mise en d’une « nappe cellulaire » multinucléée*, constituant
virale : la transcriptase inverse. place du placenta. essentiel du placenta, formée par la réunion de
L’ADN viral s’intègre au génome de Proposez les différentes étapes du scénario ayant pu cellules individuelles en des « syncytia ». Pour les
la cellule-hôte et s’exprime. Ainsi, mener à l’apparition du placenta chez un ancêtre chercheurs, qui ont publié leurs travaux en juin
ARN viraux et protéines virales des mammifères actuels afin de montrer comment 2009, une contamination virale pourrait donc avoir
sont produits, permettant l’as- les virus peuvent jouer un rôle majeur dans la été un événement fondateur dans le passage d’un
semblage de nouvelles particules diversification du vivant. développement embryonnaire externe, chez les ani-
virales qui vont être disséminées. Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation du dos- maux qui pondent des œufs, à un mode « interne ».
sier. Aucune étude exhaustive des documents n’est * Multinucléée : qui comporte de nombreux noyaux.
DES VIRUS… PARTOUT ! attendue. Source : d’après le journal du CNRS, n° 236,
septembre 2009
L’étude des milieux naturels à
partir des génomes qui s’y trou- Document de référence Document 2 : Le cycle de réplication d’un rétrovirus
vent, la métagénomique, permet Le placenta, une zone d'échanges entre le sang de Un rétrovirus est un virus dont le génome est
désormais le comptage et l’identi- la mère et le sang de l'enfant qui nécessite la fusion constitué d’ARN. Sa particularité est de posséder

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fication des virus de l’atmosphère, des cellules une enzyme qui permet la « transcription inverse »
malgré leur petite taille, inférieure
au micromètre. Résultat : dans un sac amniotique
mètre cube d’air, on trouve entre
1,7 et 40 millions de virus selon
les saisons. Pour les bactéries, la NT
A
fourchette est plus basse : entre
E
AC

860 000 et 11 millions d’indivi-


PL

dus par mètre cube. Au repos, un cordon


adulte pompe en moyenne 10 litres ombilical
d’air par minute. À chaque minute
vaisseaux
qui passe, entre 17 000 et 400 000
sanguins
virus pénètrent ainsi dans nos pou-
fœtaux
mons… De quoi pousser un hypo-
condriaque à cesser de respirer !
L’atmosphère est un réservoir de
partie
virus encore largement inexploré
maternelle
auquel il serait temps de s’intéres-
ser, notamment pour identifier des
entités susceptibles de s’attaquer cordon
aux cultures... et aux hommes. ombilical utérus
Source : d’après Pierre Barthélémy, maternel
Combien de virus inhalez-vous chaque
minute  ? sur le blog Passeur de
sciences, le 10 octobre 2012

Les documents de l’ARN viral du génome en molécule d’ADN « com-


Document 1 : Un virus à l’origine du placenta ? plémentaire » capable de s’intégrer à l’ADN de la
L’apparition des mammifères placentaires, dont cellule-hôte. Il utilise ensuite la machinerie cellulaire
l’embryon est alimenté et protégé grâce à un pla- pour se répliquer.
centa, il y a près de 100 millions d’années, serait-elle
liée à une contamination virale ? C’est l’hypothèse Document 3 : Des rétrovirus endogènes
que font des chercheurs après avoir découvert que Les rétrovirus infectieux possèdent la propriété
le gène syncytine A, d’origine virale, est essentiel remarquable de s’intégrer dans l’ADN de nos chro-

14 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

Les objectifs prioritaires sont la pratique du ZOOM SUR...


raisonnement scientifique et l’argumentation
à partir de documents. L’ENDOSYMBIOSE
L’endosymbiose est une coopéra-
Le corrigé tion à bénéfices mutuels entre deux
Le scénario ayant mené à l’apparition du organismes, l’un étant contenu
placenta chez un ancêtre des mammifères dans l’autre. Les cellules eucaryotes
actuels : possèdent des mitochondries, des
organites cellulaires spécialisés
Exploitation des documents 2 et 3 dans la production d’énergie qui
– Infection par un rétrovirus d’une cellule contiennent de l’ADN. Une com-
germinale d’un ancêtre des mammifères, par paraison génétique a permis de
fusion avec sa membrane. montrer de grandes similitudes
– Intégration de l’ADN viral, issu de la « trans- entre le génome des mitochondries
cription inverse » de l’ARN viral, dans le et celui des bactéries de type Ric-
génome de la cellule germinale. kettsia, ce qui suggère une origine
– Transmission à la descendance via les ga- endosymbiotique de ces organites
mosomes. En général, les cellules infectées sont des mètes porteurs des gènes viraux. cellulaires. Toutefois le génome mi-
cellules somatiques qui ne sont pas impliquées dans – Certains gènes viraux restent actifs chez les tochondrial a perdu certains gènes,
la transmission de notre patrimoine génétique. descendants et s’expriment par la production de qui sont inclus dans le génome du
Cependant, lorsqu’un rétrovirus parvient à infecter protéines virales. noyau de la cellule eucaryote.
une cellule de la lignée germinale*, le rétrovirus
intégré peut se transmettre à la descendance comme Exploitation du document 1 UNE LIMACE MARINE
n’importe quel gène : il devient alors un « rétrovirus – Certaines protéines virales de surface, les syncy- CHLOROPHYLLIENNE
endogène ». Le génome de tous les vertébrés est tines, exprimées par les cellules des descendants, La limace marine Elysia chlorotica
ainsi envahi par de telles structures, et le séquençage permettent leur fusion pour former des syncytia. est marron à sa naissance et broute
systématique d’un grand nombre de génomes, dont – Les gènes viraux codant pour ces protéines de des algues. Elle devient alors verte.
ceux de l’homme et de la souris, montre que les fusion cellulaire s’expriment au moment du déve- À la lumière du soleil, la limace dé-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
rétrovirus endogènes représentent près de 8 % du loppement embryonnaire et permettent la mise en ploie des expansions de son corps
matériel génétique de ces espèces. place d’une zone d’échange entre le sang de la mère – des parapodes – pour capter la
Fort heureusement, la plupart des rétrovirus endo- et le sang du fœtus : le placenta. lumière. Élevée à l’obscurité, elle
gènes sont inactifs. Quelques rares éléments sont ce- se replie, redevient marron et doit
pendant toujours capables de produire des protéines Les virus joueraient un rôle majeur dans la brouter des algues. À la lumière, elle
d’origine rétrovirale. diversification du vivant n’a pas besoin de manger car l’ani-
*Cellule de la lignée germinale  : cellule à l’origine de Le séquençage des génomes de vertébrés montre mal agit comme un végétal chloro-
gamètes. que les gènes issus de rétrovirus représentent près phyllien, produisant les molécules
Extrait d’une publication du CNRS 2009
de 8 % du matériel génétique. dont elle a besoin grâce à la pho-
Source : http://www.cnrs.fr/insb/recherche/parutions/
articles09/t-heidmann.htm Dans l’exemple des syncytines, l’intégration et tosynthèse. Des chloroplastes ont
l’expression de gènes viraux a permis l’apparition été extraits des premières algues
du placenta. mangées. Ils sont conservés dans
Ce qu’il ne faut pas faire Cette structure nouvelle a permis de passer d’un les cellules de la paroi intestinale
• Recopier à l’identique des phrases issues développement dans des œufs à un développement mais ne sont pas transmis à la des-
des documents. interne.  cendance. Des gènes nécessaires à
• Utiliser systématiquement les documents la photosynthèse se trouvent dans
dans l’ordre du sujet. le génome de la limace. Ils ont dû
• Étudier les documents de manière exhaustive être acquis au cours de l’évolution
sans les mettre en relation. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC par transfert horizontal entre les
SUR CE THÈME algues et une ancêtre de cette li-
mace. Ce transfert a permis la mise
Analyse du sujet Partie 2.1 : en place de cette endosymbiose
Il s’agit de reconstituer une étape de l’histoire du – Exploiter des documents pour établir le lien particulière.
génome des mammifères, dans laquelle les rétrovi- entre des variations de l’expression de gènes ho-
rus infectieux semblent avoir joué un rôle majeur. méotiques et un exemple de diversification du
L’apparition, par des mécanismes qui auront été vivant.
déduits des documents, d’une structure nouvelle – Exploiter des documents sur l’évolution du gé-
comme le placenta est un exemple de diversification nome des espèces cultivées.
génétique du vivant. Partie 2.2 :
Pour le baccalauréat, il n’est pas attendu de connaître – Exploiter des documents pour montrer que cer-
tous les mécanismes de diversification de manière tains exemples de diversification du vivant se réa-
détaillée. Ils sont à étudier en relation avec leurs lisent sans modification du génome.
conséquences sur la diversification des êtres vivants. Elysia chlorotica (2 à 3 cm)

Génétique et évolution 15
15
LES ARTICLES DU

La génétique des moisissures,


tout un fromage
C
haque fromage est un monde Avantage sélectif différentes souches de P. roqueforti, fromages. Attachés à une image
en soi. Un écosystème, dans L’équipe a d’abord eu la surprise dotées ou non de l’ADN transféré, de respect des traditions et des
la transformation duquel in- de constater que de nombreux face à des souches rivales. Le cham- terroirs, se laisseront-ils séduire
tervient une cohorte de bactéries, de transferts de gènes horizontaux pignon porteur de deux régions par une approche qui les tirerait
levures et de moisissures. Elles lui étaient intervenus entre ces es- génétiques particulières, baptisées vers la modernité tapageuse de la
donneront sa texture, sa teinte, son pèces. Le terme horizontal désigne Wallaby et CheesyTer, montrait une biotechnologie ?
odeur et son goût singuliers. Parmi un mécanisme de passage de meilleure faculté à transformer le L’équipe de Tatiana Giraud va
ces transformateurs minuscules, matériel génétique d’une espèce à substrat sur lequel il poussait et désormais se tourner vers l’étude
domestiqués par l’homme, figurent une autre – voire d’un règne à un remportait la compétition face à ses de la diversité génétique au sein de
les champignons filamenteux du autre – contrairement au transfert concurrents. l’espèce P. roqueforti. P. camemberti
genre Penicillium. Cousins de ceux vertical qui va d’une cellule mère L’équipe, qui a mis au point une est de ce point de vue bien moins
dont on a tiré des antibiotiques de à une cellule fille. Presque 5 % du technique de reproduction sexuée riche, puisqu’on ne le trouve que
type pénicilline, ils confèrent par génome étaient concernés par ces de ces champignons, imagine dans les fromages. On pense que ce
exemple au fromage son aspect transferts. Comment ceux-ci inter- qu’il serait possible d’effectuer clone est issu d’une lignée unique
blanc soyeux – c’est Penicillium viennent-ils ? «  Chez ces champi- des croisements contrôlés, afin obtenue à la fin du XIXe par une
camemberti qui effectue ce travail gnons filamenteux pluricellulaires, d’obtenir chez les descendants des sélection de moisissures gris-bleu-
– ou sa couleur bleu-vert typique – on a constaté que des fusions de combinaisons susceptibles d’inté- tées utilisées à l’époque, P. biforme
c’est alors Penicillium roqueforti qui cellules d’individus ou d’espèces resser l’industrie agroalimentaire. et P. fuscoglaucum.
s’en charge. différentes pouvaient intervenir », Mais cette propension à s’adapter P. roqueforti, sous ses multiples

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Ces champignons sont au cœur indique Antoine Branca, l’un des par transfert horizontal pourrait avatars, pourrait aider à recons-
d’une étude publiée jeudi 24  sep- signataires de l’article. Cette fusion constituer un inconvénient « en cas truire l’histoire de la domestica-
tembre dans la revue Current végétative pourrait expliquer ces de contamination de souches qui tion de ces champignons, et à ré-
Biology. Elle met en lumière les transferts. pourraient être une nuisance dans le soudre son plus grand mystère :
fréquents transferts de gènes qui L’étape suivante a consisté à processus de production », souligne comment des moisissures qui
interviennent entre ces organismes explorer le rôle joué par les gènes Antoine Branca. s’épanouissaient dans un milieu
et souligne les bénéfices qu’on pour- ainsi transférés. Pour cinq d’entre végétal ont-elles été poussées à
rait en tirer, en même temps que eux, une fonction potentielle a pu Contacts avec changer de régime alimentaire
les risques de contamination qui être identifiée : dans la transfor- des industriels pour devenir de précieuses auxi-
pourraient être liés à cette faculté mation du « caillé », la part du lait Des contacts sont en cours avec liaires des éleveurs ?
inattendue. qui sert de matière première au des industriels, spécialisés dans la
«  Nous étudions l’adaptation des fromage, ou encore dans l’exploi- production de souches utilisées Hervé Morin
organismes à leur milieu, indique tation du lactose, un sucre présent pour ensemencer divers types de lemonde.fr, 24.09.2015
Tatiana Giraud (unité écologie, dans le lait. «  Des données recueil-
systématique et évolution, CNRS lies par une équipe canadienne sur
université Paris-Sud-Orsay), qui a l’expression des gènes de Penicillium POURQUOI entre différentes espèces de
dirigé les travaux. Les champignons, camemberti au fil de la maturation CET ARTICLE ? champignons. L’homme aurait
avec leurs petits génomes, sont des du fromage montrent que certains alors sélectionné chez ces cham-
organismes modèles très intéres- de ces gènes transférés horizonta- Cet article montre l’importance pignons des caractères intéres-
sants, et plus encore ceux qui ont été lement interviennent tout au début de la pression de sélection exer- sants pour la transformation
domestiqués pour faire du fromage, de la transformation », souligne cée par l’homme, de manière du lait en fromage. Or, certains
car ils ont subi une pression de sélec- Antoine Branca. Les champignons volontaire ou non, sur les êtres de ces caractères sélectionnés
tion très forte. » L’idée était donc de qui en sont porteurs auraient donc vivants qu’il utilise, notam- résultent de l’expression des
comparer leur génome à celui de un avantage dans la compétition ment pour produire sa nourri- gènes transférés horizontale-
champignons proches, qui peuvent entre micro-organismes, au début de ture. L’article présente les résul- ment. L’homme est donc à l’ori-
être des contaminants alimentaires la course, et le conserveraient. tats d’études génétiques sur gine d’une pression de sélection
« qu’on trouve régulièrement dans les champignons utilisés pour sur ces moisissures, réalisant
le réfrigérateur, comme ceux qui « Gènes de domestication » la fabrication des fromages ainsi une domestication de ces
bleuissent les oranges par exemple », Pour tester l’avantage sélectif asso- consommés régulièrement, qui organismes. Les détails de l’évo-
ou dans l’ensilage du fourrage des- cié à ces « gènes de domestication », montrent que l’évolution de ces lution des différentes souches
champignons s’est faite par des de champignons restent cepen-
tiné à l’alimentation animale, où ils l’équipe française a fait pousser,
transferts horizontaux de gènes dant à préciser.
peuvent produire des toxines. sur plusieurs milieux nutritifs,

16 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

Casser des noix, une question


de culture chez le chimpanzé
La forme et la matière des outils utilisés varient selon la communauté d’appartenance
des primates.

L
a culture est-elle véri- faciles à casser, les communau- territoires géographiquement l’homme. « Chez les humains,
tablement le propre de tés du nord et de l’est de la forêt éloignés utilisaient des outils les différences culturelles sont
l’homme ? La question est de Taï privilégient les marteaux différents pour casser les noix une partie essentielle de ce qui
relancée par une étude sur le en bois, plus abondants. Seuls de coula. « Les populations étu- distingue les groupes voisins
chimpanzé à paraître, le 22 mai, les chimpanzés situés au sud diées par le passé présentent qui vivent dans des environ-
dans la revue Current Biology continuent d’utiliser des mar- beaucoup de différences dans nements très similaires. Pour
et conduite par Lydia Luncz, teaux en pierre pendant toute l’usage d’outils, mais l’argu- la première fois, une situation
de l’Institut Max-Planck d’an- la saison. ment des différences culturelles très semblable a été observée
thropologie évolutionniste de « La culture est avant tout un a été mis en doute, notam- chez les chimpanzés sauvages
Leipzig. Pendant neuf mois, la phénomène social. Les com- ment en raison de possibles vivant dans le parc national de
primatologue a étudié les com- munautés de chimpanzés qui variations d’ordre écologique Taï, et cela démontre qu’ils par-
portements de sélection d’ou- vivent dans le même environ- ou génétique. En effet, 100 à tagent avec nous une capacité
tils destinés à casser des noix nement gardent néanmoins 1 000 km séparent les popu- de différenciation culturelle à
de coula chez les chimpanzés leurs préférences pour des types lations de chimpanzés qui uti- une échelle fine », conclut Lydia
sauvages (Pan troglodytes d’outils de cassage différents », lisent des outils différents pour Luncz.
verus) de trois communautés souligne Christophe Boesch, se nourrir, précise Christophe Ces travaux qui révèlent la di-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
voisines de la forêt de Taï, en coauteur de l’étude et directeur Boesch. Cette fois-ci, notre mension culturelle du compor-
Côte d’Ivoire. du département de primatolo- étude souligne le maintien de tement des chimpanzés souli-
L’utilisation d’outils pour cas- gie de l’Institut Max-Planck. Il y ces différences culturelles chez gnent l’urgente nécessité de
ser ces noix, très nourrissantes a transmission d’une tradition des chimpanzés vivant dans des préserver l’habitat de cette es-
mais presque aussi dures que entre générations au sein d’un environnements similaires et pèce menacée d’extinction.
de la pierre, est certainement groupe. avec un certain brassage géné- Pour son bien propre mais
le comportement le plus so- tique, ce qui est difficilement aussi pour le nôtre : la dispari-
phistiqué observé chez ces Adaptation des contestable. Reste à savoir si tion de ces hominidés qui par-
primates connus pour leur comportements ces différences sont liées à des tagent plus de 98 % de leurs
organisation sociale complexe. Selon les communautés, les différences d’efficacité », confie gènes avec Homo sapiens pour-
Tous ont la même technique, chimpanzés sélectionnent le chercheur. rait compromettre la compré-
qui consiste à placer le fruit aussi des marteaux en bois de Longtemps sujet à contro- hension des racines de la
sur une racine qui sert d’en- tailles variables : petits au nord verse, la question de l’héritage culture humaine. 
clume et à le frapper à l’aide et grands dans les deux autres culturel chez le chimpanzé
d’un percuteur en bois ou en groupes. « Les différences resurgit donc avec l’étude de Jérôme Grenèche
pierre. En tenant compte de culturelles dans la sélection des Lydia Luncz, qui met en évi- Le Monde daté du 19.05.2012
la disponibilité des outils de outils sont maintenues malgré dence de fortes similarités avec
cassage et de la résistance des quelques échanges d’individus
noix de coula au cours de la entre les communautés de
saison, l’étude révèle des diffé- chimpanzés, notamment lors de
POURQUOI exemple de diversification
rences dans le type et la taille la migration des femelles d’une
CET ARTICLE ? non génétique des êtres
des outils sélectionnés entre communauté à l’autre », ajoute
vivants. La question de la
les communautés riveraines le chercheur. Des groupes Cet article révèle que la tech- culture animale reste sujette
de chimpanzés. riverains auraient ainsi déve- nique du cassage des noix à controverse tant elle fait
En début de saison, ces groupes loppé leur propre culture afin de coula par les chimpanzés vaciller les certitudes quant
choisissent principalement d’adapter leur comportement est plus complexe qu’il n’y aux spécificités de l’espèce
des pierres, plus dures que de cassage selon la résistance paraît et qu’il s’agit d’une humaine. En sciences de la
le bois, pour casser les noix des noix pendant la saison. « question de culture ». Ce vie et de la terre, l’homme
encore fraîches. Mais, la sai- Jusqu’à présent, les primato- comportement transmis doit être étudié comme toute
son avançant, quand les noix logues pensaient que seuls les par apprentissage est un autre espèce.
deviennent sèches donc plus chimpanzés vivant dans des

Génétique et évolution 17
17
L’ESSENTIEL DU COURS

ZOOM SUR…
MÊME ESPÈCE OU
De la diversification des
ESPÈCES DIFFÉRENTES ?
Les lions (Panthera leo) et les
tigres (Panthera tigris) peuvent
êtres vivants à l’évolution
engendrer des descendants uni-
quement en captivité, mais leurs
petits (tigrons, ligres) sont stériles.
de la biodiversité
D
Ils n’appartiennent donc pas à la
même espèce
epuis l’apparition de la vie sur la Terre et leur hypothétique
Le fuligule morillon (Aythya ancêtre commun LUCA (last universal common ancestor),
fuligula) et le fuligule milouin
(Aythya ferina) sont des canards
les êtres vivants se sont diversifiés. La biodiversité, qui
qui peuvent donner expérimen- se définit à différentes échelles, correspond notamment à la
talement des descendants fertiles diversité des espèces, mais aussi à la diversité au sein de celles-
alors qu’ils n’habitent pas les
mêmes milieux. Ils sont pourtant ci. Au cours de l’histoire de la Terre, la biodiversité a explosé à
considérés comme deux espèces certaines périodes et a chuté lors de crises biologiques, en lien
différentes par les ornithologues
bien que pouvant s’hybrider car,
avec des modifications des milieux de vie. Ainsi, la biodiversité
du fait de leurs milieux de vie très évolue constamment selon divers mécanismes, les innovations
différents, les hybridations sont
très rares.
se maintenant ou non dans les populations sous l’effet de la dé-
rive génétique et de la sélection naturelle.
LES PINSONS
DES GALÁPAGOS La diversité des populations change lation adaptée à une niche écologique particulière.
au cours des générations – Définition génétique : « Deux individus doivent

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Dans une population, la fréquence des différents avoir le même nombre de chromosomes et sur
allèles peut évoluer de manière aléatoire si ces allèles chaque chromosome le même nombre de nucléotides
n’apportent ni avantage ni désavantage aux individus pour appartenir à la même espèce » Dawkins (1941-).
qui les portent. Le hasard des brassages au cours de Actuellement, on considère que « les espèces sont
la reproduction sexuée détermine l’évolution de des populations d’individus suffisamment isolées
la population, de façon d’autant plus marquée que génétiquement des autres populations ».
celle-ci est petite. Il s’agit de la dérive génétique. Dans tous les cas, une espèce n’est définie que durant
Chez les pinsons de Darwin, qui Dans un milieu donné, selon les allèles dont ils sont un certain laps de temps, délimité par son apparition
occupent différentes îles, des porteurs, certains individus vont mieux survivre (ils (spéciation) et son extinction ou son évolution vers
formes de bec variées ont été se nourrissent plus facilement ou échappent aux pré- une autre espèce.
sélectionnées en fonction de la dateurs) et/ ou davantage se reproduire (ils attirent
nourriture disponible. davantage les partenaires). Ces individus engendrent
Une population d’individus issus plus de descendants que les autres et transmettent
temps
d’une espèce A colonise une île. ainsi davantage leurs allèles aux générations sui- extinction
Au bout d’un certain temps, elle vantes. La conséquence dans la population est une
peut devenir une espèce B, dont augmentation de la fréquence des allèles dont ces
certains individus colonisent une individus sont porteurs, c’est la sélection naturelle. spéciation
autre île et forment une espèce C.
Cette dernière colonise les îles L’espèce : un concept délicat à définir une espèce
alentours, dont celle qui est déjà La définition de l’espèce a été modifiée au cours de
occupée par l‘espèce B. Elles ne l’histoire de la biologie. Plusieurs définitions se sont une espèce
sont pas interfécondes. Leur pos- succédé et reposent sur des critères variés.
spéciation
sibilité de cohabitation dépend – Cuvier (1769-1832) : « Une espèce est un ensemble
du fait qu’elles occupent ou non d’êtres vivants partageant des critères anatomiques isolement
spéciation
la même niche écologique. Si c’est et physiologiques. » Or, deux animaux se ressemblant reproducteur
le cas, les deux espèces entrent en fortement peuvent ne pas appartenir à la même un croisement
compétition ce qui peut entraîner espèce, car ils ne répondent pas à la définition biolo-
la disparition de l’une d’elles. gique de l’espèce. un individu
– Définition biologique adoptée par Buffon (1707-
1788) : « Une espèce est une communauté d’êtres Une vision théorique de l’espèce
Un réseau généalogique fictif (cercles = individus)
vivants pouvant produire des descendants eux- (D’après Guide critique de l’évolution – G. Lecointre – Éd. Belin – 2009)
mêmes féconds » (critère d’interfécondité).
– Définition écologique : une espèce est une popu-

18 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL DU COURS

La spéciation ou création L’individualisation d’une nouvelle espèce peut ZOOM SUR...


de nouvelles espèces prendre une durée variable, de quelques années à
Plusieurs mécanismes permettent d’expliquer des millions, selon la population de départ, l’espèce Des exemples de spéciation
la naissance d’une nouvelle espèce à partir d’une considérée, le milieu et les possibilités d’échanges • Dans l’archipel de Madère, six
espèce ancestrale. génétiques entre les individus. espèces apparentées aux souris
– La séparation de populations par un obstacle domestiques européennes pré-
physique. En effet, la spéciation peut être liée L’extinction des espèces sentent entre 22 et 30 chromo-
à la séparation de populations par une barrière Une espèce est considérée comme éteinte si l’en- somes au lieu de 40, suite à la
physique (cours d’eau, relief) qui va empêcher les semble de ses individus a disparu ou s’ils cessent fusion de certains chromosomes.
échanges génétiques entre deux populations de la d’être isolés génétiquement. Il existe des extinc- Ces populations non interfé-
même espèce initiale et aboutir à la divergence en tions locales (dans une niche écologique donnée) condes proviennent de l’évolu-
deux espèces. ou globales (à la surface de la Terre). tion de souris apportées par les
– La colonisation d’une nouvelle niche écologique. L’extinction d’une espèce peut entraîner celle d’une bateaux des découvreurs de cette
Des individus fondateurs se séparent de l’espèce autre espèce. Ainsi, si les abeilles disparaissent, île au relief escarpé (les Vikings
mère pour coloniser une nouvelle niche, isolée (île) toutes les espèces végétales dont la pollinisation au IXe siècle, les Portugais au
ou adjacente, mais soumise à d’autres pressions est strictement dépendante de ces insectes dispa- XVe siècle). Il s’agit d’un exemple
de sélection. Comme peu d’individus ont migré, raîtront. de spéciation par isolement géo-
tous les allèles de la population de départ ne sont Au cours de l’histoire de la Terre, des diminutions graphique.
pas forcément représentés aux mêmes fréquences massives de la biodiversité ont eu lieu : la période • Dans les sous-sols de Londres,
que dans la population d’origine. Les facteurs crétacé-tertiaire est un exemple de crise biolo- des moustiques Culex pipiens
environnementaux pouvant être différents dans le gique, avec notamment la disparition des ammo- molestus sont génétiquement
nouveau milieu colonisé, la pression de sélection nites et des dinosaures (dont les oiseaux sont les différenciés selon les lignes de
peut favoriser certains allèles ou le maintien de descendants).  métro. Ils ont évolué depuis une
certaines innovations génétiques. centaine d’années à partir d’une
– La spéciation sans isolement géographique. espèce de surface, avec laquelle
Dans un même milieu, au sein d’une population, ils ne sont plus interféconds. La
l’apparition d’un nouvel allèle peut aboutir à profusion de leurs proies (les
former une nouvelle espèce qui exploite différem- UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER mammifères, humains comme

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
ment les ressources de l’environnement ou ne peut rongeurs) transitant par ce
plus se reproduire avec l’espèce initiale. En cause : • Maurice, laboratoire de biodiversité moyen de transport, la chaleur
l’incompatibilité des parades sexuelles ou, pour des p. 22-23 des lieux et la présence de flaques
oiseaux ou des grenouilles, le fait que leurs chants (Viviane Thivent, Le Monde daté du 28.05.2014) d’eau ont accéléré le rythme de
soient devenus très différents et ne leur permettent reproduction (plusieurs cycles
plus de se reconnaître. par an), ce qui a permis une spé-
ciation rapide.
• Aux États-Unis, les larves des
mouches Rhagoletis consom-
Par séparation par Par colonisation Sans isolement
ment les baies de l’aubépine. Le
un obstacle physique d’une nouvelle niche écologique géographique
développement de la culture des
pommes a favorisé l’individua-
Population lisation, sans isolement géogra-
de départ phique, d’une nouvelle espèce
consommatrice de pommes.

Colonisation
Initiation Polymorphisme
d’une nouvelle
de la spéciation génétique
niche

À l’intérieur d’une
Accroissement population
de l’isolement
reproductif
Dans une niche
isolée

Nouvelles
espèces

Des mécanismes de spéciation

Génétique et évolution 19
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

ZOOM SUR…
La vie de Charles Darwin
1809
Partie 2.2 : Le sixième
Le 12 février : naissance à Shrews-
bury (Angleterre) de Charles
Darwin. En France, Lamarck pré-
sente sa théorie transformiste.
doigt des pandas
1831
Le 27 décembre, Darwin s’em- L’intitulé complet du sujet Document 2
barque comme naturaliste sur le Il existe actuellement deux espèces de pandas : le Les grands pandas géants sont des ours d’un type bien
Beagle pour un voyage autour du panda roux (Ailurus fulgens) et le grand panda (Ai- défini, membres de l’ordre des carnivores. Les ours
monde qui durera cinq ans. luropoda melanoleuca). Tous deux sont végétariens, ordinaires sont les représentants les plus omnivores de
1835 se nourrissant de grandes quantités de feuilles de leur ordre, mais les pandas ont restreint l’universalité
Le Beagle fait escale aux Galá- bambou. Ils présentent par ailleurs une particularité de leurs goûts : ils démentent l’appellation de leur ordre
pagos, où Darwin note des va- anatomique remarquable : la présence d’un sixième en tirant leur subsistance presque exclusivement du
riations dans la forme des becs doigt (ou « faux pouce ») à chaque main, longtemps bambou. […] Assis bien droit sur leur derrière, ils mani-
des pinsons, ce qui inspirera sa interprétée comme une adaptation à leur régime pulent ses tiges avec leurs pattes avant, se débarrassant
théorie. alimentaire. des feuilles pour ne consommer que les pousses. […]
1837 En 2005, on a découvert en Espagne un fossile daté de Comment le descendant d’une lignée adaptée à la course
Première esquisse, par Darwin, 9 millions d’années (Simocyon batalleri) apparenté aux peut utiliser ses mains de façon si habile ? Ils tiennent
d’un arbre évolutionnaire figu- pandas actuels et présentant lui aussi un sixième doigt. les tiges de bambou dans leurs pattes les dépouillent de
rant dans son Notebook on Trans- Montrez comment l’interprétation du sixième doigt leurs feuilles en faisant passer les tiges entre un pouce
mutation of Species. des pandas en termes d’adaptation au régime alimen- apparemment flexibles et les autres doigts. […]
1858 taire végétarien (adaptation dont vous expliquerez les […] Anatomiquement, le « pouce » du panda
Présentation à Londres d’articles mécanismes) s’est nuancée à la lumière de nouvelles n’est pas un doigt. Il est construit à partir d’un os
en commun avec Wallace sur la découvertes. appelé le sésamoïde radial (du radius), normale-
perpétuation des variétés et des Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation du dos- ment un des petits os formant le poignet. Chez le

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
espèces par les moyens naturels sier. Aucune étude exhaustive des documents n’est panda, le sésamoïde radial est très développé et
de la sélection. attendue. si allongé que sa taille atteint presque celle des os
1859 des phalanges des vrais doigts. […] L’allongement
Publication de De l’origine des Document de référence : Les trois « pandas » connus du sésamoïde radial a pu être provoqué par une
espèces par voie de sélection
naturelle ou la Préservation des
races favorisées dans la lutte pour
la vie.
1871
Darwin livre ses vues sur l’origine
de l’homme dans La Filiation de
l’homme et la sélection liée au
sexe.
1882
Mort de Darwin dans sa demeure
de Down, dans le Kent. Il sera en-
terré à l’abbaye de Westminster.
Source : « Dates clés de la vie de Charles
Darwin », Le Monde, 6 février 2009. transformation génétique, peut-être une seule
Les documents mutation affectant le rythme et la vitesse de
PERSONNAGE Document 1 : Représentation actualisée des relations la croissance. […] Le vrai pouce du panda, trop
CLÉ de parenté entre ours et panda spécialisé pour être utilisé à une autre fonction
et devenir un doigt opposable,
STEPHEN JAY GOULD Middle Late Early Late Early Middle Late apte à la manipulation, est re-
(1941-2002)
40 35 30 25 20 15 10 5 0 Mya.
légué à un autre rôle. Le panda
Paléontologue américain, coau- Ailuropoda
est donc contraint de se servir
teur de plusieurs idées théo- des organes disponibles et de
riques sur l’évolution. Il doit choisir cet os du poignet hy-
sa renommée à ses nombreux Autres Ours pertrophié, solution quelque
essais, dont Le Pouce du panda, peu bâtarde mais très fonc-
et à sa participation active à la Ailurus tionnelle.
lutte contre le créationnisme aux Le faux pouce du panda géant
États-Unis. Simocyon est en réalité un os du carpe

20 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

(os plat de la paume) Exploitation du document 1 ZOOM SUR...


transformé en « pouce » Les pandas ont des liens de parenté avec les ours
opposable. (Noté rs pour (plus particulièrement le grand panda) et l’espèce LA PHALÈNE DU BOULEAU
os sésamoïde radial) fossile Simocyon est un parent plus proche des Papillon nocturne qui existe sous
Source : Extrait de Le Pouce pandas roux que du grand panda. une forme claire, camouflée des
du panda ou les grandes prédateurs sur les troncs clairs du
énigmes de l’évolution,
Exploitation du document 2 bouleau, et une forme sombre.
Stephen Jay Gould, 1980
Les pandas actuels ont un sixième « doigt » adapté L’étude de l’évolution de la fré-
à leur régime alimentaire de type végétarien quence relative de ces deux formes
Os de la main du panda géant
Document 3 (bambou). Cette particularité anatomique a peut- au sein des populations de pa-
« En étudiant sa den- être une origine génétique : une mutation dans un pillons à partir du XIXe siècle en
ture, nous sommes arrivés à la conclusion que cet gène qui modifie la croissance de l’os sésamoïde Angleterre constitue un exemple
animal mangeait essentiellement de la viande, et radial. classique pour expliquer le prin-
non des végétaux comme le petit panda actuel, Cette innovation génétique serait due au hasard, cipe de la sélection naturelle. La
annonce Stéphane Peigné, jeune chercheur au faisant apparaître le faux pouce probablement forme sombre, observée pour la
Laboratoire de géobiologie, biochronologie et chez l’ancêtre commun à tous les pandas. première fois en 1848, est deve-
paléontologie humaine. C’est pourquoi nous pen- Certaines innovations peuvent donner un avan- nue majoritaire dans les régions
sions que Simocyon n’utilisait pas son sixième tage aux individus dans un milieu donné. L’in- industrialisées, où les troncs des
doigt pour saisir les pousses de bambou comme novation a dans ce cas plus de chances d’être arbres deviennent plus sombres.
le fait aujourd’hui le petit panda, mais plus cer- transmise à la descendance et de diffuser dans la La survie différentielle des deux
tainement pour aider à sa locomotion dans les population : c’est la sélection naturelle. formes de papillons, qui échap-
arbres. »… Et comme les données recueillies sur le Il peut donc y avoir conservation de l’innovation pent plus ou moins facilement
site indiquent qu’il vivait dans un environnement si elle n’est pas une gêne et diffusion si elle à leurs prédateurs sur les troncs
peuplé de nombreux prédateurs, « cette étrange confère un avantage sélectif, dans deux situations clairs ou sombres, détermine le
facétie de l’évolution de doter Simocyon d’un faux différentes : chez Simocyon carnivore pour fuir les nombre de leurs descendants et
pouce apparaît, dans ce contexte, vitale pour ce prédateurs (document 3), chez les pandas pour se l’évolution de la fréquence des
carnivore plutôt charognard et peu véloce : il nourrir (document 2). Cette innovation n’a pas été deux allèles impliqués.
pouvait donc leur échapper en grimpant aisément conservée dans le groupe des ours.
SPÉCIATION ET

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
dans les arbres », poursuit le paléontologue…
Source : extrait d’un communiqué de presse du II. Comment l’interprétation du sixième doigt SÉLECTION NATURELLE
CNRS (Centre national de la recherche scientifique) des pandas a été nuancée suite à la découverte Aux États-Unis, les vallées de
à propos de la découverte de Simocyon batalleri d’un fossile Sacramento et San Joaquim sont
(mars 2005) Avant la découverte : le sixième doigt des pandas trop sèches pour permettre à
était interprété comme une adaptation à leur la salamandre de Californie d’y
régime alimentaire. vivre. En colonisant le milieu, une
Ce qu’il ne faut pas faire Après la découverte de Simocyon : il est interprété partie de la population initiale a
• Faire une analyse exhaustive de tous les docu- comme une adaptation chez Simocyon pour fuir contourné les vallées sèches par la
ments sans lien avec la problématique. les prédateurs en grimpant aux arbres ; chez les zone montagneuse de l’est, tandis
• Se dispenser d’apporter des connaissances. pandas, pour saisir les branches de bambou. que l’autre est passée par la zone
• Omettre d’indiquer clairement les relations entre L’innovation, partagée par les pandas géants, les côtière à l’ouest. Les salamandres
les différents arguments. pandas roux et Simocyon serait apparue chez l’un des zones montagneuses sont ta-
de leurs ancêtres communs, mais n’aurait pas été chetées, ce qui leur assure un bon
conservée chez les ours.  camouflage vis-à-vis des préda-
Analyse du sujet teurs. Les salamandres des zones
La réponse argumentée doit s’appuyer sur les côtières sont rouges, comme les
informations pertinentes des documents, mises animaux venimeux vivant dans
en relation entre elles et avec les connaissances. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC ce milieu. Les deux populations
Elle comportera deux parties distinctes : une SUR CE THÈME ont poursuivi leur migration vers
proposition de scénario ayant conduit à l’appa- le sud jusqu’à la convergence des
rition et au maintien du sixième doigt chez les Partie 1 : deux vallées : les salamandres de
pandas (mécanismes évolutifs) ; puis comment – Expliquer les mécanismes qui déterminent l’est et de l’ouest n’y sont plus
l’interprétation de cette adaptation a été nuancée l’évolution de la fréquence d’un allèle dans une interfécondes, il s’agit de deux
suite à la découverte d’un fossile. population (dérive génétique, sélection naturelle). espèces différentes.
Partie 2. 1 :
Proposition de corrigé – Nuancer la définition de l’espèce à partir
Différents scénarios évolutifs peuvent être accep- d’exemples d’hybrides interspécifiques.
tés s’ils sont plausibles et sans contradiction avec Partie 2. 2 :
les documents. – Analyser, à partir de documents, des exemples
I. Mécanismes ayant conduit à l’apparition et de spéciation dans des contextes et selon des mé-
au maintien du sixième doigt chez les pandas : canismes variés.
proposition de scénario

Génétique et évolution 21
21
L'ARTICLE DU

Maurice, laboratoire de biodiversité


Sur cette île de l’océan Indien, les écosystèmes terrestres sont si dégradés que les
gestionnaires, publics ou privés, n’hésitent plus à tester des techniques de conserva-
tion extrêmes pour tenter de les sauver.

D
e son promontoire en ne l’est pas. » Pas étonnant vu que espèces introduites à Maurice, zones les mieux conservées des
bois, petite excroissance tout ce qui se remarque ici, tout ce notamment dans le règne végé- terrains privés qu’elle a en ges-
discrète au-dessus de la qui prolifère, tout ce qui est banal tal. « Il y a une raison historique tion. « Ici, une nouvelle espèce a
canopée, du lagon et, par-delà, des est le fruit d’une introduction bio- à cela, poursuit le chercheur : le été découverte », s’enthousiasme
côtes verdoyantes de l’île Mau- logique, volontaire ou non. jardin de Pamplemousses. » Créé Vincent Florens. Cette forêt d’alti-
rice, Nicolas Zuël, la trentaine et Ainsi les martins tristes, ces oi- par les Français en 1770, ce jardin tude est aérée, très différente de
la coupe au bol, s’amuse d’une seaux sombres fréquents comme botanique a permis d’acclimater l’impénétrable végétation mau-
question posée : « Vous savez, ici, les pigeons à Paris, sont le fruit du beaucoup d’épices et de plantes ricienne décrite par les premiers
on n’a jamais eu trop de chances premier essai de lutte biologique comestibles (75 %) ou produisant Hollandais. « Les plantes invasives
avec le contrôle biologique. » La de l’histoire moderne. Originaires de belles fleurs. Ainsi, la liane de poussent très rapidement, reprend
sortie est spontanée. Et complète- d’Inde, ils ont été introduits en cerf (Hiptage benghalensis) ou en- Christine Griffiths. Elles aiment la
ment décalée puisque son auteur, 1762 par les Français pour contrô- core le goyavier de Chine (Psidium lumière et profitent de la moindre
responsable faune au Mauritian ler les populations de sauterelles cattleianum) ont-ils été choyés et trouée pour s’implanter. » Ce qui
Wildlife Foundation (MWF), tra- qui ravageaient les plantations. plantés sciemment dans les jar- empêche les plantes natives, plus
vaille sur l’île aux Aigrettes, un « Un succès mais qui s’est toute- dins de Maurice avant de devenir lentes, de pousser. « Et pour ne rien
site où justement des tortues fois soldé par la prolifération des des problèmes. « Elles étouffent les arranger, nos études ont montré
géantes venues des Seychelles martins, peut-être au détriment plantes indigènes et, pire, le goya- que l’arrachage systématique des
(1 700 kilomètres plus au nord) d’oiseaux endémiques, même si vier attire en forêt les cochons », plantes invasives avait tendance
ont été introduites pour ranimer cela reste à démontrer. Attention ! animaux eux-mêmes introduits à aggraver la situation à cause du
un écosystème zombie. Difficile Sous votre pied ! », s’interrompt au XVIe siècle par les Hollandais, piétinement, qui détruit les jeunes

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
néanmoins de contredire le Vincent Florens. pour faciliter le ravitaillement des pousses d’espèces natives. »
jeune homme. Sous mon pied, un escargot gros navigateurs. Ce type de constat a amené la
Car si Maurice est l’une des terres comme le poing et pourvu d’une « Du coup, même les 5 % d’habi- jeune femme et son patron, Owen
les plus tardivement colonisées par épaisse coquille conique. C’est tats terrestres non détruits sont Griffiths (de simples homonymes),
l’homme – en 1598 par les Hollan- l’escargot géant d’Afrique (Lissa- très dégradés, éclatés en confettis à tester de nouvelles approches
dais –, elle est aussi l’une des plus chatina fulica). Introduite (sans et envahis aux deux tiers par des de conservation sur des terres
abîmées écologiquement. Le matin succès) pour soigner les douleurs espèces étrangères », poursuit acquises dans le milieu des années
même, Vincent Florens, écologue à de poitrine de la femme d’un gou- l’écologue. D’après les estimations, 2000. La vallée de l’Est donc mais
l’université de Maurice, cheveux verneur au début du XIXe siècle, seul 1,2 % du territoire, soit à peine aussi Ebony Forest, où des asso-
longs et couvre-chef d’aventurier, l’espèce a proliféré, au détriment 30 km2, est encore dominé par ciations d’essences forestières à
le rappelait d’un autre point de des mollusques locaux et des des espèces indigènes. Résultat : croissance rapide, capables de faire
vue situé de l’autre côté du lagon, cultures. Un problème que les 80 % des espèces endémiques de l’ombre sans couvrir le sol, sont
au sommet du mont Camisard : autorités mauriciennes ont tenté sont en voie d’extinction. « Voilà évaluées afin de réduire le coût de
« A Maurice, 95 % des habitats d’endiguer dans les années 1960 en pourquoi, ici, on tente un peu tout gestion. « Ah mon bébé ! », s’ex-
terrestres ont été détruits par les introduisant deux autres espèces pour empêcher l’homogénéisation clame Vincent Florens en enlaçant
plantations de cannes à sucre d’escargots carnivores, l’une afri- du milieu, reprend le chercheur. On un tronc rachitique. Plutôt une tige
[70 % de la surface de l’île] et par caine, l’autre américaine, censées n’a plus grand-chose à perdre. » Les en fait. Un Harungana, une plante
la pression démographique », soit manger les jeunes Lissachatina. premiers programmes innovants invasive pour Christine Griffiths,
648 habitants au kilomètre carré « Mais cela n’a jamais fonctionné, débutent dès les années 1930 avec indigène et précieuse aux yeux de
contre 113 en France. continue Vincent Florens, ce qui la mise en place de microréserves, l’écologue. Selon lui, il s’agit d’une
Un délabrement qui, autant le dire n’a pas empêché le gouvernement les Conservation Management plante pionnière, mentionnée par
tout de suite, ne saute pas aux mauricien de protéger ces deux es- Areas (CMA), des parcelles de les premiers botanistes de l’île,
yeux. « Les Mauriciens réagissent pèces pendant plus de trente ans... » forêts protégées d’un enclos et dés- qui prolifère dans les premiers
comme vous, explique Christine Jusqu’à ce que des scientifiques, herbées dès que nécessaire. Gérés stades du développement fores-
Griffiths, la jeune gestionnaire comme le malacologiste australien principalement par le Service de tier mais qui disparaît au bout
irlandaise d’une parcelle privée du Owen Griffiths, démontrent, en conservation des parcs nationaux de vingt à trente ans. « C’est un
mont Camisard, “la vallée de l’Est”. 1991, que les estomacs des escar- (NPCS), ces CMA, une vingtaine classique de l’écologie forestière »,
Ils voient du vert, des oiseaux, de gots carnivores contenaient à peu aujourd’hui, couvrent près de insiste-t-il sans convaincre la jeune
la variété et ne comprennent pas près tout sauf de la Lissachatina. 300 hectares et servent de refuges Irlandaise. « Cette plante est un
pourquoi on leur parle de dégra- « En tentant de réguler une espèce à plusieurs espèces endémiques. cauchemar, elle prolifère dès qu’il
dation de la biodiversité. Mais c’est invasive, on en avait ajouté deux D’un geste délicat, Christine Grif- y a une trouée. Nous l’enlevons
parce qu’ils ne discernent pas ce autres. » fiths ouvre une barrière et, par systématiquement. » Les vérités
qui est originaire de l’île de ce qui Une goutte dans l’océan des là même, la voie vers l’une des en écologie sont ainsi : discutables.

22 Génétique et évolution
L'ARTICLE DU

Nous faisons ensuite marche ar- duire en captivité. Un succès : un même habitat sont hétérophiles, L’expérience est si probante que
rière, dans l’espoir, complètement demi-millier d’individus volettent c’est-à-dire que les feuilles situées des réintroductions de tortues
vain, d’échapper aux moustiques. aujourd’hui à Maurice. De quoi à proximité du sol sont différentes sont en cours dans d’autres îles
Sur le chemin du retour, nous croi- donner des ailes à certains qui en forme et en couleur de celles mauriciennes. « En théorie, elles
sons des techniciens, une bouteille fondent le MWF en 1986 et sauvent situées en hauteur. Un trait évolu- pourraient être introduites sur l’île
remplie de peinture à la main. « Du de l’extinction d’autres oiseaux, tif qui apparaît souvent pour lutter principale, poursuit Christine Grif-
désherbant, indique l’Irlandaise. comme le pigeon des mares ou contre les brouteurs. Ensuite, dans fiths. Mais c’est délicat à cause des
Depuis quelques années, sur nos encore la perruche de Maurice. une grotte de l’île, les chercheurs vols observés dans les élevages. »
terres, nous n’arrachons plus les C’est par ce biais que le MWF s’est mettent au jour les os datant de La présence des tortues ne règle
plantes invasives, nous les blessons par la suite posé la question des plusieurs milliers d’années d’une pas tout puisque certaines plantes
et couvrons leur blessure avec un habitats, appréhendés de façon espèce de tortue endémique de invasives ne sont pas broutées.
désherbant coloré, pour voir la zone singulière par l’ONG, notamment Maurice. Des tortues géantes sur Comme les queues-de-rat qui
d’application. Puis nous laissons à l’île aux Aigrettes. la carapace desquelles, ont raconté forment des parterres compacts
les plantes pourrir sur pied. » Elles Ce plateau corallien de 25 hectares les Hollandais, huit à neuf per- qu’il faut arracher à la main. « Et
continuent ainsi à faire de l’ombre, est posé sur le lagon, à quelques sonnes pouvaient s’asseoir pour puis d’autres espèces invasives
servent d’habitats aux insectes et minutes en bateau de Mahébourg, prendre leur repas... non sans avoir poussent en haut de la canopée,
se changent, après décomposition, au sud-est de Maurice, et sa gestion pris auparavant soin de les dégus- hors de portée des tortues, poursuit
en nutriments. Testée depuis est déléguée au MWF depuis les ter jusqu’à la dernière en 1844. Nicolas Zuël. Leurs graines sont
quelques années, la pratique a fait années 1990. « Ce site était inté- De ce double constat est née l’hypo- apportées par les oiseaux venus
ses preuves et diminue par trois les ressant à plus d’un titre, explique thèse que les tortues pourraient être de Maurice. » Qui côtoient ceux
coûts de gestion. Pourtant, elle a du Nicolas Zuël en descendant de son nécessaires au fonctionnement de réintroduits par le MWF. « Notre
mal à s’implanter dans les parcs promontoire. D’abord, il contenait l’écosystème mort-vivant de l’île objectif est de reconstruire brique
nationaux. « Cela doit en arran- quelques ébènes blanches, une aux Aigrettes. Faute de pouvoir par brique l’écosystème de cette
ger certains de payer plus qu’il ne espèce végétale très menacée à ressusciter les espèces disparues, île. Nous avançons en découvrant
faut », insinue Vincent Florens Maurice. » En outre, il était proche le MWF songe à introduire une les problèmes au fur et à mesure. »
qui, en 2013, a posé ouvertement de la côte et avait des berges en espèce analogue capable de rem- Après les tortues et autres reptiles,
la question, s’attirant les foudres forme de surplomb, ce qui le plir la même fonction. Un plan très les passereaux, le MWF travaille
des autorités. « Les pratiques sont rendait difficile d’accès pour les discuté, mais que le MWF met à sur les oiseaux marins, dont le
juste lentes à évoluer », rétorque espèces invasives de Maurice. En exécution en 2000. Quatre tortues guano serait un bon fertilisant.

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Christine Griffiths. Le début d’un théorie, un simple travail de net- géantes des Seychelles sont alors « Le problème, critique Vincent
autre débat, et donc d’un autre toyage et d’éradication devait ainsi introduites. « Un succès sans pré- Florens, c’est que des libertés sont
festin des moustiques. permettre de restaurer le milieu. cédent, raconte Christine Griffiths, prises avec l’écologie. Certaines es-
« À Maurice, plusieurs écoles En pratique, rien de tel : l’écosys- qui a effectué sa thèse sur le sujet. pèces, notamment des plantes indi-
de pensée de la conservation tème originel ne reprenait jamais D’abord parce que les tortues se sont gènes d’intérêt surtout ornemental,
s’affrontent, expliquera plus tard le dessus. Les graines d’ébènes mises à brouter les plantes invasives n’ayant jamais poussé dans cet îlot,
Stéphane Buord, directeur scienti- blanches tombaient au sol, parfois et ensuite parce que, en mangeant y sont plantées, ce qui transforme
fique du Conservatoire botanique germaient, mais mouraient dans les fruits mûrs tombés au sol, elles l’écosystème en jardin. Rien ne dit
national de Brest. Il y a la logique la foulée. « L’écosystème paraissait ont permis la dissémination des que ces introductions ne poseront
du gestionnaire, du forestier, du vivant mais il n’était pas fonction- graines qui ont germé mieux et pas à terme des difficultés. » A ce
NPCS qui, dans son parc, plante les nel, continue le jeune Mauricien. plus vite. » « La preuve, intervient jour, rien ne permet non plus
espèces qui lui semblent intéres- Il lui manquait quelque chose. » Nicolas Zuël, en désignant une d’affirmer que l’écosystème sous
santes, la logique de l’écologue qui Mais quoi ? touffe bien serrée de tiges, presque perfusion de l’île aux Aigrettes
réfléchit en termes de dynamiques La réponse a été trouvée au des troncs : elles sont issues d’une parviendra un jour à l’équilibre.
lentes des milieux et, enfin, il y a le terme d’une série d’observations : crotte de tortues. » Ces reptiles sont
Mauritian Wildlife Foundation qui d’abord, l’ébène blanche ainsi que désormais au nombre de 21 sur l’île, Viviane Thivent
tente de reconstruire des habitats », d’autres espèces partageant le tous introduits à l’âge adulte. Le Monde daté du 28.05.2014
comme d’autres construisent des
maisons avec un jeu de construc-
tion. L’histoire de cette organisa- POURQUOI Pourtant, cette dégradation de sont divergents, notamment
tion non gouvernementale (ONG) CET ARTICLE ? la biodiversité reste peu visible sur la préservation ou non de
commence dans les années 1970 du fait de l’introduction volon- certaines plantes invasives, sur
avec un coup de poker qui a fait Cet article fait le point sur la taire ou involontaire d’un grand le bien-fondé de l’introduction
entrer Maurice dans l’histoire dégradation des écosystèmes nombre d’espèces étrangères à de certaines espèces étrangères…
mondiale de la conservation. terrestres, et donc de la bio- l’île. Certaines de ces espèces Les expériences menées sur
À l’époque, un oiseau de proie, le diversité, sur l'île Maurice. supplantent même parfois les l’île aux Aigrettes montrent
faucon crécerelle de Maurice, est Il revient également sur les espèces endémiques, celles-ci des résultats intéressants, mais
en phase d’extinction à cause de solutions mises en œuvre n’occupant plus maintenant elles ne résolvent pas tous les
l’insecticide DDT. Seuls quatre indi- pour tenter d'y remédier. Les qu’une minuscule portion de problèmes. L’île Maurice semble
vidus sont répertoriés, dont une
plantations de cannes à sucre et l’île. Des programmes de conser- donc servir de « laboratoire » de
femelle. La décision, alors, est prise
la forte densité de population vation des espèces endémiques biodiversité, même si les résul-
de récupérer leurs œufs pour les
ont eu raison de la quasi-tota- ont donc été mis en œuvre tats de cette « expérience » ne
faire éclore en incubateur, élever
lité des écosystèmes terrestres. depuis 1930. Cependant, les avis sont pas encore connus.
les oisillons et les faire se repro-

Génétique et évolution 23
23
L’ESSENTIEL DU COURS

ZOOM SUR…
La place de l’homme dans le
monde vivant
Un regard sur
L’homme fait partie, avec les
grands singes, du groupe des homi-
noïdes, qui appartient à l’ordre des
primates. Comme tous les mammi-
l’évolution de l’homme
L
fères, il est un vertébré amniote et
tétrapode, caractéristique partagée ’espèce humaine appartient à l’ordre des primates, qui re-
avec les amphibiens, les reptiles et groupe environ 230 espèces d’une grande diversité et dont
les oiseaux. Enfin, il partage avec
tous les autres animaux des carac-
les comparaisons anatomiques et moléculaires permettent
téristiques encore plus anciennes, de préciser les liens de parenté. Le séquençage des génomes de
comme la nature de ses cellules,
qui sont eucaryotes.
l’homme et du chimpanzé a révélé une identité de plus de 99 %.
Ainsi, les études génétiques et l’observation du développement
NOTIONS CLÉS de l’homme et de son plus proche parent permettent de com-
ARBRE PHYLOGÉNÉTIQUE prendre comment se construisent leurs phénotypes différents à
Traduit des liens de parenté entre partir d’un patrimoine génétique très proche. L’histoire de la li-
des espèces. Pour chaque caractère
on définit deux états, l’un étant
gnée humaine, dont l’homme actuel est l’unique représentant,
dérivé de l’autre. Le passage de l’état montre une évolution buissonnante. Sa phylogénie reste discutée
ancestral à l’état dérivé d’un carac-
tère est une innovation évolutive
et révisable à tout moment, au gré des découvertes de fossiles.
qui a nécessairement été trans-
mise de génération en génération La place de l’homme parmi Les plus lointains ancêtres communs à l’ensemble
les primates

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
jusqu’aux organismes observés. Les des primates seraient apparus il y a 65 à 50 millions
nœuds de l’arbre indiquent le der- Les primates partagent des caractères communs, d’années (Ma) en Afrique. Les hominoïdes seraient
nier ancêtre commun des espèces dont un pouce opposable aux autres doigts de apparus il y a 23 millions d’années, les hominidés
qui partagent des caractères dérivés la main, des ongles plats et des orbites en façade (dont font partie les gorilles, les chimpanzés et les
exclusifs. L’arbre phylogénétique (favorisant une vision binoculaire). Les grands singes hommes), il y a 10 millions d’années. Les primates
dit « qui partage quoi avec qui » et dits « hominoïdes » se caractérisent par l’absence de partageant l’ancêtre commun le plus récent avec
donc « qui est le plus proche parent queue et la pratique au moins partielle de la bipédie. l’homme actuel sont les chimpanzés (Pan troglo-
de qui » et non pas « qui descend de Excepté l’homme, qui a colonisé toute la planète, les dytes) et les bonobos (Pan paniscus).
qui » (G. Lecointre, « La construc- primates vivent dans les régions intertropicales du Les premiers représentants de la lignée humaine,
tion de phylogénies », APBG, 1995 ; globe (Australie exclue). qui ont donc un ancêtre commun avec l’homme plus
1 : 109-36). L’étude des caractères anatomiques ne permet pas récent qu’avec les chimpanzés, seraient apparus il y
forcément de préciser les liens de parenté au sein a 5 à 10 millions d’années.
LES FOSSILES NE SONT du groupe des hominoïdes dont fait partie l’homme.
PAS DES ANCÊTRES Les comparaisons chromosomiques et moléculaires Les caractères distinctifs de l’homme
Les fossiles correspondent à des sur de nombreux gènes montrent que les plus L’homme se distingue du chimpanzé par un ensemble
espèces réelles ayant vécu durant proches parents de l’homme sont les chimpanzés. de caractères dont certains sont liés à la bipédie per-
une période géologique donnée et Elles ont permis d’établir l’arbre phylogénétique manente : un trou occipital avancé, des membres an-
ne coïncident pas avec les nœuds des primates et d’estimer les dates de divergence térieurs réduits par rapport aux membres postérieurs,
des arbres phylogénétiques. entre les lignées. un bassin court et large et des fémurs convergents en
sont des exemples. Par rapport à
PARENTÉ autres Primates celui du chimpanzé, le crâne de
Chercher la parenté c’est « chercher l’homme témoigne d’un volume
le groupe frère, et non l’ancêtre. Il Hylobatoïdés (Gibbon, etc.) cérébral plus important, et sa face
Primates
s’agit, pour une espèce donnée, du- est aplatie. D’autres différences
Pongidés (Orang-outan)
groupe avec lequel elle partage une Hominoïdes s’observent dans la mâchoire et
innovation évolutive exclusive : Gorillinés (Gorille) la dentition. Les témoignages
Hominoïdés
elle ne la partage avec aucun autre d’activités culturelles (outils, gra-
groupe. L’ancêtre au sens propre Paninés (Chimpanzé) vures, peintures rupestres, etc.)
Hominidés
restera toujours inconnaissable, Homme (Homo sapiens) sont très développés. Lorsqu’un
mais on peut déduire certains des Homininés fossile présente au moins l’un
Homo sp.
caractères qu’il devait posséder, les Australopithecus sp. de ces caractères distinctifs, il
caractères dérivés qui définissent le est susceptible d’être placé au
groupe » (G. Lecointre, op. cit.). Arbre phylogénétique des primates sein de la lignée humaine, sans

24 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL DU COURS

pour autant être considéré comme un ancêtre direct des genres Australopithecus et Homo. MOTS CLÉS
de l’homme actuel. Orrorin tugenensis et Ardipithecus kadabba (− 6 Ma)
en Afrique orientale et Sahelanthropus tchadensis HÉTÉROCHRONIE
La construction du phénotype humain « Toumaï » (− 7 Ma) en Afrique centrale sont les plus Modification de la durée ou de la
L’analyse de 97 gènes fonctionnels de l’homme et anciens homininés découverts. vitesse des phases du dévelop-
du chimpanzé a montré une coïncidence de 99,4 %. Les australopithèques ont vécu de − 4,2 Ma à − 1 Ma ; pement au cours de l’évolution.
L’étude du développement pré et post-natal chez les on trouve de nombreux fossiles en Afrique de l’Est.
deux espèces permet de comprendre comment de si Les traces de pas du site de Laetoli en Tanzanie attes- HORLOGE MOLÉCULAIRE
petites différences génétiques peuvent aboutir à des tent de leur bipédie, il y a 3,6 Ma. Estimation de la date de diver-
phénotypes distincts. Dans les deux cas, le phénotype Le genre Homo regroupe des espèces bipèdes avec gence entre différentes lignées
s’acquiert sous l’effet de l’interaction entre l’expression une boîte crânienne plus volumineuse, une réduction depuis leur dernier ancêtre com-
de l’information génétique et l’environnement. de la face et des canines réduites. Homo habilis en est mun par comparaisons molécu-
le premier représentant connu, les fossiles les plus laires. Pour un gène donné, plus
Caractères qui distinguent homme et chimpanzé anciens retrouvés en Afrique sont datés de – 2,3 Ma. les séquences de deux espèces
Homo erectus (− 1,8 à − 0,6 Ma) est le premier à sont différentes, plus la diver-
domestiquer le feu et à produire et utiliser des outils gence entre les lignées de ces deux
plus sophistiqués : les bifaces. Certains groupes espèces est ancienne.
d’Homo erectus s’aventurent hors d’Afrique et partent
à la conquête de l’Eurasie en plusieurs vagues, de
− 1,7 Ma à − 120 000 ans. Leur arrivée en Europe serait
NOTIONS CLÉS
datée de − 650 000 ans. ÉVOLUTION
Homo sapiens serait apparu en Afrique il y a moins de BUISSONNANTE
200 000 ans et aurait remplacé les populations d’Ho- Les nombreux fossiles décou-
mo erectus au cours de ses migrations successives. verts ne doivent pas être consi-
colonne vertébrale bassin
position du trou occipital longueur relative des Ces groupes produisaient des outils perfectionnés dérés comme une succession
membres et position
rapport volume crânien / face
de la jambe et variés, et enterraient leurs morts. De nombreux d’espèces descendant les unes
témoignages artistiques ont été découverts. des autres. Ces fossiles peuvent
Homo neanderthalensis (− 80 000 à − 35 000 ans), être des représentants de lignées

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
retrouvé exclusivement en Europe, présente un crâne disparues. L’arbre phylogéné-
volumineux et un bourrelet sus-orbitaire épais. Il tique des homininés ressemble
fabriquait des outils de pierre taillée et enterrait à un buisson avec de multiples
ses morts. Les raisons de son extinction ne sont pas branches.
totalement élucidées. Il a certainement été en com-
pétition avec Homo sapiens, avec lequel des échanges HOMO SAPIENS
génétiques ont pu avoir lieu. Sur le plan de l’évolution, Homo
Deux exemples d’outils découverts à proximité de fossiles de
La lignée humaine montre une évolution qui n’est sapiens est une espèce comme
la lignée humaine (à gauche : galet aménagé ; à droite : biface).
pas linéaire mais buissonnante : plusieurs lignées les autres. Il n’est pas l’abou-
Des mutations affectant l’expression des gènes homéo- ont évolué et cohabité, voire ont été interfécondes. tissement de l’évolution, et
tiques peuvent induire des ralentissements ou accélé- L’histoire récente montre une réduction de la diver- l’établissement de ses liens de
rations de certaines phases du développement, ayant sité : Homo sapiens est le seul représentant actuel parenté avec les fossiles de la
pour conséquence des modifications anatomiques de ce buisson touffu. Cette réduction de la diversité lignée humaine doit être mené
(taille, forme et position d’éléments du squelette). Ainsi, concerne plus généralement les hominoïdes, dont avec la même rigueur que pour
lors du développement embryonnaire chez l’homme, certains sont en voie d’extinction. À l’inverse, d’autres n’importe quelle espèce. Ce-
l’allongement des phases de mise en place du sys- primates comme les cercopithécoïdes montrent une pendant, plus les fossiles sont
tème nerveux conduit à un développement plus grande diversification à l’heure actuelle. récents et nombreux, plus des
important du cerveau que chez le chimpanzé. Une grande partie des connaissances qui permettent liens de parenté précis peuvent
L’homme conserve à l’âge adulte des caracté- d’établir les arbres phylogénétiques des primates sont être établis.
ristiques qui n’existent que chez les jeunes pri- fondées sur des découvertes paléontologiques. Ces
mates : on parle de néoténie. En particulier le trou
occipital reste central et permet la bipédie chez
connaissances sont donc révisables.  ZOOM SUR…
l’homme, tandis qu’il recule au cours du déve- Lucy
loppement post-natal du chimpanzé quadrupède. DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER Cette australopithèque décou-
La relation aux autres individus, les interactions verte en Éthiopie en 1974 a 3 mil-
sociales (apprentissages, transmission des cultures, Dans le berceau de l’humanité p. 27-28 lions d’années. Son squelette a
etc.) contribuent à façonner ce phénotype déterminé (Nathaniel Herzberg, Le Monde Science et méde- été reconstitué à 40 % grâce aux
génétiquement. cine daté du 26.08.2015) 52 fragments osseux découverts.
Les australopithèques sont de
Une évolution buissonnante Une dent de lait, indice d’un « grand rem- petite taille, présentent une
De nos jours, la lignée humaine est représentée par la placement » préhistorique p. 29 faible capacité crânienne, sont
seule espèce Homo sapiens, mais elle a été précédée (Hervé Morin, Le Monde Science et médecine daté bipèdes, mais leur démarche
par de nombreuses espèces disparues, notamment du 29.04.2015) devait être « chaloupée ».

Génétique et évolution 25
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

ZOOM SUR…
LA CONTROVERSE IDA
Partie 2.1 : Liens de parenté
En mai 2009, à New York, Darwi-
nius masillae, un fossile de 47 mil-
lions d’années baptisé « Ida »,
était présenté comme un possible
au sein des primates
ancêtre commun à l’ensemble des L’intitulé du sujet
singes anthropoïdes et qualifié À partir des seules informations recueillies par l’ex- Ce qu’il ne faut pas faire
de « chaînon manquant » par ses ploitation du document : • Utiliser uniquement vos connaissances pour
découvreurs. Les études qui ont – placez sur l’arbre phylogénétique les innovations répondre aux questions sans faire
suivi cette découverte médiatisée évolutives à l’origine des caractères dérivés du tableau ; de raisonnement logique à partir du document.
et controversée ont montré qu’Ida – citez les caractéristiques du plus récent ancêtre
était en fait un représentant d’un commun à l’homme, au chimpanzé et au gorille ; Caractéristiques du plus récent ancêtre commun à
groupe ancêtre des lémuriens. – placez l’orang-outan sur l’arbre phylogénétique et l’homme, au chimpanzé et au gorille
Les comparaisons de la dentition, précisez le degré de parenté entre l’orang-outan et Cet ancêtre commun présentait les caractères dérivés
des mâchoires et de 360 carac- chacune des autres espèces de l’arbre. communs aux trois espèces : absence de queue,
tères chez plus d’une centaine présence d’un sinus frontal et fusion prénatale des
de primates a permis de réfuter os du poignet. Il ne présentait pas le caractère dérivé
l'hypothèse initiale. Les caractères propre à l’homme : la bipédie.
ressemblants chez Darwinius ma- Degré de parenté entre l’orang-outan et les autres
sillae et les anthropoïdes seraient espèces de l’arbre
apparus indépendamment par
Gibbon Homme Chimpanzé Gorille
convergence évolutive, sous la
Orang-
pression du milieu identique. Outan
4
LE TROUBLE JETÉ PAR LA
Arbre phylogénétique de quelques
DÉCOUVERTE DE TOUMAÏ espèces de primates actuels à

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
La découverte d’un fossile peut
compléter 3
poser davantage de problèmes 1- Absence de queue
2
qu’il n’en résout. Ce fut le cas de Le document 2- Présence d'un sinus frontal
3- Fusion prénatale des os
Toumaï, découvert au Tchad en Espèces du poignet
2001. Daté de 7 millions d’années,
Gibbon Homme Chimpanzé Gorille Orang-outan 1 4- Bipédie
Caractères dérivés
proche de la divergence entre la Absence de queue + + + + +
Fusion prénatale
lignée humaine et celle des chim- des os du poignet
– + + + –
Arbre phylogénétique de quelques espèces de primates actuels
panzés, Sahelanthropus tchadensis Présence
– + + + +
d'un sinus frontal
a semé le trouble en raison du lieu Bipédie permanente – + – – – L’orang-outan partage deux caractères dérivés avec
de sa découverte, et de sa mor- l’homme, le chimpanzé et le gorille. Il ne présente
Le signe + signifie que le caractère dérivé est présent, le
phologie. Bien plus âgé que les signe – signifie qu’il est absent. pas de fusion prénatale des os du poignet. Sa branche
australopithèques, il présente des s’intercale donc entre le dernier ancêtre commun de
caractères « plus humains » : une l’ensemble des espèces et le dernier ancêtre commun
face peu prognathe, des canines L’analyse du sujet de l’ensemble homme-chimpanzé-gorille.
réduites et une probable bipédie, Pour traiter ce sujet, il faut avoir compris la construction L’orang-outan possède avec l’homme, le chimpanzé et
alors que sa capacité crânienne et d’un arbre phylogénétique à partir de l’étude des carac- le gorille deux caractères dérivés et un ancêtre commun
sa taille devaient être comparables tères dérivés présentés par différentes espèces. qu’il ne partage pas avec le gibbon (un seul caractère
à celles d’un chimpanzé. dérivé en commun). Il est donc plus proche de l’homme,
Proposition de corrigé du chimpanzé et du gorille que du gibbon. 
L’ÉVOLUTION N’A PAS DE BUT Les innovations se placent sur les entre-nœuds
Pour Teilhard de Chardin (1881- L’absence de queue est un caractère dérivé présent
1955), l’hominisation est « l’en- chez les quatre espèces, donc chez leur dernier ancêtre AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC
semble des processus évolutifs par commun. L’innovation évolutive est à placer avant le SUR CE THÈME
lesquels les hommes ont acquis les nœud correspondant.
caractères qui les distinguent des La fusion prénatale des os du poignet et la présence d’un Partie 2.1 : Positionner des espèces de primates
autres primates ». L’hominisation sinus frontal sont deux caractères dérivés exclusivement fossiles dans un arbre phylogénétique à partir de
concerne notamment « l’acquisi- communs à l’homme, au chimpanzé et au gorille. Ces l’étude de leurs caractères.
tion d’une bipédie de plus en plus innovations sont à placer avant le nœud représentant le Partie 2.2 : Discuter de la remise en question d’un
parfaite et d’un encéphale de plus en dernier ancêtre commun de ces trois espèces. arbre phylogénétique de la lignée humaine suite à
plus volumineux ». Attention toute- La bipédie est un caractère dérivé uniquement présent la découverte d’un fossile.
fois aux formulations qui suggèrent chez l’homme : ce caractère n’existait pas chez le dernier Partie 2.2 : Mettre en relation la comparaison de
une finalité à l’évolution, l’homme ancêtre commun de l’homme et du chimpanzé, il est à séquences de certains gènes et les différences mor-
n’en est pas l’aboutissement. placer après le nœud. phologiques entre le chimpanzé et l’homme.

26 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

Dans le berceau de l’humanité


Douze sites répartis dans un rayon de 10 kilomètres… Bienvenue dans la vallée du
Bloubank, en Afrique du Sud, qui a offert au monde le tiers de ses fossiles hominidés,
dont le squelette de Little Foot, l’australopithèque le plus complet jamais découvert.

I
l a descendu une quaran- de rongeurs, de félins, de bovi- sa datation et faire de «  Petit l’a appelé à la rescousse pour
taine de marches, obliqué dés… Soudain, il repère quatre Pied » non seulement le sque- l’aider à dater Little Foot. Plu-
à droite, et averti : « Là, il va petits ossements, qu’il attribue lette d’australopithèque le sieurs chiffres, établis selon
falloir allumer vos lumières. » vite à un hominidé. Quatre por- plus complet jamais découvert plusieurs méthodes, avaient
L’une après l’autre, Domi- tions d’un même pied gauche. (90 %, contre 40 % pour Lucy) déjà été avancés. 3,3  millions
nic Stratford, a déverrouillé La découverte n’est pas banale. mais aussi un des plus anciens : d’années, avait calculé une
les deux portes métalliques Pas extraordinaire non plus : 3,67  millions d’années, là où première équipe, s’appuyant
séparant la zone ouverte au depuis la mise au jour de « Mrs Lucy affiche 3,2 millions de prin- sur les traces laissées dans la
public du terrain réservé aux Ples », en 1947, de nombreux temps. roche par les inversions de pôles
scientifiques. Puis il a repris fragments d’australopithèques Encore n’a-t-on qu’entrevu magnétiques. 4  millions, avait
sa descente. Arrivé en haut ont déjà été exhumés de la l’ampleur du miracle. Pour renchéri une seconde, sur la
de la grotte Silberberg, il s’est vallée du Bloubank. Ron Clarke bien le mesurer, il faut suivre foi de mesures dites «  cosmo-
arrêté un moment. Après tout, et son mentor Phillip Tobias Laurent Bruxelles, géomor- géniques » alors balbutiantes.
quelques millions d’années (1925-2012) prennent quand phologue à l’Institut national 2,2  millions, avait finalement
valaient bien un quart d’heure même la peine de lui donner un de recherches archéologiques asséné en 2006 un laboratoire
d’attente. Il a donc décrit la for- nom : Little Foot. Et ils l’oublient préventives (Inrap). De la main, américain. Mesurant le rap-
mation géologique complexe jusqu’à ce jour de mai 1997 où, il montre les traînées de matière port uranium/plomb dans les
de cette enceinte de 40 mètres vidant un autre sac de fossiles, blanche, plus ou moins épaisses, coulées de calcite retrouvées

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
sur 6 et de quelque 25 mètres Clarke repère de nouveaux frag- qui nappent la roche brune. De sous une partie du squelette, ce
de hauteur. Enfin il a montré ments de pied gauche et une la calcite, un minéral accumulé dernier résultat avait douché les
le «  talus ». «  C’est là qu’il est portion de tibia droit. au cours des millénaires par espoirs de Ron Clarke.
tombé, une chute accidentelle Convaincu qu’il s’agit là du infiltration d’eau. «  L’industrie Alors Laurent Bruxelles a tout
de 30 mètres, puis il a dévalé même individu, il réalise un minière avait découvert qu’elle analysé. La première formation
et a dû s’arrêter à mi-pente, moulage de l’os et envoie ses permettait d’abaisser le point minérale, il y a 2,6  milliards
avant d’être recouvert par les deux assistants dans la grotte de fusion de l’or, raconte-t-il. d’années, au fond d’une mer
sédiments, reconstitue l’archéo- Silberberg. «  Il faut imaginer Son extraction est devenue chaude. Puis le retrait marin,
logue, directeur des fouilles du ce que c’était, insiste Dominic essentielle. Ici, la nappe était l’altération de certaines poches,
site de Sterkfontein. Protégé Stratford. Une cavité immense, immense, on l’appelait “The sans doute sous l’effet de bacté-
de toute intrusion, conservé à qui n’avait pas été déblayée. Ils Boss”. Pendant quarante ans, ils ries, et ce « fantôme de roche »
température stable. C’est notre progressaient dans la poussière, ont fait sauter la roche à la dyna- qui ne tient que sous la pres-
chance. » sans trop savoir où aller. » Pour- mite. Quand ils trouvaient des sion des eaux souterraines. Et
Une de nos chances, devrait- tant, après trente-six heures seu- fossiles, ils les mettaient de côté. enfin, beaucoup plus tard, il y a
il dire, tant la préservation et lement de recherche, Stephen Mais ils ne s’embarrassaient pas quelques dizaines de millions
surtout la découverte de « Little Motsumi et Nkwane Molefe de précautions. Ils descendaient, d’années, le creusement des
Foot », cet extraordinaire débusquent, encastré dans la toujours plus profond. Et puis un vallées, la nappe phréatique qui
squelette fossilisé d’australo- roche, le morceau de connexion jour, en 1920, ils ont trouvé un descend, laissant cette dolomie
pithèque, semblent une succes- osseuse du tibia. «  Ils ont sorti substitut, moins cher. Le cours rongée par le temps et désor-
sion d’incroyables hasards. L’épi- le moulage et, comme dans un de la calcite s’est effondré. Ils ont mais asséchée s’effondrer sur
sode a marqué à tout jamais le puzzle, ça collait parfaitement », tout arrêté. » Il regarde la nappe, elle-même. Des dents creuses
monde de l’archéologie, comme raconte Francis Thackeray, l’an- et poursuit : « Une explosion de que vont remplir sédiments
vingt ans plus tôt la mise au cien directeur de l’Institut d’évo- moins, on n’aurait jamais rien et restes de tous ordres, for-
jour de sa «  cousine » Lucy. Le lution humaine de l’université trouvé, une de plus et le squelette mant un complexe millefeuille
6  septembre 1994, Ron Clarke, du Witwatersrand. était pulvérisé. » rocheux. Sur le bord du fameux
paléontologue à l’université du Little Foot est derrière, pris dans Laurent Bruxelles connaît celle talus, le géoarchéologue s’al-
Witwatersrand, à Johannesburg, sa gangue rocheuse. Il faudra qui est devenue «  sa » grotte longe, prend la pose de Little
trie une caisse de cailloux. Des treize ans pour l’en extraire, sur le bout des doigts. Il en a Foot, face contre terre, un bras
fossiles venus du site de Ster- avec la minutie d’un dentiste parcouru chaque salle, des- au-dessus de la tête, l’autre sous
kfontein, à 35  km de là. Piégés œuvrant à la fraise, cinq années siné chaque strate minérale. le corps, et bascule le buste vers
dans la roche, il y a là des restes supplémentaires pour assurer C’est en 2007 que Ron Clarke le bas. «  La calcite s’est glissée

Génétique et évolution 27
27
LES ARTICLES DU

dessous, mais beaucoup plus Des paranthropes et des outils,


tard », assure-t-il. toujours, à Drimolen, mais POURQUOI résultats contradictoires des
Ce sont donc bien les sédiments aussi une espèce plus récente CET ARTICLE ? datations réalisées avec des
qu’il fallait mesurer. L’univer- du genre Homo. Et que dire des techniques différentes. Fina-
sité Purdue (Etats-Unis) reprend sites de Rising Star et Malapa, L’Afrique est considérée comme lement daté de – 3,67 millions
sa datation cosmologique qui, dans les vallées voisines ? Une le berceau de l’humanité depuis d’années, Little Foot serait l’un
entre-temps, a fait d’immenses douzaine d’individus trouvés que de nombreux fossiles ont des plus anciens fossiles d’aus-
progrès. La méthode consiste à dans le premier depuis deux été trouvés dans l’est et le sud tralopithèques connus à ce jour.
analyser les minéraux – bom- ans, une nouvelle espèce d’aus- du continent. Dans cet article, La vallée du Bloubank recèle
bardés par les rayons cosmiques tralopithèque, sediba, d’un Nathaniel Herzberg relate de nombreuses grottes, qui
à la surface de la Terre, ils se sont genre jusqu’ici inconnu, déni- la découverte, dans la vallée livreront certainement dans le
du Bloubank, en Afrique du futur d’autres fossiles d’austra-
chargés en isotopes radioactifs chée dans le second.
Sud, d’un fossile d’australopi- lopithèques, de paranthropes
– comme l’aluminium 26 et le Enfin il y a Swartkrans, à un
thèque appelé « Little Foot  », et d’Homo, permettant ainsi
béryllium 10. Une fois enfouis jet de pierre de la grotte Sil-
ou «  Petit Pied ». Il présente d’approfondir notre connais-
dans la grotte, ils se sont déchar- berberg. A première vue, un les conditions hasardeuses de sance de l’évolution de la lignée
gés, selon une vitesse connue. trou beaucoup plus modeste, cette découverte ainsi que les humaine.
Sur les dix échantillons retenus, plus discret, équipé de marches
huit fourniront la même date : glissantes. Pas question, ici,
3,67 millions d’années. de faire venir les touristes, Appelé d’abord pour aider à ses os massifs et son crâne large
Certes, l’Afrique de l’Est recèle encore moins d’installer un dater Little Foot, le scientifique étaient ceux… d’une femme.
des australopithèques de plus restaurant et une boutique, français s’est attelé à la réalisa- Une mise en bouche avant la
de 4  millions d’années. Sans comme à Sterkfontein. Seule tion d’une carte 3D de plusieurs publication, attendue pour la
compter les quelque 7 millions une poignée d’étudiantes autres sites. Et à la recherche de fin de l’année, de la description
d’années de Toumaï, pré-hu- du Midwest accompagne cet nouvelles cavités. « Le plus fou, générale de cette Australopithe-
main retrouvé au Tchad en après-midi Trevor Pickering, c’est que l’essentiel n’a encore cus prometheus, aujourd’hui
2001, et les presque 6 millions de l’université du Minnesota. pas été mis au jour, s’éblouit-il. conservée dans un coffre.
d’Orrorin tugenensis, exhumé «  Pourtant, c’est un site parti- Regardez les bosquets autour de Mais c’est autour de la cohabi-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
du sous-sol kenyan l’année culier, ici, avertit modestement vous. » A l’horizon, des taches tation entre les deux espèces,
d’avant. Mais en dépassant l’archéologue américain, voix vertes constellent le paysage. la gracile et la trapue, avérée il
largement Lucy et ses 3,2  mil- monocorde mais regard bril- « Ce sont des entrées de grottes, y a quelque 2,6  millions d’an-
lions d’années, la découverte lant sous sa casquette. Disons poursuit-il. En bas, la tempéra- nées, que Stratford et Bruxelles
remet l’Afrique australe dans qu’il y a… à peu près tout. » ture est constante, 17° C. Nous rêvent de frapper un grand
la course. Et rappelle pourquoi Tout, autrement dit pas moins avons fait voler un drone de coup. Avec prometheus à
l’Unesco a baptisé, en 1999, la de trois types d’hominidés : nuit, l’hiver, avec une caméra 3,67  millions d’années, ils ont
vallée du Bloubank «  berceau Paranthropus, Homo habilis et thermique. Nous avons repéré déjà secoué leur petit monde.
de l’humanité ». Homo ergaster, mais aussi deux cinquante nouveaux trous. » Fin juin a commencé la data-
Une concentration presque ver- types d’outils (pierre et os), des De quoi exhumer encore tion d’un crâne africanus dé-
tigineuse. Douze sites, répartis animaux en pagaille, répartis quelques merveilles. Car dans couvert par Ron Clarke dans la
dans un rayon de 10  km. Près sur plusieurs niveaux rocheux. le Bloubank, l’histoire ne grotte Jacovec, l’appartement
de mille fossiles d’hominidés Et surtout, dans la couche supé- s’arrête jamais. Il y a quelques voisin, voudrait-on dire (mais
déjà recueillis, soit le tiers rieure, les paléontologues ont années, des archéologues fran- plus humide, plus boueux et
de tout ce qui a été retrouvé retrouvé les plus anciens feux çais annonçaient, sous le titre nettement moins bien équipé,
dans le monde. Et dans chaque maîtrisés jamais répertoriés : évocateur «  Sex at Sterkfon- nous avons testé…). « Si, comme
grotte, une –histoire étonnante. pas un foyer proprement dit, tein », que la fine Mrs Ples, la stratigraphie permet de le
A Kromdraai, c’est le premier mais 23 couches successives fossile iconique du pays, pre- penser, on sort autour de 4 mil-
crâne de Paranthropus robustus de cendres vieilles de 900 000 mier crâne d’Australopithecus lions, ça voudra dire que les
(2,2  millions d’années), décou- ans. «  La température a été africanus adulte jamais décou- deux ont vécu côte à côte pen-
vert en 1938 par Robert Broom. évaluée à 800 °C, explique vert (1947), était très probable- dant près d’un million d’an-
L’archéologue avait été mis sur Pickering. Trop chaud pour un ment un homme. «  More sex nées », rêve Dominic Stratford.
la piste par un écolier qui avait incendie naturel. Et l’état des at Sterkfontein », répliquaient Le berceau de l’humanité, déci-
ramassé quelques dents. Dans os retrouvés ressemblait aux Thackeray et ses collègues sud- dément.
la grotte de Cooper, au-delà restes d’un feu de camp. » Lau- africains. Nouvelles études au
des fossiles de paranthropes, rent Bruxelles prend le relais : scanner à l’appui, ils rendaient
ce sont des centaines d’outils « Un site qui court comme ça de à dame Ples ce qui lui apparte- Nathaniel Herzberg
en pierre, véritable musée de –  2,2  millions d’années jusqu’à nait. La bataille n’est pas tout (Sterkfontein en Afrique du
la première industrie lithique, – 100 000 ans, c’est unique. Et à fait terminée. Quant à Little Sud, envoyé spécial)
dite oldowayenne – d’après les nous pensons trouver plus an- Foot, Dominic Stratford nous a Le Monde Science et médecine
gorges d’Olduvai, en Tanzanie. cien, une histoire à 3 millions. » révélé, lors de notre visite, que daté du 26.08.2015

28 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

Une dent de lait, indice d’un « grand


remplacement » préhistorique
Une incisive de 40 000 ans trouvée en Italie suggère que les protoaurignaciens ont
déclenché la fin de néandertal dans la région.

L
es circonstances du de Néandertal disparaît. «  La aurignaciens sont plus anciens de ce remplacement restent à
«  grand remplacement » dispersion des protoaurigna- (43 000 ans) que d’autres classés décrire : la culture chatelpéro-
de l’homme de Néandertal ciens pourrait donc avoir été une comme protoaurignaciens. nienne, attribuée aux derniers
par l’homme moderne en Europe cause – directe ou indirecte – de Pour Jean-Jacques Hublin, le para- néandertaliens, témoigne ainsi
occidentale, il y a 40  000 ans, l’extinction des néandertaliens, doxe n’est qu’apparent, et il faut d’innovations techniques (les
restent un sujet de débat parmi au moins dans le nord de l’Italie », prendre en compte pour l’expli- fameuses lamelles). Y a-t-il eu
les scientifiques. La culture pro- concluent Jean-Jacques Hublin et quer la géographie, et notamment acculturation de ces «  derniers
toaurignacienne, apparue il y a ses collègues. la frontière que constituent les des Mohicans » au contact des
environ 42 000 ans, était centrale Mais qu’est-ce donc que le pro- Alpes : la colonisation de l’Europe nouveaux venus ?
dans ce débat, car on ne savait toaurignacien ? C’est une culture par l’homme moderne depuis le Par ailleurs, on sait désormais que
précisément à qui l’attribuer : présente dans le sud de l’Europe, Proche-Orient, rappelle-t-il, a pu des accouplements fructueux ont
aux derniers néandertaliens, ou caractérisée par la présence d’or- se faire en deux vagues contempo- eu lieu entre néandertaliens et
aux nouveaux arrivants Homo nements personnels (coquillages raines, l’une au nord du massif et hommes modernes, métissage
sapiens, venus du Levant ? perforés, os sculptés) ; et, du côté l’autre au sud, dont la dent de lait dont les populations actuelles
L’étude de deux dents de lait des outils en pierre, par l’abon- de Fumane porterait témoignage. non africaines conservent la trace
trouvées dans des grottes dance de lamelles « probablement L’important est selon lui ailleurs. (environ 2 % de leur génome étant
italiennes et décrites dans la utilisées comme pointes de pro- «  Les remplacements d’espèces aujourd’hui «  néandertalien »).
revue Science du 24 avril par jectiles très efficaces », précise sont fréquents, mais on ne les «  Il ne serait donc pas inconce-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Jean-Jacques Hublin (Institut Jean-Jacques Hublin. Ces lamelles saisit jamais sur le vif, note Jean- vable de trouver une dent néan-
Max Planck d’anthropologie évo- évoquent des outils qui sont aussi Jacques Hublin. Ce qui ici est dertalienne dans un gisement
lutive de Leipzig) et ses collègues présents dans l’industrie lithique extraordinaire, c’est que les restes aurignacien, et inversement »,
pourrait clarifier les discussions. ahmarienne, au Levant. Le pro- les plus ténus, comme une dent de prévient Jean-Jacques Hublin. De
« L’analyse des caractères morpho- toaurignacien était classé parmi lait, avec les nouvelles techniques quoi nourrir encore de belles
logiques, mais aussi de l’ADN tiré les industries dites de transition, d’analyse, peuvent désormais controverses !
d’une de ces incisives montre pour entre le moustérien, fabriqué nous aider à dater et mettre sur
la première fois sans ambiguïté indubitablement par néandertal, une carte le territoire des uns et des Hervé Morin
que l’industrie aurignacienne la et l’aurignacien, attribué lui sans autres. » Le chercheur souligne Le Monde Science et médecine
plus primitive peut être attribuée ambiguïté à l’homme moderne – cependant que bien des aspects daté du 29.04.2015
à l’homme moderne », se réjouit cette transition culturelle, indus-
le chercheur. trielle et entre espèces ayant eu
Dans la chronique complexe de lieu entre 45 000 et 40 000 ans.
POURQUOI l’ADN d’une simple dent de
l’arrivée de l’homme moderne en L’énigme de la paternité du pro-
CET ARTICLE ? lait découverte dans une grotte
Europe, la dent du site de Riparo toaurignacien est-elle pour autant
du nord de l’Italie suggèrent
Bombrini, mais surtout celle de la levée ? Francesco d’Errico (CNRS,
Les études génétiques récentes qu’elle appartenait à un Homo
grotte de Fumane, elle aussi dans université de Bordeaux) juge
ont montré que des popula- sapiens vivant il y a 40 000
le nord de l’Italie, constitueront qu’« il s’agit d’un article important tions actuelles non-africaines ans et associé à l’industrie de
désormais un jalon. Notamment qui ajoute des données essentielles partageaient 2 % de leur transition entre l’homme de
la seconde, car l’analyse de son au débat, mais qui ne me semble génome avec celui de l’homme Néandertal et les populations
ADN mitochondrial (transmis uni- pas résoudre la question ». Notam- de Néandertal. Mais en Europe, qui ont suivi Homo sapiens. Se-
quement par la lignée maternelle) ment parce que les deux sites la disparition des populations lon les auteurs de cette décou-
suggère qu’elle appartenait à un pourraient à son sens ne pas être néandertaliennes et leur verte, la dispersion des Homo
Homo sapiens – ou au moins que liés au protoaurignacien. Dans un remplacement par Homo sapiens aurait contribué à la
son possesseur avait une Homo sa- commentaire publié dans Science, sapiens restent énigmatiques. disparition des populations
piens parmi ses ancêtres directes. Nicholas Conard et Michael Cet article présente des néandertaliennes. Cependant,
Bolus, de l’université de Tübin- découvertes récentes qui les conditions de remplace-
Ornements personnels gen, rappellent que la séquence pourraient apporter des ment des néandertaliens par
La datation des deux sites, autour temporelle moustérien-protoau- précisions sur cette transition. les Homo sapiens font débat
de 40  000 ans, correspond en rignacien-aurignacien ne va pas En effet, la datation, l’étude et les différentes explications
outre à la période où l’homme de soi, puisque certains sites morphologique, et l’étude de proposées sont encore à valider.

Génétique et évolution 29
29
L’ESSENTIEL DU COURS

MOTS CLÉS Les relations entre organisation


DISSÉMINATION
Transport des graines ou des
fruits contenant des graines
et mode de vie, résultat de
permettant le développement
d’une nouvelle plante à partir l’évolution : l’exemple de la vie
fixée chez les plantes
d’une graine. Les principaux
agents disséminateurs sont le
vent, l’eau et les animaux. La dis-
sémination assure le maintien de

À
l’aire de répartition de la plante
mais également son extension.
la différence des animaux – qui sont généralement mo-
biles dans leur environnement, ce qui leur permet de
PLANTE chercher leur nourriture, de se protéger des agressions de
Végétal terrestre dont les racines
et les tiges feuillées sont reliées l’environnement, d’échapper à leurs prédateurs et de se repro-
par des tissus conducteurs (le duire –, la plante est constituée de racines ancrées dans le sol
xylème et le phloème transpor-
tant respectivement la sève brute portant des tiges feuillées qui se développent en milieu aérien.
et la sève élaborée). Parmi les Comment l’organisation des plantes à fleurs est-elle adaptée à
plantes, on distingue notamment
les plantes à fleurs, ou Angios-
leur mode de vie fixé à l’interface entre le sol et l’atmosphère ?
permes, et les plantes sans fleurs,
contenant en particulier les Pino- Les échanges entre la plante tairement formées de cellules chlorophylliennes,
phytes (pins, sapins). et son milieu contenant des chloroplastes. Ces organites captent
La plante réalise des échanges d’énergie et de ma- la lumière et synthétisent, à partir du dioxyde de
POLLINISATION tière avec son milieu de vie à travers des surfaces carbone et de l’eau, des molécules organiques lors

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Transport des grains de pollen d’échanges externes très développées, en lien avec de la photosynthèse. Les feuilles constituent alors
des étamines jusqu’au pistil son mode de vie fixé. La partie souterraine de la une vaste surface d’échange avec l’atmosphère. Les
d’une fleur. Les principaux vec- plante est constituée de l’appareil racinaire, qui échanges de molécules gazeuses de CO2, d’O2 et
teurs de transport du pollen sont assure l’ancrage du végétal dans le sol et l’absorption d’H2O entre les feuilles et l’atmosphère s’effectuent
le vent, l’eau et les animaux. de l’eau et des ions minéraux du sol pour permettre au niveau des stomates, dont l’orifice – l’ostiole
la photosynthèse. Les racines des plantes présentent – peut être ouvert ou fermé. Les feuilles sont
STOMATE des structures spécialisées dans l’absorption : les poils également responsables de la capture de l’énergie
Structure située au niveau de absorbants. Un poil absorbant est formé d’une cellule lumineuse. Ainsi l’organisation fonctionnelle des
l’épiderme des feuilles, princi- très allongée de l’épiderme racinaire. L’ensemble des plantes présente d’importantes surfaces d’échanges
palement sur la face inférieure poils absorbants de la plante constituent une surface en relation avec leur mode de vie fixé. De plus la
de ces dernières, qui permet d’échange importante entre la plante et le sol. croissance continue des plantes participe à aug-
les échanges de gaz (CO2, O2 et Les feuilles, portées par les tiges, sont majori- menter les possibilités d’échanges entre la plante
H2O) entre les feuilles et l’atmos- et son milieu.
phère. Un stomate est constitué Fleur Bourgeon
de deux cellules épidermiques Lumière (UV) La circulation de matière
spécialisées, les cellules stoma- H2O au sein de la plante
tiques, encadrant un orifice, Dans la plante, des échanges de matières sont indis-
l’ostiole. L’ouverture de l’ostiole O2 pensables entre les parties souterraines (lieu de
permet le passage des gaz entre CO2 l’absorption des ions minéraux et de l’eau) et les
Feuille
l’atmosphère et la cavité située parties aériennes (lieu d’exposition à la lumière,
sous l’ostiole, la chambre sous- d’échanges des molécules gazeuses et de production
stomatique. Cette dernière est le de molécules organiques). Ces échanges de matières
Tige
lieu d’échanges gazeux entre l’air dans la plante ont lieu dans deux réseaux distincts
et les cellules chlorophylliennes Collet de vaisseaux conducteurs. Le xylème transporte la
environnantes, comme les cel- Racine sève brute, composée d’eau et d’ions minéraux, des
secondaire
lules du parenchyme lacuneux. racines vers le reste de la plante. Le phloème trans-
H2O
Les plantes ont la capacité de Poils
porte la sève élaborée, riche en molécules organiques
Ions minéraux
réguler l’ouverture de leurs sto- absorbants synthétisées par la plante, des organes chlorophylliens
mates en fonction des conditions producteurs, dont les feuilles, vers les autres organes
Racine
climatiques, ce qui leur permet consommateurs de la plante (les racines mais aussi les
de contrôler la perte d’eau au organes comme les fruits, les tubercules, etc.).
niveau des feuilles.
L’organisation d’une plante à fleur et les échanges avec
son milieu

30 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL DU COURS

Les étamines, qui abritent les grains de pollen conte- ZOOM SUR...
nant les gamètes mâles, forment l’organe reproduc-
teur mâle. LE SEXE DES PLANTES
La plupart des fécondations chez les plantes sont La majorité des plantes portent
croisées : elles ont lieu entre deux gamètes provenant des fleurs hermaphrodites ou
de deux individus différents de la même espèce. Dans bisexuées, contenant à la fois un
ce cas, le mode de vie fixé des plantes impose un organe reproducteur mâle, les
transport du pollen appelé pollinisation. La pollini- étamines, et un organe reproduc-
sation peut être effectuée par le vent (anémogamie), teur femelle, le pistil. Mais chez
l’eau (hydrogamie) ou des animaux (zoogamie), certaines espèces dites « mo-
majoritairement des insectes. Dans le cas d’une noïques », comme le maïs, un in-
collaboration entre un animal pollinisateur et la dividu porte des fleurs unisexuées,
fleur, des adaptations souvent très étroites entre ces c’est-à-dire des fleurs mâles (avec
derniers sont observées. Par sa couleur, sa forme, la des étamines mais sans pistil) et
Coupe longitudinale de tige montrant les vaisseaux sécrétion de nectar ou encore son parfum, la fleur des fleurs femelles (avec un pis-
conducteurs attire spécifiquement l’animal capable de la polliniser. til mais sans étamines) sur un
Les mécanismes de défense L’animal pollinisateur présente des adaptations mor- même pied. Enfin, chez les espèces
des plantes phologiques à l’accrochage du pollen. Ces adaptations dioïques, comme le saule, chaque
Les plantes présentent une grande variété de défense sont le résultat d’une coévolution entre l’insecte individu ne porte qu’un type de
contre les agressions du milieu. Elles sont capables pollinisateur et la plante à fleur. fleurs unisexuées, soit mâles soit
de résister aux variations saisonnières. Par exemple, Après la fécondation des ovules contenus dans le femelles.
les arbres des régions tempérées résistent au froid de pistil par les gamètes mâles des grains de pollen, les
l’hiver en perdant leurs feuilles et en protégeant leurs ovules fécondés se transforment en graines, tandis AUTOFÉCONDATION ET
bourgeons sous des écailles protectrices. Les plantes que la fleur se transforme en fruit. FÉCONDATION CROISÉE
annuelles passent la saison froide sous forme de De par le mode de vie fixée de la plante, les graines sont Chez certaines espèces comme le
graines qui assurent la reprise de la végétation aux responsables de la dispersion de l’espèce et de la colo- blé, il peut y avoir autofécondation.
beaux jours. Chez les plantes adaptées au climat mé- nisation de nouveaux milieux. Les graines ou les L’autofécondation, impossible
diterranéen, la présence de poils et de cuticule épaisse fruits contenant les graines sont disséminés par le chez les espèces dioïques, a lieu

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
au niveau des feuilles limite les risques de déshydra- vent, l’eau ou encore les animaux qui les transportent entre un grain de pollen et l’ovule,
tation en été. Les plantes présentent également des accrochés à leur corps ou en les consommant et en les issus d’un même individu. Cette
mécanismes de défense contre leurs prédateurs : des rejetant dans le milieu par leurs excréments. Là aussi, autofécondation peut entraîner
piquants (comme les cactus), des feuilles épineuses il peut y avoir une collaboration étroite entre l’animal une homozygotie (présence de
(comme le chardon). Certaines plantes synthétisent disséminateur et la plante, suite à une coévolution.  deux allèles identiques pour un
des toxines les rendant impropres à la consomma- gène donné) importante chez
tion. Ainsi, la consommation, par les antilopes, de TROIS ARTICLES DU MONDE les descendants et réduire ainsi
feuilles d’acacias entraîne une augmentation de la À CONSULTER les possibilités d’adaptation des
production de tanins au niveau des feuilles, qui limite individus aux variations des condi-
le broutage de ces herbivores. Enfin, certaines plantes • Le déclin massif des insectes menace tions de l’environnement. Chez de
sont même capables d’émettre des signaux attirant l’agriculture p. 34-35 nombreuses espèces monoïques
des insectes parasites de leurs prédateurs. C’est le cas (Stéphane Foucart, Le Monde daté du 25.06.2014) ou hermaphrodites, l’autoféconda-
de la vesce des champs, qui produit du nectar attirant •Les experts européens aggravent le cas des tion est rendue impossible par des
des fourmis, lesquelles attaquent les acariens et les pesticides tueurs d’abeilles p. 35 barrières morphologiques (chez
insectes herbivores qui sont ses prédateurs. les orchidées, une structure ana-
(Stéphane Foucart, lemonde.fr, 27.08.2015)
tomique, le rostre, sépare le pistil
• Des jachères transformées en garde-manger
La reproduction des plantes à fleur des étamines), temporelle (les
pour les abeilles p. 36
Les fleurs sont constituées de différentes pièces étamines et le pistil n’atteignent
(Jean-Pierre Tenoux, Le Monde daté du 28.12.10)
florales, situées sur des cercles concentriques, pas leur maturité en même temps,
appelés verticilles. De l’extérieur vers l’intérieur comme chez le maïs, où le pollen
de la fleur se trouvent les est émis alors que le pistil n’est pas
sépales, les pétales, les éta- encore réceptif) ou, le plus sou-
mines et le pistil. La mise vent, génétique (des mécanismes
en place des verticilles est d’incompatibilité génétique ren-
sous le contrôle de gènes du dant impossible l’autofécondation
développement floral. Les chez de nombreuses espèces).
étamines et le pistil consti- La fécondation croisée, qui a lieu
tuent les organes repro- entre deux fleurs situées sur deux
ducteurs de la plante. Le plantes différentes d’une même
pistil, renfermant les ovules espèce, est donc courante chez
contenant les gamètes les plantes et présente l’avantage
femelles, forme l’organe L’organisation de la fleur : A : coupe transversale d’une fleur ; B : vue de dessus ; d’être à l’origine d’une diversité
reproducteur femelle. C : diagramme floral génétique.

Génétique et évolution 31
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

ZOOM SUR...
LES SURFACES
Partie 2.2 : La culture
en Europe de yuccas
D’ÉCHANGES
DES VÉGÉTAUX
Le mode de vie fixé de la plante
et la pauvreté de son milieu de
vie (eau et ions en faible quan-
tité dans le sol, CO2 peu abondant
dans l’atmosphère) donnent lieu
au développement de vastes
originaires d’Amérique
surfaces d’échanges. La surface L’intitulé complet du sujet Document 3 : Yucca glauque (Yucca glauca) et teigne
moyenne d’échange de nutri- Les yuccas sont des plantes originaires du continent du yucca (Tegeticula yuccasella), deux espèces en voie
ments, d’eau et d’ions minéraux américain. Dans leurs pays d’origine, les pieds portent de disparition ?
d’un animal rapportée à la masse de nombreux fruits charnus, généralement comes-
de l’animal est d’environ 3 m2/kg, tibles. Un horticulteur installé en région parisienne a
alors qu’un végétal développe une le projet de cultiver des yuccas destinés à la production
surface d’échange d’eau et d’ions de fruits qui seront commercialisés sous forme de
rapportée à la masse du végétal préparations culinaires et cosmétiques. Dans un pre-
de plusieurs centaines de m2 /kg. mier temps, il prévoit la mise en culture de nombreux
individus, afin de sélectionner, par des croisements, les
LES ASSOCIATIONS pieds produisant les fruits avec les qualités requises.
SYMBIOTIQUES Ensuite viendra la production en masse des fruits.
DES RACINES On vous demande de poser un regard critique sur le
La teigne du yucca et le yucca glauque
Chez de nombreuses plantes, la projet de l’horticulteur. Nom : teigne du yucca (Tegeticula yuccasella) et yucca
surface d’absorption racinaire est Montrez que le projet est techniquement réalisable à glauque (Yucca glauca)
fortement augmentée grâce à une condition de respecter certaines contraintes (que vous Description : La teigne du yucca est un petit papillon au
symbiose avec des champignons : préciserez) et de prendre en compte les conséquences corps brun et à la tête blanche, dont l’envergure des ailes
varie de 18 à 28 mm.

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
les mycorhizes. Ces champignons éventuelles sur la biodiversité.
fournissent la plante en éléments Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation du dossier. Le yucca glauque est une grande plante vivace qui peut
atteindre une hauteur de 100 cm et qui produit une grappe
de la solution du sol, comme les Aucune étude exhaustive des documents n’est attendue. de fleurs blanches à son extrémité.
phosphates, tandis que la plante Habitat : Alberta
fournit les champignons en Les documents Situation actuelle : La teigne du yucca est en voie de
glucides. Chez certaines plantes Document 1 : La reproduction sexuée chez les yuccas disparition (exposée à une disparition imminente de la
comme les Fabacées, une sym- Dans leurs contrées d’origine, la fécondation des yuccas planète ou du pays). Le yucca glauque est une espèce
biose existe avec des bactéries est réalisée par des espèces de papillons absentes en menacée (elle pourrait être en voie de disparition si aucune
mesure n’est prise pour enrayer les facteurs susceptibles
situées au niveau de nodosités Europe. Certaines espèces de yuccas ont été importées de la faire disparaître de la planète ou du pays).
racinaires. Ces bactéries du genre avec succès en Europe dès le milieu du XIXe  siècle. Mesures de rétablissement : Ces deux espèces sont
Rhizobium sont capables de fixer Elles poussent sans difficulté dans les jardins ou en interdépendantes, chacune ayant besoin de l’autre pour
le diazote de l’air et de fournir pots dans la plupart des régions. Parmi elles, le yucca survivre. La teigne du yucca se nourrit exclusivement
des composés azotés à la plante, glauque est sans doute le plus robuste car il supporte de graine de yucca glauque, qui ne sont produites que
qui, en échange, la nourrit en des gels sévères de l’ordre de - 20° C, voire beaucoup lorsque la plante est pollinisée par les teignes adultes.
molécules carbonées, comme des moins. En Europe, les yuccas portent des fleurs mais Source : site du ministère de l’Écologie canadien
glucides. ne donnent jamais de fruits. Ils se reproduisent uni-
quement par multiplication végétative. Document 4 :
LES GÈNES DE Pollinisation du Yucca aloifolia par l’insecte
DÉVELOPPEMENT Document 2 : Influence de l’insecte teigne du yucca Pronuba yucasella
FLORAL (Tegeticula yuccasella) sur la production de fruits par Dessins extraits de The Popular Science Monthly, Edouard
L’existence de plantes mutantes les yuccas glauques en Alberta (États-Unis) L. Youmans, 1882
présentant des anomalies du dé-
veloppement floral montre que
celui-ci est sous le contrôle de
gènes de développement. Ainsi,
chez Arabidospsis thaliana, plante
très étudiée en laboratoire, une
mutation dans le gène Agamous
entraîne des fleurs dont le pistil et
les étamines sont remplacés par
des pétales. Une mutation dans
le gène Apetala est à l’origine de
fleurs sans pétales. Femelle de Pronuba yuccasella en train de pondre dans le
Source : rapport du COSEPAC, Canada, 2002 pistil de la fleur de yucca

32 Génétique et évolution
L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

abdomen de l’insecte pollinisateur (forme de l’ovopositeur) ZOOM SUR...


et de la plante (forme de l’ovaire), d’où une forte
interdépendance. Comment l’horticulteur peut-il LA COÉVOLUTION
ovipositeur
réaliser la pollinisation des yuccas en Europe pour La coévolution se définit comme
réaliser la fécondation et obtenir des fruits ? Il peut l’évolution coordonnée de deux
envisager d’introduire les insectes pollinisateurs espèces en relation étroite l’une
dédiés aux espèces de yuccas choisies. Il devra veiller avec l’autre.
à équilibrer les populations de pollinisateurs et de Il existe une véritable collabo-
yuccas pour optimiser son rendement en fruits. ration entre les animaux polli-
Mais l’horticulteur peut également envisager un nisateurs et la plante à laquelle
mode très différent de pollinisation, lui évitant de ils sont souvent inféodés. Par
faire appel aux insectes pollinisateurs inféodés exemple, certains papillons pol-
Pièces génitales de Pronuba yuccasella aux yuccas : il peut recourir à la pollinisation linisateurs présentent un organe
Extrémité de l’abdomen prolongée par un ovipositeur, organe manuelle, comme dans la culture de la vanille. de succion extrêmement long et
spécialisé permettant de pondre les œufs directement dans les effilé, qui s’adapte exactement
ovaires, au contact de l’ovule
Une autre contrainte : les conditions climatiques à l’éperon nectarifère formé
L’horticulteur doit choisir ses espèces de yuccas en par le pétale de l’orchidée qu’ils
ovaire tenant compte des conditions climatiques, pour pollinisent. Grâce à cet organe de
A réussir leur adaptation à leur nouvel environne- succion, les papillons récoltent
ment : par exemple, le yucca glauque est capable le nectar situé au fond de l’épe-
B ovule de supporter des gels sévères (document 1). ron nectarifère et se chargent
en pollen, qu’ils vont emporter
Des contraintes écologiques liées à l’introduction vers d’autres fleurs de la même
de nouvelles espèces espèce. Il s’agit par exemple de
L’introduction de nouveaux insectes peut présen- l’orchidée Angraecum sesquipe-
ter des conséquences écologiques : les espèces dale, que l’on trouve à Madagascar
ainsi introduites peuvent se révéler invasives et et qui est pollinisée par le papillon
déséquilibrer les écosystèmes environnants. Pour Xanthopan morgani praedicta.

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
protéger les écosystèmes existants, l’horticulteur
peut envisager le confinement des espèces nou- FRUIT OU LÉGUME ?
velles. D’un autre côté, ces introductions pour- Les haricots verts sont des lé-
raient contribuer à sauver des espèces en danger : gumes, mais le concombre, la
Coupe transversale dans le pistil de la fleur de yucca la teigne du yucca glauque est en voie de dispari- tomate, la courgette… sont des
A : emplacement de l’ovipositeur ; B : position des œufs
tion et le yucca glauque est menacé (document 3). fruits !
Dans tous les cas, les solutions techniques rete- Dans le langage courant est
Proposition de corrigé nues et commercialement viables doivent s’ac- appelé « légume » tout aliment
Une contrainte : l’interdépendance entre les yuccas et compagner d’une étude rigoureuse de leurs im- végétal accompagnant un plat
leur insecte pollinisateur pacts écologiques.  au cours d’un repas. Mais en
Les yuccas originaires du continent américain et botanique le terme « légume »
cultivés en Europe ne portent pas de fruits, car les désigne uniquement la gousse
espèces d’insectes responsables de leur pollinisation Ce qu’il ne faut pas faire formée par le fruit d’une famille
sont absentes (document 1). En effet, le yucca glauque • Analyser de manière intégrale les documents de plantes à laquelle appar-
est inféodé à une pollinisation effectuée par un dans l’ordre donné, sans dégager les contraintes tiennent le pois, les haricots,
insecte particulier, la teigne du yucca. Cet insecte ne se techniques pour l’horticulteur et les la lentille, etc., que l’on appelle
nourrit que des fruits de cette plante, qui ne sont pro- conséquences écologiques. parfois les « légumineuses ».
duits que lors la pollinisation effectuée par les teignes Ainsi, en appliquant ces défini-
du yucca adultes (document 3). En effet, en absence tions botaniques, de nombreux
d’œufs de teigne présents dans le pistil des fleurs « légumes » consommés comme
de yucca, c’est-à-dire en absence de teignes adultes le concombre, la tomate, la
ayant pondu, les yuccas glauques ne produisent AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC courgette sont en fait des fruits
aucun fruit. En revanche, en présence de teignes de SUR CE THÈME car ils proviennent du dévelop-
yucca, une quantité optimale d’œufs pondus dans pement de l'ovaire de la fleur
le pistil correspond à un nombre maximal de fruits  Partie 2.2 : Études de documents après fécondation. D’autres
formés (document 2). Une autre espèce de yucca, le – Les liens entre la morphologie et l’anatomie de la « légumes », comme les pois
Yucca aloifolia, dépend pour sa pollinisation d’une plante et son mode de vie fixée à l’interface entre le et les lentilles, sont en fait des
autre espèce d’insecte appelée Pronuba yucasella. Cet sol et l’atmosphère. graines. Et de nombreuses autres
insecte présente un organe spécialisé à l’extrémité de – La lutte contre les prédateurs et les variations des parties végétales sont également
l’abdomen, l’ovipositeur, lui permettant de pondre conditions du milieu. utilisées pour l’alimentation :
ses œufs directement dans les ovaires de la fleur du – Les modalités de la pollinisation et de la disper- des racines (la carotte), des tiges
Yucca aloifolia (document 4). Ainsi la coévolution a sion des graines ou des fruits. modifiées en organes de réserve
abouti à des spécialisations anatomiques poussées (les pommes de terre), etc.

Génétique et évolution 33
33
LES ARTICLES DU

Le déclin massif des insectes


menace l’agriculture
Une vaste étude scientifique dénonce le rôle des pesticides systémiques dans
l’érosion globale de la biodiversité.

«J
e pense que j’ai dû me réveil- Science and Pollution Research, en effet non seulement appliqués tion chronique à ces faibles doses
ler vers le milieu des années devait être rendu public mardi 24 en pulvérisation, mais sont aussi fragilise les populations de nom-
2000. Un jour, alors que je juin. « Les preuves sont très claires, utilisés en traitement des sols et breuses espèces : troubles de repro-
marchais près de chez moi, dans la affirme Jean-Marc Bonmatin en enrobage des semences, dans duction, facultés de survie réduites,
garrigue, je me suis demandé où (Centre de biophysique moléculaire le cadre d’une utilisation systéma- etc. Cette « contamination à large
étaient passés les insectes, car il me du CNRS), membre du TFSP. Nous tique et préventive. échelle » de l’environnement est,
semblait qu’il y en avait beaucoup assistons à une menace pour la Or, une part importante – jusqu’à selon le TFSP, un « élément déter-
moins qu’avant », raconte Maarten productivité de notre environne- plus de 90 % – des quantités ainsi minant » dans le déclin des abeilles
Bijleveld van Lexmond. « Et puis ment agricole et naturel. Loin de utilisées n’est pas absorbée par et joue un rôle « irréfutable » dans
j’ai réalisé qu’il y en avait aussi de sécuriser la production alimentaire, les plantes au cours d’une seule celui des bourdons. Pour les papil-
moins en moins collés sur le pare- l’utilisation des néonicotinoïdes saison végétative. Ces produits lons, les tendances dégagées sont
brise et la calandre de ma voiture. met en péril les pollinisateurs qui s’accumulent ainsi dans les sols où de l’ordre d’une réduction de moi-
Presque plus, en fait. » En juillet la rendent possible. » Au total, les ils persistent de plusieurs mois à tié des populations européennes
2009, dans sa maison de Notre- experts du TFSP ont passé en revue plusieurs années. De plus, ajoutent en vingt ans. Pour M. Bijleveld, le
Dame-de-Londres (Hérault), le bio- quelque 800 études publiées dans les chercheurs, ces molécules sont déclin en cours de l’ensemble de
logiste néerlandais, 77 ans, réunit la littérature savante sur ces insec- hautement solubles dans l’eau et l’entomofaune relève d’un « effon-
une douzaine d’entomologistes ticides. Ils en ont tiré sept longues peuvent migrer et contaminer des drement brutal ».
partageant la même inquiétude. synthèses thématiques sur leurs zones n’ayant jamais été traitées. Son ampleur se mesure notamment

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Tous notent un déclin accéléré de modes d’action, leur devenir dans Selon le TFSP, « il y a des preuves sur les niveaux supérieurs de la
toutes les espèces d’insectes depuis l’environnement, leurs impacts sur fortes que les sols, les cours d’eau chaîne alimentaire. « Le déclin des
les années 1990. Selon eux, l’effon- divers organismes, etc. et les plantes, dans les environne- insectes, c’est aussi le déclin des
drement des abeilles domestiques Ces molécules (imidaclopride, ments urbains ou agricoles, sont oiseaux, dont plus de la moitié sont
n’est que la partie visible de ce thiaméthoxame, clothianidine, contaminés, à des concentrations insectivores », note François Ramade
phénomène aux conséquences mais aussi fipronil) se partagent variables, par des mélanges de néo- (université Paris-Sud), l’une des
considérables pour l’ensemble aujourd’hui environ 40 % du mar- nicotinoïdes, de fipronil et de leurs grandes figures de l’écotoxicologie
des écosystèmes. « Au terme d’une ché mondial des insecticides agri- produits de dégradation ». Entre française, cofondateur du TFSP. De
longue journée de discussions, coles et représentent un marché autres exemples, les experts du fait, le programme de suivi euro-
nous avons décidé d’examiner de plus de 2,6 milliards de dollars TFSP notent que de l’imidaclopride péen ad hoc montre par exemple
tout ce qui avait été publié dans (1,9 milliard d’euros). Elles se dis- a été détecté dans 91 % de 74 échan- une perte de 52 % des oiseaux des
la littérature scientifique sur les tinguent d’abord des précédentes tillons de sols français analysés en champs au cours des trois dernières
insecticides systémiques dits “ néo- générations par leur toxicité, 5 000 2005 : seuls 15 % des sites avaient décennies – cependant, les auteurs
nicotinoïdes ”, poursuit-il. Cette à 10 000 fois celle du célèbre DDT, été traités… se gardent d’attribuer l’ensemble
nouvelle génération de molécules, par exemple. Les concentrations relevées ne de cette perte aux seuls insecticides
mise sur le marché dans les années Leur mode d’application est égale- conduisent généralement pas à systémiques, d’autres facteurs
1990, nous semblait être un élé- ment différent. Ces produits sont une toxicité aiguë. Mais l’exposi- entrant en ligne de compte.
ment déterminant pour expliquer
la situation. »
Encore fallait-il étayer ce soupçon. POURQUOI sols, enrobage des semences), Mais les effets de ces pesticides se
Au fil des mois, le petit groupe de CET ARTICLE ? ils ne peuvent être absorbés en font également sentir chez les
chercheurs est devenu un consor- totalité par les plantes. Ils per- oiseaux insectivores (même si à
tium international – le Groupe Cet article fait le point sur les sistent donc dans les sols, dans ce niveau ils ne sont pas les seuls
de travail sur les pesticides sys- résultats récents publiés par le l’eau et peuvent donc être retrou- responsables), sur les micro-or-
témiques (TFSP, pour Task Force groupe de travail sur les pesti- vés sur des sites n’ayant jamais ganismes du sol et les lombrics :
on Systemic Pesticides) – d’une cides systémiques et leur impact été traités. En étant exposés de c’est l’ensemble de la chaîne ali-
cinquantaine de scientifiques de sur les insectes. L'utilisation de façon chronique à ces pesticides, mentaire qui est touchée, et on
15 nationalités, pour la plupart ces pesticides dit « néonicoti- les insectes, et notamment les assiste à une érosion globale de
universitaires ou chercheurs au noïdes » a des répercussions pollinisateurs qui sont un mail- la biodiversité… La question est
sein d’organismes publics, ayant sur la productivité agricole lon essentiel de la reproduction maintenant de savoir pourquoi,
tous rejoint le groupe d’experts et sur notre environnement de nombreuses plantes à fleurs mis à part en Europe, ces effets
intuitu personae. naturel. En effet, ces pesticides (dont les plantes cultivées), voient des pesticides n’ont pas été signa-
Le résultat de leurs cinq années de sont toxiques et, du fait de leurs leur nombre diminuer – ce qui a lés plus tôt, d’autant plus qu’ils
travail, à paraître dans la prochaine modes d’application multiples un impact sur les cultures et sur auront à terme un impact négatif
édition de la revue Environmental (pulvérisation, traitement des l’environnement non négligeable. sur l’économie.

34 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

Une variété d’autres espèces à comprendre comment des Le diagnostic de François Ramade car ces substances ne posent pas de
importantes pour les écosystèmes effets d’une telle magnitude ont est plus sévère. « La recherche en graves problèmes pour l’homme. Il
est également affectée par ces subs- pu demeurer si longtemps sous agronomie est sous la tutelle des n’en reste pas moins qu’elles finiront
tances. En particulier, les micro- le radar des autorités sanitaires pouvoirs publics, qui sont générale- par avoir un impact économique
organismes du sol et les lombrics, – à l’exception de l’Europe, qui a ment soucieux de ne pas gêner négatif important. »
animaux essentiels au maintien commencé, en 2013, à prendre des l’activité économique et donc l’em-
de la fertilité des sols. L’ensemble mesures. « Aujourd’hui, le savoir est ploi, estime-t-il. De plus, les agences
des informations rassemblées fragmenté, juge Maarten Bijleveld. de sécurité sanitaire ne se sont Stéphane Foucart
par le TFSP ayant été publié, reste Il n’y a plus de généralistes. » guère préoccupées de ce problème Le Monde daté du 25.06.2014

Les experts européens aggravent le


cas des pesticides tueurs d’abeilles
C
’est une nouvelle pierre tinoïdes sont une menace sérieuse firme Dow AgroSciences. Conduite « Les responsables politiques char-
dans le jardin des néonico- pour les abeilles et le futur de par l’EFSA et publiée en mars 2015, gés d’assurer la sécurité de nos
tinoïdes – ces insecticides l’agriculture, commente Marco l’évaluation des risques de cette abeilles et de notre environnement
soupçonnés d’être les principaux Contiero, chargé de la politique nouvelle molécule pointe pourtant ont tous les outils en main pour
responsables du déclin des abeilles agricole à Greenpeace Europe. La des lacunes dans le dossier soumis mettre en œuvre de bonnes me-
et des insectes pollinisateurs. Commission devrait étendre leur par l’industriel et l’absence de cer- sures, a déclaré Francesco Panella,
Dans une expertise rendue interdiction pour couvrir tous les taines données écotoxicologiques. président de Bee Life, la coordina-
publique mercredi 26 août, usages des néonicotinoïdes, sur « Avec les évaluations disponibles, tion apicole européenne, dans un
l’Autorité européenne de sécurité toutes les cultures, et mettre fin un risque élevé pour les abeilles communiqué. Il est temps que les
des aliments (EFSA) estime que à sa politique actuelle de déro- n’est pas exclu et un risque élevé autorités européennes cessent
les trois principales molécules gations. Des alternatives viables à long terme est indiqué pour les d’autoriser le déversement dans
(clothianidine, thiaméthoxame non chimiques existent et l’Union petits mammifères herbivores, pour l’environnement de molécules hau-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
et imidaclopride) de cette famille européenne devrait encourager les les utilisations en plein champ sur tement toxiques qui contribuent de
représentent « des risques élevés » agriculteurs à les utiliser. » le coton et les légumes », notaient manière décisive au déclin des
pour les abeilles, même utilisées les experts de l’EFSA. pollinisateurs et de la biodiversité. »
en simple pulvérisation. Substances controversées L’autorisation du sulfoxaflor, accor- De leur côté, les agrochimistes as-
Au printemps 2013, une précédente Le nouvel avis conduira-t-il dée le 27 juillet par la Commission, surent que les nouvelles généra-
expertise de l’agence basée à Parme l’Europe à prendre de nouvelles est cependant assortie d’une de- tions d’insecticides et leurs nou-
avait conclu à l’identique pour les mesures contre ces substances mande de «  données confirma- veaux modes d’application ne sont
utilisations dites « systémiques » controversées ? L’heure est à la tives » sur les effets de la substance pas responsables du déclin en
de ces trois mêmes insecticides. réévaluation du moratoire de sur les abeilles, données que Dow question.
Ces utilisations – consistant à deux ans, qui arrive à son terme AgroSciences devra fournir avant
traiter préventivement les sols fin 2015. Pour ce faire, l’EFSA a août 2017. L’autorisation n’en a pas Stéphane Foucart
agricoles ou les semences avant lancé un appel à données scien- moins suscité la colère des organi- lemonde.fr, 27.08.2015
leur mise en terre – entraînent tifiques auprès des agences de sations apicoles et des ONG.
l’imprégnation des plantes tout sécurité sanitaire nationales, des
au long de leur vie, les protégeant industriels, des organisations non
durablement contre les ravageurs. gouvernementales (ONG), des ins- POURQUOI En effet, en 2013, l’Europe n’a
L’Agence européenne d’évalua- titutions scientifiques, etc. CET ARTICLE ? interdit que de manière par-
tion des risques sanitaires et Toutes les informations perti- tielle le recours aux molécules
environnementaux va donc plus nentes doivent parvenir à l’EFSA Le déclin des insectes pollinisa- incriminées en maintenant
loin dans ses mises en garde. Celle avant la fin septembre, afin d’y être teurs, dont les abeilles domes- des dérogations pour cer-
du printemps 2013 avait conduit compilées et transmises à la Com- tiques, est observé depuis les taines utilisations. Cet article
l’Union européenne à mettre en mission européenne, qui prendra années 1990 dans plusieurs met en lumière le véritable
place, en décembre 2013, un mora- la décision de maintenir, d’étendre régions du monde. De nom- bras de fer entre les industries
toire de deux ans sur certaines uti- ou de revenir sur les restrictions breuses études scientifiques agrochimiques fabriquant ces
lisations « systémiques » des trois d’usage de ces pesticides. ont mis en évidence le rôle insecticides et les défenseurs
molécules en question sur le maïs, Rien ne semble pour l’heure des insecticides dits « néonico- de l’environnement, qui récla-
le tournesol ou encore le colza. acquis : en dépit de risques avérés tinoïdes », largement utilisés ment l’interdiction totale de
Cependant, leur utilisation est ou fortement suspectés pour les sur de nombreuses cultures. ces molécules. La Commission
toujours autorisée en traitement abeilles, Bruxelles peut décider de Cet article fait le point sur les Européenne doit se prononcer
systémique sur les céréales d’hiver remettre en selle ou d’autoriser décisions que doit prendre sur le sujet en tenant compte de
et en pulvérisation sur certaines certaines substances. Pour preuve, la Commission européenne l’importance de la pollinisation
cultures réputées non attractives la Commission a autorisé, fin juil- concernant l’autorisation ou effectuée par ces insectes tant
pour les butineuses. let, la mise sur le marché d’un l’interdiction de ces molécules sur les plantes sauvages que sur
«  L’EFSA confirme ce qui a déjà nouvel insecticide neurotoxique impliquées dans le déclin les plantes cultivées à l’origine
été démontré par d’abondantes – le sulfoxaflor –, analogue aux des insectes pollinisateurs. de notre alimentation.
preuves scientifiques : les néonico- néonicotinoïdes et développé par la

Génétique et évolution 35
35
LES ARTICLES DU

Des jachères transformées en


garde-manger pour les abeilles
En Franche-Comté, 700 hectares ont été semés de plantes très nutritives pour aider
les butineuses à passer l’hiver.

C
ombien d’abeilles en en moyenne qu’un mois et demi, « Entre deux récoltes d’orge gramme vise à « promouvoir la
h i b e r nat i o n s u r v i- contre cinq ou six mois pour ces ou de maïs, le terrain ne reste démarche dans les milieux agri-
vront-elles au froid ? En dernières. Leur mettre à disposi- pas nu, ces plantes empêchent coles et apicoles, accumuler des
Franche-Comté, « beaucoup plus tion, par exemple, certaines va- l’apparition de mauvaises connaissances agronomiques
qu’ailleurs », espère Raymond riétés de tournesol donnant un herbes, limitent l’érosion et sur cette pratique nouvelle, en
Borneck. À 86 ans, l’ancien pollen très supérieur à d’autres apportent de la matière orga- démontrer la faisabilité régle-
président de la Fédération permet de leur faire gagner nique », témoigne Inès Jacquet, mentaire et mesurer l’intérêt
mondiale d’apiculture (Api- jusqu’à un mois de longévité. » exploitante à Rigney (Doubs). pour les colonies d’abeilles ».
mondia), retiré dans son Jura Sarrasin, avoine, vesce, phalécie, Les espèces et les mélanges Sur la microparcelle de 0,5 hec-
d’origine, se bat toujours pour sainfoin, lierres, trèfle blanc, utilisés pour ces « rotations » tare qui jouxte le musée de
ses « protégées ». En lien avec de Perse et incarnat, mélilot, automnales sont autorisés par l’Abeille à Mesnay (Jura), Ray-
les agriculteurs et les chasseurs, lotier corniculé rendent plus la politique agricole commune mond Borneck, qui a créé l’Ins-
l’homme y plaide la cause des résistantes les ruches installées (PAC) sans dérogation sur les titut technique d’apiculture de
jachères apicoles ou « cultures dans un rayon d’environ trois surfaces en jachère, car les l’INRA, poursuit ses propres
interstitielles » expérimentées kilomètres autour des parcelles. espèces sont non invasives et expérimentations. En 2011, il ne
localement par le réseau Biodi- « L’important est de leur offrir certifiées. mélangera plus les graines. Les
versité pour les abeilles. Sur le une floraison plus étalée dans le Le 18 novembre, le conseil espèces seront semées sur des

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
plan financier, l’initiative, d’un temps, donc un garde-manger régional de Franche-Comté a bandes séparées, par types,
coût de 180 000 euros sur trois avec des ressources en nectar et réitéré son appui à l’opération, « pour faire des comptages sur
ans, est soutenue par le conseil pollen suffisantes pour accroître inscrit dans une convention l’intensité des butinages ».
régional, dont son fils Marc pré- leurs défenses immunitaires et pluriannuelle relative au L’évolution agronomique des
side le groupe des élus Europe la production de miel », résume « développement des couverts ». différentes plantes pourra
Écologie-Les Verts. « Sans lien Pierre Testu, animateur du réseau Signé avec la Fédération des ainsi être mieux analysée. 
de cause à effet », se hâte de Biodiversité pour les abeilles. chasseurs, qui conduit et coor-
préciser celui-ci. Les agriculteurs qui prêtent donne les actions en faveur Jean-Pierre Tenoux
L’idée de ce projet, labellisé par leurs sols pendant six mois de la faune sauvage et de ses Le Monde daté du 28.12.2010
le ministère de l’Écologie au y trouvent leur avantage. habitats sur le territoire, ce pro-
titre de l’année 2010 de la biodi-
versité, est simple : fournir aux
colonies de butineuses domes-
tiques, durant l’arrière-saison, POURQUOI mulées dans la ruche avant que le teurs pour organiser la culture
l’alimentation la plus équilibrée CET ARTICLE ? froid ne devienne trop important. de plantes dont le butinage en
et la plus riche possible pour leur Quand la température devient automne permet aux abeilles
permettre ensuite de passer l’hi- Cet article montre comment trop faible (autour de 10 °C), les de préparer efficacement le pas-
ver. En Franche-Comté, région plusieurs types d’intervenants abeilles ne quittent plus la ruche. sage de la mauvaise saison. Ces
pilote, plus de 700 hectares ont se mobilisent en France pour À l’intérieur, les abeilles luttent cultures sont réalisées sur des
été convertis en zones d’intercul- venir en aide aux populations contre le froid en se serrant les terres qui sont alors en jachère,
tures et semés d’espèces connues d’abeilles. En effet, durant l’hiver, unes contre les autres et en bat- c’est-à-dire non cultivées. Ce
pour leur valeur nutritive. des abeilles particulières, à plus tant des ailes. L’article montre projet est un bel exemple de
« Les abeilles d’hiver ne sont pas longue durée de vie que celles que des apiculteurs, sensibles à coopération entre plusieurs
biologiquement semblables à d’été, habitent la ruche. Elles se la mortalité des abeilles, se sont intervenants économiques,
celles qui travaillent l’été, sou- nourrissent des réserves accu- mobilisés avec l’aide des agricul- scientifiques et institutionnels.
ligne M. Borneck. Elles ne vivent

36 Génétique et évolution
le domaine continental
et sa dynamique
ur Plaque sus-jacente Plaque plongeante

Roches Croûte continentale


Magma
sédimentaires (30-70 km) Volcanisme Point A On précise que le ma
Croûte océanique
est constitué de périd
Échelle non
(7 km) respectée
et la croûte océanique
de basaltes et de gabb
Lave andésitique
00°C Croûte océanique
SV Andésites, rhyolite
Légende :

Lithosphère
océanique
Fosse océanique

00°C
Croûte continentale
Zone de
Océan Pluton de
Manteau supérieur

Lithosphère continentale
SB granodiorite de la pé
Croûte océanique MOHO
H20

Schi
Manteau stes Magma 1200°C SV Faciès
Lithosphère

verts
océanique

00°C
supérieur
100-150 km Sc
remonte
Manteau lithosphérique hi
ste
sb
Fusion partielle
des péridotites hydratées
SB Faciès
leu
E Faciès
H20

s
00°C Subduction
Manteau asthénosphérique

Éc
700 km lo
gi
Manteau tes

Manteau Iso
00°Cinférieur E th
er
m
e1
30
0C
°

GUTENBERG Séismes Déshydratation


(2885 km)

Noyau
externe

Noyau LEHMANN
nterne (5155 km)
L’ESSENTIEL DU COURS

PERSONNAGE
CLÉ
La caractérisation du domaine
ANDRIJA MOHOROVI I
(1857-1936)
continental : lithosphère
Au début du XXe  siècle, ce
météorologue et sismologue continentale, reliefs
et épaisseur crustale
croate commença à s’intéresser
à la propagation des ondes sis-
miques. Suite au tremblement
de terre de Pokuplje, à proximité

E
de Zagreb, le 8 octobre 1909, il
interpréta les sismogrammes et
nviron 30 % de la superficie totale du globe terrestre sont
mit en évidence la discontinuité occupés par les terres émergées. L’altitude moyenne des
entre la croûte et le manteau qui continents est de 870 m au-dessus du niveau de la mer,
porte son nom (Moho).
culminant à 8 847 m (mont Everest). Les caractéristiques de la
ZOOM SUR… croûte continentale permettent d’expliquer son épaisseur, son
Composition chimique
Les plis et les failles comportement et ses reliefs.
Silice Alumine Alcalins
(SiO2) (Al2O3) de(Na
La composition la2O,K
croûte
2O) épaississement crustal lié à un raccourcissement dont
Roches
plus récentes
continentale
70% 14,5% 8,6% les preuves sont visibles sur le terrain (voir ci-contre).
La croûte continentale est majoritairement formée Les roches compressées, transportées à haute
Roches de roches magmatiques (dont le granite et des roches altitude ou au contraire enfouies sous de grandes
plus anciennes Calcium Fer Magnésium
voisines du granite), mais aussi de roches sédimen- profondeurs, subissent des modifications liées aux
Force de (CaO) (FeO+Fe
taires et de roches 2O3)
métamorphiques. (MgO) variations de pression et de température (méta-
compression
Observé
2,6%à l’œil nu et3%au microscope 1%polarisant, un morphisme). Les transformations minéralogiques

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Mouvement échantillon de granite montre trois types de mi- sont accompagnées de changements de texture, les
Faille inverse des blocs néraux : du quartz,
Remarque : il estdes feldspaths
d’usage (alcalins comme
en géologie minéraux s'alignant progressivement en feuillets
l'orthose ou plagioclases)
de désigner les éléments parmicas.
et des leur (schistes, gneiss). Ces variations de pression et de
Les plis se forment par flexion oxyde. température peuvent entraîner une fusion partielle
plastique des roches. et produire du magma.
Q
Pli Faille Q Roches Croûte continentale
PL sédimentaires (30-70 km)
Atmosphère Croûte océanique Échelle non
(7 km) respectée

BI Q
Biosphère &
Q Hydrosphère

Lithosphère
MOHO
Manteau
Les mouvements relatifs des supérieur
100-150 km
roches le long des failles inverses BI
Asthénosphère
Q
témoignent du raccourcisse-
ment. 700 km

Faille Chevauchement Schéma interprétatif d'une lame mince de granite


Manteau
observée au microscope. Q : Quartz, BI : Biotite inférieur
(mica noir), PL : Feldspaths plagioclases.

L’épaisseur de la croûte GUTENBERG


(2885 km)
continentale
Noyau
Le forage le plus profond réalisé dans la externe
lithosphère (en péninsule de Kola) est d’environ Densité et isostasie
Un chevauchement conduit des 12 km et n’a pas pu traverser la croûte. Des études L’épaississement crustal observéLEHMANN
au niveau des
Noyau
ensembles de terrains anciens sismiques indirectes permettent d’estimer la pro- chaînes de montagnes pourrait suggérer
interne (5155 km)un excès de

à en recouvrir de plus récents. fondeur de la discontinuité de Mohorovi i (Moho), masse. Mais en réalité elles exercent une attraction
Un charriage est un chevau- qui correspond à la limite entre la croûte et le moindre que celle à laquelle on pourrait s’attendre.
chement de grande ampleur manteau. Elle est estimée à 30 km en moyenne, Ceci peut s’expliquer par la présence d’une racine
pouvant dépasser la centaine mais n’est pas identique en tout point du globe. crustale, compensant les reliefs en profondeur, en
de kilomètres. Au niveau des chaînes de montagnes, on observe un accord avec les mesures de profondeur du Moho.

38 Le domaine continental et sa dynamique


L’ESSENTIEL DU COURS

datée en fonction des fossiles qu’elle contient. ZOOM SUR...


Pour les roches magmatiques, il est nécessaire
de recourir à la datation absolue. Cette méthode Le programme ECORS
de datation est basée sur la décroissance radioac- Le programme Étude continen-
tive de certains isotopes radioactifs comme tale et océanique par réflexion
le 87Rb. Leur désintégration en fonction du temps et réfraction sismiques (ECORS),
constitue un chronomètre naturel. Le rubidium débuté en France en 1983, consiste
(Rb) et le strontium (Sr) sont présents en très à explorer la croûte terrestre, ses
faible quantité (traces) dans les roches magma- variations d’épaisseur et sa struc-
tiques. Ils présentent différents isotopes. Le ture interne afin de déterminer
spectromètre de masse permet de faire la diffé- ses propriétés et son évolution. La
rence entre ces isotopes car ils n’ont pas la même recherche d’hydrocarbures, l’ex-
Cascade de l’Arpenaz masse atomique. Le  87Rb se désintègre en  87Sr, ploration géothermique et l’éva-
avec une pér io de de 48, 8. 10 9  ans luation du risque sismique sont
En effet, la densité moyenne de la croûte conti- ( = 1,42. 10 −11 an −1) ; le  86Sr est un isotope stable. des applications pratiques qui en
nentale est de 2,7, tandis que celle du manteau Lors de la formation d’une roche magmatique, découlent grâce à la connaissance
lithosphérique est de 3,3. les feldspaths (orthose, plagioclase) et micas in- précise des zones sédimentaires et
Il existe en profondeur une surface de compen- corporent des quantités variables de Rb et Sr. Il des zones fracturées.
sation sur laquelle les pressions exercées par les n’est pas possible de connaître la quantité initiale
roches sont égales : il y a équilibre isostatique.
Selon le modèle d’Airy, en fonction du relief
d’isotopes radioactifs au moment de la formation
de la roche : on utilise les rapports 87Rb/86Sr et
NOTIONS CLÉS
en surface et de la densité des matériaux, des 87
Sr/ 86Sr. Après refroidissement du magma, la LA STRUCTURE INTERNE
« colonnes » de roches sont donc plus ou moins roche formée ne va plus échanger avec le milieu DU GLOBE
environnant, on parle de fer- La Terre est constituée d’enve-
meture du système. Les iso- loppes de compositions chimiques
topes évoluent spontanément différentes : la croûte, le manteau
selon les lois physiques de (constitué de péridotites) et le noyau
désintégration radioactive : la (contenant principalement du fer

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
quantité d’éléments pères di- et du nickel). La discontinuité de
minue, la quantité d’éléments Mohorovi i marque la limite entre
fils augmente. En mesurant les la croûte et le manteau. La croûte
quantités actuelles des élé- et la partie rigide du manteau su-
ments pères et fils dans un périeur constituent la lithosphère,
échantillon pour au moins découpée en plaques, reposant sur
deux minéraux différents, on l’asthénosphère, plus ductile.
peut tracer une droite (iso-
chrone) et déterminer le L’ISOSTASIE D’APRÈS
temps écoulé depuis la ferme- LE MODÈLE D’AIRY
ture du système, c’est-à-dire d1 = densité de la croûte continen-
depuis la cristallisation des tale = 2,7 ; d2 = densité du man-
minéraux lors de la mise en teau = 3,3.
place de la roche par refroidis- Selon le modèle d’Airy, en fonc-
sement du magma.  tion du relief en surface et de la
épaisses en profondeur. Au niveau des domaines densité des matériaux, les « co-
continentaux, la racine crustale constituée de lonnes » de roches sont plus ou
matériaux peu denses s’étend sur une épaisseur TROIS ARTICLES DU MONDE moins épaisses en profondeur. Les
proportionnelle à l’altitude du massif, à la profon- À CONSULTER pressions qu’elles exercent sont
deur de compensation. égales au niveau de la surface de
Cet état d’équilibre réalisé à une profondeur va- • Voyage vers le manteau de la Terre, compensation, où il y a équilibre
riable de la Terre est l’isostasie. Au cours du temps, dans la croûte océanique isostatique.
l’érosion élimine progressivement une partie du du Pacifique p. 41-42
massif, ce qui provoque une remontée isostatique (Pierre Le Hir, Le Monde daté du 16.04.2011)
de la racine crustale. Des roches initialement en
profondeur peuvent alors parvenir en surface. • Le voyage sous la Terre du satellite
Goce p. 42
L’âge des roches (Christiane Galus, Le Monde daté du 17.03.2010) d1
Alors que la croûte océanique n’excède pas
200 Ma, la croûte continentale peut en certains • La structure interne des Pyrénées
endroits du globe dépasser 4 Ga. Une roche sé- dévoilée p. 43
dimentaire est plus récente que celle qu’elle (Pierre Rimbert, Le Monde daté du 07.09.1995) d2
recouvre (sauf accident tectonique) et peut être

Le domaine continental et sa dynamique 39


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR...
LA DATATION ABSOLUE
Partie 1 : La caractérisation du
La datation isotopique a révolution-
né la mesure du temps en géologie.
En complément de la datation rela-
domaine continental
tive, qui permet d’ordonner chro- L’intitulé complet du sujet b) Le 86Sr est un élément fils du 87Sr.
nologiquement des événements Sélectionnez la proposition exacte pour chaque c) Il est indispensable d’effectuer des mesures sur
géologiques les uns par rapport aux question de 1 à 6. plusieurs minéraux de la roche à dater.
autres, la datation absolue permet d) Cette méthode de datation est adaptée aux roches
de leur attribuer un âge, en millions 1. La croûte continentale est principalement sédimentaires.
d’années par exemple. formée :
Cependant l’échantillon à dater a) de gabbros et de granites. 6. Des mesures isotopiques effectuées sur des
doit satisfaire à certains critères : b) de roches sédimentaires et de granites. minéraux des granites G1 et G2 ont permis de
– il doit s’agir d’une roche mag- c) de péridotites. construire le graphique ci-dessous. Les droites ont
matique dont on datera la cris- d) de roches voisines du gabbro. pour équation : 87Sr/86Sr = ( t) 87Rb/86Sr + 87Sr0/86Sr.
tallisation par refroidissement a) Le granite G1 est plus âgé que le granite G2.
d’un magma. En effet, une roche 2. Les différences d’altitude entre continents et b) Le granite G2 est plus âgé que le granite G1.
sédimentaire est notamment océans sont dues au fait que : c) Les granites G1 et G2 sont de même âge.
constituée de fragments de reliefs a) la croûte continentale est moins dense et plus d) Le coefficient directeur de la droite isochrone
érodés, dont la datation ne don- épaisse que la croûte océanique. ne varie pas de la même façon que t, le temps
nerait pas l’âge de la formation de b) la croûte continentale est plus dense et plus écoulé depuis la fermeture du système.
la roche sédimentaire elle-même épaisse que la croûte océanique.
mais de la roche magmatique c) la croûte continentale est moins dense et plus
dont elle est issue par érosion et fine que la croûte océanique.
sédimentation ; d) la croûte continentale est plus dense et plus fine
– le système doit être fermé depuis que la croûte océanique.
la formation de la roche. Aucun

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élément ne doit avoir quitté 3. Un granitoïde est une roche :
l’échantillon ou y être entré. a) magmatique à structure grenue.
Pour dater un échantillon, il faut b) magmatique à structure vitreuse.
choisir l’isotope radioactif le plus c) sédimentaire à structure vitreuse.
adapté selon sa demi-vie et l’âge à d) sédimentaire à structure grenue.
déterminer. Au-delà de dix fois la
demi-vie de l’isotope, toute me- 4. La croûte continentale :
sure est impossible. On mesure a) est en moyenne plus jeune que la croûte
les quantités d’isotopes radioactifs océanique.
présents dans l’échantillon en uti- b) est plus dense dans les zones de collision.
lisant un spectromètre de masse. c) s’épaissit progressivement dans les zones de
On procède ensuite aux calculs. collision anciennes.
d) s’altère sous l’effet des agents de l’érosion.
LA DÉTERMINATION DE Ce qu’il ne faut pas faire
L’ÂGE D’UNE ROCHE PAR 5. La méthode de datation rubidium-strontium • Se dispenser d’une relecture attentive en fin
LA MÉTHODE 87RB/87SR est fondée sur la décroissance radioactive du 87Rb, d’épreuve car il s’agit d’un QCM : les réponses
87
Rb87Sr + e− qui se désintègre spontanément en 87Sr, un isotope peuvent beaucoup se ressembler et une faute
Soit F la quantité de l’isotope stable. On mesure dans la roche à dater les quan- d’inattention est possible.
fils présente actuellement dans tités de 87Rb, 87Sr et 86Sr, un isotope stable dont la
l’échantillon, F0 celle présente quantité est supposée constante au cours du temps.
initialement, P la quantité de a) On connaît les quantités initiales des éléments Le corrigé
l’isotope père,  la constante carac- pères et fils. 1. b), 2. a), 3. a), 4. d), 5. c), 6. b) 
téristique du couple isotopique :
F = ( t) P + F0.
La quantité de 86Sr étant stable, on
peut utiliser les rapports 87Rb/86Sr AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
et 87Sr/86Sr.
Ainsi 87Sr/86Sr = ( t) 87Rb/86Sr + Partie 2.1
87
Sr0/86Sr, soit l’équation d’une – Exploiter des documents pour mettre en relation un modèle et des mesures afin d’expliquer la notion
droite de coefficient directeur ( t) d’isostasie.
Le coefficient directeur de la droite Partie 2.1
permet de calculer t, le temps écou- – Identifier dans des documents les preuves d’un raccourcissement et d’un épaississement crustal au
lé depuis la formation de la roche. niveau d’une chaîne de montagnes.

40 Le domaine continental et sa dynamique


LES ARTICLES DU

Voyage vers le manteau de la Terre,


dans la croûte océanique du Pacifique
Au large du Costa Rica, une mission internationale va forer l’écorce terrestre sur 2 km
pour prélever des roches profondes, témoins de l’histoire géologique de notre planète.

«À
mesure que nous océanique dans le Pacifique est, connaître la structure de la forages scientifiques ont été
descendions, la au large du Costa Rica, avec croûte, la façon dont elle se conduits, dans le cadre de
succession des le bateau américain Joides forme à partir du magma du collaborations internationales
couches composant le terrain Resolution. Un bâtiment de manteau et leur mode de refroi- dont l’actuelle est l’Integrated
primitif apparaissait avec plus 143 m de long, équipé d’un dissement », explique Benoît Ocean Drilling Program (IODP).
de netteté. […] Jamais minéra- derrick de 61 m de hauteur qui Ildefonse. Mais aucun n’a atteint la dis-
logistes ne s’étaient rencontrés permet de déployer plus de Ce n’est qu’un début. L’expédi- continuité de Mohorovi i , plus
dans des conditions aussi mer- 9 km de tubes de forage dans tion coïncide avec le 50e anni- simplement appelée le Moho.
veilleuses pour étudier la nature les abysses, pour atteindre versaire du plus ambitieux pro- Le plus profond n’a pas dépassé
sur place. » Dans son Voyage l’écorce terrestre. À bord, un gramme de forage scientifique 2 111 m. L’exploitation pétrolière
au centre de la Terre, publié en laboratoire peut effectuer de tous les temps : le projet offshore va bien au-delà – au
1864, Jules Verne imagine la l’analyse physique, chimique Mohole, du nom du géologue large de Cayenne, en Guyane, la
jubilation du professeur Lin- et magnétique des carottes croate Andrija Mohorovi i compagnie britannique Tullow
denbrock et de son neveu Axel minérales extraites du sous-sol. qui, dès 1909, avait découvert vient d’entreprendre un forage
devant « ces richesses enfouies Cette campagne doit pousser l’existence, à la limite entre d’exploration jusqu’à 4 300 m
dans les entrailles du globe ». plus avant les forages déjà ef- l’écorce et la partie supérieure sous le plancher océanique –,

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Un siècle et demi plus tard, l’en- fectués dans le même puits, du manteau terrestre, d’une mais dans des couches sédi-
thousiasme de Benoît Ildefonse en 2002 et 2005, jusqu’à une discontinuité se manifestant mentaires recelant des gise-
(Laboratoire de géosciences, profondeur de 1 500 m. C’est- par une accélération de la vi- ments d’hydrocarbures, et sans
CNRS-université de Montpel- à-dire sans dépasser la croûte tesse de propagation des ondes carottage de roches, qui exige
lier-II) n’est pas moins vif à océanique supérieure. L’objec- sismiques. un équipement plus sophis-
l’idée de creuser jusqu’aux tif est cette fois de descendre Au printemps 1961, au large tiqué.
couches inférieures de l’écorce jusqu’à 2 000 m, au niveau de de l’île mexicaine de Guada- La mission en cours servira
terrestre, à 2 km de profondeur, la croûte océanique inférieure. lupe, les Américains percèrent de repérage pour une nou-
et d’en remonter à la surface, Là où les basaltes de surface, plusieurs trous jusqu’à près velle tentative de creusement
pour la première fois, des nés du refroidissement rapide de 200 m. Mais, faute de tech- jusqu’au Moho, 4 000 m plus
roches encore jamais extraites du magma issu de la fusion des niques de forage adaptées, le bas. Elle pourrait être décidée,
de leur gangue. En attendant de roches du manteau, cèdent la projet fut abandonné cinq ans espère Benoît Ildefonse, dans la
pouvoir un jour traverser cette place aux gabbros, des roches plus tard, après avoir englouti décennie à venir. Il y faudra des
pellicule superficielle pour ac- formées par une cristallisation plus de 50 millions de dollars moyens de forage et de carot-
céder, sous la croûte terrestre plus lente du magma. (34,6 millions d’euros environ). tage encore plus performants.
– épaisse de 30 km en moyenne Le site prospecté se trouve sur Par dérision, l’entreprise fut re- Et un financement internatio-
sur les continents et de 6 km la plaque Cocos, près d’une baptisée « Nohole », pas de trou. nal de plusieurs centaines de
sous les océans –, au manteau dorsale océanique (zone de Depuis, plusieurs milliers de millions d’euros. C’est à ces
qui entoure le noyau de notre divergence entre deux plaques
planète et qui représente les tectoniques où se produisent
deux tiers de sa masse. des remontées de magma) où POURQUOI toujours d’actualité. Aucun
Le chercheur est l’un des deux la formation de la croûte, voilà CET ARTICLE ? forage n’a jamais atteint la
discontinuité de Mohorovi i
codirecteurs, avec le Britan- quinze millions d’années, a Cet article montre que, malgré (le Moho), mais cet objectif est
nique Damon Teagle (Centre été particulièrement rapide. les techniques de prospec- plus envisageable en milieu
national d’océanographie de La croûte supérieure y est plus tion indirecte, les tentatives océanique, où la croûte de
l’université de Southampton), mince qu’ailleurs, ce qui rend de forage dans la croûte ter- 6 km est bien moins épaisse
de la mission scientifique in- les gabbros plus accessibles. restre à des profondeurs de que la croûte continentale
ternationale qui, du 13 avril au « L’examen d’échantillons de plus en plus importantes sont (30 km).
30 juin, va réaliser un forage ces roches permettra de mieux

Le domaine continental et sa dynamique 41


LES ARTICLES DU

conditions que seront mieux compris terrestres dans le cycle du carbone », plaide davantage sur d’autres planètes, grâce aux
« la dynamique interne de notre planète, le chercheur. missions spatiales, que sur la nôtre. » 
la tectonique des plaques à l’origine des « Forer jusqu’au manteau est le plus grand
séismes tels que celui du 11 mars au Japon, défi de l’histoire des sciences de la Terre, Pierre Le Hir
ou encore le rôle de la croûte et du manteau dit-il. Paradoxalement, nous en savons (16 avril 2011)

Le voyage sous la Terre


du satellite Goce
En mesurant des variations de gravité, l’engin a fourni une carte mondiale d’une
frontière géologique, le Moho.

L
orsque Isaac Newton avait découvert à cette occasion erreurs dans le résultat final », géoïde, la forme qu’aurait la
conçut la loi de la gravita- que les ondes accéléraient après estime Daniele Sampietro. Terre si elle était recouverte
tion universelle, il n’ima- le Moho. Ce dernier est situé en Aujourd’hui, grâce à Goce, entièrement d’océans. Et les
ginait pas que, trois siècles plus moyenne à une profondeur de « les chercheurs italiens ont scientifiques ont découvert des
tard, des scientifiques utilise- 25 km à 60 km sous les conti- réalisé une cartographie glo- choses surprenantes. En étu-
raient les données du champ nents et de 5 km à 8 km sous les bale de l’épaisseur de la croûte diant la trajectoire des satellites,
de gravité terrestre obtenues océans. Au-delà, on trouve le terrestre », explique Michel Dia- qui subit l’influence du champ

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par des satellites pour étudier manteau, puis le noyau liquide ment, spécialiste de gravimétrie de gravité terrestre, ils ont mis
les profondeurs inaccessibles de et la graine (le noyau solide), à l’Institut de physique du globe en évidence une Terre cabos-
notre globe. Des chercheurs de située à plus de 5 000 km de de Paris. Or la croûte terrestre et sée, invisible à l’œil nu, avec
l’École polytechnique de Milan profondeur. le manteau supérieur sont d’un des bosses sur la Papouasie-
(Italie), dirigés par Daniele Sam- grand intérêt pour les scienti- Nouvelle-Guinée et le Pacifique
pietro, viennent en effet de réa- « Cartographie globale » fiques. C’est l’endroit où se situe ouest, et un grand creux associé
liser la première carte mondiale Toutes ces données ont été four- la plus grande partie des proces- à l’océan Indien. Les six accélé-
du Moho, cette zone frontière nies grâce aux ondes sismiques. sus géophysiques importants romètres de Goce ont confirmé
située entre la croûte terrestre Car personne – contrairement liés à la tectonique des plaques, ces données avec une précision
et le manteau supérieur. Ils ont aux héros de Jules Verne – n’a pu tels les séismes, les volcans et la inégalée. 
obtenu ce résultat en interpré- aller sonder le centre de la Terre. naissance des montagnes.
tant les données recueillies par Les Américains, les Allemands Mais comment des données Christiane Galus
le satellite Goce de l’Agence spa- et les Russes ont bien tenté de gravimétriques peuvent-elles Le Monde daté du 17.03.2010
tiale européenne (ESA), en orbite forer le Moho, sans résultat, fournir des renseignements sur
à 265 km de la Terre. Cet engin, bien que les Russes aient atteint la structure interne de la Terre ?
lancé en mars 2009, a fourni des la profondeur de 12 km en 1989 « Si la Terre était un oignon,
POURQUOI
données gravimétriques d’une dans la presqu’île de Kola. avec des couches homogènes et
CET ARTICLE ?
finesse inégalée – à l’échelle de Jusqu’à présent, on possédait sphériques, la pesanteur serait
80 km – de l’ensemble du globe. bien des données éparses sur partout la même à la surface du Cet article récent montre
Cette image du Moho a été réa- les différentes profondeurs du globe, précise Michel Diament. l’évolution des techniques
lisée dans le cadre d’un projet Moho, obtenues par les ondes Or la Terre est hétérogène. Il y de détermination de la pro-
(Gemma) financé par l’ESA. sismiques ou des données gra- a des endroits plus ou moins fondeur du Moho, la limite
Le Moho est le nom de la dis- vimétriques locales, dont les denses, si bien que la pesanteur entre la croûte terrestre et
le manteau. C’est un satellite
continuité découverte par variations reflètent la différence est variable et reflète la réparti-
mesurant les variations de la
le sismologue croate Andrija de densité entre les roches de tion hétérogène de la matière à gravité, liées à l’hétérogénéi-
Mohorovi i , alors qu’il étudiait la croûte et celles du manteau. différentes profondeurs. » té de densité des matériaux,
la propagation des ondes sis- Mais « l’hétérogénéité de ces infor- Cette répartition hétérogène qui a permis d’en réaliser une
miques générées par le séisme mations dans le temps et dans des masses à l’intérieur de la carte mondiale.
du 8 octobre 1909 en Croatie. Il l’espace se traduit par de grandes Terre contrôle également le

42 Le domaine continental et sa dynamique


LES ARTICLES DU

La structure interne
des Pyrénées dévoilée
Des chercheurs dressent une carte tridimensionnelle de la chaîne.

I
l y a 65 millions d’années, tion vers le sud. Tournant au- provenant de séismes locaux données issues d’une quaran-
l’Espagne faisait une en- tour d’un axe situé à l’ouest des ou lointains. Chaque couche taine de stations fixes fran-
trée « fracassante » au sein Pyrénées, elle ouvre, sur son traversée par le train d’ondes çaises et espagnoles, dont
de l’Europe. De la collision passage, le golfe de Gascogne. est caractérisée par une vitesse certaines mises en place dans
entre les plaques tectoniques Repoussée par la plaque afri- de propagation spécifique. Si des buts très divers : enregis-
Eurasie, au nord, et Ibérie, au caine, elle entre en contact avec le sous-sol est homogène, le trements sismiques, contrôle
sud, naissait alors la chaîne l’Europe. Lors de cet affronte- temps de propagation des des avalanches en Espagne ou
des Pyrénées. Les mécanismes ment tectonique, la plaque Ibé- ondes ne dépend que de la surveillance du gisement de
géologiques ayant conduit à rie s’encastre dans son vis-à-vis distance de leur foyer. En re- gaz de Lacq en France. Mais,
cette formation sont encore européen. La partie supérieure vanche, toute discontinuité de regrette Annie Souriau, le
controversés. Annie Souriau, de la croûte s’élève alors et la structure interne provoque fonctionnement du réseau
du Laboratoire de dynamique forme les Pyrénées. une avance ou un retard du pyrénéen, géré par l’Observa-
terrestre et planétaire, de L’étude des chercheurs a mon- front d’ondes. Ainsi, la traver- toire Midi-Pyrénées, est au-
Toulouse, et Michel Granet, de tré que la partie inférieure de sée d’une structure à vitesse de jourd’hui menacé d’interrup-
l’Observatoire de physique du la croûte ibérique a amorcé un propagation élevée sera mise tion. Les stations nécessitent
globe, de Strasbourg, ont mené plongeon sous son homologue en évidence par une légère un entretien régulier et minu-
une étude sur la structure pro- européenne. Elle s’est ensuite avance du signal. La compa- tieux. Or, les ingénieurs en

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fonde des Pyrénées. enfoncée sous l’écorce ter- raison des temps d’arrivée charge de cette tâche, bientôt
Les chercheurs ont utilisé pour restre, dans une zone connue permet de localiser la position à la retraite, ne seront pas
cela une technique, très pro- sous le nom de manteau, de chaque anomalie. remplacés cette année. 
metteuse, d’analyse du temps jusqu’à une profondeur de Mais, pour obtenir une carte
de propagation des ondes 100 kilomètres. Ces travaux tridimensionnelle à grande Pierre Rimbert
sismiques qui diffère des ont également mis en évidence échelle d’une chaîne de colli- Le Monde daté du 07.09.1995
systèmes (camions vibreurs) la remontée et la percée à tra- sion, il faut disposer d’un large
habituellement utilisés par vers la croûte de deux gros réseau de stations capables de
les pétroliers. Résultat : une blocs d’origine profonde. Invi- recevoir et d’enregistrer les
POURQUOI
véritable radiographie d’est sibles en surface, ils coïncident ondes sismiques. La préci- CET ARTICLE ?
en ouest des Pyrénées, inter- avec des anomalies gravimé- sion de l’étude en dépend. Le
prétable en trois dimensions, triques connues par ailleurs. La massif pyrénéen est équipé Cet article déjà ancien
détaillant avec précision la morsure de ces deux « dents » d’un grand nombre de sismo- décrit le principe et les
situation des couches géolo- rocheuses à travers la couche graphes, installés notamment intérêts de la prospection
giques jusqu’à une profondeur sédimentaire pourrait expli- à la suite du tremblement sismique pour la compré-
de 200 kilomètres. quer une partie importante de terre qui secoua le village hension de la structure pro-
Cette étude valide un modèle de l’activité sismique de cette d’Arette, le 13 août 1967, au fonde des chaînes de mon-
de formation de la chaîne région. sud-ouest de Pau (Pyrénées- tagnes. Complémentaires de
l’étude des affleurements et
montagneuse, lié à l’histoire Atlantiques). Ce séisme, d’une
des roches, ces techniques
tectonique mouvementée de Un large réseau magnitude de 5,7 sur l’échelle
permettent de reconstituer
l’Espagne. Située, il y a 200 mil- de stations de Richter, détruisit le petit l’histoire d’un relief, selon
lions d’années, à l’ouest de la Pour parvenir à ces résultats, village pyrénéen et causa la des scénarios qui ont évolué
France, alors que la Galice est les chercheurs ont mesuré et mort d’une personne. depuis 1995 au gré des nou-
en face du Finistère, la plaque analysé les temps de propa- Annie Souriau et Michel Gra- velles découvertes.
Ibérie entame une lente rota- gation des ondes sismiques net ont ainsi bénéficié des

Le domaine continental et sa dynamique 43


L’ESSENTIEL DU COURS

MOTS CLÉS
DENSITÉ
Contexte de la formation
Rapport de la masse d’un certain
volume d’un corps à celle du
même volume d’eau (ou d'air
des chaînes de montagnes
pour les gaz).
et disparition des reliefs
U
MARGE
ACTIVE ne partie des terres émergées est formée de chaînes de
Limite océan/continent qui
correspond à une frontière de
montagnes, anciennes ou toujours en cours de surrec-
plaque convergente. tion. L’exemple des Alpes permet d’étudier la formation
Les marges actives sont le siège
de la subduction et se caractéri-
d’une chaîne de collision dans un contexte de convergence li-
sent par une importante activité thosphérique. Les traces d’un ancien domaine océanique y té-
sismique et volcanique. moignent de sa fermeture par subduction. Au cours du temps,
MARGE les chaînes de montagnes, comme tous les reliefs formés à la
PASSIVE surface de la Terre, tendent à disparaître : la lithosphère conti-
Zone de transition entre une
croûte continentale et une
nentale est recyclée en permanence.
croûte océanique au sein d’une
même plaque lithosphérique. Les traces d’un ancien océan L’une des causes de la subduction
L’histoire de la naissance des Le mont Chenaillet, situé dans les Alpes, est composé La lithosphère océanique est formée de croûte océa-
océans est enregistrée au niveau de roches basaltiques en forme de coussins, qui rap- nique (densité 2,9) et de manteau lithosphérique
de leurs marges passives (failles pellent les pillow-lavas des dorsales océaniques. Sous (densité 3,3). La densité globale de la lithosphère océa-
normales et sédimentation ca- ce basalte se trouvent successivement des gabbros et nique dépend des épaisseurs relatives de croûte et de

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
ractéristiques du rifting). des péridotites : il s’agit d’une série ophiolitique, ves- manteau. La limite avec le manteau asthénosphérique
tige d’une lithosphère océanique de 155 Ma, charriée est une limite physique qui définit le comportement
PLAQUE sur le continent. plus ou moins ductile des péridotites : l’isotherme
LITHOSPHÉRIQUE Dans la zone dauphinoise, près du Bourg-d’Oisans, des 1 300 °C. En s’éloignant de la dorsale, la lithosphère
Portion de lithosphère d’une blocs basculés séparés par des failles normales sont océanique se refroidit, l’isotherme 1 300 °C s’enfonce,
centaine de kilomètres d’épais- recouverts de formations sédimentaires, rappelant et le manteau lithosphérique s’épaissit : la densité de
seur, aux frontières de laquelle les dépôts des marges passives. Ce sont les vestiges la lithosphère océanique augmente au cours du temps.
des reliefs (dorsales, chaîne de de la naissance d’un océan. Entre 30 et 50 Ma, la lithosphère océanique devient
montagnes, fosse océanique)
et une activité sismique et/ou Coupe des blocs basculés Mure/Taillefer/Rochail
volcanique sont observés en
relation avec les mouvements
Le Taillefer Le Rochail
relatifs des autres plaques.
Ouest Est
NOTION CLÉ
La tectonique des plaques
Il s’agit d’une théorie élaborée à
la fin des années 1960.
Trois types de mouvements re-
latifs des plaques sont observés
à leurs limites :
– des mouvements de conver-
gence au niveau des chaînes Jurassique supérieur et crétacé (- 96 à - 154 Ma) : Carbonifère (- 295 à - 355) : schistes noirs et conglomérats
de montagnes et des zones de calcaires et marnes à ammonites et calpionelles
subduction ; Jurassique inférieur et moyen (- 54 à - 154 Ma) : Socle primaire : roches magmatiques et métamorphiques
– des mouvements de diver- calcaires et schistes à ammonites, bélemnites et crinoïdes
gence au niveau des dorsales Trias (- 205 à - 245 Ma) : dolomites très pauvres en fossiles Faille
océaniques où il y a création de
lithosphère océanique ; Ammonites et bélemnites : mollusques marins pélagiques (nageant en pleine mer)
– des zones de coulissage où il Crinoïdes : organismes benthiques (fixés sur les fonds marins)
n’y a ni création ni destruction Calpionelles : organismes unicellulaires marins pélagiques
de surface lithosphérique.
Vestiges de marges passives dans les Alpes

44 Le domaine continental et sa dynamique


L’ESSENTIEL DU COURS

plus dense que l’asthénosphère (densité 3,25) et peut tique de la subduction ayant précédé la collision. MOT CLÉ
plonger par subduction, si les conditions y sont favo- Ces roches métamorphiques ont une densité plus
rables. Ceci explique qu’il n’existe pas de lithosphère élevée que les roches d'origine. Ceci a renforcé l'enfon- MÉTAMORPHISME
océanique plus ancienne que 200 Ma. cement de la lithosphère océanique dans l'asthénos- Transformations minéralogiques
phère au cours de la subduction et structurales d’une roche à l’état
distance à l’axe de la dorsale solide, sous l’effet de variations
La disparition des reliefs
a

de température et de pression,
M
5

a
M

Plusieurs orogenèses se sont succédé au cours de sans modification importante de


25

a
M

a
Âge

M
35
5 km l’histoire de la Terre : calédonienne (480-420 Ma), sa composition chimique.
40
MOHO
hercynienne (320-260 Ma) et alpine. Les reliefs de la
58 km Grande-Bretagne, de la Scandinavie et du Groenland
sont des vestiges de la première ; les Ardennes, les
ZOOM SUR...
isoth
erme Vosges, le Massif central et le Massif armoricain, DES TÉMOINS
130 0 °C
Profondeur de la deuxième. Ces reliefs ont depuis été érodés. DE L’HISTOIRE
Croûte océanique
(en km) Tout relief est donc un système instable qui tend à ALPINE
d=2,9 Hc
MOHO ρ moyenne = Hc ρ croûte + Hm ρ disparaître aussitôt qu’il se forme. • Des roches prélevées en Vanoise
d = 2,9 manteau lithosphérique / H
Des événements tectoniques peuvent fragiliser des ont été soumises à une pression
Manteau
lithosphérique d=3,3 Hm H édifices rocheux. D’autres facteurs, liés au climat et de 11 kbars, correspondant à une
d = 3,3 à l’altitude, participent à l’érosion (eau, vent). Les profondeur de 33 km et à une tem-
isotherme 1300 °C végétaux y contribuent également par la sécrétion pérature de 390 °C.
Asthénosphère d=3,25
de substances acides ou en s’insinuant dans les fis- • Des roches prélevées au mont
Détail de la structure d’une lithosphère océanique / sures déjà formées. L’eau est un facteur chimique, Viso (zone de fort métamor-
Évolution de la lithosphère océanique au cours du temps mais aussi physique, d’érosion : les vagues, les tor- phisme) témoignent d’une
La collision rents, les glaciers modifient les paysages. Chargé de pression de 21 kbars (63 km de
Lorsque l’océan séparant deux continents s’est refermé particules de sable, le vent rabote et polit les amas profondeur) et d’une température
et que la croûte océanique est entièrement subduite, rocheux. Les blocs et les particules glissent le long de 550 °C.
les deux masses continentales s’affrontent. Entre de la pente formée par le relief, puis peuvent être • La coésite trouvée dans le massif
elles subsiste la « suture » de matériaux océaniques. transportés par l’eau ou le vent très loin du lieu italien Dora-Maira correspond à

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
L’essentiel de la lithosphère continentale continue d’altération, en fonction de leur taille. Les sédiments du quartz soumis à des pressions
de subduire, mais la partie supérieure de la croûte se déposent lorsqu’ils rencontrent un obstacle ou supérieures à 30 kbars (90 km de
s’épaissit par empilement de nappes dans la zone de un bassin. Ils peuvent alors former une roche sédi- profondeur).
contact entre les deux plaques. mentaire. La croûte continentale est recyclée en On peut dater les événements mé-
permanence  tamorphiques et les placer dans un
Phase de convergence
diagramme afin de tracer un trajet
pression-température-temps et de
Crétacé sup
80 Ma reconstituer une partie de l’his-
Subduction de la lithosphère océanique toire de la chaîne de montagnes.
Épaississement Ophiolite obductée
de la croûte est
continentale L’ÉROSION
DU GRANITE
Eocène
50 Ma
Un massif granitique va s’altérer,
Collision
devenant du granite pourri et une
arène granitique, un sable dans
La naissance d’une chaîne de montagnes lequel des grains de feldspaths,
Des transformations minéralogiques des paillettes de mica et des grains
Au cours de la subduction et de l’épaississement, les de quartz sont identifiables. Si le
roches sont soumises à des variations importantes massif est exposé au soleil, le mica
de pression et de température, à l’origine de la trans- noir emmagasine la chaleur et se
formation des minéraux : c’est le métamorphisme. Le cycle des roches dilate. Pendant la nuit, la roche
Les minéraux trouvés dans les roches alpines montrent refroidit et se contracte de façon
que celles-ci ont été soumises à des pressions et des différente dans les parties super-
températures élevées avant de revenir en surface. DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER ficielles et profondes. Des fissures
Dans le domaine interne des Alpes, le métamor- se forment, dans lesquelles l’eau
phisme a une intensité croissante de l’ouest vers • Le Népal est sous la menace d’un séisme de pluie va pouvoir s’insinuer. Une
l’est (la pression et la température auxquelles ont été encore plus puissant p. 48 succession de gel/dégel fragilise la
soumises les roches sont de plus en plus élevées) : (Pierre Le Hir, Le Monde daté du 28.04.2015) roche et élargit les fissures.
ceci indique le sens de la subduction. Les basaltes Boule granitique
et les gabbros sont métamorphisés en métagabbros • Pour les sismologues, ce tremblement de Granite pourri
à faciès à schistes vert à chlorite et actinote, puis à terre n’est pas encore le « big one » p. 49
faciès à schistes bleus à glaucophane, puis à faciès (Hervé Morin, Le Monde daté du 12.03.2011) Arène granitique
à éclogite à grenat, témoignant du métamorphisme
haute pression / basse température, caractéris-

Le domaine continental et sa dynamique 45


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR...
L’HISTOIRE DES ALPES
Partie 2.2 :
Elle commence par la mise en
place d’un fossé d’effondrement
continental, prélude du futur
La formation des Alpes
océan alpin. Une mer de faible L’intitulé complet du sujet Les basaltes supérieurs sont âgés de 100 millions d’années
profondeur s’engouffre. Au juras- On cherche à montrer comment des données de Les plus vieux sédiments océaniques (non figurés sur la coupe)
qui surmontent les basaltes ont 65 millions d’années.Source :
sique, l’océanisation proprement terrain peuvent permettre de comprendre des évé-
Comprendre et enseigner la planète terre. Caron et al. Ophrys
dite est en marche : l’océan alpin nements géologiques anciens.
sépare l’Europe de l’Afrique. De la Vous avez effectué une excursion géologique dans les Document 2 : Domaines de stabilité de quelques
lithosphère océanique est créée Alpes et rapporté des échantillons et des photogra- associations de minéraux de la croûte océanique
vers − 140 Ma au niveau d’une dor- phies. En vous appuyant sur ces données de terrain
100 200 300 400 500 600 700 800 Température (en °C)
sale ; l’océan est en expansion. Les et d’autres informations présentes dans le dossier,
hornblende pyroxène
marges de l’océan sont passives, rédigez un compte-rendu de votre excursion, illustré chlorite pagaioclase pagioclase

0,5 actinote
des sédiments post-rift témoi- par un ou plusieurs schémas, pour montrer que les glaucophane
plagioclase
plagioclase

gnant de l’arrêt du rifting se dépo- indices recueillis permettent de comprendre certaines


(glaucophane
sent. La datation paléontologique étapes de l’histoire de la formation de cette chaîne de 1 glaucophane
jadéite
grenat plagioclase)

de roches contenant des fossiles montagnes. Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation quartz
glaucophane
grenat
grenat plagioclase
marins indique que l’ouverture du dossier. Aucune étude exhaustive des documents 1,5 grenat
jadéite jadéite
quartz quartz
océanique (accrétion) s’est dérou- n’est attendue.
lée du jurassique (− 170 Ma) au
crétacé supérieur (− 70 Ma), avec Document de référence : Carte simplifiée des Alpes
Remarque : les transformations minérales étant très lentes,
une vitesse d’expansion de l’ordre
des minéraux formés dans un domaine de température et
de 1 cm par an.Au crétacé inférieur, JURA pression donné peuvent être encore présents même si la
l’océan alpin a atteint sa taille Genève roche n’est plus dans ce domaine (minéraux reliques).
L
A
maximale (1 000 km de largeur TR Source : Centre Briançonnais de Géologie Alpine
estimée). Au crétacé supérieur, la EN
C
IF
SS

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fermeture de l’océan s’enclenche A
Document 3 : Observation microscopique d’un
par subduction. Après disparition M métagabbro du mont Viso (Alpes italiennes) et son
Massif des Bornes
de l’océan, la marge continentale Grenoble schéma interprétatif
européenne est entraînée à son Briançon Chenaillet
tour dans la subduction, puis la
e

Mont Viso
Rhôn

collision proprement dite débute,


aux alentours de − 35 Ma. Un ves- J
GT
tige de croûte océanique a échappé
à la subduction, ce sont les ophio-
lites : les nappes ophiolitiques Nice
PROVENCE J GI
(Chenaillet) viennent reposer sur
le domaine briançonnais de la Marseille
0 50 km GT : grenat
marge européenne. Gl : glaucophane
0,7 mm
J : jadéite
UNITÉS ALPINES :
DES TÉMOINS
de la marge continentale européenne
OCÉANIQUES Document 4  : ORochers de Leschaux dans les Alpes
Originaires sédiments
Certaines régions des Alpes pré- de l’océan alpin (massifs des Bornes, Haute Savoie, Nord de Gre-
ophiolites
sentent des affleurements de de la marge continentale africaine noble) et croquis d’interprétation. (Crédit photogra-
roches sédimentaires riches en phique : Christian Nicollet/ UBP Clermont-Ferrand)
fossiles marins, témoins de l’an-
cien domaine océanique : Les documents
– les calcaires à rudistes (mollusques Document 1 : Coupe géologique schématique des
bivalves) ou à orbitolines (animaux ophiolites du Chenaillet
unicellulaires) des massifs du Ver-
Coupe géologique schématique des ophiolotes du Chenaillet.
cors et de la Chartreuse témoignent Altitude (en m) Le Chenaillet

de récifs coralliens dans une mer 2600

peu profonde et chaude ;


– les radiolarites du Chenaillet 2400

sont formées par l’accumulation 500 m Cinf 1 et Cinf2 : couches datées du crétacé inférieur.
de squelettes en silice de radio- 2200
Péridotites métamorphisées
Cinf 1 est une couche plus ancienne que Cinf2. Elle est
laires, des animaux planctoniques Gabbros
Basaltes en filons constituée d’épaisses masses de calcaires blancs à Rudistes
unicellulaires ; elles témoignent Basaltes en coussins Brèches magmatiques et Orbitolinidés (mollusques et foraminifères marins
fossiles).
d’un océan de grande profondeur.

46 Le domaine continental et sa dynamique


UN SUJET PAS À PAS

CHENAILLET
sédiments ZOOM SUR...
Ce qu’il ne faut pas faire océaniques
• Faire une étude exhaustive des documents sans LE DIAGRAMME
faire de liens entre les indices recueillis. croûte basaltes en coussins DE STABILITÉ
océanique ( et brèches magmatiques)
• Omettre de respecter la forme imposée par le DES MINÉRAUX
sujet : un compte-rendu d’excursion. -1 gabbros
DU MÉTAMORPHISME
• Se dispenser de faire appel à ses connaissances. (et basaltes en filons) Il s’agit d’un graphique qui per-
manteau
• Négliger les schémas. met de visualiser dans quelles
péridotites conditions de pression (donc de
métamorphisées profondeur) et de température les
km
L’analyse du sujet L’ophiolite du Chenaillet :
minéraux peuvent exister.
Il s’agit de retracer, dans l’ordre chronologique, Les domaines de stabilité des
une ancienne lithosphère océanique
certaines étapes de l’histoire de la formation des différents assemblages de mi-
Alpes à partir de documents de terrain. Après avoir néraux sont déterminés expéri-
exploité les indices de l’existence d’un océan alpin mentalement en laboratoire, en
par le passé, la subduction est mise en évidence par les soumettant à des pressions
Chevauchement
l’étude des minéraux du métamorphisme. Enfin, et des températures croissantes
Faille
le raccourcissement et l’épaississement crustal dans des presses appelées « cel-
permettent de décrire la collision continentale lules à enclumes de diamant ».
ayant succédé à la fermeture océanique. Ces outils permettent de couvrir
pratiquement tout le domaine de
Proposition de corrigé pressions et de températures que
I. Le massif du Chenaillet : des lambeaux d’un l’on rencontre à l’intérieur de la
Coupe d’un chevauchement
océan disparu ( Exploitation du document 1) Terre.
Dans le massif du Chenaillet, nous avons observé Le diagramme peut être découpé
des péridotites métamorphisées (à 2 200 mètres), Schéma du chevauchement indiquant les contraintes en faciès métamorphiques
puis des gabbros et, à partir de 2 400 m, des basaltes compressives (schistes verts, schistes bleus,
en coussins. Il s’agit de roches de la lithosphère éclogites, etc.) qui n’indiquent

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
océanique, qui se trouvent normalement au fond Ainsi les métagabbros du mont Viso témoignent pas la nature de la roche, mais
des océans. Les ophiolites témoignent de la pré- d’une subduction passée de la lithosphère océa- les conditions de pression et de
sence à l’emplacement actuel des Alpes d’un océan nique de l’océan alpin. température qui font apparaître
aujourd’hui disparu. On peut estimer que la mise des associations minérales carac-
en place de cette partie de lithosphère océanique III. Le chevauchement des rochers de Leschaux : téristiques.
date d’environ − 100 Ma. indice d’une compression (Exploitation du do- Ainsi, les minéraux du métamor-
cument 4) phisme observés dans une roche
II. Les métagabbros du mont Viso : témoins Enfin, nous sommes allés dans le massif des Bornes, permettent de reconstituer les
d’une subduction passée où nous avons observé un contact anormal mon- conditions auxquelles cette roche
(Exploitation des documents 2 et 3) trant un chevauchement du crétacé inférieur 2 sur a été soumise au cours de l’histoire
En Italie, dans le massif du mont Viso, nous avons l’unité formée du crétacé supérieur et du crétacé de la chaîne de montagnes.
trouvé des échantillons de métagabbros, des gab- inférieur 2.
bros d’une ancienne croûte océanique qui ont subi Cette déformation importante des roches résulte LE PRINCIPE
du métamorphisme. Ils contiennent des minéraux d’une tectonique en compression qui s’inscrit dans DES « PRESSES
du métamorphisme : grenat, glaucophane et ja- le cadre de la collision continentale, à l’origine de À MINÉRAUX »
déite. L’étude du diagramme de stabilité montre la surrection des Alpes. Les cellules à enclumes de dia-
que cette association correspond à une tempéra- De plus, nous avons observé dans les calcaires du mant permettent de soumettre
ture d’environ 500 °C et une pression de 1 GPa. Il crétacé inférieur 1 la présence de fossiles marins de les minéraux à des pressions
s’agit donc d’un métamorphisme haute pression rudistes (mollusques) et orbitolinidés (foramini- allant jusqu’à 500 gigapascals
– basse température –, caractéristique d’une zone fères), prouvant qu’ils se sont mis en place dans un (GPa).
de subduction. domaine océanique.  Une pression correspond à une
force par unité de surface. Le prin-
cipe de cette technique repose
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME ainsi sur l’application d’une force
très importante sur la surface la
Partie 2 : plus réduite possible. Le diamant
– Établir un schéma-bilan du cycle des matériaux de la croûte continentale, avec ou sans documents. est utilisé à cette fin depuis les
Partie 2.1 : années 1950 pour ses propriétés
– Exploiter des documents et raisonner pour mettre en évidence le lien entre l’âge d’une lithosphère océanique, de résistance exceptionnelles. En
sa densité et la subduction. effet, les diamants se forment
Partie 2.2 : eux-mêmes à grande profondeur,
– Exploiter des données cartographiques, des images ou des données satellitales pour apprécier l’érosion d’un c’est-à-dire à des pressions très
massif actuel. élevées.

Le domaine continental et sa dynamique 47


LES ARTICLES DU

Le Népal est sous la menace


d’un séisme encore plus
puissant
L’instabilité de la région himalayenne est due à l’affrontement des plaques tectoniques
indienne et eurasienne.

L
e Népal est malheureuse- des deux masses continentales, C’est ce qui s’est passé dimanche Mais, souligne Pascal Bernard,
ment coutumier des sou- se poursuit désormais à une vi- matin, avec une réplique de ma- « nous estimons que la magnitude
bresauts destructeurs de la tesse de l’ordre de 2 centimètres gnitude 6,7, dont l’épicentre était maximale qu’on peut attendre
croûte terrestre. Alors que le pays par an. situé à l’est de Katmandou. Il faut pour un séisme au Népal est de 8,5
est encore plongé dans le chaos «  Cette zone de contact, sur une s’attendre à des répliques «  qui à 9, soit une énergie trente fois
après la violente secousse qui, immense faille qui court tout le peuvent être aussi puissantes, supérieure à celle libérée par la
samedi 25  avril, a ravagé la val- long de la chaîne himalayenne, voire plus puissantes », et qui secousse de samedi ». Des indices
lée de Katmandou, il vit sous la accumule d’énormes tensions », «  pourraient survenir pendant géologiques laissent penser qu’un
menace d’un séisme annoncé de explique le chercheur. Le Népal plusieurs mois ou même plusieurs tel événement s’est produit dans
beaucoup plus grande ampleur en particulier, au pied de l’Hima- années », prévient le sismologue. les années 1100. Or, le temps de
encore. laya, se « contracte » en quelque récurrence de ce genre de cata-
Cette extrême instabilité de la sorte, chaque année, de 2 centi- Magnitude 8 en 1934 clysme est estimé « à un millier

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
lithosphère a pour origine ce mètres. Ce sont ces contraintes Le pire reste toutefois à venir. d’années, avec une marge d’incer-
que les scientifiques nomment colossales qui se libèrent lors des La secousse de samedi, bien que titude de 20 % ou 30 % ». La
le « méga-chevauchement hima- ruptures de la faille. Voilà pour- considérée comme un «  gros conclusion est sans appel : « A une
layen ». Il s’agit de l’affrontement quoi la région himalayenne est séisme » par les spécialistes, est échéance qui peut être celle du
entre, au sud, la plaque tecto- la partie continentale du globe la restée de plus faible importance siècle ou de quelques siècles, le
nique indienne et, au nord, la plus exposée aux tremblements que celle de 1934, de magnitude 8, Népal n’échappera pas à la
plaque eurasienne, dont le massif de terre, même si les zones de qui avait semé la désolation dans catastrophe d’un séisme géant. »
himalayen constitue la bordure. subduction proches des côtes, les trois grandes villes de la vallée, Et la menace vaut pour toute la
Le processus a commencé voilà où se confrontent plaques océa- Katmandou, Patan et Bakhtapour, bordure sud de l’Himalaya, Inde
quelque 100  millions d’années, niques et plaques continentales, en faisant entre 10 000 et 20 000 et Bangladesh compris.
lorsque le sous-continent indien peuvent engendrer des secousses morts. En 1505, un autre trem-
s’est définitivement détaché du plus violentes, comme au Chili blement de terre avait, lui aussi, Pierre Le Hir
supercontinent Gondwana (qui ou au Japon. atteint la même magnitude. Le Monde daté du 28.04.2015
réunissait autrefois l’Antarctique, C’est une telle rupture qui s’est
l’Amérique du Sud, l’Afrique, produite samedi matin, avec le
l’Australie et l’Inde), pour déri- séisme de magnitude 7,8 dont POURQUOI de s’enfoncer sous la plaque
ver vers le nord, en direction du l’épicentre était situé à environ CET ARTICLE ? eurasienne. Les forces en jeu
continent asiatique. 80 km au nord-ouest de la capi- lors de la convergence des deux
C’est la collision titanesque entre tale népalaise et dont l’onde de Cet article explique le contexte plaques sont responsables de
les deux blocs continentaux, choc s’est propagée, en une qua- géodynamique du Népal, à l’accumulation de contraintes
voilà un peu plus de 50 millions rantaine de secondes, sur une l’origine du séisme meurtrier le long de ces chevauchements,
d’années, qui a donné naissance distance de 150 km, dévastant la du 25 avril 2015, de magnitude qui peuvent être libérées
à la chaîne de l’Himalaya. Au- vallée de Katmandou. En dépit 7,8 et dont l’épicentre était brutalement lors de séismes
jourd’hui, décrit Pascal Bernard, de la brutalité du phénomène, à 80  km de Katmandou. En potentiellement très violents.
sismologue à l’Institut de phy- «  seule la partie profonde de la effet, la chaîne de l’Himalaya L’étude de l’accumulation des
sique du globe de Paris (IPGP), zone de contact a cassé, dans résulte de la collision entre contraintes tectoniques montre
la plaque indienne continue de la partie centrale du Népal », les parties continentales de qu’un séisme majeur, plus im-
s’enfoncer comme un coin, sur indique Pascal Bernard. Si bien la plaque lithosphérique portant que celui-ci d’avril 2015,
un plan incliné, sous la plaque qu’« il reste des zones bloquées » indienne et de la plaque aura certainement lieu dans le
eurasienne dont elle provoque et qu’« on peut craindre de nou- lithosphérique eurasienne. futur, mais les scientifiques ne
l’élévation. Ce chevauchement, velles ruptures engendrant de L’Himalaya présente plusieurs sont malheureusement pas en
dont la vitesse s’est beaucoup nouveaux séismes, plus à l’est ou chevauchements importants capacité d’en prédire la date et
réduite depuis le télescopage plus à l’ouest ». et la plaque indienne continue la localisation précise.

48 Le domaine continental et sa dynamique


LES ARTICLES DU

Pour les sismologues, ce


tremblement de terre n’est
pas encore le « big one »
L
e séisme de Honshu n’est ments relatifs entre la plaque trois autres événements d’une sur l’ampleur possible des ré-
pas le « big one » que les nord-américaine, qui englobe magnitude supérieure à 6 le pliques », indique Pascal Ber-
spécialistes redoutaient une portion de l’Eurasie, et la même jour. nard, qui n’exclut pas des se-
dans la région de Tokyo. Mais plaque pacifique, celle-ci glis- La zone de subduction de la cousses d’une magnitude de 7,5
avec une magnitude de mo- sant vers l’ouest à une vitesse fosse du Japon a été le théâtre à 8, accompagnées de risques
ment de 8,9, selon le service de 83 millimètres par an à la de neuf événements d’une ma- de tsunami importants. Le
géologique américain (USGS), latitude du séisme. « Le méca- gnitude supérieure à 7 depuis chercheur s’inquiète aussi de
c’est lui aussi un « big one ». nisme au foyer séisme, que nous 1973, rappelle l’USGS. Le plus l’impact du séisme de Honshu
« Il s’agit de la secousse la plus commençons à analyser, est dit gros était un séisme de magni- sur la zone tectonique plus
puissante qu’ait connue le “en faille inverse” : la plaque tude 7,8 survenu en décembre proche de Tokyo, où le « big
Japon depuis que des réseaux Pacifique plonge à cet endroit 1994 à 230 km au nord du one » était redouté.
de sismomètres sont en place », sous l’Eurasie », indique Jérôme séisme de Honshu. Il avait fait « La menace est d’autant plus
indique Jérôme Vergne, de l’Ins- Vergne. trois morts et 700 blessés. grande que la zone a été pertur-
titut de physique du globe (IPG) Cette rupture a engendré une Les sismologues vont se bée. C’est cela que nous allons
de Strasbourg. Il fait partie des série de vagues parce qu’elle est concentrer sur l’évaluation de désormais étudier. » 

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
dix plus gros séismes enregis- intervenue près de la surface et l’étendue de la fracture. « Il est
trés dans le monde depuis un a entraîné un mouvement de important de déterminer la
siècle, indique le chercheur. masse d’eau important. Là en- longueur de cette faille, car cela Hervé Morin
« Ce séisme, qui n’est pas une core, des analyses sont en cours nous donnera des indications Le Monde daté du 12.03.2011
surprise dans la région, a été pour déterminer l’ampleur du
plus puissant que ce à quoi on déplacement vertical, proba-
s’attendait », confirme son col- blement de quelques mètres, POURQUOI avec une vitesse de plus de
lègue Pascal Bernard, de l’IPG qui pourra être précisée à l’aide CET ARTICLE ? 8 cm/an. L’article montre ainsi
de Paris. d’images radar du relief de l’île la nécessité d’une connais-
Le tremblement de terre est de Honshu. L’actualité récente au Japon sance approfondie des struc-
met en exergue l’importante tures géologiques et de la
survenu près de la côte est de Le séisme a été précédé par une
sismicité liée aux zones de dynamique des plaques pour
l’île principale de l’archipel, série de gros tremblements de subduction. Dans ce cas, il la protection des populations
à 130 km au large de la ville terre : le 9 mars, une secousse s’agit de la plaque Pacifique vivant dans les zones actives
de Sendai, par 25 km de pro- d’une magnitude de 7,2 avait eu qui plonge sous l’Eurasie du globe.
fondeur. Il résulte des mouve- lieu à 40 km environ, suivie de

Le domaine continental et sa dynamique 49


L’ESSENTIEL DU COURS

MOTS CLÉS Le magmatisme en zone


ACCRÉTION
CONTINENTALE
Formation de nouvelle croûte
de subduction : une
continentale au niveau des zones
de subduction. Les roches se for- production de nouveaux
matériaux continentaux
ment par cristallisation du magma,
issu de la fusion partielle des péri-
dotites hydratées du manteau de la
plaque chevauchante.

L
SUBDUCTION
es océans peuvent être bordés par des marges actives, corres-
Plongement d’une lithosphère pondant à des zones au niveau desquelles la lithosphère océa-
océanique dans l’asthénosphère nique plonge dans l’asthénosphère. Les zones de subduction
située sous une autre plaque, elle-
même constituée de lithosphère sont le siège d’une importante activité magmatique qui aboutit à
océanique ou continentale. Une la production de croûte continentale par des mécanismes liés aux
zone de subduction constitue une
limite de plaque caractérisée par la transformations minéralogiques de la plaque plongeante.
présence d’une fosse océanique et
une activité sismique et volcanique. Un volcanisme explosif L’origine des magmas
Les zones de subduction présentent une importante L’étude de la composition chimique des granitoïdes
ZOOM SUR… activité volcanique et sismique : ce sont des marges
dites « actives ». Les volcans se situent sur la plaque
montre qu’ils sont issus du refroidissement d’un
magma d’origine mantellique. Cela suggère une
L’activité sismique des zones de lithosphérique chevauchante et sont alignés paral- fusion partielle des péridotites à l’aplomb des zones
subduction lèlement à la fosse océanique. L’activité volcanique d’activité volcanique, c’est-à-dire dans le manteau
Au niveau des zones de subduc- des zones de subduction est caractéristique : les laves de la plaque chevauchante.

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
tion, des séismes à foyers profonds émises sont visqueuses, car riches en silice et de
sont enregistrés (jusqu’à plusieurs température assez faible. Elles s’écoulent difficilement 0 1 000 2 000 T (°C)
0
centaines de kilomètres de profon- et bouchent la cheminée du volcan. Les gaz, issus du SOLIDE
SOLIDE LIQUIDE
deur). Les foyers des séismes sont dégazage du magma lors de sa remontée, s’accumulent 25.103 80
+
LIQUIDE
alignés le long du plan de Wadati- dans ces laves, exercent une pression de plus en plus
Benioff, qui matérialise la plaque importante qui finit par être à l’origine d’explosions 50.103 160
plongeante. violentes donnant des coulées pyroclastiques et des
nuées ardentes.
NOTIONS CLÉS
75.103 240
Pression Profondeur
Des zones d’accrétion (hPa)* (km) H
YD
RA
ROCHES MAGMATIQUES continentale * hPa : hectopascals TÉ

• Les roches plutoniques comme la Les roches issues du magmatisme des zones de
granodiorite et le granite provien- subduction peuvent présenter des compositions
nent du refroidissement lent du chimiques proches, mais sont de deux types : Diagramme pression/température, d’après Comprendre et
enseigner la planète Terre, Caron-Ophrys
magma en profondeur (pendant – des andésites, roches associées au volcanisme
plusieurs dizaines de milliers d’an- explosif, qui contiennent des phénocristaux, dont Or les conditions de pression et de température
nées). Les minéraux ont le temps de nombreux feldspaths plagioclases ; qui règnent au niveau des zones de subduction ne
de cristalliser : la structure est dite – des granodiorites, roches plutoniques formées permettent pas d’envisager une fusion partielle des
« grenue » (grains visibles à l’œil nu). de quartz, feldspaths plagioclases, micas et amphi- péridotites (le solidus ne recoupe pas le géotherme),
• Les roches volcaniques, comme boles, faisant partie des granitoïdes. à moins que celles-ci ne soient hydratées.
l’andésite, proviennent du re- Une grande partie des magmas cristallisent en
froidissement rapide du magma profondeur sous la forme de granitoïdes, que L'origine de l'eau et l'origine du
à la surface. La structure est dite l’érosion finit par mettre à jour. Ces roches forment magmatisme en zone de subduction
« microlitique » (ou vitreux) : des donc de la nouvelle croûte continentale : on parle Depuis sa formation au niveau de la dorsale, la
cristaux sont noyés dans un verre, d’accrétion continentale. lithosphère océanique qui entre en subduction
qui correspond au magma dont les Une lame mince s’est hydratée : elle est riche en minéraux hydroxy-
atomes n’ont pas eu le temps de d’andésite observée lés (OH–). Entraînées en profondeur, les roches
s’ordonner en cristaux. au microscope en subissent un métamorphisme de haute pression
lumière polarisée- mais à basse température, la subduction étant plus
analysée
PHÉNOCRISTAUX rapide que le réchauffement de la lithosphère.
1. feldspath
Désignent dans une roche volca- plagioclase Les minéraux caractéristiques de la subduction
nique les cristaux de grande taille, 2. amphibole (glaucophane, jadéite, grenat) sont moins riches en
visibles à l’œil nu. 3. pâte microlitique eau : les réactions caractéristiques du métamor-

50 Le domaine continental et sa dynamique


L’ESSENTIEL DU COURS

phisme de haute pression / basse température géotherme de subduction : il y a fusion partielle et ZOOM SUR...
entraînent une libération d’eau. Elle percole dans le production de magma. Le magma ainsi produit ali-
manteau de la plaque chevauchante et abaisse la mente les volcans des zones de subduction, ce qui L’ÉVOLUTION
température de fusion des péridotites. Entre 80 et donne des andésites et forme également des plutons DE LA LITHOSPHÈRE
180 km de profondeur, le « solidus hydraté » croise le de granitoïdes en profondeur. OCÉANIQUE
Au cours de l’expansion océa-
Arc magmatique Fosse nique, la déformation est
0 cassante, la croûte océanique
se fracture. Les fracturations
200°c 200°c permettent à l’eau de mer très
froide de pénétrer.
400°c 400°c
Elle ressort à haute température
c (350 °C) au niveau de cheminées
600°c 0° 100
60 hydrothermales (fumeurs noirs).
800°c On parle de « circulation hydro-
thermale ».

c
1000°c


200
80
Le flux thermique de la lithos-
1200°c °c phère diminue avec l’âge : en
s’éloignant de l’axe de la dor-
00
10

sale, la lithosphère océanique


refroidit.
°c

La diminution de la température
00
12

et la circulation d’eau sont à


Profondeur l’origine de changements mi-
Km néralogiques au sein des roches
de la lithosphère océanique. Les
nouveaux minéraux sont « hy-
Modèle en coupe de tracé des isothermes (lignes d’égale température) dans une zone de subduction
dratés » : ils possèdent dans leur

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
formule chimique des radicaux
Lave andésitique hydroxyles OH–. Ils sont stables
Andésites, rhyolite à basse température.
À la place des feldspaths plagio-
Fosse océanique clases et pyroxènes du basalte
Croûte continentale
et du gabbro, on trouve des
Océan Pluton de
Lithosphère continentale

granodiorite
amphiboles, de la chlorite et de
l’actinote (faciès schistes verts).
Croûte océanique
Schi Les péridotites sont serpentini-
stes Magma
Lithosphère

verts
océanique

remonte sées : on constate l’apparition de


Manteau lithosphérique Sc la serpentine, au détriment de
hi Fusion partielle
ste
sb des péridotites hydratées l’olivine et des pyroxènes.
leu
s Il s’agit d’un métamorphisme à
Subduction
basse pression / basse tempéra-
Manteau asthénosphérique

Éc
lo ture (BP-BT).
gi
tes C’est donc une lithosphère océa-
nique froide, dense et hydratée
Iso qui entre en subduction.
th
er
m
e1
30 LES RÉACTIONS DU
0C
° MÉTAMORPHISME HP-BT
AU COURS DE LA
Séismes Déshydratation SUBDUCTION
(1) plagioclase + chlorite* + ac-
Schéma bilan de l'origine du magmatisme en zone de subduction tinote*  glaucophane + eau
(faciès schiste bleu)
(2) plagioclase + glaucophane
 grenat + jadéite + eau (faciès
UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER éclogite)
* Chlorite et actinote sont des
• Un strato-volcan « gris » situé aux franges de la plaque caraïbe p. 54 minéraux hydratés.
(Hervé Morin, Le Monde daté du 20.08.1997)

Le domaine continental et sa dynamique 51


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR…
La découverte des zones Partie 2.2 : Modélisation
de la formation des croûtes
de subduction
Plusieurs années avant l’élabora-
tion du modèle de la tectonique
des plaques par le Français Xavier
Le Pichon et ses collaborateurs
(1968), le sismologue américain
continentales primitive
Hugo Benioff a redécouvert et
généralisé les travaux du Japonais
Wadati. Ce dernier avait lié séismes
et actuelle
et volcans japonais à la « dérive des L’intitulé complet du sujet
continents » dès 1935, alors que les À l’Archéen, période comprise entre − 4 et − 2,5 milliards d’années, la Terre, beaucoup plus chaude, était le siège
idées de Wegener étaient encore d’une activité magmatique intense, qui a donné naissance à la majeure partie de la croûte continentale actuelle.
refusées. Benioff a constaté que Notre planète s’est ensuite progressivement refroidie, ce qui a entraîné des changements dans la source et
dans ces régions à la sismicité et au dans les mécanismes de production de la croûte continentale.
volcanisme parfois spectaculaires Comparez les deux modèles de formation de la croûte continentale primitive et actuelle, au niveau d’une
les tremblements de terre étaient zone de subduction, puis discutez de la validité de chacun d’entre eux.
localisés sur un plan plongeant,
qui sera alors baptisé « plan de Les documents
Wadati-Benioff ». Certains séismes Document 1 : Modèles de genèse de la croûte continentale archéenne et actuelle
se localisent à des profondeurs si
importantes qu’il ne devrait pas y
avoir de déformation cassante en
raison des températures élevées
qui rendent les matériaux ductiles.
Les études menées dans les années

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
1950 ont montré que ces régions
coïncidaient aussi avec des fosses
sous-marines très profondes. Dans
les années 1960, des chercheurs
américains ont montré que le plan
de Wadati-Benioff correspondait à
une plaque plongeante de lithos-
phère océanique froide et suffi-
samment rigide pour se casser,
provoquant les séismes.

PERSONNAGES
CLÉS
Les « diables des volcans »
Maurice et Katia Krafft sont des
Source : d’après Hervé Martin et Jean-François Moyen, Geology, 2002
volcanologues français, nés en
1946 et 1942, ayant œuvré dans le Document 2 : Conditions de fusion de la croûte océa- Document 3 : Conditions de fusion d’une péridotite
monde entier pour la prévention nique anhydre et hydratée et gradients géothermiques anhydre et hydratée et gradients géothermiques dans
des risques volcaniques auprès dans une zone de subduction actuelle et archéenne une zone de subduction actuelle
des populations. Ils ont sans doute
contribué à sauver des centaines
de milliers de vies humaines,
comme celles des 300 000 per-
sonnes ayant accepté d’évacuer la
zone du Pinatubo aux Philippines
après avoir vu un de leurs films.
Ironie du sort, le volcan entra en
éruption quelques jours après la
mort du couple, emporté par une
nuée ardente sur le mont Unzen
au Japon le 3 juin 1991.
Source  : d’après Hervé Martin et Jean-François Moyen, Source : d’après Hervé Martin et Jean-François Moyen,
Geology, 2002 Geology, 2002

52 Le domaine continental et sa dynamique


UN SUJET PAS À PAS

L’analyse du sujet la croûte continentale de la plaque chevauchante ZOOM SUR…


Le sujet présente deux modèles de formation de la entrent en fusion partielle lorsqu’elles sont localisées
croûte continentale au niveau des zones de subduc- entre 60 km et 100 km, entraînant la formation de la LES ÉRUPTIONS
tion : l’un à l’Archéen (− 4 à − 2,5 Ga) pour la formation croûte continentale (document 1). EXPLOSIVES
de la croûte continentale primitive, l’autre actuel À l’Archéen, l’intersection du gradient géothermique L’accumulation d’une forte pres-
à l’origine de la croûte continentale nouvellement des zones de subduction avec le solidus de la croûte sion dans la chambre magmatique
formée. La question est clairement structurée en océanique hydratée montre l’existence une zone de d’un volcan dont les magmas sont
deux parties. Il s’agit d’abord de comparer les deux fusion partielle entre 45 à 55 km de profondeur. À visqueux peut déclencher une
modèles de formation de la croûte continentale, ces profondeurs, les roches de la croûte océanique éruption explosive. Les nuées ar-
puis de discuter de la validité de ces modèles à partir sont encore hydratées, rendant possible leur dentes qui peuvent en résulter sont
de l’étude des conditions de fusion des roches de la fusion partielle. Au-delà de 55 km de profondeur, la très destructrices, et le panache de
croûte océanique et des péridotites mantelliques déshydratation de ces roches empêche leur fusion cendres peut atteindre plusieurs
au niveau des zones de subduction archéennes et partielle (document 2). À l’Archéen, le gradient dizaines de kilomètres d’altitude.
actuelles. géothermique croise le solidus de la péridotite
La principale difficulté de ce sujet réside dans la lec- hydratée vers 800 °C à 60 km (document 3). On sait QUELQUES ÉRUPTIONS
ture correcte des diagrammes pression-température que l’eau responsable de l’hydratation des péridotites MARQUANTES :
pour déterminer les conditions de formation du peut provenir de la déshydratation de la croûte – le Vésuve en l’an 79 ;
magma à l’origine de la croûte continentale au niveau océanique sous-jacente. Or, avant d’atteindre 800 °C – le Krakatoa en Indonésie en 1883 ;
des zones de subduction. vers 60 km, les roches de la croûte océanique étaient – la montagne Pelée à la Marti-
déjà déshydratées à l’Archéen, ne pouvant plus céder nique en 1902 ;
Proposition de corrigé d’eau aux péridotites sus-jacentes (document 2). – le mont Saint Helens aux États-
La majeure partie de la croûte continentale se forme Ainsi, la fusion partielle de ces péridotites demeurées Unis en 1980 ;
au niveau des zones de subduction, caractérisées anhydres n’était pas possible à l’Archéen. – le Nevado del Ruiz en Colombie
par le plongement d’une lithosphère océanique Dans les zones de subduction actuelles, le gradient en 1985 ;
dans l’asthénosphère. À l’Archéen (− 4 à − 2,5 Ga), la géothermique croise le solidus des péridotites hydra- – le Pinatubo en 1991 aux Philip-
production de la croûte continentale, dite primitive, tées vers 90 km de profondeur à une température pines ;
fut intense. Quels sont les modèles expliquant la de 800 °C, permettant la fusion partielle de ces – le Merapi en 2010 en Indonésie.
formation des croûtes continentales primitive et péridotites dans ces conditions (document 3). De
UNE VILLE RAYÉE

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
actuelle ? Quelle est la validité de chacun de ces deux plus, le gradient géothermique actuel ne croise pas
modèles ? le solidus de la croûte océanique hydratée dans la DE LA CARTE
Pour répondre à ces problématiques, nous compa- zone où ces roches sont hydratées (document 2). Le 8 mai 1902 à la Martinique,
rerons d’abord le modèle de formation de la croûte La croûte océanique actuelle ne rentre donc pas en la ville de Saint-Pierre disparaît
continentale à l’Archéen et celui de formation de la fusion partielle car sa température est trop faible. en quelques minutes au cours de
croûte continentale actuelle. Puis, nous détermine- La croûte océanique reste donc hydratée jusqu’à au l’éruption explosive de la mon-
rons dans quelle mesure les conditions de fusion moins 90 km, profondeur à laquelle elle se déshy- tagne Pelée. 28 000 victimes et
des roches de la croûte océanique et des péridotites drate. L’eau de faible densité par rapport aux roches seulement 2 survivants : un lourd
mantelliques dans les zones de subduction passée environnantes migre vers les péridotites du manteau bilan lié à la minimisation du
et présente permettent de valider les modèles de sus-jacent, provoquant la fusion partielle de ces péri- danger par les autorités, malgré
formation de la croûte continentale. dotites, qui forment un magma à l’origine des roches les signaux d’alerte. Fumerolles,
D’après le modèle de formation de la croûte conti- magmatiques de la croûte continentale. explosions, tremblements de terre,
nentale à l’Archéen, les roches de la croûte océanique Ainsi, les modèles de formation des croûtes continen- panaches de vapeur et de cendres…
hydratée de la lithosphère plongeante entrent en tales primitive et actuelle au niveau des zones de sont autant de manifestations té-
fusion partielle à des profondeurs comprises entre subduction sont validés. La croûte continentale pri- moignant de l’imminence d’une
40 km et 70 km, permettant ainsi l’activité magma- mitive a pour origine la fusion partielle de la croûte éruption. Le 7 mai, le volcan est
tique des zones de subduction (document 1). Selon le océanique hydratée plongeante tandis que la croûte calme et une commission scien-
modèle actuel de formation de la croûte continentale, continentale actuelle est formée à partir de la fusion tifique a déclaré qu’il n’y avait pas
les péridotites hydratées du manteau situées sous partielle des péridotites hydratées du manteau. Dans de risque.
les deux modèles, l’hydratation de la croûte océanique Le terme « nuée ardente » a été
plongeante permet la fusion partielle des roches, à introduit suite à l’éruption de la
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC l’origine de l’accrétion continentale. La dissipation de montagne Pelée.
SUR CE THÈME l’énergie géothermique au cours des temps géolo- Depuis, la surveillance des volcans,
Partie 1, synthèse sans documents : giques est à l’origine des différences constatées entre en particulier ceux des Antilles
– Montrer comment la transformation des les modèles de formation des croûtes continentales françaises, s’est développée autour
roches, qui survient lors de la plongée de la li- primitive et actuelle. d’observatoires volcanologiques.
thosphère océanique, est à l’origine du magma- Mais dans différentes régions du
tisme caractéristique des zones de subduction. Ce qu’il ne faut pas faire globe, les recommandations de
Schémas attendus. • Rédiger la réponse sans tenir compte mesures préventives des scienti-
Partie 2.2 : des deux parties indiquées dans l’énoncé. fiques se sont souvent heurtées
– Exploiter des documents pour montrer qu’une • Ne pas mettre en relation les documents 2 aux décisions politiques et aux
région correspond bien à une zone de subduction. et 3 pour discuter de la validité intérêts économiques, avec des
des deux modèles proposés. conséquences parfois dramatiques.

Le domaine continental et sa dynamique 53


L'ARTICLE DU

Un strato-volcan « gris »
situé aux franges
de la plaque caraïbe
L
e vulcanologue Maurice mètres par an et plongent sous Montserrat risque-t-elle de caractérisée par des nuées, des
Krafft, qui avec sa femme la petite plaque Caraïbe, prise tels cataclysmes ? La probabi- secousses telluriques et des
Katia a péri dans l'explo- en tenaille. Aux franges de celle- lité d'une destruction totale chutes de pierres continues. De
sion du mont Unzen au Japon ci, des poches magmatiques se de l'île, similaire à celle causée fortes émissions de vapeur ont
le 3 juin 1991, les appelait « vol- constituent en profondeur. Ces en Indonésie par l'explosion été observées sur le flanc nord
can gris ». Parce qu'ils émettent roches visqueuses cherchent du Krakatoa en 1883 (36 000 du dôme, et de nouvelles explo-
roches et nués, mais peu de lave à s'évacuer en surface, contri- morts), paraît infime. Si un tel sions pourraient survenir
liquide. Le volcan de Soufrière buant au fil des éruptions qui phénomène devait se produire, « avec ou sans signes avant-
Hills de Montserrat fait partie se sont succédé ces derniers il serait, selon les spécialistes, coureurs », se traduisant par la
de ces volcans explosifs, plus millions d'années à la formation annoncé par des signes avant- chute de pierres et de cendres
dangereux que leurs cousins des îles. coureurs très clairs. Par ailleurs, sur toute l'île, tandis que des
effusifs « rouges » qui, à Hawaï Les strato-volcans sont parti- le relief de l'île met sa partie coulées pyroclastiques sont
par exemple, s'épanchent pai- culièrement redoutés. D'abord, nord à l'abri des coulées pyro- attendues sur toutes les faces
siblement en gerbes colorées. parce qu'ils sont les plus nom- clastiques, qui seront guidées du volcan. Aussi l'Observatoire
Une autre typologie rattache breux (60 % du total) et que dans des vallées dont la popula- recommande-t-il à la popula-
Soufrière Hills aux strato-vol- la terre fertile attire généra- tion a été évacuée. En revanche, tion de se tenir prête à s'abriter

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cans stromboliens, famille qui lement à leur pied une vaste les cendres et les « bombes » à tout moment sous des abris
compte les redoutables monts population. Ensuite, parce que issues des explosions peuvent ou des toitures solides, de dis-
Saint Helens, Pinatubo ou en- l'empilement qui les caracté- retomber sur l'ensemble de poser d'un casque et de porter
core mont Unzen. Le volcan de rise est souvent fragilisé par Monserrat. des masques pour se protéger
Monserrat est cousin de nombre les infiltrations d'eau, les trem- Pour l'heure, le dernier com- de la poussière. 
de « soufrières » (Guadeloupe, blements de terre incessants muniqué de l'Observatoire du
Sainte-Lucie, Saint-Vincent), et la poussée magmatique, qui volcan de Montserrat (MVO) Hervé Morin
sans que cette homonymie favorisent les glissements de indiquait, lundi 18 août, que Le Monde daté du 20.08.1997
signifie pour autant qu'ils sont terrain, les coulées de boue et l'activité de Soufrière Hills
reliés souterrainement. les avalanches. Ainsi, le flanc reste d'un « niveau élevé » et est
Ces strato-volcans sont consti- nord du mont Saint Helens s'est-
tués de couches successives de il effondré durant les premières
coulées de lave et de couches phases de l'éruption de 1980.
pyroclastiques formées de pro- En 1792, le même phénomène POURQUOI cours du temps par l’empile-
CET ARTICLE ? ment successif de coulées de
jections de blocs, de lapilli et de avait entraîné la formation d'un
lave et de projections de blocs
cendres. Ce type de volcans, aus- raz-de-marée meurtrier (15 000
Cet article sur le volcan Sou- et de cendres, liées à l’activité
si dit « composites », se trouve victimes) au pied du mont Un-
frière Hills de Montserrat magmatique. L’article précise
généralement le long des arcs de zen. Des coulées de boue ont décrit les caractéristiques des les risques associés à ces « vol-
subduction : Soufrière Hills est fait 23 000 morts au pied du volcans des zones de subduc- cans gris », risques d’autant plus
issu, tout comme le chapelet des Nevado del Ruiz, en Colombie, tion et de leurs éruptions. Il importants que leurs pentes
huit autres volcans des Antilles, le 13 novembre 1985. En 1991, permet de réaliser que l’édifice fertiles attirent des populations
de l'affrontement des plaques ces « lahar » qui ont dévalé les volcanique s’est constitué au humaines nombreuses.
Pacifique et Atlantique, qui se pentes du Pinatubo aux Philip-
rapprochent de quelques centi- pines ont fait 200 victimes.

54 Le domaine continental et sa dynamique


enjeux planétaires
contemporains

Flux de chaleur (corrigé)


0'0''W 0°0'0''E 2°0'0''E 4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E

51°0'0''N

Flux de chaleur
subduction et cordillère associée
mW.m-2

point chaud
49°0'0''N 130
dorsale

© rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
120 océanique

110
47°0'0''N
4 point
1 100 chaud
90
45°0'0''N

2 80 3

70

1. manteau inférieur 43°0'0''N


60
200 KM 2. noyau
3. asthénosphère
0°0'0''E 2°0'0''E 4. lithosphère
4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E
L’ESSENTIEL DU COURS

CHIFFRES CLÉS
En 2010, la France a consommé
Géothermie et propriétés
thermiques de la Terre
266 Mtep (1 Mtep = 1 million de
tonnes d'équivalent pétrole, soit
l’énergie dégagée par un million

L
de tonnes de pétrole). En qua-
rante ans, la consommation éner- a grande majorité de l’énergie actuellement utilisée (agricul-
gétique de la France a presque
doublé mais se stabilise depuis ture, industrie, transport, etc.) provient soit de la combus-
quelques années. Ses besoins tion d’énergies fossiles, comme le pétrole ou le charbon, soit
énergétiques sont couverts par
le pétrole (30,9 %), le charbon
du nucléaire. Or, les énergies fossiles ne sont pas renouvelables
(4,1 %), le gaz naturel (15,0 %), et pourraient manquer dans l’avenir. De plus, leur combustion, en
l’électricité d’origine nucléaire
(41,8 %) et l’ensemble des éner-
faisant augmenter le niveau de CO2 dans l’atmosphère, est à l’ori-
gies renouvelables (8,2 %, énergies gine d’un effet de serre entraînant une augmentation de la tem-
hydraulique, éolienne, photovol- pérature terrestre. Avec l’énergie nucléaire se posent le problème
taïque, géothermique, issue de la
valorisation des déchets, etc). de sa sûreté et celui de la gestion des déchets à long terme. Le
développement durable s’intéresse à d’autres filières énergé-
MOTS CLÉS tiques, plus respectueuses de l’environnement et quasiment iné-
CONDUCTION puisables pour l’homme, comme la géothermie. Où et comment
Transfert d’énergie thermique
de proche en proche sans dépla-
est exploitée l’énergie géothermique et quelle est son origine ?
cement de matière sous l'effet
d'une agitation des atomes. Flux et gradient géothermiques Le flux géothermique correspond au produit du

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
À la surface de la Terre, de nombreuses manifes- gradient géothermique vertical par la conductivité
CONVECTION tations témoignent de l’existence de matériaux thermique des roches. Le flux géothermique et le
Transfert d’énergie thermique chauds en profondeur : éruptions volcaniques, gradient géothermique sont mesurés sur chaque
avec déplacement de matière sources chaudes hydrothermales, augmentation site d’étude, tandis que la conductivité thermique
sous l'effet de différences de de la température dans les mines, etc. Des sources des roches est déterminée en laboratoire.
densité et de température et d’eau chaude, comme à Chaudes-Aigues dans le Les valeurs des gradients et des flux géothermiques
qui constitue un mécanisme de Massif central, sont utilisées depuis l’Antiquité, alors varient selon le contexte géodynamique. En do-
transfert d’énergie efficace. que les premières mesures de flux géothermique maine océanique, les flux géothermiques sont élevés
ont été réalisées, en France, dans les années 1960. au niveau des dorsales océaniques, des points
FLUX GÉOTHERMIQUE chauds (île de La Réunion, par
Quantité d’énergie thermique Flux de chaleur (corrigé) exemple) et des arcs volcaniques
dissipée par unité de surface 4°0'0''W 2°0'0''W 0°0'0''E 2°0'0''E 4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E ou cordillères liés à la subduction
terrestre et par unité de temps (Japon, Andes, Antilles, etc.). En
51°0'0''N 51°0'0''N
(unité : W.m−2). Le flux géother- domaine continental, les flux géo-
Flux de chaleur
mique moyen est de l’ordre de mW.m
-2
thermiques sont forts au niveau
87 mW.m −2. En général, il est des zones avec magmatisme
plus faible sur les continents 49°0'0''N 49°0'0''N 130 (vallée du rift africain). De plus,
(~ 65 mW.m−2) que sur les océans des bassins sédimentaires ayant
120
(~ 100 mW.m−2). une croûte amincie présentent un
110 flux géothermique élevé, tels les
47°0'0''N 47°0'0''N
GRADIENT THERMIQUE bassins d’effondrement de l’Alsace
100
Augmentation de la température ou de la Limagne en France. Quelle
avec la profondeur à l’intérieur du 90
est l’origine de cette énergie ther-
globe. Le gradient géothermique 45°0'0''N 45°0'0''N mique observable en surface ?
moyen est de l’ordre de 30°C.km-1. 80

70
L’origine de l’énergie
MACHINE THERMIQUE géothermique et les
La Terre produit de l’énergie sous 43°0'0''N
0 200 KM
43°0'0''N
60 transferts thermiques
forme de chaleur et la transfère dans la Terre
par convection en la transfor- L’énergie géothermique interne
4°0'0''W 2°0'0''W 0°0'0''E 2°0'0''E 4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E
mant en mouvement avant de provient essentiellement de la
l’évacuer par conduction. Le flux géothermique en France (obtenu à partir de 479 mesures et complété par désintégration des éléments
des mesures en mer et dans les pays limitrophes, d’après Lucazeau et Vasseur, 1989) radioactifs (uranium : U et U ;
238 235

56 Enjeux planétaires contemporains


L’ESSENTIEL DU COURS

plique par la remontée de matériel chaud ZOOM SUR...


et la production de lithosphère océanique
nouvelle. Dans les zones de subduction, LE GRADIENT GÉO-
la faible valeur du flux géothermique THERMIQUE EN FRANCE
moyen s’explique par le plongement de Le gradient géothermique peut
la lithosphère océanique âgée, froide et être comparé en différents points
dense. Localement, dans les zones de sub- du territoire français : à 1,5 km de
duction, le magmatisme lié à la remontée profondeur, la température est de
de matériel chaud est à l’origine d’un 70 °C dans le Bassin parisien, alors
flux thermique élevé au niveau des arcs qu’elle est de 100 °C en Alsace.
volcaniques ou des cordillères. Ainsi, la Dans les Antilles, au niveau de
Terre est une machine thermique, dont la l’île de la Guadeloupe, la tem-
dissipation de l’énergie interne constitue pérature est de 250 °C à 1 km de
le moteur de la dynamique des plaques profondeur. Cette valeur élevée
lithosphériques. s’explique par la subduction af-
Le flux géothermique mondial fectant cette région.
La géothermie : une source d’énergie
thorium : 232Th ; potassium : 40K) présents dans les au service du développement durable LES EXPLOITATIONS GÉO-
roches des différentes enveloppes du globe. L’énergie géothermique utilisée actuellement par THERMIQUES EN FRANCE
L’énergie thermique produite dans la Terre est l’homme couvre environ 1 % des besoins énergé- La seule centrale géothermique
transférée dans le globe selon deux modalités : la tiques mondiaux pour la production d’électricité de France métropolitaine, mise en
conduction et la convection. L’efficacité du transfert et la production de chaleur. Le principe de la service depuis 2008, est installée
thermique de la conduction dépend de la conducti- production de chaleur par géothermie consiste à Soultz-sous-Forêts, en Alsace, au
vité thermique des matériaux. en la récupération de l’énergie thermique d’eaux niveau du fossé rhénan. En effet,
Ainsi au sein de la lithosphère et à l’interface noyau/ profondes, naturellement présentes ou apportées le fossé rhénan présente le plus
manteau, l’énergie thermique est transférée par par des conduites en profondeur. À travers le fort gradient géothermique de la
conduction. Par exemple, dans la croûte terrestre, monde, environ 350 centrales géothermiques métropole et est donc propice à
le gradient géothermique moyen est de 30 °C.km–1. produisent de l’électricité. Ces centrales géother- l’installation d’une centrale géo-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
La convection se met en place lorsqu’un matériau miques sont en majorité implantées dans des thermique. Cette centrale géother-
chaud et peu dense est situé sous un matériau zones de subduction (Japon, Nouvelle-Zélande, mique utilise la technique de la
plus froid et plus dense. Le matériau chaud et Antilles, etc.). D’autres centrales sont situées au géothermie des roches fracturées :
peu dense s’élève, tandis que le matériau froid et niveau de dorsales océaniques (Islande, Açores), de de l’eau froide est injectée à plus
plus dense descend et se réchauffe à son tour. Ces fossés d’effondrement (Alsace, Kenya) ou de points de 5 000 m de profondeur dans
mouvements de matière constituent des cellules chauds (Islande, Hawaï), mais également dans des roches fracturées. Cette eau se
de convection qui existent dans le manteau et le des régions stables du globe, comme les bassins réchauffe au contact des roches.
noyau. Le manteau est ainsi animé de mouvements sédimentaires (États-Unis, Chine, etc.). L’eau chaude est alors extraite à
lents de convection, qui entraînent le déplacement Le prélèvement de l’énergie géothermique par une température de 200 °C et est
des plaques lithosphériques situées au-dessus. l’homme ne représente qu’une infime partie de utilisée pour alimenter des tur-
Le fort flux géothermique dans les dorsales s’ex- l’énergie thermique dissipée à la surface de la bines produisant de l’électricité.
Terre. La géothermie constitue une La Guadeloupe, située dans une
source d’énergie inépuisable à zone de subduction, présente un
subduction et cordillère associée l’échelle humaine, propre, écolo- fort flux géothermique. À la cen-
point chaud gique et économique. La géother- trale géothermique de Bouillante,
mie est une source d’énergie au de la vapeur d’eau à 250 °C jaillit
dorsale service du développement durable. directement du forage et est utili-
océanique La diversité des implantations géo- sée pour alimenter des turbines et
thermiques actuelles dans le monde produire de l’électricité.
montre l’importance de cette source L’exploitation géothermique basse
point d’énergie, que l’homme pourrait energie, servant notamment à
5 chaud
1 utiliser davantage qu’il ne le fait chauffer des bâtiments, est locali-
2 actuellement.  sée dans les bassins sédimentaires
(Île-de-France, Aquitaine).
3 4 Actuellement la géothermie
UN ARTICLE DU MONDE représente environ 0,44 % de la
À CONSULTER couverture énergétique française,
1. manteau inférieur mais sa part dans l’approvisionne-
2. noyau externe • La France mise sur l’eau ment énergétique français devrait
3. noyau interne
chaude pour s’éclairer p. 59 augmenter dans les années à venir,
4. asthénosphère
(Pierre Le Hir, Le Monde daté du comme les autres énergies renou-
5. lithosphère
17.03.2013) velables que sont l’éolien terrestre
La convection dans le manteau (modèle à deux étages de cellules de convection) et en mer, et le photovoltaïque.

Enjeux planétaires contemporains 57


L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

ZOOM SUR...
LA TOMOGRAPHIE
Partie 1 : L’énergie géothermique
SISMIQUE
Il s’agit d’une technique per- L’intitulé complet du sujet Le document ci-dessous représente le flux thermique
mettant de cartographier l’inté- Cochez la proposition exacte pour chaque question au niveau du plancher océanique en fonction de son
rieur de la Terre en étudiant la de 1 à 6. âge en millions d’années. Chaque boîte représente la
vitesse des ondes sismiques. La variabilité des données dans la tranche d’âge considérée.
tomographie vise à corréler les
anomalies de vitesse des ondes 400

sismiques avec des variations


de composition chimique, d’état . 300
physique ou de température
des différents milieux compo-
200
sant les enveloppes de la Terre.
Une anomalie dite « négative » mW m-2
100
correspond, dans une région
donnée, à une diminution de la 0 85 120 180 350
vitesse des ondes sismiques. À 0
Les lignes noires représentent les contours 0 40 80 120 160 200
l’inverse, une anomalie « posi- continentaux et les limites de plaque
Âge (Ma)
tive » correspond à une augmen-
Carte mondiale des flux thermiques exprimés en
tation de la vitesse de ces ondes. milliwatts par mètre carré (mW.m–2) 5. Le graphique montre que :
Dans une zone du globe terrestre a) l e flux thermique du plancher océanique
où la minéralogie des roches est 1. Les zones noires et en grisé visibles sur la carte augmente lors de son vieillissement.
identique, une anomalie néga- représentent : b) l e plancher océanique s’enfonce au fur et à
tive indique une zone moins a) un flux thermique élevé. mesure de son vieillissement.
dense, donc plus chaude. Une b) un flux thermique faible. c) le plancher océanique se refroidit en vieillissant.
anomalie positive est interpré- c) des différences de température océanique. d) l e flux thermique est constant au niveau du

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tée comme l’existence d’une d) des courants océaniques chauds. plancher océanique.
zone plus dense, donc plus
froide. Ainsi la tomographie 2. Les zones de flux fort visibles sur la carte : 6. On peut associer les zones du plancher océanique
sismique permet d’accéder à a) s ont liées à une plus forte énergie solaire arrivant à flux thermique faible avec :
la connaissance des caractéris- à la surface de la Terre. a) u
 ne lithosphère sous-jacente plus fine et plus
tiques des enveloppes internes b) sont liées à un volcanisme de point chaud. dense.
de la Terre. c) sont en relation avec des dorsales. b) u ne lithosphère sous-jacente plus épaisse et plus
d) sont liées à la présence des océans à la surface légère.
LA GÉOTHERMIE TRÈS du globe. c) u
 ne lithosphère sous-jacente plus fine et plus
BASSE ÉNERGIE légère.
La géothermie domestique 3. Les zones de flux fort sont associées : d)une lithosphère sous-jacente plus épaisse et plus
dite « très basse énergie » a) aux zones de subduction. dense
utilise des sources d’énergie b) à la création d’asthénosphère.
thermique dont la tempé- c) à la création de lithosphère océanique. Le corrigé
rature est de moins de 30 °C. d) à la création de lithosphère continentale. 1. a), 2. c), 3. c), 4. c), 5. c), 6. d) 
Des pompes à chaleur per-
mettent de puiser l’énergie 4. L’énergie géothermique exploitable par l’homme :
thermique contenue dans les a) est constante d’une région à l’autre. Ce qu’il ne faut pas faire
couches superficielles du sous- b) e
 st maximale au niveau de la lithosphère • Cocher deux réponses ou ne cocher
sol. Il est ainsi possible de continentale. aucune réponse.
chauffer et de produire de l’eau c) est optimale en Islande au niveau d’un rift. • Négliger les documents quand leur utilisation est
chaude pour des maisons indi- d) c ontribue fortement à la couverture énergétique nécessaire pour répondre à la question.
viduelles ou des immeubles de de l’humanité.
petite taille. Cette géothermie
domestique à très basse énergie
n’utilise pas l’énergie géother- AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
mique d’origine interne mais
la chaleur solaire emmagasinée Maîtrise des connaissances avec question de synthèse :
par le sol et le sous-sol. – En vous appuyant sur quelques exemples, montrez que le flux et le gradient géothermiques varient en fonction
La géothermie très basse énergie du contexte géodynamique.
devrait se développer dans les Étude de documents :
années à venir avec l’améliora- – Étude d’une région : relations entre flux et gradient géothermiques, données de la tomographie sismique,
tion des rendements des pompes contexte géodynamique et possibilité d’exploitation géothermique.
à chaleur mises sur le marché.

58 Enjeux planétaires contemporains


L'ARTICLE DU

La France mise sur l’eau chaude pour s’éclairer


Une vingtaine de projets de géothermie profonde attendent le feu vert du gouverne-
ment pour débuter.

L
es professionnels sont una- capacité de production électrique lippe Soulé. Cela, « à un coût son impact environnemental. Car
nimes : « Ça bouge dans la totale de 11 000 mégawatts (MW). avantageux pour la collectivité » les techniques mises en œuvre ne
géothermie. » Ils ne parlent La France ne compte qu’une instal- et « en évitant le rejet de 60 000 sont pas sans risques. La « stimu-
pas des pompes à chaleur pour lation de ce type, en Guadeloupe, tonnes de CO2 par an pour une lation » de la roche utilisée pour
maisons individuelles ou bâti- sur la commune bien nommée installation standard ». Selon lui, accroître les débits d’eau peut
ments collectifs. Ni des réseaux de Bouillante, où une centrale de la France dispose d’un potentiel provoquer des milliers de micro-
de chaleur urbains, dont le Bas- 15 MW fournit 8 % de l’électricité de 2 700 MW d’électricité géo- séismes. A Soultz-sous-Forêts, le
sin parisien réunit la plus forte de l’archipel. thermique, l’équivalent de trois plus fort, d’une magnitude de 2,9,
concentration au monde. Deux Les industriels explorent au- réacteurs nucléaires. a suscité de nombreuses plaintes
domaines où la France a acquis jourd’hui une voie différente, Du fossé rhénan au Bassin aqui- des riverains. En Suisse, la ville
une expertise qui fait de cette ouverte par un programme euro- tain, en passant par le Massif de Bâle a renoncé à un forage à
ressource la troisième énergie re- péen mené à Soultz-sous-Forêts central ou le couloir rhodanien, le la suite d’une série de secousses
nouvelable de l’Hexagone, après (Bas-Rhin) et devenu une référence sous-sol français compte de vastes qui avaient endommagé des bâti-
la biomasse et l’hydraulique. mondiale. Le principe consiste territoires propices à l’extraction ments et semé la panique dans la
C’est de géothermie à haute tem- à pomper par un puits, à 5 000 de la chaleur profonde. « Il reste population.
pérature (150°C ou plus) qu’il est mètres de profondeur, de l’eau encore des verrous technologiques En outre, les eaux souterraines
question. Celle qui va puiser dans à 200°C. En surface, un échan- et économiques à lever, mais remontées à la surface sont char-
les entrailles de la Terre, à plusieurs geur thermique la transforme en l’énergie géothermique a un fort gées en sel (plus de 100 grammes
kilomètres de profondeur, les calo- vapeur entraînant une turbine potentiel de développement », est par litre à Soultz) mais aussi en
ries issues de la désintégration des électrique, avec une cogénération persuadé Romain Vernier, direc- sulfures et en métaux lourds
éléments radioactifs présents dans possible de chaleur. L’eau, refroidie teur du département géothermie toxiques, comme l’arsenic ou le
la roche, pour produire de l’électri- à 70°C est ensuite réinjectée, par du Bureau de recherches géolo- plomb, ainsi qu’en radioéléments.
cité ou de la chaleur. un puits séparé, dans le sous-sol, giques et minières (BRGM). « Dans Il faut donc éviter, par des tubages
Fin février, la ministre de l’écologie où elle se réchauffe avant d’être les territoires d’outre-mer, la multiples, que des fuites ne pol-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
et de l’énergie, Delphine Batho, pompée à nouveau. géothermie à haute température luent les nappes phréatiques. De
a signé deux nouveaux permis Fonroche, qui a obtenu, à Pau- peut permettre, en complément surcroît, certains fluides utilisés
exclusifs de recherche : le premier, Tarbes, un permis sur une zone de du solaire et de l’éolien, d’atteindre dans les échangeurs thermiques
délivré à la société Electerre de 1 000 km2, va ainsi forer jusqu’à l’autonomie énergétique. En mé- présentent un danger, comme
France, dans la zone de Chaudes- 6 000 m, dans l’espoir de mettre tropole, elle restera relativement l’isobutane, inflammable et
Aigues-Coren (Cantal et Lozère), le en service, en 2016, une centrale marginale, mais la France doit explosif, ou l’ammoniac, toxique.
second, attribué à Fonroche, dans de 5 MW électriques et 15 MW mettre le paquet pour exporter sa Même si les industriels tra-
le secteur de Pau-Tarbes (Pyrénées- thermiques. Coût de ce démons- technologie », ajoute Elsa Deman- vaillent à des alternatives plus
Atlantiques et Hautes-Pyrénées). trateur : 80 millions d’euros, dont geon, du Syndicat des énergies re- « douces », nul doute que la géo-
« Dix-huit demandes sont actuel- la moitié pourrait être financée par nouvelables (SER). Celui-ci chiffre à thermie des grandes profondeurs
lement en cours d’instruction », les « investissements d’avenir ». plus d’une centaine les entreprises sera placée, par les associations
indique le ministère. Quatre « La géothermie est la seule éner- françaises du secteur et à 11 500 les environnementales, sous haute
permis avaient déjà été accordés gie renouvelable disponible en emplois actuels, toutes formes de surveillance.
ces dernières années, l’un en Au- permanence, sans les intermit- géothermies confondues.
vergne, les trois autres en Alsace. tences du solaire ou de l’éolien », Pour sortir de terre, la géothermie Pierre Le Hir
Et, depuis quelques jours, quatre défend son directeur, Jean-Phi- profonde doit toutefois réduire Le Monde daté du 17.03.2013
autres, en Alsace également, sont
soumis à la consultation du public, POURQUOI CET ARTICLE ? caniques actives, elle consiste à De plus, cela limiterait les rejets
cette activité étant strictement pomper de l’eau à 200°C à grande de CO2 dans l’atmosphère. Enfin,
encadrée par le code minier, le
À l’heure actuelle, en France, la profondeur pour la transformer elle est réalisable dans de nom-
code de l’environnement et le code
géothermie est exploitée pour le en vapeur, qui permettra la breuses régions françaises.
de la santé publique.
chauffage individuel ou collectif production d’électricité et éven- Cependant, elle présente égale-
Cette effervescence pourrait mar-
quer l’émergence d’une nouvelle grâce à des pompes à chaleur et tuellement de chaleur. Après ment plusieurs inconvénients :
filière énergétique. La géothermie à des réseaux de chaleur urbains refroidissement, l’eau est ren- elle peut notamment provoquer
à haute température a d’abord – ce qui en fait la troisième éner- voyée dans le sous-sol où elle se des microséismes, et être source
exploité les aquifères brûlants gie renouvelable de notre pays. réchauffe et peut donc à nouveau de pollution, du fait des subs-
(jusqu’à 350°C) des régions volca- Cet article présente les projets être utilisée. tances toxiques utilisées.
niques actives. C’est la raison pour actuellement en cours en France Cette technique permettrait Cette technique est donc certes
laquelle elle s’est développée sur la et portant sur la géothermie à de réaliser des économies non intéressante d’un point de vue
Côte ouest des Etats-Unis, en Indo- haute température, c'est-à-dire négligeables puisqu’elle pour- économique mais elle fait encore
nésie, aux Philippines, au Japon à 150°C ou plus. Différente de rait produire autant d’électricité l’objet de recherches pour limiter
ou, sur le continent européen, celle exploitant les régions vol- que trois réacteurs nucléaires. son impact environnemental.
en Italie et en Islande, avec une

Enjeux planétaires contemporains 59


L’ESSENTIEL DU COURS

NOTIONS CLÉS
DOMESTICATION
La plante domestiquée
L
Processus de sélection par
l’homme d’espèces végétales sau- a culture des plantes pour l’alimentation humaine mais
vages à l’origine des premières
espèces cultivées.
aussi l’habillement, l’énergie, la médecine, etc., constitue
un enjeu majeur pour l’humanité. Au Néolithique ( 12 000
GÉNIE GÉNÉTIQUE
Ensemble de techniques de mo-
à  4 000 environ avant J-C), la sédentarisation de l’homme s’est
dification du génome d’un être accompagnée d’une domestication des espèces végétales, qui
vivant sans intervention des s’est poursuivie depuis. Comment des plantes sauvages ont-
moyens naturels de reproduction.
elles été domestiquées par l’homme dans le passé ? Quelles
OGM méthodes l’homme utilise-t-il actuellement pour modifier les
Organisme génétiquement modi-
fié, dont le génome a été modifié
plantes qu’il cultive ?
par transgénèse, c’est-à-dire par
l’insertion de matériel génétique La domestication à l’origine des Le croissant fertile (Moyen-Orient), l’Amérique
exogène. plantes cultivées centrale et l’Asie du Sud-Est sont les berceaux
Les espèces végétales actuellement culti- de la majorité des espèces végétales cultivées
SÉLECTION ARTIFICIELLE vées sont issues d’un processus de domesti- aujourd’hui dans le monde entier.
Choix effectué par l’homme des cation d’espèces initialement sauvages qui
espèces à cultiver en fonction s’est déroulé sur plusieurs milliers d’années, La sélection artificielle se poursuit
des caractères jugés intéressants comme l’attestent les études archéologiques. après la domestication
pour lui et qui seront transmis à La domestication consiste en une sélection arti- Après domestication, la sélection artificielle se pour-
la descendance de ces espèces. ficielle, au cours de laquelle l’homme choisit des suit par différentes modalités : sélection des carac-
caractères intéressants pour la culture et l’utilisa- tères intéressants, mais aussi hybridations (sponta-
ZOOM SUR...

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
tion de la plante. Ces caractères sont généralement nées ou provoquées) entre deux espèces différentes,
contrôlés génétiquement et sont donc transmis à la doublement spontané du nombre de chromosomes
La révolution du Néolithique descendance de la plante. Par exemple, les premiers après hybridation, mutations spontanées, etc.
À partir d’environ  9 000 avant agriculteurs ont sélectionné les grains de blé les Dans le passé, une espèce était souvent soumise à
J-C, d’abord en Orient puis en plus lourds pour servir de semences à leurs cultures une sélection variétale, consistant à générer diffé-
Occident, notamment dans le suivantes. Après plusieurs générations et sélections rentes variétés de cette même espèce. Chaque variété
bassin méditerranéen, les popu- successives des grains les plus lourds, les grains pro- présentait alors des caractères propres, sélectionnés
lations connaissent un change- duits ont une masse plus élevée que ceux initiaux. en fonction des conditions de cultures locales. L’exis-
ment radical de leur mode de vie. Les caractères des plantes favorables à leur utilisa- tence de ces différentes variétés d’une même espèce
Auparavant chasseurs-cueilleurs, tion par l’homme sont en général défavorables à la végétale cultivée constitue une forme de biodiversité.
ils deviennent des producteurs, croissance de la plante en milieu sauvage. Actuellement, la création de nouvelles variétés se
pratiquant cultures et élevages.
Des céréales et légumineuses
sont sélectionnées et cultivées,
et des animaux domestiques
sont élevés : porc, bœuf, mou-
ton, chèvre, sans oublier le chat,
le chien et le cheval. La chasse
et la cueillette restent toutefois Asie, Chine
Méso Amérique Soja, riz, chou, oignon,
pratiquées. Maïs, haricot, courgette, tomate, canne à sucre, concombre
Cette transformation du mode tournesol, cacao Asie du Sud-Est, Océanie
-9 000 / -3 500 ans
de vie, qualifiée de « révo- -8 500 / -6 500 ans
lution », a de nombreuses
Croissant fertile
conséquences : amélioration et Blé, orge, pois, lin,
diversification de l’alimentation, oignon, lentille
-10 000 / -9 000 ans
modification de l’habitat, de la Amérique du Sud
vie culturelle et spirituelle, etc. Tabac, pomme de terre, coton,
manioc, tomate
Elle s’accompagne également du -6 000 ans Afrique
développement de la céramique. Sorgho, melon, blé, orge
-5 000 ans
Le Néolithique prend fin avec le
développement de la métallur-
gie et l’invention de l’écriture
vers  3 300 avant J-C. L’origine d’espèces végétales cultivées actuellement

60 Enjeux planétaires contemporains


L’ESSENTIEL DU COURS

poursuit. Ainsi, dans une espèce donnée, on peut Il est toujours judicieux, comme le démontrent ZOOM SUR...
conférer un caractère intéressant d’une variété dite ces exemples, de conserver des variétés végétales
« donneuse » à une autre variété dite « receveuse », moins productives mais susceptibles d’être por- UN OGM : LE MAÏS Bt
qui, elle-même présente d’autres caractères intéres- teuses de caractères pouvant se révéler intéressants, Les végétaux peuvent être attaqués
sants. Pour cela, les deux variétés sont croisées, et les comme la résistance à des maladies. par une bactérie appelée Agrobac-
descendants du croisement présentant le caractère terium tumefasciens. Cette bactérie
d’intérêt sont sélectionnés et croisés à nouveau avec Génie génétique et plantes cultivées porte des petites molécules circu-
la variété receveuse. Après répétition des étapes Le génie génétique permet de modifier le génome laires d’ADN, appelées plasmides Ti,
de croisement et de sélection, la variété receveuse d’un être vivant. Les outils du génie génétique qui sont distinctes du chromosome
présente le caractère d’intérêt, tout en ayant conservé introduisent un gène d’intérêt dans le génome des bactérien. À la faveur d’une bles-
ses autres caractères intéressants. Cette amélioration cellules d’une plante : il s’agit d’un transfert de sure du végétal, la bactérie l’infecte
variétale est un long processus. gène ou transgénèse. La présence du gène trans- et injecte ses plasmides Ti dans les
Les croisements peuvent aboutir à l’émergence d’une féré ou transgène confère à la plante de nouveaux cellules végétales. Les plasmides Ti
nouvelle espèce. Ainsi la clémentine est-elle un caractères. sont alors capables de s’intégrer
hybride entre la mandarine et l’orange douce. La plante ainsi modifiée est un OGM (organisme dans le génome des cellules de la
génétiquement modifié). Des OGM, comme le maïs plante. C’est ce système naturel de
La biodiversité des plantes cultivées transgénique résistant à des herbicides, sont culti- transfert de gène qui a été utilisé
La biodiversité des plantes cultivées a, pen- vés dans plusieurs pays. Les avantages et les incon- pour fabriquer les premiers OGM.
dant longtemps, été assez importante. Mais vénients des OGM sont encore largement débattus Pour la construction de l’OGM, le
depuis quelques dizaines d’années, la sélec- et sont sujets à controverse.  plasmide Ti est modifié. Le gène
tion des variétés les plus productives aboutit à responsable de la virulence de la
la culture d’un nombre réduit de variétés. bactérie est remplacé par le gène
Or, cette réduction de la biodiversité peut avoir de codant la toxine d’une autre bac-
graves conséquences. Par exemple, au début du térie appelée Bacillus thurigiensis.
XIXe siècle, un champignon, le mildiou, s’attaqua aux Cette protéine est toxique pour
plants de pommes de terre en Irlande et provoqua un insecte ravageur, la pyrale. Le
une immense famine. À la même époque, l’Europe plasmide Ti portant le gène d’in-
fut touchée par une épidémie d’un insecte piqueur, térêt (ici celui de la toxine de la

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
le phylloxera, qui décima presque tous les ceps de bactérie Bacillus thurigiensis) est
vigne. Le vignoble français fut reconstruit à partir de introduit dans des cals. Les cals
greffes de cépages français sur des pieds de vignes sont des amas de cellules végétales
américains naturellement résistants au phylloxera. indifférenciées obtenus in vitro.
Seuls les cals ayant intégré le plas-
Espèce sauvage
mide Ti dans leur génome sont
sélectionnés et sont alors capables
de générer des plantes entières
nombreuses variétés
forte diversité allélique de maïs dont toutes les cellules
sont transgéniques. Ainsi, le maïs
transgénique obtenu, appelé « Bt »
Domestication (car produisant la toxine de Bacillus
thurigiensis), a acquis un nouveau
Sélection par
l’Homme des variétés Principe du transfert biologique de gènes pour créer des caractère : capable de synthétiser
intéressantes Biodiversité
organismes génétiquement modifiés (OGM) une molécule toxique pour la py-
des plantes cultivées Un cal est un amas de cellules végétales non différenciées
rale, il lui est devenu résistant.
pouvant générer in vitro une plante.
Premières espèces cultivées
+++
UN OGM  : LE SOJA
TOLÉRANT À UN HERBICIDE
Plante transgénique la plus cultivée,
DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER cet OGM porte un gène d’origine
Sélection
variétale bactérienne codant une protéine,
• Les insectes survivent de mieux l’enzyme EPSPS, qui permet la
+ en mieux aux OGM p. 63 croissance de la plante en présence
(Stéphane Foucart, Le Monde daté du de l’herbicide. La plante possède
13.06.2013) une autre enzyme EPSPS végétale
Variétés cultivées
Génie génétique
qui est bloquée par l’herbicide.
actuelles
(OGM) • L’étude qui relance la polémique Seules les plantes transgéniques
sur les OGM p. 64 ayant l’enzyme EPSPS microbienne
Variétés transgéniques (Stéphane Foucart, Le Monde daté du 21.09.2012) poussent en présence de l’herbi-
cide, mais pas les autres végétaux,
comme les mauvaises herbes, ainsi
Évolution de la biodiversité des espèces cultivées éliminés par l’herbicide.

Enjeux planétaires contemporains 61


L’ESSENTIEL
UN SUJET PAS
DU À
COURS
PAS

ZOOM SUR...
L’ORIGINE DES BLÉS
Partie 2.1 : Un OGM riche
CULTIVÉS
Actuellement, nous consommons
du blé tendre, utilisé pour les fa-
en précurseurs de vitamine
rines de pain, de pâte à pizza, et Les documents carotène, ne sera plus disponible pour la synthèse des
du blé dur pour la semoule et les La carence1 en vitamine A affecte, d’après l’Orga- autres molécules dont il est également le précurseur.
pâtes. Quelle est l’origine de ces nisation mondiale de la santé (OMS), entre 100 et Autrement dit, il est probable que le riz doré, qui fa-
deux blés ? 200 millions d’enfants. Cette carence est responsable brique du bêta-carotène, fabrique moins de vitamine E,
Il y a - 17 000 ans, a eu lieu une de graves troubles oculaires, de cécité infantile et du et que les rendements obtenus avec ce riz transgénique
hybridation spontanée entre deux décès de plus d’un million d’enfants chaque année. Or, soient nettement diminués en raison d’une synthèse
espèces sauvages de céréales : les tentatives de diversification nutritionnelle ou de amoindrie de chlorophylles et d’acide gibbérellique.
l’engrain sauvage (dont le génome suppléments en vitamines atteignent difficilement
comporte 2n = 14 chromosomes) toutes les personnes concernées. Des chercheurs ont Les questions
et un égilope inconnu mais donc travaillé sur l’enrichissement en vitamine A (ou 1. Le bêta-carotène, contenu notamment dans le riz doré :
proche de l’égilope faux épeautre en précurseurs de vitamine A) de certains aliments de a) permet de pallier les carences en GPP.
actuel (comportant également 2n base dans certains régimes alimentaires. Ils ont ainsi b) empêche la synthèse de la vitamine E de l’individu
=14 chromosomes). Cette hybrida- mis au point un riz transgénique appelé « riz doré ». qui ingère du riz doré.
tion s’est accompagnée d’un dou- c) permet de pallier à 100 % les carences en vitamines A.
blement du nombre de chromo- Document 1 : Particularités du riz doré d) se transforme en vitamine A chez la personne qui
somes et a donné naissance à une « Le bêta-carotène qui, une fois assimilé dans le corps ingère du riz doré.
nouvelle espèce : l’amidonnier humain, se transforme en vitamine A existe naturel-
sauvage, dont les cellules compor- lement dans l’enveloppe du riz mais pas dans sa partie 2. Le riz doré est issu d’une transgénèse de trois gènes
tent 2n = 28 chromosomes. comestible, c’est-à-dire l’albumen. L’enveloppe du codant pour la synthèse :
Au tout début du Néolithique, riz étant éliminée de manière à améliorer sa conser- a) de la vitamine A du riz dans le génome d’une
vers – 12 000 ans, l’homme a vation, les grains consommés ne contiennent plus bactérie.
domestiqué cet amidonnier de bêta-carotène. Par l’introduction de trois gènes b) des enzymes permettant la production du bêta-

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sauvage. Puis, il a continué de dans du riz, des chercheurs allemands ont réussi à carotène.
sélectionner des phénotypes de restaurer dans l’albumen une voie de biosynthèse c) de la vitamine A d’une jonquille dans le génome
l’amidonnier intéressants pour du bêta-carotène à partir de son précurseur : le GPP. du riz.
sa culture. Les caractères de l’ami- Le bêta-carotène alors synthétisé colore les grains en d) des enzymes activant la voie de la biosynthèse de
donnier cultivé ont ainsi été peu jaune, d’où le surnom de “riz doré”. Cependant, les la vitamine A.
à peu modifiés pour donner, il y teneurs obtenues jusqu’à présent ne fourniraient pas
a environ – 2 000 ans, le blé dur, aux populations démunies en vitamine A les quan- 3. La fabrication du riz doré transgénique a été faite pour :
dont le génome comporte 2n = tités de bêta-carotène qui leur seraient nécessaires. a) pallier les problèmes liés à l’utilisation de pesticides.
28 chromosomes. D’autre part, Mais les effets de carences plus ou moins prononcés b) améliorer le rendement des rizicultures pour nourrir
vers – 9 000 ans, une hybridation pourraient être sensiblement allégés. Le génome du certaines populations humaines.
a eu lieu entre l’amidonnier culti- riz doré contient trois gènes codant pour la synthèse c) diminuer les effets d’une carence alimentaire tou-
vé et l’égilope rugueux (espèce d’enzymes impliquées dans la chaîne de biosynthèse chant certaines populations humaines.
à 2n = 14 chromosomes), suivie du bêta-carotène à partir du GPP à savoir : deux e) éviter l’apport massif d’engrais dans les cultures.
d’un doublement du nombre de gènes de jonquille, qui permettent la fabrication des
chromosomes, qui a abouti à la enzymes 1 et 2 ; un gène de bactérie, qui permet la 4. D’après certains scientifiques, la modification
formation d’une nouvelle espèce : fabrication de l’enzyme 3. » génétique du riz aboutissant à des plants de riz doré
le blé tendre, dont le génome com- Source : www.maison-des-sciences.ac-versaillers.II.docs/ pourrait entraîner une production :
porte 2n = 42 chromosomes. OGM.pdf a) moindre du fait d’un rendement végétal diminué.
1. apport insuffisant voire manque
b) accrue de vitamine E par la plante.
L’ORIGINE DU MAÏS Document 2 : Incertitudes scientifiques autour du c) de plantes plus riches en pigments chlorophylliens.
Le maïs, originaire du Mexique, riz doré d) de plantes plus résistantes aux parasites.
est issu d’une domestication, da-
tée vers – 7 000 ans, d’une espèce La chaîne de biosynthèse Le corrigé
GPP du bêta-carotène
ancestrale, proche d’une espèce Enzyme 1
1. d), 2. b), 3. c), 4. a). 
sauvage actuelle : la téosinte. Suite Le GPP, naturellement présent
à cette domestication, les popula- Produit dans le riz, permet à la cellule de
intermédiaire A
tions amérindiennes ont procédé fabriquer un certain nombre de
à une sélection variétale générant Enzyme 2 molécules, dont la vitamine E, des Ce qu’il ne faut pas faire
plusieurs variétés adaptées lo- Produit chlorophylles et de l’acide gibbé- • Cocher deux réponses, ou ne cocher aucune
calement. Introduite en Europe intermédiaire B rellique (substance favorisant la réponse.
au XIXe siècle, le maïs est une croissance végétale). La fraction • Négliger les informations apportées par les
Enzyme 3
des céréales les plus produites au du GPP, qui dans le riz doré sera documents.
monde, avec le blé et le riz. Bêta-carotène utilisée pour fabriquer du bêta-

62 Enjeux planétaires contemporains


LES ARTICLES DU

Les insectes survivent


de mieux en mieux aux OGM
Cinq espèces de coléoptères et de lépidoptères ont développé, surtout aux Etats-Unis,
des résistances aux plantes transgéniques insecticides.

L
a théorie de l’évolution celles-ci représentaient au niveau peuvent prospérer et se reproduire non durable le bénéfice procuré
fonctionne à merveille. mondial environ 66 millions avec ceux qui le sont devenus : par les cultures Bt. « Ailleurs, en
Face à l’augmentation du d’hectare, soit près de soixante fois c’est une sorte de « dilution géné- Australie par exemple, cette poli-
nombre de surfaces de cultures plus qu’en 1996. Les Etats-Unis, qui tique » de la résistance. tique a été menée avec succès avec,
transgéniques, modifiées pour représentent la moitié des super- « Il faut adapter cette politique de initialement, l’obligation de main-
sécréter des toxines insecti- ficies mondiales de cultures Bt, refuge, notamment en fonction tenir 70 % de zones refuges dans
cides Bt (Bacillus thurigensis), hébergent trois des cinq espèces de la situation locale, explique les cultures Bt », dit M. Bourguet.
coléoptères et lépidoptères ayant développé des résistances. Denis Bourguet, chercheur à Pour gérer l’apparition des résis-
développent mécaniquement Les auteurs ont passé en revue l’Institut national de recherche tances, les chercheurs notent l’uti-
toujours plus de résistances. 77 études documentant l’appa- agronomique (INRA). Par exemple, lisation accrue de plantes transgé-
C’est le principal constat d’une rition de ces résistances dans selon la fréquence de gènes de résis- niques sécrétant deux toxines Bt
synthèse de la littérature scien- huit pays et, surtout, les condi- tance à la toxine Bt déjà présents (dites « pyramides »), et non plus
tifique, publiée le 10 juin dans la tions dans lesquelles celles-ci dans les populations d’insectes, une seule. Mais là encore, les cher-
revue Nature Biotechnology qui surviennent. « L’objectif était avant même l’implantation d’une cheurs recommandent certaines
soulève la question des précau- d’expliquer pourquoi la résistance culture Bt. » bonnes pratiques.
tions à prendre avec ces cultures. a évolué très rapidement dans Une faible proportion de ravageurs « L’efficacité des «pyramides» est
Selon ces travaux, conduits par certains cas et pas dans d’autres », possède naturellement un gène réduite dans le cas où les plantes
Bruce Tabashnik (université explique l’entomologue Yves de résistance. C’est lorsque ce à deux toxines sont cultivées en

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
d’Arizona à Tucson, Etats-Unis) Carrière (université d’Arizona), gène, par le biais de la sélection même temps que des plantes n’en
des résistances à des toxines Bt coauteur de ces travaux. Dans naturelle, devient présent chez produisant qu’une seule des deux,
sont établies pour cinq des treize des situations comparables, les la moitié des individus au moins ou lorsque les insectes ont déjà
grandes espèces d’insectes rava- populations de nuisibles peuvent qu’on parle de population devenue acquis une résistance », explique
geurs ciblées par ces végétaux mo- en effet s’adapter en deux à trois résistante. L’étendue des surfaces Thierry Brévault, chercheur au
difiés, à l’instar de la chrysomèle ans ou, au contraire, demeurer refuges doit être adaptée à cette Centre de coopération internatio-
du maïs, un coléoptère. En 2005, vulnérables après quinze ans de proportion initiale. Un autre para- nale en recherche agronomique
voilà moins d’une décennie, seule cultures Bt. mètre entre également en ligne de pour le développement (Cirad) et
une espèce était, localement, par- Pourquoi ? Les auteurs montrent compte : moins la plante transgé- coauteur de l’étude.
venue à s’adapter à ces cultures. toute l’importance de planter, nique est efficace, plus les refuges Paradoxe : l’apparition de popu-
L’émergence accélérée de ces autour des champs Bt, des surfaces doivent être étendus. lations résistantes oblige les agri-
résistances cadre avec la forte aug- « refuges » de cultures convention- Dans certains pays, comme la culteurs à employer davantage
mentation des surfaces cultivées nelles. Dans ces zones exemptes de Chine, les refuges ne sont pas obli- d’insecticides utilisés en pulvérisa-
de maïs et de coton Bt. En 2011, toxines, les insectes non résistants gatoires. Une situation qui rend tion. Une sorte de retour à la case
départ. « C’est cet indicateur qui a
permis de déceler dans certaines
POURQUOI CET ARTICLE ? Aujourd'hui, on sait que près de mettrait de limiter la sélection régions des Etats-Unis, une perte
la moitié des insectes ravageurs naturelle des insectes devenus d’efficacité du coton Bt vis-à-vis
Cet article a la particularité de ciblés par ces OGM ont déve- résistants puisque ces derniers d’une espèce de chenille devenue
se rapporter à la fois au chapitre loppé une résistance, d'autant pourraient se reproduire avec résistante aux plantes produisant
sur la plante domestiquée, car plus que les surfaces cultivées des insectes non résistants. Une deux toxines Bt », dit M. Brévault.
il traite des OGM, et au chapitre avec ces OGM augmentent. 2e solution consiste à utiliser des Les cultures Bt ont jusqu’à présent
sur l’évolution et la sélection L’intérêt d’utiliser ces OGM OGM produisant deux toxines permis de limiter l’épandage
naturelle. Depuis une vingtaine « insecticides » diminue donc Bt mais, là encore, des insectes d’insecticides chimiques. L’agro-
d’années, des cultures transgé- avec l’augmentation de la résis- développent des résistances. nome Charles Benbrook (Washing-
niques, principalement de maïs tance à la toxine Bt et oblige Les cultures de ces OGM « insecti- ton State University) estime que
et de coton, sécrétant des toxines les agriculteurs à pulvériser des cides » avaient permis de limiter ces cultures ont en « économisé »
insecticides Bt (Bacillus thuren- insecticides. l’utilisation des pesticides, mais 56 000 tonnes, aux Etats-Unis,
gensis), sont réalisées à grande Une solution pour ralentir cette « économie » semble de entre 1996 et 2011. Mais jusqu’à
échelle. Ces OGM permettent à l’apparition des résistances est plus en plus compromise par quand ?
l’agriculteur de limiter le recours de cultiver des surfaces dites l’apparition de ces insectes résis- Stéphane Foucart
à des insecticides. « refuges » sans OGM. Cela per- tants Le Monde daté du 13.06.2013

Enjeux planétaires contemporains 63


LES ARTICLES DU

L’étude qui relance la polémique sur les OGM


Des travaux concluent à un lien entre la consommation du maïs NK 603 et l’apparition
de tumeurs chez le rat.

T
umeurs mammaires chez les au bout d’environ un an. Chez les contre la cancérogénèse. Le fait que de toxicologie ont été menées pour
femelles, troubles hépatiques mâles, les congestions et les né- la synthèse de ces acides aminés différents OGM et sur différentes
et rénaux chez les mâles, croses du foie sont 2,5 fois à 5,5 fois soit réduite pourrait expliquer, se- espèces, sans montrer d’effets dé-
espérance de vie réduite... L’étude plus fréquentes. Ces derniers souf- lon les auteurs, les pathologies les létères entre les animaux témoins
conduite par le biologiste Gilles- fraient également 1,3 fois à 2,3 fois plus fréquemment observées chez et ceux nourris avec les végétaux
Éric Séralini (université de Caen) plus d’atteintes rénales sévères. Les les rats testés. Un mécanisme très modifiés.
et parue dans la revue Food and tumeurs mammaires ont été égale- spéculatif. Cependant, la plupart de ces tra-
Chemical Toxicology a déclenché ment plus fréquemment observées « Il faudra que les auteurs répondent vaux, rassemblés dans une analyse
une formidable tempête média- dans les groupes traités – mais pas à quelques questions qui ne sont pas conduite par Chelsea Snell (univer-
tique. De fait, elle est la première à toujours de manière significative. détaillées dans leur article, pointe un sité de Nottingham, Royaume-Uni)
suggérer des effets délétères, sur le Quant à la mortalité, elle a égale- spécialiste qui a requis l’anonymat. et publiée en janvier dans Food and
rat, de la consommation d’un maïs ment été accrue dans l’ensemble Comme par exemple le protocole Chemical Toxicology, ont été menés
génétiquement modifié – le NK603 des groupes traités. Dans le groupe d’application du maïs traité, ou sur des durées inférieures à deux
de Monsanto –, associé ou non au témoin, la durée de vie des mâles a encore l’historique de l’élevage dont ans et avec un plus faible nombre
Roundup, l’herbicide auquel il est été en moyenne de six cent vingt- proviennent les rats, etc. » de paramètres contrôlés. Avec des
rendu tolérant. quatre jours, et de sept cents jours La souche utilisée – dite de financements souvent industriels.
La démonstration est-elle faite pour les femelles. « Après que la « Sprague-Dawley », la plus couram- Quant aux quelques études de
que cet OGM est toxique ? Voire. période moyenne de survie s’est ment employée dans ce type d’ex- longue durée déjà menées, elles ne
La même édition de Food and écoulée, toute mort a été largement périence – est en effet connue pour montrent pas non plus d’effets bio-
Chemical Toxicology publie aussi considérée comme due au vieillis- contracter des cancers mammaires logiques notables, mais ne concer-
une étude conduite par Yaxi Zhu sement, écrivent les auteurs. Avant de manière fréquente. Des travaux nent pas le maïs NK603.
(université d’agriculture de Chine, à cette période, 30 % des mâles et publiés en novembre 1973 dans Can- Les travaux de M. Séralini – dont

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Pékin), évaluant la toxicité d’un maïs 20 % des femelles du groupe témoin cer Research ont ainsi montré que le budget est selon lui de plus de
résistant au même herbicide, sur la sont morts spontanément, alors que l’incidence de cette pathologie peut 3 millions d’euros – ont été finan-
même souche de rongeurs... mais jusqu’à 50 % des mâles et 70 % des atteindre 45 % chez ces rongeurs, en cés par la Fondation Charles-
sans détecter de problème. femelles sont mortes prématuré- l’absence de toute intervention. Léopold Mayer, par l’association
L’originalité des travaux de M. Séra- ment dans des groupes nourris avec « Je regrette la médiatisation exces- Ceres (qui rassemble notamment
lini et ses coauteurs est d’avoir mis l’OGM. » sive de ces données scientifiques, des entreprises de la grande distri-
en place un protocole expérimental « Attention : tous les groupes d’ani- qui méritent le temps de l’analyse », bution), le ministère français de la
très ambitieux. Les chercheurs ont maux ne sont comparés qu’à un estime pour sa part le médecin et Recherche et le Criigen (Comité de
utilisé un total de 200 rats pendant groupe témoin de dix animaux du biochimiste Jean-Christophe Pagès, recherche et d’information indé-
deux ans, contre trois mois en gé- même sexe, explique le biostatisti- membre du Haut Conseil des bio- pendantes sur le génie génétique),
néral pour ce type d’expérience. Ils cien Marc Lavielle (Inria). Il aurait technologies (HCB) et professeur association qui milite contre les
ont évalué les effets d’un régime suffi qu’un ou deux rongeurs du à l’université François-Rabelais de biotechnologies. 
alimentaire composé de trois doses groupe témoin meurent prématuré- Tours.
différentes du maïs transgénique ment de manière aléatoire pour que La prudence est d’autant plus de Stéphane Foucart
(11 %, 22 % et 33 %), cultivé ou non la différence disparaisse ou ne soit mise que de nombreuses études Le Monde daté du 21.09.2012
avec son herbicide compagnon. plus significative. Statistiquement,
Trois groupes ont également été tout cela est très fragile. »
testés avec des doses croissantes du M. Séralini et ses coauteurs notent POURQUOI ressante car elle porte sur une
produit phytosanitaire seul, non que les groupes d’animaux exposés CET ARTICLE ? longue période de temps alors
associé à l’OGM. à l’herbicide seul, de même qu’à que les études de toxicité des
Au total, donc, ce sont neuf groupes l’OGM seul, sont affectés par les L’article présente l’étude portant OGM sont d’habitude limitées à
de vingt rats (trois groupes avec diverses pathologies relevées. Selon sur la toxicité du maïs OGM, 6 mois. Mais les instances ayant
OGM, trois groupes avec OGM eux, l’herbicide pourrait se com- effectuée par l’équipe française expertisé l’étude de M. Séra-
et Roundup, trois groupes avec porter comme un perturbateur du du professeur Séralini, parue lini ont conclu que le nombre
Roundup) qui ont été comparés à système hormonal et produire ainsi en septembre 2012 et fortement d’animaux étudiés par lot n’était
un groupe témoin de même taille, des effets non proportionnels à la médiatisée. Conduite pendant pas suffisant pour soutenir les
nourri avec la variété de maïs non dose reçue. deux années sur des rats, cette conclusions avancées. La repro-
transgénique la plus proche de Quant à l’OGM seul, sa toxicité éven- étude conclut que le maïs trans- duction de l’étude de l’équipe
l’OGM testé, et sans exposition à tuelle pourrait provenir de la modi- génique est toxique, entraînant la du professeur Séralini dans des
l’herbicide. fication d’une enzyme (dite « ESPS formation de tumeurs à l’origine conditions plus rigoureuses
Sur l’ensemble des groupes traités, synthase ») produite par la plante et d’une mortalité accrue de ces pourrait permettre d’avancer
les différences les plus significatives impliquée dans la synthèse d’acides rongeurs. Cette étude est inté- dans ce débat très animé.
avec le groupe témoin apparaissent aminés ayant un effet de protection

64 Enjeux planétaires contemporains


le maintien de l’intégrité
de l’organisme : quelques aspects
de la réaction immunitaire

1. La bactérie est
endocytée par le Chronologie de l'infection par le VIH
phagocyte

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2. La bactérie est Phase de Phase asymptomatique Phase SID
contenue dans
une vésicule =
le phagosome
Concentration
en LT CD4
(par mm3 de sang)
primo
infection LT CD8 C
3. Le phagosome
fusionne avec un
1200
le
1000 Anticorps anti VIH
lysosome riche
en enzymes
800
LT CD4
4. Digestion de la 600
bactérie dans le
phagolysosome 400
5. Exocytose des
éléments non 200
Taux de VIH détecté dans le sang Répon
digérés
0
1 semaines 12 1 à 12 ans anné

Réponse humorale
Contamination

BcR CM

LB

Lymphocyte T CD4
auxiliaire activé
LT
L’ESSENTIEL DU COURS

NOTIONS CLÉS
IMMUNITÉ INNÉE
La réaction inflammatoire,
Ensemble des défenses de l’orga-
nisme existant dès la naissance, ne
nécessitant pas d’apprentissage et
un exemple de réponse
qui se mettent en place très rapide-
ment dans des situations diverses.
innée
L
INFLAMMATION
Ensemble des réactions se pro- ’organisme humain est pourvu d’un système de protection
duisant au niveau d’une lésion
de l’organisme, où des éléments
contre les éléments pathogènes qui menacent son intégri-
pathogènes peuvent se trouver. té. Ces éléments pathogènes peuvent être des virus, des
PHAGOCYTOSE
bactéries, des eucaryotes, des parties d’êtres vivants (pollens,
Mécanisme assurant l’ingestion poils, etc.), des éléments physico-chimiques (fibres d’amiante,
par les cellules phagocytaires de poussières, etc.) ou encore les propres cellules modifiées de
particules ou de cellules à l’inté-
rieur de vésicules, les phagosomes, l’organisme, comme les cellules cancéreuses. Ces éléments pa-
en vue de leur élimination. thogènes sont potentiellement dangereux pour l’organisme et
le système immunitaire est chargé du maintien de l’intégrité de
REPÈRE ce dernier. Comment le système immunitaire protège-t-il l’orga-
Les différentes cellules
sanguines
nisme des éléments pathogènes ?
• Les hématies, ou globules rouges,
sont des cellules sans noyau, bi- La réaction inflammatoire aiguë

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concaves et aplaties au centre. Elles Dans les tissus, des cellules comme les mastocytes,
assurent le transport de dioxygène les macrophages, les cellules dendritiques sont
dans le sang. présentes, en attente d’une rencontre éventuelle
• Les leucocytes, ou globules avec un pathogène. Ces cellules font partie des leu-
blancs, interviennent dans la dé- cocytes (ou globules blancs) : ce sont des cellules
fense immunitaire de l’organisme : sentinelles. Les pathogènes sont détectés par les
– les granulocytes (également récepteurs PRR à la surface de ces leucocytes. La dé-
appelés « polynucléaires ») ont tection de ces agents infectieux entraîne la sécré-
une activité antibactérienne tion des médiateurs chimiques de l’inflammation
(diapédèse, chimiotactisme et par ces leucocytes. Il existe différents médiateurs
phagocytose) ; chimiques de l’inflammation, comme l’hista-
– les cellules dendritiques sont mine, la sérotonine, les cytokines pro-inflamma-
présentes dans tous les tissus et en toires (IL-1, IL-6, TNF-, etc.) et les éicosanoïdes
faible quantité dans le sang. Dans (molécules dont font partie les prostaglandines,
les tissus, elles détectent les agents le thromboxane, la prostacycline et les leuco-
pathogènes et déclenchent la réac- Les défenses de l’organisme contre triènes). Ces médiateurs chimiques de l’inflam-
tion immunitaire adaptative ; l’intrusion des pathogènes mation activent la vasodilatation des capillaires.
– les monocytes se différencient Nous possédons des défenses physiques, comme Ce qui entraine une augmentation du flux sanguin
en macrophages dans les tissus et l’imperméabilité de notre épiderme et de nos irriguant le site inflammatoire. Les cellules des
réalisent alors la phagocytose et muqueuses. Ces défenses sont complétées par parois des capillaires s’écartent, facilitant le pas-
la présentation de l’antigène aux des défenses chimiques (larmes, sueur, mucus) sage des leucocytes du sang vers les tissus, mais
autres cellules immunitaires ; et microbiologiques (flore bactérienne, présente aussi du plasma : cela induit chaleur, rougeur
– les lymphocytes participent à la naturellement sur et dans notre corps). Malgré tout, et gonflement. La stimulation des terminaisons
réponse immunitaire adaptative. à la faveur d’une blessure, d’une morsure ou d’une nerveuses voisines provoque une sensation de
Les lymphocytes T sont produits piqûre, des pathogènes peuvent pénétrer dans notre douleur.
dans la moelle osseuse et subissent organisme. Une seconde ligne de défense est alors Les leucocytes attirés sur le site inflammatoire éli-
leur maturation dans le thymus, opérationnelle pour les neutraliser. minent différemment les pathogènes. Les granu-
tandis que les lymphocytes B Cette défense, l’immunité innée, se caractérise par locytes, les cellules dendritiques et les monocytes
naissent puis mûrissent dans la la mise en place de la réaction inflammatoire aiguë. transformés en macrophages à leur arrivée dans
moelle osseuse. Cette réaction inflammatoire aiguë est stéréotypée : les tissus réalisent la phagocytose du pathogène.
• Les plaquettes sont des frag- elle se déroule de la même façon, quel que soit La phagocytose est l’ingestion et l’élimination
ments cellulaires qui intervien- l’agresseur, et se met en place dès son entrée, que d’éléments considérés comme étrangers par les
nent dans la coagulation du sang. l’agresseur soit connu ou non de l’organisme. cellules phagocytaires. La phagocytose nécessite

66 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


L’ESSENTIEL DU COURS

la reconnaissance du pathogène par des récep- provenant du pathogène détruit, associés aux REPÈRE
teurs membranaires des cellules phagocytaires récepteurs du phagocyte, sont alors présentés à
(récepteurs PRR). La membrane du phagocyte se des lymphocytes T, déclenchant ainsi la réponse La détection d’une réaction
déforme et emprisonne le pathogène dans une immunitaire adaptive, spécifique de l’agent inflammatoire
vésicule, appelée « phagosome ». Cette vésicule infectieux. Une analyse sanguine permet la
fusionne avec des lysosomes, vésicules cytoplas- détection de la survenue d’une
réaction inflammatoire chez un
patient. Pour cela, on mesure :
– la vitesse de sédimentation (VS)
des hématies. L’inflammation
entraîne la production d’une pro-
téine, le fibrinogène, qui augmente
l’agrégation des plaquettes et donc
la sédimentation des hématies. La
vitesse de sédimentation est donc
augmentée ;
– la protéine-C-réactive (CRP). Cette
protéine est produite rapidement
lors de l’inflammation. La mesure
de la concentration de la protéine-
C-réactive permet d’estimer quand
est survenue la réaction inflam-
matoire.

ZOOM SUR…
Les maladies inflammatoires
La phagocytose (d’après Immunologie : le cours de Janis Kuby)
chroniques

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Ces maladies se caractérisent par
miques à contenu acide et riches en enzymes. Les caractéristiques une inflammation quasi perma-
Les enzymes contenues initialement dans les de l’immunité innée nente des tissus touchés. On peut
lysosomes digèrent le pathogène. Ainsi la réaction Les mécanismes de l’immunité innée, qui existent mentionner :
inflammatoire aiguë constitue la première ligne chez tous les animaux, sont conservés au cours de – la polyarthrite rhumatoïde. Les
de défense active du système immunitaire qui l’évolution. L’immunité innée correspond aux réac- articulations sont le siège d’une
vise à éliminer les pathogènes dès leur entrée tions se mettant en place rapidement et se dérou- réaction inflammatoire, elles
dans l’organisme. lant de manière stéréotypée, quelle que soit la si- deviennent douloureuses et dé-
La réaction inflammatoire aiguë peut produire des tuation initiale l’ayant déclenchée (infection, lésion formées ;
effets gênants (douleur, gonflement, fièvre) voire des tissus, tumeur, etc.). La réaction inflammatoire – la maladie de Crohn. Elle consiste
délétères pour certains organes si elle se prolonge aiguë est l’un des mécanismes essentiel de l’immu- en une inflammation pouvant
trop longtemps. Il peut être nécessaire d’utiliser nité innée. L’immunité innée est fonctionnelle dès toucher la paroi de l’ensemble
des médicaments qui limitent cette réaction la naissance et ses caractéristiques sont héritées du tube digestif et se manifeste
inflammatoire sans limiter le déclenchement des génétiquement. Elle ne nécessite aucun apprentis- par des diarrhées et des douleurs
réactions immunitaires détruisant les pathogènes. sage : les réactions de l’immunité innée sont simi- abdominales.
Il s’agit de médicaments anti-inflammatoires laires lors de la première rencontre avec un patho- Ces maladies se caractérisent par
comme par exemple l'aspirine ou l'ibuprofène. gène et lors des suivantes. Enfin, l’immunité innée des poussées inflammatoires très
Les anti-inflammatoire inhibent la synthèse des coopère avec l’immunité adaptative, qui n’existe douloureuses. La prise en charge
médiateurs chimiques de l’inflammation. Ces que chez les seuls vertébrés.  médicale consiste en des traite-
molécules ont également une action antalgique, ments anti-inflammatoires visant
qui diminue la sensation de douleur et certains à réduire les poussées inflamma-
anti-inflammatoires font également baisser la fièvre. DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER toires douloureuses lors des crises.
Des traitements de fond, notam-
La réponse innée prépare • Trois chercheurs qui ont révolutionné ment avec des immunosuppres-
la réponse adaptative la compréhension du système immuni- seurs, sont prescrits pour réduire
Après digestion du pathogène, une partie des taire. p. 70 la réaction immunitaire à l’origine
molécules restantes sont exposées sous forme (Sandrine Cabut et Hervé Morin, Le Monde daté de l’inflammation. Ces maladies
de peptides (ou antigènes) sur des récepteurs du 05.10.2011) affectent des adultes plutôt jeunes
membranaires des phagocytes, les molécules et sont handicapantes dans la vie
du CMH. Si l'infection persiste, ces phagocytes, • L’aspirine, un nouvel espoir contre le quotidienne. Le patient doit être
notamment les cellules dendritiques, quittent cancer p. 71 suivi toute sa vie : il n’y a pas pour
le site inflammatoire et migrent jusqu’aux gan- (Paul Benkimoun, Le Monde daté du 28.03.2012) l’instant de traitement conduisant
glions lymphatiques. Les fragments protéiques à une guérison complète.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 67


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR...
LES ANTI-
Partie 1 : La réaction
inflammatoire aiguë
INFLAMMATOIRES
Parmi les anti-inflammatoires,
on distingue :

et l’intérêt des
– les corticoïdes, dérivés de
la cortisone. Les corticoïdes
inhibent la plupart des phé-
nomènes immunitaires, dont
la production des médiateurs
chimiques de l’inflammation
comme l’histamine et les éico-
sanoïdes (molécules dérivées
anti-inflammatoires
de l’oxydation d’acides gras de L’intitulé complet du sujet Cette reconnaissance entraîne la sécrétion par ces
la membrane plasmique des Un camarade s’est blessé lors d’une chute. Quelques cellules immunitaires de molécules : les médiateurs
cellules immunitaires, comme jours plus tard, il a mal, sa plaie est gonflée, rouge chimiques de l’inflammation, comme l’histamine,
les prostaglandines, le throm- et purulente ; il consulte un médecin. Celui-ci, la sérotonine, les cytokines pro-inflammatoires
boxane, la prostacycline et les après avoir bien nettoyé la plaie, lui donne un (IL-1, IL-6, TNF-, etc.) et les éicosanoïdes. Ces média-
leucotriènes) ; médicament anti-inflammatoire. Votre camarade teurs chimiques de l’inflammation déclenchent une
– les anti-inflammatoires non ne comprend pas la prescription du médecin : réaction inflammatoire aiguë. Ainsi l’histamine, en
stéroïdiens (AINS), comme l’as- « Pourquoi dois-je prendre un médicament puisque augmentant la perméabilité de la paroi des vais-
pirine et l’ibuprofène. Le mode je ne suis pas malade ! », vous dit-il. seaux sanguins, entraîne une vasodilatation et un
d’action commun des AINS Expliquez les mécanismes immunitaires mis en afflux local de plasma, d’où la rougeur observée. De
repose sur l’inhibition de la jeu dans ce cas précis et l’intérêt de prendre un plus, les médiateurs chimiques de l’inflammation
formation d’une partie des éi- anti-inflammatoire. Des schémas explicatifs sont attirent sur le lieu de l’inflammation les cellules
cosanoïdes : les prostaglandines. attendus. immunitaires sanguines, comme les granulocytes
Les AINS ont donc aussi une et les monocytes sanguins, qui se différencient
Proposition de corrigé

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
action antalgique (lutte contre dans le tissu lésé en macrophages.
la douleur) et antipyrétique (di- Introduction c. L’action des cellules immunitaires lors de la
minution de la température de Un camarade a fait une chute et s’est blessé. RIA
l’organisme). Quelques jours après qu’il soit tombé, sa plaie est Les cellules immunitaires, comme les granulocytes
À noter : le paracétamol n’est rouge, gonflée et du pus s’en écoule. Son méde- et les macrophages présents dans le tissu lésé, réa-
pas prescrit comme anti- cin a nettoyé la plaie et lui a prescrit un anti- lisent la phagocytose, c’est-à-dire qu’ils ingèrent
inflammatoire mais comme an- inflammatoire. Quels sont les mécanismes de la puis éliminent les agents infectieux.
talgique et antipyrétique. réaction inflammatoire et quel est l’intérêt de pres- Dans le cas où cette première réponse immuni-
crire un anti-inflammatoire ? Dans une première taire n’est pas suffisante pour éliminer les micro-
L’ASPIRINE partie, nous allons expliquer à notre camarade les organismes pathogènes, interviennent d’autres
Depuis l’Antiquité, des décoc- mécanismes de la réaction immunitaire, puis, dans cellules immunitaires : les cellules dendritiques,
tions d’écorce de saule, conte- une seconde partie, nous lui expliquerons pourquoi présentes dans le tissu lésé. Ces cellules fixent sur
nant de l’acide salicylique, le médecin lui a prescrit un anti-inflammatoire. leurs molécules membranaires du CMH (complexe
étaient utilisées contre la majeur d’histocompatibilité) des antigènes de
douleur et la fièvre. En 1899, I. Les mécanismes de la réaction inflammatoire l’élément infectieux. Ces cellules migrent alors
la société Bayer commercialise aiguë (ou RIA) jusqu’aux ganglions lymphatiques, où elles pré-
l’acide acétylsalicylique obtenu La chute s’accompagne de lésions cellulaires avec un sentent les antigènes liés aux molécules du CMH
par synthèse chimique. Ce n’est risque élevé d’entrée de micro-organismes patho- aux lymphocytes T. Les lymphocytes ainsi activés
qu’en 1971 qu’est élucidé son mé- gènes dans l’organisme : une réaction immunitaire interviendront dans l'élimination des agents pa-
canisme d’action, qui consiste aiguë se met alors en place très rapidement. thogènes, dans le cadre de l'immunité adaptative.
en l’inhibition de la formation a. Les symptômes stéréotypés de la RIA
des prostaglandines. En plus de La réaction inflammatoire aiguë se caractérise au ni- II. L’intérêt de la prescription d’un anti-
ses actions anti-inflammatoire, veau de la plaie par un gonflement, une rougeur, une inflammatoire
antalgique et antipyrétique, douleur, une chaleur et une impotence fonctionnelle. Les médicaments anti-inflammatoires, comme
l’aspirine a une action anticoa- b. Le recrutement des défenses innées lors de la RIA l’aspirine, bloquent la sécrétion de certains média-
gulante en limitant l’agrégation Des cellules immunitaires, comme par exemple teurs chimiques de l’inflammation. Ils permettent
des plaquettes et peut être utili- les mastocytes, les cellules dendritiques ou les de limiter la vasodilatation, la douleur ou la cha-
sée pour prévenir des maladies macrophages, sont constamment présentes aux leur. Ainsi, les anti-inflammatoires permettent
cardio-vasculaires. Des études lieux d’entrée potentielle de micro-organismes de réduire certains symptômes de la réaction
récentes montreraient que l’as- dans l’organisme. Par leurs récepteurs présents inflammatoire aiguë sans empêcher le déroulement
pirine à faible dose réduirait les à leur surface, ces cellules immunitaires sont des mécanismes immunitaires qui permettent de
risques de survenue de certains capables de reconnaître des molécules présentes lutter contre les micro-organismes pathogènes et
cancers. sur la paroi de nombreuses espèces de bactéries. qui sont donc bénéfiques à l’organisme.

68 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR...
LES RÉCEPTEURS
DE L’IMMUNITÉ INNÉE :
LES PRR
Pendant longtemps, on pensait
que les mécanismes de l’immu-
nité ne faisait pas intervenir la
reconnaissance spécifique des
pathogènes. Or, dans les années
1980 furent découvertes chez
les cellules de l’immunité innée
(mastocytes, macrophages, gra-
nulocytes, cellules dendritiques)
des récepteurs cellulaires, ap-
pelés PRR pour Pattern Reco-
gnition Receptors, capables de
reconnaître les pathogènes. Les
éléments pathogènes présen-
tent des motifs moléculaires
caractéristiques appelés PAMP
(Pathogen Associated Molecular
Patterns) qui sont reconnus par
les PRR des cellules de l’immu-
nité innée.
Les PAMP sont des molécules
abondantes des micro-orga-
nismes : les acides nucléiques

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
(ADN ou ARN) constituent les
PAMP des virus, alors que les
mannanes constituent les PAMP
des champignons. Les PRR re-
connaissant les PAMP sont lo-
calisés à la surface des cellules
immunitaires ou à l’intérieur
de ces cellules : ces localisations
augmentent la possibilité de
rencontre entre les PRR et les
PAMP.

LES RÉCEPTEURS
DE L’IMMUNITÉ INNÉE :
DES MOLÉCULES
TRÈS CONSERVÉES
On distingue plusieurs familles
Conclusion mation sans diminuer l’efficacité de celle-ci. Quels de récepteurs de l’immunité in-
Ainsi, lors d’une chute, une réaction inflammatoire sont alors les mécanismes immunitaires mis en jeu née ou PRR. Chez la drosophile,
aiguë se met en place rapidement. Elle se caractérise dans la réponse immunitaire adaptative ?  l’infection par un champignon
par des symptômes stéréotypés. En faisant interve- entraîne sa reconnaissance par
nir des cellules immunitaires et des médiateurs les récepteurs appelés « Toll »,
chimiques, elle vise à éliminer les agents pathogènes AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC présents sur des cellules immuni-
présents sur les lésions cellulaires. Si nécessaire, la SUR CE THÈME taires de l’insecte et déclenchant
RIA déclenche l’activation de l’immunité adaptative l’élimination de ce pathogène.
qui interviendra par la suite. Les anti-inflammatoires Étude de documents Chez les mammifères, une fa-
permettent de réduire les symptômes de l’inflam- – Étude des mécanismes de la réaction inflamma- mille de récepteurs proches des
toire aiguë : cellules immunitaires, molécules de récepteurs de la drosophile a été
l’inflammation. identifiée récemment : il s’agit
Ce qu’il ne faut pas faire – Étude des modes d’action des anti-inflamma- des récepteurs TLR pour Toll Like
• Ne pas tenir compte des deux parties de la toires. Receptors. Ainsi les récepteurs
réponse imposées par l’énoncé. – Mise en évidence de la conservation des molé- de l’immunité innée semblent
• Ne pas faire de schéma(s). cules de l’immunité innée lors de l'évolution. fortement conservés lors de
l’évolution.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 69


LES ARTICLES DU

Trois chercheurs qui ont révolutionné la


compréhension du système immunitaire
À
eux trois, ils ont révolu- de type Toll, permettant d’enclen- en embryologie et biologie, « ils qui a succédé à Jules Hoffmann
tionné la compréhension cher la réponse innée chez toutes ont établi que les mécanismes à la tête de l’unité 9022 du CNRS,
du système immunitaire, ces espèces. de défense des insectes étaient confirme que cette orientation,
ouvrant la voie à des progrès conservés chez des espèces plus également portée par son épouse
décisifs dans la lutte contre les « Étudier la biodiversité » évoluées. Cette persistance d’un Danielle Hoffmann, était risquée.
infections, les cancers ou encore Quant à Ralph Steinman, il a processus ancien dans l’évolu- « Pour convaincre nos tutelles,
les maladies inflammatoires. Le découvert, en 1973, des cellules tion est un argument de poids nous avons eu la chance que
Français Jules Hoffmann, 70 ans, appelées « dendritiques », qui pour étudier la biodiversité. Il y a Nicole Le Douarin plaide pour
l’Américain Bruce Beutler, 53 ans, interviennent en deuxième ligne. une grande unité dans le monde nous », note-t-il. Il y voit « une
et le Canadien Ralph Steinman, « Ces cellules sont capables de vivant. » morale à tirer pour nos instances :
68 ans, sont les trois lauréats sentir les dangers extérieurs et de Jean-Luc Dimarcq, qui a passé sa laisser les chercheurs se lancer
2011 du prix Nobel de médecine, déclencher les réponses immuni- thèse sous la direction de Jules dans de telles aventures, dans des
décerné lundi 3 octobre par le taires dites “adaptatives”, spéci- Hoffmann, salue la « vista » de zones qu’ils explorent sans être
comité Nobel de Stockholm. fiques pour chaque pathogène et son ancien patron, qui l’a conduit assurés qu’elles conduiront à des
Hoffmann et Beutler, qui se par- qui nous protègent à long terme, « à prendre les bonnes décisions innovations ».
tagent la moitié du prix (doté de précise Sebastian Amigorena, au bon moment ». Réorienter L’équipe de Jules Hoffmann a
10 millions de couronnes suédoises, immunologiste et biologiste l’ensemble des ressources du peut-être été en avance sur son
soit 1,08 million d’euros), sont ré- cellulaire, directeur de recherche laboratoire qu’il dirigeait vers temps en créant, en 1999, une
compensés pour leurs travaux sur au CNRS. Les applications de ces l’étude de l’immunité chez les start-up, Entomed, destinée à la
l’immunité innée, première ligne travaux sont énormes, dans de insectes était un pari audacieux. production de peptides antimi-
de défense de l’organisme contre multiples domaines, comme les « À l’époque, on considérait cette crobiens tirés du vaste arsenal

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les agressions extérieures. L’immu- cancers, les vaccins synthétiques, immunité comme ancestrale, des insectes. « Ces grosses molé-
nologiste Ralph Steinman, qui avait les maladies auto-immunes. » on hésitait même à employer cules étaient difficiles à synthéti-
obtenu l’autre moitié du prix pour Pour Nicole Le Douarin, profes- ce terme dans les congrès », se ser, trop onéreuses à faire fabri-
sa découverte de cellules appelées seur honoraire au Collège de souvient-il. En effet, les insectes quer par des levures : c’est là que
« dendritiques », impliquées dans France, qui a beaucoup soutenu ne disposent pas d’anticorps, qui le bât a blessé », se souvient Ro-
l’immunité dite « spécifique », est, les recherches de Jules Hoff- constituaient alors pour la méde- land Lupoli, qui a participé à
lui, décédé le 30 septembre. mann, ses travaux « ont permis cine le cœur du système immuni- cette initiative, stoppée en 2005
Comment les espèces vivantes, d’éclairer une question essentielle taire. « Mais cette caractéristique après le retrait d’investisseurs
et en particulier l’homme, restée longtemps sans réponse, a sans doute rendu l’étude de américains. Mais les « Hoffman-
résistent-elles aux multiples celle de l’initiation de la réponse l’immunité innée plus facile », niens » sont persuadés que cette
attaques, infectieuses et autres, immunitaire, avant la phase note M. Dimarcq. approche finira par aboutir. 
dont elles font l’objet en perma- d’activation des lymphocytes T À Strasbourg, entre sablage de
nence ? Les travaux de Jules Hoff- ou la fabrication d’anticorps ». champagne et sollicitations mé- Sandrine Cabut et Hervé Morin
mann et de Bruce Beutler ont été Surtout, continue la chercheuse diatiques, Jean-Marc Reichhart, Le Monde daté du 05.10.2011
décisifs pour la compréhension
de l’immunologie « innée », c’est-
à-dire des tout premiers méca-
POURQUOI mann et Bruce Beutler ont fait a découvert chez l’homme les
nismes de défense de l’organisme. CET ARTICLE ? progresser les connaissances cellules dendritiques et leur
Le point commun de ces deux sur les mécanismes de l’immu- importance dans la coopéra-
chercheurs est d’avoir découvert Cet article détaille les décou- nité innée. Chez les insectes, où tion entre l’immunité innée et
des récepteurs qui interviennent vertes qu’a récompensées la seule existe la réponse immu- l’immunité adaptative. Enfin,
dans la reconnaissance comme plus haute distinction inter- nitaire innée, Jules Hoffmann l’article montre que la recherche
non-soi des germes pathogènes nationale dans le domaine de et son équipe ont découvert les comporte souvent une part non
(bactéries, champignons…) : Jules la médecine. En 2011, le prix récepteurs Toll capables de re- négligeable d’inconnu : Jules
Hoffmann chez les insectes, en Nobel de médecine fut décerné connaître les agents pathogènes. Hoffmann choisit de travailler
1996, et Bruce Beutler chez les conjointement à trois immu- Bruce Beutler a identifié chez sur l’immunité innée des in-
souris, en 1998. Le lien entre nologistes, un Français, Jules les mammifères des récepteurs sectes, sujet qui paraissait bien
l’insecte – en l’occurrence, la Hoffmann, un Américain, TLR (Toll Like Receptors) sem- peu porteur à l’époque et qui se
mouche drosophile –, la souris et Bruce Beutler et un Canadien, blables aux récepteurs Toll des révéla à l’origine d’un prix Nobel
l’homme a été rapidement établi Ralph Steinman. Jules Hoff- insectes. Enfin Ralph Steinman des années plus tard.
avec l’identification de récepteurs

70 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


LES ARTICLES DU

L’aspirine, un nouvel espoir contre le cancer


Le médicament réduit les risques de métastases et de décès, mais sa prescription
généralisée est encore prématurée.

D
evons-nous tous prendre Elles montrent aussi une dimi- mais soulignent le problème du deux, absents à court terme, se
de l’aspirine pour préve- nution du risque de cancer avec risque de saignement inhérent aux révèlent s’il est suivi sur le long
nir un cancer ? La ques- métastases. Les bénéfices sont effets de l’aspirine, qui fluidifie le terme ». Son équipe attend la pu-
tion est de nouveau posée après particulièrement évidents sur les sang. Un inconvénient qui tempère blication, l’an prochain, des résul-
la publication, mercredi 21 mars, adénocarcinomes, les tumeurs les les bénéfices de ce médicament. tats d’un vaste essai sur l’aspirine
sur le site de l’hebdomadaire mé- plus fréquentes. L’équipe de Peter Rothwell a en en prévention cardio-vasculaire,
dical britannique The Lancet, de La première étude regroupe les effet constaté que le risque hémor- la Women Health Study, pour tran-
trois nouvelles études, menées résultats de 51 essais dans lesquels ragique augmente au début des cher cette question. 
par l’équipe du professeur Peter les participants étaient répartis, de essais, même s’il diminue avec le
Rothwell. Elles montrent qu’une manière aléatoire, dans un groupe temps pour disparaître après trois Paul Benkimoun
prise quotidienne d’aspirine ré- avec aspirine ou un groupe sans ans de traitement. Le Monde daté du 28.03.2012
duit la mortalité et le risque de aspirine. Le risque de cancer est « Personne ne se hasardera à recom-
métastases. diminué de 15 % sous aspirine. La mander sur la seule base de ces
Fondateur de l’Unité de recherche réduction atteint 37 % avec une études la prise quotidienne d’aspi- POURQUOI
sur la prévention des accidents prise pendant cinq ans ou plus. Le rine en prévention du cancer », CET ARTICLE ?
vasculaires cérébraux à l’uni- bénéfice est déjà perceptible après affirment en chœur Anne-Odile
versité d’Oxford, Peter Rothwell trois ans de traitement : l’incidence Hueber, Fabio Calvo, directeur de L’aspirine n’a pas fini de
invite toutefois à la prudence : est alors réduite d’environ un quart. la recherche à l’Institut national du nous surprendre ! Utilisé
il est trop tôt pour conclure que « C’est énorme », reconnaît Anne- cancer (INCa), et Dominique Mara- comme anti-inflammatoire
tout le monde tirerait un béné- Odile Hueber (Institut national de nichi, ancien président de l’INCa. depuis l’Antiquité après

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fice d’une telle prophylaxie. Un la santé et de la recherche médicale, « Pour savoir à qui et à partir de avoir été extrait du saule,
l’aspirine a depuis présenté
avis qui rejoint celui, unanime, université de Nice), spécialiste du quel âge donner de l’aspirine,
d’autres indications théra-
d’autres spécialistes. cancer colorectal. soit en prévention de la survenue
peutiques. Il est souvent
Les chercheurs britanniques ont La deuxième étude démontre d’un cancer, soit pour éviter les dit que si l’aspirine était
rassemblé des données issues une réduction de 31 % du risque métastases ou une récidive, il proposée actuellement
d’essais destinés à l’origine à d’adénocarcinome déjà métastasé est indispensable de monter un pour une autorisation de
évaluer les bénéfices, sur le plan lors du diagnostic et de 55 % d’ap- essai clinique spécifique de grande mise sur le marché, celle-ci
cardio-vasculaire, d’une prise parition ultérieure de métastases. ampleur. Il appartient aux orga- lui serait refusée à cause
en continu d’aspirine. Cette mé- Dans le cas du cancer colorectal, le nismes publics comme l’INCa et des effets trop divers de
thode, si elle présente l’avantage risque de métastases ultérieures à ses homologues dans d’autres cette molécule. De plus,
d’autoriser facilement l’accès aux est même réduit de 74 %. pays de le mettre sur pied », estime l’article proposé présente
données de plusieurs dizaines de La prise quotidienne d’aspirine est M. Calvo. les résultats d’études met-
milliers d’individus, ne présente aussi associée à une diminution Les chercheurs doivent travail- tant en évidence le rôle
pas les mêmes garanties qu’une des décès dus au cancer chez les ler dans deux directions, selon de protection de l’aspirine
étude spécifiquement conçue personnes qui avaient développé Mme Hueber : « La première est contre les cancers. Ces ré-
d’élucider les mécanismes molé- sultats très prometteurs ne
pour étudier les bénéfices d’un un adénocarcinome, en particu-
sont néanmoins que préli-
médicament vis-à-vis du cancer. lier en l’absence de métastases culaires expliquant l’effet de l’aspi-
minaires. D’autres études
Dans une précédente étude, pu- lors du diagnostic (50 % de réduc- rine sur les cellules tumorales et
doivent être menées avant
bliée en décembre 2010, M. Ro- tion). « Ces résultats constituent les étapes initiales du développe- de formuler des recomman-
thwell et ses collègues avaient mis la première preuve chez l’homme ment d’un cancer. La seconde est dations thérapeutiques,
en évidence une réduction d’en- que l’aspirine prévient les métas- de mettre au point des aspirines étant donné le risque
viron 20 % du risque de décès par tases à distance des cancers », se hybrides, qui conserveraient les hémorragique important
cancer chez 25 000 participants réjouissent les auteurs des trois avantages en prévention du cancer, qui accompagne la prise
traités quotidiennement pendant études. sans les effets indésirables. » prolongée d’aspirine. La
quatre ans avec une faible dose Enfin, la troisième étude situe Un autre point est à éclaircir. découverte de l’origine de
(75 mg) d’aspirine. Elle atteignait la réduction du risque de cancer « Nous ne savons pas pourquoi cela la protection contre le can-
30 % à 40 % après cinq ans de ce colorectal aux alentours de 40 %. ne marche pas avec une prise cer que confère l’aspirine
traitement. Dans un commentaire qui accom- d’aspirine un jour sur deux », re- pourrait également ouvrir
Les trois nouvelles études confir- pagne les trois études du Lancet, marque M. Calvo. Peter Rothwell la voie à un nouveau champ
ment la réduction des décès et deux médecins de Harvard saluent ne serait pas surpris que « les effets thérapeutique dans la pré-
vention des cancers.
du risque de tumeurs malignes. ces résultats « incontestables », d’un traitement pris un jour sur

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 71


L’ESSENTIEL DU COURS

MOTS CLÉS
ANTICORPS
L’immunité adaptative,
Glycoprotéines synthétisées
par les plasmocytes que l’on
retrouve dans le plasma et dans
prolongement de
d’autres liquides biologiques.
Les anticorps sont aussi appelés
« immunoglobulines » car ils
l’immunité innée
L
sont retrouvés après électro-
phorèse dans des protéines du ’immunité innée est présente chez tous les êtres vivants.
sérum, dans les différentes frac-
tions (,  et ) des globulines.
Mais chez les vertébrés s’est développée une réponse im-
Chez l’homme, les anticorps munitaire plus spécifiquement dirigée contre le pathogène
ont pour forme un Y composé
de quatre chaînes peptidiques
et dotée d’une mémoire : l’immunité adaptative. Cette réponse
(deux chaînes lourdes iden- se met en place en parallèle de la réponse innée, avec quelques
tiques et deux chaînes légères jours de délai. Quelles en sont les caractéristiques ?
identiques). Chaque anticorps
possède deux sites de fixation La réponse immunitaire adaptative Les lymphocytes B (LB) portent à leur surface un
aux antigènes situés aux ex- Suite à la réaction inflammatoire, des cellules den- récepteur appelé « BCR » (B Cell Receptor), qui
trémités variables des chaînes dritiques phagocytent sur les sites de l’infection correspond à un anticorps membranaire. Tous les
légères et des chaînes lourdes. l’agent infectieux, dont les fragments protéiques anticorps membranaires d’un même LB ou d’un
On distingue cinq classes d’im- constituent des antigènes. Sur ces cellules den- même clone de LB sont identiques.
munoglobulines : IgG, IgM, IgA, dritiques, les antigènes sont exposés au sein de La reconnaissance spécifique entre un BCR et l’anti-
IgE et IgD, en fonction de la na- molécules spécifiques appelées « complexe majeur gène correspondant entraîne l’activation du LB. Les
ture de la région constante de la d’histocompatibilité » (CMH). Les cellules dendri- LT auxiliaires, présentant la même spécificité pour
chaîne lourde. La séropositivité tiques migrent vers des ganglions lymphatiques, l’antigène que les LB, sécrètent l’interleukine 2, qui

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
pour un antigène donné cor- où elles rencontrent de nombreux lymphocytes T stimule la prolifération clonale puis la différencia-
respond à la présence dans le (LT). Les LT expriment à leur surface des récepteurs T, tion de ces LB en plasmocytes sécréteurs d’anti-
sérum d’anticorps dirigés contre appelés « TCR » (T Cell Receptors), associés à d’autres corps. Les anticorps sécrétés par les plasmocytes
cet antigène et signe l'activa- molécules de surface comme CD4 ou CD8. Les issus d’un même clone de LB ont tous la même
tion du système immunitaire LT CD4 portent le récepteur CD4 et le TCR, qui est spécificité pour l’antigène.
en réponse à la présence d'un identique pour un même clone de LT CD4. Le TCR Un anticorps ne reconnaît qu’un seul type d’an-
antigène. des LT CD4 interagit avec le peptide antigénique tigène. L’anticorps possède, en effet, une partie
présenté par le CMH des cellules dendritiques. Cette constante et une partie variable, qui reconnaît l’anti-
ANTIGÈNE reconnaissance spécifique entraîne l’activation des gène. Les anticorps permettent la neutralisation de
Toute structure moléculaire LT CD4, qui sécrètent alors des cytokines, comme l’antigène. Ils sont produits en grande quantité par
pouvant être reconnue par un l’interleukine 2 (IL2). IL2 est un médiateur soluble les plasmocytes et se fixent sur les virus , sur des
récepteur de l’immunité adap- de communication qui induit la prolifération clonale antigènes solubles ou recouvrent des bactéries. Il y
tative, soit un anticorps, soit puis la différenciation des LT CD4 l’ayant secrétée a formation de complexes immuns. Cette fixation
un TCR (récepteur des LT), soit en lymphocytes T auxiliaires. Ainsi, les cellules empêche les virus d’infecter leurs cellules-cibles.
un BCR (récepteur des LB) et dendritiques sont des cellules présentatrices de La partie constante des anticorps est reconnue par
déclenchant ainsi une réponse l’antigène activant la formation de LT auxiliaires, des récepteurs membranaires des cellules phago-
immunitaire adaptative. dont la fonction est de sécréter des molécules cytaires, qui éliminent l’agent infectieux recouvert
activant les cellules immunitaires. d’anticorps par phagocytose. Ainsi, l’intervention
CELLULES des LB sécréteurs d’anticorps ou
PRÉSENTATRICES plasmocytes constitue l’immunité
D’ANTIGÈNE (CPAg) adaptative à médiation humo-
Les CPAg constituent une caté- rale, spécifique de l’antigène et
gorie de phagocytes capables qui nécessite l’intervention des LT
d’exprimer à leur surface des auxiliaires.
déterminants antigéniques liés Les cellules infectées par des virus,
à des protéines du complexe sont détruites par les lympho-
majeur d’histocompatibilité cytes T cytotoxiques (LTc). Dans
(CMH). Il s’agit, par exemple, les ganglions lymphatiques, des
des cellules dendritiques et des cellules présentatrices de l’anti-
macrophages. Ces cellules sont gène expriment au sein de leur
au cœur de la coopération entre CMH l’antigène, qui est reconnu
l’immunité innée et l’immunité spécifiquement par le TCR des
adaptative. LT, porteurs également du récep-
Chronologie de la réponse immunitaire

72 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


L’ESSENTIEL DU COURS

cellulaire, spécifique de l’antigène et nécessitant CHIFFRES


les LT auxiliaires.
Le VIH induit un syndrome d’immunodéficience CLÉS
acquise (sida) Le sida en France
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) Au total, en 2009, 83 000 per-
infecte et détruit différentes cellules, dont princi- sonnes ont développé un sida de-
palement les LT CD4. Le patient est dit séropositif puis le début de l’épidémie dans
pour le VIH quand il produit des anticorps anti-VIH. les années 1980, et 46 000 ma-
Pendant quelques années, le système immunitaire lades en sont décédés. En 2009,
fait diminuer le taux de virus dans le sang. Mais le 1 450 nouveaux cas de sida ont
VIH, toujours présent dans l’organisme, détruit les été déclarés.
LT CD4, désorganisant le système immunitaire. Le En 2009, on estime à environ
patient est dit « atteint du sida » quand il développe 152 000 le nombre total de per-
des maladies opportunistes, pouvant entraîner son sonnes infectées en France par
décès. Les trithérapies actuelles retardent l’évolu- le VIH, dont environ 50 000 ne
tion de la maladie mais n’éradiquent pas le VIH de connaîtraient pas leur séropo-
l’organisme. sitivité.
Environ 6 300 personnes ont
La maturation du système découvert leur séropositivité
immunitaire en 2010 : ce nombre est stable
Structure d’un anticorps
Tous les lymphocytes sont produits dans la moelle depuis quelques années. 30 %
osseuse, ils acquièrent leur des diagnostics de séropositi-
Contamination par immunocompétence dans le vité pour le VIH sont établis à un
le virus de la grippe thymus pour les LB, dans la stade tardif, alors que le taux de
moelle osseuse pour les LT. La LT CD4 est déjà faible. Le diagnos-
Réponse cellulaire grande diversité des récep- tic précoce ne concerne que 36 %
Réponse humorale Cellule teurs BCR des LB et TCR des LT, des séropositivités détectées.
dendritique
capable de reconnaître une
Anticorps CMH
ZOOM SUR…

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
membranaire
CMH multitude d’antigènes, est le
TcR
LB
LT LT
résultat aléatoire de méca-
Lymphocyte T
CD4 CD8 nismes génétiques complexes. La transmission du virus
LTaux
auxiliaire Puis, les LB et LT capables de du sida et la prévention
LT reconnaître les constituants de La transmission du sida a lieu :
auxiliaire
l’organisme et dits auto-réac- – lors de rapports sexuels (80 %
LB
CMH tifs, sont éliminés. À l’issue de des cas). Prévention par utilisa-
LT cette sélection négative, les LB
Cytokines cytotoxique
tion de préservatifs masculin ou
(IL.2) et LT sont dits naïfs : ils n’ont féminin ;
pas encore rencontré leur anti- – lors d’une contamination par le
CMH
gène. Ces lymphocytes migrent sang (transfusion sanguine, se-
Sécrétion
dans les organes lymphoïdes ringue contaminée). Prévention
Plasmocyte
d’Anticorps secondaires (comme les gan- par utilisation de matériel stérile
Cellule épithéliale infectée glions lymphatiques), où ils et à usage unique ;
Mort des cellules infectées sont susceptibles de rencontrer – de la femme enceinte à l’enfant,
(par apoptose ou par cytolyse) leur antigène. La maturation lors de la grossesse, à l’accouche-
du système immunitaire est ment ou lors de l’allaitement.
Neutralisation du virus
puis phagocytose donc le produit d’un équilibre Dans les pays industrialisés, les
des complexes immuns dynamique entre production traitements ont réduit presque
de cellules immunitaires et totalement le risque de la trans-
prolifération et différenciation antigène virus élimination des cellules immu- mission de la mère à l’enfant.
nitaires auto-réactives. Prévention par prise en charge
Lutte contre le virus de la grippe médicale pendant la grossesse,
teur CD8. Cette reconnaissance entraîne l’activation naissance par césarienne, utilisa-
des LT CD8, qui prolifèrent puis se différencient DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER tion exclusive de lait artificiel et
en LT cytotoxiques. Cette prolifération et cette traitement post-natal de l’enfant.
différenciation nécessitent la stimulation par • Cancers : cap sur l’immunothérapie p.76 De fausses croyances persistent
l’interleukine 2, secrétée par les LT auxiliaires acti- (Sandrine Cabut, Le Monde daté du 04.06.2014) sur la transmission du virus. Il
vés par le même antigène. Les LT cytotoxiques se ne peut pas se transmettre par
fixent par leur TCR à l’antigène présenté au sein du • Sida : la prévention en première ligne p. 77 la salive, la sueur, les larmes, les
CMH de la cellule infectée et libèrent des molécules (Paul Benkimoun, Le Monde Science et médecine piqûres d’insectes ou encore le
cytotoxiques la détruisant. Les LT cytotoxiques daté du 06.11.2014) toucher.
constituent l’immunité adaptative à médiation

Le maintient de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 73


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR…
LE COMPLEXE MAJEUR
D’HISTOCOMPATIBILITÉ
Partie 2.1 : Greffe de
Le complexe majeur d’histocom-
patibilité (CMH) est l’ensemble
de six gènes principaux (A, B, C,
DR, DQ, DP) situés, chez l’homme,
peau chez la souris
sur la paire de chromosomes 6
et codant des glycoprotéines L’intitulé complet du sujet gènes) appelées lignées A et lignées B. On observe
de surface qui interviennent On sait que les greffes de tissus ne sont possibles que :
dans le rejet de greffes et la que si le donneur et le receveur sont compatibles. – un greffon de peau issu d’une souris de lignée B im-
reconnaissance du soi modifié. On cherche à préciser les mécanismes immunitaires planté à une souris de lignée B est toujours accepté ;
Chez l’homme, le complexe impliqués dans le rejet d’une greffe de peau chez – un greffon de peau issu d’une souris de lignée A
majeur d’histocompatibilité est la souris. implanté à une souris de lignée B est parfaitement
appelé « système HLA » (Hu- Exploitez l’ensemble des résultats expérimentaux fonctionnel six jours après la greffe, mais totalement
man Leucocytes Antigens). Le proposés dans le document et montrez qu’ils sont détruit au bout de onze jours ;
complexe majeur d’histocom- en accord avec l’hypothèse selon laquelle le rejet – une souris de lignée B ayant précédemment rejeté
patibilité forme un ensemble de de greffe chez la souris repose sur des mécanismes un premier greffon issu d’une souris de lignée A
gènes très polymorphes de par d’immunité adaptative impliquant des effecteurs rejette un deuxième greffon de souris de lignée A
un nombre élevé d’allèles : le cellulaires. en six jours.
complexe majeur d’histocom- Des souris de lignée B sont dites “hyperimmunisées”
patibilité n’est jamais identique Le document lorsqu’on leur a greffé à trois reprises, à trois se-
chez deux individus (sauf chez Quelques résultats expérimentaux chez les souris maines d’intervalle, de la peau de souris de lignée A.
les vrais jumeaux). Des greffes de peau ont été réalisées chez des souris Les chercheurs prélèvent alors chez ces souris d’une
de lignées pures (homozygotes pour tous leurs part leur sérum (plasma sanguin) et d’autre part
LA GRANDE DIVERSITÉ
DES RÉCEPTEURS
DES CELLULES

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
IMMUNITAIRES
L’immunité adaptative génère,
tout au long de la vie, un très
grand nombre de récepteurs BCR
des lymphocytes B et TCR des
lymphocytes T. L’immensité des
répertoires B et T permet poten-
tiellement de faire face à une
multitude d’antigènes différents.
La spécificité des lymphocytes B
et lymphocytes T, fondée sur celle
des récepteurs qu’ils expriment,
est obtenue grâce à un réarrange-
ment au hasard de l’information
génétique : au cours de la ma-
turation des lymphocytes dans
la moelle osseuse (pour les LB)
et dans le thymus (pour les LT),
les gènes codant les récepteurs
sont construits par combinai-
son aléatoire de segments de
gènes présents dans les futurs
lymphocytes B et lymphocytes T.
Au cours de ce processus, les
lymphocytes perdent une partie
de leur génome. Les possibilités
de ces réarrangements sont esti-
mées à 1018, alors que seulement
1012 à 1015 lymphocytes sont pré-
sents ou produits dans le corps.
Ce réarrangement des gènes
s’amorce avant la naissance.

74 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


UN SUJET PAS À PAS

des cellules lymphoïdes dans les ganglions lympha-


tiques situés près du greffon. Des souris de lignée B
Expérience 2
Des souris BN reçoivent les cellules lymphoïdes vi-
ZOOM SUR…
sont dites “neuves” (notées BN) si elles n’ont subi vantes des souris de lignée B hyperimmunisées, puis LA GREFFE D’ORGANES
aucun traitement. » reçoivent trois jours plus tard une greffe de peau de La greffe ou transplantation
Expérience 1 souris de lignée A : le greffon est rejeté dès le sixième d’organes est le remplacement
Des souris de lignée B « neuves » (BN) reçoivent le jour. Les souris BN ayant reçu les cellules lymphoïdes d’un organe ou d’un tissu défec-
sérum des souris de lignée B hyperimmunisées, puis vivantes des souris de lignée B hyperimmunisées tueux par un organe ou un tissu
trois jours plus tard une greffe de peau de souris de réagissent à la greffe comme les souris de lignée B sain, appelé « greffon » et prove-
lignée A. Onze jours plus tard, le greffon est rejeté, hyperimmunisées, comme si elles avaient déjà été nant de la personne greffée ou
alors qu’il était entièrement fonctionnel jusqu’au en contact avec le greffon et l'avaient rejeté. d’un autre donneur. La greffe
sixième jour. De plus, la greffe des souris BN ayant reçu les cellules d’organes est parfois la seule
Expérience 2 lymphoïdes tuées des souris de lignée B hyperim- issue thérapeutique lorsque les
D’autres souris BN reçoivent des injections au jour 1, munisées entraîne un greffon encore fonctionnel organes vitaux sont atteints de
une greffe de peau issue d’une souris de lignée A au au sixième jour. Les cellules lymphoïdes injectées manière irréversible.
jour 3. L’état du greffon est observé au jour 6. Les doivent donc être vivantes pour entraîner le rejet En 2011, en France, 40 000 per-
résultats sont les suivants : du greffon au sixième jour. sonnes vivent avec un greffon
fonctionnel. 4 945 personnes ont
Greffe été greffées en 2011 : le rein est
Infection au jour 1 Résultat au jour 6 la greffe la plus courante (60 %),
au jour 3 suivie de celle du foie (26 %), du
de cellules lymphoïdes vivantes de souris peau de souris la majorité des greffons sont détruits ou cœur (8 %), puis du poumon et
de lignée B hyperimmunisées de lignée A présentent des nécroses partielles du pancréas. De 1991 à 2011, le
nombre de greffes a augmenté
de cellules lymphoïdes tuées de souris de peau de souris les greffons sont toujours fonctionnels de 41 % mais cette augmentation
de lignée B hyperimmunisées de lignée A ne suffit pas à résorber l’attente :
16 371 patients étaient en at-
de cellules lymphoïdes vivantes de souris peau de souris les greffons sont toujours fonctionnels tente d’un greffon en 2011, soit
de lignée B non immunisées de lignée A presque le double par rapport

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à 1997.
Enfin, la greffe des souris BN ayant reçu les cellules Le greffon étranger à l’organisme
Ce qu’il ne faut pas faire lymphoïdes vivantes des souris de lignée B non peut déclencher une réaction
• Se contenter de saisir les données du document immunisées entraîne un greffon encore fonctionnel immunitaire de rejet. Le rejet
sans montrer comment les résultats expérimen- au sixième jour. Pour entraîner un rejet précoce du peut être aigu, ou chronique, en-
taux permettent de valider l’hypothèse formulée greffon, les cellules lymphoïdes injectées vivantes traînant, à terme, la destruction
par l’énoncé. doivent provenir de souris hyperimmunisées. du greffon ou une perte de sa
Ainsi, les cellules lymphoïdes contenues dans les fonctionnalité. Les traitements
ganglions lymphatiques des souris sont respon- immunosuppresseurs ont pro-
Proposition de corrigé sables du phénomène de rejet lors des greffes entre gressé ces dernières années, mais
Une greffe de peau entre une souris donneuse et une donneur et receveur non compatibles. La réponse ils s'accompagnent d'un risque
souris receveuse appartenant à une même lignée immunitaire est d’autant plus rapide que le receveur accru d’infections et de tumeurs
homozygote n’est jamais rejetée : les deux souris a déjà été en contact avec l’antigène : cela justifie chez le patient. Les recherches
sont donc compatibles. donc le caractère adaptatif de cette réponse immu- se poursuivent pour augmenter
Une greffe de peau d’une souris donneuse de la nitaire.  la tolérance du système immu-
lignée A à une souris receveuse de la lignée B est nitaire pour le greffon, tout en
fonctionnelle au sixième jour mais est rejetée au conservant une réactivité vis-
onzième jour : les souris ne sont pas compatibles. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC à-vis des autres antigènes.
La greffe de peau d’une souris donneuse de la SUR CE THÈME
lignée A à une souris receveuse de la lignée B qui a LES MALADIES
déjà rejeté un premier greffon issu de A est rejetée Maîtrise des connaissances : AUTO-IMMUNES
beaucoup plus rapidement, en six jours. question de synthèse Les maladies auto-immunes sont
Expérience 1 – Présenter les réactions immunitaires de l’immu- dues à l’attaque et à la destruc-
Des souris de lignée B « neuves » (souris NB) n’ayant nité adaptive en s'appuyant sur l’exemple d’une in- tion des cellules de l’individu
reçu aucun traitement au préalable reçoivent le fection virale, la grippe. par son propre système immu-
sérum des souris de lignée B hyperimmunisées, – Présenter le recrutement des LB et leur fonction nitaire. Par exemple, le diabète
puis reçoivent trois jours plus tard une greffe de dans l’élimination des agents pathogènes. juvénile ou insulino-dépendant
peau de souris de lignée A : la greffe n’est rejetée – Présenter le recrutement des LT cytotoxiques et est dû à l’attaque des cellules du
qu’au onzième jour. Les molécules contenues dans leur fonction dans l’élimination des cellules infec- pancréas responsables de la syn-
le sérum des souris de lignée B hyperimmunisées tées par des virus. thèse d’insuline ; la sclérose en
ne permettent pas un rejet précoce de la greffe au – En s'appuyant sur l’exemple du sida, montrer le plaques correspond à l’attaque
sixième jour chez les souris NB, comme il est observé rôle central des LT auxiliaires dans la réponse im- de la gaine de myéline entourant
chez les souris de lignée B hyperimmunisées. munitaire adaptative. les cellules nerveuses.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 75


LES ARTICLES DU

Cancers : cap sur l’immunothérapie


Le congrès de l’Association américaine d’oncologie clinique à Chicago a permis de
mesurer les progrès récents d’une stratégie thérapeutique imaginée il y a plus d’un
siècle : mobiliser nos cellules immunitaires pour combattre la maladie.

D
’abord, un cocorico : parmi vait sembler modeste et la toxi- une proportion plus importante Plusieurs de ces molécules devraient
les 5 000 communications cité importante (réactions auto- de patients, font l’objet d’essais rapidement obtenir une autorisa-
présentées au congrès immunes notamment digestives, dans de multiples indications. tion de mise sur le marché, mais
annuel de l’Association américaine sévères, voire mortelles), mais les Il en va ainsi des anticorps anti beaucoup de questions restent en
d’oncologie clinique (American résultats étaient inédits. Certains PD-1 (pour programmed death suspens. Pour l’heure, il n’existe
Society of Clinical Oncology ; ASCO), de ces patients sont d’ailleurs tou- ou « mort programmée ») et anti pas de biomarqueur idéal pour pré-
qui s’est tenu à Chicago (Illinois) du jours en rémission complète avec, PDL-1, que développent plusieurs dire leur efficacité chez un malade
30 mai au 3 juin, près de 10 % ont jusqu’à dix ans de recul, même si laboratoires. « Agir au niveau des donné. Reste aussi à déterminer
au moins un auteur français. Un leurs médecins sont réticents à récepteurs CTLA-4, c’est comme les meilleures combinaisons thé-
score en nette hausse par rapport prononcer le mot de « guérison ». activer de jeunes soldats qui vont rapeutiques, la durée optimale du
à 2013, et qui place la France au Désormais commercialisé sous courir partout, mais de façon un traitement. Sans compter les enjeux
premier rang des pays européens le nom de Yervoy (laboratoires peu désordonnée, alors que viser économiques : l’imilimumab coûte
présents, se réjouit l’Institut natio- Bristol-Myers-Squibb) pour les récepteurs PD-1 permet de réveil- environ 80 000 euros pour quatre
nal du cancer (INCa). le traitement des mélanomes ler les lymphocytes plus spécifi- injections.
Ensuite, une bouffée d’oxygène métastatiques, l’ipilimumab agit quement sur le site de la tumeur, L’immunothérapie anticancer peut
pour les chercheurs et surtout pour en bloquant un récepteur des explique le docteur Caroline Robert aussi faire appel à diverses ap-
les patients. De nombreuses études lymphocytes T appelé « CTLA- (IGR), qui a participé à plusieurs proches de thérapie cellulaire, réali-
présentées à cette 50e édition de 4 », récepteur qui joue un rôle de essais sur les mélanomes. Les anti sées à façon. Une équipe américaine
l’ASCO confirment que l’immu- frein du système immunitaire. En PD-1 agissent plus rapidement, et a ainsi présenté à l’ASCO une straté-
nothérapie est bien une nouvelle neutralisant ce frein, l’ipilimumab de façon plus ciblée que l’ipilimu- gie originale pour traiter des cancers
arme thérapeutique contre les libère en quelque sorte les défenses mab, ce qui explique leur meilleure du col utérin métastasés, consécutifs

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
cancers. Cette approche permet de l’organisme contre la tumeur. tolérance. » à une infection à papillomavirus
même, dans certains cas, d’avoir Pour savoir s’il serait utile de le Ainsi, le nivolumab (anti PD-1 du (HPV). Pour chacune des neuf pa-
des espoirs de guérison pour des prescrire à un stade moins avancé laboratoire BMS) obtient, seul ou tientes, les chercheurs ont prélevé
tumeurs métastatiques, notam- de la maladie, l’équipe du profes- en association avec l’ipilimumab, un échantillon tumoral, isolé des
ment les mélanomes. seur Alexander Eggermont (Insti- des résultats encourageants dans lymphocytes T qu’ils ont fait proli-
Alors que les traitements anti- tut Gustave-Roussy ; IGR) a mené les mélanomes, mais aussi dans férer en présence d’antigène d’HPV
cancéreux classiques cherchent à une étude chez 951 patients ayant d’autres cancers en phase avancée, avant de les réinjecter. Une rémis-
détruire les cellules malignes, l’im- un mélanome sans métastases, notamment du rein et du poumon. sion complète a été obtenue chez
munothérapie consiste à mobiliser mais à haut risque de rechute. Les Un autre anti-PD1 (MK 3475 ou deux femmes (avec un recul de onze
nos propres cellules de défense résultats, présentés lundi 2 juin, pembrolizumab, Merck) s’est, lui, et dix-huit mois), et une réponse
pour faire ce travail. Les cellules confirment que cette immunothé- montré très efficace lors d’ un essai partielle chez une troisième, au prix
cancéreuses ont en effet acquis rapie réduit le risque de récidive chez plus de 400 patients atteints d’effets secondaires parfois sévères.
la fâcheuse capacité d’échapper d’environ 25 % avec trois ans de de mélanomes métastatiques, dont L’étude doit se poursuivre avec de
au contrôle des lymphocytes T, recul. Mais le traitement a été mal la moitié n’avait pas eu d’amé- nouveaux patients, atteints d’un
chargés d’éliminer les éléments toléré : plus d’un malade sur deux lioration avec l’ipilimumab. Une cancer du col utérin ou d’autres tu-
étrangers de notre organisme. l’a interrompu en raison d’effets régression tumorale a été obtenue meurs liées à une infection par HPV,
L’idée de l’immunothérapie date de indésirables, et cinq sont décédés. chez un malade sur trois, avec au niveau de la gorge ou de l’anus.
plus d’un siècle, mais les multiples D’autres anticorps monoclonaux, un effet durable dans le temps et
tentatives (vaccins, médicaments, semble-t-il bien moins toxiques « seulement » 12 % d’effets indési- Sandrine Cabut
tels l’interféron) se sont longtemps que l’ipilimumab et efficaces chez rables graves. Le Monde daté du 04.06.2014
révélées décevantes. Aujourd’hui,
les succès se multiplient avec
des stratégies plus modernes :
anticorps d’action ciblée, nou- POURQUOI CET ARTICLE ? cellules cancéreuses en les expo- sont à l’essai. Cet article détaille
veaux vaccins et même thérapies sant à des radiations, et, enfin, les différentes stratégies en
cellulaires. l’immunothérapie. cours d’étude en immunothé-
La donne a commencé à changer Plusieurs stratégies thérapeu- L’immunothérapie vise à utiliser rapie : certaines d'entre elles
en 2010 avec un anticorps mono- tiques existent pour lutter le système immunitaire du pa- semblent particulièrement pro-
clonal, l’ipilimumab, qui, pour la contre les cancers : la chirurgie, tient pour qu’il élimine lui-même metteuses. La progression des
première fois, a permis de prolon- qui consiste à éliminer phy- les cellules tumorales. connaissances des mécanismes
siquement les tumeurs et les Le concept de l’immunothérapie cancéreux d’une part, et des méca-
ger la survie de patients atteints
métastases ; la chimiothérapie, est ancien mais n’a pas encore nismes immunitaires d’autre part
de mélanomes métastatiques,
qui tue les cellules cancéreuses totalement prouvé son efficacité devrait permettre d’améliorer
des tumeurs quasi insensibles
avec des molécules cytotoxiques ; thérapeutique. Actuellement, cer- l’approche immunothérapique
à la chimiothérapie. Le taux de
la radiothérapie, qui détruit les tains traitements intéressants du traitement des cancers.
réponse obtenu (une activité chez
environ un malade sur cinq) pou-

76 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


LES ARTICLES DU

Sida :
la prévention en première ligne
Plusieurs stratégies visant à empêcher l’infection par le VIH sont en cours d’évalua-
tion. Une conférence internationale en Afrique du Sud vient d’en présenter les résul-
tats encourageants.

C
’est un retour en force. Dans la et ceux de l’essai français Ipergay, que la diversité des attitudes sur Un essai comprenant 250 par-
lutte contre le sida, l’accent a tombés le 29 octobre à la surprise l’information du partenaire. ticipants devrait démarrer l’an
été mis ces dernières années des congressistes (Le Monde du Plusieurs essais en cours évaluent prochain, en attendant une étude
sur les avancées des traitements 31 octobre), ont apporté des argu- l’efficacité (phase 3) de microbi- destinée cette fois à juger l’effica-
permettant de contrôler chez un ments de poids en faveur de cette cides. Les deux essais Aspire et cité de cette vaccination sur plus
individu l’infection par le VIH. Cette option. La protection observée The Ring Study portent sur une de 5 000 personnes, programmée
fois, la prévention occupe le devant chez les participants prenant le autre molécule antirétrovirale, la pour 2016. L’idée est d’élargir le
de la scène, comme l’a confirmé traitement était suffisamment dapivirine, qui, elle, est délivrée spectre du candidat vaccin utilisé
la conférence HIV R4P pour élevée pour en faire bénéficier progressivement par un anneau en Thaïlande afin que la réponse
«  HIV Research for Prevention » toutes les personnes enrôlées vaginal. Cumulées, les deux études immunitaire soit plus durable et
(«  Recherche pour la prévention dans les deux essais. Comme l’a incluent quelque 4  500 partici- couvre plusieurs variétés de VIH.
du VIH »). Première du genre, elle résumé Jared Baeten (université pantes. La piste de l’anneau vaginal D’autres travaux vaccinaux dé-
s’est tenue dans la ville du Cap, de Washington) à propos de ces fait envisager des possibilités de coulent des connaissances très ré-
avec 1 300 participants venus de 48 médicaments : «  Quand ils sont combiner plusieurs produits, dans cemment acquises sur la structure
pays. Si les moyens préventifs clas- bien pris, ils marchent bien. Il y ce qu’il est convenu d’appeler les du VIH, et notamment de la protéine
siques, comme le préservatif, font a des risques à appliquer la PrEP, « technologies à multi-objectifs » : Env qui l’enveloppe. C’est avec cette
toujours partie de la panoplie, des mais le plus grand risque serait de association d’un microbicide et dernière qu’interagissent des anti-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
recherches foisonnantes préparent ne pas le faire. » d’un contraceptif ou d’un traite- corps dits « neutralisants » capables
de nouveau outils. L’autre grand domaine source ment hormonal de la ménopause… d’empêcher le virus d’infecter des
Au côté d’un vaccin efficace, qui d’optimisme est celui des microbi- Des nouvelles encourageantes cellules. L’approche vaccinale dans
demeure un objectif à long terme cides, où le produit actif contre le sont aussi venues du champ de la ce cas consiste à chercher à induire
face à une épidémie qui depuis virus est délivré localement dans recherche vaccinale. Une version la production d’anticorps neutrali-
plus de trente ans a fait 39 millions le vagin. Après plusieurs années modifiée du vaccin RV144 qui, sants à large spectre dont l’efficacité
de morts, la palette des interven- de déception, l’essai sud-africain renforcé par l’injection d’une se maintiendrait malgré les muta-
tions préventives est la meilleure Caprisa-04 avait démontré en protéine du VIH, avait montré tions génétiques du virus. Comme
arme contre ce virus (plus de 2010 qu’un gel contenant 1 % de des résultats d’efficacité modeste l’a souligné, lors de la conférence,
35 millions de personnes en sont l’antirétroviral ténofovir réduisait (31,2 %) en 2009 à l’issue d’un Lynn Morris (université du Witwa-
porteuses, et il a été transmis à de 39 % le risque pour la femme essai en Thaïlande, a commencé à tersrand, Johannesburg), cette dé-
2,1 millions d’individus en 2013). de contracter le VIH et même de être testée en Afrique du Sud. Une marche nécessitera sans doute des
Il est établi qu’un traitement 51 % celui de contracter le virus de première phase de cet essai diri- vaccinations additionnelles pour
continu par des antirétroviraux l’herpès. Evoqué lors de la confé- gée par Glenda Gray (université renforcer la protection.
chez une personne vivant avec le rence, le suivi des participantes du Witwatersrand, Johannesburg)
VIH élimine presque totalement permet de mieux cerner les fac- chez 100 volontaires sains n’a pas Paul Benkimoun
le risque de transmission du virus. teurs influençant la manière dont montré de problème de sécurité (Le Cap, Afrique du Sud)
Ce constat sous-tend la logique du les femmes s’approprient ou non et a mis en évidence une « solide Le Monde Science et médecine daté
traitement utilisé comme moyen ce moyen de prévention, ainsi réponse immunitaire ». du 06.11.2014
de prévention de la transmission
(TASP, pour treatment as preven-
tion), qui consiste à traiter sans POURQUOI CET ARTICLE ? demeure le seul moyen efficace recherches se poursuivent pour
délai une personne séropositive, d'empêcher l’infection, l’article mettre au point un vaccin suffi-
quel que soit le niveau de ses Depuis plusieurs années, l’amélio- fait le point sur d’autres traite- samment efficace contre le VIH,
défenses immunitaires. Mais ration des traitements antiviraux ments préventifs en cours d’éva- dont l’élaboration est rendue
une autre approche a marqué permet, chez les individus infectés luation clinique, comme la prise difficile par les caractéristiques
la conférence, celle de la pro- par le VIH, de réduire fortement d’antiviraux par les séronégatifs même du virus. Certaines données
phylaxie pré-exposition (PrEP), la charge virale et d’éviter le ou l'utilisation de microbicides récentes sur le VIH, issues de
où une personne séronégative, développement du SIDA. Pour la vaginaux à base d’antiviraux. la recherche fondamentale,
exposée au VIH par des rapports première fois en 2014 s’est tenue Les résultats des études cliniques permettent d’espérer la découverte
sexuels à risque, prend des anti- une conférence internationale de ces méthodes préventives sont de nouvelles pistes d’élaboration
rétroviraux. Coup sur coup, les consacrée exclusivement à la pré- encourageants, mais doivent d’un vaccin anti-VIH qui se fait
résultats intermédiaires de l’essai vention du VIH. Si le préservatif encore être confortés. Enfin, les toujours attendre.
britannique Proud, le 16 octobre,

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 77


L’ESSENTIEL DU COURS

ZOOM SUR…
LA DISPARITION
Le phénotype
DES MALADIES
De nouvelles maladies appa-
raissent (sida, etc.), certaines
immunitaire au cours
disparaissent, avec ou sans vacci-
nation. La peste, à l’origine d’épi-
démies meurtrières au Moyen
de la vie
L
Âge en Europe, a disparu au
XVIIIe siècle car les individus pré- e phénotype immunitaire d’un individu est sa capacité à
sentant une meilleure réponse
immunitaire contre la peste ont
répondre aux agents infectieux qu’il rencontre. Or, cette
été sélectionnés d'un point de capacité de réponse n’est pas figée dans le temps mais
vue évolutif. En octobre 1977,
l’Organisation mondiale de la
évolue au cours de la vie : certaines maladies ne peuvent pas
santé (OMS) a déclaré totalement être contractées deux fois et la vaccination confère une protec-
éradiquée une maladie virale tion contre des infections. Comment expliquer l’évolution du
très contagieuse : la variole ou
« petite vérole ». Cette éradica- phénotype immunitaire au cours de la vie ?
tion est le résultat de campagnes
de vaccination massive mises en Le début de la vaccination Le principe de la vaccination
œuvre à partir des années 1960 Les mécanismes de la réaction inflammatoire et La première rencontre du système immunitaire avec
sur tous les continents. de la mémoire du système immunitaire ne sont un agent pathogène déclenche une réponse immu-
Actuellement, seuls quelques la- connus que depuis le XXe siècle, mais la réaction nitaire dite « primaire » qui consiste en la mise en
boratoires au monde sont autori- de l’organisme contre les pathogènes avait déjà place de cellules effectrices (plasmocytes sécréteurs
sés à conserver des échantillons été observée et étudiée de façon empirique. d’anticorps, lymphocytes T auxiliaires, lymphocytes T
du virus de la variole. Cette Depuis l’Antiquité, on a remarqué que les sur- cytotoxiques) spécifiques de cet agent. Lors d’un

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
conservation fait débat au sein vivants d’une épidémie pouvaient être protégés contact ultérieur avec le même agent infectieux, la
de la communauté scientifique : contre l’épidémie suivante de la même maladie. réponse immunitaire dite « secondaire » est plus
quel est l’intérêt de conserver Guérir d’une maladie permet donc d’être protégé rapide et quantitativement plus importante. En effet,
ce virus particulièrement dan- contre celle-ci des années durant. Cependant, la réaction immunitaire primaire s’accompagne de
gereux pour les populations cette constatation empirique est loin d’être sys- la formation de cellules immunitaires mémoires à
actuelles qui n’y ont jamais été tématique : ainsi, on peut à nouveau être atteint longue durée de vie : il s’agit des lymphocytes T et B
exposées ? par le rhume, alors qu’on en avait guéri l’année mémoires et des plasmocytes mémoires.. Les études
précédente. Pourquoi existe-t-il une mémoire ont montré que certaines cellules immunitaires,
LE VACCIN DE PASTEUR immunitaire contre certaines maladies mais pas dont certains lymphocytes B et T, peuvent vivre très
CONTRE LA RAGE contre d’autres ? La lutte contre la variole permit longtemps, au moins une dizaine d’années, dans
En 1885, un enfant, Joseph Meis- de répondre à cette question. Avant le XVIIe siècle, l’organisme. Ainsi, lors d’un contact ultérieur avec
ter, âgé de 9 ans, fut mordu par les médecins pratiquaient la variolisation, qui l’agent infectieux, les LT et LB mémoires réagissent
un chien enragé : il consulta consistait à inoculer à des patients sains de beaucoup plus vite à l’agent infectieux en proliférant
rapidement Louis Pasteur, bien vieilles pustules desséchées de varioleux. Cette et en se différenciant beaucoup plus rapidement
avant que sa rage soit déclarée. pratique présentait un risque mais permettait une que les LT et LB naïfs, qui n’ont jamais été activés
Pendant une dizaine de jours, bonne protection contre une épidémie de cette par l’agent infectieux. L’existence de cette réaction
Pasteur lui inocula une sus- maladie mortelle. Un médecin anglais, Edward secondaire intense et rapide nécessite que les LT et
pension de moelle osseuse de Jenner, a constaté que les paysans au contact LB mémoires réagissent à des antigènes proches de
lapin mort de la rage et Joseph des vaches contractaient une maladie bovine ceux les ayant activés la première fois.
Meister ne développa pas cette proche de la variole : la vaccine, qui les protégeait Le principe du vaccin utilise cette mémoire immuni-
maladie mortelle. Les injections contre les épidémies de variole. En 1796, Jenner taire : le patient est exposé à un pathogène modifié et
ont permis à son système im- eut l’idée (selon un protocole que l’éthique mé- non dangereux (pathogène tué, inactivé ou morceau
munitaire de développer une dicale réprouverait aujourd’hui) d’injecter à un de pathogène) mais immunogène, c’est-à-dire en-
réponse immunitaire primaire jeune garçon des extraits de pustules, prélevés traînant une réaction immunitaire suffisante pour
avant que se développe le virus. sur une jeune vachère atteinte par la vaccine. Il former des LB et des LT mémoires.
Puis, la réponse immunitaire inocula ensuite la variole au jeune garçon, qui ne Il est souvent nécessaire d’effectuer des rappels de vac-
secondaire a permis à l’enfant de contracta pas la maladie. Cette découverte à l’orée cination pour entretenir cette mémoire immunitaire.
lutter contre le virus contracté du XIXe siècle ouvrit la porte à ce qui fut appelée Ainsi, par la vaccination, le patient qui n’a pas déve-
lors de la morsure. Par la suite, la vaccination. Les travaux de Louis Pasteur sur loppé la maladie causée par l’agent infectieux possède
Pasteur fit même une injection le choléra des poules et sur la rage ont confirmé la un phénotype immunitaire qui lui permet lors d’un
de l’agent responsable de la rage protection que l’injection d’un agent ressemblant contact ultérieur avec l’agent infectieux de déclencher
à l’enfant pour prouver la protec- à l’agent pathogène confère à l’organisme contre une réponse immunitaire secondaire, suffisament
tion conférée par la vaccination. ce même agent pathogène. rapide et intense, pour lui éviter de tomber malade.

78 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


L’ESSENTIEL DU COURS

DATES CLÉS
taux plasmatique d’anticorps
L’immunologie
réponse secondaire 1796 : Jenner pratique les premières
vaccinations contre la variole avec
réponse primaire la vaccine bovine.
1878 : mise au point par Pasteur
anticorps anti-A de la vaccination avec des agents
délai délai pathogènes.
1882 : découverte de la phagocytose
par Metchnikoff.
1890 : isolement des anticorps par
von Behring et Kitasato.
1980 : identification des gènes co-
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
dants pour les LCR des LT et BCR
temps (en jours) des LB.
premier contact second contact avec l’antigène A 1983 : identification du VIH par
avec l’antigène A l’équipe de Montagnier.
2011 : prix Nobel de Médecine
Réponses primaire et secondaire du système immunitaire décerné à Hoffmann, Beutler et
Ainsi l’adjuvant du vaccin déclenche la réaction Steinmann pour leurs travaux sur
L’adjuvant, déclencheur innée indispensable à l’installation de la réaction l’immunité innée (récepteurs Toll
de la réaction innée, indispensable immunitaire adaptative, dont l’intensité est accrue. et TLR, cellules dendritiques).
à la réaction adaptative Le rôle des adjuvants présents dans les vaccins sou-
De nombreux vaccins contiennent, en plus de l’agent
vaccinant, un adjuvant. L’adjuvant est une substance
ligne l’importance de la coopération entre l’immu-
nité innée et l’immunité acquise.
REPÈRE
(comme les sels d’aluminium ou le squalène) qui Les vaccinations
déclenche une réaction immunitaire innée, c’est-à- La vaccination et la santé publique • Diphtérie, tétanos, coqueluche,

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
dire une réaction inflammatoire. La vaccination a pour objectif une protection indi- poliomyélite (vaccination obliga-
Cette réaction inflammatoire, due à la présence de viduelle, mais aussi une protection collective, et toire) : 3 injections à 2, 3 et 4 mois,
l’adjuvant, stimule l’activation des cellules den- elle peut permettre une éradication du pathogène, à puis 4 rappels avant 18 ans. Rappels
dritiques, qui phagocytent l’agent vaccinant et le condition que l’homme soit le seul hôte de cet agent tous les dix ans chez l’adulte.
dégradent en antigène. Ces cellules dendritiques pathogène. C’est le cas en particulier de la variole, • Rougeole, oreillons, rubéole :
migrent vers les ganglions lymphatiques et pré- éradiquée sur tous les continents depuis 1979. 1 injection à 12 mois, puis une 2e
sentent l’antigène exposé au sein de leur CMH aux La couverture vaccinale d’une population repré- entre 13 et 24 mois.
lymphocytes T CD4. Ces LT CD4 activés par l’anti- sente le pourcentage de la population vaccinée. On • Hépatite B : 3 injections à 2, 4 et
gène deviennent des LT auxiliaires qui stimulent considère qu’il faut environ une couverture vacci- 16-18 mois.
la différenciation des LB en plasmocytes sécréteurs nale de 95 % pour qu’une maladie soit absente de la • Tuberculose : vaccination non
d’anticorps et la différenciation des LT CD8 en LT population. La vaccination constitue donc un véri- obligatoire pour l’entrée en col-
cytotoxiques. table enjeu de santé publique.  lectivité depuis 2007 mais recom-
mandée pour les enfants à risque
Injection du vaccin
élevé de tuberculose (Île-de-France,
Guyane, Mayotte, antécédents fa-
miliaux de tuberculose, etc.) : injec-
LT et LB spécifiques de l’antigène
tion dès la naissance et injections
Sélection clonale,
amplification et différenciation supplémentaires entre 3 et 11 mois,
et après 12 mois si nécessaire.
LTaux et LTc LB et LT mémoire Plasmocytes Plasmocytes mémoire • Grippe saisonnière : vaccination
recommandée à partir de 65 ans,
aux femmes enceintes, aux per-
Mémoire immunitaire sonnes avec diverses pathologies
(dont l’obésité) : une injection tous
les ans.
Protection de l’individu grâce à la vaccination • De nombreuses autres vaccina-
tions existent (coqueluche, vari-
Vaccin et mémoire immunitaire celle, hépatite A, papillomavirus
humain, pneumocoque, ménin-
DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER gocoque, etc.) La vaccination est
à adapter à chaque individu en
• Une étude rassure sur les risques du Gardasil p. 81-82 (Sandrine Cabut, Le Monde daté du 15.09.2015) fonction de son lieu de vie, de son
• Les nouvelles voies p. 82 (Sandrine Cabut, Le Monde Science et médecine daté du 01.07.2015) mode de vie et de son état de santé.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 79


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR…
VACCIN ANTI-VIH :
Partie 2.1 :
Diagnostic immunitaire
DES PISTES, MAIS
UN VACCIN EFFICACE
TOUJOURS ATTENDU
L’isolement du VIH en 1983 avait
ouvert la perspective de l’obten-
tion rapide d’un vaccin. Mais
l’extrême variabilité du VIH a
jusqu’à maintenant rendu diffi-
chez un enfant
cile la mise au point d’un vaccin. L’intitulé complet du sujet spécifiques dirigés soit contre l’anatoxine diphtérique
Les traitements antirétroviraux Entre 3 et 18 mois, un enfant a été admis de très (vaccination contre la diphtérie), soit contre l’anatoxine
(comme le Truvada) ont récem- nombreuses fois à l’hôpital pour diverses infections tétanique (vaccination contre le tétanos), soit contre le
ment montré qu’ils réduisaient le bactériennes graves. II a reçu tous les vaccins (tétanos, virus de la rougeole (vaccination contre la rougeole).
risque de transmission du VIH par diphtérie, rougeole, etc.) prévus à l’âge de 2, 3 et 4 mois. La vaccination n’a pas entraîné l’apparition d’anticorps
voie sexuelle, mais à la condition Des analyses ont été réalisées et ont permis de déter- dirigés spécifiquement contre les antigènes contenus
d’être pris quotidiennement. En miner qu’il était atteint d’une maladie héréditaire (la dans les vaccins comme cela aurait dû être le cas. La
2009, des essais cliniques d'un maladie de Bruton). Exploitez les informations saisies vaccination n’a donc pas été effective et elle n’a pas pu
vaccin anti-VIH ont montré une dans le document proposé afin d’expliquer pourquoi conférer de protection.
efficacité partielle (31 %) mais l’organisme de cet enfant est incapable de lutter contre Le taux d’immunoglobulines G de l’enfant est très
intéressante. Les chercheurs les infections bactériennes. faible (0,17 g.L-1 alors que le taux normal est de 5,5
progressent actuellement dans à 10,0 g.L-1) et les immunoglobulines A ne sont pas
l’explication de ces résultats et Le document détectées (leur taux normal est de 0,3 à 0,8 g.L-1). Cet
espèrent pouvoir améliorer l’effi- Résultats des examens de laboratoire ayant permis enfant produit donc très peu d’immunoglobulines,
cacité de ce vaccin. Actuellement, le diagnostic ce qui explique ses graves infections microbiennes
aux États-Unis, l’efficacité d’un répétées et l’inefficacité de la vaccination.
Dosage des anticorps** spécifiques
autre vaccin ayant montré son Vaccins reçus en réponse aux vaccinations
Enfin, l’étude des populations lym-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
innocuité est en cours d’étude Pas d’anticorps spécifiques
phocytaires de l’enfant montre que
chez l’homme. Anatoxine* tétanique détectés le nombre de lymphocytes totaux est
Anatoxine diphtérique Pas d’anticorps spécifiques normal chez cet enfant (3,05.107 L-1 pour
CANCERS ET détectés
un taux normal de 2,5.107 L-1 à 5.107  L-1).
Pas d’anticorps spécifiques
IMMUNOTHÉRAPIE Virus de la rougeole détectés Mais si le taux de LT est dans la norme
L’immunothérapie passive Dosage des immunoglobulines** Valeurs normales (3,02.107.L-1 pour un taux normal de
du sérum chez le patient pour l’âge de 18 mois
consiste à administrer au ma- 1,5.107  L-1 à 3,0.107  L-1), le taux de LB de
lade des anticorps artificiels dits Immunoglobulines G 0,17 g.L-1 5,5 à 10,0 g.L-1 0,03.107.L-1 est très faible, représentant
« monoclonaux », ayant une cible environ un tiers de la valeur minimale.
moléculaire précise à la surface Immunoglobulines A Non détectées 0,3 à 0,8 g.L-1 Ainsi cet enfant présente une anomalie
des cellules cancéreuses dans Sous-population lymphocytaire Valeurs normales
importante du nombre de LB. Son très
l’objectif de détruire ces der- du sang pour l’âge de 18 mois faible taux de LB ne lui permet pas de
nières. Des anticorps contre des produire assez d’anticorps pour lutter
Lymphocytes totaux 3,05.107 L-1 2,5.107 g.L-1 à 5.107 g.L-1
facteurs qui interviennent dans efficacement contre des infections bac-
la multiplication des cellules sont 7 -1 7 -1 7 -1 tériennes. De plus, sa carence en LB rend
Lymphocytes B 0,03.10 L 0,1.10 g.L à 0,4.10 g.L
également utilisés pour bloquer la inefficace toute vaccination : il est donc
prolifération cellulaire. Lymphocytes T 3,02.107 L-1 1,5.107 g.L-1 à 3,0.107 g.L-1 susceptible de contracter des maladies
L’immunothérapie active vise à que les autres enfants vaccinés ne dé-
mobiliser ou à renforcer les res- D’après H. Chapel, M. Haeney, S. Misbah, N. Snowden, Immunologie clarent pas. Cette très faible quantité de
sources du système immunitaire clinique LB dans son organisme a une origine
pour accroître l’élimination des héréditaire. 
cellules cancéreuses. Elle consiste *Les anatoxines sont des protéines bactériennes.
à stimuler l’activité globale du **Anticorps et immunoglobulines sont des synonymes ;
système immunitaire du ma- ces molécules sont produites par les lymphocytes B.
lade en utilisant des cytokines AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC
(interféron   par exemple). Des Ce qu’il ne faut pas faire SUR CE THÈME
cellules tumorales du patient • Se contenter de saisir les données du document
peuvent être cultivées pour les sans les mettre en relation et sans expliquer Étude de documents
rendre plus immunogènes avant l’origine des infections bactériennes répétées. – Mise en évidence de la mémoire immunitaire.
de les réinjecter. Enfin les cellules – Justification du calendrier de vaccination.
immunitaires peuvent être modi- Proposition de corrigé – Étude de mise au point de vaccins (VIH, trypano-
fiées pour les rendre plus efficaces L’enfant a reçu tous les vaccins prévus à l’âge préconisé, some, paludisme, vaccin anti-tumeur, etc.).
contre les cellules tumorales. mais les tests réalisés montrent l’absence d’anticorps – Étude du rôle des adjuvants.

80 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


LES ARTICLES DU

Une étude rassure sur les risques du Gardasil


Les vaccins controversés contre le cancer du col de l’utérus n’induisent pas de
sclérose en plaques.

D
’abord une bonne un moratoire sur la vaccination fectif – et parmi les 1,4 million Dans l’étude de l’ANSM, 19 cas
nouvelle. Les vaccins des jeunes filles, actuellement de personnes non vaccinées. de SGB ont été recensés chez
contre les papillomavi- recommandée entre 11 et 14 Au total, près de 4 000 cas ont des jeunes filles vaccinées, et 21
rus humains (HPV), destinés à ans, en deux injections. Dans ce été répertoriés, sans augmen- parmi les non-vaccinées (deux
prévenir les cancers du col de climat, la couverture vaccinale tation globale du risque chez tiers de l’effectif). Aucun décès
l’utérus, n’augmentent globale- ne cesse de baisser. Elle serait les jeunes femmes vaccinées. n’a été déploré. L’association
ment pas le risque de maladies actuellement de 17 % chez les Le rapport pointe toutefois « était très marquée au cours
auto-immunes, conclut une filles de 16 ans. deux points particuliers : une des trois premiers mois suivant
vaste étude pharmacoépidé-
miologique nationale, rendue
publique lundi 14  septembre. POURQUOI derniers résultats d’étude cli- en plaques, mais mettraient en
Les résultats sont en particulier CET ARTICLE ? niques sur les vaccins contre évidence une association avec
rassurants en ce qui concerne la les papillomavirus humains, le syndrome de Guillain-Barré.
sclérose en plaques (SEP), confir- De manière générale, les qui sont responsables du can- Ainsi, comme pour toute pra-
mant les données d’autres pays. vaccins ont prouvé leur effi- cer du col de l’utérus. Cette tique médicale, et de manière
Ensuite, un bémol. L’étude cacité dans la lutte contre les vaccination, recommandée particulièrement aiguë pour
française, la plus importante maladies contagieuses, mais chez les jeunes filles de 11 à la vaccination, c’est la question
actuellement leur innocuité 14 ans, est faiblement pratiquée du rapport entre les bénéfices et
menée à ce jour sur le sujet, met
est remise en cause dans plu- en France. Les études récentes les risques qui doit être évaluée
en évidence une association
sieurs pays, dont la France. montrent l’absence de lien avec précision et transparence
significative entre la vaccination
Cet article fait le point sur les entre ces vaccins et la sclérose avant toute décision.
par Gardasil ou Cervarix et la

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
survenue d’un syndrome
de Guillain-Barré (SGB), une Depuis leur mise sur le marché, association «  particulièrement la dernière dose de vaccin, puis
affection neurologique rare ces deux vaccins sont pourtant marquée » avec le syndrome tendait à diminuer au cours
et spontanément régressive, étroitement surveillés. Ils font de Guillain-Barré ; et une autre, du temps tout en restant
mais potentiellement sévère. Le l’objet d’un plan de gestion beaucoup plus faible, avec des statistiquement significative »,
risque est multiplié par quatre des risques (PGR) à l’échelle maladies inflammatoires chro- précise le rapport. Cet effet
après vaccination, ce qui pour- européenne, et d’un suivi ren- niques de l’intestin (MICI). secondaire des vaccins anti-
rait correspondre à 1 à 2 cas pour forcé de pharmacovigilance au HPV n’a pas été retrouvé dans
100 000 jeunes filles vaccinées. niveau national. Convaincre les sceptiques d’autres études, le SGB est tou-
Enfin, une interrogation. Com- Pour analyser le plus finement Considéré comme rare (son tefois mentionné dans la notice
ment de tels résultats vont-ils possible les éventuels liens incidence est d’un à deux nou- du Gardasil.
être accueillis en France, dans le entre vaccination par Gardasil veaux cas par an pour 100 000 Pour l’ANSM, l’augmentation
contexte actuel de défiance en- ou Cervarix et maladies auto- personnes), le syndrome de du risque paraît «  robuste »,
vers les vaccins en général, ceux immunes, l’Agence nationale de Guillain-Barré (SGB) se carac- mais le nombre absolu de cas
contre les HPV en particulier ? sécurité du médicament et des térise par une paralysie des de Guillain-Barré qui pour-
Les questionnements sur leur produits de santé (ANSM) et l’As- nerfs périphériques. Les lésions raient être imputables au
efficacité mais surtout sur surance-maladie ont mené une s’étendent progressivement vaccin « est très faible du fait
leurs effets secondaires durent étude inédite par son ampleur, pendant plusieurs semaines, de la rareté » du syndrome.
pratiquement depuis leur com- à partir des bases de données puis récupèrent dans la majorité Par ailleurs, une association
mercialisation, en 2006 pour de l’Assurance-maladie et des des cas en quelques mois. L’at- beaucoup plus faible (risque
le Gardasil (laboratoire Sanofi hôpitaux. teinte des nerfs de la tête, du multiplié par 1,19, soit une aug-
Pasteur MSD), de loin le plus Une cohorte de 2,2 millions de cou et des muscles respiratoires mentation du risque de 19 %) a
utilisé, en 2008 pour le Cervarix jeunes filles âgées de 13 à 16 peut cependant nécessiter une été retrouvée avec les maladies
(GlaxoSmithKline). En France, ans a été constituée, pour un prise en charge en réanimation, chroniques inflammatoires de
une quarantaine de dossiers suivi d’environ deux ans. Il a avec assistance ventilatoire. Au l’intestin (MICI). Un signal qui,
judiciaires sont en cours, concer- été ainsi possible de comparer total, 5 % des patients décèdent selon les auteurs du rapport,
nant des jeunes femmes qui ont la survenue de quatorze mala- et 10 % conservent des séquelles «  mérite d’être investigué »
déclaré une sclérose en plaques, dies auto-immunes (sclérose motrices. Le syndrome peut sur- mais pourrait être dû au
un lupus… après injection d’un en plaques, diabète de type 1, venir lors d’une infection virale, hasard ou à des facteurs de
des vaccins. Parallèlement, une thyroïdites…) chez les 840 000 c’est aussi un effet secondaire confusion non pris en compte
pétition circule pour obtenir vaccinées – soit un tiers de l’ef- connu des vaccins antigrippaux. dans les analyses.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 81


LES ARTICLES DU

L’étude française va être des cancers du col utérin, qui touchent environ 3 000 femmes Ces arguments suffiront-ils à
transmise à l’Agence européenne reposent sur la promotion de par an en France, provoquant convaincre les sceptiques ? Il
du médicament, qui a entrepris la vaccination anti-HPV et du 1 100 décès), rappelle-t-elle, mais faudra aussi vaincre un obstacle
en juillet une analyse de toutes dépistage par frottis. « Nous ne « ce sont les plus évitables et les économique : pour les deux in-
les données concernant les vac- souhaitons pas baisser la garde plus inégalitaires. Ce sont d’ail- jections, le reste à charge est
cins anti-HPV. sur ces deux stratégies complé- leurs les seuls cancers dont le d’environ 80 euros.
Pour l’Institut national du cancer mentaires », souligne Agnès taux de survie à cinq ans est en
(INCA), ces résultats rassurants Buzyn, la présidente de l’INCA. baisse ces dernières années, car
devraient permettre de relancer Les cancers du col de l’utérus ne ils sont découverts à un stade Sandrine Cabut
les campagnes de prévention sont pas les plus fréquents (ils plus tardif ». Le Monde daté du 15.09.2015

Les nouvelles voies


V
acciner « sans aiguille » la santé et la Fondation Gates…, les chercheurs appliquent du 24 janvier 2015). L’équipe de
par voie nasale, orale, souligne Behazine Combadière une colle dermatologique qui Mark Prausnitz (Georgia Insti-
cutanée…? Depuis des (directrice de recherche Inserm, retire les poils, sur une sur- tute of Technology) a, de son
décennies, les chercheurs Centre d’immunologie et des face de 4  cm sur 4  cm. Après côté, conçu un patch avec une
explorent de nouvelles voies maladies infectieuses, Paris). En cette « épilation », le vaccin est centaine de micro-aiguilles,
pour remplacer les classiques revanche, les vaccins cutanés ou déposé à très petite dose sur la qui se résorbent en quelques
injections intramusculaires transcutanés ne supprimeront peau. «  En utilisant un vaccin minutes après application. Les
(utilisées pour la majorité des pas totalement les douleurs antigrippal, nous avons montré tests cliniques sont attendus en
vaccins) ou sous-cutanées. Un associées aux vaccins. » que cette voie d’administration 2017 pour une immunisation

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
vaccin antigrippal, en spray est bien tolérée et qu’elle induit contre la rougeole.
nasal (laboratoire AstraZeneca), Bonne réponse immunitaire une réponse immunitaire cel- L’un des autres défis de la vac-
et un autre par voie intrader- En 2008, cette chercheuse a lulaire meilleure que la voie cinologie serait de pouvoir
mique (Sanofi Pasteur) sont déjà été parmi les premières dans intramusculaire. En revanche, proposer des vaccinations sur
commercialisés. le monde à conduire un essai elle n’entraîne pas de produc- mesure, en fonction des profils
La voie cutanée est particuliè- clinique avec un vaccin transcu- tion d’anticorps protecteurs », individuels (facteurs géné-
rement étudiée. «  L’avantage tané. Son principe est de cibler explique Behazine Combadière. tiques, environnementaux et
principal est d’induire une les cellules de Langerhans, Un résultat qui a amené l’équipe statut immunitaire). Une
bonne réponse immunitaire présentatrices d’antigènes à tester son procédé dans équipe internationale vient
avec une dose faible et sans et situées dans l’épiderme (la des infections où la réponse ainsi de présenter dans la revue
aiguille, d’où un gain écono- couche superficielle de la peau), immunitaire cellulaire est Science du 5  juin le système
mique. C’est un vrai besoin qui ont un rôle fondamental prépondérante (par rapport à la Virscan, capable de déterminer
dans les pays en voie de déve- dans l’initiation d’une bonne production d’anticorps). Des es- les virus auxquels un individu
loppement. Ce qui explique les réponse immunitaire. sais cliniques sont ainsi en cours a été exposé au cours de sa vie,
sommes importantes investies Ces cellules étant concentrées avec plusieurs vaccins anti-VIH. en détectant les anticorps pro-
par l’Organisation mondiale de autour des follicules pileux, Résultats attendus en 2016. duits par son système immuni-
D’autres dispositifs sont en taire pour s’en protéger. Ce test
développement, tel celui de nécessite moins d’une goutte
POURQUOI pour déclencher une réponse l’Australien Mark Kendall : de sang et coûte 25  dollars
CET ARTICLE ? immunitaire cellulaire d’autant un nanopatch constitué de (22,30 euros). De tels procédés
plus que la peau est riche en cel- 20 000 nano-aiguilles enrobées pourraient permettre de dépis-
Cet article présente la mise lules présentatrices d’antigènes,
de l’antigène vaccinal. Le sys- ter précocement certaines in-
au point de nouveaux modes qui initient la réponse immu-
d’administration des vaccins. nitaire spécifique. D’autres
tème serait stable à température fections, mais aussi de détermi-
Actuellement, la vaccination modes d’administration sont ambiante, ce qui permettrait de ner si une vaccination ou un
s’effectue sous la forme d’une en cours d’étude : plus pratiques s’affranchir de la chaîne du froid. rappel sont nécessaires.
injection sous-cutanée ou à utiliser, ils devront être aussi Les premières études cliniques
intramusculaire. De nouvelles efficaces que les vaccins clas- sont prévues en 2016, pour tester Sandrine Cabut
techniques proposent un vaccin siques tout en ayant prouvé leur ce patch avec trois vaccins du Le Monde Science et médecine
transcutané qui s’avère efficace innocuité.
laboratoire Merck (Le Monde daté du 01.07.2015

82 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


neurone et fibre
musculaire :
la communication nerveuse

Genou
Hanche
Tronc
Épaule
Poigne

Bras
Coude
Mai
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Pou

© rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
ce
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ΠCheville
il
il

Visa
ge
Orteils

Lèvres
Mâchoire

Langue

Deglutition
Aire
motrice
primaire
L’ESSENTIEL DU COURS

NOTIONS CLÉS
NEUROMÉDIATEUR,
Le réflexe myotatique,
NEUROTRANSMETTEUR
Molécule libérée par un neurone au
niveau d'une synapse et capable de
un exemple de commande
transmettre le message nerveux à
la cellule post-synaptique.
réflexe du muscle
R
SYNAPSE
NEUROMUSCULAIRE ester debout, ne pas perdre l’équilibre, maintenir notre
Également appelée « jonction neu- posture malgré la pesanteur nécessitent un fonctionne-
romusculaire » ou « plaque mo-
trice », la synapse neuromusculaire ment permanent et adapté de nos muscles extenseurs
est la zone de contact entre la ter- et fléchisseurs. Les muscles impliqués dans la posture comme
minaison synaptique d’un moto-
neurone et une cellule musculaire.
dans le mouvement sont des muscles striés squelettiques, atta-
L’arrivée d’un message nerveux à chés au squelette par des tendons. Le mouvement des muscles
l'extrémité du motoneurone peut
déclencher la contraction de la
se répercute sur le mouvement du squelette au niveau des ar-
cellule musculaire. ticulations. Dans le cas de la posture, ces mouvements ne sont
pas commandés consciemment, ce sont des réflexes muscu-
ZOOM SUR… laires. Comment les réflexes myotatiques commandent-ils la
LE SYSTÈME NERVEUX contraction de certains muscles ?
Ensemble de cellules, les neurones,
qui transmettent l’information Le réflexe myotatique : la plante du pied déclenche un réflexe de retrait,
nerveuse dans l’organisme. Chez un outil diagnostique impliquant une contraction du muscle. Mais le

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
les vertébrés, on distingue : Afin de vérifier l’état de tension qui s’exerce sur chat ne peut pas commander volontairement
– le système nerveux central com- les muscles pour s’opposer à l’action de la gravité le mouvement de sa patte. Ainsi le réflexe myo-
prend deux centres nerveux : le sur le corps humain, c’est-à-dire pour tester le tatique ne fait pas intervenir le cerveau. Des
cerveau et la moelle épinière.  Ces tonus musculaire, le médecin peut frapper avec expériences de sections des nerfs reliant les
centres nerveux sont reliés entre un marteau approprié soit au niveau du tendon muscles à la moelle épinière et de stimulations
eux par des faisceaux de fibres. Il d’Achille (au-dessus du talon), soit au niveau de après sections montrent que la moelle épinière
contrôle l’ensemble du système la rotule (sous le genou) et observer le résultat. est le centre nerveux des réflexes myotatiques.
nerveux ; Le réflexe myotatique est une réaction rapide et Ainsi, en tapant avec le marteau sur le tendon,
– le système nerveux périphérique, involontaire du corps. En réaction à son propre le médecin étire artificiellement ce dernier : ce
qui est formé de nerfs reliant la étirement, le muscle se contracte automatique- stimulus va être perçu par des récepteurs à l’éti-
périphérie de l’organisme et le ment. rement : les fuseaux neuromusculaires. Le mes-
système nerveux central. Diverses expériences historiques ont permis de sage nerveux remonte via un neurone sensoriel
comprendre le mécanisme du réflexe myotatique. du nerf rachidien qui rejoint, au niveau de sa
LA MOELLE ÉPINIÈRE Chez un chat dont la moelle épinière est section- racine dorsale (ou postérieure), la moelle épinière.
Centre nerveux situé sous née en-dessous de l’encéphale,Circuit
le pincement
nerveux dude Les
réflexe corps cellulaires des neurones sensoriels
myotatique
l’encéphale appartenant au
système nerveux central. Dans Racine dorsale
Récepteur sensoriel = Fibre nerveuse sensitive (afférente)
la moelle épinière, la substance 3. Perception de fuseau neuromusculaire
blanche, périphérique, correspond l’étirement 4. Transmission de
l’information Corne dorsale
aux axones des neurones, tandis
que la substance grise, centrale, Synapse Substance grise
2. Étirement du muscle
contient les corps cellulaires des neuromusculaire
5. Contraction du
neurones. Elle est recouverte par muscle
1. Stimulus Flux Ganglion rachidien Substance blanche
des membranes, les « méninges », d’information
et abrite en son centre le canal de
Corne ventrale
l’épendyme. Au niveau des racines Tendon
dorsales (ou postérieures) de la Fibre nerveuse motrice =
moelle épinière arrivent les fibres motoneurone (efférente)
Racine ventrale
nerveuses sensorielles, dont les
corps cellulaires des neurones
sont contenus dans les ganglions Synapse excitatrice
rachidiens. Au niveau des racines
ventrales (ou antérieures) sortent Circuit nerveux du reflexe myotatique
les fibres nerveuses motrices.

84 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


L’ESSENTIEL DU COURS

sont situés dans les ganglions rachidiens et leurs Du motoneurone à la cellule NOTIONS CLÉS
extrémités sont en contact, au niveau de la corne musculaire : la synapse
ventrale de la substance grise de la moelle épinière, neuromusculaire MESSAGE NERVEUX
avec le corps cellulaire d’un motoneurone ou Au niveau de la synapse neuromusculaire, zone de Succession de potentiels d’action
neurone moteur. Cette zone de contact entre les contact entre le motoneurone et le muscle, le message qui se propagent le long des
deux neurones est appelée synapse. Le message nerveux de nature électrique propagé dans le moto- neurones. L’intensité du message
nerveux est alors transmis du neurone sensoriel neurone est traduit au niveau de la fente synaptique nerveux est codée en fréquence
au motoneurone. Les motoneurones cheminent en un message nerveux de nature chimique. Des de potentiels d’action.
par les racines ventrales (ou antérieures) des neuromédiateurs, ici l'acétylcholine, sécrétés par le
nerfs rachidiens jusqu’aux organes effecteurs motoneurone se fixent sur des récepteurs spécifiques SYNAPSE
que sont les muscles. La zone de contact entre le présents à la surface de la cellule musculaire. Cette Zone de contact entre un neurone
motoneurone et le muscle est appelée synapse fixation déclenche des potentiels d’action muscu- et une autre cellule excitable (ner-
neuromusculaire ou plaque motrice. La stimu- laires à l’origine de la contraction du muscle. veuse ou musculaire) au niveau
lation du motoneurone entraîne la contraction de laquelle le message nerveux
du muscle. est transmis par l'intermédiaire
Le trajet du message nerveux du récepteur sen- des neuromédiateurs.
soriel jusqu’à l’organe effecteur constitue un arc
réflexe, qualifié de monosynaptique. En effet, NEURONE
durant tout le trajet nerveux, il n’existe qu’une Ou « cellule nerveuse», il est
seule synapse, située dans la substance grise de constitué d’un corps cellulaire
la moelle épinière, entre le neurone sensoriel et contenant le noyau et de prolon-
le motoneurone. gements, l’axone et les dendrites.
Les dendrites sont les prolonge-
Le message nerveux ments qui reçoivent des mes-
Toute cellule est caractérisée par un potentiel sages nerveux tandis que l’axone
membranaire de repos, dont la valeur est de conduit le message nerveux vers
– 70 mV. Dans certaines cellules dites « excitables » les terminaisons synaptiques.
comme les neurones, cette valeur du potentiel Un neurone est une cellule exci-

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
membranaire peut être modifiée. Si la stimulation table (capable de répondre à un
du neurone est suffisante, elle entraîne la modi- stimulus) et constitue l’unité de
fication transitoire de ce potentiel membranaire, structure et de fonction du sys-
qui constitue un potentiel d’action membranaire. tème nerveux.
Un potentiel d’action correspond à une inversion Fonctionnement de la synapse neuromusculaire
Le message nerveux se propage sous forme de
transitoire du potentiel du neurone. Le potentiel
potentiels d’action le long du motoneurone (1) jusqu’à
POTENTIEL D’ACTION
d’action est toujours identique : il a toujours la la terminaison synaptique. Des vésicules chargées Séquence stéréotypée de la modi-
même durée et la même amplitude (loi du « tout d’acétylcholine (2) libèrent, par exocytose (3), leur fication du potentiel de mem-
ou rien » ). Il se propage le long de l’axone du contenu en neuromédiateurs dans la fente synaptique brane d’une cellule excitable. Le
neurone de proche en proche sans s’atténuer. Un (4). La fixation de l’acétylcholine sur ses récepteurs potentiel d’action est constitué
message nerveux consiste en une succession de localisés sur la membrane de la cellule musculaire (5) d’une dépolarisation (le potentiel
génère un potentiel d’action musculaire (6). Ce potentiel
potentiels d’action transmis le long de l’axone d’action atteint + 30 mV), suivie
d’action musculaire déclenche la contraction du muscle
d’un neurone. Le message nerveux est donc un (7). L’acétylcholine est ensuite dégradée dans la fente d’une repolarisation puis d’une
message de nature électrique dont l’intensité est synaptique et des molécules sont réinternalisées par la hyperpolarisation transitoire
codée en fréquence de potentiels d’action. terminaison synaptique du motoneurone tandis que la avant de revenir à la valeur du
membrane est recyclée par endocytose. potentiel de repos (– 70 mV). La
durée du potentiel d’action est de
Ainsi, alors qu’au niveau d’un neurone, l’intensité quelques millisecondes. Le poten-
du message nerveux, de nature électrique, est codée tiel d’action constitue le signal
en fréquence de potentiel d’actions, au niveau de élémentaire du message nerveux.
la synapse neuromusculaire, le message nerveux
est de nature chimique et son intensité est codée POTENTIEL
en concentration de neuromédiateurs présents DE MEMBRANE
dans la fente synaptique.   Différence de potentiel électrique
entre l’intérieur et l’extérieur de
la membrane plasmique de toute
cellule. Le potentiel membranaire
UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER dit « de repos » est le potentiel de
membrane d’une cellule excitable
• Paralysés : des progrès à petits pas p. 87 en l’absence de stimulation et sa
(Florence Rosier, Le Monde daté du 09.04.2014) valeur est de – 70 mV (l’intérieur
de la cellule est plus électronégatif
Le potentiel d’action : un message nerveux élémentaire que l’extérieur de la cellule).

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 85


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR…
Les molécules agissant Partie 2.1 :
La myasthénie
sur les synapses
De nombreuses substances
naturelles ou de synthèse
peuvent agir sur les synapses
neuromusculaires et avoir
une action biologique sur les L’intitulé complet du sujet Proposition de corrigé
muscles. Le mode d’action de La myasthénie est une maladie caractérisée par une Dans l’expérience 1, la stimulation du motoneurone
ces molécules sur ces synapses faiblesse musculaire : les patients n’arrivent pas à déclenche un message nerveux transmis le long du
est variable, comme l’illustrent contracter efficacement leurs muscles. Exploitez l’en- motoneurone jusqu’à la synapse neuromusculaire,
les exemples suivants. semble des résultats expérimentaux pour proposer zone de jonction entre le motoneurone et le muscle.
• Le curare est un poison vé- une hypothèse expliquant la myasthénie. Chez le sujet sain, la stimulation du motoneurone
gétal obtenu à partir de lianes entraîne un train soutenu de potentiels d’action mus-
d’Amérique du Sud, où il est Le document culaires (environ 6/9). Chez le sujet myasthénique,
utilisé, comme poison pour Expérience 1 cette stimulation provoque un train de potentiels
chasser par certaines tribus. Les Sur un muscle d’un sujet sain et sur celui d’un sujet d’action musculaires de la fréquence plus faible (2/s).
pointes de flèches enduites de myasthénique, des électrodes réceptrices sont placées Chez le sujet malade, le message nerveux ne parvient
curare entraînent la paralysie à proximité des synapses neuromusculaires. On donc pas correctement jusqu’au muscle.
de l’animal atteint. Comment le enregistre alors les potentiels d’actions des cellules L’-bungarotoxine injectée à la souris l’empêche de
curare déclenche-t-il de graves musculaires suite à une stimulation du motoneurone. contracter ses muscles. Cette toxine déclenche des
paralysies musculaires ? Le symptômes similaires à ceux de la myasthénie. Or,
curare se fixe à la place de l’acé- SUJET SAIN SUJET MYASTHÉNIQUE l’-bungarotoxine se fixe sur les récepteurs à acé-
tylcholine sur les récepteurs de tylcholine de la synapse neuromusculaire. On émet
Potentiels d’action Potentiels d’action
la synapse neuromusculaire et musculaires (en mV) musculaires (en mV) donc l’hypothèse que l’-bungarotoxine en se fixant
empêche le message nerveux 30 30 sur les récepteurs à acétylcholine empêche celle-ci
0 0
de parvenir aux muscles. Le de s’y fixer : le message nerveux ne franchit pas la

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
curare est donc un antagoniste synapse, d’où l’absence de contraction des muscles
-90 -90
de l’acétylcholine. Il est utilisé 1 2 3 1 2 3 de la souris. La myasthénie serait donc due à un
en médecine pour ses effets Temps (en s) Temps (en s) dysfonctionnement de la transmission du message
anesthésiants permettant le nerveux au niveau de la synapse neuromusculaire.
relâchement des muscles. Expérience 2 D’après l’expérience 3, la densité de l’-bungarotoxine
• La nicotine se fixe sur les L’-bungarotoxine est une molécule toxique de venin fixée sur la cellule musculaire est moins importante
récepteurs à acétylcholine et de serpent, capable de se fixer sur des récepteurs à chez le sujet myasthénique que chez le sujet sain. On
mime l’action de l’acétylcho- acétylcholine. L’injection d’-bungarotoxine à une en déduit que la quantité de récepteurs capables de
line. Elle est qualifiée d’« ago- souris la rend incapable de contracter ses muscles. fixer des molécules comme l'-bungarotoxine et
niste » de l’acétylcholine. l’acétylcholine est plus faible chez le sujet myasthé-
• Le sarin est un gaz mortel, Expérience 3 nique que chez le sujet sain. Ainsi la myasthénie serait
qualifié de « neurotoxique », On étudie par autoradiographie la fixation de due à un nombre insuffisants de récepteurs pouvant
qui déclenche une puissante l’-bungarotoxine radioactive sur les cellules muscu- fixer leur neuromédiateur : le message nerveux du
contraction des muscles, c’est- laires d’un sujet sain et d’un sujet myasthénique ; le motoneurone n’entraîne pas alors une contraction
à-dire une paralysie totale. Au résultat est présenté dans le tableau suivant : efficace du muscle. 
niveau de la synapse neuro-
musculaire, l’acétylcholine sujet sain sujet myasthénique
fixée sur les récepteurs de la Ce qu’il ne faut
cellule musculaire est norma- densité de pas faire
lement éliminée par une en- l’ -bungarotoxine +++ + • Proposer une hypothèse
zyme appelée « acétylcholine radioactive fixée sans justification
estérase ». Or, le sarin inhibe sur les cellules s’appuyant sur les résultats
musculaires
cette enzyme : l’acétylcholine expérimentaux.
reste constamment fixée sur
son récepteur, provoquant la
contraction permanente des
muscles. Le gaz sarin fut dé-
couvert en Allemagne en 1939 ; AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
sa production et sa possession
sont interdits par l’ONU depuis Maîtrise des connaissances avec question de synthèse
1991. Depuis 2007, plus aucun – Montrer comment le test d’un réflexe musculaire est un outil de diagnostic des anomalies du fonctionnement du
pays ne devrait détenir ce gaz système neuromusculaire. La synthèse sera accompagnée d’un schéma présentant le réflexe myotatique.
neurotoxique.

86 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


L'ARTICLE DU

Paralysés : des progrès à petits pas


Une équipe américaine est parvenue à faire exécuter des mouvements intentionnels
des jambes à des patients paralysés des membres inférieurs.

M
ardi 8 avril, la revue Brain une stimulation chimique et une du cerveau et de la moelle épinière des molécules s’accumulant autour
a publié les saisissants stimulation électrique de la moelle (ICM, UPMC, Inserm, CNRS), à de la lésion. Résultats : la repousse
résultats, chez l’homme, épinière, associées à un entraî- Paris. Une des réponses vient de la axonale a augmenté, favorisant la
d’une stratégie de stimulation élec- nement physique. En 2012, son « myéline », cette gaine qui entoure récupération des pattes arrière des
trique de la moelle épinière. Quatre équipe publiait dans Science une certaines fibres nerveuses. « Martin rats traités.
patients présentant une paralysie étude qui a fait grand bruit. Les Schwab, de l’université de Zurich, a Une autre approche consiste à
complète des membres inférieurs, chercheurs parvenaient à rétablir isolé les protéines de la myéline du modifier génétiquement les neu-
après un accident survenu deux une marche volontaire chez des système nerveux central. Et montré rones lésés pour faire repousser
à quatre ans plus tôt, ont été ca- rats rendus paraplégiques par une que l’une d’elles, NOGO, inhibe la leurs axones. « De nombreux labo-
pables d’exécuter de nouveau des lésion médullaire de la moelle épi- repousse de l’axone », ce prolonge- ratoires cherchent à identifier, dans
mouvements intentionnels assez nière. Ils injectaient dans la moelle, ment du neurone qui transporte le le système nerveux périphérique,
précis des jambes. Chaque année en sous la lésion, un « cocktail » de message nerveux, souligne Bernard les molécules favorisant la crois-
France, de 1 000 à 1 500 personnes molécules activatrices (adrénaline, Zalc. Ce qui a conduit à la mise au sance et la régénération axonales.
sont victimes de tels accidents — le noradrénaline, dopamine…). Puis ils point d’un anticorps anti-NOGO, Il s’agit ensuite de promouvoir
plus souvent des adultes jeunes. A appliquaient une stimulation élec- inhibant cette inhibition. « Cette leur fabrication par les neurones
la suite d’une lésion plus ou moins trique sur la moelle épinière. Les approche s’inscrit dans une voie qui lésés du système nerveux central »,
complète de la moelle épinière, rats paraplégiques ainsi stimulés vise à rendre l’environnement neu- dit Florence Bareyre, de l’univer-
elles se retrouvent paralysées à des étaient placés sur un tapis roulant, ronal plus favorable à la repousse sité Ludwig-Maximilians à Munich
degrés variables. soutenus par un harnais robotisé. des axones », note Geneviève (Allemagne). A cet égard, le rôle
Chez les quatre hommes suivis Après deux mois d’entraînement, Rougon (CNRS-université Aix-Mar- bénéfique d’une protéine, PCAF,
dans l’étude de Brain, une équipe ils avaient réappris à marcher seille). Outre la piste de la myéline, vient d’être montré (Nature Com-
américaine (université de Louisville volontairement — quand la lésion est explorée la voie des astrocytes, munications, 1er avril).
et université de Californie à Los n’était pas complète. « Depuis des cellules au rôle ambigu. Tantôt Toutes ces approches restent très
Angeles) a implanté un module de 2012, nous avons progressé dans elles semblent entraver la repousse en amont d’une application chez

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
stimulation électrique dans « l’es- l’optimisation des technologies de axonale en formant une cicatrice l’homme. D’autant que plusieurs
pace épidural » (entre la dure-mère stimulation électrique et d’entraîne- autour de la lésion. Mais selon essais ont été abandonnés. L’intérêt
et le canal vertébral) de la région ment robotique. Nous envisageons un travail publié dans Science le de l’anticorps anti-NOGO a ainsi été
lombo-sacrée. Là, précisément, de prochains essais chez l’homme, 1er novembre 2013, certains astro- évalué chez l’homme. Mais cet es-
où aboutissent les fibres des neu- indique Grégoire Courtine. Notre cytes bénéfiques se différencient à sai, promu par le laboratoire Novar-
rones qui contrôlent les muscles approche ne guérira pas les patients. partir de cellules souches présentes tis, semble avoir été stoppé — en
des jambes. Mais elle ambitionne d’améliorer dans la moelle épinière lésée. « Si toute discrétion… De même, des
La stimulation continue de ces leur qualité de vie. » l’on perturbe cette barrière d’astro- start-up américaines avaient lancé
neurones a permis aux quatre Plusieurs approches complémen- cytes, il y a moins de récupération de petits essais pour évaluer des
patients de bouger de façon volon- taires se consacrent à la régéné- fonctionnelle », souligne Grégoire greffes de cellules souches dans la
taire leur hanche, leur cheville, ration des neurones. « Pourquoi, Courtine. moelle épinière de patients paraly-
leurs orteils… « Il faut abandon- chez l’homme ou la souris, les fibres Une stratégie de thérapie génique a sés. Ces essais ont été interrompus.
ner l’idée qu’aucune récupération du système nerveux périphérique été publiée le 2 avril dans The Jour- « Une étape d’évaluation chez le
n’est possible après une paralysie parviennent-elles à repousser, tan- nal of Neurosciences. Une équipe du primate est indispensable », note
complète », estime Susan Harkema, dis que celles du système nerveux King’s College, à Londres, a injecté Grégoire Courtine.
qui a conduit ce travail, financé central [cerveau et moelle épinière] un vecteur viral dans la lésion mé-
par la Fondation Reeve et les NIH en sont incapables ? », s’interroge le dullaire de rats adultes. Ce vecteur Florence Rosier
américains. Pour autant, « on ne professeur Bernard Zalc, qui a dirigé contenait le gène d’une enzyme : Le Monde science et médecine
peut imaginer qu’avec cette seule le Centre de recherche de l’Institut une « chondroïtinase », qui digère daté du 9 avril 2014
intervention, ces patients remarche-
ront un jour dans la rue, tempère
le professeur Grégoire Courtine, POURQUOI CET ARTICLE ? volontaires lorsque la section ration des neurones. Certaines
de l’Ecole polytechnique fédérale n’est pas totale. Cette locomo- molécules et cellules ont été
de Lausanne (EPFL). Mais c’est un Cet article montre l'importance tion nécessite une stimulation identifiées comme intervenant
résultat extrêmement prometteur : de la moelle épinière, non pas chimique et une stimulation dans le contrôle de la repousse
avec cette seule stimulation élec- dans le contrôle des réflexes, électrique et s’accroît avec l’en- des neurones et font l’objet de
trique, les quatre patients testés mais dans la locomotion chez traînement. Ces observations recherches. Des essais de théra-
ont été capables de transformer les mammifères. En effet, l’ar- ouvrent des perspectives intéres- pie génique sont également à
une entrée auditive, par exemple la ticle relate que chez des petits santes pour la récupération de la l’étude. Bien que l’application de
demande d’un médecin de bouger mammifères, suite à la lésion de locomotion chez l’homme après ses recherches chez l’homme soit
leur cheville, en une réponse motrice la moelle épinière, des circuits section de la moelle épinière. encore loin, cela ouvre des pers-
spécifique. » neuronaux de la moelle épinière L’article fait également le pectives quant à l’amélioration
Grégoire Courtine est un spécialiste restent fonctionnels et peuvent point sur les études réalisées à de la qualité de vie des personnes
de « neuro-réhabilitation », une stra- être à l’origine de mouvements l’heure actuelle sur la régéné- paralysées.
tégie combinant trois approches :

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 87


L’ESSENTIEL DU COURS

ZOOM SUR…
LES ACCIDENTS
Motricité volontaire
VASCULAIRES
CÉRÉBRAUX (AVC)
Les accidents vasculaires cé-
et plasticité cérébrale
A
rébraux touchent environ
150 000 personnes en France lors que les réflexes sont des mouvements inconscients,
chaque année : dans 80 % des
cas, l’AVC est dû à une diminu-
nous réalisons des mouvements volontaires : saisir un
tion de l’apport sanguin (suite à objet, marcher, courir, etc. Chez un tout jeune enfant, les
un caillot par exemple) et dans
20 % des cas, l’AVC est causé par
premiers gestes semblent très maladroits : il ne sait pas attraper
une hémorragie cérébrale. L’AVC une balle ni faire quelques pas. Mais, à force de s’entraîner, de
ne concerne pas uniquement faire des erreurs et de recommencer, il apprend à maîtriser ses
les personnes âgées : plus de
10 000 personnes de moins de gestes. Comment les mouvements volontaires sont-ils contrô-
45 ans sont victimes d’un AVC lés et comment expliquer l’évolution des capacités motrices ?
chaque année.
Un des principaux facteurs de De la volonté au mouvement Les informations issues du cortex visuel situé à l’ar-
risque est l’hypertension ar- L’enregistrement des potentiels d’action au niveau rière du cerveau sont transmises à l’aire prémotrice
térielle. L’AVC présente des si- d’un motoneurone montre que les circuits nerveux et à l’aire motrice supplémentaire. L’aire prémotrice,
gnaux d’alerte qu’il est parfois impliqués dans le mouvement peuvent appartenir à impliquée plutôt dans la régulation de la posture,
possible de reconnaître (troubles l’arc réflexe myotatique ou provenir de l’encéphale. dicte à l’aire motrice la position optimale pour un
brutaux de la vision, de la parole, Les mouvements volontaires sont donc contrôlés par mouvement donné, tandis que l’aire motrice supplé-
de la marche, paralysie d’une l’encéphale. L’exploration du cortex cérébral par les mentaire influe sur la planification et l’initiation des
partie du corps, etc.). techniques d’imagerie médicale permet d’identifier mouvements en fonction des expériences passées.
L’AVC est une véritable urgence les zones du cortex activées lors des mouvements Le cortex pariétal postérieur joue également un

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
médicale : plus la victime est musculaires volontaires. L’étude de cas cliniques, rôle dans l’exécution du mouvement volontaire, en
prise en charge rapidement et comme des lésions au niveau du cerveau entraînant prenant en compte la position du corps, le geste à
de manière adaptée dès les tous des paralysies, ont également participé à la connais- effectuer, etc., en intégrant les informations neuro-
premiers signes, plus les chances sance du cortex moteur. Les mouvements volontaires sensorielles reçues.
de survie et de limiter les sé- sont directement commandés par l’aire motrice
Aire motrice Cortex pariétal
quelles sont élevées. primaire située dans chaque hémisphère cérébral. supplémentaire postérieur
La cartographie précise de cette aire motrice primaire
Aire motrice
LES HÉMIPLÉGIES montre que chacune de ses régions correspond à Aire primaire
Un accident (AVC, traumatisme) l’innervation d’une région précise du corps. Plus la prémotrice
affectant le cortex moteur d’un motricité de cette région corporelle est complexe,
seul hémisphère cérébral en- plus la région de l’aire motrice primaire qui lui est Planification
traîne une paralysie du seul dédiée est importante. des mouvements

côté du corps situé à l'opposé de


Organisation du cortex moteur
Genou
Hanche

l’hémisphère cérébral touché : il


Tronc
Épaule
Poignet

Bras

Les neurones pyramidaux de l’aire motrice primaire


Coude

s’agit d’une hémiplégie. En effet,


Mai
Doi ce

la commande des mouvements projettent leurs axones vers le bulbe rachidien puis
n
gts
Pou

volontaires est controlatérale vers la moelle épinière. Les voies motrices sont croi-
Co
So

(le cortex moteur droit com- sées : l’aire motrice primaire de l’hémisphère gauche
u
urc

ΠCheville
mande les mouvements de la il contrôle les mouvements de la partie droite du corps
i l

Visa
partie gauche du corps) car les ge et inversement. Les terminaisons synaptiques des
Orteils
voies motrices se croisent sous neurones pyramidaux entrent en contact au niveau
le bulbe rachidien. Lèvres
de synapses avec les motoneurones. Au niveau de la
Mâchoire
synapse, est libérée une quantité de neuromédiateurs
LES PARAPLÉGIES en adéquation avec le train de potentiels d’action
Une lésion de la moelle épinière Langue du neurone pré-synaptique. Le motoneurone est
peut être à l’origine de paralysie ainsi en relation avec un grand nombre de synapses
Deglutition
qui affecte les parties gauche Aire certaines étant excitatrices, d’autre inhibitrices. Le
motrice
et droite du corps. L’étendue primaire
motoneurone intègre alors l’ensemble des informa-
de la partie du corps paralysée tions nerveuses qu’il reçoit par un phénomène de
dépend de la hauteur à laquelle sommation qui est spatiotemporelle. Le message
Cartographie de l’aire motrice primaire (Homunculus de
se situe la lésion. La paraplégie Penfield). Hémisphère gauche vue en coupe. Les parties du nerveux résultant au niveau du motoneurone est
consiste en la paralysie du bassin corps les plus mobiles, comme les mains, les lèvres ou la langue véhiculé jusqu’au muscle. Un même motoneurone
et des jambes. sont représentées hypertrophiées. peut innerver plusieurs fibres ou cellules musculaires,

88 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


L’ESSENTIEL DU COURS

du développement, lors NOTIONS CLÉS


de l’apprentissage des
gestes et de l’entraîne- CORTEX MOTEUR,
ment. L’architecture AIRE MOTRICE
du cerveau de chaque Partie du cortex cérébral spé-
individu résultant de cialisée dans la commande des
son développement est mouvements volontaires et qui
donc unique. Cette plas- contient une aire motrice pri-
ticité cérébrale, que l’on maire, une aire motrice supplé-
retrouve dans d’autres mentaire et une aire prémotrice.
parties du cerveau,
comme dans le cortex CORTEX
visuel, est une propriété Zone de faible épaisseur, recou-
générale du système vrant la totalité du cerveau et
nerveux central. formée par la substance grise
La plasticité cérébrale (correspondant aux corps cellu-
est aussi à l’origine de laires des neurones). L’épaisseur
la capacité de récupé- du cortex est d’environ de 2 à
ration du cerveau après 4 mm, sa superficie représente
un accident affectant 2 200 m2, soit plus de 80 % de
une petite partie du la masse totale du cerveau. Le
cortex moteur et entraî- cortex contient différentes aires,
nant une perte fonc- spécialisées dans des fonctions
tionnelle. Par exemple, spécifiques.
un accident vasculaire
cérébral (AVC) est un INTÉGRATION
trouble de l’irrigation NERVEUSE
sanguine du cerveau. Si Capacité des neurones à élaborer

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
une partie du cerveau un message nerveux résultant
Un motoneurone et ses connections cesse d’être irriguée à de la réception de plusieurs mes-
cause d’un AVC, alors sages nerveux. On distingue la
les neurones meurent et sommation « spatiale » (prise en
mais une fibre musculaire n’est toujours innervée que cette partie cesse de fonctionner. Un AVC affectant compte des messages nerveux
par un seul motoneurone. une aire motrice peut ainsi entraîner une paralysie. issus de différentes synapses)
Une récupération du déficit moteur est parfois et la sommation « temporelle »
Plasticité et motricité cérébrale observée. La zone affectée reste détruite, mais (prise en compte des différents
La comparaison des cartes motrices chez plu- des remaniements affectant des zones voisines, messages provenant d’une même
sieurs individus montre l’existence de différences permettent la récupération de la fonction motrice. synapse sur un laps de temps
importantes. Pendant des périodes critiques (prin- Cette récupération est d'autant plus rapide qu'une de quelques millisecondes). La
cipalement pendant l’enfance), sous l’action de réeducation est faite précocement. plupart du temps, la sommation
stimuli externes, des réorganisations des réseaux De manière générale, le nombre de neurones dimi- réalisée est spatio-temporelle.
neuronaux se produisent. Par exemple, lors de l’ap- nue avec l'âge (10 % environ de perte au cours de la
prentissage d’un instrument comme le violon, les vie). Les apprentissages sont souvent plus aisés chez PLASTICITÉ CÉRÉBRALE
violonistes droitiers utilisent les doigts de la main les jeunes enfants que chez les adultes : il semblerait Capacité du cerveau à évoluer d’un
gauche (notamment l’annulaire et l’auriculaire) que les possibilités de plasticité cérébrale diminuent point de vue anatomique et fonc-
plus fréquemment que les non-violonistes. Lors de avec l’âge, sans pour autant disparaître totalement. tionnel sous l’effet de l’environne-
l’activation de l’auriculaire gauche, le nombre de Les neurones que nous possédons constituent donc ment, lors d’un apprentissage ou
dendrites activées au niveau du cortex est plus élevé un véritable capital à conserver et à entretenir.   d’une rééducation. Cette plasticité
chez les violonistes (40 000 à 80 000 dendrites cérébrale s’explique par la réorga-
activées) que chez les non-violonistes (1 000 à nisation de circuits neuronaux dus
35 000 dendrites activées). L’utilisation préfé- aux modifications des synapses.
rentielle d’un doigt augmente la représentation DEUX ARTICLES DU MONDE
corticale de la zone contrôlant les mouvements À CONSULTER SOMMATION
du doigt stimulé, ainsi que l’activité des neurones Le corps cellulaire du motoneurone
des zones concernées. Ainsi, le cortex moteur • Un « pacemaker pour le cerveau » contre reçoit de nombreuses informations
présente une plasticité cérébrale, c’est-à-dire la les maladies neurologiques p. 91 qu’il doit intégrer, c’est-à-dire faire
capacité à établir de nouvelles connections entre (Paul Benkimoun, lemonde.fr, 10.09.2014) le bilan « algébrique » (ou somma-
les neurones. De nouvelles synapses se mettent en tion) des messages inhibiteurs et
place : certaines vont disparaître, d’autres vont être • Vers une police du cerveau p. 92 excitateurs reçus, pour créer un
maintenues et renforcées. De cette façon, les diffé- (Laurent Alexandre, Le Monde daté du 19.05.2012) message moteur unique en direc-
rences dans le cortex moteur s’acquièrent au cours tion des fibres musculaires.

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 89


UN SUJET PAS À PAS

ZOOM SUR…
LA MALADIE
Partie 1 : Motricité volontaire
DE PARKINSON
La maladie de Parkinson est une
maladie neurodégénérative à
et plasticité cérébrale
évolution lente. Les principaux 1. Le neurone moteur conduit un message nerveux : 7. Une lésion de la moelle épinière entraîne :
symptômes sont les tremble- a) codé en fréquence de potentiel d’action vers les a) une paralysie d’un seul côté du corps.
ments de la main ou du pied, centres nerveux. b) une paralysie de tout le corps.
la lenteur des mouvements et b) codé en amplitude de potentiel d’action vers le c) une paralysie de la partie du corps située au-dessus
la raideur du corps. La maladie muscle effecteur. de la lésion.
de Parkinson se caractérise par c) présentant toujours la même fréquence et la même d) une paralysie de la partie du corps située en dessous
une dégénérescence de neu- amplitude de potentiel d’action. de la lésion.
rones situés à la base du cer- d) codé en fréquence de potentiel d’action vers le
veau, contrôlant les mouvements muscle effecteur. 8. La plasticité cérébrale :
automatiques et sécrétant un a) est due à une augmentation du nombre de neu-
neurotransmetteur appelé la 2. Une fibre musculaire : rones.
« dopamine ». Un traitement à a) reçoit un message nerveux issu de plusieurs b) est due à un remaniement des réseaux neuronaux.
base de L-dopa, un précurseur de motoneurones. c) s’intensifie avec l’âge.
la dopamine, améliore les symp- b) reçoit un message nerveux issu d’un seul moto- d) est indépendante de l’environnement.
tômes pendant plusieurs années neurone.
puis perd de son efficacité. La c) est capable de réaliser une intégration des messages Le corrigé
maladie de Parkinson concerne nerveux. 1. d), 2. b), 3. d), 4. b), 5. a), 6. d), 7. d), 8. b) 
principalement les personnes de d) se relâche lorsqu’elle reçoit un message nerveux
plus de 60 ans. Elle affecte 0,3 % d’un motoneurone.
de la population générale. C'est
la deuxième maladie neurodégé- 3. Au niveau du cerveau, les cartes motrices :
nérative la plus courante après la a) sont innées, présentes dès la naissance.

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
maladie d’Alzheimer. b) restent identiques tout au long de la vie de l’in-
dividu.
L’IRM c) sont identiques chez tous les individus d’une même
L’IRM, ou « imagerie par réson- espèce.
nance magnétique », est une d) peuvent évoluer en fonction de l’apprentissage.
technique d’imagerie médicale
permettant d’obtenir des images 4. Le cortex moteur :
du cerveau, mais aussi d’autres a) contient l’aire motrice primaire.
organes. Sa résolution est assez b) contient plusieurs aires qui communiquent entre
élevée : elle permet de voir des elles.
structures dont la taille est in- c) est situé en profondeur dans le cerveau.
férieure à un millimètre. Grace d) est situé à l’arrière du cerveau.
à l’IRM, des coupes virtuelles du
cerveau peuvent être réalisées 5. La partie du corps la plus représentée au niveau de
pour caractériser des patholo- l’aire motrice primaire est :
gies. L’imagerie par résonnance a) le visage.
magnétique fonctionnelle (IRMf) b) l’épaule.
permet de caractériser l’activité c) le genou.
des différentes parties du cer- d) l’avant-bras.
veau. Elle est donc particuliè- AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC
rement utilisée en recherche 6. Un accident vasculaire cérébral dans le cortex SUR CE THÈME
pour étudier le fonctionnement moteur de l’hémisphère droit peut entraîner :
cérébral. a) une paralysie de la partie droite du corps. Étude de documents
D’autres techniques d’imageries b) une paralysie des deux membres supérieurs. – Cartographie du cortex moteur à partir de don-
médicales comme la TEP (tomo- c) une paralysie des deux membres inférieurs. nées de l’imagerie cérébrale.
graphie par émission de posi- d) une paralysie de la partie gauche du corps. – Fonctionnement des synapses, intégration ner-
tons) ou encore le scanner (ap- veuse.
pelé aussi « tomodensitométrie » – Contrôle du muscle par les motoneurones.
ou « scanographie ») ont permis – Conséquences des AVC et des lésions de la moelle
ces trente dernières années de Ce qu’il ne faut pas faire épinière sur la motricité.
progresser dans les diagnostics • Cocher deux réponses ou ne cocher aucune réponse – Mise en évidence de la plasticité cérébrale et évo-
des atteintes cérébrales et dans • Ne pas mobiliser les notions du cours. lution avec l’âge.
les recherches en neurosciences.

90 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


LES ARTICLES DU

Un « pacemaker pour
le cerveau » contre les
maladies neurologiques
D
istingué, lundi 8  sep- Une application pour
POURQUOI sur la stimulation électrique
tembre, par un presti- la maladie de Parkinson
CET ARTICLE ? des structures profondes du
gieux prix de la Fon- Le dispositif entièrement sous- cerveau. Initialement des-
dation Lasker (le «  prix Nobel cutané comprend une électrode, La maladie de Parkinson est tinées à traiter la maladie
américain »), le neurochirurgien une extension et un neurosti- une maladie qui se révèle de Parkinson, ces électrodes
français Alim-Louis Benabid est mulateur, équivalent neurolo- vite handicapante pour implantées dans le cerveau
récompensé avec le neurologue gique du pacemaker cardiaque. le patient et la prise de régulent l’activité des neu-
américain Mahlon DeLong pour Reliant l’électrode au neuros- L-Dopa, si elle améliore les rones dopaminergiques
symptômes pendant un impliqués dans le contrôle
leur mise au point de la technique timulateur, l’extension est im-
certain temps, ne les guérit de la locomotion, permet-
dite de «  stimulation cérébrale plantée sous la peau et chemine pas et cesse même d’être tant ainsi la régression des
profonde » (SCP). sous le cuir chevelu, descend efficace après quelques symptômes parkinsoniens. Si
Ce procédé neurochirurgical a été le long du cou, puis jusqu’au années. À l’occasion de ces dernières années la SCP a
l'attribution d'un prix aux réellement amélioré la prise

rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
appliqué pour la première fois sur thorax ou l’abdomen, selon le
un patient atteint de la maladie de site choisi pour implanter le deux médecins qui ont en charge thérapeutique de
Parkinson en 1993 au CHU de Gre- stimulateur. Ce dernier est pro- inventé la "stimulation patients parkinsoniens, son
cérébrale profonde" (SCP), le efficacité et son caractère
noble par le professeur Benabid. grammable par radiofréquences
Français Alim-Louis Benabid éthique pour le traitement
L’intervention vise à moduler à travers la peau. Cela permet au et l’Américain Mahlon d’autres maladies, comme
grâce à un courant électrique à médecin de régler de manière DeLong, l'article dresse le les maladies psychiatriques,
haute fréquence l’activité des non invasive les paramètres de bilan de cette thérapie basée doivent encore être prouvés.
circuits neuronaux dont le fonc- la stimulation électrique.
tionnement est perturbé par une Les bénéfices de la SCP se de la maladie de Parkinson, mais soulèvent des questionne-
maladie. L’hyperactivité patho- font généralement sentir en puis à d’autres pathologies du ments éthiques en particulier
logie de la région ciblée est en quelques semaines. Une nou- mouvement. En variant les sites lorsque certains médecins envi-
quelque sorte « brouillée ». velle génération de neurosti- d’implantation des électrodes, sagent de l’appliquer à l’ano-
Pour cela, les neurochirurgiens mulateurs est développée qui elle a ensuite été étendue avec rexie mentale ou à l’agressivité
implantent directement dans le seront capable d’enregistrer plus ou moins de succès à la dirigée contre les autres.
cerveau de fines électrodes qui l’activité électrique du cerveau dépression sévère aux troubles
délivrent un courant électrique et d’adapter en conséquence la obsessionnels compulsifs
continu à des structures céré- stimulation électrique. (TOC), à la maladie de Gilles de Paul Benkimoun
brales profondes, en l’occurrence La technique de la SCP a d’abord la Tourette. lemonde.fr, 10.09.2014
les noyaux gris centraux pour les été appliquée avec succès au D’autres pathologies neuropsy-
malades parkinsoniens. traitement des manifestations chiatriques sont envisagées,

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 91


LES ARTICLES DU

Vers une police du cerveau


C
onstitué de cent milliards par des électrodes crâniennes. ment bientôt prête. L’ultime de la Shoah ? Pour le bien des
de neurones, le cerveau La technologie ira au-delà du frontière de la domination des rares déportés ayant survécu
était un continent mys- décryptage des cerveaux : leur dictatures – l’esprit humain – peut-être, mais pas pour l’hu-
térieux. L’origine de la pensée et manipulation semble sans li- serait pulvérisée : on n’ose manité, dont l’histoire aurait été
de la conscience est restée une mite. Sa régulation ne sera pas imaginer ce que Staline, Mao, falsifiée. Transformations bio-
énigme pour des générations de consensuelle : on peut aussi Pol Pot ou Hitler auraient fait logiques et électroniques du
scientifiques. Ce n’est qu’à partir bien soutenir que le cerveau des neurotechnologies. La pro- cerveau, réalité virtuelle, mani-
des années 1980 que Jean-Pierre doit rester un sanctuaire in- tection de l’intégrité cérébrale pulation des souvenirs forment
Changeux et Gerald Edelman violable que promouvoir des va devenir essentielle. Il fau- un cocktail détonant. La vérité
ont conceptualisé une biologie techniques de neuro-renfor- dra encadrer les modifications va devenir de plus en plus fra-
de la conscience. Les enjeux cement pour aider les enfants mnésiques, même lorsqu’elles gile, et les erreurs que l’on
sont immenses. D’une part, moins favorisés. Dernièrement, sont proposées au nom de l’in- trouve sur Wikipédia paraissent
comprendre comment sont l’éditorialiste de la prestigieuse térêt des malades. Les militaires anodines au regard des perspec-
stockées nos émotions et notre revue médicale The Lancet s’in- travaillent aujourd’hui sur les tives des neurotechnologies.
mémoire est fondamental pour quiétait non des dérives des techniques permettant de sup- Notre neuro-sécurité, c’est-
lutter contre les maladies neu- technologies de renforcement primer les souvenirs de guerre à-dire notre liberté, deviendra le
ropsychiatriques. D’autre part, cérébral, mais des conditions traumatisants. Par ailleurs, la cœur des droits de l’homme de
la technologie va permettre des pour accorder aux étudiants société ne se serait pas opposée la civilisation biotechnologique.
manipulations de nos cerveaux. pauvres des bourses leur per- à l’effacement des souvenirs des Mais pourra-t-on faire confiance
La compréhension du fonc- mettant d’y avoir accès ! petites filles rescapées de l’af- à l’État pour bâtir la neuro-
tionnement cérébral et la car- Les neurotechnologies pour- faire Dutroux. éthique ? Autorisera-t-on, par

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tographie de l’esprit humain raient devenir une arme fatale exemple, la justice à lire dans
progressent au rythme de au service d’une ambition tota- Et puis après ? nos cerveaux ? 
l’augmentation des capacités litaire. C’est une menace inédite Aurait-il fallu – si cela avait été
informatiques. La stimulation contre la liberté : la police de possible – supprimer en 1945 les Laurent Alexandre
cérébrale par implants – qui la pensée sera technologique- souvenirs atroces des rescapés Le Monde daté du 19.05.2012
sont des puces électroniques
implantées dans le cerveau –
pour traiter les dépressions ou POURQUOI structures du cerveau, de éthique. Dans quelle mesure
les troubles névrotiques graves CET ARTICLE ? connaître son fonctionne- a-t-on le droit d’avoir accès
ment, de stimuler certaines à l’esprit d’un être humain ?
donne des résultats très encou-
Cet article clôt le thème des régions précises. L’auteur de le modifier ? Ce question-
rageants. Les tétraplégiques neurosciences par une ré- anticipe les possibilités tech- nement est fondamental et
peuvent commander un or- flexion personnelle. Il pré- niques à venir et s’inquiète rappelle avec justesse que
dinateur ou une machine par sente la vision éthique d’un du pouvoir que confère la toute innovation technolo-
la pensée, via un casque qui scientifique face au progrès maîtrise de ces techniques et gique doit s’accompagner
analyse les ondes cérébrales. spectaculaire de l’imagerie les risques liés à leur utilisa- d’une réflexion éthique sur
Récemment, on a pu recons- cérébrale de ces dernières tion. Il appelle à la création son utilisation et ses consé-
années. Il est maintenant d’une nouvelle branche de quences pour l’individu et
truire la pensée grâce au dé-
possible d’avoir accès aux la bioéthique : la neuro- la société.
codage des ondes enregistrées

92 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


le guide pratique

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LESLE
ARTICLES
GUIDE PRATIQUE
DU

LES SVT AU BAC


Coefficient : 6 ou 8 pour les
candidats ayant choisi la SVT
Épreuve écrite de SVT
comme enseignement de
spécialité. Épreuve pratique
(évaluation des compétences
expérimentales) : sur 4 points ;
durée : 1 h.
Épreuve écrite : sur 16 points ;
durée : 3 h 30.
PARTIE 1
DE L’ÉCRIT
Notée sur 8 points, elle évalue
la maîtrise des connaissances
acquises dans le cadre du pro-
gramme spécifique de SVT. Le
questionnement se présente
sous forme d’un QCM ou d’une
question de synthèse ou d'un
QCM et une question de synthèse
qui peuvent éventuellement
s’appuyer sur un ou plusieurs
documents. Cette partie peut por-
ter sur une, plusieurs ou toutes
les parties du programme.
Partie 1 : Maîtriser ses connaissances
PARTIE 2 se rapportant au sujet. Prévoyez alors les schémas

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Cette partie, qui porte sur une ou plusieurs parties nécessaires pour illustrer les notions choisies. Dans
DE L’ÉCRIT du programme spécifique, a pour objectif d’évaluer tous les cas, suivez bien les consignes de l’énoncé
Notée sur 8 points, elle évalue la les connaissances du candidat selon l’une des mo- (par exemple un schéma-bilan est souvent exigé).
pratique du raisonnement scien- dalités variables : Les schémas doivent être assez grands, clairs, en
tifique et de l’argumentation. Elle – une question de synthèse portant sur une ou couleurs et accompagnés de légendes et d’un titre.
comporte deux exercices : plusieurs parties du programme spécifique ; Dans le cas d’un QCM, pour chaque question, quatre
– le premier exercice, noté sur – un QCM portant sur une partie ou plusieurs parties propositions sont faites. Une seule proposition est
3 points, évalue la capacité du du programme spécifique, voire tout le programme. exacte, les autres sont fausses. Il ne faut jamais
candidat à raisonner dans le cadre Ce QCM peut prendre appui sur des documents ; cocher deux propositions car cela invalide auto-
d’un problème scientifique pro- – l’association d’un QCM (avec ou sans documents) matiquement la réponse. En général, seules les
posé par le sujet, en s’appuyant et d’une question de synthèse. bonnes réponses rapportent des points et l’absence
sur l’exploitation d’un nombre Dans la question de synthèse sont évaluées la maî- de réponse ou une réponse erronée n’enlève pas
réduit de documents. Le question- trise des connaissances du candidat et sa capacité à de point. Les candidats ont donc toujours intérêt
nement se présente sous forme les mobiliser et à les présenter de manière cohérente à cocher une proposition, même s’ils ne sont pas
d’un QCM ou d’une question pour répondre à la question posée. La qualité de la sûrs de leur réponse.
ouverte ; rédaction est un critère important de l’évaluation.
– le second exercice, noté sur Il est donc essentiel d’identifier précisément la Partie 2 – Exercice 1 : Raisonner
5 points, évalue la capacité du can- problématique à partir de l’énoncé pour délimiter dans le cadre d’un problème
didat à pratiquer une démarche le sujet et ainsi éviter tout hors-sujet ou tout oubli scientifique
scientifique dans le cadre d’un d’une partie du sujet. La réponse attendue doit Cet exercice de la partie 2 porte sur le programme
problème scientifique à partir contenir une introduction (qui définit les termes spécifique et vise à évaluer la capacité du candidat
de l’exploitation d’un ensemble du sujet, pose clairement la problématique et an- à raisonner dans le cadre d’un problème scien-
de documents et en utilisant ses nonce le plan), un développement cohérent et une tifique proposé par le sujet, en s’appuyant sur
connaissances. conclusion (qui propose un bilan répondant à la pro- l’exploitation d’un nombre réduit de documents.
Pour les candidats qui n’ont suivi blématique puis une ouverture vers un thème voisin La réponse peut se présenter sous forme d’un QCM
que l’enseignement spécifique de du sujet étudié). Le développement est structuré en ou d’une réponse rédigée.
SVT, les deux exercices de la par- différents paragraphes dont chacun développe un Dans le cas d’une réponse rédigée, il s’agit de
tie 2 peuvent porter sur la même aspect du sujet de manière cohérente et argumentée. construire un raisonnement répondant au problème
partie ou non du programme spé- Des titres numérotés mis en valeur peuvent être posé en exploitant les informations contenues
cifique. Pour les candidats ayant présents mais ne sont pas exigibles. Le travail au dans les documents. Il peut s’agir par exemple de
choisi la spécialité SVT, le second brouillon est impératif pour construire le plan de comparer des éléments, d’argumenter, d’extraire et
exercice de la partie 2 porte sur la synthèse : lisez bien l’énoncé, qui peut indiquer le d’organiser des informations, de relier des informa-
l’un des thèmes de spécialité. plan à suivre, et mobilisez les notions vues en cours tions entre elles à partir des documents fournis, etc.

94 Titre
Le courant
guide pratique
LE GUIDE PRATIQUE

La qualité et la rigueur du raisonnement sont les GÉRER


principaux critères de l’évaluation de cet exercice.
Aucune restitution de connaissances n’est exigée SON TEMPS
mais les connaissances du candidat peuvent être Consacrez 10 minutes en début
utiles pour analyser les documents. La réponse d’épreuve à la lecture de l’ensemble
attendue comporte, en général, une courte introduc- du sujet et au choix de l’ordre
tion posant la problématique et un développement dans lequel vous allez traiter les
structuré en différents paragraphes (sans titres exercices. Fixez alors une durée
apparents) qui présentent le raisonnement. de travail pour chaque exercice et
Dans le cas d’un QCM, il faut choisir à partir de veillez à la respecter au mieux en
l’exploitation des documents la bonne réponse contrôlant régulièrement l’heure.
parmi les quatre propositions présentées pour Traitez l’ensemble du sujet même si
chaque question. Comme pour la partie 1, aucune vous maîtrisez moins bien une par-
justification écrite n’est attendue, mais la lecture tie du programme. Avant la fin de
attentive des documents et leur compréhension l’épreuve, prévoyez 5 à 10 minutes
sont indispensables pour sélectionner les bonnes pour relire votre copie et corriger
réponses du QCM. les fautes de sens et d’orthographe.

Partie 2 – Exercice 2 : Pratiquer une GÉRER


démarche scientifique
Cet exercice porte soit sur le programme spécifique SON STRESS
pour les candidats n’ayant pas choisi la spécialité La veille de l’épreuve, éviter les
SVT, soit sur un des thèmes de spécialité pour les révisions intensives tardives et es-
candidats ayant choisi la spécialité SVT. sayez d’arriver en forme, détendu
L’objectif est d’évaluer la capacité du candidat à mais motivé, le jour des épreuves.
pratiquer une démarche scientifique dans le cadre Préparez votre matériel pour com-
de la résolution d’un problème scientifique en poser (y compris une boisson et
exploitant différents documents mis en relation et un petit en-cas). Avant le début de

© rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
en mobilisant ses connaissances. Le candidat doit l’épreuve, prenez quelques minutes
exposer sa démarche personnelle de résolution du pour vous détendre en respirant
problème en élaborant une véritable argumentation informations issues des documents permettant calmement. Essayez de faire de
qui conduit à une résolution possible du problème de traiter la problématique, puis construire le votre mieux quelles que soient les
posé et en proposant une conclusion répondant à plan de la réponse à l’aide des éléments issus des difficultés rencontrées et profitez
ce problème. L’énoncé précise souvent qu’aucune documents, mis en relation entre eux et avec les du temps imparti à l’épreuve pour
étude exhaustive des documents n’est attendue : éléments de connaissances nécessaires. améliorer votre copie.

ÉPREUVE
il ne s’agit pas d’analyser les documents dans leur
intégralité mais d’en extraire les informations Préparer l’épreuve du bac
utiles à la résolution du problème posé, de les relier
entre elles et aux connaissances du candidat.
Au cours de l’année, au fur et à mesure des cha-
pitres, réalisez des fiches où figurent le plan du
ORALE DE
Dans cet exercice sont principalement évaluées cours, les notions essentielles, les définitions des RATTRAPAGE
la cohérence de la démarche proposée par le mots clés ainsi que les schémas importants à Préparation : 20 minutes.
candidat, sa capacité à justifier ses choix dans la connaître. Ce travail permet de sélectionner les Présentation : 20 minutes.
résolution du problème et à faire preuve d’esprit notions essentielles, de les mémoriser et les revoir Le candidat tire au sort un su-
critique. Plusieurs démarches de résolution du rapidement lors des révisions avant les épreuves. jet de deux questions. Pour les
problème peuvent être possibles : le candidat Retravaillez bien les corrections des évaluations candidats qui n’ont pas choisi
choisit celle qui lui paraît la plus appropriée en la faites en classe et entraînez-vous sur des sujets de la spécialité SVT, elles portent
justifiant rigoureusement à l’aide des informations type bac. sur deux parties différentes du
extraites des documents. programme spécifique de SVT.
La réponse attendue comporte, en général, une Développer votre culture Pour les candidats ayant choisi la
introduction présentant la problématique, un dé- générale spécialité SVT, une question porte
veloppement structuré en différents paragraphes Les sujets font de plus en plus appel à votre culture sur le programme spécifique et
(sans titres apparents) présentant la démarche générale. Celle-ci vous sera également utile pour la l’autre sur l’un des thèmes de
de résolution, puis une conclusion résumant la suite de vos études, pour des concours ou des en- spécialité. Les sujets comportent
résolution du problème. Le candidat doit veiller à tretiens. Suivez les grandes lignes de l’actualité des documents semblables à ceux
bien respecter la forme de la réponse exigée par régulièrement (radio, télévision, presse écrite pa- étudiés en cours durant l’année.
l’énoncé : compte-rendu d’une sortie sur le terrain, pier ou numérique) et approfondissez, par des Comme l’épreuve a lieu dans une
analyse d’un projet technique, etc. Les documents lectures, les sujets qui peuvent se référer au pro- salle comportant du matériel de
ne sont pas à analyser dans l’ordre donné par gramme. Les articles du Monde proposés ici visent SVT, le candidat peut être inter-
l’énoncé mais selon l’ordre logique pour résoudre à vous faciliter cette ouverture sur l’actualité et la rogé sur le matériel expérimental
le problème. Un travail au brouillon est nécessaire mise relation entre avec les recherches scientifiques et son utilisation, sans être amené
pour analyser les documents, sélectionner les et le cours enseigné.  à le manipuler.

Le guide pratique 95
Crédits
ENJEUX PLANÉTAIRES CONTEMPORAINS
COUVERTURE Géothermie et propriétés thermiques de la Terre
Chromosome : © alex-mit/ iStcok ; source thermale : kershawj/ iStock
p. 56 DR ; p. 57 DR ; p. 58 gauche DR, droite © RDE
La plante domestiquée
GÉNÉTIQUE ET ÉVOLUTION p. 60 © Lézarts Création ; p.61 gauche DR, droite © RDE ; p. 62 © RDE
Le brassage génétique et sa contribution à la diversité
génétique
p. 6 gauche, DR, droite © Lézarts Création ; p. 7, DR ; p. 8, DR ; p. 9, © RDE. LE MAINTIEN DE L’INTÉGRITÉ DE L’ORGANISME :
Diversification génétique et diversification des êtres vivants QUELQUES ASPECTS DE LA RÉACTION
p. 12 © RDE ; p. 13 haut © RDE, bas, DR, chimpanzé © Marcel Schauer/ IMMUNITAIRE
Fotolia ; La réaction inflammatoire, un exemple de réponse innée
p. 14 colonne © Istockphoto/ Thinkstock, partie centrale © Lézarts p. 66 haut et bas © Hemera/ Thinkstock ; p. 67 © RDE ; p. 69 DR
Création ; p. 15 DR. L’immunité adaptative, prolongement de l’immunité innée
De la diversification des êtres vivants à l’évolution de la p. 72 DR ; p. 73 haut DR, bas © Lézarts Création ; p. 74 © Istockphoto/
biodiversité Thinkstock
p. 18 colonne haut © RDE, colonne bas © Istockphoto/ Thinkstock,partie Le phénotype immunitaire au cours de la vie
centrale © Lézarts Création ; p. 79 haut DR, bas droite © Lézarts Création ; p. 80 © RDE
p. 19 partie centrale © RDE, colonne © Istockphoto/ Thinkstockp. 20 DR ;
p. 21 partie centrale DR, colonne © Istockphoto/ Thinkstock.
Un regard sur l’évolution de l’homme
NEURONE ET FIBRE MUSCULAIRE : LA
p. 24 © RDE ; p. 25, DR ; p. 26 © RDE ; COMMUNICATION NERVEUSE
Les relations entre organisation et mode de vie, résultat de Le réflexe myotatique, un exemple de commande réflexe du
l’évolution : muscle
l’exemple de la vie fixée chez les plantes p. 84 © Lézarts Création ; p. 85 haut © Lézarts Création, bas DR ; p. 86 ©
p. 30 DR ; p. 31 DR ; p. 32 DR ; p. 33 DR ; RDE 
Motricité volontaire et plasticité cérébrale
p. 88 © RDE ; p. 89 © RDE ; p. 90 © Hemera/ Thinkstock
LE DOMAINE CONTINENTAL ET SA DYNAMIQUE

© rue des écoles & Le Monde, 2016. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
La caractérisation du domaine continental :
lithosphère continentale, reliefs et épaisseur crustale LE GUIDE PRATIQUE
p. 93 © iStockphoto ; p. 94 © Istockphoto/ Thinkstock ; p. 95 © Purestock/
p. 38 colonne et partie centrale droite © Lézarts Création, partie centrale
Thinkstock
gauche DR ; p. 39 partie centrale haut DR, partie centrale bas et colonne ©
RDE ; p.40 DR.
Contexte de la formation des chaînes de montagnes et
disparition des reliefs
p. 44 © Lézarts Création ; p. 45 partie centrale gauche © Lézarts Création,
partie centrale droite DR, colonne © RDE ; p.46 carte
© Lézarts Création, autres visuels DR ; p.47 © RDE
Le magmatisme en zone de subduction : uneproduction de
nouveaux matériaux continentaux
p.50 partie centrale gauche DR, partie centrale droite © RDE ; p. 51 © Lézarts
Création ;
p. 52 en haut © Lézarts Création, en bas © RDE

Edité par la Société Editrice du Monde – 80, boulevard Auguste Blanqui – 75013 Paris
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Président du Directoire, Directeur de la Publication : Louis Dreyfus
Directeur de la rédaction : Jérôme Fenoglio
Dépôt légal : février 2016 - Imprimé par Aubin - Achevé d’imprimer : mars 2016
Numéro hors-série réalisé par Le Monde - © Le Monde – rue des écoles 2016

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