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Au XIXe siècle, la révolution industrielle et les avancées technologiques ont profondément

changé le visage des grandes villes d’Europe. C’est ainsi que de nombreux poètes ont décidé de
choisir la ville comme cadre de leurs descriptions poétiques, afin de rendre compte des émotions
particulières qu’elle suscite.

Charles Baudelaire en est le parfait exemple: en effet, une section entière des Fleurs du
Mal s’intitule « Tableaux Parisiens »: le poète choisit la ville comme théâtre de ses réflexions
poétiques. Au sein de cette section, le sonnet «  A une passante » glorifie la rencontre fugace
entre le poète et une femme qui passe devant lui, au milieu de la foule et des bruits de la rue

Comment la description de la rencontre entre le poète et une passante dans la rue permet-
elle au lecteur de comprendre la conception de l’amour chez Baudelaire?

La première strophe nous présente l’apparition de la femme au milieu du vacarme; la


deuxième strophe poursuit le portrait de cette passante, en accentuant l’émotion qu’elle procure
chez le poète. La troisième strophe fait état du lyrisme de Baudelaire, qui pleure la brièveté de la
rencontre, tandis que le tercet final glorifie la douleur du poète, et présente cette rencontre
comme un moyen de fuir le Spleen et d’atteindre l’Idéal par l’élévation.

1ere strophe

-personnification: « la rue assourdissante hurlait »: confère à la rue un caractère primordial,


c’est le théâtre de la poésie de Baudelaire (sa vision du monde)

- « autour de moi »: complément circonstanciel de lieu: sentiment d’oppression du poète

- « assourdissante »: choix d’un adjectif fort, qui montre la cacophonie des bruits qui
entourent le poète

- Deux adjectifs qui présentent la femme, « longue » « mince »: c’est la silhouette de la


femme qui saute aux yeux de Baudelaire, qui représente l’idéal féminin

- « en grand deuil »: manifestation de sa tenue noire, sombre, mais qui connote l’idée de la
tristesse=> idée renforcée par l’hyperbole « douleur majestueuse », qui montre que cette femme
reste digne dans la maitrise de ses émotions

- « Une femme passa »: lien établi avec le titre du poème, emploi du passé qui souligne la
brièveté du passage de cette femme

- « une main fastueuse »: choix d’un adjectif a double sens: soit la main de la femme porte
des bijoux (signe extérieur de richesse ), soit cette main est si parfaite qu’elle confère à cette
femme la noblesse

- rythme ample qui débute ici

- soulevant, balançant le feston et l’ourlet: assonance en an et allitération en s qui


évoquent le bruissement des tissus

- « feston »: paronomase avec fastueuse, accentue l’idée de richesse et de noblesse qui


se dégage de cette femme

2e Strophe

- 2 adjectifs qui rappellent la 1ère strophe: « agile », mouvement « noble », l’air qui se
dégage de cette femme

- « avec sa jambe de statue » métaphore qui confère une dimension mythologie à la


passante (évocation de l’histoire de Pygmalion, dont la statue prit vie grâce à Aphrodite)

« Moi »: Baudelaire est clairement établi comme le narrateur et protagoniste de ce poème

-« je buvais »: imparfait, valeur d’action répétée: lien établi entre l’ivresse de l’alcool et
l’ivresse de l’amour

- « crispé comme un extravagant », comparaison qui accentue la différence entre B. Et la


passante (elle debout, lui penché): elle représente donc l’Idéal

- métaphore de l’oeil: « ciel livide ou germe l’ouragan »: dans son regard, B est sous le
charme, et voit le caractère affirmé, voire colérique de la passante

- parallélisme // antithèse: la douleur qui fascine et le plaisir qui tue: manifeste de la


conception de l’amour chez Baudelaire, qui associe toujours les idées de bien et de mal, d’amour
et de mort (Liebestod)

3e strophe

Un éclair: métaphore du coup de foudre

Points de suspension marquent le silence, et le temps que prend Baudelaire pour revenir à
la normale: « la nuit » évoque ici le Spleen, qui revient quand s’éloigne la passante.

« Fugitive », rappelle ici que la rencontre éphémère

« soudainement »: rappelle la même idée de brièveté

«renaitre »: hyperbole qui montre l’impact de la rencontre entre Baudelaire et la Passante,


elle le pousse à sortir du spleen et à atteindre l’idéal.

« Ne te verrai-je plus que dans l’éternité? »: question rhétorique qui met en valeur le doute
qui habite B au moment où s’éloigne la passante, (la peur de voir revenir ses angoisses)

« éternité » s’oppose aux autres termes liés au temps dans cette strophe, et peut
également être vu comme un euphémisme de la mort (conception liée au Romantisme du XIXe s)

4e strophe

Crée une rupture avec les précédentes: Exclamations qui traduisent la volonté de
Baudelaire de s’échapper de la réalité du lieu (Ailleurs bien loin d’ici) et du temps (trop tard)

« jamais » évoque l’idée du fatalisme, le fait que Baudelaire ne pourra surement jamais retrouver
cette femme.

-Registre lyrique / registre tragique tout au long de la strophe: montre les émotions
contrariées de Baudelaire, qui retombe peu à peu dans le spleen et l’incertitude.

« Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais »: chiasme qui met en valeur la contradiction
et l’opposition de leurs situations, leurs chemins se séparent: ils restent étrangers l’un à l’autre

- « Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ! », rappelle l’incantation avec l’apostrophe
O toi, parallélisme établi ici.

Emploi du conditionnel passé, qui rappelle une dure réalité: l’amour entre B et la passante relève
du fantasme. « O toi qui le savais »: il n’y a aucun pour Baudelaire de vérifier si les sentiments
qu’il éprouve sont réciproques, afin de ne pas souffrir, il préfère imaginer que la passante était au
courant de ses sentiments.

Conclusion - Ouverture

Nadja d’André Breton, 1928: récit autobiographique qui raconte son histoire d’amour avec Léona
Delcourt, dite « Nadja ». Extrait: Le récit utilise la ville comme cadre de la rencontre.

« Je venais de traverser ce carrefour dont j'oublie ou ignore le nom, là, devant une église. Tout à
coup, alors qu'elle est peut-être encore à dix pas de moi, venant en sens inverse, je vois une jeune
femme, très pauvrement vêtue, qui, elle aussi, me voit ou m'a vu. Elle va la tête haute,
contrairement à tous les autres passants. Si frêle qu'elle se pose à peine en marchant. Un sourire
imperceptible erre peut-être sur son visage. Curieusement fardée, comme quelqu'un qui, ayant
commencé par les yeux, n'a pas eu le temps de finir, mais le bord des yeux si noir pour une
blonde. Le bord, nullement la paupière (un tel éclat s'obtient et s'obtient seulement si l'on ne
passe avec soin le crayon que sous la paupière. Il est intéressant de noter, à ce propos, que
Blanche Derval, dans le rôle de Solange, même vue de très près, ne paraissait en rien maquillée.
Est-ce à dire que ce qui est très faiblement permis dans la rue mais est recommandé au théâtre ne
vaut à mes yeux qu'autant qu'il est passé outre à ce qui est défendu dans un cas, ordonné dans
l'autre ? Peut-être). Je n'avais jamais vu de tels yeux. Sans hésitation j'adresse la parole à
l'inconnue, tout en m'attendant, j'en conviens du reste, au pire. Elle sourit, mais très
mystérieusement, et, dirai-je, comme en connaissance de cause, bien qu'alors je n'en puisse rien
croire »

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