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LES MARTYRS
DE BOKASSA
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COLLECTION « L'HISTOIRE IMMÉDIATE »


DIRIGÉE PAR JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD

CE LIVRE A ÉTÉ ÉDITÉ


SOUS LA DIRECTION DE J E A N - L U C POUTHIER
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ANDRÉ BACCARD

LES MARTYRS
DE BOKASSA

ÉDITIONS DU SEUIL
27, r u e J a c o b , P a r i s VIe
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ISBN 2 - 0 2 - 0 0 9 6 6 9 - 2

© ÉDITIONS DU SEUIL, JUIN 1 9 8 7

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation col-
lective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque pro-
cédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite
et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
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« Il n'y a pas de mal plus grand, qui ait des


suites si funestes, que la tolérance d'une
tyrannie qui la perpétue dans l'avenir. »
Montesquieu

« Le tombeau des héros est le cœur des


vivants. »
Malraux
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Avant-propos

J'ai entrepris d'écrire cet ouvrage en 1982 à la demande de


nombreux Centrafricains qui avaient souffert sous le régime de
Jean-Bedel Bokassa. J'effectuais alors une mission dans leur
pays. Ils craignaient de voir les tourments qu'ils avaient vécus et
surtout le calvaire et le sacrifice des martyrs s'effacer des
mémoires et ne plus pouvoir être relatés lorsque ceux qui en
avaient été les témoins auraient disparu. Les victimes du régime
désiraient aussi que ces événements fussent exposés par une per-
sonne qui n'y eût pas été mêlée et qui ne pût être soupçonnée de
parti pris dans les querelles internes ou les rivalités ethniques.
Si des procès avaient eu lieu en 1980 et 1981 pour sanctionner
les crimes ou méfaits de Bokassa et de ses acolytes, si une com-
mission d'enquête internationale formée de magistrats africains
s'était penchée pendant quelques jours sur les événements d'avril
1979 et si des journalistes avaient révélé des agissements parvenus
à leur connaissance, tout avait été fait trop rapidement ou de
manière fragmentaire. Il restait de grandes zones d'ombre et
d'autres où régnaient la confusion et la contradiction. L'imagina-
tion et les passions trouvaient là un terrain très propice pour se
répandre et, plusieurs années après la chute de Bokassa, beau-
coup en arrivaient à se demander ce qui s'était réellement passé et
en quel crédit il fallait tenir tout ce que l'on racontait sur le chef
d'État déchu.
A l'extérieur, le doute s'était installé dans les esprits et Bokassa
en profitait pour le développer. Rusé, parfait comédien, il jouait
le bon père victime d'une machination politique et il y réussissait
quelquefois. A toute cette opinion, il importait de montrer
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Bokassa sous son vrai visage et de lui permettre de juger un tyran


qui ne cachait pas son ambition de reprendre le pouvoir.
L'enquête n'avait pas été simple. Certes, j'avais pu compulser
les archives et étudier les dossiers judiciaires, mais dans la mesure
où les unes et les autres étaient conservés. Il fallait surtout
entendre les témoins de ces événements. Or beaucoup, et même
parmi ceux qui les avaient éprouvés par eux-mêmes ou par leurs
proches, n'aimaient pas réveiller leurs souvenirs et préféraient
oublier. Je les comprenais. Il n'était pas facile de leur dire que la
vérité devait être connue, qu'elle le serait de toute façon, que les
gens qu'ils pleuraient méritaient de ne pas tomber dans l'oubli,
que les actes d'héroïsme devaient être connus des générations
futures. Et puis, il y avait ceux qui refusaient de parler parce
qu'ils avaient été associés de trop près aux agissements de
Bokassa ou qu'ils se reprochaient de ne pas avoir fait preuve de
plus de cran. D'autres enfin avaient peur. Le souvenir du tyran
était encore trop vif, la crainte qu'il inspirait trop grande pour
que toute question concernant ses crimes et ses exactions ne fît
surgir défiance et réticence ou ne se heurtât quelquefois à un
refus tout net, et cela même chez les jeunes qui avaient subi le
cachot et avaient eu la chance d'échapper à la mort en avril 1979.
L'enquête ne s'était pas révélée plus aisée avec les témoins qui
voulaient parler ou qui y consentaient, et qui étaient tout de
même l'immense majorité. L'imprécision, la confusion, la contra-
diction sont l'apanage de tous les témoins du monde ; j'ai essayé
de les prévenir ou de les déceler par la confrontation, les recoupe-
ments, la vérification à partir de faits sûrs.
J'avais terminé l'essentiel de mes recherches et j'arrivais au terme
de mon ouvrage quand la nouvelle éclata : Bokassa était rentré
dans son pays. Dès lors, à moins qu'il ne reprît le pouvoir, ce qui
était probablement son intention, il devait comparaître devant ses
juges. Un nouveau procès eut lieu effectivement et ce fut le grand
déballage tant attendu, inespéré, de tout un peuple : victimes qui
accouraient pour accuser avec véhémence et demander des comptes
à l'homme dont elles n'auraient pas osé croiser le regard, pour cer-
taines d'entre elles, quelques années auparavant, témoins ou per-
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sonnes mises en cause portés vers le prétoire par la pression popu-


laire dès que leur nom était dévoilé à la barre et diffusé à la radio.
L'accusé, quant à lui, s'était retranché dans un système de
défense et s'y tenait, bien qu'il fût souvent malmené et acculé
devant l'évidence. Bokassa ne savait rien, un chef d'État n'entre
pas dans les « détails ». Des morts à la prison de Ngaragba ? Il
les ignorait, maintenant il les déplorait. Il n'en avait jamais
ordonné l'exécution : celle-ci était sans doute le fait de ses
ennemis qui voulaient déstabiliser son régime. A l'abri de leur
maître, les quelques éléments exécuteurs en macabres besognes
n'ont pu être inquiétés, encore moins dévoilées les circonstances
de leurs crimes, et les familles ne savent toujours pas où ont été
ensevelies les dépouilles de leurs disparus. Cela doit être pour
elles une nouvelle déception, apparemment définitive cette fois.
A la lumière des précisions supplémentaires que j'ai recueillies
dans ce procès, j'ai achevé mon ouvrage. Que l'on ne compte pas
y trouver un essai de politique centrafricaine ou franco-centrafri-
caine, encore moins quelque anecdote relative à des controverses
qui ont défrayé la chronique. Je rapporte l'histoire d'une
immense souffrance. Elle se suffit à elle-même.
Je dois préciser que je n'ai pas tout dit. J'ai omis certains faits
parce qu'ils concernent des personnes vivantes. D'autres fois, j'ai
tu des noms par souci d'indulgence envers des faiblesses, critica-
b certes, mais le lecteur observera combien il était difficile de
résister à une telle tyrannie qui, si elle ne vous atteignait pas per-
sonnellement, était répercutée sur vos proches.
Ce livre se veut une première ébauche livrée à la connaissance
et à la critique. Si j'ai commis des erreurs, que l'on me pardonne
et qu'on me le dise. Il reste beaucoup à faire, des ombres et des
mystères à percer. Je ne doute pas que cet ouvrage suscitera
d autres témoignages, d'autres précisions sur cette histoire dou-
loureuse et souvent héroïque de la jeune République centrafri-
caine.
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LA PRISE DU POUVOIR

(1966-1969)
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La nuit de la Saint-Sylvestre

Déjà retentissent les stridences annonciatrices de fête, des


musiques de bar rythmées par les sons sourds et obsédants des
tam-tams qui affluent des lointains. Une camionnette s'arrête
devant les boutiques et les grands magasins de la ville et, dans la
chaleur de l'après-midi, le gendarme Didace Ndayen charge
vivres, vins et alcools à côté d'une chaîne et d'une pile de disques.
L'année 1965 s'achève et ce soir, à Bangui, officiers et fonction-
naires doivent se retrouver au camp de la gendarmerie pour
réveillonner et danser. Chacun a payé sa contribution et la nuit
promet d'être gaie. L'adjudant-chef Otto a disposé des palmes du
côté de la rue pour mettre les participants à l'abri des curieux.
Passant par là, le commandant François-Sylvestre Sana manifeste
son écœurement à la vue de tant de caisses d'alcool et proteste
auprès des organisateurs. Il a été formé au diaconat par un pas-
t marseillais, M. Lejeune, et a fondé à Bangui une association
de lutte contre l'alcoolisme. Franc et limpide, de sa haute taille il
se fait volontiers sermonneur et s'en prend aux cinq maux qui,
selon lui, ruinent le pays : « Le diamant, l'alcoolisme, le taba-
g le fonctionnarisme et l'inconscience professionnelle. »
Un homme se réjouit à la vue de la liesse qui s'est emparée de
la ville, et sans doute est-ce en fonction d'elle qu'il a décidé d'agir
en cette soirée de fête. Le colonel Jean-Bedel Bokassa, chef
d'état-major général de l'armée centrafricaine, se dispose à
prendre le pouvoir. Quinze jours auparavant, il a annoncé à un
de ses amis que ce serait pour la Saint-Sylvestre, mais sa décision
de se hisser à la tête de l'État a mûri depuis de longs mois.
Jean-Bedel Bokassa affirme qu'il est né le 22 février 1921 à
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Bogombé, hameau de Bobangui, immense village dispersé à une


vingtaine de kilomètres de Mbaïki, chef-lieu administratif de la
préfecture de la Lobaye. En fait, ses parents, comme la plupart à
l'époque, n'avaient pas pris soin de déclarer à l'état civil la venue
au monde de leur enfant, et la date de sa naissance résulte seule-
ment d'un jugement supplétif établi en 1962 par le tribunal de
Mbaïki, à partir du témoignage de trois notables. Bokassa,
lorsqu'il eut pris le pouvoir, aperçut l'utilité de préciser le jour de
sa naissance pour faire de cet anniversaire la fête du père de la
nation, père glorieux, bienfaisant et indulgent, prodiguant
récompenses aux meilleurs et accordant sa grâce aux
condamnés.
De même, Bokassa a élevé son grand-père Mbalanga et son
père Mindogon Gboundoulou au rang de chefs prestigieux de la
puissante tribu ngbaka, toutes affirmations qui, nous le verrons,
doivent être assez largement révisées. Après le décès de ses
parents en 1927, son grand-père le juge apte à fréquenter l'école
des missions et l'inscrit à Sainte-Jeanne-d'Arc à Mbaïki, puis en
1928 à Saint-Louis à Bangui où il rencontre un homme qu'il véné-
rera toute sa vie, le révérend père Gruner. Il rejoint ensuite Braz-
zaville où il fréquente l'école du père Comte. D'aucuns le disent
aussi marmiton auprès d'un officier français, et c'est à cette occa-
sion qu'il aurait acquis des talents de cuisinier qu'il aimait à
étaler. Tout naturellement, dans cet état, en 1939, il s'engage dans
l'armée française.
Dès lors, son livret militaire retrace fidèlement une vie de gar-
nisons, d'écoles et de campagnes, jalonnée de promotions qui
récompensent ce jeune Africain à l'esprit vif et entreprenant :
ralliement du Congo à la France libre en 1940, campagnes de
France et d'Allemagne en 1944-1945, Indochine de 1950 à 1953,
retour en Europe et en Afrique : Saint-Louis du Sénégal, Fréjus,
Brazzaville. En 1957, dans la capitale de l'Afrique équatoriale
française, le sous-lieutement Bokassa se présente sans doute très
respectueusement à un autre fils de la Lobaye, son cousin au sur-
plus, devenu un homme considérable, député français, président
du Grand Conseil de l'AEF, demain le chef de l'Oubangui, peut-
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être du grand État dont il rêve au centre de l'Afrique. Mais l'his-


toire se précipite et entraîne avec elle Bokassa. Si Barthélemy
Boganda n'est pas suivi dans son projet, la République centrafri-
caine, qui correspond au seul territoire de l'Oubangui-Chari, est
proclamée le 1 décembre 1958. Ce même jour, Bokassa est lieu-
tenant et, l'année suivante, il est affecté dans son pays d'origine, à
Bangui. Le 13 août 1960, son cousin David Dacko, qui a succédé
à Barthélemy Boganda, mort dans un accident d'avion, proclame
l'indépendance en présence d'André Malraux. Lorsque, le 1 jan-
vier 1962, le capitaine Bokassa quitte l'armée française pour
l'armée centrafricaine, le président de la République l'appelle
auprès de lui pour diriger son cabinet militaire. Le
1 décembre 1964 enfin, Bokassa est promu colonel et laisse ses
attributions au commandant Georges Bangui pour occuper les
fonctions de chef d'état-major de la jeune armée centrafricaine.
David Dacko confiait à Bokassa un poste qui, en Afrique ou
ailleurs, peut donner des idées à son titulaire, mais qui lui reve-
nait. D'ailleurs, aucun observateur ne décelait en lui un préten-
d au pouvoir suprême. Dans la coloniale, il avait déjà montré
un penchant certain pour la boisson. Maintenant, il fréquente
assidûment les bars de la capitale, souvent en total état d'ébriété.
Un soir, il se bat avec un gérant de bar et le commandant de la
gendarmerie, Henri Izamo, doit intervenir en personne pour
mettre fin à l'incident. Le président Dacko, qui se révèle tout au
contraire un homme cultivé et mesuré, est obligé d'adresser des
remontrances à son chef de cabinet, puis à son chef d'état-major.
Du moins pense-t-il que les préoccupations immédiates de son
cousin ne le portent pas vers le pouvoir.
Les hagiographes de Bokassa ont célébré son courage et ses
exploits, mais l'impulsivité qui le pousse à des décisions ou à des
écarts qu'il regrette bientôt masque plutôt ses craintes et ses
frayeurs. Certains, qui l'ont approché, portent témoignage qu'il
ne manquait pas d'intrépidité et qu'il lui arrivait de commander à
ses pilotes de descendre près du sol au mépris de tout danger,
d'autres au contraire qu'il regardait avec fébrilité s'allumer les cli-
g du tableau de bord. Lors de l'attentat d'Obrou, nous
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l'observerons dans un premier temps choqué, mais finalement


faisant face à l'événement avec calme et dignité. En revanche,
combien de peurs paniques où l'on voit Bokassa se réfugier chez
des amis dans la crainte d'une révolte ou d'un coup d'État... Dans
la nuit de la Saint-Sylvestre, ne disparaît-il pas pendant plus
d'une heure, laissant la direction des opérations à Banza ? Assuré-
ment, il n'aurait jamais eu tout seul le courage et la fermeté
nécessaires pour entreprendre et exécuter son coup d'État.
Et pourtant, en cette année 1965, devant le spectacle politique
qui l'entoure, il se convainc qu'il est en droit de regarder plus haut
et d'aspirer aux fonctions suprêmes et même que c'est à lui, l'offi-
cier centrafricain le plus élevé en grade, que ce pouvoir revient. Il
possède d'ailleurs des qualités qui ne lui laissent pas de doute sur
son aptitude au pouvoir. Son instruction est limitée mais il a
appris à observer, et nul plus que lui ne connaît les intérêts et les
passions qui mènent les hommes. Faute de culture, son intelli-
gence ne peut se manifester qu'à travers la ruse, mais à ce niveau
il n'a pas son pareil : Bokassa est un très grand comédien, et com-
bien ont regretté de s'être laissé prendre à ses facéties... Alain
enseignait à ses élèves que le style abstrait est toujours mauvais :
« Vos phrases doivent être pleines de pierres, de métaux, de
chaises, de tables, d'animaux, d'hommes et de femmes. » Bokassa
sait cela naturellement : son langage atteint quelquefois la tru-
culence. Il dispose enfin et surtout de l'une des vertus les plus
essentielles pour les hommes qui conduisent les États ou s'adres-
sent aux foules : le charisme. Il a le geste, les mots qui émeuvent
et électrisent une assistance, bref, il sait parler au peuple.
Son appartenance à l'ethnie ngbaka, comme les deux premiers
présidents du pays, ses cousins Boganda et Dacko, constituait au
surplus pour lui un droit de prééminence. Très tôt, il manifesta le
désir de passer immédiatement derrière le chef de l'État dans les
cérémonies publiques, ce qui lui valut des discussions véhémentes
avec le protocole et son directeur. Celui-ci, Jean-Paul Douate, lui
expliqua en vain qu'avant lui passaient le président de l'Assem-
blée nationale, les ministres d'État, les ministres, et qu'il devait
prendre place avec les très hauts fonctionnaires. Rien n'y fit.
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Bokassa voulait toujours s'asseoir à la table présidentielle, mar-


cher aux côtés du président ou arborer un fanion à sa voiture
alors qu'il faisait partie du cortège présidentiel et qu'en pareil cas
seule la voiture du chef de l'État porte l'emblème national.
Douate paiera de sa vie les rebuffades qu'il fit alors subir à
Bokassa.
Certes, Bokassa avait juré fidélité à son cousin, le président
Dacko. Apprenant le 15 août 1963 que le président de la Répu-
blique du Congo, l'abbé Fulbert Youlou, avait été renversé, il
avait fait serment que tant qu'il serait aux côtés du président
Dacko, il n'y aurait pas de coup d'État. Pour conforter ses
paroles, il aurait même craché dans son képi. Le président Dacko
sentait néanmoins monter l'ambition de son cousin. Celui-ci
n'avait-il pas soutenu devant des parents qu'étant plus âgé que le
président Dacko, le pouvoir lui revenait, étant sous-entendu dans
ce raisonnement que le pouvoir appartient nécessairement à
l'ethnie ngbaka et à l'intérieur de celle-ci à leur famille.
Le président a-t-il voulu l'écarter de l'arène politique en l'éloi-
gnant physiquement? Bokassa racontera qu'en juillet 1965 il
avait été exilé en France, où il passait de longues journées
d'attente au cercle des officiers de la place Saint-Augustin, mais
qu'en octobre le président Dacko, sous la pression de l'armée,
avait dû le rappeler. David Dacko explique au contraire que,
comme tous les ans, une délégation centrafricaine avait été
conviée au défilé du 14 Juillet et que Bokassa avait insisté pour
en faire partie afin de voir de près l'homme qu'il vénérait le plus :
le général de Gaulle. Les chefs d'État d'Afrique francophone
avaient en outre été invités à participer aux cérémonies marquant
la fermeture de l'École de formation des officiers des territoires
d'outre-mer. Ne pouvant s'y rendre lui-même, David Dacko en
avait profité pour se faire représenter par Bokassa, ce qui com-
blait d'aise et de fierté celui qui n'avait connu ces lieux qu'en
sous-officier.
Effectivement, Bokassa a représenté la RCA aux cérémonies
marquant, le 23 juillet 1965 à Fréjus, la fermeture de
l'EFORTOM, en même temps que les représentants de douze
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autres États qui avaient confié à cette école la formation de leurs


officiers. Le général Bley, commandant de l'École, prononça la
formule : « Au nom du gouvernement français, je déclare fermée
l'École de formation des officiers du régime transitoire des
troupes de marine. Officiers de la promotion Félix Éboué, rejoi-
gnez maintenant vos armées nationales. » Bokassa, ému et
conscient, inscrit sur le livre d'or : « Cérémonie historique qui
demande une solution aux problèmes qu'elle pose aux États afri-
cains. Le colonel Bokassa souhaiterait pour sa part une reprise du
dialogue entre la France et les États africains pour trouver une
solution souple pouvant remplacer l'EFORTOM. »
A Bangui, le président Dacko n'était sûrement pas fâché de
savoir éloigné quelques semaines l'encombrant colonel, qui
rentra cependant au pays sa mission terminée. Son ministre de
l'Intérieur, Jean-Arthur Bandio, lui avait montré le danger du
maintien de l'intéressé à l'extérieur et lui avait plutôt conseillé, à
la faveur d'un remaniement ministériel, de le nommer ministre de
la Défense nationale. Ainsi, doté de fonctions politiques, son
ambition et sa vanité auraient été assouvies, mais il aurait perdu
le contact direct avec les officiers et la troupe, et surtout leur
commandement.
Bokassa, comme l'ensemble de l'armée, observait d'un œil cri-
tique le spectacle affligeant qu'offrait le monde politique fait de
querelles personnelles, d'intrigues et de corruption. Les détourne-
ments de deniers publics se multipliaient. Une vingtaine de pré-
fets et de sous-préfets avaient été envoyés en prison, et, lors d'une
enquête, des écoliers avaient répondu : « Plus tard, je ne veux pas
être préfet, je ne veux pas être sous-préfet, je ne veux pas aller en
prison. » L'armée redoutait encore davantage que le président ne
subît l'influence des hommes de gauche, ou réputés tels, de son
entourage, qui l'avaient incité à reconnaître la Chine populaire en
septembre 1964. Le président ne voulait certes pas inféoder son
pays au camp communiste, trop attaché qu'il était aux valeurs de
l'Occident. Il feignait même l'étonnement : le général de Gaulle
ne lui avait-il pas montré l'exemple ? Il n'ignorait pas que la dis-
proportion des forces et des économies n'autorisait que l'appa-
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rence d'une comparaison et qu'il paraissait aux yeux de beau-


coup faire de son pays, au cœur de l'Afrique, le jouet de la
grande puissance asiatique. Le président trouvait en fait dans la
sollicitude chinoise l'aide et le réconfort qui lui manquaient dans
un moment où la crise financière sévissait et l'avait contraint à
des mesures impopulaires : cotisation obligatoire pour le
M E S A N impôt volontaire de solidarité, abattement de 10% sur
les salaires des fonctionnaires, sans avoir pris la précaution élé-
mentaire d'en dispenser les militaires et les forces de l'ordre.
Tous ces éléments offraient à Bokassa un terrain de propa-
g facile. Il allait racontant aux militaires que Dacko ne vou-
lait pas leur donner de galons et de décorations. Lui-même s'était
querellé à l'Assemblée nationale pour défendre le budget de
l'armée et s'était attiré cette remontrance de Gabriel Berrot,
député de la Lobaye, proche du président Dacko : « Les temps ne
sont pas à la guerre. » Paroles qu'il ne lui pardonnera pas. Il
décriait particulièrement la brigade de sécurité intérieure et exté-
rieure de l'État, que commandait le commissaire de police Jean-
Prosper Mounoumbaye. Il redoutait et détestait ce colosse venu
des confins du Tchad qui, au contraire de lui, ne buvait ni ne
fumait et qui, formé à la sécurité en Israël et en France, avait
recruté dans la police, l'armée et la jeunesse une soixantaine
d'agents entièrement dévoués au président.
Il sentait bien que, pour parvenir au pouvoir, il lui faudrait
abattre ce bouclier du régime. Il livra et gagna une première
escarmouche par personne interposée. Le lieutenant Banza, qu'il
avait mis à la tête du camp Kassaï, interdit en effet à Mounoum-
baye les exercices de tir que la brigade effectuait sur la colline à
l'arrière du camp, en alternance avec l'armée. Mounoumbaye dut
s'incliner et se transporter au kilomètre 17 au village de Sakpa,
dit des Pygmées, dont le chef Simon Samba, ami de longue date
du président Dacko, lui donna un terrain pour ses entraînements.
Pour réaliser ses desseins, Bokassa avait décelé en Banza l'aide

1. Mouvement d'évolution sociale en Afrique noire (parti unique en Centra-


frique).
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précieux, sinon indispensable. Si l'idée d'un coup d'État a pu


germer dans la tête de Bokassa comme dans celle de Banza, il
apparaît que c'est ce dernier qui en a entrevu le premier la réali-
sation. Officier du matériel, il se rendait fréquemment à Brazza-
ville où il s'était lié avec des officiers qui avaient renversé le prési-
dent Fulbert Youlou, et qui lui auraient suggéré d'en faire autant
dans son pays. Prudent et avisé, il s'était rendu compte qu'il ne
pourrait réussir que derrière le chef de l'armée ; son temps vien-
drait ensuite. Alexandre Banza, né à Carnot en 1932, avait,
comme la plupart de ses camarades de l'armée, suivi la prépara-
tion des enfants de troupe à l'école Général-Leclerc de Brazza-
ville, de 1948 à 1950. Il avait ensuite servi au Gabon, au Maroc et
en Tunisie avant d'être envoyé à Fréjus (où il avait suivi les cours
de l'EFORTOM de 1959 à 1961), et enfin à Fontainebleau à
l'École d'application du matériel. Quand il avait regagné son
pays, le jeune sous-lieutenant s'était fait aussitôt remarquer par
son intelligence froide et son énergie sans bornes. Visage sévère,
menton relevé, ne souriant pratiquement jamais, cet ambitieux
ne s'embarrassait pas de scrupules pour mener à bien ses
projets.
Pour réussir un coup d'État, il faut disposer de troupes, du
moins de quelques troupes. Or celles-ci, en République centrafri-
caine, étaient constituées essentiellement par le 1 bataillon
d'infanterie basé au camp Kassaï. Le commandant Sana, un
fidèle du président Dacko, avait été le premier officier centrafri-
cain à en prendre le commandement, succédant le 1 mars 1964
au commandant français Michel Bataille, qui devint son
conseiller ; mais bientôt Bokassa lui adjoignit le lieutenant Banza,
chargé jusqu'alors des bâtiments et des matériels. Banza n'admet-
tait pas les observations de Sana et se plaisait à les noter ; il distri-
buait des punitions rigoureuses, et le président Dacko et le com-
mandant Bangui lui firent des remontrances qui n'eurent d'autre
effet que d'accroître son hostilité à leur endroit. Banza réussit
enfin à faire partir les conseillers et militaires français amis de
Sana. Il atteignit définitivement son but lorsque, le 1 janvier
1965, il fut nommé à la tête du bataillon. Bokassa et Banza
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avaient maintenant les coudées franches, d'autant que les troupes


françaises avaient quitté Bouar en décembre 1964. Lorsque le
commandant Bataille, laissé sans fonctions, quitta le pays en mai
1965, il était persuadé que Bokassa n'attendait plus que l'heure
favorable pour prendre le pouvoir.
On assure qu'au début de l'année 1965 Bokassa et Banza
avaient scellé par le pacte du sang leur communauté de destin.
L'un et l'autre s'étaient tailladé les poignets et les avaient tenus
liés ensemble quelques minutes, plaie contre plaie. En mêlant
leur sang, ils affirmaient ne former plus qu'un et unir à tout
jamais leurs destinées. Désormais, quand Bokassa hésitait,
effrayé par l'ampleur du projet et ses risques, Banza le remontait,
garantissant qu'il en prenait la responsabilité et en faisait son
affaire.
Ayant écarté Sana et pris en main la troupe, Bokassa et Banza
devaient aussi, pour réussir leur coup, se prémunir contre un
corps qui, par tradition et discipline, ne pouvait que se faire le
défenseur du pouvoir légalement établi, la gendarmerie. Elle était
commandée par le chef d'escadron Henri Izamo, officier loyal,
droit, d'une parfaite honnêteté intellectuelle et morale. En cette
fin d'année, beaucoup de bruits circulaient à Bangui. Selon cer-
tains, le commandant Izamo devait participer à une opération
armée préparée par le commandant Bangui, chef du cabinet mili-
taire de la présidence. Sana aurait refusé de s'y associer. Il s'agis-
sait pour Bangui de devancer Bokassa, qu'il détestait cordiale-
ment et dont il ne cessait de dénoncer les visées au président
Dacko. Dans des moments de découragement, il envisageait de
quitter l'armée pour se consacrer à l'enseignement de l'anglais.
Bokassa, de son côté, se méfiait du chef du cabinet militaire et
avait annoncé au président que Bangui et Sana projetaient
d'attenter à la vie de leurs deux personnes ; lui-même avait pris
ses précautions et, dans sa résidence du camp de Roux, il faisait
pointer en permanence des armes en direction des bureaux de
l'état-major. N'avançait-on pas aussi une menace de coup d'État
venant du président de l'Assemblée nationale, Adama Tamboux,
dont les relations avec le président Dacko s'étaient détériorées ?
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Dans leur majorité, cependant, les notes et les fiches qui parve-
naient à la présidence signalaient l'imminence d'un coup d'État
préparé par Banza et des officiers du 1 bataillon d'infanterie
pour le compte de Bokassa. Simon Samba avait conseillé au pré-
sident Dacko de se méfier de Bokassa ; il assure que le militaire
Valentin Braham avait également mis en garde le président. En
décembre 1965, le président Bourguiba s'était rendu en visite offi-
cielle à Bangui et, précisément, les deux présidents avaient insisté
dans le communiqué final pour condamner la politique de vio-
lences dans les États africains, considérant que les assassinats, les
arrestations, les putschs militaires contre les chefs d'État africains
affaiblissaient la cause de l'Afrique, humiliaient les leaders afri-
cains et enlevaient aux États victimes toute considération de
sérieux sur le plan international. La réponse de l'actualité allait
être bien décevante pour les signataires de ce communiqué : trois
coups d'État en l'espace de quinze jours. Le général Sogbo prend
le pouvoir au Dahomey le 22 décembre, le colonel Bokassa ren-
verse le président Dacko le 31 décembre et, le 3 janvier, le général
Lamizana met fin au régime du président Yameogo en Haute-
Volta.
C'est dans cet environnement qu'arrive la journée du
31 décembre 1965. Dans la matinée de ce vendredi, le président
Dacko fait parvenir à son directeur de cabinet Jean Amity une
note du commandant Bangui rapportant des murmures qui s'éle-
vaient dans l'armée à la suite de la mise aux arrêts du lieutenant
Kolegnako. Il lui demandait de convoquer Bokassa et de
l'amener à la raison. Celui-ci descend au Palais et explique qu'il
n'a fait que sanctionner un militaire fautif, conformément au
règlement. En effet, les lieutenants Kolingba et Kolegnako
avaient été envoyés en mission à Douala et, à leur retour, seul
Kolingba leur avait rendu compte ; quant à Kolegnako, il n'avait
pas daigné se présenter à lui. Pouvait-il admettre pareille incar-
tade de la part de ce jeune officier? Lorsqu'il quitte Amity,
Bokassa est furieux.
A midi, le camp Kassaï est consigné et les officiers sont convo-
qués pour 15 heures. Banza leur annonce que le soir aura lieu un
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exercice de combat de nuit en présence du ministre de la Défense


nationale, lequel se trouve être le président de la République. Le
lieutenant Timothée Malendoma émet quelques objections sur
l'opportunité d'une telle manœuvre un soir de fête. Banza le dis-
pense de venir s'il n'en a pas envie.
A la présidence, le commandant Bangui, informé de la
consigne du camp, met en garde le président Dacko. Un transpor-
teur, député à l'Assemblée nationale, M. Remond, aurait rendu
visite au président Dacko et lui aurait demandé d'arrêter Bokassa
avant 18 heures, car un coup d'État devait avoir lieu dans la
soirée. On raconte aussi qu'un prisonnier, ayant entendu parler
d'un coup d'État à la prison, avait forcé l'entrée du bureau du
président pour l'en aviser. A 17 heures, le commissaire Legatendji
confie au président de l'Assemblée nationale Adama Tamboux :
« La patte du chien a troué la poche », proverbe sango qui
signifie qu'il est trop tard.
A cette même heure, le président Dacko reçoit au Palais son
conseiller juridique Jacques Bigay, venu lui présenter ses vœux.
Visiblement inquiet, il lui dit que Bokassa a montré un vif mécon-
tentement à la suite de l'incident de la matinée. Il n'a pas
confiance en lui, sa parenté ne constituant pas un gage de fidélité.
Il trouve anormale cette marche de nuit un 31 décembre. Il estime
en outre que Bokassa montre maintenant un certain déséquilibre
mental : ne fait-il pas arrêter au camp de Roux toutes les senti-
nelles qui ont le malheur de jeter un regard sur sa femme ? Le
président se dit en revanche assuré de la fidélité du commandant
de gendarmerie Izamo et de son chef de cabinet militaire Bangui.
Au total, il ne s'alarme pas outre mesure, estimant que Bokassa
est mal vu des autres officiers.
A 19 heures, au camp Kassaï, les unités en tenue de combat se
rassemblent derrière leurs véhicules ; devant le PC, Malendoma
remarque des caisses de munitions réelles et demande des expli-
cations à Banza, qui sort son pistolet : « Tu as intérêt à la boucler,
sinon je t'abats comme un chien. » Il réalise qu'il s'agit d'un coup
d'État. Vers 20 heures 30, Banza réunit les commandants d'unités
et, sans leur donner la moindre explication sur le but de l'opéra-
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tion, impartit à chacun sa mission. Le capitaine Mandaba, com-


mandant la compagnie de commandement et des services, devra
neutraliser la brigade de sécurité qui assure la garde du Palais et
arrêter le président. Sous ses ordres, le hasard a réuni ce soir le
lieutenant Mandé et un jeune soldat stagiaire de l'École nationale
d'administration, Polycarpe Gbaguili, qui apprend de la bouche
de son chef de section, Grâce à Dieu, que c'est un coup d'État, et
que Bokassa va prendre le pouvoir. Mandé, Grâce à Dieu, Gba-
guili, trois noms qui jalonnent l'histoire mouvementée du régime
qui va naître. Le capitaine Mbongo, commandant la compagnie
du génie, contrôlera la colline qui surplombe le camp de la gen-
darmerie afin d'empêcher une réaction de celle-ci. Quant à
Malendoma, il reçoit un ordre bref : « Tu prends Radio-Bangui
et tu arrêtes les émissions. »
Pendant ce temps, la fête bat son plein à la gendarmerie. Les
nombreux invités se pressent auprès d'un abondant buffet. On
reconnaît là le Tout-Bangui : Pehoua, Antonio Frank, Zanifé,
Kombot-Naguemon... Mais aussi le commandant Bangui, qui a
cherché en vain Mounoumbaye toute la journée et qui cache mal
son inquiétude. Le président Dacko, de son côté, a quitté la ville
pour réveillonner chez son ami le secrétaire général à la prési-
dence Clément Hassen, dans la plantation que celui-ci possède à
Sakaï, à quelques kilomètres de Bangui sur l'ancienne route de
Mbaïki. Il compte se rendre ensuite chez son ami Simon Samba,
chef du village pygmée, pour une fête rituelle.
Le fils de Simon Samba, Léopold, a été incorporé dans l'armée
depuis six mois. A 17 heures, sa section a pris sa faction au camp
de Roux comme piquet d'intervention. Il ne se doute de rien.
Bokassa arrive au camp vers 20 heures 30, suivi quelques minutes
après par Banza en tenue de combat. Il téléphone aussitôt à
Izamo et lui demande de passer le voir. Lorsque Izamo lui
explique qu'il réveillonne avec ses amis, Bokassa insiste sur
l'urgence de l'affaire et lui dit qu'après leur entretien il se joindra
volontiers à la fête. Izamo ne compte s'absenter que peu de temps
et monte seul dans la voiture de sa femme, Bokassa lui ayant
demandé de venir sans chauffeur. A son arrivée, Bokassa lui
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donne l'accolade et le prie de l'excuser : « En ces veilles de fêtes,


il ne faut pas faire confiance aux chauffeurs. Ils boivent de
l'alcool, je préfère que ce soit vous qui me pilotiez. » Tous deux
entrent au salon. Que se passe-t-il ? Selon la version dominante,
Bokassa propose à Izamo de rallier le coup d'État qui est en
cours. Izamo refuse. Banza se saisit d'un sabre accroché au mur
et le frappe au pli du cou, puis, avec Bokassa, lui passe les
menottes et le traîne jusqu'à la cave. Le lieutenant Yacobondé,
qui va bientôt se trouver aux meilleures sources de renseigne-
ments, rapportera à Charles Bornou, en prison, que c'est avec un
pistolet-mitrailleur que Banza avait renversé Izamo. Bokassa,
pour sa part, confiera à un officier français que Banza avait
assommé Izamo avec un gourdin.
A la gendarmerie, à partir de 21 heures, Mme Izamo et ses
principaux invités commencent à s'inquiéter, d'autant que
l'adjoint du commandant, le lieutenant Yacobondé, a été
convoqué au camp de Roux mais n'en est pas revenu. Bokassa
voulait savoir ce qui se passait à la gendarmerie, mais comme
Yacobondé avait commis l'imprudence de demander des nou-
velles de son supérieur, il s'emporta : « Tu veux le savoir, arrêtez-
le. » Il est aussitôt déposé à la cave, mais dans une pièce autre
que celle où Izamo est enfermé.
Dehors, Léopold Samba a seulement entendu un cri. Cinq
minutes après, Banza sort et s'en va. Un peu plus tard, Bokassa
surgit, sa tenue kaki clair souillée de quelques taches de sang à la
poitrine, et déclare à la troupe : « J'ai arrêté le traître. A partir
d je prends la direction du gouvernement. Mainte-
n disposition de combat. » Mme Izamo, de son côté, envoie
aux nouvelles le chauffeur de son mari, Gabriel Otto, mais dès
son arrivée au camp de Roux les soldats l'entourent et lui inti-
ment l'ordre de repartir au plus vite. Le commandant Bangui
récapitule maintenant les diverses indications qui lui ont été four-
nies dans la journée et imagine rapidement ce qui va se passer. Il
prend avec lui six gendarmes et passe au Palais pour mettre en
état d'alerte les éléments de sécurité, puis dépose ses gendarmes à
la radio pour en renforcer la protection.
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Les différentes unités d'intervention quittent le camp Kassaï


vers 22 heures 30 et se dirigent vers les points qui leur ont été
fixés. Sur la corniche, à hauteur du virage où Mgr Gran-
din avait trouvé la mort, le commandant Sana, qui raccom-
pagne ses parents vers Boy Rabe, croise la colonne militaire :
Bokassa et Banza en ont pris la tête dans une 404 blanche ; der-
rière viennent deux Jeeps, un 4/4 et trente-sept camions remplis
de soldats. Il confie à son père : « Cette fois, c'est le coup
d'État. » Au camp Kassaï, il songe à alerter le sous-lieutenant
Ndamoko Voanin, qui attend avec une section d'intervention,
puis se met à la recherche du commandant Bangui, mais il ne le
trouve ni à son domicile ni à la gendarmerie. Il saura plus tard
que, pendant ce temps, le commandant Bangui parcourait lui-
même la ville pour le rencontrer et affronter la situation avec lui.
Entre-temps, les troupes se sont rapidement déployées et occu-
pent tous les points stratégiques. Au palais de la Renaissance,
elles échangent quelques coups de feu avec les éléments de la
sécurité, mais le désappointement de Bokassa et de Banza est
grand lorsqu'ils constatent que le président Dacko paraît avoir
quitté le Palais et que personne ne sait où il a pu se rendre.
« Regardez s'il y a un souterrain », crie Bokassa.
A la radio, Malendoma fait irruption avec deux sec-
tions, dont l'une est constituée par les élèves de l'École natio-
nale d'administration. Le statut de l'École prévoit en effet que
les élèves accomplissent leur service militaire pendant leur
scolarité. De futurs hauts fonctionnaires inaugurent ainsi
leur carrière administrative en participant à un coup d'État.
Devant l'ampleur de l'intervention, les six gendarmes que le com-
mandant Bangui a mis en faction ne résistent pas et, à
23 heures 30, les émissions sont arrêtées. Les militaires font sortir
tout le personnel, qui est invité à se coucher par terre dans une
zone d'ombre. Vers minuit, Clément Hassen surgit, furieux, et
demande pourquoi la radio a cessé ses émissions. Un soldat le
menace de son fusil et l'interpelle sans ménagement. Malendoma
intervient pour le calmer, le fait asseoir et lui apprend qu'il s'agit
d'un coup d'État. Hassen est né au Tchad d'un père français et
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d'une mère peul. Diplômé de l'École nationale de la France d'outre-


mer, c'est déjà un haut fonctionnaire promis à un brillant avenir. Il
connaît bien Bokassa pour l'avoir croisé dans les bars, et même pour
s'être disputé avec lui. Il dit à Malendoma qu'il joue un jeu dange-
r et, quand il apprend que l'auteur du coup d'État est Bokassa, il
s'esclaffe : « Bokassa, commander la République centrafricaine,
vous riez ! » Réflexion qui traduit bien l'état d'esprit des dirigeants
civils à l'endroit de Bokassa. Tous l'avaient mésestimé et aucun
n'avait imaginé que cet officier pût jamais prendre le pouvoir.
Peu après, une Jeep surgit. Bokassa et Banza en descendent et
se font rendre compte de la situation. Informés que Hassen a été
arrêté, ils le font amener et le frappent, bientôt suivis par tous les
militaires. Ils le déposent tout d'abord au camp de Roux puis,
dans la nuit, Bokassa ordonne à une patrouille de « bien le
battre » et de le jeter dans le fleuve à hauteur des rapides. Il se
ravise soudain : « Non, déposez-le au camp Kassaï, c'est un fonc-
tionnaire français et cela me ferait trop d'histoires avec la
France. »
Les invités du commandant Izamo, à la vue des militaires, ont
quitté précipitamment la soirée pour rentrer chez eux. Sur la col-
line du camp de Roux, à quelques centaines de mètres de la rési-
dence de Bokassa, des soldats encerclent la villa du président du
Tribunal, M. Willikong, qui a convié des amis à une soirée dan-
sante. Une fusillade éclate, une balle atteint un ancien ambassa-
deur de la République centrafricaine, Maurice Dejean, au ventre.
Les rues sont bloquées. Quand enfin, le lendemain, son épouse
réussit à le transporter à l'hôpital, il a perdu trop de sang et meurt
peu après son arrivée.
Pendant toute la nuit, Bokassa se fait peu voir. L'inquiétude le
gagne, car le président Dacko n'a toujours pas été découvert, et il
sait très bien que tant qu'il n'aura pas mis la main sur le prési-
dent, il n'aura pas gagné. D'autant qu'il ne tient pas non plus
Mounoumbaye. Celui-ci passait la soirée du côté de l'aéroport
quand il fut prévenu de l'intervention des militaires. Il se rendit
immédiatement à la présidence où toute résistance avait déjà
cessé. Il réussit néanmoins à prendre quelques affaires dans sa
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maison toute proche et à se cacher pendant la nuit vers le marché,


puis les nuits suivantes au kilomètre 5, jusqu'à pouvoir passer le
fleuve et se réfugier au Zaïre.
Le président Dacko a quitté la plantation de Hassen vers
minuit pour se rendre chez son ami Simon Samba au kilo-
mètre 17. Au carrefour de Pétévo, une section commandée par
l'adjudant Kongo et composée d'élèves de l'ENA le reconnaît, le
salue et le laisse passer. Le président pense qu'il s'agit des
manœuvres de nuit qui lui ont été annoncées dans la journée, et
ne réalise la situation qu'après son arrivée au kilomètre 17,
lorsqu'il voit des gens qui refluent vers Bangui et annoncent le
coup d'État et sa propre mort. Le président n'est resté qu'une
heure chez Simon Samba. Vers 1 heure 30, il se met au volant de
sa voiture, un agent de sécurité à ses côtés, une Land Rover de
sécurité derrière.
Cette fois, au même carrefour de Pétévo, les militaires font
stopper sa voiture.
— S'agit-il d'un coup d'État militaire ? demande le président.
— Oui, lui répond un certain Bérimé.
— Alors, dit le président, vous n'avez pas le droit d'arrêter
votre ministre de la Défense nationale.
— Nous avons reçu des ordres pour vous arrêter.
En passant devant l'École nationale d'administration, qu'il a
fondée en 1963, il dit sa tristesse aux élèves militaires qui l'enca-
drent. A son arrivée au Palais, Bokassa, ayant à ses côtés Banza,
se précipite dans ses bras et lui dit : « Je t'avais prévenu. Il fallait
en finir. » Le command-car dans lequel il prend place, entouré
par Bokassa et Banza, se dirige aussitôt vers le camp Kassaï. Au
passage devant le Rock club, des membres du Rotary qui fêtent le
Nouvel An aperçoivent le président et le saluent, ne s'étant pas
rendu compte de l'étrangeté de sa situation. A 2 heures 15, le
véhicule entre dans la cour de la prison. Bokassa fait réveiller le
régisseur Otto Sacher, qui se munit de grenades — croyant à une
attaque de Congolais —, et lui ordonne de libérer tous les prison-
niers. « Ouvre les portes. Je viens de faire un coup d'État et j'ai
besoin de cette libération, pour ma popularité. » En vain, Sacher
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objecte qu'un élargissement aussi général peut se révéler préjudi-


ciable pour l'ordre public. Bokassa n'en a cure et Banza le
menace de son revolver. Sacher comprend quand il voit le prési-
dent Dacko assis dans le véhicule, un fusil sur la nuque ; il ouvre
les portes et les prisonniers se répandent dans les rues en chan-
tant les louanges de Bokassa.
Il est 3 heures 20 au camp Kassaï quand, sous la dictée de
B le président Dacko rédige son acte de démission. La radio
Proclame bientôt le message de Bokassa : « Depuis ce matin, à
3 heures 20, votre armée a pris le pouvoir de l'État. Le gouverne-
ment Dacko est démissionnaire. L'heure de la justice a sonné. La
bourgeoisie est abolie et une ère nouvelle d'égalité entre tous les
citoyens est instaurée. »
Vers 5 heures du matin, la chasse aux ministres, députés et
chefs de cabinet commence. Durant toute la journée, voitures et
camions déversent au camp Kassaï des personnalités qui rejoi-
gnent Hassen, le premier arrivé. Heureux ceux qui, tel Ayandho,
ont été envoyés en mission à l'étranger et échappent à la rafle. Le
ministre du Travail, Jean Ledot, est arrêté à son domicile à
5 heures du matin par une équipe de militaires commandée par
Auguste Mbongo. La même équipe appréhende un peu plus tard
chez lui le ministre des Finances Charles Bornou. C'est égale-
ment vers 5 heures que Mandaba procède à l'arrestation dans son
village de Simon Samba. Le ministre des Affaires étrangères,
Antoine Guimali, est frappé à coups de crosse dans le dos, une
gifle lui abîme l'œil gauche. Peu à peu les rejoignent, au camp
Kassaï, le ministre de l'Intérieur Jean-Arthur Bandio, le ministre
de l'Éducation nationale Dominique Guéret, le ministre du Déve-
loppement Albert Payao, le secrétaire général du M ESAN
Charles Ondomat, les députés Raoul Abatchou, Gabriel Berrot,
Paul Abouka, Yamandjan, des chefs de cabinet comme Jean-Chris-
tophe Nzala et Simon Aguidi, Jean-Paul Douate et l'adjudant
Antoinede Gbokou, secrétaire du commandant Bangui, ou encore
de simples particuliers comme le transporteur Fodé Diawara.
ans la matinée du 1er janvier, le sous-lieutenant Ndamoko
Voanin, préposé à la garde du président Dacko, ne peut s'empê-
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cher de bavarder avec ce prisonnier de marque. Le président émet


le souhait que sa famille soit envoyée auprès de son père à
Mokinda. Ndamoko fait part de ce vœu à Banza qui, furieux qu'il
ait adressé la parole à Dacko, le fait battre et garder à l'infirmerie.
Dans la soirée, vers 18 heures, Bokassa et Banza passent au
camp et font sortir tous les prisonniers pour opérer parmi eux un
premier tri. Bokassa, voyant Bandio, lui dit : « Vous étiez malade
en France. Vous n'avez donc pas participé à la vie du pays.
Qu'est-ce que vous faites ici ? Repartez. » Il libère également
Guéret et Guimali, ainsi que des chefs de cabinet et des membres
du comité directeur du M ES AN, tels Maurice Maïdou et El Hadj
Bouari. Le 4 janvier, vers 19 heures, les autres sont embarqués
dans un camion qui les décharge dans la cour de la prison au
milieu d'une haie de militaires qui frappent à coups redoublés
ceux qui, cinq jours auparavant, étaient les principaux responsa-
bles du pays. D'autres arriveront dans les jours ou les semaines
qui suivent, comme le président de l'Assemblée nationale Adama
Tamboux ou le ministre de la Justice Marcel Douzima, ainsi que
tous les membres de la compagnie de sécurité. Beaucoup n'en
sortiront jamais. Ce sont les premiers martyrs d'un régime qui
s'est installé dans le meurtre et qui se maintiendra par le meurtre.
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Le p r é s i d e n t D a c k o

Après les soubresauts qui avaient marqué la succession de


B les passions s'étaient apaisées. Goumba, chef du
MEDAC avait entrepris des études de médecine en France, et
l'essentiel des règles de la démocratie avait été maintenu. L'éco-
n fragile certes, n'en connaissait pas moins un certain essor.
Bref, le pays donnait l'image d'une certaine stabilité.
Aussi est-ce avec surprise que la nouvelle du coup d'État est
accueillie à l'étranger, et notamment à Paris où l'on redoute les
excès et les menaces qui pèsent sur la vie du président Dacko. A
l' issue du conseil des ministres du 5 janvier, le porte-parole du
gouvernement, M. Peyrefitte, fait la déclaration suivante : « Le
gouvernement français a pris connaissance avec préoccupation
de l'arrestation du président Dacko et marque que de tels événe-
ments sont de nature à affecter la politique française d'aide et de
coopération qui ne peut prendre sa signification et ses effets que
dans l'ordre et la légalité. »
Bokassa réagit dès le lendemain : « En faisant ce coup d'État,
J' ai sauvé la vie de l'ex-président Dacko, car, tôt ou tard, c'est lui
qui aurait été débordé par les extrémistes chinois. » Il affirme que
c 'est à la suite de la découverte d'un stock d'armes qu'il a entre-
pris de prendre le pouvoir. Les Chinois voulaient constituer une
armée populaire avec Mounoumbaye et Nzala, et déjà Simon
Samba leur avait fourni un terrain d'exercice. Lui-même devait
être assassiné le 31 décembre à 19 heures 30. Le lendemain, pour
donner corps à ses affirmations, il présente à la presse ce fameux

1. Mouvement d'évolution démocratique de l'Afrique centrale.


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stock d'armes. Il s'agissait en fait de quelques armes et munitions


disparates, et la démonstration prêtait plutôt à rire. Quant au
champ de tir destiné à la formation de l'armée populaire, c'était
— nous l'avons vu précédemment — un terrain que le chef
Simon Samba avait mis à la disposition de Mounoumbaye pour
les exercices de tir de la compagnie de sécurité, à la suite de son
éviction du camp Kassaï.
Jusque-là, Bokassa a hésité avant de rompre les relations diplo-
matiques avec la Chine, car il se demande s'il devra rembourser
le prêt de 500 millions que ce pays a accordé au précédent
régime. Ayant acquis la certitude que la rupture des relations
n'entraînait pas nécessairement celle des accords conclus anté-
rieurement, il fait signifier sa rupture à la Chine le 6 janvier. Le 7,
débarrassé de tous soucis de ce côté et voulant affirmer sa prise
de pouvoir, il signe un acte constitutionnel qui fixe à grands traits
la marche des pouvoirs publics.
Dans les jours qui suivent, Bokassa multiplie les discours dans
les lycées et collèges, au siège du MESAN où, partout, il est
accueilli dans l'allégresse générale. Le 5 février, au stade
Boganda, la foule lui réserve un triomphe. Chaque fois, il
explique pourquoi il a pris le pouvoir : retrouver les principes
d'unité, de dignité et de travail que Boganda avait légués au pays
et que le précédent gouvernement avait trahis, restaurer l'éco-
nomie et mettre le pays au travail, supprimer le prélèvement de
10% sur les traitements des fonctionnaires ainsi que l'emprunt
obligatoire, combattre la gabegie et la corruption. Il se taille un
beau succès quand il dénonce les anciens ministres qui ne travail-
laient que deux heures par jour, volaient les cotisations du
MESAN ou détournaient l'argent des caisses publiques, pas-
saient le plus clair de leur temps en voyages à l'étranger ou en
réceptions coûteuses, ou s'attribuaient les filles du lycée Caron.
Dans la nuit du 31 décembre, ses ennemis avaient voulu le
« décapiter », il s'était défendu, il avait eu le dessus, il avait pris
le pouvoir. Les femmes, rapportent les commentateurs de la
radio, s'approchaient de l'orateur pour essuyer la sueur de son
visage avec leur pagne.
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S'il pourfend avec fougue l'ancien gouvernement de « fan-


toches, de voleurs, de malhonnêtes », il ne manque jamais d'éta-
blir une distinction entre le président Dacko et ses ministres. Sou-
vent, même, il rend hommage au président auquel, dans son dis-
cours du 20 janvier, il envisage de restituer le pouvoir dès que
l' ordre sera rétabli. Il s'informe du mode d'élaboration d'une
nouvelle constitution, et se demande s'il faudra la faire établir par
une Assemblée constituante ou la soumettre directement au réfé-
rendum. A cette occasion, il ne manque pas de dire que le prési-
dent Dacko pourra se présenter à l'élection du président de la
République.
Le président Dacko est resté enfermé jusqu'au 24 janvier dans
une chambre d'un baraquement au camp Kassaï, soumis à un
régime alimentaire très dur, sans possibilité de lecture et sans
communication avec l'extérieur. Dans la soirée du 24 janvier, à sa
grande surprise, il voit venir vers lui Bokassa et Banza, qui
s informent de son état avec beaucoup d'égards. Dans la matinée,
en effet, ils ont fait disparaître son homme de confiance, Mou-
noumbaye, et, de ce fait, ils estiment avoir le champ libre. Le pré-
sident Dacko profite de cette bonne volonté pour leur demander
une Bible. « Inutile, dit Banza, maintenant on ne vous tuera
plus. » Dans les jours suivants, Bokassa lui apportera une Bible
et Banza un rasoir électrique. Le mess des sous-officiers lui
fournit ses repas et le médecin-capitaine Bouleau est admis à lui
donner des soins. On lui remet également un poste de radio, et
Bokassa et Banza lui rendent visite à plusieurs reprises.
Le 31 janvier, Bokassa l'invite à faire venir son père de
Mokinda pour assister à la confrontation qui aura lieu le lende-
main à sa résidence en présence de l'ambassadeur de France
Puisque, lui dit-il, « vous avez voulu vous débarrasser de moi et
me vendre au gouvernement français ». Le 1 des vête-
ments nouveaux et des chaussures lui sont apportés et, vers
17 heures, Banza vient le chercher et le conduit au camp de Roux
ou Bokassa lui réserve un accueil très chaleureux. Peu après, arri-
vent l'ambassadeur de France et ses collaborateurs, les membres
du gouvernement au grand complet, les hauts fonctionnaires, les
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