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INTRODUCTION

Le droit à la liberté et à la sûreté est un droit fondamental inhérent à la


personne, inscrit dans les instruments internationaux de la protection des
droits de l'homme et dans la Constitution1(*). Il prévoit la protection de l'individu
contre les arrestations arbitraires et contre la détention illégale.

Cependant, il est des privations de liberté qui émanent du pouvoir exécutif.


Elles prennent la forme de l'internement administratif, de l'arrestation
préventive ou de la rétention provisoire : par le biais de l'internement
administratif, le gouvernement peut, sur le fondement d'un texte législatif ou
réglementaire, priver une ou plusieurs personnes (sans intervention judiciaire)
de leur liberté, pour une durée dont il est seul juge (ce procédé fut utilisé entre
1939 et 1946). L'arrestation préventive est utilisée par la police lors des
mouvements d'agitation sociale et politique. Elle consiste à appréhender par
anticipation, les meneurs présumés afin de se prémunir contre le
développement des manifestations2(*). Enfin, la rétention provisoire est une
mesure de privation de liberté qui consiste au maintien de la personne, pour
une durée n'excédant pas, en principe 48 heures3(*), d'un étranger dans les
locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. C'est une mesure qui
est ordonnée par l'autorité administrative à l'encontre de la personne faisant
l'objet, notamment, du refus d'entrée, la reconduite à la frontière, l'expulsion
etc.

Contrairement à ces mesures, la détention provisoire relève du pouvoir


judiciaire. Selon Jean PRADEL « la détention provisoire est l'incarcération
d'un inculpé en maison d'arrêt pendant tout ou partie de l'instruction
préparatoire jusqu'au jugement définitif sur le fond de l'affaire »4(*). Au-delà de
la définition, l'essentiel est de percevoir que la détention provisoire dépasse le
cadre de l'instruction préparatoire même si les principales difficultés se
rencontrent en son sein5(*). Dans le même sens, selon Jocelyne Leblois-
Happe, « la détention provisoire constitue un moment clé de l'instruction,
durant lequel des principes contradictoires doivent être conciliés : respect de
la liberté et du principe de la présomption d'innocence et en même temps
nécessité de préserver les besoins de l'instruction »6(*). Comme son nom
l'indique, la détention provisoire va entraîner l'incarcération de l'intéressé
pendant tout ou partie de l'information. Elle prend fin soit par une décision de
mise en liberté, prise d'office par le juge d'instruction, soit parce qu'aucune
ordonnance de prolongation n'est intervenue en temps voulu ou parce que la
loi a prévu une durée maximum insusceptible de prolongation7(*). Ainsi, elle se
distingue des autres incarcérations ordonnées dans le cadre de la procédure
pénale. Elle ne doit pas être confondue avec la garde à vue, mesure qui
permet à un officier de police judiciaire de tenir à sa disposition, pour les
besoins de l'enquête, un suspect.

La détention provisoire soulève des interrogations en raison des intérêts qui


entrent en jeu. Il y a de ce fait, opposition entre l'intérêt de la société et celui
de l'individu8(*). Vu sous l'angle social, la détention provisoire est un instrument
répressif par anticipation, ce qui donne à la collectivité, un sentiment de
protection et de sécurité. C'est une mesure donc nécessaire pour des raisons
diverses :

1) garantir l'exécution du jugement en s'opposant à la fuite du

prévenu ;

2) faciliter la recherche de la vérité, en ce sens que le prévenu, gardé sous


main de justice, se présente à tous les actes de la procédure en cours
(interrogatoire, confrontation, reconstitution) ;

3) elle empêche le renouvellement de l'infraction et rétablit l'ordre public


troublé par l'agissement du prévenu ;

4) la privation de liberté avant jugement aide, si nécessaire, à l'application


d'un traitement adapté au mis en examen ;

5) enfin, elle protège le prévenu d'éventuelles représailles.

Dans cette conception utilitariste de la détention provisoire, il n'en demeure


pas moins qu'elle engendre des inconvénients, voire masque souvent les
dangers de l'institution. Il s'agit là d'une mesure grave pour la liberté
individuelle, et qui paraît contraire à la présomption d'innocence, l'intéressé
subissant l'équivalent d'une peine sérieuse alors qu'il n'a pas encore été
jugé9(*). Cet inconvénient s'aggrave du fait qu'en pratique le juge de jugement
a parfois tendance, pour ne pas désavouer le juge d'instruction, à choisir une
peine au moins égale à la durée de la détention provisoire et à user moins
facilement du sursis ou des substituts à l'emprisonnement lorsque cette durée
a été longue10(*).
Elle fait ainsi peser sur la personne mise en examen la présomption de
culpabilité entraînant sans doute, une augmentation des risques de
condamnation et bafoue un principe inscrit dans la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 en vertu duquel, « Tout homme est présumé
innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable ». Et, c'est dans le même esprit
que Faustin Hélie a pu écrire à ce propos que « la détention préalable inflige
un mal réel, une véritable souffrance, à un homme qui non seulement n'est
pas réputé coupable, mais qui peut être innocent, et le frappe, sans qu'une
réparation ultérieure soit possible, dans sa réputation, dans ses moyens
d'existence, dans sa personne »11(*). Le placement du prévenu en maison
d'arrêt avant jugement est une négation pure et simple de cette garantie
fondamentale. L'incarcération jette le discrédit sur la personne concernée,
considérée désormais comme coupable par la société.

La mesure de contrainte compromet l'avenir judiciaire du prévenu. Se


présentant devant les juges avec un antécédent judiciaire aussi défavorable,
ce dernier risque d'être condamné à une sanction sévère. Cette privation de
liberté ne devrait être ordonnée qu'après condamnation du mis en examen.
Priver une personne seulement soupçonnée d'avoir commis ou d'avoir tenté
de commettre une infraction, est une mesure qui se heurte à la liberté
individuelle dont chacun est détenteur. Ce qui implique que personne ne doit
donc être privée de cette liberté que dans les conditions prévues par la loi. En
effet, la constitution de 1958 affirme en ses termes que : « Nul ne peut être
détenu arbitrairement. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle,
assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi »12(*).
L'autorité judiciaire, garante des libertés, peut-elle concilier les deux
concepts : la garantie des libertés et la privation de liberté ? A cette
problématique, on pourrait ajouter le principe de la présomption d'innocence.

Aussi, d'un point de vu socioprofessionnel, la détention provisoire engendre


l'exclusion : le prévenu placé en maison d'arrêt perd dans la plupart des cas,
son emploi, donc ses moyens matériels d'existence, ce qui peut entraîner des
conséquences désastreuses pour sa famille.

C'est une mesure essentiellement utilisée comme moyen de pression pour


arracher l'aveu au mis en examen d'où une atteinte à la liberté psychique de
celui-ci.

Or, s'il est de principe par les textes (article 137 à 145-1, code de procédure
pénale) que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle, l'extrême
fréquence des atteintes aux libertés individuelles n'est plus à démontrer. La
personne détenue est parfois sans moyen de défense adéquat même si elle
dispose d'un avocat compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés.

Quoiqu'il en soit, malgré son caractère attentatoire à la liberté des personnes,


la détention provisoire est entrée dans les moeurs judiciaires. C'est un mal
nécessaire13(*) et son principe n'est guère discuté. L'importance est cependant
de veiller à ce que la fonction sécuritaire de la mesure ne prenne le pas sur la
liberté individuelle. Le législateur, tout au moins depuis les années 1970,
insiste sur le fait que ce type de privation de liberté ne doit être que bien
précisée par les textes. C'est la matière qui détient la palme des modifications
procédurales et a valu au juge d'instruction d'être la cible de virulentes
critiques.

Anciennement, sous l'empire de l'ordonnance de 1670, la personne


poursuivie en matière criminelle pouvait faire l'objet d'un décret de prise à
corps (article X, ord. 1670)14(*). Dans le droit révolutionnaire, la détention
préventive était ordonnée à l'occasion de délits encourant soit une peine
afflictive ou infâmante, soit un emprisonnement de plus de trois jours (C. du 3
brun an IX, article 70).

Le code d'instruction criminelle de 1808 permettait au juge d'instruction de


recourir à la détention préventive à la suite d'un crime ou d'un délit (article 91
et 94). A cette époque, la détention était illimitée dans le temps et s'étendait
jusqu'au jugement définitif. En matière correctionnelle, la mise en liberté
pouvait être accordée à l'inculpé qui en formait la demande (article 114, réd .
1808). Avec la loi du 14 juillet 1865, un système libéral fut mis en place. En
effet, les personnes poursuivies pour des agissements criminels pouvaient,
elles aussi, aspirer à la mise en liberté provisoire (article 114 CIC, loi du 14
juillet 1865).

Par la loi du 7 février 1933, une étape importante est franchie, le législateur
étendit le champ d'application de la liberté provisoire. Désormais, la liberté est
la règle et la détention l'exception.

La liberté était prononcée à la fin du premier interrogatoire au profit des


inculpés ayant un domicile fixe non récidivistes, encourant une peine
inférieure à deux ans d'emprisonnement. Dans les autres cas, c'est-à-dire, en
matière criminelle et pour certains délits correctionnels, la mise en liberté était
de droit et intervenait cinq jours après l'interrogatoire de la première
comparution.
Toutefois, le juge d'instruction pouvait, en cas de besoin, maintenir la
détention de l'inculpé pour une durée de cinq jours. A l'issue de ce délai, la
prolongation de la détention n'appartenait plus au juge d'instruction mais à la
chambre du conseil, qui fut restaurée à l'occasion15(*). Dans ce cas, le maintien
en détention était prescrit pour une durée d'un mois renouvelable. Ce texte
particulièrement favorable aux inculpés, a eu pour effet de rapidement
paralyser le cours des informations.

Ainsi, la loi du 25 mars 1935 supprima la chambre du conseil mais


l'incarcération périodique fut maintenue avec des délais rallongés. Le juge
d'instruction eût le soin de décider de toutes les prolongations. Cependant,
lorsque l'instruction durait plus de deux mois, le pouvoir de maintenir en
détention préventive relevait de la chambre des mises en accusation16(*).
Malgré cette tentative de simplification qui s'est avérée insuffisante, le décret
du 18 novembre 1939 restaura pratiquement les dispositions issues de la loi
14 juillet 1864. Le législateur supprima dès lors la détention périodique et
renforça la mise en liberté sur demande de l'inculpé17(*).

Ultérieurement, une loi du 19 décembre 1952 imposa au juge d'instruction de


statuer sur les demandes de mise en liberté dans un délai de cinq jours, et le
législateur du 26 juillet 1953 retira à la partie civile le droit d'appel visant les
ordonnances relatives à l'élargissement de l'inculpé18(*). La pratique démontra
cependant que ces innovations étaient insuffisantes. Le besoin d'une nouvelle
réglementation se faisait sentir. C'est ainsi que la loi du 17 juillet 197019(*) vint
modifier, au fond, les dispositions en cours. Cela s'est traduit par la création
d'un substitut à la détention provisoire : le contrôle judiciaire. De grands
espoirs furent fondés sur cette nouveauté qui, il est vrai, ne manquait pas
d'attrait. L'existence même de cet instrument conférait à la détention avant
jugement un caractère subsidiaire : mesure exceptionnelle, la privation de
liberté ne peut être ordonnée que si les obligations du contrôle judiciaire
s'avèrent insuffisantes. De même, cette loi s'est attachée à réduire la durée
de la détention. Ainsi, si la durée de la détention en matière criminelle reste
illimitée, tout au moins jusqu'à l'arrêt de la chambre d'accusation, celle
prescrite à la suite d'un délit correctionnel ne peut excéder une durée de
quatre mois, échéance que le juge d'instruction peut renouveler en cas de
nécessité.

C'est dans le même esprit qu'avec la loi du 2 février 1981 dite « Loi Sécurité
et Liberté » qu'on assista à une série de modifications. L'exposé des motifs
était net : « L'intérêt du prévenu coïncide avec celui de la société : l'un
comme l'autre ne peuvent que gagner à un procès raisonnable ». Cette loi
prévoyait en substance, des délais stricts à tous niveaux de la procédure,
sanctionnés par une mise en liberté immédiate de l'intéressé.

C'est pourquoi, dès le 21 février 1981, dans une circulaire, le garde des
sceaux d'alors, Robert Badinter, exposa que la loi de février précitée est « la
loi la plus dangereuse pour les libertés », qu'elle portait atteinte à des
principes judiciaires traditionnels, notamment, elle réduisait les droits de la
défense, et étendait les prérogatives de la police et du parquet etc.

La procédure pénale a subi entre-temps d'importantes réformes introduites


par la loi du 16 décembre 1992, des 4 janvier et 24 août 1993, notamment, en
ce qui concerne la garde à vue et l'instruction. Ensuite, la loi du 16 décembre
1996 a eu pour objet principal de limiter le recours à la détention provisoire
tant lors de son prononcé que dans sa durée.

Enfin, la loi du 15 juin 200020(*) est venue renforcer la protection de la


présomption d'innocence et les droits des victimes. Elle a réformé les
principes de la détention provisoire. Désormais, la détention provisoire ne
peut débuter et se poursuivre que si deux magistrats du siège l'ont décidé,
seul le juge d'instruction ou le juge des enfants peut saisir le juge des libertés
et de la détention21(*). Cette loi entrée en vigueur le 1er janvier 2001 a fait l'objet
de retouches de détails par les lois du 4 mars et 9 septembre 2002 et du 9
mars 2004. Il doit avoir rang de président, premier vice-président ou vice
président du tribunal de grande instance. Il intervient ou interviendra ainsi en
matière :

- de détention provisoire, au stade du placement, de la prolongation et d'une


demande de mise en liberté, lorsque cette dernière a été refusée par le juge
d'instruction22(*) ;

- de garde à vue, pour autoriser leur prolongation au-delà de la 48e heure en


cas d'acte de terrorisme (art. 706-23 du code de procédure pénale) ou de
trafic de stupéfiants (article 706-29 du code de procédure pénale) ;

- de perquisitions lors de l'enquête préliminaire ou de nuit en cas d'acte de


terrorisme (article 706-24 du CPP), hors les heures légales en cas de trafic de
stupéfiants (art. 706-28 du CPP) ;

- de la privation de liberté de certains étrangers (candidats à l'entrée sur le


territoire nationale), autorisation en zone d'attente (art. 35 quater de
l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France).
- de visites domiciliaires et de saisies effectuées par la direction générale des
impôts (art. L.16 B du livre des procédures fiscales).

Derrière toutes ces réglementations prévues en la matière, deux intérêts


contradictoires s'affrontent : la sauvegarde de la paix publique, d'une part, et
le respect des libertés individuelles d'autre part. Il ne saurait être question de
favoriser l'individu au détriment de la société. Ce serait injuste. Il ne s'agit pas
non plus d'avantager la collectivité.

En étendant à outrance le domaine de la détention provisoire et en réduisant


le champ des libertés, on vassalise l'individu par rapport à l'incarcération. Le
législateur doit faire face à cette problématique malgré les efforts déjà
consentis.

De l'évolution législative dont on vient d'avoir un aperçu, on perçoit un léger


changement. On peut dire qu'à partir des années 1970, le progrès apparaît
nettement. Par conséquent, hormis l'incertitude qui marque le nombre
croissant des détenus en attente de jugement, le respect des libertés tend à
s'améliorer.

Au regard de tout ce qui précède, on se demande s'il est possible de concilier


le maintien de l'ordre public et les principes de la liberté avec la détention
provisoire. L'ordre public et les principes de liberté étant deux notions
constitutionnelles qui doivent être respectées.

Le placement en détention et les formalités exigées sont-ils respectés pour


préserver la liberté individuelle ?

Le rôle indispensable du nouvel homme fort de la détention (juge des libertés


et de la détention) est-il indissociable de celui du juge d'instruction ?

La réalité pratique de la détention et la réparation des préjudices subis


répondent- elles aux textes en vigueur ? La détention provisoire serait-elle un
préjugement ? Porte-t-elle atteinte à la présomption d'innocence ?

Pour répondre à ces délicates problématiques posées, notre démarche nous


conduira à étudier les conditions générales de la détention provisoire (Partie
I). Ce faisant, nous aborderons les conditions de placement en détention
(Chapitre I) puis de la durée de la détention (Chapitre II). Il conviendra ensuite
d'envisager la détention dans la pratique et le système réparateur en cas de
préjudice subi (Partie II).
PREMIERE PARTIE

LES CONDITIONS GENERALES DE


LA DETENTION PROVISOIRE

CHAPITRE I :

LES CONDITIONS DU PLACEMENT EN DETENTION


PROVISOIRE

Seuls peuvent faire l'objet d'une détention provisoire les mis en examen, soit
les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou
concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer à la
commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi (article 80-1 du
code de procédure pénale).

Depuis la loi du 15 juin 2000, renforçant le principe de la présomption


d'innocence, a été élevé le seuil de peine des délits à raison desquels la
détention peut être décidée : la privation de liberté n'est possible qu'autant
que le mis en examen encourt une peine d'emprisonnement supérieure ou
égale à trois ans (article 143-1 du code de procédure pénale)23(*). Ces
conditions se tiennent de part et d'autre du principe de l'exception du
placement en détention provisoire (Section I) et des effets que le placement
peut engendrer (Section II).

SECTION I : Le principe d'exception du placement en détention


provisoire

Pour assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire, hormis le


recours à des termes tels que « sauf » et « à titre exceptionnel », le
législateur a prévu un nombre important de conditions d'application. Plus elles
sont nombreuses, moins il est aisé de mettre en oeuvre une disposition
relative à la détention provisoire.

Ainsi, le législateur s'assure que cette mesure ne s'applique que dans certains
cas précis et que le risque d'y recourir dans les hypothèses injustifiées est
moindre. Nous exposerons d'une part, les conditions de fond (Paragraphe
I) et d'autre part, le formalisme exigé pour cette mesure (Paragraphe II).

Paragraphe I : Les conditions de fond du placement

Pour mieux réaffirmer encore le principe de la liberté, dans la continuité de


toutes les législations depuis 1970, la loi du 15 juin 2000 a, dans le nouvel
article 137 du code de procédure pénale, édicté que « la personne mise en
examen, présumée innocente, reste libre...... », avant de prévoir la faculté de
placer la personne concernée sous contrôle judiciaire et, en cas d'insuffisance
de celui-ci, en détention provisoire, « à titre exceptionnel».

A cet égard, il convient d'examiner les conditions du placement en détention


provisoire (A) et le caractère subsidiaire du placement en détention (

A- Le placement en détention provisoire

Poursuivant l'oeuvre de ses prédécesseurs, le législateur du 15 juin 2000 a


voulu astreindre l'autorité judiciaire à n'ordonner le placement en détention
provisoire que s'il apparaît réellement nécessaire à la poursuite de
l'information ou à la représentation en justice de l'intéressé, alors que le
nombre des détentions provisoires était considéré comme trop important en
France24(*). Ce qui implique que les juges pratiquent la détention provisoire
comme moyen de contraindre les mis en examen à parler au mépris de leur
droit de se taire et que la recherche de l'aveu, conforme à la tradition
inquisitoriale paraissait bien présente dans la mise en détention provisoire.

C'est pourquoi, le placement en détention doit être justifié par deux ou trois
sortes d'arguments selon les circonstances :

1°) L'insuffisance du contrôle judiciaire : le maintien en détention et

l'ordonnance de placement doit dans son affirmation, énoncer en principe le


caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire. Cette motivation ne
s'impose pas, en principe, pour les décisions qui refusent de mettre en liberté
la personne mise en cause25(*). Ce qui nous parait logique puisqu'il ne s'agit
pas de justifier le placement mais au contraire de refuser sa cessation ce qui
postule que les raisons du placement continuent à exister. La chambre
criminelle estime cependant que l'arrêt de la chambre de l'instruction qui
infirme une ordonnance de mise en liberté doit se référer à l'insuffisance du
contrôle judiciaire26(*), solution moins justifiée que dans le cas où l'arrêt se
borne à restaurer le mandat de dépôt initial entraînant logiquement que les
raisons qui l'ont justifié subsistent. A ce titre, la juridiction concernée doit
énoncer par rapport aux faits de la cause, les circonstances qui le démontrent
et non pas l'affirmation que le contrôle judiciaire est insuffisant.

2°) La nécessité pratique eu égard à la procédure. Sauf lorsque le

placement en détention provisoire se justifie par la violation des obligations


d'un contrôle judiciaire27(*), Le réquisitoire du procureur de la République qui
réclame un placement ou un maintien en détention et les titres qui l'opèrent
doivent nécessairement en justifier la nécessité28(*). La motivation n'est pas
nécessaire dès lors que le point en discussion n'est pas directement la
détention provisoire, le maintien de celle-ci n'étant que la conséquence d'une
autre disposition. Pour l'illustrer, la chambre de l'instruction qui refuse un non-
lieu n'a pas à justifier le maintien en détention qui résulte de ce refus29(*). La
détention provisoire doit se justifier en tout état de cause par l'un et/ou l'autre
de trois motifs énumérés par l'article 144 du code de procédure pénale issu
de la rédaction de la loi du 15 juin 2000.

3°) L'existence des motifs précis prévus par la loi. Il s'agit :

? de conserver les preuves ou les indices matériels, ou d'empêcher soit une


pression sur les témoins ou les victimes et leurs familles30(*), soit une
concertation frauduleuse entre personne mise en examen et complices ;

? de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la


disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son
renouvellement31(*)  (article 144-1° et 2° du code de procédure pénale). Quant
au critère de renouvellement, on voit à l'évidence que ce critère présuppose
que l'infraction poursuivie est avérée, ce qui n'est pas le cas puisque l'affaire
est en train d'être instruite. La présomption d'innocence est-elle alors une
fiction ?

? de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué


par l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission
ou de l'importance du préjudice causé. Pour cette dernière notion, le
législateur, face à sa grande utilisation, est venu préciser son sens :
« l'infraction doit avoir provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre
public auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin »32(*). Il en est ainsi
des infractions qui causent dans l'opinion une émotion extraordinaire et pour
lesquelles seule l'incarcération du délinquant peut provoquer un certain
apaisement. Le bon sens populaire ne comprendrait pas que l'auteur d'un
assassinat ou d'un viol crapuleux rentre directement chez lui après son
arrestation pour y attendre des mois ou des années son châtiment. Le risque,
c'est qu'en admettant ce cas de détention, les juges apparaissent comme des
justiciers plutôt que des instructeurs. Si les juges doivent apaiser l'opinion, ils
ne doivent pas en revanche céder aux instincts de la foule, à l'esprit
vengeur33(*). La détention dans l'intérêt de l'ordre public est en vérité un cas
d'état de nécessité, les juges devant choisir entre la liberté individuelle et la
paix publique.

Avant 1970, le législateur s'en tenait au système de l'opportunité de la


détention : si la détention n'était jamais obligatoire, elle était en principe
toujours possible dès que le juge l'estimait nécessaire. Le nouvel article 144
du code de procédure pénale consacre ainsi le système de la légalité, la loi
décidant elle-même des motifs autorisant l'incarcération34(*) ce qui nous laisse
supposer que seul l'état de nécessité justifie le sacrifice de la liberté
personnelle à un intérêt supérieur.

En somme, la détention provisoire ne peut intervenir que si elle présente de


l'utilité aux yeux de la justice, de la personne mise en examen, des témoins
ou plus généralement de l'opinion publique.

Sous réserve de répondre aux conditions précédemment citées, la détention


provisoire doit constituer l'ultima ratio des mesures nécessaires à la poursuite
de l'information et doit en outre, constituer l'unique moyen d'atteindre les
conditions ci-dessus énumérées.

Aujourd'hui, le juge des libertés et de la détention et les chambres de


l'instruction ne doivent pas omettre, à peine de censure, d'expliquer dans leur
motivation en quoi le contrôle judiciaire ne suffit pas aux objectifs recherchés.
Parce que ces mesures sont graves, y compris celle du contrôle judiciaire,
elles sont soumises au contrôle d'une juridiction collégiale, la chambre de
l'instruction. L'article 137 du code de procédure pénale énonce en substance
le principe que la « personne mise en examen reste libre », en soumettant le
contrôle judiciaire aux « nécessités de l'instruction » ou au besoin
d'une « mesure de sûreté » et de la détention provisoire, qu'il
veut « exceptionnelle », à l'insuffisance du contrôle judiciaire. La détention est
ainsi ouverte soit qu'il s'agisse d'un crime, soit qu'il s'agisse d'un délit
punissable de plus de 3 ans de prison.

En revanche, la personne mise en cause bénéficie d'un régime plus favorable


que pendant la phase d'enquête, qui lui donne notamment la possibilité d'être
assistée d'un avocat et de ne faire aucune déclaration qu'en présence de ce
dernier. La mise en examen peut également résulter de la délivrance d'un
mandat d'arrêt lorsque la personne soupçonnée est en fuite ou d'un mandat
de dépôt à l'audience par le tribunal correctionnel, sauf décision motivée
contraire de ce dernier en cas de récidive de délits d'agressions sexuelles ou
de délits de violences volontaires aux personnes35(*).

En principe, toute personne mise en examen et celle faisant l'objet d'une


procédure de comparution immédiate peuvent faire l'objet d'un placement en
détention provisoire.

Cependant, il est aisé de remarquer que des règles particulières protègent les
mineurs. Lorsque le parent d'un mineur de 16 ans36(*) est placé en détention
provisoire ou si cette mesure est prolongée, la loi sur la présomption
d'innocence prévoit que le juge des libertés et de la détention devra se
rapprocher du service pénitentiaire d'insertion et de probation ou de
l'éducation surveillée afin de rechercher et de proposer une mesure autre que
le placement en détention (article 145-5 et 81 alinéa 7 nouveau du code de
procédure pénale). Pour les mineurs âgés de 16 ans révolus, la détention
provisoire est possible en matière criminelle, correctionnelle si la peine
encourue est égale ou supérieure à 3 ans et en cas d'inexécution du contrôle
judiciaire (article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945). Pour les mineurs de
13 ans révolus et moins de 16 ans, la détention est possible en cas de peine
criminelle encourue, inexécution du contrôle judiciaire prononcé. Ce qui
suppose ici que le mineur a déjà fait l'objet de mesures éducatives ou d'une
condamnation et encourt une peine d'emprisonnement égal ou supérieur à 5
ans37(*).

Pour les majeurs de moins de 21 ans au moment de l'infraction, le juge doit


ordonner une enquête sociale, lorsque la peine encourue n'excède pas 5 ans
d'emprisonnement ; dans les autres cas, une telle initiative est toujours
possible.

4°) Conditions de fond du placement en détention provisoire et

la Convention européenne des droits de l'homme.

La Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) ne connaît pas


la « la détention provisoire » à proprement parler. Pour elle, la détention
provisoire est une forme de « privation de liberté » mentionnée dans son
article 5, lequel envisage cinq cas légitimes de privation de liberté (article 5-1
à 5-1-f)38(*). Les cas de placement en détention provisoire prévus par le code
de procédure pénale ne sont pas en contradiction avec les textes de la
convention.

En effet, le placement en détention provisoire suppose que la personne soit


mise en examen. Or, la mise en examen nécessite des indices graves et/ou
concordants de culpabilité. Ces indices constituent des « raisons
plausibles » au sens de l'article 5-1c de la CEDH. Par ailleurs, deux motifs de
placement en détention provisoire visés par l'article 144 du code de procédure
pénale se rapprochent des cas prévus par l'article 5-1c de la Convention
susvisée : « mettre fin à l'infraction ou (...) prévenir son
renouvellement » (article 144 du CPP), ce qui constitue un motif
« raisonnable de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une
infraction » (article 5-1c de la Convention) ; « garantir le maintien de la
personne mise en examen à la disposition de la justice » (article 144 du CPP)
qui est un motif « raisonnable de croire à la nécessité de l'empêcher ...de
s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci » (article 5-1c de la
Convention)39(*).

La loi prévoit que toute personne arrêtée soit informée dans le plus bref délai
des raisons de son arrestation et de ses droits, ce qui est conforme aux
dispositions de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme
(article 5-3) que nous analyserons dans la section II du chapitre II de cette
première partie.

Le placement en détention étant considéré comme une mesure


exceptionnelle de la mise en liberté, se caractérisant par des conditions
qu'exigent les textes, elle est aussi marquée par son caractère subsidiaire.

B- Le caractère subsidiaire du placement en détention provisoire

Certes la détention provisoire présente des avantages, lesquels


correspondent aux causes juridiques de la mesure que nous avons exposé ci-
dessus. Mais ses inconvénients sociaux sont considérables (perte d'emploi,
désocialisation du détenu et sa famille, coût etc.). Nous pouvons citer à ce
titre, l'exemple le plus marquant du procès d'Outreau, où des pères, mères de
familles ont été détenus pendant des années leur causant un énorme
préjudice physique et psychique.

Quant à la mise en oeuvre du caractère subsidiaire, au plan des principes, la


loi sur la présomption d'innocence rappelle le principe selon lequel la
personne mise en examen demeure libre. Cependant, l'article 137 du code de
procédure pénale modifié, prévoit que si les nécessités de l'instruction ou les
raisons de sûreté le commandent, le mis en cause peut faire l'objet, non pas
d'une détention provisoire, mais d'un contrôle judiciaire. Cette mesure permet
le maintien de la personne en liberté mais l'astreint à se soumettre à des
obligations fixées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la
détention. Il s'agira par exemple pour la personne de ne pas se rendre en
certains lieux, de ne pas conduire certains véhicules etc.

Avec la loi du 15 juin 2000, le juge d'instruction demeure compétent pour


décider du contrôle judiciaire, mais lorsqu'il sera saisi, le juge des libertés et
de la détention pourrait aussi le prononcer selon l'esprit de l'article

137-2 du code de procédure pénale.

En réalité c'est tout le régime de la détention provisoire qui est conçu et doit
l'être dans l'avenir de manière à la limiter ou de manière à atténuer ses
conséquences.

Cependant, s'il s'agissait depuis lors de mettre en exergue le caractère


exceptionnel de la détention provisoire, l'usage est précisément conditionné
afin de le limiter. C'est à ce titre qu'un rigoureux formalisme s'impose et ne
peut que modérer cet usage.

Paragraphe II : Les conditions de forme

La détention provisoire illustre, si l'on peut le dire, l'extrême rigidité entraînée


par le formalisme qu'elle exige. Le renforcement des droits des citoyens
implique que le contentieux relatif à la détention provisoire soit réservé à un
juge du siège, en position d'arbitre impartial et « paraissant tel aux yeux de
tous » selon les termes de la Convention européenne des droits de l'homme.

Pour que les mesures de détention fassent l'objet d'un examen rigoureux,
plus sérieux et soient réduites au strict nécessaire, leur prononcé doit être
confié à un juge distinct du juge d'instruction. Tel sera le rôle du juge des
libertés et de la détention que le juge d'instruction doit saisir, s'il entend placer
le mis en examen en détention provisoire. Le juge des libertés et de la
détention est donc désormais compétent et examine les conditions préalables
pour le placement en détention (A) et ce placement n'est ordonné, qu'à la
suite d'un débat contradictoire (B).

A- La compétence du juge des libertés et de la détention et conditions


préalables au placement en détention
Le nouveau contentieux de la détention provisoire (placement, prolongation et
décision sur les demandes de mise en liberté)40(*) est désormais de la
compétence de ce magistrat du siège qui ne peut statuer que s'il a été saisi
par une ordonnance motivée du juge d'instruction compétent, lequel aura été
préalablement saisi ou non du réquisitoire de placement en détention de la
part du ministère public (article 137 alinéa1 du code de procédure pénale).
L'objectif est la recherche d'une meilleure protection de la liberté du mis en
examen se traduisant par la création d'un juge des libertés et de la détention
qui hérite de tout le contentieux de la détention provisoire, jusque-là géré par
le juge d'instruction, considéré comme suspect d'user de cette mesure pour
faciliter l'obtention de l'aveu.41(*)

Cependant, le juge des libertés et de la détention doit avoir rang de président,


premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du
tribunal de grande instance et ne peut, à peine de nullité, participer au
jugement des affaires pénales dont il a connu42(*).

Le juge des libertés et de la détention (JLD) est saisi par une ordonnance du
juge d'instruction ou du juge des enfants selon les cas, qui lui communique le
dossier de la procédure accompagnée des réquisitions du procureur de la
République (réquisitions doivent être écrites et motivées)43(*). L'ordonnance du
juge d'instruction doit elle-même être motivée : le juge chargé des
investigations est tenu d'expliquer en quoi, selon lui, les conditions légales du
recours à la détention sont remplies. Aucune mise en détention ne peut
intervenir si le magistrat instructeur ne l'estime pas nécessaire car il est le
seul à pouvoir saisir le juge des libertés et de la détention44(*). S'il décide de ne
pas transmettre le dossier au JLD en dépit des réquisitions de placement du
procureur de la République, le juge d'instruction (juge des enfants) doit rendre
sans délai une « ordonnance motivée, qui est immédiatement portée à la
connaissance du parquet ». Le parquet peut alors interjeter appel de cette
ordonnance devant la chambre de l'instruction45(*).

Dans le même esprit, l'article 137-4 du CPP tel que modifié par l'article 121 de
la loi du 9 mars 2004, permet au procureur de la République de saisir le JLD.
Pour ce faire, il faudrait tenir compte de la nature de l'infraction concernée.
Cette saisine n'est possible que pour les crimes ou les délits punis de dix
d'emprisonnement et que le procureur de la République a requis, en tout ou
partie, la détention provisoire à titre de mesure de sûreté46(*).

Le juge des libertés et de la détention intervient dans les quatre hypothèses


suivantes :
? Il ordonnera le placement en détention, à l'issue d'un débat contradictoire,
en rendant une ordonnance motivée et en délivrant mandat de dépôt. Le
débat contradictoire pourra, le cas échéant, intervenir de façon différée, après
une incarcération provisoire ordonnée par le juge de la détention provisoire.
Ce débat pourra être public si l'intéressé en fait la demande.

? Il ordonnera la prolongation de la détention provisoire à l'expiration des


délais prévus par la loi, à l'issue, le cas échéant, d'un débat contradictoire.

? Il statuera sur les demandes de mise en liberté déposées par les personnes
détenues.

? Enfin, en cas de violation des obligations du contrôle judiciaire prescrit par


le juge d'instruction, il pourra ordonner la révocation de ce contrôle et le
placement en détention47(*).

Dans toutes ces hypothèses, le juge de la détention sera saisi par


ordonnance motivée du juge d'instruction chargé de l'information. Ce n'est en
effet que dans le cas où le magistrat instructeur estimera la détention
nécessaire que le juge de la détention provisoire devra se prononcer. Ce
dernier ne peut pas être directement saisi par le ministère public, de même
que les demandes de mise en liberté sont adressées au juge d'instruction, et
ce n'est que si celui-ci refuse d'y faire droit qu'elles seront soumises au juge
de la détention provisoire.

Quant au délai pour préparer sa défense, c'est une innovation de la loi du 9


juillet 1984. Il vise à renforcer les garanties de la personne mise en examen
au moment où une décision essentielle va être prise à son égard48(*). Lorsque
cette disposition est mise en oeuvre, le moment du placement en détention
provisoire se trouve repoussé de fait. Mais, face à cette situation, le juge
d'instruction n'est pas désarmé pour autant. En effet, il peut ordonner
l'incarcération provisoire de la personne concernée : il s'agit d'une mesure
privative de liberté qui résulte comme nous l'avons dit précédemment, d'une
ordonnance motivée par référence aux exigences de la défense. La durée de
cette incarcération ne saurait excéder quatre jours ouvrables (article 145 du
code de procédure pénale).

Mais au regard de tout ce qui précède, beaucoup de question se posent quant


au rôle et l'efficacité du juge des libertés et de la détention après Outreau. De
prime bord, on peut dire que c'est un juge amputé de par la loi de pouvoir
prendre une décision pleinement éclairée puisqu'il ne peut pas poser de
questions sur les faits. La création de ce juge en 2000 a été une excellente
idée du législateur mais il ne lui pas donné les moyens procéduraux pour qu'il
exerce ses fonctions, donc une oeuvre inachevée.

Seulement voilà : le juges des libertés et de la détention a déçu après


Outreau pour des raisons liés à son statut, il n'a pas suffisamment
connaissance de la personnalité du mis en examen mais également ne
dispose que d'un délai court pour prendre connaissance du dossier.

Bien souvent, il statue tard dans la nuit après une journée de travail effectuée
dans des conditions peu satisfaisantes. Ce magistrat à tendance à faire droit
à la requête de son collègue juge d'instruction, ce que déplorent les avocats
des acquittés d'Outreau49(*). Il y a donc autant de raisons pour revoir
totalement le rôle du juges des libertés, lui permettant d'avoir accès au
dossier du mis en examen, de l'interroger et de pouvoir parler avec son
avocat. Philippe Houillon estime que la question du maintien du juge des
libertés dans l'institution judiciaire pour statuer à la place du juge d'instruction
se posera inévitablement50(*).

Au regard de tout ce qui précède, la décision de placement n'interviendra qu'à


l'issue d'un débat contradictoire.

B- Le débat contradictoire

Le juge d'instruction qui estime utile de placer le mis en examen en détention


provisoire ne peut le faire lui-même. Il doit saisir le juge des libertés et de la
détention. Ce dernier est saisi par voie d'ordonnance avec transmission du
dossier de la procédure.

Le juge des libertés et de la détention organise ensuite une audience dite de


cabinet, à moins d'une demande de publicité, avec tenue d'un débat
contradictoire entre l'intéressé et son avocat et le représentant du ministère
public. Ce débat doit impérativement précéder la mise en détention provisoire.
A travers cette formalité, inspirée partiellement du British Habeas Corpus, le
législateur de 1984 voulait que le juge d'instruction, qui a en l'occurrence la
responsabilité du placement en détention provisoire (actuellement le juge des
libertés et de la détention), soit informé des données de la situation51(*). A ce
propos, M. BADINTER avait déclaré devant les députés qu'il s'agissait
« d'une audience simple au cours de laquelle les observations nécessaires
seront échangées. Le ministère public et la défense pourront tour à tour faire
valoir devant le magistrat les arguments à l'appui de leurs positions
réciproques »52(*). Sur un plan de politique criminelle, le débat contradictoire
avait pour but de diminuer les mises en détention provisoire. En effet, selon
les promoteurs de la nouvelle institution, la loi du 6 août 1975 qui s'était fixée
cet objectif n'avait pas réussi.

D'un point de vue chronologique, la mise en oeuvre de ce débat peut être


immédiate ou différée.

Quant au débat immédiat, il s'agit en principe d'une audience de cabinet mais


celle-ci peut se tenir à l'établissement pénitentiaire où l'intéressé se trouve
d'ores et déjà détenu, par exemple, par mandat d'amener ou mandat
d'arrêt53(*) ou dans le lieu où est hospitalisée la personne mise en examen54(*).

L'avocat choisi ou désigné est informé sans délai et ce, par tout moyen, ce qui
doit être mentionné au procès-verbal. Il peut consulter le dossier sur le champ
et communiquer librement avec l'intéressé. Un débat contradictoire a lieu
alors, au cours duquel le ministère public donnera ses réquisitions, l'intéressé
ou éventuellement son avocat présentera leurs observations55(*).

Si le mis en examen demande au contraire un délai pour préparer sa défense,


le juge renvoie le débat contradictoire à une audience ultérieure dite différée
qui devra se tenir dans un délai maximal de quatre jours ouvrables. En pareil
cas, le juge des libertés peut alors faire incarcérer l'intéressé pour la période
ci-dessus par une ordonnance motivée, insusceptible d'appel56(*). Bien que la
loi ne le dise pas, il parait certain que la non-comparution de l'intéressé dans
le délai de quatre jours entraînerait sa remise en liberté de plein droit à moins
que des circonstances imprévisibles et insurmontables empêchent de statuer
régulièrement dans le délai, ce qui autorise le juge à statuer sans débat
contradictoire57(*).

Par exception à tout ce qui précède, aux termes de la réforme opérée par la
loi du 4 mars 200258(*), le juge des libertés et de la détention ne peut ordonner
le placement en détention provisoire d'une personne qui a déclaré exercer, à
titre exclusif, l'autorité parentale sur un enfant âgé de 16 ans au plus qu'elle
héberge chez elle (article 145-5 du code de procédure pénale), sans avoir
recherché et proposé toutes mesures propres à éviter que la santé, la sécurité
et la moralité du mineur ne soient gravement compromises59(*). Ce qui
suppose que la personne qui prétend une telle faveur, doit en faire la
demande et justifier cette situation qui fonde sa demande. La personne
concernée doit faire connaître sa situation au juge d'instruction lors de son
interrogatoire de première comparution.
En tout état de cause, si la personne majeure peut renoncer à solliciter la
présence d'un avocat pour le débat contradictoire, tel n'est pas le cas de la
personne mineure qui ne peut jamais y renoncer61(*).

En faisant une lecture intelligente de l'article 137-3 du code de procédure


pénale, il apparaît que lorsque le juge des libertés entend faire droit à la
demande du juge d'instruction, il doit rendre une ordonnance spécialement
motivée faisant état des considérations de droit et de fait qui lui paraissent
justifier sa décision. Elle doit comporter d'une part, sur le caractère insuffisant
des obligations du contrôle judiciaire, et d'autre part, sur le motif de la
détention par référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144 du
code de procédure pénale62(*).Cette décision est notifiée verbalement à
l'intéressé, l'ordonnance étant susceptible d'appel devant la chambre
d'instruction et d'un référé liberté. Le référé liberté permet un examen rapide
de l'ordonnance de placement en détention provisoire par le président de la
chambre de l'instruction. Pour pouvoir l'exercer, la personne détenue doit
avoir adressé sa demande en même temps que l'appel, lui-même intervenu
immédiatement après le débat contradictoire devant le juge des libertés, au
plus tard le lendemain de la décision de placement en détention. Le président
doit statuer dans le troisième jour ouvrable suivant la demande, par une
ordonnance du juge des libertés.

Le président peut décider seul d'infirmer l'ordonnance de placement et


remettre l'intéressé en liberté totale ou sous contrôle judiciaire. S'il estime que
la détention provisoire est justifiée, il doit saisir la chambre qui statuera dans
les conditions normales d'appel d'une décision relative à la décision
provisoire63(*).

De ce qui précède, la chambre criminelle se montre exigeante sur le caractère


contradictoire du débat, c'est-à-dire équilibré, puisqu'elle a annulé une
procédure dans laquelle, après le débat lui-même, mais avant que la décision
ait été rendue, le ministère public était resté quelques instants seul avec le
juge et le greffier, dans le cabinet du juge d'instruction et la porte fermée64(*).
De même, en cas d'irrégularité relative à la convocation de l'avocat de la
personne mise en examen au débat contradictoire, la chambre de l'instruction
ne peut évoquer et statuer sur la détention, mais, après avoir constaté la
nullité de la décision du juge des libertés et de la détention, doit prononcer
d'office la mise en liberté de l'intéressé65(*).

L'ordonnance de placement en détention provisoire est susceptible d'appel de


la part du ministère public comme du mis en examen. Mais cet appel n'est pas
suspensif de l'exécution et le mis en examen est incarcéré pendant la durée
de la procédure d'appel.

En effet, pour lutter contre des placements en détention provisoire abusifs,


la loi du 24 août 1993 a créé sous le nom de « référé-liberté » une modalité
particulière d'appel ayant pour effet de suspendre l'efficacité du mandat de
dépôt pendant la durée de la procédure d'appel dont nous venons d'avoir un
aperçu.

Cependant, malgré toutes les reformes entreprises en la matière pour adapter


les textes à la réalité sociale, la décision de placement en détention provisoire
doit être faite dans le délai imparti par la loi et la jurisprudence (section II).

SECTION II : LA DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE

Le législateur récent a été animé du souci de réduire la durée des détentions


provisoires. Il l'a fait dans le cadre d'un système qui allie la complexité et
l'hypocrisie.

La complexité tient au fait que les prolongations répondent à des critères


multiples tenant non seulement à la limitation dans le temps, de l'efficacité des
instruments de la détention mais aussi, d'une prise en considération de la
durée de la peine encourue, de la nature de l'infraction, du passé de
l'intéressé etc.

L'hypocrisie est formelle dans la mesure où le législateur affirme à chaque fois


catégoriquement que tel délai ne peut être dépassé pour ajouter aussitôt qu'il
peut l'être, à titre exceptionnel66(*).

Mais quelle que soit la matière (criminelle ou correctionnelle), la détention de


la personne mise en examen doit se limiter dans une certaine durée.

A ce titre, il convient d'examiner la durée légale de la détention et de sa


prolongation pour les détenus majeurs (paragraphe I) d'une part, et d'autre
part, la durée légale et sa prolongation pour les détenus mineurs (paragraphe
II).

Paragraphe I : La durée légale et sa prolongation pour les détenus


majeurs
D'une manière générale, le point de départ du délai est le jour de
l'ordonnance de placement, ce qui suppose que celle-ci ait une date. Pour le
cas où la détention provisoire succède à un mandat d'arrêt, le point de départ
du délai est celui de l'exécution du mandat.

Pour ce qui concerne cette catégorie de personnes la durée de la détention


porte la marque de la rigueur. Cela apparaît tant sur le terrain de la durée de
base (A) que sur celui de la prolongation (B).

A- La durée de base et sa prolongation en matière criminelle

En matière criminelle, la durée maximale normale de la détention est d'un an.


Mais il ne s'agit là que d'un principe (article 145-2 CPP).

Toutefois, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce


délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à 6
mois par une décision motivée conformément aux dispositions de l'article 137-
3 du code de procédure pénale. Cette décision doit être rendue après un
débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième
alinéa de l'article 145. L'avocat est convoqué et la décision peut être
renouvelée selon la même procédure.

Cependant, la loi du 15 juin 2000 a ajouté un alinéa à l'article 145 précité


selon lequel « la personne mise en examen ne peut être maintenue en
détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est
inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle et au-delà de
trois ans dans les autres cas »67(*). Les délais sont portés respectivement à
trois à quatre ans lorsque l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis
hors du territoire national. Elle peut également être de quatre ans lorsque le
mis en examen est poursuivi pour plusieurs crimes contre les personnes ou
contre la nation, l'Etat et la paix publique, ou pour trafic de stupéfiants,
terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou crime en bande organisée. Si
en cours d'instruction, la qualification correctionnelle des faits objet de la
saisine du juge d'instruction est abandonnée, ce dernier doit saisir le juge des
libertés et de la détention aux fins du maintien en détention provisoire de la
personne mise en examen pour les mêmes faits requalifiés de crime. C'est la
durée prévue en matière criminelle qui doit être appliquée68(*).

Dans tous ces cas, et à titre exceptionnel, une dernière prolongation de


quatre mois peut être ajoutée à ces deux ans par une décision de la chambre
de l'instruction au motif que les investigations du juge doivent encore être
poursuivies lorsque la mise en liberté causerait un risque d'une particulière
gravité à la sécurité des personnes et des biens69(*). Cette prolongation peut
être renouvelée une fois.

Il faut le noter, ces délais concernent uniquement la durée de l'information et


n'entrent pas en ligne de compte après la décision de clôture de l'instruction
par le juge d'instruction à partir de laquelle, courent de nouveaux délais pour
que la personne détenue soit jugée.

Lorsque la détention provisoire intervient en conséquence de la révocation


d'un contrôle judiciaire alors que la personne mise en examen avait déjà été
placée en détention, pour les mêmes faits, la durée cumulée de ces deux
détentions ne peut excéder de plus de quatre mois, les maxima ordinaires en
matière criminelle70(*).

En revanche, la durée maximale d'un an peut être prolongée pour une durée
de six mois maximum, par une ordonnance du juge rendue après débat,
l'avocat ayant été convoqué, et motivée par les considérations de droit et de
fait qui la fondent. A cet effet, l'ordonnance du juge des libertés et de la
détention doit contenir les éléments particuliers qui justifient la poursuite de
l'information et le délai prévisible de son achèvement. Lorsque la peine
encourue est inférieure à vingt ans, la durée de la détention ne peut excéder
deux ans, elle est de trois ans dans les autres cas.

En définitive, depuis longtemps, le souci de la chancellerie et du législateur


était de faire baisser la durée de la détention provisoire. Parmi les moyens
utilisés, l'un consistait à fixer des périodes qui ne peuvent être dépassées que
par la procédure de renouvellement périodique et l'autre, des limites
infranchissables au-delà desquelles la personne mise en examen est
automatiquement remise en liberté.

Mais imposer une limite maximum à la détention peut générer de grandes


difficultés dans l'instruction de certains dossiers, en particulier lorsqu'il s'agit
de faits complexes commis par une personne n'ayant jamais été condamnée.
Cependant, les limites imposées ne peuvent être qu'approuvées si l'on
considère la gravité de la mesure coercitive que constitue la détention avant
jugement et les multiples répercussions qu'elle engendre. C'est également
une manière d'inciter, voire de forcer, les juges d'instruction à terminer les
dossiers de détenus dans un délai que le législateur a pensé raisonnable.

Dans le même esprit, de par le caractère exceptionnel de la mesure, la


prolongation de la détention implique la réunion de certaines conditions. Cette
durée de base est différente en matière correctionnelle.
B- La durée de base et sa prolongation en matière correctionnelle

En matière correctionnelle, l'article 145-1 du code de procédure pénale prévoit


deux hypothèses principales :

- si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou
pour délit de droit commun à une peine criminelle ou à une peine
d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et qu'elle
encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans, sa détention provisoire ne
peut excéder quatre mois et n'est pas susceptible de prolongation ;

- dans les autres cas, en considération du passé judiciaire de la personne


et/ou de la peine qu'elle encourt, sa détention provisoire ne peut excéder en
principe quatre mois. A titre exceptionnel, une prolongation d'une durée ne
pouvant excéder quatre mois peut être faite. Cette prolongation peut être
renouvelée pour la même durée qu'une seule fois.

Cependant, ces prolongations sont bien sûr accordées par le juge des libertés
et de la détention par ordonnance motivée prise après débat contradictoire71(*).

La durée maximale de la détention provisoire est donc d'un an (durée initiale


de quatre mois à laquelle s'ajoute une prolongation de quatre mois plus un
renouvellement de prolongation de quatre mois)72(*).

Quant à la durée de la procédure de comparution immédiate, c'est une


procédure qui permet au procureur de la République de traduire sur le champ
la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut
décider de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et ordonner le
placement en détention provisoire. Dans ce cas, le jugement sur le fond doit
être rendu dans un délai de deux mois à compter de la première comparution.
Ce délai est porté à quatre mois, à la demande du mis en examen, lorsque la
peine encourue est supérieure à sept ans d'emprisonnement. En cas d'appel
sur le jugement de condamnation et si la personne reste détenue, la Cour
d'appel doit statuer dans les quatre mois.

La donne change tout de même si la détention provisoire concerne les


mineurs quant au délai et à la prolongation.

Paragraphe II : La durée maximale de la détention provisoire et sa

prolongation pour les détenus mineurs


Ici, il nous convient d'analyser la durée de base en matière criminelle ainsi
que sa prolongation (A) et ensuite en matière correctionnelle et sa
prolongation (B).

A- La durée de base en matière criminelle et sa prolongation

Selon la lettre de l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à


l'enfance délinquante, le juge des libertés et de la détention est saisi par le
juge des enfants ou par le juge d'instruction. L'article 11 de l'ordonnance
précitée a été réécrit par la loi « Perben » du 9 septembre 2002 (article 18).

En matière criminelle, la détention provisoire des mineurs de moins de treize


ans peut être décidée dans les conditions de droit commun des majeurs, sans
pouvoir dépasser une durée de deux ans ou s'ils se sont volontairement
soustraits des obligations du contrôle judiciaire. Pour les mineurs de plus de
13 ans et de plus de 16 ans ne peut excéder six mois, mais à titre
exceptionnel, une unique prolongation de six mois maximum est possible par
une ordonnance motivée d'après les considérations de droit et de fait qui la
fondent, rendue après débat contradictoire. S'agissant des mineurs de 16 à
18 ans, la durée maximale de la détention provisoire reste de deux ans (un an
puis deux prolongations de six mois) pour les crimes.

Ce cas particulier visant les mineurs, est abordé par les textes de manière
précise et restrictive. C'est à ce titre que Jean Pradel évoquait à ce sujet
d'un « étranglement de la détention provisoire ».

En effet, quelle que soit l'infraction reprochée au mineur, ou dans l'hypothèse


de non-respect des obligations du contrôle judiciaire, la décision de placer en
détention provisoire est subordonnée à des conditions. C'est pour cette raison
que l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 qui en fixe les règles est
modifié en vue d'énoncer plus clairement les cas dans lesquels, un mineur
peut être placé en détention provisoire. Il dispose désormais que le mineur
âgé de 13 à 18 ans mis en examen par le juge d'instruction ou le juge des
enfants ne peut être placé en détention par le juge des libertés et de la
détention qu'à deux conditions particulières :

? S'il apparaît que cette mesure est « indispensable » ou qu'il


est « impossible » de prendre toute autre disposition ;

? Les obligations du contrôle judiciaire doivent être insuffisantes.


Quant au lieu de la détention, quelque soit l'âge du mineur, la détention
provisoire doit être effectuée soit dans un quartier spécial de la maison d'arrêt,
soit désormais dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineur73(*).
Le mineur doit être, autant que possible, être soumis à l'isolement de nuit. Par
ailleurs, dans une même affaire, en cas de révocation des obligations du
contrôle judiciaire pour un mineur précédemment placé en détention
provisoire, la loi du 15 juin 2000 a prévu que la durée de la détention ne peut
excéder de plus d'un mois. Cette durée constitue une limitation par rapport à
l'interprétation qui prévalait74(*).

Pour les mineurs de 13 à 16 ans, la détention provisoire n'est, en outre,


autorisée que dans les établissements garantissant l'isolement complet avec
les détenus majeurs et prévoyant la présence d'éducateurs.

Enfin, la loi met en place une procédure de suivi ayant pour objet d'éviter la
détention provisoire du mineur en cause. Ce mineur doit faire l'objet dès sa
libération, des mesures éducatives ou de liberté surveillée adaptée à sa
situation. La situation est différente en matière correctionnelle.

B- En matière correctionnelle et sa prolongation 

Pour le mineur de 13 ans révolus, il ne peut être placé en détention provisoire


que si la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans
d'emprisonnement. Si la peine encourue est inférieure ou égale à sept ans
d'emprisonnement, la durée de la détention provisoire est d'un mois au
maximum et à titre exceptionnel, elle peut être prolongée une seule fois d'un
mois. Si la peine est supérieure à sept ans d'emprisonnement, la détention
obéit au droit commun des majeurs dans la limite de la durée d'un an. Le
placement est également possible quant le mineur se serait volontairement
soustrait aux obligations du contrôle judiciaire75(*).

Dans une décision du Conseil d'Etat, il a été jugé que n'est pas contraire à la
Constitution le placement en détention provisoire d'un mineur réitérant voire
récidivant et ayant manqué aux obligations du contrôle judiciaire en matière
correctionnelle76(*).

C'est pour cette raison que Georges Hages, député communiste du Nord,


déclarait dans le journal Humanité que le « mineur de moins de seize ans ne
devait jamais être placé en garde à vue ni en détention provisoire en matière
correctionnelle »77(*).
Pour le mineur de 13 à 16 ans, en cas de révocation du contrôle judiciaire, la
durée de la détention ne peut excéder 15 jours et renouvelable une fois
(article 11-2 de l'ordonnance de 1945). Si le délit est puni de 10 ans, la durée
est de un mois renouvelable une fois.

Pour le mineur de 16 ans au moins (art. 11 ord. 1945), la durée est de 1 mois
si la peine encourue ne dépasse pas 7 ans avec une seule prolongation et à
titre exceptionnel pour 1 mois maximum. Dans les autres cas, 4 mois comme
les majeurs avec possibilité de prolongation après débat contradictoire, mais
avec un maximum d'un an en tout78(*).

Pour le mineur de 18 ans, la détention provisoire ne peut excéder deux mois


(un mois plus un mois avec débat contradictoire) lorsque la peine encourue
n'est pas supérieure à 7 ans d'emprisonnement. Dans les autres cas, les
dispositions de l'alinéa premier de l'article 145-1 du code de procédure pénale
s'applique (ord. 2 fév. 1945, art. 11, al. 2).

Mais il faut le rappeler, à titre exceptionnel, une unique prolongation d'un mois
maximum est possible, par une ordonnance motivée d'après les
considérations de droit et de fait qui la fondent et rendue après débat
contradictoire.

Lorsque la détention provisoire est ordonnée en conséquence de la violation


d'un contrôle judiciaire79(*) et que l'intéressé a déjà été placé en détention pour
les mêmes faits, la durée cumulée de ces deux détentions ne peut excéder
plus d'un mois, les maxima ordinairement prévus en matière criminelle ou
correctionnelle.

Après cet aperçu sur la durée légale de la détention provisoire, il convient en


conséquence d'examiner la question du délai raisonnable de la détention
provisoire conformément à la Convention européenne des droits de l'homme
et les effets de la détention provisoire (Chapitre II)

CHAPITRE II :

La durée raisonnable et les effets de la détention


provisoire

Puisque la loi fixe la durée maximum de la détention provisoire selon la peine


encourue, de la matière ou encore du passé du délinquant, quelle soit la
situation, le calcul se fait de quantième en quantième80(*). Cependant, malgré
les réformes entreprises pour adapter les textes à la réalité sociale, la
détention provisoire n'est pas sans effets, plus ou moins remarquables. Notre
nous conduira à étudier ce délai dit raisonnable (section I) et ensuite nous
nous pencherons sur les effets de la détention (section II).

SECTION I : LA DUREE RAISONNABLE

L'article 144-1, al. 1, code de procédure pénale dispose que la détention


provisoire ne peut excéder une durée « raisonnable », au regard de la gravité
des faits et de la complexité des investigations. Mais la durée peut s'expliquer
par les nombreux incidents procéduraux dont l'intéressé est pour partie
responsable. De cet exposé bref, il convient d'analyser la durée raisonnable
par rapport à la Convention européenne des droits de l'homme (Paragraphe I)
et ensuite, la jurisprudence des juridictions de fond sur ce délai (Paragraphe
II).

Paragraphe I : Le délai raisonnable par rapport à la Convention


européenne des droits de l'homme

S'appuyant sur la CEDH (Convention européenne des droits de l'homme), la


cour a condamné la France plusieurs fois pour des durées de détention trop
longues.

En effet, la convention prévoit que « toute personne arrêtée ou détenue a


droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la
procédure »81(*). Dans ses décisions, la Cour de Strasbourg considère que les
« raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis une
infraction constituent une condition sine qua non du maintien en détention,
mais au bout d'un certain temps, cela ne suffit plus ». La Cour apprécie si les
motifs invoqués pour le maintien en détention continuent à légitimer la
privation de liberté. Ces motifs doivent être « suffisants », « pertinents » et
justifiés par une « diligence particulière » des autorités nationales
compétentes pour la poursuite de la procédure.

Dans chaque arrêt, la Cour européenne examine l'ensemble des conditions


de placement en détention provisoire (risque de pression sur les témoins, le
risque de fuite, l'insuffisance du contrôle judiciaire etc .) et apprécie à partir de
quand le maintien en détention ne répond plus à ces critères. C'est pourquoi,
les modifications législatives intervenues en 2000 ont eu pour objet de
soumettre la procédure française à ces exigences. Il n'en reste pas moins que
toutes les prolongations exceptionnelles risquent encore, dans bien des cas
de poser problème au regard de la jurisprudence de la Cour européenne. Son
texte qui consacre le mieux la matière est l'article 5-1c selon lequel : « nul ne
peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants et selon les voies
légales : c) lorsqu'il a été arrêté ou détenu en vue d'être conduit devant
l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de
soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables
de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de
s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ». Si l'on élimine les soupçons qui
pèsent sur la personne mise en examen, l'article 5-1c CEDH énumère deux
motifs de détention, le risque de réitération de l'infraction et le risque de
fuite82(*). La liste des privations de liberté (l'article 5-1) énumérée revêt un
caractère exhaustif dont témoignent les mots « sauf dans les cas suivants ».
Ainsi, la Cour examine la régularité et la légalité de la mesure privative de
liberté. Son adoption comme son exécution doivent être conformes à la
législation nationale et au but des restrictions admises par l'article 5-1 CEDH,
ce qui apporte une garantie du respect au droit à la sûreté.

Bien entendu, ce texte énumère un certain nombre de cas dans lesquels la


détention peut être décidée ou maintenue. De plus, l'article 5 § 3 de la
convention affirme en substance le droit pour le détenu « d'être jugé dans un
délai raisonnable ». Selon la Cour, la durée de la détention provisoire ne doit
pas dépasser « les limites du raisonnable »83(*). L'applicabilité de la
convention a conduit la chambre criminelle de la Cour de cassation à affirmer
que les juridictions devaient veiller au respect de ce délai. En effet, par la loi
du 30 décembre 1996, le législateur a introduit sur le modèle de la
convention, l'exigence d'une détention de durée raisonnable au « regard de la
gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité
des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité »84(*).

Pour une meilleure application de la procédure, la Cour de Strasbourg


n'hésite pas à contrôler la durée de la détention. C'est pourquoi, dans
l'affaire Wemhoff85(*), la Cour européenne justifie une détention de trois ans et
demi « en raison de la nature des infractions......., et de l'extrême complexité
de l'affaire ». Mais dans l'affaire Neumeister, où la détention avait durée deux
ans et deux mois, la Cour a considéré que le maintien en détention a violé
l'article 5 § 3, en indiquant que le danger de fuite invoqué doit s'apprécier au
regard de divers éléments (gravité des faits, caractère, ressources et domicile
de l'inculpé).86(*)
Cependant, au regard de la convention européenne, il faut le rappeler, l'article
144-1 CPP a été inséré par la loi du 30 décembre 1996. Cet article reprend le
critère européen tel la complexité de l'affaire. En pratique l'article 144-1
précité conduit les juges à adopter une motivation plus précise que par le
passé. Bien sûr, si le détenu provisoire est responsable de l'allongement de la
durée de la détention, parce qu'il multiplie les incidences procéduraux, l'article
144-1 CPP ne lui sera d'aucun secours87(*). La Cour de cassation n'entend pas
contrôler si la persistance de la détention provisoire est raisonnable au sens
de l'article 5-3 CEDH. Elle se contente de vérifier si les décisions sont
correctement motivées par référence aux dispositions de l'article 144 du code
de procédure pénale. La jurisprudence de la Cour de cassation se borne, le
plus souvent, à censurer les décisions qui n'ont répondu aux conclusions en
ce sens du mis en examen sur le fond. Elle a tendance à dire que les moyens
tirés du caractère excessif soit de pur fait soit au mieux, mélangés de fait et
de droit88(*).

En revanche, la Cour européenne se montre très soucieuse. Elle a ainsi jugé


que la persistance de soupçons plausibles à l'encontre du détenu ne suffit
plus, à elle seule, à justifier la détention « au bout d'un certain temps » et
qu'alors, le seul souci de préserver l'ordre public et d'éviter le renouvellement
de l'infraction ne peut y suppléer89(*).

Quant à la procédure de saisine de la Cour européenne, on recourt à l'article


5-4 CEDH selon lequel « toute personne privée de sa liberté par arrestation
ou détenue a le droit d'introduire un recours devant le tribunal afin qu'il statue
à bref délai sur la légalité de sa détention ».

Le mis en examen n'a pas à patienter jusqu'à la fin de la détention provisoire


pour saisir la Cour européenne. Il doit cependant avoir préalablement
présenté des demandes de mise en liberté aux juridictions compétentes. Il est
indispensable qu'il ait tenté tous les recours prévus par la loi Française à
l'encontre des refus de libération provisoire. La Cour doit être saisie au plus
tard dans les six mois de la cassation de la détention provisoire, qu'elle
résulte d'une remise en liberté ou de la condamnation par la juridiction de
jugement. Enfin, la détention provisoire d'une personne condamnée qui a fait
l'appel de la sentence n'est pas prise en compte par la cour. Il convient de
noter que la procédure suivie devant la Cour européenne n'entraîne pas la
libération immédiate de celui qui subit une détention excessive. La Cour ne
fera que condamner l'Etat fautif à des dommages intérêts. Il appartient aux
autorités nationales de prendre les mesures individuelles adéquates propres à
mettre un terme à la violation constatée et d'en effacer les conséquences.
En définitive, on peut dire que la situation des prévenus est anormale et
inégale, en ce sens qu'une personne exécute de fait une peine qui n'a pas été
prononcée.

La personne mise en détention est cependant incapable d'assurer sa défense,


car elle est mise en opposition frontale et violente avec l'institution. Parce
qu'elle est déjà considérée comme coupable, mais surtout, parce qu'elle n'est
pas encore coupable, elle est victime.

Avec les prévenus, il est impossible de gérer la peine ni rien entreprendre,


d'autant que les inscriptions scolaires, les formations professionnelles ou le
travail ne sont pas possibles, puisque les détenus sont en situation d'attente
et se rendent régulièrement à l'instruction.

Tout ce que la prison génère comme rupture est pour eux injuste et rien, par
conséquent, ne peut se construire90(*).

La Cour européenne nous réaffirme et nous rassure que « l'existence


d'indices graves de culpabilité à l'égard de l'inculpé ne justifie, à elle seule, le
maintien en détention provisoire »91(*).

Si la pratique de la détention provisoire en France suscite régulièrement des


critiques notamment dans ces dernières années, il est permis de penser que
sa réglementation au regard du droit positif interne n'est pas moins favorable
au respect de la présomption d'innocence, à la prévention de la détention et à
la limitation de sa durée. Il conviendrait d'analyser la jurisprudence des
juridictions de fond sur le délai raisonnable.

Paragraphe II : Aperçu de la jurisprudence des juridictions de fond

sur le délai raisonnable

La notion de délai raisonnable dans lequel l'article 5-3 de la Convention


européenne donne à une personne le droit d'être jugée est nécessairement
indissociable du contexte d'ensemble de l'affaire soumise à la justice et fait
essentiellement référence à un examen objectif des faits de la cause92(*). En
conséquence ce sont des décisions des juridictions de fond qui peuvent nous
permettre d'illustrer ce que la jurisprudence française entend par délai
raisonnable.
En effet, selon l'article 5-3 de la Convention européenne, n'est pas
raisonnable un délai de 16 mois entre le moment où l'accusé est renvoyé
devant la Cour d'assises et la date prévue pour sa comparution93(*). Dans le
droit fil, un prévenu soupçonné de recels de vols aggravés et de malfaiteur,
incarcéré depuis 4 ans en entendant son jugement depuis 1 an et demi et
dont la comparution devant la Cour d'assises ne doit intervenir avant de
nombreux mois ne bénéficie pas d'un délai raisonnable de jugement au sens
de la Convention européenne94(*).

Pour la Cour d'appel de Monpellier, la détention provisoire d'une personne


soupçonnée d'assassinat de plus de 3 ans et 4 mois apparaît comme
excessive au sens de la Convention européenne95(*). De même, dans une
affaire criminelle peu complexe dans laquelle le détenu est incarcéré depuis
plus de 2 ans alors que le magistrat instructeur a entendu d'août à décembre
pour notifier le rapport d'examen mental et que le dossier est communiqué
depuis près de 6 mois au règlement, l'article 5-3 est violé96(*).

Un arrêt de la cour d'appel de Douai est ainsi rédigé « Attendu qu'il apparaît
ainsi que pendant près d'un an, entre novembre 1997 et octobre 1998,
l'instruction de cette affaire a marqué un temps au fond, sans cette
« stagnation » puisse s'expliquer, étant observé que les diligences du juge
d'instruction concernant la personnalité des mis en examen sont antérieures à
décembre 1997 »97(*). De cette constatation, la cour a relevé que la détention
de la personne mise en cause excédait une durée raisonnable au sens de
l'article 144-1 du code de procédure pénale et de l'article 5-3 de la convention
européenne. On peut donc prétendre sur ces constatations que le délai
raisonnable est bien pénétré dans la jurisprudence. Ainsi, dans l'arrêt précité
de Douai, c'est le procureur Général qui avait requis la mise en liberté sur la
base de l'application des articles 5-3 de la convention et 144-1 du code de
procédure pénale.

Dans le respect de la Convention et de la procédure pénale, un intéressant


arrêt de la chambre d'accusation de Versailles98(*) a tenu compte de l'état de
santé du détenu, en l'espèce malade de sida, pour évaluer les chances de
l'intéressé de comparaître devant une juridiction de jugement.

On peut dire néanmoins que le problème principal tient moins à la durée


intrinsèque de la procédure qu'aux moments prolongés d'inactivité. Une
procédure très longue mais où on a l'impression que les magistrats ont tout
fait ce qui était de leur pouvoir pour que la procédure soit plus courte au
regard des difficultés de chaque espèce.
Au regard de tout ce qui précède, la détention provisoire n'est pas sans effets
considérables sur la personne des mis en examen.

SECTION II : Les effets de la détention provisoire

La détention provisoire a pour principal effet, la privation temporaire de


liberté (paragraphe I) et le caractère éventuellement préjudiciable de cette
privation de liberté (paragraphe II).

Paragraphe I : La privation temporaire de liberté

La privation de liberté du détenu s'exécute au sein d'une maison d'arrêt ou


dans un quartier spécial selon un régime distinct de celui applicable au
condamné. Le juge d'instruction peut donner des ordres relatifs à la détention
mais c'est l'administration pénitentiaire qui définit les conditions de la
détention.

Aux termes des articles 715 et D 55 du code de procédure pénale, tant que
dure l'instruction, le procureur de la République dans les cas où la détention
provisoire a été décidée en dehors d'une instruction, et les présidents des
juridictions saisies, après l'instruction, peuvent donner des ordres relatifs au
régime de détention de l'intéressé, auxquels la direction de la maison d'arrêt
est tenu d'obéir99(*).

Mais il est aisé de constater que, dans la réalité, les magistrats ne jouissent
pas d'une grande marge de manoeuvre quant aux ordres donnés au détenu
dans l'établissement pénitentiaire. Ils ne peuvent pas modifier le régime tel
que défini par l'administration pénitentiaire conformément au code de
procédure pénale. Par exemple, il leur serait impossible de modifier les
horaires des activités du prévenu, lui accorder ou retirer la permission de faire
du sport, etc. On constate qu'ils ne peuvent intervenir que sur certains points
édictés par le code de procédure pénale soient :

? décider de l'interdiction de communiquer prévue à l'article 145-4 du code de


procédure pénale. Ainsi, la détention provisoire ne suffit pas toujours à se
prémunir contre les pressions, voire les menaces extérieures ou vers
l'extérieur100(*). C'est pourquoi le juge peut ajouter une interdiction de
communiquer. Il s'agit d'interdire toute visite et tout courrier avec qui que ce
soit, femme, enfants, employeur, etc. Elle ne s'applique toutefois pas à
l'avocat.
La durée d'une telle interdiction ne peut excéder dix jours, renouvelable, pour
une même durée, une seule fois, soit un total de vingt jours.

? accorder ou non les permis de visite.

Passé un délai d'un mois à compter du placement en détention provisoire, le


juge d'instruction pourrait encore refuser d'accorder un permis de visite à
certaines conditions s'agissant des membres de la famille (son refus
persistant après un mois à compter du placement en détention devrait être
motivé spécialement au regard des nécessités de l'instruction. Cette décision
pourrait être déférée au président de la chambre d'accusation)101(*). Par contre,
il ne pourrait plus s'opposer à la correspondance.

En revanche, il lit tous les courriers qu'envoie et reçoit le prévenu selon les
termes de l'article D 416 du code de procédure pénale, courrier qui est par
ailleurs lu par l'établissement pénitentiaire.

Enfin, le juge de l'application des peines peut décider que la peine s'exécute
sous le régime du placement sous surveillance électronique tel que prévus à
l'articles 723-7 et suivant du code de procédure pénale102(*). Pour prendre sa
décision, le juge devra tenir compte de la situation de l'intéressé, notamment,
sa situation matérielle, familiale et sociale et doit comporter des propositions
propres à favoriser son insertion sociale103(*).

Certes, le code de procédure pénale aménage des conditions meilleures pour


les prévenus et les condamnés, il n'est pas surprenant que, bien que
présumés innocents, leur sort s'avère peu enviable.

S'il est de principe que les prévenus sont seuls en cellule, cela n'est pas
toutefois respecté car les maisons d'arrêt qui les reçoivent, sont surpeuplées.

Un progrès a été fait. L'idée que le détenu peut bénéficier de droits s'est
développée. Ainsi, l'article 1er de la loi du 22 juin 1987 sur le service public
pénitentiaire rappelle que ce service « favorise la réinsertion sociale des
personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire ». La privation de
liberté vise désormais à appliquer au condamné un traitement tendant à sa
réadaptation sociale. Et pour le garde des sceaux, en novembre 1988,
le «détenu demeure un citoyen, tout spécialement lorsqu'il bénéficie de la
présomption d'innocence ».104(*)

Si une lecture saine de l'article D 59 du code de procédure pénale laisse


supposé en théorie que les prévenus sont affectés à un quartier réservé qui
leur est propre, la règle est difficile à observer en raison de la surpopulation.
Les prévenus bénéficient de trois visites par jour et non une seule. Toutefois,
il apparaît que cela n'est qu'en théorie car, en maison d'arrêt, les visites ne
durent que trente minutes, contre plusieurs heures dans les autres
établissements. Il faut en outre signaler que dans les maisons d'arrêts, les
détenus n'ont pas accès au téléphone, sauf instruction de la part des juges.
Ces mesures parfois injustifiées peuvent porter préjudice aux personnes
mises en cause, souvent sans fondement légitime.

Paragraphe II : La privation parfois injustifiée et préjudiciable

Toute décision de placement en détention provisoire n'est pas en soi


préjudiciable à la personne qui en fait l'objet. Si le détenu provisoire vient par
la suite à être condamné à une peine privative de liberté, la période passée
en détention est en effet imputée sur la peine d'emprisonnement ou la
réclusion ultérieurement prononcée, tel est l'esprit de l'article 716-4 du code
de procédure pénale. Pour qu'il n'en soit pas ainsi, il faudrait que le mis en
examen soit, pendant l'instruction, détenu à titre définitif pour une autre
infraction déjà jugée et non en concours réel avec celle poursuivie puisque le
délinquant exécuterait alors une condamnation définitive et non une détention
provisoire105(*).

Toutefois, même dans ce cas, l'amnistie de la première condamnation restitue


à la détention avant jugement de la seconde sa nature de détention provisoire
et donc une déductibilité de la peine106(*).

La déduction ne peut se faire qu'à propos d'une même condamnation ou


d'infractions en concours réel mais non d'infractions distinctes même
imputables à la même personne et même dans le cas où l'une d'elles
donnerait lieu à un non-lieu, un acquittement, une relaxe ou une peine autre
que l'emprisonnement après la détention provisoire107(*).

La détention étant perçue comme une forme de pré-jugement, les juridictions


de jugement peuvent être tentées d'en couvrir la durée au moment d'entrer en
voie de condamnation. A notre avis, cette pratique ne peut être que
regrettable mais elle est malheureusement assez courante.

Le dommage qui résulte cependant de la détention provisoire, est


sensiblement plus important dans l'hypothèse où le mis en examen est par la
suite reconnu innocent comme indiqué ci-dessus.
Si la poursuite pénale se termine par une sanction autre que la privation de
liberté, la détention provisoire ne pourra donner lieu à aucune compensation.
Là encore, cela ne peut être qu'une injustice voire une inégalité des citoyens
devant la loi pénale même si l'argument avancé se résume à la « nécessité
de l'instruction ». Dans ce cas, pourquoi ne pas placer le détenu sous
contrôle judiciaire sachant qu'il n'y a pas de raisons plausibles pour douter du
renouvellement de l'infraction, de la fuite de l'intéressé ?

En somme, nous rejoignons la déclaration de Patrick Devedjan, dans le


journal Libération du 7 décembre 2005 selon lequel « la liberté est un bien si
précieux qu'il doit être confié à l'ensemble de la société, de manière
transparente, sous le regard de l'opinion publique. En public, il n'est pas
possible de se contenter des petits secrets qui ont cours dans le cabinet d'un
juge d'instruction ». Dès lors, cette liberté doit être respectée puisque
consacrée par les textes.

Si la détention provisoire en France suscite régulièrement des critiques


notamment dans ces dernières années, il est permis de penser que sa
réglementation au regard du droit positif interne n'est pas moins favorable au
respect de la présomption d'innocence, à la prévention de la détention et à la
limitation de sa durée. Ce qui nous amène à analyser cette mesure dans la
pratique et le système réparateur en cas d'abus (Partie II).

PARTIE II

LA DETENTION PROVISOIRE DANS


LA PRATIQUE ; LA REPARATION DU
PREJUDICE EN RAISON D'UNE
DETENTION INJUSTIFIEE

CHAPITRE I

LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA PRATIQUE


Dans la pratique, les garde-fous édictés par le législateur se révèlent-ils
suffisants ? L'usage effectif de la détention provisoire demeure-t-il réellement
modéré malgré son caractère efficace ?

A ces diverses problématiques, il est à noter que malgré les efforts consentis
par le législateur, notamment depuis 1970, le nombre des détenus provisoires
n'a pratiquement cessé d'augmenter. De plus, il est aisé de remarquer que
dans la plupart des cas, les détentions sont prononcées, voire exécutées au
détriment des libertés individuelles (Section I) même si, au cours de la
procédure, une demande de réduction de la durée de la détention peut être
sollicitée (Section II).

SECTION I : Conciliation brisée au détriment des libertés

Individuelles

La conciliation textuelle entre protection des libertés individuelles et les


nécessités de la justice apparaît donc dans la pratique comme brisée. Les
moyens mis en place par le législateur pour limiter le recours à la détention
provisoire se révèlent insuffisants. On peut déduire de cela que le système
juridique mis en place qui a subi autant de réformes, est à présent lacunaire
et flou. Ce qui implique qu'il est donné au juge, un large pouvoir d'appréciation
(Paragraphe I), qui aboutit à un usage parfois excessif de la
détention (Paragraphe II).

Paragraphe I : Un pouvoir large d'appréciation des juges

Ce pouvoir est voulu restreint par le législateur. Mais au vu de l'imprécision


des textes, même si les conditions d'application sont déterminées, les notions
qu'elles recouvrent sont floues (A), ce qui donne au juge, un pouvoir
d'interprétation (B).

A- Le flou des textes

Le flou caractérise le système dès lors que les normes ne sont pas
déterminables, leurs règles supérieures étant elles mêmes affectées
d'ambiguïté et d'imprécision. Le flou se constate dans les textes relatifs à la
détention provisoire.

Ainsi, Pierre CHAMBON met en exergue la lacune suivante : celle concernant


la gravité des indices nécessaires au placement en détention. Si cette
condition n'est pas prévue par les textes, il n'en demeure pas moins qu'elle
est nécessaire à la mise en oeuvre de la détention provisoire, condition
prétorienne mais également floue. Qu'entend-t-on précisément par seuil de
gravité ?

Le juge d'instruction se contente en pratique d'indiquer « attendu que les faits


sont graves ; attendu que le prévenu est de mauvaise moralité et a déjà été
condamné ». Ces éléments isolés sont pourtant insuffisants pour motiver un
placement en détention provisoire. Que le fait poursuivi soit grave n'implique
pas que la personne mise en examen l'ait commis ; il en est de même si le
juge d'instruction se contente d'indiquer que la personne mise en examen a
mauvaise réputation. Il faut des indices suffisamment graves pour la désigner
comme auteur de l'infraction. Il est donc à révéler que la lacune et le flou
propres à cette condition sont d'autant plus critiquables que dans les autres
cas (article 63 et 105 du code de procédure pénale) le degré de gravité des
indices est précisé.

Un autre exemple illustre parfaitement le flou des textes : la notion d'ordre


public causé par l'infraction (article 144 du code précité). Ce motif est le plus
discuté. On pourrait même songer à sa suppression en matière
correctionnelle. La raison en est de ce qu'il n'a pas de consistance claire et
que ses limites sont particulièrement floues. Ce qui permet au magistrat
instructeur ou au juge des libertés et de la détention une utilisation abusive. Il
est en effet possible de considérer que toute infraction trouble plus ou moins
l'ordre public du fait même de sa réalisation et qu'il convient de préserver cet
ordre par une mesure de détention. Mais, la détention provisoire étant
considérée comme une mesure d'exception, elle doit être décidée en
considération d'un juste équilibre entre deux impératifs :

? le respect de la liberté individuelle,

? la nécessité de la recherche de la vérité judiciaire.

En faisant référence à l'ordre public, selon la loi du 9 septembre 2002 la


détention ou la prolongation d'une détention ne doit pas être motivée par le
critère de l'ordre public sauf en matière criminelle et pour les délits punis de
moins de dix ans d'emprisonnement. Le critère de trouble à l'ordre public ne
peut justifier la détention que s'il s'agit d'un trouble exceptionnel et persistant,
résultant de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission ou
de l'importance du préjudice qu'elle a causé108(*).
Or, il est de règle par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de
cassation, qui exige par application stricte du texte, que le juge expose en
quoi l'ordre public est troublé par les faits objectifs du dossier.

Autre lacune de la législation : celle de la réforme de 1970 : si elle institue le


contrôle judiciaire, elle n'impose pas au juge qui use de la privation de liberté
à montrer dans son ordonnance en quoi cette mesure est insuffisante.

Ayant ainsi constaté que le législateur recourt assez facilement à la technique


du placement en détention provisoire, sa mise en application par les
interprètes du droit est inquiètante.

B- Pouvoir d'interprétation des juges

Le juge est nécessairement amené à faire subir à la norme large une certaine
interprétation qui la rapproche de la norme la plus concrète. Le
rapprochement de la norme générale et du fait concret se réalise
nécessairement par la perception subjective du juge. A ce propos, on peut
évoquer un risque d'arbitraire.

En tout état de cause, le juge ne peut que prendre le soin d'adapter


l'interprétation des règles au résultat social recherché. En cherchant à éviter
des solutions manifestement déraisonnables ou iniques, le juge apprécie
selon la justice et l'intérêt général. Pour éviter ce risque d'arbitraire, de
nombreuses théories ont été élaborées sur le pouvoir d'interprétation des
juges.

Ce pouvoir d'interprétation des juges a fait l'objet de nombreuses


controverses, les théories de l'interprétation oscillant entre la primauté donnée
au souci de fidélité à l'égard du législateur et celui d'adaptation aux besoins
sociaux du moment.

A l'origine, selon l'idéologie de la décision « déterminée », les mesures prises


par le juge sont le résultat d'opérations à caractère logique ou mécanique.
C'est la position du formalisme juridique. Les estimations du juge n'existent
pas ou ne jouent pas de rôle dans la prise de décision ; les règles appliquées
forment un système complet et suffisent pour prendre des décisions et le juge
n'est que, selon Montesquieu, «la bouche qui prononce les paroles de la loi ».

La liberté des justiciables est ainsi garantie par le principe de la séparation


des pouvoirs. « Les tribunaux ne peuvent s'immiscer dans l'exercice du
pouvoir législatif »109(*). Ou encore « il est défendu au juge de se prononcer
par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur
sont soumises »110(*).

Diverses écoles ont prôné cette idéologie : l'école de l'exégèse, le positivisme


juridique ou l'analytique jurisprudence du 19e sicle avec J. Austin, Landgell.

Ensuite, l'idéologie de la libre décision judiciaire naît comme une critique


radicale à l'idéologie précédente et exprime les tendances anti-formalistes.
L'application du droit est basée sur les estimations des juges et les textes ne
peuvent pas la déterminer : le juge doit faire une libre recherche des sources
de sa décision par delà le droit positif et peut décider non seulement praeter
legem mais aussi contra legem.

L'idéologie de la décision légale et rationnelle est basée sur l'analyse des


caractères du raisonnement judiciaire, de la législation et du système de droit.
C'est l'esprit actuel du code de procédure pénale : ni décision mécanique, ni
liberté non contrôlée.

En effet, compte tenu du flou de certains textes, les juges ont un large pouvoir
d'appréciation, ce qui signifie surtout que même l'usage des exceptions est
voulu comme restreint dans les textes. Mais dans la pratique, ces organes
peuvent en abuser. Il faut préciser tout de même que les abus relatifs à la
détention provisoire ne sont pas seulement dus à la souplesse des textes
mais aussi aux échecs législatifs. Depuis la réforme de 1970 jusqu'à la
nouvelle loi du 15 juin 2000, la volonté du législateur était de réduire le
nombre des placements en détention. Mais à présent, le nombre des
détentions provisoires est encore considérable en France car, « la détention
provisoire concerne en réalité plus du tiers de ceux qui sont sous les
verrous »111(*).

Cependant, il est logique de penser et d'espérer que l'impact de la nouvelle loi


se fera tout de même sur le nombre actuel des détentions, puisque désormais
la mesure nécessite deux juges ; il y a de fortes chances que la procédure, se
trouvant ainsi quelque peu alourdie et ralentie, dissuade la mise en
détention112(*). Depuis le 12 juillet 1996, « la réforme Badinter, qui a obligé le
juge d'instruction à réorganiser un débat contradictoire avant tout placement
en détention, semble avoir été bénéfique : depuis son adoption, la part des
prévenus est tombée de 52% à 40% »113(*) à nos jours.

Malgré les réformes et les tentatives d'assouplissement de la détention, il n'en


demeure pas moins, que son usage est parfois excessif.
Paragraphe II : L'usage excessif de la détention provisoire

Malgré des conditions d'application nombreuses, le flou de certaines notions


et l'insuffisance des réformes permettent un usage excessif de la détention
provisoire en raison de son apport efficace à la justice. Le recours excessif de
cette mesure est pernicieux car attentatoire aux libertés individuelles. S'il est
compréhensible que le juge y recourt dans un souci d'efficacité de la justice,
ceci ne doit pas entraîner le mépris systématique des droits individuels : la
conciliation entre ces deux impératifs constitutionnels devrait être, malgré
tout, respectée. On peut se poser la question, comment et pourquoi la mise
en détention provisoire, mesure exceptionnelle, est dans la pratique
abusivement usitée (A) et que cet abus manque de sanctions (B).

A- La mise en détention provisoire

La population carcérale est en augmentation croissante en France. Ces


dernières années, elle a doublé en France. Elle atteignait 59 197 personnes le
1er mars 2006, dont 19 368 prévenus (détenus en attente d'un jugement
définitif)114(*). Le nombre de mineurs détenus est de 658, ce qui représente
1,1% des détenus. Les raisons de cet accroissement sont entre autre :

1) l'allongement des peines prononcées : entre 2002 et 2005, la durée


moyenne de la détention a doublé ;

2) le nombre de libérations conditionnelles a seulement augmenté et passe de


5013 au 1er avril 2002 à 5866 au 1er avril 2005;

3) un recours trop important de la détention provisoire : 35% des détenus sont


des prévenus, donc présumés innocents, le placement en détention semble
souvent utilisé comme un moyen de pression, dans le seul objectif de
conduire le prévenu à passer aux aveux, selon l'Observatoire Internationale
des Prisons et l'administration pénitentiaire;

4) la détention de personnes qui ne devraient pas être en prison : des


étrangers détenus pour motifs administratifs (des sans-papiers), les
toxicomanes, parfois de simples consommateurs ou de personnes ayant
dealé pour acheter leur dose personnelle etc. Des mesures appropriées
peuvent être prises à chacun de ces cas pour éviter des procédures inutiles et
souvent onéreuses.

Si la détention doit être théoriquement subie dans des conditions moins


difficiles que l'emprisonnement prononcé à titre de peine115(*), cette théorie est
cependant inexacte en pratique. On constate avec aisance le surpeuplement
pénitentiaire qui frappe tout particulièrement les maisons d'arrêt, ce qui interdit
en pratique le respect les règles prévues par la loi.

Au 1er octobre 2005, la proportion de prévenus dans l'ensemble de la


population pénitentiaire était de 36,1%. Au 1er janvier 2002, cette proportion
était de 33,2%.116(*)

Malgré cette diminution du taux et la volonté du législateur de restreindre le


recours à la détention, il est à remarquer que chez certains de nos voisins
européens, leur population carcérale est exclusivement composée de
condamnés (Islande, Irlande, Chypre). Par comparaison, les Etats membres
du Conseil de l'Europe, on peut classer comme suit :

- En France, au 1er septembre 2005, la densité carcérale, indice de la


surpopulation, s'établissait à 110,7%.

- En 2003, le taux de densité carcérale atteignait 95,5% dans le Royaume


Uni, 95% aux Pays-Bas et descendait jusqu'à 80,9% en Suisse117(*).

- La surpopulation était atteinte en Allemagne avec un indice de 101,9%,


107,4% en Belgique selon le Conseil de l'Europe.

Au regard de ces constatations, on observe que les textes qui régissent la


détention provisoire sont vagues, entraînant un usage parfois illimité du
placement en détention. La loi du 17 juillet 1970 n'a pas pu indiquer le degré
de gravité des indices nécessaires au placement en détention, alors qu'un tel
niveau de précision est déterminé dans d'autres hypothèses. L'appréciation
de la gravité et de la concordance des indices recueillis implique alors une
attention particulière118(*), puisqu'une erreur ou une faute du juge qui ne
procéderait pas à une mise en examen qui s'imposait entraînant une
annulation pour tardiveté de la mise en examen. Par exemple, la loi prévoit
avec précision que tel ou tel fait est constitutif de telle infraction.

Cependant, il est unanimement déploré que la détention provisoire demeure


encore fréquente et aussi longue en raison de l'atteinte à la liberté d'aller et
venir et à la présomption d'innocence.

Pour pallier cet usage, les mesures alternatives doivent être prises,
applicables aux détenus non dangereux et non récidivistes en fonction de
l'infraction commise. Ainsi, l'article 1er de la loi du 22 juin 1987 sur le service
public pénitentiaire rappelle que ce service « favorise la réinsertion sociale
des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire ». La détention ne
doit pas entraver la réinsertion et la réadaptation sociale du mis en examen.
Un détenu en attente de jugement doit se sentir et doit demeurer un citoyen
pour respecter la présomption d'innocence. En outre, des mesures adéquates
doivent être envisagées pour les détenus mineurs, les jeunes de moins de 21
ans. L'insertion sociale et professionnelle doit être une priorité, à défaut, la
prison peut rendre plus dangereux qu'on ne peut l'imaginer. La détention doit
correspondre à une nécessité réelle et non une simple utilité. Tous les abus et
les excès doivent être sanctionnés.

B- L'insuffisance des sanctions des abus

Le juge des libertés et de la détention n'agit pas sans contrôle, mais malgré
les recours qui peuvent paralyser sa décision, les abus relatifs à la détention
provisoire demeurent. Ainsi, la détention apparaît comme une mesure grave
puisqu'elle entraîne l'incarcération d'une personne dont la culpabilité n'est pas
certaine, et fait peser sur lui un discrédit parfois injustifié. Mais il convient
qu'une mesure aussi grave ne soit jamais décidée à la légère, ou par
routine119(*). Cependant, la loi du 15 juin 2000, voulant mieux encadrer le
pouvoir conféré au juge d'instruction pour procéder à une mise en examen et
mieux garantir la présomption d'innocence, les parlementaires ont tout mis en
oeuvre pour que le juge d'instruction ne recourt à la mise en examen que
lorsque celle-ci est justifiée120(*). A cette fin, ils ont, à l'instigation des
sénateurs, réformé la mise en examen en réaménageant les conditions et la
procédure de sa mise en oeuvre que nous avons abordée dans la première
partie.

En revanche, malgré un contrôle insuffisant des acteurs de la détention


provisoire, il n'en demeure pas moins que des sanctions peuvent être prises à
l'encontre des décisions édictées par ces acteurs en la matière.

Ainsi, la sanction la plus radicale et la plus essentielle est la censure de la


décision et même de la procédure obtenue par voie d'appel. Une ordonnance
du juge des libertés et de la détention n'acquiert le caractère définitif que si
elle n'a pas fait l'objet d'une voie de recours.

Les ordonnances de placement en détention, de prolongation, de refus de


mise en liberté, de mise en liberté sous contrôle judiciaire peuvent être
frappées d'appel, par la personne mise en examen ou son avocat, dans un
délai de 10 jours dès notification de la décision. De même, le ministère public
qui est partie au procès a un droit d'appel sur toutes les ordonnances du juge
d'instruction ou du juge des libertés en la matière (article 185, al. 1er du code
de procédure pénale). Mais l'emploi des termes « toutes les
ordonnances....... » par l'article précité est trompeuse, car il faut entendre par
là, les ordonnances juridictionnelles, celles par lesquelles le juge dit le droit et
ne se contente pas d'accomplir une formalité administrative121(*). Le procureur
de la République dispose de 5 jours pour exercer cette voie de recours. Le
délai d'appel est d'ordre public et l'appel porté tardivement est irrecevable,
sauf si l'appelant apporte la preuve d'une impossibilité absolue, survenue au
cours du délai d'appel, de remplir les formalités exigées. Mais malgré l'appel
interjeté, la décision du juge en matière de détention est immédiatement
exécutoire, ce qui implique que l'appel n'a pas d'effet suspensif. Pour
remédier à ces inconvénients, la loi du 24 août 1993 a instauré la procédure
dite du référé liberté (voir partie I, chapitre I).

Quant à la chambre de l'instruction, elle examine le bien-fondé de la décision


frappée d'appel et vérifie la régularité de la procédure de placement ou du
maintien en détention provisoire, autrement dit la régularité du titre de
détention. Elle confirme ou infirme l'ordonnance du juge des libertés et de la
détention.

Faute pour la chambre de l'instruction de statuer sur les moyens


régulièrement soulevés dans le mémoire déposé par le mis en examen ou
son avocat et les réquisitions formulées par le ministère public, sa décision
peut se voir sanctionnée par la Cour de cassation. Les décisions de la
chambre de l'instruction sont donc susceptibles de pourvoi devant la chambre
criminelle de la Cour de cassation. Pour pouvoir exercer ce recours, il est
nécessaire que les parties aient connaissance de la décision de la chambre
de l'instruction, celle-ci étant notifiée par lettre recommandée dans les trois
jours aux avocats du mis en examen et des parties civiles et, dans le même
délai, au procureur Général. Le délai pour former un pourvoi est de cinq jours
francs à compter de la notification ou de la signification de l'arrêt pour le mis
en examen et du jour où l'arrêt a été rendu pour le procureur Général compte
tenu de sa présence lors du prononcé de la décision.

En règle générale, le délai du pourvoi et le pourvoi lui-même sont suspensifs


jusqu'à la décision de la Cour de cassation. Le contentieux de la détention
provisoire échappe à cette règle. Ainsi, la chambre de l'instruction qui décide
de maintenir le mis en examen en détention est immédiatement exécutoire
nonobstant pourvoi en cassation. On se demande jusqu'ici, pourquoi une telle
mesure à l'encontre du mis en examen ? Cela ne peut être qu'une violation de
la présomption d'innocence.
La Cour de cassation dispose de trois mois à compter de la réception du
dossier pour statuer, faute de quoi le mis en examen est mis d'office en
liberté. La Cour peut soit rejeter le pourvoi, ce qui implique que la chambre de
l'instruction avait respecté les conditions prescrites par la loi, soit dans le cas
contraire casser la décision et renvoyer le dossier à une autre chambre de
l'instruction qui aura à statuer à nouveau.

Au regard de tout ce qui précède, le mis en examen peut demander à tout


moment de la procédure une réduction de la durée de la détention provisoire.

SECTION II : La fin de la détention provisoire

La décision de placement en détention ayant dans tous les cas un caractère


provisoire, une mise en liberté peut à tout moment être demandée par la
personne qui n'est pas définitivement condamnée. Dès lors, la fin de la
détention peut résulter d'une mise en liberté provisoire (Paragraphe I), ou être
sollicitée à la clôture de l'instruction (Paragraphe II).

Paragraphe I : La décision de mise en liberté

La Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés


fondamentales précise que toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être
libérée pendant la procédure122(*). Notre droit positif va totalement dans ce
sens lorsqu'il prévoit que, en toute matière (délictuelle ou criminelle), la mise
en liberté peut être ordonnée par le magistrat instructeur ou le juge des
libertés et de la détention. Cette libération peut être faite d'office ou sur
réquisitions du ministère public (A), soit sur demande formulée par le mis en
examen ou son conseil (B).

A- La mise en liberté d'office ou sur réquisitions du ministère public

Le juge peut prendre lui-même l'initiative, en dehors de toute demande, de


remettre le mis en examen en liberté. Il prend cette décision lorsqu'il estime
que la détention n'est plus nécessaire dans le dossier dont il a la charge. Ce
qui implique qu'à tout moment de la procédure, le juge d'instruction peut123(*),
après avoir pris les réquisitions du procureur de la République, mettre en
liberté le détenu provisoire, avec ou sans contrôle judiciaire. Selon la lettre de
l'article 147, alinéa 1er du code de procédure pénale, la personne doit prendre
l'engagement de se présenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu'elle
sera requise et de tenir informé le magistrat instructeur de tous ses
déplacements. L'avis du parquet n'est pas nécessairement donné par écrit, et
un avis verbal n'entache pas de nullité l'ordonnance de mise en liberté124(*) ou
il n'est nullement nécessaire de procéder à un débat contradictoire équivalent
à celui qui est exigé pour le placement en détention125(*). De tout ce qui
précède, le juge est libre de prendre une décision indépendamment des
termes de l'avis du ministère public. Dans ce cas, lorsqu'il décide de la mise
en liberté de l'intéressé, il doit succinctement motiver son ordonnance,
l'intéressé n'ayant bien entendu aucun intérêt à faire appel.

Au contraire, si le juge ne suit pas les réquisitions du procureur de la


République, il doit dans les cinq jours suivant les réquisitions, transmettre le
dossier de la procédure, accompagné de son avis motivé, au juge des libertés
et de la détention qui doit statuer dans les trois jours ouvrables (article 147,
alinéa 2, du code de procédure pénale). Faute par le juge des libertés et de la
détention de statuer dans le délai légal, le procureur de la République peut
directement saisir la chambre de l'instruction, laquelle doit statuer dans les
vingt jours de sa saisine, à peine de mise en liberté d'office de l'intéressé, à
moins que des vérifications ne soient nécessaires (article 148, dernier alinéa
code de procédure pénale).

Il faut noter ici que la chambre de l'instruction, quel que soit le mode de sa
saisine, a la possibilité de décider d'office une mise en liberté126(*). Elle doit
seulement entendre le ministère public. Elle peut aussi être saisie
spécialement à cette fin par son président investi du rôle personnel de veiller
à ce que la détention provisoire ne dépasse pas les cas où elle est nécessaire
ni les durées raisonnables (article 223 du code de procédure pénale). En tout
cas, la liberté doit survenir dans les délais qui sont imposés soit par le droit
interne, soit par la Convention européenne des droits de l'homme. Mais la
détention provisoire française a quelquefois été contestée au regard de la
Convention européenne précitée notamment, dans ses articles 5 § 3 selon
lequel « toute personne arrêtée ou détenue...a le droit d'être jugée dans un
délai raisonnable ou libérée pendant la procédure » qui met en cause la
durée globale de la détention provisoire et 5 § 4 selon lequel « toute personne
privée de sa liberté......a le droit d'introduire un recours.......afin qu'il soit statué
à bref délai....... », qui met en cause le délai du jugement des voies de
recours formées contre la mise en détention ou le refus de mise en liberté.

La France a été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne pour


violation de l'article 5 § 3127(*). Ces délais n'impliquent pas cependant que soit
nécessairement prise une décision sur le fond128(*).

La demande de mise en liberté peut également être effectuée par l'avocat de


la personne détenue ou par la personne elle-même.
B- La demande de mise en liberté par la personne détenue ou son
conseil

La demande de mise en liberté doit être adressée en règle générale au juge


d'instruction qui, dès réception, doit en aviser le procureur de la République
dans les plus brefs délais129(*). Le magistrat instructeur peut accueillir
favorablement la requête et décider de remettre en liberté la personne, au
besoin sous contrôle judiciaire. Dans le cas contraire, il doit remettre la
demande au juge des libertés et de la détention, accompagnée de son avis
motivé et ce, dans les cinq jours qui suivent la communication du dossier au
procureur (article 148 al. 2 du code de procédure pénale). Le juge des libertés
statue ensuite dans les trois jours de la transmission. Une telle possibilité
ouverte au mis en examen peut être source de contentieux qualitativement et
quantitativement très importante.

1°) En la forme, la personne étant, par hypothèse, détenue, la demande est


faite :

- soit par déclaration au greffe de la juridiction d'instruction saisie du dossier,


déclaration constatée et datée par le greffier et signée par le demandeur ou
son avocat (article 148-6, al. 1°-2° du code de procédure pénale). Ce qui
suppose que l'avocat accomplisse cette formalité ;

- soit par une déclaration, signée par le demandeur, auprès du chef de


l'établissement pénitentiaire, que celui-ci constate, date et signe et adresse
sans délai, en original ou en copie, au greffier de la juridiction saisie du
dossier (article 148-7 du code de procédure pénale).

Ces formalités sont considérées par la Cour de cassation comme essentielles


même si le greffier signe un acte constatant la réception de la lettre130(*).

Lors de sa demande, le mis en examen doit prendre l'engagement de se


présenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu'il en sera requis et de
tenir informé le magistrat de ses déplacements.

2°) Le délai pour statuer. Une fois les formalités ci-dessus accomplies, le juge
d'instruction communique immédiatement le dossier au procureur de la
République pour que celui-ci prenne ses réquisitions. L'ordonnance de soit-
communiqué utilisée à cette fin n'a aucun caractère juridictionnel et la loi ne
fixe pas de délai pour cette communication, ce qui parait regrettable dans une
telle matière. Mais la chambre criminelle considère que la loi a confié à la
conscience du juge d'instruction le soin d'ordonner la communication dans le
plus bref délai de la demande de mise en liberté131(*). Le juge d'instruction peut
y faire droit et remettre en liberté le requérant. Cette disposition est aussi
importante car, le juge doit transmettre dans les cinq jours de la
communication du dossier au ministère public, accompagné de son avis
motivé, au juge des libertés et de la détention qui doit statuer dans les trois
jours ouvrables132(*).

Faute par le juge des libertés de statuer dans le délai légal de trois jours, le
requérant peut saisir directement de sa demande la chambre de
l'instruction133(*), laquelle doit statuer dans les vingt jours de sa saisine, à peine
de mise en liberté d'office de l'intéressé.

En revanche, en cas de rejet de demande de mise en liberté, quant à


l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la demande, nous
retiendrons que :

- elle doit être motivée et en fait en droit (article 148, al. 3 du code de
procédure pénale). Seul le rejet de la demande doit être motivé, cette
formalité étant substantielle134(*) ;

- elle doit comporter une « surmotivation » lorsque la détention accomplie


dépasse la durée de huit mois en matière correctionnelle et d'un an en
matière criminelle135(*).

Cependant, la personne détenue peut faire appel de l'ordonnance du juge des


libertés et de la détention refusant sa mise en liberté dans un délai de dix
jours à compter de la notification de la décision. Mais en pratique, la plupart
des ordonnances de placement en détention et de prolongation sont
confirmées par la chambre de l'instruction. Au même titre que l'intéressé, le
procureur de la République peut faire appel de la décision du juge
d'instruction ou du juge des libertés et de la détention dans un délai de cinq
jours.

En dépit de ces procédures classiques, lorsque la personne détenue n'a pas


comparu depuis au moins quatre mois devant le juge d'instruction et que
l'instruction n'est pas terminée, elle peut adresser une demande de mise en
liberté directement à la chambre de l'instruction. Celle-ci doit statuer dans les
vingt jours de sa saisine (article 148-4 du code de procédure pénale).

Après cet aperçu général sur la demande de mise en liberté du mis en


examen, il convient d'examiner cette procédure à la clôture de l'instruction ou
le règlement.
Paragraphe II : Le règlement de l'instruction à la clôture

A la clôture de l'instruction, la mise en liberté peut être demandée en matière


criminelle (A) ainsi qu'en matière correctionnelle (B).

A- En matière criminelle

L'ordonnance de prise de corps mise à exécution selon l'ordonnance de


renvoi du juge d'instruction en matière criminelle demeure valable jusqu'au
jugement définitif des faits et cela même s'il y a renvoi à une session de la
Cour d'assises plus tardive que celle qui était prévisible136(*). Cependant,
l'accusé est remis en liberté s'il n'a pas comparu dans un délai d'un an même
si la chambre de l'instruction a la faculté de proroger ce délai de deux fois six
mois par une audience à laquelle, la comparution de l'accusé est de droit s'il
le demande. Par ailleurs, il n'y a plus de délai spécifique pour la comparution
devant la cour d'assises d'appel après condamnation par la cour d'assises de
première instance. Il faut savoir que dans la pratique, les juges ont très
largement recours aux dispositions exceptionnelles. La personne détenue
peut faire appel de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour
d'assises qui, par elle-même, prolonge la détention provisoire en cette
matière.

Dans le même ordre d'idée, l'accusé peut être libéré par le juge d'instruction
ou la chambre de l'instruction au moment de la clôture de l'instruction car,
depuis la réforme opérée par la loi du 15 juin 2000, l'accusé n'est plus tenu de
comparaître détenu à l'audience. En ce qui concerne les personnes
renvoyées pour délits connexes à des crimes le régime du maintien en
détention provisoire est le même qu'en matière correctionnelle sous réserve
d'un délai de prolongation plus long (six mois au lieu de deux, article 181, al. 6
du code de procédure pénale).

B- En matière correctionnelle

En principe, la détention provisoire cesse avec l'instruction dans cette matière.


Donc, l'ordonnance de règlement met fin à la détention (article 179, al. 2 du
code de procédure pénale), qu'elle soit de non-lieu ou de renvoi devant la
juridiction de jugement. Mais, dans ce dernier cas, le juge d'instruction peut
souhaiter maintenir le mis en examen, devenu prévenu, en détention jusqu'à
sa comparution devant le tribunal. Dans ce cas, il doit rendre une ordonnance
distincte et spécialement motivée par les « éléments de l'espèce
expressément énoncés dans l'ordonnance qui doivent justifier cette mesure
particulière par la nécessité d'empêcher une pression sur les témoins ou les
victimes, de prévenir le renouvellement de l'infraction, de protéger le prévenu
ou de garantir son maintien à la disposition de la justice » ou encore,
« lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances de sa
commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé, a provoqué un
trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public auquel le maintien en
détention provisoire demeure l'unique moyen de mettre fin »137(*).

Si l'ordonnance de clôture du juge d'instruction avait été frappée d'appel, le


même droit appartient à la chambre de l'instruction aux termes de l'article 213,
al. 2 du code de procédure pénale. La remise en liberté intervient d'office si le
tribunal correctionnel n'a pas statué dans les deux mois.

Au regard de tout ce que nous venons d'exposer, lorsqu'une affaire se


termine par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, la personne
poursuivie qui a fait l'objet d'une détention provisoire peut avoir à coeur
obtenir réparation de cette détention injustice (Chapitre II). L'indemnité est
due au titre de la réparation du préjudice moral et matériel subi.

CHAPITRE II

Réparation et indemnisation des victimes d'une


détention provisoire injustifiée

Il apparaît aujourd'hui normal qu'une personne puisse, à certaines conditions,


obtenir réparation pour le temps qu'elle a passé en détention provisoire dans
le cas où son dossier ne débouche pas sur une condamnation. Cette
détention a pu entraîner de lourdes conséquences sur la vie familiale du
détenu, lui faire perdre son emploi et le déconsidérer socialement, surtout si la
presse s'est fait l'écho de son dossier. L'exemple le plus remarquable est les
acquittés d'Outreau où, ces gens ont été considérés parfois par la société
comme des monstres. Une indemnisation juste doit compenser ces différents
préjudices même si, elle n'efface pas l'affront qu'ils ont eu. Toutes ces
personnes auront du mal à regagner la confiance de la société et d'avoir un
travail digne.

En effet, cette indemnisation est-elle soumise à des règles où tous les


détenus relaxés ou acquittés peuvent prétendre ? Si la réponse est
affirmative, quel est le régime juridique de cette indemnisation (Section I).
Si le régime juridique de l'indemnisation obéit à des conditions édictées par la
loi, les détenus lésés peuvent-ils exercer des recours pour faire valoir leurs
droits ? (Section II).

SECTION I : Le régime juridique de l'indemnisation

Les dispositions relatives à la réparation des détentions provisoires injustifiées


ont été sensiblement modifiées par la loi n°2000-516 du 15 juin 2000,
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes, et la loi n°2000-1354 du 30 décembre 2000 tendant à faciliter
l'indemnisation des condamnés reconnus innocents.

Sur le fond, alors que le système instauré par la loi n°70-643 du 17 juillet 1970
prévoyait la faculté pour le juge d'indemniser un « préjudice anormal et d'une
particulière gravité », condition qui devait être supprimée par la loi n°96-1235
du 30 décembre 1996, les dispositions nouvelles modifiant les articles 149 et
suivants du code de procédure pénale ont établi un régime de réparation
obligatoire du préjudice tant matériel que moral subi par une personne ayant
bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement devenus définitifs,
après avoir été détenue provisoirement.

Cependant, quelles sont les conditions d'indemnisation instaurées par la loi du


15 juin 2000 et les dispositions subséquentes ? Les dispositions nouvelles
relatives à la réparation des détentions injustifiées posent le principe de la
réparation intégrale du préjudice subi à raison d'une détention provisoire
injustifiée (Paragraphe I), et il conviendrait, pour l'avenir, d'une amélioration
du système de cette indemnisation (Paragraphe II).

Paragraphe I : La réparation intégrale du préjudice subi à raison

d'une détention provisoire injustifiée

La loi du 30 décembre 2000 modifie l'article 149 issu de la loi du 15 juin 2000
en prévoyant que « sans préjudice de l'application des dispositions des
deuxième et troisième alinéas de l'article L. 781-1 du code de l'Organisation
judicaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours
d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe
ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation
intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette
détention »138(*). Le recours aux dispositions des articles 149 et suivants
précités n'exclut pas la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats à
raison de leur faute personnelle dans le cadre d'une détention provisoire
injustifiée (tel est le cas actuellement du juge d'instruction Fabrice Burgaud
qui fait la Une des médias et mis en cause par l'opinion publique dans l'affaire
d'Outreau).

Par ailleurs, sans que ce point soit nouveau par rapport au droit antérieur, la
réparation d'une détention injustifiée peut également être sollicitée par la mise
en responsabilité de l'Etat du fonctionnement défectueux du service de la
justice en application de l'alinéa premier de l'article L. 781-1 du code de
l'organisation judiciaire. Ce qui implique que le recours à cette disposition
nécessite la démonstration d'une faute lourde ou d'un déni de justice. Mais les
articles 149 et suivants, il faut le noter, ne trouvent pas à s'appliquer dans
l'hypothèse où la personne a été condamnée à une peine de prison avec
sursis et qui aurait subi une détention provisoire dont la durée était excessive.

Cette indemnisation obéit-elle à des conditions notamment par rapport au


requérant ? Si des conditions doivent être remplies pour prétendre à la
réparation du préjudice subi (A), quelles sont les conséquences de cette
réparation (B).

A- Les conditions de fond de la réparation

Le demandeur doit avoir subi une mesure de détention provisoire qui s'est
soldée, à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement devenue définitive.

Outre cette mesure de détention, il peut également s'agir d'une mesure


d'incarcération provisoire. Ces deux mesures ayant pu au demeurant se
cumuler. De même, la détention peut également avoir été subie dans le cadre
d'une procédure d'information judiciaire ou d'une procédure de comparution
immédiate.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de distinguer selon que la mesure de détention
provisoire ait été ordonnée à titre principal ou qu'elle résulte de la révocation
d'un contrôle judiciaire. La commission nationale de réparation des
détentions139(*) a jugé en ce sens le 28 juin 2002 (n°02RDP012) en
considérant que l'article 149 du code de procédure pénale n'opère aucune
distinction entre la mesure de détention provisoire ordonnée en application de
l'article 144 du même code et celle prononcée sur le fondement de l'article
141-1 dudit code, à raison de la soustraction volontaire, par l'intéressé, des
obligations de son contrôle judiciaire.
En revanche, l'internement d'un détenu reconnu en état de démence au
temps de l'action et bénéficiant à ce titre d'un non-lieu ne peut être assimilé à
une détention provisoire140(*).

Cependant, dans l'hypothèse d'une condamnation partielle, une distinction


doit être faite entre la déclaration partielle de culpabilité fondée sur des faits
punis d'une peine d'emprisonnement autorisant la détention provisoire, cas
dans lequel la demande doit être déclarée irrecevable et la déclaration fondée
sur des faits punis d'emprisonnement mais n'autorisant pas la détention
provisoire, entraînant de ce fait, la recevabilité de la demande. Cette
distinction est notamment une décision rendue par la commission nationale
d'indemnisation de la détention provisoire141(*). De même, pour pouvoir
prétendre à l'indemnisation, la loi du 17 juillet 1970 avait posé comme
condition que le demandeur apporte la preuve que la détention provisoire lui
ait causé un « préjudice manifestement anormal et d'une particulière
gravité ». Ainsi, pour appréhender le caractère « manifestement anormal » du
préjudice, la commission vérifiait les conditions dans lesquelles la décision de
placement en détention provisoire avait été prise par le juge. Elle recherchait
si la mesure n'était pas due par un laxisme du juge ou encore à un
fonctionnement défectueux du service de la justice. On peut citer par exemple
de l'absence ou le remplacement tardif du magistrat ayant en charge
l'affaire142(*). En ce qui concerne la seconde condition, celle d'un préjudice
« d'une particulière gravité », celle-ci se déduisait d'elle-même à partir du
moment où le préjudice manifestement anormal était démontré.

Depuis le 31 Mars 1997, l'article 149 modifié par l'article 9 de la loi du 30


décembre 2000 ne soumet plus l'indemnisation à la preuve d'un préjudice
manifestement anormal et d'une particulière gravité. Les conditions sont
assouplies puisque désormais, l'indemnité est octroyée au requérant lorsque
cette détention lui a causé un préjudice.

En revanche, le corollaire du droit à la réparation intégrale du préjudice subi à


la suite d'une détention provisoire injustifiée prévoit trois cas d'exclusion de
toute réparation, prévus à l'article 149-1 du code de procédure pénale :

1°)- L'irresponsabilité du demandeur.

Est exclue en premier lieu la réparation du préjudice dans le cas où la


décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement aurait pour seul fondement
la reconnaissance de l'irresponsabilité du demandeur au sens de l'article 122-
1143(*) du code pénal. Ce qui impose de rechercher dans les motifs de la
décision si la preuve de culpabilité de la personne a été apportée et si ce n'est
qu'en raison de son seul état mental que la décision a été prononcée144(*).

2°)- L'amnistie.

Est exclue en deuxième lieu la réparation en cas d'amnistie lorsque la


décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement se fonde sur ce seul motif.
L'amnistie doit être par ailleurs postérieure à la mise en détention provisoire.
Toutefois, dans le cas où l'amnistie intervient postérieurement à la mise en
détention provisoire de l'intéressé et qu'elle s'applique à l'évidence à la
procédure en cours, si la remise en liberté de l'intéressé n'est pas décidée
dans un délai raisonnable, une réparation pourrait être envisagée pour la
partie de la détention postérieure à l'amnistie sur le fondement de l'article 781-
1 du code de l'organisation judiciaire145(*).

3°)- Le fait de s'être volontairement et librement accusé ou laissé accuser à


tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites

Il s'agit de conditions cumulatives. La personne doit avoir recherché à faire


échapper le véritable auteur des faits aux poursuites et de cette manière libre
et volontaire. Dans l'hypothèse où une personne se serait accusée à tort en
vue de faire échapper le véritable auteur des faits aux poursuites, mais, à la
suite des pressions ou de menaces sur sa personne l'ayant contraint à agir de
la sorte, il semble qu'elle puisse avoir droit à réparation. Il en est de même si
la personne a été accusée à tort, par exemple par faiblesse mentale, sans
avoir eu l'intention de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites146(*).

En somme les conditions d'indemnisation ci-dessus évoquées et les


éventuelles exclusions du droit à réparation. En tout état de cause, la
commission conserve toujours un pouvoir d'appréciation tant sur le principe
de la réparation que sur celui concernant le quantum du préjudice subi147(*).

Force est de constater avec regret que ce pouvoir d'appréciation a été exercé
de façon assez restrictive puisque la hausse des indemnités allouées par la
commission nationale d'indemnisation a, a priori, régressé par la suite.

En effet, la somme totale des indemnités allouées en 1998 a été de 3.734.000


Francs contre 4.094.000 en 1997, soit une baisse de plus de 8,79%148(*).

Mais toutes ces mesures prises par la commission d'indemnisation et à


l'égard des requérants ne vont pas sans conséquences sur le principe de la
réparation.
B- Les conséquences du principe de la réparation intégrale du préjudice

Il résulte des principes nouveaux qu'une détention provisoire injustifiée cause


un préjudice qui doit être intégralement réparé si le demandeur en fait la
demande et il appartient au juge selon le droit commun de la responsabilité
d'évaluer ce préjudice.

Sur ce point, la loi du 30 décembre 2000 a précisé que la réparation devait


être intégrale, le législateur ayant souhaité accorder aux personnes
concernées davantage que « des indemnités le plus souvent forfaitaires et
souvent très faibles »149(*).

Bien entendu, la commission nationale de réparation des détentions rappelle


ainsi de manière constante dans ses décisions qu' « une indemnité est
accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention
provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement devenue définitive » et que « cette indemnité est allouée en
vue de réparer intégralement le préjudice personnel, moral et matériel
directement lié à la privation de liberté »150(*). Mais il est vrai, la réparation du
préjudice subi ne peut être que matériel. Une réparation d'ordre moral ne peut
être qu'une fiction car, rien au bon sens, ne peut réparer une atteinte à
l'honneur, à la dignité d'une personne tant à l'égard de sa famille qu'à l'égard
de la communauté dans laquelle elle vit.

Par ailleurs, pour une éventuelle indemnisation du requérant, le


comportement de celui-ci ne doit pas être pris en considération dans la
détermination du préjudice. C'est ainsi que, dans une décision du 27 mai 2002
(n°01 RDP 017), la commission nationale de réparation des détentions a
considéré que les dénégations du requérant au cours de l'enquête
préliminaire et de l'instruction préparatoire étaient sans portée sur le principe
et le montant de la réparation. De même, elle a jugé le 28 juin 2002 (n°01
RDP 025) que les éventuels aveux du requérant ne sauraient être tenus
comme faute ayant contribué à la réalisation du dommage, précisant le 19
septembre 2002 (n°01 RDP 016) et le 11 octobre 2002 (n°02 RDP 015) que le
fait d'avoir reconnu les faits au cours de l'enquête préliminaire ne saurait être
une cause de diminution de la réparation à raison de la détention provisoire.

En somme un aperçu des conséquences immédiates de l'indemnisation en


raison d'une détention provisoire. A cet effet, comment peut-on évaluer le
préjudice subi ? Si le préjudice doit être évalué, quel est le/les critère
d'évaluation du préjudice matériel et moral ?
Il résulte donc des décisions de la commission nationale d'indemnisation que,
seuls les préjudices personnels directement liés à la privation de liberté sont
susceptibles d'être réparés151(*).

En ce sens, la réparation des préjudices personnels exclut la réparation des


préjudices subis par les proches du requérant d'une part.

La commission a ainsi jugé le 28 juin 2002 (n°02 RDP 012) que « seul le
préjudice moral découlant directement de la mesure de détention doit donner
lieu à réparation ; que tel n'est pas le cas du préjudice allégué, en ce qui
concerne l'épouse du requérant et son fils ». Statuant dans le même sens, le
8 novembre 2002 (n°02 RDP 034) s'agissant du préjudice moral de l'épouse
du requérant ou le 21 novembre 2002 (n°02 RDP 035) s'agissant du préjudice
résultant du traumatisme causé aux proches du demandeur.

D'autre part, seuls les préjudices causés par la privation de liberté peuvent
être réparés en application de l'article 149 du code de procédure pénale et
non ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des
mesures de sûreté autres que la détention ou du retentissement médiatique
de l'affaire152(*).

De ce qui précède, comment évaluer le préjudice matériel subi par le


demandeur ?

1°) - Le préjudice matériel

Il résulte des décisions rendues par la commission que les différentes


demandes doivent être justifiées et être en lien direct avec la privation de
liberté. Ainsi, dans les décisions précitées du 13 octobre 2000 et du 15
décembre 2000, la commission relève que le requérant ne verse aucune
pièce de nature à justifier le montant du préjudice matériel dont il demande
réparation rejetant la demande au titre du préjudice matériel. Dans le même
sens, la commission rendue des décisions infirmant celles des premiers
présidents ayant alloué des dommages et intérêts au titre de réparation du
dommage matériel alors qu'aucune pièce de nature à justifier le montant du
préjudice n'avait été versée153(*).

Elle a enfin rejeté le préjudice lié au dépôt de bilan de la société dirigée par le
requérant, jugeant qu'il s'est écoulé vingt mois entre l'incarcération et le dépôt
de bilan de ladite société, dans laquelle l'épouse du requérant a continué à
travailler pendant la durée de la détention154(*).
Nonobstant les chefs de préjudice précédemment évoqués, le préjudice
matériel peut consister en la perte d'un emploi suite à un licenciement
consécutif à une incarcération, résultant de la perte de salaire durant
l'incarcération, la perte de revenus après licenciement ou du préjudice
économique découlant de la difficulté pour retrouver un emploi155(*).

En tout état de cause, le demandeur doit démontrer le lien de causalité entre


sa détention et le préjudice qu'il a subi. Cette indemnisation au titre du
préjudice matériel a-t-elle le même critère que le préjudice moral ?

2°) - Le préjudice moral

Le demandeur doit démontrer le lien de causalité entre sa détention et le


préjudice subi.

Le préjudice moral peut être lié à l'apparition d'une maladie. Ainsi, dans une
décision de la commission en date du 15 décembre 2000, elle a jugé qu'au vu
du rapport d'expertise, que la maladie dont souffre la requérante est apparue
en 1998 au cours de la détention provisoire et qu'il n'existe pas de lien de
causalité entre l'incarcération et une prise en charge tardive (25 jours sans
soin).

D'une manière générale et dans plusieurs décisions du 21 novembre 2002


(n°02 RDP 027, 02 RDP 041, 02 RDP 036, 02 RDP 035), la commission a
jugé que l'article 149 du code de procédure pénale ne répare que le préjudice
moral et matériel causé par la détention et que n'entrent pas dans le champ
de ces dispositions spéciales les dommages résultant de la publication
d'articles de presse mettant en cause le demandeur même s'ils relatent son
arrestation, sa mise en examen, son incarcération et s'ils portent atteinte à la
présomption d'innocence dont il bénéficie.

Il faut noter dans le même sens que, l'impact psychologique consécutif à une
détention provisoire subie est pris en considération par la commission de
réparation des détentions. Ainsi, elle a relevé que le fait que le demandeur a
souffert d'un état d'anxiété directement lié à son incarcération, établi par
expertise psychologique et l'état dépressif dans lequel la longueur de la
détention a progressivement plongé le requérant, est constitutif d'un préjudice
moral156(*).

En ce qui concerne ce préjudice moral, la commission prend en compte bon


nombre de critères pour apprécier l'évaluation de la réparation. On peut citer
entre autre ; l'âge du requérant au moment de son incarcération, sa
personnalité et sa situation familiale157(*), le fait que l'intéressé a été séparé de
sa famille pendant onze mois, celle-ci ayant éprouvé des difficultés pour lui
rendre visite158(*), etc.

De tout ce qui précède, on ne peut que songer à une amélioration du système


d'indemnisation pour faciliter et accélérer la réparation des préjudices qui
ouvrent droit à réparation.

Paragraphe II : Pour une amélioration du système d'indemnisation

Le système d'indemnisation et de réparation de la détention provisoire


injustifiée devait être réformé à plusieurs niveaux :

A- Pour une indemnisation systématique

Nous avons vu que les termes de l'article 149 du code de procédure pénale
tels que votés en 1970 étaient manifestement trop restrictifs puisqu'ils
exigeaient pour toute indemnisation que le préjudice soit « manifestement
anormal et d'une particulière gravité ». Un tel système était inacceptable.

D'une part, il était choquant de demander à une détention provisoire de


justifier un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité.
Cette condition ne peut être qu'une pure absurdité car, le seul fait pour un
innocent d'être en prison constitue en lui-même un préjudice. Elle portait
atteinte à la présomption d'innocence et celle de la culpabilité.

Ce qui a d'ailleurs amené le législateur à bien comprendre à travers l'article 9


de la loi n°96-1235 du 30 décembre 1996 qui a supprimé l'exigence de la
démonstration d'un préjudice manifestement anormal et d'une particulière
gravité.

Toutefois, on peut même penser que l'exigence actuelle de la preuve d'un


préjudice causé par la détention provisoire demeure une condition limitée. Or,
le principe de réparation trouve son fondement dans le principe selon lequel,
même en l'absence de faute imputable à ses agents, la puissance publique
doit supporter les conséquences du risque social créé par le fonctionnement
du service de la justice. En ce qui concerne la procédure, l'article 71 de la loi
du 15 juin 2000 a transféré, à compter du 16 décembre 2000, les contentieux
en la matière aux premiers présidents des Cours d'appel, devant statuer sur la
demande de réparation par une décision motivée à l'issue d'une procédure
contradictoire et d'un débat public. De même, ces nouvelles dispositions ont
en outre donné lieu à la modification de l'article R.26 et suivants du code de
procédure pénale159(*), afin pour l'essentiel de transposer les premiers
présidents la procédure d'instruction des demandes auparavant applicables
devant la commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires.
L'article 72 de la loi du 15 juin 2000 a par ailleurs, institué une commission de
suivi de la détention provisoire. Elle est placée auprès du ministre de la justice
et composée de deux représentants du parlement, d'un magistrat de la Cour
de cassation, d'un membre du conseil d'Etat, d'un professeur de droit, d'un
avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.

Toute la réforme a pour objet de faciliter la procédure afin de mieux élucider


ceux ou celles qui ont souffert d'une détention injustifiée.

D'autre part, l'article 5-5 de la convention européenne des Droits de l'homme


prévoit que toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans
des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.
Ainsi, la convention ne semble pas exiger la preuve d'un préjudice : celui-ci
étant démontré ipso facto par la mesure de la détention elle-même intervenue
à tort.

C'est pourquoi, nous pensons qu'une indemnisation systématique devrait être


instituée afin de ne pas pousser à l'extrême la douleur et l'affront des victimes.
C'est le cas par exemple de l'Allemagne dont l'indemnisation est automatique
à la suite d'une détention provisoire d'une personne innocentée
judiciairement.

A défaut de ce système, doit être modifiée l'organisation de la commission


affectée à cet effet.

B - Pour une modification de l'organisation de la commission

nationale

L'organisation de la commission posait problème au regard des règles posées


par la convention européenne des droits de l'homme.

En premier lieu, la commission statue en chambre du conseil. Or, l'article 6 §


1 de la convention européenne précise le principe selon lequel la décision
adoptée par un tribunal doit être rendue publiquement. La finalité de ce
principe général de publicité a été posée par la Cour européenne des droits
de l'homme dans son arrêt Pretto du 8 décembre 1983160(*). Ces dispositions
ont été reprises par l'article 71 de la loi du 15 juin 2000 qui a confié le
contentieux en la matière aux premiers présidents des Cours d'appel dont la
décision est prise à l'issue d'un débat contradictoire et public. On ne cesserait
de le dire, l'innocence d'une personne victime à tort d'une détention provisoire
doit être proclamée avec force, d'autant plus que si cette personne a fait
l'objet d'une publicité médiatique.

A cette obligation de publicité imposée par la loi, nous serions favorables à ce


que le législateur impose la publication aux frais de l'Etat dans les journaux la
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Cela facilitera la
réintégration et leur réinsertion de la personne innocentée dans son statut
social.

En deuxième lieu, les décisions rendues par la commission ne sont pas


motivées.

En effet, l'obligation formelle faite aux juges de motiver leurs jugements a été
instituée par la loi des 16-24 Août 1790. C'est un principe primordial qui
s'applique en principe à toutes les décisions rendues par toutes les
juridictions, quelles qu'elles soient161(*). Ainsi, l'article 71 de la loi du 15 juin
2000 précitée exige une décision motivée. Quant à l'article 72 de même loi, la
commission de suivi des détentions provisoires est chargée de réunir les
données juridiques, statistiques et pénitentiaires concernant la détention
provisoire. La commission fait ensuite communiquer tout document utile à sa
mission et peut procéder à des visites ou à des auditions. En somme, le
contentieux de l'indemnisation est confié aux premiers présidents des Cours
d'appel et un recours peut être exercé devant la commission nationale des
détentions.

SECTION II : Un contentieux confié aux présidents des Cours

d'appel et le recours devant la commission

nationale de réparation des détentions

L'article 149-1 du code de procédure pénale prévoit que la réparation prévue


à l'article 149 du même code est allouée par décision du premier président de
la Cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de
non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Dans le même sens, l'article 149-3 du
code de procédure pénale prévoit que la décision du premier président de la
Cour d'appel peut faire l'objet d'un recours devant la commission nationale de
réparation des détentions. De cet aperçu, comment peut-on saisir le premier
président ? Comment se déroule la procédure en question et quel rôle joue la
commission nationale de réparation des détentions ? Pour répondre à ces
interrogations, il appert nécessaire d'exposer le contentieux confié au premier
président (Paragraphe I) et ensuite, il conviendrait d'analyser le recours
devant la commission susvisée (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le contentieux confié au premier président de la


Cour d'appel

Le premier président examine la demande sur sa saisine (A) et la procédure


se déroule devant lui en tant que juridiction civile (B).

A- La saisine du premier président de la Cour d'appel

Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure pénale, le premier


président est saisi par voie de requête dans le délai de six mois de la décision
de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

La requête doit être signée du demandeur ou du mandataire choisi ou


désigné et doit être remise contre récépissé par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception au greffe de la Cour d'appel.

En application de l'article R. 26 du code de procédure pénale, la requête doit


contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes les
indications utiles, notamment en ce qui concerne la date et la nature de la
décision qui a ordonné la décision provisoire ainsi que l'établissement
pénitentiaire où cette détention a été subie. La juridiction qui a prononcé la
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ainsi que la date de cette
décision et enfin l'adresse où doivent être faites les notifications au
demandeur doivent êtres précisées. De même, la requête doit être
accompagnée de toutes pièces justificatives, notamment de la copie de la
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Afin de permettre au
requérant d'exercer effectivement son droit à réparation dans le délai de six
mois, l'article 149 du code de procédure pénale prévoit qu'il est avisé de son
droit de demander une réparation, ainsi que des dispositions de l'article 149-1
à 149-3 dudit code, lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement est notifiée à la personne. Si cet avis n'est pas effectué lors de
la notification de la décision, l'article R. 26 du code de procédure pénale
prévoit que le délai de six mois prévu ne commencera pas à courir, ce qui en
pratique permettra au requérant de demander une réparation au-delà du délai
de six mois de la notification de la décision162(*). La commission a jugé que,
s'agissant d'un jugement ayant été rendu antérieurement à l'entrée en vigueur
du dernier alinéa de l'article 149, la circonstance que sa notification n'ait pas
été assortie des informations imposées par ce texte n'a pu différer le point de
départ du délai de recours en réparation163(*).

De même, la commission a jugé que les dispositions qui prévoient que


l'intéressé est avisé de son droit à demander réparation à l'occasion de la
notification de la décision de relaxe ne s'appliquent pas à une décision rendue
antérieurement à leur entrée en vigueur, le requérant ne pouvant donc se
prévaloir d'un défaut d'information de son droit à indemnisation164(*).

Dès lors, la sanction du non-respect du délai de six mois par le requérant


dans le cas où l'avis aurait été régulièrement effectué lors de la notification de
la décision est, sans que ce point soit nouveau par rapport au droit antérieur,
l'irrecevabilité de la décision165(*).

Après la saisine du premier président de la Cour d'appel, il examine la


demande qui lui a été confiée par une procédure soit de mise en état, de la
fixation de la date d'audience ou soit de l'instruction de la procédure.

B- La procédure devant le premier président

Le premier président statue en tant que juridiction civile selon l'article 149-4
du code de procédure pénale. Dès lors, en l'absence de dispositions
spécifiques prévues par les articles R. 26 et suivants du code de procédure
pénale, devront trouver application les dispositions du nouveau code de
procédure civile. Ainsi, la commission d'indemnisation a jugé dans des
décisions qu'aucun texte n'interdisait à la commission d'allouer une somme
sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile166(*) ;
elle a également confirmé que les dispositions du même article s'appliquent à
la procédure tendant à la réparation à raison d'une détention provisoire
injustifiée167(*).

La procédure est fixée par les articles R. 26 et suivants du code de procédure


pénale. Il convient de souligner que les dispositions réglementaires relatives à
ces délais de procédure ne prévoient aucune sanction en cas d'inobservation,
ce qui nous parait regrettable.

Par ailleurs, avant toute décision au fond, l'article R. 39 donne la possibilité au


premier président, à tout moment de la procédure, d'accorder en référé une
provision au demandeur, cette décision n'étant susceptible d'aucun recours.
La procédure peut ainsi commencer par une mise en état avant l'instruction.
1°) La mise en état de la procédure

Dès la réception de la requête, l'article R. 28 du code de procédure pénale


prévoit que le greffe de la cour d'appel se fait communiquer le dossier de la
procédure auprès du greffe de la juridiction qui a rendu la décision.

Dans un délai de quinze jours de la réception du dossier, le greffe de la cour


d'appel transmet une copie de la requête au procureur général près la cour
d'appel et, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à
l'agent judiciaire du Trésor. A ce stade de la procédure, l'article R. 29 prévoit
en substance que le demandeur peut se faire délivrer sans frais copie des
pièces de la procédure pénale. Seul son avocat peut prendre communication
du dossier au greffe de la cour d'appel, ce qui est le cas pour l'agent judiciaire
du Trésor en application de l'article R.30 du même code. Dès lors, le premier
président peut soit fixer directement la date d'audience soit de procéder à une
instruction.

Cette audience est décidée par le premier président, après en avoir avisé le
demandeur, l'agent judiciaire du Trésor et le procureur général, lorsqu'il
apparaît manifestement que le demandeur ne remplit pas la condition d'avoir
fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son
égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ou lorsque le
demandeur a formé sa requête après l'expiration du délai de six mois. Hormis
cette hypothèse, le premier président peut procéder à une instruction.

2°) L'instruction de la procédure et décision du premier président

Afin d'assurer le principe du contradictoire, les dispositions réglementaires


prévoient un premier échange de conclusions.

Lorsqu'il a été avisé par le greffe de la cour d'appel, l'agent judiciaire du


Trésor dispose de deux mois pour déposer ses conclusions qui seront dans
un délai de quinze jours notifiées au demandeur par lettre recommandée avec
d'avis de réception. Le dossier est transmis au procureur général qui dispose
d'un délai de deux mois pour déposer ses conclusions notifiées aux parties et
le demandeur peut faire des observations dans un délai d'un mois.

Après échange de conclusions, le président peut prendre sa décision qui doit


être motivée et rendue en audience publique. L'article R. 38 du code de
procédure pénale indique qu'elle est notifiée au demandeur et à l'agent du
Trésor soit par remise d'une copie contre récépissé, soit par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception.
L'article R. 40 du code précité prévoit que les décisions du premier président
accordant une réparation sont assorties de plein droit de l'exécution
provisoire. Les décisions du premier président peuvent faire l'objet d'un
recours devant la commission nationale de réparations des détentions.

Paragraphe II : Le recours devant la commission nationale de

réparation des détentions

Aux termes de l'article 149-3 du code de procédure pénale, les décisions du


premier président de la Cour d'appel peuvent faire l'objet d'un recours devant
la commission nationale de réparation des détentions. Quelles peuvent être
les conditions de ce recours ? Si ce recours obéit à des conditions, comment
se déroule-t-il ? La procédure doit ainsi faire l'objet d'une mise en état du
dossier qui aboutit à la décision de la commission.

En tout état de cause, les conditions devant être remplies (A) doivent être
examinées dans une procédure devant ladite commission (B).

A- Les conditions du recours

En application de l'article 149-3 du code de procédure pénale, les décisions


prises par le premier président de la cour d'appel peuvent, dans les dix jours
de leur notification, faire l'objet d'un recours devant la commission nationale
de réparation des détentions. La commission a jugé dans une décision que la
date de notification s'entend, lorsque celle-ci est faite par voie postale, de la
date de réception de la lettre168(*). Le recours peut être exercé par le
demandeur, l'agent judiciaire du Trésor ou le procureur général de la Cour
d'appel (article R. 40-4 du code de procédure pénale). La déclaration de
recours est remise au greffe de la Cour d'appel en quatre exemplaires et la
remise est constatée par le greffe qui en mentionne la date.

La commission a, dans des décisions déclaré irrecevable la déclaration de


recours du demandeur faite par lettre recommandée avec avis de réception et
adressée directement à la commission et non déposée contre récépissé au
greffe de la cour d'appel169(*). Cette formalité une fois remplie, la procédure se
poursuit devant la commission.

En effet, les formalités édictées par l'article 149 et R.40-4 du code de


procédure pénale en vue du recours devant la commission nationale de
réparation des détention ne constituent pas une entrave au droit d'accès à un
tribunal, même pour une personne détenue qui a d'une part, la faculté de
s'adresser au greffe de l'établissement pénitentiaire pour s'informer et y
formaliser son recours, d'autre part la faculté de solliciter l'assistance d'un
avocat au titre de l'aide juridictionnelle. Il s'ensuit qu'est irrecevable le recours
formé par une personne détenue par lettre simple adressée au greffe de la
Cour d'appel, alors que selon les textes précités le recours doit être formé par
déclaration remise par le requérant ou son représentant au greffe de la Cour
d'appel ou, si le requérant est détenu, au greffe de l'établissement
pénitentiaire170(*).

B- La procédure devant la commission

La commission peut procéder soit par la mise en état de la procédure avant


de rendre sa décision.

1°) La mise en état

En application de l'article R. 40-6 du code de procédure pénale, le dossier de


la procédure réparation, assorti de la déclaration de recours et du dossier de
la procédure pénale, est transmis sans délai par le greffe de la Cour d'appel
au secrétariat de la commission nationale. Le président de la commission
peut fixer directement une date d'audience dans certains cas :

- lorsqu'il apparaît manifestement que l'auteur du recours a formé celui-ci


après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 149-3 précité ;

- lorsque le recours a été formé contre la décision du premier président de la


Cour d'appel accordant en référé une provision au demandeur.

Hormis ces cas, la procédure doit être instruite par l'échange des conclusions
entre les parties comme celle qui se passe devant le premier président de la
cour d'appel. Après instruction, la commission rend sa décision.

2°) La décision de la commission

La commission nationale statue souverainement et ses décisions ne sont


susceptibles d'aucun recours, de quelque nature que ce soit. La décision
rendue doit être motivée.

Si la commission accorde une provision ou une réparation d'un montant


supérieur à celui fixé par la décision du premier président de la cour d'appel,
l'article R. 40-20 du code de procédure pénale prévoit que le paiement au
demandeur est, par dérogation aux dispositions de l'article R. 233 dudit code,
effectué par le comptable direct du Trésor de Paris.

Il en résulte de l'article R. 40-20 précité que la commission peut, de manière


analogue au premier président, accorder une provision en référé.

En revanche, si la requête est rejetée, sauf dans le cas où le recours aurait


été formé par le procureur général près la cour d'appel, l'auteur du recours est
condamné aux dépens, à moins que la commission ne l'en décharge en partie
ou en totalité.

En définitive, une fois la décision rendue, le dossier de la procédure pénale


est renvoyé, avec une copie de la décision, au premier président de la Cour
d'appel pour transmission à la juridiction qui a rendu la décision de non-lieu,
de relaxe ou d'acquittement.

CONCLUSION
Pourquoi incarcérer un individu sur simple soupçon ? La détention provisoire,
considérée comme une mesure exceptionnelle et un substitut du contrôle
judiciaire est-elle un préjument ? La détention provisoire est-elle conciliable
avec la présomption d'innocence ? Le pouvoir de placement, de prolongation
de la détention provisoire et de mise en liberté dévolu au juge des libertés et
de la détention sur saisine du juge d'instruction est-il une simple fiction ?

Voilà autant d'interrogations sur l'institution de la détention provisoire que se


posent les praticiens du droit et la société pour l'harmoniser et l'adapter à la
réalité sociale.

Tout au long de l'étude que nous avons consacrée à cette institution, nous
avons tenté de répondre à certaines de ces problématiques.

Sans doute, il ressort que la réglementation de la mesure se heurte à deux


principes fondamentaux consacrés par la constitution de 1958 et certains
textes internationaux : il s'agit de concilier le maintien de l'ordre public et la
protection des libertés individuelles. Mais, comme dans tout Etat
démocratique, le principe de la légalité, véritable arme contre l'arbitraire, a
connu une lente évolution.
En effet, depuis le code d'instruction criminelle (1810) jusqu'à la loi du 17
juillet 1970, le principe a fortement progressé. C'est à partir de 1970 que la
liberté n'est plus provisoire mais la détention. Ainsi, les droits des détenus ont
été étendus et le pouvoir de mise en détention limité. Le détenu peut à tout
moment de la procédure demander sa mise en liberté.

Pour renforcer le principe de la liberté individuelle, la loi du 9 juillet 1984 a


instauré le débat contradictoire, contraignant le juge d'instruction avant tout
placement ou prolongation de la détention, de procéder à un débat
contradictoire. L'inculpé est ainsi assisté de son avocat. L'ordonnance de
placement et de prolongation que prend le juge d'instruction doit être motivée.
Dans le même d'esprit, la loi du 15 juin 2000 est venue renforcer le principe
de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Cette loi a, dans son
essence, repris l'idée de création d'un juge tiers différent du juge d'instruction
pour les nécessités de la détention provisoire qui avait été instituée en 1993
( juge délégué). C'est pourquoi, le juge des libertés et de la détention a vu le
jour. Ce dernier doit avoir rang de président, de premier vice-président ou de
vice-président pour répondre aux besoins de placement, de prolongation et
des mises en liberté.

Malgré toutes ces réformes, la situation est encore inquiétante et déplorable.


Nos maisons d'arrêts sont encore gorgées de personnes en attente de leur
jugement qui tarde à venir. Pour désengorger ces maisons d'arrêt, la
détention considérée comme une mesure exceptionnelle, doit correspondre à
une réelle nécessité et non une simple utilité. Or, on constate dans la pratique
le recours fréquent à la détention dont on peut contester. Ce qui est utilisé par
les juges comme principe de précaution pour protéger les investigations,
parer à une éventuelle fuite ou à un risque de réitération tout en tenant
compte du trouble causé à l'ordre public. Aussi, dans la plupart des cas, le
juge des libertés et de la détention ne dispose pas d'éléments suffisants sur la
personnalité du mis en examen, l'obligeant à suivre l'ordonnance motivée que
lui adresse le juge d'instruction. Ce qui nous parait regrettable.

Pourquoi n'est pas confié au juge des libertés et de la détention le dossier du


mis en examen depuis le début de l'instruction préparatoire ? Dans le même
sens, pourquoi n'est-il pas privilégié le contrôle judiciaire par rapport à la
détention provisoire si des raisons plausibles ne laissent pas présumer que
l'intéressé a commis ou tenter de commettre l'acte incriminé ?

Dans le but de redonner au contrôle judiciaire sa véritable place dans cette


institution, il serait nécessaire de modifier l'article 145 du code de procédure
pénale afin de permettre au juge des libertés et de la détention d'ordonner
d'office un débat différé pour procéder à des vérifications personnelles
indépendamment de celles faites par le juge d'instruction sur la situation
personnelle du mis en examen.

Au regard de tout ce qui précède, la personne qui a subi à tort la mesure de


détention provisoire et qui s'est soldée à son profit par un non-lieu, une relaxe
ou un acquittement, peut demander dans les six mois qui suivent, réparation
intégrale du préjudice matériel et moral dont a été victime. En la matière, les
nouvelles dispositions depuis 2000 sont salutaires puisque le contentieux des
réparations a été confié aux premiers présidents des Cours d'appel. Un
recours peut être formé contre la décision du premier président devant la
commission nationale des réparations des détentions, siégeant comme
juridiction civile.

Si les personnes détenues se plaignent des conditions de la détention dans


nos structures carcérales, les autorités compétentes doivent se pencher sur la
question. Ainsi, doit être une priorité, la rééducation, la réinsertion sociale et
professionnelle ainsi que le problème de l'encellulement individuel de la
personne détenue. Des conditions de détention insoutenables dans les
prisons peuvent aboutir ou provoquer la dangerosité de certains sujets. Une
fois des solutions adéquates seront apportées à ces différentes interrogations,
l'institution de la détention provisoire pourrait répondre aux conditions exigées
par la loi, la convention européenne des droits de l'homme ainsi que le
respect de la liberté individuelle.

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