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de Besançon
Mactoux Marie-Madeleine. Pénélope. Légende et mythe. Besançon : Université de Franche-Comté, 1975. pp. 1-285. (Annales
littéraires de l'Université de Besançon, 175);
doi : 10.3406/ista.1975.1784
http://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1975_mon_175_1
Ρ Ε Ν Ε L OPE
LÉGENDE et MYTHE
1975
Je tiens à exprimer toute ma gratitude à M. le
Doyen Lévêque sans qui ce travail n'aurait pu
voir le jour. Il doit beaucoup à sa profonde
connaissance de la religion grecque, à ses remarques
toujours enrichissantes, et à son activité
stimulante. Je remercie également M. le Doyen Lerat
qui m'a utilement conseillée, avec beaucoup de
bienveillance, dans un domaine où j'étais novice.
Je suis particulièrement reconnaissante à
M.E. Bernand et à Me Ile F. Dunand, Professeurs
à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
de Besançon, dont les judicieuses observations
ont permis l'amélioration de mon manuscrit.
Le Signe - Cergy Village - Val d'Oise - Dépôt légal : 4è trimestre 1975.
INTRODUCTION
Depuis longtemps notre curiosité avait été éveillée par deux passages de
Pausanias (1) qui, à propos de Sparte, raconte le mariage de Pénélope et
d'Ulysse en des termes inconnus de YOdyssée, et selon un schéma qui évoque
un modèle mythique largement répandu dans la mythologie grecque. Ces
textes paraissant isolés, nous avons éprouvé le besoin de les confronter avec
le développement littéraire et artistique de la légende dans l'antiquité gréco-
romaine.
Très vite un double paradoxe est apparu. D'une part, la légende n'a fait
l'objet d'aucune étude systématique (2). D'autre part, quand on l'envisage,
c'est dans des ouvrages sur YOdyssée ou l'Ulysse homérique (3) comme si
Homère avait épuisé la substance d'une légende qui paraît très simple si on la
schématise. Non seulement une relecture d'Homère s'imposait, mais encore
une étude aussi précise que possible de la Pénélope post-homérique dans les
textes littéraires et les documents figurés.
Ces derniers sont peu nombreux comparés à ceux que les aventures
d'Ulysse ont fait naître. Mais si l'histoire de Pénélope n'a pas été à toutes les
époques un thème de prédilection, les artistes grecs et romains s'en sont
suffisamment inspirés pour que leurs œuvres soient significatives. Dans cette
perpective la rareté des représentations à certaines époques prend valeur de
signe. Ce travail paraissait d'autant plus nécessaire que l'intérêt pour Pénélope
dans l'art n'a pas été plus grand que celui pour Pénélope dans la littérature
post -homérique. Les recueils systématiques des illustrations de YOdyssée
étaient fort anciens, et les publications d' œuvres choisies attribuent toujours à
Ulysse la meilleure place (4).
Rien, ou presque rien, n'a permis d'éclairer directement le texte de
Pausanias. Cependant grande a été notre surprise de nous apercevoir que,
probablement sous l'influence d'une littérature postérieure, on avait fini par
donner à l'héroïne, chez Homère, un visage qui n'était pas le sien. Sans les élégia-
ques latins le personnage de YOdyssée ne serait pas devenu cette femme fidèle
à la conduite proverbiale.
Restaient ces écrits tardifs (5) dont les auteurs se sont montrés
accueillants à l'égard de croyances et de rites dont l'ancienneté ne peut être mise en
doute. Le fait qu'ils n'ont pas eu d'écho dans la littérature et l'art nous a paru
être la preuve qu'ils devaient être considérés comme des vestiges d'une époque
où Pénélope n'était pas encore la reine d'Ithaque. L'ambiguïté de la légende
chez Homère rendait plausible cette hypothèse que nous examinerons dans
une deuxième partie.
Notes de l'introduction
(1) Description de la Grèce, III -1, 2, 4 et 20, 10-11 : «Quand vous quittez l'agora
par la route appelée aphetaïda, vous allez vers le Booneta. Mais je dois expliquer
pourquoi cette route porte ce nom. Icare, dit-on, proposa une course à pied aux
prétendants de Pénélope ; qu'Ulysse gagna est évident mais on raconte que les
concurrents coururent le long de la route appelée aphetaïda. A mon avis, Icare, en
organisant cette course, a imité Danaos ... De l'autre côté du bureau de ceux qui
achètent les bœufs est le sanctuaire d'Athéna. Ulysse, dit-on, a dressé la statue et
l'a nommée Keleutheia quand il eut battu les prétendants de Pénélope à la course.
D'Athéna Keleutheia il a érigé des sanctuaires au nombre de trois, à quelque
distance l'un de l'autre». «La Statue d'Aidôs se voit à environ trente stades de la
ville, dédiée, dit-on, par Icare pour les raisons suivantes. Lorsqu'Icare donna
Pénélope en mariage a Ulysse, il essaya de le décider à s'établir a Lacédémone,
mais n'ayant pas réussi il eut recours à sa fille elle-même la suppliant de rester
avec lui. Quand elle partit pour Ithaque il poursuivit son char en continuant de la
solliciter. Ulysse, qui avait patienté jusque là, finit par lui dire de l'accompagner
de bon cœur ou, si elle préférait son père, de retourner avec lui à Lacédémone. On
dit qu'elle ne répondit rien mais qu'elle se couvrit le visage. Icare, comprenant
qu'elle voulait suivre Ulysse, la laissa partir et érigea une statue à Aidas à l'endroit
de la route où Pénélope s'était voilée».
(2) Nous n'avons trouvé mention que d'un seul ouvrage, travail universitaire que nous
n'avons pu consulter : M. Th. Suttor, La légende de Pénélope, thèse de licence de
l'Université de Liège, 1942-1943.
(3) Ainsi W. Stanford, The Ulysses thème, Oxford, 1963, chap. IV, Personal relation-
ships, passim.
(4) Le dernier en date et le plus complet était celui de F. Muller, Die antiken Odyssée
- Illustrationen in ihrer kunsthistorischen Entwicklung, Berlin, 1913, jusqu'à la
parution récente d'une thèse d'O. Touchefeu-Meynier, Thèmes odysséens dans
l'art antique, Paris, 1968. Cet ouvrage a permis une ultime confrontation avec le
résultat de nos recherches mais, classant les œuvres par thèmes centrés sur Ulysse,
il s'attache peu à la légende de Pénélope dans son développement historique.
(5) Les plus importants sont les textes déjà cités de Pausanias dans sa Description de
la Grèce, mine inépuisable de documents pour les historiens des religions, et ceux
du pseudo-Apollodore dans sa Bibliothèque, (III, 10, 6, 9) qui se présente comme
un riche recueil de mythes.
LA LEGENDE
CHAPITRE PREMIER
feste plutôt un sentiment de délivrance en constatant que ses oies sont bien
en vie (66).
C'est dans cette perspective qu'il faut se placer pour comprendre ces
apparitions répétées devant les prétendants, aussi bien que cette décision
d'instaurer l'épreuve de l'arc (67). Pénélope a réellement eu l'intention de se
remarier. Si dans V Odyssée que nous lisons, son désir a été quelque peu
oblitéré, il est encore suffisamment net pour qu'on en tienne compte. Cette
épreuve organisée par Pénélope est un exemple bien connu des concours par
lesquels on gagne à la fois la main de la princesse et la royauté (68). Or, si on
trouve dans VOdyssée des traces de l'autre système successoral qui fait du fils
l'héritier du père (69), ailleurs cette succession est présentée comme le
résultat d'un mariage avec la veuve du prédécesseur et, comme de nombreuses
légendes le rapportent, après avoir fait preuve de sa valeur physique (70). La
participation de Télémaque qui, le premier, s'élance pour bander l'arc, prouve
que le concours doit être envisagé sérieusement. En réussissant Télémaque
deviendrait qualifié pour prétendre, en gardant sa mère à ses côtés, succéder à
son père.
Lorsque D. Page explique cette scène en invoquant un récit dans lequel
Ulysse et Pénélope sont de connivence (7 1 ), il reste marqué par cette idée que
Pénélope devait être dès l'origine une femme fidèle. Au contraire il semble
que non seulement sa conduite, mais tous les jugements portés sur sa conduite
vont en sens inverse, et, en particulier, la dureté avec laquelle elle est traitée
dans la dernière partie du poème par Télémaque, Ulysse et Euryclée. Lors de
la reconnaissance des deux époux, les paroles de Télémaque à son égard sont
très dures. «Ton cœur est trop cruel, mère ! Ο méchante mère !»... «fut-il
jamais un cœur de femme aussi fermé?» (72) et cette dureté est partagé par
Ulysse. «Laisse donc, Télémaque ... Je suis sale, tu vois, couvert de haillons ;
son mépris la retient de voir Ulysse en moi !» (73). Ces paroles sont proférées
par un mari qui, depuis son retour à Ithaque, n'a manifesté à sa femme
aucun signe de tendresse (74). Il a révélé son identité a son fils (75), à sa
vieille nourrice (76), à son porcher et a son bouvier (77) et a attendu le
dernier moment, après le massacre des prétendants, pour laisser Euryclée
l'annoncer à sa maîtresse.
Les propos du père et du fils font écho à ceux tenus par Euryclée
quelques minutes auparavant. La nourrice s'était emportée contre la méfiance
de Pénélope qui ne croyait pas à la présence au logis de l'époux qui venait
d'exterminer les prétendants, et elle l'a qualifiée de «cœur toujours
incrédule» (78). Sans doute peut-on facilement expliquer cette ultime répugnance
à, accepter qu'Ulysse soit réellement revenu par le fait qu'un cœur longtemps
transi doit être long à s'enflammer (79) ; mais il est curieux de constater que
le terme appliqué par Euryclée à Pénélope est exactement le contraire de
pistos, fidèle : cœur «apistos» dit la nourrice. Si un cœur incrédule n'est pas
nécessairement le contraire d'un cœur fidèle, on remarquera que Pénélope
n'est jamais qualifiée par le poète de pistos. Le terme et la notion sont
pourtant parfaitement connus à cette époque.
L'Iliade utilise à plusieurs reprises (80) cet adjectif pour qualifier l'ami,
le compagnon. Bien que généralement rien dans le contexte ne permette de
préciser la nature de cette fidélité, elle est bien évidemment une vertu qui
appartient au monde des guerriers, celle que Patrocle apprécie chez Automédon,
«l'homme le plus sûr (pistos) lorsqu'il s'agit .d'attendre son appel dans le
combat» (81). L'exemple le plus fameux de cette fidélité est celui d'Achille
LA LEGENDE 13
et Patrocle, et, pour caractériser leur amitié, Homère utilise bien l'adjectif
pistos. Achille verse des larmes brûlantes sur le corps de son fidèle (pistos)
compagnon (82) et, lorsque Thétis va, pleurante, supplier Héphaistos de
forger de nouvelles armes pour son fils, elle met au courant le dieu de la raison
de leur perte. Le bouclier, le casque, les bonnes jambières, la cuirasse avaient
été prêtés par Achille à Patrocle et «tout cela, son loyal (pistos) ami le lui a
perdu quand il a été abattu par les Troyens» (83). Pour venger un ami fidèle
nul guerrier achéen ou troyen n'hésite à revêtir les armes. C'est ce que fera
Achille, et c'est sur ce sentiment que s'appuie Apollon lorsqu'il veut stimuler
l'ardeur d'Hector. Ménélas, lui dit-il, vient de tuer ton fidèle compagnon,
Podès(84).
Dans VOdyssée, au contraire, l'adjectif pistos n'est jamais, sauf une
exception, attribué aux personnes. Seul Télémaque l'emploie à l'égard de
Piraeos, son fidèle compagnon (85), dans un passage jugé interpolé depuis
l'Antiquité (86), et dans lequel Télémaque, de retour à Ithaque avec le devin
Théoclymène qu'il a ramené sur son bateau, veut confier ce dernier au fidèle
Piraeos. Au contraire apistos est employé trois fois : une fois par Euryclée à
l'égard de sa maîtresse et deux fois par Ulysse mendiant dans la cabane
d'Eumée (87). Comme Euryclée à Pénélope, Ulysse reproche au berger sa
méfiance, lorsqu'il annonce le prochain retour du maître parti à Dodone pour
consulter l'oracle sur le moyen à employer pour réussir (88).
S'il est un monde de la fidélité, c'est celui de Ylliade et non celui de
VOdyssée. VOdyssée est un poème de la ruse (89) qui est le contraire de la
confiance accordée aux événements et aux autres. Pénélope appartient
primitivement à ce monde. Et si le poète de Y Odyssée a transformé les données
primitives, ce n'est que faiblement ; même dans VOdyssée que nous lisons,
Pénélope n'est en rien le type de la femme fidèle. Le portrait que fait d'elle
Agamemnon dans la seconde Nekyia et qui est celui auquel se réfèrent
inconsciemment les érudits modernes n'est pas celui que VOdyssée trace d'elle. Il
paraît nécessaire de le redonner en entier. «Heureux fils de Laërte, Ulysse
aux mille ruses ! c'est ta grande valeur qui te rendit ta femme, mais quelle
honnêteté parfaite dans l'esprit de la fille d'Icare, en cette Pénélope qui jamais
n'oublia l'époux de sa jeunesse ! Son renom de vertu ne périra jamais, et les
dieux immortels dicteront à la terre de beaux chants pour vanter la sage
Pénélope ... Ο forfaits que trama la fille de Tyndare pour livrer à la mort
l'époux de sa jeunesse ; quels poèmes d'horreur les hommes en feront ! et le
triste renom qu'en aura toute femme, même la plus honnête !» (90).
Les propos d'Agamemnon permettent de faire deux remarques.
VOdyssée est présentée d'abord comme le récit des aventures d'Ulysse qui,
grâce à sa ténacité doublée d'une intelligence qui sait s'adapter à toutes les
circonstances, a enfin réussi à aborder à Ithaque. Agamemnon est en accord
ici avec l'intention du poète, telle qu'elle est exprimée dans l'invocation :
«C'est l'homme aux mille tours, Muse, qu'il me faut dire» (91). Ensuite et,
seulement ensuite, Agamemnon voit dans VOdyssée une œuvre écrite à la
gloire de Pénélope. A la gloire du héros troyen se substitue celle de sa femme.
L'auteur de ces lignes fait alors de Pénélope l'antithèse de Clytemnestre,
comme la vertu s'oppose au vice.
A leur tour les critiques modernes ont souvent dit que la noble figure de
Pénélope s'opposait dans VOdyssée à celle de Clytemnestre, l'épouse odieuse.
Nous avons déjà cité les propos de R. Carpenter (92) qui, poussant
l'hypothèse jusqu'au bout, affirmait que le poète avait inventé le personnage de
14 M.-M.MACTOUX
Clytemnestre à l'œuvre infâme (98) mais elle n'est que la complice d'Egisthe.
Les deux évocations d'Agamemnon se présentent tout autrement. C'est
l'âme d'Agamemnon qui fait à Ulysse descendu aux Enfers le récit de son
retour, et il oppose sa maudite femmc(99) à la vertueuse fille d'lcare( 100). De
même nous avons vu que lors de la seconde descente aux Enfers, (101) en
contraste avec la fille d'Icare qui jamais n'oublia l'époux de sa jeunesse, il
dépeint la fille de Tyndare qui livra à la mort le sien. La plupart des critiques
modernes s'accordent déjà à voir dans le premier récit une interpolation.
A. Severyns ( 102) pense même pouvoir trouver l'origine de ce passage dans le
poème cyclique des Nostoi attribué à Agias de Trézène. Il n'est pas certain
qu'Agias en soit l'inventeur ; mais il est cependant remarquable que la version
de la mort d'Agamemnon qui attribue à Clytemnestre le premier rôle dans le
meurtre se trouve dans deux passages condamnés aussi bien par les Anciens
que par les Modernes. Aristophane et Aristarque arrêtaient Y Odyssée au vers
296 du chant XXIII. Tous les scholiastes sont formels sur ce point (103) et
les commentateurs modernes ne récusent pas ce jugement. D. Page ( 104) à la
suite de V. Bérard (105), affirme sans réserve que YOdyssée originelle
finissait bien en XXIII, 296, et que la seconde visite chez Hadès au cours de la
quelle Ulysse rencontre Agamemnon ne fait pas partie du dessein initial.
Ainsi, ce n'est que dans des parties récentes du poème que ce diptyque de la
vertueuse Pénélope et de l'infâme Clytemnestre a été créé. Cette version sera
suivie par Eschyle qui présentera Clytemnestre frappant elle-même
Agamemnon (106). La version homérique est sans discussion possible celle
qui n'attribue à Clytemnestre qu'un rôle de comparse subjuguée et
irresponsable. Le fait qu'on ait récemment interprété un sceau crétois datant de la fin
du Ville siècle ou du début du Vile siècle comme une représentation de
Clytemnestre tuant seule Agamemnon assis sur un trône (107) n'infirme en
rien ce qui précède. Il existait, peut-être déjà à l'époque d'Homère, une
version primitive dans laquelle Clytemnestre tenait le rôle principal dans le
meurtre ( 108). En admettant qu'Homère en ait eu connaissance, son choix est net.
Il a minimisé le rôle de Clytemnestre pour charger Egisthe. Mais, si l'on peut
admettre avec M. I. Daviest 109) que le dramatique retour d'Agamemnon
tombant sous les coups du prétendant de sa femme sert de paradigme au retour
glorieux d'Ulysse dardant ses flèches contre les prétendants de la sienne, le
choix d'Homère ne contribue pas à grandir Pénélope, comme il l'affirme
aussi. La femme d'Ulysse ne gagne rien à une version légendaire dans laquelle
LA LEGENDE 15
(38) 11,88.
(39) II, 89-92.
(40) 11,115-116.
(41) II, 124-125.
(42) Ε. R. Dodds, Les Grecs et l'irrationnel, Paris, 1965, p. 22 sq.
(43) II, 113-114.
(44) 11,112.
(45) I, 253 sq.
(46) I, 275-276.
(47) Die homerische Odyssée und ihre Entstehung, Berlin, 2e éd., 1879.
(48) Voir en particulier récemment D. Page, op. cit., p. 53 sq et G. S. Kirk, The songs
ofHomer, Cambridge, 1962,P·, 230.
(49) Op. cit., p. 58.
(50) Op. cit., p. 238.
(51) On a rarement présenté Pénélope comme une femme coquette puisque, là où
des signes de coquetterie apparaissent, on les a considérés comme une manœuvre
dilatoire. Cependant récemment L. A. Mackay, «The Person of Pénélope»,
G & R, 1958, p. 123 sq., la dépeint comme appartenant presque au type de la
«baby-doll» (p. 127).
(52) I, 215-216.
(53) Le rapprochement est fait par W. Stanford, The Odyssey of Honter, Londres,
1961, commentaire au vers 215.
(54) I, 245 et 248 sq.
(55) Ainsi F. Robert, op cit., p. 268 sq.
(56) I, 353.
(57) En particulier V. Bérard dans son édition de l'Odyssée.
(58) E. Delebecque, Télémaque et la structure de l'Odyssée , Gap, 1958, p. 54-55.
(59) III, 206.
(60) IV, 316-321.
(61) 1, 269-292.
(62) XV, 14-18.
(63) XVI, 73-76.
(64) XIX, 535 sq. ; XX,87 sq.
(65) Cf. A Vannan Rankin, «Penelope's dreams in book XIX and XX of the Odyssey»,
Helikon, 1962, p. 617-624 et G. Méautis, «Pénélope hésitante», Paideia,XV,
1960, p. 81-86.
(66) XIX, 552-553.
(67) Naturellement cette décision a, elle aussi, suscité^ des explications psychologi-
aues variées dans la perspective d'une Pénélope fidèle. Cf. récemment A. Amory,
«The reunion of Odysseus and Pénélope», Essays on the Odyssey, éd. Ch. H.
Taylor, Bloomington, 1963, p. 100-121, qui pense que Pénélope, ayant reconnu
inconsciemment Ulysse, cherche dans cette épreuve un présage.
(68) En particulier, on sait d'après Pausanias {Description de la Grèce, III, 12, 1)
qu'il existait une version de la légende dans laquelle Pénélope elle-même avait été
gagnée par Ulysse au terme d'une course à pied organisée par son père Icare.
Voir infra,p. 212-21 3pour l'analyse de ce thème.
(69) I, 386-387. Antinoos dit à Télémaque : «que le fils de Cronos t'épargne ce
pouvoir que s'est transmis ta race».
(70) XV, 521-522. Télémaque parle en ces termes d'Eurymaque : «il est si désireux de
devenir l'époux de ma mère et d'avoir la royauté d'Ulysse». Que ce passage soit
une interpolation n'implique pas que les idées contenues soient contemporaines
de l'interpolation. L'histoire de Pénélope n'est pas isolée. Sur les accointances de
la femme avec le pouvoir du mari et le privilège qu'elle a, par son statut conjugal,
de transmettre la souveraineté, cf. J.P. Vernant, «Lemariage en Grèce archaïque»,
Ρ Ρ, 1 973 CXLVIII - CIL, p. 70 - 74.
(71) II pense qu'il existait une forme ancienne de la légende dans laquelle Théoclymène
était Ulysse déguisé (op. cit. p. 86-88).
(72) XXIII, 97 et 100.
(73) XXIII, 113 et 115-116.
(74) Ulysse est pourtant capable d'une délicate tendresse; celle-ci est sensible dans
ses rapports avec Calypso (V, 15 sq.) et Nausicaa (VI, 149 sq).
18 M.-M.MACTOUX
134), après avoir remarqué que le personnage de Pénélope n'est pas entièrement
libre de tout soupçon, a raison de souligner que «ni Athéna ni le poète n'ont
poussé plus loin l'explication de la conduite de Pénélope».
DEUXIEME PARTIE
protéger tous ceux qui, à quelque titre, dépendent de lui. C'est le plus
souvent dans ce sens là que le terme est employé dans YOdyssée. Ulysse
invoquant le danger couru dans l'antre de Polyphème ajoute : «Pourtant,
même de là n'est-ce pas ma valeur {arété), mes conseils (boulé), mon esprit
(noos), qui nous ont délivrés ?» (22).
Varété n'est pas propre aux hommes. Elle peut aussi appartenir aux
femmes. Il est question quatre fois de Yarété de Pénélope dans YOdyssée :
deux fois ce sont des tiers qui en parlent, les prétendants (23) et le fantôme
d'Agamemnon dans la seconde des descentes aux Enfers (24), et deux fois,
elle-même S' appuyant
(25), ensur
termes
les propos
identiques.
d'Agamemnon, on a souvent écrit (26) que
Yarété des femmes dans Homère comprenait la chasteté, la fidélité
auxquelles s'ajoutaient des vertus proprement féminimes, la beauté, l'habileté
à tisser et à conduire une maison comme on les note chez les autres femmes
de YOdyssée, Hélène, ou la femme d'Alkinoos qui s'appelle précisément
Arété. On néglige trop, semble-t-il, les passages où Pénélope tient à
Eurymaque, puis à Ulysse les propos suivants : «Mon arété, ma beauté, mes
grands airs, Eurymaque, les dieux m'ont tout ravi lorsque vers Ilion les
Achéens partirent, emmenant avec eux Ulysse, mon époux (27)». Le contenu
du terme ne peut être celui qu'Agamemnon avait dans l'esprit. Ce ne peut
être non plus la beauté, que Pénélope distingue de Yarété dans ce passage. Et
il est évident qu'il ne s'agit pas non plus de la force guerrière ; mais cette
arété que Pénélope a perdue avec le départ d'Ulysse, ne pourrait-elle être
l'ardeur à être, à réaliser sa nature, celle même qui donnait à Ulysse la
vaillance susceptible de le sauver, lui avec ses compagnons, de l'antre de
Polyphème (28). Il faut comprendre de la même façon l'opposition qu'
Alkinoos établit entre Yarété d'Ulysse et celle des Phéaciens (29). A Ulysse,
la vaillance {arété) dans l'arène, vaillance de l'athlète qui est le combattant en
temps de paix ; aux Phéaciens, l'adresse {arété) dans les travaux de la mer
où ils excellent (30). La nature des uns et des autres est diverse, mais ce qu'ils
ont de commun c'est le désir de se réaliser, de se projeter dans le futur (31).
De cela Pénélope prétend qu'elle n'est plus capable.
Ainsi cette soumission au destin, ou à la volonté des autres en tant
qu'ils sont instruments du destin qui nous semble impliquée par l'emploi du
terme périphrôn est presque devenue, dans le contexte odysséen, une valeur
négative (32). Si Pénélope est sage, sa sagesse est ailleurs.
En dehors de l'adjectif périphrôn, Homère qualifie également Pénélope
à'échéphrôn. Si le terme est employé moins souvent, il l'est dans les passages
où il joue beaucoup moins nettement que le précédent le rôle d'épithète
traditionnelle (33) et, surtout, contrairement à périphrôn, il sert dans un cas
pour Ulysse, dans un des passages les plus importants de YOdyssée. Ulysse
vient enfin d'aborder à Ithaque et rencontre Athéna sous les traits d'un jeune
berger. L'homme aux mille ruses, éternel méfiant, peu soucieux de se faire
reconnaître, invente une histoire qui fait sourire la déesse. Elle ne peut manquer
d'admirer sa ruse et de louer son esprit. «C'est donc toujours le même esprit
en ta poitrine) (34), et elle le qualifie alors d'échéphrôn, l'adjectif signifiant
«qui contrôle sa pensée».
Cette vertu est celle qu'Eurymaque attribue à Pénélope, lorsqu'il loue
son esprit pondéré. Il emploie une expression qui veut dire être maître de
soi (35). Il semble qu'il faille entendre par là, non comme le pense W. B.
Stanford (36) que Pénélope ne permet pas à ses implusions et à ses pensées de
24 M.-M.MACTOUX
L'APPAUVRISSEMENT DE LA LÉGENDE
A L'ÉPOQUE ARCHAÏQUE
A l'époque archaïque le développement de la légende de Pénélope
marque un temps d'arrêt. D'Homère à la fin du Vile siècle, la poésie cyclique est
muette à son sujet et, si on peut relever quelques allusions dans la littérature
du Vie siècle, la poésie lyrique est plus sensible à la passion amoureuse
d'Hélène qu'à celle de Pénélope. Il est probable cependant que les premières
épopées cycliques ne l'ont pas laissée complètement dans l'ombre. Mais
Pénélope n'est vue que comme la compagne d'Ulysse, le héros omniprésent,
protagoniste indispensable de toute action épique. Si l'état fragmentaire des
œuvres ne permet pas de l'affirmer avec certitude, les résumés qu'a laissés
Proclos dans sa Chrestomathie (1) sont symptomatiques. Alors qu'Ulysse a
gardé suffisamment de relief pour mériter une mention dans chacun des
résumés, Pénélope n'est citée que dans celui de la Télégonie, l'épopée la plus
tardive du Cycle puisqu'elle date du Vie siècle.
Les Retours comme les Chants Cypriens ont pu l'évoquer, mais ce n'est
que d'une manière accessoire et aucun auteur ancien ne s'en est fait l'écho.
On pourrait penser qu'Agias de Trézène qui, dans les Retours, se proposait de
compléter V Odyssée en reconduisant chez eux tous les chefs achéens ignorait
volontairement Ulysse. Mais la séduction qu'il exerce est telle qu'Agias
éprouve le besoin de raconter une rencontre du héros avec Néoptolème à
Maronée (2). C'est peut-être là qu'il faut situer foNekyia dont parle Pausanias
(3). Cette descente aux Enfers pourrait correspondre à un récit d'Ulysse,
élargissement de celui de ΓOdyssée (4). Si on peut envisager sans invraisemblance
une évocation de Pénélope, rien n'en a survécu. Les fragments des Chants
Cypriens ne sont pas plus explicites sur ce point. L'épopée, qui remonte au
moins à la première moitié du Vile siècle, puisqu'un peigne en ivoire du
temple d'Artémis Orthia représentant le jugement des déesses et daté du milieu
du siècle s'en inspire (5), renferme une scène curieuse. D'après le résumé de
Proclos (6) le sens général en est clair. Ulysse ne voulant pas aller à la guerre
simule la folie devant Ménélas, Nestor et Palamède venus quêter son concours.
Grâce aux conseils de Palamède sa ruse fut découverte. Ils le confondirent en
dérobant son fils Télémaque comme pour le tuer. On peut penser que
Pénélope assistait à la scène sil'on en croit Apollodore qui complète souvent
le témoignage de Proclos (7) : «Palamède découvre à tous la ruse d'Ulysse en
arrachant Télémaque du sein de Pénélope et en le menaçant de son glaive
comme s'il voulait le tuer. Ulysse alors avoue sa supercherie^ 8). La scène est
inconnue de YOdyssée ; on peut voir une allusion au manque d'enthousiasme
d'Ulysse pour prendre part à l'expédition troyenne dans la seconde descente
aux Enfers, lorsqu'Agamemnon tient à l'ombre d'Amphimédon ces propos :
«Là-bas, en compagnie du divin Ménélas, j'étais allé chez toi, quand nous
pressions Ulysse de nous suivre vers Troie sur ses vaisseaux à rames» (9). Mais
il est impossible de savoir si ce fragment suppose une légende préhomérique
(10) qu'Homère connaissait et a volontairement négligée, ou si ces vers du
livre XXIV, considéré généralement de date très tardive, s'inspirent des
Retours. Dans les deux cas cependant, cette manœuvre d'Ulysse est étrangère à
l'esprit odysséen. Lorsqu'elle apparaît dans les Chants Cypriens, l'état du
texte permet difficilement de connaître le motif invoqué pour la justifier.
Est-ce réellement, comme le pense W. Stanford (11) l'amour conjugal
et paternel qui expliquait cet ultime subterfuge, le désir très humain d'éviter
cette longue et douloureuse séparation qu'Halithersès dans YOdyssée lui
avait annoncée ? Ses références à des auteurs modernes qui ont interprété la
légende d'Ulysse et ont ainsi compris le geste du héros restent peu convain-
32 M.-M.MACTOUX
cantes. Il est beaucoup plus probable que l'auteur des Chants Cypriens
faisait de cette ruse un signe de lâcheté si l'on en croit l'indignation d'Aristarque
et d'Eustathe qui essaient de laver Ulysse de ce reproche, à propos
précisément de l'allusion d'Agamemnon dans YOdyssée. Ainsi le scholiaste écrit : «Si
Ulysse voulait se cacher, pour ne pas prendre part à la guerre, ce n'était point
par lâcheté. C'était uniquement par intelligence, car il se rendait compte de la
durée possible du conflit» (12) et, de même, Eustathe s'indigne : «Si même
les poètes post-homériques ont accusé de lâcheté le héros, s'ils ont dit et redit
la folie simulée, et s'ils ont ajouté encore l'histoire de l'attelage hybride qu'il
attacha à sa charrue pour labourer ; s'ils racontent comment Palamede le
confondit au moyen du bébé Télémaque ; s'ils racontent qu'Ulysse vint contre
son Eustathe
qu' gré à Troie,
désigne
c'est ailleurs
leur affaire».
comme(13)
les Au
neôteroi,
rang des
il faut
poètes
sans
post-homériques
doute mettre
Sophocle dont Y Ulysse fou est bien connu, mais aussi les auteurs du Cycle
(14) et en particulier Stasinos à qui on attribue les Chants Cypriens dont
Sophocle s'est précisément inspiré. Eustathe ne fait d'ailleurs ici que
reprendre la pensée d'Aristarque. On comprend que pour un héros homérique
qui n'existe que par la gloire obtenue au terme d'exploits guerriers, repousser
le départ à la guerre, pour quelque raison que ce soit, soit la négation de sa
propre valeur. Le poème de Stasinos aurait rabaissé le héros exalté par
Homère et la scène de la ruse en serait un témoignage (15). Stasinos donne
une autre preuve de cette intention en racontant la mort de Palamede lapidé
sur les conseils d'Ulysse (16). Pénélope n'a dû jouer qu'un rôle très limité
dans le récit. Certes la scène au cours de laquelle Palamede s'emparait de
Télémaque a pu donner lieu à l'expression de sentiments maternels. Le mot
employé par Proclos indique qu'il y a eu une scène violente entre Palamede et
la personne qui tenait Télémaque, sans doute Pénélope (17). Mais la femme
d'Ulysse n'était pas présentée comme celle pour qui on sacrifie tout, même la
gloire. Si la chronologie relative du Cycle épique troyen et ses dates par
rapport à Ylliade et à YOdyssée continuent à faire l'objet de discussions érudites
la plupart (18) s'accordent à penser que les Retours et les Chants Cypriens
sont postérieurs à YOdyssée (19). Pourtant rien ne permet de penser que le
personnage central du poème homérique ait été senti comme tel.
Ainsi la poésie cyclique des premiers siècles semble ignorer Pénélope. Si
des épopées du Vie siècle, comme YAlcméonide et la Télégonie lui réservent
une place, le changement est peu significatif. Au cours du siècle fut rédigée la
dernière des épopées thébaines, YAlcméonide, qui racontait la seconde
expédition contre Thèbes menée par Alcméon, fils d'Amphiaros (20), l'un des sept
chefs qui participèrent à la première. Strabon (21) fait allusion à un passage
de l'épopée ayant trait à la famille de Pénélope, à son père, Icare, et à ses
deux frères, Âlyzéos et Leucadios. Ephore, dont Strabon s'inspire ouverte
ment dans ce passage, avait repris le fait. Pourquoi YAlcméonide s'intéres-
se-t-elle à Icare et à ses enfants ? On sait seulement qu'une partie du poème
suivait Alcméon dans ses errements, en particulier en Etolie et en Acarnanie.
C'est à propos de l'Acarnanie, où il s'était établi (22), qu'Icare était évoqué.
L'auteur de YAlcméonide, comme celui de la Télégonie, a pu utiliser l'histoire
d'Icare, pour établir des liens mythiques ; mais avec qui ? Il n'est guère
possible de le dire. Implanter la famille de Pénélope en Acarnanie, c'était
rapprocher Pénélope d'Ulysse, la lier plus étroitement au roi d'Ithaque dont l'île
était toute proche. Il n'est guère permis de penser qu'une modification dans la
légende s'ensuivait.
LA LEGENDE 33
Diomède avait laissé pour garder son royaume en son absence (34). La raison
cependant n'en était pas la même. Chez Mimnerme la faute en revient à
Aphrodite qui, blessée par Diomède, vit là un moyen de se venger. Mais si les
poètes cycliques ne répugnent pas devant des modifications aussi radicales,
Pénélope échappe totalement à ce traitement (35). Même dans la Télégonie
elle ne joue qu'un rôle de comparse. Sa présence n'est que le corollaire de
celle d'Ulysse (36).
Elle devait être nommée dans le Catalogue des femmes du
pseudoHésiode dont la composition s'est étendue sur un siècle et demi, depuis le
milieu du Vile siècle jusqu'à la fin du Vie siècle (37). Dans les listes
généalogiques qui le composaient, la lignée des Tyndarides, à laquelle se rattache
Pénélope par son père Icare, occupait une place importante (38). On possède
un fragment où il était question du mariage de Télémaque avec Polycaste, la
fille de Nestor (39). Mais Pénélope avait-elle droit à autre chose qu'une
citation ? Les parties narratives étaient rares, et il ne semble pas que la succession
généalogique de ce passage ait présenté des anomalies remarquables. Eustathe,
(40) qui le cite, rappelle auparavant la généalogie d'Ulysse telle qu'elle est
donnée dans Y Odyssée.
Tout se passe comme si les poètes de ce temps n'avaient trouvé dans sa
personnalité aucun trait capable de les séduire, eux et leurs lecteurs. Ce
manque d'intérêt n'aurait guère de signification s'il ne se manifestait que dans des
œuvres qui, marquées par l'épopée homérique, continuaient à exalter les
vertus guerrières, ou celles des pionniers de la colonisation. Mais la même
tendance se décèle dans la poésie lyrique qui privilégie l'individu, se nourrit de ses
espoirs et de ses peines.
Jusqu'à la publication récente (41) d'un papyrus attribué dès l'origine
à Stésichore par l'éditeur et par tous les commentateurs (42), la légende
d'Ulysse et de Pénélope semblait être restée complètement étrangère à la
poésie lyrique dans son ensemble. Or, ce passage, dans lequel D. L. Page (43)
voit un fragment d'un hymne de Stésichore, Les Retours, dont on ne
connaissait que le titre (44) suit d'assez près la scène de YOdyssée (45) au cours de
laquelle Télémaque prend congé de Ménélas et d'Hélène, tandis que l'appaii-
tion d'un aigle tenant en ses serres une oie est interprétée par Hélène comme
un heureux présage. Les différences finalement sont mineures et les
personnages demeurent très proches par leur comportement de ceux de YOdyssée.
L'allusion probable à Pénélope (mot en partie reconstitué : Υ\αν\έΙόπα ) reste
très vague, le dernier vers de cette colonne I étant très mutilé. Mais cette
allusion à la mère de Télémaque, présenté lui-même comme le fils chéri d'un père
aimé fait qu'il se dégage de la scène cette même impression d'harmonie
qu'Athéna cherche à recréer dans YOdyssée. A Télémaque qui, dans le palais
de Sparte, aurait tendance à oublier sa mission, la déesse conseille de rentrer
au plus vite à Ithaque et de charger le porcher d'aller avertir la sage Pénélope
de son retour (46).
Cependant, dans l'état actuel des découvertes, rien ne permet de dire
que Pénélope ait eu droit à autre chose dans l'œuvre de Stésichore. Le poète
d'Himère a pourtant cherché avec les vieux thèmes de l'épopée à donner un
passé à sa patrie, pays neuf sans mythes héroïques (47), et il a traité
amplement, ailleurs, de certaines légendes homériques comme dans YOrestie, les
développant bien plus qu'elles ne l'étaient chez Homère (48). Mais aucun de
ses grands hymnes qui s'attachent aux aventures des héros et dont les sujets
viennent de tous les horizons du monde mythique ne traite de l'histoire de
LA LEGENDE 35
Pénélope, alors qu'Hélène dans les deux Palinodies (49) a été pour lui un sujet
de prédilection. Si ce fragment des Retours suppose une connaissance
précise, sinon de Y Odyssée telle que nous la possédons, du moins d'une version
très proche, (50) on ne peut savoir s'il a voulu transposer sur un mode lyrique
le récit odysséen, ou si ce fragment demeure isolé. Le thème même choisi par
Stésichore (51) imposait d'ailleurs cette allusion qui ne repose pas sur un
choix délibéré. L'absence de Pénélope chez les autres poètes lyriques est
beaucoup plus significative.
Alcée comme Sappho restent muets. Au contraire Hélène la
passionnée est évoquée à plusieurs reprises, soit qu'on la condamne, soit qu'on la
loue. Si pour Alcée (52) elle est seule responsable des malheurs de Troie,
pour Sappho, la blonde Hélène est l'exemple de la femme qui aime et qui,
entraînée par Kypris (53), a suivi son amant sans se soucier ni de son enfant
ni de ses parents chéris (54). Ds n'ont pas été les seuls à être séduits par la
force de sa passion ; elle trouve un écho dans la sensibilité d'un Ibycos (55),
d'un Alcman (56), d'un Simonide (57) ou dans celle de poètes lyriques
inconnus (58). Ainsi cette poésie où triomphent les passions, les passions
politiques comme les passions amoureuses, qui essaie pour la première fois
d'analyser les plus subtils mouvements d'âmes meurtries par les bouleversements
d'une époque troublée, ne trouve dans l'histoire de Pénélope aucun écho aux
histoires individuelles qui s'expriment par ces vers.
Seul peut-être Anacreon, dans la seconde moitié du Vie siècle, fera de
l'amour de Pénélope pour Ulysse le sujet de l'une de ses chansons. Le souvenir
en a été conservé par une scholie à Horace : «Quelques-uns disent qu'il écrivit
l'histoire de Circé et de Pénélope aimant le même homme» (59). La valeur de
la scholie a été mise en doute par D. L. Page (60) qui refuse d'attribuer ce
récit à Anacreon. Pourtant Horace lui-même, dans une de ses odes, s'
adressant à une jeune fille qu'il convie à un banquet dans sa campagne de la
Sabine lui propose de chanter sur la lyre de Téos les tourments pour le même
homme de Pénélope et de Circé (61). Téos est la patrie d' Anacreon, et le
rapprochement ne peut être fortuit. Le poète latin connaît bien Anacreon
dont il s'inspire littéralement dans deux odes qui commencent par un de ses
vers (62). Mais, même si Anacreon a choisi ce thème, il ne semble pas qu'il
ait pu le colorer tragiquement. Pour ce poète de cour, ami du plaisir, qui
honore dans Eros le maître dés dieux, l'amour peut être passion ; il n'est
jamais désespoir. L'affrontement entre l'épouse et l'amante ensorceleuse
pouvait même être décrit sur le mode satirique, comme le laisserait supposer la
première partie de la scholie rappelant qu' Anacreon est l'auteur d'une satire.
S'il est douteux que cet Anacreon soit celui de Téos (63), notre poète est
capable de faire preuve d'esprit satirique (64).
Ainsi Anacréon serait le seul poète lyrique (65) à s'être inspiré de la
légende de Pénélope. C'est peu, même si l'on tient compte de l'état
fragmentaire dans lequel nous est parvenue la poésie de ce temps. Les raisons
susceptibles d'expliquer cette absence ne peuvent tenir cette fois à la nature de la
légende qui offrait, au contraire, des éléments capables d'enrichir une poésie,
qui, pour être personnelle, ne s'est jamais coupée du fonds des légendes pan-
helléniques. C'est peut-être à ce rôle de comparse dans lequel la poésie
cyclique l'avait figée que Pénélope doit sa mise à l'écart. Nous en verrions
volontiers la preuve dans la façon dont Pythagore et Théognis citent Pénélope.
C'est d'abord Ulysse qu'ils admirent.
D n'est pas certain qu'on puisse attribuer à Pythagore les propos que
36 M.-M. MACTOUX
Notes du CHAPITRE II
(1 ) A. Severyns, Recherches sur la chrestomathie de Proclos,lW, La vita Ho mer i et
les sommaires du cycle, 1963, p. 77 sq.
(2) 296,297,298, op. cit., p. 95.
( 3) Description de la Grèce, X, 28, 7.
(4) A. Severyns, Le cycle épique dans l'école d'Arislarque, Paris, 1928, p. 385-386.
(5) R. Hampe, «Das Parisurteil auf dem Elfenbeinkamm ans Sparta», Festchrift
Schweitzer, Stuttgart, 1954, p. 77-86.
(6) Op. cit., 118-121.
(7) A. Severyns, Le cycle épique dans l'école d'Aristarque, p. 284.
(8) Epitomé, III, 7 ; trad. A. Severyns, op. cit., p. 284.
(9) Od., XXIV. 115-117.
(10) M. Untersteiner, La fisiologia del mito, Milano, 1946, p. 160, considère l'attitude
d'Ulysse comme un trait caractéristique du héros méditerranéen qui aime la
vendetta ou la razzia et non la guerre.
(11) Op. cit., p. 82-83.
(12) Schol. V ad. Od.. XXIV, 118 ;trad. A. Severyns, op. cit., p. 284.
( 1 3) Eustathe, Commentaire à l'Odyssée, XXIV. 1 1 8, trad. ibid.
(14) A. Severyns, p. 417 sq., in «Eustathe et le cycle épique», RB Ph, 1928,
p. 401-467.
(15) C'est l'avis d'un grand nombre d'auteurs, en particulier F. G. Welcker. Der
epische Kyklus, 1, 2e éd., Bonn, 1865, p. 148 ; D.B. Monro, JHS, 1884, p. 9.
(16) Fr. XXI, T. W.Allen.
(17) A. Severyns, Le cycle épique dans l'école d'Aristarque, p. 284.
(18) C'était déjà l'avis de E. Bethe, Homer, III, Die Sage vom troischen Kriege,
Leipzig-Berlin, 1927, p. 377-380. Réunissant les résultats dans Euripide et les
légendes des chants cypriens, Paris, 1966, p. 27. n. 3, F. Jouan propose l'ordre
chronologique suivant : Iliade, Ethiopide, Prise d'Ilion, Odyssée, Petite Iliade,
Chants cypriens, Retours, Catalogue hésiodique, Alcméonide, Télégonie. De
même A. Severyns, Le cycle épique dans l'école d'Aristarque, p. 285-291, fait
des Chants Cypriens une œuvre postérieure à la Petite Iliade, elle-même plus
récente que Γ 'Ethiopide et la Prise d'Ilion dont elle s'inspire directement.
(19) Ce qui n'exclut pas évidemment l'existence d'une légende préhomérique.
(20) L. Legras, Les légendes théhaines dans l'épopée et la tragédie grecques. Paris,
1905, p. 108-109.
(21) Strabon, Géographie, X, 2. 9 (fr. 5. G. Kmkc\, EGF)
(22) Cf Strabon. op. cit., X, 2, 24.
(23) A. et M. Croiset, Histoire de la littérature grecque, I, p. 445.
(24) Chrestomathie de Proclos, 327-340 ;trad. A. Severyns. op. cit., p. 95.
(25) A. Severyns, Recherches sur la Chrestomathie de Proclos. Première partie : le
code 239 de Photius, II, texte, traduction, commentaire, Paris, 1928. p. 90.
(26) 1796, 45 (fr. IX, T. W. Allen).
(27) A. Severyns, «Eustathe et le cycle épique», RB Ph, 1928, p. 458-459.
(28) 1796, 38 (fr. ,1,T.W. Allen).
(29) F. Chamoux, Cyrène sous la monarchie des Battiades, Paris, 1953, p. 70 sq.
(30) A. Severyns, Le cycle épique dans l'école d'Aristarque, p. 371-376.
(31) II., V, 410-415.
(32) Apollodore, Epitomé, VI, 8-9.
(33) Fr. 22, Bergk, Poetae lyrici graeci.
(34) Schol. Dad II. V, 412.
(35) G. Fougères, Mantinéc et l'Arcadie orientale, Paris, 1898, p. 251, affirme que, du
Vie siècle, daterait la légende mantinéenne suivant laquelle une Pénélope
infidèle ayant été chassée par Ulysse, aurait fini ses jours à Mantinée. Mais il est tout
à fait gratuit de dire que c'est sous l'influence des continuateurs d'Homère «que
la chaste Pénélope s'est transformée en une Clytemnestre encore plus chontée».
(36) Dans une épopée d'auteur et de date inconnus, la Thesprotis, citée par Pausanias
(Description de la Grèce. VIII, 1 2. 5 ) Pénélope aurait vécu avec Ulysse après son
retour et aurait eu de lui un fils Ptoliporthès. S'agit-il d'une confusion avec la
Télégonie, où, d'après le résumé de Proclos, op. cit., 321-323, Ulysse eut avec la
reine des Thesprotes, Callidicé, un fils Polypoétès qui succède à sa mère comme
roi des Thesprotes, ou l'épopée a-t-elle réellement existé sous cette forme ?
Apollodore (Epitomé, VII. 38 sq.), après avoir résumé la version de la Télégonie.
en rappelle une autre qui n'a laissé aucune trace littéraire : Pénélope séduite par
LA LEGENDE 39
Amphinomos aurait été tuée par Ulysse, qui, accusé de ce meurtre, dut
se soumettre au jugement de Néoptolème. Le fils d'Achille le condamna à l'exil,
pensant, par là, rentrer en possession de Céphallénie qui appartenait à Ulysse.
Faut-il faire remonter cette légende à l'époque archaïque ? En tout cas la
Thesprotis qui devait, à la manière de la Télégonie, compléter YOdyssée en
racontant peut-être le premier séjour d'Ulysse chez le roi des Thesprotes (Od. XIV,
315 sq.) ne semble pas tracer de Pénélope ce portrait de femme dévergondée.
(37) J.Schwaitz,Pseudo-Hesiodeia, 1960, troisième partie.
(38) J. Schwartz, op. cit., p. 404 sq.
(39) Fr. 221, R. Merkelbach et M. L. West, Fragmenta Hésiodea, Oxford, 1967.
(40) Commentaire ad Od, 1796,38.
(41) N. 2360, The Oxyrhynchus Papyri, part XXIII, éd. E. Lobel, Londres, 1956.
(42) H. Lloyd-Jones, p. 17, in «Review of the Oxyrhynchus papyri», Ci?, 1958, p· 16
sq. C. M. Bowra, Greek lyric poetry from Alcman to Simonides, Oxford, 1961,
p. 77.
(43) Fr. 32, D. L. Page, Poetae melici graeci, Oxford, 1962.
(44) Pausanias, X, 26, 1.
(45) XV, 43-181.
(46) Od., XV, 40-42.
(47) G. Vallet, Rhégion et Zancle , Paris, 1958, p. 263.
(48) C. M. Bowra, op. cit., p. 1 12 sq.
(49) D'après un commentaire sur un fragment de Stésichore récemment découvert sur
papyrus et analysé par C. M. Bowra, «The two Palinodes of Stesichorus», CR,
1963, p. 245 sq.: 193/16, D. L. Page.
(50) C. M. Bowra, op. cit., p. 79.
(51) H. Lloyd-Jones, loc. cit., p. 17.
(52) Fr. 82, Th Reinach, Paris, 1960.
(53) I, fr. 35 (7), ibid.
(54) I, fr. 27 (9, 10, 11), ibid.
(55) Fr. 292 (a) 5, D. L. Page.
(56) Fr. 7 (10) et 21, ibid.
(57) Fr. 561, ibid.
(58) Fragments incertains, 989, 1011 (a), 1014, ibid.
(59) Schol ad Od. IV, 9, 9.
(60) 505/e, Poetae melici graeci Bergk (fr. 133) avait accepté la scholie. De même
J. M. Edmonds, Anacréon, 148, LG II, Cambridge, 1952.
(61) Ode I, 17, 19-20 ;cf. J. M. Edmonds, LG, II, p. 211, n. 3.
(62) Odes, I, 23 et I, 27. Cf. E. Frànkel, Horace, Oxford, 1954, p. 179 sq.
(63) Le scholiaste parle d'un Anacréon, ami de Lysandre.
(64) C. M. Bowra, op. cit., p. 297 sq.
(65) II est possible que la poétesse Corinne, qui vivait sans doute à la fin du Vie
siècle (A. Lesky, A history οf Greek literature, 1966, p. 175, se range à cet avis
tout en envisageant la possibilité d'une date beaucoup plus basse, vers 200 avant
J.C. ; un accord, cependant, semble se dessiner si on adopte les conclusions de
A. Allen et J. Frel, «A date for Corinna», C J, 1972, 68, 1, p. 26 - 30, pour faire
de Corinne une contemporaine de Pindare, probablement plus âgée) ait évoqué
sa légende. Elle était d'origine béotienne, et les bribes de sa poésie qui ont
survécu ont été conservés le plus souvent par des grammairiens curieux de formes
dialectales. Apollonios Dyscole, grammairien du Ile siècle après J. C. a gardé dans
son Traité du pronom (fr. 145, 37, J. M. Edmonds, L G, III, p. 39) un certain
nombre de formes béotiennes qu'il attribue à Corinne. Parfois il ne cite pas sa
source, comme c'est le cas pour une forme béotienne du nom de Pénélope que
certains font remonter à Corinne (G. Gronert, «Corinnae quae supersunt»,
RhM, 1908, p. 188). J. M. Edmonds, loc. cit., considère ce point de vue comme
possible. Les mythes devaient occuper une très grande place dans son œuvre
puisque, selon Plutarque (Glor. Ath., 4, 347 f, L G, n. III, p. 7), elle a appris à Pindare
les lois du mythe ; mais elle s'inspire surtout des légendes thébaines.
(66) Vie de Pythagore, 57 .
(67) R. P. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, II, Paris, 1949, p. 35 sq.
(68) A. Delatte, Etudes sur la littérature pythagoricienne, Paris, 1915, p. 110.
(69) Porphyre, Vie de Pythagore, p. 32.
(70) 1123-1128 ; trad. J. Carrière, Théognis, Poèmes élégiaques, Paris, 1962, modifiée
en ce qui concerne le qualificatif de Pénélope traduit par fidèle.
(71) J. Carrière, Commentaire, ibid., p. 129.
40 M.-M.MACTOUX
être opérés.
Cette tendance s'affirme dans les œuvres du Vile et Vie siècles,
désormais interprétables avec certitude. C'est d'abord l'aventure la plus
sanglante et la plus monstrueuse, l'aveuglement de Polyphème par Ulysse qui
apparaît sur les vases dans le second quart du Vile siècle(21). Puis Ulysse vole
au secours de ses compagnons métamorphosés par Circé sur une cylix attique
à figures noires de la première moitié du Vie siècle, (22) et, à la même
époque il subit les aussauts perfides des Sirènes sur un vase peint en provenance
de Naucratis dont il ne subsiste plus qu'un fragment (23). Loin d'être isolées
ces représentations vont se multiplier à la fin de la période. Ainsi la fuite
d'Ulysse hors de la grotte du Cyclope deviendra un leit-motiv dans la
décoration des vases attiques à figures noires. J.D, Beazley a répertorié 1 8 vases sur
ce thème (24).
C'est encore à cette partie de Y Odyssée que se rapporte l'illustration
d'une amphore du Vie siècle provenant de Mélos (25) où Hermès le messager
vient, de la part des dieux, demander à Calypso de libérer Ulysse. Mais à la
différence des œuvres précédentes l'accueil empreint de tristesse de la nymphe
bouclée n'évoque plus l'aventurier tueur de monstres mais l'homme au destin
douloureux et au cœur aimant.
De même dans la sculpture ; on peut reconnaître Ulysse sur la métope
de la frise dorique du petit temple archaïque découvert à l'embouchure du
Sélé sur laquelle un héros chevauche une tortue marine : Ulysse s' efforçant
d'éviter la terrible Charybde (36).
Ce rapide survol des représentations d'Ulysse dans l'art archaïque a paru
nécessaire pour montrer que l'Ulysse d'alors n'est pas le mari de Pénélope. Il
est le héros légendaire en lutte continuelle contre des monstres qui se
nomment Polyphème, les Sirènes ou l'enchanteresse Circé, monstres doués de
pouvoirs magiques. Il les vaincra grâce à sa ruse, mais surtout grâce à l'aide divine
et, par cette lutte, il ressemble à ces héros fort prisés de l'art archaïque du
Vile siècle, Persée et Bellérophon (37). La vision légendaire de l'art, comme la
vision épique de la littérature, ne laisse aucune place à Pénélope. Cette société
en pleine mutation et à la recherche d'un équilibre s'intéresse plus à l'action
sous la forme de luttes et de victoires qu'à la victime qui subit sans révolte.
Nous avons vu que le trait le plus marqué chez la Pénélope d'Homère était sa
passivité, sa révolte stérile. Sa «sagesse» aurait pu être comprise comme une
acceptation de l'injustice divine et humaine dont les hommes de ce temps ne
veulent plus ; que l'on songe à Hésiode, aux législateurs, aux poètes lyriques.
Appendice
Cratère à colonnettes. Musée du Louvre, collection Campana, 11.260.
CVA, France, fascicule 19, pi. 166, fig. 7. PI. 1 . 1 .
On a émis récemment ]' hypothèse que c'est Pénélope que l'artiste
aurait voulu peindre sur la face Β d'un cratère attique à figures noires datant
des environs de 540. Sur un char conduit par un homme barbu se dresse une
femme dont le visage est entièrement voilé. Marchant à côté, mais se
retournant vers le couple, Hermès, reconnaissable à son manteau court, son pétase
et ses chaussures à ailerons. Le quadrige est lui-même encadré par deux
personnages féminins. A gauche, Athéna, avec l'égide d'où jaillissent des serpents,
LA LEGENDE 45
soulève le bras gauche dans un geste de protection, et, à droite, devant les
chevaux, une autre femme lui fait face.
F. Villard qui décrit le vase (28) intitule la scène «divinités en char».
Il s'agit apparemment d'une scène d'enlèvement et Y. Béquignon (29) évoque
le rapt d'Hélène par Thésée mais suggère également une autre interprétation.
Ce cratère illustrerait le récit au cours duquel Pausanias raconte comment
Ulysse, après avoir obtenu d'Icare la main de sa fille, l'emmène de Sparte
l'enlève en quelque sorte sous les yeux de son père qui la suppliait de rester.
Devant le refus de sa fille, Icare finit par se résigner et élève à l'endroit où le
char a disparu une statue à Aidôs(30). Certes, l'hypothèse est séduisante. La
présence d'Athéna qui a toujours été la protectrice vénérée d'Ulysse dans
Y Odyssée, et celle d'Hermès, dieu des voyages, mais ancêtre d'Ulysse dans
certaines formes de la légende, ne seraient pas déplacées ! La réprésentation, à
l'époque archaïque, d'une femme entièrement voilée est rare. On n'en connaît
guère qu'une autre sur un vase daté d'environ 500. N'aurait-on pas ici
Pénélope qui, d'après le récit de Pausanias, se voile, mettant fin aux
supplications de son père, tandis que la femme à l'extrême droite rappelerait Aidôs ?
(31).
Si cette analyse est exacte, trois remarques s'imposent. Alors qu'à
l'époque archaïque on ne connaît aucune autre œuvre d'art pouvant
représenter Pénélope, la seule possibilité ne s'inspire pas de la légende odysséenne ; ce
choix attesterait l'ancienneté de ce que nous appellerons le mythe de
Pénélope (32). De l'ensemble des faits, ce qui a été retenu, c'est
«l'enlèvement», qui rappelle d'autres «enlèvements» plus célèbres. Mais cet
enlèvement a eu lieu avec le consentement de l'héroïne qui, par sa prompte
détermination, a coupé court aux revendications paternelles. L'accent est mis ici
sur l'action, le refus de se soumettre. Si c'est le départ de Lacédémone que le
peintre a voulu évoquer il a choisi de traiter un aspect de l'histoire qui était
en accord avec le sentiment collectif de l'époque.
46 M.-M. MACTOUX
LA DRAMATISATIONDE LA LÉGENDE
A L'ÉPOQUE CLASSIQUE
LA LEGENDE 49
fort peu dignes d'un héros et on peut penser, avec W. Stanford (15), que ce
n'est pas là un signe d'admiration. Dans ces conditions Pénélope ne pouvait
être que l'antithèse de ce personnage sans grandeur tragique. Incarnait-elle
à ses yeux la vraie sagesse s'opposant à la rouerie d'Ulysse, qui pour la
première fois, dans un des fragments du Jugement des armes (16), est présenté
comme le fils de Sisyphe ? On sait combien Eschyle fait de la sophrosyné la
vertu par excellence, celle qu'a atteint Zeus lui-même après avoir dépassé le
stade de la violence du vainqueur de Cronos. Mais on aimerait croire qu'il a
vu en elle l'exemple priviligié d'une victime souffrante, semblable à l'Atossa
des Perses, et à l'Electre des Choéphores. Pénélope n'a-t-elle pas connu les
craintes maternelles de la reine, et l'angoisse de celle qui attend un vengeur ?
J. de Romilly a bien montré que «dans le monde tragique d'Eschyle, la
crainte est le sentiment humain dont la présence est le plus sensible (17)»,
et que cette crainte, liée à toute souffrance, se transforme le plus souvent en
angoisse et en épouvante. On aimerait penser que c'est là que résidait la
puissance dramatique de la Pénélope d'Eschyle. Les représentations de Pénélope
dans l'art figuré de la première moitié du Ve siècle invitent à le croire.
L. Séchan a suffisamment établi l'action souveraine exercée par la tragédie
grecque, non seulement sur la céramique contemporaine, mais sur toutes
les autres formes d'art (18). La réalisation des reliefs méliens et celle de
Pénélope sont probablement contemporaines (19). Et la Pénélope des reliefs
méliens n'est-elle pas la sœur d'Electre, assise dans la même attitude pensive
sur la tombe d'Agamemnon non seulement sur des reliefs d'argile, mais sur
une série de vases peints au IVe siècle, qui ont manifestement subi l'influence
d'Eschyle ? (20). Si, dans ce cas, l'attitude désolée d'Electre s'explique mal
par la scène du tombeau au début des Choéphores (21) où Electre,
découvrant la boucle de cheveux déposée par Oreste, se prend à espérer,
l'abattement de Pénélope ne pourrait-il être le reflet de l'œuvre d'Eschyle ? Alors que
VOrestie avait déjà trouvé un grand poète en Stésichore, Pénélope a dû
trouver le sien avec Eschyle.
En dehors de cette pièce, Pénélope a pu apparaître épisodiquement
dans les Psychagôgoi, les Ostologoi et dans Circé, dont il ne reste que deux
mots (22). Malgré toute notre ignorance, il est essentiel de remarquer
qu'Eschyle a vu dans l'histoire de Pénélope une situation suffisamment
dramatique pour écrire une tragédie. En la privilégiant, il la fait sortir de ce rôle
de comparse, la fait accéder au monde d'Oreste et de Prométhée où l'homme
cherche à dominer le destin, ne serait-ce que par la souffrance. Il ouvre la voie
à son neveu Philoclès dont la Souda vantait l'éloquence (23). Il fut aussi
attiré par le drame de la reine d'Ithaque et donna son nom à une de ses
tragédies CM). Que Philoclès soit revenu sur ce sujet montre qu'il avait des vertus
tragiques capables de plaire à un public athénien qui était devenu, au cours du
siècle, de plus en plus difficile à toucher.
Bien qu'aucun des titres conservés ne suggère un épisode précis de la
légende de Pénélope, il est certain que Sophocle a dû la faire figurer, à côté
d'Ulysse, dans des pièces dont les titres font appel le plus souvent à la légende
post-homérique : Ulysse acanthoplex, Niptra, Ulysse mainomenos, Euryale
et éventuellement Nauplios Katapleôn. De ces pièces il ne reste que des
fragments, et on est réduit, plus que jamais, à des conjectures.
L Ulysse acanthoplex (25) empruntait, on l'a vu, son sujet à la Télé-
gonie , ce qui ne veut pas dire nécessairement que Sophocle en conservait
l'esprit. Proclos dit qu'Ulysse fut tué par son fils Télégonos venu à Ithaque
LA LÉGENDE 51
prétation a été défendue récemment par P. Venini (37) dans un article sur
Pacuvius. Il conclut à son tour que l'auteur latin a dû fondre en une seule
œuvre les deux pièces du tragique grec. L'erreur serait due à un défaut de
mémoire fort plausible de la part de Cicéron. Sophocle aurait donc, comme
Eschyle, accordé à la femme d'Ulysse une place de choix dans son univers
tragique.
Que Pénélope ait pu attirer un dramaturge qui voulait être un guide et
représenter des êtres idéaux (38), n'a rien de surprenant. Malheureusement
aucun texte ne permet d'apporter des précisions. On sait seulement que
Sophocle n'aimait pas Ulysse. Sa personnalité est ambiguë dans Ajax où de
héros rusé comparé par Athéna à une chienne de Laconie (39), il devient un
sage loué par le chœur (40). Mais dans l'ensemble de son œuvre Ulysse est un
héros détestable. Dans Philoctète il est lâche, sans scrupule, corrompu, et il
se présente encore ainsi dans un des fragments de la pièce, Le rassemblement
des Achéens (41). Cicéron comparant la pièce de Sophocle avec celle de
Pacuvius n'avait guère d'estime pour le héros larmoyant de l'auteur grec. La
lâcheté d'Ulysse devait être au centre de son Ulysse mainomenos (42), Ulysse
fou, qui empruntait, on l'a vu, son thème aux Chants Cypriens. Cette folie
était celle qu'il avait simulée pour tenter d'échapper à l'invitation de Ménélas
et d'Agamemnon de se joindre à eux pour aller guerroyer contre Troie.
C'était la lâcheté qui justifiait aux yeux de Sophocle la ruse, lâcheté dénoncée
par Aristarque et Eustathe comme inventée par les auteurs post-homériques
(43). Qu'Ulysse soit capable d'un tel sentiment, Sophocle l'a montré au début
â'Ajax et dans Philoctète, où, au nom de l'obéissance sacrée du soldat, il
exige de Néoptolème qu'il entre dans le jeu de ses combinaisons perfides.
Dans le Philoctète d'Eschyle il avait au moins la dignité de ne pas se décharger
sur un autre de sa mission. V Ulysse mainomenos se déroulait à Ithaque et on
voit mal comment, dans une même tragédie, Pénélope aurait pu être complice
d'une telle lâcheté. Ainsi, face à l'avilissement d'Ulysse, la dignité d'une
Pénélope est très probable. Le Skyphos de Chiusi à lui seul n'apporte pas
de preuve décisive (44). Il date du milieu du Ve siècle et la carrière théâtrale
de Sophocle a été très longue. On ne peut manquer cependant d'être frappé
par cette impression d'écrasement qui se dégage de toutes les
représentations figurées au Ve siècle. Le skyphos en est l'exemple le plus fameux, mais
des œuvres plus modestes comme des plaques de terre cuite ne la démentent
pas. Pénélope est toujours seule face à un destin qui la dépasse, destin qui
chez Sophocle pouvait bien prendre la forme de la lâcheté d'Ulysse. Sophocle
a peint des caractères féminins pleins de force et de fermeté dans Electre,
dans Ajax avec Tecmessa, dans Antigone et Oedipe à Colonne avec Ismène
(4ς) Pour la Déjanire des Trachiniennes qui est tout amour et conserve sa
dignité au milieu des épreuves, on a voulu voir dans la Pénélope d'Homère
un modèle évident (46).
Pénélope devait, de même, jouer un rôle important dans la pièce
intitulée Euryah (47). Le contenu est connu par le conte de Parthénios, Au sujet
d'Evippé. Si l'on en croit Parthénios (48) Ulysse, après avoir tué les
prétendants, alla en Epire, et là il abusa d'Evippé, la fille du roi Tyrimmas et eut
d'elle un fils, Euryale. Envoyé par sa mère à Ithaque à la recherche de son
père, il fut reconnu par Pénélope. Ulysse étant absent, Pénélope le persuada à
son retour de tuer l'étranger en l'accusant d'avoir voulu lui faire quelque mé-
chanteté. Ulysse devint ainsi le meurtrier d'un de ses fils (49). Parthénios
termine son résumé en disant qu'Ulysse, peu de temps après avoir commis ce
LA LÉGENDE 53
crime, fut blessé par un de ses fils avec l'épine d'une raie de mer et qu'il
mourut. On reconnaît le sujet de Y Ulysse acanthoplex . C'est peut-être pour
expliquer cette mort que Sophocle a inventé l'histoire d'Euryale. Ulysse
infanticide involontaire subira le même sort ; de même qu'il a tué son fils Euryale, il
sera tué lui aussi par un autre de ses enfants. La vengeance de Pénélope a
paru même comme un thème essentiel de la pièce (50) puisqu'on a pu s'en
servir comme argument pour préférer la version de Parthénios dans laquelle
Ulysse tue Euryale : la vengeance de Pénélope aurait été incomplètement
exécutée si le père n'était pas devenu le meurtrier de son fils. La vengeance est
bien un ressort tragique chez Sophocle. L'exemple le plus connu est celui
d'Electre, et on peut imaginer sans mal Pénélope, nouvelle Electre, de qui
l'art figuré l'a si souvent rapprochée.
Pénélope pu aussi figurer dans la pièce Nauplios katapleôn, (Nauplios
débarquant), si elle n'est pas la même que Nauplios pyrhaeos (Nauplios
allumant le feu) avec laquelle on l'a si souvent identifiée (51). Ce dernier titre
fait évidemment allusion à la vengeance de Nauplios qui, rentré de Troie sans
avoir pu obtenir justice pour la mort de son fils Palamède, alluma des signaux
lumineux sur les rochers de l'Eubée contre lesquels les bateaux grecs vinrent
se fracasser (52). Mais Sophocle aurait pu choisir une des autres formes qu'a
revêtues la vengeance. Pour les uns, Nauplios engloba dans sa haine
vindicative un certain nombre de chefs grecs dont il poussa les femmes à l'adultère
(53) ; pour d'autres, il poursuivit le seul Ulysse, principal responsable de la
mort de Palamède. C'est ainsi qu'il jeta Pénélope dans la mer (54) et causa le
suicide d'Anticleia, la mère d'Ulysse, en lui annonçant la mort de son fils
(55). Mais ce ne peut être là que simple hypothèse. Cependant, même en
excluant cette dernière pièce, il est certain que Sophocle a accordé une place à
Pénélope dans ses tragédies et que, de la lâcheté d'Ulysse, devait naître sa
grandeur.
Si Euripide lui porte un intérêt moins grand qu'Eschyle, et même que
Sophocle, il ne déformera pas cette vision qui avait fini par s'imposer au cours
du siècle. Euripide s'intéresse peu à YOdyssée. Il en tire seulement un sujet
avec le Cyclope. Mais Ulysse figure dans ses pièces troyennes comme un
ambitieux démagogue (56), soucieux de manier les foules. Dans ces mêmes pièces,
au contraire, il garde son estime à Pénélope. On connaît pourtant ses
tendances misogynes (57) déjà dénoncées par ses contemporains. Les
Athéniennes des Thesmophories lui reprochaient de trouver plaisir «à des sujets
où il y avait une femme mauvaise, représentant des Mélanippes et des Phèdres,
jamais Pénélope parce qu'elle passait pour vertueuse»(58). Si Pénélope est
absente de ses tragédies en tant que protagoniste, il fait allusion à elle à deux
reprises, à chaque fois pour louer sa vertu. Lorsqu'Oreste, dans la pièce de
même nom, essaie de se justifier auprès de Tyndare, venu lui demander des
comptes sur le meurtre de sa fille Clytemnestre, il évoque Pénélope selon le
procédé classique de la sophistique qui consiste à argumenter par l'exemple.
C'est sa vie que joue Oreste, et on peut penser que l'exemple a été choisi en
fonction de cet impératif. Pour Tyndare, l'oncle de Pénélope, comme pour
les Athéniens qui écoutaient en 408 le drame d'Euripide, l'exemple doit être
probant. Pour Oreste (59) l'adultère de Clytemnestre est aussi grave que le
meurtre d'Agamemnon engendré par la faute initiale. Pénélope fidèle n'a pas
encouru la haine de son fils : «Tu le vois : l'épouse d'Ulysse n'a pas été mise
à mort par Télémaque ; c'est qu'au lieu de prendre un second époux, elle
garde au foyer sa couche intacte» (60). Si lui-même a enfreint la loi, comme
54 M. -M. MACTOUX
gens instruits dans les arts libéraux, mais ignorant la philosophie étaient
comme les prétendants de Pénélope : ceux-ci ont à leur gré Mélantho, Poly-
dora et les autres servantes, mais ils ne peuvent pas épouser la maîtresse».
Aristippe employait le mot plus vague d'études là où Gorgias disait sciences
(mathemata) mais la signification est identique ; l'un et l'autre opposent à la
philosophie toutes les autres formes de connaissance. Il n'est pas certain qu'ils
poussaient la comparaison au point de voir dans Pénélope la sagesse elle-mêmepeut-*
comme le fera plus tard la philosophie néoplatonicienne. Mais ce sont
être les premiers balbutiements d'une allégorie qui est plus ancienne qu'on a
pu le penser (73). En tout cas le proche passé de Pénélope a dû contribuer à
la création d'une comparaison où elle cesse d'être objet de désir pour devenir
sujet désirable. Pythagore louait Ulysse d'avoir préféré Pénélope à Calypso.
Gorgias et Aristippe louent Pénélope de ne pas se donner à ceux qui ne font
pas l'effort de la mériter.
Pénélope a été pendant très longtemps exclue des sujets comiques ;
aucune mention d'elle chez les auteurs de la comédie ancienne. Cratinos
serait le seul à avoir pu la faire paraître dans une pièce intitulée Les Ulysses
(74) pièce très tardive (75) généralement considérée comme appartenant à la
comédie moyenne. Dans les fragments qui nous sont parvenus (76), il est
question d'Ulysse et de Polyphème. La pièce se bornait-elle à traiter d'Ulysse
chez le Cyclope ? Il ne le semble pas. Platonios dans son traité Sur les
comédies (77) disait que LesUlysses de Cratinos ne comprenaient aucune attaque
précise et faisaient une satire de l'Odyssée. J.M. Edmonds a proposé
d'attribuer à Pénélope et à Ulysse le court dialogue au cours duquel quelqu'un
demande à son interlocuteur où il a rencontré le fils de Laè'rte (78). Le terme
employé est «andra» qui peut vouloir dire «mari». Il s'agirait de Pénélope
demandant à Ulysse déguisé où il avait vu son mari. Le faux mendiant, alors,
répondait qu'il l'avait aperçu à Paros, au marché, en train de choisir un
concombre. Au style épique de Pénélope répond le langage familier d'Ulysse.
Mais ces paroles ont été généralement mises dans la bouche de Polyphème
(79).
Faut-il penser que son caractère se prêtait infiniment moins que celui
d'Ulysse, l'homme aux mille ruses, à un traitement comique ? En tout cas
Aristophane (80) donnait l'exemple en parlant sérieusement de Pénélope,
la vertueuse, qu'il opposait à Phèdre la dévoyée. Ces paroles sont mises dans
la bouche d'une Athénienne des Thesmophories pour qui Pénélope est
l'exemple indiscutable d'une femme tempérante. Son choix revêt d'autant plus de
signification qu'il s'agissait pour elle de récuser un défenseur d'Euripide,
essayant de laver son parent de l'accusation de calomnier les femmes et de les
traîner dans la boue. Il fallait choisir une héroïne invulnérable même pour les
plus ardents détracteurs des femmes. D'ailleurs, quand le parent d'Euripide
lui répond, il ne le fait pas en attaquant Pénélope, mais en disant que si
Euripide n'a pas mis en scène Pénélope, c'est faute d'en trouver des exemples
à l'époque contemporaine. Il n'y a plus parmi les femmes une seule Pénélope
mais seulement des Phèdres (81). La vertu de Pénélope est donc acceptée
sans discussion par l'un et l'autre camp, y compris par Aristophane qui dans
ces mêmes Thesmophories se fait l'écho de violentes accusations portées à
l'égard des femmes (82).
Il faut attendre l'extrême fin du siècle pour que Pénélope devienne le
sujet d'une comédie de Théopompe. Elle devait figurer également dans une
autre de ses pièces, Ulysse, qui se déroulait à Ithaque si l'on peut en juger
d'après un fragment (83) où Ulysse parlait d'une tunique qu'on lui avait
donnée pous s'habiller. Or de la comédie intitulée Pénélope (84) qu'on a proposé
56 M-M.MACTOUX
plus grands poètes furent à la fois les représentants de l'esprit national et les
guides spirituels des Athéniens (100). Qu'Eschyle et Sophocle aient choisi de
faire revivre l'existence tourmentée d'une modeste reine prouve que sa
passion était vécue, alors, comme un élément essentiel de toute destinée
humaine.
Mais l'exaltation qu'a connu le personnage dans la tragédie s'apaise
brusquement au IVe siècle. Les dramaturges n'en font plus de cas, et les
grands philosophes de ce temps le négligent. La tragédie pourtant n'est pas
morte ; les auteurs tragiques de cette période continuent à être fort
nombreux, et les vieux thèmes mythiques dont le succès est assuré sont
indéfiniment repris. Mais, parmi eux, celui de Pénélope a été manifestement
abandonné. Peut-être un Chérémon la met-il encore sur scène dans un drame
intitulé Ulysse dont parle Athénée (101). Mais on ne dispose d'aucune indication
pour savoir à quel aspect de la légende d'Ulysse il se réfère. La Souda faisait
également de Chérémon l'auteur d'une autre pièce, Traumatias, l'homme
blessé, dont le titre évoque le thème de l'Ulysse blessé par son fils Télégonos
dont parle Aristote (102), sans nom d'auteur. Mais ce second drame est
rejeté par la critique moderne (103). Le point de départ de cette attribution
était le fragment d'Athénée (104) auquel La Souda renvoie ; on s'accorde à
penser que le passage cité n'est pas de Chérémon, mais d'Alexis, le poète
comique. Quant à Aristote, il songe bien évidemment à la pièce de Sophocle.
Si Pénélope a dû maintenir à côté d'Ulysse dans les pièces de la comédie
moyenne, ce n'est plus elle qui attire, mais Ulysse. Déjà au Ve siècle, nous
avons vu que Cratinos avait intitulé une de ses comédies Les Ulysses ; mais
lorsque Théopompe, décidément passionné par le couple d'Ithaque, écrit
son Ulysse aux environs de 393 (105), il ouvre la voie à tous ceux qui, après
lui, font du héros la cible de leurs railleries comiques. Sans parler de la pièce
de Théopompe, on relève, au cours du siècle, cinq titres où figure le nom
d'Ulysse, en négligeant les pièces où il a pu faire une apparition épisodique.
L'Antiquité a gardé le souvenir d'un Ulysse d'Anaxandride (106), d'un
d'Euboulos(107), d'un autre d'Amphis (108), et de deux pièces d'Alexis (109),
le Lavement de pieds d'Ulysse, et Ulysse au métier (1 10). Les dates probables
(111) montrent une persistance du thème tout au long du siècle, porté sur
scène par des auteurs qui viennent de tous les horizons du monde grec.
Anaxandride est rhodien (111) ; Euboulos et Amphis, athéniens (111) ;
Alexis, de Thurium (111), mais tous se retrouvent à Athènes où ont dû être
jouées leurs pièces. Une inscription ( 1 1 2) nous apprend même qu'Alexandride
reçut un prix aux Dionysies pour son Ulysse.
Sauf dans le cas d'Alexis dont les titres éclairent quelque peu le contenu
les fragments ne permettent pas de se faire une opinion sur les sources. Dans
le Lavement de pieds d'Ulysse et Ulysse tissant, Alexis s'est attaché à parodier
YOdyssée. Ulysse travaillant au métier à la place de Pénélope était une
situation cocasse. Mais si Alexis s'inspire de Y Odyssée, en est-il de même des
autres ? On sait, par exemple, que les pièces d'Euripide où Ulysse apparaît
sont, soit des pièces troyennes comme Hécube, Les Troyennes, Iphigénie à
Aulis, soit des pièces se rattachant aux récits chez Alkinoos, comme le
Cyclope. Si Pénélope donnait la réplique à Ulysse, il est très difficile de se
prononcer sur la part qu'on lui réservait. Le même Euboulos qui a écrit un
Ulysse, évoque Pénélope (113) dans une autre pièce, Chrysilla, sans doute
du nom d'une courtisane. Comme chez Aristophane, il y loue sa grande valeur
et, selon le schéma classique, il l'oppose à Médée, la femme mauvaise, comme
58 M.-M.MACTOUX
Notes du CHAPITRE IV
(1) A. Plassart, «Inscriptions du Thespies», BCH, 1958, p. 117, n. 63 (SEG, XIX
(1963) n. 355). Les caractères permettent de dater l'inscription de la fin de
l'époque archaïque ou des débuts de l'âge classique (A. Plassart, loc. cit.).
(2) Le meurtre d'Agamemnon, thème de VOrestie, est mentionné trois fois dans
VOdyssée, mais ce sont surtout les Retours qui ont inspiré la trilogie.
(3) A. Nauck, Tragicorum graecorum fragmenta, Leipzig, 1856 (réimpression
Hildesheim, 1964), fr. 187.
(4) Ibid., fr. 275.
(5) Ibid. fr. 179 et 180.
(6) Ibid. fr. 114 et 115.
(7) L. Séchan, Etude sur la tragédie grecque dans ses rapports avec la céramique,
Paris, 1926, p. 180, n. 3.
(8) G. Murray, Aeschylus, the creator oftragedy. Oxford, 1962, p. 164.
(9) A. Nauck, op. cit., p. 58.
(10) G. Murray, op. cit., p. 167.
(11) Fr. 187, A. Nauck.
(12) Od. XIX, 180 sq.
(13) Fr. 180, A. Nauck.
(14) Fr. 275, A. Nauck.
(15) The Ulysses thème, p. 104.
(16) Fr. 175, A. Nauck.
(17) La crainte et l'angoisse dans le théâtre d'Eschyle, Paris, 1958, p. 1 1.
(18) L. Séchan, op. cit., en particulier chapitre III, Influence de la poésie sur l'art.
(19) Les reliefs méliens datent du second quart du Ve siècle (voir infra, p. 69 ).
D'autre part, il existe manifestement un lien entre les pièces de la tétralogie dont
fait partie Pénélope. Si l'on admet que ce n'est qu'assez tardivement que l'unité
s'imposa - elle n'existe pas dans la trilogie dont font partie les Perses de 472 - ne
pourrait-on dater Pénélope du second quart du Ve siècle ? En tous cas, il semble
possible que les reliefs méliens ne soient pas antérieurs à la pièce.
(20) L. Séchan, op. cit., p. 88-93.
(21) 164 sq.
(22) Fr. 114 et 115.
(23) S. v.
(24) Ibid.
(25) Fr. 453-461, A. C. Pearson.
(26) Télégonie, in A. Severyns, op. cit., 324-326.
(27) Epitomé, VII, 36. Les scholies ad Od. XI, 134, indiquent l'origine de cette mort
en disant que pour le terme exalos employé par Homère il y a deux lectures. En
un seul mot il signifie «loin de la mer» ; en deux mots, les termes qualifieraient
une mort qui «vient de la mer». Chez Homère, Ulysse a envie d'une mort paisible
sur la terre ferme. Cf. A. Severyns, Le cycle épique dans l'école d'Aristarque,
p. 413. Contra, V. Bérard qui traduit le vers dans VOdyssée, (XI, 134) par : «et
la mer t'enverrait la plus douce des morts»,
(28) Tusculanes, II, 21,49.
(29) L'Ulysse traumatias, l'Ulysse blessé, cité par Aristote {Poétique, XIX, 1453 b,
29) sans nom d'auteur, est certainement la même pièce qu'Ulysse acanthoplex.
(30) Die griechischen Tragoedien, Ι,Βοηη, 1839, p. 242.
(31) «Ulysse chez les Arcadiens», Gazette archéologique, 1888, p. 262 sq.
(32) Vie anonyme de Sophocle, 20, in Sophocle I, texte établi par A. Dain et traduit
par P. Mazon, Paris, 1962.
(33) Cf. A. C. Pearson, The fragments of Sophocle, 1ère éd. 1917 ;réimp. Amsterdam,
1963, General introduction, p. XXIV.
(34) A. C. Pearson, op. cit., II, p. 105, n. 1.
(35) L. Séchan, op. cit., p. 178-180.
(36) La modification de noms homériques n'est pas exceptionnelle. Ainsi la mère
d'Oedipe, Epicaste chez Homère (Od. XI, 271) est devenue Jocaste chez les
Tragiques.
(37) «Sui Niptra di Pacuvio», RIL, 1954, p. 175. Cf. L'analyse de H. P. Johansen,
Lustrum, 1962, Sophocle (1939-1959). p. 284, n. 824.
(38) Aristote, Poétique, 1460 b.
(39) 8.
62 M.-M.MACTOUX
(40) 1374-1375.
(41) 142. A.C. Pcarson.
(42) Ir. 462 à 465. A. ('. Pearson.
(43) Voir supra, p. 32
(44) Voir infra, p. 73 sq.
(45) T. B. L. Webster, /1/î introduction ta Sophocles, Londres. 1969. Chap. 111, Charac-
ters. passim.
(46) Cedric H. VVliitman. Sophocles, A study oj heroic humanisai. Cambriduc, 1951,
p. 113.
'
(47) La pièce est citée par Lustathe. 1796. 5 2 ; cï Λ. C. Pearson, op. cit.. I. p. 145.
(48) Erotica. 3.
(49) Si Wilamouilz. Honicrischc Uutersuchuugen. Berlin. 1884. n'est pas une source
entièrement digne île loi pour la reconstruction de la pièce de Sophocle, la plupart
des critiques, cependant, lui accordent leur faveur. Ceci est important parce qif
Lustathe fait tuer F.uryale par Télémaque, tandis que Parthemos fait d'Ulysse le
meurtrier. Le rôle de Pénélope s'en trouve considérablement modifié.
(.50) .1. Vurtheim. «De Lugainmonis Λ elegonia». Mnemosyne. XXIX, 1901, p. 23-58.
(51) Fr. 425-438, A. C Pearson. Voir le résumé des diverses hypothèses dans A. C.
Pearson. op. cit.. 11, p. 80-83.
(5 2) Schol. ad Or est.. 432.
(53) Lycophron, Alexandra. 1093-1096
(54) Lustathe. 1422. 8.
(.55) Schol ad Od.. XL 202.
(56) Ln particulier dans Hécube. 131 sq., et les Troycnnes. 280 sq.
(57) Cf. la virulente tirade d'Hippolytc dans Hippolyte. 616 sq.. oii il dénonce la
perversité féminine.
(58) 546-548 ; trad. H. Van Duc-le m Aristophane. IV. Pans. 1962.
(59) Oreste. 572 sq.
(60) 590 : trad. L. Mendier, m Euripide. VI. 1 , Paris. 1 959.
(61) 572.
(62) 649-650.
(63) 565.
(64) 42 1-423 ; trad II. Grégoire, in Euripide. IV. Paris. 1964
(65) Troycnnes, 282.
(66) W. B. Stanford. The Ulysses thème, p. 114 et n. 26.
(67) D'autres pièces consacrées au cours du Ve siècle à la légende d'Ulysse ont pu
évoquer les rapports d'Ulysse et de Pénélope. Mais ce sont que des titres dont la
signification même n'est pas évidente. A la fui du siècle Achéos d'Lrétrie avait écrit un
drame satyrique Aithon. Athénée. (Banquet des Sophistes. VI, 270 bc ; IX, 368 a,
IX. 376 a - fr. 6.7.8, A. Nauck) en parle, citant quelques extraits qui n'éclairent
guère le contenu de la pièce. Aithon, ayant pour aïeul Minos, le roi de Crète,
est le nom qu'Ulysse se donne (Od. XIX. 183) lorsque Pénélope interroge le
mendiant sur son identité, et le seul fragment conservé de la pièce d'i schyle, Pénélope
sont les paroles prononcées par quelqu'un, probablement Ulysse, qui se dit erétois
d'une race très ancienne. On citera à peine Timésithéos et Apollodore de Tarse
connus seulement par la Souda s. v. comme auteurs tragiques, mais d'époque
indéterminée. Parmi les titres rapportés à Timésithéos figure une pièce. Les
prétendants. Il s'agit peut-être de ceux d'Hélène qu'il avait prise comme sujet
d'un autre draine (L. Diehl, P. W., s. ν. Timésithéos). A Apollodore de Tarse,
la Soudais, v.. attribue deux pièces qui pouvaient s'inspirer de la légende d'Ulysse
Acanthoplex dont le titre rappelle VUlysse acanthoplex de Sophocle, et une autre,
:
L 'infanticide qui évoquait peut-être le meurtre de Télégonos par Ulysse. Ces deux
pièces pourraient n'en faire qu'une.
(68) la Souda , s. v. distingue trois auteurs du nom tic «Phérécyde» : Phérécyde de
Syros, Phérécyde l'Athénien, et Phérécyde de Leros. On a de bonnes raisons de
croire que les deux derniers n'en font qu'un (c\. K. Millier, /·'//(/, 1. Paris, 1853,
p. XXXV).
(69) Phérécyde l'Athénien est généralement situé au Ve siècle, (cf. A. et M. Croiset,
Histoire de la littérature. Il, p. 548), bien que les auteurs anciens le donnent,
tantôt comme plus âgé. tantôt comme plus jeune que Phérécyde de Syros qui
écrivit certainement au milieu du Vie siècle. (Cf R. Tozzi. «Ferecidc di Siro», RAL,
1967. p. 206-235).
(70) Fr. 128. EGH, 1 {Schol ad Od. XV, 16).
(71 ) 82, B 29, H. Diels et W. Kranz, Die Fragmente der Vorsokratiker, Berlin, 1959.
LA LÉGENDE 63
(72) Vie des philosophes illustres, II, 79 ; trad. R. Genaihe, Diogène Laërce, I, Paris
1965 cfr. 23, E. Mannebach, Arisîippi et Cyrenaicorum fragmenta, Leidèn, 1961.
(73) F. Buffière, Les mythes d Homère et la pensée grecque, Paris, 1956, p. 391,
affirme que l'allégorie ne s'est développée qu'après Aristote. Il ne cite d'ailleurs
ni la comparaison de Gorgias ni celle d'Aristippe. Elle fut également parfois
attribué à Aristote (Apophtegmata, 26, A. Heitz, Fragmenta Aristotelis, Paris, Didot,
1886).
(74) La Souda, s. v.
(75) J.M. Edmonds, AC, I, Leiden, 1957, n.b,P· 70-71.Bien qu'il propose deux dates
assez éloignées, 451 et 439 - 7, J.M. Edmonds penche pour la date la plus basse et
voit dans la pièce une allusion à l'exil de Phidias.
(76) Fr. 1 35-150, J.M. Edmonds.
(77) 1, 12, G. Kaibel, Comicorum graecorum fragmenta, I, Berlin, 1958.
(78) Fr. 149, J.M. Edmonds, commentaire, p. 70-71, n.b.
(79) Cf E.D. Philipps, p. 64, in «The comic Odysseus», G & R, 1959, p. 58 sq.
(80) Thesmophories, 547-548.
(81) /Ζ?κ?ν549-550.
(82) Ailleurs, comme dans Lysistrata, il prendra au contraire la défense des femmes.
(83) Fr. 33, J.M. Edmonds.
(84) Fr. 47-49.
(85) J.M. Edmonds, op. cit., I, p. 866, n. a.
(86) Poetarum comicorum graecorum fragmenta, II, 2, Berlin, 1890, p. 810, fr. I.
(87) J.M. Edmonds, op. cit., ibid.
(88) E.D. Phillips, loc. cit., p. 65.
(89) Od, XX, 276-278.
(90) Pour l'importance de ce trait dans l'Odyssée voir notre chapitre I, deuxième
partie.
(91) T.B.L. Webster, Studies in later Greek comedy, Manchester, 1953, p. 17.
(92) H, 145 ; trad. Ph. E. Legrand, Hérodote, Histoires, II, Paris, 1963.
(93) II, 43^5.
(94) W.W. How et J. Wells, A commentary on Herodotus, I, Oxford, 1928, p. 128.
(95) Ph. E. Legrand, op. cit., I A, Introduction, p. 84. Certes Hérodote prend aussi
comme exemple Héraklès, qu'il fait naître d'Alcmène et d'Amphitryon, sans
parler de Zeus, alors que déjà dans le bouclier du pseudo-Hésiode, (v. 1 sq.), qui date
du Vie siècle avant J.C. et dans un passage récent de VOdyssée (XI, 266-268),
mais qui ne doit pas être postérieur, Héraklès était fils de Zeus. Cependant
Hérodote ne fait que choisir un des aspects d'une légende parfaitement connue
sous ses deux formes.
(96) Frl00,Br. SnelL
(97) 26-27.
(98) J. H. Finley, Pindar and Aeschylus, Harvard - Cambridge, 1955, p. 163.
(99) A la fin du siècle, Timéthéos de Milet qui renouvela le dithyrambe écrivit un
Ulysse en quatre livres {Etymologicum Magnum, s. v«). D'après les fragments
conservés, il est naturel de penser que les quatre dithyrambes suivaient le schéma
de VOdyssée. L'un des fragments parle de Laërte, et le poème devait évoquer le
retour d'Ulysse auprès des siens. Mais il n'a pas laissé d'autres échos»
(100) W. Jaeger, op. cit., p. 292.
(101) La Souda. s. v.: f Athénée, XIII, 608 e.
(102) Poétique, 1453 b, 29.
(103) A. Nauck, TF, p. 781 sq.
(104) Athénée, XIII, 562 f.
(105) J.M. Edmonds, ^C, I, fr. 33-35.
(106) Idjbid., II, fr. 33-34.
(107) Ibid, fr. 71.
(108) Ibid, fr. 27.
(109) Ibid, fr. 154 et 155- 156.
(110) Athénée, XIV, 650 e, cite une pièce d'Alexis, Les prétendants. Il ne semble pas
légitime d'en faire comme J. M. Edmonds, op. cit., p. 446, une pièce différente de
l'autre pièce d'Alexis, Les prétendants d'Hélène. C'était l'avis de A. Meineke,
Fragmenta comicorum graecorum, III, Berlin, 1839-1857, p. 412, 3. De même
il faut éliminer une pièce, Le fou ou La folie, dont le nom a été seulement à
moitié conservé sur une inscription (J.M. Edmonds, op. cit., p. 45) et qui aurait pu
faire penser à un Ulysse fou.
64 M.-M.MACTOUX
(1 11) La Souda, s. v. Les dates proposées par J. M. Edmonds sont respectivement : 393 ;
358 (?) ; 355 ; 338-326 pour la pièce d'Alexis, Ulysse au métier.
(112) J. M. Edmonds, op. cit., II, p. 45.
(113) Fr. 116, J. M. Edmonds.
(114) II a existé, au temps de Socrate et tout au long du IV e siècle, une série de rhéteurs
qui s'efforçaient de découvrir le sens caché d'Homère et l'enseignaient à la
jeunesse à la manière des sophistes. Le rôle de ces professeurs d'allégories a dû être
important si l'on en juge d'après ce que dit Xcnophon (Banquet, III, 6). Mais il
ne reste, ou presque, que des noms. Xénophon cite «Stésimbrotc de Thasos,
Anaximandre et bien d'autres», et Platon ajoute à cette liste Métrodore de Lamp-
saque et Glaucon (Ion, 5 30 c sq.). Il est possible que certaines actions de Pénélope
aient reçu une interprétation allégorique. Mais il s'agissait surtout d'une exégèse
physique inaugurée par Théagènc de Rhégion dans la deuxième moitié du Vie
siècle. Ils voyaient dans les mythes homériques la transposition de phénomènes
cosmogo niques et cherchaient surtout à retrouver dans les dieux, leurs luttes et
leurs rapports, les luttes et les rapports des éléments entre eux (K Buffière, op,,
cit., p. 123-136). Pénélope n'a pu tenir dans ces systèmes allégoriques une très
grande place.
(115) G. Rodier, «Conjecture sur le sens de la morale d'Antisthène», p. 25 sq., in
Etudes de philosophie grecque, Paris, 1957.
(116) Schol. Ε ad Od. V, 211 ν 52 A, F. Decleva-Caizzi, Antisthcnis fragmenta, Venise
Milan, 1966.
(117) Trad. F. Buffière, op. cit., p. 371.
(118) F. Buffière, op. cit., p. 372, tout en remarquant que cette partie de la scholie
n'est pas attribuée à Antisthène, suggère, en s'appuyant sur l'identité du thème,
qu'il pourrait bien s'agir encore là du point de vue du philosophe.
(119) Diogene Laè'rce, VI, 15, 18 in Diogenis Laertii Vitae philosophorum, II, éd. H. S.
Long, Oxford, 1964.
(120) VI, 17-18. Les éditeurs successifs proposent pour ce passage deux lectures
différentes. Pour les uns, on a deux titres : «Au sujet d'Ulysse et de Pénélope» et «Du
chien»- Pour les autres, les deux titres n'en font qu'un, «Au sujet d'Ulysse et de
Pénélope et au sujet du chien». Nous adopterons cette dernière version proposée
par C. G. Cobet, De clarorum philosophorum vitis, Paris, 1850, et suivie par H.S.
Long, Diogenis Laertii Vitae philosophorum, II, Oxford, 1964. F. Dccleva Caizzi,
dans son édition des fragments d'Antisthène, envisage la possibilité de deux titres
mais ses remarques dubitatives indiquent qu'il penche pour un titre unique.
(121) F. Decleva-Caizzi, op. cit., n. p. 84.
(122) De Antisthenis vita et scriptis, Dissertatio Maiburg, 1860, p. 53.,
(123) L. François, Essai sur Dion Chrysostome, Paris, 1921 , p. 120-140.
(124) J. Labarbe, VHomère de Platon, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et
Lettres de l'Université de Liège, 1949, p. 395 sq.
(125) Pour le Socrate de YAlcibiode (112c) Γ Iliade et l'Odyssée sont des «poèmes qui
ont pour sujet des dissentiments sur le juste et l'injuste». C'est ainsi qu'il faut
comprendre la cause de l'affrontement des «prétendants de Pénélope et d'Ulusse»
Formule lapidaire par laquelle il résume l'épopée (trad. M. Croiset).
(126) 84.
(127) Trad. L. Robin, in Platon,\N, Paris, 1926.
(128) L. Robin, op. cit., p. 46, n. 1.
(129) Elle ressurgit dans la litérature occidentale, sous forme de métaphores ou de
paraboles, à toutes les époques. Cf. encore récemment, A.J. Toynbee, A study of
history, Londres, 1960, p. 555-556.
(130) De vita et poesi Homeri.135, Plutarchi Moralia, II. éd. G.N Bernadakis, Leipzig,
1896.
(131) A l'exclusion, évidemment, des Difficultés homériques, commentaire à des
passages difficiles des œuvres d'Homère (cf. P. Moraux, Les listes anciennes des
ouvrages d'Aristote, Louvain, 1951, p. 114-115) et connues seulement par des
fragments (fr. 142-179, V. Rosé, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta,
Leipzig, 1886). Pénélope est citée dans le fragment 176 dans lequel Aristote
commente le fait qu'Ulysse préféra ne pas se faire reconnaître de sa femme.
(132) III, 16,7,1417 a.
(133) 1461b.
(134) Ibid., 1455 b, 16 ;trad. J. Hardy, Paris,1965.
(135) Ibid., 1454 b.
LA LÉGENDE 65
LE Ve SIECLE
1 - Plaque de terre cuite. New- York, The Metropolitan Muséum of Art. 25.
78. 26. Première moitié du Ve siècle.
- P. Jacobsthal, Die melischen Reliefs, n. 95. pi. 54.
- G. M. A. Richter. «New accessions in 1 lie classical département».
BMM, 1926. p. 80 sq.. fig. 1.
- IVî.R. Schercr, The legends of Troy in art and H fera turc, pi. 146.
- 0. Touchefeu-Meynier, TO, n. 457.
La scène se passe à l'intérieur du palais comme l'indiquent les quatre
colonnes doriques qui soutiennent le toit. Luryelée, agenouillée devant Ulysse, lui
lave les pieds. Sa tète manque, mais on peut la voir sur un autre relief sorti du
même moule (8). Elle regarde simplement la cicatrice. A l'arrière-plan, Télé-
maque et Pénélope, debout, assistent à la scène sans y participer. Comme le
regard de Télémaque, celui de Pénélope se porte au delà d'Ulysse assis sur un
tabouret. Sa présence, uniquement physique, respecte l'esprit de la scène
odysséenne. On se souvient qu'Athéna détournait alors son attention pour
qu'elle ne pût reconnaître la cicatrice révélatrice.
319-323, pi. IL
- 0. Touchefeu-Meynier, TO, p. 294, n. 20.
A gauche un homme vêtu d'une ample exomide coiffé d'un pilos, est assis
sur un tabouret. Il est en train de tailler avec un couteau un bâton en forme
de crosse. Un vieux chien amaigri relève la tête vers lui. A droite, une femme
également assise sur un tabouret, vêtue d'un chiton et d'un manteau qui
enveloppe ses jambes est occupée à faire un filet sans nœud. Devant elle, un
kalathos rempli de pelotes de laine et un fuseau.
J . Six a vu sur ces plaques Ulysse et Pénélope, en remarquant cependant
que ce n'est pas au métier à tisser traditionnel que travaille Pénélope; elle
est en train de faire un ouvrage plus rare qui consiste non seulement à
entrecroiser les fils de la trame, mais à en introduire un autre qui se déroule d'un
peloton, comme on le fait pour un tissu broché. Pour que le travail se défasse,
il lui aurait suffi, lorsqu'elle s'arrêtait, de ne pas prendre les précautions
voulues pour maintenir le fil. L'authencité de cet objet n'est pas prouvé, mais
l'esprit semble assez proche de celui des reliefs méliens. Entre le mendiant
occupé à un travail stérile et une femme qui accomplit une œuvre non moins
stérile, aucune communication n'est possible.
VASES
On possède seulement deux vases du Ve siècle (20) représentant
Pénélope. C'est évidemment peu si l'on remarque, par exemple, que pour la même
période on en connaît trois, un canthare (21), une amphore (22) et une
pyris (23) unanimement interprétés comme la rencontre d'Ulysse et de
Nausicaa. Mais ils sont d'autant plus significatifs qu'illustrant deux épisodes
différents de l'histoire homérique de Pénélope, ils donnent d'elle cette double
image qui la caractérise dans l'art classique.
Skyphos. Chiusi, Musée National Etrusque, 1831. Du peintre de Pénélope
(440-435).
- F. Muller, 01, p. 84.
- R. Engelmann, L'œuvre d'Homère illustrée par l'art des Anciens,
Paris, 1891, pi. III, 2.
- E. Michon, «La suppliante Barberini au Musée du Louvre», MMAI,
XXXV, 1935-36, p. 115.
- J. D. Beazley , Attic red*figure vase-painters, II, p. 1300, n. 2.
- J. Charbonneaux, R. Martin, F. Villard, Grèce classique, fig. 289.
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 373 et pi. XXXIII, 2.
Sur ce skyphos si célèbre qu'il a servi à désigner l'artiste du nom de peintre
de Pénélope, Pénélope est individualisée par un grand métier à tisser, tendu à
l'arrière plan comme une toile de fond. Elle est assise sur un tabouret, la tête
appuyée sur la main droite. A sa gauche, un jeune homme debout presse éner-
giquement sa lance sur le sol : c'est Télémaque qui regarde intensément sa
mère perdue dans ses tristes pensées. On a souvent noté la grandeur
dramatique qui se dégage de la scène. Le choix de Télémaque confronté avec sa
mère éplorée ne limite pas la signification de cette rencontre. Cest aussi
l'épouse tourmentée que l'artiste a voulu suggérer, celle dont le tourment
s'accroît par les initiatives soudaines et cachées de son fils. Alors que sur les
reliefs méliens la présence d'Ulysse annonçait le dénouement, ici le désespoir
de Pénélope est total. Si l'influence de la grande peinture est sensible dans la
réalisation : pose de Pénélope, représentation en perspective du tabouret,nota-
tion d'une ombre portée du visage de Télémaque qui se détache sur le métier
74 M. -M. MACTOUX
à tisser, (24) elle apparaît aussi dans l'émotion qui se dégage des attitudes. Ce
n'est pas un hasard si on a pu parler à propos de ce vase de l'influence de la
peinture de Polygnote (25).
A quel moment de la légende faut-il situer cet entretien de la mère et du
fils ? S'agit-il d'une illustration du prologue de la pièce de Sophocle, Niptra,
dans lequel Pénélope aurait envoyé Télémaque à le recherche de son père
reparti pour faire à Poséidon l'offrande prescrite par Tirésias ? (26) Ou aurait-
on l'entretien qui suivit le retour de Télémaque, conformément au chant
XVII de V Odyssée repris par Sophocle dans sa pièce, hypothèse seulement
acceptable si Niptra provenant de YOdyssée constituait une pièce différente
de Y Ulysse acantoplex ? (27). Mais qu'il s'agisse du départ ou du retour de
fils, Pénélope ne manifeste aucun autre sentiment qu'un immense chagrin.
Dans son attitude, ni volonté de savoir, ni joie pour les dangers écartés, ni
même signes d'étonnement. Dans YOdyssée cependant le départ de
Télémaque avait suscité dans le cœur de Pénélope colère et chagrin. Tout se passe
comme si l'artiste qui a peint sur un autre skyphos le massacre des
prétendants (28) mais dont aucune autre œuvre connue ne représente l'épouse
d'Ulysse, avait épuisé la nature profonde du personnage telle qu'elle était
sentie au milieu du Ve siècle.
Tandis que dans l'œuvre d'Homère Pénélope ne se sépare jamais de ses
deux chambrières, ici sa solitude renforce ce sentiment d'abandon que
l'artiste a voulu suggérer. Pourtant la reine vit un moment décisif ; l'entreprise
de Télémaque est pleine de promesses. Mais, aveuglée par le désespoir, elle se
montre incapable d'envisager les changements susceptibles de modifier son
destin douloureux.
STATUES
d' œuvres
II paraît
qui, pour
difficile
avoirdeéténediversement
pas compléter
interprétées,
cette analyse
n'en montrent
par le rappel
que
mieux la vision que le classicisme grec à ses débuts a eue de Pénélope. Du Ve
siècle date une série de statues et d'anneaux représentant une femme seule
dans l'attitude de l'affligée et à propos desquels on a souvent prononcé le
nom de Pénélope (29).
,
- Ch. Picard, Manuel d'archéologie grecque, II, La sculpture.au Ve siècle
I, p. 52.
- G.M.A. Richter, p. 48 et fig. 1 58.
- D. Ohly, «Dia Gunaikôn, fig. 10, 13,14.
- F. Eckstein, loc. cit., fig. 9 p. 147.
- F. Langlotz, «Zur Deutung der Pénélope», JDAI , 1961, p. 72 et fig. 4,
11 et 12.
- 0. Touchefeu-Meynier, TO, n. 376.
- H. Hiller, «Pénélope und Eurykleia ?Vorbemerkungen zur Rekons-
truction einer Statuengruppe», AA 1972, p. 47-67.
Cette statue en ronde bosse, copie romaine d'uns statue grecque, représente
une femme assise, vêtue d'un chiton et d'un himation aux plis marqués d'une
certaine raideur archaïque, dont un pan relevé couvre le dos et la tête et
enveloppe le bas des jambes. Perdue dans de tristes pensées, elle incline la tête vers
la main droite dans une attitude de rêverie mélancolique.
Cette statue a été abondamment restaurée. En particulier la tête, bien
qu'antique, est une tête d'éphèbe, et le rocher qui sert de siège est moderne.
Tout le monde s'accorde à penser qu'à la place de ce rocher se trouvait un
siège avec un tabouret, comme sur le relief suivant (37).
On a avancé pour l'original le nom du sculpteur Calamis. Mais si
l'attribution précise reste douteuse, elle semble une production de l'école attique
entre 460 et 450 (38), à laquelle on a depuis longtemps donné le nom de
Pénélope (39).
Sur cette statue, qui représente, comme celle de la Galerie des statues du
Vatican, une femme assise vêtue d'un chiton et d'un himation abondamment
drapé, la tète manque. Comme siège, un tabouret, sous lequel est placée une
corbeille en osier destinée à recevoir la laine : le kalathos. Des traces de doigts
sur le côté droit indiquent que la tête inclinée s'appuyait sur la main. On a
proposé de suppléer à la tête manquante par des têtes originales conservées
soit au Musée de Berlin, soit au Musée des Thermes (cf. les numéros 6 et 7).
ANNEAUX
Ce motif d'un personnage assis, homme ou femme, avec la tête appuyée
sur une des mains orne également une série d'anneaux réalisés tout au long du
Ve siècle. Ce fait n'a rien d'étonnant puisqu'on sait qu'à partir de cette
époque les intailles seront souvent les copies d'oeuvres de peintres ou de
sculpteurs en renom (58). Au Ve siècle on ne retrouve ce sujet que sur des anneaux
d'or, à l'exception d'un seul en bronze, et non sur des gemmes comme à
l'époque hellénistique.
78 M.-M.MACTOUX
1 - Anneau d'or avec dessin gravé sur un château ovale. British Muséum, 67.
5. 8402 ; coll. Blacas. Milieu du Ve siècle.
- A. Furtwangler, Die antiken Gemmcn, pi. IX, 35.
-F. H. Marshall, FR, pi. 11,48.
- P. Jacobsthal, Die melischen Reliefs, n. 67.
- G.M.A. Richter, Engraved gems of the Greeks and the Etruscans,
n. 271.
- J. Boardmann, Greek gems and finger rings, pi. 664.
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 381.
Une femme assise sur un diphros appuie sa tête sur sa main gauche. Elle est
vêtue d'un chiton à manches et d'un himation qui s'enroule autour du bas du
corps. Tandis que la tête est dessinée de trois quarts, la partie supérieure du
corps est presque frontale, et les bras et les jambes sont de profil. Sur cet
anneau une inscription, phil(o)kao, qui est peut-être de nature amoureuse
(59) à moins qu'il ne s'agisse d'un nom de femme (60).
ANNEAU
- Anneau d'or. New- York, coll. Vellay. Peut-être d'origine Spartiate.
Deuxième quart du Ve siècle. PI. I, 2.
- D. Ohly, «Dia Gunaikôn», p. 430 et p. 444 sq., fig. 17.
- J. Boardman, Greek gems and finger rings, Londres, 1970, p. 215 et
pi. 656.
A la différence des anneaux étudiées précédemment, on a la certitude qu'il
s'agit bien là de Pénélope. Son nom est inscrit sur le chaton sous la forme
dorique Panelopa. Si Pénélope est assise, pensive, sa tête est droite et ne s'appuie
pas sur la main comme sur les autres anneaux. Elle n'a pas une attitude
affligée, mais plutôt méditative. L'arc qui est devant elle peut non seulement
faire penser à la fin heureuse de YOdyssée, comme le souligne J. Bordman,
mais, combiné à l'attitude décidée de la reine, il accentue l'assurance qui se
80 M.-M. MACTOUX
VASES
Cratère à colonnes, provenant des environs de Comiso. Syracuse, 2408.
-F. Muller, 0/, p. 93, fig. 8.
- P. E. Arias, «Sicilia, Comiso», Notizie degli scavi di Antichità, 1937,
p. 470 sq. et pi. XVII, 2.
- J.D. Beazley, Attic red-figured vase-painters, I, p. 537, n.6.
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 418 et pi. XXXII, 3.
Ce cratère à figures rouges a été attribué par J.D. Beazley au peintre du
cratère de Borée. De style encore sévère, il date du début de la période classique
et est le contemporain des reliefs méliens.
Une femme assise devant une majestueuse colonne dorique, tend les
mains vers quatre personnages, deux imberbes et deux barbus, qui, dans des
poses différentes, s'apprêtent à lui offrir leurs dons. Personne depuis F.
Miiller (69) qui voyait dans ces quatre jeunes gens les prétendants Antinoos,
Eurymaque, Eurydamas et Pisandros apportant leurs cadeaux à l'épouse
d'Ulysse, n'a mis en doute la signification de cette scène. Le premier tient un
coffre à bijoux, le second, un vêtement, le troisième, une coupe, le quatrième,
un miroir comme dans [Odyssée (70) où ils rivalisent de générosité. Sans
doute la scène est curieuse et unique dans l'art grec (71 ). Mais la reine
d'Ithaque reste parfaitement digne dans ce rôle. Ce ne sont pas les serviteurs des
prétendants qui viennent lui apporter les cadeaux comme dans YOdyssée,
mais les prétendants eux-mêmes qui se dirigent vers cette femme dont on s'est
plu à souligner l'expression spirituelle qui n'est pas sans rapport avec celle qui
se dégage de certaines représentations de Circé (72). Son comportement est
encore plus frappant, si on compare ce cratère avec les reliefs des urnes
étrusques (73). Sur ces reliefs, elle assiste au festin et tous les regards sont tournés
vers elle au moment où elle ouvre le coffret. Ici elle n'a pas encore reçu les
cadeaux ; une certaine gêne se marque dans l'attitude des prétendants qui se
retournent les uns vers les autres comme s'ils hésitaient à l'aborder. Aucune
compromission de la part de la reine, pas même ces mains tendues qui restent
vides, comme si l'artiste avait voulu marquer la tentative dérisoire de ceux qui
la courtisent.
PEINTURES MURALES
En dehors des vases, les seules sources de la peinture grecque classique
sont littéraires. A la fin du Ve siècle Zeuxis a peint une Pénélope, mais déjà
Polygnote, dans la première moitié du siècle, avait dû la représenter comme
l'alliée d'Ulysse dans un combat mené avec l'aide divine contre des ennemis
communs.
Trysa avec, plus loin, à droite, Euryclée et les servantes (75). Sans doute le
moment n'est pas le même. Ulysse, à Platées, a accompli sa vengeance et la
présence de Pénélope qui assistera dans la frise au massacre lui-même,
contrairement à YOdyssée, semble davantage s'imposer ici. Pénélope ne figure sur
aucune des œuvres de Polygnote dont l'Antiquité a laissé la description, mais
tout ce que nous savons de lui nous le montre susceptible de s'intéresser au
drame de la reine. Dans la Lesché des Cnidiens à Delphes (76) il est le peintre
de la tristesse et du désespoir des captives troyennes de la Prise de Troie ou
des morts qu'Ulysse rencontre aux Enfers dans la Nékyia. Hector (77) assis
dans une attitude douloureuse, enserrant dans ses mains son genou gauche,
comme Anticleia, (78) Ariane, (79) ou Maera (80) assises sur des rochers dans
l'abattement le plus profond, rappellent certains reliefs méliens. Mais il est
peu probable que Polygnote ait donné à Platées cette image de la reine.
Ulysse vient d'accomplir sa vengeance et Pénélope ne peut, cette fois, rester
à l'écart dans une indifférence coupable. Polygnote savait peindre le moment
pathétique du triomphe, pas seulement celui qui s'obtient par les armes, mais
celui qui résulte de l'espoir. Si l'un des thèmes principaux de la prise de Troie
de la Lesché semble être le triomphe d'Hélène trônant au milieu de ses
servantes qui la parent, le véritable vainqueur n'est-il pas à ses yeux Anténor ?
(81). Seul Troyen gracié il a été représenté à l'extrême droite, le côté
favorable pour les Grecs, quittant sa patrie, accompagné de sa femme et de ses
deux jeunes enfants qui vont perpétuer la race. Plus que le triomphe illusoire
d'Hélène ayant auprès d'elle Hélénos, écrasé de remords parce qu'il a trahi
pour elle, son humble victoire n'est-elle pas sensible dans cette expression
morale qu'Aristote vantait dans la peinture de Polygnote ? «La plupart des
tragédies des modernes sont amorales, il en va de même de la majorité des
poètes. C'est par là que, parmi les peintres, Zeuxis est inférieur à Polygnote ;
car Polygnote représente bien l'expression morale tandis que la peinture de
Zeuxis n'en a cure» (82). Dans le temple édifié à Platées après 470, Polygnote
a voulu célébrer la victoire des Grecs sur les Perses (83), et il a choisi comme
symbole l'Ulysse d'après le massacre, sorti vainqueur, à l'aide d'Athéna, d'un
combat inhumain. Mais comme pour Anténor la victoire d'Ulysse n'était pas
possible sans l'aide des dieux et sans la présence de sa femme et des siens.
Pénélope retrouvant son bonheur et son vrai foyer n'est-elle pas aussi l'image
de l'Attique tout entière, de la déesse elle-même regagnant l'Acropole ? (84).
L'œuvre de Polygnote a pu inspirer la peinture décrite par Pausanias
(85) dans le péribole d'Apollon à Corinthe. Pausanias a vu un monument du
1er siècle après J.C. Mais les archéologues ont découvert au milieu du côté
ouest du péribole les fondations d'un petit temple grec du Vie siècle avec
naos et pronaos, sans doute consacré à Apollon, le temple A (86). La peinture
du 1er siècle n'était peut-être que l'héritière d'une longue tradition.
l'attitude qu'elle avait sur le skyphos de Chiusi ? (89). Zeuxis est l'auteur d'un
Pan, d'un Marsyas enchaîné, d'une famille de Centaures, et il s'était senti
attiré par des êtres de caractère étrange, en qui le mélange d'humanité et de
bestialité entraînait dans un monde supranaturel et mystérieux (90). Auteur
également d'un Eros couronné de rosés (91) et d'une Hélène célèbre, peinte à la
demande des Crotoniates pour leur temple d'Héra Lakinia, dans laquelle il
avait voulu réaliser l'idéal de la beauté féminine (92), il semble peu prédisposé
à analyser l'affliction et la tristesse.
Si Aristote, le comparant à Polygnote, dit que Zeuxis ne se souciait
guère de l'expression morale (93), il affirme aussi qu'il peint les hommes en
mieux, c'est à dire insuffle plus de grandeur à ses personnages que les
hommes n'en ont dans la réalité (94). En découvrant ou en améliorant certaines
techniques, Zeuxis, dit aussi Quintilien (95), visait à conférer plus de
grandeur et plus de majesté. C'est là qu'il faut probablement chercher la
caractéristique essentielle de sa Pénélope.
Ne pourrait-on pas penser que le peintre reçut peut-être commande de
ce tableau à Ephèse où il alla mourir ? Né à Hérakleia (96), sans doute Hérak-
leia de Lucanie en Grande Grèce (97), il a été lié, selon Pline, à Parrhasios
d'Ephèse, et une certaine tradition (98) le rattache à Ephèse même où se
trouvait un tableau de lui : Ménélas versant des libations à son frère (99).
Nous verrons que là, précisément, dans le temple d'Artémis, un sculpteur du
IVe siècle, Thrason, a laissé une statue de Pénélope (100).
FRISE SCULPTÉE
Relief du mur sud de Yhérôon de Gjôlbaschi-Trysa en Lycie. Vienne,
Kunsthistorisches Muséum.
- S. Reinach, Répertoire de reliefs, I, p. 445, n. 1.
- Ch. Picard, Manuel d'archéologie grecque, La sculpture, II, Période
classique, 2, p. 880 sq. et fig. 357 et 359.
- F. Eichler, Die Reliefs des Heroon von Gjôlbaschi-Trysa, Vienne,
1950, pi. 6 Al.
- K. Schefold, La Grèce classique, Paris,1967, p. 176 sq. et pi. 4L
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 481.
Dans la seconde moitié du Ve siècle apparaît, sur des vases, le massacre des
prétendants (101), mais il faut attendre l'extrême fin du siècle (102) pour
qu'on accorde à Pénélope un rôle qui ne sera plus jamais le sien, et marque,
dans une certaine mesure, la quintessence de l'art classique dans ses rapports
avec l'héroïne (103). L'œuvre est originale par sa destination et son
emplacement. Ce monument funéraire, construit en Lycie, à Gjôlbaschi-Trysa, pour
un chef lycien, consistait en un téménos fermé de hauts murs. Sur ces
dernier?, à l'extérieur et à l'intérieur, des frises sculptées dont beaucoup
s'inspirent du cycle de Troie, signe peut-être que nous ne sommes plus sur une
terre toute grecque (104).
A l'intérieur, à droite, sur le mur sud près de la porte, c'est à dire à la
place d'honneur, le massacre des prétendants par Ulysse. La force dramatique
de l'ensemble, la violente détermination d'Ulysse et de Télémaque qui
s'avancent vers le premier des prétendants (105) allongé sur un des lits du banquet,
l'épouvante des autres, un groupe de quatorze dirigé par Eurymaque, qui
s'efforcent de se protéger avec des lits et des chaises, évoquent l'horreur odys-
séenne (106).
Mais l'artiste ionien qui a réalisé cette œuvre a placé en tête de la frise
LA LÉGENDE 83
Puis, peu à peu, mais déjà à partir du deuxième quart du Ve siècle avec
l'anneau d'or de New-York, le cratère de Syracuse, et sans doute la fresque de
Polygnote, s'impose l'image d'une femme qui a réussi à mener à bien sa tâche,
non par des actions éclatantes mais grâce à une ferme détermination qui se
traduit dans les œuvres d'art par une majesté sereine. Tout se passe comme si
cette exaltation de l'héroïne avait commencé du jour où la puissance et la
noblesse d'Ulysse étaient mises en cause. On se souvient que les tragiques ne
le tenaient pas en grande estime. Le même phénomène est sensible à travers
l'art. Lorsqu'Ulysse massacre les prétendants, il remporte le plus souvent une
victoire facile sur des ennemis désarmés. (1 16).
APPENDICE
Nous citerons pour mémoire quelques œuvres sur lesquelles on a parfois
proposé de voir Pénélope ; mais ces interprétations sont aujourd'hui
abandonnées.
2 - On a cru reconnaître (120) Pénélope sur une série de vases à figures rouges
(121) représentant une femme tantôt debout, tantôt assise, mais dont la
caractéristique commune est d'avoir auprès d'elle ou dans ses bras, un volatile
appelé tantôt canard, tantôt oie. Après avoir fait une série de rapprochements
avec d'autres héroïnes dans la légende desquelles l'oie joue un rôle - ainsi
Hercyna, fille de Trophonios (122) - l'auteur conclut que «tout porte à
penser que nous avons sous les yeux Pénélope, dont le nom, déjà dans
l'Antiquité avait été rapproché de la Pénélope ou canard sauvage». L'argumentation
semble faible. Pourquoi précisément Pénélope et non pas une autre de ces
héroïnes ? En dehors de scholies anonymes et d'un court passage de Didyme
vivant au 1er siècle avant J.C. (123), aucun texte littéraire grec ou latin n'a
exploité ce thème, également absent de tous les documents figurés antiques.
Les boules avec lesquelles joue la jeune femme sur la planche I décrites
comme des pelotes de laine teintes en pourpre, la corbeille de laine de la
planche Κ ou les deux fuseaux de celle publiée par Th. Panofka, ne peuvent
permettre d'identifier Pénélope. Sur cette dernière amphore, même l'oie a
disparu et seul l'éphèbe drapé qui fait face à la femme, très proche de celui de la
planche I, a amené nos auteurs à cette conclusion (124). Mais l'éphèbe qui
figure effectivement sur les trois amphores, soit en face de la jeune femme
(125), soit au revers (126) n'est doté d'aucun signe distinctif. On a parlé à
son propos de Télémaque ou de l'un des prétendants.
En l'absence d'arguments convaincants nous ne tiendrons pas compte
de cette série de vases. L'art, pas plus que la littérature, n'a enrichi ce
rapprochement étymologique, de même qu'aucun document iconographique ne
s'inspire du mythe, pourtant bien attesté dès le Ve siècle, d'une Pénélope
mère de Pan (127).
86 M.-M. MACTOUX
(43) On a d'ailleurs, mais plus rarement, proposé le nom d'Electre. Voir E.Babelon,
Le Cabinet des antiques de la Bibliotèque Nationale, 3ème série, 1888, p. 164, n.5
(44) W. Helbig, Fùhrer. 3e éd. I, n. 89 et fig. 8.
(45) Voir supra, p. 69 sq.
(46) Récemment H. Hiller, «Pénélope und Eurykleia ? Vorbemerkungen zur Rekons-
truction einer Statuengruppe», AA, 1972, p. 47-67, suggère que la statue du
Vatican (n. 2) représenterait Pénélope et aurait pu faire partie d'un groupe de statues
avec Euryclée, interprétant dans ce sens une statue de vieille femme du Musée
de Bâle (pL 2, 7 et 8). Il ne s'agit, cependant, que d'une hypothèse s'appuyant sur
le texte de Strabon qui avait vu dans FArtémision d'Ephese une œuvre du
sculpteur Thrason figurant Pénélope avec Euryclée sous la forme d'une vieille femme.
Cf. infra p. 89.
(47) P. Jacobsthal, Die melischen Reliefs, p. 192-198, avait déjà dénombré dix huit
représentations de ce type dans l'art du Ve siècle.
(48) Von supra, n. 41.
(49) G.M.A. Richter, AI, p. 45.
(50) E. A. Gardner, «The Boston counterpart of the Ludovisi thronef JHS, 1913,
p. 81.
(51) Ch. Picard, Manuel d'archéologie grecque, II, La sculpture au Ve siècle, 2, p. 591,
n. 2.
(52) D. Ohly, «Dia Gunaikôn», fig. 15.
(53) F. Eckstein, loc. cit.
(54) G.M.A. Richter, AI, p. 45 .
(55) G.M.A. Richter, op. cit., p. 49. E. Paribeni, EAA, XI, s. v. reproduzioni, p. 559.
(56) D. Ohly, «Dia Gunaikôn», p. 436^37.
(57) A. Furtwângler , La collection Sabouroff, monuments de l'art grec, I, Berlin, 1883,
pi. XV à XVII.
(58) G.M.A. Richter, Engraved gems of the Greeks and the Etruscans, Londres, 1968,
p. 74.
(59) J. Boardman, op. cit., p. 216.
(60) D. Ohly, p. 439, «Dia Gunaikôn», R. Boehringer, eine freundesgabe, Tubingen,
1957, p. 433 sq.
(61) J. Boardman, op. cit., p. 230-231.
(62) E. Babelon, Le cabinet des Antiques, pL X.
(63) E. Babelon, op. cit., 3e série, p. 164. A la fin de sa description de l'intaille,
G.M.A. Richter, op. cit., n. 273, reprend cette hypothèse après avoir désigné la
femme du nom général de pleureuse,
(64) G.M.A, Richter, Engraved gems ofthe Greeks and the Etruscans. Londres, 1968,
n. 263.
(65) Ainsi l'anneau d'or, Ermitage 239, a été trouvé au doigt d'un squelette de femme
dans un tombeau des environs de Kertch. Cf. S. Reinach, Antiquités du Bosphore
cimmérien, Paris, 1892, commentaire à la pL XVIII, 9 et p. 50.
(66) J. Boardman, op. cit., p. 233.
(67) L'existence dans un cas d'un arc à côté de la femme assise (Ermitage, 239)
pourrait apporter un argument en faveur de Pénélope, puisque sur l'anneau de New-
York (voir supra, p. 79 ) qui la représente sûrement, elle a un arc à ses côtés. Mais
elle n'a plus alors l'attitude de l'affligée.
(68) Voir supra, p. 79.
(69) Op. cit., p. 93.
(70) XVIII, 276-301.
(71) Seul l'art étrusque reprendra cette scène. Voir infra, p. 1 1 9-1 20.
(72) E. Paribeni, EAA, s. v. Pénélope.
(73) Voir infra, p. 119-120.
(74) A. de Ridder, «Le temple d'Athéna Areia à Platées», BCH, 1920, p. 160-169.
(75) A. de Ridder, op. cit., p. 165.
(76) Pausanias, Description de la Grèce, X, 25-31.
(77) Id.,ibid.,X,31,5.
(78) Id., ibid., X, 29, 8.
(79) Id., ibid., X, 29, 3.
(80) Id., ibid., X, 30, 5.
(81) G. Méautis, Les chefs d'œuvre de la peinture grecque, Paris, 1939, p. 19.
(82) Poétique, 1450 a ; trad. A. Reinach, Textes grecs et latins relatifs à l'histoire de
la peinture ancienne, Paris, 1921, n. 133.
(83) D'après Pausanias, loc. cit., le temple avait été construit sur la part du butin que
88 M. -M. MACTOUX
LE IVe SIECLE
STATUE et BAS-RELIEF
1 - Statue de l'Artémision d'Ephèse, œuvre du sculpteur Thrason. Deuxième
moitié du IVe siècle. Strabon, Géographie, XIV, 1, 23.
- H. Hiller, «Pénélope und Eurykleia ? Vorbemerkungen zur Rekons-
truction einer Statuengruppe»,^, 1972, p. 47-67.
Strabon a admiré dans l'Artémision d'Ephèse une œuvre de Thrason
représentant Pénélope avec Euryclée sous la forme d'une vieille femme. S'agit-
il d'un groupe en cire comme le suggère un des manuscrits de Strabon (3) qui
contient la formule kêrinê Pénélope. Certains éditeurs se sont engagés sur
cette voie (4). Ch. Picard pense que le mot kêrinê, emprunté à un manuscrit
unique, est archéologiquement insoutenable (5) et lui préfère le mot krênê, la
source, proposé par les autres manuscrits de Strabon. On a d'autres exemples
de la corruption de ce terme, la confusion entre le i et le ê étant fréquente
(6). Mais le texte peut alors avoir deux sens. Soit Strabon aurait vu «Là où est
l'Hécatésion et la source »(7), les statues de Pénélope et d'Euryclée, soit, en
modifiant la ponctuation, il aurait vu une source jaillissant dans une fontaine
décorée par un groupe d'acrotères représentant Pénélope et Euryclée. La
première interprétation est la plus probable.
Ce Thrason est mal connu. Pline cite un bronzier de ce nom (8). Il a dû
travailler dans le troisième quart du IVe siècle à la restauration de
l'Artémision, le temple Ε de l'époque hellénistique reconstruit après l'incendie de 356.
Pour l'ornement du temple on avait fait appel à des artistes célèbres. Praxitèle
avait participé à la décoration du grand autel (9). Dans un temple auquel les
Ephésiens attachèrent tant d'importance, l'œuvre de Thrason ne pouvait que
s'inscrire dans un ensemble qui visait à restituer, même dans la décoration,
l'aspect du temple archaïque (10). Quoi qu'il en soit, la statue qui a retenu
l'attention de Strabon devait être remarquable.
Thrason est aussi l'auteur dans le temple d'Ephèse d'un Hécatésion
90 M.-M.MACTOUX
(1 1), c'est à dire d'une statue d'Hécate. On sait que les rapports entre Artémis
et Hécate sont fort étroits. Confier à Thrason la réalisation d'une statue
d'Hécate montre l'estime qu'on lui accordait. 11 existait dans l'Artémision une
autre statue d'Hécate due à un contemporain de Thrason, Ménestratos. Les
gardiens du temple recommandaient aux curieux, dit Pline (12), de prendre
garde à leurs yeux en la regardant, tant était grand le rayonnement du
marbre. Il est probable, comme l'a montré S.Reinach (13) que ce
rayonnement doit être compris dans un sens symbolique. La vivante statue de
Ménestratos évoquait à ce point la déesse, que lever les yeux sur elle était accomplir
un acte sacrilège comme le font les hommes qui regardent directement les
divinités lors des théophanies. L'œuvre de Thrason entrant en compétition
avec celle de Ménestratos ne pouvait qu'être digne d'admiration.
Strabon ne voit dans le couple Pénélope-Euryclée rien d'insolite. Ulysse
avait été peint à la même époque à Ephèse dans deux œuvres (14) qui
s'inspirent de la légende cyclique telle qu'elle apparaît dans les Chants Cypriens.
Mais la présence d'Euryclée associée à Pénélope exclut toute transformation.
C'est bien l'héroïne homérique que Thrason avait voulu représenter et
probablement une héroïne dont la dignité majestueuse avait frappé Strabon (15).
N'était-elle pas la sœur de celle qu'un artiste d'Ionie avait sculptée sur la frise
de Gjôlbaschi-Trysa et peut-être encore de la Pénélope de Zeuxis, qui était la
vertu même (16) ?
VASES
1 - Amphore provenant de la tombe XLIV de la nécropole de Gênes. IVe
siècle.
- R. Paribeni, «Necropoli arcaica rinvenuta nella citta di Genova»,
Ausonia, 1910, p. 25-26, et fig. 3.
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 456.
Cette grande amphore provient d'une tombe d'une nécropole de Gênes qui
date probablement du IVe siècle (22). Le vase, qui pourrait être évidemment
plus ancien, semble appartenir à la même époque.
Sur la partie principale de la panse figure une scène très mutilée de
YOdyssée dont le sujet est désormais classique dans l'art puisqu'on le
rencontre dès la première moitié du Ve siècle sur le skyphos de Chiusi : le lavement
de pieds d'Ulysse par Euryclée agenouillée. Sur le skyphos, la nourrice, qui
avait reçu le nom d'Antiphata, contenait son émotion et se contentait
d'échanger un regard avec le maître. Ce qui subsiste d'Euryclée sur l'amphore
la tête et le bras gauche, traduit son agitation. Le corps est complètement
redressé et le bras touche celui du maître. Ulysse lui-même, le bras droit
tendu, veut prévenir son cri. La femme qui se trouve derrière Ulysse, sans doute
Pénélope, (23) allonge également le bras dans un geste de surprise ou d'intérêt
difficile à interpréter. En tout cas, elle n'a plus cet air absent qu'on trouve sur
les reliefs méliens. D'une façon ou d'une autre, elle participe à la scène, même
si elle n'en comprend pas toute la signification.
R. Paribeni (24), pour des raisons de style, pense qu'il s'agit d'un vase
fabriqué dans les colonies grecques du sud de l'Italie (25).
raconte longuement les épreuves (19). Mû, semble-t-il, par le désir d'exalter
le pouvoir grandissant de Rome en reprenant la version troyenne de ses
origines (20) Lycophron a choisi de noircir les Grecs en général et Ulysse en
particulier. Non seulement Ulysse est l'un des artisans de la défaite de Troie, mais
il est aussi, dans une forme très ancienne de la légende, le père de Latinos
qu'il eut avec Circé (21). Ce Latinos était pour certains mythologues l'ancêtre
des Latins. Au contraire pour Alexandra-Cassandre, c'est grâce à Enée, un de
ses parents, que sa race connaîtra la gloire. Si Ulysse est calomnié, il l'est
comparativement moins que Pénélope sur laquelle le poète s'acharne à deux
reprises. Elle n'est pas la seule femme de héros achéen à être ainsi traitée. La
chaste Agialée de Ylliade (22), la femme de Diomède, deviendra sous sa plume
«une audacieuse et lascive épouse (qui) souillera sa couche» (23) mais la vraie
responsable est Aphrodite, comme chez Mimnerme (24). Au contraire,
Lycophron ne cherche à Pénélope aucune excuse. Dans le passage qu'il
consacre au retour d'Ulysse à Ithaque (25), elle est ravalée au rang de prostituée
qui profite ouvertement de la situation, et dilapide les biens de son mari en
compagnie de ses amants. Par rapport à Douris c'est un pas de plus dans la
déchéance. Pour Douris, de ses relations avec les prétendants était né Pan qui
reste, malgré tout, un dieu. Pour Lycophron l'avilissement est total. La reine
d'Ithaque assiste aux orgies des prétendants et jouit du spectacle d'un homme
humilié, menacé par les esclaves, battu par les convives qui jettent sur lui les
déchets du festin. Aucun terme n'est assez fort pour qualifier sa conduite, à
tel point qu'Ulysse lui-même, dont il dénonce la duplicité, finit par être
présenté comme une victime de la veulerie de sa femme : «Son épouse prostituée
pudibonde, videra les celliers, prodiguant en festins les richesses de
l'infortuné» (26). Lycophron reviendra plus loin sur la même idée en la qualifiant
debacchantelacédémonienne (27).
En même temps il fait un choix dans la légende d'Ulysse en accordant la
plus grande place à ses relations avec Circé. Ulysse meurt des mains de Télé-
gonos, le fus qu'il a eu avec la magicienne, d'une mort stupide, dans
YAlexandra même (28), et il est probable que ce thème a été au centre de sa
pièce intitulée Télégonos dont la Souda n'a conservé que le titre (29). Cette
volonté systématique de rattacher Ulysse à un autre cycle légendaire a pour
effet de reléguer Pénélope au second plan. Lycophron n'est pas le seul à avoir
donné de Pénélope une image nouvelle. D'autres poètes vont à leur tour
s'attacher à mettre l'accent sur l'aspect non homérique de la légende. Pour
Théocrite dans la Syrinx, comme pour Dosiadas dans YAutel, l'épouse
d'Ulysse est avant tout la mère de Pan.
Après bien des hésitations, il ne semble pas qu'aujourd'hui on puisse
mettre en doute l'attribution de la Syrinx à Théocrite (30). Tous les
manuscrits sont en accord sur ce point. Si la pièce est médiocre, l'auteur de la
Syrinx n'en demeure pas moins le même que celui des Idylles. La Syrinx
appartient au type des poèmes figurés alors à la mode, et ses vingt vers de
longueur inégale dessinaient une syrinx dédiée à Pan. Dès le premier vers, Pan est
présenté comme le fils de Pénélope désignée par deux périphrases : «L'épouse
de Personne» et la «mère de combat au loin» (31); les deux sont interprétées
d'une manière unanime par les scholies, gloses et commentaires. La première
est une réminiscence du passage de YOdyssée où Ulysse répond à Polyphème
qui veut savoir son nom qu'il se nomme Personne (32). L'autre, empruntée
aussi à Homère, précise la première. «L'épouse de Personne» est en même
temps «la mère de combat au loin», suivant l'étymologie du nom de Télé-
100 M.-M. MACTOUX
maque. Aucun doute n'est possible sur l'identité de cette Pénélope qui
enfanta Pan, l'amoureux de la nymphe Echo.
Toujours dans cette même Syrinx la biographie de Pénélope est
complétée par deux termes qui qualifient Pan de «fils d'un père furtif» et de «fils
sans père» (33). Us ont été expliqués d'une manière identique par les scholies
et les commentaires (34) à ce vers. Klôpopator renvoie à Hermès, dieu des
voleurs, de qui donc Pénélope aurait eu Pan, et apatôr est donné par tous
comme l'équivalent de polypatôr, fils de beaucoup de pères, c'est-à-dire fils
de tous les prétendants. Ainsi Théocrite se ferait l'écho d'une double légende :
celle qui fait de Pan le fils de Pénélope et d'Hermès, et celle qui le fait naître
de Pénélope et de tous les prétendants. U ne se contente pas de présenter
Pénélope comme l'amante d'un dieu, mais aussi comme une femme volage
profitant au mieux de l'absence de son mari en partageant simultanément la
couche de tous ceux qui la courtisent. Les scholies (35) expliquent que c'est
parce que Pan est le fils de tous les prétendants qu'il a reçu ce nom qui
signifie «tout».
Il faut remarquer, cependant, qu'on a proposé pour l'expression «fils
sans père» une autre explication (36) suggérée par les scholies elles-mêmes
Ulysse est donné, parmi d'autres, comme père de Pan (37). Or dans la Syrinx
même, Ulysse est appelé Personne, et «fils sans père» pourrait bien vouloir
dire ici fils de Personne. Théocrite aurait donc simplement voulu dire que
Pénélope a enfanté Pan, selon les uns avec Hermès, selon les autres avec
Ulysse, et les relations avec un dieu n'ayant rien de blâmable, Pénélope
resterait une épouse, sinon chaste, du moins sans tache aux yeux des mortels. On
pourrait encore aller plus loin sur cette voie en remarquant qu'Ulysse lui-
même est traité de voleur (38) dans un autre poème figuré, XAutel de Dosias-
das, dont les liens étroits avec la Syrinx ont été montrés depuis longtemps
(39). On se souvient de la périphrase «fils de voleur» qui qualifiait Pan dans la
Syrinx. De même le terme «double» (40), s'il a été interprété différemment
par les scholies (41) est appliqué à Ulysse par Dosiadas (42), à Pan par
Théocrite (43). Ces réserves, cependant, ne modifient pas fondamentalement le
sort réservé à Pénélope dans la poésie de Théocrite. Sujet secondaire d'un
poème mineur, le personnage n'a aucun relief et ce traitement traduit le
mépris d'une époque qui trouvera son aboutissement dans la violence verbale
d'un Lycophron.
Dans YAutel également, Dosiadas désignera Pénélope comme la mère de
Pan. Du poète on ne sait rien sinon qu'il était probablement un contemporain
de Théocrite. En tout cas les deux pièces se répondent ; la construction
générale, la composition en formes de griphes, le nombre de personnages tels que
Pan, Ulysse et Pénélope et certains jeux de mots sont identiques. La pièce
cette fois n'est pas consacrée à Pan, mais à Jason, et c'est au cours du poème
qu'est employée la périphrase désignant Ulysse comme «l'époux de la mère de
Pan» (44). Qui des deux s'est inspiré de l'autre ? Les avis sont très divergents
(45). On aimerait pourtant le savoir, d'autant plus que Dosiadas a sûrement
emprunté à YAlexandra (46).
Parallèlement se maintient dans une littérature mineure dont le
caractère populaire est très marqué, une vision de Pénélope où sa vertu est
unanimement reconnue et affirmée. Comparaisons devenues clichés, épigrammes
votives et funéraires célèbrent une vertu qu'on ne prend plus la peine de
particulariser tant elle est évidente.
Plutarque attribue au philosophe Bion (47) cette comparaison dont
LA LÉGENDE 101
nous avons décelé les premières traces au Ve siècle chez Gorgias et Aristippe
et selon laquelle ceux qui étaient incapables d'atteindre à la philosophie
étaient comme les prétendants de Pénélope qui, ne pouvant obtenir ses
faveurs, s'en consolaient dans les bras de ses suivantes. Et c'est à l'épouse chaste
que songe Démétrios Poliorcète dans une réflexion rapportée en termes
presque identiques par Plutarque (48) et Athénée (49). Son ennemi Lysimaque
avait dit, pour se moquer du roi passionnément amoureux de la joueuse de
flûte Lamia, qu'il n'avait jamais vu avant elle courtisane paraître sur une
scène tragique. Démétrios, à qui on rapportait le mot, répondit alors, selon
Plutarque, que sa courtisane était plus sérieuse que Pénélope, ou, selon
Athénée, que n'importe quelle prostituée vivait plus chastement à sa cour que
n'importe queÛe Pénélope à la sienne. Les propos sont d'autant plus
savoureux que Démétrios avait épousé une femme dont tout le monde louait la
parfaite dignité (50). Lorsqu'il perdit la Macédoine, elle s'empoisonna,
«renonçant, dit Plutarque à toute espérance et maudissant la fortune de son
mari, dont la constance s'affirmait plus dans le mal que dans le bien» (51).
Lorsque Plaute à l'extrême fin du Hle siècle met dans la bouche de
Panégyris, une des héroïnes de sa pièce Stichus une évocation du sort de
Pénélope, l'allusion n'est que banalité. «Je crois, ma sœur, que Pénélope eut l'âme
bien en peine du veuvage qui la priva si longtemps de son mari» (52) ; c'est
par cette constatation que débute la comédie et elle est faite par celle des
deux sœurs qui, séparée de son époux, accepterait assez facilement de refaire
sa vie. Loin de vouloir se confiner dans un veuvage jugé stérile, elle va essayer
d'entraîner sa sœur Pamphila, dont l'époux aussi est absent, à l'imiter. Ce
n'est donc pas à proprement parler comme exemple moral qu'est citée
Pénélope mais comme prélude à l'expression d'une situation identique. Pénélope
n'est qu'un prête-nom qui sert au dramaturge à commencer la scène
d'exposition. Ses personnages n'ont ni la culture ni le raffinement nécessaires pour
que ce rappel ne soit autre que conventionnel . D'une manière générale, les
comiques et les tragiques du Hème siècle, qui fut pourtant l'âge d'or du
théâtre latin, ont boudé le cycle odysséen. Ennius, qui avait écrit une vingtaine
de tragédies, s'inspire uniquement de Ylliade pour laquelle il montre une
prédilection particulière. UOdyssée était pourtant parfaitement connue puisqu'
elle avait été traduite au siècle précédent par Livius Andronicus (53) et, au
Ilème siècle, Lucilius parodie les incidents de Y Odyssée dans un livre de ses
Satires (54). Seul Pacuvius fait exception avec sa tragédie Niptra (55).
C'est dans une perspective identique qu'il faut se plicer pour
comprendre les propos prêtés à Philostéphanos (56),mythographe deCyrène qui vivait
sous Ptolémée Evergète, et à Ariston de Chios. Le scholiaste à YOdyssée (57)
attribue à Philostéphanos les mêmes remarques qu'à Phérécyde. La beauté et
la sagesse de Pénélope étaient telles qu'elle l'emportait sur les autres femmes,
en particulier sur Hélène, pourtant fille de Zeus. Sa renommée poussa Laërte
à la choisir comme femme d'Ulysse. Cette compilation de la part d'un disciple
de Callimaque qui devait bien connaître la poésie alexandrine traduit peut-
être le refus de souscrire à une vision dont les excès choquaient. De même
Stobée a pu mettre sous le nom d'Ariston de Chios (58), disciple de Zenon,
pour qui seule la morale comptait, une comparaison qui n'est probablement
pas de lui (59), mais qui traduit bien cet esprit. Les gens instruits dans les arts
libéraux mais qui ne sont pas capables d'atteindre la philosophie sont comme
les prétendants de Pénélope qui se rabattent sur les servantes, ayant espéré
épouser la maîtresse. La source de l'erreur doit être trouvée chez Diogène
102 M.-M MACTOUX
Laèrce qui, après avoir imputé cette comparaison à Aristippe (60), ajoute
qu'on rapporte le même mot d'Ariston, mais sous une forme différente (61).
Ulysse descendu aux Enfers avait bien parlé à tous les morts, mais n'avait pas
vu leur reine. Si la reine d'Ithaque a pu se substituer à la reine des Enfers,
ce n'est pas seulement à cause d'une identité de fonction, mais parce qu'elle
était devenue l'exemple priviligié de la sagesse populaire. Des épigrammes
votives et funéraires en font foi.
Dans une épigramme votive de Léonidas de Tarente (62), datée de la
première moitié du Ille siècle (63), son nom est associé à la chasteté. Trois
Cretoises, trois sœurs, abandonnant leurs activités, offrent à Athéna leurs
instruments de travail : fuseau, corbeille à laine, navette. Alors que les deux
premiers instruments sont décrits par rapport aux jeunes filles, la navette
«qui fut la gardienne du lit de Pénélope» voit sa fonction élargie par cette
allusion (64). Le ton de l'épigramme suggère que la formule est aussi banale
dans son contenu que les expressions précédentes : «Le fuseau qui tournait
sans relâche avec ses doigts» ou «la corbeille à laine qui veillait la nuit avec
elle» (65). Léonidas qui a écrit par ailleurs un certain nombre de dédicaces à
Pan lycéen, dieu d'Arcadie, ne l'a jamais associé à Pénélope.
Pénélope va figurer également dans les épigrammes funéraires. A partir
de la période hellénistique elles se multiplient, non plus réservées aux
personnages célèbres mais rédigées pour tous, hommes et femmes, riches et pauvres,
ultime témoignage de la place occupée par l'individu. La vertu de Pénélope
à laquelle on compare celle de la défunte revient à plusieurs reprises dans des
épitaphes dont la diversité géographique montre bien le caractère populaire
de la légende. Dans le Péloponnèse, à Cléonae, au Ile ou 1er siècle avant J.C.,
(66) comme à Panticapée de la même époque (67), l'héroïne du Péloponnèse
sert de la même façon à célébrer la morte. Aucun effort d'ailleurs pour
particulariser cette vertu désignée sous le terme général d'arété. Il est probable que
Yarété englobait non seulement la fidélité mais toutes les formes de vertu
visant à la conservation du foyer. Ainsi, à Didyme, la fidélité, les talents
domestiques et l'intelligence font de Gorgô, morte brutalement alors qu'elle était
dans les bras de son mari, la Pénélope des Ioniennes de Milet (68). Que la
légende soit devenue un système de référence compris de tous prouve qu'elle
possède, plus que jamais, cette valeur sociale acquise au Ve siècle grâce aux
Tragiques.
Légende scandaleuse ou légende édifiante ? Une étude de la littérature
ne permet guère de savoir si l'une ou l'autre l'emportait. On pourrait croire
que la vision des poètes alexandrins était restée étrangère à un sentiment
différent et plus profond dont on vient de relever les signes. Mais une étude de
l'art montre qu'à cette époque les deux courants ont dû se maintenir
parallèlement, non parce que les documents figurés les illustrent tour à tour, mais
parce qu'ils traduisent la méfiance d'une époque qui n'a pas voulu choisir.
LA LÉGENDE 103
Notes du CHAPITRE VI
(1) Cf. J.M.Edmonds,.4C, 3Aet3B.
(2) Scholad Lycoph. A lexand., 806 sir. 296, K. Millier, FHG, I.
(3) P. XXXVII dans Isocrate, Discours, I, Paris, 1963.
(4) Fr. 33 a, K. Mûller, FHG, II î fr. 92, F. Wehrli
(5) La Souda, s. v.
(6) IV, 28, 79.
(7) A. Lesky, A history of Greek literature, p. 765.
(8) Tzetzès, Ad Lycoph. Alex., 77 2 rfr. 2 1 , FGH.
(9) Dans la «Chevelure de Bérénice» traduite par Catulle, élégie LXVI.
(10) L.B. Ghali-KahiL Les enlèvements et le retour d'Hélène, p. 328; cf. en particulier
Théocrite, VEpithalame d'Hélène.
(11) Fr. 2, 27-34, E. D iehl, Anthologia Lyrica, Leipzig, 1925 (Athénée, ΧΠΙ, 597e)
(12) E. Curtius, P. W., art. Elégie, coL 2281.
(13) A. Couat, La poésie alexandrine sous les trois premiers Prolémées, Paris, 1882.
(14) «C'est en se rappelant ses propres épreuves qu'il pleurait sur la fille d'Icarios et le
peuple d'Amyclos et la ville de Sparte», trad. A. Couat, op. cit., p. 87.
(15) La Souda, s. v. Philétas .
(16) Ch. Picard, «Un cénacle littéraire hellénistique sur deux vases d'argent du Trésor
de Bernouville - Bernay »,MMAI, 1950, p. 53 sq.
(17) Alexandra, 344.
(18) Op. cit., 658.
(19) Pendant près de 200 vers (648-819).
(20) Cf. P. Levêque, «Lycophronica», REA, LVII, p. 55 et «Les poètes alexandrins
et Rome», IH, 1960, p. 47 sq.
(21) Hésiode, Théogonie, 1011-1016.
(22) V, 410^15.
(23) Op. cit., 612-613 ;trad. ibid.
(24) Voir supra, p. 33.
(25) 766 sq.
(26) 771-773 ; trad. ibid.
(27) 792. Le terme de bassara employé au vers 771 a d'abord désigné une bacchante de
Thrace et, sous une forme dérivée, est une épithète de Dionysos (Cornutus,
Theologia graeca, 30).
(28) 795-798.
(29) s. v. Lycophron
(30) Ph. E. Legrand, Etude sur Théocrite, Paris, 1898, p. 20-22.
(31) Trad. Ph. E. Legrand, Bucoliques grecs, I, Paris, 1960.
(32) IX, 366.
(33) 15 , klôpopatôr et apatôr ; trad. ibid.
(34) Commentaires de Manuel Holobolos et Johannes Pediasimos sur la Syrinx in
Scholia in Theocriti Idyllia, éd. Fr. Diibner, Paris, 1849.
(35) Ad. Idyl., I, 3 et VII, 109.
(36) Cf. A. S. F. Gow, Theocritus, II, Commentary, appendix, indexes and plates,
Cambridge, 1952, commentaire au vers 15, p. 557.
(37) Schol. ad Syr 1/2 a et Scholad Idyl., 1, 121 .
(38) 16.
(39) C. Haberlin,Z)e carminibus figuratis, Dissertât», Hanovre, 1886.
(40) Dizôs.
(41) Pour Ulysse remonté vivant des enfers, le terme signifierait qu'il retourne deux
fois à la vie. Quant à Pan, il est un être double, moitié homme, moitié bouc.
(42) Autel, 17 et scholies.
(43) Syrinx, 5 et scholies.
(44) 16.
(45) Ph.
où
p. 221,
ilE.pensait
Legrand
le jugement
quea lamodifié
Syrinx
qu'il avait
dans
était porté
son édition
postérieure
dans son
àdes
VAutel
Etude
Bucoliques
sur Théocrite,
Grecs, H,op.Paris,
cit., p.
1925,
22,
(46) C. Hâberlin, op. cit., p. 58-59, cité par Ph. E. Legrand, Bucoliques grecs, II, p. 221
n. 2.
(47) De liberis educandis, 7 D. Β ion se rattache à l'école cyrénaïque fondée par Aris-
tippe.
(48) Vie de Démétrios, 25 .
(49) Banquet des Sophistes, XIV, 615 a.
104 M.-M MACTOUX
VASE
Vase à reliefs provenant de Thèbes en Phtiotide.
- F. Courby, Les vases grecs à reliefs, p. 283 sq., fig. 51.
- H. Hausmann, Hellenistiche Reliefbecher, première partie.
- 0. Touchefeu-Meynier, TO, n. 344.
On a retrouvé tout une série de bols à reliefs d'inspiration homérique,
illustrant surtout Ylliade et quelquefois YOdyssée (3). C'est principalement la
geste d'Ulysse qui a été choisie avec quelques unes de ses aventures les plus
célèbres, mais l'accent est mis sur son retour à Ithaque, illustré par divers
épisodes de sa vengeance (4). Sur l'un des six fragments (5) de vases conservés
provenant de Thèbes en Phtiotide, l'artiste s'est efforcé de résumer l'oeuvre
homérique en deux scènes réparties en deux registres. Sur la première, Ulysse
construit son radeau en présence de deux femmes dont on n'aperçoit que la
partie inférieure. L'une d'elle est sans doute Calypso (6). Sur la deuxième, qui
nous intéresse plus précisément, Ulysse reçoit de sa nourrice un objet
indéterminé tandis que les prétendants festoient en présence de Pénélope assise
sur un trône. Pénélope a complètement disparu ; il ne subsiste plus de son
siège que les deux pieds de devant mais une inscription permet de l'identifier
avec certitude.
On n'a pas ici, comme c'est souvent le cas sur ces vases, une illustration
exacte de YOdyssée. Dans l'oeuvre homérique Pénélope ne se mêle jamais au
festin des prétendants. Si l'on excepte le vase de Syracuse où elle reçoit les
cadeaux des prétendants conformément à YOdyssée, cette scène est unique
dans l'art grec. L'épouse d'Ulysse semble participer volontairement aux
beuveries de ceux qui la courtisent, car c'est bien un de leurs festins coutumiers
qui est représenté ici. Le premier des prétendants, en face de la reine, boit
dans un grand canthare tandis que deux serviteurs continuent à apporter des
mets. Ainsi à l'époque où Dicéarque, Douris et les poètes alexandrins
vilipendaient Pénélope, des artistes mettaient en doute sa conduite en la rendant
complice du pillage des prétendants. Si, comme il semble probable, il faut
108 M.-M MACTOUX
chercher les originaux de ces vases dans des vases en métal d'Alexandrie (6)
nous aurions là un témoignage, le seul d'ailleurs, de l'influence de la poésie
alexandrine sur des documents figurés traitant de la légende de Pénélope.
GEMMES
Ces gemmes représentent Ulysse assis et une femme debout souvent
interprétée comme Pénélope (7). Tandis qu'Ulysse est dans une attitude
quasi-identique, la tête tournée vers la gauche, au point qu'on peut supposer
que l'original ne contenait que le personnage d'Ulysse, la femme qui l'accoste
a été placée tantôt à gauche, tantôt à droite. Le sujet s'est maintenu pendant
plusieurs siècles jusqu'au temps d'Auguste.
2 - Pâte de verre - Berlin, Antiquarium, 1382. Même - Ilème siècle avant J.C.
- P. Hermann, Denkmaler, fig. 17.
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 435.
tation s'appuie avant tout sur la ressemblance de la jeune femme avec une
peinture murale de Kertch (13) qu'une inscription nomme Calypso. Certes,
on peut objecter (14) qu'il est difficile de varier à l'infini les attitudes des
femmes éplorées et qu'on pourrait opérer ainsi des rapprochements avec toute
une série d'œuvres d'art représentant diverses héroïnes sûrement identifiées et
dans des attitudes semblables. Mais ce n'est pas d'un rapprochement avec les
reliefs méliens de l'époque classique qu'on peut tirer argument (15). Bien au
contraire, lorsque sur les reliefs Pénélope est seule avec Ulysse, c'est elle qui
est assise, indifférente au mendiant qui pose sur elle un regard compatissant
ou tend vers elle une main miséricordieuse. Ici, Ulysse, soit qu'il tourne le dos,
soit qu'il détourne le regard, ne répond pas à l'attente anxieuse de celle qui
cherche à poser la main sur son dos ou lui parle en ponctuant de gestes ses
paroles.
Nous préférons reconnaître la nymphe bouclée qui n'arrive pas à retenir
son amant et à détourner ses pensées et son cœur d'Ithaque et de sa femme.
Sur toutes ces gemmes, Ulysse, vêtu d'un manteau court qui est celui du
mendiant, mais aussi celui du voyageur, n'a ni bâton noueux ni besace. Si l'on
compare ces œuvres avec d'autres intailles de la même époque (16) sur
lesquelles a été gravé un homme, nu tête ou coiffé d'un pilos, la tête appuyée le
plus souvent sur la main, il est difficile d'en tirer des arguments décisifs. Bien
qu'on ait pris l'habitude de les interpréter comme des représentations
d'Ulysse, l'identification reste douteuse. Ainsi, toujours sur une gemme
hellénistique (17) un homme coiffé d'un bonnet phrygien semblable en tout sens
au pilos, et assis sur une colonne, est appelé Priam et est décrit : «assis sur
colonne renversée figurant les ruines de Troie» (18).
D'autre part même si c'est Ulysse, on a toujours pensé à Ulysse à
Ogygie comme pour la sardoine de Berlin où il est assis sur un rocher, vêtu
d'un chiton et d'une chlamyde (19). Le thème pourrait avoir été familier à
cet époque. C'est cette interprétation qu' E. Albertini a proposée pour une
statuette de bronze trouvée à Minorque (20). Un personnage barbu qui
semble en costume de marin est assis, soutenant sa tête de la main droite. Après
l'avoir rapprochée de la sardoine de Berlin, l'auteur conclut que c'est au
même moment du poème que se rapporte la statuette de Minorque (21).
Ainsi, si l'homme assis est Ulysse, la femme debout n'est pas
nécessairement Pénélope. Si c'est elle, le personnage a reçu une toute autre
interprétation. Elle n'est plus une victime enfermée dans sa souffrance et sa solitude ;
l'abattement d'Ulysse pourrait exprimer un certain mécontement. Le refus du
dialogue ne viendrait pas cette fois de Pénélope comme sur les reliefs méliens,
mais bien d'Ulysse qui ignore volontairement la femme qui s'avance sur lui.
Ce n'est pas par hasard si on a pu parler à son sujet de Calypso qui essaie
vainement de convaincre son amant de ne pas l'abandonner (22).
originelle. Il s'agit bien, en effet, d'un manche de miroir et non pas d'une stèle
comme le prétendait S. Reinach (24). Qu'on ait pu ainsi détourner le sens de
cette représentation si souvent utilisée dans l'art classique pour des femmes
éplorées prouve que le motif ne répondait certainement plus dans l'esprit de
l'artiste à un sujet précis (25).
Sans doute la rareté du thème (26) peut-elle s'expliquer par
l'évolution du goût. Mais ce déclin s'accompagne d'une modification caractéristique
qu'il faut mettre en rapport avec la forme que la légende revêt chez les poètes
alexandrins. En insistant sur la double vie de la reine d'Ithaque ils ont traduit
un courant défavorable. Ce qu'une simple étude de la littérature ne pouvait
montrer, l'art le révèle. Ce qu'on aurait pu croire limité à un cercle restreint
de poètes érudits trouve son aboutissement dans un art populaire qui exprime
sa réticence à l'égard de l'héroïne homérique. Inversement, les documents
figurés ne fournissent aucun élément pour juger de la part réservée à cette
légende édifiante dont nous avons relevé des traces incontestables à la même
époque (27).
LA LÉGENDE 111
la disparition des œuvres n'étant pas propre à une époque on est obligé, sauf
exception, de considérer les œuvres survivantes comme représentatives.
(27) On a parfois proposé (Cf L. Séchan, Etudes sur la tragédie antique, p. 143, n. 2)
de reconnaître Pénélope et Télémaque dans un groupe du musée de Naples,
œuvre de Stéphanos, réalisée vers le milieu du 1er siècle. Ce groupe se compose
d'un jeune homme, exacte réplique de l'athlète de la Villa Albani à Rome du
même artiste, et d'une femme qui s'appuie sur lui, le bras passé autour de son
cou (fig. 784-785 in M. Bieber, The sculpture of the Hellenistic âge, 2c éd.,
New-York, 1967). D'autres interprétations ont été avancées et on s'accorde
plutôt à voir dans ce couple Oreste et Electre (M. Bieber, op. cit., p. 181). Rien dans
la tradition iconographique ne permet de reconnaître Pénélope dans cette femme
tristement songeuse qui cherche visiblement un soutien de la part de ce jeune
homme à l'attitude virile. Si l'on ne tient pas compte de l'hypothèse émise à
propos de l'hydrie de Naples, 2899 (voir supra, p. 94, n. 25) ou la communion des
deux personnages supposerait la croyance en la mort d'Ulysse, le seul document
sur lequel la mère et le fils sont figurés seuls est le skyphos de Chiusi du Ve
siècle. L'artiste avait mis l'accent, sinon sur l'incompréhension mutuelle, du moins
sur l'impossible communication. En dehors de VOdyssée où règne un certain
désaccord entre Télémaque et Pénélope sur la conduite à tenir en l'absence d'Ulysse,
la litérature n'a jamais analysé leurs rapports d'une manière suivie ; c'est à peine
s'ils sont évoqués. Il est d'ailleurs extrêmement difficile de savoir à qui Stéphanos
a pu penser en associant deux statues qui sont, séparément, des copies d'oeuvres
grecques du second quart du Ve siècle dont on possède d'autres répliques (G.M.A.
Richter, AI, p. 115-116 et fig. 304) et qui n'ont jamais eu la signification que
l'artiste a pu vouloir leur donner initialement.
C HA Ρ Ι Τ R Ε VIII
VASE
Dans les collections étudiées par J.D. Beazley (4) ne figure qu'un seul
vase où Pénélope pourrait être représentée avec Ulysse.
GEMME
Gemme. Sardoine. British Muséum, 657.
- A. Furtwângler,Z)/e antiken Gemmen, pi. XVIII, 25.
- H. B. Walters, Catalogue of the engraved gems in the British Muséum,
Londres, 1926, n. 657 et pi. 11.
- D. Ohly, «Dia Gunaikôn», p. 430, et fig. 16.
Une femme, assise, appuyant sa main droite sur le tabouret et soutenant, de
sa main gauche, une tête très inclinée, avec un arc à côté d'elle. Sur cette
intaille la femme porte des ailes. Il peut s'agir de Pénélope. Sur l'intaille
grecque de New-York, Pénélope avait également un arc à côté d'elle. La figure
est inversée par rapport à l'anneau précédent. La femme tient le tabouret de
la main droite et incline la tête de la main gauche. La tête est, contrairement,
à celle de la Pénélope de New-York, extrêmement penchée. Il ne semble pas
qu'il faille attacher beaucoup d'importance à cette position apparemment due
à une maladresse de l'artiste.
MIROIRS
Quelques miroirs ont été décorés de scènes qu'on a le plus souvent
considérées comme représentant, soit Pénélope repoussant un prétendant, soit
Ulysse retrouvant Pénélope. Aucune inscription, comme on en lit parfois sur
les miroirs, ne permet une identification certaine.
Le thème cependant n'a pas lieu de surprendre. Si, comme on peut s'y
attendre, beaucoup de miroirs sont ornés de scènes de toilette et de scènes
amoureuses, nombreuses sont les scènes héroïques, empruntées le plus souvent
à la mythologie grecque (1 1), et qui n'ont rien à voir avec la toilette. Pendant
toute la période du miroir étrusque qui s'étend sur trois siècles, du Vie au Ile
siècle (12), le cycle troyen l'emporte sur les autres grands cycles légendaires
(13). Cependant la légende odysséenne a apparemment peu attiré. Un simple
coup d'œil jeté sur l'énorme ouvrage de E. Gerhard (14), vieux mais
irremplacé, révèle que si Ulysse figure dans quelques scènes, l'importance qu'on lui
acccorde n'a rien de comparable à celle prise par des personnages tels
qu'Hercule, Ménélas ou Paris. Quand il est représenté, c'est l'Ulysse de la guerre de
Troie, avec Clytemnestre à Aulis, ou avec Ménélas, Hélène et Thétis (1 5), ou
encore l'Ulysse des récits chez Alkinoos menaçant Circé d'un poignard (16).
L'Ulysse du retour à Ithaque n'est nullement privilégié (17).
Quant à Pénélope elle figure encore moins et son rôle est infime par
rapport à celui tenu par Hélène, la grande amoureuse, qui a été un sujet de
prédilection. Sans doute la destination des miroirs pourrait expliquer ce choix
mais le recours à Hélène est également plus fréquent sur les vases (18).
LA LÉGENDE 117
URNES
On possède un certain nombre d'urnes qui ont été rattachées au cycle
odysséen et sur lesquelles Pénélope est sans doute représentée. Elles peuvent
être classées en trois groupes : le festin des prétendants, le massacre des
prétendants, et une scène de toilette à laquelle assiste un homme qui ressemble à
l'Ulysse du festin. En admettant même que Pénélope figure sur toutes ces
urnes, ce qui est très incertain, leur nombre reste très inférieur à celui des
urnes illustrées par le seul épisode des Sirènes. On en compte 19 sur ce
dernier thème (32).
Les deux urnes suivantes n'ont pas été datées avec précision mais sont
toujours d'époque tardive, probablement contemporaines des précédentes
(35). Elles proviennent d'une même tombe de la nécropole de Portone.
avait été hors du commun. Dans Part étrusque de cette période Pénélope est
une femme parmi d'autres, ayant connu, comme beaucoup, une séparation
qui, pour être douloureuse, n'était pas moins habituelle.
Puis, au Ile siècle, avec les urnes, l'esprit change. En se mêlant aux
beuveries de ceux qui la courtisent, elle n'est plus seulement l'épouse du héros
lointain mais une femme séduisante et qui exploite sa séduction. Nous
n'oublierons pas le rôle de la femme dans la civilisation étrusque où sa
participation à la vie publique, aux banquets, était chose normale (45) ; mais en
choisissant de placer Pénélope dans cette situation les Etrusques travestissaient
la légende grecque classique qui avait préféré une pureté sans équivoque. Ce
trait se dégagerait encore plus nettement s'il était certain que, sur le dernier
groupe d'urnes décrites, Ulysse assiste à la toilette de sa femme.
Avec ce deuxième groupe est posé le problème de savoir si les Etrusques
ont eu une connaissance littéraire des mythes grecs ou s'ils n'en ont eu qu'une
connaissance superficielle, limitée aux documents figurés, surtout aux vases
arrivant en Etrurie. La participation de Pénélope au festin des prétendants a
fait l'objet de deux illustrations dans l'art grec : le vase de Syracuse du Ve
siècle (46), et le bol à reliefs sur lequel le nom seul de la reine a été conservé.
(47) Le thème, exceptionnel dans l'art grec, devient plus fréquent dans l'art
étrusque. Ensuite, si l'on compare les urnes avec le vase de Syracuse, la
différence éclate. Sur ce vase les prétendants offrent des cadeaux à une souveraine
majestueuse qui, sans les repousser, ne se départit pas d'une réserve empreinte
de dignité. Le don oblige ceux qui le font, et non celle qui veut bien le
recevoir. Sur les urnes, le rapport est inversé. La complaisance avec laquelle
Pénélope admire le contenu du coffret la met à la merci des donateurs. Alors que
la scène grecque va dans le sens de la grandeur , la scène étrusque va dans celui
de la petitesse. Si Pénélope n'est pas une courtisane, elle n'est plus une femme
qui fonde sa noblesse sur la retenue.
Faut-il expliquer cette évolution par l'influence de la légende
hellénistique, ou peut-on penser qu'à cette période encore, comme à l'époque
archaïque (48), les maîtres étrusques reproduisaient librement les scènes de produits
helléniques sans connaître la signification du mythe ? La tendance à
transformer l'exceptionnel en banal, sensible à la fois sur les miroirs et les urnes,
semble une constance de l'art étrusque. Mais la nette différence qui existe entre
la Pénélope étrusque du IVet Vesiècleset la Pénélope du Ile siècle ne pourrait-
elle s'expliquer par la connaissance de la poésie alexandrine qui aurait trouvé
un écho chez un peuple qui a ressenti comme conforme à sa propre sensibilité
l'esprit hellénistique ? (49) En tout cas, sur ces urnes, pour la plupart produits
artisanaux traduisant une vision populaire, Pénélope n'intervient en rien pour
orienter la signification de scènes uniquement priviligiées pour leur caractère
global. Le festin est un banquet ;le massacre, une action tragique, et banquet
et action tragique appartiennent au symbolisme funéraire étrusque. Pénélope
n'est jamais un modèle douloureux ou réconfortant dans lequel des Etrusques
auraient cherché à projeter leurs craintes et leurs espoirs.
LA LÉGENDE 123
sont pas de lui, pas plus que celles qui sont attribuées à Diogène. Ces lettres
sont généralement datées de l'époque de Philodémos, c'est-à-dire à la
première moitié du premier siècle avant J.C. (9).
La comparaison utilisée dans la lettre XXIII est ambiguë. Le pseudo-
Cratès veut inciter son correspondant à adopter l'idéal cynique, symbolisé par
le manteau, la besace et la bâton. Mais tant qu'il refusera d'abandonner la
pourpre et la mollesse, il continuera d'attirer les amoureux comme Pénélope
les prétendants. Le texte est apparemment centré sur les prétendants qui, par
leur nombre, leurs vices, leur acharnement, sont comparés aux amoureux
enchaînés au luxe. Pénélope est-elle rendue responsable ? Ce n'est guère
probable si l'auteur est le même que celui de la lettre IX. Là Pénélope, comme
Alceste, est louée pour sa décence ; maintenant encore, dit l'auteur, elle
continue à être honorée pour cette vertu. En choisissant son exemple le pseudo-
Cratès se réfère manifestement à un trait universellement reconnu. Il n'est
même plus nécessaire de le souligner tant l'admiration est générale. L'Odyssée
est devenue une histoire d'amour exemplaire qui sert de trame au plus ancien
roman grec connu.
Lorsque Chariton d'Aphrodisias, un Grec d'Asie, écrit, probablement au
1er siècle après J.C. (10) Chéréas et Callirhoé, l'Odyssée lui sert de modèle.
Chéréas le Syracusain qui a arraché enfin, à la fin du roman, Callirhoé aux
mains du Grand Roi de Babylone commence le récit de sa dramatique
recherche. Eux qui ont célébré à tour de rôle les funérailles l'un de l'autre se
redécouvrent enfin selon le schéma tout odysséen du livre XXIII. Pour le souligner
Chariton cite textuellement Homère : «Lorsqu'ils eurent assez de larmes et de
récits, ils s'enlacèrent l'un l'autre et dans le bonheur renouvelèrent le pacte de
leur lit d'autrefois» (11). Callirhoé qui, esclave, a accepté de se donner à
Dionysios de Milet, le satrape, dans la seule intention de sauver l'enfant qu'
elle portait, a bien mérité l'amour du jaloux Chéréas.
Avec Catulle commence la série des poètes qui vont donner à la légende
de Pénélope ses lettres de noblesse. Pourtant, à première vue, le bilan est
maigre. Une seule allusion dans un épithalame qu'on ne considère généralement
pas comme l'un de ses grands poèmes, et l'emploi qu'il en fait reste
apparemment en marge de la signification que revêt chez lui l'usage de la mythologie.
Lui qui «use des mythes grecs comme un grec n'en aurait pas usé» ( 12), s'en
servant comme d'un miroir pour y projeter son âme, néglige dans l'ensemble
de sa poésie la légende odysséenne. Catulle qui a connu dans sa courte
existence la solitude, la mort d'un frère aimé (13), la passion obsessionnelle pour
une Lesbie devenue vite infidèle (14), préfère, à Pénélope, Ariane abandonnée
y\3) uu Laodamie «brûlant d'amour pour son époux» Protésilas ( 16).
Pourtant son évocation de la mère de Télémaque est étroitement liée a ses
aspirations profondes et à celles de son temps.
Elle apparaît à titre de comparaison dans un chant d'hyménée, imité de
Sappho, et écrit en l'honneur de L. Manlius Torquatus. Après avoir suivi la
mariée depuis la demeure de ses parents jusqu'à la nuit nuptiale, le poète
évoque les fils à venir et il souhaite que le petit Torquatus «se glorifie de la vertu
de sa mère garante de la pureté de sa race comme Télémaque qui dut son
renom unique, impérissable, à l'insigne vertu de Pénélope»(17). C'est la
première fois dans l'histoire de la littérature que Pénélope est présentée comme
une femme digne d'enfanter, parce qu'elle est pure. Comme la femme de
Manlius, par sa vertu, elle détient le pouvoir de faire du fils l'image du père
LA LÉGENDE 129
sagesse d'Ulysse répond celle de Pénélope et, dans cette même épitre, il
dénonce le grand nombre dont il fait partie et qui, à l'instar des prétendants
de Pénélope, se livrent à la vanité des plaisirs (49). Si la comparaison est
appelée par l'évocation d'Ulysse, le juste, qui, en massacrant les prétendants,
rétablira le règne de la vertu, la silhouette de Pénélope se profile comme l'alliée
d'Ulysse dans le combat. Mais la vision reste abstraite et fugitive. Dans cette
épitre d'inspiration stoïcienne, où Horace donne le premier exemple de cette
détermination dont il vient de faire part à Mécène d'abandonner la poésie
(50) pour s'interroger sur le vrai et le bien, seul Ulysse lui paraît capable de
fournir le modèle dont il a besoin.
La vertu de Pénélope est une donnée qu'il ne faut pas remettre en
question et, lorsqu'il le fera dans une de ses satires (51), c'est avec beaucoup de
prudence et de retenue. Son propos est de dénoncer, en la ridiculisant, la
pratique fort courante à Rome de la captation des testaments. Ulysse consulte
Tirésias aux Enfers pour savoir comment réparer le perte de ses biens. Le
devin lui répond en énumérant les divers façons de conquérir les héritages, et
Ulysse le vertueux accepte vite cette méthode sordide. Il se récrie, cependant,
lorsque Tirésias lui conseille de livrer Pénélope à un coureur de femmes, elle
«si sage et si pudique» (52). Qu'Ulysse ne s'inquiète pas ; Pénélope à son tour
se laissera prendre au jeu : «Elle sera comme le chien que rien ne peut
arracher à un morceau de cuir trempé d'huile» (53). Mais ne nous y trompons
pas ; on a ici une caricature qui tire précisément son sel et son cynisme de la
peinture qu'Horace fait ailleurs du couple odysséen. Aucune référence à
Tépouse éhontée de l'époque hellénistique. Il ridiculise, en gardant un schéma
universellement connu auquel il souscrit. Le procédé est le même que lorsque
Properce dépeint une Pénélope capable de succomber à la magie diabolique
d'une entremetteuse (54). Horace n'échappe pas à toute convention. C'est à
l'épouse chaste qu'il compare Lycée qui, en faisant attendre son amoureux
devant une porte, joue à ce qu'elle n'est pas. «Ce n'est pas une Pénélope
rebelle aux prétendants qu'a fait naître en toi un père tyrrhénien»(55). La
plainte devant une porte fermée est un thème consacré de la poésie
amoureuse ; l'image ne vaut que par l'originalité du rapprochement entre l'héroïne
mythologique et la descendante d'Etrusques connus pour leurs penchants aux
plaisirs amoureux, entre une donnée relevant de la littérature et une autre de
l'étude des mœurs.
Mais dans un cas, cependant, Horace rejoint Properce dans la force de
l'évocation. C'est paradoxalement dans une ode où Pénélope n'est ni chaste,
ni fidèle, ni amoureuse. Cette ode (56) a souvent surpris par sa composition
complexe. Lorsqu'Horace invite Tyndaris, cette maîtresse réelle ou
imaginaire à chanter «les tourments pour le même homme de Pénélope et de la
cristalline Circé» (57), le cheminement de l'imagination du poète est peu
clair. Tandis que la première partie est un hymne à Pan, évoquant la théopha-
nie du dieu dans la Sabine d'Horace, la deuxième est une invitation à
Tyndaris à venir assister à un banquet à l'abri de la canicule, dans ces lieux
où coulent l'abondance et la paix. C'est là qu'elle chantera Pénélope, à
l'exemple de Pan qui fait, de sa Syrinx, retentir les coteaux avoisinants (58).
On a vu (59) l'unité de l'ode dans cette protection divine dont jouit le poète
et dont il veut faire profiter tous les siens, en particulier la jeune femme qui
trouvera auprès de lui refuge contre la brutalité de Cyrus. Horace reçoit ce
bienfait des dieux parce qu'il est poète (60), et Tyndaris devra, à son tour,
entreprendre des œuvres poétiques. Tyndaris, harcelée par deux amants,
132 M.-MMACTOUX
ailleurs à son meurtre par Télégonos (77) mais sans jamais en tirer parti.
A partir du moment où, relégué loin de Rome, il est séparé de tous les
siens, sa poésie d'exilé prend une autre signification. Son histoire personnelle
lui permet de revivre le drame odysséen ; les errances d'Ulysse deviennent le
symbole de son propre destin et Pénélope s'identifie avec sa propre femme,
elle-même symbole de la fidélité des quelques amis qui ne l'oublient pas. En
quittant Rome pour la Scythie il célèbre ces cœurs qui lui étaient unis par la
fidélité de Thésée (78). Il laissait alors à Rome une femme qu'il venait
d'épouser et les six lettres qu'il lui adresse dans les Tristes (79) sur les
cinquante que comporte le recueil traduisent, non l'attachement passionné de
l'amant, mais l'attachement de l'exilé à celle qui, avec de trop rares amis,
s'efforce de préserver ses biens et de le défendre contre tous ceux qui ont
pris le parti d'Auguste contre lui. Il loue en elle son dévouement et son
courage qui ont su empêcher qu'on se partage ses dépouilles ; c'est en cela qu'elle
ressemble à Pénélope (80). Ce sont encore ces mêmes vertus, la pudeur,
l'honneur, la fidélité qui sont au centre de cette lettre d'anniversaire (81), vertus
qui assurent l'éternité quand il est un poète pour la chanter : «Vois-tu comme
la fidélité de Pénélope louée au long des temps garde son nom impérissable»
(82). Par l'intermédiaire de sa femme, Pénélope s'identifie ainsi dans l'esprit
d'Ovide à la fides qui prend tout son prix pour un exilé obligé de vivre au
milieu d'un peuple dont il ne connaît pas la langue, et dans une société à
demi-barbare. Au fur et à mesure que les années passent sur cette terre qui ne
voit jamais le printemps couronné de fleurs, il n'y a plus que sa femme qui
puisse le sauver en intercédant pour lui auprès de l'épouse de César. C'est ce
qu'exige l'amour conjugal, un amour fondé sur lefoedus, la fidélité des deux
parties qui se sont librement engagées (83). A nouveau revient l'exemple de
Pénélope qui a su, comme Admète et Laodamie, mais d'une autre façon,
remplir son contrat. S'il avait fallu tromper les prétendants trop empressés, elle
aurait imaginé un artifice comme Pénélope (84) mais, pour tenir son
engagement, il suffirait que sa voix implore pour qu'on permette à son mari d'aller
dans une contrée moins cruelle.
Ainsi Ovide, placé dans des conditions dramatiques, a spontanément
retrouvé pour parler de Pénélope les mêmes accents qu'un Properce ou qu'un
Horace. Si, pour dépeindre sa propre histoire, il a choisi ce symbole, c'est
bien parce que Pénélope occupait dans la sensibilité romaine de l'époque
d'Auguste une place exceptionnelle. Près d'un siècle plus tard, Stace qui, de
plus en plus, vit en exilé son séjour romain, exhortera, de la même façon, sa
femme Claudia à le suivre jusqu'à Naples-Parthénopè, sa patrie grecque et ses
«baies désirables» (85). Plus activement fidèle que Pénélope (86) Claudia ne
peut se montrer inférieure à elle. Si Ulysse l'avait permis, Pénélope «eût pris
le chemin des demeures troyennes» (87). La fidélité conjugale et l'amour de
la patrie sont ressenties par Stace comme les vraies valeurs qu'il redécouvre
dans un monde où la participation aux fêtes prodiguées par Jupiter-Domitien
pour quérir l'adulation du riche et du pauvre (88) risque d'avilir (89). Ce n'est
pas simple imitation d'Ovide (90). Dans une situation analogue la sensibilité
de Stace ressuscite une comparaison renouvelée par la profondeur du
sentiment. De la signification symbolique de cette comparaison nous voyons une
dernière preuve dans une œuvre, le Culex, dont le ton n'est plus celui de
l'élégie, mais qui exploite à fond ce symbolisme en procédant à une héroïsation
de la femme d'Ulysse.
Le Culex, parfois rattaché à Virgile mais qui est en fait une œuvre
134 M.-M MACTOUX
Notes du CHAPITRE IX
(1) Académiques, II, 29, 95.
(2) Yok supra, p. S9.
(3) De legibus, II, I, 3.
(4) J. Caicopino, De Pythagore aux apôtres, Paris, 1956, p. 210, citant ce passage, dit
pourtant que Cicéron «n'avait pu s'empêcher de souligner ce qu'avait
d'extraordinaire un pareil sacrifice à l'attachement conjugal».
(5) De natura deorum, ΠΙ, 22.
(6) Les récits des mythographes du 1er siècle avant J.C., Parthénios de Nicée ou
Didyme, n'ont eu aucune influence sur les grandes œuvres de l'époque. Parthénios,
dans les Souffrances d'amour (Mythographi graeci, Π, 1, supp. Parthenius, éd. E.
Martini, Leipzig, 1902) a le goût des légendes rares. Son ouvrages dédié à
Cornélius Gallus qui ouvrit la voie à l'élégie romaine, visait peut-être à lui fournir une
femme trom-
bienveillance
par le roi d'Epire Tyrimnas, trahit cette hospitalité en abusant de sa fille Evippé
dont il eut Euryale. A la trahison d'Ulysse répond la vengeance de Pénélope qui
permit le meurtre du fils par le père. Parthénios ne laisse aucun doute à ce sujet ;
c'est bien elle qui, ayant reconnu Euryale dont on lui avait parlé, persuade Ulysse
de le tuer en l'accusant bassement d'avoir voulu lui faire du mal (ΙΠ, 2). Quant à
Didyme, (d'après schol ad Od., 1, 797) qui vivait, selon la Souda, à l'époque de
Cicéron, il est le premier à raconter que Pénélope, qui s'appelait Ameiraké ou
Arnakia avait été jetée à la mer par Nauplios qui cherchait à se venger de la mort
de son fils Palamëde. Sauvée par des oiseaux aquatiques, des pénélopes, sorte de
canards sauvages, elle reçut d'eux son nom. Cette histoire, qui semble inventée
pour expliquer le nom de la reine, n'a pas trouvé d'écho dans la littérature (pour
la signification de l'histoire de Didyme, voir infra, p.234 ).
(7) Lettre IX et ΧΧΠΙ, R. Hercher, EG.
(8) Diogène Laërce, VI, 98.
(9) F. Sayre, Diogene of Sinope.A study of Greek cynicism, Baltimore, 1938, p. 60.
(10) A. Lesky,yl history of Greek literature, p. 857. R.Merkelbach, Roman und Myste-
rium in der Antike, Berlin, 1962, p. 339, n. 4, pense cependant qu'il a dû écrire
vers la fin du 2eme siècle après J.C.
(11) Cf. Odyssée, ΧΧΠΙ, 295 ; trad. P. Grimai, Romans grecs et latins, Paris, 1958,
p. 495.
(12) P. Boyancé, Discussion à J.Bayet, Catulle, la Grèce et Rome, va L'influence
grecque sur la poésie latine de Catulle à Ovide, Entretiens sur l'Antiquité classique, II,
Vandœuvres-Genève, 1956, p. 53.
(13) 68.
(14) 38.
(15) 64.
(16) 68 b, 73 ; trad. GXafaye, Catulle, Poésies, Paris, 1922.
(17) 61, 226-230 ; trad. ibid. Chez Horace, par exemple, Télémaque est donné comme
«descendant du patient Ulysse» (Epitres, 1, 7, 40).
(18) 61,221.
(19) J. Granaloro, L'œuvre de Catulle, Paris, 1961, p. 199.
(20) J. Granaloro, op. cit., p. 58-59.
(21) Id^Ibid, p. 70-75.
(22) E. Galletier, Etude sur la poésie funéraire romaine, Paris, 1921, p. 132 cite, entre
autres, ce passage de Catulle et un passage de Lucrèce, De natura rerum, V,
222 sq.
(23) Id.Jbid., p. 117-118.
(24) La plus ancienne épitaphe connue, consacrée à une femme est celle de Claudia
datent de l'époque des Gracques (52, F.Bucheler, Carmina latina epigraphica, I,
Leipzig, 1895).
(25) Odes, W, 5.
(26) Leges Juliae de adulteriis et de pudicitia de 18 avant J.C.
(27) IV, 22 à 25 ; trad. F. Villeneuve, in Horace, Odes et Epodes, Paris, 1964.
(28) G. Lafaye, Catulle et ses modèles, Paris, 1894, p. 63 sq.
(29) Sept fois, et celle de Pénélope, cinq fois.
(30) P. Boyancé, Properce, in L'influence grecque sur la poésie latine de Catulle à
138 M.-M MACTOUX
assaillie par les prétendants qui la demandent en mariage et pénètre dans son
palais en se faisant passer pour un hôte (v. 19). La fable 126 conte le retour
d'Ulysse et le massacre des prétendants. La fable 127, on l'a vu, s'inspire de la
Télégonie. La fable 224 intitulée Les immortels nés de mortels cite le cas de Pan,
fils de Mercure et de Pénélope (v. 5), tandis que la fable 256, évoquant les femmes
qui furent très chastes, commence par Pénélope, fille d'Icare et femme d'Ulysse.
Ces dernières fables se réduisent à une sèche énumération où héros et héroïnes ne
sont caractérisés que par le nom de leurs parents ou de leur mari Dans la fable
256, à la suite de Pénélope, Hygin nomme les Grecques qui reviennent le plus
fréquemment à ce sujet (cf. Properce, II, 6, 23; ΙΠ, 13, 24) : Evadné, Laodamie
Alceste, Hécube. Seul l'exemple de Théonoé est curieux. Peu connue, elle est le
sujet d'une autre fable d'Hygin (190) dans laquelle il célèbre, non son amour
conjugal, mais son amour filial.
(122) Plutarque, Vie de Numa, 16, I. En fait le temple fut élevé en 258 par le consul A.
Atilius Calatinus.
(123) J. Bayet, Histoire politique et psychologique de la religion romaine, Paris, 1957,
p. 142.
(124) Cicéron (De officiis, ΠΙ, 29, 104) cite un vers d'Ennius évoquant la bonne foi
bienfaisante, munie d'ailes.
(125) Horace, Odes, I, 35, 21 parle de la rarafides.
(126) Les travaux et les jours, 197-198 ; trad. P. Mazon, Paris, 1964.
(127) Description de la Grèce, III, 20, 11.
(128) Pour la nature à'Aidôs, voir infra, p. 21 1-212.
CHAPITRE X
PEINTURES
A Pompéi ont été exhumées trois fresques très proches par la
composition, la signification et la date. Elles sont presque contemporaines puisque
deux appartiennent au troisième style (7), c'est à dire au milieu du 1er siècle
et l'autre au 4e style, caractéristique de la décennie suivante, 65-70 (8).
des prétendants.
- Pausanias, II, 3, 3 (20).
Le péribole d'Apollon visité par Pausanias avait été construit près de la
fontaine Pirène à la fin du 1er siècle, après le tremblement de terre de 77.
Une dédicace en latin retrouvée sur un entablement de marbre mentionne un
portique et une exèdre. Le portique désigne le péristyle et l'exèdre, la salle
semi-circulaire au sud du péribole. C'est sans doute là qu'avaient été placées
la statue d'Apollon et la peinture du meurtre des prétendants (21). C'était lui
accorder, on n'en peut douter, une place exceptionnelle. Apollon était depuis
fort longtemps le grand dieu officiel de Corinthe et possédait déjà, au moins à
partir de la seconde moitié du Vie siècle (22), un temple non loin de là, au
nord -ouest de l'agora, la péribole étant au nord-est (23).
Il est fort probable que le temple dorique avait été construit à Corinthe
après la chute des tyrans, au moment de la constitution post-tyrannique (24).
Cet Apollon est celui qui instaura, Eunomia, Diké et Eiréné, filles de la sage
Thémis (25), et c'est pour cela que les Ambraciotes (26) l'invoquaient dans
leurs fêtes et leurs festins sous les noms de Sauveur Pythien (27). Cette longue
tradition d'un dieu épris d'ordre et de justice ne pourrait -elle expliquer la
signification de cette victoire d'Ulysse sur les prétendants, du juste qui, en se
vengeant, rétablit l'ordre ? (28). Certes, il n'est pas certain que Pénélope ait
figuré sur cette œuvre (29), mais les prétendants restent ceux de Pénélope et,
dans l'esprit de l'artiste, elle ne pouvait qu'être associée à cette entreprise de
salut. Ulysse, d'ailleurs, n'était pas un étranger à Corinthe. Déjà, dans
YOdyssée, on raconte comment il se rendit à Ephryra (30) qui est, sinon
Corinthe, du moins un site de Corinthie (31) et, Sisyphe, de qui Ulysse
descend dans certaines généalogies, avait reçu Corinthe des mains de Médée (32)
et s'était installé sur l'Acrocorinthe où il possédait encore à l'époque romaine
un sanctuaire (33). Cette peinture n'a pu qu'être contemporaine de la
construction du temple.
STATUES
C'est également au 1er siècle après J.C. que les sculpteurs romains ont
repris le thème de l'affligée. Nous avons étudié, à propos du Ve siècle (34),
ces statues dont il ne subsiste précisément, que des copies du temps d'Auguste
ou de ses successeurs immédiats. Les deux statues du Vatican sont
généralement considérées comme des copies du 1er siècle de notre ère. Rien ne
permet de savoir si les artistes romains ont vu là autre chose qu'un moyen de
satisfaire le goût de l'époque pour le Ve siècle grec. Il est bien connu que les
Romains, tout en copiant avec la plus grande exactitude les chefs-d' œuvres
grecs, n'hésitent pas à en modifier la signification. Un exemple fameux est le
Doryphore de Polyclète reproduit pour la palestre de Pompéi et qui fut
appelé Achille (35). On peut simplement remarquer que là où Pénélope figure
avec certitude, elle n'est plus jamais celle qui souffre sans espoir.
Il n'y a pas davantage de raison de parler de Pénélope, on l'a fait
parfois, pour une statue de Madrid (36). Cette statue plus grande que nature
représente une femme debout, vêtue d'une stola et d'une palla, et tenant une
navette de la main gauche. Il est impossible d'identifier le personnage, et
seule la navette, qui est un attribut moderne, avait fait penser à Pénélope. Il
s'agit sûrement d'un portrait de dame romaine (37).
TABLES ODYSSEENNES
LA LÉGENDE 149
Notes du CHAPITRE X
(1) Le nombre des seènes odysséennes figurées pourrait être beaucoup plus grand
encore si l'on accepte la thèse défendue par K. Weitzmann, Ancient book
illumination, Cambridge, 1959. La conception des tables odysséennes, qui, respectant
les divisions par chapitres, se présentent comme l'illustration d'un texte littéraire,
renverrait à des rouleaux de papyrus contenant des poèmes épiques illustrés qui
en seraient les prototypes. A.Sadurska, Les tables iliaques, Varsovie, 1964, p. 17,
rejette cette hypothèse et pense que le prototype est d'ordre monumental. Quoi
qu'il en soit, ces reliefs modestes étaient de nature à se multiplier.
(2) R. Bianchi Bandinclli, Rome, Le centre du pouvoir- L'art romain des origines à la
fin du Ile siècle, Paris, 1969, p. 171-179.
(3) Cf, par exemple, la figure exemplaire de Cornélia, «mère des Gracques».
(4) H. Rohden et H. Winnefcld, Architektonische romische Tonreliefs der Kaiserzeit,
tome IV, 2 de Die antiken Terrakoten, R. Kekule von Stradonitz, Berlin, 1880-
1911.
(5) Déjà W. Helbig, Guide dans les Musées d'archéologie classique de Rome, II, trad.
frsc J.Toutain, Leipzig, 1893, Musée Kirker, n. 229.
(6) R. Cagnat et V. Chapot, Manuel d'archéologie romaine, I, Paris, 1920, p. 107.
(7) Fresques de la maison dite des cinq squelettes et de la maison de L. Caecilius
Jucundus.
(8) Fresque du Macellum.
(9) Le geste de la main droite levée vers le menton se retrouve sur un relief de la
même période, le relief de Marbury Hall, dit vase Jenkins, pour Hélène. L.Ghali-
Kahil, Les enlèvements et le retour d'Hélène, Paris, 1955, p. 228-229, l'interprète
comme un mouvement de perplexité.
(10) A. Sogliano, op. cit., p. 116.
(11) P. Hermann, op. cit., Pour d'autres comme L. Barré, Herculanum et Pompéi, III,
Paris, 1870, p. 16, c'est Eurynomé.
(12) P. Hermann, op. cit., I, p. 70, n. 1.
(13) J. Ovcrbcck, Bildwcrke, p. 808, voulait voir dans la fresque de Macellum une
illustration du passage de YOdyssée, XIX, 51 sq. rapportant la première rencontre
d'Ulysse et de Pénélope, et dans celle de la maison des cinq squelettes la deuxième
rencontre. Inversement R. Engclmann, L'œuvre d'Homère illustrée par l'Art des
Anciens, II, Odyssée, commentaire à la planche XVI, 99, p. 12, interprétait la
fresque du Macellum comme un second rendez-vous devenu nécessaire par la mort
des prétendants. Et encore O. Touchefeu-Mcynicr, TO, p. 238, considère la
peinture de la maison des cinq squelettes comme une illustration du début du
chant XIV où Pénélope vient réprimander violemment les servantes d'avoir injurié
et maltraité le mendiant.
( 1 4) Loc. cit., voir supra, p. 1 08-1 09.
(15) Hist.Natur., XXXV, 32.
(16) J. Schmidt in Roschcr, Lexikon, s. v. Pénélope, fig. 5. F. Millier, OI, p. 105.
(17) G. Zahn, commentaire à la pi. 46, in Les plus beaux ornements et les tableaux les
plus remarquables de Pompéi, Herculanum et de Stables d'après les dessins
originaux exécutés sur les lieux, deuxième série, III, Berlin, 1852. S.Reinach,
Répertoire des peintures grecques et romaines, p. 52, n. 1. Plus récemment, c'est aussi
une Diane chasseresse qu'A Maiuri voit sans hésiter dans ce tableau, (cf. Là
Peinture romaine, Skira 195 3, p. 82)-
(18) H. Roux Aîné, Herculanum et Pompéi, Recueil général des peintures, bronzes,
mosaïques etc ... gravés au trait sur cuivre par //. Roux Aîné ; texte de L. Barre,
II, Paris, 1870, pi. 21
(19) Op. cit. p. 87. S.Reinach, Répertoire des peintures grecques et romaines, p. 165,
n. 2, propose, mais d'une manière dubitative, Paris et Hélène, ou Ulysse et
Pénélope.
(20) G. Roux, Pausanias en Corinthie, Pans, 1958.
(21) Id., ibid., p. 1 17-118. D'après la description de Pausanias, cependant, il semblerait
que la statue dont il parle soit extérieure au péribole, la seule chose qu'il y décrive
étant précisément la neinture représentant le massacre des prétendants. «Au
voisinage immédiat de Pirene, Apollon possède une statue et un enclos sacré dans
lequel une peinture figure l'audacieux exploit d'Ulysse contre les prétendants».
(trad.G.Roux).
(22) Date du temple dorique dont nous possédons les ruines ; cf. SS. Weinberg, «On
LA LÉGENDE 15 1
foules, tour à tour, par des exhortations ou des reproches (8). D'où cet
incessant recours à Homère, à l'extrême popularité duquel il est sensible,
pour rendre sa morale séduisante. Dans cet usage, Homère est le «maître de
Socrate», se servant comme lui de mythes pour instruire les hommes (9), et
non l'Homère sophiste du Discours troyen qui est, pour Dion, un menteur. Il
entreprend dans ce discours de montrer que les Grecs ont été battus. Parmi
les arguments (10) avancés à l'appui de cette thèse figure le nombre des
désastres domestiques qui attendaient les chefs achéens à leur retour. Ce n'est
pas la règle, dit-il, d'attaquer des hommes victorieux. Ulysse est cité au même
titre qu'Agamemnon et Diomède. Il s'attarda volontairement, en partie parce
qu'il était honteux, en partie parce qu'il suspectait la situation. La vertu de
Pénélope n'est pas directement mise en question, mais il suggère habilement,
en évoquant la jeunesse de Céphallénie qui la courtisait et s'était saisi des
biens du héros (11).
Même Dion le moraliste n'a pas l'air de considérer Pénélope comme un
être exceptionnel. Alors qu'il cherche chez Homère des personnages vertueux
avec l'intention de renforcer ses propres peintures (12), Pénélope est traitée
avec beaucoup de suspicion. Dans le Discours XV (13), il interprète
malicieusement les paroles prononcées par Télémaque dans YOdyssée à propos de sa
naissance (14). Deux hommes sont en train de discuter du statut d'esclave et
de celui d'homme libre, statut dû à la naissance. Comment savoir avec
certitude, dit l'un, par qui on a été engendré ? On ne peut se fier à ce que dit une
femme sur le père de son enfant. Télémaque ne mettait-il pas lui-même en
doute sa filiation, alors que Pénélope était pourtant considérée comme
chaste ? S'il ne va pas pourtant jusqu'à parler d'adultère, comme il le fait plus loin
pour Clytemnestre ou Aéropé (15), il sème le doute à son égard à l'image du
Discours troyen. 11 la ramène dans le lot commun et voit en elle une femme
comme les autres, capable d'infidélité, acceptant d'être courtisée par un
homme dissolu comme Antinoos qui séduisait en même temps les servantes
(16), se comportant avec les pauvres, elle qui était riche et comblée, avec fort
peu de délicatesse et de bonté. Elle promet seulement à Ulysse en haillons,
manteau et chaussures, si ses prédictions concernant le retour du maître se
réalisent (17), et lui répond avec beaucoup de morgue lorsqu'il demande de
s'essayer à son tour au jeu de l'arc (18). Elle accepte sa tentative en lui
précisant bien qu'elle l'exclut de sa promesse de mariage, et, en échange de cette
action périlleuse qui met sa vie en danger, elle lui fait miroiter des vêtements.
S'il ne réussit pas, il repartira en haillons. Elle qui avait la réputation d'être
sage, ne se conduit pas mieux, dit Dion, que les prétendants dont la
dépravation était connue. Seul Eumée, esclave et pauvre, fait preuve à l'égard
d'Ulysse de vraie générosité (19). Avec subtilité il détruit cette autre image de
la reine que l'on donne sans preuve comme chaste (20), sage et bonne (21). 11
renverse une idole populaire, non pas en racontant à son propos des histoires
invraisemblables, mais en se livrant à l'égard de l'héroïne d'Homère à une
analyse pénétrante. Cette destruction de l'opinion reçue, acceptée par la foule,
est un trait proprement cynique que Dion loue chez Diogène, l'un de ses
maîtres à penser (22). Pénélope n'échappe pas à cette mise en question insidieuse.
Comme Dion, Plutarque traite Pénélope avec une prudente réserve.
Sans doute, au hasard de ses traités, elle apparaît comme la femme sérieuse
et modeste qui s'oppose à la maîtresse encombrante et coûteuse (23). Dans
ses Conjugalia praecepta, l'exemple du couple odysséen est évoqué dans un
passage où Plutarque énonce un des principes sur lequel repose l'harmonie
LA LÉGENDE 157
cet exemple, c'est Ulysse qui est lavé de tout reproche ; Plutarque ne dit rien
du comportement de Pénélope dans cette scène, qui avait été, depuis
longtemps, fort mal jugé (37).
Cette suspicion trouve son aboutissement dans une lettre attribuée à
Heraclite et dont on ne connaissait jusque là que la première partie (38). Un
papyrus récemment analysé (39) a révélé la continuation de cette lettre
apocryphe, genre très répandu du 1er et Ille siècle de notre ère. L'auteur y
condamne Homère d'avoir montré les principaux héros asservis aux passions
amoureuses, tel Achille qui n'a pas honte d'invoquer la vierge Athéna en
faveur d'une courtisane. Le trait est cynique - non pas la condamnation
d'Homère tenu en grande estime par les Cyniques - mais celle de la passion
mauvaise parce qu'elle asservit. Tous paient de leur vie cet esclavage. Ajax est tué
à cause d'une femme, comme Agamemnon à cause de Cassandre, les jeunes
gens d'Ithaque à cause de Pénélope, ceux d'Ilion à cause d'Hélène. La
condamnation de Pénélope se fait encore plus violente dans la suite de la lettre.
Comme Xlliadc est l'histoire d'une femme qui avait été ravie, X Odyssée est
l'histoire d'une autre femme qui désirait l'être (40). Les hésitations de
Pénélope sont aussi condamnables que la fuite d'Hélène. «Celui qui ne veut pas
une chose cesse rapidement. L'atermoiement est une confusion de jugement»
(41). L'indécision est coupable pour une morale qui met au premier rang
l'exercice de la volonté, et la conduite de Pénélope est «l'antithèse de l'idéal
cynique d'une volonté qui sait ce qu'elle veut» (42). Déjà Antisthène devait
avoir dit la même chose dans son traité Au sujet de Pénélope, d'Ulysse et du
chien. Mais la critique de Pénélope se fait plus incisive encore, et elle devient
le type de l'immortalité. «S'il (Ulysse) n'avait pas été sur le chemin du retour,
elle se serait promise en mariage tous les dix ans» (43). Rompant avec la
tradition cynique la plus assurée, l'auteur s'en prend à Ulysse lui-même ; son
retour est présenté comme une occasion de courtiser les femmes. «Ensuite, par
satiété, il désirait Pénélope» (44). La condamnation de Pénélope se fait ici
d'une manière beaucoup plus totale. Chez les premiers Cyniques, elle était
encore celle dont la sagesse, pour être inférieure à celle d'Ulysse, surpassait
celle des amants qui promettent l'impossible. Ulysse avait raison de préférer
son épouse. Maintenant son retour n'a rien de noble. Elle n'est qu'une femme
parmi d'autres, qu'on recherche quand on est repu des autres. Cette évolution
à l'intérieur même de la pensée cynique rejoint l'attitude de Dion et de
Plutarque, moins catégorique mais tout aussi significative.
L'incohérence avec laquelle Lucien parle de Pénélope relève de la même
tendance. L'utilisation rhétorique de la légende montre qu'elle a perdu son
statut privilégié- Les contradictions n'ont aucune valeur dans leur contenu.
L"éïuge de la vertu et de la tempérance de Pénélope (45) a, de ce point de
vue, la même signification que le portrait criminel de l'épouse d'Ulysse,
dessinée par Achille Tatius dans Les aventures de Leueippé et de Clitophon (46)
à la fin du Ile siècle. Les Portraits de Lucien sont, par leur objet et leurs
procédés, caractéristiques du genre épidictique particulièrement cher à la
sophistique du deuxième siècle. Lorsque Lycinos essaie d'évoquer pour son ami
Polystrate l'émerveillement ressenti à l'égard d'une femme qu'il a rencontrée,
et qui l'a beaucoup impressionné, il puise dans la galerie des femmes
connues, personnages historiques ou héroïnes mythiques, des types qui lui
serviront de comparaison. D'Aspasie elle a la finesse, de Théano, la femme de
Pythagore, l'élévation même, de Sappho, l'élégance du génie, de Diotimc,
l'esprit et la prudence. Pénélope lui fournira le modèle de la vertu et de la
LA LÉGENDE 159
Smyrne écrit la Suite d'Homère (74) avec l'intention avouée de narrer les
événements qui se sont déroulées entre la mort d'Hector, à la fin de Yfliade,
et les aventures odysséennes. Ulysse est longuement évoqué par Quintus. Au
livre V qui retrace la dispute des armes d'Achille par Ajax et Ulysse, Ajax
commence son discours en rappelant au héros son passé, sa mère qui n'a
«enfanté qu'un lâche et qu'un couard» (75), et sa dérobade au moment du
départ lorsque les Atrides sont venus le chercher. Pénélope est absente de
cette évocation. La seule allusion se trouve dans un papyrus anonyme (76)
d'Oxyrhynchos qui date probablement du même siècle. Il traite d'un thème
directement emprunté à YOdyssée. Ulysse revenu à Ithaque raconte ses
aventures à un de ses fidèles et si par quelques détails l'auteur s'éloigne de
son modèle, ce modèle reste très proche. Ulysse parle des épreuves de
Pénélope usant d'un terme épique et rappelle les mauvais moments que tous ont
connus, ses amis comme Télémaque et la sage (77) Pénélope.
Ainsi Pénélope ne trouve grâce, ni dans la littérature morale ou
sophistique, ni dans la littérature narrative ou mythologique. La démystification,
après avoir pris la forme d'une mise en doute du caractère sublime de sa vertu,
se manifeste par un oubli significatif. Même les œuvres des mythographes du
temps sont révélatrices. Lorsque le pseudo-Apollodore, qui écrivit
probablement au Ile siècle sa Bibliothèque et son Epitomé, raconte la légende (78),
il s'efforce de réunir toutes les versions connues. Après avoir, dans YEpitomé,
rappelé la version homérique (79) et cyclique (80), il reprend celle qui avait
atteint le paroxysme à l'époque hellénistique. Les prétendants qui ont séduit
Pénélope sont nommés et l'histoire, par là même, devient plus vraisemblable.
Pour les uns Pénélope a été séduite par Antinoos, et Ulysse l'aurait renvoyée à
son père (81) ; pour les autres, elle aurait eu des relations avec Amphinomos
dont Ulysse se vengea en le tuant (82). On ne trouve, avant cette date, aucune
trace de ce meurtre. Jusque là, c'était Pénélope qui s'était vengée des
infidélités d'Ulysse (83). Maintenant c'est Ulysse qui se venge des infidélités de
Pénélope.
LA LÉGENDE 163
Notes du CHAPITRE XI
(1) W. Stanford, The Ulysses thème, p. 146-158.
(2) 54-56 ; trad. P. de Labrio Ile et F. Villeneuve Juvénal, Satires, Paris, 1964.
(3) P. de Labriolle, Les Satires de Juvénal, Paris, 1932, p. 199.
(4) Satire XV, 13-26.
(5) Epigrammes, I, 62, 6 ; XI, 7, 5 ; XI, 104, 16 ; trad. HJ. Izaac, Martial, Epi-
grammes, 3 voL, Paris, 2eme éd., 1961.
(6) Le Corpus Priapeorum considéré par les philologues comme un corpus d'origine
diverse présente cependant une grande unité et pourrait être l'œuvre d'un auteur
unique qui s'inspirerait étroitement de Martial (cf. V. Buchheit, Studien zum
Corpus Priapeorum, Munich, 1962) à moins que l'auteur ne soit Martial lui-même
(cf. L. Herrmann, «Martial et les Priapées», Latomus, XXII, 1963, p. 31-55).
L'épjgramme LXVIII offre de nombreuses correspondances avec les epigrammes
de Martial (cf. L. Herrmann, loc. cit., p. 50).
(7) LXVIII, 27-38, F. Bucheler, Petronii satirae et liber Priapeorum, Berlin, 1895 ;
jeu de mots sur l'expression nervum intendere qui signifie tirer la corde d'un arc
et accomplir l'acte sexuel.
(8) Discours LXVII et LXVIII, 38, in D» Chrysostom, Discourses, 5 voL text and
translation by J.W. Cohoon et H. Lamar Crosby, Londres, 1961-1964.
(9) Discours LV, Au sujet d'Homère et de Socrate, ibki.
(10) Discours XI, en général daté d'avant l'exil de Dion, de la période où il était
sophiste.
(11) XI, 134.
(12) C. Affholder« L'exégèse morale d'Homère chez Dion de Pruse», BFS, novembre
1966, p. 287-293.
(13) XV, 4.
(14) Od., I, 215 sq.
(15) XV, 6.
(16) LV, 20.
(17) VII, 84.
(18) VII, 85-86.
(19) VD,83.
(20) XV, 4.
(21) VU, 86.
(22) L. François, Essai sur Dion Chrysostome, Paris, 1921, p. 133-135.
(23) Quaestiones convivales, VII, 706 D.
(24) Conjugalia praecepta, 140 D.
(25) Ibid, 140F-141.
(26) De garrulitate, 506.
(27) Od., XIX, 210-212, vers cités par Plutarque.
(28) H. Cherniss et W.C. Helmbold, Plutarch's Moralia, XII, Londres, 1957, p. 489.
(29) O. Gréard, De la morale de Plutarque, Paris, 1866, p. 1 27.
(30) 988 B.
(31) 989.
(32) 989 B. trad. V. Bétolaud Plutarque, Oeuvres morales et œuvres diverses, IV,
Paris, 1870.
(33) Voir supra, p. 58 sq.
(34) Dion, Discours, VI, 27-35 .
(35) Bruta animalia ratione uti, 989.
(36) Quomodo adolescens poetas audire debeat, 27 B.C.
(37) En particulier par Dicéarque (cf. supra, p. 97 sq.)
(38) Heraclite, lettre Vu, R. Hercher, EG, p. 283.
(39) V. Martin, «Un recueil de diatribes cyniques», MH , 1959 ρ 79 Sq
(40) Col. XIV, 35-37.
(41) Col. XIV, 41 ; trad. V. Martin, loc. cit., p. 82.
(42) P. Photiadès, p. 139, in «Les diatribes cyniques du papyrus de Genève, 271,
leurs traductions et élaborations successives», MH, 1959, p. 116-139.
(43) Col. XIV, 38-40 ; trad. ibid.
(44) CoL XIV, 48 ; trad. ibid.
(45) Lucien, Portraits, 20.
(46) 1, 8.
(47) J. Bompaire, Lucien écrivain . Imitation et création, Paris, 1958, p. 275-278.
164 M.-M MACTOUX
(48) 7.
(49) 21.
(50) J. Bompairc, op. cit., p. 379 sq.
(51) 12,1.
(52) 11,20.
(53) II, 35.
(54) II, 36.
(55) V,215sq.
(56) J. Bompairc, op. cit., p. 71.
(57) M. Caster, Lucien et la pensée religieuse de son temps, Paris, 1938, p. 295.
(58) Histoire vraie, I, début.
(59) Dialogue XXII.
(60) Beda Hopkan, Lukians, Dialogue uber die Gôtterwelt, Diss. Solothurn, 1904,
p. 16-17 cité par M. Caster, Lucien et la pensée religieuse de son temps, Paris,
1937, p. 194, n. 23. L.Bompaire, op. cit., p. 578, partage ce point de vue.
(61) C'est à ce même niveau que se situe l'image conventionnelle de Pénélope qu'offre
Athénée dans le Banquet des Sophistes. Qu'il cite Homère (I, 14, bc), le comique
Euboulos dans Chrysilla (XIII, 559 c), ou les jeux de mots de Démétrios
Poliorcète (XIV, 615 a), le rôle de Pénélope est confiné à celui de la chaste épouse,
assiégée par les prétendants sous les yeux de l'aède Phémios. Moraliste de ce
temps, l'aède exprimait sa haine et son dégoût à leur égard ; quant à la citation
d'Euboulos, elle est faite par l'un des convives à l'appui de sa thèse sur l'influence
pernicieuse des femmes. On sait comment Euboulos (voir supra, p. 57 )
cependant, ne les condamne pas toutes, et présente Pénélope comme une exception. En
réponse à cette diatribe, le grammairien Myrtilos se met à les défendre en citant
le passage où Hermésianax de Colophon énumérait les femmes qui ont vécu dans
l'ombre de tous les grands hommes, en particulier des poètes qui les appréciaient.
Hésiode, amoureux d'une jeune fille d'Ascra, et Homère, amoureux de Pénélope,
sont choisis à titre d'exemples (ΧΠΙ, 597 e). C'est simple fantaisie de la part de
l'auteur, de même lorsqu'il rappelle le bon mot de Démétrios Poliorcète disant
que «n'importe quelle prostituée à sa cour vivait plus chastement que n'importe
quelle Pénélope à la sienne» (XIV, 615 a).
(62) J. Schwartz, «Quelques observations sur des romans grecs», A C, 1967, p. 536-552.
(63) Cf, Les travaux et les jours, 42 sq.
(64) I, 8, 6.
(65) B. F. Perry, The ancient romances. A literary historical account of their origins,
Berkeley - Los Angeles, p. 109.
(66) A. Lcsky./4 historv of Greek literature, p. 850.
(67) XIV, 45".
(68) Dictyis Cretensis ephemeridos belli Trojani libri, éd. W. Eisenhut, Leipzig, 1958,
préface, p. VIII.
(69) VI, 6.
(70) Flavii Philostrati opéra, II, éd. CL. Kayser, (Leipzig, 1870) réimp. Hildesheim,
1964, p. 128 sq.
(71) Op. cit., XVIII, 3.
(72) Eikones, II, 28.
(73) Cf. A. Fairbanks, Philostratus, Imagines, Londres, 1960, p. 248, n. 3.
(74) Pour la date de Quintus, cf. F. Vian, Quintus de Smyrne, La Suite d'Homère,
3 tomes, Paris, 1963, introduction au tome I.
57 S) V 1 86 : trad. F. Vian, op. cit.
(76) Fr. 137, D.L. Page, Select papyri, III, Literary papyri, I, Poetry, Londres, 1950.
(77) Le terme grec est effacé. D.L. Page propose un terme homérique qualifiant
souvent Pénélope dans YOdyssée.
(78) A. Lesky , A history of Greek literature, p. 85 6-85 7 .
(79) VII, 26-33.
(80) VII, 35-37.
(81) VII, 38.
(82) VII, 39^0.
(83) Dès le Ve siècle avant J.C. dans Euryalc de Sophocle.
CHAPITRE XII
vertueuse et attachée à son époux (28) ; mais c'est encore Ulysse qui est, pour
lui, le modèle du courage de l'âme. Quand il résume V Odyssée, il ne souffle
mot de Pénélope. « \J Odyssée est l'histoire du retour d'Ulysse dans sa patrie
après le siège, des maux qu'il éprouva dans les différentes contrées où il erra
et de la manière dont il se vengea de ceux qui cherchaient à s'emparer de son
bien. On voit par là que le grand poète a voulu nous présenter dans YOdyssée
un modèle du courage de l'âme» (29). Ailleurs il loue la modération d'Ulysse
qui, face aux pleurs de sa femme, sait contenir son regard (30) et oppose à la
démesure des prétendants la sagesse du héros, négligeant celle de sa femme.
Bien fade exégèse par rapport au courant allégorique qui s'épanouit au Ille
siècle.
C'est probablement le néopythagoricien Numénius d'Apamée qui, dans
la seconde moitié du Ile siècle, renouant avec une tradition pythagoricienne,
va contribuer à faire de Pénélope le symbole de la philosophie et de la vraie
sagesse. Ce philosophe était lu et commenté dans l'école de Plotin, et
Porphyre dans L'antre des nymphes rappelle que «Numénius et son école
pensaient qu'Ulysse dans l'idée d'Homère, offrait l'image, tout au long de
YOdyssée, de l'homme qui traverse les successives épreuves de la génération»
(31). Numénius s'intéressait donc particulièrement à l'épisode d'Ulysse retenu
par Calypso et s'efforçant de rejoindre Pénélope. Or, Eustathe a gardé le
souvenir d'une exégèse de ce type. Ulysse abandonne Calypso la fille d'Atlas,
l'axe du monde, pour Pénélope, la philosophie méthodique et la vraie sagesse
(32). C'est parce que Pénélope tisse et détisse la toile qu'elle peut être
assimilée à la philosophie (33). La comparaison du travail de la pensée avec celui du
métier est une métaphore déjà présente chez Homère (34) ; Eustathe
l'explicite quand il dit que, de même que l'on obtient l'étoffe en combinant la
trame avec la chaîne, on créé aussi le discours en composant des mots (35). Mais
l'analogie est encore plus précise et se poursuit avec l'emploi du verve analuô
qui veut dire résoudre les syllogismes en leurs diverses propositions pour
étudier la rigueur de leur enchaînement. Lorsque, dans YOdyssée, Homère décrit
la ruse de Pénélope, c'est ce verbe qu'il emploie (36). En détissant, Pénélope
se livre donc au vrai travail de l'intelligence, inaccessible aux prétendants stu-
pides, et ce travail, elle ne peut l'accomplir que sous l'inspiration divine (37).
La servante complice de la reine devient la méthode analytique elle-même
(38). Ainsi s'accomplira pour celui qui prendra Ulysse en exemple cette
conversion à laquelle appelle Eustathe : «Lorsqu'on t'aura inscrit parmi les
prétendants de la sage Pénélope, toi aussi tu travailleras à la toile, et Pénélope, la
philosophie, allumera pour toi, en secret et en silence, les flambeaux de la
connaissance et te fera voir comment on défait cette toile ; alors tu pourras te
rendre compte que nous avons bien tissé, avec elle, les fils de cette
élévation» (39).
Cette allégorie a dû trouver sa forme complète dans l'entourage de
Plotin et de Porphyre (40). Plotin ne cite pas Pénélope dans les Ennéades mais,
lorsqu'il invite l'homme à retrouver la vraie patrie, il donne en exemple
Ulysse qui «échappa, dit-on, à Circé la magicienne et à Calypso, c'est-à-dire
qui ne consentit pas à rester près d'elle, malgré les plaisirs des yeux et toutes
les beautés sensibles qu'il y trouvait» (41). Et Porphyre pense qu'Ulysse, en
renonçant à la toute sage Pénélope, eût abjuré la vertu et perdu avec elle la
force pour son âme de remonter auprès de la divinité (42). Il est probable,
cependant, qu'ils sont l'un et l'autre les héritiers des Pythagoriciens qui ont
souvent cherché à tirer de l'étymologie des conclusions au point de vue religieux
170 M.-M MACTOUX
et moral (43).
C'est à cette sagesse que songe Julien au IVe siècle, lorsque, dans
L'éloge de l'impératrice Eusébie, il se sert de l'exemple de Pénélope pour
louer sa protectrice. On pourrait être tenté de ne voir là que procédé rendu
obligatoire par les lois du genre héritées d'une longue tradition littéraire.
Précisément, peu de temps auparavant, l'orateur grec Ménandre l'avait
systématisée dans ses traités (44). Mais si l'usage contraint dans la forme, la
possibilité de choix demeure dans le contenu. Un coup d'oeil jeté sur les
panégyriques prononcés au IVe siècle par des orateurs gaulois (45) devant les
empereurs, montre que leur air de famille tient non seulement aux règles suivies
mais à l'utilisation d'exemples caractéristiques de l'époque. A des
comparaisons avec Ulysse qui, en d'autres temps, se seraient imposées, se substituent
des comparaisons avec Hercule. Certes, Dioclétien en prenant le nom de
Jovius et en imposant à Maximien celui d'Herculius, a voulu préciser les
fondements religieux du pouvoir impérial, assurant l'indépendance des
empereurs à l'égard des hommes et des dieux (46), mais le choix d'Hercule reste,
dans une certaine mesure, contingent, et lié à la culture d'une époque.
Il ne semble pas, d'ailleurs, que les rhéteurs grecs contemporains se
soient particulièrement attachés à Pénélope. Libanios, dans ses exercices
d'école, prend à de nombreuses reprises des épisodes de l'histoire d'Ulysse
comme thème et les emprunte tour à tour à Ylliade et à YOdyssée.
L'ambassade d'Ulysse et la réponse d'Achille à Ulysse venu sous sa tente essayer de le
convaincre de renoncer à sa colère sont les sujets des Déclamations IVet V.
D'autre part, dans les Ethopées, discours de personnages dans certaines
situations dramatiques, Ulysse revient trois fois, avec deux discours prononcés
dans la grotte du Cyclope (47), et un autre après le meurtre des prétendants
(48). Là, Pénélope est citée, mais qu'incidemment, et peu par rapport au
sujet. Lorsqu' Ulysse, soulagé par sa vengeance, prend la parole, ce sont ses
propres exploits qu'il loue, tous ceux qu'il a accomplis à Troie et pendant le
voyage du retour. D'elle, il dit simplement qu'elle échappe à Yhybris (49)
qu'Homère dénonce chez les prétendants. Mais, si la confrontation d'Ulysse et
de Pénélope n'intéresse pas Libanios, il n'est pas douteux que la réunion du
couple ait eu pour lui une valeur exemplaire. Libanios, nourri d'Homère
compare souvent sa situation à celle des héros homériques. C'est ainsi que
lorsqu'au début du Discours sur sa propre fortune il raconte combien fut
violent son désir d'aller étudier à Athènes il s'identifie à Ulysse. «Et je crois que,
semblable à Ulysse, en vue de la fumée d'Athènes, j'aurais repoussé l'hymen
d'une immortelle» (50). Pénélope est citée longuement par Achille qui répond
à Ulysse venu le voir sous sa tente (51), et par d'autres héros grecs dans le
même sens. Encore Achille, après l'enlèvement de Briséis, suggère
l'attachement d'Ulysse pour Pénélope en disant combien la réconciliation immédiate
d'Ulysse avec un homme qui a désiré sa femme est impossible à envisager
(52). Lorsqu'Oreste, dans sa défense, songe au retour d'Ulysse, c'est pour
l'envier d'avoir retrouvé une femme sage infiniment supérieure (53) aux
prétendants pillant sa demeure. Dans son Discours sur Art émis il n'hésite pas à
rappeler que le très sage Homère se sert de comparaison avec la déesse pour
honorer la fille d'Alkinoos et la fille d'Icare qui égalent, l'une et l'autre,
Artémis pour la beauté (54). Pénélope est aussi digne d'admiration.
Nous n'avons pas l'impression, cependant, que la pensée de Libanios
aille bien au-delà de l'évocation qu'on peut attendre de la part d'un homme
qui a lu et relu auteurs grecs, et lutte de toutes ses forces contre la décadence
LA LÉGENDE 171
attachée, malgré les persécutions, au culte de la Mère des dieux (70). L'amour
conjugal, aussi grand soit-il, n'est rien à côté de l'amour des dieux. Mais ce
sont plus les limites d'Homère qu'il dénonce que celles de Pénélope. De la
même époque date le Misopogon rédigé par l'empereur à l'intention du
peuple d'Antioche chez qui il vient de séjourner, et qui a fort mal accueilli ses
efforts ostentatoires pour restaurer les cultes païens. Conscient de son échec
Julien essaie de l'expliquer aux autres, et surtout à lui-même. Il dénonce
l'influence de son précepteur Mardonios qui, remplaçant sa mère morte, lui a
présenté un reflet idéalisé de la vie en l'invitant sans arrêt à chercher la
perfection dans Homère (71). Vue très partielle et dans une certaine mesure
appauvrie ; il s'en rend compte maintenant en affrontant un peuple dont il
n'arrive pas à se faire comprendre. En dénonçant l'infériorité de Pénélope
qui se contente d'attendre vingt ans le retour d'Ulysse, tandis que Callixéna
a résisté pendant quarante ans aux persécutions (72), il veut marquer sa
désapprobation à l'égard d'une éducation livresque qui l'a peu préparé à
saisir la richesse de la réalité.
Mesurer les limites de la Pénélope homérique n'a pas d'autre
signification pour lui que de mesurer les limites de l'œuvre littéraire qui ne peut
présenter qu'un aspect des choses. Comme il le rappelle dans l'éloge d'Eusébie,
la vertu ne prend pas une forme unique. Homère a préféré célébrer Pénélope
plutôt que des guerrières illustres par leurs exploits, parce que dans les
conditions où elle se trouvait, sa conduite était parfaite, comme sont parfaites, dans
des circonstances analogues, celles d'Eusébie ou de Callixéna. Dire que
Callixéna est supérieure à Pénélope, c'est dire que l'amour des dieux est supérieur
à l'amour humain, mais rapprocher ces deux femmes n'est-ce pas voir, à la
manière de Plotin, une préfiguration de l'une dans l'autre ? On ne peut douter
que ce ne soit la pensée profonde de Julien, gagné au paganisme par une visite
aux maîtres de l'école néoplatonicienne de Pergame et d'Ephèse. Julien est ici
le disciple de Porphyre et, par l'usage qu'il fait de la légende, il montre que
cette interprétation mystique, loin d'être uniquement le fruit d'une pensée
philosophique, est en harmonie avec la sensibilité exacerbée d'une époque
troublée.
LA LÉGENDE 173
ET L'ART BYZANTIN
I -ART ROMAIN TARDIF
Fresque d'un hypogée funéraire du viale Manzoni à Rome. îère moitié du IHe
siècle après J.C. PI. XII
- G. Bendinelli, «II monumento sepolcrale degli Aureli», Monumenti
Antichi, XXVIII, 1922-1923, p. 290-514 et pi. XIII.
- S. Reinach, Répertoire de peintures grecques et romaines, p. 217, n. 1.
- Ch. Picard, «La grande peinture de l'hypogée funéraire dite du Viale
Manzoni à Rome et les tentations d'Ulysse», CRAI, 1945, p. 26-56,
fig.l·
- J. Carcopino, De Pythagore aux apôtres, Paris, 1956, p. 85-221 et
pi. XIV, 2.
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 448.
Cette peinture, qui ornait un des murs d'une chambre (4) de l'hypogée, est
une vaste fresque qui s'étend sur deux registres. Sur le registre supérieur, un
certain nombre d'édifices évoquent une cité avec, au premier plan, un
troupeau composé d'animaux se dirigeant vers l'un des bâtiments ; dans un coin,
seul être humain, une femme à une fontaine. Sur le registre inférieur, trois
personnages nus, et un groupe composé d'un homme assis, misérablement
accoutré, qui parle en étendant la main, et d'une femme, debout près d'un
métier à tisser qu'elle a abandonné pour écouter son interlocuteur avec
attention.
Dès la première publication complète de la fresque et son analyse, G.
Bendinelli (5) a proposé de reconnaître là Ulysse et Pénélope, tandis que les
trois jeunes gens seraient les prétendants. Cette interprétation a été reprise
178 M.-MMACTOUX
Un Plat d'Euboulos
- Anthologie palatine, IX, 816.
- O. Touchefeu-Meynier, TO, n. 478.
«En face de Télémaque et près de Pénélope, pourquoi, héros si sage et si avisé
étends-tu une main qui témoigne de tes craintes ? Ta nourrice ne dira jamais
aux prétendants qui tu es» (16). Le plat représentait donc la scène du bain de
pieds, et Ulysse cherchait à faire taire Euryclée, comme sur les plaques de
terre cuite de l'époque d'Auguste. Suivant l'habitude de ces épigrammes
descriptives aucune précision plastique n'est donnée. D'Euboulos, on ne sait
rien. On s'accorde seulement à considérer cette épigramme comme la
description d'un objet de l'époque byzantine (17).
180 M.-MMACTOUX
LE CRÉPUSCULE DE LA LÉGENDE
A partir du Ve siècle la légende n'inspire plus aucune œuvre littéraire.
Le dernier témoignage important est L'éloge de Sérène de Claudien. Mais
cette œuvre, rédigée probablement à l'extrême début du Ve siècle, peu de
temps avant la mort de l'auteur, puisqu'il semble qu'on puisse seulement
expliquer par elle son inachèvement, marque déjà le recul de la légende.
Comme dans tous ses panégyriques, Claudien suit d'une manière très
précise le plan et les procédés fixés par les rhéteurs (1). Les parallèles avec les
héros des légendes grecques ou les dieux de l'Olympe en font partie.
Simplement, au lieu de finir par là comme c'était l'usage, Claudien exploite le
procédé dans le préambule. Sérène, la femme de Stilichon est au-dessus de toutes
les femmes de l'Antiquité, de la Grèce comme de Rome. La femme d'Admète
côtoie Tanaquil, Clélia et Claudia, mais c'est à Pénélope, cependant, que
revient la meilleure part.
A l'évocation de sa gloire, qui n'est rien à côté de celle de Sérène,
Claudien consacre treize vers (2). Toute YOdyssée est un immense poème
écrit par Homère pour célébrer l'épouse d'Ulysse. Les aventures de son mari
sont d'autant d'épreuves qui rendent plus éclatante la chasteté de Pénélope à
qui il reste fidèle. Mais c'est surtout par l'intermédiaire d'Ulysse qu'est louée
Pénélope, cette femme pour qui un héros tel que lui connut tant de maux.
Elle ne reviendra d'ailleurs plus dans l'éloge. Lorsque Claudien chantera les
vertus de Sérène à la place consacrée, il redira qu'elles sont dignes des temps
antiques, et Nausicaa lui paraîtra être l'incarnation de ces vertus (3). Pour
louer son esprit vertueux qui se complaît dans la lecture et la méditation des
exemples de chasteté, ce sont ceux de Laodamie, d'Evadné, de Lucrèce qui
seront cités (4). Rien de comparable ici à L'Éloge d'Eusébie . Claudien sacrifie
manifestement à une mode littéraire, et par son formalisme, il annonce le
temps où Pénélope va être réduite à nourrir exclusivement l'imagination
populaire, surtout dans des régions où l'hellénisme n'a jamais cessé d'exercer son
attrait.
L'Egypte nous fournit plusieurs exemples intéressants. Un papyrus
magique de la première moitié du IVe siècle (5) contient une formule qui devait
être prononcée par des amants ou des maris jaloux pour que la femme aimée
ne s'unît à personne d'autre. Après la préparation d'une potion destinée à
enduire les parties sexuelles, le suppliant devait dire entre autres, ces mots :
«Que Ν Ν m'aime pendant tout le temps comme Isis aimait Osiris et qu'elle
reste chaste comme Pénélope à Ulysse» (6). Que Pénélope apparaisse dans
cette incantation au même titre qu'Isis, qui était pour les Egyptiens non
seulement la plus sage mais aussi la plus amoureuse des femmes, montre combien
elle était devenue populaire, même chez les illettrées.. Sans doute les
utilisateurs ne pénétraient-ils pas nécessairement le sens des formules qui relevaient
souvent d'une magie savante. Mais la conduite de Pénélope, assimilée à celle
d'Isis, est réduite à un schéma compréhensible, même si le reste de la légende
demeurait obscure.
Un autre exemple est apporté par un fragment anonyme du Ve siècle
(7) dans lequel un habitant de Thèbes en Egypte fait, en hexamètres, le
panégyrique d'un général romain. La pièce a un but très précis : exhorter le héros
absent à revenir défendre sa patrie soumise à des incursions ennemies.
L'auteur, qui n'est guère lettré (8), lance un vigoureux appel pour que le
184 M.-MMACTOUX
soldat regagne Thèbes, imitant Persée revenant chez lui, Achille retrouvant
Déidamie et Ulysse.... Le papyrus s'interrompt ici, mais la supplique devait
finir sur une évocation du retour d'Ulysse à Ithaque auprès de Pénélope. Le
rappel de Déidamie, la femme d'Achille, deux vers auparavant, implique
certainement celui de Pénélope. Cette survivance du thème est sensible encore
dans une épigramme funéraire de Cyros le poète qui connut une grande
fortune politique sous Théodose à Constantinople dans le second quart du Vème
siècle mais était né à Panopolis. Une femme est louée d'avoir pris modèle sur
tous les travaux de Pénélope (9). Lettré, certes Cyros l'était, mais l'allusion
appartient à un genre vulgarisateur qui perpétue le goût populaire pour la
légende.
Les seules évocations relèvent désormais de lettres fictives, qui sont
encore un genre populaire, de commentaires mythologiques et d'épigrammes de
grammairiens, de lexiques qui, pour être destinés à des érudits, ne retiennent
que l'anecdote à la manière populaire. On intègre tous les éléments
antithétiques sans chercher à les concilier, mais sans jamais mettre en doute l'identité
du personnage. Si la femme d'Ulysse a tendance à sortir purifiée de toute
compromission, on peut parfois déceler des tentatives timides pour la justifier
contre des accusations implicites.
Lorsqu'au Vie siècle Aristénète écrit ses Lettres d'amour, ou, qu'au
Vile siècle, Théophylactos publie un Recueil de lettres morales, de lettres de
paysans et de courtisans, ils ne font rien d'autre que satisfaire au goût du
temps. Un art épistolaire étroitement subordonné à la rhétorique connaît à
cette époque une vague nouvelle, et la multiplication des allusions
mythologiques n'a qu'une signification littéraire. Des poncifs comme la toile de
Pénélope reviennent fréquemment. Ainsi, chez Aristénète, c'est un amant qui se
plaint à un ami rival des caprices de sa maîtresse qui, tantôt lui donne des
preuves de son amour, tantôt le repousse. «Elle fait subir à mon âme, par
suite de ses brusques caprices, les alternatives de la toile de Pénélope» (10).
Théophylactos Simocatès emploie la même comparaison mais en lui
donnant une signification plus profonde. Dans une lettre de caractère éthique
il s'en sert pour introduire une fable destinée à mieux faire pénétrer dans
l'âme les préceptes moraux. Il se présente comme celui qui tisse, à l'aide de
ses conseils, une toile semblable à celle de Pénélope (1 1). Il est probable qu'il
se souvient ici du symbolisme de la toile assimilée à la sagesse comme le
prouve une autre lettre où il fait une exégèse morale de l'épisode des Sirènes
dans VOdyssée. Il faut, dans cette vie, imiter Ulysse qui a su résister aux sens
mélodieux des Sirènes, et Ulysse est, d'une manière très révélatrice, désigné
comme le mari de Pénélope (12). Puisque la vie est à l'image des errances
J'Ulysse, Théophylactos invite Alcibiade à échapper à ces désirs infâmes
que sont les Sirènes, en se servant de la philosophie comme de liens qui
empêchent de succomber à leur charme. C'est ainsi qu'Ulysse, pieds et mains
liés, a pu écouter leur chant tandis qu'il avait bouché de cire les oreilles des
compagnons ignorants.
Ni cette interprétation de l'épisode des Sirènes, ni la désignation
d'Ulysse comme le mari de Pénélope ne sont originales. Le Pythagore de
Porphyre (13) connaît ce symbolisme des Sirènes et ce mari de Pénélope qui
figure la philosophie ne peut être que le mari de la philosophie elle-même.
Théophylactos emprunte ici manifestement à l'école néopythagoricienne et
néoplatonicienne, mais vulgarise le symbole.
La double légende Pénélope revit à cette époque dans les œuvres des
LA LÉGENDE 185
Amphinomos sur Pénélope n'existait que par rapport aux autres prétendants,
qui auraient été donc très inférieurs à lui. L'ensemble n'est pas très cohérent
lorsqu'on rapproche ce passage de celui consacré à Antinoos (43) loué pour sa
vertu qui surpassait celle de tous les autres et on est en droit d'y voir un effort
pour justifier la reine. Cette justification s'appuie, d'ailleurs, sur un passage de
l'Odyssée, passage interpolé où il est dit, dans les mêmes termes, que les
discours d'Amphinomos plaisaient à Pénélope «car il n'avait au cœur
qu'honnêtes sentiments» (44).
Réduite à des éléments hétérogènes, réfugiée dans des textes où elle
n'est que survivance, ignorée par des ouvrages de nature érudite dans
lesquels on aurait pu s'attendre à la trouver exposée, la légende connaît dans les
derniers siècles de l'Antiquité gréco-romaine un déclin total, sensible dans la
littérature comme dans l'art. La sublimation néoplatonicienne de l'époque
précédente semble avoir tari la richesse d'un personnage qui avait si souvent
fécondé la conscience collective.
188 M.-MMACTOUX
Note de la CONCLUSION
(1) Ces hypothèses auxquelles se sont plu les amateurs d'antiques du XIXe siècle sont
aujourd'hui abandonnées, (cf. supra, p. 85 sq). Ainsi J. de Witte dans une lettre
au professeur Panofka, Annali dell'Instituto di Corrispondenza archeotogica, 1841
p. 262, approuvait son analyse d'une oenoche de No la, collection des vases de
Berlin n. 910. Sur ce vase, Hermès, très reconnaissable à ses chaussures ailées, son
pétasse rejeté sur les épaules et son caducée dans la main gauche, se dirige vers la
droite en direction d'une femme tenant un collier, dont on n'aperçoit que le
haut du corps comme si elle regardait par une fenêtre. En bas est peint un grand
oiseau. Th. Panofka, Uber Verlegene Mythen, Ab. Akad. Berlin, 1839, p. 35,
interprétait cette scène comme Hermès passant devant la fenêtre de Pénélope.
Egalement J. de Witte, Description des vases peints de Mr de Magnoncourt, n. 42,
voyait Pénélope dans une jeune femme d'une péliké de Berlin. Sur une face, elle
est assise sur un trône, enveloppée dans un peplos, et caresse un bouc qui se tient
devant elle ; sur l'autre, elle tend une fleur a un animal. Lucien, Dialogue des
Dieux, ΧΧΠ, est le premier à avoir affirmé qu'Hermès s'unit à Pénélope sous la
forme d'un bouc.
II - LE MYTHE
INTRODUCTION
tures d'Ulysse ou son arrivée chez les Phéaciens qui permettent les
comparaisons les plus suggestives. Ainsi V. Vikentiev (1 1) fait un parallèle entre Ulysse
et l'Enkidu du poème de Gilgamesh d'une part, et d'autre part avec Osiris
dans la version du De Iside conservée par Plutarque, et Sinouhé dont les,
Aventures ont été contées par un auteur égyptien du Moyen-Empire. Dans la
tradition babylonienne comme dans la tradition égyptienne il a relevé de
nombreux points communs avec le retour d'Ulysse, mais il s'agit du retour du
voyageur dans l'île d'Alkinoos, ou des préparatifs de son départ pour Ithaque.
Le parallélisme ne va pas au-delà. L'accent est mis sur les relations d'Ulysse et
de Nausicaa, et non sur celles d'Ulysse et de Pénélope. Une comparaison avec
le Conte du Naufragé, conte égyptien du Moyen-Empire, aboutit aux mêmes
conclusions. Le Naufragé, jeté dans l'île au Serpent, est accueilli par le
maître des lieux qui le réconforte et lui promet qu'il regagnera son pays, reverra
ses enfants, sa femme et sa maison. Mais de cette femme et de ces enfants le
conte ne dit mot (12).
Rien non plus ne peut être tiré d'un rapprochement entre les mythes
indiens de Mâtariçvan-Agni et ceux d'Ulysse en Grèce du point de vue qui
nous occupe (13). Si Ulysse ressemble par bien des aspects à Agni, le dieu
indien du feu, A. Carnoy reconnaît lui-même que la «personnalité et les faits
et gestes de Pénélope ont été évidemment altérés du façon à correspondre à la
donnée du «retour d'Ulysse» (14). Cette altération est telle que plus rien ne
subsiste (15) et, même s'il est possible de voir dans Ulysse errant un ancien
«dieu du feu», rien ne permet de penser que Pénélope était originairement
sa compagne .
Puisqu'Homère n'a pas inventé le personnage et que ni le folklore
universel, (16), ni les mythologies antérieures ne peuvent en rendre totalement
compte, il faut envisager l'hypothèse d'une Pénélope née en Grèce dans le
monde mycénien ou antérieurement à lui, et dont la légende s'est peu à peu
modifiée au fur et à mesure du développement des récits des aèdes. Peut-être
Homère, ou plus certainement l'un de ses prédécesseurs (17), a-t-il eu l'idée
de la rattacher à Ulysse qui, pour être un personnage très anciennement
connu, n'est devenu que peu à peu le voyageur rusé et le héros souffrant de
l'Odyssée (18). Les traditions religieuses doivent être aussi importantes que
les traditions folkloriques dans une œuvre qui garde le souvenir d'un temps
fort antérieur à la gloire des héros achéens. Avant de devenir de simples
personnages de contes qui s'empruntent ou se transmettent, bien des héros
furent intégrés à des mythes, c'est-à-dire à des complexes religieux. Bien
connu est le cas d'Hélène dont personne ne conteste sa qualité d'ancienne
déesse de la végétation (19).
Cette Pénélope qui accueille les prétendants comme autant d'amants
possibles, aussi rusée qu'Ulysse (20) au point que sa ruse touche à
l'invraisemblance, n'évoque-t-elle pas à son tour une de ces anciennes déesses de la
fécondité adorées dans le Péloponnèse, auquel précisément la fille d'Icare reste
attachée dans le texte homérique lui-même ? L'hypothèse a été défendue en
particulier par G. Fougères (21) et F. Robert (22) qui s'appuient surtout sur
la légende d'une Pénélope, mère de Pan, celle dont les Mantinéens montraient
le tombeau (23). Mais tout autant quà FArcadie, Pénélope est liée à Lacédé-
mone. Homère qui faisait d'elle la fille d'Icare le savait peut-être, et nombreux
sont les mythographes qui réaffirment cette origine. Le silence du poète n'est
pas surprenant. L'épopée était une poésie de cour, s'adressant à un auditoire
noble qui s'intéressait peu aux cultes populaires (24), de la même façon que
l'art mycénien, art de cour, n'a pas intégré de scènes d'origine populaire (25).
LE MYTHE 199
Notes de l'introduction
(1) In The Oxford classical dictionary, 2ème éd., Oxford, 1970, s. v. Pénélope.
(2) Ulysse aussi est certainement plus ancien que les poèmes homériques. Cf. L. Sé-
chan, D et S, s. v. Ulysses, p. 575, et W. Stanford, The Ulysses thème, Oxford,
1963, p. 8-9.
(3) Une des premières études a été celle de W. Crooke, «Some notes on Homeric
folklore», Folklore, XIX, p. 52 sq. et 153 sq.
(4) Pour ne donner que quelques exemples, la saga du mari absent se retrouve aussi
bien dans le folklore de la Chine, (cf N.B. Dennys, The folk-lore of China and Us
afflnitees with that of the Aryan and Semitic races, Londres, 1876, p. 141-143)
que dans celui des pays Scandinaves où l'histoire d'Henri de Brunswick est l'une
des plus connues, mais n'est pas la seule (CF. F. J. Child, ed-of The English and
Scottish ballads, I, Cambridge, 1882, p. 194-197). Un récit très voisin, où il ne
s'agit plus cette fois du mari, mais du fiancé, fait l'objet d'une ballade écossaise,
Hind Horn (cf. F. J. Child, op. cit., n. 17, p. 187 sq.) Pour d'autres exemples,
voir J.Tolstoi, «Einige Màrehenparallelen zur Heimkehr des Odysseus», Philologus,
LXXXIX, 1934, p. 261-274. Cf. encore récemment la tentative de V. Zhirmun-
sky qui pense découvrir en Asie Mineure l'origine du conte ( «The epic of
Alpamysh and the return of Odysseus», PBA, LU, 1966, p. 267-286).
(5) J. Tolstoï, loc. cit., p. 266 sq.
(6) Ibidy p. 271-272.
(7) Pénélope rapporte au mendiant les propos tenus par Ulysse avant son départ :
«Plus tard, quand tu verras de la barbe a ton fils, épouse qui te plaît et quitte la
maison»(XVIII, 269-270>
(8) Voir chap. I., première partie.
(9) Op. cit., p. 468 sq.
(10) A. Lesky, «Hethitische Texte und griechischer Mythos», AAWW, 1950, p. 137-
160, établit surtout des rapprochements avec la Théogonie d'Hésiode où les
générations de dieux se succèdent également par la violence.
(11) «Le retour d'Ulysse du point de vue égyptologique et folklorique», ΒΙΕ, XXIX,
1946-1947, p. 183-241.
(1 2) Pour le texte du conte cf. G. Maspéro, Les contes populaires de l'Egypte ancienne,
3ème éd.,Paris, 1905, p. 84-92. G. Germain qui l'étudié {op. cit. p. 299-319) le
met au point de départ de la genèse de l'épisode des Phéaciens dans YOdyssée.
(13) A. Carnoy, «Les mythes indiens de MStariçvan-Agni et ceux d'Ulysse en Grèce»
Muséon, XLIV, 1931, p. 319-324.
(14) Loc. cit., p. 327.
(15) Le seul élément de l'histoire de Pénélope qui permet à A. Carnoy de considérer la
reine d'Ithaque comme la compagne d'un dieu du feu est l'épisode de la toile qui
lui paraît pouvoir être rapproché de la toison d'or. Le fait est assez douteux,
d'autant plus qu'il s'appuie sur une étymologie du nom de Pénélope, la «gratteuse
de tissu» qu'il abandonnera ultérieurement. Voir infra, p. 235.
(16) II est vrai qu'on pourrait également expliquer par des éléments folkloriques la
présence des prétendants, «faux fiancés que la poésie épique du monde entier
connaît bien» (V. Propp, Morphologie du conte, trad. frse, Paris, 1970, p. 182). Mais
nous pensons que s'applique, précisément ici, le principe affirmé par V. Propp lui-
même : «Si nous trouvons la même forme dans un document religieux et dans un
conte, la forme religieuse est primaire, la forme du conte secondaire» (pp. cit.,
p. 176). Nous montrerons que la structure de la légende conservée par Pausanias
(ΠΙ, 12, 1-2, 4 et ΠΙ, 20, 10-11 ; Cf. supra, p.3 ) et qui reste perceptible chez
Homère sous une forme édulcorée, renvoie à des représentations religieuses de la
Grèce.
(17) Si Pénélope n'est pas nommée dans Ylliade, Ulysse se désigne deux fois dans ce
poème comme le père de Télémaque (II, 260 et IV, 354), ce qui semble
impliquer l'existence du couple Ulysse -Pénélope.
(18) M. Croiset, «Observations sur la légende primitive d'Ulysse», MAI, XXXVIII, 2,
1911, p. 203-207, pense que le développement du caractère rusé d'Ulysse est
postérieur à Vlliade parce que rien dans ce poème ne justifie cette réputation. Mais ce
trait a pu être passé sous silence parce qu'il convenait mal au prestige d'un
personnage épique, alors que le genre de YOdyssée en permettait l'épanouissement.
Cet aspect du caractère d'Ulysse paraît beaucoup plus ancien.
(19) Voit infra, p. 210.
200 M. -M MACTOUX
(20) Le goût et l'amour de la ruse peuvent passer pour un caractère chthonien. Cf. P.
Philippson, «Die Vorhomerische und die homerische Gelstalt des Odysseus»,
MH, IV, 1949, p. 8-22.
(21) Mantinéc et l'Arcadie orientale, Paris, 1898, p. 247-251.
(22) Homère, Paris, 1950, p. 162-170. Encore Ch. Picard, Les religions préhelléniques,
Paris, 1948, p. 187, dit que Pénélope évoque les avatars d'une vieille Déesse-Mère
arcadienne.
(23) Pausanias, VIII. 12, 5-6.
(24) Cf. W. Crooke, p. 59, in «Some notes on Homeric folklore», Folklore, XIX, 1908,
p. 52-77. Déméter, par exemple, que VOdyssée, présente comme une Terre-Mère
accomplissant une hiérogamie (V, 125 sq.), ne joue aucun rôle dans le poème.
(25) Voir supra, p. 43.
CHAPITRE I
LA COUSINE D'HÉLÈNE
Homère reste très discret sur la famille de Pénélope (1). Mais la reine
d'Ithaque est désignée sans ambiguïté tout au long du poème comme la fille
d'Icare. Si l'expression employée dès la première apparition de la reine (2)
se présente comme une formule stéréotypée, Icare est bien vivant dans
l'esprit du poète. Tour à tour Antinoos (3) et Eurymaque (4) demandent à
Télémaque de renvoyer sa mère chez Icare pour qu'elle puisse choisir un
nouvel époux. La généalogie de Pénélope a dû être fixée très tôt. Dans un poème
généalogique dont le sujet est mal déterminé, Asios de Samos (5), qui devait
vivre au Vile siècle, réaffirme la paternité d'Icare à qui il donne une autre
fille, Médée. Tous les auteurs antiques sont unanimes. Pénélope est la fille
d'Icare chez Andron d'Halicarnasse (6), Strabon (7), Apollodore (8), Pausa-
nias (9). Une seule voix discordante, celle d' Aristote, qui affirme que le père
de Pénélope ne se nommait pas Icare (Icarios) mais Icadios (10). Le
changement de nom est minime ; on pourrait ne pas en tenir compte,s'il ne renvoyait
à un problème plus important aux yeux d' Aristote : l'origine géographique de
la famille paternelle de Pénélope.
Sur cette origine Homère est muet. Pourtant, là encore, la tradition est
quasi unanime : Icare est d'origine Spartiate. C'est ce qu'affirment Strabon
(1 1), Apollodore qui lie étroitement Icare à Sparte en le faisant descendre de
Lacédémon qui épousa Sparte, fille d'Eurotas (12), et Pausanias qui donne
une généalogie très proche, au début de son livre sur la Laconie (13). Seul
donc Aristote dans ce passage de la Poétique (14) propose un nom différent
dans Tintention évidente de donner au père de Pénélope une autre patrie. Il
fustige les critiques littéraires qui jugent au nom d'idées préconçues. Ils ont
tort, dit-il, de trouver absurde que Télémaque n'ait pas rencontré son grand-
père lors de son voyage à Sparte. En fait il n'y était pas et il ajoute : «Ils
disent (les Céphalléniens), en effet, que c'est chez eux qu'Ulysse prit femme».
Aristote, cherchant à accréditer une autre version nous révèle en même temps
que celle qui était la plus connue à son époque faisait d'Icare un Lacédémo-
nien. Strabon, préoccupé par le même problème, reste plus nuancé (15). Il
fait s'installer Icare non loin de Céphallénie, sur le continent, en Acarnanie,
avec une colonie de Lacédémone, car, dit-il, il est improbable qu'Icare et ses
fils eussent vécu à Lacédémone, parce que, dans ce cas, Télémaque n'aurait
pas habité la maison de Ménélas quand il alla à Lacédémone et que nous
n'avons pas de tradition qu'ils eussent vécu ailleurs. Strabon, conscient
pourtant d'une autre tradition, réaffirme l'origine lacédémonienne d'Icare (16).
Ainsi la tradition la plus solide faisait d'Icare un Lacédémonien, frère
de Tyndare. Elle remonte au moins à l'époque archaïque où elle était
largement répandue puisqu'Apollodore, à propos précisément de Périérès, père
d'Icare, cite Stésichore (17) qui vivait à Himère à la fin du Vile et au début
du Vie siècles. Il semble même qu'on puisse déceler à cette époque d'autres
traces de cette volonté de rattacher Icare à Lacédémone et à la famille des
Tyndarides. Nous avons vu (18) qu'au Vie siècle, Eugammon, dans la Télé-
gonie, donnait à Ulysse et à Pénélope un second fils, Arcésilas, aïeul de la
dynastie des Battiades de Cyrène. Sans doute est-ce pour Eugammon un moyen
de rattacher la fondation de Cyrène au cycle héroïque. Mais son choix est
significatif. Ce n'est pas de n'importe quel héros que descendent les rois de
Cyrène. Hérodote, qui offre le témoignage le plus sûr concernant la fondation
Tableau I
Atlas -f Pléione
sept Pléiades dont
Zeus Ύ Taygète
Lacédémon
Gorgophoné + Périérès
Lelex
Γ Ί
Myles Polykaon
Lacédémon + Sparte
Amyklas
III Γ I
Apharée Leucippe Tyndare (1) Hippokoon (2) Icare
Hermione Oreste
— Rois de Laconie
région que son frère Tyndare qui épousa Léda, fille de Thestios, chef des
Pleuroniens chez qui les deux exilés s'étaient réfugiés et qu'ils avaient aidé
dans ses conquêtes (39).
Apollodore de son côté fait de Périboé la mère de Pénélope (40). C'est
la seule mention connue de cette Périboé, simplement désignée par
Apollodore comme une nymphe naïade (41). Mais le nom n'est pas inconnu
d'Homère. Il l'attribue dans Wdyssée à la grand'mère d'Alkinoos, roi des
Phéaciens (42). Un certain nombre de remarques ont permis de rapprocher ce
passage du livre VII de YOdyssée avec YAspis du pseudo-Hésiode qui fait
partie du Catalogue des Femmes, rédigé dans une région de langue éolienne,
soit la Thessalie, soit la Boétie. En particulier l'adjectif «fier, magnanime»
(43) qui sert à caractériser cette Périboé, et qu'on retrouve seulement dans six
vers homériques, est employé pour la sœur de Pénélope, Iphtimé, «fille du
magnanime Icare» (44). Or cette Iphtimé est donnée dans YOdyssée comme la
femme d'Eumélos, roi de Phères en Thessalie (45). Mais peut-on conclure
comme le fait J. Schwartz (46) que la mère d'Iphtimé et de Pénélope d'après
Apollodore, et cette grand'mère d'Alkinoos, amante de Poséidon, n'en font
qu'une ? On remarquera seulement que l'autre Périboé dont parle Homère,
cette fois dans YHiade, est donnée comme l'épouse de l'Axios, fleuve de
Péonie (47). Les deux Périboé homériques renvoient à des légendes de la
Grèce du nord et, comme Strabon, Apollodore fait de Pénélope la fille d'un
Lacédémonien et d'une héroïne de la Grèce septentrionale, à l'instar
d'Hélène.
On se souvient (48) d'autre part que ce même Apollodore mentionnait
une légende dans laquelle le père d'Icare, Périèrès, était fils d'Aeole (49). Or
Aeole avait eu droit à la Thessalie lors du partage de la Grèce par son père
Hellen (50). D'ailleurs les liens de Sparte avec la Thessalie sont bien établis
par les auteurs antiques (51). Pindare dans la Xe Pythique (52) englobe dans
la même louange Sparte et la Thessalie gouvernée, dit-il, par la même race
issue du même père, Héraklès. De son côté Hérodote fait venir les Lacédémo-
niens de Thessalie (53). Sans doute les Doriens en présentant l'arrivée des fils
d'Héraklès dans le Péloponnèse, arrivée qui correspond historiquement aux
migrations doriennes, comme le retour des Héraclides au pays de leur père,
essayaient-ils de justifier leur possession d'une région regardée comme
originellement non dorienne (54). Précisément, dans le mythe, Héraklès avait aidé
Tyndare à se réinstaller sur le trône, et ses fils revendiquaient ce royaume
donné en récompense à leur père, fils de Zeus comme les Dioscures (55). Ne
pourrait-on voir dans ce mariage d'Icare avec Périboé, héroïne thessalienne,
un effort supplémentaire pour unir les deux peuples ? Pénélope, issue du
couple se trouverait intimement unie à l'histoire de Lacédémone et de Tyndare.
La même tendance éclate au grand jour chez les mythographes qui font
directement de la mère de Pénélope une héroïne du Péloponnèse appartenant
à la famille d'Icare. La version la plus fréquemment suivie par les scholies à
YOdyssée, et attribuée à Phérécyde, lui donne comme nom Astérodeia (56),
fille d'Eurypyle, lui-même fils de felestor. Cet Eurypyle était roi de Libye,
fils de Poséidon et de Celeano suivant Acésandre (57) et le scholiaste d'Apol-
lonios (58). Celeano est une des sept Pléiades, mère de Taygète, fille d'Atlas
et de Pléione à l'origine de la famille d'Icare dans toutes les généalogies (59).
Cette Astérodeia comme mère de Pénélope est citée à de multiples reprises
par les scholiastes de YOdyssée (60). Une scholie (61) précise même qu'Asté-
rodeia eut deux filles et cinq fils (62) qui ne sont pour nous que des noms, à
LE MYTHE 209
l'exception de Périlaos cité comme fils d'Icare par Apollodore qui donnait
aussi à Périboé cinq fils également inconnus des mythographes. Mais le rôle
joué par ce Périlaos n'est pas indifférent. Il renvoie une fois encore à Tyndare.
Après le crime d'Oreste, Périlaos devient l'héritier moral de Tyndare mort, en
réclamant vengeance, devant l'Aréopage, pour le meurtre de Clytemnestre,
l'infortunée sœur d'Hélène. Pausanias qui rapporte le fait justifie ce droit en
rappelant qu'il s'agit bien du fils d'Icare (63).
Une scholie (64) nous apprend enfin que, selon d'autres, la mère de
Pénélope serait Dorodoché, fille d'Ortiloque ou Orsiloque. Cet Orsiloque est
le fils d'Alphée et le père de Dioclês, le roi de Phères, chez qui Télémaque
coucha à l'aller et au retour en se rendant à Sparte (65). Les érudits ne sont
pas d'accord pour savoir où se situait cette Phères. Mais il s'agit bien
évidemment d'une Phères du Péloponnèse, PAliphéra arcadienne, pour V. Bérard
(66), mais plus certainement la Phères de Messénie (67)· Périérès, fils d'Aeole
était venu, d'après Apollodore (68), s'installer en Messénie où il aurait eu ses
quatre fils parmi lesquels Icare.
Ainsi Pénélope, fille d'une nymphe peu connue, liée géographiquement
ou généalogiquement à Icare le Lacédémonien, donné dans la totalité des
légendes comme le frère de Tyndare, est proche parente d'Hélène, l'autre
héroïne homérique. Elle est personnellement fortement implantée à Sparte,
comme le prouve un fait rapporté par Plutarque (69). Les rois de Sparte
désirant conserver le Palladion qui se trouvait chez eux consultèrent l'oracle
de Delphes. Ils reçurent l'ordre des dieux de choisir l'un de ceux qui l'avaient
dérobé pour faire de lui son gardien. Leur choix se porta sur Ulysse parce
qu'à cause de son mariage avec Pénélope, ils reconnaissaient que ce héros
avait des relations étroites avec leur cité ; ils construisirent alors à Ulysse un
hérôon .
Le structure de la légende de Pénélope dans YOdyssée nous avait déjà
suggéré un rapprochement avec celle d'Hélène. Comme elle, Pénélope est une
femme qui se laisse courtiser et qui est reconquise violemment par son mari.
Ces liens familiaux que les mythographes ont si subtilement tissés ne
traduisent-ils pas une relation d'une autre nature ?
Cette hypothèse s'appuie en premier lieu sur une légende conservée par
Apollodore, mais qui remonte sûrement à l'époque archaïque et était peut-
être connue d'Homère qui la négligea. Lorsqu'Hélène, célèbre par sa beauté,
fut ravie par Thésée, les Dioscures, ses frères, réussirent à l'enlever et la
ramenèrent à Sparte. Les souverains de Grèce s'y rendirent pour disputer sa main,
et, au premier rang des prétendants, figure Ulysse. Tyndare, craignant que le
choix de l'élu ne déchaînât la vengeance des autres, accepta le marché
proposé par Ulysse. En échange de son conseil, le fils de Laèrte lui demandait
d'intervenir auprès d'Icare pour qu'il lui donnât Pénélope en mariage. Ulysse
lui proposa de faire prêter à tous les prétendants le serment de défendre celui
qui serait choisi contre tous ceux qui l'offenseraient au sujet de son mariage
avec Hélène (70). Tout se passe donc comme si, pour Ulysse, Pénélope se
présentait comme le substitut d'Hélène. Apollodore se contente de
transmettre le récit le plus complet d'une légende parfaitement connue à l'époque
archaïque, mais dans laquelle on n'attribue pas toujours à Ulysse la paternité
du serment.
Le catalogue des femmes, qui donne une liste des prétendants d'Hélène,
cite Ulysse (71) et se termine sur le récit du serment (72). Un personnage
210 M.-MMACTOUX
(102). Ainsi cette Aidôs pourrait bien n'avoir existé que dans l'imagination de
Pausanias ou dans celle d'érudits locaux incapables d'expliquer la signification
de cette statue autrement qu'en fonction de la culture dans laquelle ils
vivaient.
Cependant la langue épique connaît un terme, proche d'Aidôs, et
désignant Hadès (103). L'hypothèse avait été envisagée par S. Wide qui trouvait,
sans préciser pourquoi, que le motif de Pénélope se voilant conviendrait très
bien à cette statue (104). Or il est une déesse qui a été désignée par le terme
d'Aidôs, c'est Artémis sur un vase à figures rouges (105). La signification de
la scène ne fait pas de doute puisque l'artiste a inscrit le nom des
protagonistes -Le géant Tityos enlève dans ses bras Léto en présence de deux
personnages : Apollon, et une divinité nommée Aidôs, qui ne peut être que sa sœur
Artémis. La déesse dont la chasteté est devenue un attribut essentiel
protégerait ici l'honneur de sa mère, partageant le même sentiment que le dieu qui,
d'une main, a saisi le bras de Léto, et, de l'autre, arrête Tityos. Mais on a,
comme dans le cas d'Ulysse emmenant Pénélope, une scène d'enlèvement. Et
cette Artémis-Aidôs ne pourrait-elle pas être ici l'héritière d'une antique
divinité chthonienne auquel le nom d'Aidôs, si proche d'Hadès, peut faire
penser ? (106). Pénélope à son tour, pourrait avoir été une hypostase
d'Aidôs-Hadès (107) à qui les anciennes déesses de la végétation sont
intimement unies. Il est à peine besoin de signaler le rapt de Perséphone par Hadès
(108). Dionysos sous l'empire duquel passe Ariane est considéré parfois
comme un doublet du dieu des morts (109). Thésée lui-même, ravisseur
d'Ariane (110) mais aussi très anciennement celui d'Hélène (111) et qui a
tenté d'enlever Koré-Perséphone (112), pourrait bien avoir eu une nature
infernale (113).
Dans un autre passage Pausanias raconte les circonstances de ce mariage
(114). S'il connaît l'histoire du serment que Tyndare fit prêter aux
prétendants de sa fille (115) il s'en tient une autre version. Ce n'était plus grâce à
Tyndare qu'Ulysse avait pu épouser Pénélope, mais il avait été le prétendant
heureux qui avait gagne sa fiancée au terme d'une course à pied. On
reconnaît ici une antique coutume selon laquelle la main d'une princesse et le droit
au trône étaient parfois l'enjeu d'une joute athlétique (116). Pausanias, dans
le même passage, rapproche la course instituée par Icare et celle qui fut
imposée par Danaos aux prétendants de ses filles. Le tir à l'arc dans Y Odyssée
destiné à faire du vainqueur le mari de la reine appartient au même type de con-
ccurs destiné à désigner à la fois le fiancé et le successeur du roi. G. Germain,
qui analyse cet épisode dans le premier chapitre (117) de son ouvrage, La
genèse de l'Odyssée, s'appuyant sur la nature de l'arme, en conclut que
l'origine du thème doit être cherché en Inde où une épreuve d'arc a réellement
figuré dans le cérémonial de l'accession au trône (118). Mais le fonds légendaire
grec fournit d'autres exemples de ces concours dont la forme a varié, mais qui
ont toujours le même but (119).
Ce qui paraît plus intéressant dans le texte de Pausanias c'est la nature
de l'épreuve à laquelle sont soumis les prétendants de Pénélope. La course à
pied a un caractère d'épreuve pré-nuptiale bien établi. Elle figure dans un
certain nombre de fêtes célébrées par des femmes : aux Apatouries athéniennes
où se déroulait une course aux flambeaux (120), aux Anthestériades rho-
diennes (121), à Sparte même, aux Dionysiades (122). Mais il semble qu'on
peut tenir pour certain que la course à pied a été la première épreuve d'Olym-
pie, comme l'admettait déjà Pausanias (123) sur la foi des érudits locaux. Le
LE MYTHE 213
comme la survivance d'un mythe très ancien qu'il nous a conservé par hasard
comme il l'a fait pour beaucoup d'autres. Pénélope pourrait bien être une
ancienne divinité locale, moins heureuse qu'Hélène dans sa survie mythique et
légendaire. Les mythographes en insistant sur sa parenté avec la fille de Tyn-
dare ne font que traduire le sentiment confus que Pénélope, la Lacédémo-
nienne, n'est qu'un doublet d'Hélène. Les récits conservés par Apollodore ou
Pausanias ont beaucoup plus un caractère mythique que légendaire.
LE MYTHE 215
Notes du CHAPITRE I
(1) Homère parle de ses frères sans les nommer, (XV, 16) et d'une sœur, Ipthimé,
femme d'Eumélos de Phères en Thessalie, qui apparaît à Pénélope en rêve (IV,
797), et dont il ne sera plus jamais question. Le mot est primitivement une épi-
thète, et Aristarque (Schol ad Od., IV, 797) se demande s'il s'agit bien d'un nom
propre.
(2) Od., I, 329.
(3) Od.,U, 113-114.
(4) Od., II, 194.
(5) Fr. 10, Kinkel (Scholad Od, IV, 797).
(6) Fr. 7, K. Mtiller, FHG, II. Andron appelle la sœur de Pénélope, nommée Médée
par Asios, Hypsipyle.
(7) Géographie, X, 2, 24.
(8) Bibliothèque, ΙΠ, 10, 6.
(9) Description de la Grèce, III, 20, 10-11.
(10) Poétique, 1461 b.
(11) Strabon, X, 2, 24.
(12) Bibliothèque, III, 10, 3 et 4. (Voir tableau I). Apollodore évoque une variante
(III, 10, 4) dans laquelle Icare n'est pas le fils mais le petit -iils de Périérès, mais ce
Périérès est toujours le fils de Cynortas. Au livre I, 9, 5, il parle d'une tradition qui
fait de Périérès le fils d'Aeole qui eut de son père Hellen, la Thessalie et les pays
voisins ; mais il ajoute : «beaucoup d'écrivains disent que Périérès n'était pas fils
d'Aeole mais de Cynortas, fils d'Amyclas, c'est pourquoi je parlerai de sa postérité
à l'article des Atlantiades». Apollodore opte donc pour la version lacédémonienne
qui lui semble la plus répandue.
(13) III, 1,4. Pausanias qui mélange les deux généalogies données par Apollodore (voir
tableau II) fait d'Oebalos, père d'Icare, le fils de Cynortas. Icare se trouve toujours
rattaché à la même famille.
(14) 1461 b.
(15) X, 2, 24.
(16) Toujours poussé car le même souci d'expliquer pourquoi Télémaque descendit à
Sparte chez Ménelas, un des scholiastes à YOdyssée dira qu'Icare n'était pas de
Sparte mais d'Ithaque, tout en maintenant d'ailleurs qu'il était frère de Tyndare
(Schol. H ad Od. XV, 16).
(17) Bibliothèque, ΠΙ, 10, 3.
(18) Voir supra, p. 33.
(19) F. Chamoux, Cyrène sous la monarchie des Battiades, Paris, 1952, p. 91.
(20) IV, 145 sq.
(21) IV, 145.
(22) Fr. 221,MerkeIbach.
(23) Fr. 236, Merkelbach.
(24) J. Schwartz, Pseudo-Hesiodeia, Université de Paris, 1960.
(25) Od., XVIII, 235.
(26) Strabon, VIII, 6, 5.
(27) G. Germain, op. cit., p. 471.
(28) Bibliothèque, III, 10,5.
(29) ΠΙ, 1,4.
(30) V, 792. Les scholiastes à ce vers expliquent tout naturellement l'adjectif en
rappelant qu'Icare était frère de Tyndare.
(31) Voir tableau ΠΙ.
(32) On a récemment émis l'hypothèse (E. A. S. Butterworth, Some traces of the
pre-olympian worid in Greek literature andmyth, Berlin, 1966, p. 106 sq) que la
mère de Pénélope serait Euryclée et son père, Laèrte. L'effort du poète pour le
cacher s'expliquerait par son désir de dissimuler toute trace de succession
matrilinéaire. En fait, les personnages de YOdyssée se réfèrent tour à tour aux deux
systèmes : la royauté se transmettant héréditairement au fils du roi (I, 384 sq.) ou
à l'époux de la veuve du prédécesseur (XV, 521 sq.). Par l'épreuve de l'arc, Ulysse
reconquerra à la fois femme et royaume.
(33) II parle des frères de Pénélope dans YOd. (XV, 16 sq.) sans les nommer.
(34) Od., IV, 184 ; 219 ; 227 ; 569.
(35) Od., XI, 298 sq.
(36) //.,111,237-238.
(37) X, 2, 24. Polycaste est aussi le nom d'une fille de Nestor dans YOdyssée, mais il
216 M.-M MACTOUX
parfait, qui, redoutant les dieux, vit selon la justice. Pour lui, les noirs sillons
portent le blé et l'orge ; l'arbre est chargé de fruits ; le troupeau croît sans cesse ;
le mer pacifiée apporte ses poissons, et les peuples prospèrent».
(85) Encore à l'époque hellénistique, Théocrite, dans une de ses Idylles (XVIII, 45-48),
raconte que les jeunes filles Spartiates louaient l'arbre d'Hélène, Yhélénéion ou
platane, dans leurs chants nuptiaux en l'honneur de Ménélas et de son épouse.
(86) //. ΠΙ, 144.
(87) Au Vile siècle, Faryballe protocorinthien du Louvre (inv. CA 617) représente
Hélène avec ses ravisseurs, Thésée et Pirithoiis. L'un la tient par le poignet au
moment où arrivent les Dioscures. Si rien ne permet de trancher définitivement en
faveur de la priorité de l'un ou l'autre enlèvement, on est loin de pouvoir rejeter
délibérément le rapt d'Hélène par Thésée après celui par Paris. Cf. L. B. Ghali-
Kahil, Les enlèvements et le retour d'Hélène, p. 305-306 et 309 sq.
(88) Très tôt, sur les documents figurés, Tyndare assiste à l'enlèvement d'Hélène par
Paris-Alexandre. Ainsi, au début du Ve siècle, sur la coupe du Musée de Berlin,
F. 2291. (Cf. L. B. Ghali-KahiL op. cit., n. 12).
(89) VIliade mentionne Argos (VII, 363) mais aussi Lacédémone (III, 443) comme
heu d'enlèvement d'Hélène. Cf. L.B. Ghalt-Kahil, op. cit., p. 309.
(90) D. et S., s. v. pudicitia.
(91) Aidôs a d'abord eu un sens plus large. C'était le sentiment de respect devant un
dieu ou un supérieur, ou pour sa propre conscience, qui interdit à l'homme la
lâcheté. Dans ce sens, VAidôsjoue un rôle important dans la psychologie homérique
(cf. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, s. v. aidomai).
Hésiode l'a personnifiée dans Les travaux et les jours, v. 200, mais il s'agit d'une
personnification poétique.
(92) Hésychios, s. v. Aidous bômos. Pausanias cite, parmi des autels consacrés par les
Athéniens sur Vagora à des vertus personnifiées comme la Pitié ou la Renommée,
un autel à VAidôs (I, 17, 1). O.Gjgon, Lexicon die ait en Welt, Zurich und
Stuttgart, 1965, s. v. aidos, pense que l'autel a pu être édifié à l'époque classique mais
n'avance aucune oreuve.
(93) Voir supra, p. 128 sq.
(94) W. Helbig, L 'épopée homérique, trad. frse, Paris, 1894,
(95) On rappellera seulement l'interprétation psychanalytique de ce geste qui serait
un geste de soumission à l'égard du mari échappant par là à la fixation du père
(Cf. F.L. Lucas, Literature and psychology, Londres, 1951, p. 63, rappelé par
W. Stanford, op. cit., chap. VI, n. 4).
(96) Od., V, 346-347.
(97) Od., XV, 126-127.
(98) L. R. Farnell, «Jno-Leucothea»,JHS, 1916, p. 36-44. Lorsque Lycophron, dans
YAlexandra, fait le récit de l'enlèvement d'Hélène par Paris, il respecte l'esprit de
la légende primitive en la montrant emmenée de force, alors qu'elle est en train de
faire un sacrifice à Ino-Leucothéa (v. 107, où elle est désignée sous le nom de
Bunè).
(99) Ch. Picard, Les religions préhelléniques, p. 76.
(100) κρήδεμνον
(101) L'affirmation de K. Hirvonen, Matriarchal survivais, p. 147-149, que, dans ce cas,
la conduite de Pénélope est survivance d'un système matriarcal n'infirme en rien
notre analyse. L'auteur, en effet, englobe dans ce système, le culte d'une Grande
Mère (cf. p. 9) et en retrouve des traces dans le comportement des déesses tel qu'il
est dépeint par les poèmes homériques.
(102) Pour CM. Galt, «Veiled ladies», A£4, 1931, p. 373-393, cet usage se serait
répandu à partir de la deuxième moitié du Vlème siècle en même temps que la mode
ionienne qui pénétra en Grèce à cette époque.
(103) P. Chantraine, op. cit., s. v. Aidés.
(104) S. Wide, Lakonische Kulte, Leipzig, 1893, p. 270.
(105) PI. LVI et description p. 166 sq, in Ch. Lenormant et J. de Witte, Elite des
monuments céramographiques, matériaux pour l'histoire des religions et des mœurs de
VAntiquitérassemblés et commentés, II, Paris, 1857.
(106) Aidôs est une servante d'Artémis dans Euripide, Hippolyte, 78, avec évidemment
le sens de Pudeur comme il convient à la suivante d'une déesse protectrice de la
chasteté. Mais ce caractère virginal n'est pas primitif (Cf. L.R. Farnell, The cuits
ofthe Greek States, II, Oxferd, 1896, p. 442-446).
218 M.-M MACTOUX
(107) S'il était certain que le cratère du Vie siècle illustre le départ de Pénélope de
Sparte (voir supra, p. 44-45), nous aurions la preuve, non de l'ancienneté du
récit, qui est évidente, mais de l'importance qu'on accordait à cette scène dont le
souvenir a été conservé par le seul Pausanias.
(108) Hymne homérique à Déméter, 2-3.
(109) Heraclite d'Ephese, fr. 18, Y. Battestini, Trois contemporains. Heraclite, Parmé-
nide, Empédode, Paris, 1955.
(110) Od., XI, 322-323.
(111) Pour l'examen des témoignages les plus anciens, voir L.B. Ghali-Kahil, op. cit.,
p. 306-307.
(112) Plutarque, Thésée, 31, 4-5. Dans le récit de Plutarque, la tentative d'enlèvement a
lieu au profit de son mari Pirithous. Mais c'est parce que le tirage au sort lui a
donné Hélène, au rapt duquel Pirithous l'avait aidé, que Thésée organisa
l'enlèvement de Perséphone. Il y a certainement eu contamination.
(113) Cf. A. Krappe, Mythologie universelle, Paris, 1930, p. 296.
(114) ΠΙ, 12, 1-2.
(115) 111,20,9.
(116) J. Frazer, Les origines magiques de la royauté, p. 291. L'auteur cite d'ailleurs,
dans ce passage, l'exemple d'Icare (p. 292).
(117) Un rituel royal des steppes, p. 11-54.
(1 18) P. 43. Un certain nombre d'épopées, comme la Mahabharata qui offre le récit le
plus cohérent, témoignent de cet usage.
(119) Pindare (Pyth., IX, 182 sq.) attribue la même initiative au roi libyen Antée pour le
mariage de sa fille, mais l'exemple le plus célèbre est la course de char instituée à
Olympie par Oenomaos pour les prétendants de sa fille Hippodamie (Pindare, Ol
I, 67-90).
(120) SchohArist'Pac. 901. Sur le rôle des femmes dans la célébration des Apatouries,
voir J. E. Harrison, Themis, Cambridge, 1927, p. 498-501.
(121) Hésychios, s. v.
(122) Ibidys. v.
(123) V,7,6.
(124) E.M. Cornford «The origin of the Olympie games», p. 233, in J.E. Harrison,
Themis, chap. VII.
(125) R. Valîois, «Les origines des jeux olympiques» I, «la course des Dactyles et
Déméter Chamyné» REA, XXVIII, 1926, p. 305-322.
(126) Od., XVIII, 182-183.
(127) Pausanias, VIII, 14, 10-11.
(128) F. Robert, «Le supplice d'Antjgone et celui des servantes d'Ulysse», BCH, LXX,
1946, p. 501-505.
(129) XVIII, 182-183. Pour Autonoé, voir infra, p. 224, nv 52.
(130) Ch. Picard, «Πότνια «ανδρών redeZwTe ». Note sur le type de la Déesse-Mère
entre deux assesseurs antropomorphes, RHR, 98, 1928, p. 60-77.
(131) passim.
Contra,
mais affirme
IlF.pense
Chapouthier,
queque
son laorigine
triade
Les«ne
des
Dioscures
doit
Dioscuies
pas être
auet cherchée
service d'une
d'Hélène doit venir
dans déesse,
la légende,
d'Asie
Paris,
mais
Mineure,
1935,
dans
le culte d'Hélène». Les génies, devenus plus tard les Dioscures, étaient
ordinairement invoqués dans des rites agraires comme d'indispensables agents de la fertilité.
(132) Ch. Picard, loc. cit., p. 65, n. 4.
(1 31) c'est ainsi que V. Berard comprend la position de Pénélope lorsqu'elle se présente
devant les prétendants (I, 331 sq ; XVI, 413 sq ; XVIII, 208 sq. : XXI, 63 sq).
(134) 111,15,9.
(135) ΠΙ, 19,9.
(136) VI, 61.
CHAPITRE II
LA MERE DE PAN
Une tradition déjà bien établie à l'époque classique fait de Pénélope la
mère de Pan. Elle sera reprise par un certain nombre d'auteurs grecs et latins
(1) qui ne cherchent jamais à la justifier, l'adoptant comme une légende
communément acceptée. Personne n'a jamais mis en doute dans l'Antiquité
l'identité de l'épouse d'Ulysse et de la mère de Pan. Tout au plus, et encore
rarement, on ne précise pas qui est cette Pénélope, mère du dieu aux pieds
de bouc (2). Notre source la plus ancienne remonte au Vie siècle avec Héca-
tée de Muet (3) à qui un scholiaste prête les mêmes propos qu'à Pindare dans
un fragment des Parthénées (4). Hérodote (5) la reprendra dans des termes
qui ne permettent pas de douter de la banalité de la légende au Ve siècle,
renvoyant manifestement à une donnée largement répandue. Faire de
Pénélope la mère du dieu Pan apparaît à ce point surprenant qu'on pense aussitôt
à un jeu de mots sur le nom dorien de Pénélope, Pânelôpa, où l'on retrouve
celui de Pan. Mais si le nom de notre héroïne a pu la prédisposer à cette
maternité, les remarques faites dans le chapitre précédent laissent supposer qu'
elle avait une nature proche de celle du dieu arcadien. Cette antique déesse de
la fertilité a pu sans difficulté enfanter Pan, le dieu pastoral qui garde les
troupeaux, richesse de l'Arcadie.
Pénélope n'est pas la seule mère de Pan. Dans l'hymne homérique à
Pan, le dieu a pour mère la fille de Dryops (6). Pour d'autres, il est le fils de
Callisto (7), d'Oinoé, (8) ou de Thymbris (9). Or, la fille de Dryops, Callisto,
Oinoé et probablement Thymbris, ont en commun d'être des nymphes arca-
diennes. La fille de Dryops, la nymphe aux belles boucles (10), descend par
son père, petit-fils de Lycaon, des premiers rois d'Arcadie (11). Callisto,
fille de Lycaon, est une arcadienne, ancienne divinité locale dépossédée par
Artémis qui portait parfois l'épiclèse de Kallisté (12). Oinoé, qui eut, d'après
Ariaithos de Tégée, Pan avec Aither, est probablement la même que la
nymphe courotrophe représentée sur un autel de Tégée portant Zeus enfant
conjointement avec Rhéa (13). Quant à Thymbris, mère de Pan d'après Apol-
lodore, elle est une nymphe des eaux, mais probablement pas celle du
Thymbris, fleuve de Troade (14). Les Grecs désignaient aussi le Tibre, du nom de
Thymbris, d'après Etienne de Byzance (15). Lorsqu'Enée voudra s'implanter
dans le Latium sur les conseils du dieu Tibre, il s'adressera au roi arcadien
Evandre établi à Pallantée (16), le futur site de Rome. Ces Arcadiens
n'auraient-ils pas donné au fleuve le nom de leur nymphe des eaux ? Les
nymphes sont souvent des manifestations de la grande déesse (17) dont Pénélope,
elle-même fille d'une nymphe, nous a paru être une hypostase sous la forme
d'une déesse de la végétation. N'aurait-on pas dans cette maternité, même
tardive, une nouvelle preuve de sa nature divine ?
Les amants qu'on prête à la mère de Pan permettent de préciser ce
nouvel aspect. Leur nom a varié mais pas suffisamment pour que ce choix
apparaisse totalement anarchique. Apollon, Hermès, les prétendants d'Ithaque et
Ulysse (18) sont proposés tour à tour comme père de Pan.
Ceux qui apparaissent le plus tardivement, les prétendants et Ulysse,
n'offrent guère d'intérêt. Faire naître Pan de tous les prétendants, amants de
Pénélope, correspond à cette évolution de la légende dont on a pu déceler
les premiers signes à la fin de l'époque classique. L'une des significations du
mot Pan, tout, a facilité cette paternité. Douris (19), le premier à signaler le
TABLEAU IV
Pénélope, mère de Pan.
Pan, fils de Pénélope Pan, fils de Pénélope et d'Hermès- Pan, fils de Pénélope et
et d'Apollon Mercure. tous les prétendants.
Hécatée (1), fr. 371, FGH Hérodote, II, 145. Douris, fr. 21, FGH.
Théocrite, Syrinx, 1 et 15. Théocrite, Syrinx, v. 15.
Pindare, fr. 100, Br. Snell. Cicéron, De natura deorum, III, 22, 56. Nonnus Abbas, Ad s. Grego
Plutarque,De defectu oraculorum, 419 D rii orat. I contra Julianum
Hygin,FûZ>.,224,5. (de venerande Pane),
Scholiastes (2) Lucien, DiaL deor., XXII. col. 1008, 40.
Apollodore, Epitomé, VII, 39. Tzetzès,>lii Lycophron. Al
Servius,>l<2 Verg. Aen., II, 44 et 772.
Euripide, Rhésos, 36. Georg.,1, 16.
Théocrite, Syrinx, 1/2 a Philargyrius, Ad Verg. Ecbg., II, 32. Scholiastes.
?iobm,Ad Verg. Bue, II, 58.
Nonnus Abbas,,4<2 s. Gregorii orat . I Oppien, Halieutica, III, 15.
contra Julianum (de venerande Pane), Théocrite, Id., I, 3 et VII,
col. 1008, 40. 109.
Scholiastes et mythographes anonymes.
Lycophron,.4/ejc., 772.
Mythographus Primus, I, 89.
Oppien, Halieutica, III, 15 et 16
Théocrite, Id., I, 121 et VII, 109.
Virgile, Brevis expositio Vergilii
Georg.,1, 17.
SchoL Bernensia ad Verg. Georg.,
1,18.
1) par ordre chronologique.
2) par ordre alphabétique.
LE MYTHE 223
cette butte élevée qui se trouvait, à droite, sur une des routes conduisant de
Mantinée à Orchomène (41) nous verrions volontiers une preuve dans
l'impossibilité où étaient les Mantinéens d'inventer une légende étiologique
satisfaisante. Ils affirment, dit Pausanias, qu'Ulysse ayant convaincu sa femme
d'avoir attiré des amants dans sa maison, elle se retira d'abord à Lacédémone
et ensuite à Mantinée où elle termina ses jours. Les Mantinéens ne sont pas les
seuls, on s'en souvient, à faire état du caractère volage de Pénélope. Mais ils
ne disent pas pourquoi Pénélope finit ses jours à Mantinée, alors qu'elle s'était
réfugiée à Lacédémone. L'imagination leur fait défaut, quand il s'agit
d'expliquer une présence sentie comme naturelle parce qu'elle faisait partie depuis
longtemps d'un passé cultuel qui leur était devenu étranger.
Ce tertre aux contours réguliers qu'on a pu identifier avec la butte de
Gourtzouli (42) occupe dans le paysage une place remarquable. Il s'élève
entre une autre éminence du nom de Ptolis où l'on voyait, encore au temps de
Pausanias, les ruines de l'ancienne Mantinée, et le site de la nouvelle Mantinée
édifiée dans la plaine qui s'étalait au pied. En faisant de cette butte, la plus
proche et la seule directement visible de l'ancienne ou de la nouvelle ville,
son tombeau, les Mantinéens avaient marqué le rôle de Pénélope comme
divinité tutélaire.
Au temps où Pausanias visitait leur cité, on y honorait des divinités
pastorales et chthoniennes : Poséidon Hippios, le plus grand des dieux indigènes,
la Déméter de Nestané et de l'Alésion dont le culte est attesté sinon dans la
ville, du moins dans les dèmes avoisinantes faisant partie du territoire manti-
néen, et surtour Koré, dont Pausanias nous dit simplement qu'elle partageait
un sanctuaire avec Déméter (43). Mais Koré faisait l'objet d'un important
culte officiel, comme le révèle une stèle du premier siècle avant J. C. (44) qui
décrit le déroulement de la fête. Les diverses phases, en particulier la
disparition de la statue, emmenée dans une maison particulière, et sa réapparition,
témoignent d'un culte célébré en l'honneur d'une déesse de la végétation
(45). Depuis l'origine Mantinée (46) s'était placée sous la protection des
divinités chthoniennes (47). Au pied même du taphos de Pénélope coulait un
cours d'eau l'Ophis, serpent, (48) entourant la ville avant que des remparts ne
fussent bâtis au Ve siècle. Il avait reçu son nom du serpent qui avait indiqué
(49) à Antinoé, la fille de Céphée, l'emplacement de la nouvelle Mantinée, et
ce serpent était symbolisé par les chaussures à bout recourbé portées par le
danseur qui figure sur certaines monnaies de Mantinée (50). Dans YOdyssée
(51) une des servantes de Pénélope ne porte-t-elle pas le nom d'Autonoé (52)
comme la fondatrice de la ville ? La religion mantinéenne a dû connaître une
ancienne divinité chthonienne du nom de Pénélope, celle qui non seulement
devient la mère de Pan, mais, à qui certaines légendes donnaient le nom
d'Arnaïa ou Arnéa, proche semble-t-il, d'arné, agneau (53). Pausanias (54)
situe près de Mantinée le lieu de la sépulture de Rhéa. Cette dernière, voulant
éviter que son nouveau-né, Poséidon, ne fût dévoré par Cronos, le plaça dans
une bergerie pour qu'il y fût élevé au milieu des agneaux, et l'on donna le
nom d'Arné à cette fontaine parce que les agneaux (arnes) venaient paître
autour.
Il n'est pas nécessaire de chercher à établir à Mantinée le couple Ulysse-
Pénélope (55) pour croire que Pénélope y était installée depuis fort longtemps
sous une forme inconnue de l'épopée. L'Hermès du Cyllène (56) est un dieu
cher aux Arcadiens et probablement honoré depuis très longtemps ; par bien
des aspects il évoque une divinité préhéllénique (57) et son nom pourrait être
LE MYTHE 225
d'origine égéenne (58). Son union avec Pénélope comme celle avec la fille de
Dryops, petite-fille de Lycaon qui régna le premier sur l'Arcadie (59), est sans
doute la traduction mythique d'une réalité très ancienne. Lucien ironise sur
l'aspect qu'Hermès revêtit pour faire violence à la fille d'Icare (60). Cette
métamorphose en bouc a une couleur archaïque (61). Les cultes arcadiens ont
d'ailleurs gardé beaucoup de souvenirs de ce thériomorphisme des dieux (62)
qui caractérise en particulier des divinités chthoniennes telles que Poséidon et
Déméter vénérés à Mantinée. Cette union prend la forme typique d'une union
entre deux divinités chthoniennes, déesse pastorale avec dieu pastoral (63),
dans cette région de l'Arcadie orientale où se situe Mantinée, et ou Hermès
est particulièrement bien implanté. Les gens de Phénéos, au nord de Mantinée
adorent surtout Hermès, dit Pausanias, en l'honneur duquel ils célèbrent des
jeux, les Hermaïa (64). L'union d'Hermès avec Pénélope et sa paternité
apparaissent comme des formes équivalentes d'une fonction identique remplie par
les deux amants et leur fils.
S'il n'existe dans Y Odyssée aucun lien entre Hermès et Pénélope, on
remarque qu'Ulysse entretient des relations étroites avec le dieu à qui son
grand-père, Autolykos, doit ses dons de tromperie et de parjure (65). D'une
autre manière qu'Athéna, mais d'une façon tout aussi efficace, dans les
moments précisément où la déesse est absente (66), il joue à l'égard d'Ulysse un
rôle de protecteur. C'est lui qui va notifier à Calypso le décret de Zeus de
laisser partir l'exilé (67). C'est encore lui qui lui donne l'herbe de vie capable de
conjurer le sort jeté par Circé (68) ; c'est lui «le divin messager dont tout
travail humain reçoit grâce et renom» (69) qu'Ulysse invoque chez Eumée, au
moment où il s'apprête à pénétrer dans son palais d'Ithaque. Sans aller
jusqu'à l'identification (70), il présente bien des traits communs avec Hermès. Sa
richesse, il la tire des troupeaux, comme le dit Eumée au mendiant qu'i
accueille (71). La façon dont Ulysse est entré en possession de son arc au
cours d'un voyage en Messénie où il cherchait à obtenir réparation d'une
razzia de moutons et tout l'amour avec lequel il s'assure de la solidité de
l'arme évoquent un roi-pasteur (72). L'épithète polytropos dont Ulysse a
l'apanage dans VOdyssée est attribuée à Hermès dans l'hymne homérique qui
lui est consacré (73). Pénélope dont le caractère rusé est si nettement marqué
(74) dans VOdyssée, devenue la femme d'Ulysse, le roi-pasteur, l'homme aux
mille ruses pouvait être sans mal l'amante du rusé Hermès (75), le dieu-
pasteur. Sa nature la prédisposait à ce qui est moins une transformation que
l'expression mythique d'une réalité estompée chez Homère, mais que le texte
homérique de dément pas. Ces multiples liens familiaux traduisent une
parenté mythique plus ancienne. L'antériorité, dans les récits des mythographes,
d'Apollon comme amant de Pénélope n'est pas nécessairement le signe d'une
antériorité réelle (76). La double union de Pénélope avec deux divinités qui,
par certains aspects, avaient une fonction interchangeable, ne fait que
confirmer sa nature pastorale et chthonienne qui apparaît nettement dans l'épisode
arcadien.
Pénélope comme divinité du monde animal fait penser à une déesse
tout spécialement vénérée par les Arcadiens (77) et qui a souvent revêtu la
forme d'une déesse du monde animal, Artémis Heurippa, celle qui fit
découvrir à Ulysse le troupeau de juments qu'il avait perdu, et à qui il éleva un
temple en Arcadie même, à Phénéos (78). Ce sont les légendes d'Arcadie et
d'Attique, dit L. Farnell, qui révèlent le mieux le lien qui existait entre
Artémis et le monde animal (79). Et Artémis, en Arcadie, a succédé à des déesses
226 M.-M MACTOUX
locales présentant des visages très divers (80) parmi lesquelles un grand
nombre de déesses protectrices des troupeaux, telles Artémis Héméra à
Lousoi (81), ou Artémis Agrôtera à Mégalopolis. Pénélope ne pourrait -elle
avoir été l'une d'elles ? Nous avons déjà vu qu'en Laconie Artémis-Aidôs
avait dû prendre le relais d'une Pénélope-Aidôs. G. Fougères avait justement
remarqué qu'à Mantinée comme à Sparte (82) les lieux où s'était localisée
la légende de Pénélope étaient ceux aussi où s'étaient établis Artémis et le
coureur Ladas, qui lui paraissait être un héros artémisien (83). En face du
tombeau de Pénélope à Mantinée, à gauche de la route, se trouvaient le stade
du coureur où celui-ci s'entraînait et un temple d' Artémis (84). En Laconie,
près de la statue d'Aidôs, s'élevait un temple dédié à Artémis (85), tandis
qu'à vingt stades de là était la tombe de Ladas (86).
On rappellera à ce propos deux œuvres où Pénélope est représentée avec
certitude : la statue de Thrason réalisée pour l'Artémision d'Ephèse (87) et
l'anneau d'or de New- York (88), peut-être d'origine Spartiate. Sur ce dernier
Pénélope figure avec un arc, comme Artémis, la déesse à l'arc, (89), dans une
attitude majestueuse qui pourrait tout aussi bien être celle d'une divinité. La
statue placée dans l'Artémision sans raison apparente, et Pénélope à l'arc,
échapperaient-elles à notre conclusion suivant laquelle les représentations de
Pénélope s'inspiraient très étroitement de la légende et de ses manifestations
littéraires ?
Comme mère de Pan, amante d'Apollon ou d'Hermès, possédant un
tombeau à Mantinée, dans le voisinage d'un temple d'Artémis, Pénélope
apparaît comme une divinité pastorale particulièrement honorée en Arcadie.Mais
ce n'est là qu'un accident mythique, donnée venant se greffer sur un mythe
structurellement différent dont la similitude avec le mythe d'Hélène établie
dans le chapitre précédent reste essentielle. L'étymologie de son nom
confirme ce point.
LE MYTHE 227
Notes du CHAPITRE Π
(1) Voir tableau IV.
(2) Ainsi Nonnos de Panopolis dans les Dionysiaques (XIV, 93) qualifie Pénélope de
«nymphe campagnarde». Voir supra, p.l&5.
(3) Fr. 371, FGH, I, (Scholia in Lucani Bellum civile, ΠΙ, 402, éd. H. Usener, 1869).
J. Jacoby, op. cit., n. 33, considère ce fragment douteux, mais il est admis comme
authentique par l'éditeur des scholies de Lucien.
(4) Fr. 100, Br. SnelL
(5) Π, 145, Voir supra,p. 56.
(6) 33-37.
(7) Epiménide, fr. 12, Kinkel (SchoLad Theoc. Id., I, 3).
(8) Ariaithos de Tégée in Schol-ad Ewip.Rhe&, 36, et Aristippe, in Scholad Theocld.
1,3.
(9) Apollodore, Bibl. I, 4, 1.
(10) Hymne homérique à Pan, 34.
(11) Pausanias, VIII, 1,2.
(12) Pausanias, VIII, 35, 8. Cf. P. Levêque «Sur quelques cultes d'Arcadie, princesse-
ourse, hommes-loups et dieux-chevaux», IH, 1961, p. 94-98.
(13) Pausanias, Vin, 47, 3.
(14) P. W.,s. v. Thymbris. C'est un fleuve de Troade pour Hésychios, s. v. Thymbra.
(15) Ethnica, éd. A. Meineke, 1849, (réimp. Graz, 1958), s. v. Thymbris.
(1 6) Virgile, Enéide, VIII, 49 sq.
(17) J. Przyluski, La grande déesse, Paris, 1950, p. 26-27. Il met également au rang des
nymphes les Danaïdes qui personnifient le flux incessant des sources venues du
monde souterrain. On se souvient que Pausanias, racontant comment Icare avait
institué une course à pied pour les prétendants de Pénélope, le comparait à
Danaos qui avait agi de même pour ses filles (ΠΙ, 12, 1).
(18) Voir tableau IV.
(19) Fr. 21, FGH, II A.
(20) Schol ad Théoc. Id., VII, 109.
(21) Théocrite, Syrinx, 15 ; voir supra, p. 100.
(22) Schobad Theocld, 1, 121, et ad Syr. 1/2 a.
(23) SchoUBernensia ad Verg. G*org. I, 18, et Myth primus, I, 89. Ces mythographes
font partie de ce courant dont on a noté l'importance après le Ve siècle de notre
ère. (Voir supra, p.186 ).
(24) J. Duchemin, La houlette la lyre. Recherches sur les origines pastorales de la
poésie, I, Hermès et Apollon, Paris, 1960, passim.
(25) II, 145
(26) Plutarque, Sur la disparition des oracles, 419 D, trad. R. Flacelière, Paris, 1947.
Sans doute, comme le fait remarquer S. Reinach, Cultes, mythes et religions,
ΙΠ, Paris, 1908, p. 9, ces érudits cherchaient-ils à rassurer l'empereur en lui disant
que ce mort n'était que le fils d'une mortelle et non le grand dieu ; mais
l'unanimité montre néanmoins la véracité de l'explication.
(27) Ad Alex., 772.
(28) Fr . 37 1 , FGH, I, (Scholin Lucani Bellum civile, III, 402).
(29) Ainsi Br. Snell, fr. 100, in Pindari carmina cum fragmentis, Leipzig, 1955, fait de
Pan le fils de Pénélope et d'Apollon. Dans le 3e édition de son ouvrage paru en
1959-1964, tome Π, fr. 100, Apollon a été remplacé par Hermès, les sources
citées dans les deux cas demeurant les mêmes.
(30) Schol Theoc. Syr 1/2 a in Scholia vetera in Theocritum, éd. C. Wendel, Leipzig,
1914 SchoLad Georg, 1, 17 in Scholia Bernensia ad Vergilii Bucolica et Georgica,
éd. H. Hagen, Jahrbûcher fur classische Philologie, fasc. 40, Leipzig, 1861-1867.
Schol. Lucan ΠΙ, 402 in Scholia in Lucani Bellum civile, éd. H. Usener, Leipzig,
1869. Encore Servais dans son Commentaire aux Géorgiques, I, 16,citantPin-
dare, devait dire le même chose. Mais le nom du dieu manquant, son éditeur, H.
Hagen, a proposé Mercure. Dans faBrevis exposith Vergilii G eorgicorum, I, 17, in
Appendix Serviana, éd. H. Hagen, postérieure au commentaire de Servius et s'en
inspirant directement (Cf. E. Thomas, Essai sur Servius et son commentaire sur
Virgile, p. 276-277), Pan est donné comme fils d'Apollon et de Pénélope.
(31) Hymne homérique à Pan.
(32) Od., XX, 276-278. Il est naturel que Pénélope se mette sous la protect jo du dieu
de l'arc, mais il a dû exister primitivement un lien entre Apollon a l'arc et Apollon
228 M.-M MACTOUX
berger. L'arc servait sans doute aux bergers à défendre leurs troupeaux (Cf. J.
Duchemin, op. cit., en particulier le chapitre, Les pouvoirs du berger).
(33) Hymne homérique à Hermès, 2.
(34) Le Mont Lycée est le plus fréquemment cité comme lieu de naissance de Pan, fils
de Pénélope (Pindare, fr. 100). Mais on trouve aussi le Ménale qui domine Tégée.
C'est apparemment pour justifier l'épithète de tégéen que reçoit Pan dans certains
textes que les schoÛastes ont localisé ultérieurement sa naissance sur le Ménale.
(Cf. Schol'Bernensia ad Vergilii Georg., I, 18). Apollodore (Ep. VII, 38), quant
à lui, fait naître Pan à Mantinée. Voir supra, p. 223.
(35) Cf. pour Hermès, L. Séchan et P. Lévêque, Les grandes divinités de la Grèce,
Paris, 1966, p. 278. Pan, d'autre part, est par excellence un dieu arcadien. Les
sanctuaires qui lui sont dédiés foisonnent sur cette terre riche en troupeaux, et
les Arcadiens le rangèrent même au rang des grands dieux en lui consacrant tous
les hauts lieux de leur pays. Le Ménale, (Pausanias, VHI, 26, 2) le Mont Lampeia,
(id., VIII, 36, 8) le Mont Nomia, (id., VIII, 38,ll)le Mont Lycée (VIII, 38, 5) le
Parthénon(tf.,VIII,54,5).
(36) Pausanias, VIII, 12, 5-6.
(37) Epitomé, VII, 38.
(38) Pénélope est, dans une forme de la légende, la petite fille d'Alphée par sa mère
Dorodoché (Schol. ad Od., IV, 797). Or l'Alphée prend sa source en Arcadie
(Pausanias, V, 7, 1). On ne méconnaît pas, évidemment, la possibilité d'une
légende récente comme ce fut probablement le cas pour Anchise qui avait, lui
aussi, son tombeau près de Mantinée sur la route qui conduit à Orchomène. Pour
J. Perret, Les origines de la légende troyenne de Rome, PariSj 1942, p. 52, la
présence d'Anchise correspondrait au désir des Achéens du Ile siècle après J. C. de
courtiser les Romains. Mais rien dans l'histoire de Mantinée ne peut expliquer cet
attrait pour Pénélope.
(39) Pausanias désigne du même mot de taphos la tombe de Néoptolème, fils d'Achille
à Delphes, à qui les habitants sacrifiaient et qui ne présentait pas sous la forme
d'un tumulus (X, 24, 6).
(40) En Arcadie même, Callisto, parfois donnée, on l'a vu, comme mère de Pan,
possédait un tombeau qui était, comme celui de Pénélope, un haut monticule de terre
(Pausanias, VHI, 35, 8). Hyacinthe, dieu minoen de la végétation, était enterré
à Amydées (Pausanias, ΠΙ, 19, 3).
(41) Pausanias, VIII, 12, 5-6.
(42) G. Fougères, op. cit., p. 117 et W.Loring, p. 84, in «Some ancient routes in the
Péloponnèse», JHS, 1895, p. 25 sq. PL XIII.
(43) VIII, 9, 2.
(44) IG V/2, n. 265.
(45) R. Stiglitz, Die grossen Gô'ttinen Arkadiens, Sonderschriften herausgegeben vom
Osterreichen Archaologischen Institut in Wien; XV, 1967, p. 78.
(46) Le nom même de la ville signifie «l'endroit ou l'on interprète les oracles», (Cf. G.
Fougères, op. cit., p. 350). Les oracles ont toujours été liés aux divinités chtho-
niennes.
(47) G. Fougères, op. cit., chap. VI, la religion mantinéenne.
(48) Le serpent a toujours été un attribut des déesses-mères. Il est familier des déesses
minoennes et la présence du serpent semble bien faire allusion à ses pouvoirs
souterrains et agraires (Cf. Ch. Picard, Les religions préhelléniques, p. 79). Une
divinité féminine du nom d'Ophis a peut-être existé si l'on adopte l'interprétation
de Palmer qui lit ophis dans un o-pi des tablettes de Cnossos (L 5646 et Me 1508
ν ; cf L. Palmer, The Interprétation of Mycenaen Greek Texts, Oxford, 1963, ρ
438).
(49) G. Fougères, op. cit., pL VIII.
(50) Cf. L. Lacroix, p. 310, in «Les monnaies de Mantinée et les traditions arca-
diennes», BAB, LUI, 1967, p. 303-311.
(51) Od., XVIII, 182.
(52) Le texte de Pausanias portait Autonoé en VIII, 9, 5. Il a été corrigé en Antinoé
d'après le nom que Pausanias lui donne lorsqu'il parle, en VIII, 8, 4, de la
fondation de la ville. G. Fougères, op. cit., p. 316, pense que la leçon la plus ancienne
est Autonoé. Pour la rédaction de l'autre passage, Pausanias se serait servi de
sources plus récentes dans lesquelles les Mantinéens avaient corrigé le nom de leur
fondatrice dans l'intention de flatter les Romains qui développèrent sous l'Empire
le culte d'Antinous.
LE MYTHE 229
(53) Le nom d'Arnaia, ou même Arnéa dans certains manuscrits, (B, C, E, schol ad
Pind. 01. IX. 79 d) est le premier nom de la fuie d'Icare disent certains scholiastes
(schol-ad Pind., loc cit. et ad Lycoph. Alex, 792), soucieux d'expliquer pourquoi
Pénélope portait le même nom qu'un canard sauvage. Elle se serait appelée ainsi
avant d'avoir été jetée à la mer par ses parents et sauvée par des pénélopes d'où
elle aurait tiré son nouveau nom. Didyme (schoUad Od. IV, 797), qui racontait
l'histoire sous une autre forme, le nommait Ameiraké ou Arnakia.
(54) Vin, 10,1.
(55) G. Fougères, op. cit., p. 242-247, avait cru pouvoir établir la présence d'Ulysse
d'après les conclusions de J.N. Svoronos, «Ulysse chez les Arcadiens et la Télé-
gonie d'Eugammon» Gezeffe archéologique, 1888, p. 33 sq. Analysant un type de
monnaie de Mantinée, J. Svoronos y avait reconnu Ulysse. Il semble plutôt que le
personnage représenté soit un berger dansant la pyrrhique (Cf. L. Lacroix, loc. ci$
(56) Cette appellation qui figure dans VOdyssée (XXTV, v. I) est postérieure à
YOdyssée homérique. On la rencontre surtout à partir du Vie siècle (Alcée, fr.
308 ; Hymne à Hermès, 2) et Aristarque, qui en avait noté le caractère récent, se
servit de cet argument pour condamner le passage.
(57) J. Chittinden, «The master of animais», XVI, 1947, p. 89-114. Cf. L. Séchan et
P. Lévêque, op. cit., p. 278.
(58) Cette hypothèse est envisagée par P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la
langue grecque, 1970, s. ν. 'Ερμης . Contra, R. Herbig,. Pan. Der griechische
Bocksgott, Francfort, 1949, qui fait de Pan un dieu des peuples nomades, par
conséquent une divinité des envahisseurs indo-européens. Il ne semble pas qu'on
puisse le suivre dans ses conclusions. Cf. J. Fontenrose, revue du livre de R. Herbig
op. cit., AJA, 1951, p. 274.
(59) Pausanias, VIII, I, 2.
(60) DiaL deor., ΧΧΠ ; de même schol<id Theocld., VII, 109.
(61) P. Raingeard, Hermès psychagogue, Paris, 1934, p. 358-359. Dès l'époque
classique, comme en témoigne un stamnos du Louvre (G 185 B) de la première moitié
du Vème siècle (CV Louvre, 2, III, I c, pi. 20, 5), l'animal d'Hermès est le bélier,
et le bouc, celui de Dionysos. La métamorphose d'Hermès en bouc renverrait
donc à une époque plus ancienne.
(62) P. Lévêque, «Sur quelques cultes d'Arcadie, princesse-ourse, hommes-loups, et
dieux-chevaux», IH, 1961, passim. La vénération des animaux à l'époque
mycénienne est bien attestée (Cf. A. B. Cook, «Animal worhip in the Mycenaen Age»,
JHS, 1894, p. 81 sq.) mais cette métamorphose évoque également ces mythes
dans lesquels les déesses^nères changeaient leurs amants en animaux. L'épisode
de Circé qui transforma les compagnons d'Ulysse en pourceaux se rattache
probablement à ce modèle mythique (J. Przyluski, op. cit, p. 92).
(63) Dans VOdyssée Hermès est particulièrement vénéré par le berger Eumée qui lui
fait des offrandes en même temps qu'aux nymphes (XTV, 435). La conjonction
d'Hermès et des nymphes est intéressante dans la mesure où Pénélope est elle-
même fille d'une nymphe (cf. supra, p. 208).
(64) Vin, 14, 10.
(65) XIX, 395 sq. Dans la tradition post-homérique, Hermès deviendra le père d'Auto-
lykos.
(66) P. Philippson, loc. cit.
(67) V, 28-29 ; 85-87.
(68) X, 277-307.
(69) XV, 319-320.
(70) K. W. Osterwald, Hermes-Odysseus, Halle, 1 85 3.
(71) Od. XIV, 96 sq.
(72) J. Duchemin, op. cit.,p.l 34-1 35 .
(73) Hymne homérique à Hermès, 1 3.
(74) Voir chap. I, deuxième partie.
(75) Hermès est souvent qualifié de dolios (Sophocle, Phïloctète, 133 ; Aristophane,
Ploutos, 1157).
(76) Sur l'origine d'Apollon dans la personnalité duquel se reconnaissent des éléments
indo-européens mais aussi préhelléniques et orientaux, cf. L. Séchan et P. Lévêque
Les grandes divinités de la Grèce, p. 213-216.
(77) Pausanias, VIII, 5.
(78) Id.,vm, 14.
(79) The Cuits of the Greek States, II, p, 435 .
230 M .-M MACTOUX
L'HÉRITIÈRE DE LA SARCELLE
L'accord est loin d'être fait sur l'étymologie du nom. Les divergences
étaient déjà grandes chez les Grecs et les philologues modernes n'ont fait que
reprendre tour à tour leurs hypothèses. Certains même, mais ils sont rares, ont
renoncé au nom de Pénélope une étymologie quelconque (1). On peut
regrouper ces tentatives autour de trois thèmes.
Un premier type d'interprétation, auquel peu de philologues modernes
se sont arrêtés, consiste à rattacher pânelôpa au nom du dieu Pan donné pour
fils de Pénélope (2). Mais l'étymologie est impossible, et la deuxième partie
du nom reste inexpliquée (3). On a vu que, s'il existe un lien, il est en sens
inverse. Si Pénélope a pu devenir aussi facilement la mère de Pan, c'est peut-être
aussi parce que son nom la prédisposait à cette maternité.
Un deuxième type d'étymologie vise à relier Pénélope à l'action de
tisser. Ainsi Didyme (4) et Eustathe (5) expliquent le nom de l'héroïne par le
fait qu'elle exécutait un habit : τό néveodax το λώπος dit Didyme ; ro
πένεοθαι -nepi λόπος , dit Eustathe. Certains philologues modernes,
tels G. Curtius, (6) J. Schmidt (7), E. Wust (8) pensent qu'il est plus
vraisemblable de retrouver dans la première partie du nom τπ\ντ\ ou πηρών
fil, par extension, trame, toile. Mais la deuxième partie est dans ce cas très
difficile à expliquer. G. Curtius (9) essaie de la faire en se référant au latin
opus. Pénélope serait à nouveau, et d'une manière plus précise que dans
l'explication proposée par Didyme ou Eustathe, celle qui fabrique une toile. Mais
op. est étranger au grec et P. Kretschmer (10) pense qu'il faut chercher dans
la deuxième partie du nom λεττω ou ολόπτω / verbes signifiant enlever
l'écorce, peler. Pénélope serait alors celle qui défait la toile. Cette hypothèse
a été encore récemment reprise par A. Lesky (11). Quoiqu'opposées dans le
résultat final, ces deux étymologies se réfèrent bien évidemment à l'histoire
du linceul de Laèrte rapportée trois fois dans YOdyssée. Ainsi pour P.
Kretschmer (12) l'héroïne aurait été appelée Pénélope par l'auteur du conte d'après
la ruse célèbre. Cette appellation «celle qui défait la toile» serait à
proprement parler non pas un nom, mais une dénomination technique destinée à la
distinguer des autres personnages. Homère l'aurait alors utilisée comme un
nom de personne, parce qu'il n'en comprenait plus la signification.
Il est vrai que YOdyssée, qui propose une étymologie pour le nom
d'Ulysse (13), ne dit rien au sujet de Pénélope. Certes on peut soutenir,
comme dans le cas de Pan, que c'est par un jeu de mot facile comme les Grecs
ont l'habitude d'en faire, que le motif de la toile est apparu (14). Mais il nous
a semblé que cette histoire, à cause de sa gratuité dans YOdyssée que nous
possédons, n'avait pu être inventée par Homère et représentait un élément
significatif de la personnalité rusée de la reine. L'hypothèse de P. Kretschmer
pourrait donc paraître satisfaisante. Mais d'une part, les noms de type
descriptif, si fréquente dans les contes populaires, sont rares dans la mythologie
grecque, du moins quand il ne s'agit pas de personnages secondaires inventés par
le poète (15). Et, d'autre part, il existe dans la langue grecque un nom
commun identique porté par un oiseau, la pénélope sorte de canard sauvage
(16). Il paraît impossible que ce doublet soit fortuit.
Les Grecs s'étaient déjà engagés sur cette voie et avaient inventé une
histoire pour justifier ce rapprochement qu'ils ne comprenaient pas. Cette
démarche n'est pas isolée. Une légende du même genre est attachée au poète
234 M. -M MACTOUX
Ibycos dont le nom avait dû être rapproché de Γ 'φυξ , sorte d'oiseau criard
(17). Les scholies à Pindare (18) et à Lycophron (19) racontaient de façon
identique que la fille d'Icare avait été jetée à la mer par ses parents. Des péné-
lopes l'ayant sauvée et la leur ayant ramenée, ils l'auraient alors élevée. C'est
de là, disent ces scholiastes, que vient son nom. La gratuité de ce récit avait
été sentie par les Grecs eux-mêmes. D'autres expliquaient différemment le
rapprochement entre la femme d'Ulysse et le canard sauvage. Pour Didyme,
Pénélope aurait été jetée à la mer par Nauplios désireux de tirer vengeance de
la mort de son fils Palamède (20). Il fait un effort pour intégrer le récit dans
la légende troyenne. C'est en effet pendant la guerre de Troie qu'Ulysse eut
l'occasion de se venger du fils de Nauplios. Palamède avait déjoué la ruse
d'Ulysse qui, pressé par les anciens prétendants d'Hélène de se joindre à eux
pour aller la reconquérir à Troie, avait cherché à se dérober en simulant la
folie. Même si l'histoire n'a pas été inventée par Didyme, elle est tardive. Dans
les Chants Cypriens la vengeance de Naupb'os avait revêtu une autre forme
(21). Et il semble bien que l'explication du grammairien du premier siècle
avant J.C., auteur d'un traité de philosophie pythagoricienne ait son origine
dans les efforts déployés par les Pythagoriciens pour concilier le culte qu'ils
rendaient à Ulysse et celui qu'ils avaient voué à Palamède (22). Grâce à
Pénélope, qui avait subi l'ordalie du plongeon et avait été miraculeusement
sauvée, Ulysse avait expié sa faute. Mais l'invention de Didyme n'a pu avoir lieu
que parce que les Grecs avaient depuis longtemps fait le rapprochement entre
l'héroïne homérique et la sarcelle.
Les philologues modernes ont de plus en plus tendance à penser que
c'est de ce côté qu'il faut chercher l'étymologie du nom de la femme d'Ulysse
Ainsi F. Boisacq (23), H. Frisk, (24), J.B. Hofmann (25), A. Carnoy (26)
font dériver l'homérique Penelopeia et le post-homérique Pénélope du mot
pénélops, sarcelle. Et les historiens, à leur tour, essaient d'expliquer cette
étymologie en se demandant s'il n'y a pas dans la nature du canard sauvage un
élément commun avec celle de la femme d'Ulysse. Dans certaines parties du
monde le canard mandarin est connu comme symbole de la fidélité conjugale.
Mâle et femelle vont toujours deux par deux et forment un couple qu'on ne
peut dissocier. De très vieux chants antérieurs à Confucius y font allusion
(27) et le symbole a été assez fort pour se maintenir intact dans la tradition
chinoise. Au XIXe siècle encore, offrir un canard à son épouse était pour le
jeune marié une obligation rituelle (28). Faut-il en conclure, comme le
suggère G. Germain, que le type de l'épouse fidèle est probablement importé et
que son origine est à chercher du côté du nord, dans la zone hyperboréenne
qui a connu de façon certaine ce symbolisme animal ? (29) La dispersion des
thèmes folkloriques qu'on retrouve identiques dans des pays très éloignés doit
rendre prudent quand on parle d'emprunts et l'universalité de ce thème est
telle qu'il ne peut être raisonnablement localisé.
Sans doute les Grecs avaient-ils conscience que la patrie de ces canards
était fort éloignée. Alcée ne dit-il pas en parlant des pénélopes : «Que sont ces
oiseaux ? Ils sont venus de l'Océan et des limites de la terre» (30). Mais,
plutôt que d'envisager l'emprunt du thème, on pourrait penser que les Grecs ont
constaté eux-mêmes les mœurs de cet oiseau qui, très tôt, a pu émigrer de la
lointaine Asie jusqu'à la mer Egée. Les allusions anciennes sont trop
nombreuses pour que la Grèce ne soit pas devenue une seconde patrie. De Lesbos
(31) à Himère (32), dès l'époque archaïque, les poètes évoquent la pénélope.
Elle est suffisamment connue pour faire partie du groupe des oiseaux dans la
LE MYTHE 235
Très tôt dans la religion grecque primitive, l'oiseau a été lié à la divinité
Ces oiseaux, animaux célestes aux apparitions subites, sont-ils simplement,
comme le suppose MJP. Nilsson (44), le symbole des apparitions divines ?
D'une manière plus précise l'oiseau accompagne souvent la Déesse-Mère cré-
toise et mycénienne. La plus grande idole de la chapelle des doubles-haches à
Cnossos porte un oiseau sur la tête (45) et d'une tombe à fosse de Mycènes,
on a exhumé une femme, nue, en or, dont la tête est également surmontée
d'un oiseau (46). Mais bien d'autres animaux, en dehors même du serpent
dont le caractère chthonien est évident, figurent auprès de ces déesses sur des
objets cultuels et il est probable qu'on a là des traces d'une zoôlatrie
primitive (47). On a déjà vu qu'un grand nombre de mythes arcadiens, où
abondent les transformations en animaux, suggéraient un thériomorphisme des
dieux ; les oiseaux y figurent en bonne place (48). Le mythe de Pénélope,
amante d'Hermès transformé en bouc, appartient à ce type. Le nom de
Pénélope serait-il une nouvelle preuve de cet état où Pénélope, déesse-mère, aurait
été adorée sous la forme d'un oiseau ?
D'autres divinités secondaires dont le caractère de Grande-Mère est bien
établi, portent des noms d'oiseaux. Ainsi Circé, la magicienne de YOdyssée,
dont la divinité primitive ne fait aucun doute, a un nom tiré de kirkos, faucon
(49), ou Pélargé, fondatrice avec Déméter des mystères du Cabirion thébain,
déesse elle-même à qui, d'après un oracle de Dodo ne, on sacrifiait des porcs
comme aux Eleusiniennes, et dont le nom signifie «cigogne» (50). Si le nom
d'Artémis n'évoque en rien celui d'un oiseau, la caille a dû lui être consacrée
(51) : l'épithète d'Ortygia qu'elle reçoit dans Sophocle devait être cultuelle
(52). Pénélope-sarcelle, Circé-faucon, Pélargé-cigogne, Artémis-caille, cette
série d'identités indique au moins qu'on a affaire à des potniai étendant leur
pouvoir fécondant au monde animal et qui ont sans doute été très
anciennement adorées sous la forme d'un oiseau. Mais ne peut-on, dans le cas de
Pénélope, essayer d'apporter une précision supplémentaire ?
Les auteurs grecs attribuent eux-mêmes à la sarcelle deux
caractéristiques ; c'est d'une part un oiseau aquatique, et d'autre part un oiseau aux
brillantes couleurs. L'un des plus anciens cultes de Sparte était celui d'Orthia,
déesse locale qui succomba à Artémis, adorée dans le fameux sanctuaire sous
le nom d'Artémis-Orthia. Les fouilles menées par l'école anglaise
parallèlement dans le temple et le Ménélaion (53), tombeau d'Hélène et de Ménélas à
Thérapné (54) ont montré une évolution parallèle dans les ex-voto cultuels
que l'on trouve identiques dans les deux sanctuaires à chaque période (55).
D ne fait aucun doute qu'Hélène et Orthia appartenaient au même type de
déesse localeji'une et l'autre adorées comme potnia (56). L'animal qui
accompagne le plus souvent Orthia, lorsqu'elle est représentée sous cette forme, est
l'oiseau. Sur des fibules d'ivoire, dont les plus anciennes remontent à la
première moitié du Ville siècle, la déesse est figurée sous une forme ailée, et,
dans chaque main, elle serre le cou d'un oiseau (57) ; ou encore sur cette
fibule antérieure au milieu du Ville siècle a été gravée une Orthia, ailée,
debout (58). Un serpent, dressé à ses côtés, s'accroche par la gueule à son
poignet ; mais elle tient également un oiseau de ia main droite. R.M. Dawkins,
qui décrit ces objets, ne précise pas l'espèce de l'oiseau, sans doute parce qu'
on a affaire à une représentation trop stylisée. Mais des oiseaux nettement
aquatiques apparaissent sur les vases de la deuxième moitié du Ville siècle
découverts dans le Ménélaion (59). Ils peuvent n'avoir sur cette poterie
géométrique qu'une signification ornementale, mais on possède toute une série
LE MYTHE 237
pour s'en étonner, la version de Sophocle qui, dit-il, affirmait que Yélektron
était produit au-delà de l'Inde par les larmes des oiseaux méléagrides, pleurant
Méléagre (79). Or, ces méléagrides, sorte de pintades (80), ont en commun
avec les pénélopes d'avoir un plumage bigarré (81). Comme les méléagrides,
les pénélopes semblent donc avoir été dans certaines légendes liées à l'ambre.
Et l'ambre lui-même est en relation étroite avec le soleil. L'appellation
grecque pour ambre, élektron, signifie en fait «substance du soleil» (82), et dans
les croyances grecques sur l'origine de l'ambre, telles que Pline les rapporte
dans le passage cité, la création de l'ambre est souvent le résultat de l'action
des rayons du soleil qui assèchent les lacs et transforment le limon en ambre.
Ou encore il proviendrait des larmes des sœurs de Phaéton, métamorphosées
en peuplier après la mort de leur frère frappé par l'éclair solaire (83).
La civilisation qui utilisa l'ambre fut d'abord celle des tribus
indoeuropéennes (84) qui connaissaient la pénélope. Mais l'ambre qui, on le sait,
provient des rives de la Baltique, a pénétré très tôt en Grèce continentale
comme en témoignent les bijoux d'ambre recueillis dans les tombes
mycéniennes (85). Parmi les cadeaux qu'offrent les prétendants à Pénélope figure
un collier d'ambre (86).
Cette convergence d'indices conduit à penser que Pénélope a pu être
elle-même liée au soleil (87). Certes le culte du soleil n'a pas connu en Grèce
une extension comparable à celle qu'il a eue chez d'autres peuples comme les
Egyptiens ou les Sémites. Mais le soleil apparaît sur des scènes religieuses mi-
noennes (88) et mycéniennes (89), et ces représentations dénotent
certainement l'existence d'un culte (90). Des traces de ce culte apparaissent dans le
Péloponnèse. Sur le Taygète on sacrifiait des chevaux à Hélios (91) sur la
route qui va de Sparte en Arcadie, non loin de la statue d'Aidôs élevée par
Icare, et à côté de la tombe où Tyndare avait enterré les restes du cheval sur
lequel il avait fait prêter aux prétendants d'Hélène le serment de défendre sa
fille et celui qu'elle épouserait, se dressaient sept piliers représentant les sept
planètes (92).
Pan lui-même a un caractère à la fois pastoral et solaire, et, à Mantinée
Hélios était honoré dans des conditions qui laissent supposer l'ancienneté du
culte, même si Hélios n'a été introduit que tardivement. Pausanias raconte
que les Mantinéens avaient reçu l'ordre d'un oracle de Delphes de transporter
du Ménale chez eux les os d'Arcas, le héros éponyme de leur race. Ils
montraient son tombeau qui s'appelait aussi, dit-il, les Autels d'Hélios. Arcas fut
de bonne heure associé à Pan dont il était parfois le frère jumeau (93) et il est
probable, comme le pense G. Fougères (94), qu'il a dû emprunter son
caractère primitif de dieu solaire. Le lien familial que les mythographes ont établi
entre Pénélope et Pan pourrait avoir été plus étroit encore, si l'antique déesse
portait dans son nom la marque de ses rapports avec un culte solaire (95).
Les divinités de la végétation ont souvent des attributs solaires (96) et
tout un jeu d'épithètes révèlent les liens organiques d'Hélios avec le monde
végétal (97). On a récemment émis l'hypothèse (98) que le nom d'Orthia qui
a donné Heu à de multiples interprétations, anciennes et modernes (99), serait
en fait Orthria conservé par Alcman dans un de ses chants (100). Il faudrait
voir dans Orthria la personnification du soleil levant, et les couronnes trouvées
par milliers dans le temple d'Artémis-Orthia (101) et dans le Ménélaion
seraient les représentations de ce disque .
A nouveau un rapprochement avec Hélène, fille d'un cygne, s'impose.
Dans de très nombreuses mythologies le cygne, comme le canard avec lequel
LE MYTHE 239
en particulier dans le domaine des cultes agraires. Dans le Rameau d'or, il note
que dans certains villages de Basse-Bavière le roi de Mai, qui incarne l'esprit de la
végétation est remplacé par un énorme oiseau en paille, muni d'un long cou et
d'un bec en bois, appelé Voiseau d'eau (Le Rameau d'or, III, trad. frse, Paris,
1911, p. 81, n. 1).
(71) Athénée (VIII, 334 B.D), qui a conservé douze vers du poème, dit que Némésis
prit diverses formes pour se dérober à Zeus, sans préciser ces formes, ni celle
adoptée par son divin amant. Mais A.Severyns, Le cycle épique dans l'école
d'Aristarque, Paris, 1928, p. 268-270, pense que certains auteurs disant que Zeus
s'était uni à Némésis sous la forme d'un cygne, s'inspirent directement des Chants
Cypriens (cf. en particulier, Apollodore, Bibl., III, 10,7). Philodèmos attribue
précisément à l'auteur des Chants Cypriens la métamorphose de Némésis en oie, et
probablement celle de Zeus en cygne (fr. 8, 1, E. Bethe, Homer, Dichtung und
Sage, II, Leipzig, Berlin, 1922).
(72) Hélène, 256-259.
(73) Autres allusions dans Hélène, 17-21 ; 214-216 ; 1145-1146 ; Oreste, 1387 ;
Iphigénie à Aulis. 793-797.
(74) ΠΙ, 16, 1.
(75) A. de Gubernatis, Zoological mythology, II, Londres, 1872, p. 295.
(76) Fr. 41 , K. Millier, FHG, III.
(77) La Souda, s. v. Eratosthène.
(78) Pline, Hist. Nat., XXXVII, 1 1 , 38.
(79) Pline, op. cit., XXXVII, 11, 4041.
(80) E. de Saint-Denis, éd. de Pline, Histoire Naturelle, X, Paris, 1961, n. au φ 74, 3.
(81) Pline, Hist. Nat., X, 26, 38.
(82) Le mot électôr, d'où dérive électron, est employé avec ce sens dans ÎMade, VI,
5 1 3. Cf. Pline, op. cit., XXXVII, 11,31.
(83) Pline, op. cit., loccit.
(84) A. Spekke, The ancient amber routes and the geographical discovery of the Eas-
tern Baltic, Stockholm, 1957, p. 6.
(85) L.W. Taylour, The Mycenaeans, Londres, 1964, p. 166.
(86) Od., XVIII, 295-296 : «Aussitôt le héraut d^urymaque apporte un collier d'or
ouvré, enfilé de gros ambres, un rayon de soleil !».
(87) Ce qui ne veut pas dire que Pénélope est une déesse solaire mais qu'il y a pu y
avoir dans son culte un aspect solaire.
(88) Tablette de bronze de Psychro (MJP. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion
I, Munich, 1941, pi. 7,2).
(89) Bague provenant de Sestos (M.P. Nilsson, op. cit., pL 13, 2) représentant une
femme se prosternant devant un dieu, debout à côte d'un arbre, au milieu d'un
enclos sacré, avec, entre eux, le disque du soleil. Le soleil figure également sur une
bague de Tirynthe sur laquelle une procession de démons s'avance vers une déesse
assise à laquelle ils apportent des offrandes (MJ*. Nilsson, op. cit., pL 16, 4).
(90) Cf. Ch. Picard, op. cit., p. 197.
(91) Pausanias, ΠΙ, 20,4.
(92) Pausanias, III, 22, 9.
(93) Pan et zSchol.
Kinkel Arcas étaient
ad Theoc.
donnés
Id., 1,alors
3). comme fils de Callisto (Epiménide, fr. 12,
(94) Op. cit., p. 317.
(95) La version la plus fréquemment suivie par les scholies à YOdyssée fait de Pénélope
la fille d'Asterodeia et, par là, l'arrière petite-fille d'Hélios. En effet la femme
d'Eurypyle, père d'Asterodeia est, d'après Acésandre (in SchoL Ad. Pind. Pyth.
IV, 57), Stéropé, fille d'Hélios. D'autre part, ce n^est peut-être pas un hasard si le
seul amant donné à Pénélope en dehors d'Hermès est Apollon. Apollon n'a été
assimilé à Hélios que tardivement et son aspect de dieu de la lumière n'a rien de
primitif (cf. L. Sechan et P. Lévêque, op. cit., p. 210). Mais il est déjà qualifié
chez Homère de Phoibos et lorsqu'une relation a pu s'établir entre lui et
Pénélope, Apollon possédait déjà cette fonction. T.B.L. Webster, op. cit., p. 51-52,
voit dans un petit personnage tenant un arc et figuré dans le ciel sur deux bagues
mycéniennes (M.P. Nilsson, op. cit., pi. 13, 4 et pi. 16, 5) un dieu mâle substitut
du soleil. L'arc d'Apollon qui remplit à l'époque classique la triple fonction de
dieu-soleil, dieu - pastoral et dieu-guérisseur pourrait avoir une triple signification
et être à la fois l'arc du dieu-soleil, l'arc du maître des animaux et l'arc du dieu-
guérisseur. Sur l'un des plus anciens documents figurés de New-York,
représentant Pénélope, l'anneau d'or du deuxième quart du Ve siècle (voir supra, p. 79 -
80).
LE MYTHE 243
solaire, avant de devenir une héroïne légendaire, ne veut pas dire qu'il y a eu à
un moment donné humanisation. Simplement, dans Homère, nous lisons la
phase ultime d'une évolution identique à partir de la vision mythique
commune d'un monde où les forces de fécondité et de fertilité étaient senties
comme dominantes. Pénélope et Hélène en sont des manifestations
équivalentes.
TABLEAU V
Pénélope et Hélène
«'S infidélité
-μ Ο Pénélope ~ Hélène
SK
C ω
ΟΛ
reconquête (mari valeureux
Tradu n (lutte sanglante
du
Périèrés ou Oebalos
famille
conquête de la I are ~ Tync are
royauté
χ>ο
ω
mariage
S (Ulysse prétendant) Pénélope ~ Hélène
Hélios
1
.taω
|
Ι (Icare) +■ Astérodeia
piythe Hélios
Pénélope -1 sarcelle ~ Hélène, «la brillante»
S (oiseau aquatique aux fille d'un cygne
brillantes couleurs)
= équivalence
248 M.-M MACTOUX
Notes de la Conclusion
(1) On ne peut tirer argument comme U. Pestalozza, Pagine di religione médit erranea,
I, Milan-Messine, 1942, p. 290, ni de l'épithète de divine que reçoit Pénélope dans
VOdyssée (par ex. XVI, 414) ni du fait qu'elle est comparée à Artémis et
Aphrodite (XVII, 37 ; XIX, 54). D'autres personnages sont qualifiés de divin ; Homère
parle souvent du divin Ulysse, (XVIII, 90, XIX, 51) et non seulement Hélène
(IV, 122) mais Nausicaa elle-même sont comparées à Artémis (VI, 102 sq).
(2) Nous ne rappellerons pas les querelles qui divisent les historiens sur la localisation
d'Ithaque et suivons les traditionnalistes dont le chef de file est V» Bérard qui
pense qu'Ithaque doit êtrelocalisée dans la moderne Thiaki. L. Moulinier,
Quelques hypothèses relatives à la géographie d'Homère dans l'Odyssée, Publication
des Annales de la Faculté des Lettres d'Aix en Provence, 1958, propose une
solution plus nuancée, mais les rapports d'Ulysse avec Ithaque réapparaissent sous une
autre forme. Ulysse, roi des Céphalléniens, aurait régné sur la Céphalonie. Puis,
l'un des roitelets d'Ithaque - Thiaki, ayant aboli la suprématie de l'ancienne
capitale d'Ulysse, se serait approprié la légende du héros. Désormais Ulysse aurait
régné sur Ithaque. Si, en fonction de cette hypothèse, il faut chercher du côté de
Céphalonie pour avoir des renseignements sur l'état premier de la légende, les
cultes d'Ithaque, empruntés ou contaminés, devraient être pris en considération. Les
fouilles menées par l'école anglaise à Ithaque, en particulier sur le site d'Aetos, au
sud-ouest de la moderne Thiaki, ont livré très peu de traces du souvenir laissé par
le couple odysséen. (Cf. H. L. Lorimer et W.A. Heurtley, «Excavations in Ithaca»,
ABSA, XXXIII, 1935, p. 22 sq ; W. A. Heurtley et M. Robertson, «Excavations in
Ithaca, V, The géométrie and later finds from Aetos», ABSA, XLIII, 1948,
p. 1-124 ; S. Benton, «Further excavations at Aetos», ABSA, XLIII, 1953, p.
255-368). Cependant le site a été occupé à l'époque mycénienne comme en
témoignent des tessons de vases de H R III, et les archéologues s'accordent à dater
du milieu du IXe siècle l'arrivée des Corinthiens qui ont laissé une poterie
abondante hors de proportion avec la taille de l'île. La présence d'un sanctuaire
important est indiscutable, mais on ne sait à qui il était consacré (S. Benton, loc.
cit., p. 259). Une scène gravée sur un récipient en calcaire de l'époque archaïque,
antérieur au début du Vue siècle, (M. Robertson, loc. cit. p. 114), représente un
personnage nu, ithy phallique, en présence d'une femme (ABSA, XLIII,
description p. 114, et çl. 46, Β I). M. Robertson, loc. cit., p. 114, parle d'une scène
d'amour, et suggère, avec des réserves, Zeus et Héra. S.Benton, qui cite cette
trouvaille, (ABSA, XL VIII, 1953, p. 259) y voit une scène de mariage sacré, et
prononce le nom d'Héra ou de Pénélope. Mais ce n'est qu'une hypothèse hâtive ;
sinon on aurait eu la preuve du rôle joué par Pénélope dans un sanctuaire dédié à
des divinités chthoniennes, comme le prouve la présence de sceaux d'ivoire en
rapport avec un culte de la fertilité ou d'un certain type de vase à usage rituel. Ces
vases creux, appelés chandeliers par M. Robertson (loc. cit., p. 88), sont
considérés plutôt comme des porte-torches ou rhytons par S. Benton. Sous cette forme ils
ont pu, pense-t-elle, servir à accomplir des rites chthoniens (loc. cit., p. 328). Le
seul autre endroit où des vases de ce type ont été trouvés est précisément l'Art é-
mision de Délos (cf. Exploration archéologique de Délos, fasc. VXII, Les vases
orientalisants de style non mélien, par Ch. Dugas, Paris, 1935, pL X, 4 et 7, et
description p. 17). Ch. Dugas les avait décrits comme des «cheminées mobiles» mais
Ch. Picardy«Les prétendus «diables» ou «cheminées mobiles de Délos», RA, XX,
1942-43, p. 88-90, a bien montre que ces entonnoirs renversés étaient des
conduites d'argile pour des profusiones funéraires.
(2) Voir tableau V.
(3) Bien d'autres héroïnes grecques sont infidèles. Mais ici, bien évidemment, Finfidé-
lité est la traduction poétique de la surabondante fécondité d'une déesse de la
végétation. Ariane qui, selon toute apparence appartient à ce type (cf. H. Jean-
maire, Dionysos. Histoire du culte de Bacchus, Paris, 1951, p. 223) fut d'abord
infidèle avant d'être délaissée. Elle fut primitivement l'amante de Dionysos, qu'
elle abandonna, avant de devenir celle de Thésée. La modification dans la
chronologie se fit tardivement dans un sens favorable à Ariane qui se lia alors à Dionysos
après avoir été elle-même abandonnée par Thésée (Cf. L. Séchan et P. Lévêque,
op. cit. p. 287).
(4) G. Gusdorf , Mythe et métaphysique, Paris, p. 15.
PLANCHE I
PLANCHE IV
λ/- ^* %*^
·
*. ί* fi
ΠΙ - ETUDE DU MYTHE
(A) Le thème folklorique et mythologique
Ouvrages
R. Carpenter, Folk-Taie, fiction and saga in the Homeric epics, Berkeley-Los Angeles,
1946.
F. J. Child, The English and Scottish popular ballads, I, Cambridge, 1882.
N.B. Dennys, Thefolk-lore οf China and its affinities with that of the Aryan and Semitic
rades, Londres, 1876.
G. Germain, Essai sur les origines de certains thèmes odysséens et sur la genèse de
l'Odyssée, Paris, 1954.
S. N. Kramer (éa.\Mythologies of the Ancient World, Chicago, 1960.
V. Propp, Morphologie du conte, trad. frse, Paris, 1970.
L. A. Stella, II poema d'Ulisse, Florence, 1955, chap. II et bibliographie.
S. Thompson, Motif-index of folk-literature, 5 t. et un index, Copenhague, 1955-1958.
E.O.G. Turville-Petre, Myth and religion of the North, Londres-Worcester, 1964.
Articles
A. Carnoy, «Les mythes indiens de Mâtariçvan-Agni et ceux d'Ulysse en Grèce», Muséon,
XLIV, 1931, p. 319-324.
M. Croiset, «Observations sur la légende primitive d'Ulysse», MAI, XXXVIII, 2, 1911,
p. 171-214.
W. Crooke, «The wooing of Pénélope», Folklore, 1898, p. 121-133.
«Somes notes on Homeric Folklore», Folklore, XIX, 1908, p. 52-77 et
153-189.
A. Lesky, «Hethistische Texte und griechischer Mythos», AAWW, 1950, p. 137-160,
E.S. Me Cartney, «Undoing by night work donc by day. A folklore motif » , Studies
presented to D. M. Robinson, II, Saint-Louis, 1953, p. 1249-1253.
K. Marôt, «Zur Entstehungsgeschichte der Odyssée», AC, XXVII, 1958, p. 328-336.
H. Muchau, p. 251-264, in Bericht ûber die homerischen Realien, 1902-1920, JAW,
CLXXXII, 1920, p. 165-318.
J. Tolstoi, «Einige Màrchenparallelen zur Heimkehr des Odysseus», Philologus, LXXXIX,
1934, p. 261-274.
V. Vikentiev, «Le retour d'Ulysse au point de vue égyptologique et folklorique», ΒΙΕ,
XXIX, 1946-1947, p. 123-241.
V. Zhirmunsky, «The epic of Alpamysh and the return of Odysseus», PBA, LII, 1966,
p. 267-286.
(B) L'Etymologie
D'Arcy Wentworth Thompson, A Glossary of Greek birds, Oxford, 1895, s. v. penelops.
F. Boisacq, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, 1923, s. v. penelops
A. Carnoy, Dictionnaire étymologique de la mythologie gréco-romaine, Louvain, s. d,
s. v. Pénélope.
«Les noms des dieux et des héros d'Homère», LEC, XXII, 1954, p. 337-350.
G. Curtius, Grundziige der griechischen Etymologie, Leipzig, 1873, s. v. pênos.
H. Frisk, Griechisches etymologische Wôrterbuch, I, Heildelberg, 1970, s. v. Penelopeia.
J.B. Hofmann, Etymologische Wôrterbuch des Griechischen, Munich, 1949, & v.
Penelops.
G. Germain, Essai sur les origines de certeins thèmes odvsséens et sur k genèse de
l'Odyssée, Paris, 1954, p. 468-469.
P. Kretschmer, «Pénélope», AAWW, 1945, p. 80-93.
V. Pisani, «Pénélope», Paideia, 1, 1946, p. 339-340.
W. Whallon, «The name of Pénélope», GRBS, III, I960, p. 57-64.
Articles
S. Benton, «Further excavations at Aetos», ABSA, XLVIH, 195 3, p. 255-368.
W.A. Heurtley et M. Robertson, «Excavations in Ithaca, V : the géométrie and later finds
from Aetos», ABSA, XLIII, 1948, p. 1-124.
W. A. Heurtley (voir H.L. Lorimer)
H. L. Lorimer et W. A. Heurtley, «Excavations in Ithaca», ABSA, XXXIII, 1935, ρ
22-65.
(D) Pénélope, Hermès, Pan et l'Arcadie
Ouvrages
V. Bérard, De l'origine des cultes arcadiem, Paris, 1894.
J. Duchemin, La houlette et la lyre. Recherches sur les origines pastorales de la poésie, I,
Hermès et Apollon, Paris, 1960.
G. Fougères, Mantinée et l'Arcadie orientale, Paris, 1898.
R. Herbig, PanDer griechische Bocks-gott, Francfort, 1949.
P. Lévêque et L. Séchan, Les grandes divinités de la Grèce, Paris, 1966.
K.W. Osterwald, Hermes-Odysseus, Halle, 1853.
J. Perret, Les origines de la légende troyenne de Rome, 281-31, Paris, 1942.
P. Raingeard, Hermès psychagogue. Essai sur les origines du culte d'Hermès, Paris, 1934.
A. Stiglitz, Die Grossen Gôttinnen Arkadiens, Sonderschriften herausgegeben vom Oster-
reichen Archalogischcn Institut in Wien, Band XV, 1967.
Articles
J. Chittinden, «The master of animais», Hesperia, XVI, 1947, p. 89-114.
A.B. Cook, «Animal worship in the Mycenaean âge», JHS, XIV, 1894, p. 81 sq.
P. Lévêque «Sur quelques cultes d'Arcadie : princesse-ourse, hommes-loups et dieux-
chevaux?///, 1961, p. 93-108.
W. Loring, «Some ancient routes in the Péloponnèse», ///S, 1895, p. 25 sq.
A. Shewan, «The waterfowl goddess Pénélope and her son Pan», CR, 1915, p. 37-40.
J.N. Svoronos, «Ulysse chez les Arcadiens et la Télégonie d'Eugammnon^Gezeiie
archéologique, 1888, p. 33 sq.
J.P. Vernant, «Hermès-Hestia ; sur l'expression religieuse de l'espace et du mouvement
chez les Grecs», Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, 1965, p. 97-143.
(E) Pénélope, Hélène et Lacédémone
Ouvrages
E.A.S. Butterworth, Some traces of the pre-Olympian world in Greek literature and
myth, appendix I, Helen, Berlin, 1966.
F. Chapouthier, Les Dioscures au service d'une déesse, Paris, 1934.
R.M. Dawkins, The sanctuary of Artemis Orthiaat Sparta, Londres, 1929.
M. Delcourt, Pyrrhos et Pyrrha ; recherches sur les valeurs du feu dans les légendes
helléniques, Paris, 1924.
G. Dumézil, Ouranos-Varuna. Etude de mythologie comparée indo-européenne, Paris,
1924.
M. Eliade, Traité d'Histoire des religions, Paris, 1964.
L.R. Farnell, The cuits of the Greek States, II, Oxford, 1896.
J.G. Frazer, Les origines magiques de la royauté, Paris, 1920.
Le Rameau d'or, III, trad. frse, Paris, 1911.
L.B. Ghali-Kahil, Les enlèvements et le retour d'Hélène dans les textes et les monuments
figurés, Paris, 1955.
R. Graves, Les mythes grecs, trad. frse, Paris, 1967, p. 88-89.
L. Graz, Le feu dans l'Iliade et l'Odyssée, Paris, 1965.
A. de Gubernatis, Zoological mythology, Π, 1872.
H. Jeanmaire, Couroi et courètes. Essai sur l'éducation Spartiate et sur les rites
d'adolescence dans l'antiquité hellénique, Lille, 1935.
Dionysos. Histoire du culte de Bacchus, Paris, 1951 (Ariane).
A.H. Krappc, Mythologie universelle, Paris, 1930.
La genèse des mythes, Paris, 1 95 2.
M.P. Nilsson, The Minoan-Mycenean religion and Us survival in Greek religion, 1ère éd.,
Lund, 1927 ; 2ème éd.,Lund, 1950.
Geschichte der griechischen Religion, I, Munich, 1941.
BIBLIOGRAPHIE 255
Notes
(1) La brièveté de cette bibliographie, qui peut surprendre, doit se comprendre en
fonction des remarques suivantes :
- 1) Toutes les études sur VOdyssée comportent évidemment des analyses sur la
Pénélope homérique. Mais seules sont citées celles qui nous ont semblé les plus
caractéristiques, soit par le mode traditionnel d'analyse, soit par l'éclairage
nouveau qu'elles apportent. Ces ouvrages fournissent cependant l'essentiel de cette
bibliographie puisque, comme nous le notions dans l'introduction, seule la
Pénélope homérique a retenu l'attention.
- 2) Les études concernant les textes littéraires post-homériques qui nous ont
permis de préciser le sens des passages où il est question de Pénélope ont été citées
dans les notes et ne sont pas reprises dans cette bibliographie.
- 3) Parmi les ouvrages généraux seuls ont été retenus ceux qui ont été
directement utiles à notre sujet.
(2) Comme dans le cas de la littérature, c'est VOdyssée qui a toujours servi de point
de départ pour l'étude de la légende dans les documents fçurés. Cette
bibliographie ne peut que récapituler les principaux ouvrages portant sur l'illustration de
VOdyssée dans son ensemble ; le classement adopté est chronologique. Les études
les plus complètes concernant Pénélope ont été marquées d'un astérisque. Il nous
a paru inutile de rappeler la bibliographie propre à chacun de ces documents. Elle
se trouve nettement indiquée à propos de chacun d'eux.
Ι
INDEX DES AUTEURS ET ANONYMES AYANT PARLÉ DE PÉNÉLOPE (1)
I - Auteurs
Achéos d'Erétrie (A. Nauck, TF)
Aithon, 62 n. 67.
Achille Tatius (S. Gaselee, Achille Tatius, Londres, 1917 ;trad. P. Grimai, Romans grecs
et latins, Paris, 1958).
Les aventures de Leucippé et de Clitophon, 1,8,6, 160.
Agias de Trézène (A. Severyns, Recherches sur la Chrestomathie de Proclos, IV, Paris,
1963)
Les retours, 296-298, 31 - 33.
Alcméonide (G. Kinkel, Ε G F)
Fr. 5, 52,206.
Alexis (J.M. Edmonds, /4C, II)
Le lavement de pieds d'Ulysse, 57.
Ulysse au métier, 57.
Amphis (J.M. Edmonds, AC, II)
Ulysse, 57.
Anacréon (J.M. Edmonds, LG, II)
Fr. 148, 35.
Anaxandride (J.M. Edmonds, AC, II)
Ulysse, h. 33-34,57.
Anaximandre (F. Ollier, Xénophon, Oeuvres, IV, Paris, 1961)
in Xénophon, Banquet, III, 6, 64, n. 114.
Andron d'Halicarnasse (K. Miiller, FHG, II)
Fr. 7,, 205.
Antiphilos de Byzance (H. Beckby, AG, III).
Anthologie palatine, IX, 192, 139 n. 118.
Antisthène (H.S. Long, Diogenis Laerti Vitae philo sophorum, II, Oxford, 1964)
Au sujet de Pénélope, d'Ulysse et du chien, 58, 92, 157, 158.
Hélène et Pénélope, 58, 92.
Apollodore (Pseudo) (J.G. Frazer, The Library, 2 tomes, Londres, 1921 ;Epitomé dans
le tome II)
Bibliothèque, III, 10, 6, 9,162, 205, 208, 209, tabl. I, III.
Epitomé, III, 7, 31, 43, 93 n. 14.
VII, 26-40, 38 n. 36, 51,162, 223, tabL IV.
Auollodore de Tarse (F. Bekker, Suklae lexicon, Berlin, 1854, s. v. Apollodore de Tarse)
Acanthoplex, 62 n. 67.
Aristénète (J. Brenous, Aristénète, Lettres, Paris, 1938)
Lettre I, 28, 184.
Aristippe de Cyrène (E. Mannebach, Aristippi et Cyrenaicorum fragmenta, Leiden, 1961)
.Fr. 23,54-55,59, 101,102.
Ariston de Chios (C. Wachsmuth et O. Hense, Ioannis Stobaei anthologium, III, Berlin,
1958)
in Stobée,£Wog. III, 4, 109, 101-102.
Aristophane (V. Coulon et H. Van Daele, Aristophane, Thesmophories, Paris, 1963)
Thesmophories, 547-548, 53, 55.
Aristote (J. Hardy, Poétique, Paris, 1965 ; M. Dufour, Rhétorique, III, Paris, 1960)
Poétique, 1461 b. 59, 205.
Rhétorique, ΙΠ, 16, 7, 1417 a, 59.
(V. Rosé, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta, Leipzig, 1896)
Fr. 176, 64 n. 131.
(A. Heitz, Fragmenta Aristotelis, Paris, Didot, 1886)
Apopthegmata , 26, 63 n. 73.
Aristote (pseudo) (B.A. Groningen et A. Wartelle, Economique, Paris, 1968)
Economique, III, I, 3, 65 n. 138.
As» s de Samos (G. Kinkel, Ε G F)
Fr. 10,205.
258 INDEX
Horace (F. Villeneuve, Horace, Epitres, Odes et Epodes, Satires, Paris, 1962-1964)
Epitres, I, 2, 28, 130.
Satires, H, 5, 15-83,131.
Odes, I, 17, 20, 131.
III, 10,11-12, 131.
Hygin (H.J. Rosé, Hygini fabulae, Leiden, 1963)
Fables 125, 19, 139 n. 121.
126,3-5,7,9,139 ru 121.
121,2-3,136, 139 n. 121,192.
224,5, 139 ru 121, tabl. IV.
256, 1, 139 ru 121.
Isocrate (G. Mathieu et F. Brémond, Isocrate, Discours, I, Paris, 1963)
Vie anonyme, p. XXXVII, 97.
Julien (J. Bidez, Julien, I, 1, Discours, Paris, 1932)
Éloge de l'impératrice Eusébie, 104 c ;110 c ; 112 c ;113d ;114;114b;127
en! ; 128 ; 128 b, 170, 171 -172, 183.
(J. Bidez, Julien, I, 2, Lettres et fragments, 2ème éd., Paris, 1960)
Lettre 81, 171, 172.
Juvénal (P. de Labriolle et F. Villeneuve, Juvénal, Satires, Paris, 1964)
Satires, II, 54-56, 155.
Léonidas de Tarente (P. Waltz, Anthologie grecque, III, Paris, 2ème éd. 1960)
Anthologie palatine, VI, 289, 102.
Libanios (E. Foerster, Libanios, Opéra, 12 vol., Leipzig, 1903-1927)
Art émis, S, 170.
Disc, 64-73.
Decl.,V, 61-62,170.
Decl., NI, 59, 170.
Ethop., 15,1,170.
25,1,6,170.
Lettre, 495,12,171.
746,6-8,777.
Livius Andronicus (E.H. Warmington, ROL, H)
Fr. 9,40,45,707.
Lucien (A. M. Harmon, Lucian, 8 vol., Londres, 1959-61)
Défense des portraits, 7, 159.
Dialogue des courtisanes, 12, 1, 159.
Dialogue des dieux, XXII, 2, 760, 191, 193 n. 1, 225, tabl. IV.
Histoire vraie, H, 29, 36, 159.
Les fugitifs, 21,159.
Portraits, 20, 158.
Lucilius (E.H. Warmington, ROL, III)
XVII, I,fr. 565-6,101.
Lycophron (E. Scheer, Lycophronis Alexandra, I, 1881 ;réimp. Berlin, 1958)
Alexandra, 771-773, 97, 98-99.
791-792, 97, 98-99, 206.
Télégonos, 99.
Martial (H.J. Izaac, Martial, Epigrammes, 3 vol., Paris, 2ème éd., 1961)
Epigrammes, I, 62, 6, 755.
XI, 7,5,755.
XI, 104, 16,755.
Métrodore de Lampsaque (L. Mendier, Platon, Ion, Paris, 1964)
in Platon, Ion, 530 sq., 64 n. 114.
Mythographus primus {Très Mythographi, III, Classicorum auctorum e vaticanis codi-
cibus editorum curante Angelo Maio, Rome, 1831)
I, 89,756, 223 n. 23, tabl. IV.
Mythographus secundus (ibid.)
11,212,186.
Nicodémos d'Héraclée (P. Waltz, Anthologie grecque, III, Paris, 1931)
Anth. Pal. VI, 314, p. 188 n. 21.
Nonnos de Panopolis (R. Keydell, Nonni Panopolitani Dionysiaca, I, Berlin, 1959)
Dionysiaques, XIV, 93, 185, 227 n. 2.
Nonnos (pseudo) (A. Migne, Patrologie cursus completus, séries graecae , XXXVI,
Petit -Montrouge, 1858)
262 INDEX
Ad s. Gregoriiorat I contra Jul, col. 1008, 40, 178-179, 756, tabL IV.
Ad s. Gregoriiorat II contra Jul, col. 1052-1053, 34, 178-179, 186.
Numénius d'Apamée (F. Buffière, Porphyre, L'antre des Nymphes, appendice aux
Mythes d'Homère et la pensée grecque, Paris, 1956)
in Porphyre, A titre des nymphes, 34, 169.
Ovide (H. Bornecque, Ovide, Amours, Paris, 1961 ,Art d'aimer, Paris, 1965 ;Héroïdes,
Paris, 1965 ; G. Lafaye, Métamorphoses, 2 et 3, Paris, 1928-30 : R. Ehwald,P. Ovidius
Naso, III, Leipzig, 1904 ; J. André, Tristes, Paris, 1968)
Amours, I, 8, 4647, 132.
11,18,21,29,
111,4,23,
Art d'aimer, 1,475,
11,355,752.
III, 15-16, 132.
Héroïdes,\, 57 -58, 132.
Métamorphoses, VIII, 315,
XIII, 301,752.
XIII, 511-514,752.
XIV, 671,752.
Pontiques, III, 1, 107 et 113, 755.
IV, 16, 13,752.
Tristes, 1,6,22,755.
V, 5,4,4344,55,755.
V, 14, 35-36,755.
Pacuvius (E.H. Warmington,7?6>/,, II)
Niptra, 51-52, 101.
Palladas d'Alexandrie (H. Beckby, AG, III)
Anthologie palatine, IX, 166, 395, 755.
Parthénios (E. Martini, Mythographi graeci, II, 1, suppl Parthenius, Leipzig, 1902)
Erotica, 111,2,52,1 37 n. 6.
Pausanias (W.H.S. Jones, Pausanias, Description of Greece, II, III, IV, Londres, 1960-
1964)
Description de la Grèce, III, 12, 1, 4, 4, 272, 227 n. 17.
IU, 13, 6,
IU, 20,10,11,45, 136,205,270-277.
VIII, 12, 5-6, 38 n. 36, 198 n. 23, 223-224, 226.
IX, 41,5,
Phérécyde Fr. 128,54,
(F. Jacoby,
101,FGH,
208, I)tabl.
X, 30,1,
III.
Philargyrius (Explanatio in Bucolica Vergilii, in H. Hagen, Appendix Serviana, Servit
grammatici qui feruntur in Vergilii carmina commentarii, III, 2, 1887 ; réimp. Hildes-
heim, 1961)
Ad. Verg. Bue, II, 32, 755, tabl. IV.
Philo clés (Souda, s. v. Philo dès)
Pénélope, 49.
Philosthéphanos (K. Millier, FHG, III)
Fr. 38,707.
Philostrate l'Ancien (CL. Kayser, Imagines, Londres, 1960)
Eikones, II, 28, 81,767, 180.
Pindare (Br. Snell, Pindari carmina cum fragmenta, I vol. Leipzig, 1955 ; 2ème édition, 2
vol., Leipzig, 1959-1964)
Fr. 100,56, 191, 222, 223, tabl. IV.
Platon (M. Croiset, Platon, Oeuvres complètes, I, Paris, 1920) ; L. Robin, Oeuvres
complètes, IV, Paris, 1926)
Albiciade, 112 c, 64 n. 125.
Phédon, 84, 59.
Plaute (A. Ernout, Plaute, Comédies, VI, Paris, 1938)
Stichus, 2,101.
Plotin (E. Bréhier, Plotin, Ennéades, I, Paris, 1960)
Ennéades, 1,6,8,769.
Plutarque (F. Cole Babbitt,P/«ta/r/z'.s Moralia 14 vol. Londres, 1956-1969)
Bruta anim. rat. uti, 985 f ; 989, 757.
988 B, 989 B, 757.
Conj. praecepta, 140 F-141, 757.
De def. orac. 419 D, 225 n. 26, tabl. IV.
INDEX 263
Π - Anonymes
1) Epigrammes
874. 1, G. Kaibel (Epigrammata graeca, 1878 ;réimp. Hildesheim, 1965) 168.
917.2, ibid., 167.
727, 4, W. Peek (Griechische Vers-Inschriften, I, Grab-Epigramme, Berlin, 1955), 167.
848, 2, ibid., 102.
1115,4, ibid., 167.
1735,2, ibid., 102.
1736,1, ibid., 167.
721, 4 L. Jalabert et R. Mouterde (Inscriptions grecques et latines de la Syrie, III, I,
Paris, 1950), 767.
532, 4, A. Rehm (Didyma II, Berlin, 1958), 102.
IG, V, 1,598, 9, 168.
IG, V, 1,607, 23-24, 167.
IG, XII, 5, 65, 3, 167.
IG, XII, 5, 66, 9, 167.
Anthologie palatine, IX, 816 (H. BeckbyMG, III), 179.
Anthologie palatine, XV, 8 (H. Beckby,ylG, IV), 767.
Anthologie grecque, XVI, 300, (ibid.), 189 p. 36.
2) Papyrus
Fr. 137, D.L. Page (Select papyri, III, Literary papyri, I, Poetry, Londres, 1950) 762.
Fr. 143 (ibid.) 183.
Papyrus d'Oslo, col. XII, 289 (S. Eitrem, Papyri Osloenses, I, Oslo, 1925) 183.
8, (W. Schubert, Griechische lit erarische Papyri, Berlin, 1950), 139 n. 118.
3) Scholies
Apollonios (H. Keil, Argonautica, Scholia vetera, Leipzig, 1854)
Argonaut. IV, 1561.
Euripide (Ed. Schwartz, Scholia in Euripidem, II, Berlin, 1891)
Rhésos, 36, tabl. IV.
Homère (G. Dindorf, Scholia graeca in Homeri Iliadem, 2 voL, Oxford, 1875 ; G. Din-
dorf, Scholia graeca in Homeri Odysseam, 2 vol. Oxford, 1855)
Iliade, XXIII, 162,240 n. 2.
Odyssée (1), 1,275,
1,277,
1,332,9.
IV, 297,228 n. 38.
IV, 797,15 n. 1, 229 n. 53, 240 n. 4.
XIV, 68,
XV, 16, 62 n. 70, 101 n. 57, 215 n. 16, 208 n. 56, 209, tabl. III.
XXIV, 118, 32,52.
Horace (F. Hanthal, Acronis et Porphyrionis commentarii in Q Horatium Flaccum, I
Berlin, 1864)
Od. IV, 9,9, 35.
Lucain (C. Wendel, Scholia in Lucani Bellum civile, Leipzig, 1914)
Bellum civile, ΠΙ, 402, 223 n. 30, 227 n. 3.
Lycophron (Ed. S cheer , Lyco ρ hron A lexandra, II, 1908 ;réimp. Berlin, 1958)
Alex. 112,223, tabl. IV.
792,206, 229 n. 53, 234 n. 19.
Oppien (U. Cats Bussemaker, Paris, 1849), Scholia et paraphrases in Nicandrum et
Oppianum,
Halieutica, III, 15, 16, tabl. IV.
Pindare (A.B. Drachmann, Scholia vetera in Pindari car mina, 2 vol., Leipzig, 1903-1910)
01. IX, 79 d, 229 n. 53, 234 n. 18.
Pyth. IV, 57.
Théocrite (Fr. Diibner, Scholia in Theocriti Idyllia, Paris, 1849 ; C. Wendel, Scholia
vetera in Theocritum, Leipzig, 1914).
Id., 1,3, 100 n. 35, tabl. IV.
Id., 1, 121, 100 n. 37, 223 n. 22, tabl. IV.
Id., VII, 109, 100 n. 35, 223 n. 20, tabl. IV.
Syrinx, 1/2 a, 100 n. 37, 223 n. 22, n. 30, tabl. IV.
266 INDEX
Virgile (H. Hagen, Scholia Bernensia ad Vergilii Bucolica et Georgica, Jahrbùcher fur
classische Philologie, fasc. 40, Leipzig, 1861-1867).
Eclog., II, 32,
Georg.,1, 17, 223 n. 30.
I, 18, 223 n. 23,tabl. IV.
(H. Hagen, Appendix Serviana)
Brevis exposito Verg. Georg., I, 17, 227 n. 30, tabl. IV.
(1) Pour les scholies à YOdyssée seules ont été retenues les principales références.
π
INDEX DES OEUVRES D'ART.
I - Représentations certaines (1)
Anneaux
Art Grec
Anneau d'or, New-York, collection Vellay, 79-80, 84, 116, 226, 242 n. 95.
Miroirs
Art étrusque
Miroirs, 7/6,118,121,192.
Miroir, Londres, British Muséum, 731, 117.
Miroir, Préneste, Musée, 1512, 118.
Miroir, Rome, Musée du Collège Romain, 117.
Miroir, Rome, Musée de la Villa Giulia, 17.028, 11 7.
Miroir, Rome, Musée de la Villa Giulia, 51.309, 117.
Miroir, ancienne collection Abbati, 777.
Miroir, ancienne collection Mazetti, 77 7.
Peintures
Art Grec
Tableau de Zeuxis, 81-82, 90, 121, 191.
Art romain
Fresques, 145.
Fresque de Pompéi, Naples, Musée National, 9107, 145.
Fresque de Pompéi, maison de L. Caecilius Jucundus, aujourd'hui disparue,
146.
Fresque de Pompéi, Macellum, 146.
Fresque, Rome, hypogée du viale Manzoni, 177-178, 192.
Plaques de terre cuite
Art grec
Reliefs méliens 69-72, 73, 77, 84, 109, 145, 147.
Plaque de terre cuite, Athènes, Musée National, 975 3, 70.
Plaque de terre cuite, Berlin, Antiquarium, 8757, 70.
Plaque de terre cuite, Berlin, Antiquarium, 8415, 72.
Plaque de terre cuite, Genève, Coll. Hirsch, 77.
Plaque de terre cuite, Munich, Antiquarium, 77.
Plaque de terre cuite, Paris, Louvre, C. 105 ; CA 860, 77-72.
Plaque de terre cuite, New-York, Metropolitan Muséum of Art, 25. 78. 26,
69, 70, 90.
Plaque de terre cuite, New-York, Metropolitan Muséum of Art, 30.11.9,
69, 70.
Art romain
Plaques de terre cuite, 83, 143-145, 179.
Plaque de terre cuite, Copenhague, Thorwaldsen Muséum 104, 144.
Plaque de terre cuite, Hanovre, Kestner Muséum, 144.
Plaque de terre cuite, Londres, British Muséum, D 609, 144.
Plaque de terre cuite, Paris, Bibliothèque Nationale, Cabinet des Médailles,
Plaque de terre cuite, Paris, Louvre, 237 - 238, 256.
Plaque de terre cuite, Rome, Bibliothèque Barberini, 144.
Plaque de terre cuite, Rome, Musée National, 765, 144.
Plaque de terre cuite, Rome, Musée National, 62.750-62.751, 143.
Plaque de terre cuite, Rome, Palais des Conservateurs, 144.
Plaque de terre cuite, anciennement collection Campana, 145.
Plaque de terre cuite, anciennement collection Dressel à Dresde, 145.
268 INDEX
II - Représentations probables
Bas-relief
Art romain
Table Sarti, 149.
Gemme
Art étrusque
Gemme, Londres, British Muséum, 657, 116.
Peintures
Art grec
Peinture de Polygnote, Platées, temple d'Athéna Areia, 80-81, 84, 88
n. 102, 151 n. 29.
Art romain
Peinture, Corinthe, peribole du temple d'Apollon, 147 - 148.
Terre cuite
Art grec
Bobine, Collection Feuardent frères, 72.
Vases
Art grec
Cratère, Musée du Louvre, Campana, 11.260, 44 - 45, 218 n. 107.
INDEX 269
.Atlas, 167,169,208,tabl. I.
. Aulétès, 216 n. 61.
. Autolykos, 24, 123 n. 27, 225, 240 n. 38.
.Automedon, 12.
. Bâtie, tabl. I.
. Bellerophon, 44, 69.
.Briséis, 170.
.Callidicé, 33, 38 n. 36, 51.
. Callisto, 222, 228 n. 40.
. Calypso, 7, 9, 17 n. 74, 40 n. 76, 44, 46 n. 25, 55, 58, 93 n. 25, 94 n. 26, 108, 109,
111 n. 19, 121, 127, 147, 159, 169, 225.
. Castor, tabl. I.
.Céléano, 208, tabl. III.
.Charybde, 44,171.
. Circé, 7, 33, 35, 40 n. 76, 43, 44, 49, 51, 80, 99, 115, 116, 131, 135, 151 n. 51, 157,
185,186,225,229 η. 62,236.
. Clytemnestre, 7, 13, 14, 18 n. 108, 33, 38 n. 35, 53, 54, 56, 58, 97, 116, 156, 160,
209, tabl. I.
. Comètes, 33.
.Creuse, 83.
.Cronos, 50,224.
.Cybèle, 135.
. Cynortas, 215 n. 12, tabl. I, II.
.Dactyles, 184,213.
. Damasippos, 216 n. 62, tabl. I, III.
. Danaïdes, 227 n. 17.
.Danaos, 212,227 η. 17.
. Déidamie, 184.
. Déjanire, 52.
.Déméter, 200 n. 24, 224, 225, 236.
(Chamyné), 213.
. Dioclès, 209.
. Diomède, 33, 34, 93 n. 25, 99, 156, tabl. I.
. Dionysos, 56, 103 n. 27, 185, 212, 229 n. 61, 248 n. 3.
274 INDEX
. Hélène, 8, 15, 18 η. 113, 22, 23, 31, 34, 35, 45, 54, 58, 62 η. 67, 81, 82, 83, 84, 97,
98, 101, 116, 117, 129, 139 η. 118, 147, 150 η. 19, 157, 158, 160, 168,
185, 198, 206, 209, 210, 211, 213, 214, 217 η. 85, 87, 88, 89, 98 ; 218 η.
112, 131 ; 234, 236, 237, 238, 239, 243 η. 109, 245, 246, 248 η. 1, tabL Ι,
Π, V.
.Hélénos, 81,171.
. Hélios, 238, 239, 242 η. 95, 243 η. 109, tabL III, V.
. Hellen, 208.
.Hephaistos, 13,121.
.Héra, 159,248 η. 2.
(Lakinia), 82.
. Héraclès-Hercule, 43, 58, 63 η. 95, 116, 135, 170, 206.
. Hercyna, 83.
. Hermès-Mercuie, 24, 44, 45, 56, 88 n. 121, 94 n. 26, 100, 127, 139 n. 121, 151 n.39,
160, 185, 186, 191, 192, 193 n. 1, 208, 222, 223, 224, 225, 226,
229 n. 58, 63, 75 ; 236, 242 n. 95, tabl. IV.
. Hermione, tabl. II.
. Hilaira, 237.
.Hippodamie, 213, 218 n. 119.
. Hippodamie (servante de Pénélope) , 21 3.
. Hippokoon, 206, tabl. I, IL
. Hyacinthe, 228 n. 40.
. Hyakinthos, tabl. I, IL
. Hypsipyle (sœur de Pénélope), 215 n. 6, 216 n. 61, tabl. III.
. Icare, 14, 21, 32, 34, 45, 130, 136, 139 n. 121, 170, 186, 198, 205, 206, 208, 209,
210,211,213, 215 n. 12, 16, 30 ; 218 n. 116, 225, 234, 238, 245, tabl. I, II,
III, V.
. Idoménée, 33.
.Idothée, 11.
. Ino-Leucothéa, 211,217 η. 98.
. Imeusimos, 216 n. 62, tabl. I, III.
.Iphtimé, 22, 208, 215 n. 1.
.Iros, 115.
. Isis, 183,198.
. Ismène, 52.
.Italus, 136,192.
. Jason, 100.
276 INDEX
. Jocaste, 61 η. 36.
. Koré-Perséphone, 77, 134, 212, 212 η. 112, 224.
. Lacédémon, 226.
. Ladas, 226.
. Laërte, 7, 10, 15, 22, 24, 54, 63 n. 99, 71, 101, 135, 209, 215 n. 32, 233, 240 n. 12.
. Laodamie, 128, 133, 139 n. 121, 161, 183.
. Laodamie (sœur de Pénélope), tabl. III.
. Latinos-Latinus, 99,136.
. Lçda, 206,237,243 η. 109, tabl. I.
. Léda (fille de Thestios) , 208.
. Lélex, tabl. II.
.Léto, 212,241η. 51.
. Leucadios, 32, 206, tabl. III.
. Leucippe, tabl. I, II.
. Leucos, 33.
. Loki, 240 n.^8.
. Lucrèce, 183.
. Lycaon, 222, 225.
.Lygaios, 206, tabl. ΙΠ.
.Maéra, 81.
.Maïa, 223.
. Marsyas, 82. * - -
.Méda, 33.
.Médée, 57,148.
. Médée (sœur de Pénélope), 215 n. 6, 216 n. 61, tabl. III.
. Médon, 8, 24.
. Méduse, 69.
. Mélanippe, 53.
. Mélanthios, 7.
.Mêlant ho, 24,55.
.Mégare, 135.
. Méléagre, 238.
INDEX 277
. Ménélas, 8, 9, 11, 13, 14, 15, 22, 31, 34, 52, 54, 82, 84, 196, 205, 210, 213, 215
η. 16,217 η. 85,245,tabl. Π.
. Minos, 62 η. 67.
. Mycène, 24.
. Myles, tabl. II.
.Myrtilos, 213.
. Nauplios, 33, 50, 53, 93 n. 14, 137 n. 6, 234.
. Nausicaa, 17 n. 74, 26 n. 30, 51, 73, 86 n. 1, 93 n. 25, 161, 183, 198, 248 n. 1.
.Némésis, 136, 237, 242 n. 71.
. Néoptolème, 38 n. 36, 52, 228 n. 39.
.Nestor, 11, 14, 25, 26 n. 15, 31, 34.
.Niké, 77.
. Oebalos, 215 n. 1 3, tabl. I, II, V.
.Oedipe, 52.
.Oenomaos, 213, 218 n. 119.
. Oenone, 147.
. Oinoé, 222.
. Ophis, 224, 228 n. 48.
. Oreste, 50, 53, 54, 76, 112 n. 27, 170, 209, tabl. II.
.Orphée, 83,134.
. Orthia-Orthria, 236, 237, 238, 243 n. 102.
. Ortitoque-Orsiloque, 209, tabl. III.
.Osiris, 183,198.
. Palamède, 31, 32, 33, 53, 54, 93 n. 14, 97, 137 n. 6, 234.
. Pan, 56, 82, 98, 99, 100, 102, 103 n. 41, 111 n. 25, 127, 131, 139 n. 121, 160, 185,
186, 191 , 197, 198, 222, 223, 227 n. 29, 30 ; 228 n. 34, 35 ; 233, 238, tabl. IV.
. Paris, 18 n. 113, 84, 116, 118, 139 n. 118, 147, 150 n. 19, 157, 210, 217 n. 88, 98,
tabl. V.
.Patrocle, 12,13.
.Pélargé, 236.
.Pélops, 213.
.Périboé, 208, 209, tabl. I, III.
. Périérès, 205, 208, 215 n. 12, tabl. I, H, V.
.PériJaos, 209, 216 n. 61, 216 n. 62, tabl. I, II, III.
278 INDEX
. Romulus, 129.
. Scylla, 171.
.Séléné, 111 n. 25,239.
. Sémélé, 56.
. Sémos, 216 n. 61.
.Silène, 111 n. 25.
. Sinouhé, 198.
.Sirènes, 44,118,184.
.Sisyphe, 50,54,148.
. Sparte, 205, tabl. II.
. Stéropé, 242 n. 95 , tabl. III.
. Taygète, 208, tabl. I, II.
. Tecmessa, 52.
. Télégonos, 33, 50,51, 57, 62 n. 67, 99, 104 n. 55, 133, 136, 185.
. Télémaque, 7, 9, 10, 11, 12, 13,14, 17 n. 69,70 ; 21, 22, 25, 26 n. 15, 31,32, 33,
34, 43, 51, 62 n. 49, 70, 71, 73, 74, 80, 82, 83, 84, 85, 93 n. 14, 112
27, 123 n. 22, 128, 136, 137 n. 17, 149, 151 n. 44, 156, 157, 161, 162,
179, 185, 199 n. 17, 205, 206, 209, 211, 213, 215 n. 16.
.Théano, 159.
.Thémis, 148.
. Theoclymene, 9 , 1 3, 1 7 n. 7 1 .
.Théonoé, 139 n. 121.
. Thésée, 45,56, 93 n. 93, 133, 209, 210, 212, 217 n. 87, 218 η. 112,239,248 η. 3,
tabl. V.
. Thestios, 208.
. Thestor, 208.
.Thétis, 13,106.
. Thoas, 206, 216 n. 62, tabl. I, III.
.Thoon, 216 n. 61, tabl. III.
. Thymbris, 222.
. Timandre, tabl. I.
.Tirésias, 49, 74, 94 n. 25, 131.
.Tityos, 212.
. Trophonios, 85.
280 INDEX
Tyndare, 14, 53, 54, 205, 206, 208, 209, 210, 212, 214,215 η. 16, 30 ;216n. 70,
88 ;238,245,tabLI, II, V.
Tyrimas, 52,137.
Tyro, 24.
Zeus-Jupiter, 14, 50, 54, 63 n. 95, 84, 101, 206, 208, 213, 222, 223, 225, 237, 242
n. 71,248 n. 2, tabl. I, II.
(1) Sont exclus de cet index les noms de Pénélope et d'Ulysse qui reviennent à chaque
page.
TABLE DES PLANCHES
Planches
I (1) Divinités en char. Enlèvement de Pénélope? Musée du Louvre, Campana
11.260. (Phot. Chuzeville).
(2) Pénélope sur un anneau d'or. New-York, collection Vellay. (Phot. R.L.
Wilkins, aimablement communiquée par J. Boardman, qui l'a publiée dans Greek gems
and finger rings, pi. 656).
II Le retour d'Ulysse et sa rencontre avec Pénélope. New-York, The Metropolitan
Muséum of Art, 30.11.9. Fletcher Fund, 1930. (Phot Musée).
ΠΙ Femme assise. Statue de Persépolis. Musée archéologique de Téhéran. (Phot. CL
Gaspari, aimablement communiquée par la fondation Maeght, St Paul de Vence,
Exposition A. Malraux, 1973).
IV Femme affligée. Statuette de terre cuite. Francfort s/Main, Liebjghaus, 468
(Phot. Musée).
V (1) Le lavement de pieds d'Ulysse. Bas-Relief de Gomphoi. Athènes, Musée
National, 1914. (D'après H. Biesantz, Die thessalischen Grabreliefs, pL 80).
(2) Ulysse et Pénélope (?). Pâte de verre. Genève, Musée d'Art et d'Histoire,
Collection Fol, 2750. (Phot. d'après moulage pour lequel nous remercions MX. Vollen-
weider, Conservateur).
VI Le lavement de pieds d'Ulysse. Péliké. Musée de Rhodes, 14-174. (Phot. Musée
pour laquelle nous remercions Gr. Konstantinopoulos, conservateur du Musée de
Rhodes).
VII Ulysse et Pénélope. Stamnos. Musée de Parme, C 61. (Phot. Tossi).
VIII Ulysse et Pénélope. Miroir étrusque. Rome, Musée de la Villa Giulia, 17.028.
(Phot. Soprintendenza aÛe Antichità dell'Ètruria Méridionale).
DC Pénélope assistant au festin des prétendants. Volterra, Musée Etrusque, 514.
(Phot. Dainelli).
X Pénélope et les servantes. Le lavement de pieds d'Ulysse. Plaque de terre cuite.
Rome, Musée National, 62750. 62751. (Phot. Soprintendenza aile Antichità di Roma).
XI Le retour d'Ulysse, Pompéi, Macellum. (Cl. auteur).
XII Ulysse, Pénélope et trois prétendants à Ithaque. Fresque du viale Manzoni à
Rome. (D'après G. Bendinelli, «II monumento sepolcrale degli Aureli», Monumenti
Antichi, XXVIII, 1922-1923, pL XIII ; phot. Bibl. Nat).
XIII Tombeau de Pénélope vu du site de Mantinée» (Cl. auteur).
TABLE DES TABLEAUX
Tableaux
Avant propos
Introduction » 3
I - LA LÉGENDE.
siècle 141
Chapitre XI - Une tentative de démystification 15 3
Chapitre XIII - Pénélope dans l'art romain tardif et l'art byzantin 175
Conclusion 191
II - LE MYTHE.
Introduction 197
Conclusion 245
Abréviations 249
Bibliographie
- 1 - La légende dans la littérature 251
- II - La légende dans les documents figurés 252
- III - Étude du mythe 253
Index
-I - Index des auteurs et anonymes ayant parlé de Pénélope. . . . 257
- II - Index des œuvres d'art 267
- III - Index des noms de dieux et de héros de légende 271
1. R. Lonis. Les usages de la guerre entre Grecs et Barbares des guerres médiques au
milieu du IVe avant J.-C, 1969 (volume 104).
2. M. Clavel. Beziers et son territoire dans l'Antiquité, 1970 (volume 112).
3. D. Roussel. Les Siciliens entre les Romains et les Carthaginois à l'époque de la
première guerre punique. Essai sur l'histoire de la Sicile de 276 à 241, 1970
(volume 114).
4. Actes du colloque d'histoire sociale 1970, 1972 (volume 128).
5. J.-B. Colbert de Beaulieu. Traité de numismatique celtique, I, 1973 (volume
135).
6. Actes du colloque 1971 sur l'esclavage, 1973 (volume 140).
7. P. Lévêque et P. Vidal-Naquet, Clisthène l'Athénien, 2e éd., 1973 (volume 65).
8. J. Annequin. Recherches sur l'action magique et ses représentations, 1973
(volume 146).
9. G. Boulvert. Domestique et fonctionnaire sous le Haut-Empire romain, 1974
(volume 151).
10. P. Briant. Antigone le Borgne, 1973 (volume 152).
11. Actes du colloque 1972 sur l'esclavage, 1974 (volume 163).
12. Dialogues d'histoire ancienne. 1, 1974 (volume 166).
13. A. Wasovicz. Olbia pontique et son territoire, 1975 (volume 168).
14. J.-G. Texier. Nabis, 1975 (volume 169).
15. M. Gitton. L'épouse du Dieu Ahmes Néfertary, 1975 (volume 172).