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Les archives : enjeu politique et revers

culturel
6 mars 2012

Contribution

le 06.03.12 | 10h00

Les archives, la mémoire d’une nation.

Préparer aujourd’hui les paramètres de protection et de préservation des activités des institutions de l’Etat

équivaut à jeter les fondements d’un Etat moderne basé sur les principes de bonne gouvernance et du partage

des connaissances, d’une part, et constitue une volonté de planifier les dispositions les plus favorables de ce qui

consolidera à l’avenir les positions de la nation, d’autre part.

Cette vision prospective doit s’imprégner de la faculté de faire face aux éléments tant endogènes qu’exogènes

défavorables à une stabilité durable tant sur le plan sociétal qu’institutionnel.

En créant une situation propice à l’érection d’un ensemble homogène de conditions favorables à la protection des

documents à caractère sensible, tout Etat souverain se donne les moyens de se procurer dans cette perspective

les mécanismes indispensables à même de s’affirmer géographiquement et politiquement en tant que pays

conquérant et prévoyant dans sa politique de planification et d’édification de l’Etat de droit et se préserve en

définitive sur le double plan des visées géopolitiques et géostratégiques nuisibles. Ce sont là les premiers

enseignements et les premières conclusions sur lesquels devrait s’articuler la politique de tout pays dans le cadre

de la prise en charge de son patrimoine archivistico-historique et documentaire.

Ce sont là aussi autant de facteurs à réunir pour la consécration de l’aspect à la fois patrimonial et institutionnel

des archives en garantissant le confortement pérenne et la synergie des relations au sein de la collectivité.

Prémunir la mémoire institutionnelle et sociétale de toute forme d’altération ou de désintégration est une mission

hautement stratégique qui doit relever d’une planification rigoureusement menée et étroitement gérée à travers la
coordination des services concernés en haut lieu de la pyramide du pouvoir. En effet, la situation qui prévaut

dans nombre de pays de la région incite à une prise en charge politique, économique et culturelle très affinée, en

raison de nouvelles formes d’hostilités basées sur l’élément «archives» par excellence, à savoir l’utilisation des

supports d’information virtuels en se servant de militants hackers à la feuille de route bien planifiée et se basant

sur les technologies de l’information et de la communication, en s’intronisant incognito dans la Toile électronique

des pays visés.

Doter les services d’archives importantes de commodités indispensables inhérentes aux aspects sécuritaires

permettrait la constitution d’un système national de défense et de gestion de l’information et baliserait tous les

accès aux archives de ce type par la création d’un bastion inexpugnable à l’épreuve de toute éventuelle intrusion

ennemie. Etudier les risques relatifs à ces prévisions nécessite une mobilisation des dirigeants à tous les niveaux

et une prise de conscience réelle de l’importance et des nouveaux dangers qui guettent les archives. Il est

aujourd’hui communément admis qu’aux lieu et place de colonisation et d’expansion sur la base du crédo de

conquête territoriale, c’est une nouvelle forme de reconquête qui vise tout ce qu’il y a de plus vital et de précieux

pour une nation, «ses archives», son patrimoine et son existence, c’est l’acte de mémoricide.

Cette nouvelle approche dans les relations internationales (théorie de colonisation s’entend) est menée dans un

cadre hégémonique. L’enjeu est important, l’heure est grave à l’instant où les archives sont conjuguées au futur

composé, où la production de documents virtuels commence à se dessiner sur le terrain et où les Etats

consentent des investissements lourds et prioritaires, sans calculs mercantilistes pour la mise en œuvre de

mécanismes favorisant l’émergence de conditions nécessaires pour mettre à l’abri leurs archives. Il faut dire que

toute politique adoptée et mise en pratique dans cette perspective a pour point de départ une archive qui en

constitue l’origine et la source de sa naissance. Désormais, une nouvelle ère s’érige et un postulat se fond dans

cet enjeu inhérent à la course effrénée dans le but d’asseoir les nouvelles influences territoriales. Les conflits

inter-régionaux, inter-ethniques et planétaires se feront et se déferont sur la base de renseignements tirés

d’archives.

Plaidoyer pour une décentralisation des archives

Qu’est-ce que c’est que la décentralisation des archives ? C’est d’abord l’édification de structures idoines au sein

des ministères de souveraineté, dont la charge s’articule pour et autour des archives à l’exclusion de tout autre

mission (créer les conditions idéales de protection des archives à caractère important) qui aurait à charge de

s’occuper de la mission de sélection et de stockage dans des conditions idéales. Concevoir et suivre la mise en

œuvre d’un schéma national, les mécanismes configurant l’édification institutionnelle et organique des archives

de l’Etat. En forme de déclinaison de ce plan, préfigureraient les dimensions et les priorités propres à chaque

catégorie d’institution dans un cadre spécifique, dont les contours favoriseraient la construction de structures

d’archives propres à chaque ministère de souveraineté.

En Algérie, la situation des archives est aussi précaire que la fonction elle-même, car mis à part les efforts

consentis par les grandes entreprises parce que mises au pied du mur par les contraintes imposées par l’OMC en
matière de qualité et de standards de gestion basés sur les TIC, partout ailleurs la notion d’archives est confinée

dans une vision aussi restreinte que restrictive. L’absence de synergie a commencé par une contorsion en

matière de législation traitant des archives. En effet, la promulgation des textes en la matière prend en

considération l’aspect sectoriel aux dépens du caractère national qui devrait en principe constituer le point de

jonction institutionnel. Cette situation a eu pour conséquence certes l’existence de textes, mais aucun ne cite

l’autre ni ne semble connaître sa présence ou du moins la délimitation de son champ d’intervention, d’où un

paradoxe et des contradictions dans la teneur même de ces textes pourtant mis en œuvre par une même source,

«le législateur algérien».

Qui peut évaluer aujourd’hui l’apport du Centre national des archives dans la consolidation de la culture des

institutions ? Cet établissement est-il en mesure d’accomplir la mission de fédérer la gestion des archives et de

régenter les flux des archives produites et à produire au niveau national réduit à un simple bâtiment administratif

destiné au stockage des documents rejetés par les entreprises en manque d’espaces ? La loi sur la prise en

charge des archives promulguée dans les années 1980 est restée figée, en décalage total avec toutes les

avancées et les développements intervenus sur la scène internationale. Une lecture de ce texte nous fait

remonter au temps du parti unique et de la gestion dirigée de l’économie, alors qu’en principe, un tel centre

devrait constituer un pôle de rayonnement au même titre que les bibliothèques et les musées. Loin d’être un vœu

pieux, cette vision est appliquée dans plusieurs pays développés qui ont su créer la jonction bibliothèque-archives

et ou musées-archives

Un Ministère spécialisé en guise de tutelle

Redéfinir le champ d’intervention des archives et le replacer dans le contexte des variations régionales et

internationales permettrait le redimensionnement culturel et patrimonial des archives et exclurait toute

manifestation à caractère monopolistique qui se cache derrière les mythes de la confidentialité et de la sélectivité.

Après avoir longtemps constitué un objet de curiosité et élément confortant les recherches, les archives sont

devenues aujourd’hui une arme redoutable utilisée dans le cadre aussi bien des relations internationales que

dans les innovations technologiques, d’où l’importance de diversifier les lieux de conservation et les matériaux de

conservation de ces archives qui, au mieux, devraient être gardées sous la responsabilité des organes

concepteurs et producteurs et non remises à un quelconque centre dont la mission est plus de type culturel et

même pédagogique.

Dans ce cas, et une fois débarrassé de ce carcan qui le fragilise et stigmatise ses missions, le Centre national

des archives aurait pour mission essentielle le regroupement et le stockage des archives pour les besoins de la

recherche universitaire pluridisciplinaire. Il dépendrait à la faveur d’une reconfiguration institutionnelle, du

ministère de la Culture et constituerait un pôle national de recherche et d’épanouissement pour les étudiants, tous

cycles confondus. Le centre regrouperait uniquement les archives historiques de l’Algérie à l’exclusion de toutes

sortes d’archives. Une fois établi dans son environnement favorable, le Centre national des archives serait le lieu

qui incarnerait et contribuerait à promouvoir les fondamentaux des symboles de la nation, de la personnalité
collective et de la mémoire nationale. Il militerait pour une orientation en faveur du respect des valeurs et

constantes nationales, notamment à travers l’organisation et la commémoration des hauts lieux et faits de

l’histoire d’un pays.

S’éloigner des vicissitudes administratives et bureaucratiques de la gestion des archives, il aurait pour nouvelle

mission la réorientation du système national des études et de la recherche, par la mise en place d’une

architecture historiographique basée sur le recours aux archives dans un cadre académique répondant à la

rigueur scientifique, destinée à asseoir la dimension culturelle des archives à caractère culturel, indépendamment

et indistinctement des archives à caractère politique et/ou économique à haut degré stratégique, qui sont

l’apanage d’autres services de par l’enjeu et la spécificité qu’elles représentent .

M. Boumnela

© El Watan

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