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FICHE D’ETAT-MAJOR
1
Né d’une décision prise à N’Djamena le 20 novembre 2015 par les Chefs d’Etats de
cinq pays du Sahel et mis sur les fonds baptismaux lors de la réunion des Conseils de
Ministres du 6 février 2018 à Bamako, le Collège du G5 Sahel (CDG5S) forme l’élite
militaire de ces pays pour répondre au phénomène du terrorisme. En dépit de la conjoncture
économique des Etats qui l’ont créé et le contexte diplomatique économique mondial, ce
collège « n’a cessé de monter en puissance et ambitionne de rayonner sur la scène
internationale ». Dans sa vision stratégique, il a noué des partenariaux internationaux tant
avec les pays européens qu’avec des pays arabes. Compte tenu de l’importance de ces
partenariats et de la donne multilinguistique, le commandement a décidé de faire de l’arabe
une langue d’enseignement.
1. L’opportunité du bilinguisme
Depuis deux ans, le CDG5S a fait sa preuve et fait parler de lui comme d’une véritable
école de guerre. Les médias le présentent à juste titre comme une école de référence 1 non
seulement pour la problématique terroriste à laquelle il répond directement mais également
pour l’instrument qu’il représente en termes de coopération sous-régionale et internationale.
Le bilinguisme représente une réelle opportunité par rapport au rayonnement du CDG5S sur
la scène internationale et cela peut être étayé par deux faits : d’une part les réalités
sociolinguistiques et d’autre part les dynamiques géopolitiques et géoéconomiques.
1
http://institut-thomas-more.org/2016/07/30/securite-et-developpement-en-afrique-a-quoi-sert-le-g5-sahel/.
2
1.1 Logiques sociolinguistiques
Bien que les cinq pays du G5 Sahel soient des pays francophones2, l’arabe est une
langue qui y représente beaucoup.
La Mauritanie a pour langue officielle l’arabe, même si le français reste une langue
importante sur le plan administratif.3 Le Tchad utilise, en plus du français, l’arabe comme
langue officielle.4 Même dans les pays qui n’ont pas l’arabe pour langue nationale ou
officielle (c’est le cas du Burkina Faso, du Mali et du Niger), une bonne partie de la
population est en relation avec les pays voisins dont l’arabe est la langue nationale ou
officielle. Les hauts responsables religieux musulmans de tous les cinq pays ont généralement
fait l’école ou des cours d’arabe, que ce soit dans les écoles coraniques ou des écoles franco-
arabes. Certains sont formés dans les pays arabes d’Afrique du Nord (ou Maghreb) et du
Moyen Orient.
De façon générale, l’arabe n’est pas une langue totalement étrangère. Au contraire, elle
est une langue estimée dans ces pays dont l’islam est la religion majoritaire et joue un rôle
culturel important. La mission du CDG5S l’amène donc à tenir compte des réalités
contextuelles, et l’élite militaire qu’il forme réussira mieux si elle jouit d’une formation axée
sur le bilinguisme.
Les pays arabes (ou d’expression arabe) jouent un rôle non négligeable dans les
relations internationales. Qu’ils soient d’Afrique du Nord ou d’Asie, ils entretiennent
d’excellentes relations avec les pays du G5 Sahel et les appuient dans la lutte contre le
terrorisme.5
L’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Qatar, par exemple, sont aujourd’hui
des puissances économiques.6 Elles ont leur mot à dire dans les dynamiques diplomatiques.
Les relations économiques entre les pays du G5 Sahel et les pays arabes en général
s’intensifient. C’est pourquoi les puissances européennes, premiers partenaires du CDG5S,
font appel à la coopération des pays arabes.7 Le référentiel symbolique et terminologique
utilisé par les groupes terroristes relève principalement du lexique arabe, ne serait-ce que
parce que cette langue fait depuis des siècles le lien entre les peuples sahéliens et arabes de
l’espace méditerranéen. Même l’imaginaire collectif dans les pays du G5 Sahel et dans les
2
Ils appartiennent à l’OIF (cf. https://www.francophonie.org/88-etats-et-gouvernements-125).
3
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/mauritanie.htm
4
http://tchad.org/recherche/langue.html.
5
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/02/contre-terrorisme-les-limites-du-g5-
sahel_5505309_3210.html.
6
Ibid.
7
Ibid.
3
pays arabes d’Afrique du Nord ou d’Asie est favorable à l’essor de l’arabe comme langue
majeure en termes de diplomatie économique en Afrique et dans le monde.
Etant donné la place accordée à la langue française dans les matériaux pédagogiques et
les profils des enseignants du CDG5S, le bilinguisme peut conduire à des chamboulements ou
des tendances lourdes, si on ne prend pas des précautions idoines. Par exemple, il n’est pas
évident de trouver des enseignants d’expression arabe (issus de tous les pays du G5 Sahel)
qualifiés pour les différentes matières, alors qu’il est nécessaire qu’il y ait un équilibre à ce
niveau, pour tenir compte du caractère sous-régionale du collège.
En plus, les pays européens pourraient se montrer réticents à l’idée d’intégrer l’arabe
comme une langue au même niveau que le français, étant donné que ces pays soutiennent
généralement le CDG5S aux côtés de la France, nation mère du français et ex-colonisateur
dans la sous-région. On sait que les relations internationales comportent parfois des rivalités
en termes de leadership sur le plan géolinguistique et géopolitique ou géoéconomique.
La crainte liée aux éventuels écueils du bilinguisme, comme nous venons de le relever,
ne suffit pas à remettre en cause le caractère opportun de l’instauration de l’arabe comme
langue d’enseignement à part entière et au même niveau au CDG5S. D’ailleurs, on peut
anticiper et juguler ces écueils, notamment en :
- faisant une sélection, basée sur des appels d’offres nationaux et internationaux,
d’enseignants francophones et arabophones (d’origine de chaque pays du G5
Sahel) et en élargissant avec des experts bilingues (franco-arabes), qu’ils
appartiennent aux pays concernés ou non ;
- mettant en place un comité d’études et d’évaluations du curriculum des cours
fournis aux étudiants-stagiaires du collège ;
- créant deux pôles ou unités connexes de formation (pour les stagiaires
arabophones et les stagiaires francophones), avec un tronc commun plus large et
une unité d’apprentissage et de perfectionnement obligatoires du français et de
l’arabe par les étudiants selon leur profil linguistique ;
- recrutant des traducteurs professionnels pour les interactions didactiques ;
- rassurant tous les partenaires traditionnels et nouveaux de l’harmonie dans
l’usage des deux langues au sein du même collège ;
4
- établissant un groupe d’expert pour évaluer la qualité des matières dispensées en
arabes et en français ;
- lançant et animant une revue bilingue dans laquelle les étudiants-stagiaires et les
encadreurs interviennent et échangent.