Vous êtes sur la page 1sur 664

Traité de Sous la direction de

neurologie Jean-Marc Léger, Jean-Louis Mas

Accidents
vasculaires cérébraux
Thérapeutique
Coordinateurs : Jean-Louis Mas, Didier Leys
Collection Traité de Neurologie

Sous la direction de Julien Bogousslavsky, Jean-Marc Léger, Jean-Louis Mas

Affections démyélinisantes. Neuro-immunologie et clinique,


Andréas-J. Steck

Neurogénétique. Affections hérédo-dégénératives,


Alexis Brice, Daniel-F. Schorderet

Interprétation des troubles neurologiques,


Jean-Louis Mas, Jean-Marc Léger, Julien Bogousslavsky

Interprétation des examens complémentaires en neurologie,


Jean-Marc Léger

Pathologie médullaire,
Frédéric Dubas

Neuro-oncologie,
Jerzy Hildebrand

Neuro-infectiologie,
Christian Sindic

Démences,
Charles Duyckaerts, Florence Pasquier

Neuropathies périphériques. Polyneuropathies et mononeuropathies multiples (volumes 1 et 2),


Pierre Bouche, Jean-Marc Léger, Jean-MichelVallat

Migraine et céphalées,
Marie-Germaine Bousser,Anne Ducros, Hélène Massiou

Neuropathies périphériques. Les mononeuropathies (volume 3),


Pierre Bouche

Épilepsies,
Pierre Jallon

Sous la direction de Jean-Marc Léger, Jean-Louis Mas

Accidents vasculaires cérébraux,


Marie-Germaine Bousser, Jean-Louis Mas

Neurogénétique,
Christel Depienne, Cyril Goizet, Alexis Brice

Causes rares des maladies vasculaires cérébrales,


Sonia Alamowitch, KatayounVahedi, Emmanuel Touzé

Démences,
Bruno Dubois, Agnès Michon

Sclérose en plaques
Thibault Moreau, Renaud Du Pasquier

Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique


Jean-Louis Mas, Didier Leys

II /
DOIN ÉDITEURS
Éditions John Libbey Eurotext
127, avenue de la République
92120 Montrouge
e-mail : contact@jle.com
http://www.jle.com

John Libbey Eurotext Limited


34 Anyard Road, Cobham
Surrey KT11 2LA
United Kingdom

© John Libbey Eurotext, Paris, 2018

ISBN 978-2-7040-1583-2
ISSN 1296-4409

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages
publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une
contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé
du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les analyses et courtes citations
justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées
(loi du 11 mars 1957 – art. 40 et 41 et Code pénal art. 425).
Toutefois, des photocopies peuvent être réalisées avec l’autorisation de l’éditeur. Celle-ci pourra être
obtenue auprès du Centre français du copyright, 20, rue des Grands-Augustins – 75006 Paris, auquel
l’éditeur a donné mandat pour le représenter auprès des utilisateurs.

Liste des auteurs


]
Lamine Abdennour, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université
Pierre-et-Marie-Curie, Paris

Sonia Alamowitch, Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris

Pierre Amarenco, Service de neurologie et Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, Hôpital
Bichat, Université Paris-Diderot, Sorbonne-Paris-Cité, Inserm LVTS 1148, Paris

Zahir Amoura, Service de médecine interne 2, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Achille Aouba, Service de médecine interne, CHU, Université Caen-Normandie, Caen

Caroline Arquizan, Département de neurologie, CHU, Montpellier ; Université Paris-Descartes, Paris ;


Inserm 894, Montpellier

Philippe Azouvi, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpital Raymond-Poincaré, Garches ;


Université de Versailles-Saint-Quentin

Mélanie Barbay, Service de neurologie et Laboratoire de neurosciences fonctionnelles (EA 4559), CHU
d’Amiens-Picardie ; Université Picardie Jules Verne, Amiens

Yannick Béjot, Unité de soins intensifs neurovasculaires et Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Wagih Ben Hassen, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-
Descartes, Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Valérie Biousse, Service d’ophtalmologie, neuro-ophtalmologie, Emory Eye Center, Emory University School
of Medicine, Atlanta, Georgia, États-Unis

Christelle Blanc-Labarre, Service de neurologie générale, vasculaire et dégénérative, Registre dijonnais des
AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Régis Bordet, Département de pharmacologie médicale, Faculté de médecine, Inserm U1171, Lille

Benjamin Bouamra, Unité de soins intensifs neurovasculaires, Département de neurologie, Réseau AVC
Franche-Comté, CHRU, Besançon

Marion Boulanger, Service de neurologie, CHU Caen Normandie, UNICAEN, Inserm U1237, Caen

Anne Boulin, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Grégoire Boulouis, Département de radiologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris ; Service


de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Inserm U894, Paris

Hubert de Boysson, Service de médecine interne, CHU, Université Caen-Normandie, Caen

Serge Bracard, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, CHRU, Université de Lorraine,


Inserm U947-IADI, Nancy

Damien Bresson, Service de neurochirurgie, CHU Henri-Mondor, Créteil

/V
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

David Calvet, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Département
hospitalo-universitaire (DHU) Neurovasc Sorbonne – Paris-Cité, Inserm U894, Paris

Catherine Cao, Département de neurochirurgie, CHU, Dijon

Hélène Cébula, Service de neurochirurgie, Hôpital de Hautepierre, CHRU, Strasbourg

Hugues Chabriat, Département de neurologie, Hôpital Lariboisière ; DHU NeuroVasc, Université Paris-7 Denis-
Diderot, Paris

Stéphane Chabrier, Service de médecine physique et de réadaptation pédiatrique, Centre national de référence
de l’AVC de l’enfant, CHU Saint-Étienne ; CIC1408 et Inserm U1090 Sainbiose, Saint-Étienne

James Charanton, Centre ressource francilien du traumatisme crânien, Pavillon Leriche, Paris

Gilles Chatellier, Unité d’épidémiologie et de recherche clinique, Hôpital européen Georges-Pompidou, CIC
Inserm 1418, Paris

Fleur Cohen Aubart, Service de médecine interne 2, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Stéphanie Condette-Auliac, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Arturo Consoli, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Charlotte Cordonnier, Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, CHRU, Inserm U1171, Troubles
cognitifs dégénératifs et vasculaires, Lille

Oguzhan Coskun, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Isabelle Crassard, Service de neurologie, Hôpital Lariboisière, Paris ; Agence régionale de santé, Paris

Sophie Crop, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière –


Charles-Foix, Paris

Vincent Degos, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université Pierre-


et-Marie-Curie, Paris

Benoît Delpont, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Christian Denier, Service de neurologie, Hôpital de Bicêtre, Faculté de médecine Paris-Sud, Le Kremin-Bicêtre ;
Université Paris-Saclay, Inserm U1195

Dominique Deplanque, Département de pharmacologie médicale, Faculté de médecine, Inserm U1171, Lille

Laurent Derex, Service de neurologie, Unité neurovasculaire, Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer,


Hospices civils de Lyon, Bron

Geneviève Derumeaux, Services de cardiologie et physiologie, Hôpital Henri-Mondor, Inserm U955, IMRB,
DHU A-TVB, Créteil

Olivier Detante, Unité neurovasculaire, CHU Grenoble Alpes, Inserm U1216, GIN, Grenoble

Federico di Maria, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Mickael Dinomais, Département de médecine physique et de réadaptation, Centre national de référence de


l’AVC de l’enfant, CHU, Centre Les Capucins, Université d’Angers, Faculté de santé, Angers

Chung-Hi Do, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université Pierre-


et-Marie-Curie, Paris

VI /
Liste des auteurs

Xavier Duval, Université Paris-7 – Denis-Diderot, Paris ; CIC Inserm 1425, Hôpital Bichat ; IAME UMR 1138

Frédéric Faugeras, Hôpital Henri-Mondor, UNV, UPEC, Créteil

José M. Ferro, Department of Neurosciences and Mental Health, Serviço de Neurologia, Centro Hospitalar
Lisboa Norte, and Instituto de Medicina Molecular, University of Lisbon, Lisbon, Portugal

Benoît Funalot, Département de génétique, Université Paris-Est-Créteil, Inserm U955, Institut Mondor
de recherche biomédicale, Créteil

Solène de Gaalon, Service de neurologie, CHU, Nantes

Damien Galanaud, Service de neuroradiologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Matthias Gawlitza, Service de neuroradiologie, Hôpital Maison-Blanche, Reims

Marie Girot, Clinique et service des urgences adultes, Pôle de l’urgence, CHRU, Lille

Maurice Giroud, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Olivier Godefroy, Service de neurologie et Laboratoire de neurosciences fonctionnelles (EA 4559), CHU
d’Amiens-Picardie, Université Picardie Jules-Verne, Amiens

Évelyne Guégan-Massardier, Service de neurologie, Hôpital Charles-Nicolle, CHU, Rouen

Benoît Guillon, Service de neurologie, CHU, Nantes

Rabih Hage, Service d’ophtalmologie, Hôpital Pierre-Zobda-Quitman, Fort-de-France

Marie Hervieu-Bègue, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne,
Dijon

Hassan Hosseini, Hôpital Henri-Mondor, UNV, UPEC, Créteil

Emmanuel Houdart, Service de neuroradiologie interventionnelle, Hôpital Lariboisière, Paris

Vincent Jachiet, Service de médecine interne 2, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Alice Jacquens, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université Pierre-


et-Marie-Curie, Paris

Sandrine Jégard, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière-


Charles-Foix, Paris

Isabelle Klein, Département d’imagerie diagnostique, Clinique Alleray-Labrouste, Paris

Manoëlle Kossorotoff, Service de neuropédiatrie, Centre national de référence de l’AVC de l’enfant, Hôpital
universitaire Necker-Enfants-Malades, Paris

Pierre Labauge, Service de neurologie, Hôpital Gui-de-Chauliac, Montpellier

Marc Antoine Labeyrie, Service de neuroradiologie interventionnelle, Hôpital Lariboisière, Paris

Catherine Lamy, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris ; Université Paris-Descartes, DHU
NeuroVasc Sorbonne-Paris-Cité, Inserm UMR S894, Paris

Vincent Larrue, Département de neurologie, Hôpital Pierre-Paul-Riquet, CHU, Inserm U1048, Toulouse

/ VII
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Philippa Lavallée, Service de neurologie et Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, Hôpital
Bichat, Paris ; Université Paris-Diderot, Sorbonne-Paris-Cité, Paris ; Inserm LVTS 1148, Paris

Jean-Paul Lejeune, Service de neurochirurgie, Hôpital Roger-Salengro, Lille ; Université de Lille, Inserm
UMR 1189, CHU de Lille

Didier Leys, Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, Hôpital Roger-Salengro, Lille ; Université
de Lille, Inserm UMR 1171, CHU de Lille

Jacques Luauté, Service de MPR, Hôpital Henri Gabrielle, Lyon ; équipe IMPACT, Inserm U1028, CNRS UMR
5292, Centre de recherche en neuroscience de Lyon (CRNL), plateforme mouvement et handicap, Lyon

Benjamin Maïer, Service de neuroradiologie interventionnelle, Fondation ophtalmologique A.-de-Rothschild,


Paris

Jean-Louis Mas, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris ; Université Paris-Descartes, DHU
NeuroVasc Sorbonne Paris-Cité, Inserm UMR S894, Paris

Mikael Mazighi, Service de neuroradiologie, Fondation Rothschild, Paris ; Service de neurologie, Hôpital
Lariboisière, Paris ; Université Denis-Diderot, Paris ; Inserm U1148, Laboratory for Vascular Translational Science
(LVTS), Hôpital Bichat, Paris

Jean-François Meder, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-


Descartes, Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Elisabeth Medeiros De Bustos, Unité de soins intensifs neurovasculaires, Département de neurologie, Réseau
AVC Franche-Comté, CHRU, Besançon

Patrick Mismetti, Pharmacologie clinique, Inserm U1059 Sainbiose, Université Jean-Monnet, CHU,
Saint-Étienne

Solène Moulin, Clinique neurologique, Unité neurovasculaire, CHRU, Strasbourg

Thierry Moulin, Unité de soins intensifs neurovasculaires, Département de neurologie, Réseau AVC
Franche-Comté, CHRU, Besançon

Charbel Mounayer, Service de neuroradiologie, CHU Dupuytren, Limoges

Klaus Mourier, Département de neurochirurgie, CHU, Dijon

Olivier Naggara, Département de radiologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris ;


Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Inserm U894,
IMABRAIN, Paris

Nathalie Nasr, Département de neurologie, Hôpital Pierre-Paul-Riquet, Toulouse ; Inserm U1048, CHU
de Toulouse

Jean-Philippe Neau, Service de neurologie, Unité neurovasculaire, CHU, Poitiers

Jean-Marc Olivot, Unité neurovasculaire, CHU Toulouse-Purpan, Toulouse

Élodie Ong, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, Hospices
civils de Lyon, Bron

Catherine Oppenheim, Service de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes,


Inserm U894, Paris

VIII /
Liste des auteurs

Guy-Victor Osseby, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Paola Palazzo, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, CHU, Poitiers

Jérémie Papassin, Unité neurovasculaire, Inserm U1216, CHU Grenoble Alpes, GIN, Grenoble

Thomas Papo, Service de médecine interne, Hôpital Bichat, Université Paris-Diderot, Paris

Jean-Luc Pasquié, Département de cardiologie, CHU, PhyMedExp Université Montpellier, Inserm, CNRS, Montpellier

Laurent Pierot, Service de neuroradiologie, Hôpital Maison-Blanche, Reims

Fredérique Poncet, GRC-UPMC no 18 Handicap Cognitif et Réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-


Salpêtrière-Charles-Foix, Paris

Pascale Pradat-Diehl, Service de médecine physique et de réadaptation, GRC-UPMC no 18 Handicap Cognitif


et Réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, Paris

François Proust, Service de neurochirurgie, Hôpital de Hautepierre, CHRU, Strasbourg

Louis Puybasset, Département d’anesthésie-réanimation, Université Pierre-et-Marie-Curie, Groupe hospitalier


Pitié-Salpêtrière, Paris

Victorine Quintaine, Service de médecine physique et de réadaptation, Groupement hospitalier Saint-Louis


– Lariboisière – Fernand-Widal, Université Paris-Diderot, UMR 8257 Paris-Descartes, Paris

Georges Rodesch, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Christine Rodriguez-Régent, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université


Paris-Descartes, Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Charlotte Rosso, Urgences cérébrovasculaires, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

Aymeric Rouchaud, Service de neuroradiologie, CHU Dupuytren, Limoges, France

Martine Roussel, Service de neurologie et Laboratoire de neurosciences fonctionnelles (EA 4559), CHU
d’Amiens-Picardie et Université Picardie – Jules-Verne, Amiens

Pierre Seners, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Inserm U894, Paris

Tarek Sharshar, Neuroréanimation, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Paris

Igor Sibon, Unité neurovasculaire, CHU, Bordeaux

Stanislas Smajda, Unité de neuroradiologie interventionnelle pédiatrique, Service de neuroradiologie inter-


ventionnelle, Fondation ophtalmologique A.-de-Rothschild, Paris ; Service de neuroradiologie diagnostique et
thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Sébastien Soize, Service de neuroradiologie, Hôpital Maison-Blanche, Reims

Julien Ternacle, Services de cardiologie et physiologie, Hôpital Henri-Mondor, Inserm U955, IMRB, DHU
A-TVB, Créteil

Serge Timsit, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, CHRU, Brest

Marie Tisserand, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Romain Tortuyaux, Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, CHRU, Inserm U1171, Troubles
cognitifs dégénératifs et vasculaires, Lille

/ IX
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Thomas Tourdias, Service de neuro-imagerie diagnostique et thérapeutique, Neurocentre Magendie, CHU,


Inserm U1215, Bordeaux

Emmanuel Touzé, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, Université Normandie, UNICAEN, Inserm
U1237, Caen

Denis Trystram, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes,


Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Guillaume Turc, Service de neurologie, Hôpital Sainte-Anne, Paris ; Université Paris-Descartes, DHU Neuro-
Vasc Sorbonne Paris-Cité, Inserm UMR S894, Paris

Benoît Vivien, Service d’anesthésie-réanimation-Samu, Hôpital universitaire Necker-Enfants-malades, Samu


de Paris, Paris

Jean-Jacques Weiss, Centre ressource francilien du traumatisme crânien, Pavillon Leriche, Paris

Éric Wiel, Clinique et service des urgences adultes, Pôle de l’urgence, CHRU, Samu du Nord, Lille

France Woimant, Service de neurologie, Hôpital Lariboisière, Paris ; Agence régionale de santé, Paris

Alain Yelnik, Service de médecine physique et de réadaptation, Groupe hospitalier Saint-Louis – Lariboisière
– Fernand-Widal, Université Paris-Diderot, UMR 8257, Paris

X/

Préface
]

C
e livre, consacré entièrement à la thérapeutique des accidents vasculaires cérébraux
(AVC) et de leurs causes, a été rédigé sous la direction de deux éminents neurologues
vasculaires français, les Professeurs Jean-Louis Mas et Didier Leys. Il démontre s’il en
était besoin, que le nihilisme n’est plus acceptable dans la prise en charge des AVC et
décrit comment les stratégies thérapeutiques de phase aiguë améliorent le devenir des
patients en termes de mortalité et de handicap résiduel, et comment les mesures préventives
permettent de réduire l’incidence des AVC. Ces derniers restent néanmoins très fréquents, en raison
du vieillissement des populations et de l’augmentation du nombre des personnes âgées, qui sont
les plus touchées. En phase aiguë, il ne faut pas perdre de vue que la base de la prise en charge
est l’unité neurovasculaire qui, à elle seule, réduit la mortalité et augmente la proportion de patients
vivant à domicile sans dépendance un an après l’AVC, tant dans les infarctus cérébraux que dans
les hémorragies cérébrales. Cette prise en charge rapide en unité neurovasculaire est aussi le meil-
leur garant d’un accès rapide à l’arsenal thérapeutique disponible dans les infarctus cérébraux, avec
la thrombolyse, la thrombectomie, les antithrombotiques et l’hémicrâniectomie dans les infarctus
étendus. La thrombectomie a été un progrès majeur de ces dernières années amenant à réorganiser
la filière de prise en charge des patients. Les études récentes démontrent que certains patients,
sélectionnés sur la base de critères clinico-radiologiques, peuvent encore tirer bénéfice de techni-
ques de reperfusion au-delà de 6 h, nous obligeant à les prendre en charge comme des urgences
jusqu’à 24 h. Dans les hémorragies, l’unité neurovasculaire apporte le même bénéfice et permet
d’entreprendre au plus vite les mesures de correction d’un éventuel trouble de coagulation et de
contrôle de la pression artérielle, tout en identifiant précocement les rares malades relevant de la
chirurgie. La prévention a aussi fait des progrès importants avec un meilleur contrôle des facteurs
de risque vasculaire, de nouvelles stratégies antithrombotiques et le développement des techniques
endovasculaires. La prise en charge urgente des accidents ischémiques transitoires, qui sont le
meilleur signe avant-coureur d’un infarctus cérébral, est un exemple de l’efficacité des mesures de
prévention secondaire.
Cet ouvrage est un guide précieux pour tous les praticiens impliqués dans la prise en charge des
patients présentant un AVC, car il met en lumière comment prendre au mieux les décisions face
à une situation clinique donnée, que ce soit en phase aiguë ou en prévention, y compris dans des
sous-groupes particuliers de patients ou dans des pathologies rares.

Valeria CASO, MD, PhD, FESO


Présidente de l’European Stroke Organisation

/ XI

Sommaire
]
Liste des auteurs V

Préface XI

Partie 1 ] Organisation de la prise en charge

Chapitre 1/ Filières de prise en charge


France Woimant, Isabelle Crassard 3

Chapitre 2/ Prise en charge préhospitalière et admission 15


Guillaume Turc, Marie Girot, Benoît Vivien, Éric Wiel

Chapitre 3/ Unités neurovasculaires 31


Frédéric Faugeras, Paola Palazzo, Hassan Hosseini, Jean-Philippe Neau,
Serge Timsit

Chapitre 4/ Télémédecine et accident vasculaire cérébral 43


Marie Hervieu-Bègue, Elisabeth Medeiros De Bustos, Benjamin Bouamra,
Benoît Delpont, Guy-Victor Osseby, Maurice Giroud, Yannick Béjot,
Thierry Moulin

Partie 2 ] Phase aiguë

Chapitre 5/ Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques 53


Dominique Deplanque, Régis Bordet

Chapitre 6/ Imagerie de l’infarctus cérébral aigu 65


Thomas Tourdias, Grégoire Boulouis, Catherine Oppenheim

Chapitre 7/ Imagerie de l’hémorragie cérébrale 75


Grégoire Boulouis, Thomas Tourdias, Catherine Oppenheim

Chapitre 8/ Thrombolyse intraveineuse 87


Charlotte Rosso, Igor Sibon, Jean-Marc Olivot

Chapitre 9/ Thrombectomie mécanique 111


Mikael Mazighi, Serge Bracard

Chapitre 10/ Pression artérielle, glycémie et constantes biologiques 119


Pierre Seners, Benjamin Maïer

/ XIII
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Chapitre 11/ Infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne 131


Didier Leys, Jean-Paul Lejeune

Chapitre 12/ Traitement médical des hémorragies cérébrales 143


Romain Tortuyaux, Charlotte Cordonnier

Chapitre 13/ Traitement chirurgical des hémorragies cérébrales 153


Hélène Cébula, Guillaume Turc, François Proust

Chapitre 14/ Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes 165


Alice Jacquens, Lamine Abdennour, Chung-Hi Do,
Louis Puybasset, Tarek Sharshar, Vincent Degos

Chapitre 15/ Traitement des anévrismes artériels intracrâniens rompus 181


Christine Rodriguez-Régent, Catherine Cao, Wagih Ben Hassen,
Grégoire Boulouis, Denis Trystram, Jean-François Meder, Klaus Mourier,
Olivier Naggara

Chapitre 16/ Traitement des thromboses veineuses cérébrales 195


Isabelle Crassard, José M. Ferro

Chapitre 17/ Complications neurologiques et générales à la phase aiguë 209


Didier Leys, Solène Moulin

Chapitre 18/ Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë


et de prévention secondaire 223
Marion Boulanger, David Calvet, Gilles Chatellier, Emmanuel Touzé

Partie 3 ] Prévention

Chapitre 19/ Facteurs de risque vasculaire modifiables 247


Yannick Béjot, Christelle Blanc-Labarre, Benoît Delpont, Maurice Giroud

Chapitre 20/ Pharmacologie des antithrombotiques 269


Patrick Mismetti

Chapitre 21/ Traitements antiplaquettaires 285


Jean-Louis Mas, Didier Leys

Chapitre 22/ Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes 299


Jean-Louis Mas, Guillaume Turc, David Calvet

Chapitre 23/ Athérosclérose intracrânienne 317


Mikael Mazighi, Nathalie Nasr, Isabelle Klein, Vincent Larrue

Chapitre 24/ Maladies des petites artères cérébrales 327


Hugues Chabriat

Chapitre 25/ Fibrillation atriale 341


Caroline Arquizan, Jean-Luc Pasquié, Jean-Louis Mas

Chapitre 26/ Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale) 361


Laurent Derex, Geneviève Derumeaux, Xavier Duval, Solène de Gaalon,
Benoît Guillon, Mikael Mazighi, Élodie Ong, Julien Ternacle,
sous la coordination de Jean-Louis Mas

XIV /
Sommaire

Chapitre 27/ Prise en charge des anévrismes artériels cérébraux non rompus 383
Laurent Pierot, Matthias Gawlitza, Sébastien Soize

Chapitre 28/ Malformations artérioveineuses cérébrales 395


Aymeric Rouchaud, Damien Bresson, Charbel Mounayer, Mikael Mazighi

Chapitre 29/ Cavernomes et anomalies veineuses de développement 413


Christian Denier, Pierre Labauge

Chapitre 30/ Fistules artérioveineuses durales intracrâniennes 427


Emmanuel Houdart, Marc Antoine Labeyrie

Chapitre 31/ Causes rares 439


Sonia Alamowitch, Zahir Amoura, Achille Aouba, Marion Boulanger,
Hubert de Boysson, David Calvet, Fleur Cohen Aubart, Benoît Funalot,
Damien Galanaud, Vincent Jachiet, Thomas Papo, sous la coordination
de Emmanuel Touzé

Chapitre 32/ Prise en charge des accidents ischémiques transitoires 459


Philippa Lavallée, Pierre Amarenco

Partie 4 ] Aspects particuliers

Chapitre 33/ Accidents vasculaires cérébraux chez la femme 475


Catherine Lamy, Évelyne Guégan-Massardier, Jean-Louis Mas

Chapitre 34/ Infarctus cérébral de l’enfant 495


Manoëlle Kossorotoff, Mickael Dinomais, Stéphane Chabrier

Chapitre 35/ Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant 511


Stanislas Smajda, Georges Rodesch

Chapitre 36/ Malformations vasculaires médullaires 531


Georges Rodesch, Arturo Consoli, Stanislas Smajda, Federico di Maria,
Oguzhan Coskun, Anne Boulin, Stéphanie Condette-Auliac, Marie Tisserand

Chapitre 37/ Ischémie oculaire 551


Rabih Hage, Valérie Biousse

Partie 5 ] Après l’AVC

Chapitre 38/ Rééducation de la motricité après un AVC récent 567


Victorine Quintaine, Alain Yelnik

Chapitre 39/ Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale 581


Christian Denier, Jacques Luauté, Philippe Azouvi

Chapitre 40/ Troubles cognitifs et dépressifs 597


Olivier Godefroy, Martine Roussel, Mélanie Barbay

/ XV
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Chapitre 41/ Crises épileptiques et épilepsie 609


Catherine Lamy

Chapitre 42/ Thérapie cellulaire 621


Olivier Detante, Jérémie Papassin

Chapitre 43/ Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral 633


Pascale Pradat-Diehl, Sophie Crop, Frédérique Poncet, Sandrine Jégard,
Jean-Jacques Weiss, James Charanton

XVI /

1

En raison de leur fréquence, de leur gravité et de leur coût, les accidents vasculaires cérébraux
(AVC) constituent un des problèmes de santé les plus préoccupants actuellement et pour les
prochaines décennies. L’organisation de leur parcours de santé est un véritable challenge qui ne
se conçoit que dans le cadre d’une filière coordonnée et animée intégrant prévention, soins
hospitaliers, retour et maintien au domicile. Il s’agit d’assurer la prise en charge d’une pathologie
à la fois extrêmement urgente et chronique, et qui touche tous les âges ; en effet, si l’âge moyen
est de 73 ans, l’AVC n’épargne pas les enfants. Aussi, la notion de soins intégrés au sein de
réseaux coordonnées sanitaires et sociaux se développe dans de nombreux pays, en France où
cette notion de parcours de santé est décrite dans le cadre du plan AVC 2010-2014, mais aussi,
et cette liste n’est pas exhaustive, aux Pays-Bas [1], en Allemagne [2], aux États-Unis (Caroline
du Nord [3] et Michigan [4]) ou au Canada [5].

L’AVC : une pathologie fréquente dont le nombre


de patients à prendre en charge ne cesse d’augmenter
En 2014, 141 652 personnes domiciliées en France ont fait l’objet d’au moins une hospitalisation
complète pour AVC (110 438) ou AIT (32 632). Entre 2008 et 2014, le nombre de patients
hospitalisés en France pour AVC ou AIT a augmenté de 13,7 % [6]. L’augmentation la plus
importante concerne les infarctus cérébraux, et en particulier chez les moins de 65 ans pour
lesquels les taux d’hospitalisation ont augmenté de 14,3 % durant la même période. L’augmen-
tation de l’incidence des accidents ischémiques chez les adultes jeunes a également été rapportée
dans le nord du Kentucky [7], au Danemark [8] et en Suède [9].

D’après les enquêtes déclaratives Handicap-Santé-Ménages (HSM) et Handicap-Santé-Institution


(HSI) 2008-2009, la prévalence de l’AVC en France peut être estimée à 1,2 % de la population
(1,3 % chez l’homme et 1,2 % chez la femme), 0,8 % gardant des séquelles. Le nombre de
personnes en France ayant été victimes d’un AVC était alors estimé à 771 000 [10].

/3
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

L’AVC : une pathologie urgente dont l’organisation


des soins à la phase aiguë influence grandement
le devenir des patients
L’admission des patients en unités neurovasculaires (UNV) doit être réalisée très rapidement,
puisque l’efficacité des traitements thrombolytiques et des techniques de revascularisation méca-
nique diminue avec le temps. La prise en charge en urgence des patients victimes d’AVC (infarctus
ou hémorragie) se justifie également par la nécessité de surveiller intensivement pendant les
premières heures les constantes hémodynamiques et l’évolution neurologique, 30 % des AVC
s’aggravent au cours des toutes premières heures, et seule une intervention rapide peut limiter
l’extension des lésions. La prévention des complications générales doit également être débutée
précocement. Une autre urgence est constituée par l’accident ischémique transitoire, dont, par
définition, les symptômes ont régressé lorsque le malade est examiné. Il s’agit d’une urgence de
prévention de récidives, certaines causes relevant d’un traitement urgent : endartérectomie voire
angioplastie carotidienne en cas de sténose carotide serrée, anticoagulants en cas d’embolie
d’origine cardiaque, antiplaquettaires en cas d’accident de cause artérielle (athérome, maladie
des petites artères). Dans les études, le risque de récidives le plus bas est observé lorsque le
traitement immédiat est réalisé dans une unité neurovasculaire [11].

Réduction de la mortalité grâce à la structuration


de l’ensemble de la filière de prise en charge
associée aux progrès thérapeutiques
Entre 2008 et 2013, le taux de mortalité par AVC a diminué de 13,1 % (31 000 décès par AVC
comptabilisés en 2013). Cette diminution concerne les deux sexes et toutes les tranches d’âge
sauf les femmes de 45 à 64 ans et les personnes de 85 ans et plus [12]. Toutefois, l’AVC demeure
la première cause de décès chez la femme, devant le cancer du sein, et la troisième chez les
hommes, derrière le cancer du poumon et les causes externes (accidents de transports, suicides)
[13]. D’importantes disparités régionales étaient observées en 2013, avec des taux élevés de
décès consécutifs à des AVC dans les régions ultramarines, les Hauts-de-France et la Bretagne,
et des taux bas en Île-de-France [14]. Celles-ci peuvent s’expliquer non seulement par des varia-
tions d’incidence des AVC, et de leur gravité, mais aussi par l’offre de soins et la qualité de la
prise en charge.

L’AVC : une pathologie sévère nécessitant


d’organiser la prise en charge des survivants
Deux tiers des personnes ayant été victimes d’AVC gardent des séquelles qui, une fois sur deux,
ne leur permettent pas de réaliser une activité de la vie courante, comme se laver, manger ou
s’habiller [10]. Les enquêtes HSM et HSI permettent de comparer les populations vivant en
France et présentant ou non un antécédent d’AVC ; le score de Rankin est supérieur à 2 chez
34,4 % des personnes ayant un antécédent d’AVC contre 3,9 % des personnes sans antécédent
d’AVC [15]. Ces enquêtes montrent également que parmi les personnes lourdement dépendantes,
avec un Rankin à 5, presque 25 % ont un antécédent d’AVC. Quant aux troubles cognitifs post-
AVC, ils sont observés chez environ 50 % des patients, et leur présence compromet l’autonomie

4/
Filières de prise en charge

fonctionnelle et le maintien au domicile. Ces quelques chiffres montrent la sévérité de l’AVC qui
reste la première cause de handicap acquis de l’adulte.

L’AVC est une pathologie coûteuse


Enfin, compte tenu du handicap chronique qu’il occasionne, l’AVC est actuellement une des
maladies les plus coûteuses. Le coût moyen pour les cas incidents est estimé à 16 686 e par
patient durant la première année. Celui des cas prévalents reste important, estimé à 8 099 e
par patient, ce coût variant avec l’importance des séquelles et du handicap [16].

Toutes les recommandations concernant la prise en charge des AVC publiées en France [17, 18],
en Europe [19] et aux États-Unis [20-22] rappellent qu’une amélioration du pronostic des AVC est
possible à condition que les soins soient organisés dans une filière spécialisée et structurée depuis
le lieu de survenue de l’accident jusqu’au retour au domicile. Cela implique d’une part la création
d’unités neurovasculaires et d’autre part l’organisation de toute la filière d’amont et d’aval. Le
concept d’UNV est apparu dans les années 1970, l’hypothèse étant qu’une prise en charge spéci-
fique en UNV pourrait améliorer le pronostic des patients victimes d’AVC, non seulement en
diminuant la mortalité, mais aussi en réduisant le handicap et le risque d’institutionnalisation. En
France, le plan d’actions national AVC (2010-2014) a encouragé et renforcé l’ensemble du parcours
depuis la prévention, la prise en charge à la phase aiguë et le retour au domicile [23]. Grâce à ce
plan, les Agences régionales de santé se sont mobilisées en lien avec les professionnels et les
patients pour créer les filières de soins et améliorer la coordination entre les acteurs.

Un parcours de santé des patients


qui débute par la prévention
La prévention reste la meilleure stratégie pour réduire l’incidence et les conséquences des AVC.
Le dépistage et le traitement des facteurs de risque sont les principaux éléments de cette pré-
vention de l’AVC et de l’ensemble des maladies vasculaires (maladie coronarienne, artériopathie
oblitérante des membres inférieurs, insuffisance rénale, etc.). Les actions de prévention concer-
nent tous les âges, depuis les enfants (actions dans les écoles) jusqu’aux personnes âgées et
doivent être multiculturelles pour s’adapter à tous. Les actions ciblées de prévention de l’AVC
peuvent être aidées par des actions d’éducation thérapeutique menées si possible en ambulatoire
(par exemple : sur l’hypertension artérielle, principal facteur de risque de l’AVC) ; ces actions
sont d’autant plus aisées à mettre en place, que proposées à proximité du domicile du patient.

La prise en charge préhospitalière


Il est démontré que plus la prise en charge est précoce en UNV, meilleur sera le pronostic
fonctionnel. Cela concerne également les patients non thrombolysés et non thrombectomisés.
La mise en place de cette filière de soins en aigu est proche de celle de l’infarctus du myocarde.

/5
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Mais les délais sont encore plus courts, avec en outre un passage obligatoire en radiologie pour
réaliser une exploration du parenchyme cérébral et des vaisseaux (par scanner ou résonnance
magnétique). De plus, quelques caractéristiques de la pathologie neurovasculaire compliquent
cette prise en charge rapide : le caractère indolore de la plupart des AVC, les troubles cognitifs
et moteurs de l’AVC et l’âge des patients AVC, vivant souvent seuls, d’où l’importance des
campagnes médiatiques d’information du grand public et des professionnels de santé. Leur
objectif est de permettre de reconnaître immédiatement les symptômes de l’AVC, de prendre
conscience de l’urgence à instituer un traitement pour déclencher, sans attendre, l’appel du
centre 15. Celui-ci coordonne les modalités de transport (véhicule médicalisé ou non, hélicoptère)
et d’admission dans les délais les plus brefs vers une structure hospitalière à même de prendre
en charge le patient, c’est-à-dire une structure identifiée dans la filière de soins. La prise en
charge dans des ambulances ayant une équipe médicale spécialisée et disposant d’un scanner
embarqué permettant une thrombolyse préhospitalière [24] est encore à évaluer en France. Elle
permettrait également de sélectionner les patients éligibles à la thrombectomie nécessitant une
admission directe dans les centres appropriés. Cette organisation sera à adapter dans chaque
territoire de santé en fonction des structures présentes.

Le parcours hospitalier des AVC


À la phase aiguë, où chaque minute compte, l’organisation de la prise en charge doit se faire
dans la proximité au sein des UNV. Celles-ci coordonnent la filière de soins avec les autres
services hospitaliers dont ceux des urgences, de radiologie, biologie, réanimation, cardiologie,
médecine physique et réadaptation, gériatrie, sans oublier les soins palliatifs et les coordinations
hospitalières de prélèvement d’organes ; des procédures entre ces différents services et l’unité
neuro-vasculaire doivent être définies.

En France, le nombre d’UNV a augmenté ces dernières années de 77 en 2009 à quasiment 140
en 2017. Parmi ces UNV, presque 40 (appelées UNV de recours) sont situées dans des établis-
sements disposant de services de neurochirurgie et de neuroradiologie interventionnelle et peu-
vent conformément aux décrets ministériels réaliser les actes de thrombectomie (décret
no 2007-366 du 19 mars 2007 relatif aux conditions d’implantation applicables aux activités
interventionnelles par voie endovasculaire en neuroradiologie). Il n’est pas envisageable
d’adresser tous les AVC dans ces centres dits de recours. Aussi, des algorithmes doivent être
élaborés, prenant en compte les résultats des différentes études cliniques, pour préciser quels
patients vont directement vers un centre de recours, quels patients vont vers un centre de
proximité. Bien sûr, tous ces centres doivent être reliés par la télémédecine. De plus, les UNV
ne sont pas toujours situées à moins de 30 minutes du lieu de survenue de l’AVC (Figure 1).
Aussi, la prise en charge initiale des AVC doit pouvoir être réalisée dans des établissements
disposant de services d’urgences, de personnels formés à l’AVC au sein des services d’urgences
et de radiologie, d’un plateau de neuro-imagerie disponible en urgence 24 h/24 et 7 j/7 et d’outils
de télémédecine adaptés [25]. Dans ces établissements disposant de services d’urgences mais
n’ayant pas d’UNV, le traitement initial est décidé par l’urgentiste et le neurologue après une
visioconsultation et transfert de la neuro-imagerie. Une fois le traitement initié, le patient est
transféré en UNV de proximité ou de recours.

Le taux de patients admis en UNV qui a presque doublé entre 2009 et 2015 passant de 25,9 %
[26] à 50 % en 2015 [27]. Ce chiffre atteint 55 % si on prend en compte les patients très graves
admis en réanimation dans les hôpitaux disposant d’UNV. Presque un patient sur deux en France
n’a toujours pas accès à une UNV ; ce chiffre est bien inférieur à celui d’autres pays européens
comme l’Angleterre (96 % en 2016) [28], la Suède (87 % en 2009) [29], l’Écosse (80 % en 2014)
[30] ou l’Allemagne (60 % aux débuts des années 2010) [31]. De plus, d’importantes disparités

6/
Filières de prise en charge

régionales existent en France en rapport avec la densité de neurologues et les capacités en lits
dans les UNV (Figure 2) ; le ratio national est de 3,5 lits pour 100 000 habitants ; il est bas dans
les régions Pays-de-Loire (1,7), Bourgogne - Franche-Comté (1,9), Provence - Alpes - Côte-d’Azur
(2,0) et même égal à 0 en Guyane et à Mayotte. Il est élevé dans les Hauts-de-France (5,5) [27].

FIGURE 1 Temps d’accès aux UNV en France (Source Atlas Santé – Mise à jour 2016).

L’accès aux soins de suite et réadaptation (SSR) en milieu hospitalier après un AVC est très
variable en fonction des pays. Dans le travail de Lynch et al. portant sur 14 pays, l’accès à la
réadaptation en milieu hospitalier varie de 13 % en Suède à 57 % en Israël. Les taux sont de
14,1 % en Corée, 15,1 % en Pologne, 18,5 % en Irlande, 21,5 % aux États-Unis, 30,5 % en Aus-
tralie, 31,5 % en Nouvelle-Zélande, 32,8 % en Suisse, 34 % en France, 40,8 % en Allemagne,
44,3 % au Danemark, 52 % en Italie, 55 % au Canada (Ontario) [32]. Ces différences s’expliquent
en partie par les possibilités d’accès aux prises en charge soutenues à domicile (early supported
discharge) et aux programmes de réadaptation organisés en ville, très variables en fonction des
pays. De plus, les recommandations diffèrent en fonction des pays ; si la majorité recommande
que tous les patients avec un AVC modéré ou sévère puissent avoir accès à la réadaptation en
milieu hospitalier, d’autres ne le recommandent que pour les patients ne pouvant pas regagner
leur domicile.

Pour que la prise en charge en SSR des AVC soit la plus performante possible, il faut que les
patients puissent être accueillis sans délai important, dans des services inclus dans la filière AVC
et situés dans la mesure du possible à proximité de leur domicile ou de celui de leur entourage ;
ces services doivent avoir une parfaite connaissance des ressources médico-sociales et sociales
locales, et permettre un retour au domicile appuyé si nécessaire sur une hospitalisation de jour.

/7
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

FIGURE 2 Taux de séjours AVC en filière UNV ou réanimation au sein d’établissements ayant
une UNV (Données PMSI – MCO 2015 – Diagnostics principaux I 61, I 63 et I 64).

En France, en 2015, 39 % des patients vivants à la fin de la prise en charge en aigu ont été
transférés en soins en soins de suite et de réadaptation : 16 % en SSR spécialisés pour les
affections du système nerveux, 9 % en SSR pour les affections de la personne âgée polypatho-
logique dépendante ou à risque de dépendance, 12 % en SSR polyvalents et 2 % dans d’autres
SSR spécialisés [33] ; le taux de patients transférés en SSR augmente avec la gravité de l’AVC
atteignant 88 % pour les AVC sévères. Des disparités régionales sont également observées pour
l’admission en SSR, avec des taux particulièrement faibles pour les résidents de Mayotte et de
la Guyane (6 et 12 %), contre 39 % à la Réunion et 49 % à la Guadeloupe. En métropole, les
taux les plus bas sont observés en Corse (33 %), Normandie (37 %), dans les Hauts-de-France
(37 %) et en Nouvelle-Aquitaine (38 %). Une admission initiale en UNV et un haut ratio de lits
de SSR neurologiques augmentent les chances d’être admis en SSR neurologiques [27].

8/
Filières de prise en charge

La prise en charge des AVC ne s’arrête pas à la sortie de l’hôpital, mais doit aussi prendre en compte
le retour et le maintien du patient au domicile ce qui amène à considérer la coordination ville-hôpital.
Le retour au domicile est un moment difficile pour le patient et son entourage, qui réalisent le
bouleversement qu’a entraîné l’AVC dans la vie quotidienne, dans la vie familiale et professionnelle.

De nombreux éléments vont conditionner le maintien au domicile des patients. Parmi eux :
■ le degré de handicap physique et cognitif ;
■ la survenue de complications ;
■ la participation de l’entourage ;
■ la formation des aidants ;
■ le soutien psychologique du patient et des différents intervenants.

Différents types de prise en charge


Prise en charge par des professionnels libéraux coordonnée
par le médecin traitant
Elle associe kinésithérapeutes et orthophonistes ayant une expérience dans le traitement des
affections neurologiques, infirmiers et services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) pour les
patients nécessitant des soins de toilette-nursing associés ou non à des soins infirmiers.

Hospitalisation de jour en SSR


La réinsertion au domicile et la poursuite de la rééducation peuvent être facilitée par une hos-
pitalisation de jour, que ce soit après le séjour en SSR ou en UNV. Elle permet une transition
entre l’hôpital conventionnel et le retour au domicile et une adaptation progressive du patient
à son handicap.

Équipes de soins au domicile coordonnées


par une équipe hospitalière
Une méta-analyse basée sur des données individuelles de 17 essais montre que les services per-
mettant une prise en charge précoce et coordonnée au domicile réduisent chez certains patients
AVC le risque de dépendance à long terme et d’institutionnalisation. Les résultats sont peu
concluants pour des services sans équipe pluridisciplinaire coordonnée [34]. Des expériences sont
menées en France dans ce domaine, par exemple une unité mobile d’évaluation et de suivi des
handicaps à Mulhouse, l’hospitalisation à domicile de réadaptation et de réinsertion en Île-de-
France. Le projet dominant de ces soins coordonnés de réadaptation au domicile est l’acquisition
ou l’amélioration de l’autonomie dans le milieu de vie habituel, en poursuivant la rééducation et
en assurant le transfert des acquis en situation de vie quotidienne. La coordination hospitalière
permet de mettre à disposition des patients, des professionnels de rééducation n’exerçant pas en
ville, tels les ergothérapeutes, les psychologues cliniciens ou neuropsychologues, ainsi que les assis-
tantes sociales ayant la pratique du handicap. De plus, elle permet de former les aidants, l’entourage
et le patient dans son lieu de vie. Il faut toutefois garder à l’esprit le risque potentiel d’une charge
psychologique excessive pour la famille et les soignants informels ou aidants.

/9
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Structures de soins de longue durée et les structures


médicosociales
Du fait de leur handicap, certains patients AVC ne pourront pas regagner leur domicile et doivent
être orientés vers des structures de soins de longue durée ou vers des établissements d’héber-
gement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), des maisons d’accueil spécialisées (MAS)
ou de foyers d’accueil médicalisés (FAM).

Nécessité d’un travail interdisciplinaire concerté


et coordonné entre sanitaire et médicosocial
pour le retour au domicile
Une coopération est donc nécessaire entre les professionnels de soins et d’accompagnement [35] :
■ professionnels de santé libéraux (médecin généraliste, neurologue, infirmier, kinésithéra-
peute, orthophoniste, ergothérapeute, psychologue, assistante sociale, etc.) ;
■ professionnels de santé des centres experts ;
■ aidants et entourage ;
■ professionnels des structures et services pour personnes handicapées : services d’accom-
pagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH), services d’accompagnement
à la vie sociale (SAVS), maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ;
■ professionnels des structures et services pour les personnes âgées dont les maisons pour
l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA), les centres locaux d’information
et de coordination (CLIC), les équipes médico-sociales de l’allocation personnalisée d’auto-
nomie (APA) ;
■ professionnels des organismes compétents dans la réorganisation du domicile ;
■ sans oublier les associations de patients, dont France AVC, qui ont un rôle important à
jouer dans l’aide à la réinsertion au domicile ou au niveau professionnel.

La prévention des récidives neurovasculaires et de la survenue d’autres événements vasculaires


est intégrée à ces dispositifs de suivi. La mise en place des filières AVC en France a permis
d’améliorer cette prévention. Une étude réalisée à partir des bases médico-administratives du
SNIIR-AM, durant le premier semestre 2008 montrait que seulement 75 % des patients victimes
d’infarctus cérébral achetaient un traitement antithrombotique [36]. En 2012, ce chiffre atteint
96 % [37]. En ce qui concerne les traitements antihypertenseurs, un mois après la sortie de
l’hôpital, ce sont 76 % des patients victimes d’infarctus cérébral qui ont au moins un rembour-
sement d’un médicament antihypertenseur, versus 59,4 % en 2008.

Les publications décrivant ce système intégré de soins post-AVC offrant à tout patient et à son
entourage (famille, aidants), des services d’évaluation, de suivi dans toutes ses composantes
sanitaires (médicales et non médicales) et sociale restent peu nombreuses [1, 5]. De plus, l’orga-
nisation des soins et leurs prises en charge financières varient beaucoup en fonction des pays.
En Angleterre, 49 % des patients victimes d’AVC quittent l’hôpital dans le cadre d’un programme
de rééducation avec une équipe de spécialistes incluant « Early support discharge » ou équipes
de rééducation multidisciplinaire [28].

10 /
Filières de prise en charge

Nouvelles organisations en France permettant


le maintien au domicile
Prado AVC
Ce programme d’accompagnement au retour à domicile pour les personnes atteintes d’AVC mis
en place par l’assurance maladie est en cours de déploiement. Ses objectifs sont de proposer à
la sortie de court séjour, une prise en charge en ville, coordonnée et pluridisciplinaire (médecin
traitant, spécialiste dont le neurologue, infirmière, kinésithérapeute, orthophoniste, aide à la
vie...) et un suivi médico-social.

Les équipes d’évaluation pour améliorer l’interface ville-hôpital


Les évaluations pluriprofessionnelles post-AVC hospitalières permettent de réaliser à distance
de l’accident une évaluation pluriprofessionnelle par une équipe spécialisée dans la pathologie
neurovasculaire et ce, en lien avec les professionnels libéraux. Les objectifs de cette évaluation
sont :
■ faire le point sur la maladie vasculaire, les facteurs de risque vasculaire et assurer la
meilleure prévention secondaire ;
■ réaliser un bilan physique et cognitif afin de définir un programme de suivi rééducatif
personnalisé ;
■ dépister les troubles de l’humeur (la dépression est très fréquente au décours de l’AVC) ;
■ déterminer les capacités de réinsertion sociale et professionnelle ;
■ apprécier la qualité de vie du patient, celle de l’entourage et voir si les aidants ont besoin
d’un soutien ;
■ proposer, si nécessaire, un programme d’éducation thérapeutique ;
■ informer sur les associations de patients.

Ces évaluations s’adressent donc à tous les patients, y compris ceux n’ayant pas ou peu de
séquelles afin de repérer des déficiences passées jusqu’alors inaperçues, mais pouvant être sources
de handicaps et d’une désadaptation professionnelle et/ou sociale.

Les équipes mobiles de soins de suite et réadaptation AVC réalisent des évaluations au domicile,
dans des situations où les difficultés rencontrées peuvent compromettre le maintien au domicile.
Elles sont composées de médecins, d’ergothérapeutes et d’assistantes sociales. Leurs missions
sont d’améliorer le maintien au domicile (évaluation des patients et des aidants), d’éviter des
hospitalisations inutiles ou de préparer si nécessaire les hospitalisations en prévoyant ensuite le
retour à domicile. Les évaluations sont réalisées en lien avec les professionnels libéraux et les
structures médico-sociales. Ces équipes interviennent également au sein des établissements
médico-sociaux.

/ 11
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

L’organisation des parcours de soins des patients victimes d’AVC doit également tenir compte :
■ de l’âge du patient. Pour un enfant, le parcours de soins ne sera pas le même si l’AVC
survient avant la naissance, au cours de premiers jours de vie, chez un enfant ou chez un
adolescent. Le suivi de ces enfants lorsqu’ils deviennent adultes est également à organiser.
Pour les personnes âgées, on estime qu’en 2020, environ 30 % des personnes hospitalisées,
en France, pour AVC auront plus de 85 ans ; les parcours doivent donc s’organiser en lien
avec les filières gériatriques ;
■ de la sévérité des AVC. L’organisation de la prise en charge des accidents ischémiques
transitoires (AIT) est bien différente de celle des AVC sévères. La prise en charge des AIT
doit s’appuyer sur les structures neurovasculaires existantes où sont présents les experts et
le plateau technique. Les explorations cérébrales, vasculaires, cardiaques doivent être réa-
lisées très rapidement pour débuter immédiatement le traitement de prévention. Pour les
AVC sévères admis initialement en réanimation, peuvent se discuter des décisions de limi-
tation de soins, de prélèvement d’organes (l’AVC est la cause principale de décès « en mort
encéphalique »), d’admissions en services de soins palliatifs, en services de rééducation post-
réanimation, en unités de soins de longue durée, en hébergements permanents ou tempo-
raires en structures médicosociales : maison d’accueil spécialisé (MAS), foyer d’accueil médi-
calisé (FAM), en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
La filière AVC doit donc inclure ces structures et assurer la formation de leurs personnels [38].

Les infirmières « coordinatrices » dans le parcours des AVC sont encore trop peu nombreuses
en France. Pourtant, leur rôle est primordial lors du retour au domicile des patients victimes
d’AVC. Leurs principales missions sont d’améliorer l’observance au traitement (médicamenteux
et de rééducation), d’apprendre aux patients et à leur entourage les symptômes évocateurs de
complications, qui lorsqu’elles surviennent, majorent encore le handicap. Ces infirmières appel-
lent les patients après leur retour au domicile et/ou participent à la consultation pluri-
professionnelles de suivi. Elles sont un lien entre les professionnels de ville et de l’hôpital [39].

En cohérence avec le plan AVC 2010-2014, les animateurs de filières AVC contribuent à construire
un parcours de santé de qualité pour les victimes d’AVC. Leurs principales missions sont de :
■ développer, animer et coordonner la filière AVC autour des UNV, afin d’assurer la conti-
nuité des soins, en améliorant les circuits hospitaliers et en organisant les liens avec la ville,
le secteur médico-social et les associations de patients ;
■ accroître la formation de l’ensemble des professionnels intervenant dans la filière ;
■ mener, sur chaque territoire, des actions d’information pour le grand public.

12 /
Filières de prise en charge

La prise en charge du patient atteint d’accident vasculaire cérébral ne se limite pas à l’hospita-
lisation en phase aiguë en unité neurovasculaire puis, si nécessaire, en service de soins de suite
et de réadaptation. C’est l’ensemble du parcours de santé du patient victime d’un AVC qu’il faut
organiser et planifier avec le malade, son entourage et de nombreux professionnels. Ce parcours
doit pouvoir s’organiser dans la proximité au mieux sur le territoire de santé. Structurer l’orga-
nisation territoriale de la prise en charge des AVC permet d’éviter des « ruptures » dans le
parcours de santé des personnes victimes d’AVC, ruptures qui se soldent trop souvent par une
hospitalisation en urgence dans un établissement peu adapté pour prendre en charge le problème.

L’augmentation du nombre de patients admis en UNV et la baisse de la létalité hospitalière ne


doivent cependant pas faire oublier que :
■ presque un patient sur deux en France n’était pas admis en UNV en 2015 ;
■ dans un contexte de vieillissement de la population, le nombre de patients victimes d’AVC
va continuer à augmenter ;
■ l’accès aux UNV et aux SSR neurologiques est très inégal en fonction des régions.

Les prises en charge coordonnées post-AVC offrant à tout patient et à son entourage (famille,
aidants), des services d’évaluation, de suivi dans toutes ses composantes sanitaires (médicales
et non médicales) et sociales se développent. De nouvelles organisations se mettent en place
au domicile ou en institution, dont l’enjeu est d’augmenter le nombre de patients admis dans
les filières post-AVC, en lien avec les professionnels libéraux, afin de réduire le handicap post-AVC
et d’améliorer la qualité de vie des patients et de leur entourage.

Sans oublier la prévention, qui reste la meilleure stratégie pour réduire le handicap lié aux AVC.

■ Références
[1] Vat LE, Middelkoop I, Buijck BI, et al. The Development [8] Tibæk M, Dehlendorff C, Jørgensen HS, et al. Increasing
of Integrated Stroke Care in the Netherlands a Benchmark incidence of hospitalization for stroke and transient
Study. Int J Integr Care 2016 ; 16 : 1-10. ischemic attack in young adults: A Registry-Based Study.
[2] Bodechtel U, Barlinn K, Helbig U, et al. The stroke east J Am Heart Assoc 2016 ; 5. pii : e003158.
Saxony pilot project for organized post-stroke care: a [9] Medin J, Nordlund A, Ekberg K, et al. Increasing stroke
case-control study. Brain Behav 2016 ; 6 : e00455. incidence in Sweden between 1989 and 2000 among per-
[3] Duncan PW, Bushnell CD, Rosamond WD, et al. The sons aged 30 to 65 years: evidence from the Swedish Hos-
Comprehensive Post-Acute Stroke Services (COMPASS) pital Discharge Register. Stroke 2004 ; 35 : 1047-51.
study: design and methods for a cluster-randomized prag- [10] De Peretti C, Grimaud O, Tuppin P, et al. Prévalence
matic trial. BMC Neurol 2017 ; 17 : 133. des accidents vasculaires cérébraux et de leurs séquelles et
[4] Reeves MJ, Hughes AK, Woodward AT, et al. Improving impact sur les activités de la vie quotidienne : apports des
transitions in acute stroke patients discharged to home: the enquêtes déclaratives Handicap-santé-ménages et Han-
Michigan stroke transitions trial (MISTT) protocol. BMC dicap-santé-institution de 2008-2009. Bull Epidemiol Hebd
Neurol 2017 ; 17 : 115. 2012 ; 1 : 1-6.
[5] Ganesh A, Lindsay P, Fang J, et al. Integrated systems of [11] Lavallée PC, Meseguer E, Abboud H, et al. A transient
stroke care and reduction in 30-day mortality: a retrospec- ischaemic attack clinic with round-the-clock access (SOS-
tive analysis. Neurology 2016 ; 86 : 898-904. TIA): feasibility and effects. Lancet Neurol 2007 ; 6 : 953-60.
[6] Lecoffre C, de Peretti C, Gabet A, et al. L’accident vasculaire [12] Lecoffre C, de Peretti C, Gabet A, et al. National trends
cérébral en France : patients hospitalisés pour AVC en 2014 et in patients hospitalized for stroke and stroke mortality in
évolutions 2008-2014. Bull Epidémiol Hebd 2017 ; 5 : 84-94. France, 2008 to 2014. Stroke 2017 ; 48 : 2939-45.
[7] Kissela BM, Khoury JC, Alwell K, et al. Age at stroke: [13] Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de
temporal trends in stroke incidence in a large, biracial popu- décès. Interrogation des données sur les causes de décès de
lation. Neurology 2012 ; 79 : 1781-7. 1979 à 2014. Le Kremlin Bicêtre : Institut national de la

/ 13
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

santé et de la recherche médicale. http: //www.cepidc. Heart Association/American Stroke Association. Stroke
inserm.fr/inserm/html/index2.htm 2017 ; 48 : e3-e25.
[14] Lecoffre C, de Peretti C, Gabet A, et al. Mortalité par [26] de Peretti C, Nicolau J, Tuppin P, Schnitzler A, Woimant
accident vasculaire cérébral en France en 2013 et évolutions F. Évolutions de la prise en charge hospitalière des accidents
2008-2013. Bull Epidemiol Hebd 2017 ; 5 : 95-100. vasculaires cérébraux en court séjour et en soins de suite
[15] Schnitzler A, Woimant F, Tuppin P, et al. Prevalence of et de réadaptation entre 2007 et 2009 en France. Presse
self-reported stroke and disability in the French adult popu- Med 2012 ; 41 : 491-503.
lation: a transversal study. PLoS One 2014 ; 9 : e115375. [27] de Peretti C. Disparités régionales de la prise en charge
hospitalière des accidents vasculaires cérébraux en court
[16] Chevreul K, Durand-Zaleski I, Gouépo A, et al. Cost of
séjour et en soins de suite et de réadaptation en 2015 en
stroke in France. Eur J Neurol 2013 ; 20 : 1094-100.
France. Rev Neurol (Paris) [In press].
[17] Woimant F, Hommel M, Adnet Bonte C, et al. Recom-
[28] Royal College of Physicians. Sentinel Stroke National
mandations pour la création d’Unités Neuro-Vasculaires.
Audit Programme (SSNAP) – Clinical audit January-March
Rev Neurol 2001 ; 157 (11 Pt 1) : 1447-56 ; discussion
2016 – Public Report – National results – June 2016.
1457-8.
[29] National Board of Health and Welfare. Quality and effi-
[18] HAS. Accident vasculaire cérébral : prise en charge pré-
ciency of stroke care in Sweden. National Performance Assess-
coce (alerte, phase préhospitalière, phase hospitalière ini-
ment 2011. Mars 2013. http://www.socialstyrelsen.se/Lists/
tiale, indications de la thrombolyse). Mai 2009. https:
Artikelkatalog/Attachments/18980/2013-3-4.pdf
//www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/
2009-07/avc_prise_en_charge_precoce_-_recommanda- [30] NHS – National services Scotland. 2016 National
tions.pdf Report – Scottish Stroke Improvement Programme.
http://www.strokeaudit.scot.nhs.uk/Publications/docs/
[19] Ringelstein EB, Chamorro A, Kaste M, et al. European Scottish-Stroke-Improvement-Programme-report-2016.pdf
Stroke Organisation recommendations to establish a stroke
unit and stroke center. Stroke 2013 ; 44 : 828-40. [31] Ringelstein EB, Müller-Jensen A, Nabavi DG, et al.
Comprehensive stroke unit. Nervenarzt 2011 ; 82 : 778-84.
[20] Jauch EC, Saver JL, Adams HP Jr, et al. Guidelines for
[32] Lynch EA, Cadilhac DA, Luker JA, et al. Inequities in
the early management of patients with acute ischemic
access to inpatient rehabilitation after stroke: an interna-
stroke: a guideline for healthcare professionals from the
tional scoping review. Top Stroke Rehabil 2017 ; 23 : 1-8.
American Heart Association/American Stroke Association.
Stroke 2013 ; 44 : 870-947. [33] de Peretti C, Gabet A, Lecoffre C, et al. Disparités régio-
nales de prise en charge hospitalière des accidents vascu-
[21] Powers WJ, Derdeyn CP, Biller J, et al. 2015 American
laires cérébraux en 2015. Études & Résultats 2017 ; 1010.
Heart Association/American Stroke Association Focused
Update of the 2013 Guidelines for the Early Management [34] Langhorne P, Baylan S ; Early Supported Discharge Tria-
of Patients With Acute Ischemic Stroke Regarding Endovas- lists. Early supported discharge services for people with
cular Treatment: A Guideline for Healthcare Professionals acute stroke. Cochrane Database Syst Rev 2017 ; 7 :
From the American Heart Association/American Stroke CD000443.
Association. Stroke 2015 ; 46 : 3020-35. [35] Gache K, Leleu H, Nitenberg G, et al. Main barriers to
[22] Hemphill JC 3rd, Greenberg SM, Anderson CS, et al. effective implementation of stroke care pathways in France:
Guidelines for the Management of Spontaneous Intracere- a qualitative study. BMC Health Serv Res 2014 ; 14 : 95.
bral Hemorrhage: A Guideline for Healthcare Professionals [36] Tuppin P, Moysan V, de Peretti C, et al. Characteristics
from the American Heart Association/American Stroke and prevention among patients with stroke: a study of
Association. Stroke 2015 ; 46 : 2032-60. 36,844 patients hospitalized in France. Rev Neurol 2013 ;
[23] Lebrun L, Rusterholtz T, Fery-Lemonnier E, et al. Impro- 169 : 126-35.
ving stroke care: a French health-care organiser’s perspec- [37] Tuppin P, Samson S, Fagot-Campagna A, et al. Care
tive. Int J Stroke 2011 ; 6 : 123-4. pathways and healthcare use of stroke survivors six months
[24] Wendt M, Ebinger M, Kunz A, et al. Improved prehos- after admission to an acute-care hospital in France in 2012.
pital triage of patients with stroke in a specialized stroke Rev Neurol 2016 ; 172 : 295-306.
ambulance: results of the pre-hospital acute neurological [38] Woimant F, Biteye Y, Chaine P, et al. Severe stroke:
therapy and optimization of medical care in stroke study. which medicine for which results? Ann Fr Anesth Reanim
Stroke 2015 ; 46 : 740-5. 2014 ; 33 : 102-9.
[25] Wechsler LR, Demaerschalk BM, Schwamm LH, et al. [39] Cortes E, Woimant F. L’éducation du patient post-
Telemedicine Quality and Outcomes in Stroke: A Scientific accident vasculaire cérébral. Sang Thrombose Vaisseaux
Statement for Healthcare Professionals from the American 2007 ; 19 : 492-4.

14 /
2

En France, la prise en charge préhospitalière de patients pour suspicion d’accident vasculaire


cérébral (AVC) repose sur une régulation téléphonique médicale réalisée par le Samu-Centre 15,
permettant le déclenchement de la réponse la mieux adaptée à l’état du patient et son orien-
tation au sein d’une unité neurovasculaire (UNV). Les difficultés de cet exercice résident dans
la multiplicité des signes cliniques pouvant correspondre à un AVC et leur méconnaissance au
sein de la population générale [1, 2], la fréquence des diagnostics différentiels (stroke mimics)
[3], et la nécessité impérative de réduire au maximum les délais de prise en charge des patients
qui auront besoin d’un traitement de reperfusion (thrombolyse intraveineuse et/ou thrombec-
tomie mécanique) [4, 5]. En outre, la démonstration récente du bénéfice majeur de la throm-
bectomie chez des patients sélectionnés présentant un infarctus cérébral (IC) avec occlusion
artérielle proximale soulève les questions de l’évaluation préhospitalière de la probabilité d’une
occlusion proximale et de la stratégie d’orientation, vers l’UNV de proximité (drip and ship), ou
bien directement vers l’UNV de recours (mothership) [6, 7]. Enfin, l’anticipation de l’arrivée du
patient au sein de la structure hospitalière, préalablement prévenue par le médecin régulateur
du Samu, est un élément crucial pour la réduction du délai symptômes-reperfusion cérébrale [8].

Régulation téléphonique
Il est recommandé d’appeler le Samu-Centre 15 en cas de symptômes pouvant faire évoquer un
AVC, qui peuvent être identifiés par le patient ou ses proches en utilisant l’acronyme VITE
(« Visage paralysé, Inertie d’un membre, Trouble de la parole, En urgence appelez le 15 »), dérivé
de l’échelle anglo-saxonne FAST (« Face Arm Speech Time ») [9]. Cependant, une proportion
importante des suspicions d’AVC diagnostiquées à l’issue de la régulation correspond initialement
à un appel pour un autre motif. La prise d’appel est effectuée par un assistant de régulation
médicale qui doit considérer tout déficit neurologique brutal comme une urgence absolue et

/ 15
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

recueillir l’heure précise de survenue des symptômes, ou à défaut la dernière heure à laquelle le
patient a été vu dans son état habituel [10]. La recherche des 5 signes d’alerte suivants, proposés
par l’American Stroke Association [11], peut être réalisée par téléphone auprès du patient lui-
même ou de ses proches :
■ faiblesse ou engourdissement de la face, du bras et/ou de la jambe ;
■ perte de la vision unilatérale ou bilatérale ;
■ troubles de la compréhension ou du langage ;
■ perte de l’équilibre ou instabilité, si associée à l’un des signes précédents ;
■ céphalée intense d’installation brutale.

La confirmation de la suspicion diagnostique est effectuée téléphoniquement par le médecin


régulateur, selon une procédure standardisée qui comporte fréquemment un questionnaire et/ou
une échelle dédiés [10]. De nombreuses échelles visant à identifier l’AVC en préhospitalier ont
été proposées, sans qu’aucune ne soit universellement employée. Les échelles les plus couram-
ment utilisées sont : FAST, LAPSS (Los Angeles Prehospital Stroke Scale), CPSS (Cincinnati Pre-
hospital Stroke Scale) et ROSIER (Recognition of Stroke in the Emergency Room) [10]. Lors de la
régulation téléphonique, le choix d’une échelle ayant une sensibilité élevée est souhaitable, les
conséquences de la méconnaissance d’une suspicion d’AVC avec une indication de traitement
de reperfusion étant vraisemblablement plus graves que celles d’adresser un patient avec un
stroke mimic en alerte AVC à l’UNV la plus proche. Une revue systématique avec méta-analyse
de la sensibilité et de la spécificité de ces échelles pour l’identification des AVC en milieu urbain
suggère que les échelles LAPSS, CPSS et FAST ont toutes une sensibilité supérieure à 75 % [12].
Ces trois échelles comportent une évaluation succincte de la symétrie du visage, et de la force
musculaire des membres supérieurs, qui peuvent être appréciés téléphoniquement par l’inter-
médiaire d’une personne se trouvant avec le patient (Tableau I). Les échelles CPSS et FAST
comportent en outre une évaluation de la parole [9, 13]. Les données publiées ne permettent
pas de déterminer formellement qu’une de ces échelles présente une meilleure sensibilité que
les autres, et aucune échelle ne présente une sensibilité satisfaisante pour la détection des AVC
vertébro-basilaires [10]. L’échelle LAPSS est celle ayant été validée sur le plus grand nombre de
patients et présentant possiblement la spécificité la plus élevée, de l’ordre d’au moins 90 % [14,
15], en raison de l’existence de critères d’exclusion stringents, comme un âge inférieur à 45 ans,
l’absence d’histoire clinique de crise épileptique, et le fait d’être capable de marcher avant l’AVC
(Tableau I). Bien qu’ils aient une valeur prédictive importante [10], ces critères sont discutables
car leur application stricte peut entraîner un retard diagnostique pour des patients qui bénéfi-
cieraient d’un traitement de reperfusion en cas d’IC [16-18].

Outre les éléments diagnostiques, le médecin régulateur va rechercher rapidement de poten-


tielles contre-indications à la thrombolyse intraveineuse (prise d’un traitement anticoagulant,
chirurgie récente...) et à la réalisation d’une IRM cérébrale (pacemaker) ou d’un angioscanner
(allergie aux produits de contraste iodés) [18]. Enfin, le médecin régulateur doit prendre en
compte le degré d’autonomie ou de dépendance du patient.

Déploiement d’une ambulance


et première évaluation clinique
Le médecin régulateur du Samu-Centre 15 va déclencher ensuite l’envoi d’un moyen de transport
sanitaire adapté à l’état de santé du patient. En présence de signes de gravité, tels qu’une détresse
circulatoire ou respiratoire, un coma, une perte de connaissance ou des convulsions, une équipe
médicale de Smur (unité mobile hospitalière – UMH) est dépêchée auprès du patient. Dans les
autres situations, un transport médicalisé n’est pas nécessaire, et le moyen de transport le plus

16 /
TABLEAU I ▼ Échelles préhospitalières d’identification des accidents vasculaires cérébraux.
FAST CPSS LAPSS

– Demander à la personne de sourire. Le – Visage : Critères de sélection Oui Non


visage paraît-il inhabituel ? Normal : Les deux côtés du visage bougent
– Demander à la personne de lever les de la même manière. – Âge > 45 ans — —
deux bras. Un des bras reste-t-il pendant ? Anormal : Un côté du visage ne bouge pas – Pas d’antécédent de crise d’épilepsie — —
du tout.
– Est-ce que la personne parle – Symptômes neurologiques apparus < 24 h — —
bizarrement ? Demandez-lui de répéter une – Bras : – Patient ambulatoire auparavant — —
phrase simple. Normal : les deux bras bougent de la même – Glycémie capillaire entre 0,6 et 4 g/L — —
manière, ou pas du tout.
Anormal : un bras chute par rapport
à l’autre. Évaluation clinique
Rechercher une asymétrie évidente, et noter pour chaque item l’évaluation
– Parole (dont phrase à répéter) de chaque côté :
Normal : la personne utilise des mots
corrects, sans trouble de la prononciation Normal Droit Gauche
(slurring).
Anormal : trouble de la prononciation, Visage (sourire, grimace) * * chute * chute
mots inappropriés, ou ne parle pas. Poigne (grip) * * faible * faible
* absente * absente
Faiblesse des bras * * dévie vers le bas * chute rapidement
* dévie vers le bas * chute rapidement

À partir de cet examen, est-ce que le patient a une faiblesse uniquement d’un seul côté
(et non des deux côtés) ? * Oui * Non

/ 17
Prise en charge préhospitalière et admission
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

rapide sera privilégié (sapeurs-pompiers, secouristes associatifs ou ambulance privée, en fonction


des conditions locales). Sur les lieux de l’intervention, un premier bilan secouriste est effectué,
en laissant le patient en décubitus dorsal strict. La pression artérielle, la fréquence cardiaque, la
saturation pulsée en oxygène (SpO2) et la glycémie capillaire sont recueillies, tandis qu’un inter-
rogatoire rapide associé à une évaluation clinique simple sont réalisés. L’existence de troubles
de la vigilance est évaluée par le score de Glasgow, en tenant compte d’une éventuelle aphasie.
En l’absence de signes de détresse vitale ou de trouble important de la vigilance, l’évaluation de
l’état clinique du patient doit être brève. Elle peut être aidée par l’utilisation d’une échelle simple
(FAST, LAPSS...) et par conférence téléphonique avec le médecin régulateur, voire avec le neu-
rologue de l’UNV (mise en conférence précoce à 3). La réalisation du score National Institutes
of Health Stroke Scale (NIHSS) est chronophage et peu adaptée à la prise en charge préhospi-
talière [19, 20]. Sur le plan thérapeutique, l’élévation de la pression artérielle, fréquente en cas
d’AVC, doit être respectée, sauf en cas de valeurs supérieures à 220/120 mmHg ou d’affection
justifiant un traitement antihypertenseur immédiat (décompensation cardiaque aiguë, dissection
aortique, encéphalopathie hypertensive) [11, 21]. Toute hypoglycémie doit être corrigée en pré-
hospitalier [10, 11]. En l’absence de contre-indication, une oxygénothérapie sera initiée pour
maintenir une SpO2 supérieure ou égale à 94 % [10, 22]. Aucun traitement antithrombotique
probabiliste ne doit être administré en préhospitalier devant une suspicion d’AVC, la seule éva-
luation clinique ne permettant pas de distinguer de manière fiable ischémie et hémorragie céré-
brales [23]. Le patient sera transporté en décubitus dorsal strict, sauf si la tolérance respiratoire
de cette position est médiocre, ou en cas de vomissements, pour lesquels le décubitus latéral
sera privilégié [10]. Tout au long du transport, une surveillance des paramètres vitaux sera effec-
tuée, avec contact si besoin du médecin régulateur. Une fiche standardisée de recueil des infor-
mations (ou un dossier médical en cas d’intervention d’une équipe de Smur), sera réalisée,
comportant notamment les principaux antécédents, les traitements en cours et l’heure de début
des symptômes.

Dans le cas particulier d’une prise en charge médicalisée, une voie veineuse périphérique est
posée en privilégiant le sérum salé isotonique [11]. Un soluté glucosé ne sera utilisé qu’en cas
d’hypoglycémie ou de décompensation cardiaque. Un électrocardiogramme sera systématique-
ment réalisé [10]. Des prélèvements sanguins comportant notamment hémogramme, bilan
d’hémostase, créatininémie, et ionogramme sont réalisés par certaines équipes, mais la compa-
tibilité des tubes avec le laboratoire du service d’accueil n’est pas constante.

Parallèlement à l’évaluation clinique sur le lieu d’intervention, le médecin régulateur organise


l’orientation du patient, en collaboration avec le neurologue de l’UNV. Tout patient présentant
une suspicion d’AVC survenu dans un délai pouvant permettre un traitement de reperfusion doit
être proposé pour une admission urgente en UNV en vue d’une thrombolyse intraveineuse
(réalisable dans les 4 h 30 [24]) et/ou d’une thrombectomie mécanique (réalisable dans les 6 h
suivant le début des symptômes [25, 26], et même jusqu’à 24 h chez des patients extrêmement
sélectionnés [27, 28]).

18 /
Prise en charge préhospitalière et admission

« Drip and ship » et « mothership »


Concepts
Depuis la fin des années 1990, les filières de prise en charge de l’AVC aigu se sont structurées
grâce à la mise en place d’un maillage territorial d’unités neurovasculaires, avec l’objectif d’un
accès à la thrombolyse intraveineuse à moins de 30 minutes de transport. Jusqu’en 2014, tout
patient présentant une suspicion d’AVC de moins de 4 h 30 était adressé vers le centre le plus
proche permettant de réaliser une thrombolyse intraveineuse (UNV de proximité ou à défaut
centre équipé d’un système télé-AVC permettant la téléthrombolyse). Depuis la démonstration
en décembre 2014 du bénéfice de la thrombectomie mécanique [29], la décision de l’orientation
des patients est devenue plus complexe, pour les raisons suivantes :
■ le traitement de référence de l’IC sans occlusion artérielle proximale reste la thrombolyse
intraveineuse [25] ;
■ le traitement de référence de l’IC associée à une occlusion artérielle proximale est actuel-
lement la thrombolyse intraveineuse suivie d’une thrombectomie (bridging therapy). La
thrombectomie n’est donc indiquée que chez une minorité de patients : ceux présentant
une occlusion artérielle proximale, soit deux fois moins de patients que ceux éligibles à la
thrombolyse [30]. Cependant, le bénéfice de la thrombectomie est absolument majeur chez
ces patients [6] ;
■ moins d’une UNV sur trois dispose d’un plateau de neuroradiologie interventionnelle (UNV
dite de recours, au nombre de 37 en 2017 en France) [31] ;
■ il n’est pas possible, en routine, d’identifier avec certitude l’existence d’une occlusion
proximale en préhospitalier [32] ;
■ chaque minute compte pour débuter la thrombolyse et la thrombectomie [4, 5] ;
■ la thrombolyse intraveineuse permet parfois à elle seule la recanalisation d’une occlusion
artérielle proximale [33].

Deux stratégies de prise en charge ont été proposées quand l’UNV la plus proche du lieu de
l’AVC ne dispose pas d’un plateau de thrombectomie. La première, appelée « drip and ship »,
consiste à adresser tous les patients vers l’UNV de proximité, où la thrombolyse intraveineuse
est débutée lorsqu’elle est indiquée. Seuls les patients présentant une occlusion artérielle proxi-
male objectivée en IRM ou en angioscanner sont secondairement transférés vers l’UNV de recours
pour une thrombectomie complémentaire. La seconde stratégie, appelée « mothership », consiste
à adresser directement tous les patients vers l’UNV de recours, au sein de laquelle la thrombolyse
puis la thrombectomie sont réalisées si indiquées. Par rapport au drip and ship, le mothership a
pour avantages de débuter la thrombectomie plus rapidement et de limiter le nombre de trans-
ferts secondaires, qui mobilisent souvent des ressources paramédicales ou médicales du fait de
la présence d’une seringue électrique d’alteplase et de la nécessité d’un contrôle strict des pres-
sions artérielles pendant la thrombolyse. Le drip and ship a pour avantages de débuter la throm-
bolyse plus rapidement et d’éviter de surcharger l’UNV de recours avec des patients qui n’ont
pas besoin de thrombectomie.

Comparaison des deux stratégies


À ce jour, seules des études observationnelles permettent la comparaison entre mothership et
drip and ship. Une étude française a récemment comparé ces stratégies chez 159 patients pré-
sentant un IC de moins de 6 h avec occlusion proximale de la circulation antérieure traitée par
thrombolyse intraveineuse, en exploitant les registres hospitaliers de deux UNV parisiennes [34].
Le taux de recanalisation artérielle suite à la thrombolyse était de 18 % dans le groupe drip and

/ 19
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

ship, contre 6 % dans le groupe mothership. Chez les patients traités par thrombectomie du fait
d’une occlusion persistante malgré la thrombolyse, la stratégie drip and ship conduisait à une
recanalisation retardée d’une heure (délai médian symptômes-recanalisation : 297 contre
240 minutes, p < 0,001). Cependant, la proportion de patients indépendants à 3 mois n’était pas
différente entre les deux groupes (61 % en drip and ship contre 51 % en mothership, p = 0,26).
Les données du registre prospectif multicentrique américain STRATIS permettent également une
comparaison de ces deux stratégies [35]. Entre 2014 et 2016, 984 patients présentant un IC avec
une occlusion proximale de la circulation antérieure et un déficit neurologique assez important
(score NIHSS 6 8) ont été inclus. Contrairement à l’étude précédente, seuls les patients ayant
bénéficié d’une thrombectomie étaient inclus, ce qui représente un biais de sélection en faveur
du mothership, car environ 20 % des patients avec occlusion proximale thrombolysés en drip
and ship ont eu une recanalisation complète au moment de l’artériographie d’évaluation [34].
Au sein de STRATIS, la stratégie drip and ship conduisait à une recanalisation retardée de deux
heures (délai médian symptômes-recanalisation 311 contre 202 minutes, p < 0,001), et une plus
faible proportion de patients indépendants à 3 mois (52 % contre 60 %, p = 0,02). Ce plus
mauvais pronostic pour les patients drip and ship semblait exclusivement expliqué par le facteur
temporel, sans effet « UNV de recours » indépendant, ni facteur de confusion manifeste. Les
auteurs ont par ailleurs modélisé que pour les patients situés à moins de 32 km d’une UNV de
recours, le mothership correspondrait à retarder la thrombolyse intraveineuse de 7 minutes par
rapport au drip and ship, mais permettrait de réaliser une thrombectomie 94 minutes plus
tôt [35].

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une étude randomisée, ces données semblent plaider fortement en
faveur du mothership. Cependant, adresser en pratique courante tous les patients avec suspicion
d’AVC vers une UNV de recours semble actuellement difficilement envisageable, du fait d’un
risque important de surcharge de ces unités, et du retard au traitement que cela entraînerait
pour tous les patients qui ont une indication à la thrombolyse mais pas à la thrombectomie.

Proportion de patients éligibles, conséquences


pour l’UNV de recours
Parmi les patients admis en UNV pour une suspicion d’AVC datant de moins de 6 h, seuls 60 %
présentent un IC (Figure 1) [36, 37]. Parmi ces derniers, 35 à 40 % seulement seront éligibles à
la thrombolyse intraveineuse, et environ 15 % à une thrombectomie [36, 37]. Au total, seuls 5
à 10 % des patients pour lesquels un AVC de moins de 6 h est suspecté lors de la régulation
téléphonique ont une indication à une thrombectomie. La récente démonstration d’un bénéfice
majeur de la thrombectomie jusqu’à 24 h après le dernier moment auquel le patient a été vu
sans symptômes rend, en outre, l’application systématique du mothership encore plus difficile-
ment tenable en pratique courante. En effet, les critères d’inclusion des études ayant démontré
un intérêt de la thrombectomie dans cette fenêtre horaire étaient extrêmement stricts et néces-
sitaient une imagerie multimodale [27, 38]. Ainsi, au sein de l’étude DAWN, moins de 2 % des
patients avec un IC et vus sans symptômes depuis moins de 24 h remplissaient les critères
d’inclusion. Compte tenu de ces éléments, plusieurs équipes ont développé des scores cliniques
visant à identifier en préhospitalier la présence d’une occlusion artérielle proximale, avec l’objectif
d’appliquer la stratégie mothership pour ces patients, et drip and ship pour les autres.

20 /
Prise en charge préhospitalière et admission

FIGURE 1 Proportion de patients éligibles à un traitement de reperfusion.

IC : infarctus cérébraux ; AIT : accident ischémique transitoire ; UNV : unité neurovasculaire.

Identification préhospitalière des candidats


à la thrombectomie
À ce jour, aucune association de signes cliniques ou score clinique n’a démontré sa supériorité
par rapport au score NIHSS pour prédire une occlusion artérielle proximale [39]. Le NIHSS est
donc considéré comme le gold standard pour la prédiction clinique d’une occlusion proximale.
Cependant, son utilisation pour le triage préhospitalier suppose le choix d’un seuil, ce qui n’est
pas trivial car le seuil optimal pour prédire une occlusion proximale dépend fortement du délai
écoulé depuis l’apparition des symptômes et du territoire artériel (circulation antérieure ou
postérieure) [40]. Même en ne prenant en compte que les études portant sur les infarctus céré-
braux de moins de 6 h au sein de la circulation antérieure, le seuil de NIHSS jugé optimal (à
l’intersection des courbes de sensibilité et de spécificité) varie de 6 à 14 [32]. Par ailleurs, bien
que certaines équipes du Samu utilisent cette échelle en intervention, le NIHSS reste peu adapté
à la prise en charge préhospitalière car il est relativement chronophage (8 minutes en moyenne
[41]) et difficile à réaliser, notamment pour un personnel non spécifiquement formé [36, 42].
De nombreuses échelles alternatives, qui correspondent quasi exclusivement à des versions sim-
plifiées du NIHSS, ont été récemment proposées [36, 43-47]. Les items du NIHSS les plus fré-
quemment associés à la présence d’une occlusion proximale dans la littérature sont la déviation
spontanée du regard, l’existence d’une paralysie faciale, d’un déficit moteur d’un membre supé-
rieur, et les troubles de la parole. Les caractéristiques, forces et faiblesse de 6 échelles récemment
publiées sont présentées dans la Figure 2. Parmi ces échelles, RACE (Rapid Arterial oCclusion
Evaluation, Tableau II) est celle ayant fait l’objet de la validation la plus sérieuse, réalisée pros-
pectivement en préhospitalier avec un personnel paramédical (paramedics) au sein d’une popu-
lation comportant non seulement des patients victimes d’un IC, mais aussi d’hémorragie céré-
brale ou de stroke mimics [36]. Cette échelle nécessite cependant une formation spécifique [36],
et la faisabilité de sa réalisation par un personnel secouriste n’a pas été spécifiquement évaluée.
Plusieurs évaluations comparatives de ces différentes échelles ont été réalisées, notamment au
sein d’une étude australienne dont la population était peu sélectionnée (alertes thrombo-
lyses ^ 6 h, prévalence d’une occlusion proximale de 15 %) [48]. À partir des items du NIHSS
réalisé par un neurologue à l’arrivée du patient aux urgences, les scores de 5 échelles (RACE(36),
LAMS(47), FAST-ED(45), PASS(43) et CPSS(44)) étaient reconstitués. Bien que certaines échelles
soient plus complexes que d’autres (Figure 2), leurs performances diagnostiques étaient tout à

/ 21
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

fait comparables. En particulier, la sensibilité et la spécificité de RACE (échelle sur 9 points,


seuil 6 5) étaient respectivement de 66 % et 90 %, et celle de PASS (échelle sur 3 points,
seuil 6 2) étaient respectivement de 71 et 84 %. Ces résultats suggèrent tout d’abord que
l’utilisation d’un tel outil pourrait effectivement permettre d’améliorer le triage préhospitalier,
car la proportion de classification correcte (accuracy) de ces échelles était de plus de 80 %.
Cependant, elles présentent un taux de faux négatifs (1 – sensibilité) non négligeable. Ainsi,
l’application des seuils publiés (qui privilégient un compromis entre sensibilité et spécificité)
pour le triage préhospitalier conduirait à adresser jusqu’à 30 % des patients ayant une occlusion
artérielle proximale vers l’UNV de proximité [32, 49]. Ces patients nécessiteront ensuite un
transfert secondaire pour pouvoir bénéficier d’une thrombectomie, entraînant un retard à la
reperfusion cérébrale d’une à deux heures, et probablement un moins bon pronostic fonctionnel
[35]. Si l’on voulait limiter ce risque en fixant le taux de faux négatifs à 10 % ou moins [50], les
seuils à utiliser pour les échelles RACE et PASS seraient respectivement 6 1 et 6 0, ce qui
correspondrait schématiquement à adresser tous les patients présentant des symptômes persis-
tants vers l’UNV de recours [32]. Ces limites ne doivent cependant pas être considérées comme
rédhibitoires pour l’utilisation d’une échelle clinique pour le triage préhospitalier, car on ne peut
naturellement attendre d’un tel outil les mêmes performances que celles de l’imagerie cérébrale.
De plus, une proportion importante des patients adressés vers l’UNV de proximité malgré une
occlusion proximale auront probablement un score NIHSS très bas, situation clinique dans
laquelle le bénéfice de la thrombectomie n’est pas à ce jour formellement démontré [51]. En
outre, ces patients auront plus souvent une occlusion plus distale (segment M2), pour laquelle
la probabilité de reperfusion précoce après thrombolyse intraveineuse seule est plus fréquente,
d’environ 40 % [33]. L’essai randomisé RACECAT, actuellement en cours en Catalogne, devrait
FIGURE 2 Comparaison des échelles d’identification de l’occlusion artérielle proximale.

22 /
TABLEAU II ▼ Échelles préhospitalières d’identification des patients présentant une occlusion artérielle proximale.
RACE PASS G-FAST

Items Points Items Points Items Points


(/9) (/3) (/4)

Paralysie faciale Questions (« En quel mois Déviation du regard


– Absente 0 sommes-nous ? » ; « Quel est votre âge ? ») – Non 0
– Légère 1 – Réponse correcte aux 2 questions 0 – Oui 1
– Modérée ou sévère 2 – Réponse incorrecte à au moins 1 question 1
Paralyse faciale
Déficit moteur du membre supérieur Déviation du regard – Non 0
– Absent ou léger 0 – Non 0 – Oui 1
– Modéré 1 – Oui 1
– Sévère 2 Déficit moteur du membre supérieur
Déficit moteur du membre supérieur – Non 0
Déficit moteur du membre inférieur – Non 0 – Oui 1
– Absent ou léger 0 – Oui 1
– Modéré 1 Trouble de la parole
– Sévère 2 – Non 0
– Oui 1
Déviation de la tête et des yeux
– Absente 0
– Présente 1

Parmi les deux items suivants, un seul doit


être côté : aphasie en cas d’hémiparésie
droite ; agnosie en cas d’hémiparésie
gauche.

Aphasie (« fermez les yeux » ; « serrez le


poing »)
– Exécute les 2 tâches correctement 0
– Exécute 1 tâche correctement 1
– N’exécute pas correctement les 2 tâches 2

Agnosie (reconnaître son bras ; être


conscient de son déficit)
– Exécute les 2 tâches correctement 0
– Exécute 1 tâche correctement 1
– N’exécute pas correctement les 2 tâches 2

/ 23
Prise en charge préhospitalière et admission
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

permettre de déterminer formellement si l’envoi direct en UNV de recours des patients avec un
score RACE 6 4 permet d’améliorer le pronostic fonctionnel des patients présentant une suspi-
cion d’infarctus cérébral de moins de 8 h. D’autres essais randomisés sont planifiés, notamment
avec l’échelle PASS au Danemark. En attendant les résultats de ces études, les recommandations
divergent quant à l’emploi de ces échelles pour le triage préhospitalier [52-54].

Environnement urbain et rural


La prise en compte de l’environnement local est un élément fondamental du triage préhospitalier.
Par rapport au milieu rural, le temps de transport jusqu’à une UNV de recours est souvent bien
inférieur en milieu urbain. De plus, les grandes agglomérations disposent fréquemment d’au
moins deux UNV de recours. Ces éléments peuvent favoriser l’emploi plus permissif d’une stra-
tégie mothership en milieu urbain, permettant de limiter le nombre de patients adressés vers
une UNV de proximité malgré l’existence d’une occlusion artérielle proximale. À l’inverse, en
milieu rural, la stratégie mothership pourrait être appliquée uniquement à des patients plus
sélectionnés, car elle aboutirait à retarder de manière plus importante l’initiation de la throm-
bolyse, et serait associée à un risque plus important de surcharge de l’unique UNV de recours
pour des patients qui n’auront pas besoin d’une thrombectomie. Le choix d’une échelle ou d’un
seuil plus sensible pour la détection d’une occlusion proximale pourrait ainsi être envisagé en
milieu urbain, tandis qu’un outil plus spécifique pourrait être proposé en milieu rural [7]. Une
récente étude de simulation suggère que la stratégie drip and ship est supérieure au mothership
dans la plupart des scénarios si le temps de transport entre l’UNV de proximité et l’UNV de
recours est de 90 minutes ou plus, ce qui correspond à la situation de certaines zones rurales
[55]. Dans l’hypothèse d’un temps de transport entre ces deux unités de 30 minutes ou moins
(zone urbaine), le drip and ship n’était supérieur au mothership que si le délai entre l’arrivée du
patient à l’UNV de proximité et le début de la thrombolyse (door-to-needle time) était de
30 minutes ou moins [55, 56].

Autres paramètres
Plusieurs autres éléments peuvent influencer le triage préhospitalier. Si l’âge avancé ne justifie
pas en lui-même de récuser un patient pour un traitement de reperfusion [4, 6], la présence de
comorbidités importantes ou d’un important handicap préexistant est à prendre en compte car
ces éléments faisaient partie des critères d’exclusion de la plupart des essais de thrombectomie
[27, 30, 57-59]. Par ailleurs, la prise d’un anticoagulant incite certaines équipes à adresser le
patient directement en UNV de recours, car une anticoagulation efficace contre-indique la throm-
bolyse intraveineuse mais pas la thrombectomie [25], et certains patients ayant une hémorragie
cérébrale importante sous anticoagulants peuvent relever d’un traitement neurochirurgical. Enfin,
certaines équipes ont récemment décidé d’adresser directement en UNV de recours tous les
patients pour lesquels l’horaire de début des symptômes est inconnu, du fait de la démonstration
récente d’un bénéfice majeur de la thrombectomie au sein de l’étude DAWN [27] tandis qu’aucun
essai randomisé n’a pour l’instant démontré de bénéfice de la thrombolyse dans cette indication.
Cependant, il faut rappeler que les patients de l’étude DAWN étaient extrêmement sélectionnés,
sur la base d’une occlusion proximale associée à un important mismatch clinico-radiologique
(déficit neurologique sévère et cœur nécrotique de faible taille). En outre, la thrombolyse intra-
veineuse chez les patients présentant une ischémie cérébrale d’horaire inconnu est réalisée en
pratique courante au sein de nombreuses UNV sur la base d’un mismatch FLAIR-Diffusion
(ischémie visible en séquence de diffusion mais pas en séquence FLAIR, suggérant un début de
moins de 4 h 30 [60]). Cette approche a fait l’objet d’un essai randomisé, WAKE-UP Stroke, dont

24 /
Prise en charge préhospitalière et admission

les résultats devraient être prochainement révélés [61]. Dans l’intervalle, il paraît essentiel
d’orienter les patients pour lesquels le début des symptômes est inconnu vers une UNV habituée
à réaliser une imagerie multimodale en urgence (IRM cérébrale, ou bien angioscanner associé à
un scanner de perfusion).

Les paragraphes précédents illustrent la complexité d’orienter de manière optimale un patient


présentant une suspicion d’AVC aigu. Afin d’aider à la prise de décision, une application pour
smartphone a été récemment proposée, intégrant les paramètres suivants : délai depuis l’appa-
rition des symptômes, prise d’un anticoagulant, probabilité d’une occlusion artérielle proximale
(évaluée par une échelle clinique simple), délais intrahospitaliers (door-to-needle time), temps
de transport réels (GPS), et nombre de places d’hospitalisations disponibles [62]. Cependant, le
réel intérêt pratique d’une telle approche nécessite d’être évalué prospectivement.

L’admission du patient suspect d’AVC aigu doit être anticipée dès l’appel téléphonique du
médecin régulateur du Samu, ce qui permet de réduire significativement le door-to-needle time
et le délai entre apparition des symptômes et traitement de reperfusion [8, 63, 64]. Le neurologue
doit prévenir sans délai le radiologue de garde, ainsi que l’équipe soignante. Le neuroradiologue
interventionnel doit également être informé en cas de suspicion d’occlusion artérielle proximale.
L’accueil du patient doit être effectué directement en imagerie afin de réduire au maximum les
délais de prise en charge [65]. Il est préférable que le scanner ou l’IRM soient libres au moment
de l’arrivée du patient. L’accueil d’un patient arrivant en alerte AVC est généralement réalisé par
le neurologue, qui va recueillir les éléments médicaux fournis par le secouriste ou le médecin
ayant assuré le transport, interroger rapidement le patient et si besoin son entourage pour
obtenir des précisions sur l’horaire de début des symptômes, le traitement médicamenteux en
cours, et rechercher une contre-indication aux traitements de reperfusion [18]. Le neurologue
va effectuer un examen clinique très bref, qui se limite généralement à la réalisation de l’échelle
NIHSS et à un examen cardiopulmonaire. Parallèlement, l’infirmier va mesurer la pression arté-
rielle aux deux bras, la fréquence cardiaque, la glycémie capillaire, prélever un bilan sanguin (au
minimum : NFS, plaquettes, ionogramme sanguin, créatininémie, TP, TCA) et poser une voie
veineuse périphérique. Le manipulateur d’électroradiologie va rechercher une contre-indication
à l’IRM ou à l’angioscanner. Le prélèvement sanguin doit être immédiatement envoyé au labo-
ratoire par coursier. Idéalement, l’ensemble de ces étapes doit durer moins de 20 minutes, pour
permettre un door-to-needle time de moins de 45 minutes (et dans tous les cas strictement
inférieur à 60 minutes) à l’issue de l’imagerie et de la préparation du thrombolytique [11, 28,
56].

Dans certains centres, l’accueil des patients suspects d’AVC aigu avec une forte probabilité
d’occlusion artérielle proximale est effectué directement en salle de neuroradiologie interven-
tionnelle, où la réalisation d’un scanner permet d’écarter une hémorragie cérébrale [66, 67]. Ce
type de prise en charge, actuellement marginal, est critiquable compte tenu de la faible propor-
tion des alertes thrombolyse/thrombectomie qui auront réellement une indication à la throm-
bectomie (Figure 1) et de l’importance de l’expertise clinique dans la prise en charge aiguë des
AVC et des stroke mimics.

/ 25
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

De nombreuses pistes de recherche sont en cours d’évaluation ou envisagées dans le domaine


de la prise en charge préhospitalière des AVC. Bien que négative, l’étude FAST-MAG a montré
la faisabilité d’un essai randomisé évaluant l’administration préhospitalière d’un traitement neu-
roprotecteur chez les patients présentant une suspicion d’AVC [18]. Plusieurs stratégies, médi-
camenteuses ou non, visant à « geler » le tissu en pénombre ischémique en attendant une
reperfusion sont en cours d’évaluation et pourraient être testée en préhospitalier à la condition
de ne pas risquer d’aggraver les patients ayant une hémorragie cérébrale ou un stroke mimic
[68]. D’autres approches, visant à favoriser la lyse du thrombus artériel, pourraient être évaluées
en préhospitalier si leur effet n’est pas purement synergique de la thrombolyse intraveineuse et
qu’il n’augmente pas le risque d’hémorragie intracérébrale [69].

UNV mobiles
Deux essais randomisés allemands, réalisés avant la démonstration du bénéfice de la thrombec-
tomie, ont évalué la stratégie de « transporter l’hôpital vers le patient », en utilisant une UNV
mobile. Les investigateurs ont ainsi conçu une ambulance équipée d’un scanner, d’un laboratoire
de première nécessité et d’une solution de télémédecine, afin de pouvoir réaliser une thrombolyse
intraveineuse directement sur le lieu de prise en charge du patient suspect d’IC. La première
étude, conduite en milieu semi-rural chez 100 patients, a montré que comparé à la prise en charge
habituelle, le déploiement d’une UNV mobile avec un médecin formé à la prise en charge des
AVC, un neuroradiologue et un infirmier, permettait une réduction absolue de 41 minutes du délai
médian entre appel des secours et décision thérapeutique concernant la thrombolyse [70]. La
deuxième étude, conduite à Berlin et impliquant une équipe dédiée composée d’un neurologue
vasculaire, un manipulateur radio et un chauffeur-conducteur ambulancier, a démontré une réduc-
tion de 25 minutes du délai moyen entre appel aux secours et thrombolyse intraveineuse grâce
à l’UNV mobile [71]. L’UNV mobile a par ailleurs permis une augmentation importante de la
proportion de patients bénéficiant d’une thrombolyse intraveineuse pour un IC (33 % contre 21 %,
soit une augmentation relative de 57 %) [71]. Bien que ces études ne permettent pas, en raison
de leur effectif ou de données manquantes, de conclure quant au bénéfice concernant le pronostic
fonctionnel, l’utilisation d’une UNV mobile est internationalement considérée comme une stra-
tégie prometteuse [72-74]. Outre la réalisation d’une thrombolyse préhospitalière, elle peut per-
mettre, grâce à l’angioscanner embarqué, l’identification précoce des patients nécessitant une
thrombectomie, et d’organiser leur transfert directement en salle de cathétérisme [75, 76]. Les
essais randomisés en cours ou à venir devraient permettre de déterminer formellement si l’uti-
lisation d’une UNV mobile entraîne une réduction du handicap fonctionnel à l’ère du traitement
combiné thrombolyse intraveineuse-thrombectomie, et si le rapport coût/utilité de cette innova-
tion est acceptable [73]. L’UNV mobile pourrait également être intéressante pour la prise en
charge des hémorragies cérébrales, permettant de débuter très précocement un traitement anti-
hypertenseur, et d’antagoniser un traitement anticoagulant si nécessaire.

La régulation médicale téléphonique des patients présentant une suspicion d’AVC aigu est réa-
lisée par le Samu-Centre 15, selon un arbre décisionnel pouvant inclure une échelle simple d’iden-
tification de l’AVC. Dans la plupart des cas, un transport médicalisé n’est pas nécessaire, et le

26 /
Prise en charge préhospitalière et admission

moyen de transport le plus rapide sera privilégié (sapeurs-pompiers, secouristes associatifs ou


ambulance privée). Une difficulté importante de la prise en charge préhospitalière réside dans
la décision d’orientation du patient vers l’UNV de proximité ou bien directement vers l’UNV de
recours. En effet, la thrombolyse intraveineuse représente le socle du traitement de reperfusion
de l’infarctus cérébral et doit être débutée sans délai, mais la moitié des patients traités par
thrombolyse devront également être traités par thrombectomie, qui doit être débutée tout aussi
rapidement. Plusieurs échelles cliniques simples ont été proposées pour identifier en préhospi-
talier les candidats potentiels à une thrombectomie. Malgré une sensibilité imparfaite, ces
échelles pourraient être utiles pour le triage préhospitalier et certaines font l’objet d’une éva-
luation au sein d’un essai randomisé. L’accueil du patient admis en alerte AVC doit être effectué
directement en imagerie, avec le soin de réduire au maximum les délais avant l’initiation d’un
traitement de reperfusion. Plusieurs stratégies innovantes de prise en charge préhospitalière sont
en cours d’évaluation, comme l’administration de traitements neuroprotecteurs ou visant à favo-
riser la recanalisation artérielle, et le déploiement d’une unité neurovasculaire mobile permettant
la thrombolyse et la visualisation d’une occlusion artérielle proximale sur les lieux mêmes de
prise en charge du patient suspect d’AVC.

■ Références
[1] Lundelin K, Graciani A, Garcia-Puig J, et al. Knowledge [10] Glober NK, Sporer KA, Guluma KZ, et al. Acute Stroke:
of stroke warning symptoms and intended action in res- Current Evidence-based Recommendations for Prehospital
ponse to stroke in Spain : a nationwide population-based Care. West J Emerg Med 2016 ; 17 : 104-28.
study. Cerebrovasc Dis 2012 ; 34 : 161-8. [11] Jauch EC, Saver JL, Adams HP, Jr., et al. Guidelines for
[2] Jurkowski JM, Maniccia DM, Dennison BA, Samuels SJ, the early management of patients with acute ischemic
Spicer DA. Awareness of necessity to call 9-1-1 for stroke stroke: a guideline for healthcare professionals from the
symptoms, upstate New York. Prev Chronic Dis 2008 ; 5 : American Heart Association/American Stroke Association.
A41. Stroke 2013 ; 44 : 870-947.
[3] Merino JG, Luby M, Benson RT, et al. Predictors of acute [12] Brandler ES, Sharma M, Sinert RH, Levine SR. Prehos-
stroke mimics in 8,187 patients referred to a stroke service. pital stroke scales in urban environments: a systematic
J Stroke Cerebrovasc Dis 2013 ; 22 : e397-403. review. Neurology 2014 ; 82 : 2241-9.
[4] Emberson J, Lees KR, Lyden P, et al. Effect of treatment [13] De Luca A, Giorgi Rossi P, Villa GF, Stroke group Italian
delay, age, and stroke severity on the effects of intravenous Society pre hospital emergency S. The use of Cincinnati Pre-
thrombolysis with alteplase for acute ischaemic stroke: a hospital Stroke Scale during telephone dispatch interview
meta-analysis of individual patient data from randomised increases the accuracy in identifying stroke and transient
trials. Lancet 2014 ; 384 : 1929-35. ischemic attack symptoms. BMC Health Serv Res 2013 ; 13 :
[5] Saver JL, Goyal M, van der Lugt A, et al. Time to Treat- 513.
ment With Endovascular Thrombectomy and Outcomes [14] Chen S, Sun H, Lei Y, et al. Validation of the Los Angeles
From Ischemic Stroke: A Meta-analysis. JAMA 2016 ; 316 : pre-hospital stroke screen (LAPSS) in a Chinese urban emer-
1279-88. gency medical service population. PLoS One 2013 ; 8 :
[6] Goyal M, Menon BK, van Zwam WH, et al. Endovascular e70742.
thrombectomy after large-vessel ischaemic stroke: a meta- [15] Wojner-Alexandrov AW, Alexandrov AV, Rodriguez D,
analysis of individual patient data from five randomised Persse D, Grotta JC. Houston paramedic and emergency
trials. Lancet 2016 ; 387 : 1723-31. stroke treatment and outcomes study (HoPSTO). Stroke
[7] Turc G. Mothership or drip-and-ship in the era of throm- 2005 ; 36 : 1512-8.
bectomy: can we use prehospital clinical scales as a [16] Meretoja A, Putaala J, Tatlisumak T, et al. Off-label
compass? Eur J Neurol 2017 ; 24 : 543-4. thrombolysis is not associated with poor outcome in
[8] Kim DH, Nah HW, Park HS, et al. Impact of Prehospital patients with stroke. Stroke 2010 ; 41 : 1450-8.
Intervention on Delay Time to Thrombolytic Therapy in a [17] Gensicke H, Strbian D, Zinkstok SM, et al. Intravenous
Stroke Center with a Systemized Stroke Code Program. Thrombolysis in Patients Dependent on the Daily Help of
J Stroke Cerebrovasc Dis 2016 ; 25 : 1665-70. Others Before Stroke. Stroke 2016 ; 47 : 450-6.
[9] Berglund A, Svensson L, Wahlgren N, et al. Face Arm [18] Demaerschalk BM, Kleindorfer DO, Adeoye OM, et al.
Speech Time Test use in the prehospital setting, better in Scientific Rationale for the Inclusion and Exclusion Criteria
the ambulance than in the emergency medical communi- for Intravenous Alteplase in Acute Ischemic Stroke: A Sta-
cation center. Cerebrovasc Dis 2014 ; 37 : 212-6. tement for Healthcare Professionals From the American

/ 27
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Heart Association/American Stroke Association. Stroke [34] Gerschenfeld G, Muresan IP, Blanc R, et al. Two Para-
2016 ; 47 : 581-641. digms for Endovascular Thrombectomy After Intravenous
[19] Tirschwell DL, Longstreth WT, Jr., Becker KJ, et al. Shor- Thrombolysis for Acute Ischemic Stroke. JAMA Neurol
tening the NIH Stroke scale for use in the prehospital set- 2017 ; 74 : 549-56.
ting. Stroke 2002 ; 33 : 2801-6. [35] Froehler MT, Saver JL, Zaidat OO, et al. Interhospital
[20] Nazliel B, Starkman S, Liebeskind DS, et al. A brief pre- Transfer Before Thrombectomy Is Associated With Delayed
hospital stroke severity scale identifies ischemic stroke Treatment and Worse Outcome in the STRATIS Registry
(Systematic Evaluation of Patients Treated With Neuro-
patients harboring persisting large arterial occlusions. Stroke
thrombectomy Devices for Acute Ischemic Stroke). Circula-
2008 ; 39 : 2264-7.
tion 2017 ; 136 : 2311-21.
[21] European Stroke Organisation Executive C, Committee
[36] Perez de la Ossa N, Carrera D, Gorchs M, et al. Design
ESOW. Guidelines for management of ischaemic stroke and
and validation of a prehospital stroke scale to predict large
transient ischaemic attack 2008. Cerebrovasc Dis 2008 ; 25 :
arterial occlusion: the rapid arterial occlusion evaluation
457-507.
scale. Stroke 2014 ; 45 : 87-91.
[22] Rowat AM, Dennis MS, Wardlaw JM. Hypoxaemia in
[37] Vanacker P, Lambrou D, Eskandari A, Mosimann PJ,
acute stroke is frequent and worsens outcome. Cerebrovasc
Maghraoui A, Michel P. Eligibility and Predictors for Acute
Dis 2006 ; 21 : 166-72.
Revascularization Procedures in a Stroke Center. Stroke
[23] Runchey S, McGee S. Does this patient have a hemor- 2016 ; 47 : 1844-9.
rhagic stroke?: clinical findings distinguishing hemorrhagic
[38] Albers GW, Marks MP, Kemp S, et al. Thrombectomy
stroke from ischemic stroke. JAMA 2010 ; 303 : 2280-6.
for Stroke at 6 to 16 Hours with Selection by Perfusion
[24] Hacke W, Kaste M, Bluhmki E, et al. Thrombolysis with Imaging. N Engl J Med 2018 ; doi : 10.1056/NEJMoa
alteplase 3 to 4.5 hours after acute ischemic stroke. N Engl 1713973.
J Med 2008 ; 359 : 1317-29.
[39] Vanacker P, Heldner MR, Amiguet M, Faouzi M, Cras P,
[25] Powers WJ, Derdeyn CP, Biller J, et al. 2015 AHA/ASA Ntaios G, et al. Prediction of Large Vessel Occlusions in
Focused Update of the 2013 Guidelines for the Early Mana- Acute Stroke: National Institute of Health Stroke Scale Is
gement of Patients With Acute Ischemic Stroke Regarding Hard to Beat. Crit Care Med 2016 ; 44 : e336-343.
Endovascular Treatment: A Guideline for Healthcare Profes- [40] Heldner MR, Zubler C, Mattle HP, et al. National Ins-
sionals From the American Heart Association/American titutes of Health stroke scale score and vessel occlusion in
Stroke Association. Stroke 2015 ; 46 : 3020-35. 2152 patients with acute ischemic stroke. Stroke 2013 ; 44 :
[26] Wahlgren N, Moreira T, Michel P, et al. Mechanical 1153-7.
thrombectomy in acute ischemic stroke: Consensus state- [41] Van Hooff RJ, De Smedt A, De Raedt S, et al. Unas-
ment by ESO-Karolinska Stroke Update 2014/2015, sup- sisted assessment of stroke severity using telemedicine.
ported by ESO, ESMINT, ESNR and EAN. Int J Stroke 2016 ; Stroke 2013 ; 44 : 1249-55.
11 : 134-47.
[42] Fischer U, Arnold M, Nedeltchev K, et al. NIHSS score
[27] Nogueira RG, Jadhav AP, Haussen DC, et al. Throm- and arteriographic findings in acute ischemic stroke. Stroke
bectomy 6 to 24 Hours after Stroke with a Mismatch bet- 2005 ; 36 : 2121-5.
ween Deficit and Infarct. N Engl J Med 2018 ; 378 : 11-21.
[43] Hastrup S, Damgaard D, Johnsen SP, Andersen G. Pre-
[28] Powers WJ, Rabinstein AA, Ackerson T, et al. 2018 Gui- hospital Acute Stroke Severity Scale to Predict Large Artery
delines for the Early Management of Patients With Acute Occlusion: Design and Comparison With Other Scales.
Ischemic Stroke: A Guideline for Healthcare Professionals Stroke 2016 ; 47 : 1772-6.
From the American Heart Association/American Stroke
[44] Katz BS, McMullan JT, Sucharew H, Adeoye O, Brode-
Association. Stroke 2018 [Epub ahead of print].
rick JP. Design and validation of a prehospital scale to pre-
[29] Berkhemer OA, Fransen PS, Beumer D, et al. A rando- dict stroke severity: Cincinnati Prehospital Stroke Severity
mized trial of intraarterial treatment for acute ischemic Scale. Stroke 2015 ; 46 : 1508-12.
stroke. N Engl J Med 2015 ; 372 : 11-20.
[45] Lima FO, Silva GS, Furie KL, et al. Field Assessment
[30] Campbell BC, Mitchell PJ, Kleinig TJ, et al. Endovascular Stroke Triage for Emergency Destination: A Simple and
therapy for ischemic stroke with perfusion-imaging selec- Accurate Prehospital Scale to Detect Large Vessel Occlusion
tion. N Engl J Med 2015 ; 372 : 1009-18. Strokes. Stroke 2016 ; 47 : 1997-2002.
[31] Société Française de Neuroradiologie. La thrombec- [46] Scheitz JF, Abdul-Rahim AH, MacIsaac RL, et al. Clinical
tomie : état des lieux et carte interactive. www.sfnr.net/ Selection Strategies to Identify Ischemic Stroke Patients
neuroradiologie-quotidien/thrombectomie/la-thrombec- With Large Anterior Vessel Occlusion: Results From SITS-
tomie/etat-lieux-carte-interactive ISTR (Safe Implementation of Thrombolysis in Stroke Inter-
[32] Turc G, Maier B, Naggara O, et al. Clinical Scales Do national Stroke Thrombolysis Registry). Stroke 2017 ; 48 :
Not Reliably Identify Acute Ischemic Stroke Patients With 290-7.
Large-Artery Occlusion. Stroke 2016 ; 47 : 1466-72. [47] Kim JT, Chung PW, Starkman S, et al. Field Validation
[33] Seners P, Turc G, Maier B, Mas JL, Oppenheim C, Baron of the Los Angeles Motor Scale as a Tool for Paramedic
JC. Incidence and Predictors of Early Recanalization After Assessment of Stroke Severity. Stroke 2017 ; 48 : 298-306.
Intravenous Thrombolysis: A Systematic Review and Meta- [48] Zhao H, Coote S, Pesavento L, et al. Large Vessel Occlu-
Analysis. Stroke 2016 ; 47 : 2409-12. sion Scales Increase Delivery to Endovascular Centers

28 /
Prise en charge préhospitalière et admission

Without Excessive Harm From Misclassifications. Stroke [62] Nogueira RG, Silva GS, Lima FO, et al. The FAST-ED
2017 ; 48 : 568-73. App : A Smartphone Platform for the Field Triage of Patients
[49] Heldner MR, Hsieh K, Broeg-Morvay A, et al. Clinical With Stroke. Stroke 2017 ; 48 : 1278-84.
prediction of large vessel occlusion in anterior circulation [63] Meretoja A, Strbian D, Mustanoja S, Tatlisumak T,
stroke: mission impossible? J Neurol 2016 ; 263 : 1633-40. Lindsberg PJ, Kaste M. Reducing in-hospital delay to 20
[50] Michel P. Prehospital Scales for Large Vessel Occlusion: minutes in stroke thrombolysis. Neurology 2012 ; 79 :
Closing in on a Moving Target. Stroke 2017 ; 48 : 247-9. 306-13.
[51] Dargazanli C, Arquizan C, Gory B, et al. Mechanical [64] Casolla B, Bodenant M, Girot M, et al. Intra-hospital
Thrombectomy for Minor and Mild Stroke Patients Harbo- delays in stroke patients treated with rt-PA: impact of
ring Large Vessel Occlusion in the Anterior Circulation: A preadmission notification. J Neurol 2013 ; 260 : 635-9.
Multicenter Cohort Study. Stroke 2017 ; 48 : 3274-81.
[65] Girot M, Marc JB, Wiel E, et al. Impact on patient mana-
[52] Pride GL, Fraser JF, Gupta R, et al. Prehospital care gement of the implementation of a magnetic resonance
delivery and triage of stroke with emergent large vessel imaging dedicated to neurological emergencies. J Eval Clin
occlusion (ELVO): report of the Standards and Guidelines Pract 2017 ; 23 : 1180-6.
Committee of the Society of Neurointerventional Surgery.
[66] Jadhav AP, Kenmuir CL, Aghaebrahim A, et al. Interfa-
J Neurointerv Surg 2017 ; 9 : 802-12.
cility Transfer Directly to the Neuroangiography Suite in
[53] Kobayashi A, Czlonkowska A, Ford GA, et al. EAN – Acute Ischemic Stroke Patients Undergoing Thrombectomy.
ESO consensus statement and practical guidance for pre- Stroke 2017 ; 48 : 1884-9.
hospital management of stroke. Eur J Neurol 2018 ; 25 :
425-33. [67] Ribo M, Boned S, Rubiera M, et al. Direct transfer to
angiosuite to reduce door-to-puncture time in thrombec-
[54] Smith EE, Kent DM, Bulsara KR, et al. Accuracy of Pre-
tomy for acute stroke. J Neurointerv Surg 2018 ; 10 : 221-4.
diction Instruments for Diagnosing Large Vessel Occlusion
in Individuals With Suspected Stroke: A Systematic Review [68] Poli S, Baron JC, Singhal AB, Hartig F. Normobaric hype-
for the 2018 Guidelines for the Early Management of roxygenation: a potential neuroprotective therapy for acute
Patients With Acute Ischemic Stroke. Stroke 2018 [Epub ischemic stroke? Expert Rev Neurother 2017 ; 17 : 1131-4.
ahead of print]. [69] Martinez de Lizarrondo S, Gakuba C, Herbig BA, et al.
[55] Holodinsky JK, Williamson TS, Kamal N, Mayank D, Hill Potent Thrombolytic Effect of N-Acetylcysteine on Arterial
MD, Goyal M. Drip and Ship Versus Direct to Comprehensive Thrombi. Circulation 2017 ; 136 : 646-60.
Stroke Center : Conditional Probability Modeling. Stroke [70] Walter S, Kostopoulos P, Haass A, et al. Diagnosis and
2017 ; 48 : 233-8. treatment of patients with stroke in a mobile stroke unit
[56] Milne MS, Holodinsky JK, Hill MD, et al. Drip’n Ship versus in hospital: a randomised controlled trial. Lancet
Versus Mothership for Endovascular Treatment: Modeling Neurol 2012 ; 11 : 397-404.
the Best Transportation Options for Optimal Outcomes.
[71] Ebinger M, Winter B, Wendt M, et al. Effect of the use
Stroke 2017 ; 48 : 791-4.
of ambulance-based thrombolysis on time to thrombolysis
[57] Goyal M, Demchuk AM, Menon BK, et al. Randomized in acute ischemic stroke: a randomized clinical trial. JAMA
assessment of rapid endovascular treatment of ischemic 2014 ; 311 : 1622-31.
stroke. N Engl J Med 2015 ; 372 : 1019-30.
[72] Balucani C, Levine SR. The « most magical » mobile
[58] Saver JL, Goyal M, Bonafe A, et al. Stent-retriever stroke unit revolution. Neurology 2012 ; 78 : 1809-10.
thrombectomy after intravenous t-PA vs t-PA alone in
stroke. N Engl J Med 2015 ; 372 : 2285-95. [73] Audebert H, Fassbender K, Hussain MS, et al. The PRE-
hospital Stroke Treatment Organization. Int J Stroke 2017 ;
[59] Jovin TG, Chamorro A, Cobo E, et al. Thrombectomy
12 : 932-40.
within 8 hours after symptom onset in ischemic stroke.
N Engl J Med 2015 ; 372 : 2296-306. [74] Fassbender K, Grotta JC, Walter S, Grunwald IQ,
Ragoschke-Schumm A, Saver JL. Mobile stroke units for pre-
[60] Thomalla G, Cheng B, Ebinger M, et al. DWI-FLAIR mis-
hospital thrombolysis, triage, and beyond: benefits and chal-
match for the identification of patients with acute
lenges. Lancet Neurol 2017 ; 16 : 227-37.
ischaemic stroke within 4.5 h of symptom onset (PRE-
FLAIR): a multicentre observational study. Lancet Neurol [75] Cerejo R, John S, Buletko AB, et al. A Mobile Stroke
2011 ; 10 : 978-86. Treatment Unit for Field Triage of Patients for Intraarterial
[61] Thomalla G, Fiebach JB, Ostergaard L, et al. A multi- Revascularization Therapy. J Neuroimaging 2015 ; 25 :
center, randomized, double-blind, placebo-controlled trial to 940-5.
test efficacy and safety of magnetic resonance imaging- [76] Kettner M, Helwig SA, Ragoschke-Schumm A, et al. Pre-
based thrombolysis in wake-up stroke (WAKE-UP). Int J hospital Computed Tomography Angiography in Acute
Stroke 2014 ; 9 : 829-36. Stroke Management. Cerebrovasc Dis 2017 ; 44 : 338-43.

/ 29
3

Les premières unités neurovasculaires (UNV) ont vu le jour dans les années 1980. Elles repré-
sentent le cœur de l’organisation de la filière neurovasculaire. Aujourd’hui encore, l’UNV est la
structure de prise en charge qui permet d’apporter un bénéfice démontré pour le plus grand
nombre de patients.

Aux États-Unis, en 2000, la Brain Attack Coalition a proposé de définir deux types d’UNV [1] :
d’une part les UNV primaires ou Primary Stroke Center (PSC), et d’autre part les unités que l’on
pourrait qualifier de référence, les Comprehensive Stroke Centers (CSC). Selon leur définition, Les
UNV primaires ont le personnel suffisant, l’infrastructure et la formation pour stabiliser et traiter
la plupart des accidents vasculaires cérébraux (AVC) à la phase aiguë. Les unités de référence
(CSC) [2] sont, elles, définies comme un service (ou une organisation) avec le personnel médical
et paramédical adéquat, l’infrastructure, l’expertise et la formation pour diagnostiquer et traiter
des patients sévères ou complexes qui nécessitent des soins médicaux ou chirurgicaux, des exa-
mens très spécialisés ou des thérapies interventionnelles. Les patients qui peuvent bénéficier de
ces centres comprennent ceux qui ont un infarctus étendu, une hémorragie cérébrale, une cause
rare ou ceux ayant besoin d’un examen ou d’une thérapie spécialisée, ou ceux nécessitant une
prise en charge multidisciplinaire. Une autre fonction des centres de références serait aussi de
servir de recours aux UNV primaires. Une étude de 2007 [3], faisant un état des lieux des hôpitaux
ayant un CSC ou PSC en Europe, montrait que seulement 4,9 % d’entre eux remplissaient les
critères pour un CSC et 3,6 % pour un PSC. La situation a énormément évolué en 10 ans. Ces
notions d’UNV primaires et de référence sont toutefois peu utilisées en France ; on parle plutôt
d’UNV de territoire et d’UNV de recours qui recoupent en partie les notions précédentes. Elles
prennent néanmoins tout leur sens depuis le développement de la thrombectomie après les
grandes études cliniques randomisées montrant son efficacité et leur intégration dans un système
de soin gradué. De nombreuses questions restent toutefois en suspens : 1) faut-il envoyer le
patient à un PSC pour réaliser au plus vite la thrombolyse avec le risque d’allonger les délais de
thrombectomie ? (stratégie appelée drip and ship) ; 2) faut-il envoyer directement le patient à
un CSC qui pourra pratiquer à la fois la thrombolyse et la thrombectomie sans perdre le temps

/ 31
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

d’un 2e transfert mais retardant la mise en œuvre de la thrombolyse si le centre est plus éloigné
que le PSC ? (stratégie appelée mothership). Ces questions devraient être résolues dans les années
à venir. À ce jour, on dénombre 135 UNV fonctionnelles en France métropolitaine et outre-mer,
le plan AVC 2010-2014 en prévoyait 140 pour l’ensemble du territoire. Le nombre de centres
réalisant la thrombectomie et dont les UNV peuvent être assimilées à un CSC était de 37 (source
Société française de neuroradiologie – SFNR) en 2017.

Que l’UNV soit dite « de territoire » ou « de recours », elle doit, pour sa reconnaissance, res-
pecter un cahier des charges. Tout d’abord, l’UNV est un des éléments de la filière AVC intégrant
prévention, soins aigus, réadaptation et soutien médico-social. Elle doit correspondre à une unité
fonctionnelle constituée de lits de soins intensifs neurovasculaires et de lits d’hospitalisation
« classiques » dédiés. Ces lits doivent être regroupés géographiquement. En effet, afin d’opti-
miser la qualité des soins et l’utilisation des ressources hospitalières, l’organisation interne de
l’établissement doit éviter de fractionner la prise en charge des AVC en court séjour entre
plusieurs structures ou pôles médicaux ou médico-techniques. Par ailleurs, l’UNV doit faire partie
du pôle ou de la structure médicale prenant en charge les pathologies neurologiques. L’établis-
sement siège d’une UNV doit assurer l’accès sur place aux spécialités suivantes : urgences, neu-
rologie, radiologie, réanimation, cardiologie, et, sur place ou par convention avec un autre éta-
blissement : médecine physique et réadaptation, gériatrie, chirurgie vasculaire, neurochirurgie,
neuroradiologie diagnostique, neuroradiologie interventionnelle, soins palliatifs. Cette UNV est,
par ailleurs, située dans un territoire pour lequel le Schéma régional d’organisation sanitaire
(SROS) préconise l’implantation d’une ou plusieurs unités.

L’UNV vise à réduire la fréquence et la sévérité des séquelles fonctionnelles associées aux AVC.
Elle doit réaliser un véritable maillage du territoire qui l’entoure afin de réduire les délais de
prise en charge des patients AVC/AIT (accident ischémique transitoire), avec un objectif de prise
en charge par un établissement de la filière dans les 30 minutes suivant le déficit neurologique.

L’UNV doit être placée sous la responsabilité d’un médecin neurologue à la formation et
l’expérience en pathologie neurovasculaire reconnues, par exemple par la possession du DIU
de pathologie neurovasculaire, ou un équivalent européen, ou la validation des acquis de l’expé-
rience par le Conseil national pédagogique du DIU de pathologie neurovasculaire. Sur le plan
quantitatif, l’UNV doit assurer la prise en charge, à la phase initiale de leur maladie, d’au moins
300 patients par an, sans discrimination d’âge, de gravité ou de nature (accident ischémique
ou hémorragique).

Missions de l’unité neurovasculaire


L’UNV assure en permanence, 24 h/24, la prise en charge des patients présentant une pathologie
neurovasculaire aiguë, compliquée ou non d’AVC ou d’AIT (infarctus cérébral ou hémorragie
cérébrale), qui lui sont adressés notamment par le dispositif de régulation de la permanence des
soins (Samu-centre 15). Elle prodigue à ces patients l’ensemble des investigations et traitements
immédiatement nécessaires, sous la responsabilité d’un médecin neurologue présent sur place
24 h/24.

32 /
Unités neurovasculaires

L’UNV est un pôle d’expertise diagnostique et thérapeutique permettant :


■ d’effectuer un bilan diagnostique précis et précoce impliquant un accès prioritaire 24 h/24,
7 j/7, à l’imagerie cérébrale (IRM ou, à défaut, TDM cérébral avec visualisation indispensable
des vaisseaux intracrâniens, quelle que soit la modalité) et un accès rapide aux plateaux
techniques de cardiologie (échographie cardiaque transthoracique et transœsophagienne,
holter ECG) et vasculaire (échographie doppler des vaisseaux du cou et transcrânien). Cela
suppose une organisation des filières préhospitalières (urgences médicales, centre 15, hôpi-
taux sans unité spécialisée) ainsi qu’une structuration de la prise en charge intra-hospitalière ;
■ d’assurer la surveillance de l’état neurologique et des différents paramètres – pouls, ten-
sion artérielle, saturation en oxygène, température, glycémie, etc. ;
■ de prévenir au mieux les complications secondaires ;
■ d’informer et de soutenir le patient et sa famille, notamment par le biais d’un psychologue ;
■ de mettre en place, le plus précocement possible, le projet de réadaptation et de réinser-
tion du patient avec la participation des personnels paramédicaux (kinésithérapeute, ortho-
phoniste, ergothérapeute, psychomotricien, assistant sociaux), mais également grâce au pas-
sage régulier d’un médecin de médecine physique et réadaptation et d’un gériatre ;
■ d’assurer une évaluation pluriprofessionnelle des patients 4 à 6 mois après l’accident ;
■ de proposer, si nécessaire, des programmes d’éducation thérapeutique portant sur la pré-
vention des récidives et des complications secondaires par l’intermédiaire d’une infirmière
dédiée et d’une diététicienne notamment,
■ d’effectuer la formation initiale et continue des personnels médicaux et paramédicaux ;
■ de conduire et/ou de participer à des actions de recherche.

Pivot de la filière territoriale, l’UNV assure :


■ la coordination et l’animation de la filière, ce qui passe par des conventions, des protocoles,
des procédures impliquant chaque étape de la prise en charge des patients AVC ou AIT afin
que chaque acteur sache quelle est sa mission et comment la remplir, en maximisant les
chances de récupération et de retour à domicile du patient ;
■ l’optimisation de la prise en charge des patients victimes d’AVC ou d’AIT en raccourcissant
au maximum le délai d’accès au diagnostic initial et au traitement, ce qui peut impliquer
l’utilisation de la télémédecine. En effet, pour des patients habitant à plus de 30 minutes
d’une UNV, la thrombolyse peut être réalisée dans des établissements disposant d’un service
de médecine d’urgence ouvert 24 h/24 avec une équipe de médecins formée et un accès
direct au plateau d’imagerie : IRM ou scanner (à défaut) à condition qu’il existe une liaison
par télémédecine avec l’UNV permettant de réaliser des actes de télémédecine (télé-
diagnostic et accompagnement de l’acte de thrombolyse). Dans la mesure du possible, le
patient sera adressé ensuite à l’UNV de territoire pour un bilan neurologique et multidis-
ciplinaire global dans le délai le plus court possible. Les modalités et les conditions de
transfert seront concertées entre l’UNV et les équipes de proximité mais doivent être, sauf
exceptions du fait de temps de transport très courts (par exemple Paris intramuros), médi-
calisés. L’information du grand public concernant l’appel au 15 en cas de suspicion d’AVC
ou d’AIT permet également de réduire les délais ;
■ l’optimisation de la prise en charge des patients victimes d’AVC ou d’AIT en raccourcissant
au maximum le délai d’accès aux services de soins de suite (service de soins de suite et
réadaptation neurologiques – SSR, gériatriques, unités de soins de longue durée – USLD,
établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD, maisons
d’accueil spécialisées – MAS, foyers d’accueil spécialisés – FAM) en renforçant les liens entre
les établissements au travers de conventions et de protocoles communs ;
■ l’amélioration des conditions de retour et du maintien au domicile, en faisant éventuel-
lement appel aux équipes mobiles réadaptation-réinsertion ainsi qu’aux professionnels

/ 33
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

libéraux, en association éventuelle avec les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD),
les services de soins à domicile, les hospitalisations à domicile (HAD), les structures et
services pour personnes handicapées (services d’accompagnement médico-social – SAMSAH,
services d’accompagnement à la vie sociale – SAVS, maisons départementales des personnes
handicapées – MDPH), les structures et services pour personnes âgées (réseaux géronto-
logiques, missions d’accueil et d’information des associations – MAIA), centres locaux d’infor-
mation et de coordination (CLIC), etc. ;
■ une mission d’expertise et de formation pour l’ensemble des professionnels impliqués
dans la prise en charge des AVC, sans oublier les médecins généralistes qui ont un rôle
essentiel dans l’AVC, que ce soit en prévention primaire (tabac, hypertension artérielle,
diabète, cholestérol, etc.) ou secondaire.

Pour la réalisation de ces missions, les modalités du recours au plateau technique, à l’intervention
et à l’expertise des médecins spécialistes (notamment les neuroradiologues et les neuro-
chirurgiens) et des personnels paramédicaux impliqués dans la prise en charge des AVC, au sein
et en dehors de l’établissement, doivent être formalisées dans un protocole ou une convention.
Ce document doit être validé et cosigné par l’ensemble des acteurs concernés.

Capacité
Il convient de distinguer la capacité de l’unité de soins intensifs neurovasculaires (USINV) de
celle de l’unité de lits classiques dédiés (UNV-non soins intensifs – UNV-nonSI). Le calcul de la
capacité en lits d’une UNV repose sur un certain nombre de données :
■ l’incidence annuelle des AVC et AIT dans l’aire géographique considérée (environ
140 000 AVC ou AIT en France en 2009 pour une population d’environ 65 millions d’habi-
tants [4]) ;
■le coefficient moyen d’occupation optimal, qui est de 90 % en USINV et de 95 % en
UNV-nonSI ;
■ la durée moyenne de séjour idéale qui est de 3 jours en USINV et de 7 jours en UNV-nonSI ;
■le pourcentage de patients ne souffrant pas d’une pathologie vasculaire pris en charge en
USINV ou UNV-nonSI (environ 5 % pour chaque structure).

À partir de ces données, la capacité en lits nécessaires à la prise en charge de l’ensemble des
patients AVC/AIT est d’environ 2,1 lits de soins intensifs pour 100 000 habitants et d’environ
4,6 lits traditionnels dédiés pour 100 000 habitants. Notons, que selon les établissements, et
notamment selon le nombre de médecins de l’UNV pouvant assurer la permanence des soins,
les lits de soins intensifs neurovasculaires peuvent être implantés soit à proximité des lits clas-
siques dédiés AVC dans le service de neurologie, soit à proximité immédiate d’une unité de
spécialité différente disposant d’une permanence médicale (réanimation, unité de soins intensifs
cardiologiques, etc.). Dans ce dernier cas, une astreinte opérationnelle est assurée par l’équipe
de l’UNV. Le médecin d’astreinte doit alors pouvoir répondre immédiatement à tout appel télé-
phonique ou via la télémédecine et se rendre dans l’UNV en moins d’une heure, si nécessaire.
Il se déplace notamment pour tout AVC pouvant justifier d’une surveillance médicale rapprochée,
pour les traitements fibrinolytiques. Il sera également consulté pour les décisions concernant les
patients déjà hospitalisés. Remarquons que des UNV proches géographiquement peuvent mettre
en place une astreinte commune. Les lits classiques dédiés sont le plus souvent localisés dans
le service de neurologie ou, à défaut, dans une unité individualisée et dédiée à la prise en charge
des pathologies neurologiques au sein d’un service de médecine.

34 /
Unités neurovasculaires

Personnel et équipement d’une unité neurovasculaire


Personnel de l’unité neurovasculaire
La caractéristique de l’UNV est de réunir des médecins et des personnels paramédicaux de
plusieurs spécialités (infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, orthophonistes, psycho-
logues, ergothérapeutes, assistants sociaux), expérimentés, stables, motivés, formés à la prise en
charge spécifique des AVC et travaillant en coordination.

Cette équipe pluridisciplinaire doit être en nombre suffisant pour prendre en charge 24 h/24
tous les jours de l’année des patients atteints d’AVC.

L’équipe de l’UNV peut être constituée de personnels exerçant à titre principal au sein de l’éta-
blissement ou en dehors de celui-ci ; les modalités de leur intervention sont formalisées dans
un protocole ou une convention validés et cosignés par l’ensemble des acteurs concernés.

Le personnel de l’UNV est formé et encadré par un cadre soignant au mieux titulaire du DIU
paramédical neurovasculaire.

Les textes réglementaires ne permettent pas de quantifier la composition de l’équipe pluri-


disciplinaire en charge des patients victimes d’AVC à l’exception de celle des soins intensifs
neurovasculaires si nous la rapprochons de celle des soins intensifs cardiologiques. Pour le reste,
nous nous appuierons sur les données publiées par le groupe de travail de la SFNV sous la
direction du Dr Woimant et du Pr Hommel en actualisant les chiffres [5].

Personnel médical
Les textes réglementaires n’apportent pas de précision concernant le nombre de médecins néces-
saires dans une UNV par rapport à la capacité de cette dernière si ce n’est que ces médecins
doivent être en nombre suffisant. Toutefois, un minimum de 4 neurologues équivalents temps
plein nous paraît nécessaire au bon fonctionnement d’une unité de 27 lits comprenant 8 lits de
soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

Personnel paramédical
■ Infirmiers et aides-soignants
Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, le nombre d’infirmiers et d’aides-soignants doit être au
moins équivalent à ceux présents dans une unité de soins intensifs cardiologiques dans la mesure
où plus de malades dépendants sont pris en charge dans les unités de soins intensifs
neurologiques.

Ainsi, l’article D 712-120 du Code de santé publique stipule :

Sous la responsabilité d’un cadre infirmier, l’équipe paramédicale de l’unité de soins intensifs
cardiologiques comprend :
1. De jour, un infirmier ou une infirmière et un aide-soignant pour 4 patients.
2. De nuit, au moins un infirmier ou une infirmière pour 8 patients.

Lorsque, pour 8 patients présents la nuit, un seul infirmier ou une seule infirmière est affecté à
l’unité, est en outre prévue la présence d’un aide-soignant.

/ 35
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Pour l’UNV-nonSI (lits « classiques » dédiés), doivent être effectivement présents :


1. De jour, un infirmier ou une infirmière et 2 aides-soignants pour 10 patients.
2. De nuit, un infirmier ou une infirmière et 2 aides-soignants pour 20 patients.

■ Kinésithérapeutes

Une demi-heure de rééducation est nécessaire, dès l’admission, chaque jour, pour presque tous
les patients ayant présenté un AVC constitué, soit environ 2 kinésithérapeutes pour une unité
de 27 lits comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Orthophonistes

Une demi-heure de rééducation orthophonique est nécessaire, dès l’admission, chaque jour, pour
environ 30 à 50 % des patients ayant présenté un AVC, soit environ un orthophoniste pour une
unité de 27 lits comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Psychologues

Un bilan de troubles cognitifs d’une durée d’une demi-journée est nécessaire chez 30 % des
patients hospitalisés pour AVC.

Par ailleurs, 50 % des patients développent une dépression dans les suites d’un AVC. D’autre
part, les familles ont besoin d’un soutien psychologique.

Les besoins ont été évalués à un neuropsychologue et un psychologue pour une unité de 27 lits
comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Assistantes sociales

Leur rôle est double : orienter les patients vers une structure d’aval adaptée et permettre l’obten-
tion d’aides financières. Au minimum, une assitante sociale à mi-temps est nécessaire pour une
unité de 27 lits comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Secrétariat

Un secrétariat dédié à l’UNV chargé de l’accueil et des problèmes administratifs doit être effectif.

Équipement de l’unité neurovasculaire


L’unité de soins intensifs doit être dotée d’un poste central de surveillance et de couloirs per-
mettant le passage d’un lit ou d’un appareil de radiologie mobile. Elle doit avoir des liaisons
fonctionnelles avec les services d’urgence, d’imagerie, d’explorations ultrasonores cervicale et
transcrânienne, d’explorations cardiaque (échographie, holter ECG), de réanimation et avec le
laboratoire d’analyses biologiques.

Elle doit, en outre, posséder :


■ un module de surveillance ECG par lit avec enregistreur automatique et système de
stockage de 24 h au moins ou répétiteur central ou télémétrie ;
■ un module de mesure non invasive de pression artérielle par lit ;
■ des appareils de surveillance multiparamétrique (pouls, TA, saturomètre)/monitorage avec
report d’alarme centralisé ;
■ un saturomètre pour 2 lits ;
■ des lits à hauteur variable ;

36 /
Unités neurovasculaires

■ des fluides médicaux : apport en oxygène et prise de vide ;


■ un ECG numérisé trois pistes ;
■ un chariot avec matériel de réanimation d’urgences et un défibrillateur externe ;
■ des pousse-seringues électriques et des pompes à perfusion ;
■ des pompes à alimentation entérale ;
■ un lève-malade électrique avec option pesage ;
■ un échographe vésical portable ;
■ un appareil de doppler continu et de doppler transcrânien (l’écho-doppler cervical étant
disponible dans l’établissement) ;
■ un respirateur léger de transport.

Évaluation
Une fois crée et reconnue, l’UNV fera l’objet d’une évaluation reposant sur différents indicateurs :

■ le nombre de séjours AVC et AIT, pris en charge dans l’établissement et en UNV ;


■ l’origine géographique des patients ;
■ les modalités d’entrée des patients ;
■ la durée moyenne de séjour des AVC et des AIT ;
■ le pourcentage d’infarctus cérébraux thrombolysés ;
■ le pourcentage de retour au domicile, de transfert en soins de suite-réadaptation et de décès ;
■ le pourcentage de patients évalués entre 4 et 6 mois.

Le concept d’UNV ou de Stroke Unit (SU) des Anglo-Saxons date d’environ 40 ans. Leur objectif
est de diminuer non seulement la mortalité mais aussi de réduire le handicap moteur ou cognitif
et le risque d’institutionnalisation à court, moyen et long termes. Ces UNV, composée d’une
équipe multidisciplinaire, médicale et soignante, dédiée, compétente et spécialisée peut se
décomposer en UNV géographiquement déterminée mais aussi en unités mobiles d’intervention
qui peuvent se déplacer au sein d’une structure hospitalière, mais aussi au domicile du patient
[6], voire, plus récemment, intervenir du lieu de l’AVC jusqu’à l’hospitalisation du patient dans
la structure hospitalière appropriée d’accueil (phase préhospitalière)

Ces UNV sont généralement définies comme des entités géographiquement distinctes au sein
d’un hôpital, composées de lits spécifiquement dédiés aux patients atteints d’AVC (ou suspects
d’AVC). Elles disposent d’une équipe multidisciplinaire ayant un intérêt et une expertise pour la

/ 37
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

prise en charge des AVC. L’efficacité de ces UNV a ainsi été évaluée par de nombreuses études
randomisées contrôlées et par des études observationnelles de cohortes réalisées dans plusieurs
pays, notamment anglo-saxons et européens.

Les résultats de ces essais randomisés contrôlés ont été inclus dans 4 revues systématiques
Cochrane réalisées par la Stroke Unit Trialists’ Collaboration qui ont démontré l’efficacité de
l’hospitalisation des patients dans les UNV en comparaison avec les prises en charge
alternatives [6-10].

En réalité, déjà en 1993, une méta-analyse des essais randomisés contrôlés publiés à partir de
1962, incluant 8 études nord-américaines et européennes, pour un total de 1 586 patients, dont
766 avait été pris en charge dans une UNV et 820 dans un service non dédié spécifiquement
aux AVC, avait montré une diminution significative de la mortalité de 28 % dans les 4 premiers
mois pour les patients hospitalisés dans les UNV (OR 0,72 ; IC95 % : 0,56-0,92 ; p < 0,01) [11].
Cette diminution de mortalité, de l’ordre de 20 %, était confirmée à 12 mois (OR 0,79 ; IC95 % :
0,63-0,99 ; p < 0,05).

En 1997, une méta-analyse de 18 essais cliniques comportant 3 249 patients dont l’admission
était randomisée entre une unité spécialisée dans la prise en charge des AVC et une autre unité
de soins (unité standard de neurologie, de médecine interne ou de gériatrie) avait également
démontré, sur un suivi médian d’un an, une diminution significative de la mortalité de 17 % (OR
0,83 ; IC95 % : 0,69-0,98 ; p < 0,05), de la mortalité ou du handicap de 31 % (OR 0,69 ; IC95 % :
0,59-0,82 ; p < 0,0001) et de la mortalité ou d’une institutionnalisation de 25 % (OR 0,75 ;
IC95 % : 0,65-0,87 ; p < 0,0001) [12].

Les quatre méta-analyses Cochrane ont confirmé que les patients victimes d’AVC pris en charge
dans les UNV ont une probabilité accrue de survie, d’indépendance fonctionnelle et de retour
au domicile à un an [7-10] par rapport à une prise en charge non spécialisée.

La méta-analyse la plus récente a inclus 28 études cliniques pour un total de 5 855 patients [10].
Sur 3 994 patients, inclus dans 21 essais, la mortalité des victimes d’un AVC, à une médiane d’un
an de suivi, était significativement diminuée de 19 % (OR 0,81 ; IC95 % : 0,69-0,94 ; p = 0,005)
chez ceux initialement pris en charge en UNV par rapport aux patients hospitalisés dans des
unités ou services non dédiés [5]. De plus, la probabilité d’être indépendant (score de Rankin
modifié ^ 2 ou index de Barthel > 90) et de retour au domicile était significativement plus élevée
chez les patients traités dans les services dédiés aux victimes d’AVC. Cette méta-analyse objec-
tivait également une diminution significative des critères combinés mortalité ou institutionnali-
sation au long cours de 22 % (OR 0,78 ; IC95 % : 0,68-0,89 ; p = 0,0003) et de mortalité ou
dépendance de 21 % (OR 0,79 ; IC95 % : 0,68-0,90 ; p = 0,0007) démontrant ainsi le bénéfice des
UNV, bien que la durée d’hospitalisation ne soit pas significativement différente [10].

Par rapport à la reproductibilité de ces essais cliniques dans la pratique quotidienne, plusieurs
études observationnelles ont été menées. Une étude observationnelle italienne (Research Project
on Stroke services in Italy, PROSIT), conduite de 2000 à 2004 dans 260 hôpitaux, a comparé le
devenir à long terme de 11 572 patients victimes d’un AVC aigu et hospitalisés dans les 48 h
suivant le début des symptômes, soit en UNV (n = 4 936), soit dans un service conventionnel
(n = 6 636) [13]. Dans cette étude, les UNV étaient définies comme des services hospitaliers
ayant des lits dédiés aux patients victimes d’AVC composés d’une équipe experte, dédiée aux
AVC et constituée d’au moins un médecin et un infirmier ; le service conventionnel étant carac-
térisé par l’absence de lit et d’équipe médicale et paramédicale dédiés à la prise en charge des
AVC. Il s’agissait d’un service hospitalier où les patients victimes d’AVC étaient pris en charge
avec les autres patients (par exemple neurologiques, cardiologiques ou de médecine interne).
L’étude a confirmé que l’hospitalisation en UNV était associée à une réduction significative du
risque de la mortalité intrahospitalière de 22 % (OR : 0,78 ; IC95 % : 0,64-0,95), et à la fin du

38 /
Unités neurovasculaires

suivi de l’ordre de 20 mois, de la mortalité de 21 % (OR : 0,79 ; IC95 % : 0,68-0,91), du critère


combiné de mortalité et de dépendance (score de Rankin modifié > 2) de 19 % (OR : 0,81 ;
IC95 % : 0,72-0,91 ; p = 0,0001) et d’institutionnalisation de 15 % (OR : 0,85 ; IC95 % :
0,74-0,97). L’effet significatif sur la mortalité, surtout important à la phase intrahospitalière, se
maintenait avec le temps montrant l’importance de la prise en charge des AVC dès la phase
aiguë en UNV (Figure 1) [13].

Le bénéfice potentiel restait significatif pour tous les patients, quel que soit l’âge de début, le
type de présentation clinique, à l’exception des patients présentant à la phase aiguë des troubles
de la conscience [13].

FIGURE 1 Courbe de survie des patients admis en UNV ou en service conventionnel de


médecine [13].

De la même manière, une étude prospective multicentrique australienne, en simple aveugle,


(Stroke Care Outcomes : Providing Effective Services, SCOPES), effectuée sur une population
totale de 468 patients recrutée dans hôpitaux australiens, a montré que les recommandations
et les protocoles de soins étaient significativement davantage respectés dans les UNV géo-
graphiquement définies (75 %) que dans les unités mobiles de prise en charge des AVC (65 %)
et les services conventionnels (52 %)[14]. Cette rigueur dans la prise en charge initiale et le
respect des recommandations a pour conséquence une augmentation significative du taux de
survie à la sortie du patient (OR 3,63 ; IC95 % : 1,04-12,66 ; p = 0,043) et, à 28 semaines, une
tendance à une augmentation du taux de retour au domicile (OR 3,09 ; IC95 % : 0,96-9,87 ;
p = 0,058) ainsi qu’à une meilleure autonomie fonctionnelle (OR 2,61 ; IC95 % : 0,96-7,10 ;
p = 0,061) [14].

Une troisième étude observationnelle multicentrique suédoise incluant 14 308 patients présen-
tant un infarctus cérébral ou une hémorragie intraparenchymateuse pris en charge à la phase
aiguë dans 80 hôpitaux a montré (chez les patients indépendants au domicile avant l’AVC et
sans trouble de la vigilance à l’admission aux urgences) une diminution de la mortalité intra-
hospitalière (RR : 0,87 ; IC95 % : 0,79-0,96) et à 3 mois (RR : 0,91 ; IC95 % : 0,85-0,98) des
patients pris en charge en UNV par rapport aux services non dédiés [10]. La probabilité de retour
au domicile était plus élevée (RR : 1,06 ; IC95 % : 1,03-1,10) et l’institutionnalisation moins

/ 39
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

fréquente (RR : 0,94 ; IC95 % : 0,89-0,99). Cependant, l’amplitude du bénéfice était inférieure à
celle observée dans les méta-analyses d’essais randomisés, et aucun bénéfice n’était observé
pour les patients ayant des troubles de la vigilance à l’admission [15].

Enfin, une étude issue des données collectées sur l’année 2001 de 240 hôpitaux au Royaume-Uni
a montré des résultats similaires aux méta-analyses des études randomisées avec une diminution
de la mortalité d’environ 25 % à 30 jours pour les patients hospitalisés dans les UNV [16].

Ainsi, une revue systématique des études observationnelles, dont trois ont été menées en Europe,
a montré que, malgré la présence de possibles biais et d’une hétérogénéité, l’hospitalisation dans
les Stroke Units ou UNV était associée à un bénéfice similaire à celui démontré par les études
randomisées avec une diminution de la mortalité de 21 % (OR 0,79 ; IC95 % : 0,73-0,86 ;
p = < 0,00001) et du critère combiné de mortalité, d’institutionnalisation ou de dépendance de
23 % (OR 0,87 ; IC95 % : 0,80-0,95 ; p = 0,002) à un an [17].

De plus, le bénéfice initial et à moyen termes de la prise en charge des AVC en UNV persistait
à long terme, au-delà de 5 ans et même 10 ans, en termes de survie, d’autonomie fonctionnelle
et de probabilité de retour au domicile [10, 18, 19].

Les analyses en sous-groupes confirmaient que le bénéfice des UNV existait quels que soient
l’âge, le sexe, la sévérité de l’AVC (basée sur le score NIHSS) ou le type d’AVC (ischémique vs
hémorragique), démontrant que ces différents paramètres ne doivent pas entraîner de limitation
d’accès aux UNV.

Cependant, pour les AVC légers (index de Barthel > 50), il n’a pas été démontré de différence
significative pour la mortalité (OR 0,92 ; IC95 % : 0,64-1,31), la mortalité ou institutionnalisation
(OR 0,80 ; IC95 % : 0,59-1,08) ; mais une réduction significative de 25 % (OR 0,75 ; IC95 % :
0,58-0,96) de la dépendance [9].

À l’inverse, les patients non autonomes avant l’AVC ne semblent pas tirer bénéfice d’un séjour
en UNV sur une durée de suivi de 2 ans [20].

Les patients ayant une détérioration intellectuelle préexistante semblent moins souvent admis
en UNV que les patients cognitivement indemnes [21], mais l’absence de bénéfice d’une prise
en charge en UNV reste à prouver [22, 23].

Le bénéfice des UNV dans la prise en charge des patients victimes d’hémorragies cérébrales a
également été démontré dans des études prospectives randomisées [24] de suivi de cohortes
[25] et confirmé une méta-analyse récente [26] avec une diminution significative de la mortalité
de 21 % (RR : 0,79 ; IC95 % : 0,64-0,97) et de la mortalité et de la dépendance de 19 % (RR :
0,81 ; IC95 % : 0,471-0,92) avec une efficacité comparable à celle de la prise en charge des
infarctus cérébraux [26].

Unités mobiles intrahospitalières : ces équipes multidisciplinaires mobiles sont spécialisées dans
la prise en charge des AVC et se déplacent en général dans les différents services de l’hôpital
où se situe l’UNV géographiquement localisée mais dont la capacité s’avère insuffisante pour
accueillir l’ensemble des AVC admis aux urgences de cet hôpital. Peu d’études ont été consacrées
à leur évaluation, mais, sur des données anciennes, leur efficacité sur le décès, la dépendance
ou le risque d’institutionnalisation apparait significativement moindre que lors d’une prise en
charge initiale en UNV [27, 28].

40 /
Unités neurovasculaires

Unités mobiles préhospitalières : de nombreuses et récentes publications rapportent l’efficacité,


à la phase pré-hospitalière, d’une équipe mobile (Mobile Stroke Unit – MSU) localisée dans une
ambulance et dédiée à la prise en charge immédiate au domicile du patient supposé victime
d’un AVC selon les critères de ROSIER modifiés [29], amenant ainsi les compétences de l’UNV
au domicile du patient. Ce concept, développé en 2003, a été étudié dans de nombreux essais
à partir de 2008 [30, 31] essentiellement aux États-Unis et en Allemagne. La composition de
cette MSU est variable (paramédical, médecin spécialisé dans la prise en charge de l’AVC, neu-
roradiologue) et est équipée d’un scanner crânien et d’un laboratoire d’analyses biologiques
permettant un diagnostic précoce de l’AVC et une prise en charge initiale appropriée et notam-
ment la possibilité d’une thrombolyse dans les infarctus cérébraux [32]. Dans d’autres études,
l’équipe médicale spécialisée dans la prise en charge de l’AVC (neurologue et radiologue) était
basée à l’hôpital où se situait l’UNV « mère » géographiquement localisée, guidant ainsi la MSU
dans le diagnostic et la prise en charge adaptée de l’AVC par le biais de la télémédecine [33].
Cette nouvelle prise en charge potentielle entraîne une amélioration significative du délai d’une
prise en charge thérapeutique [32] et notamment de la thrombolyse [34], sans qu’actuellement
une différence significative sur le pronostic fonctionnel à 3 mois (Rankin 0-1) ne soit observée
par rapport à une prise en charge « classique » par l’UNV géographiquement localisée et bien
que la mortalité à 3 mois soit significativement plus basse [35].

Les UNV représentent le traitement le plus efficace des AVC à l’échelon de la population et
assurent une meilleure prise en charge des patients atteints par rapport aux services non dédiés,
comme le montre la diminution de la mortalité à court, moyen et long termes, du handicap et
du risque d’institutionnalisation [36]. Par conséquent, l’hospitalisation des AVC dans les UNV
est mentionnée avec un niveau de preuve maximal dans les recommandations de l’European
Stroke Organisation (ESO) [37] et de l’American Heart Association, y compris pour les hémorragies
intraparenchymateuses [38, 39] et les thromboses veineuses cérébrales [40].

■ Références
[1] Alberts MJ, Hademenos G, Latchaw RE, et al. Recom- [6] Woimant F. Organisation de la prise en charge des AVC.
mendations for the establishment of primary stroke In : Bousser MG, Mas JL (ed).
centers. Brain Attack Coalition. JAMA 2000 ; 283 : Accidents Vasculaires Cérébraux. Paris : Doin, 2009,
3102-9. pp. 933-47.
[2] Alberts MJ, Latchaw RE, Selman WR, et al. ; Brain Attack [7] Stroke Unit Trialist’ Collaboration. Organised inpatient
Coalition. Recommendations for comprehensive stroke cen- (stroke unit) care for stroke. Cochrane Database Syst Rev
ters: a consensus statement from the Brain Attack Coalition. 2000 ; (2) : CD000197.
Stroke 2005 ; 36 : 1597-616. [8] Stroke Unit Trialists’ Collaboration. Organised inpatient
[3] Leys D, Ringelstein EB, Kaste M, Hacke W ; Executive (stroke unit) care for stroke. Cochrane Database Syst Rev
Committee of the European Stroke Initiative. Facilities avai- 2002 ; (1) : CD000197.
lable in European hospitals treating stroke patients. Stroke [9] Stroke Unit Trialists’ Collaboration. Organised inpatient
2007 ; 38 : 2985-91. (stroke unit) care for stroke. Cochrane Database Syst Rev
[4] de Peretti C, Nicolau J, Tuppin P, et al. Acute and post- 2007 ; (4) : CD000197.
acute hospitalizations for stroke in France: recent improve- [10] Stroke Unit Trialists’ Collaboration. Organised inpa-
ments (2007-2009). Presse Med 2012 ; 41 : 491-503. tient (stroke unit) care for stroke. Cochrane Database Syst
[5] Woimant F, Hommel M, Adnet Bonte C, et al. Recom- Rev 2013 ; (9) : CD000197.
mandations pour la création d’unités neurovasculaires. Rev [11] Langhorne P, Williams BO, Gilchrist W, Howie K. Do
Neurol (Paris) 2001 ; 157 : 1447-56. stroke units save lives? Lancet 1993 ; 14 : 395-8.

/ 41
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

[12] Collaborative systematic review of the randomised trials [29] Nor AM, Davis J, Sen B, et al. The Recognition of Stroke
of organised inpatient (stroke unit) care after stroke. Stroke in the Emergency Room (ROSIER) scale: development and
Unit Trialists’ Collaboration. BMJ 1997 ; 19 (314) : 1151-9. validation of a stroke recognition instrument. Lancet
[13] Candelise L, Gattinoni M, Bersano A, Micieli G, Sterzi Neurol 2005 ; 4 : 727-73.
R, Morabito A ; PROSIT Study Group. Stroke-unit care for [30] Walter S, Kostopoulos P, Haass A, et al. Bringing the
acute stroke patients : an observational follow-up study. hospital to the patient: first treatment of stroke patients at
Lancet 2007 ; 369 : 299-305. the emergency site. PLoS One 2010 ; 5 : e13758.
[14] Cadilhac DA, Ibrahim J, Pearce DC, et al. ; SCOPES [31] Fassbender K, Grotta JC, Walter S, Grunwald IQ,
Study Group. Multicenter comparison of processes of care Ragoschke-Schumm A, Saver JL. Mobile stroke units for pre-
between Stroke Units and conventional care wards in Aus- hospital thrombolysis, triage, and beyond: benefits and chal-
tralia. Stroke 2004 ; 35 : 1035-40.
lenges. Lancet Neurol 2017 ; 16 : 227-37.
[15] Stegmayr B, Asplund K, Hulter-Asberg K, et al. Stroke
[32] Walter S, Kostopoulos P, Haass A, et al. Diagnosis and
units in their natural habitat: can results of randomized trials
treatment of patients with stroke in a mobile stroke unit
be reproduced in routine clinical practice? Riks-Stroke Col-
versus in hospital: a randomised controlled trial. Lancet
laboration. Stroke 1999 ; 30 : 709-14.
Neurol 2012 ; 11 : 397-404.
[16] Rudd AG, Hoffman A, Irwin P, Lowe D, Pearson MG.
[33] Itrat A, Taqui A, Cerejo R, et al. Telemedicine in pre-
Stroke unit care and outcome: results from the 2001
National Sentinel Audit of Stroke (England, Wales, and Nor- hospital stroke evaluation and thrombolysis: taking stroke
thern Ireland). Stroke 2005 ; 36 : 103-6. treatment to the doorstep. JAMA Neurol 2016 ; 73 : 162-8.

[17] Seenan P, Long M, Langhorne P. Stroke units in their [34] Ebinger M, Kunz A, Wendt M, et al. Eff ects of golden
natural habitat: systematic review of observational studies. hour thrombolysis: a Prehospital Acute Neurological Treat-
Stroke 2007 ; 38 : 1886-92. ment and Optimization of Medical Care in Stroke
(PHANTOM-S) substudy. JAMA Neurol 2015 ; 72 : 25-30.
[18] Indredavik B, Slørdahl SA, Bakke F, Rokseth R, Håheim
LL. Stroke unit treatment. Long-term effects. Stroke 1997 ; [35] Kunz A, Ebinger M, Geisler F, et al. Functional out-
28 : 1861-6. comes of pre-hospital thrombolysis in a mobile stroke treat-
[19] Indredavik B, Bakke F, Slordahl SA, Rokseth R, Hâheim ment unit compared with conventional care: an observa-
LL. Stroke unit treatment. 10-year follow-up. Stroke 1999 ; tional registry study. Lancet Neurol 2016 ; 15 : 1035-43.
30 : 1524-7. [36] Langhorne P, Lewsey JD, Jhund PS, et al. Estimating the
[20] Glader EL, Stegmayr B, Johansson L, Hulter-Åsberg K, P.O. impact of stroke unit care in a whole population: an epide-
Wester. Differences in long-term outcome between patients miological study using routine data. J Neurol Neurosurg Psy-
treated in stroke units and in general wards a 2-year follow-up chiatry 2010 ; 81 : 1301-5.
of stroke patients in Sweden. Stroke 2001 ; 32 : 2124-30. [37] The European Stroke Organisation (ESO) Executive
[21] Saposnik G, Cote R, Rochon PA, et al. Care and out- Committee and the ESO Writing Committee. Guidelines for
comes in patients with ischemic stroke with and without Management of Ischaemic Stroke and Transient Ischaemic
preexisting dementia. Neurology 2011 ; 11 : 1664-73. Attack 2008. Cerebrovasc Dis 2008 ; 25 : 457-507.
[22] Murao K, Bombois S, Cordonnier C, et al. Influence of [38] Steiner T, Salman RAS, Beer R, et al. European Stroke
cognitive impairment on the management of ischaemic Organisation (ESO) guidelines for the management of spon-
stroke. Rev Neurol 2014 ; 170 : 177-86. taneous intracerebral hemorrhage. Int J Stroke 2014 ; 9 :
[23] Subic A, Cermakova P, Norrving B, et al. Management 840-55.
of acute ischaemic stroke in patients with dementia. J Intern [39] Hemphill JC, Greenberg SM, Anderson CS, et al. Gui-
Med 2017 ; 281 : 358-64. delines for the management of spontaneous intracerebral
[24] Ronning OM, Guldvog B, Stavem K. The benefit of an acute hemorrhage: a guideline for healthcare professionals from
stroke unit in patients with intracranial haemorrhage: controlled the American Heart Association/American Stroke Associa-
trial. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2001 ; 70 : 631-4. tion. Stroke 2015 ; 46 : 2032-60.
[25] Diringer MN, Edwards DF. Admission to neurologic/ [40] Saposnik G, Barinagarrementeria F, Brown RD, et al. Dia-
neurosurgical intensive care units is associated with reduced gnosis and management of cerebral venous thrombosis. A state-
mortality rate after intracranial hemorrhage. Crit Care Med ment for healthcare professionals from the American Heart Asso-
2001 ; 29 : 635-40. ciation/American Stroke Association. Stroke 2011 ; 42 : 1158-92.
[26] Langhorne P, Fearon P, Ronning OM, et al. Stroke Unit
care benefits patients with intracerebral hemmorhage. Sys- Cadre juridique
tematic review and meta-analysis. Stroke 2013 ; 44 : – Loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, notam-
3044-9. ment la mesure 72 de son annexe.

[27] Kalra L, Evans A, Perez I, Knapp M, Donaldson N, Swift – Circulaire no DHOS/04/DGS/DGAS/2003/517 du 3 novembre 2003 relative à la
prise en charge des accidents vasculaires cérébraux.
CG. Alternative strategies for stroke care: a prospective ran-
domised controlled trial. Lancet 2000 ; 356 : 894-9. – Circulaire DHOS/04 no 2007-108 du 22 mars 2007 relative à la place des unités
neurovasculaires dans la prise en charge des patients présentant un accident vasculaire
[28] Langhorne P, Dey P, Woodman M, et al. Is stroke unit cérébral.
care portable? A systematic review of the clinical trials. Age – Circulaire no DGOS/R4/R3/PF3/2012/106 du 6 mars 2012 relative à l’organisation des
Ageing 2005 ; 34 : 324-30. filières régionales de prise en charge des patients victimes d’accident vasculaire cérébral (AVC).

42 /
4

L’hôpital est entré, au XXIe siècle, dans l’ère des innovations thérapeutiques et technologiques.
Les biotechnologies, les « big data », les sciences cognitives et la télémédecine (TLM) sont quatre
domaines à l’origine de l’essor fulgurant qui transforme notre système de santé et décuple son
efficacité.

La TLM permet un accès équitable aux soins « de partout et à tout moment », de l’urgence
vitale aux soins chroniques. C’est un outil décisif pour améliorer l’accès aux compétences et
combattre la désertification médicale, elle devient progressivement la principale porte d’entrée
du parcours de soins, elle permet le partage sécurisé et traçable de l’information avec respect
de la confidentialité, elle assure le partage des connaissances et des bonnes pratiques à l’ensemble
des professionnels de santé.

S’appuyant en France sur les cinq priorités nationales de déploiement de la TLM définies par
le Plan TLM de 2011-2015 [1] (imagerie, prise en charge de l’accident vasculaire cérébral
– AVC –, maladies chroniques, santé des détenus et soins dans les structures médico-sociales),
les hôpitaux se sont rapprochés les uns des autres grâce au lien construit par la TLM pour
répondre au premier défi lancé par l’entrée de l’AVC dans l’ère thérapeutique curative dont
l’efficacité est amplement démontrée depuis les années 2000. Ces traitements curatifs impo-
sent des contraintes de temps (une fenêtre thérapeutique courte) et de compétences (une
expertise neurovasculaire voire neuroradiologique interventionnelle). L’AVC s’est imposé
comme le modèle qui a réussi un maillage performant grâce à la TLM pour répondre à la
complexité de sa prise en charge.

/ 43
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Plusieurs critères font de l’AVC une maladie emblématique car conjuguant soins en urgence et
prise en charge chronique [2].
– Il est de plus en plus fréquent : 140 000 AVC surviennent en France chaque année, et le nombre
continue d’augmenter (13 % entre 2008 et 2015) malgré une prévention efficace [3], à cause
du vieillissement de la population et surtout à cause de l’augmentation de l’incidence des AVC
chez les jeunes de moins de 55 ans [4].
– Il reste grave : 10 % de décès à 1 mois ; 40 % de handicap à 1 mois ; 20 % d’évolution vers
une démence.
– Les traitements efficaces existent et ils ont fait baisser la mortalité de 20 % et augmenter le
taux de guérison totale de 20 % [2-5].

Ces constats expliquent pourquoi l’AVC est reconnu depuis 2010 par le Plan national AVC comme
une nouvelle urgence médicale [5] dont les contraintes servent de starter et de modèle à l’appli-
cation de la TLM dans la prise en charge des urgences médicales en général et de leur suivi.

La prise en charge de l’AVC est passée d’une ère contemplative à une ère de prise en charge
très active avec plusieurs étapes clé [5, 6].
– Mise en place en 2010 du Plan national AVC avec comme objectif le développement, dans
chaque région sanitaire d’Unités de soins intensifs neurovasculaires (USINV) et d’Unités neuro-
vasculaires (UNV), permettant l’admission et la prise en charge de tous les patients atteints d’un
AVC.
– Hospitalisation en urgence de tout patient suspect d’AVC après appel au centre 15, pour
détermination du type d’AVC avec la réalisation d’une imagerie en urgence, de préférence une
IRM en première intention ou à défaut un scanner cérébral [6].
– Autorisation en France en 2002 de la fibrinolyse intraveineuse par rt-PA effectuée par un
neurologue dans les 4 h 30 suivant l’installation d’un AVC ischémique avant 80 ans et dans les
3 h après 80 ans, évitant un décès ou un handicap majeur pour 4 patients traités [5, 6].
– Contrôle de la pression artérielle en cas d’AVC hémorragique et réversion des anti-
coagulants [5, 7].
– Depuis 2015 : nécessité de diagnostiquer, dès la 1re imagerie cérébrovasculaire, les occlusions
des gros troncs artériels accessibles dans les 6 h à la thrombectomie mécanique (TM) [8].
– Mise en place du Plan TLM dès 2011 avec une priorité accordée au télé-AVC afin qu’un
maximum de patients puisse accéder aux avancées thérapeutiques, notamment à la fibrinolyse,
quel que soit l’hôpital d’admission initial [1, 9-11].

44 /
Télémédecine et accident vasculaire cérébral

Déroulé de l’acte de télé-AVC [12-16]


– L’acte commence par l’activation du réseau par l’urgentiste qui ouvre la téléconsultation et
remplit la fiche-navette, le radiologue qui transfère l’image, le neurologue requis qui télé-
expertise l’imagerie cérébrale et la fiche-navette, et télé-consulte le patient. La téléconsultation
mobilise une équipe composée d’une infirmière, d’un urgentiste, d’un technicien de radiologie,
d’un radiologue et du neurologue de garde.
– Il s’agit d’un dialogue entre 2 médecins (l’urgentiste requérant et l’expert-neurologue) avec,
au centre de cette discussion, le patient. C’est un acte qui nécessite un entraînement et dont la
sécurité du diagnostic et du traitement est décuplée : le neurologue et l’urgentiste réalisent une
synthèse diagnostique et prennent une décision thérapeutique concertée (indication d’une télé-
fibrinolyse, d’une TM, d’une hémicrâniectomie, d’une prise en charge particulière, etc.). Par
exemple, ils tracent ensemble un parcours selon 4 scenarii classiques en cas de décision de
thrombolyse et qui pourront faciliter une évaluation médico-économique en l’absence de cota-
tion spécifique.

Scénario A : le malade est fibrinolysé à distance (« téléfibrinolyse ») sur le site d’urgence, puis il
est transféré, par ambulance médicalisée, pendant la perfusion de rt-PA ou après la fin de la
perfusion, vers l’USINV pour une surveillance au moins pendant 48 h permettant de prévenir et
de traiter les risques de fluctuation des déficits et les complications (hémorragie, arythmie car-
diaque, phlébite et embolie pulmonaire, fausses routes alimentaires, hyperthermie, épilepsie) et
pour effectuer le bilan étiologique et mettre en route la prévention secondaire.

Scénario B : le séjour en USINV est plus bref, et le malade repart vers le site requérant pour y
terminer le bilan étiologique et la prévention secondaire en fonction de ses moyens humains et
logistiques.

Scénario C : après la téléfibrinolyse, le patient reste sur le site requérant à condition que ce
dernier possède une structure permettant une surveillance intensive, un bilan étiologique et la
mise en route de la prévention secondaire. Cette situation doit être évitée car le passage en
UNV a bien démontré son efficacité (cf. infra).

Scénario D : quand l’infarctus n’est éligible ni à la fibrinolyse ni à la TM, si le malade est jeune,
il doit être transféré en USINV au cas où une indication de l’hémicrâniectomie soit nécessaire.
Si le malade est stable, il peut être laissé sur site à condition que le malade soit pris en charge
en soins intensifs et télésurveillé.

Télé-AVC et diagnostic des occlusions


des gros vaisseaux [17, 18]
Le télé-AVC permet facilement d’identifier les indications de la TM (occlusion proximale d’un
gros vaisseau cérébral) par la conjugaison d’un score NIH élevé et de la visualisation d’un
thrombus soit par angioscanner, soit par angio-MR. En fonction des délais, soit le patient est
adressé directement sur l’UNV de recours en lien avec la neuroradiologie interventionnelle (NRI),
soit il bénéficie sur place d’une téléfibrinolyse avant d’être transféré en NRI.

/ 45
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Télé-AVC et diagnostic des infarctus malins [11]


Le télé-AVC permet facilement d’identifier les indications de l’hémicrâniectomie en cas
d’infarctus cérébral malin par la conjugaison d’un score NIH élevé et de la visualisation d’un
volume lésionnel déterminé en scanner ou en IRM comme supérieur à 145 cm3. En fonction des
délais, le patient est soit adressé directement en neurochirurgie, soit il bénéficie d’une surveil-
lance en USINV avant la décision d’intervention.

Télé-AVC et déficits cérébraux non vasculaires


Le télé-AVC permet de détecter assez souvent des déficits cérébraux aigus non vasculaires comme
les crises d’épilepsie, les tumeurs dont le méningiome, l’hématome sous-dural, sans oublier la
migraine avec aura. Dans tous les cas, le télé-AVC répond à une autre urgence, et l’expertise
déployée est utile pour le patient [19].

De nombreuses études ont démontré que le télé-AVC était aussi efficace dans la prise en charge
des hémorragies cérébrales, en particulier grâce à un diagnostic précoce, la baisse immédiate de
l’hypertension artérielle, au transfert rapide vers une USINV qui diminue les complications [5]
et répond aux éventuelles indications neurochirurgicales, comme l’évacuation de l’hématome, la
dérivation ventriculaire en cas d’hémorragie de la fosse postérieure, ou l’hémicrâniectomie [7].

Selon le modèle de TEMPIS [9], le télé-AVC permet d’adapter la prise en charge des patients
tout au long de leur séjour hospitalier avec la création de véritables unités de neurologie avec
télémédecine en lien avec l’UNV de territoire [14, 19]. Le télé-AVC s’applique aussi parfaitement
à la consultation pluridisciplinaire obligatoire du 6e mois en permettant de généraliser cet acte
dans n’importe quel hôpital connecté, même dépourvu de neurologie ou de médecin neuro-
rééducateur, avec un duo composé de l’expert neurologique de l’USINV, téléconsultant un malade
à distance en présence d’un médecin, d’une infirmière ou d’un kinésithérapeute. Le télé-AVC
permet aussi de donner un avis à distance pour un patient suspect de complications survenant
à distance d’un AVC (spasticité, épilepsie, démence, dépression, fatigue des aidants), à partir
d’un hôpital, d’une EHPAD ou d’une maison de santé [19].

Le Télé-AVC est parfaitement adapté à la prise en charge des autres déficits focaux mimant un
AVC comme la migraine, l’épilepsie, les comas aigus, les paraplégies aiguës, les mouvements
anormaux, réalisant d’autres urgences neurologiques bénéficiant de l’expertise immédiate

46 /
Télémédecine et accident vasculaire cérébral

neurologique et parfois la coopération de neurochirurgiens. La TLM permet aussi de développer


d’autres usages neurologiques comme l’interprétation d’électro-encéphalogramme et d’électro-
myogramme [20] et de Doppler cervicaux ou transcrâniens [19].

Le télé-AVC n’est pas un processus figé et doit être perçu comme adaptable aux organisations
et aux avancées des connaissances mises au service des patients.

Le télé-AVC en préhospitalier : l’organisation comportant le scanner embarqué dans l’ambulance


permet de gagner plus de 30 minutes sur le délai de la fibrinolyse et de donner à un plus grand
nombre de patients des chances de récupération optimale [21-25].

Le télé-AVC a été précurseur par le maillage territorial qui en découle dans la mise en place des
groupements hospitaliers de territoire (GHT) [26]. Ce maillage pourra être étendu vers les EHPAD
et les maisons de santé, conjuguant ainsi activités de proximité et de premier recours.

Enfin, le télé-AVC se prête parfaitement à des projets de recherche ciblés sur son impact médical,
sur les flux de patients, sur le rôle des différentes structures hospitalières et sur l’attractivité des
hôpitaux vis-à-vis des jeunes médecins [27].

Cette nouvelle pratique médicale a été évaluée à de nombreuses reprises avec des résultats concor-
dants, démontrant à la fois un taux d’efficacité mesuré par le score de Rankin, un taux de compli-
cations hémorragiques et un taux de décès à 3 mois similaires aux résultats obtenus dans une USINV
[28-33]. De plus, le télé-AVC a permis de multiplier par 3 l’accès à la fibrinolyse dans les petits
hôpitaux [9]. Cinq paramètres permettent d’évaluer le service rendu aux patients [9, 11, 33] : 1) le
taux de guérison ; 2) le taux de handicap ; 3) le taux de complications hémorragiques et le taux de
décès à 3 mois ; 4) le taux d’accès à la fibrinolyse, à la TM ; 5) le taux de prise en charge en USINV.
En fonction des résultats, la recherche des phases du parcours défaillantes doit être effectuée.

La TLM ne nécessite pas la création de nouveaux droits. Les grands principes classiques du droit
de la santé, comme celui des droits de la personne malade, s’appliquent dans le cadre de cette
nouvelle pratique médicale à distance. Néanmoins, la TLM implique une adaptation des règles
de droit afin de répondre à de nouvelles situations comme l’exercice collaboratif de la médecine,
car le clinicien n’est plus seul, et la relation singulière est partagée à plusieurs.

La mise en œuvre d’un projet de TLM en France est strictement encadrée par le Code de la santé
publique, le Code de déontologie et les normes professionnelles. La TLM, support de l’organisation du
circuit patients, est un acte médical et non une simple prestation de type e-service. Elle s’inscrit ainsi
dans la structuration de l’offre de soins encadrée par les Agences régionales de santé (ARS), et doit
s’articuler avec les projets professionnels, et avec les programmes institutionnels [34].

/ 47
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

FIGURE 1 État des lieux du déploiement du télé-AVC en France en 2014.


Schéma adapté du Réseau des urgences neurologiques. www.fc-sante.fr

Le développement du télé-AVC en France (Figure 1) a permis de retenir les conditions nécessaires


pour mettre en place, pérenniser et rendre efficace un réseau de télé-AVC :
■ être inscrit dans un projet médical priorisant les besoins, les attentes ; édicter et évaluer
les bonnes pratiques ; exiger une technologie efficace et robuste ; établir une gouvernance
équilibrée entre l’ARS, les hôpitaux, les neurologues, les urgentistes et les radiologues ; pro-
poser un modèle économique assurant la pérennité de cette pratique qui a démontré son
efficacité médicale et son utilité en santé publique ;
■ construire un projet adapté à la géographie et à la démographie du territoire maillé par
le télé-AVC ; s’adosser sur une expérience préalable et bénéficier d’une interopérabilité et
d’une ergonomie simple permettant de poser rapidement un dialogue clair, puis un bon
diagnostic et une bonne décision thérapeutique ; proposer une formation préalable pluri-
disciplinaire aux professionnels impliqués dans le processus ; être en conformité sur le plan
juridique et règlementaire (rôle de l’ARS, des hôpitaux), et sur le plan technique avec une
infrastructure de type plateforme régionale ;

48 /
Télémédecine et accident vasculaire cérébral

■ en faire un outil du quotidien et non une exception ; ne pas considérer la TLM uniquement
sous l’angle d’une solution aux déserts médicaux qui doivent être vécus au contraire comme
un creuset d’intelligence et d’imagination, et une nouvelle pratique médicale complémen-
taire aux consultations en présentiel ; l’humain doit rester prioritaire avant la technique.

Ainsi, les UNV ont entraîné leur région sanitaire dans une véritable révolution des pratiques
médicales. Elles ont su convertir par la TLM les difficultés d’accès aux soins d’urgences liés à la
grande étendue des régions et aux problèmes de démographie médicale, en une réussite orga-
nisationnelle, en évitant les pertes de chance, en libérant la coopération, le transfert de compé-
tences vers les hôpitaux généraux et en décloisonnant les relations entre professionnels de santé.
Le télé-AVC est bien plus qu’un enjeu technologique car il participe à l’égalité à l’accès aux soins,
à la coordination des soins, à une meilleure utilisation des ressources, à l’amélioration de l’effi-
cacité du système de soins, à l’aménagement du territoire et à la vie économique. Le télé-AVC
est une réponse à une raréfaction des ressources médicales mais aussi une aide face à l’aug-
mentation de la demande et la technicité de prise en charge des patients AVC. Le télé-AVC nous
oblige à repenser une nouvelle organisation du temps médical, du parcours du malade ainsi que
des modalités du financement de la TLM.

■ Références
[1] Décret no 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la [8] Badhiwala JH, Nassiri W, Selim MH, et al. Endovascular
télémédecine. Journal officiel de la République française thrombectomy for acute ischemic stroke. A meta-analysis.
no 0245 du 21 octobre 2010. JAMA 2015 ; 314 : 1832-43.
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte [9] Audebert HJ, Schenkel J, Heuschmann PU, et al. Telemedic
[2] Feigin VL, Krishnamurthi RV, Parmar P, et al. Update on Pilot Project for Integrative Stroke Care Group. Effects of the
the global burden of ischemic and hemorrhagic stroke in Implementation of a Telemedical Stroke Network: The Tele-
1990-2013: The GBD 2013 study. Neuroepidemiology medic Pilot Project for Integrative Stroke Care (TEMPiS) in
2015 ; 45 : 161-76. Bavaria, Germany. Lancet Neurol 2006 ; 5 : 742-48.
[10] de Bustos EM, Vuillier F, Chavot D, Moulin T. Teleme-
[3] Lecoffre C, De Peretti C, Gabet A, et al. L’accident vas-
dicine in stroke: organizing a network-rationale and baseline
culaire cérébral en France : patients hospitalisés pour AVC
principles. Cerebrovasc Dis 2009 ; 27 (Suppl 4) : 1-8.
en 2014 et évolution 2008-2014. Bull Epidemiol Heb 2017 ;
5 : 84-94. [11] Bladin CF, Cadilhac DA. Effect of Telestroke on emer-
gent stroke care and stroke outcomes. Stroke 2014 ; 45 :
[4] Lecoffre C, De Peretti C, Gabet A, et al. Mortalité par 1876-80.
accident vasculaire cérébral en France en 2013 et évolutions
2008-2013. Bull Epidemiol Hebd 2017 ; 5 : 95-100. [12] Medeiros De Bustos E, Vuillier F, Chavot D, Moulin T.
Télémedecine : application aux urgences neurologiques.
[5] Leys D. La prise en charge en urgence de l’ischémie céré- Presse Med 2012 ; 41 : 514-7.
brale n’est plus qu’une problématique organisationnelle.
[13] Medeiros De Bustos E, Bouamra B, Chavot D, Moulin
Pour l’hémorragie cérébrale spontanée, tout reste à faire.
T. État des lieux du télé-AVC en France. Eur Res Telemed
Presse Med 2017 ; 46 : 1-3.
2012 ; 1 : 12-8.
[6] Accident vasculaire cérébral : prise en charge précoce [14] Joubert J, Medeiros De Bustos E, Decavel P, Chopard
(alerte, phase pré-hospitalière, phase hospitalière initiale, JL, Joubet LB, Moulin T. Telestroke for the long-term mana-
indications de la thrombolyse). Recommandations 2009. gement of risk factors in stroke survivors. In : Graschew G
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/ (ed). Telemedicine Techniques and Applications. Intech,
pdt/2009-07/. 2011, pp. 453-74.
[7] Hemphill JC, Greeberg SM, Anderson GS, et al. Guide- [15] Allibert R, Ziegler F, Bataillard M, Gomes C, Jary A,
lines for the management of spontaneous intracerebral Moulin T. Telemedicine and fibrinolysis in Franche-Comté.
hemorrhage. Stroke 2015 ; 46 : 2032-60. Rev Neurol 2012 ; 168 : 40-8.

/ 49
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

[16] Giroud M, Hervieu M, Lerhun B, et al. La Télé-AVC : [26] Simon P. Des pratiques de télémédecine pour structure
une réussite organisationnelle et structurante en Bourgogne. le projet médical partagé d’un Groupement Hospitalier de
Eur Res Telemed 2014 ; 3 : 42-3. Territoire. Eur Res Telemed 2016 ; 5 : 71-5.
[17] Pedragosa A, Alvarez-Sabin J, Rubiera M, et al. Impact [27] Michot A, Steiner G, Mantz F. Comment réussir à mener
of telemedicine on acute management of stroke patients un projet scientifique sur le sujet de la Télémédecine. Eur
undergoing endovascular procedures. Cerebrovasc Dis 2012 ; Res Telemed 2017 [Epub ahead of print].
34 : 436-42.
[28] Legris N, Hervieu-Bègue M, Daubail B, et al. Teleme-
[18] Daubail B, Ricolfi F, Thouant P, et al. Impact of mecha-
dicine for the acute management of stroke in Burgundy,
nical thrombectomy on the organization of the manage-
France: an evaluation of effectiveness and safety. Eur J
ment of acute ischemic stroke. Eur Neurol 2016 ; 75 : 41-7.
Neurol 2016 ; 3 : 1433-40.
[19] Medeiros de Bustos E, Chavot D, Berthier E, et al. Eva-
luation of a French regional telemedicine network dedicated [29] Kepplinger J, Barlinn K, Deckert S, Scheibe M, Bodechtel
to neurological emergencies: a 14-year study. Telemed and U, Schmitt J. Safety and efficacy of thrombolysis in tele-
e-Health 2018 ; 24 : 155-60. stroke: a systematic review and meta-analysis. Neurology
2016 ; 87 : 1344-51.
[20] Lemesle M, Kubis N, Sauleau P, N’Guyen The Tich S,
Touzery De Villepin A. Tele-transmission of EEG recordings. [30] Müller-Barna P, Boy S, Hubert GJ, Haberl RL. Convin-
Clin Neurophysiol 2015 ; 45 : 121-30. cing quality of acute stroke care in telestroke units. Eur Res
[21] Ebinger M, Kunz A, Wendt M, et al. Effects of golden Telemed 2015 ; 4 : 53-61.
hour thrombolysis: a Prehospital Acute Neurological Treat-
[31] Hubert GJ, Müller-Barna P, Audebert HJ. Recent
ment and Optimization of Medical Care in Stroke
advances in teleStroke: a systematic review on applications
(PHANTOM-S) substudy. JAMA Neurology 2015 ; 72 :
in prehospital management and stroke unit treatment or
25-30.
telestroke networking in developing countries. Int J Stroke
[22] Ebinger M, Winter B, Wendt M, et al. Effect of the use 2014 ; 9 : 968-73.
of ambulance-based thrombolysis on time to thrombolysis
in acute ischemic stroke: a randomized clinical trial. JAMA [32] Audebert HJ, Schenkel J, Heuschmann PU, Bogdahn U,
2014 ; 311 : 1622-31. Haberl RL for the Telemedic pilot project for integrative
stroke care group. Effects of the implementation of a tele-
[23] Hess DC, Audebert HJ. The history and future of tele-
medical stroke network: the Telemedic pilot project for inte-
stroke. Nature Rev Neurol 2013 ; 19 : 340-50.
grative stroke care (TEMPiS) in Bavaria, Germany. Lancet
[24] Hölscher T, Dunford JV, Schlachetzki F, et al. Prehos- Neurol 2006 ; 5 : 742-8.
pital stroke diagnosis and treatment in ambulances and heli-
copters – A concept paper. Am J Emerg Med 2013 ; 31 : [33] Madhavan M, Karceski S. Telestroke. Is it safe and effec-
743-7. tive? Neurology 2016 ; 87 : e145-e146.
[25] Weber JE, Ebinger M, Rozanski M et al. Prehospital [34] Domas-Descos A. Elaborer un projet de telemedicine
thrombolysis in acute stroke: results of the PHANTOM-S en imagerie médicale : enjeux juridiques. Eur Res Telemed
pilot study. Neurology 2013 ; 80 : 163-8. 2017 [Epub ahead of print].

50 /

5

L’accident vasculaire cérébral (AVC), plus particulièrement l’infarctus cérébral (IC), est habituel-
lement reconnu comme une pathologie essentiellement aiguë pour laquelle les études physio-
pathologiques ou pharmacologiques se sont focalisées de longue date sur les heures ou les jours
qui en suivent la survenue. Néanmoins, tant l’IC que les hémorragies ne peuvent se résumer à
cette fenêtre physiopathologique ou thérapeutique étroite dans la mesure où ils sont précédés
d’une phase prémorbide qui peut en influencer les conséquences à court et long termes. Par
ailleurs, l’accident aigu est, quant à lui, suivi d’une phase post-AVC dont on peut observer
aujourd’hui l’allongement en lien avec l’augmentation de l’espérance de vie des patients. Dans
le contexte d’une pathologie qui apparaît ainsi chronique, il est nécessaire, au-delà des traite-
ments classiques, d’envisager de nouvelles approches plus intégratives associant prévention pri-
maire et secondaire, traitement de la phase aiguë, facilitation de la réparation et de la récupé-
ration fonctionnelle ainsi que prévention des complications à long terme, en particulier cognitives.

Phase prémorbide
L’IC, de même que les hémorragies cérébrales, ne surviennent pas, le plus souvent, sur un terrain
neutre, compte tenu notamment de l’âge habituel de leur survenue. La phase prémorbide est
ainsi marquée par l’existence de nombreux facteurs de risque qui, au-delà de leur rôle dans la
survenue d’un AVC, peuvent également en influencer la physiopathologie et le pronostic [1, 2].
Les facteurs de risque comme l’hypertension artérielle, le diabète ou l’hypercholestérolémie
créent un contexte oxydatif et inflammatoire systémique. Les effets délétères de ces voies par
ailleurs amplifiés à la phase aiguë contribuent largement à la mort neuronale (Figure 1) [2].

/ 53
Partie 2 – Phase aiguë

FIGURE 1 Principaux mécanismes mis en jeu dans la physiopathologie de l’ischémie cérébrale


(d’après [9]).

À l’inverse, comme nous le détaillons dans l’un des paragraphes suivants, des mécanismes pro-
tecteurs qui limitent la sévérité de l’accident peuvent aussi se mettre en place au cours de cette
phase prémorbide. Ces mécanismes ont notamment été décrits dans le cadre des expériences
de préconditionnement ischémique qui consiste à provoquer des ischémies brèves et sans consé-
quences lésionnelles qui préparent le cerveau à subir une ischémie prolongée dont les consé-
quences sont alors moindres [3, 4]. Comme détaillé ci-dessous, certains de ces mécanismes
pouvant être mis en jeu sous l’effet de traitements médicamenteux, des approches de neuro-
protection préventive sont actuellement discutées (Figure 1).

Un autre impact de cette phase prémorbide concerne le risque cognitif associé aux AVC. En
effet, au moment où survient l’IC, 15 à 20 % des patients ne sont pas indemnes au plan
cognitif [5]. Deux mécanismes, qui peuvent se combiner, ont été mis en évidence : i) l’existence
de lésions vasculaires préexistantes (anomalies de substance blanche, micro-ischémies, micro-
hémorragies), en particulier associées aux facteurs de risque vasculaire comme l’hypertension
artérielle ; ii) l’existence d’un processus dégénératif, du même type que celui observé dans la
maladie d’Alzheimer, dont l’évolution peut être influencée par la survenue d’un AVC. Ainsi, en
matière de pronostic cognitif, l’existence de ces anomalies fonctionnelles et lésionnelles influence
la sévérité de l’AVC ainsi que la survenue d’une démence ultérieure [5].

La phase post-AVC
L’AVC, plus particulièrement l’IC, ne s’arrête pas aux premiers jours ou aux premières semaines
d’évolution, mais devient une véritable maladie chronique du fait du risque de récidive et de
nombreuses autres conséquences à long terme. Le cerveau qui a fait l’objet d’une ischémie reste
ainsi en perpétuel remaniement, ce qui permet à la fois une récupération progressive des fonc-
tions déficitaires mais aussi la genèse d’autres troubles. Les mois et années qui suivent l’accident
aigu sont ainsi marqués par un subtil équilibre entre récupération fonctionnelle et survenue de
complications (épilepsie, dépression, troubles cognitifs), l’ensemble impliquant des mécanismes
cellulaires et moléculaires en lien avec la plasticité cérébrale [6]. Dans ce contexte, le tableau

54 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

déficitaire est loin d’être figé puisque l’amélioration fonctionnelle peut être observée bien à
distance de la phase aiguë. Des travaux expérimentaux montrent qu’une mobilisation spontanée
de cellules souches issues du tissu cérébral ou de la moelle osseuse, est capable d’assurer une
colonisation cellulaire du foyer ischémique et la différenciation en nouveaux neurones assortie
de l’établissement de nouvelles connexions. La libération de facteurs attractants et neuro-
trophiques, comme le Brain Derived Neurotrophic Factor (BDNF), sous-tendent ces mécanismes
cellulaires. Ces phénomènes de plasticité cérébrale permettent également la mise en place de
suppléance par d’autres régions cérébrales qui viennent ainsi compenser la perte de fonction [6,
7].

À l’inverse, des anomalies de ces mécanismes de plasticité, en lien ou non avec la persistance
de phénomènes inflammatoires, peuvent conduire au développement de troubles de l’humeur
ou de troubles cognitifs. Ces derniers surviennent dans les mois ou années qui suivent l’AVC,
sur un terrain préexistant ou non comme le montre la phase prémorbide. La physiopathologie
de ces troubles cognitifs reste néanmoins complexe [5]. Il peut s’agir de l’aggravation ou de
l’accélération d’un processus dégénératif ou vasculaire déjà en cours par sommation ou synergie
lésionnelle. L’ischémie en elle-même peut aussi induire des lésions cellulaires à distance, notam-
ment au niveau du complexe temporal médian, comme le montrent des atrophies localisées ou
des modifications morphologiques des neurones hippocampiques. Des processus de déafféren-
tation, des modifications neurotrophiques et des phénomènes inflammatoires expliquent aussi
ces modifications tissulaires et fonctionnelles [8].

Des mécanismes évolutifs dans l’espace et le temps


Les lésions cérébrales au décours de l’ischémie sont la résultante de mécanismes complexes et
variables dans l’espace et le temps. Cette cascade d’événements cellulaires et moléculaires, qui
sont souvent liés et s’amplifient les uns les autres, a pour conséquence finale la mort neuronale.
Les modèles cellulaires et animaux nous ont appris que les mécanismes physiopathologiques de
la phase aiguë se mettent en place avec une cinétique assez précise, qui ne se limite pas aux
premières heures mais recouvre une fenêtre temporelle de plusieurs jours, voire plusieurs
semaines (Figure 1) [2, 9, 10]. De même, la cascade physiopathologique ne se limite pas aux
seuls neurones, mais concerne l’ensemble des éléments constitutifs de l’unité neuro-
gliovasculaire. Les cellules gliales jouent ainsi un rôle prépondérant dans la libération de média-
teurs délétères. La paroi vasculaire subit les agressions du processus ischémique, avec pour consé-
quence une altération de la réactivité vasculaire et de la perfusion tissulaire. Dans ce contexte,
i) la réactivité des fibres musculaires lisses est modifiée en raison d’une perturbation des canaux
ioniques, en particulier de différents sous-types de canaux potassiques ; ii) une dysfonction endo-
théliale s’installe au décours de l’occlusion artérielle, en raison notamment d’une moindre dis-
ponibilité du NO et d’une atteinte directe de l’endothélium par des médiateurs oxydatifs ou
inflammatoires. Enfin, si elle a des effets bénéfiques pour l’oxygénation tissulaire, la reperfusion
spontanée, pharmacologique ou mécanique peut également avoir des effets délétères en majo-
rant le stress oxydant [11, 12].

/ 55
Partie 2 – Phase aiguë

Calcium et excito-toxicité :
déterminants initiaux de la mort cellulaire
L’une des principales et des plus rapides conséquences de l’ischémie au sein du tissu cérébral est
l’augmentation de la concentration intracellulaire du calcium, conduisant rapidement à la nécrose [2,
9, 10]. Cette destruction cellulaire s’effectue par l’intermédiaire de la mise en jeu de divers systèmes
enzymatiques (protéines kinases, protéases, NO synthétase) responsables d’une inhibition de la syn-
thèse protéique, de la production de radicaux libres ou encore de l’altération des protéines du cyto-
squelette. Si l’invasion calcique est déclenchée par la déplétion énergétique cellulaire et par l’anoxie,
elle est entretenue par la libération massive d’acides aminés excitateurs, en particulier de glutamate.
Cette cascade d’événements va être complétée par la mise en jeu d’autres mécanismes délétères, mais
aussi protecteurs, en rapport notamment avec la synthèse de monoxyde d’azote (NO) (Figures 2 et 3).

Effets délétères du NO et du stress oxydant


De nombreux travaux ont permis de montrer l’implication du NO au cours de l’ischémie cérébrale
[2, 9, 13]. Les effets délétères, mais aussi parfois bénéfiques de celui-ci au cours du processus
ischémique sont dépendants de la mise en jeu respective des différentes isoformes de la NO
synthétase (NOS). L’activation, sous l’effet de l’élévation de la concentration en calcium intra-
cellulaire, de la NOS neuronale (NOS de type I) dans les minutes suivant l’ischémie constitue
un élément déterminant de la toxicité du NO. Dans les heures suivantes, l’augmentation de
l’activité de la NOS inductible (NOS de type II), exprimée par les cellules astrocytaires et gliales,
l’endothélium vasculaire ou les macrophages, va conduire à la majoration des lésions. La synthèse
de NO par les NOS de type I et II va ainsi contribuer au stress oxydant par la formation de
nombreux radicaux libres, en particulier de péroxynitrites qui, au niveau des cellules neuronales
et endothéliales, seront responsables de la peroxydation des lipides membranaires et de l’oxy-
dation des protéines [2, 9, 13] (Figures 2 et 3). En balance de ces effets délétères, l’endothélium
à travers la NOS endothéliale (NOS de type III), joue quant à lui un rôle essentiel tant dans les
conditions physiologiques que lors de la phase initiale de l’ischémie. Le NO ainsi produit pourrait
avoir un rôle protecteur en réduisant l’adhésion leuco-plaquettaire, en contrôlant le tonus vas-
culaire, en modulant le débit sanguin cérébral voire par la mise en jeu de processus antithrom-
botiques et fibrinolytiques à la surface de l’endothélium vasculaire (Figure 3).

Développement d’une inflammation postischémique


Les concentrations intracellulaires élevées en calcium, la production de NO et de radicaux libres
ainsi que l’hypoxie vont contribuer à l’activation de nombreux facteurs de transcription nucléaires,
en particulier du facteur NF-κB [9, 10] (Figure 2). L’activation de ce facteur de transcription a
plusieurs effets délétères : augmentation de la synthèse de NO via la NOS de type II ; expression
de la cyclo-oxygénase de type II (COX II), une enzyme impliquée dans la synthèse de prostanoïdes
toxiques et oxydatifs ; expression de nombreuses cytokines tels que le Tumor Necrosis Factor-α
(TNF-α) et l’interleukine 1-β (IL 1-β), des cytokines impliquées dans l’activation des cellules
gliales et des macrophages (synthèse de NOS de type II et de COX II) et dans les processus
favorisant l’adhésion des polynucléaires et des monocytes à l’endothélium vasculaire (activation
des protéines d’adhésion ICAM-1, P-sélectine, E-sélectine...) ainsi que leur migration au sein du
parenchyme cérébral, contribuant de cette manière à la majoration des lésions ischémiques [9,
10]. La contribution de ces processus inflammatoires à la sévérité de l’ischémie est par ailleurs
démontrée en clinique où le dosage des polynucléaires neutrophiles à la phase aiguë apparaît
comme un excellent marqueur de la morbi-mortalité à court et long terme [14].

56 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

FIGURE 2 Mécanismes cellulaires et moléculaires conduisant à la mort neuronale au décours de


l’ischémie cérébrale.

FIGURE 3 NO et endothélium vasculaire : acteurs clés au cours de l’ischémie-reperfusion


cérébrale.

/ 57
Partie 2 – Phase aiguë

Apoptose et autres formes de mort cellulaire


En dehors des phénomènes de nécrose cellulaire, l’augmentation de la concentration cellulaire en
calcium, la production de NO et de radicaux libres ainsi que les médiateurs de l’inflammation vont
être susceptibles de mettre en œuvre un processus de mort cellulaire programmée, l’apoptose
(Figure 2). Ce phénomène qui est différé dans le temps et prédomine au sein de la zone de pénombre,
fait intervenir des processus biologiques complexes [15]. L’augmentation de la concentration en
calcium, particulièrement lorsqu’elle est secondaire à l’activation des récepteurs glutamate non-
NMDA, va constituer l’un des signaux activateurs principaux de l’apoptose par l’intermédiaire de
l’expression de gènes de réponse immédiate permettant la transformation, par l’activation d’autres
gènes, d’un signal extracellulaire en modifications à plus long terme. Ainsi, l’expression de la p53
va provoquer un déséquilibre entre des facteurs proapoptotiques et antiapoptotiques de la famille
Bcl2 en faveur de l’initiation d’un programme d’apoptose. Les protéines proapoptotiques telles que
Bax et Bcl-x vont contribuer à l’exécution des dernières étapes du programme de mort cellulaire
par l’activation de nombreuses caspases (cysteinyl aspartate specific proteinases), l’ensemble ayant
pour effet de conduire à l’altération de l’ADN cellulaire, la désorganisation du cytosquelette et le
délabrement de la membrane cytoplasmique (Figure 2). D’autres formes de mort cellulaire au décours
de l’ischémie restent actuellement discutées telle la ferroptose [16]. Il convient néanmoins de
constater qu’en dépit de toutes les données expérimentales disponibles, toutes les approches phar-
macologiques visant à interférer avec les mécanismes cellulaires et moléculaires développés au cours
de l’ischémie se sont révélées être de retentissants échecs cliniques [10, 17].

Quelques autres facteurs aggravants :


hyperthermie, hyperglycémie et acidose
Parmi les processus décrits précédemment, certains peuvent être exacerbés par l’hyperthermie,
l’hyperglycémie ou encore l’acidose, autant de situations fréquemment observées en clinique
[18, 19]. La meilleure connaissance des mécanismes délétères potentiellement en jeu dans ces
situations constitue une difficulté. Concernant la température, s’il est établi que celle-ci puisse
être un facteur pronostique de l’ischémie cérébrale, la plupart des travaux cliniques ne permet-
tent pas de distinguer dans quelle mesure l’hyperthermie est le reflet d’une réaction inflamma-
toire systémique ou la résultante d’infections concomitantes [18].

A contrario, les nombreux travaux, tant expérimentaux que cliniques relatifs aux effets poten-
tiellement favorables de l’hypothermie, semblent quant à eux indiquer une interaction avec de
nombreux mécanismes délétères tels que la déplétion énergétique, l’excitotoxicité, le stress oxy-
dant, les processus inflammatoires ou encore l’acidose intracellulaire. En dépit du caractère pro-
metteur d’une telle approche thérapeutique, de nombreuses limitations existent, notamment
celles liées à sa mise en œuvre et à ses complications [20]. Dans ce contexte, l’étude multi-
centrique européenne EUROHYP ne permettra malheureusement sans doute pas de trancher
définitivement la question de l’intérêt de l’hypothermie contrôlée comme traitement à la phase
aiguë de l’ischémie cérébrale [21].

L’étude des effets de la glycémie sur le tissu cérébral au cours de l’ischémie est d’approche tout
aussi difficile. Si l’on dispose de quelques études cliniques aux résultats discordants, les données
expérimentales apportent des arguments en faveur des effets délétères de l’hyperglycémie, en
soulignant notamment le rôle des astrocytes [19]. Les astrocytes contiennent en effet des réserves
en glycogène qui permettent, à la condition que soit préservé le fonctionnement mitochondrial,
la fourniture de glucose pour assurer le métabolisme neuronal. En revanche, lorsque l’ischémie est
sévère, le glycogène astrocytaire est transformé en acide lactique en raison du blocage de la chaîne

58 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

respiratoire mitochondriale. Cette acidose intracellulaire va contribuer à la majoration des lésions


cérébrales et éventuellement être majorée soit du fait d’une hyperglycémie et/ou d’une acidose
systémique Dans ce contexte, les canaux sensibles aux acides (acid-sensing ion channel), canaux
perméables au calcium, pourraient jouer un rôle dans la majoration des lésions [19].

Effets délétères de la reperfusionLe vaisseau :


une cible parfois oubliée
Si l’on considère l’ischémie cérébrale sous un angle purement vasculaire, il apparaît que la reper-
fusion est un élément important pour limiter les lésions neurologiques. Les essais de fibrinolyse
ont été développés dans cet esprit, conduisant à une indication du rtPA aux États-Unis et au
Canada dès 1996 et à l’autorisation de mise sur le marché de ce produit en Europe en 2002
[22]. En dépit des bénéfices de ce traitement et de la démonstration plus récente de l’intérêt de
la thrombectomie [23], la reperfusion n’a cependant pas que des effets favorables. Du fait de la
correction brutale de l’hypoxie, la reperfusion va s’accompagner d’une majoration des processus
oxydatifs [2, 9]. L’ensemble des voies du stress oxydant mis en jeu au cours de l’ischémie est
ainsi exacerbé, concourant à l’aggravation des lésions cérébrales. L’afflux d’éléments figurés du
sang, en particulier de leucocytes et de neutrophiles, va contribuer au développement de l’inflam-
mation et donc à la majoration des lésions cérébrales.

Le développement d’anomalies fonctionnelles au sein de l’endothélium et des cellules muscu-


laires lisses vasculaires au décours de la reperfusion contribuent aussi à cette majoration des
lésions cérébrales [2, 11, 12, 18]. Si l’endothélium, à travers la NOS de type III, joue un rôle
fondamental dans la protection du tissu cérébral vis-à-vis de l’ischémie (Figure 3), la reperfusion
peut en altérer profondément le fonctionnement. La reperfusion va ainsi générer une altération
de la réactivité des vaisseaux cérébraux, contribuant à la perte du tonus vasculaire physiologique,
à la diminution des capacités de contraction à la sérotonine ou encore à l’abolition de la vaso-
relaxation endothélium-dépendante, autant d’éléments à même de limiter les possibilités d’auto-
régulation du débit sanguin cérébral [2, 11, 12].

La reperfusion des vaisseaux cérébraux va aussi altérer le fonctionnement d’un canal potassique,
le canal Kir 2.1, un canal situé sur les cellules musculaires lisses vasculaires qui joue un rôle
essentiel dans les capacités de vasodilatation des artères cérébrales ainsi que dans le couplage
entre le métabolisme et le débit sanguin cérébral [11]. En dehors des aspects hémodynamiques,
l’altération fonctionnelle de ce canal ionique lors de la reperfusion est corrélée à l’aggravation
des lésions du tissu cérébral, apportant des arguments en faveur de l’existence d’une interaction
entre les capacités fonctionnelles du vaisseau cérébral et le développement des lésions du paren-
chyme au décours de l’ischémie à travers la possible augmentation des processus oxydatifs ou
inflammatoires, le développement de lésions de la barrière hémato-encéphalique, la genèse d’un
œdème voire de lésions hémorragiques [11].

Si ces données expérimentales éclairent d’un jour nouveau la physiopathologie de l’ischémie


cérébrale et ouvrent d’éventuelles perspectives thérapeutiques, la répercussion de ces anomalies
en clinique humaine demeure peu explorée. Quelques travaux apportent néanmoins des argu-
ments en faveur d’un rôle possible des anomalies fonctionnelles de la réactivité vasculaire céré-
brale dans la survenue de certains IC, notamment dans le cadre des infarctus dits lacunaires [24,
25]. D’autres travaux mettent quant à eux en lumière l’importance potentielle de la qualité et
de la fonctionnalité des réseaux anastomotiques associés aux artères piales comme éléments
protecteurs [2, 26, 27].

/ 59
Partie 2 – Phase aiguë

Évolution des outils et compréhension


de la physiopathologie
L’évolution des différentes techniques d’imagerie a été un élément déterminant de la compré-
hension des mécanismes mis en jeu au cours de l’ischémie cérébrale. Il est ainsi apparu qu’à
l’échelon individuel, la gravité de l’expression clinique d’une occlusion artérielle était fortement
dépendante de la qualité des réseaux anastomotiques et des capacités de régulation du débit
sanguin cérébral [26, 27]. Plusieurs expériences réalisées chez les primates ou à la phase aiguë
de l’ischémie cérébrale chez l’homme par l’utilisation de la tomographie d’émission de positons
(TEP) ont permis de démontrer l’existence d’une zone centrale d’ischémie dense au sein de
laquelle le débit sanguin est inférieur à 10 mL/min/100 g de tissu cérébral et au pourtour, l’exis-
tence d’une zone de tissu avec un débit intermédiaire entre 20 et 10 mL/min/100 g de tissu, le
débit sanguin normal ayant quant à lui une valeur d’environ 50 mL/min/100 g [28]. Cette zone,
désignée sous le terme de « pénombre ischémique », correspond à la partie du tissu cérébral où
le débit sanguin reste insuffisant à maintenir un fonctionnement cellulaire normal, la survie
cellulaire y demeurant cependant assurée dans un premier temps. Le développement de l’ima-
gerie par résonance magnétique (IRM) a permis ultérieurement de suggérer que la différence
entre les anomalies en imagerie de perfusion et celles observées en imagerie de diffusion puisse
être représentative de cette zone de pénombre, constituant aussi un possible marqueur pour la
sélection des patients les plus à même de bénéficier de traitement comme la thrombolyse [22,
28]. Les données expérimentales animales ou les données obtenues en phase aiguë chez l’homme
ont montré qu’en deçà de 10 mL/min/100 g de tissu cérébral, la zone d’oligémie maximale
tolérable était atteinte. Si cet état d’oligémie se prolonge plus de quelques dizaines de minutes,
le tissu cérébral évolue vers un état de mort cellulaire. De même, la mort cellulaire survient
lorsque le débit sanguin cérébral est maintenu plus de 3 minutes à moins de 10 mL/min/100 g
de tissu cérébral, l’IRM de diffusion s’avérant là encore un outil remarquable pour évaluer pré-
cocement la mort neuronale [28].

Ces dernières années, l’évolution des différentes techniques permettent d’aller encore plus loin.
De nouveaux traceurs en TEP ou plus encore des séquences en IRM évaluant le métabolisme de
l’oxygène et permettant de cartographier l’hypoxie constituent des outils utiles au dévelop-
pement des connaissances physiopathologiques et à la détermination d’éventuelles nouvelles
cibles thérapeutiques [29]. De même, de nombreuses séquences IRM ont été développées ces
dernières années qui permettent d’une part l’évaluation et le suivi de l’inflammation, de l’atteinte
mitochondriale, de l’activation microgliale et, in fine, de la mort neuronale ainsi que le suivi des
processus de réparation et de récupération fonctionnelle [29-31].

Combiner différentes approches


en imagerie pour le soin
Si le développement de l’imagerie a présidé à une meilleure connaissance de la physiopathologie
de l’ischémie cérébrale, la contribution à une meilleure prise en charge des patients a été majeure
et s’est largement amplifiée ces dernières années. Il était bien sûr difficile d’envisager la TEP
comme un outil de diagnostic voire de sélection des patients pour des traitements comme la
thrombolyse. En revanche, d’abord avec le scanner puis avec l’accès facilité à l’IRM, les modalités
de diagnostic à la phase aiguë ont été totalement modifiées. Ainsi, avec l’IRM, l’utilisation de
différentes séquences usuelles comme les séquences de perfusion et de diffusion permet

60 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

aujourd’hui d’effectuer un diagnostic de certitude sur une ischémie en cours et ce y compris


dans des tableaux parfois complexes tel que certains syndromes lacunaires chez des patients
présentant de multiples lésions cérébrales anciennes [28, 32]. L’adjonction de séquences vascu-
laires permet par ailleurs le diagnostic de l’occlusion artérielle facilitant là encore la prise en
charge des patients. L’accès à un plateau d’imagerie permettant de réaliser des examens selon
plusieurs modalités apparaît aujourd’hui d’autant plus important que deux études publiées récem-
ment ont permis de démontrer ce qui était pressenti de longue date à savoir que le retard au
diagnostic, s’il a un impact potentiellement délétère sur le devenir du patient, peut être compensé
à travers l’utilisation de certaines séquences IRM qui, au-delà des délais usuels, permettent de
repérer les individus qui bénéficieront encore de traitements comme la thrombectomie [33-35].
Le développement de biomarqueurs multiples en imagerie cérébrale constitue ainsi un moyen
de progresser dans la prise en charge des patients. Gageons que, dans le futur, cela puisse
permettre d’ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques [32, 33].

Développer une neuroprotection préventive


En dépit de très nombreuses études précliniques encourageantes, force est de constater que la
neuroprotection à la phase aiguë de l’ischémie cérébrale demeure un échec [10, 17]. Cette
inadéquation entre résultats expérimentaux et cliniques pose la question de la pertinence des
modèles animaux (souches et âge des animaux, fenêtre thérapeutique, mode d’évaluation des
lésions) mais aussi celle de la méthodologie des essais cliniques à la phase aiguë [36, 37]. Au-delà
de la nécessaire amélioration de la pertinence des modèles et des méthodes d’évaluation pré-
cliniques et cliniques, la mise au point de nouveaux traitements de l’ischémie cérébrale nécessite
peut-être de revoir les notions classiques de neuroprotection ainsi que les modalités et les délais
d’administration des traitements (Figure 1).

Comme cela a pu être montré à travers différentes modalités de préconditionnement (ischémie


transitoire, hyperthermie, cortical spreading depression, faible dose de lipopolysaccharide ou
d’acide 3-nitro-propionique), une protection retardée peut être induite. Le développement pos-
sible d’une protection retardée apporte un éclairage nouveau sur les mécanismes qui peuvent
se mettre en place au cours de la phase prémorbide de l’AVC, mécanismes qui seraient finalement
susceptibles d’en influencer le pronostic. Des processus antioxydants ou anti-inflammatoires,
une modulation de la voie des caspases ainsi qu’une activation des voies moléculaires de la
plasticité cérébrale sont ainsi mis en place sous l’effet de mécanismes déclencheurs plus immé-
diats (libération de cytokines, de radicaux libres ou de NO) (Tableau I) [3, 38]. Par ailleurs, la
survenue d’un accident ischémique transitoire, l’activité physique régulière, la prise de certains
médicaments peut mimer un effet de préconditionnement, conduisant à une moindre sévérité
de l’IC, et ce via la mise en place de mécanismes de défense vis-à-vis des voies physio-
pathologiques délétères qui s’activent à la phase aiguë ou à travers l’activation des mécanismes
de plasticité qui favorisent la récupération fonctionnelle au cours de la phase post-AVC.

Cette neuroprotection que l’on peut qualifier de préventive serait ainsi la résultante d’un trai-
tement qui permet de limiter les conséquences d’une ischémie, tant sur le plan lésionnel que
fonctionnel, lorsque celle-ci survient en dépit des traitements de prévention usuels [39]. À la
différence de la neuroprotection conventionnelle, la neuroprotection préventive peut être
observée en clinique. En effet, si un antécédent d’accident ischémique transitoire et l’activité

/ 61
Partie 2 – Phase aiguë

physique régulière permettent de réduire la sévérité d’un IC, plusieurs études ont montré par
ailleurs l’effet potentiellement protecteur de diverses molécules, notamment de la prise préalable
à la survenue de l’IC de statines ou de fibrates [38, 40, 41].

TABLEAU I ▼ Principales voies moléculaires impliquées dans la résistance à l’ischémie. D’après [3].
Inducteurs Capteurs Transducteurs Effecteurs

Ischémie, hypoxie HIF JAKs Enzymes anti-oxydantes


LPS, radicaux libres AMPK STATs Arotéines antiapoptotiques
Acide 3-nitropropionique mTOR p38 MAPK IL1-ra
Statines mitoKATP PKB/PI3K EPO
Fibrates PPAR PKC NOS III et NO
IEC... TLR... NFκB... BDNF, VEGF...
AMPK : protéine kinase activée par l’adénosine monophosphate ; BDNF : facteur de croissance neuronal ; EPO : érythropoïétine ;
HIF : facteur inductible par l’hypoxie ; IEC : inhibiteurs l’enzyme de conversion ; IL1-ra : antagoniste du récepteur de l’inter-
leukine-1 ; JAKs : janus kinases ; LPS : lipopolysaccharide ; mitoKATP : canal potassique mitochondrial sensible à l’adénosine
triphosphate ; mTOR : cible de la rapamycine chez le mammifère ; NFκB : facteur de transcription pro-inflammatoire ; NO :
monoxyde d’azote ; NOS III : NO synthétase endothéliale ; PPAR : Peroxisome Proliferator-Activated Receptor ; p 38 MAPK :
protéine kinase activée par le mitogène p38 ; PKB : phosphokinase B ; PI3K : phospho-inositide 3 kinase ; PKC : phosphokinase
C ; STATs : transducteurs de signal et activateurs de la transcription ; TLR : récepteur Toll-like ; VEGF : facteur de croissance
vasculaire endothélial.

Optimiser la reconstruction et la réparation cérébrale


L’observation clinique révèle la capacité extraordinaire du cerveau à pouvoir se réparer. Nombre
de patients ayant présenté un IC vont en effet voir régresser leur symptomatologie déficitaire
dans les semaines et les mois suivants. Si cette récupération spontanée peut être accélérée par
la rééducation, la confrontation des données expérimentales et cliniques, notamment par l’uti-
lisation de l’électrophysiologie et de l’imagerie fonctionnelle, permet d’ores et déjà de mieux en
comprendre les mécanismes et de discuter l’intérêt de traitements spécifiques [6, 7, 42]. De
nombreuses voies cellulaires et moléculaires interviennent dans la reconstruction du cerveau
lésé comme la modulation du facteur de transcription nucléaire cAMP response binding element
(CREB), les récepteurs NMDA et AMPA, de nombreuses kinases, la potentialisation à long terme,
des facteurs de croissances neuronaux et vasculaires, l’ensemble contribuant au développement
de la synaptogenèse voire de la neurogenèse [7, 42-44].

La participation de la neurogenèse au processus de réparation du tissu cérébral constitue un


domaine de recherche particulièrement intéressant. La production et la différenciation de pro-
géniteurs neuronaux sont activées au décours de l’ischémie cérébrale en particulier à partir de
la zone sous-ventriculaire mais aussi à partir de la moelle osseuse [7, 44]. En termes de pers-
pectives thérapeutiques, les mécanismes de synaptogenèse peuvent être amplifiés par la réé-
ducation, la stimulation magnétique cérébrale et les médicaments à même de moduler les
voies monoaminergiques, en particulier dopaminergique et sérotoninergique [42, 43, 45]. Si
l’amélioration de l’efficacité de la neurogenèse par l’utilisation du Granulocyte Colony Stimu-
lating Factor (GCSF), qui semblait prometteur, a été remise en cause du fait du caractère
délétère de la production accrue de neutrophiles notamment lorsque ce traitement est associé
à la thrombolyse [46, 47], l’intérêt de l’apport de cellules souches exogènes reste quant à lui
discuté [7].

62 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

En dépit des succès indéniables de la reperfusion pharmacologique ou mécanique, la vision inté-


grée de la physiopathologie de l’ischémie cérébrale conduit à envisager des approches pharma-
cologiques et thérapeutiques différentes de tout ce qui a pu être proposé jusqu’à présent à
travers la seule focalisation sur la phase aiguë avec le caractère totalement infructueux que l’on
connaît de la neuroprotection conventionnelle. Une vision moderne pourrait être le dévelop-
pement d’une stratégie plus globale ayant pour but de modifier le cours évolutif de la maladie,
depuis la phase prémorbide jusqu’aux complications à long terme, plutôt que de se focaliser sur
une seule de ces étapes [48]. Une telle approche est d’autant plus justifiée que ces différentes
étapes restent liées les unes aux autres et que de nombreux agents pharmacologiques peuvent
générer des effets suffisamment pléïotropes pour agir sur plusieurs de celles-ci. Le dévelop-
pement de ce concept de Disease Modifier dans l’AVC nécessite cependant un travail de recen-
sement des molécules, l’identification de nouvelles cibles, une réflexion sur les modèles précli-
niques d’évaluation avec notamment l’introduction de modèles à plus long terme ainsi que le
développement de méthodologies plus adéquates pour de futurs essais cliniques.

■ Références
[1] Deplanque D, Amarenco P. Pathologie Neurovasculaire. vascular wall a pharmacological target? Psychoneuroendo-
In : Belmatoug N, Cohen A (eds). Cœur et Médecine Interne. crinology 2007 ; 32 (Suppl 1) : S36-S39.
Paris : Éditions ESTEM, 2002, pp. 2099-2120. [12] Fagan SC, Hess DC, Hohnadel EJ, Pollock DM, Ergul A.
[2] Hu X, De Silva TM, Chen J, Faraci FM. Cerebral Vascular Targets for vascular protection after acute ischemic stroke.
Disease and Neurovascular Injury in Ischemic Stroke. Circ Stroke 2004 ; 35 : 2220-5.
Res 2017 ; 120 : 449-71. [13] Murphy S, Gibson CL. Nitric oxide, ischaemia and brain
[3] Dirnagl U, Meisel A. Endogenous neuroprotection: mito- inflammation. Biochem Soc Trans 2007 ; 35 : 1133-7.
chondria as gateways to cerebral preconditioning? Neuro- [14] Maestrini I, Strbian D, Gautier S, et al. Higher neutro-
pharmacology 2008 ; 55 : 334-44. phil counts before thrombolysis for cerebral ischemia pre-
[4] Li S, Hafeez A, Noorulla F, Geng X, Shao G, Ren C, Lu dict worse outcomes. Neurology 2015 ; 85 : 1408-16.
G, et al. Preconditioning in neuroprotection: from hypoxia [15] Onténiente B. Natural and synthetic inhibitors of cas-
to ischemia. Prog Neurobiol 2017 ; 157 : 79-9s1. pases: targets for novel drugs. Curr Drug Targets CNS Neurol
[5] Dichgans M, Leys D. Vascular Cognitive Impairment. Circ Disord 2004 ; 3 : 333-40.
Res 2017 ; 120 : 573-91. [16] Stockwell BR, Friedmann Angeli JP, Bayir H, Bush AI,
[6] Cramer SC. Repairing the human brain after stroke: I. Conrad M, Dixon SJ, et al. Ferroptosis: A Regulated Cell
Mechanisms of spontaneous recovery. Ann Neurol 2008 ; Death Nexus Linking Metabolism, Redox Biology, and
63 : 272-87. Disease. Cell 2017 ; 171 : 273-85.
[7] Venkat P, Shen Y, Chopp M, Chen J. Cell-based and phar- [17] Ginsberg MD. Neuroprotection for ischemic stroke:
macological neurorestorative therapies for ischemic stroke. past, present and future. Neuropharmacology 2008 ; 55 :
Neuropharmacology 2017 [Epub ahead of print]. 363-89.
[8] Delattre C, Bournonville C, Auger F, et al. Hippocampal [18] Samson Y, Lapergue B, Hosseini H. Inflammation et
deformations and entorhinal cortex atrophy as an anato- accident ischémique cerebral aigu. Données actuelles et
mical signature of long-term cognitive impairment: from perspectives. Rev Neurol 2005 ; 161 : 1177-82.
the MCAO rat model to the stroke patient. Transl Stroke [19] Rossi DJ, Brady JD, Mohr C. Astrocyte metabolism and
Res 2017 [Epub ahead of print]. signaling during brain ischemia. Nat Neurosci 2007 ; 10 :
[9] Dirnagl U, Iadecola C, Moskowitz MA. Pathobiology of 1377-86.
ischaemic stroke: an integrated view. Trends Neurosci 1999 ; [20] Kurisu K, Yenari MA. Therapeutic hypothermia for
22 : 391-7. ischemic stroke; pathophysiology and future promise. Neu-
[10] Chamorro Á, Dirnagl U, Urra X, Planas AM. Neuropro- ropharmacology 2017 [Epub ahead of print].
tection in acute stroke: targeting excitotoxicity, oxidative [21] Winkel P, Bath PM, Gluud C, et al. Statistical analysis
and nitrosative stress, and inflammation. Lancet Neurol plan for the EuroHYP-1 trial: European multicentre, rando-
2016 ; 15 : 869-81. mised, phase III clinical trial of the therapeutic hypothermia
[11] Bastide M, Ouk T, Plaisier F, Pétrault O, Stolc S, Bordet plus best medical treatment versus best medical treatment
R. Neurogliovascular unit after cerebral ischemia: is the alone for acute ischaemic stroke. Trials 2017 ; 18 : 573.

/ 63
Partie 2 – Phase aiguë

[22] Deplanque D, Gautier S, Caron J, Bordet R. Thrombo- [36] Dirnagl U, Endres M. Found in translation: preclinical
lyse par le rt-PA au cours de l’infarctus cérébral. La lettre stroke research predicts human pathophysiology, clinical
du Pharmacologue 2003 ; 3 : 83-90. phenotypes, and therapeutic outcomes. Stroke 2014 ; 45 :
[23] Campbell BCV, Donnan GA, Lees KR, et al. Endovas- 1510-18.
cular stent thrombectomy: the new standard of care for [37] Neuhaus AA, Couch Y, Hadley G, Buchan AM. Neuro-
large vessel ischaemic stroke. Lancet Neurol 2015 ; 14 : protection in stroke: the importance of collaboration and
846-54. reproducibility. Brain 2017 ; 140 : 2079-92.
[24] Cupini LM, Diomedi M, Placidi F, Silvestrini M, Giaco- [38] Gidday JM. Cerebral preconditioning and ischaemic
mini P. Cerebrovascular reactivity and subcortical infarc- tolerance. Nat Rev Neurosci 2006 ; 7 : 437-48.
tions. Arch Neurol 2001 ; 58 : 577-81. [39] Bordet R. Neuroprotection preventive : des données
[25] Deplanque D, Lavallée PC, Labreuche J, et al. Cerebral expérimentales à la clinique. Thérapie 2002 ; 57 : 540-7.
and extracerebral vasoreactivity in symptomatic lacunar [40] Deplanque D, Masse I, Lefebvre C, Libersa C, Leys D,
stroke patients: a case-control study. Int J Stroke 2013 ; 8 : Bordet R. Prior TIA, lipid-lowering drug use, and physical
413-21. activity decrease ischemic stroke severity. Neurology 2006 ;
[26] Shuaib A, Butcher K, Mohammad AA, Saqqur M, Lie- 67 : 1403-10.
beskind DS. Collateral blood vessels in acute ischaemic
[41] Deplanque D, Masse I, Libersa C, Leys D, Bordet R. Pre-
stroke: a potential therapeutic target. Lancet Neurol 2011 ;
vious leisure-time physical activity dose dependently
10 : 909-21.
decreases ischemic stroke severity. Stroke Res Treat 2012 ;
[27] Ginsberg MD. The cerebral collateral circulation: Rele- 2012 : 614925.
vance to pathophysiology and treatment of stroke. Neuro-
[42] Cramer SC. Repairing the human brain after stroke: II.
pharmacology 2017 [In press].
Restorative therapies. Ann Neurol 2008 ; 63 : 549-60.
[28] Muir KW, Buchan A, von Kummer R, Rother J, Baron
[43] Di Filippo M, Tozzi A, Costa C, et al. Plasticity and repair
JC. Imaging of acute stroke. Lancet Neurol 2006 ; 5 : 755-68.
in the post-ischemic brain. Neuropharmacology 2008 ; 55 :
[29] Baron JC. Recent advances in mesoscopic-scale ima- 353-62.
ging in animal models of ischemic stroke. Curr Opin Neurol
[44] Zhang RL, Zhang ZG, Chopp M. Ischemic stroke and
2016 ; 29 : 104-11.
neurogenesis in the subventricular zone. Neuropharmaco-
[30] Nighoghossian N, Wiart M, Berthezene Y. Novel appli- logy 2008 ; 55 : 345-52.
cations of magnetic resonance imaging to image tissue
[45] Chollet F, Tardy J, Albucher JF, et al. Fluoxetine for
inflammation after stroke. J Neuroimaging 2008 ; 18 :
motor recovery after acute ischaemic stroke (FLAME): a ran-
349-352.
domised placebo-controlled trial. Lancet Neurol 2011 ; 10 :
[31] Sierra A, Encinas JM, Maletic-Savatic M. Adult human 123-30.
neurogenesis: from microscopy to magnetic resonance ima-
[46] Ringelstein EB, Thijs V, Norrving B, et al. Granulocyte
ging. Front Neurosci 2011 ; 5 : 47.
colony-stimulating factor in patients with acute ischemic
[32] Wintermark M, Albers GW, Broderick JP, et al. Acute stroke: results of the AX200 for Ischemic Stroke trial. Stroke
stroke imaging research roadmap II. Stroke 2013 ; 44 : 2013 ; 44 : 2681-7.
2628-39.
[47] Gautier S, Ouk T, Tagzirt M, Lefebvre C, Laprais M,
[33] Bivard A, Parsons M. Tissue is more important than Pétrault O, et al. Impact of the neutrophil response to gra-
time: insights into acute ischemic stroke from modern brain nulocyte colony-stimulating factor on the risk of hemor-
imaging. Curr Opin Neurol 2018 ; 31 : 23-7. rhage when used in combination with tissue plasminogen
[34] Nogueira RG, Jadhav AP, Haussen DC, et al. Thrombec- activator during the acute phase of experimental stroke.
tomy 6 to 24 hours after stroke with a mismatch between J Neuroinflammation 2014 ; 11 : 96.
deficit and infarct. N Engl J Med 2018 ; 378 : 11-21. [48] Bordet R, Ihl R, Korczyn AD, Lanza G, Jansa J, Hoerr R,
[35] Albers GW, Marks MP, Kemp S, et al. Thrombectomy Guekht A. Towards the concept of disease-modifier in post-
for Stroke at 6 to 16 hours with selection by perfusion ima- stroke or vascular cognitive impairment: a consensus report.
ging. N Engl J Med 2018 ; 378 : 708-18. BMC Med 2017 ; 15 : 107.

64 /
6

L’imagerie est une étape indispensable dans la prise en charge des patients victimes d’un accident
vasculaire cérébral pour : i) faire le diagnostic ; ii) guider la prise en charge thérapeutique urgente ;
mais aussi iii) apporter des informations étiologiques ; et iv) pronostiques [1]. Ainsi, l’imagerie
du parenchyme couplée à l’imagerie des vaisseaux va permettre rapidement de différencier les
déficits brutaux en lien avec un infarctus cérébral ou une hémorragie cérébrale, d’éliminer cer-
tains diagnostics différentiels non vasculaires [2], et d’apporter des éléments essentiels à l’ins-
tauration d’un traitement. Dans tous les cas, l’imagerie doit être en urgence [3] pour réduire le
délai de début du traitement et améliorer l’évolution à long terme [4, 5].

L’imagerie des infarctus en phase aiguë peut se faire en scanner ou en IRM en fonction du plateau
technique disponible. L’exploration en scanner est de plus en plus multimodale en couplant : i)
scanner sans injection ; ii) angioscanner des troncs supra-aortiques et du polygone de Willis ; et
iii) scanner de perfusion. La disponibilité du scanner, son coût, et la rapidité des informations
obtenues permettant de réduire le délai entre l’arrivée du patient et le début du traitement
thrombolytique [6], ont fait du scanner la méthode la plus utilisée à travers le monde à la phase
aiguë de l’AVC. L’IRM est néanmoins de plus en plus utilisée en première intention à la phase
aiguë essentiellement du fait des performances de l’imagerie de diffusion [7]. Le protocole est
également multimodal avec : i) une imagerie du parenchyme (diffusion, FLAIR, T2*) ; ii) une
angio-IRM des troncs supra-aortiques et du polygone de Willis ; et iii) une imagerie de perfusion.
Les améliorations techniques (echo-planar, imagerie parallèle) permettent maintenant d’obtenir
ces informations en moins de 6 minutes [8] et l’optimisation des organisations permet un tri
efficace et rapide des patients en IRM [9]. Ainsi l’American Academy of Neurology (AAN) indique
dans ses recommandations « qu’une IRM de diffusion devrait être réalisée pour un meilleur
diagnostic d’infarctus en phase aiguë » [10], et la Haute Autorité de santé (HAS) indique aussi
que l’imagerie doit se faire en « privilégiant autant que possible l’IRM » [11].

/ 65
Partie 1 – Phase aiguë

Physiopathologie
Le développement progressif de différentes formes d’œdèmes au cours de l’ischémie conditionne
la visibilité des lésions précoces en imagerie. Dès les premières minutes de l’ischémie, le dys-
fonctionnement de pompes ioniques conduit à une accumulation de sodium et d’eau en intra-
cellulaire dans une phase initiale d’œdème cytotoxique [12]. Il s’ensuit une entrée de sodium
vasculaire pour remplir le compartiment extracellulaire déficient. Ces mouvements ioniques
s’accompagnent de l’entrée d’eau par phénomène osmotique à travers une barrière hémato-
encéphalique encore intacte et imperméable aux protéines plasmatiques. Il s’agit d’une phase
d’œdème ionique qui apparaît suite à une baisse plus prolongée et/ou plus sévère du débit
sanguin cérébral [12]. Plus tardivement la souffrance ischémique de la barrière hémato-
encéphalique induit l’extravasation de protéines plasmatiques dans l’espace extracellulaire qui
aggrave massivement l’entrée d’eau par phénomène de gradient osmotique et hydrostatique : il
s’agit de la phase d’œdème vasogénique [12].

IRM
L’imagerie de diffusion, en quantifiant les mouvements microscopiques de l’eau, est sensible à
l’œdème cytotoxique qui apparait précocement et réduit les mouvements Browniens de l’eau
du fait de la ballonisation cellulaire [13]. L’imagerie de diffusion permet donc de confirmer le
diagnostic d’infarctus très précocement en identifiant des plages systématisées hyperintenses
sur les images de diffusion isotropiques avec des valeurs de coefficient apparent de diffusion
(ADC) abaissées (Figure 1). La distribution des lésions oriente sur l’étiologie, par exemple vers
un mécanisme cardio embolique devant des lésions multiples dans des territoires différents.

La sensibilité de l’IRM de diffusion pour confirmer le diagnostic d’infarctus cérébral est très bonne
(88 % à 100 %) [14, 15] et les lésions d’infarctus sont très spécifiques en diffusion (proche de
100 %) ce qui fait de la diffusion une séquence capitale pour éliminer les diagnostics différentiels
(stroke mimics) [2]. Les faux négatifs en IRM de diffusion sont néanmoins possibles et rapportés
en moyenne dans environ 7 % des cas dans une méta-analyse [16], et jusqu’à 17 % dans une
série [7]), particulièrement dans les infarctus de la circulation postérieure, de petite taille ou très
récents [16].

Le signal en IRM de diffusion est dynamique. L’ADC diminue très précocement pour atteindre
un nadir 24 h-48 h après le début des symptômes [17]. L’ADC ré-augmente ensuite progressi-
vement en rapport avec l’augmentation du contenu en eau d’origine vasculaire et la lyse cellulaire
pour aboutir à un pseudo-normalisation en moyenne 10 jours après le début des symptômes
[17]. Cette dynamique du signal en diffusion peut varier en fonction du mécanisme, de la topo-
graphie de l’infarctus [18] mais aussi de la recanalisation [19]. En revanche, l’imagerie T2/FLAIR
ne se positive que lorsque le contenu net en eau est augmenté (œdème ionique et vasogénique).
Ainsi, en l’absence d’heure précise sur le début des symptômes (AVC du réveil par exemple), un
infarctus en restriction de diffusion mais non visible sur le FLAIR (concept de « mismatch FLAIR-
diffusion ») peut être considéré comme dans les délais de traitement avec une forte spécificité
(88 %) et une forte valeur prédictive positive (95 %) [20].

66 /
Imagerie de