MÉMOIRE
POUR LE MASTER EN DROIT
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Directeur de thèse :
Introduction
1-Contexte de l’étude
2-Éclairage conceptuelle
3-Intérêt du sujet
4-Revue de littérature
6-Méthodologie de recherche
7-Plan du mémoire
Bibliographie
Résumé
Le système judiciaire pénal camerounais s’ouvre progressivement vers le choix
processuel de spécialisation. Celle-ci, dans son contexte actuel, a pour motivation la
répression d’un type de criminalité qui présente une certaine dangerosité. Ce qui emporte
que le substrat procédural devant les juridictions spécialisées comporte de fortes
dérogations aux principes directeurs de la procédure pénale camerounaise mise en forme
par le code de procédure pénale issue de la n°2005/007 du 27 Juillet 2005
En effet, la procédure pénale telle que défini par ce code, est adossé sur un relatif
équilibre entre les logiques opposées, protection de la société contre l’infraction pénale et
préservation des droits et liberté individuelles. Cependant, le choix processuel de
spécialisation comporte des spécificités procédurales qui travaillent à redéfinir l’équilibre sus
évoqué, c’est-à-dire à l’altérer, dans la mesure où elles placent les parties dans un
déséquilibre flagrant, pour faire valoir leur cause. Dans un sens, il est consacré des pouvoirs
importants au principal organe de poursuite. Dans un autre sens, il est à constater la
limitation des prérogatives de la personne objet des poursuites. Mais aussi, comporte des
dérogations qui touche aussi à la façon d’administrer la justice
La présente étude a pour but de s'interroger sur la logique répressive, relativement
dans son aspect procédural et comparativement à la dimension du code de procédure
pénale, qui sous-tend la mécanique progressive de la spécialisation de la justice. Si cette
étude a révélé que l’esprit procédurale devant les juridictions spéciales est globalement
imprégné des dispositions du code de procédure pénale, mais également ou
malheureusement, l’étude permet de constater que des spécificités propres à la
spécialisation y sont dérogatoires, mais aussi dans quelques aspects l’en contrarient.
Sommes toutes, la logique de spécialisation ne s’écarte pas foncièrement et
potentiellement dans la politique criminelle du Cameroun, dans sa dimension procédurale, si
on l’approche d’un point de vue historique.
« Plus qu’un choix, l’émergence d’une politique
nouvelle plus adaptée à la complexité (…) au nouveau
paradigme sécuritaire est une nécessité. Il est aussi
constant que la consolidation des acquis en matière de
protection des droits fondamentaux est tributaire du
même constat » « de sorte procédé à une lecture de la
loi sans prêter le flanc à une interrogation sur le sort
des droits essentiels procéderait d’un déni ».
Jeanne Claire Mebu NCHIM, les auspices de la
loi
Introduction
La spécialisation de la justice n’est pas une nouveauté dans le système pénal camerounais. En
effet, le paysage judicaire camerounais connait déjà la spécialisation de la répression devant le
tribunal militaire et la composition spécial du tribunal de première instance pour les infractions dont
l’auteur est mineur. Cependant, la spécialisation objet de notre étude est, somme toute, une
nouveauté du système pénale camerounais. Et elle se différencie de la première forme de
spécialisation dans la mesure où, le traitement d’une affaire pénal est attribué à la compétence
exclusive d’une juridiction déterminée.
Toutefois, dans son choix législatif de spécialisation de la justice, le législateur bien qu’ayant
adossé le corps procédural sur les dispositions du code de procédure pénale, a accompagné ce choix
législatif de traitement des affaires pénales, d’un ensemble de dérogations aux exigences
internationales de la justice pénale moderne.
Pourtant le plus grand mérite du code de procédure de 2005, a été la mise de la procédure
pénale camerounaises sous la tutelle des instruments internationaux de protection des droits de
l’homme, consubstantielle de la dynamique d’internationalisation des règles supra-étatique de
justice pénale de façon générique, et conséquence de la ratification d’un nombre important
d’instruments internationaux1 et du vœu du politique, de faire du Cameroun un Etat de droit.
I-CONTEXTE DE L’ETUDE
La spécialisation de la justice pénale, précisément de la justice criminelle, tel que
cette étude l’envisage, n’est pas une nouveauté dans le système juridique camerounais. En
effet, le législateur pénal avait au paravent mis sur pied un premier tribunal criminel spécial
1
Charte des Nations Unies Signée à San Francisco le 26 juin 1945 ; Entrée en vigueur le 24 octobre 1945 ;
Applicable au Cameroun depuis le 20 septembre 1960 par succession d’Etat. Déclaration Universelle des Droits
adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 de l'Homme, Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques adopté par l'Assemblée Générale le 16 décembre 1966 ; Entré en vigueur le
23 mars 1976 ; adhésion du Cameroun le 27 juin 1984 ; la charte africaine des droits de l’homme et des peuples
adoptée le 28 juin 1981…
2
FABRICE ROLAND BIKIE,
3
La place éminente du droit à un procès équitable dans la Convention européenne, « consacre le
principe fondamental de la prééminence du droit dans une société démocratique » (CEDH, Sunday
Times c. Royaume-Uni, 26 avr. 1979 ; Série A, n°30, §55. V. également CEDH, Kostovski c. Pays-Bas,
20 nov. 1989). Pierre BOLZE, le droit à la preuve contraire en procédure pénale, thèse de doctorat, Université
Nancy 2, 2010, p.111
e en avril 19614. La conjoncture qui a gouverné la création de ce tribunal était la répression
des infractions attentatoires à la fortune publique5.
La résurgence progressive de la spécialisation de la répression criminelle dans le système
pénal camerounais, se justifie par la virulence de la conjecture criminelle contemporaine. La
raison d’être de ce constat, nous l’envisageons, se recherche dans les différentes expressions de la
criminalité envisagée.
La première forme de criminalité est le détournement des biens publics. Celle-ci fait l’objet de
spécialisation depuis la loi n°2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d’un tribunal criminel
spécial). Cette juridiction est venue exclure du contentieux pénal de droit commun, les
détournements des deniers (loi de 2011), des biens publics (depuis la réforme de 2012) publics d’un
montant supérieur ou égale à 50 000 000 de FCFA6. La résurgence de ce tribunal a comme alibi, le
renforcement de la lutte contre la délinquance financière à col blanc donc l’artillerie d’organismes
d’investigation des infractions de détournement des biens publics et de corruption au Cameroun,
malgré une inflation législative7, n’a pas toujours atteint l’efficacité souhaitée 8. En outre, son retour
dans l’ordonnancement judiciaire camerounais, apparait comme la réponse attendue pour sécuriser
les investissements publics. En effet, le phénomène de la corruption et de détournement de la
fortune publique ayant atteint des proportions inquiétantes 9. Son avènement matérialisant ainsi, la
manifestation de la crise de confiance des politiques en nos juridictions civiles de droit commun 10. En
4
8 Il s’agit de la loi n°61/06 du 4 avril 1961 créant un tribunal criminel spécial, promulguée par l’ex Président
Ahmadou Ahidjo, au Journal Officiel de la République du Cameroun du 26 avril 196
5
Ce tribunal criminel spécial a été créée Ceci en vue de connaitre La répression des infractions attentatoires à
la fortune publique, des infractions de détournement des deniers publics commises par des dépositaires ou
comptables publics, des abus de confiance d’un montant supérieur à un million de francs CFA commis au
préjudice de toute personne, des crimes et délits connexes. Camille K. TCHOTCHOU PETCHE, Le sort des
juridictions de droit commun face à la loi du 16 juillet 2012 sur le tribunal criminel spécial en matière de
détournement des biens publics au Cameroun
6
Loi n°2012/011 du 16 juillet 2012 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2011/028 du 14
décembre 2011 Article 2 nouveau « le tribunal est compétent pour connaitre, lorsque le préjudice est d’un
montant minimum de cinquante million (50 000 000) de francs CFA, des infractions de détournement de biens
publics et des infractions connexes prévues par le code et les conventions internationales ratifiées par le
Cameroun »
7
Comme organisme nous notons la Commission Nationale Anti-corruption(CONAC) organisée par le décret n°
06/088 du 11 mars 2006, l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF) organisée par le décret
n°2005/187 du 31 mai 2009, le Contrôle Supérieur de l’Etat (COSUPE) organisé par le décret n° 2005/374 du 11
octobre 2005, l’Agence Nationale de Régulation des Marchés Publics(ARMP), la Chambre des Comptes de la
Cour Suprême (CCCS), le Conseil de Discipline Budgétaire et Financier (CDBF). La Commission Bancaire
d’Afrique Centrale (COBAC) créée par la Convention de YAOUNDE du 5 octobre 1990.pour se conformer à la
Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNCC) qui fut signée à Mérida au Mexique le 31 octobre
2003 Le Gouvernement camerounais s’est trouvé dans l’obligation de se doter d’une politique efficace tant au
plan préventif que répressif ; d’où le recours à ces instruments administratifs poursuivant le même but …voir
MONEBOULOU MINKADA in « Le Tribunal Criminel Spécial au Cameroun et les grands principes de la justice
criminelle: étude comparative sur les Lois de 1961 et 2011 »
8
Camille K. TCHOTCHOU PETCHE, « Le sort des juridictions de droit commun face à la loi du 16 juillet 2012
sur le tribunal criminel spécial en matière de détournement des biens publics au Cameroun »
9
Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA, op. cit.
10
Me H. Meli, « Sur le Tribunal criminel spécial : un monstre judiciaire est né » interviewé par Claude TADJON,
Le Jour, publié le lundi 16 janvier 2012 dans le site http://www.cameroun24.net/?pg=actu&ppg=4&id=3972 p.
« L’existence de l’article 184 du code pénal paraît insuffisante pour empêcher aux Camerounais d’hésiter à
détourner »
effet, une des raisons d’être de la résurrection en 2011 du TCS était de montrer à l’opinion publique
que, toutes les personnes qui prenaient quelque légèreté avec les fonds publics, pouvaient en
répondre devant la Justice. De ce fait, cette juridiction vient briser le mythe de l’impunité des hauts
dignitaires de l’Etat. Invitant, par la même occasion la société camerounaise, dans son ensemble, à
l’exemplarité dans la gestion de la chose publique.
L’avènement de cette loi, est la résultante d’un contexte de violence généralisée dans l’Extrême-
Nord du Cameroun suite aux attaques sanglantes de la Secte Boko Haram 11 et pour adapter le cadre
juridique Camerounais à la nouvelle menace. C’est ainsi que l’assemblée nationale camerounaise a
voté cette loi en décembre 2014 et elle sera promulguée le 23 décembre 2014 par Paul Biya 12. Cette
secte est « un groupe islamiste armé prônant, selon la traduction de son nom, la lutte contre
l’éducation occidentale et ambitionnant l’établissement d’un califat régi par la Charia sur les zones
qu’il contrôle(…) (qui) semble se caractériser par des actes dont la monstruosité parait inénarrable
dans le concert des nations et inédit dans la nation camerounaise connue pour son légendaire sens de
l’hospitalité13» cette nouvelle forme de criminalité, se présente à l’occurrence, comme une menace
sérieuse pour l’Etat de droit, du fait de l’idéologie qui est la sienne de sorte à engendre «une guerre
de valeurs qui oppose deux visions du monde, celle de la démocratie et celle d’une idéologie
totalitaire14». « Une impression de dangerosité extrême s’en dégage 15», en raison à la fois de ses
manifestations (frappes aveugles) et de ses conséquences (difficile à maitriser tant au plan humain,
structurel qu’idéologique).
C’est fort de ce constat, que le normatif pénal Camerounais, a mis en place une punissabilité
particulière organisant un régime procédural atypique. Punissabilité qui oscille entre, les règles de
droit commun et les mesures d’exceptions dont la complémentarité n’est pas manifestée. Mais, a
contrario, la contrariété semble s’en dégager. Ce qui a poussé un auteur à affirmer, par rapport à la
loi sur l’infraction de terrorisme qu’il s’agit « (d’) une loi confuse16 ».
11
« En 2011, des journalistes camerounais font état (…) (des) incursions criminelles de Boko Haram en territoire
camerounais dans les villes de FOTOKOL, DABANGA, MAKARY et KOUSSERI (…) Elles s’accompagnent de
pillages, meurtres, enlèvements, vols du bétail. Les actes de violence gagnent en intensité au point que la
menace s’internationalise. Cette internationalisation se produira avec l’enlèvement de la famille française
Moulin-Fournier le 19 février 2013 dans la localité de DABANGA et celui du prêtre français Georges
VANDENBEUSCH le 14 novembre 2013. En avril 2014, les pères GIANTONIO ALLEGRI, GIAMPAOLO Marta de
nationalité italienne et sœur Gilberte, canadienne, sont capturés par Boko Haram. Dans la nuit du 16 au 17
mai » Boris Bertolt, « « L’ennemi est parmi nous », Journal des anthropologues [En ligne], 154-155 | 2018, mis
en ligne le 15 novembre 2020, consulté le 18 mars 2019. URL : http://journals.openedition.org/ jda/7090 ; DOI :
10.4000/jda.7090
12
Idem
13
Stève Thiery BILOUNGA « L’Etat camerounais à la croisée des chemins de l’Etat de droit et de l’Etat de police »
14
ABDOUL BELBARA DJORANDI, « La Problématique Répression du Terrorisme En Droit Camerounais »
15
Idem
16
MONENBOULOU MINKADA Hervé Magloire, « Le terrorisme Le droit pénal à l'aune du paradigme de l’ennemi
au Cameroun : d’une loi confuse à l’émergence d’un droit pénal terroriste » in Revue Burkinabè de Droit, Revue
semestrielle N° 53 – 2e SEMESTRE 2017
L’ensemble des dérogations que ces lois apportent dans le cadre processuel du système pénal
camerounais, a poussé certains auteurs 17 en doctrine à S’interroger sur la nouvelle orientation de la
politique criminelle camerounaise. Et une communion idéologique s’en dégage, parfaitement
illustrée par les propos du
La justice en première approche désigne un principe moral qui exige le respect du droit et de
l’équité. C’est à dire une qualité morale qui consiste à être juste et à respecter le droit d’autrui 18
Au sens juridique, elle désigne ce qui est conforme au Droit. C’est le Pouvoir de dire et de faire
respecter le droit. C’est-à-dire l’action par laquelle une autorité, un pouvoir judiciaire définir le droit
positif et reconnait le droit de chacun en tranchant les litiges entre les sujets de de droit. 19Le mot
justice désignant ainsi l’autorité judiciaire 20, c’est-à-dire, l’ensemble des institutions publiques
désignées juridiction, qu’il s’agisse d’un tribunal, d’une cour et de plus en plus d’un conseil pour
autant qu’il déploie une activité juridictionnelle 21
Dans le cadre de cette étude, la définition de la justice qu’on retient c’est celle où elle est assimilée à
l’autorité judiciaire. C’est-à-dire l’ensemble des ordres de juridiction, des magistrats assurant le
service de la justice22dans la société sur la base du Droit et au moyen de décisions ayant force
juridique que l'on appelle jugement, ordonnance, arrêt, sentence arbitrale ...
La justice pénale serait alors entendue comme, l’ensemble des juridictions et magistrat de l’ordre
judiciaire s’intéressant, uniquement, à la poursuite et à la sanction des actes, des auteurs des dits
actes, qui violent la législation pénale.
Quant au terme spécialisation, qui est l’action de spécialiser 23, ajouter au groupe nominale
justice pénale, commande que l’on envisage d’abord une justice ordinaire. Le terme de justice
17
Jean Claire Mebu NCHIMI, « les auspices de la loi n°2014/028 DU 23 décembre 2014 sur le terrorisme » dans
la revue africaine des sciences juridiques n°2/2016 ; Stève Thiery BILOUNGA « L’Etat camerounais à la croisée
des chemins de l’Etat de droit et de l’Etat de police » ; Fabrice Roland Bikie « Le droit pénal à l'aune du
paradigme de l'ennemi » …
18
Dictionnaire français de définitions @ 1994-2011 Synapse Développement, Toulouse (France). Petit Larousse
illustré 1991,
19
Vocabulaire juridique. Rédigé par des professeurs de droit, des magistrats et des jurisconsultes sous la
direction de Henri Capitant. Paris, 1930
20
Lexique des termes juridiques, D. 25e édition 2017-2018
21
Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, 2e ed., paris 1992, page 47. Cité
par Jean Calvin ABA’A OYONO, les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de
1996. Disponible sur JSTOR.ORG, consulté le 22 Janvier 2020 à 11:15:28 UTC
22
idem
23
Spécialisé adjectif : Qui a une spécialité, qui est compétent dans un travail, un domaine particulier. Verbe
spécialiser : Rendre compétent dans un domaine ou un travail particulier. 2. Réduire un domaine d'activité pour
le rendre plus performant. Verbe pronominal Se consacrer intensément à un domaine spécifique. Dictionnaire
français de définitions, Synapse Développement, Toulouse (France) 1994-2011.
ordinaire est préféré ici à celui légale de justice commune parce qu’au regard de
l’organisation judiciaire en matière répressive au Cameroun, comme l’explique le professeur
NTONO-TSIMI24, la juridiction de droit commun semble être une catégorie extrêmement
ouvert car si l’on entend par juridiction de droit commun toute juridiction qui applique
essentiellement les règles du droit contenues dans le code de procédure pénale et dont la
compétence n’est pas extrêmement spécialisée on pourrait être tenté de conclure qu’il n’ya
pas de juridiction spécialisée au Cameroun. Parce qu’une telle lecture vide la spécialisation
de sa substance. Alors que le thème de juridiction ordinaire permet mieux de voir la ligne de
démarcation entre les deux formes de juridictions. Dans la mesure où les ordinaires ont une
compétence générale sur la matière pénale et les spéciales qui ont une compétence
particulière sur la matière pénale.
Aussi, la notion de spécialisation de la justice, induit encore une autre distinction
entre juridiction d’exception et juridiction spécialisées. En effet, les deux juridictions procède
de la même logique puisqu’il s’agit des juridictions qui ne juge que les infractions ou les
personnes que la loi leur a spécialement attribuées25
Même si les deux procèdent d’une même logique, c’est-à-dire enlever à la justice ordinaire
une partie de son domaine de compétence, la ligne de démarcation s’opère sur le mobile de
l’enlèvement. Si dans l’hypothèse de l’exceptionnalité, ce sont les raisons d’ordre politiques (les
qualités du justiciable, générales les hauts dignitaires exemple de la haute cour de justice) ou
religieuses qui prévaut ; dans le cadre de la spécialité ce sont les valeurs de la justice qui sont source
de justification (exemples de la juridiction des mineurs ; les mineurs étant une catégorie de sujet de
droit juridiquement protégée)
En somme, la spécialisation comporte deux aspects. D’abord, la spécialité de la justice peut reposer
sur un critère personnel, ici c’est la qualité du justiciable qui en est le justificatif (le tribunal militaire
pour les infractions commissent par les militaires ou la composition spéciale du tribunal de première
instance pour les infractions dont l’auteur est mineur). Ensuite, elle peut reposer sur un critère
matériel, ici c’est un type d’infraction déterminée qui en est le justificatif. C’est ce second aspect, que
l’on retient pour le cadre de notre étude.
« La politique criminelle est une notion chargée de présupposée (…) en raison des multiples
déterminations de ses modèles théoriques et pratiques (…) »26 c’est-à-dire une notion apparaissant
comme n’étant « que mots pour rien, ou plus-tôt, mots trop riches de toutes les significations que
chacun y attache, trop divers de toutes les formes, toutes les couleurs que chaque culture leur a
données (…)27 » ce qui en fait un concept complexe.
Mais dans le cadre de notre recherche, nous allons retenir la conception étroite de la
politique criminelle, celle qui est recentrée sur son assimilation au droit pénal (c’est-à-dire pratique
et théorie du système pénal). Parce que, comme l’a écrit et démontré le professeur Adolph MINKOA
SHE dans sa thèse de doctorat intitulé « l’évolution de la politique criminelle du Cameroun depuis
24
NTONO-TSIMI, cours de procédure pénale, université de Yaoundé II-Soa, 2016
25
J. M. TCHAKOUA, Introduction générale au droit camerounais, collection études africaines, L’Harmattan,
Cameroun, p. 231
26
Alessandro BARATTA. Droits de l’homme et politiques criminelle in : Déviance et société. 1999 - Vol. 23 - N°3.
pp. 239-257
27
Mireille DELMAS-MARTY. Modèles et Mouvements de Politique Criminelle. Ed, ECONOMICA .1982
l’indépendance », bien que le droit pénal soit présenté comme un outil de la politique criminelle
(selon les acceptions modernes, qui en ont une conception large résumée par la définition que
DELMAS-MARTY en donne, c’est-à-dire, « l'ensemble des procédés par lesquels la société organise
des réponses au phénomène criminel »28), il en constitue le « noyau dur 29». Et « c’est le procédé par
lequel l’Etat exprime véritablement ses choix de politique criminelle. (Et) celle- ci est alors, la manière
avec laquelle l’Etat oriente et dirige sa réaction face au crime »30.
Aussi parce qu’elle, la politique criminelle, « repose sur des choix et des stratégies, depuis la
politique législative définissant les infractions et les procédures applicables, en passant, tout au long
de la « chaîne pénale », par les décisions des parquets sur les poursuites et leurs modalités, jusqu’à la
phase de jugement puis la mise à exécution des sanctions prononcées par les tribunaux »31.
Et encore, comme l’affirme Jean-Paul Jean, même si c’est une « politique publique, (elle est)
fondée sur une philosophie pénale (…) conduite (par l’Etat) avec ses partenaires, pour répondre au
phénomène de la criminalité »32
IV - INTÉRÊT DU SUJET
Ce thème s'intéresse à une réalité complexe, celle de la logique répressive derrière le choix
de la spécialisation. Face à une criminalité inqualifiable, Le désir d’efficacité de la réponse
pénale doit-elle opportunément s’affranchir des standards modernes, universels de la
procédure pénale. Notre étude apparait utile dans qu’il arrive à capter Le substrat normatif
de la spécialisation de la justice criminelle.
33
Mebu NCHIMI, op. cit.
Notre travail s'inscrit dans une perspective évolutive de la procédure pénale et du système
judiciaire camerounais. Il permet de déterminer et de faire un état des lieux de la logique de
la spécialisation de la justice qui semble s’affiné de plus en plus dans le paysage judiciaire
camerounais. Relativement à la procédure pénale, il permet de mesurer le degré
d’implication des exigences du procès équitable dans le système pénal camerounais dans
une généralité, mais dans une spécificité devant les juridictions spécialisées.
L'intérêt de notre étude est aussi pédagogique, parce qu’il enseigne que devant les
juridictions spécialisées, bien qu’il existe des spécificités procédurales dérogatoires des
standards de justice criminelle, la prise en compte des droits de la défense est un impératif
catégorique
41
Germain NTONO-TSIMI, « LE PARADIGME DU CRIME CONTRE L’HUMANITE ET LA RENAISSANCE DU
PLURALISME JURIDIQUE DANS LES DROITS PENAUX AFRICAINS ». Thèse pour le doctorat/PhD en droit
1) les nullités formelles
2) les nullités substantielles
Paragraphe II) des sanctions applicables aux autorités défaillantes et la réparation
Des atteintes aux droits de la défense
A) la sanction des autorités défaillante
1) les sanctions civiles et disciplinaires
2) les sanctions pénales
B) la réparation des atteintes au droit de la défense
1) la libération immédiate
2) l’indemnisation des atteintes abusives
Chapitre : une phase d’instance conforme aux exigences du procès équitable
SECTION I- les expressions du procès équitable à l’occasion de l’instance pénale spéciale
Paragraphe I- le caractère collégial de la formation de jugement et la nature accusatoire de
la procédure d’audience
A) le caractère collégial de la formation de jugement des juridictions spécialisées
1- la consécration formelle du caractère collégiale de la formation de jugement devant les
juridictions spécialisées
2) la portée de la consécration du principe de la collégialité devant les juridictions
spécialisées
B- la nature accusatoire de l’instance pénale devant les juridictions spécialisées
1- L’expression du caractère accusatoire à travers les exigences relatives à la tenue de tout
procès pénal
2) La conduite des débats d’audience à la mesure du principe du contradictoire
Paragraphe II- la récusation des juges des juridictions spécialisées et l’obligation de
motivation des décisions de justice en matière criminelle
A) la récusation des juges des juridictions spécialisées
1) les causes de récusation
2) la procédure de récusation
B) l’obligation de motivation des décisions des décisions devant les juridictions spécialisées
1) les fondements de l’obligation de motivation des décisions de justice
2)la sanction de l’inobservation de l’obligation de motiver la décision de justice
Section II- la contestation des décisions des juridictions spécialisées
Paragraphe I- La particularité du principe du double degré de juridiction devant les
juridictions pénales spécialisées
A- le caractère révocable des décisions du tribunal militaire
1) les conditions de l’appel des décisions du tribunal militaire
2- les effets de l’appel de l’appel des décisions du tribunal militaire
B- La question du double degré de juridiction pour les affaires relevant du tribunal criminel
spécial
1- la lecture restrictive du principe comme fondement plausible de l’inexistence du principe
du double degré de juridiction
2) l’aménagement relative du double degré de juridiction pour les décisions rendues par le
tribunal criminel spécial
Paragraphe II- le pourvoi en cassation des décisions des décisions des juridictions
spécialisées
A) le régime du pourvoi en cassation
1) les conditions de recevabilité du pourvoir
2) les délais et les formes du pouvoir en cassation
B) la conséquence du pourvoi en cassation
1) l’effet dévolutif
2) la décision de la cour suprême
Deuxième partie : des démarcations procédurales en négation avec les préceptes
fondateurs de la justice Pénale camerounaise
Chapitre : les dérogations procédurales au principe de l’égalité
Section I- la rupture du principe de de l’égalité de tous devant la loi
PARAGRAPHE I- la discrimination des auteurs de détournement des biens publics
A) les justiciables du tribunal criminel spécial
B) les autres justiciables de détournement des biens publiques
Paragraphe II- la discrimination entre des justiciables du tribunal criminel spécial
A) le traitement privilégié des justiciables restituant
1) l’exemption total des poursuites dans la phase de l’information judiciaire
2) l’arrêt de l’instance dans la phase du procès
B) la considération des autres justiciables
1) l’application de la procédure pénale
2) l’application de la sanction pénale
Section II- la rupture de l’égalité des armes
Paragraphe I- l’accroissement des compétences du ministère public
A) le monopole dans l’action publique
1- la seule autorité compétente pour ouvrir l’instance militaire pour infraction de terrorisme
2- la faculté d’arrêter les poursuites devant les deux juridictions spécialisées
B) la pleine compétence dans l’exercice des recours
1) la pleine compétence dans l’exercice du pourvoi en cassation
Pour les affaires relevant du tribunal criminel spécial
2) la limitation du pourvoi des parties au point de droit
Paragraphe II la restriction des droits de la défense dans le choix de la spécialisation
A- L’atténuation des garanties d’une procédure équitable
1) l’exclusion du mis en cause pour infraction de terrorisme au bénéfice des garanties de
sauvegarde des libertés individuelles
2) la jonction des exceptions de procédure au fond et la limitation du nombre de témoin
devant le tribunal criminel spécial
B- l’amoindrissement des mécanismes d’indulgences pénales
1) le conditionnement strict de l’exemption des poursuites pénales en matière de terrorisme
2) la dureté du régime de l’atténuation des peines
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages et articles
Jacques chevalier, L’Etat de droit au défi de l’État sécuritaire in le droit malgré tout hommage à
François OST, sous la direction de Yves Cartuyvels, Antoine Bailleux, Diane Bernard…
« Les politiques criminelles antiterroristes en Europe », actes du colloque annuel de droit pénal
comparé de l’ISCJ, 12 mai 2016, Pôle juridique et judiciaire. Jean-Paul JEAN, Le système pénal, éd. La
Découverte, 2008, p. 3. Cité « dans Les politiques criminelles antiterroristes en Europe », idem.
Fabrice Roland Bikie e, « Le droit pénal à l'aune du paradigme de l'ennemi », La Revue des droits de l’homme
[En ligne], 11 | 2017, mis en ligne le 23 décembre 2016, consulté le 01 mai 2019. URL : http://
journals.openedition.org/revdh/2789 ; DOI : 10.4000/revdh .2789
Stève Thiery Bilounga « L’Etat camerounais à la croisée des chemins de l’Etat de droit et de l’Etat de
police »
Stève Thiery Bilounga « L’Etat camerounais à la croisée des chemins de l’Etat de droit et de l’Etat de
police »
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Camille K. TCHOTCHOU PETCHE, « Le sort des juridictions de droit commun face à la loi du 16 juillet
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Me H. Meli, « Sur le Tribunal criminel spécial : un monstre judiciaire est né » interviewé par Claude
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Conclusion partielle 71
DEUXIEME PARTIE : Des démarcations procédurales en négation avec les
préceptes fondateurs de la justice Pénale camerounaise 73
Chapitre I : Les dérogations procédurales au principe de l’égalité 76
Section I- la rupture du principe de de l’égalité de tous devant la loi 77
PARAGRAPHE I- la discrimination des auteurs de détournement des biens
publics 78