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Résumé synthétique de l’étude réalisée en 2007 et 2008 par FOCUS

DEVELOPMENT ASSOCIATION pour l’UNICEF et le MEN

Janvier 2009

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Les disparités selon le genre sont plus ténues à l’école malgache, jusqu’à la fin du premier cycle
secondaire, que dans la plupart des autres pays d’Afrique subsaharienne, de sorte qu’elles ne
semblent pas constituer une problématique de premier rang.
Cependant, le constat simple selon lequel les jeunes filles sont moins nombreuses que les garçons
à terminer le second cycle de l’enseignement fondamental suggère d’examiner de plus près la
question de l’équité selon le genre à l’école malgache, de façon à identifier les voies par lesquelles
se constitue le handicap subi par les filles, à mesurer son poids relatif, à le situer
géographiquement, et à le mettre en relation avec des pratiques sociales et scolaires qui en
assurent la perpétuation.
L’étude entreprise a donc croisé :
un questionnement quantitatif : quelles disparités de genre peut-on observer quant à
l’accès aux deux cycles de l’enseignement fondamental, à la rétention en cours de cycle, à la
transition entre les deux cycles ? Peut-on mettre ces disparités en relation avec des
caractéristiques connues du système éducatif malgache ? Ces disparités sont-elles de même
nature et de même intensité sur tout le territoire, ou connaissent-elles des variations
géographiques notables ?
un questionnement qualitatif : relevant d’une approche locale et située du phénomène : les
conditions des apprentissages scolaires sont-elles de nature à générer des disparités de genre ?
Les représentations, les attentes et les comportements des acteurs du système sont-ils
discriminants ?
L’itération permanente entre les deux approches permet de comprendre en quoi les
représentations sociales et les comportements des acteurs de l’éducation peuvent être reliés aux
disparités selon le genre observées, et de mettre en lumière les mécanismes par lesquelles ils
produisent des effets non souhaitables.
Cette étude emploie des méthodes empiriques d’observations et de constats. La méthodologie est
donc axée sur la production de données fiables et comparables, et les méthodes d’interprétation
ne sont pas dérivées d’une théorie préexistante sur les effets de genre dans les phénomènes
sociaux.
Ses résultats se traduisent en recommandations pratiques adressées aux acteurs du système, en
vue de mesures simples et opérationnelles de nature à réduire les disparités de genre dont souffre
l’école malgache.

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La démarche s’est appuyée, au démarrage, sur une étude documentaire, ainsi que sur l’analyse des
contenus des manuels scolaires. Parallèlement, une approche statistique sur la base des données
nationales, régionales et locales (jusqu’au niveau des circonscriptions) a été menée, de façon à
situer et à mesurer le problème des disparités. Toutes les données sont celles du MEN.
L’approche locale a eu pour but l’observation des comportements des
acteurs et de communautés dans six CISCO, sélectionnées au départ
comme présentant chacune un profil spécifique quant aux disparités de
genre :
Dans chacune des CISCO, deux écoles primaires publiques ont été retenues
pour les études de cas: un site rural/excentré et un site « urbain » dans le
chef lieu, sauf à Antananarivo Renivohitra, qui constitue le seul district
uniquement urbain, et où l’une des deux écoles choisies était privée.
Des focus-groups ont permis de recueillir les propos de 104 enfants, de 56
adolescents (dont un groupe d’adolescents déscolarisés), et de 80 parents.
Des groupes nominaux ont réuni 36 membres des communautés scolaires
et 39 représentants d’autorités locales.
Une enquête par questionnaire, adressée à 180 ménages (soit 866 individus)
a également été diligentée.

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3.1. Comportements des flux
Au delà des premières impressions, une description plus précise discriminant les différents
segments de la scolarité de base montre le profil suivant, où l’on constate que, si dans le primaire,
la situation nationale est globalement favorable aux filles, cet avantage s’inverse largement dans le
premier cycle secondaire :
% de la classe d’âge scolarisé et
Différenciations filles / garçons indicateurs de flux Rapport Filles/Garçons
Filles (%) Garçons (%)
Accès au Primaire 87,6 86,4 1,01
Rétention en cours de primaire 55,4 51,3 1,08
Achèvement du Primaire 48,5 44,3 1,10
Transition primaire secondaire 1 64,9 70,4 0,92
Accès au Secondaire 1 31,5 31,2 1,01
Rétention en cours de secondaire 1 65,7 74,7 0,88
Achèvement du Secondaire 1 20,7 23,3 0,89

Par ailleurs, l’examen local de données désagrégées montre,dans certaines zones, la persistance
d’une forte inégalité de genre dans les scolarités. Des données par province témoignent d’une
situation disparate :
Disparités entre garçons et filles au niveau des Provinces, de l’accès au primaire à
l’achèvement du premier cycle secondaire
Rétention Achèvement
Ex - Provinces Accès primaire Transition PS1 Accès Sec1 Rétention Sec1 Achèvement Sec1
primaire primaire
Antananarivo 0,988 1,045 1,033 0,861 0,886 0,964 0,851
Antsiranana 1,012 0,857 0,866 1,282 1,102 0,707 0,780
Fianarantsoa 0,935 1,154 1,072 0,809 0,805 0,707 0,560
Mahajanga 1,194 0,735 0,869 1,696 1,418 0,635 0,810
Toamasina 1,094 1,117 1,221 0,671 0,796 1,544 1,149
Toliara 1,024 1,194 1,207 0,810 0,977 1,093 1,038
Rappel national 1,01 1,08 1,10 0,92 1,01 0,88 0,89

Ces données montrent que des moyennes nationales cachent des écarts régionaux parfois
importants, la situation des filles étant nettement défavorable dans certains cas comme à
Fianarantsoa et à Antsiranana.
Une analyse plus fine au niveau des CISCO montre que certaines d’entre elles présentent un
profil encore très accentué par rapport aux tendances de la région dans laquelle elles se situent.
C’est le cas en particulier des CISCO suivantes : Ivohibe (DREN d’Hihorombe), Vondrozo,
Vagaindrano, Modongy-Sud et Befotaka (DREN d’Atsimo-Atsinanana); Antalaha, Sambava et
Vohimarina (DREN de Sava), Ikalamavony (DREN de Haute Matsiatra), Iakora et Ihosy (DREN
d’Hihorombe), Ikongo (DREN de Vatovavyfitovinany) ? Ambatomainty.

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3.2. Genre et qualité de l’éducation.
La problématique de l’étude est de mettre en relations les constats que l’on peut opérer par des
observations statistiques sur les carrières scolaires des filles comparées à celles des garçons, avec
les pratiques éducatives et les coutumes sociales que l’on peut modéliser au moyen d’une enquête
approfondie. L’éducation familiale et scolaire des enfants malgaches va-t-elle dans le sens d’un
traitement différencié des filles et des garçons, mène-t-elle à des ambitions plus réduites pour les
filles, s’appuie-t-elle sur des préjugés de genre et en produit-elle ? Si c’est le cas, les deux
instruments de l’enquête se répondent et se complètent en proposant non une explication
causale, mais une photographie cohérente de l’école malgache d’aujourd’hui dans ses relations
complexes avec la société.
Persistance des stéréotypes de genre dans les manuels scolaires
Un examen systématique des manuels en usage dans les classes de l’enseignement fondamental
montre de façon très nette la fréquence des stéréotypes de genre dans l’enseignement.
Les rôles sociaux et économiques des hommes et des femmes sont présentés de façon très
différenciée.
Quantitativement, l’observation des textes, des exercices et des illustrations des manuels montre que
selon les cas, les hommes y sont représentés entre quatre et quinze fois plus fréquemment que les
femmes.
Lorsque ces textes, exercices ou illustrations mettent la personne en scène dans des activités
économiques, le déséquilibre est patent. Par exemple, dans un manuel de calcul, on peut voir 21
hommes exercer une activité économique, contre 5 femmes, le même rapport est de 13 à 1 dans un
manuel de géographie.
Sur le plan qualitatif, l’image des femmes véhiculée par les manuels scolaires est généralement une
image effacée, montrant la personne dans un rôle passif. Les activités économiques et
professionnelles valorisantes et les rôles d’autorité présentés dans les manuels sont systématiquement
exercées par des hommes. Il arrive même que des rôles traditionnellement exercées par des femmes
dans les habitudes malgaches soient, curieusement, masculinisés lorsqu’ils sont présentés dans des
manuels, comme la vente des produits de la pêche par exemple.
En milieu scolaire, une perception différenciée des genres mène à des attentes et des comportements
différenciés des enseignants à l’égard des filles et des garçons.
Ce phénomène a pu être mis en lumière par les entretiens menés avec des enseignants, des enfants et
des adolescents.
En premier lieu, les enseignants entretiennent une perception nettement différenciée des
comportements des élèves. A leurs yeux, les garçons apparaissent comme turbulents voire
indomptables, mais en même temps « intelligents », créatifs et rapides ; tandis que les filles sont
perçues comme naturellement dociles, disciplinées, et s’adaptant aisément aux exigences des
apprentissages scolaires.
De ces perceptions différenciées découlent alors des attentes sexuées. Les garçons sont ainsi
supposés, dans l’esprit de leurs enseignants, plus doués pour les disciplines scientifiques. Les
enseignants les sollicitent plus souvent que les filles (surtout en calcul et en sciences), et favorisent en
toutes occasion l’exercice du leadership par les garçons. Les filles sont supposées entretenir plus
d’affinités avec les disciplines littéraires, elles sont nettement moins sollicitées et interrogées que les
garçons, et moins incitées à prendre le leadership à l’occasion des différentes activités de la classe.

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Ces attitudes enseignantes sont malheureusement productives, en retour, d’attitudes de la part des
enfants, qui vont les transformer en prédictions auto réalisatrices. Les enfants ont une nette
propension à intérioriser les stéréotypes véhiculés, et c’est ainsi que les filles expriment une image de
soi plutôt dévalorisée. Elles manifestent des ambitions scolaires et professionnelles en retrait visible
par rapport à celles des garçons.
Des faits de violence scolaire
Dans les protocoles de l’enquête, il n’était pas prévu d’investigation particulière sur le phénomène
de violence en milieu scolaire. C’est spontanément que les enfants et adolescents participant aux
différents groupes de discussion en on fait état.
La violence à l’égard des élèves à l’école semble bien plus importante qu’on aurait pu le penser.
En affectant indistinctement les filles et les garçons, elle est plus gravement ressentie par les
premières et constitue, pour les concerné(e)s, un facteur majeur de démotivation aux études,
pouvant entraîner l’abandon scolaire.
Infligée par les garçons envers leurs pairs mais surtout envers les filles, ou par les enseignant(e)s
envers leurs élèves mais surtout envers les garçons, la violence à l’école fait face à l’absence de
mesures particulières prises pour la prévenir ou la sanctionner, celle des enseignant(e)s
rencontrant même souvent l’adhésion des parents.
Des pratiques éducatives familiales marquées par des différences de genre
Les perceptions et des pratiques différenciées en milieu familial, mises au jour et explicitées par
l’enquête, vont dans le même sens que celles observées en milieu scolaire.
Les perceptions des familles quant aux qualités de leurs enfants sont très sexuées : les garçons
sont perçus comme moins travailleurs et plus indisciplinés, mais toutefois plus intelligents que les
filles et disposant de meilleures chances de réussite scolaire et professionnelle.
Ces perceptions déteignent sur les attentes exprimées par les familles. Les ambitions exprimées
pour les filles ne vont généralement pas au delà du mariage, envisagé comme la fin de l’éducation
familiale.
Ces attentes génèrent à leur tour des comportements différenciés. A l’égard des filles, l’âge de la
puberté marque un changement important dans l’attitude des familles : avant la puberté, la
fréquentation scolaire ne représente ni un problème ni une priorité, mais après la puberté, la
crainte de grossesse non désirée, et celle de la prostitution, jouent en faveur de l’encouragement
des filles au mariage. Pour les garçons en revanche, les encouragements aux apprentissages
scolaires sont plus affirmés. C’est ainsi que lorsque la scolarisation représente un coût pour les
familles (en particulier lorsqu’il faut contribuer à la rémunération du maître), ces dernières sont
plus disposées à l’assumer au bénéfice des garçons qu’à celui des filles.
Enfin, il faut mentionner la situation particulière, mais malheureusement non exceptionnelle, des
jeunes filles exclues de l’école avant la fin de leur scolarité pour cause de grossesse. Cette situation
a été relevée par l’enquête dans quatre districts sur les six retenus. Notons ici que ce fait témoigne
d’une certaine défaillance dans l’éducation à la santé de la reproduction dont devraient bénéficier
tous les enfants scolarisés, en particulier lorsqu’ils atteignent un âge à risques.

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3.3. Analyse et mise en perspective des constats.
Un retour sur des méthodes quantitatives nous permet d’expliquer par quels mécanismes les
comportements sociaux observés produisent une espérance de scolarité inégale selon le genre, et
d’identifier ainsi la nature des mesures correctives que les autorités scolaires peuvent adopter.
Facteurs d’offre
On constate que les CISCOs dans lesquelles les filles sont très pénalisées sont aussi celles où les
scolarités des garçons comme des filles sont les plus difficiles. A Vangaindrano et à Mampikony,
l’écart de genre est très important pour l’achèvement du cycle primaire. Ces deux CISCOs
présentent également des taux de redoublement et d’abandon bien plus élevés que dans la
moyenne de l’échantillon, ainsi qu’une proportion nettement plus fortes de maîtres FRAM. La
CISCO de Toliara II, dont les résultats en matière d’équité-genre sont également médiocres, se
caractérise également par des résultats d’ensemble décevants, par une forte propension au
redoublement, ainsi que par une proportion assez élevée de maîtres FRAM.
La pénalisation des filles pour leur scolarité ne serait donc pas un phénomène isolé d’un contexte
plus général. La difficulté du contexte des scolarisations (éloignement de l’école, sélectivité des
pratiques, occurrence des redoublements, prix à payer pour le financement communautaire des
maîtres FRAM) pèse en revanche plus sur les filles que sur les garçons.
Les facteurs d’offre renvoient principalement à la densité du réseau d’école et au nombre d’écoles
incomplètes, ainsi qu’à la qualification des maîtres qui y exercent. Ils renvoient également aux
habitudes locales de gestion des carrières scolaires (redoublements), aux relations maîtres élèves,
aux relations entre les pairs et aux infrastructures.
La proportion de maîtres FRAM dans la CISCO est la variable la plus liée à la pénalisation des
filles quant à l’achèvement du cycle primaire, comme il apparaît dans le tableau ci-dessous :

CISCO % maîtres FRAM Achèvement primaire, F/G


Antananarivo Renivohitra 17 1,13
Toamasina 8 1,17
Fandriana 30 1,14
Toliara 2 31 1,03
Mampikony 56 0,71
Vangaindrano 66 0,68

La corrélation entre la proportion de maîtres FRAM et la valeur relative du taux d’achèvement


féminin par rapport au taux d’achèvement masculin s’établit à – 0,954 : il s’agit d’une corrélation
très forte. L’explication la plus directe réside dans le coût à charge des familles, la dépense étant
plus difficilement consentie pour les filles.
Par ailleurs, les CISCOs de l’échantillon qui enregistrent des taux d’achèvement globaux faibles
sont celles dans lesquelles la densité de population est faible.
Les variables « densité de population » et « achèvement primaire » sont fortement corrélées à
0,945.
La faiblesse globale de l’achèvement a, comme on l’a vu, une très forte incidence sur la
pénalisation relative des filles : ces dernières subissent plus que les garçons les difficultés de l’offre
et la faiblesse générale des résultats des écoles.

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densité de population achèvement achèvement primaire,
CISCO
( h/km2) primaire F+G F/G
Antananarivo Renivohitra 13636 89 1,13
Toamasina 7733 81,1 1,17
Fandriana 80 35,35 1,14
Toliara 2 23 20,55 1,03
Mampikony 19 19,95 0,71
Vangaindrano 51 13 0,68
La faible densité de population est associée à une offre scolaire présentant des caractéristiques
pénalisantes : réseau d’écoles lacunaire (et donc distance élevée entre la résidence de l’enfant et
l’école), forte proportion d’écoles à cycle incomplet. Ces facteurs d’offre sont clairement reliés à
notre problématique.
La faible densité du réseau d’écoles, la forte présence de maîtres FRAM et la pratique de taux de
redoublements élevés sont les trois facteurs relevant de la gestion scolaire qui ont une influence
statistique nette sur le désavantage subi par les filles.
Enfin, le dernier facteur d’inégalités de genre lié à l’offre scolaire tient aux infrastructures,
bâtiments et équipements, qui sont souvent inadaptés aux besoins spécifiques des filles. Les
écoles dépourvues de latrines séparées pour les filles et en nombre suffisant, ainsi que d’accès à
l’eau, restent trop nombreuses. Dans la majorité des cas, la conception et le design des locaux et
équipements ont omis de tenir compte que les filles ont, dans leur corps, de l’intimité à préserver
mais qui se laisse découvrir à cause de la hauteur un peu trop élevée des tableaux noirs ou de la
forme et dimensions trop étroites et sans cache des tables bancs ou des infrastructures sanitaires
trop indiscrètes… L’état de ces infrastructures est source de gêne et de stress chez les filles qui se
sentent soumises à des efforts de retenue, plus que les garçons, pour éviter justement d’être
l’objet de moquerie ou d’amusement de ces derniers. La situation ainsi créée, lorsqu’elle est à
répétition et s’ajoute à d’autres paramètres, finit par lasser les filles sensibles et contribue à leur
abandon de l’école.
Facteurs de demande
Il a été constaté plus haut que l’absence de gratuité des scolarités, là où les rémunérations des
maîtres restent assumées au moins en partie par les familles, représentait le premier des handicaps
subis par les filles, avec un fort effet sur leur propension à abandonner leur scolarité. Il s’agit-là
d’une situation dans laquelle l’offre reste mal adaptée, et ne parvient pas à rencontrer une
demande bien réelle, qui n’est pas toujours solvable.
Cela n’empêche pas que la demande d’éducation soit très vive à Madagascar. L’ensemble des
enfants et adolescents interrogés au cours de l’enquête adhère aux finalités de l’école et souhaite
la fréquenter le plus longtemps qu’il est possible. En particulier, parmi les groupes d’adolescents
déscolarisés avec lesquels des entretiens ont eu lieu, des regrets sont clairement exprimés. Ces
jeunes n’ont pas abandonné l’école de leur plein gré ou par manque de désir d’y rester.
La question de l’âge paraît cependant affecter la demande de scolarités dans les milieux modestes,
en particulier pour les filles. En effet, avec la puberté apparaissent pour elles des dangers
importants (grossesse non désirée hors union stable) qui amènent les familles à préférer les
orienter vers le mariage plutôt que de les maintenir dans leurs scolarités. Pour les garçons, mais
moins nettement, cet âge correspond à celui où des coûts d’opportunité peuvent se faire sentir,
avec l’appel d’activités rémunératrices dans le secteur informel. Il apparaît donc clair que
l’espérance de scolarités de ces enfants est d’autant plus longue qu’ils auront débuté leur scolarité
à l’âge normal de six ans et non après. Il est également clair que la fréquence des redoublements
mène un trop grand nombre d’enfants, et en particulier de filles, à atteindre l’âge critique de la
puberté avant la fin de leur scolarité primaire.

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L’approche genre vise à prévenir ou à compenser toutes les formes de disparités au détriment de
l’un ou de l’autre sexe.
Les recommandations issues de l’étude ne sont pas toutes spécifiquement destinées à améliorer
seulement la situation particulière des filles à l’école. Certaines sont de portée générale, mais on
peut en attendre un effet positif sur l’équité – genre. Par exemple, la diminution des charges
financières que représentent les scolarités pour les familles bénéficiera aux enfants des deux sexes,
mais, comme les filles sont dans les faits plus pénalisées que les garçons par ces charges, elles
bénéficieront davantage de leur réduction. Il en va de même pour les questions liées à la violence
scolaire. D’autres en revanche sont des mesures spécifiquement orientées pour bénéficier aux
jeunes filles.

4.1. Action sur l’offre et la demande d’éducation scolaire


Améliorer l’offre scolaire dans les zones à population dispersée / scolarités difficiles
Développer la densité du réseau d’écoles dans les circonscriptions rurales et excentrées, en
veillant à éviter le création d’écoles à cycle incomplet, à diminuer le nombre d’écoles à cycle
incomplet existantes et enfin à ne pas augmenter la proportion de maîtres FRAM dans ces zones..
Atteindre la gratuité effective des scolarités par la compensation des charges des
maîtres FRAM
Développer les subventions aux communautés en compensation de la charge des maîtres FRAM
et des autres charges pesant sur les familles dans les circonscriptions aux résultats les plus
modestes en termes d’achèvement et d’équité selon le genre.
Etablir un plan de résorption des maîtres FRAM dans les circonscriptions présentant de faibles
résultats en termes d’achèvement et d’équit selon le genre.
Intégrer une dimension genre dans le développement des infrastructures
Intégrer dans les normes de construction des écoles la prise en compte des besoins spécifiques
des élèves, notamment des filles, en matière d’infrastructures sanitaires (toilettes séparées et
fermées pour les filles et les garçons), de mobiliers (taille et cache), de tableaux noirs (hauteur),
cour (clôturée), etc..
Adapter le calendrier scolaire
Réaménager le calendrier scolaire de façon à ce que les grandes vacances courent de décembre à
février. C’est au cours de cette période que le taux d’absentéisme est le plus élevé. Cette période
correspon à la saison des pluies où beaucoup de routes sont impraticables et de ruisseaux/rivières
infranchissables par les élèves et à la période de soudure où les élèves manquent de nourriture,
c’est également la saison chaude où les températures fatiguent l’organisme.
Instaurer un partenariat entre les communautés et les écoles afin de prévenir les
abandons scolaires

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Favoriser le rapprochement entre les communautés et les écoles de façon à mutualiser les bonnes
pratiques, à promouvoir les normes pro-genre qui auront des effets positifs sur les études et
l’avenir des filles et des garçons, à prévenir les risques d’abandons liés au manque de ressources,
à diffuser l’éducation à la santé reproductive et le dialogue sur les conduites à risque.

4.2. Gestion pédagogique.


Intégrer systématiquement le genre dans tous les outils de monitoring
Etablir par une directive réglementaire nationale la désagrégation par sexe de toutes les données
statistiques pour un meilleur traitement des données et pour l'effectivité de la prise en compte de
la dimension genre, d’une part, et pour vérifier et expliquer les incohérences existantes entre
données nationales (MEN) et données régionales (CISCO), d’autre part.
Mettre en place un système de suivi et évaluation pour veiller à ce que les établissements scolaires
respectent l’application des mesures prises
Assurer la transmission à chaque CISCO de ses résultats périodiques en termes de rétention,
d’achèvement et d’équité-genre ; amener les CISCO les plus faibles sur ces indicateurs à définir
des plans d’action spécifiques.
Tenir compte de l’importance des âges dans la gestion des carrières scolaires
Encourager et supporter le développement du système préscolaire pour favoriser la scolarisation
des enfants à 6 ans, ce qui favorise l’attachement des élèves, en particulier les filles, aux études, et
par ricochet l’amélioration de leurs performances scolaires ainsi que des taux de rétention.
Intensifier la politique de réduction des redoublements, de façon à permettre à la grande majorité
des enfants d’avoir achevé le cycle primaire avant l’âge critique pour la poursuite de leur scolarité.
Permettre aux filles enceintes la poursuite de leurs scolarités
Le gouvernement malgache a pris des engagements dans la charte africaine des droits et du bien-
être de l’enfant (1990), en faveur du maintien des filles enceintes dans leur scolarité. Ces
engagements peinent à recevoir application dans les faits, et c’est pourquoi il serait opportun :
d’en renforcer la lisibilité dans le droit interne malgache par l’adoption d’un texte
réglementaire spécifique contraignant les directeurs d’établissement ;
de diffuser largement le contenu de cet engagement auprès des familles et des personnels
scolaires, en veillant à son application effective
d’expurger les règlements intérieurs d’établissements de toutes les dispositions contraires
qui y figureraient encore aujourd’hui
Cet ensemble de mesures réglementaires gagnera à être complété par des indications fermes à la
destination des enseignants, afin qu'ils puissent adopter des attitudes non discriminatoires par
rapport aux filles enceintes et transmettre cela aux élèves.
Enfin, les parents et les communautés sont à sensibiliser sur la nécessité et la possibilité pour les
filles d'étudier, même en cas de grossesse.
Encadrer le comportement des enseignants

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Les comportements non souhaitables ou violents d’une parte des enseignants sont encore mal
documentés et mesurés à Madagascar. La réalisation d’études spécifiques sur ce thème, et la mise
en place d’un système de recension des incidents et des plaintes doit précéder l’édiction de
mesures générales.
Mais dans l’immédiat, et quelque soient l’ampleur et les formes exactes du phénomène, il
convient :
D'encourager les établissements scolaires à formuler des règlements intérieurs qui
interdisent toute forme de violence ;
D’interdire en toutes circonstances les punitions corporelles, humiliantes ou dégradantes
envers les élèves
Lutter contre les comportements violents et instaurer des règles saines de discipline
scolaire
Intégrer dans les lois et règlements sur l'éducation des dispositions explicites et claires réprimant
les violences scolaires sous toutes leurs formes, y compris celles mettant en cause les
comportements des enseignants.
Instaurer une réglementation plus stricte dans les établissements à l’encontre des comportements
violents, tout en diffusant en direction des enfants des ensembles de règles simples illustrés des
exemples concrets.
Encourager l'éducation sportive qui pourrait être un moyen pour prévenir la violence, et veiller à
la rendre accessible aux filles autant qu’aux garçons.

4.3. Pédagogie, méthodes et contenus d’enseignement


Eliminer les stéréotypes de genre dans les manuels scolaires
Renforcer la formation les membres de la Direction du Développement des Curricula (DDC)
afin qu’ils puissent prendre en charge le développement de manuels scolaires sensibles au genre ;
Poursuivre la révision des manuels scolaires de façon à ce qu'ils traitent les femmes et les
hommes avec équilibre, et soient débarrassés des images stéréotypées véhiculées dans les
illustrations et les textes. A cet effet, le manuel de connaissances usuelles pourrait servir de
modèle
Encourager les auteurs de manuels et les enseignants à faire usage de modèles positifs de
référence, réalistes, permettant l’identification des jeunes filles à des idéaux aussi ambitieux que
ceux des garçons.
Améliorer les pratiques enseignantes, dispenser des formations sur les effets de genre
dans les pratiques professionnelles
Assurer la disponibilité d'outils opérationnels, y compris des manuels pour les éducateurs et
élèves, suffisamment sensibles au genre pour impulser les changements souhaités, à commencer
par la distribution du livret « c'est quoi le genre? » existant dans toutes les écoles et dont
l'application doit faire l'objet d'un plus grand suivi et évaluation avec, le cas échéant, un
renforcement des compétences des responsables d'école.

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Introduire la dimension genre dans la formation initiale des enseignants, outre la formation en
cours d’emploi, qui doit être revue pour mieux faire ressortir les implications pédagogiques et le
rôle de suivi des responsables.
Inclure/renforcer dans les curricula des enseignant(e)s les notions de psychologie des enfants et
des adolescents, Traiter davantage les modalités pratiques que les concepts y afférents, et
produire des supports médiatiques
Développer un programme de sensibilisation du corps enseignant sur les effets des traitements
sexués sur les parcours scolaires respectifs des filles et des garçons.
Renforcer l’éducation à la santé reproductive au cycle primaire.
Former les enseignants sur la manière d'aborder l'éducation sexuelle et la santé de la reproduction
et sur le contenu, en séparant éventuellement les filles (avec une enseignante) et les garçons (avec
un enseignant) dans les localités très réservées sur la question.

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