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L'INDEPENDANCE
.

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J/.E.J\~P M DU BRESIL,
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•• ..... ....... • :t. .

~RÉSENTÉB

AUX MONARQUES EUROPÉENS.


Toutes les. formalités voulues
.
par les' lois ayant
.
été rem-
plies, les exemplaires qui ne ~>eroQt pas revêtus de la
signature de l'auteur seront réputés contrefaits. ·

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L'INDEPENDANCE
f .

.DE
' . ~

L'EMPIRE DU BRESIL;
.

PRÉSENTÉE

AUX MONARQUES EUROPÉENS;

PAR M. ALPHONSE DE BEAUCHAMP'


liiSTORIEN DU BRÉStL,

.CHEV!LIER DE. L'ORD.RE ROYAL DE L.\ LÉ GION-D'HONNEUR.

A PARIS,
CHEZ DELAUNAY, LIBRAIRE,
PALAIS-ROYAL, GALERIE DE BOIS.

Ull'RUIERIE ANTH•; BÓUCHER, RUE DES BONS-ENFANS ' · JS 0 , 34.

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~)
I
I

\.
INTRODUCTI·o ·N.·.

ENFIN le roi de Portugal n'a pàs démenti s_on


caractere. ll se montré juste et conséquerit
à l' égard du Brésil, dont l'indépendan?e a
inis en mouvement tous les cabinets de l'Eu-
rope. Libre des factions, et se rappelant que
le premier il a érigé le Brésil en royaume, que
le ·premier il a décrété l'affranchissement de
son commerce ~ Jean VI sanctionnant l'ceu-
vre de sa·politique, vient de nommer · des
pl~nipotentiaires chargés' de traiter avec les
négociateurs envoyés par son auguste fils don
Pedro (I)., Puissent- ils·ajuster les différen~s
qui se sont élevés entre les Portugais et les
Brésiliens , nations que sép~re la vaste éten-
\

(I) De l a. part.du Brésil ' le général Brant et Ie cheva-


lier de Gameiro ; . de la part du Portugal , . le mariruis ·de
, y ma-Réal ; tous· revêtus du titre de plénípotentíaires . .
1
i,j
dúe ges mers à la distance de deux mille
lieuesl :Puisse un tâpprochêJileiit sihch·e entre
le pere et h~ fi.Is-se terminer à l'avantage de~
peuples qu'ilsrégissent! Nul douteque si,Jean
VI agit d'apres lu!- mêrn.e, Ia reconnaissance
de l'empire, qui déjà doit être faite dans
sa conscience , ne soit le prompt résultat
des conférences qui ~ s'ouvrent à Londres.
Nul doutt~ qu'elles n'aient cette heureuse
issue, si le conseil" du . r'oi, connaissant les
vrais intérêts de la royauté et du Portugal ,
s'oppose avec fermeté à ce que des haines
pat ticulieres ne prévaie~t St;Ir les intérêts de
la famille de Bragance. Et pourquoi les Por-
tugais sjobstineraient-ils à_ s'alí'mer contre la
pr~)spérité de I'empire hrésili,e n ? Veulent-
ils que l'áncienne morgue l'emporte encore
sur la raison?Veulen~-ils ~flcourir l'é reproche
de n~avoir jamais regardé\les Brésiliens com-
me leurs freres , mais com me leurs esclaves?
Se croiraient-ils humiliés dans ·Ieur -~mour­
prqpre , en cessãrit de dire nos colon.i es P
. Pr~fereraient- ils aux vr'ilis intérêts de leU r .
patrie et de Ia maison de Br~gancé,, d'.envoyer '
encare aú Brésil des desembàrgaáores et des
iij
gonverneurs ~ Mais il ne s'agit là que du
triomphe .de l'orgueil et d'une fausse puis-
sance. Les catégories d·e .gouverneurs et de de-
sembargadores , désormais sans vertus poli-
tiques_, passent et s' éclipsent. Que les Portu-
gais se détrompent ; le Brésil est arrivé à sa
virilité , il ne rétrogradera. pas. Qu'ils se rap:.
pellent le reproche que leur adressait le céle-
bre Camoens: << Portugais, vous affaiLlissez le
» royaume! En I'éter;tdant aussi loin , vous Ie
" dépeuplez ; vous avez de pu1ssans enne-
" mis à yos portes , et vous cherchez des pé-
'' rils inconnus, .c ommesi vous n'aviez en vue
)) que la fausse gloire d'étrenommés : les sei-
>> gneurs de linde, de la P erse, delA-
,, rabie et de l'Éthiopie! .,, · . .
Qaànt.à nous, qui prenons la plume pour
traiter ces grandes q:uestions d' état, nous
nous pr~posons dÍmx objets : d'ahord j de
pr.ésenter aux monarques de l'Europe l'indé-
pendance du .Brésil dans son véritable jour;
ensuite de concourir, s'il est possible , par Ie
pouvoir des faits et des exemples, et par 'l'as-
cendant de la vérité' à éclairer les. négocia-
teurs ; à mettre un terme à un différend de
2. ••
famille . qui ·tient en suspens l,e Brésil et le
_ Portugal, l'Europe çt l'Amérique .
. . ,Et qu'on ne vienne pa_s nous dire qu.e de
si grandes .questioils·ne sont pasde la com-
.pétence d'un écrivairi sans mission, et peut-
être sans titre! Comme pobliciste et historien,
comm~ écr:ivain indépendant ; ·nous avons
fait ·nos preuves; aucune question d'État·ne
· nous est étrangere. · Libre d' en entamer la
àiscussipn publique, noils n:avons ~ r~pon­
dre que devant la loi d~ . la .manifestation de
.n otre·pensée~ Quant à no~re titre pour discu-
te!~ la qoestion particuliere de l'indépendance '
du Br~!sil, .quj pourrait . nous le contes·t er?
'· Aucune . ~istoire ·générale du Brésil n'avait
encore paru., et la littérature hist9rique en
réclamait ·un~. complete., qlJ.~P.d. , e~ 1815,
j e puhliai l~ Jl!Íenn·e en trois volumes~ _ Çet
ouvrage , exa:rpiné et.loué à cette ép<?qu~ par
Je.s critiques de tous les pa_rtis, ~ut une smrte
de création mise en reuvre avec. de no~­
hreux :111atériaux dont j'indiquais. la sonrce.
Il est ·connu alJ, Brésil , _répandu dans toute
l'Europe, et j'en prepare aujourd'hul la se-
cond~ t.~ dition-_, corrjgée ef augmert~e. ,
.

Com me historien du B~·.ésiÍ, pouvais,:je res-


ter- ~nsensible. aux grands événemens qu~ l'agi- "- ' l

tent et le régénerent:; pouvais-je rester silen-


cieux lorsque les Deux-Mondes en parlent?- .
Le ,premier n' ai- je pás annoncé au monde
les brillante~ destinées de rempire du Brésil
sons -le -sceptre ~e l'auguste mais'on de Bra-
gance? N'ai-je pas été le ·p remie! à le pro-
clamer pour ainsi dire ~ V oici mes -propres
paroles ; elles ·datent de ·dix a'ns (r} : c< L' é-
>> migration de la famille de Bragance à _

,, Rio-Janeiro donne à r empire brésilien les


>> plus hrillantes espérances; et cet empire

>> semble appelé maintenant à jouir des ·plns --

>> hautes destinées. ·Qui pourrait ·calculer

>> d'avance -ou ' s' arretera


}\ 1'energ1e
, . d'une· na-
_» tiob. pour ainsi dire ressuscit~e ? Le Brésil
)> ne manque ni de vaisseaux , rii de ports _,
» ni .de marins ;. ses.negres mêmes sont d'in-.
» trépides matelots. Cet empire , aussi puis- ·
n sant que magnifi.que, balancera bientôt la

,> puissance croissante-des États-Unis; il aura .

,/

·.
VI

, sur'hii l'avantage d'un clima~ plu!? doux,


>> d'un sol plús fertile en productions utiles
,, et précieuses, 'd'-p:p(:' position géograph.ique
,, dominant le chemin des deux lndes ~ de
,, toutes les grandes mers du g\q:P,e, et for-
>> ·m ant com.me le nceud des communicatíons

n commerciales de toutes les parties du monde


., civilisé. Qu'il est ríche, fort et inaüaqua-
>) ble , cet ~mpír~ de l'hémisphere atrstool !

>> Que sa élestinée es't nohlê ~t indêpendante!


1> Des
,, flottes nombreuses. ne sauraient l'in-
n vestir ; des armées formidables le men~~e­
'' raielilt en vài~ ; tout \qi garantit une pros-
>> péti~é croissani~ e~ une longue dur~~- Avec
,, de ia prudence et de l' énergie, le souverain
" du ~résil peut s' afferm·i r, lt!~· et ses descen-
» dans, sur un trô.p.e moins précaire et plu~
>> brill~nt que celui de Lisbonne. »

'Cette tirade prophétique ~'est acco~plie


et d~yatt s' ac9om plir. ' .
Le systeme cqlonial p~ l'Europe ':P,e póu-
vait se ~outenir qu' en marchant dans qn sens
inverse à son but : celui de faire prospérer
le pays soumis à un tel systeme ; et· ce but
on ne P?uvait plus V~Heindre , qu'en faisant
vij
de grands pas ve~s 1'~manéipation, devetmt
plus 9~ moin~ inévi~al:>le ~l :mesun~ qu~ I~
JilOnopole éta,it plus ou m,pip~ ~a.llfl ·'Q.~ Çta,t
de décadencfl. .. .
.C'est. alors qut L! ;Br.Çsj_l ~ ê:~~ IJlÍ~ ·eil fac~
du Pvrtugal' et dan~ ~et ét~t :plÍXtç qui reÍI\-
l)lace la vie du poqvpirqu;md elle s'~t,ein~~
L'hal;>itude , force conservatric~, so~tena,it
$eule le systeme singulier .qt;ti as~lJjettiss:ait à
pn état prf:lsqu~ nuJ , dq:QS 1~ b"lanca p·o]it~~
. que de l'Europ~, un empir~ presque indéfipi
dans s~& élém~ns et da~s son ~vell~f.
En portap~ la cpur ~ l\io~J~neir~, l~ PQr-
tugal lui-Ip~IIJ.e rçnppit r~~prit cphmlal' et
créa la·Ip.(,m~rçhi~ brésilienne., rqe~tfll}.t ;tt~·si
d'accord le fait p.vec le qreit. Ç!;!i; évélle~~nt
fut déciflif pour I~ Brésil , 1(}. }?w;:tugf!.l , r A-
mériqu~ ~t l';Europ~, . .
L.e:Port1;1gal eut à combp.ttue ep. favem· d~~n
·. gouv~rnement qui, n' étant plqs $l:a:n~ I)On sein,
'n'était que l'allié des Anglais c:Jan.s la gJie.rre.
A la paix, ll. ~H~ trp1,1va colonie du :6résil. On
vit al9rs .deqx peuple& 15e disput~r le-wr re.i ,.
ce qui mit ~ ~u le défa~t de la vieille posi-
~ion ~ car ou ,ne pouv~it pas fair~ en n:1~1p c

. . . ,. - . - -.., -·- -· ~ - .- --
.......... -... , ~~ ... ...................._ .....
--- ..:.. ....
... ,..__ ~ -~··;· ~

.. ... , ~
:.:...:..:_;:_.::::.:_~_.-:._-· ;:~- ... -~. -...: :..._ . "'. ~.-~-~: -- - - --::_c:-:.:.--..---~
liij
temps deux · colonie~ .réciproques, ·d'u·n vieil ··
Étàt et d'un nouyeau·dopnant ~sile à la mO.
na~·chie ·dans sa ··détresse; La sépáration de.,
vint naturellement la solution du probleme.
Il s'agit aujo.u rd'hui QC. maintenir et de
·cónsolider la n1aison .royale . de Brag_ance au
Brésil. ·Tout · g1t dans cette··grande m~sure
conservatrice.
En revenani-à Lisbonne ·, le roi régnant a
reBdu plus facile la· restauJ;~ation de son pou-
voir européen. Le gra~d ~ut que se propo-
sait la rnasse des . Portugais .a été ·obtenu ;
puisq~e leu r pays ·a cessé d~~lre une cnlonie.:
Le.Iirésil se détachant, il a faliu ~auver la
rnonarchie et les possessions. de la p1aiS:on de
. . . . ' ' I .
Bragan?e. Ces deux buts ont ete attemts p<lr
la·déc1aration de ·l'empire, et don . Pedro a
marché constamment dans le double' esprit
de l'iritérét de sa nouvelle patriç et de la f!oc.:.
trine rnonarchic[ue
I
que les puissances
.
euto..,
. ~ .
péennes professent. '
li eut été impossihle au Brésil ·de s·e· déro-
ber à l' ~in:ancipatioil, étant placé au centre
du grand irtoüvernent qui agite le . ~ontinent
américain, ·et agité lui-méme par' le~· .mêmes
\ \

... - ~ •• ~ . ~ ~ ...... ' J' • --. • --· .... • , I~ ~- ._ - - ~


causes: Mais n'a-t"'il p·as résist<~ aüx prinéipes
destructeurs qui ont · énfanté la tourmente
anti-social e, quand toute l'Arnériqüe autom~ ·
de Iui e~ ~ _éLé bou~eversée? Là, il n~ya ·pas· eri ·
de révoluiion dans · toüté Tacception de ce
mot~ c'est-à-dire qu'il ri'y a··pas eu de cha.n .:. ·
gement.da_ns l'éiat social; il n'y a eu que dd·
tra:nsitions. Les Brésiliens ont eu .l'excellent
I w • .- • • o •

esprit de sentir que la constitution physique·


et morale de leur pays exigeait l'uriiié' de _di- --
rectíon et d~hérédité monarchique. ·La' grand~
propriété do~ in e au Brésil. Or, les fortunes ·
territoriales ·étant les ·moins mobiles, s'ac-·
commodent mieux · d~ la stabilité héré'ditaire
que de l'incertitude. . .
républicaine. .
D' un autre côté , le Brésil, formé de 'dix~
n(mf provinces , en c~nipte quatorze de .ma-
ri times,- et il prend uri grand 'ess~r de navi-.
gation. Ce mouve~nent est de sa ·nature en-·
nemi de la contraio te et du pouvoir arbitraire.'
Or , il est dair que la destinée du Bresil ap;.,
pelle -des modifications dans sa lég~~lation et
dans sa poli tique, sans toutefois qu' elles alte..
rent 1'essence .et l(!s fondemens ·de stm1 ordre
' ~ ' - I

social. · · ·

I ... ' ,l • • -- r • • • - ·--


- ' __ i.,.- . - -· .
Tel est le grqnd prohleme qu'ambitionne
de :résoudfe I'e:mpereur dop Pedro. Les soli-
des et hrillantes quali~és que la nature "
dépa:t;ties à ce prince, et la légititnit.é de ses
droits; Iui d,annent à-la-fois la volont~ et les
~oyens d'assurer la prospérité et l'in9.épen-
dançe du magnifi.que empire qu'il est appelé
à régir. Enpemi de l'aqarchie, 111ais ami de la
)iberté, il se montre assez sage pour concevoix:
que les .gouvernemens doivent se coordonner
à l'état actuel de;! la sqciété ; que s'ils en sont
~es mobiles, ils _ en sont aussi l' expression , et
~ouvent ~1ême l~s résultat.s; qu'~n outre, l'in-
térêt de l eur coQservation exige qu'il n'y ait
1

aucun príncipe de désharmonie entr.e.le pou-


voir et le~ he&oips de la ,civilis~tion. '
. ll f~llatt . à cet empÍJe up. goqverQetp.eut
çeutral et légitime; mais illui fariraus&i~~in­
dépepdauce politiqqe et la liherté légale. '(~e
qui prouve rnieux que tous les raiso~nemens'
les salutaires dispositions et l' excellebt esprit
~es peupl4(S du Brésil' c'est que les t.entatives
qui y ont ·été faites dai;J.:S, un esprit répQbli-
cain, ont tot;ttes échoué; que le par~i même
q-ui pouss~it à la république con.tre,Ie' J?ortu ...

---
·-- ' - - - -· • - - ..,, ...- - i._ I"-· ~ - -·- ... • T ,. •• • .. • •
'
XI-

gal, commé moyen d'indépendarice, a été le


premier à embrasser avec ·transport la<liberté
sous .la monarchie que lui .'présenillit rem·
pereur don Pedro Jel,",
Sous ce poirn de vue .géóéral; l'aveneme.nt
de don Pedro au trôue impérial, est un avan ..
tage pour toutes les monarghies européennes;
l'exemple n'((n sera. pa& perdu·. Qti'on se rap.,.
pelle ·que les. États-lJrds d'Améritp1e ~ el! fom
dant leu r indépendance , nous inoculerent l~
frevre de la dé~ocratie' maladroitement im~
portée en Europe. Il en sera le éontraire du
Brésil; conseryateur duTégime memarchique
et du principe de l'hérédité. Quels avantages
immenses pour une race antiq·ue l l'e:x:emple
du Brésil sera d'un grand po,jds au ..ddà d{}
l'Atl1:1ntique, et parmi nous peut-être. Puisse
s'y développer le system~ le plus compatible
avec la vraie liberté qnand on 11'essaie pa~ .
d.'en corrompre les sources! P.uissept les frúits
du .B résil, g:reffés sur l'arhre de la monar-
chie européenne, être rec1Ierc4és et savóuré~
dans·les deux ·Mondes !
Quant à l'étendu~ et ~ la puissance de ce
nouvel empireJ ce sqnt qeu~ faits hors qetou-:

·-···· . -- . . .... ., ...\ - ..-_ -- -- ..,. -~ ...... - -- - . - - - -- --- - ·-- ... ·;- _.} - ---
xij
tes discussi~ns. Placé entr-e Jes deux__grands
fleuves dela Plata et de l'Amazone, le-Brésil
ne saurait être_resserré davantage san's·mena,
cer de déborder. D'ailleurs il veut être grand
etpuissant.Une sage diplomatie.devrait même
favoriser le rapide développement de sa force
pour peu qu~ on songe à la balance politi~
que de- l'Arriérique , dontl les poids ne ser--
vent plus·à équilibrer·les grands pouvoirs de
l'Europe-~ .
Qu'on y pré-te attention : les États-Unis
dominent à-la-fois les lacs de Saint- Lau-
rent et 1~ mer du Sud , les côtes de I'Atlan-
tique et celles du golfe mexicain. De mêrrie
que la I ,lussie, la fédération américaine du
N ord semble irniter , dans son extension gi-'
gantesque, cette puissance colossale, et vou-
loir env{{lopper la grande moitié du Conti-
nent de fAmérique. \
Qu' on y réfléchisse , le Brésil pf(Ut et do~t
être la s~uve-garde monarchique d'u nonvel
bémisph{:re et de la vieille Europe.
Cette ~mancipation 'd~un empire je~ne ep...;
cote, _et déjà puissant; est un déc~et de la
divine Pxrovidence. Son indépendcrQ.ce est un

_. t- -·. ,. -. - ---- - - . . - ----·- - .··,·r_ ---~ . __!_


.:x:iij
éyéneq1ent quí se ..rattaçh~ . ~u~ révolutions
c.ontemporaines .dont nous avons . été les
témoin& et don.t .les causes. pressent l'Uni-
ve;rs.
Le Brésil est et restera .in9,é,p endant. N' é-
.tant . point dans la sphere diploma tique de
l'Europe, il doit être consídéré par les peu-
ples paviga~eurs uniqueroent ·comnie : llll
échelle de commerce , comme Ia grapde voie
ouverte au centre de l'Amérique méridionale
pou~ 1'écoulement des pro~uits de l'industrie
européen:o.e.
Le Brésil q11i , pendant t~ois siecles , n'a
été qu~ la colonie d\:me des plus petites mo-
narchies de l'Europe·, égale aujoU:r.d~hui, par
son étepdue et par Ia r.ich~sse de son.. sol , les
plus grands empires :du monde ; nul doute
que s~ populatiop. vigoureuse et active n'y
prenne. aussi le plus grand açcr:<?issement.
Enfin le J?résil existe; il existe ,en. un seul
çorps ; ses. dix~neuf provinces. reconnaiss~nt
l'autorité de l'empereur don .Pedro ;·Bahia et I,
son irrimense Reconcave, re9onnaissent . Ia
sq.prématie de Rip-Janeiro, siége du gouver-
nement et mét ~opoie du Brésil.. Quê c~ux qui
xiv
do.uteraient"~encore des ·hautes destinées de
cet empir.e' aillent àdmi'rer le site et l'aspect
de sa c~pitale. représentée au sein de Paris
avec tant de vérité et avec une illusion si par-
.fait~ ·; qú'ils y ·aillent au milieu de cette af-
fluence de personnes curieuses qui ne quit-
-tent point cet admirable spectacle sans s' é-
, crier : voilà un si te digne de Ia ·métropole de
l'Univers! En effet, on voit une ville assise'áú
mi-lieu ·d'une cha-ine circulaire de montagnes
qui ne s'entr'ouvrent que pour laisser passage
à l'Océan et pour former un des ports les plu·s
vastes et les plus súrs qui existent. Tableau
1

formé d(,~ mille. tableaux embrassant le cer-


cÍe entier cie l'horizon, n' étonnant pà~ moins
par la v~rité des couleurs que par la vérité ,
des persfectives ; tableau ou l'artiste a su
peindre ;méme le climat, ou l'on reúon-
. nait le 1;ropique , ou I' on croit respi'rer
un -ai r embaumé qui nous transporte dans un
autre hérnisphere. Et cette ville qui se déve-
toppe à nps yeux, c'est Rio-Janeiro, c'est la
capitale qe ces contrées naguere ·agitées ,
théâtre d'1événemens du plus haut intérêt et
de. souvenirs dignes de l'histoire. Aucun .port

\
\
XV

·a u monde n'est mieux sítué ·p our le com-


merce. D'une entrée sftre et d'une sortie fa-
. . ' . . ,
ctle, aucun n est m1eux situe pour commum-
' .
quer avec l'Europe, l'Amérique, l'Afrique·,
les Indes et les í'les de la ·mer du·Sud. Rio
. enfin semble être destiné à former le chaí'-
non qui lie par le commerce les différentes
parties du glob~ ; il commande toutes les
ressources d'un pays immense et fertile.
Nous -venons de révéler le but et l'ob-
jet de cet éerit. Entrons en matiere , in-
voquons des souvenirs conteniporains, assi-
gnons les causes. qui ont amené l'indépen-
dance brésilie~ne et la révolution impériale ·,
rassurons les cabinets de la vieille Europe à
cet égard, en leur présentant le récit des faits
dans tout leur jour et dans .,.tout leur déve-
lóppement. Nous examinerons ensuite s'il est
possible de rétablir la dépendance du Brésil;
nou~ verrons quels effets doit produire ~ur le
Portugal sa sép~ration -; nous parlerons en
outre de.ses rapports avec l'Europe, et nous
ferons aussi connaí'tre son état actuel.
I

·-

\
, . .

L'INDEPENDANCE
DE
, . )
r .
L'EMPIRE DU BRE·SIL,
. Pl\JÍSENTÉE

AUX MONARQUES EUROPÉENS.

CHAPITRE PREMIER.

Des Causes qui ont amené Z' émancip.a~ion et Z'in-


dépendance du Brésil. ·

ÜuvREZ l'histoire du Brésil, et vou:s verrez que


sa colonisation commença par des concessions
d'immenses terrains faites par la couronne aux Bar.;.
tos, aux Co ~lho, aux Pereyra, aux . Souza ~ aux
· Campo-Tourinho·, aux Figueredo, aux Fernandez,
et à d'áutres grands du Portugal. Ces concessions ·
formant alors chacune ce qu'on appelait une ca-'
pitairieri~ hé1•éditaire, étaient accompag~ées de
grands. priviléges; le Brésil n'a donc été colonisé
que sur les bases du régime féodal.
2
( ~ )
Des débarquemens iri·éguliers jetant l'épottvante
parmi les peuplades brésiliennes , auraient rendu
toute colonisation impossible , si les rois de Por-
tugal n'avaient concédé à eles seigneurs les elíyer-
se~ provinces, à la charge p:_:tr ei.1~ ele les pe1,1pler.
Peu d'établissemens furent fonelés uniquement par
la couronne. Les capitaineries de St.-Paul, St.-
Vincent et St.-Âmaro, furent les premieres colo-
:nisées. La fondation ele Bahia, celle de :Rio-Janeiro,
et long-temps apres l'établissement de la colonie
du St.-Sacrement, ressortirent directement dn
gouvérnement de la métropole.
Le pl~s vif intérêt accómpagne l'histoire de l'ori-
gine > eles: vicissitudes , des progres eles établisse-
mens Pôrtugais au BrésiJ, et d.u développement
prodigieu:x. de ce nouvel empire .de l'hémit!pMre
1
austral. - , ,

Aucune possession du Nouveau-Monde n'a été si


long-temps et si sonvent disputée ~ non-seulement
par les nat;urels; mais encore par les nations férmi-
d~bles de l'Europe; telles qae les Français , ,.les
A.nglais et les Bataves, qui E?'y port_e rent tour-à-toU.r,
soit pour pillerle Brésil, soit pour s'y établir .. -
Cette s11ite d' entreprises et.d:' évéuemens embrasse
une pério~e de troifi siecles ~ jusq1ià l'é:rn,igration
·_ele 4 Famille Royale de :Bragance.
Il exist~it dono. au Brésil, oti. eles terre's seigneu~
ria~es, _ou . eles COJllmunautés d'l1abit~ris, eÔmme
dans f-es p~ys d-' ou étaient sortis les premiers c@lo~s;
c3 )
c' est-à-dire, que 1es priviléges accordés à ces com-
munautés naissantes étàient en harmonie avec les
priv.iléges eles mnnicipalités de la métropole. Or ,
il n'y avait que pt:< u- de différence entre cette or--
ganisation politique et c~lle de la mere-patrie.
Quant aux concessionnaires, ils jouirent de pres-
que tous les droits régaliens, sauf celui de bàttre
monnaie ; ils faisaient la guerre et la paix avec les
· chefs eles peuplades Brésiliennes; ils donnaient eles
lois, établissaient ·des impôts. .
- ·.Le fond de la population blanche provint de
colons transportés du Portugal, de Madere et eles
Açores, établis aux frais ou pour le compte eles
concessionnaires seigneuriaux. Toutefois· la cou-
rohne fournit eles facilités, eles moyens de transports
aux familles eles Açores qui demanderent à être
transférées au Brésil. Qüant à la popnlation indi-
gene, elle _fut plus ou moins disciplinée, sbit par . ·
le mélange ave c les premiers env~hisseurs, soit par
les missiohnaires qui ont été les vrais apôtres du
Brésil.
Ce ne fut que · vingt ans apres la divisio~ du
Brésil en capitaineries, qu'on y établit uil centre
général de gouvernement. ·San-Salvador de Bahia:
fut choisi alQrs -pour capitale , · et B~hia garda ce
haut rang jusqu'en 1773. A compter de 16oo, le
gouverneur du Brésil eut le titre ele vice-rói; or,
le -Brésil était déjà considéré comme un royallme;
mais _ce royaume était administré en premier ressort
2 .•
( 4)
par Ull conseil d' outre-mer; établi ~ Lisbomie' ~XCl,: ­
çant ,Jes fonctions de la magistrature suprêrne pour
tOl.lS les pays· extra-europé(ms. Ce conseil d'~utre­
mer était composé de Portugais. Tous les etnplois
que distribuait le gouvernement de Lisbonne
étaie~t donnés au :Brésil à eles Européens; on ne
voyait pas un ·seul Brésili(m dans le corps diplo-
matique ni au conseilr d'État ;. et cependant le
Portugal était la patrie eles :Brésiliens comme ·eles
Portugais. Origine commune, même chef de gou-
verneiilent, même langue, même religion , ·même
organisation politique; plus il y avait d'analogie ,
moins il aurait du y avoir d'inégalité. Il ne fallait
rien moin? qu'une révolution , polir ainsi dire ·
universelle' pour faire changer cet ordre abusif de
pi:es .de trois si e eles ; car , indépendam\Dent , de
rannulation eles droits poli tiques' les haBltans du
\ '
:Brésil gémi~saient sous le régime vexatoire du mo-
nopole, ·
La maison de :Bragan~e jugea mieux de ·sa mo-
narchie d'outre-mer, quand, en 1807, le Portugal
fut envahi par les Français, et que dú~ Juan de
:Bragance, prince du :BFésil, qui, en 1799, avait
1

pris
.
les rênes
I
de l'État . sons 1~ titre de ·Régent ,
réalisa-le pl:,m hardi, coriçu par Pombal, dê. trans-
porter le siége de la monarchie au :Brésil.
Cctte seule, résolution était une recomiaissance ,
\ I .

bien positive de rexistence .indépendante clu :Brésil;


comme Étàt; en effet~ quel que· fút le s~rt que 14
( ti )
Provid(mce réservâl au Portugal, l_es Brêsiliens ap-
prenaient trop bien à coiinaitre leur force et leul'
dignité, pour se croire liés jamais par ce que le
destin desarmes alirait décidé à deux mille lieues.
de leurs possessions.
Jusque -là , le · continent amé1·icain avait éf.ê
miraculeusement préservé du fléau des révolutions.
Ce fut d'abord aux Antilles que se firent sentir les
premiers .o.uragans détachés de la tcmpête de la
révolution française qui commcnçaít à ftmdre aussi
sur l'Europe. Des...lors, on eút di( que l'heure de
l'éiQancipation avait sonné, soit par suite de l'inévi-
table propagation des príncipes de la démocratie,
soit par l' effet tout ·aussi certain cl'une guerre géné-
rale' qui ne pouva~t mancruer de se répercu,ter en
Amériqu.e,
13ient0t, en effet , tout l' ordre· coloni~l , qui su-
bordonnait l' Amérique à l'Euro pe, fut visiblement
ébraulé dans. ses principes cons.titulifs com me -dans
son état politique. Toutefois ces semences fermen~ .
terent pendant I 6 ans, et le feu eouva s.ous la c€mdre.
La révolution d'Espagne, par suíte du déhordement
du-pouvoir révoluti.o nnaire, l'invasio.n du Portugal
pa.r le même pouvoir, et l'énligration de la Famille
B.oyale de Bragance: tels furent les êvénemens d~Eu-.
rope qui clonqerent le signal de l' embras.ement des
deux-Am,ériques. Le. Brésil seul fut en quelque SQrte
- préservé, en s'ab1mant dans l'ivresse de s.on éman-_
cipation,par l'effet de l'établissement dans. s.on sein!
( G' )
de sa monarchie fugitive et chérie. Jamais refuge
ne fut mieux choisi et n'offrit de plus douce!' con-
solations à la maison de Brag:mce. ·
La Famille Royale, les ministres et tout le gou-
vernement portugais, aborderent au Brésil lc 2 2
janvier 1808, avec peu d'cspérance de reconquérir
le Portugal. De Bahia , oú la conr fut reçue aux
a.ccb.mations universelles, au milieu des élans d'une
joie indicible et oú tout. fut mis aux pieds du Roi,
argent, ressources, propriétés, · la cour se dirigea
vers Rio-Janeiro, oú fut établi le siége du gou1...
vernement. Toute sa sollicitude eut pour objet de
former un établissement qui consolidât en Améri-
que sa puiss~nce, clans .lo cas oú le Portugal serait
perclu pour ·file.
Il fallut ~onger à une nouvelle organis~tion et
centraliser J,~ pouvoir , afin que le Brési'~ prit le
caractere cl'une véritable monarchie. D'abord les
provinces qui peu à peu ·avaient été détachées de
l'autorité du vice-roi , reconnurent nou-v:ellement
la capitale dans Rio-Janeiro. Sa cour d'appel· d~,
vint une cour de révision pour tout le Brésil. Un
tribunal supi:êrrie de . justice de police et d'a:d- \
ministration y fut créé à I'instar de celui de Lis-
bonne ; il en fut de mêmc du tribunal dhargé
des affaires ecclésiastiques, du conseil des finan-
ces, et enfin du suprême conseil milita,ir~ rem-
plaçant les coriseils de guerre et de la marine.
Le seul esclavage qui pesât fortement sur Je-' • I
( H )
' /
:Bré:sil , était ·celui du mDnop<ilJe : il .était .oflieux ;
il ;ópprü:Irait toutes les parties ele l' empir,e ; il s' exer.;.
çait plus par,ticulii~remeht ".sur les.villes in,aritir:nes~
Cet :obsta de, le seul !>]_ú'il y,eat à ,l ,iln régime, ).'aison-
nãble , disparut.
... Des~lor-s lé ·éommerce du Brésil fut ou.:vert -à tou-
-tes les ·nations ; dés a:mbassÇtdéürs_des puissances
vinreút.à.Rio~J an·eiro r et de -cette Çapita,l~ partaient
les ijistruCtion~ et les ordonpa1;1ces po:ur lei) colo;;.
túes de MoZJembique , de L.bahgo ; de G:oa et: de
Manille ; L e ,Brésil qui_, jusqu'alors,- av<:~,it été t'!_rt~
colonie, avait à son tour des colonies _; il s'en fal:-
lait peu que le Portug~l ne fut considérie0mme .
tel dans le reste ,de l'Europe. D~s-lors aussila voiX:
dU: peuple put êtte. eutendue ; et l' opinion publi";'
que coitsultée. · _ ·_
Ces héureúx changemens , les ,Brésiliens les àc-
cueillirent avec Ie· plus vif enthousiasrne. Vin-
fllltenc~ salutaire -de -la présence du. gouve'rnement
se fit ·s entir de plus en plus. Ainsi 1' oH .peut dire
que l'iridépendance du ·Brésil remonte à l'époque
de l'émigr.ation d·e la famille de Br;;~;gau.~.
Quand apres quelques mois d'iuvasion, les Fr.ari-
çais évacuerent Lisbonne , Jes _an;ciens trihubaax,
les bureaux: , les co:q.seils y f!-rrent .rétablis , mais
ceuX: dt'l .Brésil furent maintenus ; de· sorte . que
cl~que état, ou plutôt ·chaque royaume , eut ses
magistratures çentrales .., ses administrations supé-
rieures, indépcndantes l'u~e de l'autre, av e c la dif~

'
( 8 )
férence que rétat du Portugal, exposé encare au::t
invasim:is, était précaire., et que le Brésil offraü so ... .
liditci et sécurité.
·' La résidence du sou.v~vàin du Portugal au Bré-
sil fit naitre cette question de souveraineté. L'Eu-
, rope recevra-t-elle des lois de l'Amérique, et 1'A-
mérique aur;:t-t-clle des colonies en Europe .? Il
restait démoJ?.tré que le Portugal avait besoin du
:Brésil, mais que le Brésiln'avait plus besoiri du.
Portugal, et qu\1 était impossiblc que l'union des.
'deux pays subsistkaux mêmes oonditions ct.dan~
les mêmes termes.
On a ·v u q·ue les ports du Brésil furent ouverts a.
toutes les 9ations. 11 était naturel que le commerce
anglais fllt favorisé; c'était à I'ai de des Anglais que
les Portugaisvenaierit de reconquérir leur f oyaume
d'Europe. Ces insulaires avaient fait d'irhmenses
sacrifices dq10mmes et d'argent. La cour du Brésil
, trouva juste de leur accorder des faveurs et de les
indemniser. Par le traité de ,commerc~, condu
en I~IO . av~ c l' Angleterre ' les marcl~andises des
íle~ britanni,ques n; eurent à pa)'\àr: aux t\ouanes du
Brésil que J.5 pour 100 de droit d'cntrée, au lieu
de 24 pour Ioo ~ ta~ CO:n;lmun du tarif a;vec les
autre& nations. \
lei le Portugal se crut lésé de tous les avantages ·
:procurés au Brésil ; on se plaignit à Lisl;wnne ,_ou
les effets ·de ~a séparation commençaient à s.e fa'ire
~entir .

. .. ·--
...
( 9 )
Il mimquait au Brésill'occasion d~organiser ré-
guJi<l~rement ses milices; elle se présenta. Da guerre
étant alluinée dans toutes les parties del'Espàgne-, /

et 1es princes de la fa:mille royale se trouvant cap-


tifs de Napoléon, la princesse de Portugal réclama
la régence qui devait lui appartenir ; ce fut _e n
vain, ses droits nefurent point reco:rinus par les cor-
tes ·espagnoles, et bientôt inême une gUEirre assez
vive s'alluma entre Ie Brésil et les Espagnols dé
.J3uénos-Ayres conduits par Artig_as. C'estainsi que
les Brésiliens , qui avaient vécu dans une longue
paix, conimencerent à s'aguerrir de nouveau.
Cc fut en I 8 I 5 , que Jean VI ; devenu roi par
la mort de sa mere , éleva le Brésil a~ rang de
1·oyaume par une loi du 16déceinbré. Cet acte so-
lennel, qui combla de joie les Brésiliens, était con.:
çu en ces termes : « Reconnaissant combien serair
» avantageuse à mes sujets -une _identité parfaite
>J entre mes royaunies de Portugal et dés Algarves
» et 'mes domaines du Brésil , en élevant ceux-ci
>> au rang qui leur appartient-; aspect sous lequel
n, ils ont été considérés p'ar: les plénipotentiaires
>> qui ontformé Le congres de Vienne .... Je veux,
» _et il me plait d'ordonner, qu'à compter de· la
» publication de la présente loi , 1'état du Brésil
>> soit élevé à la digniié, prééminence et dénomi-
>> 1Últion de royaume. - n ·
a
Ou voit, par les ternies mê.riles de cet c te so-.
lenüel , _que le roi de Portugal av~it notifié- sa ré;...
('ro)
sólutíoil au congres de Vietme , qui ; à. cette épo-
que, reconstruisaitl'édificede l'Europe, en travail-
lant à fixer l' établissement de paix dans ·tout l'uni-
vers. Or ; ce commencemént de séparation , entre
le Brésil et le Portugal , reçu~ la sanction des soti-
veràins ré~mis en congtes. Ce titré de royaúme ,
donné au Brésil, influa tres fortement sur l'esprit
des Brésiliens ; ils y virent un changement tres
important. , la consécration de leur existence poli-
tique, et même l'acté de leur indépendance. En-
fio depuis 18o8, le gouvernement portugais n'avait
pas cessé de siéger dans la capitale du Brésil., qui
. avait été l'objet de plusieurs mesures d'adminis-
tration utile•'• et opportunes ; on avait établi les
droits de plusieurs villes ; on avait créé des tribu~
naux. Rio-J apei,ro avait reçu quelques embellisse~
mens, et on lltvàit o.u vert quelques communic~tions
· avec l'intérieJlr; mais l'ancienne .inertie pré~~ait
encore, et ce n'était qu"avec lenteur qu'on faisait
des améliorations. Il fallait abandonner les inst~~
tutions d'Europe et créer des, institutions appro,
priées âu Br~sil. Les ministres du roi ne\ voyaicnt
p!!s d'ailleurs les avantages du Brésil sons -l'e même
point de vue et avec le même intérêt que les Bré-
siliens. eux-mêmes' .
leur attention -étant pr'esque
tóu jours distraite par les événemens qui se pas~
~aient à deux mille lieues; ils ne pouvaient donc
se co1;1sacrer entierement à l'administration de la.
Jil;l,O.t;J.;;trchie nquvelle. . I

\
( 1'1 )

Ce·p endant le · sentiment de l'unité-s'était telle!..


ment fortifié, que lorsqden 1817 il y · eut à Per-
namb~co une insurrectiori· :républicaine qui' avait
pottr objet d'établir ·le system~ fédératif à l'instar
de ce qui se passait dans les posse~sions espagnoles,
la cour du Brésil étouffa ce mouvement sans beau...
coup de difficulté et sans danger sérieux. Deux.
cents soldats, venus de Balisa , suffirent pour dis-
perser ce faible foyer de réptiblicanistn"e.
Ces semences d'in5urrections venaient à-la-fois
.de l'Europe et de l'Amérique espagnole. Une plus
violente tempête agita bientôt l'Espagne et le Por-
tugal ; nous voulons parler des insurrections mili1..
taires de 1820. En Portugal, ce fut la garnison
d'Oporto qui , le 24 aout , . établit , sous les aus·
pices de la révolte ' un gouvernement appelé cons-
titutionnel ; un semblable mouvement , opéré par
lagarnison ele Lisbonne , cutlieu le I5 septembre
suivant. Les meneurs eles .
deux fovers
" d'insurrec..,.
tions s'étant réunis, les cortes du Portugal f~rent
convoquées à Lisbonne elans les formes elémocrati,
ques, et se rassemblerent le 26. janvier .r 82 1.
Jean. VI apprit au Brésil les événemens elu Porl.,.
·.tugal. Entouré ele troupes portugaises elévouées au
nouveau sysü'!me, et encore frappé ele l'impression
que lui avait 'faite l'insurrection républicaine de.
Pernambuco, Ie roi , le 26 février et avant el'avoir
reçu la nouvelle de l'installation des 'c ortes, jura
évcntuellement la constitution qui allait inlerven~r.
(I 2 )
Ce serinent anticipé ne pouvait être que le résultat
de conseils timides tou d'appréhension exagérée.
Le : Brésil était un: des trois royaumes qui for-
mait la monarchie portugaise; il avait sauvé·la fa-
mille de Bragance et. ave c elle le nom portugais,
que Napoléon avait voulu faire tomber dans l'ou-
bli. Le Brésil avait la cour dans son sein; il jouis-
.sait depuis douze ans de son indépendance, et dé:..
jà il était cn poss.ession de commander sur le Por-
tugal; c'est alors que la révolution d'Oporto é ela te;
elle est d'abord représ.entée au Brésil sous des cwu-
leurs trompeuses. Il est reconnu aujourd'hui que
cette révolution a ·eu pour mobile l'association se.:.
crete des révol~tionnaires portugais avec les révo.:.
lutionnaires espagnols , et que leur but était de di-
viser la Pénin~ule en républiques confédérées. Le
Brésil se méprit d'abord sur les i,ntentions des',no-
vateurs; il crut que la révolution d'Oporto n'avait
pour ob.jet que d'améliorer l'administration. La
provinc.e de Para fut la premiere à se tromper, et
~ahia, la plus riche et la plus puissante province
du Brésil, étant tombée aussi dans l'erreur, en-
traina le reste. L'amorce des réformes utiles, ct
des vo~x mensongeres et l1ypocrites., tromperent le
peuple. Il Q'en f lait pas de même à l'égard des ré-
volutionnaires portugais; pour eux l'union ,d u Bré...
sil était une calamité, puisque cette union les force ..
rait d' obéir encore au roi J can VI, qui régnait
s~ns contestation au Brésil.
( 13 )
Il parait teitain que l'jnsurreetion du Portugal
a eu aussi pour motif. de me.t tre ·un . terme. à ·.son.
état de colonisation, relativement au Brésil. C' était
leur prééminence que prétendaient -recouv.rer les
Portu s, à la faveur du systeme dé·m ocratique,
projet aussi absurde qu'impraticable.
A peine installées, .Ies cortes de Lisbonne invite-
rent leu r roi, qui régpait iJ.U Brésil, à revenir dans
son ancienne .capitale' soit que les meneurs' comp-
tant sur le refus du Roi, voulusseilt former un tout. · ·
du Portugal et de l'Espagne, soit qu'ils n' atten-
dissent qu'un prétexte pour se débarrasser de la
maison de Bragance, et rempla:cer la monarchie .
par le chaos.
Mais un certa:i,n parti opposé à la ligue révo-
lutionnaire d'Europe, conçut le projet de sauver:
le Portugal en sacrifiant le Brésil. Ce parti s'atta-
cha des-lors . à: persuader au Roi que s'i~ retonrnait
en Portugal, la faction ré_volutiorinaire tomberait,
et qu:'il recouv·r erait ainsi tori~e sa puissance; Ülh
se garda bien de lui représenter qu'avec cette
chance douteuse il se présentait un aut.re cas im- ·
possible : de gouver~er le Brésil étant à Lisbonne,
car le Brésil · éma~cipé n'était plus disposé à ohéir
au Portugal, qulil regardait depuis douze . a'ns
comme une colonie. Mais il fallait sauver certaines
maisons, certaines prétehtions, certaiüs pri viléges,
·et l'intérêt particulier fit taire l'intérêt général.
.Désormais le même souverain ne pouvait plus
( i4 )
comtilander' aux 'deux royau-mes; 'il ·iui fallàit Óp-
te'r. Si le roi restait aU Brésil, le Portugal ne vou-
lait plus.se borner·à devenir une province du Bré-
sil; si le- roi renonçait au Portugal, le Brésil, qui
avai_t dejà go1lté les douceurs .d'un gouve rrient
local, n'en voudrait plus d'autres. Dans tous les
cas; lé 'divorce était infaillible. .
Jean VI, àvec un·sens plus sur que celui de plu-
siéurs de ses conseillers, reconnut la. difficulté de
conserver le Brésil sous la dépenda~ce du Portu-
gal, et en conséquence il résolut de laisser-l'héri-
tier de la couronne à Rio-Janeiro, et de traverser
de nouveau l' Atlantique pour revenir à Lisboime
I
avec la plus gr~nde partie de sa famille.
Avant son d,é part, il nomma, le 22 avril, son
fils ainé, don Pedro, régent du nouveau royaume,
ave c une d e'l'e16atwn
. comp1'ete d e ses pouvo1rs,

avec la pléniíuqe de son autorité, et jusqu'au droit
de faire la paix ou la gu~rre. Cet acte était impli-
citement une déplaratio~ confirmative de j'indépen-\
da~ce du Brésil. C e fut alors que , possédé en quel-
que sorte de l'es:prit prophétique, Jean VI a~ressa
ces paroles ou plutôt ce conseil royal à don Pedro :
({ Mon fils, je te confere toute mon autorité; vêille
)) à ce que·le Ffrésil ne devienne la proie ni 'des .
» factieux, ni d'un aventurier, et plutôt que de
)) voir cette bel~e couroinie ravie par l'usud)ation'
Jl pose-la surta tête. >>

Le Roi'mit à la voile, et don Ped1:o e~t à soute-


( I$ )
nir le poids -du gouvernement sous les plus tristes
auspices. L~ réactioh du Portugal sur le BrésiÍ ne
pouvait manquer d'agiter et de mettre en périlla.
nouvelle monarchie. .

,_
ê i6 )

CHAPITRE 11.

De la Conduite politique de don Pedro , seu!


conserpateur du régime monarchique dans le
nouvel hémisphere.

Tout autre prince que don Pedro, dans un age


ou les passions font taire la raison, eút mis aussitôt
à profit le conseil de se saisir de la co.u ronne au
moindre mou~ement qu'il eut été facile de susciter
ou de supposer ; mais Ón va voir que ce prince a
obéi, jusqu'au dernier moment, aux volontés lma-
nifestées par sop pere, c' est-à-dire, à la volonté:·des
cortês de Lisbonne , qui ·parvinrent sans peine ~l
·subjuguer la p~rsonne roy~le et à lui dicter de~,
lois. On verra que don Pedro se montra même 1
disposé à se soumettre â ceux qui, au noin du Roi,
lui ordonneraient de quitter le Brésil' et de i evenir \
en P ortugal . ·M . comme c' eut
.r a1s A ete \ bl
' ' remettre ce e
empire aux IDiÚns de l'anarchie , les royali~tes
Brésiliens se co~tfédérerent pour sauver leur pays ,
et supplierent dqn Pedro de ne pas les abandonner.
Entrons dans le récit des faits :
Des le 29 ma,rs I 82 I , les cortes de Lisbonne
avaient publié · lrs bases d'une constitution futare
I

( I7 )
quine.cont~I1-ait~ncoreqt\•e de,s príncipes; c'éta"itaus-
si avec des príncipes dogmatiques qu'on avait pro-
pagé la r,évolution fra~çaise. lei, on.voyait le retour ·
du mêm«r fléau :r;avagean_t un a:utre sol et menaçant
·de no_uve,au rEliJ.rope, par différens foyers éta.blis
à ~aples, à 'Madrid, à Turin et à Lisbonne.
L'articl.~ 21 ,de la future constitú.tion, née sur
~es bords, du 'f age, parut d'autant plus remarqu~­
ble 1 qu'il é~ait pé.ut-être le seul qui eut une appa..:.
rence de pruden.e~ et de sagesse. ll bornait le pou-
voir d~ ljl const.i~uüon a.~1X. 'Portugais résidens en
Europe, et ne la rendait óbligatoire pour les autres
que de leur propre conscntenxent. Il est clair que
c~te disposition était faite pour le Brésil, et que
les , cort~s reçoMaissQ,ient .eu príncipe son :indépen-
1
dance ; car c'es.:t être indépendant .que de pouv!?ÍÍ'
se ré~:t;~jr: pour délih.érer .de ses I ois politiques, pour
les ,ac,cJept~J o.u ~es refusei·; -
Ces , ha~>es. de constitution détaient point encoré ·
parvenues officiellement à Rio-Janeiro, que déji!
les cm:ps armés portugais s'apprêtaien! à leur jnrer
fidé~té. Le prince régent harangue aussitôt aved
ferm~té les troup,es insubordonnées et déClare qu'iJ
ne prêtera serme.nt que lorsqti'il connal.tra la vo-.
'lonté du ,penple à cet -égarcl. Les.électeurs convoqués-
~t le11-rs Vffi\lX une f ois .connus, Je serment est prêté
;. la cons.:titution future. De .cette p!!imeur anarohi-
que ~ po\!-r ajnsi d~re, sorti~ Iª- formati_on d'un~ junte
asso.c_iée à l'autorité du prince ct formé~. d'apres
3
( 18 /)
/I

Je décret des . coàes. C'Çtait autant ·. de. semenccs


de révolution. Maís tel est déjà 'l'esprit puhlic des
. Brésiliens, que n'~yant ahcun égard pour la junte et
ne lui adressant aucune requéte , se~ membrés ,
d'eux-mêmes, juge1,1t à propos ,d e se séparer.
Toutefois, quel tableau présente alors le Bré-
sil! les fonds de la banque dilapidés ·; les proviu-
. ces n'envoyant plus . aucun secours au trésor, les
troupes européennes· tlans une attitude hostile ; · la

'c
seconde ville dú Brésil, Bahia , méconnaissant
bientôt l'autorité du prince et ·se rangeant dans
ressort des cortes; ct le Brés~l, comme le Portugal ,
révélant deux fartis : ceux qui vonlaierit'mai~tenir ;
ceux qui vonlaient modifier les anciennes institu-
tions. La majorité inclinait pour ces derniers. On
s'apcrçut que ~es Jerme,ns de l'insurrection d'~\fe r- .
nambnco agiss,aient encore saur dement' et qq~ les
amis d'un ehangement rév.olutiop,na:ire s'étaie.nt
réunis par fraternité d'opinians avec les troupes
;portugaises. .
Dans des circonstances si difficiles , le régent
montra une sagesse et un aplomb au- dessus " de son \

âge. 11 fit d'abprd en fáveur du p_ays tous les\sacri-


fices person~els qni dépendaient de sa volonté ,
réduisánt sa dépense, réformant les 6oq chevaux
de son écurie, n'en gard,a nt pas'inême(I }cinquante,
' \

(1) Au B1·ésil <;omme en Espagne, on se scrt de mules


pour les voiture~ .
( 19 )
-et. vivant ~ la campagne ave c la plus, stricte •éco-
nomie. A force de soins, de réformes et de sacri-
fices; ~e .Prince réduit le budget dé l'État tle . cin.- ·
quante millions :de frÍmcs à quinze millions , espé-
rarit le rédnire encore.
Et c'était ce même prince, connt1 jusqu'alors
pour aimel' passionnément les plaisirs d'Europ'e ,:
ayant des équipages, aimant la chasse, les amuse-
mens bruyans , les fêtes militaires ! Dépositaire du
pouvoir' tout-à-coup il s'applique avec zele et ap-
titude aux affaires de son cabinet; il monte à cheval,
nàn par dissipation ou désceuvrement, mais pour
un but utile ; .combinant la vie agitée ave c la vi e
laborieuse ' ' et' forçant tóus ceux qui l' e~tourent a
renoncer à leur apathie. Toutannonça bientôt qu'il
était ~ppelé à de grandes destinées.
Mais tous ses efforts pour faire le bien allaient
s' évailouir ; les passions politiques n' ell tenaient
aucUn compte; au Brésil comme ailleurs, existait
le prêjugé que la liberié doit être l'ennemie du
pouvoir souverain. Les ministres du régent que lui
avait laissés son pere étaientodieux_auxuns: comme
portugais; aux autres, comme suspects d'attache-
mentàl'ancien ordre de c~1oses. L'impopularit~ du
ministere allait jusqu'à porter atteinte à la .popula-
rité durégent; on formá des demandes aux cortes
pour obteqi~•son rappel. De dégouts en dégouts, le
prince découni.gé d'ailletirs par )e mauva,is état
d~s affaires, par l'insnbordi1,1ation des trohpes, par
3 .•
( !20 )

· les entraves de la jnute, par les exigences despa~~is,


et enfin par l'isolement des provinces qui le ré~~i­
saient à n' être que le go~lVerne~r de R;io-J ~n~i~o,
~'aspira plus qu'à retourner en_~urope. Agité p~r
deu:x: sentimens qontraires, il sentit pourtant q~'i.~
avait (tes devoirs s_éveres à re.J,Uplir; qu'il était re_t(jnu
au Brésil par l' engagement contracté. en~er~ le
Roi son pere, d'y deineu~.er pour le co:p.serve~, ~1)
c~s de séparation, à la dynasti~ de Bragance. Ce~
nobles pensée,s prévalurent, et bientôt les Brésilie~1s ~
fiers des.sentimens qui animaient le prince, fure~t
désarmés; ils reconnurent son ~ctivité, sa boJ?-té ,
l'ardeur avec .laque~e i1 ne cessait qe travail~er au;
affaires du go~vernement; et, toucl~és de ce qu'il
y avait de . pénible dans sa position, ils hü don-:
nerent leur amour en ramenant à lui la pop-q~a:.;<
:rité. Les sent~IJ:~ns habitueis d' ~ffe:ction ~t· de\res~
pect pour la matSO:t;J. ·de Bragance, :ale~bs un ·~o:­
ment par des (~éfiances, se rév~illerent av:eç pÀt ~ ­
de force; il s'y ~oignit un sentime~t d'idolãtrie pou r
les vertus et pour les qualités aussi bril!antes q'Q'ai-
ma~les de la je;une ar?hiduchesse Léopolcl,'l~e ' , filie '
de l'empere.1,1r <;l' Ál;ltriche, et fen;u:p~ révét~e du
régent do~ Pedro~ \
Cependant Jes cortes . de Lisb~nne n'ayaient
ménagé. lé Br\~sil qu'àutant qu'elles av~ient pv
craindre qu'il pe repoussâ~ leur autotité. Plus ra;;-
surées depuis y arri;vée du ~o}, et compta.nt s.u.~·
l'appui du parti po_i:tugais. ·qui ·s'était J;Upnt:r:é ~~~

,_
. ( 21 ) .
elles
·Bí·é~il, agirent tla.ds uh autr~ syste~e, pptÍr
assujettir de-nouve~hi cette v~ste corltrée au :Portugal.
Attribu~nt la décadimce .cí'u royaúine .à l'indêperi-
dance àu Bre~il, elles résolurent, dans des vues
hohvelles, de ne former qu'uri totit de deux royáumes:
si diffénins et sí éÍoignes l'un de l'aúhe. La stiscep-
tibilité des Brésiliens s'e:ri alarm~; ils voulaiént bien
~Úler les Portugais â se dqiníer tÚi ·gouvernement
libéral, mais ils vouláient être libres comme eux.
Ils cohcevaient lã revolution coniine devarit limit~r
cgalement l'autorité royale en Portugal et au BrésÚ,
et uriissani les deux natións sous un pacte fédéraC
'i'oute autre 'dni:ibinaison leur était odieúsé:
Dàns
. .
les d:eux pays, én Portugal
.
comme· l au
Brésil, la tendarice des esprits les portait à dilni:-
nuet la prérogative de la couronne. Des son ár:ávée
en Europe, i~an VI fi.avait plus été que l'instru-
ment trüp docih~ des cortes. Sans le concours deS;
députés d.d Brésil, n'en ayani même aucma. d.es àu-
tres .párties de la monarchie éparpillées . dans. les
q uatre parÍies du monde (i)~ les cortes composêes
seuiément d~s d~ptités àu Po.rtugfll, commencerent
l'amvre d'uné co~slitution qui ·devait gouvernel"
toutes les parties de la riíonarchie. On aurait dit.

(I) Ce n•est qu'à la fin de la session que deux dépntês


du Cap-V ert et un d' Angola, prirent place dans Ie congres
de Lishonne. Nous ne parlons pas des députés des ·Açore.s
et fle Madere, qui étaicnt censés faire partie du royamnt:.
( 2'2 )

que les députés portugais avaient d~s procurations


générales ; que , pour être n~ en Portugal, ~n é ta i~
plus .noble , plus puissant que dans les autres par-:-
ties de la monarchie; et que tous ses sujets dans
les deux hémispheres étaient décidés à s'accom-
mo·d er des déci~iGns , ultra-démocratiques de Lis-
.bonne.
A leur ;trrivée aux c~rtes, les députés de Bahia
ftrrent les premiers qui demanderent à êtreauto-
risés à exprimer·leur opinion sur lcs artic~es consti~
tutionnels déjà décrétés; on qualifia leur demande
d'effrontée. Un granel. débat eut lieu à ce sujet, et à
la fin les cortl~s 1 déciderent qu'on ferait eles articles
additionnels pour le l3résil. Huit mois se passerent
elans eles dis~u~sions continuelles, les dép~tés <lu
Brésil protestar,tt toujours contre les délibér~Êions
eles cor~es à 1'égflrd qe leur pays, et demanda~ttou­
jours inutilement ce qu'ils croyaient utile et néces-
saire à sa prospérité. Le nombre des députés du,
.Portugalétant 1;~ double de ceux du Brésil 9 ceux-ci
·succombaient touj purs Çl.a1~s les dis,cussions; au
lieu de prendre les, mcsures salutair~s qu'iÚ,solli-
citaient, on faisqit embarquer des bataiUo:p.s d:mtre
leúr pays .. Les députés du Brésil elemandaie~t eles
lois; on leur envoyait eles soldats. \ ''
La constitutiqn achevée, ils présenterent les ar-
ticles additionn~ls qu'on les avait autorisés à1 rédi-
ger; on ne daign,a pas même les lire; ils· furent re-
jetés. Les cortes nommerent uri -comité en Iui assi-
( 23 )
gnant des bases; il fit des . arlicles. a.dclilionnels sul"
le Brésil, q~e les clépútés. clu Brésil rejeterent à lem·
l
tour. . \ ·
Gependanlleroi Jean VI, témoin de ces débats .
ou ph:~tô~. de c\ s dé_ch~reme~s, e~ pouvant jng.er eles.
effets qu 1ls .prpdmra1ent au~~ela eles mers , JUra la
, constitution, cette même constitution que-le Brésil
repoussait. Sop r~jet,, ~e Brésille ma.nifestait et p:xr les
protestations de ses députés, et par s.es insurrections
contre les. dikrets d~s. cortes portugaises. En prê,.
tant serment cl'observer cette constitution, le roi
:;emblait ne plns hésiter dans. le parti qu'ü vou~
hitsuiv.re; il se range.a it, au détriment,duBrésil, du
côté du Portugal. .11 ne fit en son nom aucnne ·pro- ·
r>osition au Brésil ;· aucune lo i forÍdamentale ne _lu.i
fnt proposée.ni offert:e;: orles. Brésiliens se trou:ve-
rent .dans. la. n~cessité ou d' adopter forcément une
constitution d~mocratiq.ue qu'ils ne v.:oulaierit pas ,.
ou de se détacher du PortugaL.
. Bientôt la dissidence entre les .deux pays. fit sen.-
tir aux Brésiliens le besoin de.Ja,myauté; La préci-
pitation avec l~quelle les cortes av;úent rédigé la
constitution, et m.ême· les. articles relatiís ali Bré-?il
s;ms att~ndre ~es. déput~s ,. le peu. d' égar.ds. qu' on
eut ensuite poup leur réclamation' augmenterent le
mécont~ntement et la défiance .. A.u. eontraire, la
confiance se rétabÍissait graduell~ment entre le
prince-régént e~ le~. BFésiliens. Déjà ils ne·voyaient
plus les .troupes portugai,ses comtn e les auxiliaires-
( 24 )
de leurs opinions, mais ~omme des e:onemis du
BrésiLqui avaient en vue de l'asservir . .
Enacquérant plus d'aútorité, lerégent s.e ntit qu~
Ie sàlut de l' AmériqueportugaiseJ et ce qu' on pour....
rait conserv:er· de son union ayec Lishonne, ex~geait
qu'il se..déclarât le chef dq. p·a rti· hrésilien; car se
j~indre · aux Portugais pour leur soumetire la llOU-:
velle monarchieJ n'auràit faitqu'entr~1ner sa propre .
ruine et précipiter l'indépendançe du Brésil, qui se
serait organisé en répuhliques·fédératives.
ToU:tefois le prin~e refusa· Çl'abord la couronne
impérialJ qu' on voulut lui décerner des les premiers
jours d' octobre 1182 I. Presque au mênie moment,
les cortes de Li:,;bonne, aveuglées ou emportées par
~a passion, r~nda,ent leur décreLdu 29 s.epteml>re ~
portant que le Brésil, dissous en ·góuverlieniJ~ns
provinciau:x:, correspondrait désormais aveé ie n?i.:..
nistere du Portugal; que les tfjbtmaux supérieur ,
seraients~pprim~s; que le princé-régerít reviendrait
à Lishonne, et q'\.1'à son retour il voyagerait en Es-
pagne, en Fran,ce et en Angleterre,\ accom,pa:gné'
d'un córtege nommé par les cortes. 1

C'était vouloir quele ·Brésil ohé1t à un décret,qui


lui ·ôtait toute esf!érance de royauté; ét qui mettait
tout le N ouveau-:rr-ronde dans les mains de la, d'émo-
cratie. Tel ét!lit le. plan des révoluLionnairés de la\
Pénüisule.
Mais ún tel décret ne pouvait.manquer d'être le
signal de la sépaFation complete. Rien rie devait
( ~5 y
plus irrifer les Brésiliens qu~ le mó'r'eeleÍnent d-e
leur pays, que la suppres:sion de la cóur et des trf:. .
bunaux, que la dureté du tr aite:rhent iinposé à l'hé;,
ritier du trône; rappelé êomme ''Uil ·simple fone.:,.
tionnair~amovible; dbn Pedro ne pÓúvait vüír qúe
-des espions dans les compágnorís f0reés qtlon ltíi
destinait.
C' est ainsi que Lisbonríe révolutioimaire créa u:b.
tentre a l' émancipation du Brêsil ,. t'! n offrant pour
ilÍnsi dire à un pririce d'rlh caractere fier et d.'urie
résolution forte' mie contrée entiêre prête à le dé.!.
fendre. Les décrets des cortês arrivent à Rio-Ja ....
neiro le I o décembre; Aussitôt l:i plus grànde fer-
mentation regrie da:hs la capitale ; tout y prend uri
aspect hostile sans que lés bataillons portugais pui.s:.. ·
sént ihtimider les Brésiliens. Presque à..!la... fois les.
trois provinces de Saiht-Pa'ul, de Rio.:..J áneiro et
de 1\Iinas, auxqtielles se joiht celle de Rio..:Grande;
adressent au prince aes représéntatiorls véliémentes:
La presse, les discours, tons les brganespá.r lesquels
se manifeste l'opinion dú public, indiquerit fa plus
violente agitation. Le président de Ia déphtatiori
municipale de Rio-J au'eiro da11s sa harangue au
prince s' exprima en ces termes : << Lá ;ortie de V O-'
>> tre Altesse royale eles états du BrésiÍ, sera le .dé..-

>l cret qui s_anctiónnera pout jamais l'indépendance


h de ce royaume. »
Cette indépendanêe _n'était autre chose' que la
formatiol1 du Brésil en r·épubliql.tes; car pour sa,
( 2f> )
recolonisàtion, elle était imposslble. li n'y avait
plus qu'un seullien entre les deux pays, etc' étaitle .
.prince qui le -formait et qui seul pouvait le main-
tenir. « Puisque c'est pour le bien de tous,dit· il au
l> sénat municipal, et pour le bonheur géttéralde la
» nation ,- je suis déeidé : dites au peuple que je
>> reste. Je n'ai plus qu'-à VOllS reco~mander J'u-
ll nion et la tranquillité. >>
Don Pedro voulant sauver le Brésil, avait pris la
résolution d'y rester. Pouvait-il et devait-il agir
différemment? qui 9serait soutenir l'#firmative '!
En obéissant ~veuglément aux délibér~tio~s des
cortes, dont le "9ut sinistre était connu, le prince
aurait tr:,1hi à-la-fois le Brésil et les intérêts de sa
famille. La fami~e de Bragance était en péril 'sur
les bords du, Tage, et' la monarchie portugaise ex-
pir.ait. D'un autre côté, la guerre civile dévorait I~
Brésil, et la démagogie étendait ses ailes malfai-\
sa:ntes sur cette sep.le parti e de l'Amériqué qui s'ef"" \
. for-ç ait de Jui écll.apper. Admettons que le •Brésil
y eut cédé avec lf!s mêmes penchans . que le Por-:
tugal: que serait devenue l'Europe? A cette épogue,
presquetous lestrfmes dumidi chancela,ient. Quelle .
force auxiliáire de _plus n'auraie~t pas eu les révo..:..
lutionnaires de la Péninsule !. \ '' .
La notification faite· au peuple par le séna:p nu-
nicipal de Rio-J a~eiro, le g janvie.J< 182 2, fut reçue
au milieu des acc\amations et de l'ivresse généràle.
Les seules troupes. portugaises reslerent mornes; le

' I
(' 27 ) (,
hruit se -répandit qu' elks voulaii:mt mettre à exé- ,
cution à force ouverte le décret des co'r tes et enle-
ver le ; prince. Ces bruits émurent le peU:ple. Le
général portugais A vilez aya~t dorip.é sa démission
I • .

et demandé son retour en _Europe, les soldats pri-


rent les armes,le I I pour se .donner un autre com- ·
mandant. En appr.e nant la .prise d'armes dés ba-
taillons portugais, les Brésiliens ' les iniiterent, En '
peu d'heures le. camp de Sainte-Anne fut couvert
de troupes créoles et d'u.ne foule d'habitims armés;
On était à la veille d ~un clwc-; des deux côtés on
avait de l'ar.tille~ie. L'aspe~t d'une population en-
tiere sous les armes refroidit ral'deur des troupes -
eu~opéennes; elles négocierent: c' était s'avouer vain-
cues. En effet, à la suite d'une capitul<l;tion ·brus-
qU.e, on ·les dirigea sur_Praja-·Grande.. de l'autre
_côté de la rade, 'e t on .prép~r~ tout pour leur embar-
ql).ement.
Là, revenues de leur émotion, elles prirent de
nouv~au une attitU:de menaçante, déclarant qu' elles
resteraient :jusqu'à l'arrivée d'une expédition euro-
péenne déjà anQolicée. Le moment -pressait; il était
grave. Le prince fait armer des vaisseaux; appelle
des renfort~ de Saint-Pa1,1l, de Mi~as, et fait blo-
quer :{la'r terre et par m,er la petite armée portu-
gaise. Se plaçant lui-même à bord du bâtiment
commandant ,_ il saisit la mêche d'u.n canon qu'il
f~tit tourner contre l'armement portugais, puis ·crie
_au.' général ennemi en se :m,ontrant à découvert: « Ce

\I
·é 2B )
>l dl.nbri ést à moi, et VOU'S reconnaitrez Íe pr~rtÍiet
>l coup; car cé sérá mói qui le tirerai ! n Ces paroles
royales font une telle impressibh , que les troup'es
portugai'ses, dans les journées du 12 et I3 février,
se rembarquerit 'e t inettent ~ la voile. On les avait
déja perdties de vit~ quand fut signaÍée une autr~
flott,e éurbpéenne· portant de i:wrivelles troupes.
L'expédition était composée de 'différens hâtim_en·s
de guerre, entre atitres ciu vaiss~au le Jean VI, à
bord d uquell~ cóininandant Maxímilien était charge
de ramener don Pedro à Lisboriiie. Ses instructions ·
portaient de se mettre aux ord~es du prince à son
arrivée à RiÓ-Ja:[).eiro. Le prince lui ayant dit pu-
hl.iquement: ccle ~eul ordre gue j'aie ~ vous donner,
c'est de vous en aller;)) et défense áy:int été faite apx
troupes de áébarquer, l'expécÜtion, mo!ns une fre-
gate que retint le prince, remit à la voile. Le coni\
mandant subit à ~on retour àLisbonne un'e enquête ·
pour âvbir suivi t:rop à ia lettre ses instructions' et \
fut imnlédiatemept révoqué. . '
En rendant COlfllpte au roi de ces griaves événe-
mens, don :í?edrq lui exposa le vceu de provinces
ponr conserver a,u :Brésil uh centre de gouverne-
ment unique, majs assujetti, q:Uant à b législ~tion
1
et à l'administrati,ón générale, au roi et aux 'cortes.
Celles-ci, effi·ai'ées à l'arrivée de ces nouvelles e~
redoutant l'émáncipation entiere, décréterent le
6 mars qu' ~n ne di:,>cuterait le titre de la constitution
ielative au :Brésil c{u'ápres avoir enteridu ses dépu-

( '

\.
( 29 )
tés; puis m1e co~mission pro posa de. suspendre .le
départ qu princ~ rége.nt e.t de sqrs,eoir ~la dés.orga~
pisatio:P. d,es n:t~gist:ç~tures c.e:Qt;:çales j1,1sqJl'à. l~qr.
:rem}?.lace.m_e pt; elle qffrit; en outre une ou :rnême_
deux délégatio.ns _du pouvoir e.xécutif au B:résil. Ces
propos_itio:p.s ét(li~nt insidieuses; la .divisip_n du Brésil
en de.u~ paxties eut été l'équivalent <le lia soumis.-
&ion à Lisbonpe, car il n'am;ait ph.Js offert aucun
mo-yeu, eflicac.e. de ré.sÍstance.
Mais tandis. qu'on délihérait sur. les bords dq-
Tage., o~ a,gissait au Br.ésil. Mina,s et la . capitairie~
rie d~ Spiritu-Sa,ncto adhéraieut au systême ~bré,
siliep.. A l'e~im:~ple des habitans de. Rio, ceux d!'l
Pernan:tbuco.yen:ú~:ot de ren.voyer en ~ur,ope leur
garniso:o portuga,ise. L'élan était univ.ersel; ma~s
il fallait diriger ce mou;vement national. .O.r :, le
prinçe c.rut c;ru'il éta,it temps de cl.o:oner à ses opé.;.
rations la ;a]J.c,tion. d'.une sorte ·de. représeJ?tation
brésilienn1;1. N e pouvant pas, da~ le systeme d'-~nion
qu'il était -r.ésolu de maintenir' ã.ttribuer à ce
corps l'11,utorité 1égislative, il se composa un con-:-
seil-d'~tat éle.ctif.formé des pr.ocureurs généraux de
toutes les provinces, et présidé . par le prince lui-
même.. D,a,n~ les idées des cortes, c'était le gage et ~e
garant de l'qnion des deu~ roy.aumes ; elles ne le
co~sidérer~nt -pali· ainsi. Aprês avoir long-temps
discuté, elles déçidenmt qu'il y aurait ~u Hrésil au...
tant de délégations de pou:Yoir's que1es provinces en
:m._~nifester:aient le désir. Cc n'était là qu'une_· nou'"'
1

( 3o )
velle ·tentative ·pour y -j-eter la pomme de discorde.
Mais les députés du Brésil se montrerent dignes de
la·~onfiance de leurs commettans; ils briserent dans
les mains des oppresseurs dn Portugalles fers ·que
ceux-Ci a~aient forgés pour le Brésil. .
Toutefois le Portug~l continuait à poursuivre
et ·à tourmenter le Brésil, et voyant que don Pedro
n'obtempérait pas à .ses ordres, Ü avait; donné- pour
instructions à ses émissaires, de faire croire aux
peuples de cette contrée que le prince n'y restait
n
que pour les asspjettir et les rendre esclaves. fallut
prouver le contraíre par une condtiite non équivo-
que. Ce fut alors que don Pedro fut proclamé dé-
1

fenseur perpétuel du,Brésil, titre qui rappelait celui


qu'avait pris l'héfo1que Fernà.ndez Vieira, lorsqu'il
arracha le Brésil à l' occupation hollandaise. 'Ce
nouveau titre fut conféré au prince le J3 mai 18 2 ~.
, Le prince aurait voulu s'arrêter là, et sauver
son pere en Europe, en faisant tomber la constitu-
tion . démocratiqt:~e du Portugal; mais il ne lui·fut \
pas possible d' artêter l' élan des peuples du Brésil.
Le vreu de l'indépendance, v:ague d'ab\ord, pt it un
.caractere plus PfOnoncé, et le pouvoir monarchi-
que prit un peu. plus de consistance. Mais de tous
" .côtés on réclamaft impérieusement la sépara~i'on.
D'abord les ~résiliens n'avaient demandé que
l'égalité .dans la coopération au pouvoir législatif
des cortes ; une flélégati@n lo cale du pouvoir ~xé­
cutif, des magistratures centrales' et une liberté
( 31 .)
égal~ ·dans le çommerce. Il n'était p9int question
là d'abstractions ni d'une révolution dogmatique. ,
Maintenant, ils exigeaient une législature séparée,
ne voulant plus ·qu'une alliance entre les ·deux na-
tions sons la protection et la direction du monarque.
Aucune dissidence ne se faisait remar.q uer eritre
les divers partis qu'avaient fait naitre les troubles
du Brésil, ni dans leur intention et leurs vooux con-
tre le rétablissement de l'union ancienne avec le
Portugal; c'est d' ordinaire ce qui arrive dans -Ics
divisions intestines qui sont presqúe toujours a~­
soupies par les querelles·extérieures.
Le Brésil marchait à grands pas vers :mi autre
o:rdre de choses. Avant même que les procureurs
généraux des provinces qui devaient former le con-
seil-d'état fussent assemblés, les autorités locales
avaient demandé une assemblée constituante et lé-
gislative; le conseil-d'étadui-même, à la premiere
séance, dáclara son 1nsuffisance et réclama la même
-convocation.
Le prince l'accorda par son décret du 3 juin,
jugeant Índispensable de renforcer l'unité brési-
lienne par l'élection d'une assemblée, mot français
adopté de préférence à celui de cortes.
La marche des cortes de Lisbonne à l'égarçl du
Brésil, ne cessa pas un moment d'être passionnée et
incohérente. Apres avoir détruit ou singulierement
modifié,.comme illégal et despotique,le pouvoirque
le roi exerçait sur-le Portugal, elles auraient voulll:
( 32 )
~~ serv.~r ·du niême· pouvoi.r pour faire prévaloi1·
en An:iéáque le niême systeme q.u' elles avaient ren,.
yersé en · Etrr0pe. Toutes les demandes du. ·Brésil
fure:pJ r,ejetées, et un nouvel ordre pour le retour
du .p rince en Portugal, fut notifié à la suite ~es
actes du:6jnillet, qui justifier.ent la convocation de
l'~ss~mbl~e brésilienne dont les cortes n'avaient pas
e)lco:r:e co!lnaissance.
· , Mais .to,ute·s ces mesures, empreintes de hauteur,
et respirant la menace de la part du plus faible, ne
faisai.ent :que déGider et accélérer les mesures d' énér-
gie et de rési$tance de la part du plus ·fo:rL Les ·
récriminaticms ftp-ent . r.éciproques. Les Brésiliens
reprochaienta:ve ~ raiscm aux cortes de Lisbonne leur
tend.ance démocratique, Ía capti:vité du Roi et l' op~
pression de la mélro.p ole; de lcur côté, les orate'lirs
du congres ~uszi}Ja7Jien ne ·manquaient pas detáxe.r
d'honünage&se~:viles,leshommagesrendus,au priné~
rég®t, ~~ d'usurPia;tiQn l'extension d' autorité qu'Ón \
lui conférait. Ils allerent jusqu'à l'accuser de despo- .
tism~, parce qü'il convoqua·it ,u ne assc~blée c~nsti­
tuante législative .. ~e pouvant faire la 'guerr.e., les
.ç or.tes, refu,saient ~-e ·négocier, e.t, contrefaisant le
sénat Romain, ·qui véndit le ch~mp ou était campé
Annihal, e1les di~pciserent ·d u Brésü comll\e' si ce
_r:pyatpne e{Jt t";U>cpr.e été sous leur dépendand~. ·
Le 19. s~pte:rp.~re, il fut stê;!tui à Lisbonne (jue
la copvoca~iqn de f-assemblée brésilienne était nu'lle;
~:ue le go~ver:pellj.ent de Jtio-Janeiro était illégal ;
\
( 33 )
que.la délégation ·du prince ccsserait à _l'ínstant; .
qu)l serait tenu .de revenir cn E).lrope dans quatre
IIfÓÍs, pour tout délai, sous peine de déchéance de
ses droits héréditaires; et. enfiri, que les ministres, .
les commandans ele teme et ele mer, seraient respon~
sables de leur obéissance au ~ouvernement intrus.
QÚ.'arriva-t-il? .Un an ne .s 'était point er;core
écoulé~ à compter de ce décret imprudent' et déjà
l'assembléc du Brésíf était installée; le "g otiverne-
merit du prince-régent s'était transforme en gou-
vernement impérial; ses ministres exécutaient ses
ordres, et les commandans de ses troupes de terre
et dé rtier hii étaient soumis; tandis qu' à Lisbonne,
ceúx qui ·a vaient pró~oncé contre l,u i eles décrets
iniques n'avaient ·su conserver ni leur pouvoir, ni
même un asile. _
Jusque-là, on peut dire que les peuples du Brésil
avaient désiré leur séparat:ion, mais n'avaient pas
son.gé sérieusement à reffectuer. Les proclamations
du pdnce et les délibérations qui les avaient solli-
citées, l'attestent snffisamrríent.
Le JCr. aout encore' au moment ou le pri.·n.ce
décid~' qu'íl ne serait plus reçu de troupes ~ux"i­
liaires au Brésil~ et que si elles se présentaient on ·
les rep:o ussÚait par la ferce ', S. A. R. déclarait
', que son peuple ·et lui regardaient toujours les
Portuga:is cbmme leurs freres. .
Mais le ·a ernierdécret eles cortes resscrra de plus
· en pl.usle n~ud de. l'union brésilienne; Bahia même
4
( 34 )
adhéra nux: vmux des autres provÍn'c es, et M(;mte--
Video, considéré ju:squ~a:lors C.€lmme État indépen~
dant , sblliêita sa ·réunio~ au Brésil.
Une esca:dre portugaise, il ést vrai, porta dans
Bahia; vers cette époqne, toutes les troupes dont
les cortes avaient pu dlisposer, et le génêral Madeira
parvint à assujettir la se conde ville dlll. Brésil; .tnais
il rte put jamais s'étendre hors des murs ; et toute
'la province~ les lles même ·de la baie demeurerent .
dans l'unité brési1ienne. Il en fut' .de mêtne des
provinces de Par.a et de Maranliam, hors des mu1~~
' I
de leur capitale.
Au dernier moit1ent de leur existence· politique;
les corte:s affectere;nt encore plus de hau:teur; 'el1és
' '
ab regerent 1e fl e'l at. d onne
. ' au p:rmce•regent
. . ' \ ·
poilr
son retour en Europe, le menaçant d€ l'exclure d.e
la cóur.mane de Pqrtugal s'il n' obéissait, ei ordon-
nant de traduire d~1vant les trihunaux les signataires\ \
I . I

de l'adresse de St.·.- Paul, premiet brandó:tJ. de·I'in_- . \


surrection brésiliertne; enfin; elles dédàrerentqttê )és·
armes ~t lcs úmnitions de guerre ne pourraien1hplus
. \ ,,
être exp9rtées poui' le Brésil, ordonnant la 'Ôon-
fiscatiein de tons navires qui seraient pris aveo d.é
tels chargetnel18, ~t mettartt airtsi en état de blóCllS
fi.ctif, à I'instai dé N apoléon, douze éeftts \li'êues
€te côtes du Brésil. . . ~~ .,
' l' . ' d l' d . . .
Quant a umte .e a . rrnmstratwn res1 Ieh~1e h ' 'l' . \..,
vreu universel des ~abitans' les' cortes décident d' a-
bord qu'il n'y aura qu'un centre d'action, etim:m.é-
(35)
diatemeht apres anéantissent cette dísposiÜon, eh
autorisant ·cha.que province à relever ·directement
d u Portugal, sorte de dérisiÓn et d' o.u trage, qui in"'
disposa au plus haut degré le.s Brésiliens.
A ces mesures hostiles succéda un véritable état
de guerre; caril y avait encore des troupes por-·
tugaises à Bahia et à Monü;- Video. A Bahia, elle.s
fttrent bloquées par les milices de la province et
des provinces voisines 5 à Monte-Vídeo, la garníson
constituée en corps déÜbérànt avec mi conseil
électif, attendit les ordres des cortes pour remettre
la ville, non au régent du Bré$il, mais plutôt aux:
Espagnols. Ainsi la guerre était déclaréé et fla-
grante; mais ·de la patt des Brésiliens, elle n' était nhl-
lement dirigée contre l' autorité royale de Jean VI,
alors captif et au pouvoir d'une poignéé de déma~
gogues.
Dans ~et état de choses , il fa~lait que le Brésil
eut um! existenée indépendante et forte qui le plit
à l'abri des révolutions. L'accord des provinces, la
proclamation du ptince, comme défenseur du pays,
la convocation du conseil-d'état électif et d'unê
assemblée constituante, avaient établi le fait d'un~
séparation complete, c'est-à-dire, que le régept;
pour conserver le Brésil, avait consolidé le systemci
établi par le roi son pere ;; à sbn arrivée à Rio_;
Janeiro.
Cette preniiere période du gouve~nement de
4..
( 36 )
don Pedro ' fut -marquée par deux publications
d'une haute importan'ce ~: l'un~ est soit manifeste '
_ soqs:1a.·date'·de Rio-:Janeiro,le 1er.áout (1822); et
adre~11é a~x peuples du Brésil; l'aútre est unseconcl
manifeste adressé aux gouvernem·ens amis et aux
nations étrangeres. ,
D,ans le premier, qui est ·une sorte d'appel au
- peupl~. et dont .nous allons donner la substa.úce' le
prin,ce faisait d'abord connaitre aux. Brésiliens que
le Portugal détruisant teiutes les formes établies et
changeant les institutions antiques dela monarchie 1
portugaise, .voalait contraindre le Brésil à le suivre
dans ce systeme d!e honte et d'avilissement.
i< Mais

~ les . provinces méridiotiales du Bré$i1 ,
I

,, ajout!iÍLle prÍljtCe; se }iant entre elles ~ prenant


>.J l'attitude.majestueuse d?un peuple qui reconnai't,

» ali nombre de i>es droits, celui de.vivre libre e~,


n heureux; ces nrovinces jete:rent les yeux . sur \
» moi ;·le. fils .de leu r Roi, moi ; leur ami, qui, les \
» regards fixés sur cette riche et immense pçítion ·
1> de notre globe, connaissa-n t, lestalen~ :de s~~ h a- ·
>> bit;:ms, ·Ies. resso':lrces inépuisables d,e ·son'\~ol,
>> voyais avec d 9uleur la• ma{che tyrahnique dé
>> ceux qui, apre;>. avo ir si ·indignement usurpé le
» titre de représentans · du peuple de Po~thgal,
>> s'étaient faits les souverains · de 1a mo~hrcl~ie'
>> portugaise ....... ,En me confiant toutes leurs
I
·. ». espérances, c' est elles qui ont conservé la in o-
)> narchie dans le; grand continent américain · , e't'
( 37 ) .
» . consacré les droits' reconnus de l'auguste 1_n aison
» .d e Bragance ..... _·
» Sans le cliquetis des· armes:; sans·le tumulte
.>> . de l'anarcl1ie,. elles ·me demariclerent-; ·comme
>> nn g~rant de leur liberté et de l'honneur natio-
• >> . nal, la"prompte. installation d'une asserriblée gé-
~~ . nérale constituante et législative au Brésil. J'au-
>> rais voulu .la différer pü'ur v oir si la·folie eles
>> corte~ de Lisbonne céderai.t enfin à la voix de
>> la raison et de leurs propres intérêts ; mais l' or-
» dre qu' elles suggérerent, et qui -fnt transniis au
» .consul portngais, d' einpêcher tonte ·expédition
>> de munitions de guerre pour ee pays , ·fut une
.~> déclaration de gnerre et le ·comrriencement ·eles
>> hostilités~ Si je faihlissais dans ma ré'solution, je
» manqnais aux promesses les ·plus sacrées; et il
>> n'existait plus de moyens de contenir les ·rnaux
>! d~ faharchie, d' empêcher·toutes les ·fm·eurs· de
n la Ç.émocratie et le <.lémembrement eles provia-
)) ces. Quelles luttes allaient s'élever entre des partis
)l acharnés, entre les mil,le factions qui se seraiertt

». successivement !lgitées et renversées! A qui d<:!-


>>. vaient rester cet ü'r ·et c~s diarnansa·e nos mines
» inépuisahles? Pour qui anraient coulé ces fleu'ves
>> irrirrienses qui ·ront la force et la richesse ·eles

>l' états? A qui aurait profité c~tte fertilit~ de notre

» terrai1;1, source intarissable de notreprospêrité'! .; .


» J e-résolus clone ; je pris le parti que les· pcnpl~s .
)) désiraient, et j'ordonnai ,l a convocalion c1e l'as-
( 38 )·
>> semblée du Brésil, afin de çime(lt~r l'indépen-
» dance politiq~e du Brésil sans rompre e:rÍtiere,..
. ~> ment le.s liens de fraternité a\"ec le Portugal.
>> Ml;l.is les actes du congres de Lishonne r~lative­
~> ment au Brésil, sont un monument continue! de
. l> tyraqnie et de délire. Le congres a établi eles dis-
>> positions législatives pour le :)3résil sans avoir at-
)> t<;Jndu ses représentan$, {aisap.t a\nsi injure à la
I' ?> souveraineté de la majorité du pe\lple,
Í! En mêm~ temps il désarmait vos forteresses,
>> dépouillait vos arsenaux, laissait vos ports sans
)> défense, appelait dans c<;Ju:x; du PortugaJ t~mte

.)) votre marine' e~ il épuise vos trésors,


» S'il présente ~m projet de relations commer~
~> ciales sous de fausses apparences de réciprocitê
» et d'égalité, c'e~t pour fair~ le monopole de vo~
)> richesse,s, fermer vos ports à l'étranger; rniner~

)> vot:re agriculturq, votre naissante industrie, pour

~> vous réeluire ele '1onveau à l'état d,e pupille et de \


~) colon. Qui pourra l~ croire? il os~ vohs men;acer
>.>. de rompre les feri' ele vos esdaves et d,' ~rmer l~urs

>.>. · mains contre leuf m!lltre. \


>.>. Au lieu el'un senl ceQtre d'alltcrdté dont vous

l> avie~ besoin, le congres veut bien vous en accor..1.


~~ de~·· deux ou aayantage. QU:elle gén.érosit~J' ou
~~ ph~tôt quelle pel(fiele adresse pour elétruire l<,t
>.l force que cet état tient de son unité, armer les
>,>. provinces cantre les provinces et les freres contre

' )) lcs fi·eres!


'» Que vous res~;t-il à ·faire, BrGsili!,'!qs'! à vous·
11 téunÍr dans UI). même Í;ntérêt :, qans une rnême
>> aff:ection, d~ns les mêmes esp.érances.; à mettre
>> en exerdçe de ,ses fopctiOIJ.S l'auguste a.$semhléc
» .du ·Brésil; elle com;acre;ra Jes v-r,ais ·príncipes de
)) la mona,rchie représ~ntative; ~ue pro~vera que
>> les id~e~ utiles au bie:n public ne .s ont ·p as seule...; ·
>> me:nt faite,s pour OPner les pllges d'un livr.e. Bré....
.,, siliens l vous ~tes entrés .d ans la g-r ande société
» des nat.ions indép.e;n.darrte,s• g.in~i q:~;1;e vol:ls en
» aviez le droit; you.s ête.s ti:n p.euple s.Ouverain ;
» voyez la perspective de gloire et de grandem·
>> qui se .déroule devant vou,s. Si vous êtes retar.dé.s
>1 ne vou~) découragez pas : qes dé.s çrts de la Calí,. ·

· >> fornie .jusqq'à ·ceux qui . hordelJ.t le détroit .d e

>1 Magellan, le torrent de la çivilisa-t_ i on court et


» covle à pleins bords. Constitntio·n et liherté l&
» _gale, sont les sources intarissables c,le pro.diges ,,
» et les moyens .q ui nol:ls: am~neront temt c~ que-
» po,ssBde ,en.core ·de hon çette ·EP-rPptl dont la
» yieillessc s.e débat dans les conv~lsions révolu.,.
» tio.n;naj:res, N.e crÇiigm~z point lei> natie:ms étran...
·» geres; l'_Eu;rope qui a. re.c onnu l'indépendance
>> des Ét;lt,s-U ni,s, et qui , tilSt restée ne.u tre dait:ls la.
» lutte .des . Espagnol,s aveç _lf:!ur,s af;l.eiennes i::olo,.,
n nies, re.cot:maitra le go,u.\Ver.Pe.m em -et la çQtJ,sti ...
J> tntion dq )3ré,sil,

» Mais que l' on n' entende plus qu'un ,c ri? ~aúon f


( 4o )
» Que dcs .Aniazones à la Plata·; l'écho ne réphe
' ,; · d'autres . :m:ots que celni d'indépendance; que
» toutes nos provinces réunies forment un faiseeau
>> qu'aucune force lÍumaine ne pui~se rompre!
. » Illustrel! Bahians, portion généreuse et infor-
~i tunée du BrésiJ, vou~ dont le &ol est encore infestê
;;·de ce~ voraces et dégoutantes harpies, conibien
"»' me .navre votre destinée; ~hassez d'au ~ilieu ·d e
·}> vous des monstre~ qui se nourrissent de votre
>> sang; dcij~ ils' ne sont plus Po~tugai~; ch~ssez-lcs,
,,, et venez vous rciunir à nous; nos bras vous sonf
» ·ouverts.
· » V aillans Mineii,os, intrépicles Perna~bucans ,,
» défenseurs de la liberté brésilie11ne, .volez au s'e -
1> ·cours de vos fi'erEjs, de vos voisins. Ce n' est plu~
}> la: cause _d 1une province J c~est celle du Brésil ·en-,: ,
» tier qui se dÚend $Ou~ Ús m~lrs, de la fjlle ·à!née ',
~> de Cabral.
>~ Habitans de Ctura, du Maranham, ~u riche \
>> Para, vous.tous d~~ ces belles et fertilcs provinces
» du N· orel , venez re'd'tger et stgner
. . avcc nous
\' 1"acte
1

)) de noti·e émancipation, afi~ de nous con~tituer., i1 ·


>> .eu est bien temps, en un grand corps ~olitique :
i> Brésilie:J?~, mes amis, réunissons-noús, je suis
,, ' \
>> -votr~ compatriote,. votre défenseur; mon bon-ç
~l. heur, soyez en pensuadé, est dans votre bonhenr;'
· ~ ma gloire est de Pouverner un peuple généreux
>.> et libre ! n
/ 1 \. • • •
·

,I
...
_ _ .J
' ...,...-.
)
( 41 )
Dans son manifeste aux: natipns étrangeres; so~1s
. ~a date du 6 aoút, le -prince prodamant à I~ fàce
' de l'univers l'indépendance du Brésil comme le ré-
sultat ~e la volonté générale de ses habitans, expo-
sait. de la- maniere la plus 'énergique les griefs du
BrésiL ~o_ntre le Portugal et contre le congres de,
Lisbonne. « Selon les ·vu_es du congres, disait-il, le
» Brésil ne devait pas être royaume, il devait des..:.
» c~ndre de son trône, se . dépouiller du manteau
» royal, déposer la conronne et le sceptre, et rétro-
l> gradant dans l'ordre politique de l'univers, rece-
>> voir de nouveaux fers ets'humilier com me esdave
» devant le Portugal._» Plus loin, le prince assu-.
rait .que les cortes de Lisboime avai~nt fait l'offre ·à
la France de lui céder une partie de la province
de Para, si cette puissance voÜlait laur fournir dês
troupes . et des vaisseaux ave c lesquéls on pút ré:..
duire le Brésil; et à I' Angleterre, chns lcs mêmes
vues, la prop~sition de perpétner le traité de com.;;..
merce de 1 8 1 o, et même de l' étendre par de ·plus

grands avantages. Don Pedro 'terminait ainsi sõri


~anifeste : « Je viens d'exposer avec précision .et
» sincérité aux gonvernemens et aux nations anx.i
» qnels je ·m'adrcsse, 1es causes , de lâ , dernieré
)> résolntion des peuples de ce royaume.- Si 'le
» roi, mon auguste pere, était encore au sein du
>) Brésil, jouissant de sa liberté ·et libre autorité;

» certainement il se·çomplairait à re.m plir le·s vreuX:


( 42 )
wde çe peuple loyal ct généreu'X; et l'immortel
.>~ fondateur de ce royaume, qui déjà. en février
>> 1 8~ J, <l ppela:it ~ Rio-J auejro les cortes brésiliennes,
.>> :o.'a-q.rait pas manqué d.ans cê moment-ci deles
J> convoquer·comme je l'!li fait; mais notre roi se
.» t>e tr01~ve priso:unier et captif; c'est à moi de le
l> relever de l'état d'humiHation auquell'ont r~duit

» lei) factieux. de Lisbonne, U m'appartient comme


n à son délégué et à son héritier de sauver non-seu..:.
» lenient le. l3résil , mai~> t.oute la nation por:...
?> tugai~>e .
. >> Ma fer:rne r~solutioi.l, . \linsi que celle des peu,.,.
>> ples que je gouyerne, est légitimcment promul~
>> guée; j'espêre ~onc .que le.s.hommes sages eqm ....
>> partiau:x; dumofde entier, ;Ünsi que les gouv~r~
>> nemens .e t nations amis du ]résilr.e ndront justice .
>l à des sentimens si justes ct si nobles. J e les invit~
?> à continuer d'avoir a,vec le Bt é.sil -les mêmes re-
n lations d'ílm.itié·et d'un mutuel intérêt. Je scrai
!l prêt ~ recevoir l,eqn :mini11tres et agens diploma~
l> tiques et à ~eur c~rivoyer les míens ta.nb, que dup~ra
>! la captivité de ),TIOJl auguste ·pêre, :L~.s ports, du
>) Brésil.continueront à ~tre ouverts à tout es les na-

)> tions pacifiqu~s et <lD:Ües qui. voudront fa~~e le

» cqinme;rce que les lois ~ défendent pas. \


» L{)s colon~> e~rop.éens qui vou.dmnt venir ic;;i.,
>~ pourúmt compt er su.r la plus ju.ste protcetion
~~ dans ce pays dç,be et lwspitªli~r. Le.s savans, les
( 4'l )
>> attistes, et tous promoteurs d' établissemens, y trou-
. >> veront a:ussi amitié et bon accueil; et comme le
» Brésilsait respecter les droits des aqtres peuples
>>·et des autrés gouvernemens légitimes, il espere
•J aussi que, par unejuste réciprocité, ses droits ina-
» ·I,iénables seront reconnus et respectés.

' .

I .
'I
~"""""""""''''''"""01)1\o""""""""""""""""""-""""""""""""
' ·'

.CHAP.ITRE 111.

De la Révolution impériale.

Il fallait un titre à celui que tout le Brésil venait


de choisir pour son défenseur perpétuel ; · à celui ,
sons la protection duquelle Brésil abandonné par
sçm roi, s'était rangê avec tant de. confiance. ' Mais
quel titre monatphique allait-·oh lui déférer? Le
Brésil formé de 19 provinces, qui, pourl'étendue,
sont ·c hacune autant de royaumes , était lui-mêll?e
plus qu'un royaur1ne; les peuples des pays chau~s.
d'ailleurs
.
sont dominés par des idées
I."
gigantesques:
,
le Brés~lien v~~t ctue ses idées soient .aussi gran~es \
et auss1 magmfiqu~s que son pays meme. Le tltre ,
d'Empereur étant Ie seul qui put frapper les esprits,
fut le seul qui parpt convenir à don Pedro. Ó~ fut'
aussi par .suíte d'apciens souve~irs historiques; se
rattachant au titr~ de roi , donné au cointe Henri
· de Portugal, qui, le' preniier, ceignit lá coul!w:me,
que les Brésiliens ajouterent le titre d'empe .eur à
' I
celui de ' défensem1-perpétud, qu'ils avaient défé'ré
au rejeton de -la maison de Bragance. En élevant
ainslleur prince ap. rang (l'Empereur, ils crurent
cimenter leur indépendance; ils y furent portés
( 45 )
aussi, comme nous l'a:vons indiqué, par,l'idée de la
. ~àgnifique ~teridu~ de l~ur empire et de -~a puis-
sance future.
Don Pedro est devçnu empereur du Brésil,
comme le duc d' Anjou était devenu ~oi c;l'Espagne,
sous le nom de .Pllilippe V; comme .Ferdinand de
Bourbon était deyenu roi de N,a ples, à titre héré-
ditaire;et presque c0mme ~erdinand VII _remplaça
Chades iv à AranjU:es, apres·son abdication .. Au
Brésil, même légitimité , même nécessité. de con-
servei' le príncipe monarchique et l'hérédité de la
couronne, O~ peut dire que la légitiniité, cet ordre .
de succession établi par la Providence, a etéléga-
iement promulguée au Brésil dans la personne de
don Pedro.
TI ne s'agit plus de savoir si le Brésil 4evait se
séparer; il l'était de fait depuis 14 ans : il s'agit
d'examiner si, à l'époque ou les peuples du Brésil· ·
ont proclamé l' empire, les circonstàn<;es étaient
telles que le Roi Jea11 VI , entouré de ministres
perfides et dominé. par une assemblée factieuse ,
pouvait être reconnuroi lui-même des deuxróyau-
mes, non unis, du Brésil et du Portugal. ,
·La procla~ation_ de don Pedro, comme empe-
reur , fut une déclaration plus solennelle encore
que le Brésil voulait .assurer sa h1onarchie , et que
les deux couronnes ne pouvaient plus rester sur la
même tête. Quant au choix, pouvait-il être . dpu-
n
teu~? u jeune prince do ué de beauconp d' activité.
( 46 )
et d'umLgtande ·force de caractere , avait v~ le
danger.d!i! !la patrie; ne pouvant calmer ou téprimer
les passio:ns d'un peuple ardent, illes .avait saisies ;.
i~ les avait pliées et dirigée~; il avait dompté1'énér-
gie révolutionnaire et l'avaít fait tburner au bien
d·e son páys et de ses peuples,
D'aillertrs, le cortsentément du jeune prince à
lcurs voou:!. n'ávait-il pas été autorisé par le Roi?
En part:ant .<ie Rio-Jâneiro, le roi n'avait'-il pas
coinmafidé à son fils de conservér le royaume lt
]a mãisoil. de Bragance 1 et; dans le cas d'une indé.:..
pendance fotcée , de ceindré la couronne , pour .
éviter qu' elle ne tõfUbât sur la tête d'un aventuriet'·
audacieux '!
Que serait-il arr\vé, si le prinée régent eút rési~té
aux voou.X des Brésílíens''? Admettons la chance la
' I

plus favorable : il aurait ekcité ui:te guerre civil0'


dans les provim:es ~ú Midi, et ce1tt~ gúerre, ne pou,
vant la soutenir~ i1 ~erait I'esté tn€mê sans un refuge
da;ns le Nouveau-Monde. C'est alors, ainsi que son
august"e pere eh avait témoigné la crai~lte, qu'un
aventurier ~ un secpnd Iturbide .se serait assis~ sur
le trône d,e Rio-J~neiro, t>u· bieh qu'un congres
fédératif remplaçant la royautê, eut divisé le BrésiJ
en 19 répuhliques. \ 1.
Dans l'un et l'autre. cas, le Btésil perdu ír~~vor
cablement pour le Bortugal, l'eut été pour la maison
. I
de Bragance, et le príncipe monarchique eut été à
jamais banni de l'hémisphere .áméricairi.
{ 47 )
·La sépatation. des deux royaunies étari.t ái11sl
conso~mée, le Portugal et le Brésil resteront"'ils
étrl!ngers l'un à l'autre? C'est ce que nous exatni-
ne:rons . apres avo ir fait connaitre l'administFI.!.tÍon
de don P~dro 1 depuis l'époque de s.on avenernentà
l'etnpire. '
Tout, dans les·affaires; matcha aveô plus d'en•
semble et de rapidité. Lés Brésilierts Í'urent ad.mis,
enfin au ministere et au niáitiemeut des ressorts du
pouvoir poliLiqLte. Mlllgré l'espece d'a)Ílathie·repto ..
chée ici a~x Créoles; tous obéirent à l'énergiquê
: impulsion que leur commU:niqua l'aoÜvité IJ.népui•
sable de l'Empéreur.
Un bel exe'mple de patriotisrn!e ' ht•ésllien fut
donné : nous voulon.s parler des gou!Jctiptio'ns ou-
-vertes pour l' aocroissement de la .marh1ê. La promp-
titude ave c laquelle des sommes cónsidérablesf1,1tent
votées et recueilliés, fait le plus grand éloge 'de
l'esprit publi.c brésilien, Ce.s sortes d'a-ssociations,
n'endoutons nas; s'appliquerôht bientôt a.ux roJ]:tes'
. aux canaux et aux grands défrich~meli.S~
La positi~n du nouvel empereui' n'en 1étáit pás
moins délicate et héris.sée de diffi.oultés. Perséc~té
par le _Portugal, abandonné· des puissaaces euró·
péennes, il ne lui restait plus d' autres m.oyens de
s'opposer aux progres de la. démoGrati~, qu'érÍ
tempórisant ave c 1es pa-rtis extrêtnes. Qu' oh ini.agine
un peuple à deux milÍe lieues de distanc~ du trÔl'lé, .
agité par des agens révolutionnaires &ccourus- de
I
I

I
\ ( 48 )
toutes.les ·~arties du monde' et qu' on dise s'il était
.possible ·à don Pedro de ne pas f;lire ce qu'il a fait'?
Les .vreux des :Brésilierrs venaient d'appele:d'in.:..
dépendance de leur ·patri'e ; · d'autres vooux, tout
aussi unanim.es, semanifestl~rent pour qu'clle fút
régie par s~s propres lois et dirigée par se~ 'enfaris
comrne elle éta:it défendue. par eux.
Ce .noble hut pouvait être atteint;.les enfans dü
Brésil réuni~ autour de leu: empereur, _pouváient
1
présenter à l'Europe le spectacle d'un p'euple digne
d ,.etre goJive~ne\ , par un exceli ent · - et d' un
' prmce
prince'cligne de régner sur un bon peuple. Les lé-
gislat~urs ap elés1par l'empereur don Pedro, ayanf
à travailler sur un terrain neuf sans être embar:rassés
par des prév,~ ntions et des préjngés, auraient pu
remplir. une }des F!!J.Is belles ·missions qui s' offrlt' j a~
1

IDll.is à des h;ommt,3s; la voie leur était ouverte pour


arriver à la liberté légale sans ~ecousse et sans ré-
voh;ttion .: il.en a été autr~ment, nouvel exemple '
qu'il.filut ~ des peupl~s non plusieurs législáteurs,
mais im législateu,r. unique devenu 1'or~ane d· s bc-
soins de ~a sociét ~ . · · . \ ·. , ·
Avant;d'indiquer ici les circonstances\ de la der-
~ere crik -it;~térieure du . Brésil, retraçons rapid~­
ment les ~rincipaux événemens qui y orit '~ig~alé
I l
l'année 1823. . .
I '
r \

~, '\ l '
.L out en prenaqt e· titre
' d' empereur, contor1me-
1!,

mept aux vreux du peuple et aux conseils de ses


ministres;, .d on Pedro ne demanda ni n'obtint la

)
( 49)
m.oindre augmenta~ion de revenus ni de po~voirs.
Jusque-là, il avait évité avec soin de se permettre
aucun acte qui aurilÍt pu être réputé arbitraire 'ou ·
despotique. Sans ostentation dans son caractere ni
dans sa vie privée; rangê, économe; i1 montrait
d'ailleurs -beaucpup de courage et de sollicitude
pour ses peuples. Toutes ses habitudes étaient celles
d'une vie tres ·active; squvent à ch~val, visitant de
bonne heure l'arsenal de la marine et passant aussi
en revue les troupes e terre, le reste de la journée,
ille consacrait encore plus au travail · qu'au~ piai- -
sirs:
L'empereur avait convoqué une assemblée cons-
tituante et législative qui devait s'installer' le 26 fê-
vrier à Rio-Janeiro; il était décidé à se servir des :
formes d'un·gouvernement dangéreux potir qüicon- ·
que ne sait pas faire l' emploi des mobiles, ~is trop
souvent en jeu, soit eri Europe, soit en Amériqm•,.
pour renverser les dynasties 1égitinies et bouleverser
l'ordre social. Des précautions dictées par- la sa..,.
gesse, firent v oir bientôt aux révolutionnaires que ·
ce n'était ·pas là un pri-nce de leur alo i ; aussi fut-il·
bientôt en bntte à leur animm;ité. Ils ne lui surent
bientôt plus aucun gré de s'être fait pr<?clamer em-
pereur constitutionnel. Ce n'était pas là u~ Henri Ill ·
prêt à se laisser maitriser tantôt par un parti, tantõt ~
par un autre; Les révolutionnaires du Brésil ne ·
tard~rent pas à s'apercevoir que .don Pedro- le,ur
5
~· .
( 5o )
aYait arraché'l'arme avec laqueU~ ils voulaient eux-
mêmes le frapper.
S6~·_inconsiitutionnalité parut'évidente aux fac-
tieux"' ie jour , ou, peu de temps apres son
avenement, il ordonna que toutes les sociétés se-
cretes fusse~t fermées, ces sociétés n'étant lá. plu-
part dirigées, comme dans bien d'autres pays, que
par des artisaris de révolutions.
L'ajournement de l'ouverture des chambres de-
vint un grief plus sérieux éle ' par les démagogues
dês deux .hémispheres contre ce qu'ils appelerent
la prépotance du nouvel empereur du Brésil.
Doit:..on s'étonn'e r que ce prince n'ait paru qu'un
despote aux yeux. des démagogues, précisément
' parce· qu'il avait assez de vigueur et de_ coufage
. pour s;affranchir re leur joug en tenant d\me mál!rt
terme Ies rênes de l'Etat? n suffisait seulement qu''P
appartl.nt à la dyuastie légitimé 'e t qu'il empiétât
sur 1e rôle humili11nt tracé par les factieux aux sou-
verainsdébonnail.1es. Il aurait faliu, selon les 1déma-
gogues, que l'héritier de la couronne '~e Bra·gance
éut été assez fàiblr pour se laisser subj u gp.er co.m me
\
I'était alors son auguste·pere par les révolutionnaires
de Lisbonne. . 1
Mais la popularíté de don Pedro ne reçut\ahcune
atteinte de ces ch,t meurs; le peuple au contdtirC\lui
savait gré de se rrtontrer tour-a-tour décidé, f~rme
et hienveillant quand son autorité le lui permettait ·
sans nuire àu bi~n de l'Etat. Une scene attendris-
( 52 )
- Mais cette guerre, purement locale~ ne.fai'sait
a:uctuie impression sur le reste du Brésil. Le ·cqm-
merce . commençait à repr{mdre, surtout à Rio- .
Janeiro' et la banque faisait ses paiemens' malgré
les embarras des circonstances. D'apres le compte
rendu de ses <;>pérations dans l'année précédente;
elle eut un profit net de . x,675,84I fr.; et le divi- .
tlende a été fixé à plus de I 4pour cent sur chaque
action de 6,250 fr. . ,
L'empereur, par sa conduite, ayant détruit .
l'qpinion qu'il voulait rendre le Brésil esclave du
Portugal, on imagina de rendre ses intentions' sus- ,
pe'ctes; on .prétend'i t qu'il était l'instruinent de la ·
Sainte--Alliance. Par cette insinuation, les enneJV,is ,
des trônes se proptosaient deux buts parti~ulier~ :
d'abord, de rendr~ l'empereur suspect aux Brési~
liens; ~ar la Sainte-·Alliance est regardée là comme\
tendant au despoti~me; I'autre, ~· était de s'a,ssurer
pi l'empereur pouvait compter s'Q.r quelque appui
en 'Europe. V oici quel était le raisonnemeni\ des
factieux. Si l'empereur a un a_ppui en ~rrope ,\ ~et
.appui se inontrer~. infailliblement en voyant' le
prince menacé ; s'il n'en a pas, il nous seta facile
de le renverser. C' éyait là un raisonnement de sect~~
1
Mais quand les ennemis de l' ordre monarc,li que
virent que l' emperep.r, quoique abandonné, affroll_-
.tait tous les orages, ils ·nommerent des députés ,de
leur bord dans l'~ssemblée brésilienne, appelée
constituaute-, dans l'espoir que leur faction y do-
/

(_53 )
m'iilerah ' . et ferait dans l'intérieur ce qu'ils n_c'pou-:-
vaie:nt faire au dehors .
. I •

Le '3 mai, anniversaire de la ·découverte du Bré-


·sil .par le navigateur Cabral, se fit 1' ouverture. de
la.session de l'assemblée générale. Tous les députés
étaient réunis., A onze heures et demie, 1'empereur,
acc~mpagné de son auguste épouse·, et de la prin-:-
cesse dona Maria da Gloria, se rendit en cérémonie
de son palais à l'assemblée. La famille impériale
était dans des voitures magnifiques; ,les rues étaient
jonchées de fleurs; les faÇades des maisqns ornées
de soieries et de tapisseries; une double haie de sol- ·
dats garnissait I'espace à parcourir, et l'artillerie
des forts salnait de moment en moment. L'empe-
reur s'éta.n t assis sur son trône, prononça un dis-
cours, et y mit tant d'énergie et de grâce, qu'on au-
rait dit qu'il parlait d'abondance. En voici l'exorde':
« Dignes représentans de la nation brésilienne!
ce jour· est le ·plus ·heau: qui ait ja!!1-ais· éclairé l~
Brésil; c'est çelui ou, pour la premiere fois., }l se
fait voir -~lJ: .Monde comme un enipire et comme uri
em.pire -libre. Quelle· est ma joie en voyant réuni~
ici les vrais·représentans de prcsque toutes les. pro~
vinces.; pour discuter mutuellement sur leurs in-
térêts, et pour fonder s.ur ces. intérêts. une. constitu-
ti.on juste et libérale! »
L'empereur entra ensuite da:ns de g~anàs. d'êtails
sur les sujets de plaínte du Brésil co~tre le·Po.rtu-
g~l,, et sur rétat intérieur.et extérieur de l'empire-i
( .54)
pU:is, revenant à ce qui -a_vait rapport à la constitu-
Üon, il dit:
« Comrne empereur constitutionnel, et plus par~
.tjculit~rement comme défenseur perpétu'eT de cet
:empire, j'ai dit au peuple, le 1er, décembre 18.22,
jom auquel j'ai été sacré et couronné, que je dé-
.fendra,is de mon épée le pays et la constitution, sí
cette constitut~on était digne du Brésil et dl'l moi. J e
.ratifie /)olenpellement cette promesse en v9tre pré...
. sence~ et j'espere que vous m'aid~rez à l'exécuter,
' - .en formant une cqnsiitution sage, juste, conven~.,...
hle et praticable , dictée par la raiso:b. et non par le
caprice; qui n'ait pour but que le bonheur public,
~equel ne saurait j ~mais être parfait si la constitu,-
.tion n'e.st pas ap:pf yée sur des bases solides, d~...
-moritrées teJ.les pa,· Ja sagessé des siecles. Le vrai
fondement surlequel ~I faut copstruire la liberté d~
peuple et la fo:rce néce~saire d,d pouvoir exécutif, 1
est une (}Onstitutiop ou les tiers,po uv?ir~ soiept di~
visés ·de IJlaniere à fe qu'aucun d'eux ne puiss~l s'ar,..
roger des droits q~~ ne Iui appartienne~t pas; kais
ou ils soient en m~m~ temps organisés ' ~avec ta,nt
d'harmonie que jar,nais ils ne p~1issent dévénir enrie-
mis, et ne ces$ent, ·,~ll contraíre, de tencl.re a~ ~oui
heur général de l'Etat; en un IJlot, ur~e con~tit~­
tion qui~ opposant des .ba,rrieres ~ toute espece de
despcitüún~ ro;ral, :,tristocratiqqe et démocratique,
niette ep fuitel'anarchie, et plante l'arbre de cette
liberté à l'ombre é,lqqúel croltra l'uni~n, la tran:..
( '55. )
quíllité" et Í'indépendance .de cet empire; destiné à .
devenir la merveille de l'ancien comme d~Nouveau­
Monde.
,, L'expérience a démontré que toutes les consti.
tutions, faites sur le .modele de c.elle de 1791, ne
sont que des théories métaphysiques, et ~ont ., pár
conséquent, Ín;.tpraticables. On en .a eu la preuve
en France, . en Espag_ne, et dernierement en Por-
tugal. Elles n'ont produit nulle pat't, comme elles
le devaient, le bonheur public ; mais , apres la li:
berté la plus licencieuse , eUes ont dégénéré, dans
quelques pays , en despotisme ; et ce résultat est
ipévitablé P?ur tous les autres.
·» Loin de nous ces triste& souvenits ! Ils chan-
geraient en deuilla joie de cet heureux jour. /
,; Vous n'ignorez pas ce félit, et je S!lis convaincu
· que chacun des dép~tés qui composent cette as-
semblée, se d_istingue par sa fermeté dans les srais
príncipes constitutionnels que l'e;x:périence à sªilC-
tion~és. J'e.spere que la constitution que vous ferez
mérite;ra mon oceptation imp~riale ·; qu'elle s.era
~age, juste, a áptée aux besoins locaux et .à l'état
de la civilisation des peuples brésiliens; enfin qU:'el.le
sera digne des louanges de toutes les nations, de
sorte que nos erinemis mêmes puissent désire~ d'i-
miter la sagesse de ses príncipes. ·
» . Une assemblée si illustre et si patriotique ,..
n'axant d'aq.tre but que la . prospérité de l'ernpire,
vondra sans donte qne so.ti. empereqr ·soit respecLé,

' '
... ~t.., ,.. • l._ ... -~ • '... .. ~.:
( ·56 )
non-seulement par son pl:mple, .mais encore par. le~
nations étrange11e.s , et .que son perpétuel défensenr
puisse remplir la promesse qu'il a faite le 1er. dé-
.cembre derpier, et qu'il.ratifie solennellement au-.
jourd'hui devant la nation légalement représen-
tée. »
.O n s'aperçut, des les premieres séances, qu'un
parti cherchait à entraver la marche du gouver-·
.n ement. ·Ceux qui le composaient ,se récrierent
..
~'abord contre la formule du serment prêté par les
membres de l'assemblée; à les entendre, le serment
était contraíre à tous les principes de la liberté ,
puisqu'il professait qbéissance à la volonté de l'em~
pereur. Ces homme:s d'ailleurs voyaient, .a:vec une
1

secrete inquiétude, ~e pouvoir impérial de .don Pé:-:


. . I
dro se ~q~soltd,er d(l plus en plus avec une grande\\
rapidité. ·\
Sa popularité éclata surtout ~ l'occasion de la
naissancc de l'infantp fille de l'empcreur et de J'ar-
chiduchesse Léopolqine. Les noms ·ae·Paule et, de
Marian.e lui furent 1do~nés en h o . eur \eles p't o-
vinces de Saint~Paul et des -Minas7 · eraes ; 'et, pour
rendre plus ~olenne~e la cérémonie du I>apt~me ~
l'empereur éleva, au rang·de ville, tous lcs €hefs- '.
lieux des provirices du Brésil qui n'~vaient pas \~h- ·
core été~ portés à cette catégorie. Il accorda en\
a
outre , la s apitale ele Minas-Geraes et . à celle dl(
Saint-Paul, le titre de villés impériales.
u~ hospice' placé sous la protection de l'impé-

\
- I- -- • - --- ~ - .,, . • ~~·· ti--
- -- ...JJ___ _ - -- .. . _r ___ ..- - ··-. - - - · _..-- .. - ---. - ..
I

(5i)
ratrice 'fut fondé et dot,ê pour les veuves et les or-
phelins des colons suisses venus au Brésil.
Telle était l'ardeur des citoyens pour l'accrois-
sem~nt de la puissance et l'augmentation de la ma-
rine brésilienne, que la seule ville de Rio-Janeiro·
vota .par souscription et par un concours· empressé
des .citoyens, la soinme annuelle de 4oo,ooo francs
destinés .à cet objet.
Cependant l'empereur était à 1a veille de 're-
-cueillir le fruit de sa persévéranc~ et de sim acti-
·vité infatigable. Bahia, la seconde ·ville de l'em-
pire , étaít entourée et serrée de ·pres ·par ~w,ooo ,
hommes de troupes brésiliennes , la plupá com-
posées de milices volontaires. Le commandement
de cette -armée assiégeante , avait été dévolu áu co-'
lonel Jose Joaquim da Silva Lima. La viguimr de
ses ópérations conv;1inquit bientôt les assiégés qu'ils
ne pourraient plus résister long-temps à la puis-
sance brésilienne. Vers la finde juin, un conseil de
guerre .s' étant assemblé dans la ville , les princi-
paux officiers de l'armÚ et de la flotte portugaises
déciderent d'abandonner Bahia, d'embarquer la
garnison sur la flotte, et d'·é chapper par une sortie
furtive à la flotte brésilienne commandée par lord
Cochrane. En conséquenc,;e, les dispositions d'éva-
cuation se firent à la hâte; l'or et l'a~gent des égli-
ses furent enlevés, _ainsi que les caisses pu'bliques.
En un mot, Bahia fut dévastée. Les troupes ayaüt
été embarquées ' l'escadre se disposait; à mettre à .
\

c58'. )
lá voile dans la' nuit du .2 juillet, avec tous les au-
tres vaisseaux qui se trouvaient dans le port et qui
étaient encombrés de troupes et de passagers ; ces
derniers , craignant les insultes des Brésiliens , ·
comptaient se -,rendre en différens ports d'Europe
et d' Amériq~e espagnole ; mais la barre de Bahia
était bloquée par l'esca'dre de 'Rio~Jan'eiro, forte de
seize voiles. Lord Cochrane , qui la commandait,
avait hissé son pavillon à hord du don P édro .
Le général portugais Madeira-n'ayant fait au-
cune capitulation avec les Brésiliens, ni condu au-
cune convention avec lord Cochrane , il semhlait
diffici ·qu'il pút mettre à la voile et passer à la·
vue de l'amiral hfésilien sans être poursuivi. Ma-
- deira se mit à b qrd du ~aisseau de ligue le D~ n
' Joan FI, avec tout ce qui avait été pillé aux ha-
bitans de B~hia. La flotte fug~Fve était de quatrJ:
vingts voiles, dont vingt vaisseaux de guerre. L e 2
juillet elle leva r~,mcre ' et' profitant d'un vent fa-
vorahle et de l'cxtrême ouverture de ~a rade, elle
évita de tomher p.ans la flotte h.résiliànne. Mais à
peine lord CC>chqme eut~il .c:o.nnaissance de la ~{lite
de l'armement pqrtugais, qu'il se mit à sa pour-
suite, joignit l'ar:riere-garde entre Bahia et1 ,Pér-
nambuco, et parvint à capturer .plusieurs hatimens
qui faisaient partte du convoi. ' \ ·
. Lord Cochrahe; poursuivit la flotte pendant >trois
jours;'
J.<a phi.s grané,le confusion avait :régné à Bahià
( 5g )
pêndantl'évacuaiio:ri de la vill~, ou' il n'y a':'ait plús
aucun gouvernement ni civil , ni militaire. Mais
cette cris~ niême mit fin .aux longues sóuffrances
de cette malheureuse ville , en ramenant , dans ses
murs , la tranquillité qui en avait été si long-temps
bannie.
L'entrée de l'armée brésiliemie fut précédée de
deux proclamations rassurantes ' émanées du com-
mandant en chef , le. général .Silva da Lima, et ·
adressées aux habitáns et aux soldats de l'armée
pacificatrice. Cette armée occupa Bahia ·dan~ la
journée même du 2 juillet. Ce fut un véritable
triomphe. L'hilarité des habitans né fut pas un ins-
tant troublée ; aucun exces ne fut commis ' aucun
acte de vengeance ne fut exercê contre les natifs
du Portugal. Toutes ces circonstances rehausserent '
la solennité d'une journée si vivement désirée:
Le gouvernement impérial s'établit dans la ville;
il fut çomposé d'hommes respectablcs par leUFs 1~- .
mieres et par leur attachemcnt à la personne de
l'empereur; la plupartét~ienten outre de riches pro':!
priétaires.
L'élection des députés de Bal~ia à l'assemblée
législative du Brésil, tom~a ~ussi ~ur des. personnes
notables du pays. ·
Ainsi Bahia, la seconde capitale du Brésil,, n'e~
était plus séparée; elle reconn~~ssait les lois de
l'empire; ainsi tout le Brésil; grâce à Don Pedro,,
pour former une unité comracte, n'attcndait :plu~
( 6o)
que ia soumission de Para. Si depuis ·I4 ans le
I
l3résil. ·était separé dê la .. monarchie portugaise
par sou administration; ·si depuis 1 4 ans la mo;.
·narchie était démembrée, la dynastie ne l'était
pas.
Victime de son activité infatigable, don Pedro,
qui était toujours à chevàl, fit une chute le 3o juin,
et s'enfonça quelques-côtes; il resta même plusieurs
jours dans un état de grande faible~se qui donna .
des inquiétudes aux bons citoycns, et qui servlt dê
prétexte aux perturbateurs pour jeter l'alarme et
agiter les esprits.
. On craignit uh mi)ment que le parti de I'opposition
ne pr1t le dessus, q uoiqu'il n'y eút aucun doute que
1

le royalismé et le bon sens ne triomphassent en


définitive. L'accident arrivé à l'empereur par~t
être une occasion favorable; o1n lui adressa des\
lettres menaçantes ainsi qu'au premier ministre~
auquel on osa dire que s'il ne donnai\ pas sa dé-
mission, sa vie et même celle de l'empere!J.~ ne
· pas en suq~te.
sera1ent · , on· se fl attalt· que' 1e 1eupe
· \1

princê céderait à Cf S ·menaces.et qu' on l~\ forceà~it


~ rendre la constit\üÍori dú Brésil encore plus de-
mocratique que .
celle
~
des cortes de Lisbonne;\ il n~
s'agissait de rien moins que de priver l'emp~réur
du veto, prérogatiye royale sans laqrielle il n'y \
pas de monarchie., ' ·
La convalescenet,~ de l'empereur ayant fait heu-
J.el!sem,~nt de grands. P!ogres, il fut :hientôt en éta~
..

( GI )
' .
de ·prendre des niesures ,pour .déjouer les projetS
des factieux. . ·
Dep1;1is la _d éclaration de l'indépendance ~u .Bré- .
sil , la question de savoir si le pouvoir exécutif .
aurait oU n'aurait pas un veto. abso~u dans la pro-
mulgation des lois, était discutée dans toutes les
feuilles périodiques, et les sentiniens ·étaient par- _
tagés à ce sujet. Dans l'assemblée, le parti démp- .
cratique s'étant renforcé, on proposa U:n projet de
lo i, d' a pres lequelles décrets de l'assemblée actuelle "
seraient exécutés par le pouvoir exécutif, quand
même l'empereur y refuserait sa sanction. La .dis..,
cussion définitive de ce projet eut lieu le 29 juillet, .
et la majorité l'adopta. Mais l'empereur déÇlara
que, nonobstant cette déeision, il ne sanctionnerait
ni n'exécuterait que les actes qui obtiendraient son ,
approbation expresse. D ~un autre côté, l'assemblée .
paraissait résolue à franchir les h ornes en préparant -.
plusieurs décrets qui seraient présentés à la signa-
ture de l'empereur. S'il persistait dans sa déclara-
tion, il était à craindre que les conséquences n'en .
fussent tres graves.
Mais tout faisait éspérer que l'empereur ~urait
assez de caractere pour résister aux empiéteniens .
des démagogues de Rio-Janeiro. Il donnait parti-
culierement ses soins et son attention aux militaires
et à l'armée ; comptant ave c raison sur leur assis- .
. tance. Tout annonçait qu'il ne se laisserait point .
arracher l'autorité, . ni imposer :une constitution
. ( 62 )
CJui Hvrer~it le Brésil à Ull systeme de confusion
et d'anarchie, et qu'il tenterait plutôt. d'établir le .
veto absolu par la force milihtire.
Vempereur prépara les événemens par la pro..;
clamª'tion suivante, SÓUS la 'date du 9 aoui. .
<< Br~siliens! je vous ai sou vent ouvert rq.on coour
et mon âme. Je désire cepflndant vous donner
encore une preuve de ce que je pense et combien
je déteste tout despotism~, tant celui d'un seul que
celui de plusieurs.
>> Quelques Chamhres dans les provinces du
Nord ont don~é à leurs députés des instructions
. ou respire un espr~t démocratique. La démocratie
au Brésil! dans çe grand et vaste empire, elle
serait une absurdi~é; et il n'est pas moins absurde
de leur part de vquloir donner des lois à ceux q~i
doivent les fai:ve , en leur annonçant la perte dç
pouvoirs qu'ils n'o,nt pas donnêS et qu'ils n' ont pas,
le pouvoir de dortner.
>> Dans·Ia ville de Porto-Alegro , les troupes, le

peuple, la junte. ,d u go1;1.vernement, ' l,es autorités


civiles et ecclésiasFques, se sont rendus coupabl~s
d'un attentat, qu'ps ont ensuite confirmê'\ou phitôt
aggravé par un serment.
» Les troupes ~ qui ne devraient obéir\ qu'au
monarque , délib~rent entr'elles ; des autorités in-
compétentes définjssent un article constitution~el :,
ce qui n'appartiept qu'à Tassemblée générale et
constituante; je veux. dire .le veto suspensif ou
I •

. ( 63 )
absolu. Ce sont là des absurdités scandaleuses et .
des crimes qui mériteraient les châtimens les plus
séven:is s'ils n'étaient commis par l'ignorance ou à
la suíte d'indignes insinuations. '
_ » Ne croyez donc ni à ceux qui flattent le peu-
ple,. ni à ceux qui fl.attent le monarque. Ils n'ont
tous que leur intérêt pour mobile, et sous 1e mas-
que, soit du lihéralisn;te , soit du servilisme, ils ne
veulent qu' élever leur fortune sur les ruines de leur
pays. Les temps ou nous vivons ·en sont pleins des
plus tristes exemples! Que les événemens des pays .
étrangers vous serve,p.t de leçon. '
>> Brésiliens, fiez-vous à votre empereur et per-
pétuel défenseur; il ne désire pas un pouvoir qui
ne lui appartient pas; mais il ne laissera jamais
usurper ·celui auquel il a des droits et qui lu i est
indispensable pourassurervotre bonheur. Attendons
)a constituti.o n de l'empire et espérons qu'elle sera
digne de nous. Puisse l' Arl;>itré suprêmede l'nnivers
nous accorder l'union et Iª tranquillité, la force et
la persévérance, et le grand ouvrage de notre liberté
et de, notre indépendance s'accomplira. >>
Cet état de choscs faisait présager une crise pro-
chaine. L'opposition dans l'as,semblée s'obstinait
à vouloir réduire l'autorité impériale à n'être qu'une
vaine représentation' ce qui infailliblêment eut fáit
triompher le parti républicain. Mais· les royalistes
étaient en ·m~jorité dans l'empire, et l'emp~reur
avait pour lui l'armée, la flotte , les soldats de
( 64)
marine, ou·plutôt l'immense majorité des Brési.:..
liens.
D'ailleurs le Brésil avaít pour combattre les ré- ·
volutionnaires, de tres bons élémens sociaux. On
a vu ·que · dans l' origine . ce pays a été divisé en
capitaineries, qui furent concédées à des seigne~rs
portugais , et qu'un grand nombre de nobles y
passerent successivement, emportant avec ~ux leurs
p!incipe's, leurs mrours et leurs habitudes. Ces
nouveaux colons ayant d'ailleurs .été gouvernés par
les lois portugaises, on ne doit pas s'étonner. que
les idées de hiérarchie , de noblesse et de royauté, .
qui existaient en P prtugal, aient pu se transplanter
au Brésil; elles s'y ~ont même accrues par l'établis 4

.s ement de l'esclavage qui a été inhérent aux pos- ·


sessions territoriales du Nouveau-Monde. Et l'on
peut dire que le Brésil étant ainsi devenu un com- ·
il
p?sé de seigneurs et d'esclaves, n'y a pas, à pro~
prement parler , des tiers-étatS ou la démocratie .
trouve à s'abriter; P,.'un autre côté, :riullepart I:es-
clavage n'a été php adouci, et la co~dition des
esclaves plus supp.ortable' qu'au Brésil. Or., le
Brésilien ne saurait être qu'aristocrate. L'aJZgument
qui repose sur la différence de la couleur de la
peau, est là sans force ; car les lois portugaises,
td~s sages dans ces· dispositions ; mettent le colone~
blanc au niveau
.
du colonel
I
noir ou mulâtre. L'autel
.

voit le prêtre blanc et le prêtre negre desservir le .


même Dieu ;' le ba:ron et l'artisan voient de même..
' ' \

.
cette confraternité de couleur, ainsi la h~irie etl'envie
ne sauraient les armer l'u'n contre l'autre.
Ces effets admirables de la sociabilité chrétienile
sont dus à ce roi célebre ·que le- Camoens ·a ii-
pelaif ma1t.re . des auttes rois, et ·qui sut appren-
dre aux Bois le métier de Roi. -
Ainsi les moours comme les habitudes rendaien,t,
pour ainsi dire , les républiques impraticables -~u·
Brésil. Les institutioas · angláises mêmes ·n'avaient
pu y ·prendre racine. Les .Hollandais en furent c'has-
sés, et l' on .vit alors, ce qui _est tres remarquable,
les couleu~s se réu~ir dans un sef!tinient com-
mun d.e royauté contre le systeme démoc1;atiqne.
Henri Dias était negte, Camarõn ét~it olivâtre ,
Vieira était blanc ; et ce sont le.s trois héros qui ,
dans le dix-septienÍe siecle, sauv~rent le Brésil du
joug républicain.
~ St.-Paul , Bueno ne voulut pas être le chef
d'une république. Quand on'le lui propúsa il rendit
son épée, et dit: « C'est Jean IV qui rious, go~1:..
» verne. ">>
A Minas, le systeme républicain n'a pa~ pu tenir.
Á Bahia, c'est encore un negre qui a dénoncé une
conspiration.Óurdie pour ·changer la forme du gou•
vernement.
A Pernambuco enfin, la république est ·tombée
d'elle-:-inême, à l'aspect de deux cents soldats venus
de Bahia.
On voit ici combien l'essai d'une ·ré publique est
6

• 'i
( 6G)
contraíre à Tópiúio1l dominante ·au Brésil. Touie-
fois il ne fau:t pas se le dissimulei', les ;idées répu-
blicairies 'sont contagieuses. L'exemple est Ul'l ressort
si puissimt, et le Brés_il ·n ' en a pás nianqué , ní en
\ Eur.ope, · ni eu Amérique. D'ailleurs les révdlu-
tionnaires ont consianiment travaillé le · pays , es-
sayanf de toutes les lois, employant tous les i:noyens
pour le bouleverser. · · .
Lc mois de ncivembre vit ..le -triomphe de l'au-
torité impériale: Le ministere avait été changé. La
police et l'armée éta! e1Ít dans les mains de l'empe- ·
l'eur. Quelqu~s membres ·turhul~ns de Í'assemblée
ayantporté diverses.accusations cont;re le nouveau
, -. I , . ' . .
ministere' une v~ve' discussion s' engagea' et la fer-
mentati ou alia top.jours croissant. Le public se P.ar:
. - . I
tagea en deux Piartis; mais la majQrité resta ~é- .
vouée à l'empere 1ur. La séance du II novembre fut
encore.plustu:muJtueuse. Vempereur, p~ur donner
aux débats de 1' assemblée encofe plus de liberté ,'
fit r.eü:rer les troupes de la ville. L' assàmblée\ iivrée
à elle-même, fut dévoréepar l'anarchi~ . Cefrtt álors
. . que l' autorité tutrla:ire sauva 1' e~ pire. Quat~~ - cents
hommes de cavi1lerie et d'irtfante:rie, ~vec qu11tre
pieces d'arti1lerie, ept0urerent_l'assemblée, éi;J. cl.é-
clarant qu'elle étflÍt dissoute par ordre de l'~~pe-
reur. Six ou.Imit déput~s furent arrêtés. ' \ "
- Le trioniphe des I'oyalistes fut assuré par la1 dis·-
solution de cette assemhlée factieuse. Don Pedro
parcourut la vill1~ à cheval au ·!Ítilieu des :acdam.a-
'

\.
( 67 )
tions g~nérales; :toutes les mais.ons furent illuminée~ ;
et le plus grlind ordre ne cessa· de régner un seul
inshtnf. L'erppereur rendit dimx décrets, et fit unê
proclamation, dans laquelle il s' erigageait à donner
une constitution telle qu'il en avait fait la proinesse,
c1est-à-dire digne de lui et du pettple"brésilÍen., ··
' Ainsi, le .f ondateur de l'empire venll.Ít d'arra-
cher le pouvoir aux -agitatéurs i pour le conserve~.
dans les mains de la légitimiié, avec le noble ct
grand çlessein-d'empêcher la dissolution de cet em-
pire nouveau, et d' en perpétú.er l'unité.
Cet acte de vigueur fut apprécié dans toute l'Eu-,
rope monarchique. La Gazette de Lisbonne même
en pada offici!;!llement de la mani.ere suiv:ante: « Le
)) fils de :notre augu~te monarque vient de faire
)) u~ pacte qui renverse l' orgueil de la faction dé-
)) magogique dansl'ássemblée du Brésil, ên même
>l teinps qri'il donne à l'Europe de justes espéran-

» ces en montrant son profond discernement, et la


l> sagesse avec laquelle il veu't tenir les rênes du

» gouvernement qui lui est c~nfié. » ·


L'opposition était vaincue au Brésil. D'n~ autl~e
villes
côté; les dePaí'a et êl.e St'.-Louis de 1\'Iaran~la':Jl
s'étaient rendues à l'escadre brésiJienne sous les Ol:-
dres de lord Cocl~ràne, et le gouvernement impéri~l
venai:t d'y être établi. Arrivé à Maranham le 2.7 aoút,
à bord du vaisseau ele ligue ~ré,silien le.Doiz P~dro
Pre,;,ier, lord Cochra.ne s'était emparé de la place
le jour suivant, et avai.t arboré le drápeau bré-
·G•. '

.
" '
( . 68 )
silien sur les forts. La conduite de ce.lord, et·les ,
émineQ.s .services qu'il vena:it de rendre au g?uver-
nement du Brésil, lui vafurent, de la part de l'ém-
pereur, le titre de marquis de Maranham.
_ Cependant l'emperéur avait proniis la convo-
cation prochaine d'u!le assemblée générale législa- ·
_tive, mais non constituante, comme la précédente.
11 avait promis, en'outre, de donner urie constitu-
tion basée sur les príncipes de la plus grande liberté
possible sous une monarchi~. Cette' double pro-
·messe fut pientôt accomplie. Une nouvelle assem-
hlée fut convoquée, par décret du 17 novembre.
• Le projet de . constitution, formé d'abord par
1

,une commission spéciale, reçut l'approbat~on de


l'empereur, et fut répandu dans tout le Brésih;yec
pro(usion. Il y ·qbti~t un assentiment -général. 'En
. voici les dispositfons princip~es: ' \ '
Art. xer. L'entpire du BrésH est une association
politique de tous les citoyens b~'ésiliens. Ils forment
une · nation libry ' et indépendant~,\ qui admetà•
aucune alliance qui puisse s'opposer\ à so~ ,indé-
pendance. .' ·
~
3. Son gouver1nement est monarchique, COJ,l$tÍ-
.
tutwnne 1 et representati
, ·r. · . , ,· ';
4. La dynastie régnànte est celle du senl~or don
Pedr~ ~ l'empereur existant; et le défenseu~' pe'rpé-
, tuel .du Brésil. . · \·
5. La religion ,catholiqu~, apostolique et romaine
.conti,uuera d'être la religion de l'empire. Toutes les
( Ga )
:ailtres religions seront permises avec le.ur culte,par- :
ticulier' sans aucune forme ex:térieure.
8. L'exerCicé des droits .politiques ·est suspendu,
par une incapacité physique ou morale; 2o. ':par
JO ~
une dégra:daiion judiciaire.
10 . .Les pouvoirs politiques reconnus par la cons- ·
tit11tion sont de q11~tre espe·ces :lepouvoiT législatif,
le pouvoir mqdéré) le ·pouvóir exéc~tif et le pou-
voir j'!l~icia5re. .
12. Tous les pouvoirs de l'empire du Brésil pro- . /
viennent de la nation . .
13. Le pouvoir législatif est délégué à' l'assem-
blée générale, avec l~ sanction de l'empereur.
I 4~ Ce_tte àssemhlée générale est composée de deux

chambres; la chambre des députés et la chambre


des sé.qateurs, ou le sénat.
' 15. ·L'assemblée 'généràlé reÇoit ·1e serment de
l'empereur i du prince impérial ou de la regence;
el!e choisit l:e rég:ent ou la régence, ei pose les li-
mites de son autorité ;· elle reconnait le pr,ince im-
périal comme successeur de -la eouronne. Duns la
premiere assf'! mblée qui st:tit la naissance du prince,
. elle nomme. un tuteur à l'empereur en mino.rité,
. dans le cas ou son pere ne lui en aurait pas noÍnmé
un par testament; elle choisit une nouvelle dynas-
tie' si la dynastie .régnante vient à s' éteindre ; elle
·fait les.lois, interprete cellcs.qui out été faite~;, et en
susp,e~d l' exécution, s'il y a li eu; elle fixe annuelk-

. .... ,---·· ·-- ...


:( jO )

_ment les impôts' les rapports du gouverriément' les


forces de 'te:rre et de mer, etc., etc. ·
xS. L'ouverture de chaqlie ~e~ioU.. est fixée au
3 niai de çh.aque anp~e. _·
35. L.a champre des - d~put~s est éÍ~cÜve et t~m­
.pprajre.
38. La chambre eles députés annltiativé: i o. pour
les impôts;. 20. pour-le reGrtltement, et Jo. pour le
choix d'11ne d ynastie, dans le cas d' e:xti~ctibn de la
famille régnàn:te·. ·
4o. Le sénat es~ composé -de memht~s inamovi..,
.pies, et il doit ~trr orgâni~e dàh? une êlectioii pro.,..
vindale.
47. Les prince~ dé la famUie i:rnpériâle .sont de
droit :rne:rnpre$ du s_é nat; ils p'euverit y siéger à vingt.
cinq aps., · · . -· . · \
48. Le sénat ·a le privílége e~ ch1.sif: .1o. de con....
ll!Útre de$ fautes ·,corri~ises par ~~la, famillé rqyale,
les ministres' les conseillers d'État .et 1<\eª senà~eurs'
et les fllvW~ eles députés :pe:P,Çla:pt la session.~égis-.
)a,tive. \
5 r,
'
Les sénatehrs i;'eQoiverit le douhle :U.u tra\ te..
.

. ment des députés. . _ -,


~02, vem:pere~r cst le ohef clu pouvoir é#,6~tif.
Se§ attúbutioris pdncipales sont de convoqu~r l"as-
. -~e:rnblée gél).êraÍe, de nommer les évêques, les ~a­
. gistrats, les coin~andans de terre et de roer 'et les
1
ambassacl1rnra. Il forme les aliiances; décláre. ~a
( 7·I )
·guerre et fait la paix' accorde des .!ettres de natn..,..
ralisation, etc. .
· iú3. L'empereur, avant d'être proclani~:, doit
prêter cntr'~ lés m:iins du ptésident du séhat le ser. .
merit de níainten~r Ia religion cat~1.olique, l'illté-
grité et l'i:l;:tdivisibilité de l' empir·e , et d' observer la
constitution et les lois ele l1État, etc.
I i.7. Les descendans légitimés de l' empereur

doiyent succêder au trône dans Í' ordre de primogé-


niture et de représentation. .'
Irg. Aucun étrangér ne peut, succéder à la cou~
ronne impériale du Brésil. ·
I 21. L'empereur est mineur jusqu'à dix-lü.iit ans.
I33. Les ministres sont r~spons~bles, Io. pou;
trahison; 2o: pour corruption et extorsion; 3o. pour
abus de pouvoir~; 4o. pour forfaituré d.~ns l;obser-
vation de la lo i, pour les actes contraíres à la li~
berté, à la sécurité _ou à la pr~priété des citO<y~ns.
Ce projet n'était pas destiné à être sou·mis à lá
discussion des dépu~és du Brésil; .car ce n'ét~it
point une constitution imposée , mais une sorte
dc;J Charte acçordée par l'empereur aux Brésiliens.
L'empereur, voulant toujours aller d'accord avec
son peuple; des registres furent ouverts dafl:s la ca-
pitale et dans les provinces pour recevoir les·
v~tes approbatifs ou improbatifs des citoyens. Les
hahitans d~ Rio-Janeiro ayant voté en faveur de
la constitution à une inunense majorité, le .sénat

I
,\

( )2 )

'municipal; a.ccompagné de pr~sq~e toute la popu-


lation, se rendit au palais de I' emp~reur)e _g ..janvier .·
1824 (jour choisi éoinme. le second anni~ers:;tire
de l'érectio1_1 du Brésil en empire ). Là,le sénat mu:
nicipal ·et le peuple ·súpplierent don Pedro ,de
I)roclamer,·sans plus_de délai, le ·projet de cons.li·:r
r
tution' loi fondam f!ntalê et . dijinitive ife empire.
Ltl sénat r~pt~senta que tous les ci~oyens. de la pro-
.vince çle R~o-J aneiro avajent d~jà j uré d'y être ·fi.,..
deles., Un député de la province de _Rio-Grande ,
çlu ~ud, exprima les mêmes s~nt~mens a1,1 no~ des
citoyens de sa, provinoe. . .
l,)ans sa réponse, l'e,mpereur dê clara qu'il . j_ure..:
:rait lui-même d' ~l1server 'le pacte socia~; mais qu'il ·
voulait ;:tttendre, Hour le faire promulguer, que)~~
{!Utres prov~nçes e;1,1s~e~t aussi fait connaitre let~r
~~nqment. , . \
On pro.c êda partout à la nonilnation des. dêputé$
de la houvelle asser,n blée, dont les premiers travauxi
devai{mt avoir poqr objet la confection des, lo~s
nécessaircs ' à l' exéçution de la constithtion' ~an~
ses parties ·~es plus, essentielles. à ~' organisation\ de
1 • . I \.
1 emptre. ·' \ \
Le 2.5 mars CI 8i2.4), les suffrages .de la grand~
majorité des provi~lces ayant été reeueillis, l'J"?-pe-
reur, à la, face de s.qn peuple, prêta serme:rit l~, pr'e­
mier à la constitutipn qu'il venait de lui octroy~r,
et il mit de suite e:q activité ce nouveau pacte. tuté-
laire de la monarchie , qui gárantit aui Bré~iliens
.( 73 ) .
· la conservation de leur religion, de1lerirs .lois, de
1eurs propriétés et de leur indépendanGe.
Cette cérémonie a été grande et majestueuse; et
l'enthousiasme public s'y est :riJ.anifesté auplushaut
degré. . .
Doit-on s'étonner qu'apres tant d'agitatic;m et, de
troubles, quelques dissidences, quelques opposi- ·
tions éphémeres retardent ou contrarient encore
l'harmonie généraa,.qui doit régner bientôt dans ce
vaste empire?
Mais ces dissid.ences se rooferment dans la seule
enceinte de Pernambuco, car les troubles de Maran-
bam sont maintenant appaisés. Il est faux que tous
les ~ortugais en aient été expulsés généralement ~
comme l' ont prétendu di vers journalistes; L' autorité
publique est intervenue, et voici ce qui a été dé-
cidé : tous les Portugais mariés et établis ont été
autorisés à rester~ de même que tous ceux qui, étant
célibataires, ont présenté des cautions; on n'a ex-
pulsé, en général, que l~s vagabonds qui n' offraient
aúcune garantie et que repoussent tous les gouver-
nemens organisés sur les bases de la paix socialc.
Quant à Pernambuco, les troubles se réduisent à
1' opposition d'une .poignée de perturbateurs renfer-
més au Récif, et qui tiennent encore la ville en
suspens. Mais Pernambuco a demandé des secours
à l'empereur don Pedro, et lord Cochrane a été
chargé de réduire les opposans, comme, dans l'a....
( 74 )
vànt-dérniêre·campagne, il ,g rédÜit ceux de Má-
ranham et de Para . . Le 20 avril lord Cochrane a
tommenc·é le blocus du.Récif; nül . doute que le
succes Iie courorine bientôt-ses ·opérations.

I
\'

I
\

I
\
\1

\
CHAPITRE IV,

De là Séparatio~ sous le rappoi't píJlitíque. ·

Le Portugal n~ doit .s'en prendre qu'aux erréurs


de sa politique, -:-~ i le Brésil s' est détaehé de lui.
L'habitudc de 1' obéissance et ·les liens du sà.ng
avaient con:servé l'union entre les deüi. páys pen-
dant 'trois siecles. Les signes de mécontentement
qui parfois s'étaient manifestés, ~'avll.i~nt jama:is
porté le Portuga:l à trait~r plus favorabl~ment le
Brésil, dans ses propres intérêts. fi aúraitdallu que
les Brésiliens eussent été frappés d'une cécité éter-
. nelle pour he pas voir ce qui se"passait chez em( et
autour d'eux: Comment n'auniient-:-ils pas vu, .pa:~·
exemple, que l'or et les dia.IP.áris d~ leurs mines,
que le produit de leur agriculture. étaient traó.sfor-
més en aqueducs à Lisbollué, eu palais à Ajuda et
à Mafra, ta11dis que, ~ans ai.icúne ville. du Brésil ,
.<>n n'élevait Iii fontaines ni monuínehs; on n'ou .. .
vrait ni canauxni routes? Comment n'lmraient-ils
pas été frappés de Fidée que, Fnême pour. appren-
dre l'art de· guérir, . il fallait ·aUer s'ins.truire à.
Coimbre.
r.a cour,. il est vrai' .depúis dou.ze ans' était au
Brésil ~ mais y avait~on jamais vu u,n .Brési!ien nü'"'
( 76 )
nistre d'État, ou ministre dans une cour étrange1'ê,
même simple chargé d'affaires '!
Le Brésil, -malgré la résidence <le la cour, n' était
qu'un royaume colonial; et la 'cour, voulant régner
d'apres les anciennes maximes, conserváit les pro-
vinces dans leur séparation, dans leur_isolement les
unes . d~s auÚes, pour éluder l'unité.
Ceroyaume, dans le Nouveau-Monde, était gou-
. verné par les mêmes lois qui le régissaierit quand rl
n'était qu'une colonie du Portugal.
Les Brésiliens ont tout enduré; ils ne se sorrt
agités que lorsqué les cris de réforme, partis du
Portugal, sont v:enus se faire entendre au Brésil
·par l'organe desF1ortugais eux-mêmes; ce sont d~
1

Portugais qui ont opéré les premiers changemens


dans le gouvernelflerlt et dans les provinces; ce so~lt
eux encore qui orit composé lfs premieres juntes;
si l'on voyait, pav hasard, un IBrésilien dans leur
rang 1 c'était un aflidé. ' ·'
Le roi ábandor!ne le Brésil que l'uni?n maintient;
et ,, pour prix de tant de loyauté, des bataillo'ns de
Portugais traiten} le BJ;ésil comme un pàys conquis.
Pour souffrir de fareils traite~ens, il fáb.drait que
les Brésiliens Uf1 fussent · qu'une horde -de vils
esclaves. \
Quelle représaille a clone exercée ]e Brésil? Jl
s'est efforcé d'éviter l'abime; il s'est groupé autour
de 1'ange tutélaire hériiier d'e cette famiile chérie
de Bragance, etila dêclaré au in onde qu'il étaitin-
C77 )
dépendant.; ce qn'avaient déja déclaré le - siecl~ ;·Ia
richesse de son sol, la douceur de son climat. Si ·
I •

quelques fractions des peu_ples du Brésil ont donné


des signes d'animosité et de haine contre les Por-
tugais, une plus gr~nde parti e des habitans s' en est
abstcptle ou a éprouvé des sentimens contraíres.
. Et vous, Brésiliennes ~ femmes fortes et sensibles,
yous vous êtes surtout montrées généreuses dans
cette crise sociale; en adressant à yotre jeune em-
pereur une requête pom: faire cesser toute division
intestine, et pour que Ie·lieu de la naissance. n'éta-
blit aucune différence entreles divers habitans de
l'empire! Par-là, ,;ous nous a vez prouvé que le sexe
do.nt vous faites partie, est tout au.ssi aimable dans
le Nouveau-Monde que dans l'ancien hémisphere,
avec la différence, toute à votre avantage; que vos
vertus et vos attachemens· y sont plus solides et
plus énergiques, ce qui tient à · la différen~e de
l'âge des sociétés dans les deux Mondes.
Et comment se conduisít l'empereur au moment
même oule bruit de l'approche d'une nouvelleexpé-
dition contre le Brésil se répandit dans son empire?
L'empereur· nomma des commissaires chargés d'a-
, planir les différends qui divisaient la famille ré-
:gnante ;·ils étaient chargés aussi en même temps de
ne traiter que sur l,es bases de l'indépendance et de
la séparation. Déjà l'un était en Europe, et l'aU:tre
.en route pooc y venir, quand q.n btttiment de'_guerre
_qui transportait en France des Brésiliens, fut poussé
( 78 )
à"Vigo .par-la ténl.pête. Là, il est traité aussitôt ert
erineini. soit 'pár l'Espag~e, ·_soit par le Portugal;
~nef;égate pa~t de Üsbonne' pourvenir s' en em parer.
L~ F~ánce cons~r:vant là pl~s sage neütralité, et
Íle s?immisç~nt point dans la querelle entrele pere et
Ié fil;, n'établit aucune différence entre les Mtimens
port~ga~s et les navires brésiliens. Cela même de-
vie~t llll' su]et de plainte de la part du gouverne-
ment portugàis:· · .
- On :~nnonce que le Brésil veut contracter un em-
pru~t; aussitôt le gouvernement de Portugal prq-
teste, et veut persuader au monde que l'u~, les
diamans, les bois Ae construction, c'est-à-dire qu~
les ,Produit~ d~ Br,ésil n'appa~tiennent pas au Bré-
sil, J'l?.ais bien à upe terre qui en est à deux mille
lieües. . . \•
Soyon~ justes avant tout ;;co~venons que la parl
tie sage de la natiqn portugaise 'q ui entend ses in-
térêis et qt1i appréeie ses forces à·'Ieur \juste valeur,
est persuadGe que la lutte ~st inégale ) qu' à ·la .fin
·elle produirait la ruine totale du Po~.tugal ;\que,
·c'est, en quelque sprte, une lutte entre un vi~il11\rd
·et un homme jeune et vigoureux ; que I~ ' vieillard
peut mouril· de ses blessures , tandis que l'homme.
. . ' ' \
jeune et fort a pardevers lui tous les moyens
'de guérison. Ce Pctrti sage, dans la nation , reco\1-
'nalt également quy le Portugal peut tirer de l'in-
' dépendance du Brésille bénéfice d'un commerce
·avântageux. Mais la parÜe ignoi~ante du peuple:,
. ( 79)
~t s[!rtol.!t l;1 cJ.~s~e · commerça:qt~ , s~ réft;t~e ·:~ ' r.é~
çqn.Iila.itrç ~I! j9~te$~ d:~ ce~ r.éOe~ious et lª forc.e
de ces vérités éatique$; c'est o~tte :niê.me p:arti~ de
la nation pour laqlJelle l'histoire ·de' son temp.s .e st'
:qmett~ ·; ~lk :q_e Vej.lt pas vojr que ' c~ sont les :né~
gocians. de Cadil: qui ont s.ép,aré,póar toujours FA~
!fiériq»~ ~spagnole ,de la ni~re-patrie,
On a impute à l'empere~ur don Pe.d r? d'avoir fait
une rl'keption ·peu amicale aúx commissaires du
·Portuglll . . M~tis quelle était alors la position · du
)3résil'l l.làssemblée perturbatric.e_ était à l'apo.gée
de s~ force. Si .don Pedro .eut ácéuei'iji les com.,.
miss~tir.~s , ·U eut .donné. contre lui d.es arll}es ; en
les g.~cueillant mal, il pr.épa.rait micux le eoqp qú'il .
lui faUait frapper pour· sau;v:er · le Brésil; il lu~
import1.tit d'ab,ord de pr.oQ.:ver qu'il n'a.vait a,ucuil~
relation avec le Portj.lgal.
Mais, dit..on, il Jie s'agissait plus des ·cortes , il
s'agissait de son augu~te pere.!
Le Brésil ne song:eaít plus aux cortes ni au r.oi;
il songeút a1;1 PoFtugal; ~l songe_~it aux ravag.es
exercés sur son territoire par les troup'cs portu,-
gaises, aidées par qúi ? ( et c' est encare plus .a f-
freux)', par ,ceux mêmes qui se cha:ngeaieni en
enneniis, seulement pa.r.ce qu'ils étaient nés en Po~,.
tugal. La ruine · de Bahia suffit pour justifier les
Brésilíens, qui s'écrient encare: 7'imeo Danao~·····
Le roi, nous 1e répétons, en jurant la constitu'"
iion portugaise, avait livré le Brésil à lui-mêmeA I].
· . ( Só )
l'a fait malgré"lui, saiis doute; mais le peuple ne .
· juge pa~ les ·intentions; ü ne voit que les effets, et
en condamne les conséquences. ' .
Comment eut-il .pu devirter que la contre-révo~
lution s.' opérerait enPórtugal au mois de mai I 823?
· Le Brésil a dô. songer à lui. La contre~révolu~·
tion est stuvenue quand il en était au point qu'il
ne . pouvait plus rétrograder. Lors . même que la
marchê dês choses humairies eut p errriis. que qua-·
tre millions.d'habitans fussent perpétuellement en
état _de coli:misation ·à l'égard de trois millions
d'homrries' et à deux mille lieues de distance; lors
même que les lois physiques interverties eussent jm
1

faire que la masse ·la plus forte fut encore attirée


r
par la plus faible lors même' enfin' qu'il fut pÓs-
sible que . celui qui aurait acquis la prérogative de
~om~andcr, :oulut, ~e. son P~?~re gré, descendt~
a obe1r: eh !·b1en le Brestl restera1t encore dans son
état d'indépenda~ce ·et de séparation.
· D'ailleurs, qu' a)oute le Brésil à la fot ce inil~taire,
financiere et diplomatique du Portug~l? Rien, ou
presqueTien.
Si l'on regarde ·le Brésil dans 1'avenir, tel qi11il
deviendra en rest:Uit indépendant, il est clair qu'il
pourra un joürajop.ter beaucoup à laforee de\Ia Me:-
tropole; soit comme auxiliaire, soit c·omme J.ié p,~r
un pacte quelcon~ue; mais il est clair aussi qu'ilne
peüt arriver rapid~ment à ce degré de prospérité que
par le maintien dq son indépenclance.

I
r
( 81 )
. Ne v:ous opposez clone pas au développemcpt de
ce peuple ~ car 's'il restait stationnaire' vous nepour~
riez rien én attendre. Voudriez-vous
.
entretenir.
. • . J ,,
au
Brésil vos bataillons et une noinbreuse troupe d.' o f~
ficiers "! Mais ,c'est une prcmiere cause de l'affai-
blissement de votre gouvernement, sous le rapport
militaire. ·
Songez que le Brésil. est aujourd'hui limitro.phe
de quatre ou cinq gouvernemens indépelJ.dans, qui
peuvent lui chercher à tout momcnt eles sujets de
guerre, et l'attaquer, soit pour eles .reglm;ne~s . ele
frontieres, soit pour t.out au.tre motif. Sera-ce à
Lisbonne qu'il ira che,rcher ses ~lémens ele .cléfense?
Laissez clone le Brésil veiller par lui-même à. ~a
sureté yt à ses alliances. Songez qu'il pent être atta-:-
qui et pr.is ·au dépourvu par les troupes eles États
voisins, sans avo ir le temps de recevoir eles seco.urs
du Portugal; car vous ne supposez pas .que le Por;_
tugal puisse entrctenir constamment un corps d'oh-
servation ~ deux mil!e lieues ele ses foyers.
·Tant que le Brésil n'a eu póur pays lim1trophes ·
que eles coionies' certes il a pu saps dangçr rester

colonie lui-même; . mais il ·est voisin . aujourd'hui
cl'États émancipés; il faut pour sa 4 lreté, et pour
celle elu Portugal, qu'il reste indépendant. .
N ous établirons sans peine; elans lc chapitre qui
va suivre, que sons le point de vue de Ia. richesse
générale ele l'État, la séparation du Brésil est plns
avantage'use que nuisibl~ au Portugal. Sonde rap-
7
port du rev.e nu public, le 1·ésultat est à-p.eu-pres in-
. différent. La plus grande partie eles r~v:enus du
Brésil étant consommés dans le. pays méme pour
'- les dépenses de l'administration; le peu de produit
net qui entrait dans ~e trésor royal était abso.rbé; et
bien au-delà, par les dépenses inutiles que cette
possession lointaine occasionnait. .. ·: . . ,
Tous ces établissemens d'outre-mer ~:6nl ,€lii.~,.. :
reux au trésor des métropoles; il n'y a plus de doute :· .
à cet égard, et pourtant on les conser.ve à cause
de la marine et d'un faux air ele puissance. On en-
tretient une I]larine tres elispendieuse à cause eles
colonies, et cepe9elant, ,co.m p_arativement aux au:-
tres puissanoes, l'Espagne et le ,Portugal qui p_os-
sédaient les colo~ies les plus étendues, les :.plus
floriss:nt~s, é~aieÍlt le~ p,l.~s faible_s en m~r~Jíle. ~\
. Ceci s:exphque par l enorme mconvement eles
distances, inconv\éni('!nt qui r'e~d aujourd'hui les
séparatjons irrévocables. · Croy~~-vous, par exem-
ple, ,que les frégat es des États-Unis ~ro.tégeraient
librement l'immepse navigation de lmirs ,, citqyens,
.
si elles étaient sans cesse obligées ele veillei\ sut
que1ques parties isolées de la terre à (!.eu<x ou t'rois
. mille lieues ele le1F pays} ' ·
L~s . ~nglais fo t'lt exception, mais aussi loi!t-ils
d~s points d'appui elans tous les coins du glo'~e }, et
des arsenaux pour un empjre nautique univ~rsel.
He~te à examiner l'importance. dipl01natique .ou
l'influence que dpnné la possession elu . Brésil au
Portugal, dans se~ relations avec les autres nations

\
(8.3 }
de l'EP.ro.pe.. Mais. 'puisqúe· ce ne sont poin( les rf:t ...
tion!' q\li se, réunissent. en eongEes:, ni quis~ envroyeht
eles ambassa.deurs, il ne s'agit ici que de·l'impor-
tanceque. dounerait., n~líÍ pas·au }>o:Ftugal'; m"ais à
la personn~ de son roi, la possession du Brésil. Sons
ce po~nt de vue, les chefs. de l~ maison de Bragance
~lliés , n'auraie:tit-ils .pas collectiv-ement plius d'fn-
tlu~pce da:ns. les négociat:ions européennes et sur les
a:lfílires · généra1es ·de ' l"tmivers, que le ·roi · d~
royauÍn.e.- uni·du Portugal, du I\rêsil et des Algar-
ves , mais uni seulement d'uue maniere fictive?
a
.point de doute cet égard'. L'unité matérielle étant
a
désorma~s impossible' c'est d'autres moyens qtl'il
faut avo ir recours; l'e h1s.t re n;en sera que pl us
granel pour la légitimité.
Ainsi, tout est avantage pour le Portugal, elans
le maintien et la ~ecouuai~sauce ele l'empire du
Brésil. ' '
Fils a1né ele la maist:m 1~e Bragan·c e, et appelé
lui:-même à eu devenir éhef à sou ·tour ,. don Pe-
dro. peut .seul cimenter les liens ele l'amitié entre
les deux nations; nul doute que la fraterníté d'es
· deux gouvernemens n' encourage~t les relations
commerciales que l'identité de langage ' les liai-
sons de parenté contribuent si for~ à entretenir.
Depuis le rétablissement ele l' autorité royale elafls
Lisbonne, il est évident que le fils al.né uu roi de-r
vient un personnage plus important que sous la
constitution eles cortes. Il serait aujomd'lmi le pre·
7··
( 84 )
mier süjet du tnonarque; il ~'était pàs même le prc•
mier citoyen de la monarchie; són droit hé.rédi-
' taire, uh inso.h mt :décret ~es cortes ne peut plus
l'anéantir; la légitimité du,sang estlà, qui a repris
.ses droits ét toute ·sa force. '
. Don Pedro est aujourd'hui en possession ·a 'une
souveraip.eté d' o,:rigine. portugaise; l' en · dépm~iller
serait dépouiller la maison de Bragance elle~même;
il faut donc le reconnaitre allié ou le déclarer re-
helle. :·····iln'y a point d'autre alternative.

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( 85 ) •.
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~""""""""'"""-"""""""""~""'""'~""- ..

.CHAPITRE V.

Ulilité de r Indépendance du Brésil pour le


Portugal.

Il est un fait incontestahle·: l'Espagne et le Por--


tugal déchurent d'u~e maniere se:n"s.i ble par le seul
effet de l' ~xploitation exclusive des trésors :de l'A-
mériqu'e. Cé fait se trouve lié à un autre tout aussi
remarquable ·; c'est ·qu' au moment même ou les deux
~orrarchies de la Péninsule dé~linaient par suite de
cette grande erreur qui ne leur présentait d'autres
élémens de richesses q_ue dans le monopole de l' or-,
de l'argent, Ct àes marchandises, leur-s ·eolonies
d' Amérique à qui cet or était enlevé, devenaient > .

plus florissantes. Elles ont même ·:fini par sé garder


elles~mêmcs, tandis que les deux monarchie~meres ·
ouvertes aux invasions marquaient ainsi l"époque
de leur dépérissement et de leur pni:ssance. Cest
~ujourd'hui une maxime vulgaire;, ·que Por n'est
p_as la vraie richesse eles nations~
Quant au monopole , le Portugal avait !'insigne
tyl'annie ' et
par conséqu.ent l'insigne maladre~se
de vouloir àpprovisionner d'habits, de chapeaux;,
( HG )
d'huíle , de v{ns , une population tran~watlantique
égale 1la sienne. Or, il suffisaitque l'augméntation
de la population et.dela consommation duPortugal
. américain' eut lieu dans une proportion plus forte
que celle de l'accumulation _des capitaux dans la
métropole, pour que l'industrie agricole et manu-
facturiere de celle-ci déchut de joür en jour et se
ruinât d'année en an,née.
Que le Brésil reste indépendant, et on verra le
Portugal même y gagncr; il fera: d'abord moins
de bénéfices pécuniaires, mais il en sera dédom.:..
magé au-deÍà par p'lus d'industrje e:t d'adivité dont
l'impérieu~e uéces.s'ité lui fera une loi de toús les
JOur~.

Ce ue sera pfus ,à frêter des na-yires angl~is; c~


ne sera plus à faire rernplctte de tqiles d'Irlande ef.
de bijouteric de France qqe seront employés les
capitaux du Portug~l; car le Fnl.nçais et l' Anglais
porteront eux-mêm~s leurs march~ndises à Riq-J a-
neiro. Il fa1,1dra do~o que le Portugais a~pliquê ses
fouds à quelq~e' iqdustri~ .natio.nal.e; qu'il. a~..
mente la quantlte d\3ses ?hv1ers, qu'll perfectwn~e
la q:ualité de ses vi9s , et enfin qu'il fasse travailler
et vivre ses compatr,iotes. Le champ de ses spécul,a~'
tion~?. sera moins v~~te , il est vrai , mais il cov-rra ·:; .
nwlns d.e chances et il trouvera dans d'autres rés~~
voirs que·
ceux du ntonopole,
I f
la source de la vraie
dc.hesse.
( 87 )
· L'Angleterre, à quison systeme de financesa créé
eles capitaux à-:-peu-pres illimités, ne s'est-elle pa~
_bien trou~ée de l'émandpation eles Ét~ts-Unis?
Ces divorces sont toujours à l'avantage eles unions.
mal assorties par l'âge et les époques, lorsqu;il y a
incompatibilité de régime et de position entre deux
p~uples trop éloignés l'un de l'autre.
,Comment n'est-on pas frappé de cetteyérité, qu~
la tyrannic d'un peuple envers un autr~, est punie
par _les suítes mêm~s qui ·en <\érivent ; que les exé-
cutions ruinent les monopoleurs eux-mêmes, car le
monopole est une duperie aussi bien qu'une vexa~­
tion?
Jusqu'à présent on a cru que les Portugais,.
sans le commerce exclusif du Br-é sil, seraient rui-
nés sans ressodrce. Ils le croyent eu:f(-mêmes eu-
core. Eh bien ! consultons les. tableaux d'importa-
tions et d'exportations; nous y v,errons que les pro-
duits de l'agriculture exportés du Portugal áu
Bré_sil, ont été de 5 millions decruzades,. etau-dela
en ~8r6, et qu'en 1817 ils se sont él~vés à plus d'e
7 millions. Cette augmentation de plus de cinquante
pour..cent sur les produits du sol,. depuis l'éman- .
cipation du Brésil, qui est un fait; sur des pn>cluits.
qu'aucune concurrence ne peut enlever au Portu-
gal, prouve l'effet qn'a déjà eu, s.ur son ~ndustri.e
agricole, la réaction ele l'inclépendance brésilienn'e .
Elle .prouve en oulre, que si la liberté du com-

,....--,
'\. ~ l ' • "

~ -
... M.... - ~~ .. . ~ •J • o • ' ' '' o, ....
( 88 )
·.
merc~ a prodl!it quc_lque!'; fàcheux effets, ce n'a été
qu'un mal tempo~aire polir Ie Portugal, et que~~
prospérité du :Sré~~l . éleve la sienríe e1~ -propor.:
tion.
Quant à la diminution des exportations du Bré-
sil' sans doute . elle est nuisible anx intérêts du
P01\tugal; illes a vues .diminuer, tout en ;ü{iteriant
ses iínp()rtations. Sans doute le Portugal import~
du B~·é·sil moins de sncre et de café , mais les
pertes sur cette branche de co~merêe sont bien
inoins considérables qu'elles ne le paraissent au
premier ~oup-d~Ojil . Les marchandises coloniales
étaient . dans
. destinées ' '..
~
les marchés du Portugal,
.
à '.

solder, les produits de l'industrie étrangere. Les.


1

Portugais n'y gagnaient que le fret et ~a conl-


,, ' ' \
mission, grevés de fraisdenavigation, d 7assurances(
ct en otltre· des a11"ances qu'ils 1 étaient obligés d e,
1
faire de leurs propres capitaux: D'ailleurs le grand
·comnierce du Portugal ave c .le B~é~i\ étant '(~ndé
sur le transport de11 marchap~1ses d enc<i>mbrerp.ent,
telles que vins et huiles, nécessitera ' ouj.o ut$ un
tonnage co:rsidér~ble : o:r , tant qu'il lu~\convi~n­
dra d'approvisi:onner le Brésil de marchandi~es
étrang~es, il~ura toujours ravantage sur les,autres
.iuit~ons,' .soit à e~ use Çles fréquentes occasiôns ,dc
transport, soit p,a r. suíte de la facilité qu~\ lui
donnent ses a~cierines relations avec le Brésil. Enfin
~-i ~ ·co~me il es,t ·probahle ; la population du Dré-

L ---- -- - -~,,.-- -_ .... L-- ,- .. . . ,.---.- .. - .. -- f"" T t~ _ ..... _ ~ / • . ,. 'lt ·.: ... • i"', . '1.:
I

( 8g )
sil double quatre ou cinq fois par siecle , comnie
celle des États~Unis, et peut-être même d'avantage ·
dans un pays en~ore plus créateur ·et.que régissent
des lois sages, il ne faudra pas tres long-temps.
pour que le Po~tugal soit in9-erim.isé en consom· .
mation provenant de son sol, . de ce qu'il' pourra
pl'!rdre en consommation étrangere,

···-r;,._.• :. ... ;;,••.:-~ .. --~--- .... -., ~ .


CtiAPITRE VI.

Rappf!rts d~ lJrésil a!'ec l' Eura,pe.

On a vu qp.e les puissances réunies en congres à


Vienne pour la réorganisatiorr . de l'Europe, apres
la chute de Napoléon, furent prévenues officielle-
ment par le roi Jean VI de l'érection du Brésil en
- I
royaume; qu'e}les1 en approuverent les motifs, et
qu'avant même la séparation du c01igres, le Brésil
avait son o~ganisation monarchique, ses tribunaux
A . • ' \

~upremes, sa cap1fale. \
. I.. es puissances avaient donq reconnu l'identité,
parfaite entre les droitS de ce n(:ru~rau royaume et les
droits du Portuga,l ; elles regardaietit donc CQmme
.
coex1stans et 1,eg1t1mes
.. . l ] \- , > ~ d
~s c 1angemens \operes ans

l'administration du Brési~, depuis I 8o8; la créà,tion


de ses divers tribunaux suprêmes, l' ouverture de son
\\ '
commerce, est enfin tout ce qui constitue l'affran-
- chissement et l'in4épendance d'une monarcl1ie. ·
· Or, sous lerappprt dipl~matique, , la quest'ion se
· trouvait déjà décidée en 18 I 5. Le Brésil avait\p~is
'
rang parmi les puissances, et ce rang lui avait' été
donné par le souv((rain légitime, alors la seule au-
., ,
tonle competente.
-,

- ..--..·....- ·--~.,. ~ -r -- .· "" "*~...- ...,..,.. ~ ./" ,... ..- ........ .... I;-
' ( gxJ
~Quànt ~u nom du·nouveau_souverain, peut-j!
d-on1,1er lieu à aucuné objection sérieus~ 7 Les. droi~~
.de don Pedro ne reposent.- ils pas également sur la
légitimité et's\1r le principe de l'hérédité? Si l'on
considere son avenement plus ou moins précoce,
on verra qu'~l n' est point du ressort de 1~. diplo-::-
matie collective de l'E~rope, et qu'ilne peutdonner
li~u qu' à un arrangement de famille. ' ~ .
Mais les puissances européennes au li€lu d'e veni:f
·à l'aidé du seul prince, d'antique race ,- qui régnâ;t
dans le Nouvea~~Monde ~ ont contrecarr~ par une'
fatalité inconcevable ses travaux et contrarié sa ·
politique. Elles qnt eu l'air même de 'vouloir obs.-
truer ce port ouvert à la royauté dans l'hémis-
phere américain. On se souvient même d'un con-
grcs ou devaient être traité.es les affaires .du Brésil, -
et oU le Brésil n'ét11it pas appelé à . défendre s~
propre cause.
Jusqu'ici la cour de Lisbonne et les cabinets eu•
· ropéens se sont montrés peu disposés à. recoimaltre
l'indépendance du Brésil, quoiqu'il fut rangé ~ons
les lois de l'héritier de la maison de Bi·agance.
L'ambassadeur autrichien à,~isbo nne, M. de Binder~
selo ri des versions qui n' ont pas été démenties,
reçut d~s instructions afin d'employersoninfluence
pour déterminer don Pedro à se rapprtH~her .ele la
famille royale du Portugal, tanc!is que l'empereur
d' Antriche, dans une lettre écrite à sa filie, l<;t
I .
gran(J.e duchesse Léopolcline, épcuse de clon Pedro~

J • ,I • • ,...1~, . I"' ,. ' ~• - ' ' . , .. '. ~ ... .__ - -- ... "'-Q ,. • • • •, • • .. ... - ---..:. · - ·· ·~ ..... - ....._ .-~...,.
- ___ _ '·
,
( 92 )
Iui recommandãit ainsi qu' à: so'n marí la soumission
au pouvoir de son pere. .
Malgré les liens de parenté, les rapports diplo-
ni.atiques •d:~sserent même entre l' Aritriche et le
gouvernement du Brésil; 'et .l'envoyé de Rio-Janei-
ro, le major Schreffer, ne fU:t p·as reco~nu à Vienne
en qualité d 1ageqt politique.
V n agent du Portugal étant arrivé à Rio-Janeiro
avec des instructions peu favorables à la recon-
naissance de don Pedro, ce princc décida qu'il
rGmprait toutes ses relations avec le roi son pere
.s'il ne reconhaiss ait pas l'indépendarice et le titre
1

d'empereur du - ~résil. Tout annonçait que l'em-


pereur, fier de sop nouveau titre, nc se déciderait
pas facilement à dcscendre du trône. En e:ffet le
siége de l'empire doit. néces~airement être dans ~e
Brésil, et les i'nté~;êts eles deux l{lays sont si opposés,
que l' on ne pou~·rait es:(lérer tot~t au plus qu'u~
traité de con~merce fav:~rable. ' \ '
1
Qu~l~ues JOUri~~ux d Europ'e ayan_t ~nnon~( que
dcs depeches renfermant la de'claratwn eles h,autes
puissances alliée ~ au suje~ dti Brêsil, \avaíent é,té
ad~·essées à M.le tnajor Schreffer à Hambourg'pour
les porter à Rio-Janeiro, le major décla'I\a qu'il
n'avait jamais reçu de telles dépêches, et autorisa
un envoyé brésilifn à relever cette insigne fausseté
qui te'ndait à compromettre le gouvernemerit de
son pays.- <c L e trô:ne clu Brésil, écrivit à cette o eca-
v. -sion l' cnvo:yé bfésilien, est fonclé sur la base dQ
,'

::..-- - _,-r ··- ··:;...- - ~ _. • ..; ...... ; ,• .,. ....:r> •·'f :? ...... - - - - --
.. ( g3 )
, l'indépcndance absoluc ele cette belle contrée;
>> or, ele ·si étranges publications ne tenclraient qu'à

>; sap~de fonclement cl'un si bel empire et à le re-


» plonger dans ·ranarchie. Mieux informé ·eles in-
» tentions clu gouvernement brésilien,' je pnis clé-
» clarer que l'empereur n'est nullement clisposé .à
» replacer le Brésil sous la clépendance clu Portugal,
>> et moins encore, s'il. est-possible, à abcliquer sa
» .couronne. Il sait mieux" que · personne qu'il ~e
>> ferait qu'abcliquer en faveur ele la démocratie

>> américaine, et sacrifier ses ·droits légitimes et


. >l ceux ele ses clescenclans, sacrifice que rien au

>> monde ne pourrait le porter à cpnsommer. ll ·ne


>> le fera pas. Qu' on lise sa prbclaination aclressée

)) aux Brésiliens le I4 novembre clernier; et on y


» trouvera la preuve de ce que j'avance. »
Quoiqu'il n'existe au~un acte qui cléc~le d~une
manithe patente l'esprít de la cliplomatie curo.:..
péenne à l'égard du Brésil, on croit généralement
qu'elle lui est peu fâvorable, et que les cabinets
s'imaginent qu'à la rébellion du peuple se joint au
Brésill'usurpation du prince. Rien n'était plus im-
portant que de détruire une si fausse maniere de
voir~ Tel'a été principalement l'objet de cet écrit.
Cómm.e nt ne pas être révolté, par exemple, des as-
sertions injurieuses consignées dans la Gazette de
Lisbonne, du. 18 mars dernier, contre l' empereur
don . Peq.ro, fils du roi de Portugal, représenté
com me un usurpateur, ~n parjure, ·un ingrat, ~m
.,.;~ ·

( g4 )
:r:ehelle et mê.iue un jacobin; et cct empereur du
Brésil est le même qui a fait eles sorties si vigou-
r~useª çoutr~ les cortes de Lisho!ílue parce·q~' elles
tena~ent sou pere captif, et qui, à Rio-Janeiro·; a$~
dompter le moustre du jacobinisme !
. T~utes &relªtions commerciales ayaut été .inter-
rompu<::s ep1;re le Portugal et le Brésil, l'empe:reul'
gou Pcd:ro,. cQn,formé~~t à sou -systeme politique,
prohiha !'i.rnpqrtation des produits portugais dans
les Mtime:os brésiJiens ou étrang.e:rs. Qu'en rap- se·
pçUe Maq(!i;ra,,. ses troupes po.rtugaises et le sa:c de
13ahiaj il falll it . opposer la guerre. à la guerr~. -. ·
Mais cet état
. •d'hosülité
I • . . - d'irritation. touche à
. et.

ªes
son_te~me; de$ se~~till;lens
)
pl.us humains,
.
]>lus géné~
\

reux; p.rinê~Ws pqlítiques plus conformes à la


nécessité des ~emps sernblent enfin prév.a.l oir. j\,a,
. cour ge J_,is];>,çn)n,e ',I' é!, dit~o:o, ex.pédie_r les Ol'd;res po~r
démât.e r les vaisse,au~ qesti.rtés -~- fílire parti e _d e-I' ex\_
pé~ition. pro.jet~e p.om: ~e l3résil; on en donne. pour
1
:fUOiif les n~gocia~ion~? e:ot~mé.e& ~ LG?ndires ~, euh·e
Jes CQJUIDÍSSU,Íl'e§ h,rés~l~c_n.;;_ et ' portu~:ais ,_ a:(in d'e
régler les différen1td~ qu,\ ~:x:istelíl'tt entre\la co ~ cl:e
J_,isbonne et celle d!'l B.io:-J~n.ei-J;ó. ·Ces. différend s ne
1

peuv~nt se :réglerr qiJe ~ug la_ha.s.e. de l'1ndépen-


dance politique ~:tu Bré.sU , et de 11!. reccmna~sanee
de)' empereur do.n Pedro. Elle est si belle M cap.sc
de la royauté, que l'erp.pereur do.:n Peduo u'a p ~-s eu
besoin de force étrange_:r;e poqr la. faire. préva1oir.
~n donn~nt . la pharte à l'imitation . de. sou au...
guste parent' il est devenu le sauveur du 13résil'
comme Louis XVIII a été 'le sau.veur. de.la Franee,
com me il a sauv~ l'Espag<Ne, et comme. naguere il
a préservé le roi de Po.r tugal.
Il convenait dopo aux monarques, dans le1;1.1' pro-
pre intérêt~ de reconnaitre l'empire du B:résil; c~eut
été un nioyen d'augmenter sa fo:vce moralé quand
la fo1~ce matérielle lui ~tait déniée 1 c' est encore le
se~l moyen de çonsol~der la m0narchie au ]3résil .,
seul espoir de la royauté dans le . Nouveau-Mc;>~de·.
Si les monarques .v~ulent continuer d' entendre
différemment leurs propres intérêts' il suffira au .
Brésil qu'ils ne prennent aucun~ part à ses difFé.:_ ·
rends avec le Portugal. C'·est à présent un démêlé
de famille, heureux pour le Brésif, en ee qu'il rallie
les Brésiliens et les met er;t état de pré:senter des
forces capables de préserver leur monarchie d?A-
. .
·mérique.
Mais qui s' oppose encore à cette reconnaissaf!ce?
La légitimité ! Quoi ! l'héritier de la couronne hé-
réditaire du Brésil, n'est.. çe pas l'empereul' du Bré-
sil lúi-même? Ou git le nooud de la · difficulté '!
·Dans les jours que peut viv:ve encore so,n auguste
·pere. Quoi! pour la chose qu'il vous faudra· faire
demain p~ut- être' vous yous exposeriez à tout
p~~dre aujciurd'hui '? · ·
Mais laissons là les argumens que nous· croyons
. sans réplique. Cet empereur, qu'on hésite à recon:-
na1tre aujourçl'hui, si son pere venait à mour-ir de;-
.;

main' leif puissances ne maintiendraient>~elles 'pas


les droits de'lalégitimité, même sans que donPedro
le demandât? Et pour· ê~r.e co·nséquentes, ,ne main~
Úendraient-e~les pas ses dro,its non~st::ulement sur le
Brésil, mais encore sur le Portugal?.· .
Mon~:trques européeris Ldites, que doit faite don
~edro? doit-il retourner en Portugal, et.se reinettt:e
à la discrétion des conseillers de soú pere? Eh! hién,
,alors vous aurez dix-neuf républiques, 'et ·dix-neúf
Bolivar de plus dans .l'autre hémi,sphere.
V oulez-vous soumettre le. Brésil? Mais ou sont
les forces nécessaires pour une pareille entreprise? le
Portugal n'eri a P?-S même eU. assez pour retenir la
seule ville de Bahi1a sous sa dépendance; et poui~tant
\

le Portugal est, d~ toutes les pl.lissances du monde,


celle qui peut fairr le plus d'i~pression su'r le Br~­
siL L'habitude, I e lang.a ge, ~e même sang, voÜ~
des armes dont aucun état ne peFt disposer à l' ég"ard
de çet empire. \
1
Concluons. La reconnaissarice de ~'em_pi\'~ bré-
. silien tient à l'intérêt des couronnes' f11 Eut ope ;
'ceei t,'! St ·dé.qJ.ontré; elle augmenterait ·sa, for Ge\ J;no-
rale. Un ·pays si v~ste, d'une population 'Si :dissémi-
née et à une si g111inde distance du siége"'de ·1'an-
.cienne métropole ;• ne peut être ·ni conqnis ·ni 'con-
serve' par a· es ·arm(j!es , d'E~ urope. '~\ •\ .
~ envoyees
. La F rance est la senle puissance continental~ qui
paralf; avoir ·compris la position du Bresil, en ;ap-
. port ave c les intérêts monarchi(jnes; c' est' la ,seule
q

( 97 )
aussi qui .a it caressé; en quelque sorte, cet empire
nouveau, donnant à, ses escadres rordre sage de né
pas se mt:!!er de la q~erelle entl'e le pere ·et le fils ~
et seulement .de défendre .les intérêts de l' empire
contre .Ies atteintes de la démocratie. La France
sera celle aussi eles pnissances continentales que le
Brésil, par ·gratitude·, placera, sãns aucun doute,
à la tête eles nations aniies et favorisées . .
L'indépendance du Brésil et sa séparation du
Portugal, étarit un fait que les puissances de l'Eu-
rope ne peuvent méconnaitre ·, il reste à établi~·
que sa nouvelle position leur est plus avantageuse
que liuisible. · ·
Deux seules routes sont ouvertes au commerce
de1'Europe ave c les lndes-Orientales: il faut doubler
le Cap-de-Bo~ne-Espérance ou doubler le Cap-·
Í1orn; l'une et l'autre de ces rouÚ!s _cohduisent
les vaisseaux sur les côtes ·du Tirésil, devenu ainsi
l'échelle la plus étendue et la plus importante de la
navigation dri globe. C'est ce que noU:s· allons dé-.
montrer. Le Cap appartenant aux ·Artglais, il dé-
pend d'eux d'empêcher toute relâche · dans ses
· ·mers. O r, )ê Brésil. a ouvert précisémerit ses ports
au momentmême ·o u le Cap cessant d'être à la dis-
position de tous les . navigateurs , ceux- ci cher-
chaient un équivalent qu.i putremplacer une échelle
.indispensable au commerce de l'univers.14C'est ce
qui rend aujourd'huÍ le ·nrésil ·essentiellement cos-
mopolite. -
8
: ( g8' )
·Sons le rapport--des i~meusés consonimations
que peut,íaire ' .ce vaste empire, si ;uiturdlimicnt
fertilc, on voit que sa prospérit€ ' doit - -int~ressel'
doublcipentles puissances européennes. Nousav0ns
établi que cette prospérité tierit, 'cri grande partie,
à son indép ~ndance.
S_ans aúe:<un dóute, Je Portugal est l'État qui y
gagnera le plP,s; ,en raison des relations cl'habitude
depui$ si lo~g-temps établies.
1\fais c' est su'r tout à l'industrie française que 1~
Brésil offre des débouchés étendus, et qui: le de-
viendron.t _,cliaqp.<jl jour _davanta:ge. Les vins de
France, ceux du Midi particulierement; y setont
bientôt un art,icle fructueux d'importation , si la
législatiqn di:l no 1s dóuanes se montre enfin -plU:s
rtayora ble l:J,ux mt,
·- e' rets • cl u commerce. 1
\
' Alors celui du Brésil avec ~a- France premlra le
- '\ , I
plus grand acçrojtssement; il trRuvera: da:ns nos fa-
briques,- dans uop n~ amifactures, cla'ns no$ fi-teliers
-de belles glaces' ~e l'lwrlogerie de saÚin' not~e bon-
. netene
- •
et notre prapene_J • fi nes, gente
)\ d'"mu:\1strw
~- '
dans Jcquel npq~ n'avons pas de rivailX. (
Qu~nt à l'Italie et à la Turquie, -e1le~ n'aur'ont
_guere de relations avec le Brésil que pqui, 1eur
_conso~mation dt,~ denrées éoloniales. '~ -
Re·1a_t.n;em,ent' éJI' -l'All l -
_ emagne ,- e commerce -I
1_
p\our-
rait êt~ plus étendú et d'un avantage réciprdque;
nous y cõmprenqns la Prusse et surtout la· Sue de,
à qui le fer et les imâtures peuvent offrir d' excellens
..

' (- 99 )
9hj,e~s d'échflpge' pour ..l~~ denr:ées·,des·tropiques ·,
doqt elle._ ~;te cessa j:vnais ~'avoir · hesoin, · ·
. Il peut ex.istet: au~si ' uqe. nayigatiqn aetive ·entrÉÍ
lHo-Janeiro et $t.-Pétersboúrg; lá Russie d'ailleurs
peut pay!'lr le.s pr.od)lits de la 'Zop.e""Torride avee
des ~atieres ··utiles au ·Brésil. · ·
·:. I ' ' '
·
D~puis ~8oS, 11-ne seúle ~ puissance a ·expl1úté lã
plus gra~1d~ partie _dll- commerce .brésilien: c'est
1' Angleterre. s·a balance y est au niveau de celle
du Portugal; elle est sextuple de celle des États-U nis.
Le..traité de commerce, par lequelle Brésil se trouve
lié ave c l' Angleterre, touche bientôt à son terme.
lei, il nous suffira de f aire remarquer que 1' An-
gleterre ne perdra pas de vue ses intérêts, et 1' on .
·doit bien s'attendre qmÍ le Brésil ne paie~a pas
d'ingratitude la puissance qui concourra le plus
à l'affermisse!Jlent de son indépendance.
A présent que le pavill_im commercial britanni-
que a remplacé tous leo? alitres pa villons qui, depuis
les républiqúes d'Italie jusqu'à la républiqu~ de
Hollande, avaient ·été ma:ltres, pour ainsi dire, de
toutesles sources du commerce, les Anglais, éclairés
par 1' expérience, voient sans jalousie ~t sans crainte
le pavillon ·amériêain leur ~isputer la-prééminence
de la navigation indÚstrielle. Est-il présumable
qu'ils voyent avec peine le piwillon brésilien entrer
dans la même carriere? ~'eu est-Íl pas de la· mer
cemme du soleil, qui existe pour tout le monde?
Les Anglais savent, ce que s' obstirient à ne pas r~cou-
8 ..
( 100 )

.na1tre' d'autres nriions, . qu'il n'y a qu'à · ga~nér à là


richesse d'au.tr.ui. Un jour·viendra peut-être ou la
. politique: européen;ne reconnaltrà 'que la prospérité
maritime des nations les plus industrieuses' :,peut
assurer la · prospérité de celles-mêmes qui, . plus
·hornées dans leur étendue, leur puissance ei leurs
·richesses ;·ne cpeuvent . participer au commerce ·de
l'univers· qu'en raison. de leurs moyens et deleurs
forces.

1/

I
\

\1
I
\
\
\
~
\
( FOI ) · .'

CHAPITRE VII. · )

Des Rapports politiques du Brésil a11ec l' Espagne .:

Le Brésil; depuis l'émancipation des colonies.


espagnoles de l' Amérique du Sud, ·n' est plus guere
dans le cas . de · reprendre ses .anciennes . relations
politiques ave c l'Espag~e ; ou plutôt ave c le cabinet.
de Madrid. Il existe pourtant, en ce moment, un
germe, ou peut-être même un sujet de di:l;férend
qui peut s'élever, d'un moment à l'autre, e.ntre les.
denx cours de Rio-Janeiro et de Maqrid, y lative-
ment. à Montevideo ,. question qu~ .m.érit~ d' être
éclaircie. ·
On accuse Ie gouveFnement bré:Sllien de .-:ll.Crcher
à s' attirer Montevideo ( 1) ; mais est-il rien de.
plus juste que chaque puissance' ré clame ou main-
tienne ses. droits politiques'! Montevideo appartient.
de droit à l'empire du Brésil. Voyons.,J'-our le pron-
ver, ce que l'histoire. des traités no.us. eoseigne.
Les premieres. Hes du golfe du Mexique ayant
'

( t} Les troupes · portugaises ·ont ·évacué Montevidea


Ic 2 niars, et le pa~illon impédal du BrésH y a é te arborb
aussitô:t.

\\
( 102 )

été découvertes par Christophe Colomb en I 492, le


pape Alexandre VI puhlia une bulle l'année sui.,.. .
vante pour régler le partage des cortquêtes entre le
Portugal et l'Espaghe.Jl détermina qu'à centlieues
à l'Occielent des AÇores, 10!11 th,erait el\m pôle à
l'autre une ligne imaginaire, et que tout ce qui se.,.
:ri\it à l'OcCident appartienchait au Portugal, ümdis
que toute la parlie dés découv.ertes située ~ l'Orient
:reviéndrait à l'Espagne. ·Jean li dé Portugal re-
fusa el'ádhérer à la déeision pontificale. Survint,
en x4g4.,'le traÜé de TordesÜlas, ou iÍ fut stipulé
que la ligue imaginaire partirait de J7o lieues ~
l'Occident des Ües ~u Cap-Vert, sà~s toutefois dési..
gner l'ile d'ou la lipne devait parti.r, ce qui, d'a...
pres leur position tqpog:raphi'que, prés.ente des dif. .
:férence• es~entielle·1,l. ~ . . \
. Magellan, nÍrvigateur porttig~is, ennemi de sou\
pays , et a1ors. a.u fervice d~ l'E~pagne, parvint à \
persuader ,à l' empereur Charles-Quin~~que lfl)igne
devait lais~er · dans l' ã utre hémisplH~re \I So el~grés
d1;1. mérielien à chaaue couronne; Í'itinéraire ~p'il
Jaissa dans ses papif~rs apres s,a mort; montre qu'\1 a
f r~u d e''lfl a me):' cl u Sd
u . , ce qm. est c1· '\
a1rement ' \ ...
eta
.\:>li sur la ca.,rt~ de rhistoire ele$ ineles-Occide~ltàles
.,..
P.ar Uerrera. . -·· · ~,
\
·
. Cette fraude fit.·;nal:tre la guerre entre les deux
n~tions , Enfin ,J eaf III ele Portugal propbsa \les
çonférences de Sar<,lgosse, ou l' on devait traiter et
conclure à l'amiabl\~· Mais l'infidélité de Mag~llan

/
.J

{ I03 )

fit e_ncore autorité; car, it cette époque , on ne sa-


vait rien y opposer de victorieux.
On .corivint.eependantà Saragosse, en I52g,que
Jean III paierait une so~me à l'emperéur, et que le·
Portugal jouirait de sept degrés de plus que dans.
la demarcation sripposée; en outre, que la nouvelle
démarcation se .terminerait aux llés des Larron~:,
aujourd'hui les iles Mariannes, par ou devait passei·
la ligne imagiriaire d'un pôli( ~ l'autre, et à l'Occi-
dent de laquelle ne pas:seraient pas les Espagnols.
DaiJs le casou ils la dépas·seraielit par erreur.ou par
hasard, les terres qu'ils pourraient y découvrir ap~
partiendraient de droit à la couromie de ·Portugal.
. Les Espagnols enfreignirent cette colivention-en
s'établissant, du temps de Philippe li, ·aux Hes
Philippines. La guerre allait eneo:re éclater entre
les deux: nations quancl Philippe li; profitant de
l'extinctíon de la bra~che régnànte du Portugàl;
s'empara de ce royaume e~ en fit un ànnexe de sà
vaste monar.chie.
L'affaire de la démarcation-én était là, qna-nd les
Portugais, chassant les Espaguols, recouvrerent
leur indépendance. La guerre s:e·n suivit, et, doüze
ans apres lc traité de paix qui intervint, le gouvet;-
neur de Rio-~aneiro ayalit fait établir sur la riviere
de la Plata la . colonie du Sàint-Sacrement,. selon
le droit qu'il. en avait, le gortvernem de Buen'os-
Ayres .prit les. armes. et passa Ja garnison au fil de

.. ., ... 1\\. .
..

J'é.pée. -Alprs, d'habiles Espá.gnols . ~égoçierent . ~


Lisbonne, et concilierent le différend.
. L~ Portugal présenta un mémoire ; .malrédigé ~ il
est vrai ( 1), ·mais qui a suffi néanmoins pour amener
le traité provisionriel,.de 1681, dans leque! il fut
-stipulé que des ,gé~graphes se r~uniraient ~ Bada.,.
' jos' pour ' décider à laquelle eles de ui couronries '
~pparti~n.dtait Jq colonie du Saint-Saorement. En
att-endaut on convint.qu'on la r~m'ettra~t au gouver-
_nement du BrésU, et que les deux nations jouiraient
çoncurremiQeut des terres eiwirpnuantes ..Les. _géo- ,
grapl1e~ ue p;çtrent~ ·s' e~tendr0 ; la question ftit ·de
'nouveau soumise ar pape' et' le pafe s'abs.t int ~ui~
~ême de·décider.. : ·. .,:
·Eu 1701 ,. .:p~mppe V remit. la colonie et son
territoire à la eouronne de Portugal; niaisJ~. guen1e .
~yant- ~d~~:té ~PI79i fÍ, l~s Espa~1nols ·assiége,r~nt c\
reprirent la coloni1~ contestée, qh'il~ garderent jus~· \
.qu'au traité d'Ut:q~cht, époque 'o.U elle fut rétro ...
cédée au Portugal. · · . \ . _ .\
T'E · . n \
: +' ' spag.ne y av, lt rer,wnce torm.e· ement,
'C.
, ·..·~t .1e
:P{)rtugal alla~t . en prendre. pqssession "g:uand\ le
. gouye~ne~r de ' :{3uei1os~Ay:r;e!! .s'y. oppos'a. Il fpt
~oute:p.u. par son go~wernem,e~t, . ,,
0Jtl e~ étai_t.l~ qu:;u1d survint le. traité dê~ Li,.
\ \.
\ '

·(1) Voy .. tom. 11, .rreuves de t''Histof,re· de la oértéa-


~f'9~tl4ç. t~ n:tai~o~"' rQyf)1t; cf:e j>ort?,tgat.
· Io5J
~t I.

~ites, par, lequel,l~:Portug;tl cé'da la riv~, sept~ri_:


-trionale . de la ;!?lata, qui há ·a,ppar~enait par le ";
traj_té d'Utrecht, -cession qui _fut plu.tôt l'effet de la
fajblesse que de l'absimce d'un droit ..~ .
Il résulte de c~ qui pré cede que, des I'origine, la
ríve septentrioriale:de Ia: Plata et la ·colonie du Saint~
Sacrement a:ppart<'(riaient à la c.ouronne de Portugal.
S1Jpposons que le droit du ' Portugal .ne soit
point échu · à l'héritier présomptif', à celui qui 'est
assis aujourd'hui sur le trône du Brésil, la'riviere
de la Plata n'est-elle pas la limite natl.irelle de· cet
empire? Montévideo n' en est-i] pas'la ·clef? A çoup
Sllr Oll peut accuser d'ineptie le _gduvernement qui

a lâissé da:ns.des mairis étra.ngeres la éJ.éfe~se dri bou~


levárd qui fait sa s-\l.reté. ·Cette ccinsidéra\ion suffi-:-
raitseule pour justifier les prétentions actuelles du
' B~ésil sur ce territoire; d' ailleurs, toute nátion a le
droit d'empêcher qu'il ne s'iritrodúise dans son"sjs-
teme politique des príncipes contraíres à. ceux sur _
}esqÚeÍii son gouvernement est fóndé. -:· '
La France vient de le ieconnaitre à ·la face de ·,
l'Eu~ope, et c' est ave c l'apprbbatioii'de toutes lcs ·
pui:ssa~ces ~lliées qu' elle a comba:ttu dans I'intérieur .,
de · l'Espagne · et dissipé lá .démocratie armée des
corte~. - J •

Le gouvernemerit_brésilien se -- borne à 'ne pas ·


aller a_~-delà de la rriviere de la Plata comb~ttre les
príncipes de Buenos-Ayres; il prCnd: seulemer;rt d~ '
, . ·. .
~:1ges precantwns pour que ces prmc1pes ne s 1.n"""
' ,.
,troduisent pas sur son territoire ..

. ~
I

( roG )
D'pn aü.tre côté, MontevídeÓ lui-même de'-
mand:e ~ faire parti e·intégrànte de l' empire du Bré-
sil. N ous peh.sOns que lots niême qu'il n' existerait
pas d'autres motifsf on tralüráit ce pétíple en lui
réfusant la'. protection qu'il sollicite 'pdur se soús-
ti:_aire à l'anarchie et à . ropprés~ibri.
: Du reste·, la questitm est d'éj'à décidée :par le fa-i t,
ce que Iiolfs àllbÍis rend~e s·ensible : sup,osons ' · en
effét , que le gorivernelnent du Brésil- voulll.t re:...
mettre Montiwideó.;
. mais à qui le· i·eíhettrait-in
\
~)ll sont les autorités et les forces espagnoles dans
le Nouveau-Monde? Le Br,ésil eiit-i.lla volon'té de
I ~Onimettr~ Cette b~v:tte· poli tique' il llÇ lui Serait pas

possihle de là consonimer. \
.- I •
Au mqmént ou nous livrions ce .chapi,t re à Ja
. pres~e' il est ve,~u à notre con~aiss~nce un fait e~-:­
sentlel en ce qu 1l yrouve que 1~1 c~bmet- de Madrid,
n'est ni en mésintelligence :ri.i
.
en.
"
rupture avec la
co~r d~ Rio-~anéiro., On. a,~ ('~a~ :~ S) ~e\~~u-:-
vais traltement qu'a eprouve Uh batlm~nt bre'sil,Iell
dans lê port de Vigo : le. bâtiment s'app~elle l~,;Lu-
. L e tra1tement
coma. . . d ont 1'1 a eu a' se p''· am
. dre\ e
l . \
devant être iinput.é qu'au:x _. atitdrités· locales, I(mr
co~duite à cet égard vieni de .donner li eu à ~ne ré-
pnmande.de la part du gouvernement espagf..lol. Il
a décidé. en outre que désormais les bâtimens bre'si-
liens seront reçus comme. :ri.eutres dans les · pbrts
~'ES.pàgne. ~~~~-
( 107 )

CHAPITRE . VIII.

l:XAMEN DE CETTE DERNIERE QUESTIÓ:J!:{ :

Est-ll pos'sible de rétablir le Brésil sous [C(, dé~


pendance du Po!·tugal?

Quiconque voudraiisout~nir l'affirniati.ve, objec~


"'terait sans doute que Íe Bresil a déjà été cónquis par
les Pórtugais; qu~ill'a été à partir de 1[5,25, épo~ ·
que ou se fi.rent les pre~iers établiss~mens sur la
côte, jusqu'au niilieu du siecle dernier ou furent
peuplées.les provinces les plu,s cent:rales de Goyaz;
et d,e Matto-Grosso.
Mais nou,s. demanderons quels étáient les enne..:,
mis que les Portugais eurent alors à éoffi.battre 1
N'étaient-ce pas des sauvages ,mal armés , peu
nombreux ? Et pourtant leür résistance a été -telle,
qu'on n'a pu en $,olim~ttre qu'un petit nomb~e, et
e'ncore ont- ils été plutôt ~onvettis que vaincns,.
Nulle p~i-t les ,Européens ne sont restés !llaitres du;
I territoire qu'en . s'y établissant à demeure' et en
expulsant les indigenes.
La population du Portugal, qul a pu. fournir
assez de soldats pour souin.e ttre les Tu:pinambas,
cTOS)
}es Guar~nis, les Ouctacazes, les Tupas, serait-elle
aujourd~Ími en état de recruter une armée· a:ssez
considérable.pour re~onquérir le même territoire ,
<;ouvert maintenant de villes .
et' de . forteresses, et
.occupé par une population de plus de 4,ooo,ooo
d'âmes, cinq fois plus nombreuse ·que celle des in-
. dig(mes?
~e sait-on pas, d' ailleurs, que le Portugal, au
moment de la c'olónisation du Brésil', 'était d~ns un ..,
mouvement d'effervescence et d'expapsion tel que -
le~ értligrans et les aventuriers se présentaient en
foule? · - . 1• . I •

A quoi se rédr--it aujourd'hui l'aséendant du


P~rtugal surJe B.rfsil? On a V:u ·que les armerri'ens
partis dans .ces derniers. temEs de Lishonne; n'ont
jan;ais puy tran.s porter que de .faibles co~ps qu'àn
pourrait compareit à ceux qu'e'ilvoyerent jadis le\
concessionnaires pour dompter \~~s sau~ages. _1
. Mais, 'dira~t-o~, les llabitans d'u nouvel f:jmpire ·
s~;nt divisés d~opi9ions: ii ·y .a ·un parti\ révolt\tion-
naire .républicain ., et l:ln parti monarchique.\ Cela
. 1 . \\
est possible; mais le parti tout-à-fait_révolQtionn'::iire
. . ' D''ai·11eurs, entre.1es deux
est ,en_mmonte. •\\opm10ns,
.. \
il, n' exj&te_aucune . dis.sidence sur le pE}int essentiel
de l'in'dépendance nat~onale. Or, la ·défense .\ st de .
:nécessité commuite, et les divisions intestines \w·
feraient qu'en aug,~enter l'intensité au mo:mént du .
péril. · ' ·
Si les États-U 11is ont eu feur W a~ington,; si le
( rvg ) .
_ Brésil a déjà eu son Vieira qui, apres avofr ·exp.ulsé
· les Hollan:dais, rangea so~s le sceptre de',la maisón
de. Bragance·~cette inag'nifique possession, le Btésil;
anjourd'hui appelé à l'émancipation p~r Ja ·voix de
la Providence, se confie av~ c orgueil à fillustre re~
jetonde sa race royale pour cónsolider les.bienfaits
. a·e sa régénération. . · -~
Le Bré~il a. d'ailleurs sous les yeUX: l'exemple
que lui a légtié le J>ortugallui-même. N'ayant pas
plus d'un quart de la population de. l'Esp!igne.qui
l'erivironne de tous côté11, le Portugal a sn copstam~
ment lui résister, ·e t récenin1ent :trois · invasions ·
· françaises n'on( pu· détruire cette mêffie:indépen..:
dance qn'il avait conservée jusqu'alors .
.. lei tout est à l'avaritage dti Brésil, qui a des r.es~
sources immenses et une défensive formidable.
Est~ce d'ailleurs avec un revenu· de 6o,ooo,ooo de
francs qu,e le Portugal pourvoirait à un armement
' extraordinaire? Cet armement, sorti du port de
Lisbonne; irait se briser contre les plages ·et fes ro-
<;hers du .B.résil.
Le Portugal n~oubliera pas sans doute que, lors
desa derniere expédition, forte,seulement d~douz~
cents ho~mes, ·on fnt ·obligé ·de vider.les ·caísses
p~bliques, et qu'un député aux ·cortes se plaignant
. d~ -~ette mesure., déclara .que si l' ón touchait atix
fonds destinés aux·employés, le gouvernement tom-
herait. Jamais prophétie 'ne se vi:h;i'fia plus prompte~
ment.
~- (:' I I O } '

·n faudrait une .d~pense triple du reveim e~ltier


du Fortúgal pour former un 'armement de qua-
rante 'mill~ llé>mmes, le-'s eul qui put fair.e quelque
irilpiession s.ur le Brésil; ·et encóre quarante mille
J10mmes . suffiraient~ils pour 'occup~~ militairement,
· c'est-à-dire polir tenir sous -le j~ug un pays aussi
vaste que l'E'spagne, le PortugaL et l' Alleinagne en-
ser~hle ? Si sa population .est éparpillée , elle n' en
existe p~s-mo,ins partout, et cét éparpillemént mên1e
rend: l'occupation phis difficpe. N ulle part les sub-
.sistances f! e sont assez abondantes pour approvision-
ner une force qqi serait hors des . propor.tió1-is de·la
population lo cale. B'ailleur·s , le Brésil ne se con- .
' tenterait pas d'une rrsistàn·ce inerte etpassive. na '
déjà ' une fo~·ce orgapisée- qlii pe.U:t ba1ancer toutes
les 'forces du P.ortugaJ ave·c .d'autant·plns el'avan.-
tage, qu'il choisirait à volontétel ou tel systeme de
.\
guerre, et la défenstve qui lui sé'rait la plus pro-.
fuilik. . '
· En outx:e·, le Brésilien .est essentiellement mili-
taire. Qu1 on ouvre le~pagesde son histoire,.on verTa
qulil a: été exposé aux attaques de divers pedples··de
l'Europe, Espagnols, Français, Anglais , Hollan-
dais, qui n'orit'jamai~ pu s'y ·établir. Plus tard, il a
été déchiré par des dJ,ssimsion·s civü~s. Fqrcé ;de dé-'
fendre ses:.frontieres contre ses· voisins, son espl'it
belliqueux ne s' est jantais démenti, et les générations
qui s'y s~nt succé.dé ~epu:is . la·conquête, ont .tou-
jours montré l'ardem.1 et l'habitude des combats.
:( li I )

Si 1~ B:résil ~ - P~l!. .d e ·froupes cle.ligne; il a d:es


.ttoupes légeres ~xcellent~s et · nombreuses',:surtout
.e n cavale~ie. Uü.e arm~:e étrangere qui s'avance+
J'ait dans l'intérieur ,. serait bie'Jitôt entàurée d'~ne
nuée de ces centa~res-chasseurs qui 'terra,ssent :le
.tau:r.~au sauvage·et osent attend.r e le tjgre.
u ,e~iste ~ussi au Brés'il une race d'hommes dGn;t
le s~r-vice est ·inappréciàble pour.l'infan\erie dans
up parei! climat; .ce sonf les homrnes de ·coulem~
libres; méla:nge de trois races, et qt!i réunissent à la
vigueur cle-l'Africain l'agilité de l'incligime et la
_dextérité du blanc. :
Les preuves milita~res des ]3résilieas sont faites :
on les trolive consignées 'honoràb'lemknt dàn.s leur
histi:>ire; ils ont constamment, et sans secours em·o-
-péen, cléfenclu le~rs frontieres méridionales. Dan.s
les provinces du Nord, on a vule magnaiiitne Viei-
ra ostensib~ement désavoué pàr sa cour' et :réelle-
ment ~bandonn~ pa:r elle, se constituer le dé~enseur
du Brésil; rassembler ses amis; dêclarer la guerre
aux Ilollandais, lés combattre ~ les poursui vre au
Ae
prix tous les sacrifices, ét, finiss'a nt par les vâiii'-:
cre, rendre·à _l'unité brésilienne des provinces qui•,
:depuis soixante àns, étaient au~ main'S des Bataves
. d~ns des plac~s fortifiées et protégées.pa:r une·ma-
rine alo.rs la premiere du globe. ·
Aujourd'hui,-ó::Jmi~e · au· tenips de Vieira, le Bré-
sil póssede un défenseur dont les droits sont incori-
testables e r d'une nature bien plus élevée. Scs élé:..
( 1t2 )
mens actuels de puissance sont aussi híen_autre-
mentredoutables qu'ils n' étaient à 1'époque .~e 1'o f::.
~upation liollandllise. L'auguste dé(enseur·du l3r.é -
sil' . investi d'un . titre imposant et vénéré' .saur~ .
·ma.intenir l'i):ltég.r:ité de son empire. · ·
Quelques puhlicistes ont condu de ce que la po-
pulation lihre .du Brésil est plus faible que éelle du
.J>ortugal, qu'il serait possible à celui-là de le sou-
mettre; mais est-il besoin d' être dans 'u ne parfaite
.égalité numérique pour résister 'à une puissance
dont les arq1emens ne pell.vent se faire qu'à 2,ooo
lieues de distance, qui d' ailleurs ne peui attaqtHir
yu'avec une arrriée, tandis q;ue le Brésil, envahi,
1

pent se ·défei;J.dre av~c sa population 7 Qui ne sait


que la population nqire, peu redoutable au Brésil
pour l.es blàncs, ajoute réellement à la force mili-
. taire du·pays'?
Ainsidonc le Portugal ne peut raisonnahlement
espérer de soumeÚrele Brésil par le·seul emploi de
ses propre,s forces. · ·
J>eut-il comptcr sqr des auxiliaires? La position
. du' Brésil .indique ass1~:z. que la puissance européenne
qlJ.i entrérait ave c lui en guerre, ne pourrait trouver
d'alliés utiles que parmi ses voisins) sur le co~1ti­
nent méridional,, ou hien parmi les puissances ma-
rilimes.
Le seul état qui poit à portée géographique-·
mentdefairela guerr~lau Br~sil, c'estBuenos-Ayres;
mais Buenos-Ayres _qui roule de révolut:io~i c~ réyo-
( r r.3 )
ludon,_est éBuísé;_i~ ne _saurait, dans son ~nsta-~
biliié, ~ettre six mille hommes en campagne ...
D'ailleurs qui ne sait que les gouvernemens ac-.·
tu~ls d,Amérique, quoique différant dans leur sys-
t~m~e politique, sont t~us d'accord pour combattre
l'intervention européenne ·!
Si nous passons ame. puissances .ma ri times, nous
trouvons que les Ét~ts-U nis ont déjà reconnu l' e~n- ·
pire·brésilien ;"que l' Angleterre a posé en príncipe
q-il'elle reeonnaissait l' émaneipation de. toutes pos- .
sessions eoloniales dont l'indépendance serait fer-
mement établie et qui reposerait sur _un sy;5teme de
gouvernement régulíer. Or, ees prineipes tenclent
'
..,_ . .
direet~ment à la reconnaissanee clu gouvernemeut
..
du Brésil; cartous les aetes clu roi. de Poftugallui-
m'ême attestent que so~ iutention a été non-seule-,
ment ele reco;nnaitre, mais d'établir sou indépen-
danee. ·
· La F rance , qui est niaintenant là. seeonde puis-
sance maritime de l'Europe , pourrait clone seule
prêter quelques seeours aux Portugais; mais telle
est sa conduite politique à l~égarcl du Brésil, .que
cet empire doit plutôt eonsidérer les Français
comme auxiliaires que eomme ennemis.
On peut clone regarder eomme impossib_le la
soumis,sion -d,u Brésil par la voie eles armes ; reste à
considér~r si ·on pourrait l'obtenir par la voie.desné-
gociations et par les re~sorts de la politicrue. C'est ee
dernier parti que vient deprenclre lePortügal. Mais
9
( II4 ' )
négocier avec ie ·B~ésil, ri'est-ce pas déjà tecon- .
naitre son indépe·ndim:ce? D'un a:utre côté, lorsqu' on
veut, par eles. négociations _; obtenir des' conces-
s-ions , ne faut-il pas avoir aussi des concessions à
proposer ou·à faire? Or, quelle concession le Por-
tugal pourrait-il accorder an Brésil pour l'engager
à renoncér à soil. émancipation ? ,
S€raient-ce ·des préfêrences de COIJlmerce? Mais
elles seraient frappees 'de nnllíté par l'acte même
qui les concéderait ' .puisq~'elles ile sauraient être
· considérées ·alors que comme eles dispositions de ré-
gime1ntérieur. Dans cette hypothese, le systeme de
..
législation ne pouvatlt émaner que eles Européens,
Q\.l les Brésiliens trouveraierit-ils leur garantie ?
· D'ailleurs lei tominerce entre le Brésil'et le. Por-
tugal n' :st pas si av~nt~geU~ au premier, qu'il soit
obligé de faire de si grands sacrifices polir le con-
server et le maintenir. Les prod~its du sol 'brési-
lien sont tels qu'ils r.t' ont pas besoin de la funeste
ressource du 'ínonopole pbdr être débités , et les
consoimnaiions cl'e sés habitans ' ne sont pas telle-
ment exclusives ·que le Bresil, pour s'approvision-
ner, soit o'bligé cl'ác;corder eles priviléges . .
Le seul avantage gue pourra-it présenter le Por..:.
tugal en écl1ange. de la soumission du Brésil, serait
la paiX.; mais pense·,-t-on q.u 'un .peuple qui fait la
1
guerrepour son indépendance, qui n'a point éprou·
v é ele revers, et clo11t la gucrre ne gêne riullement
le commerce; qui p'entend le tumulte des armes
( JI5 )
q:ue sur quelques po1nts d'un empir~ immÍmse; qni,
malgré la guerre, voit sa prospérité s'accroitre, ses
ressources se.développer; pensc-t-on que ce peuple:
rerwnce facilernent à: ses prétentions les plus enra-
cinées, à sa liberté , à son in~épendance , dont ·il
éprouve tous les 'avantages, et enfin à une existence
_politique dont n· jouit depuis quinze ·ans 'l Est-il
si pressé de terminer une guerre dont il n' éprouve
aucrln dómmage, qui doit s'étcindre d'elle-même,
qui déjà est un mobile de ralliemen:t et de cÓJ?.~
fraternité entre les différens partis de ce vaste em-
pire? Ne lui.esti.il pas déj'à redevable de sa marine 7
Peut-être le gouverrtement portugais se fiatte~t-il
de ttõuver da::ns les honimes qui dirig~nt l'àdmi-
nistra:tiõii du Brésil , une certaine disposition à
composer avéc bridépendance de leur pays' sous
l'appât de compert'Sations ·appareptes; peut-être es.:.
pere-t-il trouver l'empereur don ~edro disposé à
rétrõcédet à son auguste pere la courortne du llrésil?
Dans le premier cas, la disgrâce et l'animadversion
·seraient le partage de tons célix qui auráient stipulé
au mépris des intérêts bl'ésiliens. Dans la seconde
suppositiort qu' arriverait-il? Que le prince possesseur
de la coürónne impériale, qui la rétrocéderait par uíl
sentiment dont la noblesse de son â-me lui déguise-
rait le danger, ferait un acte d'abnégation iuutile;
que les conseillers qui l'y auraient porté se verraient
peut-être injustement accusés de trahison.; crue la
maison de Bragance . perdraít une couronne , et
g ..
( II6 )
que leBrésil, dontlatranquillité serait compromisc,
déleguerait le pouvoir à un aven!urier ~u s'érige-
rait cri républiquc. . . '
. Ainsi tant d'e_fforts, tan·t de ·sacrifices .én faveur
de la légitimité seraient perdus dans l'autre hémi-
sphere, et on le verrait se liguer tout entier contre
lcs gouvernemens eriropéens qu~ tenteraient de re-
couvrer une influence à jamais pérdue.
C'est ainsi que , de faute en faute, les révolutions
i'_ali_me,ntent et se perpétuent; que ceux même qui
s'y opposent y concourent plus qu'ils .n~ pensent
par hmr politicwe ou leur résistançe inopportune . .
Serait-e~ apres qutnze ~ns d'indépendance par-
faite; quand .tous les Brésiliens de 25 à 4o ans ont
formé leursidées et leurs habitudes'sur le nouveau
régime; quand une jeU:nesse impatiente de tout
.frein vexatoire a été ~mbue des mêmes sentimens et
a déjà fa,it ses preuv~~s, ses premi~:res armes; est-ce
alors qu' on voudrait faire descendre à un état de
soumission, d' oppre~sion et presque de servitude,
la moitié de sa génération ac.tuelle ? C'est au-dessu~
.de la puissance humaine.
L'opposition duE/résil; ou plutôt sa ·volonté, est
unanime sur la question de l'indépendance; on ne
pourrait donc c~mpter que sur des dissensions in-
testinos pour le faire rentrer sous la domination d u
Portugal. Mais n'avons-nous pas déjà établi que s'il .
existe des principes p.e dé~union, ce n' est point snr
]a question fondamrntale, mais sur la :Corme du
/',.;.

( 117 )
gouver~ement; et encore ' la promulgation de la
Charte brésiliemie-et le serroent prêté par don Pe-
dro oht-ils fixé les idées et rallié tous les esprits. A:u
surplus, si les en~emis de l'état. àctuel ·des choses,
si les anarchistes 'du Brésíl 'V'enàient à t-riotnpher de
l'établissem(mt monarchique, -ce ri e serait pas Lis·-
bonne qui en recueillerait le fruit. ·
Les seUls intérêts qui puis:Se~t désunir l~s ·B; ési-
liens sont des intérêts de loc~l~té. Bahia peut dési..::
rer- la suptéroatie sur Rio-Janeiro et -fonder ses
prétentions sur son ancienne origine' son archc-
vêché, son droit tfainesse comroe capitale. D'au- ·
tres villes . peuvent se fonder 'sur leur position
J>lus ou moins centrale, sur l~ salubritê de leur
climat; au~une ne s'éievera ni ne s'armera ' pour
faire prévaloir l~s prétentions ·'d~aucun peuplé
d'Europe. .
Mais, dira-t-on, le parti 'qui dominait 'dans lcs
cor~ et q'ni opprimait les .Brésiliens ayant été ren-
versé, 'il .doit eri· résulter un· rappr~chem'ent entre
ceux qui' ontvaincu le .mê~e systeme , les uns e'u
>
· Amérique les autres en: Europe. Sans ·cioute le
gouverneme'nt restauré du Portugal a hautement
désapprouvé les acte8 des cortes de Lisbonne , no~
tamment en ce qui regarde le Brésil dont illui im-
pute lá séparation; mais il y' a lo in de cette désap-
probation au sentiment équitable de la reconnais-
sance du B1~ésil. Quelle ·que soit l' opinion poli tique
d'un Portugais , relati:vem,ent au régime" intérierir
( 118 )
de son pays, s~m opinion demeure toujours la mêm~
en ce qui concerne les colonies : elles doivent res:
ter soumi~>es.
On a eru long-temps qu'il serait difficile qu'une ·
autre politique put émaner des conseiUers de
Jean VI, comme des meneurs des cortes, qui n'é-
taient que des empiriques e~ fait de libe;rté.
, · Citons l'exemple des' cortes de·Madrid; certes on ·
ne leur reprochera point de :p'avoir pa,s. été assez.
lo in ni assez vite dans la .car:r:i~:re libér~le. Eh! bicn,
quelles mesures prirent,-elles à l'égard de I'Amé-
"
rique espagnole ?!Les Fêmes qu'aurait adoptées un
Godoy ou tel autre mtnistre·despote ou servile. .
On a vu les cortes ·de Lisbonne reco.nna.ltre en1

príncipe l'indépendance du Brésil et son u~1ité '-


puísqu'eUes lui concé~aient le droit d'accorder ou
de refuser son adhésiqn au p~cte wcial. Eh! hien,
on a vu·ces memes cor•tes, nono bstant l eurs actes
A . . '
et 1\

leurs paroles, s'empresser de reveJ:Ür au s.ysteme de


soumettre, d'opprimer le Brésil, et brMer d?impa--
tience d'y envoyer dil à douze mille hommés pour
contenir, disaient leurs imprud,ens orat~urs, vingt
ou tre:p.te factieux qHi comprimaient le voou ~le
quatre ~ cinq millions de citoyens. Quelle pitié!
quel aveuglement! et voilà.comment s'est opérée la
séparation! Maintenant que faire? la réconciliation
entre le pere et le fils fera plus d'impression sur le
:Brésil que tons le~ repsorts de la politiqnc et tous
les armemens ele l'Eur op~ . ·

.
jo - ·~ - - _ __ _.. . .. - - , •• ~ "" .. ...... ..- ~ ... ..

.'
')
- •
.
-~f;..
.t. ~

.)

.( ug)
. L~ rei Jean VI sait à n'en pas douter que pour-
lui, reeonnll1tre r empire, c'~s.t sauve:ç)e ·pri:qcipe-
de la légitimité, qui à l'égarq d:u Brésil embarra~se
la diplomatie des puissances étrangeres. C'est donc
.un acti:~ de s0n devoir royal; car aus~itôt \a recon:-
niüssance faite, elle deviendra européenne. Le roi
connalt d'ailleurs toutes les rai~ons; tous lçs, mqti'fs
qui ont porté le Brésil à.l'indépendancE1; il s;tit q1,.ü~
le Brésil ne pouvait agir autre:mcnt, qu'il nesaurait
:rétrograder que par une route treiJ?--pée du sang çle
ses freres et en pure perte pour la royaut~ et poullJ,a
famille de Bragance ;·car, il faut le dire ,Je so'rt en
est jeté.
Or si Jean VI ne ,reeonnai,ssait pas l' empire ?-
.c'est qu'il agirait contre sa cons{;Ümçe; c' est que
des suggestions, des intrigues, des m1!lveilla)1çes
étrangere.s prévaudraient en étouffant dans son
c.ceur paternella voi~ intérieure de la vérité et ele
la raison. .
Que r on ne vienne pas Fé:criminer COl'J,tre les J3ré-
silicns.! qu' on ne . les force . pas. d' aband.onuer les
, voies de la sagesse quiles ont guidés.jusqu'à présent~
Tous les liens seraient à jamais. rompus s'Üs. s'aper,-.
cevaiertt que c'est I~ duplicité qu' on emploie quand
on les appelle des freres·. Pourrait-on alors Sf:l ph in-
dre s'ils s'arm~ient de mesures. violentes qu'enfan-
tent l'injustice et la fraude ?
Déjà il n'e~t bruit que de la c:;ontinuation de l'ar-
mement de Lisbonne, brui~ répaú.du pçut-être a
( 120 )

dessein. On ajoute · même que le roi, dans une


assemblée des prinCi.paux négocíans portugais , a
clit qu'une gra'nde · expédition allaif remettre le
Brésil dans l' ordre·; et ces paroles, selon, les mêmes
bruits, auraient été dites au 'moment mêHw ·oú 1~
:comte de Villa-Réa~, en qualité ·de plénipotentiaire
portugais; entame eles négociations à Londres avec
les . plénij>Otenti~ires bré~ilie~s · ! . Ceci suffirait seul
pour rendre défian's les moins ' soupçonnéu:x _et
pçmr corroboter Topínion des révolutionnaires du
:&ésil. A les entendr~ , le Portugal n'a suspe~du
les hostilités-que ' tpou~ ·rouvrir · à ses denrées, qui
encomb:,ent ses maga~ins ., les routes du Brésil, et
pour donner'plus ele temps auX: succes de l'intrighê.
Vous ne voulez qu'aucune médiation étrangcm ·
interVIenne; VOUS VOtll,ez qu~ raffaire soit purement
de fam.ille. v'ous av.e<p raison; ma~~. laissez I à les
hi~is, les tergiversation,s.·Dans uri débat' de f:i.mille ;
les ruses diplomatique~ sont déplac_éés.,
Les notivelles de Rk1~Janeiro portent. quele con-
cours de l'escadre française statioi:mée dans la rade,
a été o:fferfà dón Pedro' contre
' . .
toute
.
tentative révo-
' .
lutionnaire; sans:pourtant que la F rance, par cctte
' proposition,, ait eu l'intention de prendre un parti
dans le différend élevé e:utre le pere et le fils. Cette
démarche .dú mi~ister11 français s'explique par l'al-
lure trop révohüionnaire de l'assemblée brésilie~_n e,
qui portait atteinte à la voyauté. Mais cette assemblée ·
a élé dissoúte , et clon P edro n'ayant aucu~ bé'soin
' \

( 121 )

de secours étrangers pour rétabli~ 1'ordre dans son .


einpire, n'a pas cru devoir, pour le mo~e-nt, accep-
ter l'offre qui lui a été faite au n'óm de S'. M;. T. C. (r)

. ( 1) L e d,o cument remarquahle que qous _rj!cevons à


l'instant ~ê~e -de-Bahia, et que nous nous empreS!\oJis de
communiquer en iiçte à nos lecteurs , .atteste -d'uile
maniere plus irréfragable encore Ies sentimeiis de · bien~
veillance qui ;miment Ie gouvçrnement r~yal de Fraoce 4
l'égard du Brésil.

I.,éttre_ adr_ess~f( te mars 182·4 , par le consula_t d~


1_2
France à Ba(l,i~, à S. Er:çc. M. Francisco J7icenÚ~ ·
Vianna, président du gotfvernement de la prOvince
de Bahia.

• Monsieur le Président,
» Les p,euples du Brésil sont doués d'une intelligence
et d·'une activité d'imagination remarquables; mais ces
qualités si précieuses en elles-mêmes oot besoin du se-
cours d~une ·bonne ·éducatión pour favoriseJ; leur directioo:
et leur développement . . Les circonstances politiques ·a c~ .
tuelles et 'te défaut d'établissemens nationaux complets
d1éducatio~ forcent les jeunes Brésiliens à cher.c her, parmt
Ies nations . européennes , l'iostr~ction que . qes siecles
d'études y ont accumulée; et, en attendant que Ie gouver-
nement du Brés~l ait pu premh·e, sur l'instruction pu- .
blique, des · mesures dignes de soo peuple et de lu i ,-les ·
Universités d' Angleterre·, d'Italie et de France voieot Ies
(ils du Bré~il grossit· les rangs de leurs éleves, et rivalisel',
avec ces deroier~, d'ardepr pour Ies sc~ences, dont ils
sou t, par ~uVe , appelés à propager les progres à_leu1: rc-.

,,
·~ j; /..<lr _./'/, ·~·,.,,1 ~::.:('~~-:;_,.~'· · • \J'~.:; . .·; .('/{,::_·· .·::~
.o
' I

( 122 )

, Qu'on nedise pas que rempereur n'a pas accepté,


pflr la ra.ison qlJ.e tout le Brésil était prêt alors à jurer
le J?a~te· 4'u~i~n qu'il ven~it de Iui don~er daris sa
sagesse! Non, Pernambuco était encore en dissi-
dence ; et si les smitimens d'un ambitieux , d'un
despote eussent animé don Pedro, il n' eut pas mau-

tour dans leur belle patrie. Parmi ces derniers, .plusieurs


se sont, depuis quelques années, . dirigés vers Ia France.
Le gouvernement du roi, secondant les intentions vrai-
ment li,bérales de S. lU. , a vu avec beaucoup de satisfac-
tiori c'~tte tendan9e des peres brésiliens à envoyer leurs
enfans puiser l'instruc~ion dans les . 'diverses Académies
des provinces de Frar1ce , dont plusieurs , tell~s que
1
. · la Pro vence et le Languedoc, joignent, à des établisse-
mens d'instruction estifUéS, l'avantage d'uq climat plus.
rapproché de la température du Brésil. '
. . » c•est donc avec une vive satisfaction
.\
(rue j'ai l'hon-·
ueur d'anuoncer à V. ,E;(c. , qu'afin de•faciliter aux jeunes
Brésiliens qui se destinl?{nt à faire leurs études en France,
leS-moyens de s'y rendre ayec économie et sécurité , les
commandans des ·bâtifil!ens <}.e S. lU. T. C. qui passent sur
cette radepour s~ rendre directement en FI,ance, sont au-
torisés à Ies repevoir à ~ord. J'ose me flatter que V. Exc.
trouvera fjlans cette co~imunication une nouvelle preuve
<les véritables sentime~s dont le gouvernement de France
est animé à l'égard du Brésil. · ·
• J'ai l'honneur d'êtfe avee respeel, l\'Ionsieur le Prési-
dent, de V. Exc., le tres hamble et tres obéissant serv,i-
teur, · ·
» Le conspl de fra?ce ,
» G'UINEBA UD. ·~

I
I . \
\
( 1.23 )
quê de se servir, contre Pernambuco·, d'p.11 arl'ne-
ment européen ~is A sa ·di$positi,on , ·et qu'i eut
donné à son pouvoir une plus gra,:gde la,titude.
Mais. don Pedro a voulu 'four?ir. une preuve
nouvelle qu'il est à-la-fois le souverain et le. pere
de son peuple, et qu'il préfere, à la force et à la
violence, les moyens doux qui tendent à éclairer
et à ramener l' opinion , põur la mieux concentre r
dans un pouvoir légitime. ,
L'empereur ne vient-il pas de s'expliquer de la
maniere la plus solennelle ? Par le plus noble élan,
portant la main à son épée en présence de .la popu~
lation .de Rio-Janeiro , il s' est éerié ave c l'accent
d'une âme loyale et forte : « Vive la constitution .
>l hrésilienne et notre indépeudance à jamais! >l
Cette même constitution, devenne le pacte d'u-
niôn 'du Brésil, a été jurée à Bahia le 3 mai, ce qui
annonce qu'elle sera jurée aussi dans tout le nord
du Brésil, car le poids qe Bahia est immense.
D'un autre côté , par convention ·faite entre le
lientenant~général de Laguna, commandant eles
troupes hrésiliennes devant 1\'Iontevidéo , et don
Al':aro , commandant eles troüpes portugaises, oc-
cupant cette place, e1le a été définitivement remise .
aux tróupes impériales, ée qui délivre tout le.Brésil
et tout son liltorál de la présence ele l' eri.nemi. Déjà
lié au Brésil par fédération, ce nouveau territoirc,
désigné sous le nom d'état Cisplatin, demande
mairitenant à être incorporé à l'empirc .

. i-.. ~- .... .... • J .,. t \ ' . • ~ . -.!.. .....l . .

r .-, ~- ..-
( 124 )
Enfin, même les possessi0ns portugaises de la
côte. d'Afriqúe, t~lles que Beng~ella et Angola, se
sont décl!l.rees pour le Brésil, et sollicite~t aussi la
· favem' de faire partie intégrante de l'empire.

-··

--.,.- - - -
J\
1\

' ~~i~, /il ,_~;. ...,. , J'ft."Jj,.é. ....,~- ....~


I·,
( 125 )

·CHAPIT.RE · IX.

Êtat actuel . de l' E'mpire du Brésil.

Ve:mpire du Brésil compte iriaintenant plus de


deux millions de lieues 'Càrrées d' étendue. C'est à ses
l'apports avec les nations étran'geres et limitrophes
que tient la q"~J.estiOn de ses frontieres, :non encore
fixées par une·délimitation précise ; la plus natu-
relle est celle qui le renferme entre les 'deux grands
fleuves de·là Plata et de l' Ainázone~ Il est divisé au-
jo~rd'hui e~ dix-neuf provinces; savoir: Rio-Negro,
Para, M:ara~ham , Piauhy ,' Ceara, Rio-Grande do
Norte, Parahiba;, Pernàmbuco, Alagoas, .Sergipe,
:Bahia, Espirito-Santo_, Rio-de-J àneiro, Sa~~Paul~,
Santa-Catharina , Rio- Gr~nde do Sul , . Minas ,
Gqyaz, Matto;..Grosso. Sa population·,- disséminée .
en raison de sop. étendue , n'a été portée qu'à.
3,6x7,goo'ttmes, d'apres un relevé qui nc comprend
que la population de dix.:.sept provinces, au lieu
de dix- n_euf. Les derniers recenseniens élevent la
population eritiere du Brésil à plus de 4,ooo,ooo
d'âmes. Mais en prenant pour base le ·premier re-
levé authentique , elle se divise ainsi qu'il suit :
1 ,528,4oo personnes libres forment une population
mi~te, composée de 843,ooo blancs, dont il y a

I
,-

' 126 )
au moirh. un tiers de P0rtugais ·eu:topéeils , et en-
viron 562,-o oo Brésiliens ~ _plu!l 4~6,ooo mulâtres li-
h'res, et 25g,4oo I~diens de· toute espece. Si l'on
ajoute à ce relevé I 5g,5oo noirs libres, on aura un
't otal de I,687,goo ·.personnes libres, j,ouissant de
tous le~ · dr.oits·dvils" et politiqués, ·
L~ population des no.irs esclaves s' éleve à I, 7 28, ooo
et úelle ·des mulâtres escla-\ies à. 202,ooo; total
:I ,g3o,oÓo. Ai.nsi le _ Brésil ·présehte â-pêu-pr~s
~,ooo,ooo d'esclaves, C'est-à-dire ;- auta.nt qu'il y
a de personnes libres ·, si l'on s'en rappnrte à l'a.n-
cien recensemenr, et abstradion fait<i! dê la ptodi-
gieuse a·ffiuencé d-es éxnigrés d'Eut;ope·attirés pàr lê
gouvernement aotuel.· D'úlleurs qui ne 'sait que
l'esclavagé .au Brésil e;st le plris dó-me de· toute l' A-
méfique. Les lois porlttgaises garantiss·e11t le péculc
de 1'escl'àve.; c' est tou.t €-e qu'il peut réclamer d' elles.
N~l ~dbute qu'rin jóur l'esclaváge ·he s;aboli.sse de
lui-IÍI.ême ~ c'omiDe OJ,1érettx aux propriétaires , et
qu'ón ne s'yoccu.pe 4e l'émancipation d.es noirs,
oa ·du moins de rendre par degrés lêur éondition
ou leur ·existence plus utiles-. Mais la ptudehc-e exige
eu core qu:' on .éloigne l'émam:ipatiun com pleté ; et
qu'on né considere comme eitoyen:s que les :6.1s de
pere et· mere·Jibre~ ; toujours SOYS: la. réservé des
ex:ceptions que peut ~tc·corder l'empereur aux ser-
vices éni~nens. Du reste, la constitution , jurée par
l'empereur, a déte·rm~né l'état civil et politique des
oitoyeps du .Brésil.

· ~ "" .~ .. ,
- ~··..L-- _ ,..._
( I 27 )
.l '

Quant ame; lndiens; ort peut les ~onsíd'érer en'


général comme des alliés du gouver11emerttpourla:
paix et pour la guerre, et, par eonséqriertt; soús les
ordres du ~ê1ne monàrque. En un inot, c'e sont des
nations séparées vivant ~ans leurs limites. Il s'agit
·Snrtout -de les faire 'passer .dê leur état d'ígnorance,
de vice ·e t de barbarie, à l'ét~t d'instructiÓ'n et de
morale. La religion chrétienrlé seule peut éclairer
leur esprit H téformer leurs pencháns sauvages. Les
nlissioimaires, ont commencé la civilisaÜon, c~est à
/ enx senis qu'il conviertt d'en confier l'achevcment;
et bientôt les í'reres MÓrávés, réclamés par le Bré...:
sil, irorit, d.-ans ses f~rêts vierges, exercer~ à l'égard
des indigenes, l'apostolat de ·l 'humánité, -de la per- _
suasion et de l'industrie sociale.
Les distinctions de naissance existent ãu Brésil ;
l'aristocratie des richesses y existe aussi comme
partout. Les grandes pos~essíons territoriales y sont
cominuhes. Peut-être les pro'fessions líbél.'ales n'y
ont-elles pas encore été assez encouragies. La gloire
militaire ,n'y a pas non plus revêtu de son éclat un
assez grand nombre de personnes.
Mais aujourd'hui que les Erésiliens vont deve~
nir \m péuple navigateur et commerçant ; auj'o ur-
d'hui qu'ils sont dans un moment de fermentatiorí -
active et d'accroissement snccessif, l'aristocratie
va y devenir plus mobile, du moins en partie.
Il est impossible de parler du sol du Brésil; sans
dire que l'or et les diamans viennent clans son se in;
( 128 )

et que to.utes leíi_cultures y prosperent ..La coche...


niUe. y a été portée ~t y a 'réussi.; la canne à sucre
y a été transplantée d<;J ~ad_~re avec un égal sue-
ces; le coton, l'indigo et le tabac' et.mille autres
productions, s'y présent~nt _partout à la surface de
la terre ~ la . m~in du laboureur .· Presque tous le~ .
Íruits de l'Europe sont cultivés·i_la Se:re des Or-
gues pres de Rio-Janeiro. Le chanvre est cultivé ave c
beaucoup de succes , à Rio-Grande; le lin y vient
de même ; on est parvenu à accljmater aux jardins
botaniques de Rio-J arieiro . et d~ Pernambuco une
grande quantité 'de plantes exotiques. ~-
Lés mines d' oi et de diamans ne sont pas l'urJique et
brillant apanage de c~~t empire; il en possede de plus
~éellement ntilcs danis celles de fé~ et de cuivre ,
que son sein renferme en abondance, et que bientôt
des mains habiles pre;ndront soin de lui demander
pour en ·d oter les arFs et le co.m merce. Le fer de
· Sarucaba rivalise avec le meilleui' fer de Suede.
Tel est d'ailleurs f'état de la grande culture au
Brésil, ·qu'il do~t se r~pprocher dans _son ~rgan~sa­
tion provinciale des monarcl~ies fédérativ~s' dont
quelques-unes subsistent enc01;e ~ujourd'hui. Là,
les pouvoirs provi~fiaux et mrinicipaux doivent
avoir une grande extension. '
Ce ne .sera point ir,tcompatible avec la nature de
~OU gouvernenÍ.ent, rr glé par le pacte S?cial, adop-
té et juré, le -~5 maÍ's dernier, par l'empereur don
Pedro. Tout annonéy qu'il se consolidera dans les
c 129 )

forines d'une ino~archie l}éré~itaire ·et représen...


tative' en se-servant des puissans mobiles de la di~·
cussion publique et de la liberté de la presse, pour
étendre et affermir le pouvoir :so~verain.
Déjà ses progres sonfbien ·.p lus ra})iaes , les con•
s9mmations plus variées depuis .q u'il a , dans son
seio, uri ~entre de gouverne~ent ; depuis que les
affiires, l;~mbition et 1'habitude, n'a~tirent plus
au_:delà dés mers une partie de ses plus riches con-
r
sommateurs.
Avec un gouvernementà lu:i, le Brésil aura aussi
un-e mari~e~ à lui. Mille à doÚze cents Íieues de
côtes' la navigation de. l;Am~zone .e t de Rio de la '
Plata, les ·m~iUeurs. ports de l'univers ; des ha:vres
~ombreux et slirs, une immense ~avigation intérie~~
re, de superbe êcheries, une position géograph.ique
au póint le pl s étroit du canal de. i'Ailantique et
qui permet de faire le tCnir- ~u monde en treize
mois ; les níatériaux les plus inaltérables ·pour 1:1
construction des vais.seaux ( le~ bois durerit. cinq
fois · plus qu'en Europe), tels sont les avantages
réunis avec lesquels le Brésil ~e p~ut wanquer de
deveni~ l'état .maritime le plus imposant dé la mer
du Sud; ill'est même déjà: ' ·
, ~ Lé monopole seul anêtait son essor n'autique ,
comme il a~ait gêné le développement de la ma- ·
rine des États-Unis. Le monopole , incompatible
·avec l'émancipation' est anéanti à jamais.
lO
( r3o)
La maria~,hrésilienne s'accrol.t tous les jours;
elle ne construit point de vaisseaux de lign~ ,; on
<:roit avec raÍSOD qne; dans Ces mers, Jes fréga-
.ttes' corvettes et bricks, <;onvienncnt mieux, ·soit
pour l~ croisiere, soit pour la navigation. n suffit
de lire les gaz~ttes de Riq-Janei~o -p our se faire une
' '
idée de .l'ardeur m~ritime qui anime les habitans
dlil. B~--ésil' ·e t surtout cette capitale. A chaque nu-
méro , on trouve le relevé des dons volontaires
faits spontanémént dans cet objet. On crut d' abord,
en se . fondant sur quelques circonstances sembla-
hles, .qu' on pourrait compter, l'un portaút l'autre,
I .
sur une rétri~lil.t.ion de cjnq francs par personn.e ;
mais .cett~ supp\].tation r~streinte fut bien dép_âssée,,
et les dons volontaires pqur la marine s'"éleverent à
plusieurs millions. On peut 'dire que la marine bré-
,silienne a fon4é ., en quelque sorte; esprit pubi.ic
cle cc. pays ; on :n'y rêve , on n'y pens~\ que marine.
Les matelots .anglais, ap.jourd'hui au , service du
Br~$il., sont un sujet d'éplUlátion et de rivalité qui
r
toux:ne. à avantage de l~ 'population mar+time dtl
pays.
Pendant long-temps ~ncore les communiéations
de la ca:pitale avec les pfovinces seront plus .faciles
par me~ que par tenç; d'autant plus, que sur
..dix- neuf ·provlnces ., q~tórze sont baignées par la
me r.
Cette situation rend ~nd.ispensable que la cápi_- -

(
( r3t )
tale du Btésil soit une vill_e maritime, à l'instar des
caphales du Port~gal 7 de Naples, d' Angleterre,
de Danemarck, de Suede , ·de Turquie et de
Russie, jusqu'à ce que l'ouverture des. communi-
cations intérieures vers les grands confluens' per-
_m ette d'élever la nol).vellc Pétersbourg vraisembla-
bl~~ent à ·Paracatou, entre Minas 1 Rio-Janeiro ct
Bahia. .
Or , les différens .ports que présentent ses im-
menses côtes , ceux entre lesquels pourraient
hésiter le choix provisoire d.' une c~pitale, sont ceux
mêmes qui offrent déjà le plus de ressources et
d'avantages. Pirmi çeux:..Ià, Montevideo, Maran-
ham, et le ·Récif, sont trop éloignés. d:u cent:~:e de la
population. Restent :Bahia et Rio-Janeir.o. Le ·voi-
sinag_e d'une atmosphere tempérée, la magni:ficence
Ct Ja sureté de sa rade, donnent à Rio-Janeiro 1 SUT
Bahia;. un avantage incontestable·. . ,
Il ne faut pas· croire que le Brésil soit trop en
ar~ier~, sous le rapport de.l'ind~strie, d~s inventiàns
. et décotivertes utiles ' et de tout ce qui petit lc
mettre au níveau de la civilisatíon européenne.
La pratique de la vaccine esi répandue dans tóutes
le~ provüices. Dans tous les ports , aussitôt qu'un
})âtime~t ·n~g:rler ~rrive, le eapitaine est ·tenu de
fai:re vacciner les ncgres.
Les machines à vapeur sont aussi; en grand nom-
bre . dans . le Brésil , ·tant poi:lr les sti.creiies et le

'J
c 132 )

!lCiage-du•hois, que pour·les moulins à .blé et les


bateaux ~e navigation intérieure! On trouve aussi
un ,grand nombre de moulins à eau . .· . ..
Les charrues et les ~nstrumens aratoiresd'Europe
$Ont tous en usage au Brésil; l'art qu distillateur
y a fait aussi de grands progres. On y com.Pte déj;l
plusieurs al~mbics de distillation continue, ainsi
que différ~ntes espe~es de fourneaux et . cl~au...,
dieres à la Rumfort; tout ce ., qu'il y --~ qe plus
inoderne eJ.?. c~ gen:re. e$t ()Ín:ployé da:p.s lés ·su,...,
çreries.
Des essais sur la fabric~üion des vins ont ~té _faits
à Rio..,.Grande, et ~ l'ile g'ltaparica; iJs donnent
des espérances. A )lio-Gna:p.de l'art du tanneur est
eJCercé en grand, 4 Bq,hia, la p~che de la baleine
est faite aussi en grand. Cette ville ;renferme, en
qutre, ·une grande ver:re:rie, et une1\fah:rique de
cordages et de c~bles~ .
Passons aux Íniititution~ morales. Dans toutes les.
grandes et petites villes, il y a des écoles primJlires
pour apprendre à lire et à écrire aux enfans. ·Ven,-
seignement mutuel est aq~si en usage. D11ns toutes
les grandes villes, Qp. trollv~ des ~aitrcs de langues
latine et g.reçq-qê, d,es profcsseu:rs de philosophie
morale et 'raiio:p.~lle, de J;hétorique ~ de géomét~ie
et de chimie,
· Eio..,..Ja,neiro renferme 'lln tres heau musée, une
Çcole du génie et une écqle de marine impériale;

• . ,· ,,~ __;r-
( I33 )
on·y suit, en olitre , des cours de botaniqu·e et de
minéralogie. Il y a . eles bibliothêques publiques à
:Bahia et à·Rio.:.J imeiro , et ·eles imprimeries dans
tout le :Brésil. :Bahia renferme eles écoles de méde-
. ~ine et de chirurgie. A Pernambuco il y -a un jà~din ·
botanique. Il n'y a de séminaire qu'à ~ahía, Rio-
Janeiro et Pernambuco. Il est faux qHe le :Brésil
fourmille de moines , comme quelques voyageurs
.superficiels l'ont avancé . .A . Minas, par ·exeínple,
il n'y a pas un seulmoin.e. On peut dire, cn géné- .
ral, que les moines n'existent a ' résil qu;à Bahia,
Rio.:Janeiro et Permimbuco. Il n'y a ·de riches\:rue
· ccux de St.-:Beno1t et les Carmes. :
Ce_. que nous ~enons de dire ·des moines s'ap-
plique également aux religieuses. La vie cloit~ée
et la m~nie d'enfermer les femmes sont-passées ele
mode au Brésil.
Il n'en est pas · de mê.ine des institutions de
hienfaisànce. Rio-Janeiro, et surtout :Bahia, ren-
ferment t~n hospice ·eles orphelins et . un hôpital
pour ies pam-res , qu' on appelle , . dans· le pays ,
Gaza de Misericordia. Il y en a dans toutes les
provinces qui reço~ent l<:is m_alades et les enfans
abandonnés. En général; les hospices et les hô-
pitaux sont três richement dotés. De pareilles
institutions honorent plusieurs villes dú second
ordre.
Passons maintenant aux forces de terre et de

,_____ .,- -..;,.--...


J ' .. ~, . :-..--..;.-
I

( r34 )
mer et aúx revenus. L'armée hrésilienne s'éleve à
environ 25 à 3o,ooo hommes de troupes de ligne et
'à plu,s de 5o,ooo hommes .de milice réguliere. Ces _
forces sont ainsi répa~ties : à Rio-Janeiro 6,ooo
hommes de ·troupes de ligne et I5;ooo hommes
de milice.; à Bahia, 3,6oo hommes de troupcs de .
ligne et 2~,ooo hommes de milice; à Rio-Grande,
S,ooo hommes de troupes de ligne. Restent envi-
ron Io,ooo horomes ele troupes de ligne et r5,ooo
ele miHce, qui sont fépartis dans les autres pro-
VInces.
Quant à la matine impériale qui vient d'être
pour ainsi elire improvi~ée, elle présente déjà plus
.d'une trentaine ele bâtirp.ens de guerre.
Examinons mainteriapt le Brésn sous le póint de
• vue elu commerce; colflparoris les rêsultats de la
balance eles exportatiOljS et eles impRrtations entre
l' Angleterre et le Brésil J et le:S résuldts de la même
bala~ c~ relativement a~t- Portugal. N ous lrouvons
dans le compte qu'a PFhlié le ministere. anglais,
sous le titre d' A dministration des Cfilàirés de la
Grartde-J3retagne, que le commerc·e .du Portugal
n'a été elepuis l'én?_ancipatio~du Bi,ésil, pour le
. .terme moyen, que ele . 1 ,824,ooo livres sterling
cl'e~~ortations, tandi: ctu~ les -exportati~ns pou~ le
Bresll se son~ montee~ a 2,278,ooo hvres stcr-
ling, un quart d~ plus que les exportations de la
métropole, et plus de deux fois autant que celles

_,

-- - _., .... • y . f -,y ..... . ..,... _ ....... .. '-'-.- ~ -- - ... ---· : ~


e x35 )
de tout le continent américain; les États-Unis ex-
ceptés.
Le ~ommerce va croissant :·de xS~o à xl;br ;les
,,. importations se sont élevées de g52,ooo livres ste:r-
ling à 1 ,2g4,ooo ~ dans le même espace de temps
les exportations se sont montées de r ,864,ooo livres
steding à 2, 278;ooo livres.
Le revenu - du Brésil s'est .élevé, en , I823, à_
66,743,586 fr.La recette pour 1824 a été plus forte
encare; elle s'est élevée à g4,72 J ,g6o fr . . Il est à
remarquer que 1~ :Brésil est le seul Etat coll:nu qui
n' ait pas une dette publique ; car si son budget
présente une dette de 3o,ooo,ooo ele creuzades, il
présente' en même temps' un crédit ele 33,ooo,ooo.
Le :Brésil a d'ailleurs un avantage immense, qui
peut, ou le elispenser de faire des emprunts, ou )ui
faciliter les moyens de les rembourser; nous vou-
lons parler de la vaste étendne. ele ses domaines na-
tionaux, dont il peut disposer, sa:ns dépouiller ni
le clergé ni les ordres religieux.
En terres incultes seulement , le :Brésil possedc
de quoi nourrir vingt fois plus el'habitans qu'il n'en
contient aujourd'hui, c'est-à-dire, qu'il pourra ren....,.
fermer et nourrir un jour cent millions d'habitans.
Toutes ces terres n'attendent que des colons; et
jusqu'à ce que la totalité soit aliénée, le prix dcs
çoncessions scra un revenu annuel pour l'État.
Lorsqu'elles seront concédées en entier, les fina~-
( I36 )
ces n'auront plus' hesoin de ressources extraordi,
na1res.
Nous termineronsce chapitre par deux tahleaux
touchant les revenus ~t les recettes du Brésil : l'un '
.présente les revenus, les dettes actives et passives, '
distrihués par chaque province; l'autre tableau pré•
sente l'augmentation progressive du revenu puhliç
au Brésil, à compter de 1808 jusqu'en 1820 . .-

',\
\
TABLEAU

Comp'aratif des Bepenus et dú Dettes ttctiPes et passiPet


de chaque Propince du Brésil. .

, .,
DETTl!S
NOIJIS -
REVENUS. A
des Provinces.
actives. passives.

-Reis.
.. .'
Reis. Reis.
Minas .••• 265,55o; I I I :1,6g51q7T ,3.16 . 76,5?9·l/63
Go:r.az ...• ;. 3.o,8I6,~g4 I53.,I86,ol8 158,813.,33.1
Matogrosse. 36,726, 92 28, 16?,700 ?85 43.~,331
Ste.~Catherine. 23,665,436 4i!,g8>,g6!) 54,I091í82
. Rio grande de Sud. 3.23,>3o,5~o 148,687,893 !107,636,4?6
St.-l'aulo . . . . 2!)4,lp 7,8 .5 82,62o,fuS I8q 1311 1gl3
Espiritu Santp. 2 7 >41~ -~8q
Campos ...•. . 34,835, 71
Bahia. . . · .. . . r ,4>o, 1oo,3.85 :l3q;5.6r ,6oo 4Iq,:u7,949
·Pernambuco. .. I 1 J3o,66J,355 33 I ,673,356 5?,681,327
Rio g1·andc de Not•le 6o,673.<\o7 II ,2og 18.32 48,428,636
Alagoas.,. .•... .. g6,85>,887
Paraiba du ·N ord .. I5?,6J5,?3I 58,974,385 8 1o25,qg8
Piáuhy . . .. .•. J65,g5!),8og ,
Ceara . .• . . . . . 138,?84,466 IIg,3.6g,333 2,557,g35
Maranham ... , •. 1,22 I ,87o, 993 187,!)41 1729 ,5o,(l§.8, j5o

..
P"ra. ·. : .•.•. 3.o7,3.64;g26 2o5,5II,842
Rio Janeiro •• 3,8o'l,43.4,>o4 I2 1o55,58>,456

g,538,g74 1oo6 4,4o2 ,q 58,5g8 J4,w4,o53.,3.47


( I38 )

T-ABLEAU

D~r.1ugmen(ation pro13ressi~e·du Rer>enupublz'c_au-.Brc'sil,


à compter de 18o8 jusqu'en 1820.

1\ECETTES
ÁNNJÍES.

En Reis. E,n y,:ancs.

(
fr. c.
18o8;
18og. ..
.
. 2,297,904
2,94?•901
099
078
14,561,goo
1·8,424,581. ,s
61
1810. 5,282,894 915 53;oi8,og5. 21
1811. 5,72o,488 256 · 25,255,o5J ·
1812. . 5,268,615 22'7 20,428,852,
47
66
1815. 4,920,202 53g Eh
'1814: . 4,587;15~ ,so
5o,751,26'
27,4~5,5~4 87 '·

1815. . . 4,950,92~ 727 5o,818,267 o~


1816. 5,971,400; 789 37~521,254 ff5
1817· ,, 1.87,678; 595 44,92 2,991 20
181K ,,267,149; 794 49;7,g4,486 21
1819.· . 8,,16,46o 555 ,, 54,477,877 21
1820. ··.. g,771,171 875 6x,o6g,824 21
'.
•.
'
I .
'
TABLE DES .MATIERES~

Pageo

JNTRODUCTION. •••••••••••••••••••••••• V

Cn~P. ler, Descausesquiontdmenél'éman-


dpation et l' indépendance du
Brésil. . • • • . • • • . • • • • • • • • • I

CHAP. -li. De la conduite politique de don


Pedro , seu! conservateur du. ·
régime monarchique ~ans le
nouyel hémisphere. . • . . • • • • 16
ÇnAP. III. De. la ReYolution impériale. • • 44
CHAP. IV. De la séparation sous le rapport
politique. . .. • • • • • • • • •. •. • • • • . 75
'CRA.P. V. Utilitédel'indépendanceduBré~
sil pour le Portugal.. • • • • • • • 85
CHA.P •. VI. Rapportsdu.BrésilavecfEurope. ~o
CRAP. VII. Des Rapports politiques du Bré-
. ,çil ayec l' Espagne. . • • • • • • • • ~di
CnA.P• VIII. ExAMEN DE CETTE DERNI:ERE QUEs-
TION: Est-il possible de
rétablir
le Bnésil sous la dépMdance
du Portugal? ... , ......... h7
CnAP. IX. État actuel du Brésil. •..• , .•• 125

FfN DE LA TADLE DES lllATii>RES.


-,

'··

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