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L’HUMANITE

INTRODUCTION
L’humanité est représentée par l’homme. L’homme universel,
l’Adam, créé par Dieu le sixième jour de la Genèse, nous allons l’observer, l’étudier, à
travers son apparition sur Terre, son évolution, ses différents aspects qui sont d’une
complexité remarquable. Je vais essayer de m’en tenir à un plan structuré pour ne pas
partir dans toutes les directions, et ne pas m’éparpiller et me noyer dans cette com-
plexité.

En premier lieu, la logique me demande de commencer par la Genèse, à partir de


laquelle l’homme créé en ombre de Dieu, à l’image de Dieu, va devenir le maitre de la
Terre. Cet homme, cet Adam peut être considéré dans son humanité. Il va proliférer
selon des races, sociologiquement il va constituer des civilisations.

L’homme est constitué à la fois de matière et d’immatérialité. Il faudra appréhender


sans entrer dans des détails de spécialistes les différents systèmes qui constituent
l’homme, systèmes tant rationalistes qu’ésotériques, pour être le plus prêt de la
réalité. 1

Puis il faudra bien envisager l’homme du point de vue de la philosophie du genre


humain comme de son avenir à l’échelle de l’univers

LA GENESE
Les origines de l’homme ont de toujours été source de spéculations
scientifiques. Charles Darwin a instauré un dogme « scientifico-académique » selon
lequel l’homme descend du singe. La mise en évidence de chainons manquants
dénonce cette théorie, et Fabre d’Olivet est catégorique en démontrant que l’homme
se distingue de l’animal et n’a avec lui aucun lien de causes à effets attestant une
descendance quelconque entre les mondes animal et hominal tel qu’il identifie le
règne de l’homme.

Il faut donc se tourner vers les Tables de la Loi, rédigées par Moise, sur
les commandements de Dieu, pour comprendre l’apparition de l’homme et son
développement. C’est ce que l’on appelle la Genèse et qui est le fondement de la
Cabale mère, origine de la Connaissance.

Les Tables de la Loi

1
Fabre d’Olivet, grâce à ‘’La Langue Hébraïque Reconstituée’’ a
donc traduit les dix premiers chapitres du Sepher de Moise, en tenant compte des
sens Parlant, Signifiant et Cachant de la langue hébraïque originelle et conformes à la
langue hiéroglyphique égyptienne dont l’hébreu a dérivé. Ces dix premiers chapitres,
ayant servi à la narration de la Genèse Biblique, mettent en évidence la Connaissance
primordiale, et pour ce qui nous concerne la description de l’homme et de sa place
dans le Grand Dessein Universel décrypté dans les Tables de la Loi que représente le
Sepher de Moise, autrement dit la Bible en version décryptée dans son sens originel.

La Création
L’homme est créé au sixième jour, à la sixième manifestation
phénomènique. Avant lui, le règne végétal, le règne minéral et le règne animal sont
créés. L’homme devient le maitre de cette création. Il a le pouvoir de nommer les
espèces et donc le pouvoir de les faire évoluer de ‘’principes’’ en ‘’manifestations.

L’homme détient aussi le pouvoir de générer une descendance et


ainsi de poursuivre à la fois son implantation sur terre et sa domination sur les autres
espèces.

L’Homme Universel
Dieu a créé en ombre sienne l’ipséité d’Adam, homme universel,
mâle et femelle, nature androgyne. 2

Le Sepher de Moise nous informe, dans son développement, des


plus grands secrets de la Création et de sa Magie Divine. L’éternité et l’immortalité ne
sont rien d’autre que des prises de conscience. Nous retrouvons là, un des plus
puissants arcanes majeurs contenus dans les tablettes de Thot : « L’homme ne
devient que ce qu’il pense ». Ce qui, traduit sur le plan de la pratique, nous révèle
que notre ontologie procède par identification spirituelle.

Adam n’est donc pas un élément du règne animal, mais une


ipséité d’un règne distinct que l’on peut appeler le règne hominal. Dans Adam il faut
entendre l’universel, le genre humain, le règne hominal, l’homme collectif, l’homme
formé abstractivement par l’assemblage de tous les hommes.

L’Humanité
Adam est un pluriel, et il est un pluriel sur deux plans : l’un, celui
de l’androgynat, et l’autre, en tant que principe d’humanité, dont l’homme individuel
n’est qu’une partie. Nous devons donc entendre pr l’être humain, terrestre, une
parcelle de l’archétype de l’humanité adamique, une cellule de ce corps.

Il est dit dans le verset 26 du Sepher de Moise : « Ils régneront,


eux, Adam, l’homme universel, dans les poissons des mers, et dans les oiseaux des
cieux, et dans le genre quadrupède, et dans toute mouvante vie se mouvant sur

2
terre. » Il est remarquable de noter qu’Adam l’androgyne, archétype de l’humanité ne
règne pas sur les puissances mais dans les puissances, et il convient d’entendre par
là qu’Adam est bien la Conscience Monadique qui viendra animer par sa Conscience
elle-même (sa forme) chaque élément manifesté dans la sphère temporelle.

L’Homme Dieu
Adam ayant opéré et manifesté sa volonté au gré du Créateur,
reçut de lui le nom auguste d’homme-Dieu, de la terre universelle, parce qu’il devait
sortir de lui une postérité de Dieu et non une postérité charnelle. Par le moyen des
trois opérations que l’homme fit au gré du Créateur, il reçut pour lors des lois,
préceptes et commandements.

- A la première il reçut la loi


- A la seconde, le précepte
- A la troisième, le commandement
- Ces trois genres d’opérations, que le premier homme fit au gré du Créateur,
nous font bien voir clairement, non seulement les bornes de puissance, de vertu et de
force qu'il avait données à Adam, mais encore celles dans lesquelles il avait borné les
premiers esprits créés avant lui.
- Adam, mâle et femelle, androgyne, a été créé en ombre-sienne de
Adam est androgyne, à la fois mâle et femelle que ‘’L’évolution précède toujours
l’involution’’. La lmanifestation des grands caractères de cet Adam sera appelée sa
3
Postérité.
Volonté et Libre-Arbitre
Le Créateur ayant vu sa créature satisfaite de la vertu, force et
puissance, qui étaient innées en lui, desquelles il pourrait user à sa volonté, se retira
de lui, pour le laisser agir selon son libre-arbitre, qu’il avait donné à sa créature par
l’émancipation qu’il avait faite d’elle, en la détachant d’une manière distincte de son
Immensité divine. Et cela pour qu’elle eut la faculté de la jouissance particulière
personnelle, présente et future, pour une éternité impassive, pourvu toutefois que la
créature agit selon la volonté du Créateur.
Cette créature, que nous nommons Adam, étant livrée à son libre-
arbitre, sous la réflexion de sa grande puissance manifestée par la grande force et
vertu de ses trois premières opérations, envisagea son travail presque aussi grand que
celui de Créateur.
Et la Femme
Adam est androgyne, à la fois mâle et femelle. Lorsqu’Adam
intervient dans sa fonction divine, issue de sa forme glorieuse, celle qui consiste à
nommer, donc à faire passer en acte (manifester) un Principe en puissance, sur le
plan d’une densité plus forte, il manifeste alors cette puissance nouvelle qui est
Hewah (Eve, la femme). Aishah, la faculté volitive d’Adam, a une capacité
d’enfantement intellectuel, et elle conserve cette capacité lorsqu’elle change d’état
(octave inférieure) pour devenir Hewah. Mais ses enfantements seront directement

3
liés à la nature élémentaire, la plus basse dans l’involution, et donc la plus proche de
l’animalité.
On pourrait se demander d’où viennent le premier homme et la première femme de
chair et de sang ? Cette question est résolue par le fait que tout ce qui est matériel,
physique et mortel, dépend des cycles qui manifestent les puissances qui ont été
créées antérieurement à Adam. Adam étant né le sixième jour de l’élément spiritueux,
est celui qui a pouvoir sur ces éléments antérieurement créés. Ce qui veut dire que la
Nature dans le jeu de ses propres puissances, contient les germes de toutes créations
organiques, et que ces créations organiques se manifestent lorsque les conditions
idoines sont réunies, sous l’impulsion fécondante spirituelle.

LES SYSTEMES DU CORPS HUMAINS


Le Système Respiratoire
Le système respiratoire regroupe les organes qui
permettent d'inspirer et d'expirer l'air dans le but de fournir de l'oxygène (O2) à
l'organisme et d'éliminer le dioxyde de carbone (CO2). Lorsqu’un individu inspire
l’air, celui-ci passe par la trachée, entre dans les bronches, passe par les bronchioles
et se rend jusqu’aux alvéoles. C’est là que les échanges gazeux se font. Les alvéoles
relient le système respiratoire aux capillaires du système circulatoire. Le sang qui
circule dans les capillaires libère du CO2 et extrait l’O2 de l’air.
Les Organes du Système
4
• Les alvéoles:Minuscules poches d’air d’environ 0,2 mm de diamètre. Les
poumons d’un être humain comportent environ 300 millions d’alvéoles. Les
échanges gazeux se font dans les alvéoles.

Le système respiratoire est composé d'une série


d'éléments qui travaillent ensemble.

• Le nez et la bouche: L'entrée de l'air dans le système respiratoire se situe


dans le nez et la bouche.
• Le pharynx: Il se situe entre le nez et la trachée. Il travaille étroitement avec
le larynx pour contrôler l'ouverture et la fermeture du tube respiratoire, la
trachée, et du tube digestif, l'œsophage.
• Le larynx:Il ferme l'accès aux voies respiratoires pendant que la nourriture
est envoyée dans le tube digestif.
• La trachée: La trachée conduit l’air jusqu’aux bronches. Elle a environ 20
mm de diamètre.
• Les bronches: Ce sont deux tubes d’environ 12 mm de diamètre qui se
dirigent vers la gauche et vers la droite et qui conduisent l’air aux bronchioles
dans chaque poumon.
• Les bronchioles: Tubes ramifiés mesurant environ 0,5 mm de diamètre. Les
bronchioles conduisent l’air aux alvéoles.
• Les poumons: Organes thoraciques qui contiennent les bronches, les
bronchioles et les alvéoles. L’être humain a deux poumons, un gauche et un

4
muscle cause le "hoquet". La respiration est un phénomène automatique, présent
même lorsque l'on est inconscient. Au repos, le rythme respiratoire d'un adulte
moyen est de 16 respirations par minute.

• L'air que l'on inspire descend dans la trachée, jusqu'aux


bronches, qui se séparent pour pénétrer dans le poumon droit ou gauche. Les
bronches elles-mêmes se ramifient en plusieurs bronchioles, qui se divisent en
une demi douzaine de canaux alvéolaires, qui sont d'étroits conduits s'ouvrant
dans les sacs alvéolaires. Cette structure ramifiée unissant la trachée, les
bronches, les bronchioles, les canaux alvéolaires et les sacs alvéolaires est
souvent appelée "arbre bronchique", du fait de sa ressemblance aux branches
et aux feuilles d'un arbre. Une dizaine d'alvéoles sont réunies en grappes sur
chaque sac alvéolaire. C'est là, dans les milliers de minuscules alvéoles
présentes dans les poumons, que l'oxygène apporté par l' inspiration traverse
la membrane de la paroi alvéolaire pour être transféré vers les globules droit.
Les poumons reposent sur le diaphragme et sont protégés par la cage
thoracique.
• Le diaphragme: Organe formé de tissus musculaire. Lorsque le diaphragme
se contracte, il provoque l’inspiration de l’air dans le système respiratoire.
Lorsqu’il se relâche, l’air est expiré du système respiratoire.
• Les Poumons

Les poumons, ces organes spongieux, volumineux et côniques,


jouent un rôle vital puisqu'ils sont chargés de l'apport en oxygène dans l'organisme.
L'oxygène sert de comburant au corps humain, c'est-à-dire qu'il permet de brûler son
carburant: les nutriments contenus dans l'alimentation. Le corps produit ainsi 5
l'énergie nécessaire pour combler ses besoins.

Le poumon droit a trois lobes, tandis que le gauche en a seulement


deux, mais dispose d'un emplacement pour le cœur. Les poumons adultes peuvent contenir
trois litres d'air environ. Ce sont les muscles thoraciques qui sont chargés du travail de la
respiration, puisque les poumons n'ont pas de muscles eux-mêmes. La plus grande partie de
ce travail est assurée par un muscle fin situé à la base des poumons: le diaphragme. La
contraction involontaire et incontrôlée de ce diaphragme permet aux globules
rouges contenus dans les capillaires (petits vaisseaux sanguins situés sur les alvéoles)
de libérer de l’oxygène. Inversement, les déchets gazeux passent des globules rouges à
l'air des alvéoles, afin d'être éliminés par l'expiration. Les alvéoles sont
particulièrement sensibles aux infections, car elles constituent un environnement
humide et chaud, propice à la prolifération des virus et des bactéries. Ceci explique
pourquoi un simple refroidissement peut évoluer vers la pneumonie ou
la pneumopathie*, qui se caractérisent par une infection et une inflammation parfois
graves, pouvant compromettre la ventilation des poumons. Or, le corps a besoin d'un
apport constant en oxygène frais et en nutriments pour se maintenir en vie.

• Le Système Circulatoire
• Les Vaisseaux Sanguins
• Les vaisseaux sanguins sont de petits tubes chargés du
transport du sang dans tout le corps. Le système circulatoire humain est
composé de trois types de vaisseaux sanguins: les artères, les veines et les
capillaires. Une artère est un vaisseau sanguin très large qui transporte le sang
oxygéné du cœur vers les tissus et les cellules de l'organisme. Les veines sont

5
des vaisseaux chargés de transporter le sang pauvre en oxygène et les déchets
du métabolisme vers le cœur. Les capillaires sont microscopiques. Ils relient
les artères et les veines aux tissus de l'organisme et sont le siège de l'échange
entre l'oxygène et le dioxyde de carbone. Les artères transportent le sang sous
haute pression et ont, par conséquent, des parois beaucoup plus élastiques que
les veines. Le sang bat dans les artères, son débit augmente et diminue
constamment au rythme des battements cardiaques. Le cœur envoie un
nouveau volume de sang dans les artères 70 fois par minute. C'est ce qui
provoque les pulsations que vous pouvez sentir avec le bout des doigts au
niveau des artères du cou et du poignet.
• Le Sang

Le sang apporte de l'oxygène et transporte des nutriments, des déchets


et des messages hormonaux à chacune des soixante milliards de cellules de
l'organisme. Le sang est constitué de quatre éléments principaux: les globules rouges,
les globules blancs, les plaquettes et le plasma. Les globules rouges transportent 99%
des besoins en oxygène de l'organisme. Le plasma transporte le 1% restant. Les
globules rouges sont les cellules les plus abondantes de l'organisme, constituant
environ 45% du sang. Leur fonction principale est de transporter l'oxygène aux tissus
et d'éliminer le dioxyde de carbone. Les globules blancs font partie du système
immunitaire. Leur fonction principale est d'assurer la défense de l'organisme contre
les agents infectieux. Les plaquettes sont de minuscules cellules spécialisées activées
lorsque la coagulation du sang ou la réparation d'un vaisseau est nécessaire.
Lorsqu'un vaisseau sanguin est coupé, les plaquettes affluent vers la lésion. Elles
gonflent et changent de formes ; elles deviennent irrégulières et collantes. Les
plaquettes obstruent la coupure et créent un bouchon. Si la coupure est trop grande 6
pour être obstruée par les plaquettes, elles envoient des signaux permettant d'initier
la coagulation en libérant une hormone, la sérotonine. La sérotonine stimule la
contraction des vaisseaux sanguins, afin de réduire le flux du sang. La coagulation
consiste principalement en la transformation d'une protéine plasmatique, le
fibrinogène, en une protéine fibrillaire insoluble*, appelée fibrine. Les chaînes de
fibrine enserrent les globules dans un réseau puis se contractent, expulsant un liquide
jaunâtre appelé sérum et formant un caillot solide. La coagulation est destinée à
stopper l'hémorragie et à créer un squelette à partir duquel le nouveau tissu pourra
être fabriqué.

Dans tout le corps, des milliers de kilomètres de vaisseaux sanguins vascularisent


chaque organe et tissu vivants. Le fonctionnement de l'organisme dépend
entièrement de l'apport en sang et ses éléments.

Le Cœur

Le cœur est un organe musculaire creux, situé entre


les poumons au milieu du thorax. C'est le moteur du système cardio-vasculaire, dont
le rôle est de pomper le sang qu'il fait circuler dans tous les tissus de l'organisme.
Pour répondre aux besoins énergétiques du corps, le cœur doit battre plus de 100
000 fois par jour. Comme tous les autres tissus de l'organisme, le cœur a besoin
d'oxygène et de nutriments pour fonctionner correctement. Le sang qui circule dans
le cœur va trop vite pour être absorbé par le cœur, si bien qu'il dispose de son propre
système de vaisseaux, appelé artères coronaires, qui le vascularisent et lui apportent
l'oxygène et les nutriments. Le cœur comprend quatre cavités. Les cavités supérieures

6
sont appelées oreillettes. Elles sont petites, car elles ne peuvent contenir que 3
cuillères et 1/2 à soupe de sang à la fois. Les cavités inférieures sont appelées
ventricules. Ils sont un peu plus gros que les oreillettes et peuvent contenir environ
un quart de tasse de sang à la fois. Il est surprenant de voir que ces petites cavités
sont chargées de pomper près de 8000 litres de sang par jour.

Dans la partie supérieure de l'oreillette droite se trouve un petit morceau de tissu


cardiaque spécial appelé nœud sino-auriculaire (ou nœud sinusal de Keith et Flack).
Cette région commande tout le mécanisme de régulation des battements cardiaques.
C'est le stimulateur cardiaque naturel, chargé de déclencher et établir les battements
cardiaques. Cette région minuscule commande à votre cœur d'accélérer lorsque vous
courez ou que vous faites de l'exercice, et de ralentir lorsque vous êtes assis ou que
vous dormez.

Chaque moitié du cœur fonctionne séparément de l'autre. Le côté droit du cœur est
chargé de renvoyer le sang pauvre en oxygène aux poumons pour éliminer le dioxyde
de carbone et ré oxygéner le sang. L'oreillette droite reçoit le sang veineux apporté
par la veine cave. Le sang est ensuite propulsé dans le ventricule droit. Lorsque ce
dernier se contracte le sang pénètre dans l'artère pulmonaire et dans les poumons.
L'artère pulmonaire est la seule artère de l'organisme à transporter du sang pauvre en
oxygène.

Le côté gauche du cœur reçoit le sang fraîchement oxygéné provenant des poumons
et le redistribue dans tout le corps. Le sang oxygéné pénètre dans l'oreillette gauche
par les quatre veines pulmonaires. Ce sont les seules veines de l'organisme à 7
transporter du sang oxygéné. Le sang est ensuite propulsé dans le ventricule gauche
et doit traverser la valve mitrale, qui contrôle le débit. Les parois du ventricule gauche
sont trois fois plus grosses que les parois du ventricule droit. L'épaisseur du muscle
cardiaque donne au ventricule gauche la puissance nécessaire pour pomper le sang
dans tout le corps, de la tête aux pieds. Lorsque votre cœur se contracte, le sang est
propulsé à travers la valve aortique dans l'aorte, qui est le plus gros vaisseau de
l'organisme, et distribué dans le corps par l'intermédiaire d'un réseau d'artères.

Le Système Circulatoire

Pour que le corps puisse se maintenir en vie, chacune de


ses cellules doit pouvoir bénéficier d'un apport continu de nutriments et d'oxygène.
De plus, le dioxyde de carbone et les autres déchets du métabolisme* produits par les
cellules doivent être collectés et éliminés. Cette tâche revient au système circulatoire,
un réseau de vaisseaux qui permet au cœur de faire circuler le sang dans tout
l'organisme.

Les vaisseaux sanguins sont de petits tubes chargés du


transport du sang dans tout le corps. Le système circulatoire humain est composé de
trois types de vaisseaux sanguins: les artères, les veines et les capillaires. Une artère
est un vaisseau sanguin très large qui transporte le sang oxygéné du cœur vers les
tissus et les cellules de l'organisme. Les veines sont des vaisseaux chargés de
transporter le sang pauvre en oxygène et les déchets du métabolisme vers le cœur. Les
capillaires sont microscopiques. Ils relient les artères et les veines aux tissus de
l'organisme et sont le siège de l'échange entre l'oxygène et le dioxyde de carbone. Les
7
artères transportent le sang sous haute pression et ont, par conséquent, des parois
beaucoup plus élastiques que les veines. Le sang bat dans les artères, son débit
augmente et diminue constamment au rythme des battements cardiaques. Le cœur
envoie un nouveau volume de sang dans les artères 70 fois par minute. C'est ce qui
provoque les pulsations que vous pouvez sentir avec le bout des doigts au niveau des
artères du cou et du poignet.

Le Système Digestif
Les aliments que nous mangeons doivent être transformés et
décomposés en lipides*, glucides*, protéines, sels minéraux, oligo-éléments et autres
substances utilisables par l'organisme. L'appareil digestif est responsable de la
transformation de ces nutriments et de leur passage dans la circulation sanguine de
façon à ce qu'ils puissent être employés par notre corps. Ces substances constituent
les matières premières pour la fabrication, la réparation et le contrôle des différents
systèmes de l'organisme.

La digestion mécanique et chimique débutent toutes deux dans la


bouche. Les dents et la langue, à l'aide de la salive sécrétée par les glandes salivaires,
entament le processus de dégradation de la nourriture. La salive joue plusieurs rôles:
Elle contient des enzymes qui débutent la digestion, des agents qui empêchent la
prolifération de bactéries et elle lubrifie les aliments pour faciliter la déglutition. La
nourriture mastiquée descend jusque dans l'estomac grâce aux mouvements
péristaltiques (contractions rythmées) de l'œsophage. L'épiglotte, située dans le
pharynx (la "gorge"), prend bien soin de boucher la trachée pour empêcher la
8
nourriture de se retrouver dans les bronches et éviter l'étouffement.

Dans l'estomac, qui peut contenir 2 litres de nourriture, les


aliments sont mélangés à de l'acide chlorhydrique (HCl) qui poursuit le processus de
dégradation. Les glandes gastriques sécrètent des enzymes, comme la pepsine, le
chymosine et la lipase, qui aident à digérer.

Lorsque la nourriture est bien digérée, le liquide résultant, appelé


chyme acide, franchit un sphincter* appelé pylore pour entrer dans l'intestin grêle,
qui mesure plus de 6 mètres. Il s'étend du duodénum (où il reçoit le chyme provenant
de l'estomac), à l'orifice iléo-caecal (où il fait passer les produits semi-liquides de la
digestion vers le gros intestin). Il est le principal organe de digestion et assure la plus
grande partie de l'absorption des nutriments dans la circulation sanguine. Le chyme
transitera ensuite vers le gros intestin. La digestion des aliments se poursuit grâce à
la bile et autres sucs digestifs sécrétés dans le duodénum par la vésicule biliaire,
le pancréas, et le foie. Les aliments en cours de digestion passent par les millions de
villosités (projections) présentes sur la paroi interne des intestins, qui absorbent les
protéines et les glucides dans leurs capillaires et les transmettent au foie pour qu'il
assure leur transformation métabolique. Dans ce long tube intestinal aux multiples
circonvolutions, les nutriments du chyme se déplacent grâce aux ondes péristaltiques
de la paroi intestinale et sont absorbés, laissant les résidus inutilisables. Toute
matière alimentaire non absorbée est stockée dans le gros intestin, jusqu'à ce que
l'organisme ait partiellement réabsorbé l'eau qu'elle contient. Les déchets solides
restant, appelés fèces, sont propulsés vers le rectum, compactés et, lors de la
défécation, expulsés par le canal anal et l'anus.

8
Lorsque l'estomac est vide, ou presque vide, sa muqueuse se
contracte en formant des replis, ou plissements gastriques. On pense souvent que les
contractions de l'estomac en l'absence de nourriture sont la cause de la sensation de
faim, alors que celle-ci est due principalement à la diminution du taux de sucre dans
le sang (glycémie). Toutefois, les contractions de l'estomac peuvent souvent être
ressenties, et, lorsqu'elles s'ajoutent aux "gargouillements" que l'on entend lorsque la
nourriture passe dans l'intestin, elles servent à nous rappeler que nous avons faim.

Le Système Endocrinien
Le corps humain est un système complexe d'organes
en relation les uns avec les autres, qui doivent travailler ensemble pour fonctionner
correctement. Les glandes endocrines contrôlent les fonctions de l'organisme par
l'intermédiaire de substances chimiques appelées hormones, qui sont libérées dans la
circulation générale. Les hormones agissent comme des messagers chimiques qui
voyagent dans tout le corps grâce à la circulation sanguine.

Les différents organes du système endocrinien sont situés dans des régions parfois
très éloignées de l'organisme. L'hypophyse est dans la boîte crânienne, la thyroïde
dans le cou, le thymus dans le thorax, les glandes surrénales et le pancréas dans
l'abdomen, les ovaires et les testicules dans le bassin. Les hormones qu'elles libèrent
régulent les pulsions et émotions fondamentales, comme les pulsions sexuelles, la
violence, la colère, la peur, la joie et le chagrin. Elles stimulent également la
croissance et l'identité sexuelle, contrôlent la température corporelle, contribuent à la
réparation des tissus lésés et aident à générer de l'énergie.
9
L'insuline est une hormone produite par le pancréas. Le pancréas est situé juste
derrière la partie inférieure de l'estomac. C'est le deuxième organe le plus volumineux
de l'organisme. Il produit également l'hormone glucagon. L'insuline et le glucagon
fonctionnent en complémentarité. Si la sécrétion d'insuline est trop faible, le taux de
glucose augmente: c'est ce qui ce passe dans le diabète, pathologie la plus courante du
système endocrinien.

L'hypophyse (ou glande pituitaire) est une petite glande


de la taille d'un petit pois, située à la base du cerveau, dans une petite dépression de
l'os sphénoïde appelée la selle turcique. Elle est sous le contrôle de l'hypothalamus à
laquelle elle est attachée. On la qualifie parfois de glande maîtresse, car elle sert
d'agent de liaison entre le système nerveux et le système endocrinien. L'hypophyse
produit plusieurs hormones qui servent à réguler les autres glandes endocrines, mais
aussi la rétention d'eau par les reins. Une autre déclenche les contractions de l'utérus
pendant l'accouchement, et stimule ensuite la production de lait par les glandes
mammaires. L'une des hormones pituitaires les plus importantes est l'hormone de
croissance (GH). Elle contrôle la croissance en régulant la quantité de nutriments
absorbée par les cellules. L'hormone de croissance agit également en conjonction
avec l'insuline pour réguler la glycémie.

La glande thyroïde est située au niveau du cou et


sécrète deux hormones. Une de ces hormones intervient sur la vitesse de croissance et
le métabolisme de toutes les cellules du corps. Elle contrôle les réflexes et régule la
vitesse à laquelle le corps produit de l'énergie et transforme la nourriture en éléments

9
entrant dans la composition de l'organisme. L'autre hormone diminue la quantité de
calcium présente dans le sang (calcémie). Les petites glandes parathyroïdes,
situées à l'arrière de la glande thyroïde, produisent une hormone qui travaille
étroitement avec les hormones thyroïdiennes pour maintenir l'homéostasie de la
calcémie et éviter un excès de calcium (appelé hypercalcémie) dans le sang.

Surplombant le cœur, le thymus est un organe bilobé comportant essentiellement


des lymphocytes en cours de maturation. La lymphe transporte les globules blancs
vers cet organe, où ils prolifèrent et se transforment en cellules spéciales chargées de
lutter contre l'infection. Bien que la fonction du thymus ne soit pas encore
complètement comprise, on sait qu'il constitue un élément important dans le
développement de l'immunité à l'égard de diverses maladies.

Les glandes surrénales coiffent la partie supérieure de chaque rein. Elles


sécrètent des hormones qui aident à lutter contre le stress. De grandes quantités
d'hormones sont libérées chaque fois que le système nerveux sympathique réagit à
des émotions intenses, telles que la peur ou la colère. Ce phénomène peut déclencher
une réaction de "lutte ou de fuite" au cours de laquelle la pression artérielle
augmente, les pupilles se dilatent et le sang est dirigé en priorité vers les organes
vitaux et les muscles squelettiques. Le cœur est également stimulé. Les glandes
surrénales produisent aussi des hormones intervenant dans la production d'énergie,
qui régulent le métabolisme des glucides, lipides et protéines. Une autre hormone
contrôle l'équilibre hydro électrolytique. Cet équilibre est primordial pour la
contractilité des muscles.

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Le Système Squelettique
Le squelette est la charpente de l'anatomie
humaine qui soutient le corps et protège les organes internes. À la naissance,
les bébés ont environ 350 os, dont une grande partie va se souder au cours de la
croissance. À l'âge adulte, le squelette est composé de 206 os, dont la moitié environ
se trouve dans les pieds et les mains. Le crâne est formé de 26 os. La plupart des os
sont liés à d'autres par des articulations flexibles, qui donnent à cette charpente un
grand degré de flexibilité. Chez le nouveau-né, ces os sont reliés par des membranes
cartilagineuses flexibles appelées fontanelles. Ces membranes s'ossifient avec le
temps, formant les sutures rigides visibles sur le crâne à l'âge adulte. Les os du crâne
forment une boîte résistante qui protège le cerveau et les organes sensoriels. Le crâne
est relié à la colonne vertébrale, composée de trente-trois petits os de forme
irrégulière appelés vertèbres. La colonne vertébrale constitue le support central du
corps, sur lequel viennent s'attacher directement ou indirectement les autres os.

Chaque os a une forme et une taille


particulières, selon le travail qu'il fournit et son emplacement dans le corps. La cage
thoracique est formée de douze paires de côtes maintenues en place par la colonne
vertébrale. Cette cage osseuse protège les principaux organes de l'organisme. Elle
forme une structure à la fois résistante et souple, autorisant les mouvements
respiratoires. Le bras et les os sur lesquels il s'articule constituent l'une des
constructions mécaniques les plus élaborées que l'on connaisse. Les articulations
complexes de la main, du coude et de l'épaule permettent un vaste éventail de
mouvements, depuis les grands gestes de balayage jusqu'aux manipulations les plus

10
fines. Avec les 26 os de la main, le bras est parfaitement adapté pour exécuter des
mouvements et des manipulations aussi divers que ceux du chirurgien, du menuisier
ou du joueur de hockey.

Le bassin est la structure osseuse situé à la


base de la colonne vertébrale. Il relie les jambes au reste du squelette. Les os des
jambes sont les supports du corps. Ils sont beaucoup plus gros et résistants que les os
des bras. L'os de la cuisse, appelé fémur, est l'os le plus gros de l'organisme. Comme
la main, le pied est formé de 26 os constituant l'articulation de la cheville, le corps du
pied, et les orteils. Ces os se caractérisent par des articulations spécialisées qui
confèrent au pied une grande flexibilité, tout en conservant la capacité de supporter
les sollicitations mécaniques énormes auxquelles ils sont soumis. On estime à 70
kilogrammes au centimètre carré la pression qui s'exerce sur la plante du pied à
chaque pas que fait un être humain adulte. En position debout, le poids se répartit
uniformément sur tout le pied. La moitié du poids est supportée par le calcanéum, os
du talon, tandis que l'autre moitié est supportée par les os du tarse, qui forment
l'arche plantaire. Les pieds sont donc bien adaptés à la tâche qu'ils doivent remplir.

Le squelette de l'homme et celui de la femme


sont très semblables, les seules exceptions notables étant que les os des femmes sont
généralement plus fins et plus légers que les os des hommes, et que le bassin des
femmes est moins haut et plus large que celui des hommes. Cette dernière différence
rend plus aisé l'accouchement.
11
Le Système Musculaire
La contraction des muscles permet
d'accomplir les mouvements permettant, par exemple, de s'asseoir, de marcher ou de
saisir un objet. Le corps humain comprend plus de 600 muscles. Même les
modifications infimes de l'expression du visage font appel à un ajustement délicat des
muscles faciaux.

Le muscle travaille en se contractant et en se


relâchant. Au cours de la contraction, il se raccourcit pour rapprocher l'os de ses
points d'attache situés sur deux os différents. Chaque mouvement musculaire est
donc une traction. Ce mouvement de traction est effectué par les fibres et fibrilles du
muscle. Tous les muscles squelettiques sont composés de petites fibres. Les fibres
sont de forme cylindrique, mesurent plusieurs centimètres de long et des striations
régulières les divisent en sections. Les fibres sont constituées de nombreuses sous-
unités cylindriques appelées fibrilles. Ce sont elles qui, en fait, se contractent. Les
fibres musculaires peuvent se raccourcir de 30 à 40 % au cours de la contraction
musculaire. Les fibrilles sont composées de deux sortes de protéines : l'actine et la
myosine. Ces protéines ont la forme de longs filaments. Les filaments de myosine
sont plus épais que les filaments d'actine. Ces filaments s'emboîtent et glissent les uns
sur les autres, ce qui entraîne le raccourcissement du muscle. Lorsque le muscle est
étiré, les filaments ont tendance à s'écarter. Lors de la contraction, ils raccourcissent
le muscle en s'emboîtant et en glissant les uns entre les autres. Au cours de la
contraction, plusieurs liaisons transversales s'établissent entre les filaments d'actine

11
et de myosine. Par un processus de création et de rupture de ces liaisons, les deux
filaments se rapprochent l'un de l'autre et l'ensemble du muscle se raccourcit.

Il existe plusieurs catégories de tissus


musculaires. Les muscles squelettiques interviennent dans les mouvements de réflexe
et volontaires. Ils permettent, par exemple, de bouger la main, courir ou fermer les
yeux. Les muscles lisses, appelés ainsi parce qu'ils ne présentent pas de stries, se
retrouvent dans la paroi du tube digestif, de la vessie, des artères et d'autres organes
internes. Ils se contractent moins rapidement que les muscles squelettiques, mais
leur contraction dure plus longtemps. Le tissu musculaire cardiaque forme la paroi
contractile du cœur. Les muscles sont striés, comme les muscles squelettiques, mais
leurs cellules sont ramifiées. L'influx nerveux qui provoque la contraction cardiaque
passe d'une cellule à l'autre par ces ramifications.

Le Système Nerveux
Le système nerveux humain est responsable
de l'envoi, de la réception et du traitement des influx nerveux. Il contrôle les actions
et les sensations de toutes les parties du corps, ainsi que la pensée, les émotions et la
mémoire.

Situé à l'intérieur de la boîte crânienne,


l'encéphale constitue l'organe principal du système nerveux. Sans son enveloppe
protectrice, la dure mère, l'encéphale pèse en moyenne 1,4 kilogramme, ce qui
représente 92 % du poids total du système nerveux central. L'encéphale est relié à
12
l'extrémité supérieure de la moelle épinière (au travers du trou occipital du crâne) et
est responsable de l'envoi des influx nerveux, du traitement des données transmises
par les influx nerveux et de la création des processus de pensée, au plus haut niveau.

La moelle épinière est une des parties principales du système nerveux central,
servant en quelque sorte de fil télégraphique permettant de relayer les signaux
envoyés par le cerveau aux structures périphériques de l'organisme, et
réciproquement. De forme légèrement aplatie, son diamètre est d'environ un demi-
centimètre. La moelle épinière traverse le canal rachidien formé par les arcs
vertébraux et envoie vers la périphérie des racines et des branches comme le ferait un
arbre. Ces structures contiennent des faisceaux de fibres nerveuses qui s'étendent
jusqu'aux extrémités du corps, du bout des doigts aux orteils.

Une fibre nerveuse est constituée d'une


chaîne de neurones, qui sont les cellules de base du système nerveux. Les neurones
sont responsables de la réception et de la transmission des influx nerveux et forment
pour cela de longues fibres reliées entre elles. Les neurones sont constitués d'un corps
cellulaire, qui contient un noyau, d'un axone et d'un ou plusieurs dendrites qui
partent du corps cellulaire. Les dendrites sont les parties multi-ramifiées qui
reçoivent les influx nerveux, tandis que les axones sont les structures allongées qui
transmettent les influx à partir du corps cellulaire. Le système nerveux contient des
milliards de neurones, qui sont si efficaces qu'un influx nerveux (pour une douleur,
par exemple) peut être transmis de la main vers le système nerveux central, puis en
sens inverse, pour permettre un mouvement réflexe en une fraction de seconde.

12
Le Système Urinaire
Le système urinaire comprend les organes
urinaires, et est souvent étudié en combinaison avec le système reproducteur, qui
comprend les organes génitaux. Ces organes sont souvent étudiés ensemble du fait
qu'ils sont situés dans la même région du corps et qu'ils partagent un certain nombre
de fonctions. L'appareil urinaire est pratiquement le même chez l'homme et chez la
femme, à l'exception notable de l'urètre, qui chez l'homme se prolonge dans le pénis,
alors qu'il s'ouvre dans la vulve chez la femme.

Le système urinaire comprend des organes


(les reins), différentes structures (la vessie, l'urètre, l'uretère) et de nombreux
vaisseaux sanguins permettant d'éliminer les déchets azotés produit par le
métabolisme cellulaire. Lors de l'utilisation de molécules, comme les protéines, par
les cellules, ces dernières rejettent de l'azote, une substance toxique pour le corps si
elle est très concentrée. On se doit donc de l'éliminer, sous forme d'urée. L'urée
voyage dans le système circulatoire jusqu'au rein, où le sang est filtré. L'urée ainsi
qu'un peu d'eau se retrouve dans le rein lui-même, puis descend l'uretère jusqu'à la
vessie, où l'urine est stockée. Lorsqu'accumulée en grande quantité, l'urine descend
l'urètre vers l'extérieur du corps. Les glandes surrénales, situées juste au-dessus des
reins, ne font pas directement partie du système urinaire, bien qu'elles ont un effet
indirect sur lui, comme sur le reste du corps.

Voici une description plus détaillée des structures du système urinaire.


13
LES REINS

Les reins sont deux organes en forme de haricot situés dans la partie
postérieure de l'abdomen, de part et d'autre de la colonne vertébrale,
approximativement entre la douzième vertèbre dorsale et la troisième vertèbre
lombaire. Il arrive souvent que le rein gauche soit situé jusqu'à 2,5 centimètres plus
haut que le rein droit. Le rein mesure 10 à 12,5 centimètres de long et 5 centimètres
d'épaisseur environ, pour un poids de 100 à 150 grammes en moyenne chez l'adulte.
Les reins sont de couleur rouge-brun foncé en raison de l'abondante présence de
vaisseaux sanguins.

Le rein comporte un bord latéral concave sur lequel s'implantent l'artère rénale, la
veine rénale, des fibres nerveuses, et l'uretère au niveau d'une ouverture appelée le
hile. Le rein contient une cavité, le sinus rénal, qui renferme les unités fonctionnelles
de la filtration, les néphrons. Chaque rein en contient plus d'un million.

Néphron

Le sang passe par les capillaires glomérulaires, vaisseaux sanguins au début du


néphron. À cet endroit, tout ce qui peut passer à travers la paroi des capillaires se
retrouve dans le néphron, soit l'eau, l'urée, les sels minéraux et le glucose; c'est
la filtration. Par la suite, cette "urine" passe dans le tube contourné proximal, l'anse
et le tube contourné distal. À ces endroits, "l'urine" subit une réabsorption, c'est-à-
dire que l'eau, le glucose et les sels minéraux retournent dans le sang par les
capillaires péritubulaires. Il y a aussi sécrétion, c'est-à-dire que le sang se débarasse

13
d'autres déchets, comme les ions acides H+, et les envoit dans l'urine. Le liquide se
rend ensuite dans le tube collecteur, puis vers le calice et le bassinet du rein où il est
emmagasiné.

Pour résumer brièvement, le sang qui circule dans le rein libère les déchets
solubles dans les néphrons, et le liquide qui en résulte, l'urine, passe ensuite dans
l'uretère pour séjourner dans la vessie en attendant d'être évacuée lors de la miction*.

Uretère

Les uretères sont des tubes étroits mesurant de 35 à 45 centimètres de long et


3 millimètres de diamètre environ. Elles prennent naissance dans le bassinet du rein,
quittent le rein par le hile pour descendre le long de la paroi postérieure de la cavité
abdominale et aboutir dans la vessie. Les uretères recueillent l'urine produite par les
reins pour la conduire dans la vessie, où elle est stockée jusqu'à la miction. L'urine ne
s'écoule pas des reins en un flux ininterrompu, mais est chassée dans les uretères
toutes les 20 à 30 secondes environ grâce à des ondes péristaltiques (contractions
périodiques) commençant dans le bassinet. Ces ondes péristaltiques commandent
l'ouverture de l'orifice urétéral (qui met l'uretère en communication avec la vessie),
qui reste ouvert pendant quelques secondes pour laisser passer l'urine, puis se
referme jusqu'à la prochaine onde.

Vessie

La vessie est une structure en forme de sac composée de fibres musculo- 14


membraneuses. Située dans le bassin, la vessie accumule l'urine jusqu'à son
excrétion. L'urine arrive dans la vessie par les uretères, qui prennent naissance dans
les reins, grâce à des mouvements péristaltiques. Durant la miction*, l'orifice urétral
situé à la base de la vessie s'ouvre et l'urine s'écoule dans l'urètre. Bien que l'envie
d'uriner survienne généralement lorsque la vessie contient environ 250 à 300
millilitres d'urine (un peu plus d'une tasse liquide), la vessie humaine a une capacité
moyenne égale à près de deux fois ce volume. L'être humain élimine en moyenne de
un à deux litres d'urine par jour, bien que ce chiffre varie fortement selon l'état de
santé, le régime alimentaire et les activités de l'individu.

Urètre

La vessie est mise en communication avec l'extérieur par un canal


membraneux, l'urètre. L'urètre permet de transporter l'urine de la vessie jusqu'au
méat à l'extrémité du pénis chez l'homme, ou jusqu'à un orifice allongé situé au
milieu de la vulve, chez la femme. Chez l'homme, le sperme, mélange de
spermatozoïdes provenant des testicules et de sécrétions provenant des vésicules
séminales, emprunte également ce canal lors de l'éjaculation.

Urine

D'ordinaire, l'urine est claire ou jaune, quoique cela dépende du régime et de la


santé du sujet. Par exemple, la prise de diurétique (certains aliments comme l'alcool,
ou médicaments) augmente le volume d'urine produite en augmentant la quantité
d'eau éliminée, diminue la concentration de l'urée et par le fait même, rend l'urine

14
plus pâle. L'urine dégage une odeur d'ammoniaque caractéristique qui est due
principalement aux déchets azotés formant 5 % de son volume. Les déchets sont
principalement constitués d'urée, bien que l'on trouve également dans l'urine de
l'ammoniaque, de l'acide urique, de la créatinine, et de nombreux autres déchets.
L'eau, élément principal de l'urine, est généralement éliminée dans les quatre heures
qui suivent sa consommation.

Le Système Lymphatique
Le Réseau

Le système lymphatique est composé d’un large réseau de


vaisseaux lymphatiques. Ces derniers sont disposés en parallèle de certains
vaisseaux sanguins. Ils sont présents dans de nombreux tissus de l’organisme, à
l’exception du système nerveux, de la moelle osseuse, du cartilage et des muscles.
Chaque vaisseau relie un tissu à un organe lymphatique.

Les Organes

Le système lymphatique possède plusieurs organes spécifiques.


Parmi eux, on distingue :

• les organes lymphatiques primaires, dont la moelle osseuse et le thymus,


qui assurent la production des lymphocytes ;
• les organes lymphatiques secondaires, dont les ganglions 15
lymphatiques et la rate, qui assurent la différenciation et la prolifération des
lymphocytes.
• La Lymphe
• Au sein du système lymphatique, circule la lymphe. Ce liquide
biologique de couleur blanchâtre a une composition similaire au plasma
sanguin, à l’exception des globules rouges. La lymphe contient des globules
blancs, des nutriments et des déchets. Le système lymphatique contient entre 1
et 2 litres de lymphe.
• Structure du Système
• Bien que la structure du système lymphatique ait des similitudes
avec celle du système sanguin, il existe certaines différences. La plus
importante est l’absence de pompe dans le système lymphatique. Si le sang
est propulsé par l’activité de pompe du cœur, la lymphe circule quant à elle
grâce à la structure des parois des vaisseaux lymphatiques, aux contractions
musculaires et aux mouvements du corps.
• Réponse immunitaire
• Le système lymphatique a un rôle essentiel dans le système
immunitaire pour assurer la défense de l’organisme. Les organes lymphatiques
assurent la production des lymphocytes tandis que la lymphe assure leur
transport dans le réseau lymphatique. Ces globules blancs interviennent
dans la destruction des agents pathogènes.
• Drainage de l’organisme
• Au sein du système lymphatique, la lymphe peut drainer certains
liquides lorsqu’ils sont présents en excès au niveau des tissus. Ce drainage
contribue à la détoxication de l’organisme.

15
• Fonctionnement
• En plus d’assurer le transport de globules blancs, la lymphe
contribue à la circulation de nutriments et d’hormones indispensables à
l’organisme.
• Pathologie

Lymphome

Des cellules cancéreuses peuvent se développer au niveau du


système lymphatique. En fonction de l’aspect des cellules cancéreuses, on distingue
deux formes de lymphomes :

• Le lymphome hodgkinien : Aussi nommé maladie de Hodgkin, ce cancer


du système lymphatique se caractérise par un développement anormal des
lymphocytes de type B. Leur prolifération et leur accumulation au niveau des
ganglions lymphatiques entraînent le développement d’une tumeur maligne.
Cette forme est néanmoins plus rare que les lymphomes dits non hodgkiniens.
• Le lymphome non hodgkinien : Anciennement nommé lymphosarcome,
ce cancer peut prendre plusieurs formes, comme le lymphome de Burkitt. Les
lymphomes non hodgkiniens sont caractérisés par une multiplication
anormale et incontrôlée des lymphocytes.

Lymphœdème

Il se traduit par un gonflement d’un membre, notamment au niveau des jambes


(œdème). Il est dû à une accumulation de lymphe dans les tissus interstitiels, 16
qui survient lorsque le réseau lymphatique ne draine plus suffisamment la lymphe.
Un lymphœdème peut être d’origine génétique mais peut également apparaître suite
à une infection, un cancer ou une intervention chirurgicale.

Le Système Reproducteur
Chez l’Homme

À partir de la puberté, le garçon produit des


spermatozoïdes de façon continue tout au long de sa vie.
D’où proviennent ces spermatozoïdes ? Comment sont-ils produits ?
Quel trajet suivent-ils dans l’appareil reproducteur masculin ?

Appareil Génital Masculin

L’appareil génital de l’homme comprend différents organes, cités


dans l'ordre du cheminement des cellules reproductrices dans les voies génitales :
– les deux testicules, glandes génitales produisant les cellules reproductrices
mâles ;
– l'épididyme, lieu de maturation des spermatozoïdes ;
– les spermiductes ou canaux déférents, voies génitales par lesquelles
s’acheminent les spermatozoïdes ;
– les vésicules séminales, les glandes de Cowper et la prostate assurant, par

16
leur sécrétion, la bonne qualité du sperme ;
– l'urospermiducte ou urètre et l'orifice urogénital par où s'évacue le sperme lors
de l'éjaculation, en traversant le pénis ;
– le pénis, constitué intérieurement des corps érectile et de l'urètre, et
extérieurement du prépuce et du gland, est la seule partie externe des organes
reproducteurs masculins.

Les Spermatozoïdes

Les spermatozoïdes sont microscopiques. Ils sont constitués d'un


corps cellulaire contenant un noyau, comme toutes les cellules vivantes, ainsi que
d'un flagelle qui permet leur mobilité et leur déplacement dans les voies génitales de
la femme lors des relations sexuelles.

Les Testicules

À partir de la puberté, les testicules produisent en


permanence de nombreux spermatozoïdes (100 millions par millilitre de
sperme); ils sont fabriqués dans les tubes séminifères.

Trajet des Spermatozoïdes

Après leur fabrication, les spermatozoïdes s’accumulent et parviennent


à maturité dans l’épididyme. Lors d’une excitation, par des contractions
musculaires, ils quittent ce prolongement des tubes séminifères, 17
parcourent les canaux déférents et vont se mélanger aux sécrétions
séminales pour former le sperme.

Si les excitations restent intenses, les corps érectiles du pénis se gorgent


abondamment de sang, ce qui provoque l'érection du pénis et finalement, le sperme
s'écoule avec ses cellules par l’urospermiducte à l’extérieur : c’est l’éjaculation.
Dès la puberté, les testicules de l’appareil génital de l’homme
fabriquent de nombreux gamètes mâles appelés spermatozoïdes. Cette production
reste continue. Ces spermatozoïdes se mélangent aux sécrétions des
glandes annexes associées à l’appareil reproducteur mâle pour constituer le
sperme.
Chez la Femme
Fonction de Reproduction

Chez la femme, les transformations dues à la puberté


correspondent à l'apparition de caractères sexuels secondaires, comme les poils
pubiens, l'accélération de la croissance, le développement des seins et l'élargissement
du bassin.

• Au niveau anatomique, les deux organes reproducteurs, l'utérus et les ovaires, se


développent.
• Enfin, la fille a ses premières menstruations et commence à expulser des gamètes,
les ovules.

17
Appareil Reproducteur
• L'ovaire contient, dès la naissance, un stock important,
mais limité d'ovules. À partir de la puberté, un ovule est expulsé par l'ovaire lors de
chaque cycle menstruel. Un cycle menstruel dure environ 28 jours, pendant lequel
ont lieu deux cycles : un cycle ovarien et un cycle utérin.

• Le cycle utérin se divise en deux grandes phases, lorsqu'il n'y a aucune fécondation :

 une phase de règles, qui dure plus ou moins 5 jours. Le premier jour des règles
est le premier jour du cycle. La muqueuse utérine, ou endomètre, régresse et
devient fine ;
 une phase d'épaississement de la muqueuse utérine, préparant l'éventuelle
implantation d'un œuf fécondé. S'il n'y a pas fécondation, la muqueuse utérine
régresse à nouveau et un nouveau cycle commence. S'il y a fécondation, il y a
absence de règles.

• Le cycle ovarien est divisé en deux phases, séparées par une ovulation :

 une phase folliculaire de 14 jours, où le follicule contenant l'ovule arrive à


maturation.
 l'ovulation : l'ovule sort du follicule aux alentours du quatorzième jour ;
 une phase lutéale de 14 jours, où l'ovule passe dans la trompe utérine. Le
follicule rompu reste dans l'ovaire et se transforme en corps jaune. S'il n'y a
pas fécondation de l'ovule, le corps jaune dégénère dans les derniers jours du
cycle.
18
• Lors de la reproduction, les spermatozoïdes sont expulsés dans le vagin. Pour
atteindre l'ovule, ils passent par le col de l'utérus pour atteindre l'utérus. L'utérus se
sépare en deux trompes utérines aboutissant aux pavillons puis à l'ovaire. Le
spermatozoïde doit circuler dans une des trompes pour arriver jusqu'à l'ovule.
Lorsque le spermatozoïde pénètre dans l'ovule, il y a fécondation.
Le Système Immunitaire
C’est un ensemble de défenses qui protège le
corps humain des invasions de microbes, virus, bactéries et attaques de toutes sortes.
Invisible à nos yeux, il assure pourtant la garde, de jour comme
de nuit. Que ce soit pour guérir une otite ou un cancer, le système immunitaire est
essentiel.

Les Organes :
Le système immunitaire est fait d'un système d'interactions
complexes mettant en œuvre de nombreux organes, cellules et substances différentes.
La majorité des cellules ne se trouvent pas dans le sang, mais plutôt dans un
ensemble d'organes appelés organes lymphoïdes.
• La moelle osseuse et le thymus. Ces organes produisent les cellules
immunitaires (les lymphocytes).
• La rate, les ganglions lymphatiques, les amygdales et les amas de
cellules lymphoïdes situés sur les muqueuses des voies digestives,
respiratoires, génitales et urinaires. C'est habituellement dans ces organes
périphériques que les cellules sont appelées à réagir.

18
La rapidité d'action des défenses immunitaires est extrêmement importante. Celle-ci
repose entre autres sur l'efficacité de la communication entre les divers acteurs en
jeu. Le système cardiovasculaire est la seule voie de passage qui relie les organes
lymphoïdes.

Bien qu'on ne puisse encore en expliquer tous les mécanismes, on sait aujourd'hui
qu'il existe d'importantes interactions entre le système immunitaire, le système
nerveux et le système endocrinien. Certaines sécrétions des cellules immunitaires
sont comparables à des hormones sécrétées par les glandes endocrines, et les organes
lymphoïdes possèdent des récepteurs pour des messages nerveux et hormonaux.

La Réponse Immunitaire

On peut diviser les étapes de la réponse immunitaire en


deux :

• la réponse non spécifique, qui constitue « l'immunité innée » (nommée ainsi


parce qu'elle est présente dès la naissance), agit en ne tenant pas compte de la
nature du micro-organisme qu'elle combat;
• la réponse spécifique, qui confère « l'immunité acquise », passe par la
reconnaissance de l'agent à attaquer et la mise en mémoire de cet événement.
La Réponse Immunitaire non Spécifique
Les Barrières Physiques

La peau et les muqueuses sont les premières barrières


naturelles auxquelles se buttent les assaillants. La peau est le plus grand organe du 19
corps et offre une protection incroyable contre les infections. En plus de constituer
une interface physique entre l'environnement et nos systèmes vitaux, elle offre un
milieu hostile aux microbes : sa surface est légèrement acide et plutôt sèche, et elle
est couverte de « bonnes » bactéries. Cela explique pourquoi l'hygiène excessive n'est
pas nécessairement une bonne chose pour la santé.

La bouche, les yeux, les oreilles, le nez, les voies urinaires et


génitales offrent tout de même des voies de passage pour les microbes. Ces voies ont
aussi leur système de protection. Par exemple, les réflexes de la toux et de
l'éternuement expulsent les micro-organismes des voies respiratoires.

L'inflammation

L'inflammation est la première barrière que rencontrent les


micro-organismes pathogènes qui franchissent notre enveloppe corporelle. Tout
comme la peau et les muqueuses, ce type de réponse immunitaire agit sans connaître
la nature de l'agent qu'il combat. Le but de l'inflammation est d'inactiver les
agresseurs et de mettre en œuvre la réparation des tissus (en cas de lésion). Voici les
principales étapes de l'inflammation.

• La vasodilatation et la plus grande perméabilité des capillaires dans la


zone atteinte ont pour effet d'augmenter l'afflux sanguin (responsable de la
rougeur) et de permettre l'arrivée des acteurs de l'inflammation.
• La destruction des pathogènes par les phagocytes : un type de globule blanc
qui est capable d'englober des microorganismes pathogènes ou d'autres

19
cellules malades et de les détruire. Il en existe plusieurs types : les monocytes,
les neutrophiles, les macrophages et les cellules tueuses naturelles (cellules
NK).
• Le système du complément, qui comprend une vingtaine de protéines qui
agissent en cascade et permettent de détruire directement les microbes. Le
système du complément peut être activé par les microbes eux-mêmes ou par la
réponse immunitaire spécifique (voir ci-dessous).

Les interférons

En cas d'infection virale, les interférons sont des glycoprotéines


qui inhibent la multiplication des virus à l'intérieur des cellules. Une fois sécrétés, ils
diffusent dans les tissus et stimulent les cellules immunitaires voisines. La présence
de toxines microbiennes peut aussi déclencher la production d'interférons.

La fièvre est un autre mécanisme de défense parfois présent dans les


premiers stades d'une infection. Son rôle est d'accélérer les réactions immunitaires. À une
température un peu plus élevée que la normale, les cellules agissent plus rapidement. De
plus, les germes se reproduisent moins rapidement.

La Réponse Immunitaire Spécifique

C'est ici qu'interviennent les lymphocytes, un type de globules


blancs dont on distingue deux classes : les lymphocytes B et les lymphocytes T.

• Les lymphocytes B comptent pour environ 10 % des lymphocytes qui circulent20


dans le sang. Lorsque le système immunitaire rencontre un agent étranger, les
lymphocytes B sont stimulés, se multiplient et se mettent à produire des anticorps.
Les anticorps sont des protéines qui se fixent sur les protéines étrangères; c'est le
point de départ de la destruction du pathogène.
• Les lymphocytes T représentent plus de 80 % des lymphocytes en circulation. Il
existe deux types de lymphocytes T : les cellules T cytotoxiques qui, lorsqu'elles sont
activées, détruisent directement les cellules infectées par des virus et les cellules
tumorales, et les cellules T facilitatrices, qui contrôlent d'autres aspects de la réponse
immunitaire.

La réponse immunitaire spécifique crée l'immunité acquise, celle


qui se développe au fil des ans en conséquence des rencontres que notre organisme fait
avec des molécules étrangères spécifiques. Ainsi, notre système immunitaire garde en
mémoire les bactéries et virus particuliers qu'il a déjà rencontrés afin de rendre la seconde
rencontre beaucoup plus efficace et rapide. On estime qu'un adulte a en mémoire de 109 à
1011 protéines étrangères différentes. Ce qui explique que l'on n'attrape pas la varicelle et la
mononucléose deux fois, par exemple. Il est intéressant de remarquer que l'effet de la
vaccination est de provoquer cette mémoire d'une première rencontre avec un pathogène.

Immunité Humorale

Le système immunitaire humoral agit contre les bactéries et les


virus dans les liquides du corps humain (tels que le sang en sécrétant des substances
susceptibles d'aider à la destruction des agents pathogènes- historiquement le sang et la
lymphe étaient nommés les humeurs du corps). Ses principaux moyens d'action sont

20
les immunoglobulines, aussi appelées anticorps. Les anticorps sont des molécules ayant
une forme de « Y » formées de quatre chaînes polypeptidiques : deux chaînes légères
(environ 200 acides aminés chacune) et deux chaînes lourdes (environ 450 acides aminés
chacune)4. Il existe 5 classes d'anticorps : les IgM, les IgG, les IgA, les IgE et les IgD. Les
IgM sont les premiers anticorps à être produits lorsque le corps reconnaît un nouvel
antigène. Ceux-ci se retrouvent dans le corps sous forme de pentamère et ils sont très
efficaces pour activer le complément. Les IgG sont la classe d'anticorps la plus retrouvée
dans le sang, c'est aussi la seule classe d'anticorps qui peut traverser le placenta et donner
au fœtus une immunité passive. Ces anticorps favorisent l'opsonisation (marquage de
l'antigène pour qu'il soit phagocyté), la neutralisation (empêcher les microbes de se lier aux
cellules de l'hôte) et l'agglutination (formations d'agrégat de microbes qui sont facilement
phagocytés) des antigènes. Les IgA se retrouvent dans les sécrétions (salive, larme, mucus,
etc.) sous la forme de dimères. Cette classe d'anticorps permet la neutralisation et
l'agglutination d'antigène. De plus, la présence de ce type d'anticorps dans le lait de la
femme permet aux nouveau-nés de recevoir une immunité passive durant la période
d'allaitement. Les IgE sont les anticorps impliqués dans les réactions allergiques puisqu'ils
provoquent la libération d'histamine et d'autres substances impliquées dans ce genre de
réaction par les granulocytes basophiles. Finalement, les IgD sont retrouvés à la surface des
lymphocytes B dits « naïfs » (qui n'ont pas encore été exposés à un antigène) et servent de
récepteurs cellulaires à ceux-ci. Contrairement aux quatre autres classes d'anticorps, les
IgD ont une région transmembranaire qui leur permet de se fixer à la membrane cellulaire
des lymphocytes B. Les quatre premières classes d'anticorps sont produites par
les plasmocytes qui sont l'« évolution » des lymphocytes B (B car les lymphocytes B ont été
découverts chez l'oiseau dans la bourse de Fabricius ; par la suite le « B » fut conservé
car bone marrow, (la moelle osseuse en anglais) correspond au lieu de maturation de ces
cellules à la suite de la reconnaissance par certains de leurs récepteurs membranaires21
d'interleukine (molécule chimique permettant le clonage des LB et leur différenciation)
produite par les lymphocytes T4.
Notons l'existence d'une maladie impliquant le système immunitaire adaptatif. Il s'agit
du Bare Lymphocytes Syndrome (BLS). Les patients souffrant de cette maladie ne peuvent
présenter d'antigène à la surface des cellules présentatrices d'antigène et il ne peut donc pas
y avoir production d'anticorps. Cette maladie a notamment permis des avancées en biologie
moléculaire en permettant l'identification par complémentation d'un facteur de
transcription essentiel, le transactivateur de classe II (CIITA).
Immunité cellulaire

Le système immunitaire cellulaire s'occupe des cellules infectées


par des virus, bactéries, et les cellules cancéreuses. L'action s'effectue via les lymphocytes
T (T parce que ces cellules mûrissent dans le thymus après leur naissance dans la moelle
osseuse). Les lymphocytes T sont capables d'interagir avec les cellules de l'organisme grâce
à leurs récepteurs cellulaires formés de deux chaînes polypeptidiques: la chaîne α (alpha) et
la chaîne β (bêta). Ces récepteurs sont tout aussi spécifiques aux antigènes que les anticorps
ou que les récepteurs de lymphocytes B, mais, contrairement aux anticorps et aux
récepteurs de lymphocytes B, les récepteurs de lymphocytes T ne reconnaissent que de
petits antigènes qui doivent être présentés par une molécule de CMH à la surface d'une
cellule infectée4. On distingue deux grandes familles de Lymphocytes T :

• les lymphocytes T cytotoxiques (Tc). Ces lymphocytes sont munis de la protéine de


surface CD8 qui permet au récepteur de lymphocytes T de se lier aux molécules de
CMH de type I. En effet, la liaison de CD8 sur le côté de la molécule de CMH permet de

21
garder le lymphocyte T et la cellule infectée liés plus longtemps, ce qui favorise
l'activation du lymphocyte. Une fois activé, le lymphocyte T cytotoxique libère des
protéines, comme la perforine ou des granzymes qui provoquent la formation de pores
dans la paroi cellulaire de la cellule infectée, entraînant sa mort. Cela a pour effet de
priver le pathogène d'un lieu de reproduction et de l'exposer aux anticorps et aux
leucocytes phagocytaires qui circulent dans la région infectée;
• les lymphocytes T auxiliaires (Th). Ces lymphocytes sont munis de la protéine de
surface CD4, ce qui permet à leur récepteur d'interagir avec des cellules exprimant une
molécule de CMH de type II (cellules présentatrices d'antigènes). La protéine CD4
fonctionne de la même manière que la CD8, et permet comme elle de favoriser
l'activation du lymphocyte. Lorsqu'un lymphocyte T auxiliaire est activé, il libère
des cytokines qui stimulent les autres lymphocytes et facilitent leur activation (elles
facilitent la réaction humorale et cellulaire).
Aux lymphocytes T s'ajoutent aussi les lymphocytes NK (natural killer). Ces cellules sont
impliquées dans une réponse à mi-chemin entre spécifique et non spécifique, selon les
situations. Ils jouent notamment un rôle en début de grossesse, le fœtus devant se protéger
contre elles pour pouvoir survivre dans le ventre de sa mère.
Mémoire Immunologique
Chaque individu acquiert en vieillissant une
« mémoire immunologique ». Elle conserve un certain temps les traces de « lutte » passée
contre des pathogènes ou parasites, et des cellules spécifiques, permettant une réaction
immunitaire plus rapide et efficace. Cette mémoire se constitue de manière naturelle, ou à
l'aide de vaccins mais semble se dégrader avec l'âge (phénomène d'immuno sénescence).
En effet, l'exposition antérieure à un antigène modifie22
la vitesse, la durée, et l'intensité de la réaction immunitaire. La réaction immunitaire
première consiste en la production de cellules effectrices des lymphocytes lors d'une
première exposition à l'antigène. Lors d'une seconde exposition au même antigène, la
réaction immunitaire secondaire sera plus rapide et efficace car l'organisme aura conservé
en mémoire certains lymphocytes de la première attaque. C'est le principe de la
vaccination : on injecte un antigène à la personne pour qu'elle se crée une « mémoire
humorale », qui sera directement efficace lors d'une éventuelle attaque ultérieure.
Une étude en 2015, basée sur la comparaison de la
santé de « vrais » et « faux » jumeaux (210 jumeaux au total, de 8 à 82 ans, suivis pour plus
de 200 paramètres de leur système immunitaire, ce qui est une première en nombre de
paramètres d'intérêt immunologique), confirme qu'après la naissance, l'environnement a
plus d'effets que nos gènes sur le fonctionnement et l'efficacité de notre immunité,
notamment via l'exposition antérieure de l'organisme à des agents pathogènes (et/ou à des
vaccins). Les réponses différentes des vrais jumeaux à la vaccination antigrippale montrent
aussi que les réactions (production d'anticorps) ne dépendent pratiquement pas des traits
génétiques mais presque entièrement de l'éducation immunitaire de chacun, et donc de nos
relations antérieures à l'environnement microbien et parasitaire (dans ce cas liées à des
contacts précédents avec diverses souches du virus de la grippe). Face au cytomégalovirus,
qui sommeille dans une fraction importante de la population humaine (ne causant que
rarement des symptômes), les conclusions sont les mêmes.

Enjeux d'une conception intégrative de l'immunité


Bien qu'une analyse de l'immunité en facilite la
compréhension, dans la réalité il existe une synergie des différentes composantes de son

22
système. En effet, la vie perpétue des échanges incessants avec son environnement. En
rejetant ses déchets dans le monde qui l'entoure et en s'appropriant ses informations, son
énergie et sa matière, elle s'efforce de subsister, voire de croître et de se reproduire. Le non-
soi devient alors du soi et le soi du non-soi. Chez les organismes complexes, ces frontières
sont parfois difficiles à préciser. Ainsi les aliments appartiennent au non-soi et, grâce à la
mastication et aux autres processus de la digestion ils se transforment en partie en soi, sauf
pour les déchets qui sont éliminés principalement via les excréments, l'urine et
moindrement via l'expiration, la peau et les phanères. Les molécules libérées constituants
un excellent milieu de développement pour certaines autres formes de vie, le système
immunitaire digestif est très efficace et il semble que plus de 70 % des anticorps de
l'organisme y soient synthétisés. D'ailleurs, au cours des conjonctivites et des
rhinopharyngites, les sucs digestifs de l'estomac coupent les virus et les microbes en petits
morceaux qui, en dehors des repas, sont présentés aux globules blancs du système digestif
pour qu'ils synthétisent les anticorps appropriés. Qu'une des étapes de ce processus soit
perturbée et l'immunité tarde à se mettre en place ou réagit excessivement (ex : « tempête
de cytokines »). Ainsi, en 2004, Liuzzi et al. ont démontré que le pancréas et l'intestin grêle
étaient les organes de l'homéostasie du zinc. Or, cet oligoélément joue un rôle primordial
dans la digestion des aliments, des microbes, des virus, etc. De même l'immunité diminue
lors des carences en vitamine D, et l'équilibre entre l'inflammation et la cicatrisation repose
sur le ratio des apports en acides gras saturés/acides gras insaturés, etc. De plus, au cours
de l'allergie, la présence de certaines molécules dans des territoires où elles ne devraient
pas être déclenche des réactions pathologiques.
La meilleure compréhension des mécanismes globaux de l'immunité pourrait peut-être à
l'avenir permettre de réduire les problèmes de rejet de greffe car la compatibilité entre un
receveur et un donneur ne provient pas que de l'ADN, mais aussi d'enzymes et de facteurs23
d'immunité qu'on commence à rechercher dans le domaine de la biologie adaptative (via
l'immuno séquençage notamment). À l'échelle d'une vie, l'évolution du système immunitaire
peut être comparée aux mécanismes complexes en jeu à d'autres échelles dans l'évolution
adaptative. De même des vaccins plus personnalisés pourraient être imaginés.

Maladies du système immunitaire


Le système immunitaire peut se dégrader en réagissant
excessivement ou insuffisamment. S'il s'attaque aux cellules de l'organisme qui ne sont pas
pathologiques (par mauvaise reconnaissance), il va alors se créer une maladie auto-
immune qui va se caractériser par une inflammation continue de certains tissus ou par la
nécrose complète de certains tissus (par exemple le diabète de type I).
S'il y a un défaut du système immunitaire, dans ce cas les
pathogènes ou les cancers pourront se développer plus aisément.

CONCLUSION SUR L’HOMME MATERIEL


L’homme fait de chair et de sang est une « machine » très, très
complexe et de nos jours aucune machine robotique fabriquée par l’homme ne peut
rivaliser.
Considérons que pendant que nous marchons, par exemple, nous faisons fonctionner
les muscles, le squelette, et pendant ce temps-là tous les systèmes du corps humain
fonctionnent automatiquement- et tous ensemble, et en même temps nous pouvons
penser, faire des projets, réfléchir , apprendre, etc.., sans que notre corps ne s’arrête
de fonctionner. C’est une pure merveille de précision inimitable et incomparable.

23
La Création de l’homme universel est en soi un prodige
inexplicable et merveilleux. Et si l’on considère l’ésotérisme comme une partie de la
vie, les choses vont en se ramifiant et en se compliquant, car aux systèmes que nous
venons de décrire succinctement, s’ajoutent des systèmes bien plus subtils qui
pourtant doivent être pris en compte pour avoir une vision globale et universelle de
l’homme dans l’univers. Il faut envisager les corps astraux et les systèmes non visibles
chez l’homme comme le kUNDALINI et les chakras, et le PRANA, l’âme, l’esprit, qui
vont amener à l’immortalité et aux réincarnations.

LES AUTRES CORPS DE L’HOMME


Notre corps physique est l’enveloppe de notre âme et le
support de nos corps subtils. Il permet à l’âme de s’exprimer sur le plan physique.
Alors nous devons prendre soin de notre véhicule terrestre pour vivre en santé
jusqu’à la fin de notre vie. Plus de 15 milliards de cellules transmettent et reçoivent
les messages des différentes parties de notre organisme .
Notre propre apparence ne se limite pas seulement à notre
enveloppe charnelle. Nous possédons également une enveloppe énergétique
constituée de 7 corps subtils qui sont imbriqués et se chevauchent les uns dans les
autres.

Plus précisément et dans l’ordre :

1. Le corps physique contient le corps éthérique,


2. le corps éthérique déborde du corps physique et interpénètre le corps astral,
3. le corps astral interpénètre le corps mental, 24
4. le corps mental interpénètre le corps causal,
5. le corps causal interpénètre le corps bouddhique,
6. et pour finir, le corps bouddhique interpénètre le corps atmique.

Tous ces différents corps s’interpénètrent en même temps qu’ils interpénètrent le


corps physique.

Chaque corps vibre à sa propre fréquence, le corps physique étant celui qui possède
les vibrations les plus basses. Plus les corps suivants sont éloignés du corps physique
et plus leurs vibrations sont hautes.

Le corps physique

Le corps des expériences.

C’est le véhicule de notre âme pour venir expérimenter sur cette terre les évènements
de la vie. Ce corps physique doit être entretenu pour pouvoir utiliser et maintenir en
bon état les autres corps énergétiques. Il est le siège de l’aura et des chakras et iI est
relié plus particulièrement au 1er chakra, le chakra racine.

Le corps physique est constitué de matière dense et est donc par rapport aux corps
suivants celui qui vibre le plus lentement.

24
Plus les corps subtils suivants sont éloignés du corps physique et plus ils vibrent
rapidement.

Le corps éthérique

Le corps de la vie.

On l’appelle également le corps vital.

C’est le 1er corps constitué de matière subtile, le plus proche du corps physique. Il est
semi-matériel. Il englobe, pénètre et déborde du corps physique de quelques
centimètres. Il épouse fidèlement la forme du corps.

C’est le corps éthérique qui anime le corps physique. Sans lui le corps serait sans vie.
Il assure l’activité des fonctions vitales et les échanges énergétiques au niveau des
différents corps subtils. C’est dans ce corps subtil que se trouvent les méridiens,
canaux d’énergie, et les chakras qui captent les énergies cosmo-telluriques et les
redistribuent dans tous les corps.

Pour ceux qui peuvent le percevoir, sa couleur va du gris au gris bleuté et même
parfois jusqu’au bleu vif.

Son apparence reflète l’état de santé du corps physique.

Il est relié au 2e chakra, le chakra sacré.

25
Le corps astral

Le corps émotionnel.

Ce corps contient toutes nos émotions, désirs, passions, humeurs, joies et peines. Sa
couleur n’est pas constante et change continuellement selon nos émotions du
moment.

C’est également avec ce corps subtil que nous voyageons dans nos rêves. Il permet de
se déplacer dans les plans astraux.

Il est relié au 3ème chakra, le chakra du plexus solaire.

Le corps mental

Le corps de la réflexion.

Il est le siège de l’intellect, de toutes nos pensées, de notre conscience primaire. Son
état dépend de la qualité de ces dernières et de notre évolution spirituelle. Il forme
notre personnalité. C’est avec ce corps que nous pouvons aussi faire de la
visualisation créatrice.

Il est représenté sur les anciennes peintures par une auréole de lumière autour de la
tête.

25
C’est dans le corps mental que l’on trouve ce que l’on appelle les tubes de perceptions
sensorielles. Ceux situés au niveau de la tête permettent d’expérimenter la
clairvoyance, la claire audience et la claire-olfaction. D’autres tubes placés sur les
deux mains permettent quant à eux de ressentir les énergies.

Le corps mental est divisé en 2 parties distinctes :

le corps mental inférieur (en relation avec le corps astral) et le corps mental
supérieur (en relation avec le corps causal).

Le corps mental inférieur : raisonnement par le biais de la logique, il fait appel à la


personnalité, à l’ego et est influencé par son savoir, ses acquis et ses émotions.

Le corps mental supérieur : accès à son intuition, aux idées innées et créatives.
Pensées qui viennent de l’esprit et du divin.

La couleur du corps mental est le plus souvent jaune.

Le corps mental est relié au chakra du cœur.

Le corps causal

Le corps de la mémoire lointaine

C’est ici que nous emmagasinons la mémoire de toutes nos vies antérieures, de nos
expériences passés, et des acquis dans notre vie actuelle. Tous nos traumatismes 26
passés sont inscris ici et peuvent affecter notre vie présente. Figure également ici la
cause de notre réincarnation actuelle, les buts et missions que nous sommes fixés
d’expérimenter dans cette vie. Ce corps permet donc d’avoir accès aux annales
akashiques.

Il est le siège de la conscience supérieure.

Il est relié au chakra laryngé.

Le corps bouddhique

Le corps de la connaissance

Ce corps rarement formé chez la majorité des personnes, ne se rencontre que chez les
saints ou les personnes ayant atteint une grande spiritualité.

Il permet l’illumination spirituelle, la connaissance totale de toute chose et


d’atteindre la conscience divine.

Ce corps permet de rentrer en communication avec nos guides spirituels et nos anges.

Il est relié au chakra frontal.

26
Le corps atmique

Le corps de la conscience cosmique

Ce corps également appelé corps divin est le siège de la conscience cosmique. A ce


stade, nous avons achevé le cycle des réincarnations. Nous ne faisons qu’un avec
l’univers et faisons partie de la conscience de Dieu. Il est relié au chakra coronal.

Les forces énergétiques réparties le long du corps, de la base de la


colonne vertébrale au sommet du crâne. Ils représentent notre anatomie subtile et
remplissent une représentation de la conscience de Dieu. Il est relié au chakra
coronal.

Chacun de ces corps subtils correspondent à différents plans de conscience qui sont
accessibles par le biais de nos chakras.

Les Chakras
Les chakras sont des centres énergétiques répartis
le long du corps, de la base de la colonne vertébrale au sommet du crâne. Ils
représentent notre anatomie subtile et remplissent une fonction aussi bien physique
que psychique.

Chakra signifie « roue ». Les chakras représentent


sans doute l’un des aspects énergétiques de l’anatomie les mieux connus en Occident 27
où ils sont souvent utilisés en tant que spirituelle et yogique, on se concentre sur les
chakras principaux, lieux où se croisent métaphores pour une croissance
psychologique ou spirituelle. Mais les chakras ne sont pas que des métaphores, ce
sont de véritables centres énergétiques du corps. Un chakra est simplement un
endroit du corps où se croisent les canaux. Étant donné qu’il existe des milliers de
canaux, il existe de très nombreux chakras. Toutefois, dans la pratique soit un grand
nombre de canaux, soit des canaux principaux. En imaginant l’entrecroisement de ces
nombreuses voies – les canaux rayonnant à partir des intersections – il est facile de
comprendre pourquoi les chakras sont représentés par des roues à rayons ou par un
lotus dont les pétales forment une roue. De nombreuses pratiques tantriques
demandent au pratiquant de fixer son attention sur des chakras particuliers. Étant
donné que le prana et l’esprit bougent toujours ensemble, diriger l’attention dirige le
prana ; le mouvement du prana ne pouvant être séparé de l’expérience.

Habituellement, ils sont au nombre de sept principaux, mais il y en a d’autres, au


niveau des mains, des pieds, des épaules et de chaque articulation. Les chakras ne
s’inscrivent pas en tant qu’organes physiques, mais relèvent du corps subtil. Ils sont
cependant en relation avec les plexus nerveux, les glandes endocrines et certains
organes, selon leur localisation.

De même, toute une activité émotionnelle et psychique leur est associée, ainsi que
certains sentiments. Les chakras contrôlent donc la structure et l’activité du corps

27
physique, de l’énergie vitale ainsi que les différents états de conscience. Tous les
chakras sont connectés les uns avec les autres et fonctionnent en interdépendance. À
eux tous, ils forment l’unité du corps énergétique.

Correspondances :

Aspects psychologiques – Plexus nerveux – Glandes endocrines

Septième chakra : conscience universelle et divine, unité et illumination – centre


coronal – glande pinéale
Sixième chakra : intuition, perception intérieure, facultés psychiques et cognitives
– plexus choroïde – hypophyse, hypothalamus
Cinquième chakra : communication, expression, créativité – plexus laryngé –
glande thyroïde
Quatrième chakra : centre affectif, sentiments, harmonie, amour compassion,
bonté, paix – plexus cardiaque – thymus
Troisième chakra : sensibilité, personnalité, image de soi, volonté, puissance –
plexus solaire – glandes surrénales/pancréas
Deuxième chakra : sensations, émotions, instincts, sexualité – plexus
hypogastrique – gonades
Premier chakra : stabilité, sécurité, survie, matérialité, équilibre fondamental –
plexus pelvien – siège de l’énergie kundalini

Le Pranamaya 28

Le prana circule dans le corps en suivant des


canaux. Il est dit que le corps contient 84 000 canaux, parfois 360 000, classés en
grossiers, subtils et très subtils. Les canaux grossiers sont les vaisseaux sanguins, les
nerfs et le système lymphatique. Les canaux subtils ne sont pas physiques mais
énergétiques, comme les méridiens du système circulatoire énergétique reconnu en
acupuncture. Les canaux très subtils sont les voies du prana très subtil. Ils ne peuvent
être ni détectés ni mesurés, mais peuvent être expérimentés directement par la
réceptivité naturelle et par des pratiquants yogiques qui ont développé la sensibilité
nécessaire.

Le pranayama est la discipline du souffle qui


harmonise notre énergie vitale. Prana signifiant "souffle vital" et yama "contrôle". Au
centre du pranayama : les poumons, qui transportent à chaque respiration le prana
dans tout notre corps via le sang et les artères.

Pour comprendre le Pranayama, il faut comprendre le système subtil de la circulation


de l’énergie dans le corps selon l’Ayurveda. Celle-ci considère que notre corps est
traversé par des canaux invisibles, les Nadis, qui représentent le flux constant de
notre conscience ou énergie pranique. Selon la science tantrique, le corps serait
composé d’environ 72 000 nadis parmi lesquels, trois principaux : Ida, Pingala et
Sushumna.
On représente schématiquement Sushumna comme le canal central – contrôlant et
nourrissant d’énergie tous les chakras - autour duquel s’enroulent Ida à partir du côté
gauche (énergie lunaire, féminine, apaisante) et Pingala à partir du côté droit (énergie

28
solaire, masculine, dynamisante). Tous trois suivent la ligne de la colonne vertébrale,
en démarrant au niveau du périnée et se terminant dans les narines.

Les bienfaits du pranayama


On attribuera donc différentes qualités aux exercices de
respiration selon qu’ils font intervenir successivement une narine après l’autre
(respiration alternée), la rétention du souffle ou encore la respiration par les deux
narines en simultanée. L’un des buts principaux du pranayama étant de rétablir
l’équilibre physique et mental en équilibrant le flux énergétique entre Ida et Pingala.
Il existe différents types de pranayama et chacun possède ses
propres vertus : calmante, dynamisante, nettoyante, rééquilibrant, réduisant le stress,
favorisant la concentration et donc aussi la méditation… Ainsi, une pratique sérieuse
et régulière du pranayama combinée à d’autres pratiques comme le yoga a des vertus
curatives. Au niveau psychique, le pranayama transforme la respiration inconsciente
en mode conscient. Par conséquent, cela nous ouvre l’accès aux couches profondes de
notre conscience et peut libérer certains blocages, notamment au niveau de Anahata,
le chakra du cœur où sont logés les poumons. En équilibrant le système nerveux,
nous abordons nos problèmes émotionnels avec plus de sérénité.

Un exercice simple : Nadi Shuddhi Nadi Shuddhi (ou Nadi Shodhana) "la mère
de tous les pranayamas" est une respiration alternée qui équilibre Ida et Pingala et
donc le corps, l’esprit et la respiration. On peut la pratiquer avant et après une
pratique de yoga, ou avant d’aller au lit, mais comme toute pratique du pranayama
elle est à éviter pendant la phase de digestion. Prenez une position assise confortable,
la colonne droite, les épaules relâchées, les yeux fermés. Les doigts de la main gauche
sont en Chin Mudra (pouce et index se touchent) sur le genou, les doigts de la main 29
droite en Nasagra Mudra (index et majeur replié). Le pouce droit vient fermer la
narine droite tandis que vous inspirez de la narine gauche. Puis l’annulaire vient
fermer la narine gauche tandis que vous expirez par la narine droite, et ainsi de suite.
La formule simple ne comporte pas de rétention, et l’expire est en général deux fois
plus longue que l’inspire sur le modèle suivant : 4/8, 6/12, 8/16 etc. Vous pouvez
commencer par pratiquer 5 minutes, puis 10, puis 15 minutes.

LES RACES HUMAINES


Sur notre planète nous pouvons avoir la conviction qu’il existe
différentes races humaines différenciées principalement par la couleur de peau :
Noire, Jaune, Rouge et Blanche. Et bien, ce n’est pas tout à fait exact
scientifiquement.
Il y a 5 grandes races humaines : caucasoïde, mongoloïde,
congoïde, capoïde, australoïde (termes de Carleton Coon).
Il y a moins de différence raciale entre un Sicilien et un Tunisien
qu’entre un Sicilien et un Suédois. La race caucasoïde est vaste. Les races sont elles-
mêmes divisées en sous-races. 16 sous-races caucasoïdes: nordique, est-baltique,
dinarique, alpine, atlanto-méditerranéenne, irano-afghane, méditerranéenne,
arménoïde, trønder, samis, celtique, néo-danubienne, hallstatt nordique, brünn,
borreby, ladogan (termes de Carleton Coon).
L’approche génétique confirme la typologie des anthropologues.

29
L’analyse de Cavalli-Sforza néglige les capoïdes et classe les
habitants du Sud-Est asiatique avec les australoïdes, ce qui est discutable.
L’homme partage 98.9% de ses gènes avec le chimpanzé. Cela ne signifie pas, au
demeurant, que deux individus pris au hasard dans chacune des deux espèces sont
génétiquement identiques à 99 %, mais que les allèles (variantes des gènes)
caractéristiques d’une espèce ne sont qu’1 % du total. Or, nous avons la faiblesse de
penser que cet écart d’1 % n’est pas négligeable…
Une méthode pratique pour étudier la biodiversité est l’analyse en composante de
principe. L’analyse en composantes de principe (ACP) est un procédé mathématique
qui utilise une transformation orthogonale pour convertir un ensemble
d’observations de variables potentiellement corrélées en un ensemble de valeurs non-
corrélées appelées composantes de principe.
Regardez certains de ces graphiques d’ACP basés sur un large échantillonnage de
polymorphisme nucléotidique (PN) de plusieurs individus à travers la planète. Vous
remarquerez une agglomération générale de résultats via lesquels il est possible
d’identifier la race de certains individus.
Cette agglomération est une conséquence naturelle de l’évolution divergente due à
l’isolement géographique et les différences de pressions environnementales que les
homo sapiens ont rencontré dès le début de leurs migrations.
L’espèce humaine se compose de races et sous-races génétiquement
identifiables. Malgré de légères imprécisions dues aux méthodes d’échantillonnage et
de transformation, les congoïdes présentent des différences importantes par rapport
au reste de l’humanité après avoir évolué séparément pendant plus de 120 000 ans (1 30
million d’années selon la théorie polycentrique de Wolpoff). De plus, contrairement
au reste de l’humanité, les congoïdes ne se sont pas mélangés aux néandertaliens.
La race ne se réduit pas à la couleur de peau. Cette dernière n’a
que peu d’importance.
Les scientifiques ont étudié le niveau de différenciation génétique parmi les
différentes races. Le système nerveux représente le plus gros de la variation au sein
des populations humaines, largement plus que la pigmentation.
Variabilité des gènes. Le classement d’une série quelconque
d’individus ou d’éléments dépend entièrement du point de vue retenu. Les différences
raciales, qui ne remettent évidemment pas en cause l’unité de l’espèce humaine,
portent essentiellement sur certains gènes.
Les affirmations de Lewontin sur la variabilité ne sont valables que lorsque l’on
examine la fréquence de différents allèles entre deux personnes à l’échelle
individuelle.
La réponse dépend du nombre de polymorphismes utilisés pour définir cette
dissimilarité ainsi que des races comparées.
Lorsque les scientifiques analysent trois populations géographiquement
distinctes (Européens, Africains, Est-Asiatiques) et en mesurent la similarité
génétique à plusieurs milliers d’endroits différents, des séparations nettes
apparaissent.

30
En résumé, quand on reporte graphiquement les données des
allèles unidimensionnellement, des résultats s’agglomèrent en différents points
selon une répartition longiligne. Pour Lewontin, cela démontrerait une forte
similitude entre les différentes races humaines, et donc, finalement, leur inexistence.
En revanche, si vous les reportez sur deux dimensions voire plus, les différences
raciales deviennent immédiatement visibles, prouvant le caractère fallacieux du
raisonnement de Lewontin.
La différence des moyennes de QI entre les races doit quasiment
tout au génotype, peu à l’environnement. Cf Jensen, Eysenck.
Le métissage n’élimine pas les races, il ajoute un type
intermédiaire aux deux types d’origine, et il peut même donner naissance, à la
longue, à de nouvelles races, comme cela est en train de se faire jour en Amérique
latine.
Influence de l’environnement. Le climat a pu influencer la
couleur de la peau, bien que ce ne soit pas si évident, puisque que l’on trouve des
hommes de race mongoloïde sur l’équateur, comme au pôle Nord. Mais l’adaptation
aux conditions locales porte normalement sur l’ensemble du génotype, et non
seulement sur des caractères isolés.
Les races ne sont pas égales, car l’égalité n’est pas dans la nature.
En dehors des vrais jumeaux (monozygotes), deux individus ne sont jamais
génétiquement identiques. De même, les gènes qui déterminent la race ont une
influence physique et mentale qui varie selon la race. L’égalité des citoyens devant la
loi, quelle que soit leur origine, proclamée par la constitution, n’est en rien une égalité 31
de nature. On peut en dire autant de l’égalité morale entre les hommes affirmée par
certaines religions ou philosophies.

Théorie des 7 Races ( Samaël Aun Weor)


Indubitablement, l'humanité, au lieu d'être, comme
on le croit, sur un chemin évolutif, est bien au contraire, parvenue à l'involution.

Les gens de la PREMIÈRE RACE ont réellement été sublimes. Il est bon de savoir que
la première Race a existé sur le CONTINENT DU PÔLE NORD, le premier qui est
apparu pendant la Ronde actuelle et qui sera le dernier à disparaître. Ce continent
était toujours illuminé par l'Étoile Polaire et celle-ci a posé son regard sur lui.

Ces gens de la Première Race étaient ANDROGYNES ; c'étaient des créatures


PROTOPLASMIQUES au corps gélatineux ; ils ne possédaient pas une taille fixe,
comme celle que nous avons actuellement. Ils pouvaient assumer des aspects
gigantesques, mais ils pouvaient aussi bien rapetisser leur silhouette jusqu'à la
réduire à un point mathématique.

Par conséquent, les gens de la Première Race possédaient, comme je l'ai déjà dit, un
Corps Protoplasmique gélatineux. C'était un corps semi-matériel, semi-physique.

Le « protoplasme » de Haeckel, cette « pincée de sel » de Haeckel, dont


proviendraient donc toutes les races existant dans le monde pour se développer, est
incontestablement transcendé par la Race Protoplasmique.

31
Haeckel a pressenti (ainsi que Darwin) que les Races Humaines provenaient du
Protoplasme, mais, et voilà précisément ce qui est intéressant, ils ne sont pas arrivés
jusqu'au cœur du problème.

L'humanité provient assurément du Protoplasme, mais pas comme le pensent


Haeckel ou Darwin.

Si nous pensons à une Race Protoplasmique, alors nous sommes arrivés au cœur de la
question.

Vous pourriez objecter en disant : « Et d'où a surgi cette fameuse race ? »… Et la


réponse serait : des Dimensions Supérieures de la Nature et du Cosmos ! C'est-à-dire
qu'avant qu'apparaisse la Race Protoplasmique sur la face de la Terre, elle est passée
par d'incessantes évolutions et transformations dans les diverses Dimensions de la
Nature.

Rappelons-nous que le monde a normalement Trois Dimensions. Il en existe aussi


une Quatrième, une Cinquième, une Sixième et une Septième, et, bien au-delà, il y a
des Dimensions Supérieures comme la Huitième et la Neuvième…

Par conséquent, avant qu'apparaisse la Race Protoplasmique, comme telle, sur la face
de la Terre, elle est passée par des transformations et des évolutions incessantes dans
les Dimensions Supérieures de la Nature.

Finalement, elle a assumé une forme et elle est apparue, donc, en tant que
groupement humain, sur le Continent Polaire. Il n'est pas superflu de dire qu'à cette 32
époque le Continent Polaire n'était pas situé là où il se trouve maintenant. Il était
assurément situé dans la Région Équatoriale, parce que la Terre, outre le mouvement
de rotation, de translation, d'équilibre, de palpitation, a un autre mouvement, qui est
celui de la DÉVIATION DES PÔLES ou RÉTROGRADATION : les Pôles dévient peu à
peu vers la Ligne Équatoriale et l'Équateur dévie, à son tour, vers les Pôles. De sorte,
donc, qu'à cette époque-là le Continent Polaire était situé dans la Région Équatoriale.

Indiscutablement, la Race Humaine, avant de passer par toutes les transformations et


évolutions qui finirent par se terminer sous une forme concrète dans le dit continent,
a donc surgi à partir du GERME ORIGINEL PRIMITIF, ÉLÉMENTAL.

Ce germe gisait au sein du Chaos ; il dormait profondément dans le Chaos. Mais, au


fur et à mesure que passèrent les siècles, les âges, les éternités, ce germe, en entrant
dans des processus de manifestation cosmique, a évolué, il s'est transformé, etc.,
jusqu'à prendre alors la forme de la race vivante sur la Calotte du Pôle Nord.

Cette Évolution Humaine marche en parallèle avec l'Évolution Planétaire. Nous


savons très bien que notre monde Terre a surgi du Chaos et il est évident que, dans ce
monde Terre, le germe a aussi entamé ses processus évolutifs ; je me réfère au germe
humain.

Cette Race PROTOPLASMIQUE était une Race Semi-Éthérique, Semi-Physique ; elle


n'avait pas forcément besoin de marcher ; elle pouvait librement flotter dans
l'atmosphère environnante. Bien que cela paraisse incroyable, cette RACE était de
COULEUR NOIRE. Si nous disons que la Première Race qu'il y eut dans le monde a
32
été noire, je suis sûr que beaucoup en seront étonnés, surtout ceux qui ont des
préjugés raciaux ; mais c'était ainsi.

Le processus de reproduction se réalisait alors grâce à l'ACTE SEXUEL FISSIPARE.


C'était un processus semblable à celui de la division des cellules : nous savons bien
qu'à un certain moment, le noyau de n'importe quelle cellule se divise en deux et que
chaque partie spécialise pour elle-même la quantité de cytoplasme nécessaire, afin de
s'organiser sous forme de nouvelles cellules. C'est par ce processus de division
cellulaire que se développe la créature dans le ventre maternel.

Ainsi, à un certain moment, l'organisme Père-Mère, l'organisme androgyne, se


divisait en deux, comme les cellules ; c'était le système de reproduction sur la base de
quoi il se détachait. Il poursuivait en étant nourri par le Père-Mère, de la même façon
que n'importe quel mammifère.

Toutefois, ces êtres humains avaient indiscutablement transcendé l'état animal. Ils
étaient des Hommes dans le sens le plus élevé du terme, les Bodhisattvas des Lipikas,
c'est-à-dire les anciens Pitris ou les Créatures Divines ; les Bodhisattvas des Dieux
Saints ; les Bodhisattvas des êtres qui avaient vécu dans le Mahamanvantara passé.
C'était, sans conteste, des créatures auto-réalisées, parfaites…

Lorsque se produisait, en quelque lieu de la planète, la naissance d'une créature (qui


se réalisait, comme je l'ai déjà dit, au moyen de l'acte Fissipare semblable à celui de la
division cellulaire), ceux qui y assistaient, respectueux, se prosternaient à terre, en
adorant la Mère Divine et le Père qui est en secret.
33
Toute naissance était donc célébrée religieusement.

Que l'Acte Sexuel Fissipare soit dépassé, qu'il ne soit plus utilisé aujourd'hui, c'est
vrai, mais il continue d'exister dans la cellule vivante ; et la gestation des créatures
serait aujourd'hui impossible s'il n'y avait pas eu cet Acte Sexuel Fissipare.
Heureusement, les cellules se divisent en deux et, par le processus de multiplication
cellulaire, les organismes grandissent. Par conséquent, cela est resté dans le sang.

La civilisation de la Première Race s'avère intéressante : ils avaient des villes énormes
(non pas d'une Matière purement Physico-chimique, dans le sens où nous
l'entendons, mais ils construisaient plutôt avec une MATIÈRE SEMI-PHYSIQUE,
SEMI-ÉTHÉRIQUE), des temples majestueux, extraordinaires.

À cette époque, nous pouvons dire qu'on connaissait l'authentique MAÇONNERIE


OCCULTE, très semblable à celle fondée par le Comte Cagliostro à Paris et à Londres.
Au lieu d'un P-M, ils avaient deux P-M, l'un Masculin, l'autre Féminin. On pourrait
dire que, comme ils étaient androgynes, simplement, ils savaient faire ressortir leur
partie masculine ou leur partie féminine selon les circonstances.

Le P-M masculin faisait ressortir sa partie masculine avec tout le matériel psychique,
biologique, etc. Et l'autre pôle, son antithèse, le négatif ou féminin, faisait ressortir sa
partie féminine, en faisant disparaître sa partie masculine au fond de sa constitution.
De tels changements psychico-biologiques pouvaient se faire, étant donné le type de
Matière existant.

33
Ce n'était pas une Matière inerte ou dure, comme celle que nous avons maintenant,
mais une matière élastique, plastique, psychique, spirituelle. C'était un autre type de
Matière. Toute la Terre était, pour ainsi dire, Protoplasmique, d'une très belle couleur
bleue intense ; les montagnes étaient transparentes comme le cristal ; elles étaient
ravissantes…

Cette Humanité Divine vivait à l'ÉTAT PARADISIAQUE, au-delà du Bien et du Mal.

Dans les temples de cette Maçonnerie Primitive, on travaillait à RENDRE FÉCONDE


LA MATIÈRE CHAOTIQUE, afin que la Divinité se manifeste de manière intense.
Dans la partie basse du temple, autour de l'Autel, les Androgynes Divins assistaient à
la Liturgie…

Le Gardien, comme toujours, était à la porte, avec son Épée de Lumière,


Flamboyante. Trois types de forces étaient donc à l'œuvre, représentée par les Pôles
Masculin, Féminin et par le Chœur des Androgynes situé dans la partie basse
(Neutre) ; et on manipulait ces forces extraordinaires de l'Univers pour le bien de la
Vie Universelle…

À certains moments de la Liturgie, il y avait des changements d'Officiants : le Vigilant


1, par exemple, à un certain moment, se transformait en Vigilant 2, etc. Les mêmes
frères, à certains moments échangeaient leurs places, ils changeaient d'emplacement,
c'était alors extraordinaire, ce mouvement rythmique au gré des Rites…

Indiscutablement, on utilisait énormément la RUNE HAGAL pour le changement de


colonnes, etc. On travaillait réellement en coopérant avec la Vie Universelle. 34

Dans un de nos Rituels, nous disons : « Rappelez-vous que dans les temps anciens,
les Rituels étaient noirs… ». Il faut savoir comprendre ce que cela signifie ; la vie
arrivait alors par un processus de descente, depuis le spirituel jusqu'au matériel, c'est
pourquoi le symbolisme était en accord avec le processus de la vie : on utilisait, par
exemple, le Calice inversé, le Pentalphe à l'envers, avec la tête vers le bas et les deux
pointes vers le haut. Tout sceptre, tout bâton était inversé.

Vous allez dire : « C'est de la Magie Noire ! ». De nos jours, en effet, ce serait de la
Magie Noire ; mais à cette époque, on voulait symboliser par-là la descente de l'Esprit
vers la Matière. Nous arrivions en descendant et il fallait symboliser ce mouvement
d'une certaine façon…

Ce qu'ils ont rendu purement symbolique, dans la Maçonnerie actuelle, était à cette
époque gigantesque. On faisait des voyages autour de toute la planète Terre, en grand
apparat, avec une énorme solennité ; tout était Félicité, la douleur n'existait pas, nous
étions au-delà du Bien et du Mal…

Les grands Rites cosmiques étaient spécialement célébrés aux époques de Pleine
Lune. Les siècles, les âges passaient dans un État de Félicité inconcevable. Ensuite,
un grand changement fut nécessaire. Les processus de descente s'accélérèrent. Leurs
corps simplement gélatineux devinrent plutôt gazeux…

C'est alors qu'apparurent les HYPERBORÉENS, la Seconde Race. Ces Hyperboréens


étaient situés autour de la CALOTTE du PÔLE NORD. La terre des Hyperboréens
34
formait un vrai fer à cheval autour du Continent Polaire. Elle comprenait tout le Nord
de l'Europe, de l'Angleterre, de l'Ecosse, enfin toutes les terres Nordiques de la
Bretagne, qui, de nos jours, existent encore, mais pas toutefois dans leur totalité.

Sur cette terre des Hyperboréens, a vécu une humanité avec des corps plutôt
GAZEUX, pas purement Protoplasmiques, mais un peu plus denses que le
Protoplasme. Ils flottaient encore dans l'atmosphère. Nous pouvons dire que c'était
une race qui se reproduisait par le SYSTÈME de BOURGEONNEMENT.

Examinons comment bourgeonnent, comment se reproduisent les coraux ; voyons


comment se reproduisent certaines plantes, au moyen de bourgeons : un bourgeon
peut servir de base à une nouvelle plante. Ainsi, sur ces organismes, existait une
espèce d'exsudat ou une entaille qui, à un certain moment, se détachait du Père-
Mère. Elle était plutôt oviforme et, lorsqu'elle s'ouvrait, une nouvelle créature en
sortait.

Le système de reproduction par bourgeonnement a disparu, comme a disparu le


système fissipare, mais ce qui est intéressant, c'est qu'il y a toujours une réminiscence
de cela dans l'organisme humain : il y a différents processus de bourgeonnement que
nous pouvons voir dans notre corps : par exemple, la croissance les ongles, la pousse
des cheveux, tout cela, ce sont des bourgeonnements…

Nul doute que la Race Hyperboréenne ait eu aussi sa civilisation, sa culture.


Toutefois, tout n'était pas parfait chez les Hyperboréens ; il y a eu des échecs, surtout
à la fin de cette race.
35
Il y a eu des HOMMES AQUATIQUES terribles et pervers, comme dit la Maîtresse
Blavatsky. Des créatures aux aspects monstrueux provenant d'involutions sont
apparues. Il y a eu des créatures, par exemple, même si cela paraît incroyable, qui
vivaient dans l'eau, qui avaient une paire d'ailes pour voler, des jambes, comme dit la
Maîtresse Blavatsky, semblables aux pattes d'un bouc, etc., ou des créatures à deux
têtes.

On a vu aussi des ANIMAUX ÉTRANGES : des oiseaux aquatiques ou amphibies, par


exemple, avec deux têtes ; et beaucoup de monstruosités de différentes sortes, mais
cela s'est passé spécialement à la fin de la Période Hyperboréenne.

Pendant la Civilisation Hyperboréenne, il y a eu des cultures extraordinaires, des


forêts profondes… L'humanité, à cette époque, avait alors les pouvoirs de la
CLAIRVOYANCE et de la CLAIRAUDIENCE complètement développés ; elle pouvait
percevoir toutes les Dimensions de la Nature et du Cosmos.

Quand quelqu'un s'enfonçait, par exemple dans une forêt, il ne voyait pas simplement
des arbres, comme de nos jours, mais des géants qui levaient les bras, qui criaient,
qui s'exclamaient, etc. Car les gens percevaient les ÉLÉMENTAUX VÉGÉTAUX. Bien
plus, l'arbre simplement physique, les choses purement chimico-physiques, n'étaient
pas perçues.

Si quelqu'un, je le répète, traversait une forêt épaisse, il voyait la Vie Élémentale. S'il
passait près de grandes roches, il pouvait voir les Élémentaux de la roche, les
Élémentaux Minéraux, les Gnomes ou Pygmées tellement cités par les vieux
35
Alchimistes Médiévaux… L'humanité était déjà, à proprement parler, en chair et en
os. Je ne veux pas dire par là que les Hyperboréens n'aient pas été en chair et en os,
en un certain sens, mais ils étaient encore très subtils, et pourtant, entre eux, ils ne se
voyaient pas aussi subtils que nous autres nous pourrions les voir de nos jours.

Indiscutablement, il y a une différence substantielle entre les Hyperboréens et les


Lémures. Les Hyperboréens sont même arrivés à avoir des castes guerrières. On se
rappelle encore dans les annales des Archives Akashiques de la Nature, ces castes de
géants, grands, minces et armés jusqu'aux dents, combattant contre tout le monde,
processus involutifs du Continent Hyperboréen.

Toutefois, ils n'avaient pas, malgré tout, le potentiel qu'ont pu avoir les LÉMURES.

Les gens du Continent MU étaient Hermaphrodites, au sens le plus complet du terme


; ils avaient donc les organes masculin et féminin également développés. Ils avaient
une hauteur de quatre, cinq ou six mètres, c'est-à-dire que c'était des géants
corpulents, forts…

Les Lémures se reproduisaient par GEMMATION, de la même manière que se


reproduisent les oiseaux, mais avec une différence : les oiseaux doivent réaliser la
copulation, ils ont besoin de la copulation pour créer ; par contre, les Lémures
Hermaphrodites n'avaient pas besoin de la copulation sexuelle.

Si nous observons soigneusement l'ovaire de la femme, nous voyons que tous les 28
jours se détache un ovule de l'ovaire, du follicule de Graff. Il est clair que lorsqu'il se
détache, il reste une petite blessure, située précisément à l'endroit d'où il s'est détaché 36
; alors, de là s'écoule une certaine quantité de sang que nous appelons les menstrues.

Il est intéressant de savoir que cet ovule qui se détachait de l'ovaire des
Hermaphrodites Lémures surgissait à l'extérieur déjà pleinement fécondé, parce
qu'en eux-mêmes ils avaient les deux Pôles (Masculin et Féminin). Alors, cet œuf
restait dans son nid pendant un temps, comme l'œuf de n'importe quel oiseau, et
ensuite il s'ouvrait pour qu'en sorte une nouvelle créature qui se nourrissait du Père-
Mère. C'était l'époque de la reproduction par Gemmation.

Observez bien qu'il y a une différence entre les trois processus de reproduction (la
Fissiparité, le Bourgeonnement et la Gemmation). La Fissiparité est propre aux gens
de la Race Protoplasmique, le Bourgeonnement est propre à la Race Hyperboréenne
et la Gemmation appartient aux Lémures.

Ces Hermaphrodites Lémures avaient la Glande Pinéale pleinement développée et ils


percevaient par clairvoyance, la troisième partie pour ainsi dire, de toutes les
tonalités de couleur qui existent dans le Cosmos infini.

Alors, les gens utilisaient dans leur langage 300 consonnes et 51 voyelles, c'est-à-dire
qu'ils possédaient un langage très riche. Leur larynx n'était pas dégénéré, leur
POUVOIR D'ÉLOCUTION ne s'était pas détérioré.

Non seulement ils pouvaient écrire ces 300 consonnes et 51 voyelles, mais en outre,
ils avaient la capacité de les articuler, c'était d'autres gens, n'est-ce pas ?

36
Ils étaient pourvus d'une force terrible ; rappelons-nous ce que nous conte Homère
dans son « Odyssée », sur le fameux Cyclope qui soulevait des roches énormes avec
ses mains, comme si c'était de petits cailloux.

L'Œil des Lacertiens, l'Œil Cyclopéen, n'est autre que la Faculté de la Glande de la
CLAIRVOYANCE (la Pinéale).

Ils parlaient L'IDIOME UNIVERSEL, l'Idiome Cosmique, Divin. Tous ces idiomes de
la Terre n'étaient pas encore apparus. On parlait une langue unique. Et alors, les
créatures du feu, de l'air, de l'eau et de la terre comprenaient l'humanité ; c'était
d'autres gens.

Les Temples de Lémurie étaient prodigieux. Là, on cultivait les grands Mystères. Les
Lémures avaient des vaisseaux qui leur permettaient DE VOYAGER VERS d'AUTRES
MONDES de l'espace infini. Ils savaient extraire l'énergie atomique, non seulement
de l'uranium, mais de beaucoup d'autres métaux et pierres précieuses, et même des
graines qui germent dans la terre. Ils ont ainsi fabriqué des vaisseaux propulsés par
l'énergie nucléaire, des avions extraordinaires, et même, je l'ai déjà dit, ils sont
arrivés à voyager vers d'autres mondes de l'espace étoilé.

La Civilisation Lémure a été prodigieuse, précieuse. Elle communiquait avec d'autres


humanités planétaires. Les yeux ne s'étaient pas atrophiés. Quand quelqu'un
regardait l'espace étoilé, il voyait non seulement les masses planétaires, mais les
humanités-sœurs qui les peuplaient. Il pouvait percevoir les Génies qui conduisent
les Sphères Célestes ; les Hiérophantes des Temples percevaient, dans l'espace, non
seulement les mondes qui existent actuellement, mais ceux qui avaient existé au 37
cours des Jours Cosmiques précédents et ceux qui doivent exister ou qui devront
exister dans le futur.

Malheureusement, tout passe. Peu à peu, les Forces Solaires et Lunaires, en agissant
sur la biologie, sur la psyché humaine, finirent par produire lentement le processus
DE SÉPARATION EN SEXES OPPOSÉS : au cours des âges et des siècles, quelques
créatures ont commencé à naître avec un sexe plus développé que l'autre. Et le jour
arriva où apparurent ici et là, et de tous côtés, des créatures unisexuelles, soit
hommes, soit femmes. C'est ainsi que l'humanité se divisa en sexes opposés. Mais ce
fut un processus très long, un processus qui ne s'effectua pas en deux ou trois jours ;
il mit, pour se réaliser, des milliers, voire des millions d'années.

L'humanité, alors divisée en sexes opposés, devint différente. La partie féminine


continua, comme toujours, à éliminer un ovule de son ovaire, mais cet ovule qui
apparaissait n'était donc plus fécondé intérieurement. La COOPÉRATION
SEXUELLE fut alors nécessaire pour créer et recommencer de nouveau à créer.

À cette époque, les Kumarats ont travaillé intensément pour l'humanité ; les guides
de l'humanité conduisaient donc les gens, tous les ans, à certaines époques de l'année,
à travers d'immenses territoires, jusqu'aux Temples où aurait lieu la reproduction de
l'espèce ; c'était de très longs voyages. Il en reste encore, comme une légende ou
comme une réminiscence de tout cela, le voyage de la « LUNE de MIEL » des
amoureux.

37
C'était dans le Temple qu'avait lieu la reproduction. L'acte de la reproduction était
considéré comme un Sacrement ; personne n'osait, bien sûr, profaner ce Sacrement.

La reproduction se réalisait par KRIYASHAKTI (le Pouvoir de la Volonté et du Yoga) ;


personne ne commettait alors le crime de renverser le Vase d'Hermès Trismégiste. À
un moment donné, pendant la connexion du Lingam-Yoni, un spermatozoïde
s'échappait pour féconder la matrice, et c'est ainsi que venaient au monde des
créatures parfaites.

Il n'y avait pas de douleur pendant l'accouchement ; partout, il y n'y avait que de la
FÉLICITÉ. Mais, un jour, tout a changé : ce qui est arrivé, c'est que la Terre était
instable, c'est-à-dire que les couches géologiques de notre monde n'avaient pas une
stabilité permanente. Alors, un certain Individu Sacré venu d'autres mondes, à la tête
d'une très haute Commission, a considéré après avoir étudié le problème qu'il était
nécessaire de doter l'humanité de l'abominable ORGANE KUNDARTIGATEUR.

Le corps humain est indiscutablement une machine : il transforme certains types


d'Énergie et ensuite il les retransmet aux couches inférieures de la Terre. Et si on fait
n'importe quelle modification à cette machine, les types d'Énergies passent aussi par
ces modifications.

Quand on a doté l'humanité de l'abominable Organe Kundartigateur, le type


d'Énergie transformé est devenu très Lunaire et il a pu, évidemment, stabiliser
l'écorce géologique de notre monde. Ainsi, l'Organe Kundartigateur n'a pas été donné
à l'humanité n'importe comment, non ! Ces Êtres Ineffables, à l'évidence, ont dû
s'entendre au mieux avec la Monade de chaque personne et avec les Monades en 38
collectivité, afin que ces dernières accordent une plus grande liberté au « Double » de
chacun, au PROMÉTHÉE ou LUCIFER, à la Réflexion Logoïque en nous.

Une fois que le Lucifer a pu agir avec davantage de liberté en chacun nous, il a
stimulé, bien sûr, l'activité sexuelle ; malheureusement, beaucoup de Ténébreux
flottaient dans l'atmosphère et ils firent se précipiter définitivement l'humanité sur le
chemin de la fornication.

Les gens cessèrent ainsi de se rendre aux Temples pour la reproduction ; ils prirent le
sexe à leur compte et ils en abusèrent même. Mais, comme ils étaient habitués à
combiner RITE et SEXE, de toutes manières ils continuèrent à faire une telle
combinaison.

Mais, c'était des combinaisons erronées de Rite avec du Tantrisme Noir, c'est-à-dire
l'éjaculation séminale avec le Rite ; comme résultat, donc, est apparu en chaque
individu l'abominable Organe Kundartigateur : au lieu de monter, le Feu Sacré
descendait ; il se précipitait depuis le coccyx jusqu'aux Enfers Atomiques de l'homme
et ainsi est apparue, en chacun, la fameuse « queue » avec laquelle le Satan biblique
est représenté.

L'écorce géologique du monde a été stabilisée, bien sûr. Malheureusement, les


résultats ont été néfastes. Quand l'abominable Organe Kundartigateur a été éliminé
de l'organisme humain, les CONSÉQUENCES sont restées dans les CINQ
CYLINDRES de la Machine Humaine, et cela a été grave : les résultats désastreux de

38
ces conséquences sont les différents DÉFAUTS PSYCHOLOGIQUES que nous
portons à l'intérieur de nous.

C'est ainsi qu'est restée dans notre nature une seconde nature de type submergé,
animal ; et la Conscience, évidemment, a été absorbée dans cette seconde nature.
Évidemment, l'humanité est tombée dans l'erreur, dans l'égarement, dans l'échec, et
ce fut ainsi jusqu'à nos jours.

Dans les derniers temps de la Lémurie, il y eut beaucoup de Magie Noire, beaucoup
d'Écoles qui se consacrèrent à la Magie de la Main Gauche.

On abusa de la substance naturelle et, peu à peu, après dix mille années de séismes, la
Lémurie s'enfonça au fond du Pacifique.

Ensuite, apparut l'ATLANTIDE. Au fur et à mesure que la Lémurie se submergeait,


l'Atlantide apparaissait. Un certain groupe élu a donc pu survivre pour pouvoir vivre
dans l'Atlantide. Les Atlantes avaient un corps plus petit que celui des Lémures, mais
plus grand que nous ; par rapport à nous, ils ÉTAIENT DES GÉANTS.

Ils avaient aussi une CIVILISATION PRODIGIEUSE ; ils ont construit des villes
énormes, comme Samlios, par exemple, Poséidon (la ville aux sept portes en or
massif).

La Civilisation Atlante fut gigantesque ; ils ont construit des machines extraordinaires
; des VAISSEAUX COSMIQUES descendaient constamment à Samlios ; ils avaient là
des aéroports spéciaux. L'Humanité Atlante communiquait avec les Dieux. 39

Ils utilisaient aussi l'ÉNERGIE ATOMIQUE pour faire fonctionner leurs voitures ou
propulser leurs vaisseaux aériens ou maritimes ; l'éclairage était atomique.

Ils ont atteint un degré de culture que nous sommes encore loin d'avoir atteint. En
matière de mécanique, nous n'arrivons même pas à la cheville des Atlantes. Ils
avaient des appareils prodigieux ; ils sont encore conservés en secret dans quelques
lieux du monde ; il y a certaines machines atlantes qu'on ne remet pas à l'humanité,
parce que celle-ci abuserait de ces dernières ; il faut les garder dans des sites réservés
; seuls les Adeptes les connaissent.

Malheureusement, dans les derniers temps, les Atlantes se sont précipités sur le
chemin de la MAGIE NOIRE ; ils sont devenus des sorciers. Et il a donc fallu que ce
continent soit avalé par les eaux…

Après l'immersion du continent Atlante, les FACULTÉS humaines ont fini par
DÉGÉNÉRER : leur vue ne parvenait plus à percevoir même confusément le nombre
de couleurs que les anciens percevaient ; leur langue s'est appauvrie. De nos jours,
nous ne pouvons même pas prononcer 100 consonnes, alors que les anciens
prononçaient parfaitement 300 consonnes et 51 voyelles. Notre langue s'est
appauvrie…

Après l'immersion de l'Atlantide, la race humaine s'est encore plus affaiblie.


Aujourd'hui, personne n'est plus capable de percevoir les causes des phénomènes
naturels qui se passent autour de nous ; le corps humain a dégénéré ; les sens, comme
39
je l'ai dit, ont fini par s'atrophier. Il n'y a donc pas eu « d'évolution dans la race
humaine », ce qu'il y a eu, par contre, ce sont de gigantesques processus involutifs.
C'est la crue réalité des faits !

Nous sommes actuellement dans la Cinquième Race Racine, qui est celle qui peuple
la surface de la Terre. Nous allons inévitablement vers un AUTRE CATACLYSME,
parce que de la même manière que les Atlantes ont été avalés par les eaux, de même
les gens d'aujourd'hui, ainsi que cette Terre de la Race Aryenne, seront détruits par le
feu ; c'est le feu qui fera ce travail…

Même Pierre, l'apôtre, a dit : « L'ancienne Terre a été détruite par l'eau, mais cette
Terre sera détruite par le feu, et la Terre, avec les œuvres qu'elle renferme sera
consumée et les éléments embrasés se dissoudront »… Nous allons donc vers une
catastrophe inévitable par le feu. Les Aztèques ont bien dit : « Les Fils du Cinquième
Soleil périront par le feu et les tremblements de terre… ».

Les Fils du Premier Soleil étaient les gens de la Race Polaire, les gens
Protoplasmiques ; « les Fils du Second Soleil ont péri, dévastés par de forts ouragans
», c'était les Hyperboréens ; « Les Fils du Troisième Soleil ont péri par un Soleil de
pluie de feu et de grands tremblements de terre », c'était les Lémures ; « Les Fils du
Quatrième Soleil ont été avalés par les eaux, ils se sont transformés en poissons » (les
Atlantes). Nous autres, nous sommes les Fils du Cinquième Soleil et il est écrit que
nous périrons « par le feu et les tremblements de terre ». Ainsi donc, nous allons vers
une autre catastrophe inévitable.

Après le Grand Cataclysme qui s'approche, la Terre passera par une grande 40
transformation et il y aura une SIXIÈME RACE qui sera différente. Je dis « différente
», parce qu'elle sera plus spirituelle…

Actuellement, on est en train de créer la Sixième Race, bien que cela paraisse
incroyable. Certains individus, certains groupes de gens, disparaissent sans savoir
comment, ni pourquoi, et c'est parce qu'ils SONT EMMENÉS vers D'AUTRES
MONDES. De cette planète, les EXTRATERRESTRES s'emploient à emmener le
meilleur de la semence humaine, et ceci pour la croiser avec des gens d'autres
planètes.

De sorte qu'en dehors de la Terre, on est en train d'effectuer actuellement la création


d'une nouvelle Race. Après le Grand Cataclysme qui s'approche, les résultats de ce
croisement seront amenés sur la face de notre monde et alors apparaîtra la Sixième
Race Racine.

Ce sera une race différente ; les Fils du Sixième Soleil seront différents. De même que
les Fils du Cinquième Soleil marquent la mort des Dieux, les Fils du Sixième Soleil
signifient la RÉSURRECTION DES DIEUX. On rendra à nouveau un culte aux Dieux
; on ouvrira une nouvelle fois les Écoles de Mystères, publiquement ; de nouveau,
apparaîtront les grandes Civilisations Ésotériques ; elles ressusciteront à la lumière
du Soleil ; tout sera différent. Ce sera la Nouvelle Jérusalem.

Et, finalement, il y aura une SEPTIÈME GRANDE RACE, qui sera la dernière. Par
conséquent, pour chaque planète qu'il y a dans l'espace, il existe un plan…

40
SECONDE PARTIE

De nouveau, je m'adresse à vous dans l'intention de vous parler des diverses races
qui ont existé dans le monde et aussi des futures Sixième et Septième races qui
viendront à l'existence plus tard.

Avant tout, je veux que vous soyez extrêmement attentifs. La Première Race qui a
existé dans le monde a été la RACE PROTOPLASMIQUE. Il est évident qu'à cette
époque, toute la Terre était protoplasmique (semi-éthérique, semi-physique). Cette
Race est venue, naturellement, d'évolutions et d'involutions passées, qui se sont
produites dans les différentes Dimensions Supérieures de la Nature et du Cosmos.

La Première Race ayant existé dans le monde était d'une belle COULEUR NOIRE. Et
ceci paraîtra étrange à tous ceux qui nous écoutent ; toutefois, même si cela paraît
incroyable, la couleur du feu semblait resplendir sur les très belles pommettes de
cette Race Primitive, androgyne, divine, exquisément divine…

Blavatsky dit que la Race Androgyne Primitive se reproduisait d'une façon


complètement différente de la nôtre : il y avait, alors, l'Acte Sexuel FISSIPARE.

Ce système de reproduction est semblable à celui de la division des cellules dans


l'organisme humain. À un certain moment, en vous (vous le savez très bien), chaque
cellule se divise en deux, et ces deux en quatre, et les quatre en huit, et ainsi de suite.

Tout ce qui a existé dans les générations passées est encore conservé dans notre
organisme : l'Acte Sexuel Fissipare reste représenté dans la DIVISION CELLULAIRE. 41

[…] Dans les anciens Mystères : « Nosce te Ipsum », « Homme, connais-toi toi-même
et tu connaîtras l'Univers et les Dieux »… L'instant où l'organisme androgyne se
divisait en deux était extraordinaire : alors, le rejeton produit se nourrissait aux seins
du Père-Mère. Et, à ce moment-là […] la créature qui venait de se diviser en deux,
priait profondément, en reconnaissant les merveilles du Divin…

C'était une autre époque, mes chers frères ! Pendant le Premier Âge, la DOULEUR
n'existait pas ; la FÉLICITÉ RÉGNAIT sur la face de la Terre…

Les montagnes, les vallées, les océans, TOUT AVAIT une COULEUR BLEUE
PROFONDE. Assurément, les collines paraissaient transparentes…

Il existait des VILLES, même si cela paraît incroyable, mais c'était des villes semi-
éthériques, semi-physiques, ainsi que des TEMPLES de MYSTÈRE où l'on célébrait
les RITES des COSMOCRÉATEURS. Alors, les Fils de l'Aurore du Mahamanvantara,
les Fils de l'Aube, célébraient les plus sublimes rituels…

À certains moments, il y avait des CHANGEMENTS d'OFFICIANTS pendant la


cérémonie, et ces changements avaient lieu avec la RUNE HAGAL : les Officiants
flottaient dans l'espace, en changeant de trônes, et leurs mouvements dansants nous
rappelaient la dite Rune…

41
Les cérémonies en rapport avec les Épreuves du Feu, de l'Air, de l'Eau et de la Terre,
étaient précieuses… Et ces fameux Voyages Ésotériques avaient lieu autour de toute la
planète Terre…

Le Continent Primitif […] comportait une immense étendue, qui allait d'une
extrémité à l'autre de la Terre. Les […] n'avaient pas la densité actuelle, ils étaient
bien plus gélatineux […] protoplasmiques […] à un moment donné, ils pouvaient
s'agrandir jusqu'à prendre des allures gigantesques ou se réduire à la taille des
lilliputiens…

[…] Et il y eut de grands cataclysmes naturels […]

Historique des Tentatives de Classification des Races


Dans la Bible les hébreux classaient déjà les animaux
selon des critères pratiques : purs et impurs, comestibles ou pas...
En 1684 le médecin et philosophe français François Bernier fut le premier à
imaginer* qu'il existait quatre ou cinq races d'hommes avec une méthode assez
simple et en partie géographique : selon le lieu et quelques critères de physionomie
on peut distinguer des "races humaines" différentes. On peut ainsi trouver la
première race dans une zone qui comprend l'Europe jusqu'au Nil, l'Asie, la perse et
les Maldives. Pour Bernier c'est la "race première" (dans laquelle, bien sûr, il se place
!). La seconde comprend le continent africain mais sans les populations les plus au
nord et c'est donc une race noire et presque imberbe (et donc inférieure pour
l'époque).
42
Ce sont les populations de Sumatra, des Philipines, de la
Chine, du Gange (Inde), de la Moscovie et du Turkestan qui forment la troisième
race.
La quatrième race est constituée uniquement des Lapons
qui sont qualifiés par Bernier de "vilains animaux". Pour finir Bernier parle d'une
cinquième race, les habitants du continent américain, mais admet que leur "teint
olivâtre" peut les rapprocher du premier groupe... Dans le texte d'origine la
cinquième race est constituée uniquement des noirs du Cap de Bonne Espérance !
*« Nouvelle Division de la Terre par les différentes Espèces ou races d'homme qui
l'habitent, envoyé par un fameux Voyageur à M. l'abbé de la…»

En 1758 Carl Von Linné proposa dans Systema Natura quatre variétés d'Homo
sapiens, leur attribuant des caractéristiques peu scientifiques :
- les Americanus : rouge, colérique et droit
- les Europeus : blanc, sanguin et musculaire
- les Asiaticus : jaune pâle, mélancolique et rigide
- les Afer : noir, flegmatique et décontracté
Il distinguait également deux autres variétés fantaisistes : les monstrosus (êtres
velus) et ferus (les enfants sauvages).
Carl Von Linné fut malgré tout l'un des premiers à tenter d'établir une recension des
espèces.

En 1775, le naturaliste Johann Friedrich Blumenbach proposa, en s'appuyant


sur Linné, une nouvelle classification des Homo sapiens : De generis humani
varietate nativa. En 1795, il adopta définitivement la taxinomie suivante : la variété

42
caucasienne à peau pâle (l'Europe), la variété mongole (Chine et Japon), la variété
éhiopienne à peau sombre (Afrique), la variété américaine, et la variété malaise
(Polynésiens,Aborigènes...).
La grande nouveauté de Blumenbach c'est qu'il établit une hiérarchie entre les
variétés. Il place la variété caucasienne à l'origine des autres selon un critère très
personnel : c'est le peuple le plus beau ! Les autres variétés sont une dégénérescence
par rapport à cette population originelle (il faut prendre en compte qu'il emploit le
mot dégénérescence dans le sens "écart par rapport à").
Il indique toutefois que toutes les variétés d'hommes correspondent à une seule et
même espèce : il défend le principe d'unité de l'espèce humaine.

Toutes ces tentatives de classification vont marquer les époques et notre façon de voir
le monde. Nous en héritons et elles font partie de notre histoire. Certains utilisent
encore ces théories (sans parfois les connaître !) à des fins racistes.
La science, la génétique nous prouvent que l'Homo sapiens est une race à part
entière, sans sous-catégories... et nous ne pouvons pas faire de classification sur des
critères aussi subjectifs que la couleur de la peau, la géographie, la culture ou la
beauté d'un individu !

Les Races –Esotérisme


Les Maîtres de sagesse ont expliqué que les humains se
développent cosmiquement sur la Terre à travers de sept immenses périodes de
temps appelées Rondes, et sur ce thème le Mahatma Kuthumi a précisé que :
43
1e Ronde. – Dans la première l’homme des suivantes races-racines, sub-races et
races mineures par lesquelles il est un être éthéré. – Pas intelligent, mais super
spirituel. Et dans chacune passe, l'homme se développe de plus en plus en un être
encastré ou incarné (même s’il reste encore essentiellement éthéré). Et comme
l'animal et la plante, l'homme dans cette première ronde il développe des corps
monstrueux en correspondance avec la grossièreté de l'environnement (qui est
également initialement éthéré).

2e Ronde. – Il est encore gigantesque et éthéré, mais son corps se fait plus ferme et
condensé. Il devient un homme plus physique, mais encore moins intelligent que
spirituel ; car l'évolution du mental est plus lente et plus difficile que la structure
physique et le mental ne se développe pas aussi rapidement que le corps.

3e Ronde. – Maintenant il a un corps parfaitement concret et compact ; au début


avec la forme d'un singe géant, et plus intelligent (ou plutôt rusé) que spirituel.
Puisque dans l'arc descendant il a atteint maintenant le point où sa spiritualité
primordiale a été éclipsée et dominée par sa mentalité naissante. Dans la seconde
moitié de cette troisième ronde sa taille gigantesque diminue et son corps s'améliore
en texture (peut-être le microscope pourrait aider à démontrer ceci) et devient un
être plus rationnel – même s’il reste encore plus un singe qu'un homme.

43
4e Ronde. – C'est la ronde actuelle, et l'intellect se développe énormément dans
cette quatrième ronde. Les races muettes vont acquérir la parole humaine dans notre
globe, dans lequel depuis la quatrième race-racine (connue comme la race Atlante), le
langage se perfectionne et la connaissance des choses physiques s’intensifie. Le
monde regorge des résultats de l'activité intellectuelle, mais au détriment d’une
diminution spirituelle. Et dans la première moitié de la quatrième race-racine
apparaissent les sciences, les arts, la littérature et la philosophie, et quand sont
éclipsées dans une nation, renaissent dans une autre. . . .

5e Ronde. – Continue le même développement relatif et le même


combat.
6eRonde. –
7eRonde. –
De celles-ci il n'y a pas besoin d’en parler. (Les Lettres Mahatma)

(Non, Kuthumi ! Tu nous laisses en suspens...)

44
Cependant il laissa des indices, parce que Kuthumi a expliqué qu'il y a des hommes
(encore peu) qui par leurs propres efforts, ils se sont avancés dans l'humanité :

« Platon et Confucius étaient des hommes de la cinquième ronde, et notre Seigneur


Gautama Bouddha, pour l'impeccable séquence de ses réincarnations, il a déjà acquit
le niveau de développement qu'auront les humains dans la sixième ronde. »

(Lettre Mahatma 14)

Donc, nous pouvons en déduire que :

5e Ronde. – L'homme acquiert la sagesse. Son mental est complètement développé,


il devient un individu indépendant (parce que maintenant la majorité de l'humanité
vit encore plus ou moins dans une conscience de masse), et l'homme va enfin contrô-
ler complètement sa nature intérieure animale (Kama).

6e Ronde. – L’homme atteint la pleine illumination, la spiritualité devance l'intel-


lect. Il se libère des attachements de la matière.

44
7e Ronde. – L'homme devient un “homme-dieu”. Sa spiritualité et ses pouvoirs sont
pleinement développés. L'homme revient à son état spirituel initial, mais tandis qu’au
début il était un être inconscient et passif, à la fin il devient un être conscient et actif.

(Remarque: Bouddha, Platon, Confucius étaient des hommes plus avancés, mais pas
leurs corps, et comment sera la morphologie des humains dans les prochaines rondes
est encore un mystère.)
Et dans d’autres lettres, les Maîtres Kuthumi et Morya ont donné plus de détails :

• Au début des sept rondes, l'homme a déjà en germe en lui tous ses sept
principes, mais aucun d'eux ne sont encore développés. Et c'est pour cela que l'on
pourrait le comparer à un bébé cosmique. (LM 15)
Et dans chacune des sept rondes il va pleinement développer l'un de ses sept
principes. (LM 15)

45

L'homme commence sa descente dans la première


ronde comme une entité entièrement spirituelle – un septième principe inconscient–
avec les germes des six autres principes en état latent et endormis en lui. . . . et quand
il atteint notre planète qui est à peine en train de se former, l'homme est seulement
un glorieux faisceau de lumière sur une sphère [la Terre] qui elle-même est encore
pure et intacte.(LM 13)
• Dans la première ronde, sa conscience sur notre Terre
[Globe D] est terne et plutôt faible et vague, semblable à celle d’un bambin. Quand il
arrive sur notre Terre à la deuxième ronde, il est devenu responsable jusqu’à un
certain degré, dans la troisième ronde il est devenu [presque] complètement
responsable de lui-même. (LM 15)
• Ce n'est qu'à la quatrième ronde, où ayant atteint la pleine
possession de son Kama-Énergie, celle-ci parvenue à pleine maturité, que l'homme
devient pleinement responsable. . . . La volition de l'homme, son intelligence et
conscience se réveilleront seulement lorsque le quatrième principe Kama aura mûri

45
et se soit complété par le contact successif avec les forces vivifiantes de toutes les
formes que l'homme a adoptées au cours de ses trois rondes antérieures. (LM 13)
• Dans chaque étape et dans chaque ronde, son
développement est en accord avec le globe où il se trouve. (LM 15)
• Parce que l'espèce humaine et chaque être vivant sur la
planète augmentent leur matérialité en relation avec celle de la planète. (LM 13)
• L’actuelle humanité est dans sa quatrième ronde. . . et ses différentes races,
ainsi que les entités individuelles qui les composent, effectuent inconsciemment et
pour elles-mêmes [races et individus] ses cycles terrestres septuples locaux, d'où la
grande différence dans leurs niveaux d'intelligence, d'énergie, spiritualité, etc. [Parce
que certains ont commencé plus tôt et d'autres plus tard] (LM 13)
• Et bien sûr, il y a beaucoup de personnes différentes, même dans la quatrième
ronde, car les germes des principes ne sont pas développés en tous pareillement. (LM
15)
• Les hommes (les rares qui sont arrivés en avance) dans la cinquième
ronde, mais seulement dans sa première étape (sa première race ou plutôt classe), ils
sont néanmoins beaucoup plus élevés que nous – spirituellement sinon
intellectuellement ; car avec la consommation ou plein développement de leur
cinquième principe Manas (le mental), ils sont arrivés à être plus proches de ce que
nous le sommes, et à tenir un contact plus étroit avec leur sixième
principe Bhuddi (l’âme spirituelle). (LM 15)
• Les rares hommes de la cinquième ronde, n'engendrent pas des enfants de la
cinquième, mais de la quatrième ronde (LM 23)
• Dans la sixième ronde, l'homme peut devenir un Bouddha, et dans la septième 46
ronde, il peut devenir un Dhyan-Chohan [c'est-à-dire une Intelligence supérieure qui
supervise la Création]. (LM 13)
• Pendant la septième ronde les hommes deviendront des dieux. (LM 23)
Le «bébé cosmique" du début de la première ronde (avec ses sept
principes en état latent) a grandi et est devenu un «Homme Cosmique» à la fin de la
septième ronde (avec ses sept principes pleinement développés). C'est l'un des
objectifs des planètes et de leurs cycles de vie de sept rondes, engendrer une nouvelle
génération d'hommes-dieux.

Presque rien n'a été enseigné sur comment se développe


l'homme dans les autres globes de la chaîne de la Terre. Par la loi de correspondance
("comme ce qui est en haut, et comme ce qui est en bas"), on peut supposer que le
processus est similaire, mais à des niveaux plus subtils, et que ce processus se produit
également dans d'autres planètes.

Structure Théosophique de l’Homme


Quand on a appris la structure de la néo-théosophie
et qu’après on la confronte avec la structure originelle enseignée par les Maitres de
Sagesse et ses disciples directes, au début on est très confondu. Mais avec un peu de
patience on finit par voir plus clair. Pour faciliter la compréhension, on l’explique de
la façon suivante :

46
L’homme est une conscience constituée par 7 principes :

- L’esprit divin Atma


- L’âme spirituelle Buddhi
- Le mental Manas
- Le corps émotionnel Kama
- Le corps énergétique Prana
- Le corps astral
- Le corps physique
La partie immortelle de l’homme est constituée par les 3 principes supérieurs
qui sont :
1) Le rayon divin qui irradie sur chaque individu
2) Mais comme l’Esprit divin est trop puissant pour pouvoir irradier
sur l’humain, il a besoin d’un intermédiaire, qui est l’âme spirituelle
3) Et Atma-Buddhi étant des principes universels, pour pouvoir être
une individualité active, ils ont besoin d’un mental, lequel se
développe au cours des nombreuses incarnations.
Cependant, la triade supérieure reste dans le monde divin. Donc, pour pouvoir
se développer, le mental supérieur va projeter un rayon de son essence vers la terre.
Et ce rayon est connu comme le mental inférieur.
Or, pour pouvoir avoir une existence sur le monde matériel, le mental inférieur
a besoin d’un corps physique. Mais pour que ce corps physique puisse vivre, il a
besoin d’une contrepartie subtile que lui donne et maintienne sa forme. Et ça c’est la 47
fonction du corps astral.
Et le corps physique a aussi besoin d’une contrepartie subtile qui lui apporte
l’énergie de vitalité pour le maintenir en vie. Et ça c’est la fonction du corps
énergétique.
Et ces trois corps forment la triade inférieure. Cependant, il existe le besoin d’une
connexion entre la triade supérieure et la triade inférieure. Et ça c’est la fonction du
corps des désirs et des passions que l’on pourrait définir comme « la nature animal
que l’on a développée en nous dans le passé » (et que Leadbeater a mélangé avec le
corps-astral).

Et pendant la réincarnation, le mental inférieur va être tiraillé


par les bas désirs de kama et la sagesse de Buddhi. Un peu comme l’image d’un petit
diable qui essaye de nous emmener vers le mauvais chemin et un petit ange qui
essaye de nous élever vers le divin.
Ce qui est intéressant, est que cela correspond avec la structure des plans subtils où
se développent les humains, validant avec cela la loi de correspondance qui dit que :
« ce qui est en bas est comme ce qui est en haut » (et qui ne se trouve pas dans les
structures qu’a inventéés Leadbeater.) Le corps causal correspond à Buddhi ;

PHILOSOPHIE DU GENRE HUMAIN


Par Fabre d’Olivet ( résumé)
47
Mon intention était de réunir sous un même point de vue, et dans
l’ordonnance d’un même tableau, l’histoire générale du globe que nous habitons, sous
tous les rapports d’histoire naturelle et politique, physique et métaphysique, civile et
religieuse, depuis l’origine des choses jusqu’à leurs derniers développements (c’est-à-
dire à son époque de vie 1767 - 1835 ) ; de manière à exposer sans aucun préjugé les systèmes
cosmogoniques et géologiques de tous les peuples, leurs doctrines religieuses et
politiques, leurs gouvernements, leurs mœurs, leurs relations diverses, l’influence
réciproque qu’ils ont exercée sur la civilisation, leurs mouvements sur la terre, et les
événements heureux ou malheureux qui signalèrent leur existence plus ou moins
agitée, plus ou moins longue, plus ou moins intéressante ; afin de tirer de tout cela
des lumières plus étendues et plus sures qu’on ne les a obtenues jusqu’ici sur la
nature intime des choses, et surtout celle de l’homme, qu’il nous importe tant de
connaitre.__________________________
Pour cette étude du genre humain les sujets les plus dignes de
voir le jour sont ceux en rapport avec l’état social de l’homme et aux diverses formes
de gouvernement. Nous allons nous entretenir de l’homme ; et cet être ne nous est
encore connu ni dans son origine, ni dans ses facultés, ni dans l’ordre hiérarchique
qu’il occupe dans l’univers. Le connaitre dans son origine, c’est-à-dire dans son
principe ontologique, nous est inutile pour le moment, puisque nous n’avons pas
besoin de savoir ce qu’il a été hors de l’ordre actuel des choses, mais seulement de
connaitre ce qu’il est dans cet ordre : ainsi nous pouvons laisser à la cosmogonie, dont
48
l’ontologie proprement dite constitue une partie, le soin de nous enseigner l’origine
de l’homme, comme elle nous enseigne l’origine de la terre ; c’est dans les écrits de
Moïse, et des autres écrivains hiérograhes que nous pouvons apprendre ces choses ;
mais nous ne pouvons pas nous dispenser d’interroger la science anthropologique si
elle existe, ou de la créer si elle n’existe pas, pour nous instruire de ce qu’est l’homme
en tant qu’homme, qu’elles sont ses facultés morales et physiques, comment il est
constitué intellectuellement et corporellement, de la même manière que nous
interrogerions la science géologique ou géographique, si nous voulions nous occuper
des formes intérieures ou extérieures de la terre._________________________
J’ai besoin de faire connaitre d’avance la constitution
intellectuelle, métaphysique de l’homme, telle que je la conçois, afin que je puisse me
faire entendre quand je parlerai du développement successif de ses facultés morales,
et de leur action.______________________________________________

La Connaissance de l’homme est indispensable au législateur

Puisque c’est de l’homme et pour l’homme que les


écrivains politiques et les législateurs ont écrit, il est évident que la première et la plus
indispensable connaissance devait être pour eux, l’Homme ; et c’est une connaissance
que la plupart ne possédaient pas, qu’ils ne cherchaient pas à acquérir, et qu’ils
auraient souvent été incapables de trouver, quand même ils l’auraient cherchée. Ils
recevaient l’homme tel que les naturalistes et les physiciens le leur présentaient, selon

48
la science anthropographique plus qu’anthropologique, pour un animal, faisant partie
du règne animal, et ne différent des autres animaux que par un certain principe de
raison, que Dieu, ou plutôt la Nature décorée de ce nom, lui avait donné, comme elle
avait donné des plumes aux oiseaux et la fourrure aux ours : ce qui pouvait aller
jusqu’à la faire désigner d’animal raisonnable. Mais attendu que ce principe de
raison, suivant les plus profonds physiologistes, paraissait ne pas être étranger à
certaines classes d’animaux, aux chiens, aux chevaux, aux éléphants, etc.. ; et qu’on
avait vu des perroquets même apprendre une langue, et se servir de la parole pour
exprimer des idées raisonnables, soit en répondant aux interrogations, soit en
interrogeant eux-mêmes, ainsi que le rapporte Locke ; il découlait de cette
observation, que l’homme ne jouissait de ce principe que du plus au moins à l’égard
des autres animaux, et qu’il ne devait cette supériorité accidentelle qu’à la souplesse
de ses membres, à la perfection de ses organes, qui lui en permettaient l’entier
développement. On attribuait à la forme de sa main, par exemple, tous les progrès
dans les sciences et dans les arts ; et l’on ne craignait pas d’insinuer qu’un cheval
aurait pu égaler Archimède comme géomètre, ou Timothée comme musicien, s’il
avait reçu de la Nature des membres aussi souples et des doigts aussi heureusement
conformés. Le préjugé à cet égard était si profondément enraciné, qu’un historien
moderne osait bien avouer qu’il ne voyait entre l’animal et l’homme de différence
réelle que celle des vêtements ; et qu’un autre écrivain bien plus célèbre, considérant
cette supériorité de raison que l’homme manifeste quelquefois comme une lueur
mensongère qui affaiblit la force de son instinct, dérange sa santé et trouble son
repos, ainsi qu’en effet, il s’en trouvait peut-être malade et troublé lui-même, assurait 49
que si la Nature nous a destinés à être sains, l’homme qui médite est un animal
dépravé.
Or, si pour méditer seulement l’homme se déprave, à plus forte raison s’il admire, s’il
contemple, et surtout s’il adore ! Lorsque, après avoir posé de tels prémisses, on
raisonne sur l’Etat Social, et que, ne voyant dans l’homme qu’un animal plus ou
moins parfait, on s’érige en législateur, il est évident qu’à moins d’être inconséquent,
on ne peut proposer que des lois instinctives, dont l’effet certain est de ramener le
Genre humain vers une nature âpre et sauvage, dont son intelligence tend toujours à
l’éloigner. C’est bien ce que voient d’autres écrivains qui, réunissant une plus grande
exaltation d’idées à la même ignorance de principes, et se trouvant effrayés des
conséquences où ces tristes précepteurs les entrainent, se jettent avec force du côté
opposé, et franchisent le juste milieu si recommandé par les sages.
Ceux-là faisaient de l’homme un pur animal. Ceux-ci en font une intelligence pure.
Les uns plaçaient leur point d’appui dans ses besoins les plus physiques ; les autres le
posent dans ses espérances les plus spirituelles ; et tandis que les premiers le
resserrent dans un cercle matériel, dont toutes les puissances de son être le poussent
à sortir, les seconds, se perdant dans les plus vagues abstractions, le lancent dans une
sphère illimitée, à l’aspect de laquelle son imagination même recule épouvantée.
Non : l’homme n’est ni un animal, ni une intelligence ; c’est un être mitoyen, placé
entre la matière et l’esprit, entre le ciel et la terre, pour en être le lien.

49
L’homme, en prenant même ses formes physiques pour celles d’un un animal est plus
que raisonnable, il est intelligent et libre._____________________________

La positon de l’homme dans l’univers

Les philosophes, naturalistes ou physiciens


qui ont renfermé l’homme dans la classe des animaux ont commis une faute énorme.
Trompés par leurs superficielles observations, par leurs frivoles expériences, ils ont
négligé de consulter la voix des siècles, les traditions de tous les peuples. S’ils avaient
ouvert les livres sacrés des plus anciennes nations du monde, ceux des chinois, des
hindous, des hébreux ou des Parses, ils auraient vu que le règne animal existait tout
entier avant que l’homme existât.
Lorsque l’homme parut sur la scène de
l’univers, il forma à lui seul un quatrième règne, le Règne hominal. Ce règne est
nommé Pan-Kou par les chinois, Pourou par les brahmes, Kai-Omordz ou Meschia
par les sectateurs de Zoroastre, et Adam par les hébreux, et tous ceux qui reçoivent le
Sepher de Moïse, soit qu’ils s’y rattachent par l’évangile comme les chrétiens,lsoit
qu’ils y remontent par le Coran et l’Evangile comme les musulmans. J’ai prouvé dans
ma traduction de la cosmogonie de Moïse, contenue dans les dix premiers chapitres
du Sepher, qu’il fallait entendre par Adam, non pas l’homme en particulier, mais
l’homme en général, l’homme universel, le Genre humain tout entier, le règne
hominal enfin. Si les circonstances me permettent de donner un jour le commentaire
50
que j’ai promis, je prouverai de la même manière que le premier homme des chinois,
des hindous ou des Parses, Pan-Kou, Pourou, ou Kai-Ormodz, doit être universalisé,
et conçu, non seulement comme un seul homme, mais comme la réunion de tous les
hommes qui entrent, sont entrés ou entreront dans la composition de ce grand tout
que j’appelle le Règne Hominal.
Que l’on interroge les géologistes les plus savants, ceux qui ont pénétré le plus avant
dans la connaissance matérielle de notre globe, ils vous diront, que parvenus à une
certaine profondeur, on ne trouve plus aucun vestige, aucun détriment qui annonce la
présence de l’homme dans les premiers âges du monde, tandis que les débris et les
ossements des animaux s’y rencontrent avec profusion ; ce qui s’accorde parfaitement
avec les traditions sacrées dont j’ai parlé.

Quelques idées Générales

Au moment où l’homme parut sur la terre,


les trois règnes qui en forment l’ensemble et la divisent existaient. Le règne minéral,
végétal et animal, avaient été l’objet de trois créations successives, de trois
apparitions ou de trois développements ; l’Homme ou plutôt le règne hominal fut le
quatrième. L’intervalle qui sépara ces diverses apparitions est mesuré, dans le Sepher
de Moïse, par un mot qui exprime une manifestation phénoménale ; en sorte qu’en le
prenant dans le sens le plus restreint, on a pu lui faire signifier un jour : mais ce sens
est évidemment forcé, et on ne peut se refuser d’y voir une période de temps

50
indéterminée, toujours relative à l’être auquel il est appliqué. Chez les nations dont
j’ai parlé, où les divers développements de la nature se trouvent énoncés à peu près
comme dans le Sepher de Moïse, on mesure ordinairement cette période par la durée
de la grande année, équivalente à cette révolution astronomique, appelée précession
des équinoxes, ou par une de ses divisions ; en sorte qu’on peut la concevoir comme
9, 18, 27, ou 36 mille de nos années ordinaires.
L’homme, destiné à être le nœud qui unit la divinité à la matière, fut selon
l’expression d’un moderne naturaliste, la chaine de communication entre tous les
êtres. Placé aux confins de deux mondes, il devint la voie d’exaltation dans le corps, et
celle d’abaissement dans l’esprit divin. L’essence élaborée des trois règnes de la
nature se réunit en lui à une puissance volitive, libre dans son essor, qui en fit le type
vivant de l’univers, et l’image de Dieu même. Dieu est le centre et la circonférence de
tout ce qui est. L’homme, à l’imitation de Dieu, est le centre et la circonférence de la
sphère qu’il habite ; il n’existe que lui seul dans cette sphère qui soit composé de
quatre essences : aussi est-ce lui que Pythagore désignait par son mystérieux
quaternaire.

Constitution Intellectuelle, Métaphysique de l’Homme

L’Homme appartient à une nature triple, il


peut donc vivre d’une triple vie : d’une vie instinctive, d’une vie animique, ou d’une
vie intellectuelle. Ces trois vies, quand elles sont toutes les trois développées, se
51
confondent dans une quatrième, qui est la vie propre et volitive de cet être admirable,
dont la source immortelle est dans la vie et la volonté divine. Chacune de ces vies a
son centre particulier et sa sphère appropriée.
L’homme, considéré spirituellement, dans
l’absence de ses organes corporels, peut être conçu sous la forme d’une sphère
lumineuse, dans laquelle trois foyers centraux donnent naissance à trois sphères
distinctes, toutes les trois enveloppées par la circonférence de cette sphère. De
chacun de ces trois foyers rayonne une des trois vies dont j’ai parlé. Au foyer inférieur
appartient la vie instinctive ; au foyer médiane la vie animique ; et au foyer supérieur
la vie intellectuelle. Parmi ces trois centres vitaux, on peut regarder le centre
animique comme le point fondamental ; le premier mobile sur lequel repose et se
meut tout l’édifice de l’être spirituel humain. Ce centre en déployant sa circonférence
atteint les deux autres centres, et réunit sur lui-même les deux points opposés qu’ils
déploient ; en sorte que les trois sphères vitales, en se mouvant une dans l’autre, se
communiquent leurs natures diverses et portent de l’une à l’autre leur influence
réciproque.
Dès que le premier mouvement est donné à
l’être humain en puissance, et qu’il passe en acte par un effet de sa nature, ainsi
déterminée par la Cause première de tous les êtres, le foyer instinctif attire et
développe les éléments du corps ; le foyer animique crée l’âme, et l’intellectuel anime
l’esprit. L’homme se compose donc de corps, d’âme et d’esprit. Au corps
appartiennent les besoins, à l’âme les passions, à l’intellect les inspirations.

51
A mesure que chaque foyer grandit et
rayonne, il déploie une circonférence qui, se divisant par son rayon propre, présente
six points lumineux, à chacun desquels se manifeste une faculté, c’est-à-dire un mode
particulier d’action, selon la vie de la sphère, animique, instinctive ou intellectuelle.
Afin d’éviter toute confusion nous ne nommerons que trois de ces facultés sur chaque
circonférence, ce qui nous en donnera neuf en tout : à savoir
Pour la sphère instinctive : la sensation, l’instinct, le sens commun
Pour la sphère animique : le sentiment, l’entendement, la raison
Pour la sphère intellectuelle : l’assentiment, l’intelligence, la sagacité.
L’origine de toutes ces facultés est d’abord dans la sphère instinctive : c’est là qu’elles
prennent toutes naissances, et qu’elles reçoivent toutes leurs premières formes, les
deux autres sphères qui ne se développent qu’après n’acquièrent leurs facultés
relatives que secondairement et par transformation ; c’est-à-dire que la sphère
instinctive étant entièrement développée, et portant par son point circonférentiel, la
sensation, par exemple, au centre animique, ce centre est ébranlé ; il se déploie,
s’empare de cette faculté qui l’émeut, et transforme la sensation en sentiment. Ce
sentiment, porté de la même manière, et lorsque toutes les conditions sont remplies
pour cela, au centre intellectuel, y est saisi à son tour par ce centre, et transformé en
assentiment. Ainsi, l’instinct proprement dit, passant de la sphère instinctive à
l’animique, s’y transforme en entendement ; et l’entendement devient intelligence,
par une suite de son passage de cette dernière sphère dans la sphère intellectuelle.
Cette transformation a lieu par toutes les autres facultés de ce genre, quel qu’en soit le
nombre. 52
Mais cette transformation qui s’exécute sur les facultés du genre de la sensation, que
je considère comme des affections circonférentielles, et par conséquent extérieures,
s’exécute aussi sur les besoins, qui sont des affections centrales intérieures ; de
manière que le besoin, porté du centre instinctif au centre animique, y devient ou
peut y devenir passion ; et que si cette passion passe du centre animique au centre
intellectuel, elle peut y prendre le caractère d’une inspiration, et peut réagir sur la
passion, comme la passion réagit sur le besoin.
Maintenant, considérons que toute affection
circonférentielle du genre de la sensation excite un mouvement plus ou moins fort
dans le centre instinctif, et s’y représente à l’instant comme plaisir ou douleur, selon
que ce mouvement est agréable ou fâcheux, et qu’il prend sa source dans le bien ou
dans le mal physiques. L’intensité du plaisir ou de la douleur est relative à celle du
mouvement excité, et à sa nature. Si ce mouvement a une certaine force, il fait naitre,
selon qu’il est agréable ou douloureux, deux effets inévitables ; l’attrait qui l’attire, ou
la crainte qui le repousse s’il est faible ou douteux, il produit l’indolence.
De même que le centre instinctif perçoit par
la sensation le bien et le mal physiques sous les noms de plaisir et de douleur, le
centre animique développe par le sentiment le bien et le mal moraux sous les noms
d’amour et de haine, et le centre intellectuel se représente le bien et le mal
intellectuels sous les noms de vérité ou d’erreur. Mais ces effets inévitables d’attrait
ou de crainte qui s’attachent à la sensation instinctive, selon qu’elle excité le plaisir ou

52
la douleur, ne survivent pas à cette sensation, et disparaissent avec elle ; tandis que,
dans la sphère animique, le sentiment qui fait naitre l’amour ou la haine, amenant
également deux effets certains, le désir ou la terreur, loin de disparaitre avec la cause
du sentiment qui les a produits, persistent, au contraire, longtemps après, avec ce
même sentiment, prennent le caractère de passions, et appellent ou repoussent la
cause qui les a fait naitre.
Cette existence tripliforme de l’homme,
quoiqu’elle paraisse très compliquée, à cause des actions nombreuses et des réactions
qu’opèrent, incessamment, les uns à l’égard des autres, les besoins instinctifs, les
passions animiques et les inspirations intellectuelles, serait encore très simple, et
n’offrirait guère que celle d’un être nécessité, si nous n’avions pas à considérer cette
quatrième vie, qui renferme les trois autres, et donne à l’homme la liberté, qu’il
n’aurait pas sans elle.
Sur le centre même de la sphère animique,
premier mobile de l’être spirituel humain, porte un autre centre qui y est inhérent,
dont la circonférence, en se déployant, atteint les points extrêmes des sphères
instinctive et intellectuelle, et les enveloppe également. Cette quatrième sphère, dans
laquelle se meuvent les trois sphères de l’âme, de l’instinct et de l’esprit, est celle de la
puissance efficiente, volitive, dont l’essence émanée de la Divinité, est indestructible
et irréfragable comme elle. Cette sphère, dont la vie incessamment rayonne du centre
à la circonférence, peut s’étendre ou se resserrer dans l’espace éthéré jusqu’à des
bornes qui pourraient s’appeler infinies, si Dieu n’était pas le seul être infini. Voilà
qu’elle est la sphère lumineuse dont j’ai parlé au début. 53
Lorsque cette sphère est suffisamment développée, sa circonférence déterminée par
l’étendue de son rayon admet un grand nombre de facultés ; les unes primordiales, les
autres secondaires, faibles d’abord, mais qui se renforcent graduellement à mesure
que le rayon qui les produit acquiert de la force et de la grandeur. Parmi ces facultés
nous en nommerons seulement douze, six primordiales, et six secondaires, en
commençant par les plus inférieures et en terminant par les plus élevées.
Ces douze facultés sont : l’attention et la perception, la réflexion et la
répétition, la comparaison et le jugement, la rétention et la mémoire, le
discernement et la compréhension, l’imagination et la création.
La puissance volitive, qui porte partout avec elle ses facultés, les place où elle veut,
dans la sphère instinctive, dans l’animique, dans l’intellectuelle ; car cette puissance
est toujours là où elle veut être. La triple vie que j’ai décrite est son domaine, elle en
use à son gré, sans que rien ne puisse attenter à sa liberté qu’elle-même.
Dès qu’une sensation, un sentiment, un assentiment, se manifestent dans l’une des
trois vies qui lui sont soumises, elle en a la perception, par l’attention qu’elle leur
donne ; et, usant de sa faculté de s’en procurer la répétition, même en l’absence de
leur cause, elle les examine par la réflexion. La comparaison qu’elle en fait, selon le
type de ce qu’elle approuve ou de ce qu’elle n’approuve pas, détermine son jugement.
Ensuite elle forme sa mémoire par la rétention de son propre travail, arrive au
discernement, et par conséquent à la compréhension, et enfin rassemble, rapproche
par l’imagination, les idées disséminées, et parvient à la création de sa pensée.

53
De même que la sphère instinctive agit par
besoin, l’animique par passion, l’intellectuelle par inspiration, la sphère volitive agit
par détermination ; et de là dépend la volonté de l’homme, sa force, et la
manifestation de sa céleste origine. Rien n’est si simple, que cette action que les
philosophes et les moralistes ont eu tant de peine à expliquer.
La présence d’un besoin, d’une passion, ou d’une inspiration, excite dans la sphère où
elle est produite un mouvement giratoire plus ou moins rapide, selon l’intensité de
l’un ou de l’autre : ce mouvement est ordinairement appelé appétit ou appétence
dans l’instinct, émotion ou entrainement dans l’âme ou dans l’esprit ; souvent ces
termes se substituent les uns aux autres, et se varient par des synonymes dont le sens
exprime plus ou moins de force dans le mouvement. La puissance volitive, qui en est
ébranlée, a trois détermination dont elle est libre de faire usage :
- Premièrement elle cède au mouvement, et sa sphère tourne du
même côté que la sphère agitée.
- Secondement elle y résiste, et tourne du côté opposé.
- Troisièmement elle reste au repos.
Dans le premier cas, elle se laisse nécessiter par l’instinct, entrainer par l’âme, ou
émouvoir par l’esprit, et connive avec le besoin, la passion ou l’inspiration.
Dans le second cas, elle les combat, et amortit son mouvement par le sien.
Dans le troisième cas, elle suspend l’acquiescement ou le rejet, et examine ce qui lui
convient le mieux de faire.
Quelle que soit sa détermination, sa volonté efficiente, qui se manifeste librement,
trouve les moyens de servir ses diverses appétences, de les combattre, ou de méditer 54
sur leurs causes, leurs formes et leurs conséquences. Ces moyens, qui sont dans le
rayonnement continuel du centre à la circonférence, et de la circonférence au centre,
sont très nombreux. Je vais signaler ici ceux qui s’attachent plus particulièrement aux
douze facultés que j’ai nommées :
• L’attention et perception agissent par individualisation et numération
• La réflexion et la répétition agissent par décomposition et analyse
• La comparaison et le jugement par analogie et synthèse
• La rétention et la mémoire par méthode et catégorie
• Le discernement et la compréhension par induction et déduction
• L’imagination et la création par abstraction et généralisation
L’emploi de ces moyens et de beaucoup d’autres s’appelle Méditation

L’amour, principe de sociabilité et de civilisation dans l’homme

Quels furent les commencements de la civilisation dans la Race


Boréenne ?

Il est présumable qu’à l’époque où cette race parut sur terre, sous des
formes très rapprochées de celles de plusieurs espèces d’animaux, elle put, malgré la
différence absolue de son origine, et, la tendance contraire de ses destinées, rester
assez longtemps confondue parmi elles. Cela dépendait de l’assoupissement de ses

54
facultés, même instinctives ; les deux sphères de l’âme et de l’esprit n’étant nullement
développées dans l’homme, il ne vivait alors que par la sensation, et, toujours
nécessité par elle, n’avait d’instinct que pour la perception seule, sans atteindre même
l’attention. L’individualisation était son seul moyen ; l’attrait et la crainte étaient ses
seuls moteurs, et, dans leur absence, l’indolence devenait son état habituel.
Mais l’homme n’avait pas été destiné à vivre seul et
isolé sur la terre ; il portait en lui un principe de sociabilité et de perfectibilité qui ne
pouvait pas rester toujours stationnaire : or, le moyen par lequel ce principe devait
être tiré de sa léthargie, avait été placé, par la haute sagesse de son auteur dans la
compagne de l’homme, sa femme, dont l’organisation dans des points très
importants, tant physiques que métaphysiques, lui donnait des émotions inverses. Tel
avait été le décret divin, dès l’origine des choses, que cet être universel, destiné à
mettre l’harmonie dans les éléments, et à dominer les trois règnes de la Nature,
recevrait ses premières impulsions de la femme, et tiendrait de l’amour ses premiers
développements. L’Amour, origine de tous les êtres, devait être la source féconde de
sa civilisation, et produire ainsi tant d’effets opposés, tant de félicités et tant de
peines, et un mélange si grand de science et d’aveuglement, de vertus et de vices.
L’Amour, principe de vie et de fécondité, avait donc
été destiné à être le conservateur du monde et son législateur. Vérité profonde que les
anciens sages avaient connue, et qu’ils avaient même énoncée clairement dans leurs
cosmogonies, en lui attribuant le débrouillement du chaos. Isis et Cérès, si souvent
appelées législatrices, n’étaient que le type divinisé de la nature féminine, considéré
comme le foyer vivant d’où cet amour s’était réfléchi. 55
Si l’homme n’avait été qu’un pur animal, toujours
nécessité de la même manière, et que sa compagne, semblable aux femelles des autres
animaux, eut éprouvé, de la même manière, les mêmes besoins que lui ; qu’ils eussent
été soumis l’un et l’autre aux crises régulières des mêmes désirs, également sentis,
également partagés ; s’ils avaient eu enfin, et pour m’exprimer en propres termes, des
saisons périodiques d’ardeur amoureuse, de chaleur ou de rut, jamais ne se serait
civilisé. Mais, c’était loin d’en être ainsi. Les mêmes sensations, procédant des mêmes
causes, ne produisaient pas les mêmes effets dans les deux sexes.
C’est ici le germe de toute civilisation, le point séminal d’où tout doit éclore, le
puissant mobile duquel tout doit recevoir le mouvement dans l’ordre social.
Jouir avant de posséder, voilà l’instinct de l’homme, posséder avant de jouir voilà
l’instinct de la femme. Faisons abstraction un moment des passions que l’Etat social a
fait naitre, et des sentiments que l’imagination a exaltés. Renfermons-nous dans le
seul instinct, et voyons comment il agit sous l’influence seule des besoins ;
considérons l’homme de la nature et non celui de la société.
Il existe une disposition contraire dans la
constitution morale des deux sexes, qui établissait, dès l’origine, une différence
frappante, qui empêchait leurs passions de se manifester sous les mêmes formes,
faisait naitre, de la même sensation, un autre sentiment ; du même sentiment, une
autre pensée ; et leur imprimait, par conséquent, un mouvement tout opposé. Jouir
avant de posséder, et combattre avant de fuir, constituait donc l’instinct de l’homme,

55
tandis que posséder avant de jouir, et fuir avant de combattre, constituait celui de la
femme.
Or, si l’on veut considérer un moment les principales conséquences qui devait
découler de cette différence notable, quand elle était décidée entre les deux sexes ;
c’est-à-dire quand il se trouvait une femme assez heureusement organisée pour
pousser seulement la perception jusqu’à l’attention, on verra qu’il était inévitable
qu’elle ne présentât pas à l’homme, conduit à elle par l’attrait sexuel, une résistance
réelle et non attendue ; car beaucoup plus occupée à l’idée de posséder que de jouir,
et nullement nécessitée par l’appétit qui maitrisait l’homme, elle pouvait examiner
dans son instinct quel avantage réel lui procurerait la sensation qu’on lui proposait.
Le plaisir attaché à cette sensation n’en n’étant pas un pour elle, et l’absence de tout
avantage se présentant à ses yeux avec le cortège inséparable de la crainte, elle
prenait le parti de fuir.
La nature de l’homme n’est point de reculer devant
un obstacle. Son premier mouvement est, au contraire, de le braver, de le vaincre. A
la vue de la femme qui le fuit, il ne reste donc pas en place, il ne lui tourne pas le dos ;
mais poussé par l’attrait qui le subjugue, il se précipite sur ses traces. Souvent plus
légère que lui, elle lui échappe ; quelquefois il la saisit ; mais quel que soit
l’événement, l’attention de l’homme est éveillée. Le combat même qui s’engage lui fait
sentir dans son résultat, heureux ou malheureux, que son but n’est pas rempli. Alors
il réfléchit, mais la femme a réfléchi avant lui. Elle a vu qu’il n’est pas bon pour elle de
se laisser vaincre ; et il a senti qu’il eut mieux valu pour lui qu’elle eut cédé. Pourquoi
donc a-t-elle fui ? Sa réflexion encore faible ne lui permet pas de comprendre que l’on 56
puisse résister à un penchant, et qu’il y ait surtout un autre penchant que le sien.
Mais le fait existe, il se renouvelle. L’homme réfléchit encore. Il parvient, par la
répétition intérieure de sa propre idée, à la retenir, et sa mémoire se formant, son
génie fait un pas énorme. Il trouve qu’il y a plusieurs besoins en lui, et pour la
première fois peut-être il en compte jusqu’à trois, et il les distingue. Ainsi agissent
dans la sphère de sa volonté la numération et l’individualisation.
Si la femme, vers laquelle un penchant irrésistible
l’entrainait, a fui, sans doute qu’un autre penchant a entrainé sa fuite : quel pouvait
être ce penchant ? La faim peut être ! Ce besoin terrible qui se représente dans la
partie instinctive de son être, en absence même de la sensation, y produit une
révolution importante et soudaine ; pour la première fois la sphère animique est
ébranlée, et la pitié s’y manifeste. Cette douce passion, la première dont l’âme soit
affectée, est le vrai caractère de l’humanité. C’est elle qui fait de l’homme un être
véritablement sociable. Les philosophes qui ont cru que cette passion pourrait être
réveillée ou produite, à son origine, par l’aspect d’un être souffrant, se sont trompés.
L’aspect de la douleur éveille la crainte, et la crainte la terreur. Cette transformation
de la sensation en sentiment est instantanée. Il y a dans la pitié l’impression d’une
idée antérieure qui se transforme en sentiment sans le secours de la sensation. Aussi
la pitié est-elle plus profondément morale que la terreur, et tient plus intimement à la
nature de l’homme.

56
Mais dès que l’homme a senti la pitié, il n’est pas
loin de connaitre l’amour. Il réfléchit déjà aux moyens qu’il doit prendre pour
empêcher la femme de fuir à son approche ; et, quoiqu’il se trompe absolument sur
les motifs de cette fuite, il n’en n’arrive pas moins au but de ses désirs. Il saisit le
moment où il a fait une double récolte de fruits, une chasse ou une pêche abondante,
et lorsqu’il a trouvé l’objet de ses vœux, il lui offre ses présents. A cette vue la femme
est touchée, non pas de la manière dont le croit son amant, par la satisfaction d’un
besoin actuel, mais par le penchant inné qui la porte à posséder. Elle sent à l’instant
tout le parti qu’elle peut tirer de l’événement pour l’avenir ; et comme elle l’attribue,
avec raison, à un certain charme qu’elle inspire, elle éprouve dans son instinct une
sensation agréable, qui ébranle chez elle la sphère animique, et y réveille la vanité.
Dès le moment que la femme a reçu les présents de
l’homme, et qu’elle lui a tendu la main, le lien conjugal est ourdi, et la société a
commencé.

Le Mariage, Base de l’Edifice Social

La pitié que l’homme avait ressentie lui


laissait penser que sa femme l’avait choisi comme un appui tutélaire ; et la femme,
touchée par la vanité, voyait son ouvrage dans le bonheur de son époux. D’un côté
l’orgueil naissait, de l’autre la compassion. Ainsi les sentiments s’opposaient et
s’enchainaient dans les deux sexes.
57
Du moment que l’instinct seul n’avait plus
préparé la couche nuptiale, et qu’un sentiment animique plus noble et plus élevé avait
présidé aux mystères de l’hymen, une sorte de pacte avait été tacitement passé entre
les deux époux duquel il résultait que le plus fort s’engageait à protéger le plus faible,
et le plus faible à rester attaché au plus fort. Ce pacte, en augmentant le bonheur de
l’homme, en lui faisant connaitre des plaisirs qu’il ignorait, augmenta aussi ses
travaux. Il fallut qu’il pourvut, non seulement à sa nourriture, mais à celle de sa
femme, quand sa grossesse trop avancée ne lui permit plus de le suivre ; et ensuite à
celle de ses enfants. La raison instinctive, que l’on appelle aussi sens commun ou bon
sens, ne tarda pas à lui faire comprendre que des moyens ordinaires, suffisants
jusque-là, ne lui suffisaient plus, et qu’il fallait en chercher d’autres.
Cette raison, réagissant sur l’instinct, fit naitre la ruse. Il tendit des pièges au gibier
dont il se nourrissait ; il inventa la flèche et l’épieu du chasseur ; il trouva l’art de
rendre sa pêche plus abondante au moyen du hameçon et du filet. Le besoin et son
habitude doublèrent ses forces et son adresse. Sa femme, douée de plus de finesse
dans les organes, joignit à plus de ruse que lui une observation plus sure, et un
pressentiment plus prompt. Elle apprit bientôt à tresser des joncs pour former des
sortes de corbeilles qui, après avoir servi de berceau à ses enfants, devinrent les
premiers meubles de son informe ménage.
Quoique je donne évidemment pour principe
à l’état social le mariage, c’est-à-dire le consentement libre et mutuel de l’homme et
de la femme se réunissant par un pacte tacite, pour supporter et partager ensemble

57
les plaisirs et les peines de la vie, et que je fasse découler l’existence de ce lien des
sensations opposés des deux sexes, et du développement de leurs facultés
instinctives, il s’en faut bien, ainsi que je crois avoir pris le soin de le faire entendre,
que je regarde la formation de ce lien comme fortuite. Si cette formation eut dû être
telle, jamais elle n’aurait eu lieu.
C’est parce que l’homme n’est point un animal, et surtout parce qu’il est perfectible
qu’il peut passer d’un état à un autre, et devenir, de génération en génération, de plus
en plus instinctif, animique ou intellectuel.
Le mariage, sur lequel repose tout l’édifice de la société, est l’ouvrage même de la
Providence, qui l’a déterminé en principe. Quand il passe en acte, c’est une loi divine
qui s’accomplit, et qui s’accomplit par des moyens arrêtés d’avance, et pour atteindre
un but irrésistiblement fixé.
Si l’homme appartenait au Destin il serait, ce que des philosophes à vue courte lui ont
attribué d’être, sans progression dans sa marche, et par conséquent sans avenir. Mais
comme ouvrage de la Providence, il avance librement dans la route qui lui est tracée,
se perfectionne à mesure qu’il avance, et tend ainsi à l’immortalité.

Le Langage de l’Homme, d’abord Muet

L’Homme, doué en principe de toutes les


forces, de toutes les facultés, de tous les moyens dont il peut être revêtu par la suite,
ne possède en actes aucune de ces choses quand il parait à la lumière. Il est faible et
58
débile et dénué de tout. L’individu nous donne à cet égard un exemple frappant de ce
qu’est le Règne à son origine. Les uns qui, pour se tirer d’embarras sur des points très
difficiles, assurent que l’homme arrive sur terre aussi robuste de corps, qu’éclairé
d’esprit, disent une chose que l’expérience dément et que la raison réprouve. Les
autres qui, en recevant cet être admirable tel que la nature le donne, attribuent à la
conformation de ses organes et à ses seules sensations physiques tant de sublimes
conceptions qui y sont étrangères, tombent dans la plus absurde des contradictions et
révèlent leur ignorance. Et ceux enfin qui se croient obligés, pour expliquer le
moindre phénomène, d’appeler Dieu lui-même sur la scène pour le rendre précepteur
d’un être si souvent rebelle à ses leçons, annoncent trop qu’ils trouvent plus facile de
trancher le nœud gordien plutôt que de le dénouer. Ils agissent comme les auteurs
des anciennes tragédies, qui, ne sachant plus que faire de leurs acteurs, les mettaient
à la raison par un coup de tonnerre.
L’homme est un genre divin qui se développe par la réaction de ses sens, tout est inné
en lui, tout : ce qu’il reçoit de l’extérieur n’est que l’occasion de ses idées, et non pas
ses idées elles-mêmes. C’est une plante qui porte des pensées comme un rosier porte
des roses, et un pommier des pommes.
Transportons nous chez quelque peuple que
ce soit, civilisé ou sauvage, habitant le nord ou le midi de la terre, l’ancien ou le
nouveau monde ; n’écoutons pas les mots dont ils se servent pour exprimer
l’affirmation ou la négation, mais observons les gestes qu’ils font, nous verrons qu’ils
sont de partout les mêmes. C’est l’inclination de la tête sur une ligne perpendiculaire

58
qui exprime le OUI ; et la double rotation sur une ligne horizontale qui exprime le
NON. Voyons-nous le bras étendu et la main ouverte se replier vers la poitrine, cela
signifie de se rapprocher. Voyons-nous d’abord le bras replier, se déplier avec
violence et tendre la main, cela signifie éloigner vous. Les bras de l’homme sont-ils
tendus, les poings fermés, il menace. Les laisse-t-il tomber doucement en ouvrant les
mains, il accède. Menons avec nous des muets de naissance ; plus le peuple sera
sauvage et voisin de la nature, mieux il les comprendra, et mieux il sera compris. Et
cela par la raison toute simple qu’ils seront plus près les uns et les autres, de la langue
primitive du Genre Humain.
Le premier langage de l’homme fut donc un
langage muet. On n’en peut concevoir d’autre, sans admettre en lui une infusion de la
parole divine ; ce qui, supposant une infusion de toutes les autres sciences, est
démontré faux par le fait. Les philosophes qui ont recours à une convention
antérieure pour chaque terme de la langue, tombent dans une contradiction
choquante. La Providence ne donne que les principes de toutes choses, c’est à
l’homme de les développer.
Mais, au moment où ce langage muet s’établit entre les deux époux, au moment où un
signe émis comme l’expression d’une pensée, porta cette pensée de l’âme dans l’un
dans celle de l’autre, et qu’elle y fut comprise, elle excita dans la sphère animique un
mouvement qui donna naissance à l’entendement. Cette faculté centrale ne tarda pas
à produire ses facultés circonférentielles, analogues, et dès lors l’homme put, jusqu’à
un certain point, comparer et juger, discerner et comprendre.
Bientôt il s’aperçut, en faisant usage de ses facultés nouvelles, que la plupart des 59
signes qu’il émettait pour exprimer sa pensée, étaient accompagnés de certaines
exclamation de voix, de certains cris plus ou moins faibles ou forts, plus ou moins
âpres ou doux, qui ne manquaient guère de se représenter ensemble. Il remarqua
cette coïncidence que sa compagne avait remarquée avant lui, et tous les deux
jugèrent que cela pouvait être commode, soit dans l’obscurité, soit lorsque
l’éloignement ou un obstacle leur dérobait la vue l’un de l’autre, de substituer ces
diverses inflexions, de voix aux divers signes qu’elles accompagnaient. Ils le firent
peut être dans quelque circonstance urgente, émus par quelque crainte ou quelque
désir véhément, et ils virent avec une véritable joie qu’ils s’étaient entendus et
compris.
Dire combien cette substitution fut
importante pour l’humanité est sans doute inutile. Sentant bien que rien de plus
grand ne pouvait avoir lieu dans la nature. Et que si le moment où se présenta un
pareil événement eut été fixé, il eut mérité les honneurs d’une commémoration
éternelle.
Mais, il ne le fut pas. Et ! Qui peut savoir, et chez quel peuple, et dans quelle contrée il
arriva ?
Peut-être fut il stérile plusieurs fois de suite, ou bien l’informe langage auquel il avait
donné naissance disparut-il avec l’humble cahute qui le recelait. Car tandis que je
rapporte tout au même couple, pour plus de rapidité, peut-on douter que plusieurs
générations n’aient pu s’écouler entre les moindres événements ? Les premiers pas

59
que fait l’homme dans la carrière de la civilisation sont lents et pénibles. Il est
souvent obligé de recommencer les mêmes choses. Le Règne hominal entier est sans
doute indestructible, la race même est forte ; mais l’homme individuel est très faible,
surtout à l’origine. C’est pourtant sur lui que reposent les fondements de tout
l’édifice.
Des mariages eurent lieu et ainsi des familles
se développèrent. C’est la femme qui resserra les liens familiaux. Ces familles vivaient
dans des tanières et en paix, étant pourvus par la pêche, la chasse, du nécessaire pour
subsister.
Le langage, d’abord muet et réduit au signe seul, étant devenu articulé par la
substitution qui se fit insensiblement de l’inflexion de voix qui accompagnait
ordinairement le signe, au signe lui-même, s’étendit assez rapidement. Il fut d’abord
très pauvre, comme tous les idiomes sauvages ; mais le nombre des idées étant très
borné parmi ces familles, il suffisait à leurs besoins. Il ne faut pas oublier que les
langues les plus riches aujourd’hui ont commencé par n’être composées que d’une
très petite quantité de termes radicaux. Ainsi, la langue chinoise, qui se compose de
plus de quatre-vingt-mille caractères, n’offre guère que deux-cent-cinquante racines,
qui forment à peine douze-cents mots primitifs par les variations de l’accent.
Lorsque le langage se fut vocalisé, et que les termes radicaux en furent généralement
admis dans une peuplade formée par un certain nombre de familles réunies et liées
entre elles par tous les nœuds de la parenté, celui qui inventait ou trouvait une chose
nouvelle, lui donnait nécessairement un nom qui la caractérisait et lui restait attaché.
Ainsi par exemple le mot rân ou rên s’étant appliqué au signe qui indiquait le 60
mouvement de la course ou de la fuite, se donna au rêne, qui est un animal
septentrional très vite à la course. Ainsi le mot vâg, s’étant également substitué au
signe qui exprimait le mouvement d’aller en avant, se donna à toute machine servant
à transporter d’un lieu à un autre, et particulièrement au chariot, dont la race
boréenne fit un grand usage, lorsque s’étant considérablement augmentée, elle se
répandit au loin, et jeta des essaims sur l’Europe et l’Asie.

Les Quatre Ages du Monde

Les poètes, et après eux les philosophes


systématiques ont beaucoup parlé des quatre âges du monde, connus dans les
mystères antiques sous les noms d’âge d’or, d’argent, d’airain et de fer. Et sans
s’inquiétaient s’ils n’intervertissaient pas l’ordre de ces âges, ont donné le nom d’âge
d’or à cette époque, ou l’homme, à peine échappé aux influences du seul instinct,
commençait à faire le premier essai de ses facultés animiques, et à jouir de leurs
résultats. C’était sans doute l’enfance du Règne hominal, l’aurore de la vie sociale. Ces
commencements n’étaient pas sans douceur, comparés surtout à l’état
d’assoupissement et de ténèbres qui les avait précédés. Mais, ce serait étrangement
s’abuser, de croire que c’était là le point culminant de la félicité, le point où devait
s’arrêter la civilisation. Une enfance, hors de ses limites naturelles, deviendrait

60
imbécilité ; une aurore qui n’amènerait jamais le soleil frapperait la terre de stérilité
et de stupeur.
Le système des Brahmes est conforme à celui
des mystères égyptiens, d’où les Grecs avaient tiré les leurs. Le Sata-youg, qui répond
au premier âge, est celui de la réalité physique. Suivant ce qu’on dit dans les
Pouranas, c’est un âge rempli de catastrophes effrayantes, où les éléments conjurés se
livrent la guerre, où les Dieux sont assaillis par les démons, où le globe terrestre,
d’abord enseveli sous les ondes, est à chaque instant menacé d’une ruine totale. Le
Tetra-youg, qui le suit, n’est guère plus heureux. Ce n’est qu’à l’époque du Douapar-
youg que la terre ne commence à présenter une image plus riante et plus tranquille.
La sagesse, réunie à la valeur, y parle par la bouche de Rama et de Krishnsen. Les
hommes écoutent et suivent leurs leçons. La Sociabilité, les Arts, la Morale, la
Religion, y fleurissent à l’envie. Le Kali-youg qui a commencé, doit terminer cette
quatrième période par l’apparition même de Vishnou, dont les mains armées d’un
glaive étincelant frapperont les pêcheurs incorrigibles, et feront disparaitre à jamais
de dessus la terre les vices et les maux qui souillent et affligent l’Univers.
Au reste les Grecs ne sont pas les seuls coupables d’avoir interverti l’ordre des âges,
et porté ainsi la confusion dans cette belle allégorie. Les Brahmes eux-mêmes
préconisent aujourd’hui le Satrya-youg, et calomnient l’âge actuel ; et cela en dépit de
leurs propres annales, qui signalent le Douapar-youg, le troisième âge, comme le
plus brillant et le plus heureux. Ce fut l’âge de leur maturité ; ils sont aujourd’hui
dans leur décrépitude ; et leurs regards, comme ceux des vieillards, se tournent
souvent vers le temps de leur enfance. 61
En général, les hommes que l’orgueil rend
mélancoliques, toujours mécontents du présent, toujours incertains de l’avenir,
aiment à se replier sur le passé dont ils estiment n’avoir rien à craindre ; ils le parent
des couleurs riantes que leur imagination n’ose donner à l’avenir. Ils préfèrent dans
leur sombre mélancolie, des regrets superflus et sans fatigue, des désirs réels, mais
qui leur couteraient quelques efforts. Jean Jacques Rousseau était l’un de ces
hommes. Doué de grand talent par la nature, il se trouva déplacé par le Destin. Agité
de passions ardentes qu’il ne pouvait satisfaire, voyant sans cesse le but qu’il eut
désiré d’atteindre s’éloigner de lui, il concentra en lui-même l’activité de son âme, et
tournant en de vaines spéculations, en des situations romanesques les élans de son
imagination et de son cœur, il n’enfanta que des paradoxes politiques, ou des
exagérations sentimentales ; l’homme le plus éloquent de son siècle déclama contre
l’éloquence. Celui qui pouvait être un des plus savants dénigra les sciences. Amant il
profana l’amour. Artiste il calomnia les arts. Et craignant d’être éclairé par ses
propres erreurs, fuyant les lumières qui l’accusaient, il osa bien tenter les éteindre. Il
les aurait éteintes, si la Providence ne se fut opposée à ses aveugles emportements.
Car sa volonté était une puissance terrible. En déclarant la souveraineté du Peuple, en
mettant la multitude au-dessus des lois, en lui soumettant ses magistrats et ses rois
comme ses mandataires, en secouant entièrement l’autorité du sacerdoce, il lacéra le
contrat social qu’il prétendait établir. Si le Système de cet homme mélancolique eut
été suivi, la Race Humaine eut rétrogradé rapidement vers cette nature primordiale,

61
que son imagination vaporeuse et malade lui représentait sous une forme
enchanteresse, tandis qu’elle ne renferme en réalité rien que de discordant et de
sauvage.

Sort de la Femme.

Considérez les peuples sauvages qui, tenant de plus


près à la race boréenne, ont conservé leurs meurs originelles, les Samoïèdes, par
exemple ; vous y trouverez dans toute sa force la cause fatale des malheurs qui
pendant un grand laps de temps ont pesé sur la femme. Elle voulut dominer par la
ruse, elle fut écrasée par la force. Elle voulut s’emparer de tout, et rien ne lui fut
laissé. On ne peut penser sans frémir l’état horrible où elle fut réduite. Il n’est que
trop naturel à l’homme de passer d’une extrémité à l’autre dans ses sentiments, et de
briser avec dédain les objets de son amour ou de sa vénération.
Il existe encore de nos jours des peuples que les
situations locales ou des circonstances fatales ont éloignées de la Religion et de la
civilisation, chez lesquels l’infortune de la femme s’est perpétuée. La manière dont elle y est
traitée ne peut être racontée sans dégout. C’est moins la compagne de l’homme que son
esclave ; moins un être humain qu’une bête de somme. La plus belle moitié du Genre
Humain, celle que la Nature semble avoir pris plaisir à former pour le bonheur, y a perdu
jusqu’à l’espérance. Leur sort y est tellement déplorable qu’il n’est point rare d’y voir des
mères que la compassion rend dénaturées, étouffer en naissant leurs filles, pour leurs
épargner l’horrible avenir qui les attend. 62
Oh ! Femmes, femmes défendez-vous d’une vanité
puérile, production de votre instinct ; et cherchez dans votre âme, surtout dans votre
intelligence, des sentiments plus doux et des inspirations plus généreuses. Vous les y
trouverez bien facilement, puisque la Divinité, qui en est la source, a voulu que tout se
développât dans votre sein avec une admirable promptitude. Vous offrez les charmes
de l’adolescence, à l’époque où l’homme n’est encore qu’un enfant, et vos tendres
regards trahissent déjà les émotions de votre âme, quand il ignore leur existence. Que
vous seriez admirables si, toujours en garde contre les mouvements d’une exclusive
vanité, d’un intérêt jaloux, vous tourniez au profit de l’homme et de la société les
moyens enchanteurs que vous possédez. C’est véritablement alors qu’on pourrait
vous appeler le génie tutélaire de l’enfance, le charme de la jeunesse, le soutien et le
conseil de l’homme. Vous embelliriez le songe de la vie ; et ce songe s’écoulerait pour
vous.

La Guerre et ses Conséquences

Tandis que la race boréenne se civilisait et


qu’elle augmentait en nombre de manière à occuper d’année en année un plus grand
espace de terrain, les siècles s’écoulaient en silence. Toutes les inventions se
perfectionnaient, et l’on pouvait déjà remarquer parmi les différentes peuplades, dont
la Race entière était composée, quelques commencements de vie pastorale et
d’agriculture. On avait creusé des canots pour traverser les bras de mer et pour

62
naviguer sur les fleuves. On avait fabriqué des chariots pour pénétrer plus facilement
dans l’intérieur du pays. Quand les pâturages étaient épuisés dans une contrée, on
passait dans une autre. La terre, qui ne manquait jamais aux habitants, suffisait à
leurs besoins. Les profondes forêts abondaient en gibier ; les mers, les fleuves,
offraient une pêche inépuisable, facile. Les discordes particulières qui pouvaient
s’élever, promptement éteintes, ne devenaient jamais générales ; et le Peuple, destiné
à être le plus belliqueux du monde, en était le plus pacifique. Ce peuple aurait joui à
cette époque d’un bonheur aussi grand que sa situation le lui permettait, si une partie
de lui-même n’eut pas gémi sous le poids de l’oppression. Les femmes étaient partout
réduites à l’état où on les voit aujourd’hui parmi les Samoïèdes. A peu près
communes, elles étaient chargées des tâches les plus pénibles. Quand elles devenaient
âgées, ce qui était assez rare, et qu’on n’en pouvait plus tirer aucun service, on
poussait souvent la barbarie jusqu’à les noyer. Les gémissements de ces infortunées
victimes éveillèrent enfin la sollicitude de la Providence, qui, fatiguée de tant de
cruauté, et voulant d’ailleurs pousser en avant cette civilisation stagnante et à peine
ébauchée, détermina en puissance, un mouvement, que le Destin fit passer en acte.
Dans ce temps-là, la Race noire, Sudéenne à
cause de son origine équatoriale, existait dans toute la pompe de l’état social. Elle
couvrait l’Afrique entière de nations puissantes émanées d’elle, possédait l’Arabie, et
avait poussé ses colonies sur toutes les côtes méridionales de l’Asie, et très avant dans
l’intérieur des terres.

Puis les hommes blancs aperçurent pour la première fois, à la lueur de leurs forêts 63
incendiées, des hommes d’une couleur différente de la leur. Mais cette différence ne
les frappa pas seule. Ces hommes, couverts d’habits extraordinaires, de cuirasses
resplendissantes maniaient avec adresse des armes redoutables, inconnues dans ces
régions. Ils avaient une cavalerie nombreuse ; ils combattaient sur des chars, et
jusque sur des tours formidables, qui, s’avançant comme des colosses, lançaient la
mort de tous les côtés.
Le premier mouvement fut pour la stupeur. Quelques femmes blanches dont ces
étrangers s’emparèrent et dont ils cherchèrent à capter la bienveillance ne furent pas
difficiles à séduire. Elles étaient trop malheureuses dans leur propre patrie pour en
avoir nourri l’amour. De retour dans leur tanière, elles montrèrent les colliers
brillants, les étoffes délicates et agréablement nuancées qu’elles avaient reçus. Il n’en
fallu pas davantage pour monter la tête de toutes les autres. Un grand nombre
profitant des ombres de la nuit, s’enfuit et alla rejoindre les nouveaux venus. Les
pères, les maris, n’écoutant que leur ressentiment, saisirent leurs faibles armes, et
s’avancèrent pour réclamer leurs filles ou leurs épouses. On avait prévu leur
mouvement, et on les attendait. Le combat engagé, l’issue ne fut pas douteuse.
Plusieurs furent tués, le plus grand nombre demeura prisonnier ; le reste prit la fuite.

L’alarme gagnant de proche en proche, se répandit


dans la Race boréenne. Les Peuplades, en grandes masses, s’assemblèrent,
délibérèrent sur ce qu’il y avait à faire, sans avoir prévu d’avance qu’elles

63
délibéreraient, ni sur ce que c’était qu’une délibération. Le péril commun éveilla la
Volonté générale. Cette Volonté se manifesta, et le décret qu’elle porta prit la forme
d’un plébiscite ; mais son exécution ne fut plus aussi facile qu’elle l’avait été autrefois.
Elle n’agissait plus sur elle-même. Le peuple assemblé le sentit, et vit bien que
l’intention de faire la guerre ne suffisait pas, et qu’il serait indubitablement vaincu,
s’il ne trouvait as des moyens de la diriger.
Là-dessus, un homme que la Nature avait doué d’une grande taille et d’une force
extraordinaire, s’avança au milieu de l’assemblée, et déclara qu’il se chargeait
d’indiquer ces moyens. Son aspect imposant, son assurance, électrisèrent l’assemblée.
Un cri général s’éleva en sa faveur. Il fut proclamé le Herman ou le Gherman,
c’est-à-dire le chef des hommes. Tel fut le premier chef militaire.
L’important décret qui établissait un homme au-
dessus de tous, n’avait nul besoin d’être écrit ni promulgué. Il était l’expression
énergique de la Volonté générale. La force et la vérité du mouvement l’avaient gravé
dans toutes les âmes. Lorsqu’il a été nécessaire d’écrire les lois c’est qu’elles n’étaient
plus unanimes.
Le Herman divisa les hommes en trois classes :
( La première dans laquelle il plaça tous les vieillards hors d’état par leur âge
de supporter les fatigues de la guerre.
( Dans la deuxième, il appela tous les hommes jeunes et robustes, dont il
composa son armée.
( Dans la troisième, il plaça les hommes faibles et âgés mais encore actifs, qu’il
destina à pourvoir ses besoins de toutes espèces. 64
Les femmes jeunes et les enfants furent renvoyés au loin, au-delà des fleuves, ou dans
la profondeur des forêts.
Les femmes âgées et les jeunes garçons servirent à porter les vivres ou à garder les
chariots.
Comme les vieillards étaient chargés de distribuer à chacun des combattants sa ration
journalière, et qu’ils veillaient sur les provisions, on leur donna le nom de Diète,
c’est-à-dire la subsistance ; et ce nom s’est conservée jusqu’à nos jours dans celui de
la Diète germanique non pas qu’elle s’occupe comme autrefois de la subsistance
proprement dite, mais de l’existence du corps politique. Cette Diète fut le modèle de
tous les sénats qui furent institués par la suite en Europe, pour représenter la Volonté
générale.

Quant aux deux autres classes établies dans la masse de la population, on donna à
l’une, celle qui contenait les guerriers, le nom de Leyt, c’est-à-dire l’Elite ; et à l’autre
celui de Folk ou Volg, c’est-à-dire ce qui suit, qui sert, la foule, le vulgaire. Voilà
l’origine tant cherchée de l’inégalité des conditions, établie de si bonne heure parmi
les nations septentrionales. Cette inégalité ne fut ni le résultat du caprice, ni celui de
l’oppression ; il fut la suite nécessaire de l’état de guerre dans lequel se trouvaient
engagées ces nations.
Le Destin, qui provoquait cet état, en déterminait toutes les conséquences. Il
partageait irrésistiblement le peuple en deux classes : celle des forts et celle des

64
faibles ; celle des forts appelée à combattre, et celle des faibles réservée pour nourrir
et servir les combattants.
Cet état de guerre, qui par sa longue durée, devait devenir l’état habituel de la Race
boréenne, consolida ces deux classes, et en rendit, par la suite des temps, la
démarcation fixe et les emplois héréditaires.
De là, naquirent au sein de cette même Race, la noblesse et la roture avec tous leurs
privilégiés et tous leurs attributs ; et lorsqu’après avoir été longtemps asservie ou
comprimée cette Race Boréenne prit enfin le dessus de la Race Sudéenne, et qu’elle
en subjugua les diverses nations, elle y consigna encore l’existence des deux classes,
dans les titres de Boréens et d’Hyperboréens, ou de Barons et de Hauts Barons, que
s’attribuèrent les vainqueurs, devenus maitres souverains ou féodaux.

Première Organisation Sociale. Servitude et ses Suites

Lorsque le Herman eut fait sa division dont


j’ai parlé au précédent chapitre, il songea à étendre autant qu’il le put cette
constitution guerrière, et choisit pour cet effet divers lieutenants, qu’il envoya au loin,
parmi les peuplades boréennes, pour les instruire de ce qui se passait, et les engager,
au nom du salut commun, de s’unir d’après les mêmes principes, et de venir en toute
hâte combattre l’ennemi.
Cette ambassade, dont la nécessité engendra
encore les moyens et la forme, eut tout le succès qu’on pouvait en attendre. Les
65
différentes peuplades, alarmées par les récits qu’elles entendirent, et d’ailleurs
entrainées par le mouvement imprimé d’en haut, se constituèrent toutes sur le même
plan, et créèrent autant de Hermans qu’il y eut de congrégations. Ces divers
Hermans en se réunissant formèrent un corps de chefs militaires, qui ne tardèrent
pas à sentir, toujours guidés par la force des choses, qu’il était utile, autant pour eux
que pour la chose publique, de se donner un chef suprême.
Ce chef, proclamé sur sa propre présentation,
et parce qu’il était évidemment le plus fort et le plus puissant, fut appelé Héroll, le
chef de tous. Les Diètes des diverses peuplades le reconnurent, et les différentes
classes de Leyts et de Folks jurèrent de lui obéir. Tel fut le premier empereur, et
telle fut la source du gouvernement féodal : car en Europe et parmi les nations de
Race boréenne, le gouvernement impérial ou féodal ne diffère pas. Un empereur qui
ne domine pas sur des chefs militaires, souverains des peuples qu’il gouverne, n’est
pas un véritable empereur. Ce n’est point un Herôll proprement dit ; c’est un
Herman, un chef militaire plus ou moins puissant. Un empereur, tel
qu’Agamemnon d’Homère, doit régner sur des rois.

Mais, outre les deux classes primordiales qui


divisaient les peuplades entières en hommes d’armes et en serfs, il se forma deux
autres classes supérieures à celles-là, qui se composèrent d’hommes de choix que
s’attachèrent principalement le Herôll ou le Herman, et qui formèrent leur garde, leur
suite, et enfin leur cour.

65
Ces deux classes, auxquelles, ‘attribuèrent
avec le temps, de grands privilèges, donnèrent leur nom à la Race toute entière ;
surtout lorsque cette Race, ayant saisi la domination, étendit au loin ses conquêtes, et
fonda des nations puissantes. De là sortirent les Hérules et les Germains.
Et comme par imitation des Herôlls ou des
Hermans les chefs inférieurs, rendus puissants par la conquête, eurent leurs suivants,
appelés Leudes, à cause de la classe des hommes d’armes d’où ils sortaient ; ils
donnèrent également leurs noms à des peuples entiers, lorsque ces peuples, conduits
par eux, parvinrent à se distinguer de la nation proprement dite en s’établissant au
loin.
Mais tandis que la Race boréenne s’était
préparée au combat, le combat avait continué. Les Sudéens profitant de leurs
avantages, s’étaient avancés dans l’intérieur du pays. La flamme et le fer leur
ouvraient des routes à travers des forêts jusqu’alors impraticables. Ils franchissaient
les fleuves avec facilité, au moyen de ponts, de bateaux qu’ils savaient construire. A
mesure qu’ils avançaient, ils gagnaient des forts inaccessibles. Les boréens, malgré
leur nombre et leur valeur, ne pouvaient point tenir la campagne devant ces
redoutables ennemis, trop au-dessus d’eux par leur discipline, leur tactique, et la
différence des armes. S’ils essayaient de tomber sur eux à l’improviste, ou de les
surprendre à la faveur de la nuit, ils les trouvaient renfermés dans des camps fortifiés.
Tout trahissait cette Race infortunée et semblait la conduire à sa perte absolue.
Les femmes mêmes des boréens les
abandonnaient pour leurs vainqueurs. Les premières qui s’étaient livrées, ayant 66
appris leur idiome sudéen, leur servaient de guides, et leurs montraient les retraites
les plus cachées de leurs pères et de leurs époux. Ces malheureux, surpris, enveloppés
de toutes parts, coupés, jetés avec adresse sur le bord des fleuves, ou aculés contre les
montagnes, étaient obligés de se rendre ou de mourir de misère. Ceux qui étaient fait
prisonniers dans les combats, ou qui se rendaient, pour éviter la mort, subissaient
l’esclavage.
Cependant les africains, déjà maitres d’une
grande partie du pays, en avaient fait explorer les richesses naturelles par leurs
savants. On y avait découvert en abondance des mines de cuivre, d’étain, de plomb,
de mercure, et surtout de fer, que sa grande utilité rendait si précieux à ces peuples.
On avait trouvé des forêts immenses, riches en bois de construction. Les plaines
offraient aux agriculteurs qui voudraient les défricher, l’espoir de récoltes
magnifiques en blé. Des rivières en grand nombre présentaient sur leurs rives de gras
pâturages, susceptibles de recevoir ou de nourrir une grande quantité de bestiaux.
Ces nouvelles, apportées en Afrique et en Asie, apportaient une foule de colons.
Les mines furent exploitées. Les boréens
travaillèrent pour les nouveaux maitres. On leur apprit de nouvelles techniques dans
les entrailles de la terre.
D’autres, pendant ce temps, en travaillant
tout autant s’occupaient du dessus de la terre, récoltant les moissons, aménageant les
forêts.

66
Les femmes mêmes ne furent pas mieux
traitées. Après que la victoire fut décidée, et qu’on n’eut plus besoin de leur secours,
on ne les traita guère mieux que leurs maris. On les vendit comme esclave, et pêle-
mêle avec les hommes on les fit passer en Afrique, où, tandis qu’on les exploitait dans
les travaux les plus vils, on spéculait sur leur postérité.
Si, les nations boréennes, au lieu d’être
encore nomades, eussent été fixées, si elles eussent habité des villes, comme celles
que les espagnols trouvèrent en Amérique, elles étaient entièrement perdues. Mais il
semblait que la Providence, voulant leur conservation, eut imprimé dans la
profondeur de leur âme une horreur invincible pour tout ce qui portait l’apparence
d’une enceinte. Cette horreur, augmentée sans doute par les calamités sans nombre
qu’elles éprouvèrent dans les prisons de leurs tyrans, subsista un grand nombre de
siècles même après leur délivrance, même au milieu de leurs triomphes. Et malgré le
mélange qui a eu lieu tant de fois entre les peuples du midi et du nord, on trouve
encore un grand nombre de hordes, d’origine boréenne, dont rien n’a pu vaincre la
répugnance pour les demeures fixes, même après s’être établies dans des climats plus
doux.
Ce qui sauva la Race Blanche d’une
destruction totale, c’est la facilité qu’elle eut de fuir ses vainqueurs après qu’elle eut
reconnu l’impossibilité de leur résister. Les débris des diverses peuplades, recueillis
par les Hermans, qui depuis leur création n’avaient pas cessé de se renouveler, se
réfugièrent dans le nord de l’Europe et de l’Asie ; et, parvenus dans ces immenses
régions qui leur avait servi de berceau, s’y firent un rempart des glaces que la 67
longueur des hivers y amoncelle. Leurs oppresseurs tachèrent de les y poursuivre,
mais après plusieurs tentatives infructueuses, ils en furent repoussés par l’âpreté du
climat.

La Paix et le Commerce

Cependant une guerre implacable continua entre les


deux Races ; du côté des vainqueurs on voulait faire des esclaves pour exploiter les
mines et cultiver les terres ; du côté des vaincus, on voulait tirer d’abord vengeance
des maux qu’on avait soufferts, et qu’on souffrait encore, et ensuite s’approprier ce
qu’on pouvait ravir des biens des sudéens. Il y avait parmi ces biens, outre les
bestiaux et ce qui servait directement à la subsistance, une foule d’objets dont les
boréens avaient reconnu la grande utilité, et nommément les armes de cuivre et de
fer, et de toutes sortes, fabriquées de ces deux métaux.
Souvent au moment où l’on s’y attendait le moins,
un déluge de boréens inondait les établissements de leurs ennemis ; tout ce qui
pouvait être enlevé l’était ; ce qui ne pouvait pas l’être était dévasté. C’était
ordinairement au cœur de l’hiver, et tandis qu’une voute de glace couvrait les fleuves
et les lacs, que ces incursions avaient lieu. Toutes les précautions des africains
devenaient inutiles contre la première violence du torrent : moins habitués aux
rigueurs du climat, ils ne pouvaient quitter aussi facilement leurs remparts ; les

67
campagnes sans défense devenaient la proie de leurs anciens possesseurs. Les
boréens tombaient bien dans quelques embuscades, ils laissaient bien quelques morts
et quelques prisonniers ; mais ce qu’ils emportaient, les dédommageait toujours au-
delà de leurs pertes ; en s’emparant de certaines mines, de certaines forges, ils
délivrèrent souvent un grand nombre de leurs compatriotes, et emmenèrent avec eux
plusieurs habiles ouvriers des sudéens. Le parti qu’ils surent tirer de ces captures fut
un événement dont les suites devinrent d’une incalculable importance ; un de leurs
hermans, qui peut être avait été esclave chez les ennemis, les persuada d’appliquer
leurs prisonniers aux mêmes travaux, afin de se procurer des armes en suffisante
quantité. Leur essai en ce genre fut d’abord grossier, mais enfin ils connurent l’art de
fondre le cuivre et le fer. Ce fut un pas énorme qu’ils firent. Ils réfectionnèrent leurs
armes et lorsque parvenus à nettoyer l’Europe de leurs adversaires, ils portèrent la
guerre en Afrique et menacèrent le Temple de Jupiter Ammon
Pendant la bonne saison les sudéens reprenaient
l’offensive ; Mais à l’approche de l’hiver les boréens reprenaient leurs déprédations
Au bout de quelques siècles, ces boréens que les
habitants de l’Afrique et de l’Asie regardaient comme de méprisables sauvages,
devinrent des guerriers, dont on ne pouvait plus comme autrefois dédaigner les
attaques.
Les nations sudéennes jugèrent qu’il valait mieux
chercher les moyens de vivre en Paix. L’une de ces nations se détermina à envoyer
une ambassade aux boréens ; ce fut encore la nécessité qui détermina cet acte. Le
Destin, en développant les conséquences d’un premier événement, mettait la Volonté 68
de l’homme aux prises avec elles, et lui fournissait l’occasion d’essayer ses forces.
Ce fut un spectacle aussi nouveau qu’extraordinaire
ces ambassades avec des ennemis désarmés, précédés des prisonniers libérés de leurs
chaines et apportant des offrandes. Mais comme dans l’idiome boréen le mot Paix
n’existait pas, les sudéens se servirent de celui de Liberté, et dirent qu’ils venaient
demander la liberté et l’offrir.
Je me laisse persuader, entrainé par mon sujet, que
le Herman eut d’abord assez de peine à concevoir ce qu’on lui demandait, et qu’il dut
recourir aux vieillards pour savoir s’il existait quelque chose de semblable dans la
tradition. Il n’y existait rien qu’on put comparer à cela. Depuis un temps immémorial
on était en guerre. Cet état pouvait-il cesser ? Pourquoi et comment ? Les interprètes
des sudéens, intéressés à faire agréer l’ambassade, ne manquaient pas de raisons. Ils
démontrèrent facilement à la Diète que la cessation des hostilités offrirait de grands
avantages aux deux peuples, en leur laissant plus de loisir de vaquer à leurs travaux,
et plus de sécurité pour en jouir. Au lieu de se ravir mutuellement les terres et les
objets, on pouvait se fixer des limites que l’on s’engageait à ne pas dépasser, et on
pouvait déterminer un lieu où l’on ferait des échanges.
La Diète, composée de vieillards gouta ces raisons.
La classe des guerriers, sentant par instinct que la paix diminuerait son influence, eut
beaucoup de peine à y consentir. Elle céda enfin mais sans quitter les armes. Parmi
les autres peuplades, la plupart suivirent l’exemple de la première ; mais il s’en trouva

68
plusieurs qui ne voulurent pas y accéder. Pour la première fois on vit que la nation
pouvait être divisée, et pour la première fois aussi on sentit qu’il fallait que le petit
nombre cédât au grand. Le Herôll ayant rassemblé les hermans, compta les voix ; et
voyant que la majorité était pour la paix, il usât de son autorité pour contraindre la
minorité.
Cet ace de la plus haute importance eut lieu sans que son importance fut soupçonnée.
La Race boréenne était déjà gouvernée sans se douter qu’elle eut un gouvernement.
Elle obéissait à des lois sans savoir que c’était des lois. Les événements naissaient des
événements, et la force des choses inclinait la volonté.
Ainsi le premier traité de paix qui fut conclu fut aussi un traité de commerce. Sans le
second motif on n’aurait pas conçu le premier.
Deux actes qui suivirent ce traité surprirent les boréens qui les virent :
• Le premier fut de tracer sur des peaux le résumé de ce qui avait été
conclu : l’art de l’écriture prit naissance, et rentra dans le domaine du
Destin qui le développa.
• Le second acte qui se fit eut pour objet un sacrifice que les sudéens
firent au soleil, une belle cérémonie en habits magnifiques. Mais bien
qu’entendant les mots prononcés, les vieillards ne comprirent rien à ce
qui se disait. Comment croire que le soleil, qui tous les jours se lève
pour éclairer le monde, pourrait apporter d’autres bienfaits ?
L’intelligence de ces hommes encore assoupie n’était pas susceptible de
s’élever à rien de spirituel ; la sphère animique et la sphère instinctive
étaient seules développées en eux ; leurs seules émotions leurs venaient 69
encore des besoins ou des passions.
Tout a son principe et n’en peut avoir qu’un ; les formes seules peuvent varier. Quand
les philosophes de tous les âges ont cherché l’origine des choses intellectuelles dans
ce qui n’est pas intellectuel, ils ont témoigné leur ignorance. Le semblable seul
produit le semblable. Ce n’est pas la crainte qui fit naitre les Dieux ; c’est l’étincelle
divine confiée à notre intelligence, dont le rayonnement y manifeste tout ce qui est
divin. Qui ne gémirait d’entendre un des plus considérables philosophes du siècle
passé, Voltaire, le coryphée de son temps, dire sérieusement : « Il tonne, qui fait
tonner ? Ce pourrait bien être un serpent du voisinage : l faut apaiser ce serpent !
D’où le culte ! Quel pitoyable raisonnement ! Quel oubli de soi-même ! Comment
l’homme qui peut émettre une telle hypothèse ose-t-il prétendre l’orgueil d’éclairer
les hommes.
On peut faire remonter au premier traité de paix qui
fut conclu en Europe, le premier nom générique que se donnèrent les nations
autochtones qui l’habitaient. Il parait bien que, jusque-là, elles n’en avaient pas pris
d’autres que celui de man, l’homme. Mais ayant appris par leurs interprètes que les
sudéens se donnaient à eux-mêmes le titre d’Atlantes, c’est-à-dire les Maitres de
l’Univers, elles prirent celui de Celtes, les héros. Et sachant en outre, qu’à cause de la
couleur blanche de leur peau, on leur donnait le nom injurieux de Scythes, ils
désignèrent leurs ennemis par le nom expressif de Pelaks, c’est-à-dire peaux
tannées.

69
Propriété et Inégalité des Conditions

Jusqu’alors les boréens avaient possédé un


grand nombre de choses sans que l’idée abstraite de propriété entre dans leur esprit.
Il ne leur arrivait pas plus de mettre en doute la propriété de leur arc et de leurs
flèches que celle de leurs bras ou de leurs mains. Leur tanière leur appartenait parce
qu’ils l’avaient creusée, leur chariot était à eux parce qu’ils l’avaient fabriqué. Ceux
qui possédaient quelques rennes, quelques élans, en jouissaient sans trouble par le
fait seul qu’ils les possédaient. La peine qu’ils avaient prise pour les élever, la peine
qu’ils continuaient à prendre pour les nourrir, leur en assurait la possession. Tous en
avaient ou pouvaient en avoir au même prix. Comme personne ne manquait de terre,
personne n’était en droit de se plaindre. La propriété était une telle conséquence de
l’état social, et l’état social une telle conséquence de la nature de l’homme, que l’idée
de la constater et de la fixer par une loi ne pouvait pas seulement naitre. D’ailleurs
comment une loi aurait-elle pu être faite ? Tout le droit politique reposait sur des
usages, et ces usages s’étaient enchainés les uns aux autres avec la même force que les
actes de la vie. Or chacun confondait avec la conscience de sa vie celle de sa
propriété ; et il aurait paru aussi étrange de chercher à vivre de la vie d’un autre que
de vouloir jouir du fruit de son travail, qui n’était autre que l’exercice de sa vie.

Les publicistes se sont tourmentés pour trouver l’origine du droit de propriété, se


sont perdus dans des hypothèses absurdes. Autant valait demander de quel droit
70
l’homme possède son corps. Le corps de l’homme n’est pas l’homme tout entier. Ce
n’est pas proprement lui mais seulement ce qui est à lui. Sa propriété n’est pas son
corps non plus, mais c’est ce qui appartient à son corps. Lui ravir son corps c’est lui
ôter la vie. Lui ravir ce qui est à son corps c’est lui enlever les moyens de la vie. La
force peut sans doute le priver de l’un et de l’autre, mais la force peut aussi les
conserver. Et l’homme a autant de droits de défendre sa vie que les moyens de sa vie :
c’est-à-dire son corps et ce qui est à son corps, ou sa propriété.
Ainsi, dès le moment que la Providence a déterminé parmi les hommes un principe
d’état social, il y a eu nécessairement un principe de propriété ; car l’un ne saurait
exister sans l’autre. Les premières sensations instinctives dont le Règne hominal ait la
conscience sont jouir et posséder, pour l’homme, et posséder et jouir pour la femme :
c’est même de ce contraste que jailli le premier ébranlement qui donne le mouvement
à tout le reste.
La propriété est donc un besoin aussi inhérent à l’homme que la jouissance. La
sensation de ce besoin transformé en sentiment dans la sphère animique, devenant
permanent comme tous les autres sentiments dans l’absence même du besoin qui les
a fait naitre, y produit une foule de passions, dont la force se divulgue et s’étend au
fur et à mesure que la civilisation fait des progrès. Du sentiment de propriété nait le
droit ; des passions qui l’accompagnent naissent les moyens d’acquérir ce droit et de
le conserver. Il n’est nullement besoin d’une convention pour cela : la loi qui l’établit
est gravée dans tous les cœurs.

70
Cela ne veut pas dire que le vol ne puisse pas arriver dans l’origine des sociétés. Mais
le voleur agit en sachant qu’il agit contre un droit qu’il reconnait pour lui-même, un
droit pour la conservation duquel il sait que l’homme volé combattra de la même
manière qu’il combattrait dans une semblable occasion. S’il ne savait pas cela il
n’existerait pas d’état social. De cette conscience nait une situation fâcheuse pour le
réfractaire, car ses forces en sont diminuées d’autant plus qu’il sent son tort, et celles
de son adversaire augmentées d’autant plus qu’il sent son droit.
L’homme préfèrera donc se fabriquer l’objet de ce qui aurait été le vol plutôt que
d’affronter les dangers du vol. Il jugera que la moindre fatigue et le moindre danger
sont du côté du travail. A moins pourtant que l’urgence du besoin ne le pousse. à
s’exposer. Il réussira quelquefois, mais le plus souvent il périra, et sa mort servira de
leçon aux autres, dont l’état social profitera.

Les hommes naissent inégaux de toutes les


manières et plus inclinés vers certaines facultés que vers d’autres. Il y en a de faibles
et de forts, de petits et de grands, de belliqueux et de pacifistes, de paresseux et
d’agiles. Tandis que les uns aiment l’agitation, le bruit, le danger, les autres préfèrent
le repos, le calme, et choisissent le métier de pasteur, d’agriculteur, plutôt que celui
de soldat.
Or la division qui se lit entre les uns et les autres ne fut point arbitraire. Ce fut
librement et par un mouvement instinctif que chacun se mit à sa place. Il n’était pas
encore là de point d’honneur qui forçat les hommes à paraitre ce qu’ils n’étaient pas,
et encore moins de loi constrictive qui leur ordonnât malgré eux de prendre un métier 71
pour lequel plusieurs se sentaient un invincible éloignement.
Aussi dès que le herman eut annoncé son intention de créer une classe d’hommes
d’armes, destinés à combattre l’ennemi, et une classe d’hommes de travail, réservés
pour alimenter cette classe et lui fournir tous les objets dont elle ne pouvait plus se
pouvoir elle-même, cette formation eut elle lieu sans la moindre difficulté. J’avoue
qu’aucun des hommes qui entrassent dans l’une ou l’autre de ces classes, ne prévit les
conséquences que son choix pouvait avoir dans l’avenir. Leur vue ne pouvait aller
jusque-là.
Comment prévoir qu’une simple inégalité de forces ou d’inclinations, se
transformerait par la suite en une inégalité politique, et constituerait un droit ? Ce fut
cependant ce qui arriva. Cette forme sociale, librement consentie, et confiée au
Destin, eut les résultats qu’elle devait nécessairement avoir, et donna naissance au
plus ancien gouvernement que l’Europe ait connu, le gouvernement féodal.

Situation de la Race Boréenne en cette Période

La première division étant faite en deux


classes, celle des hommes d’armes et celle des hommes de travail, les enfants des uns
et des autres restèrent en général dans l’une ou l’autre de ces classes, de manière
qu’au bout d’un certain temps, et lorsque les nations celtiques furent définitivement
constituées, il se trouva que ceux de la première classe furent les supérieurs des

71
autres, et jouirent de certains privilèges honorifiques qui les firent considérer comme
nobles, et les autres comme roturiers. L’explication est très simple :
- La classe des hommes d’armes, par le fait de sa libre formation, se
trouva chargée non seulement de sa propre défense, mais aussi de la
défense de l’autre classe, en sorte qu’elle ne pouvait périr sans que
l’autre ne périt également.
Toutes les destinés de la Race boréenne pesèrent sur la classe des hommes d’armes.
Si elle eut été vaincue, la race entière disparaissait. Son triomphe assura plus que son
existence, il assura l’existence de toute la Race et sa perpétuité. Les enfants qui
naquirent tant dans une classe que dans l’autre, ne naquirent que parce que la
première classe avait triomphé ; Ils lui durent la vie, et cette vie put être classée, sans
aucune injustice, selon l’inégalité politique dans laquelle et par laquelle il lui était
accordé de se manifester.
C’est ainsi que cette inégalité d’abord physique, ensuite politique, put constituer un
droit légitime et moral, et passer des pères aux enfants, puisque les pères sans elle
seraient morts ou auraient subi l’esclavage, et que les enfants ne seraient pas nés.

Le triomphe de la Race boréenne, à laquelle je donnerai maintenant le nom de


Celtique, fut assuré par le traité de Paix et de Commerce dont j’ai parlé. Mais ce
triomphe qui garantit son existence, fut très loin de lui donner le repos.

Jusque-là la propriété avait été plus un fait qu’un droit chez les Celtes. Nul ne s’était
jamais avisé d’y arrêter sa pensée. Mais lorsque le commerce s’ouvrit avec les sudéens 72
, connus sous le nom d’Atlantes, et que les échanges eurent lieu entre les deux
nations, il arriva, que des peuplades, plus rapprochées des frontières, eurent un plus
grand avantage que d’autres plus éloignées, et se trouvèrent à portée de faire un
meilleur trafic. De l’autre côté, les fourrures que demandaient les Atlantes étaient
entre les mains des peuplades les plus reculées dans le nord, d’où on ne pouvait les
tirer qu’en faisant des échanges multipliés. Les relations se compliquèrent, les
intérêts se croisèrent. Les richesses inégales firent naitre l’envie. Ces motifs de
mésintelligence vinrent aux oreilles des africains, qui en profitèrent habilement. Ces
hommes, très avancés dans les sciences physiques et morales, ne pouvaient ignorer
celle de la politique ; il est vraisemblable qu’ils mirent en évidence ses ressorts les
plus secrets, pour augmenter cette mésintelligence qui leur avait été favorable. Les
ferments de discorde, qu’ils jetèrent, eurent tout le succès qu’ils pouvaient en
attendre. Les peuplades celtiques, irritées les unes contre les autres, cessèrent de se
considérer comme les parties inséparables d’un tout unique, et se comportèrent les
unes vis-à-vis des autres comme se seraient comportés de simples individus. Or, la
seule manière que les individus eussent connue pour régler leurs différends avait été
les combats particuliers. Ils n’avaient point d’autre jurisprudence que celle du duel.
Les Celtes se battaient pour toutes sortes de sujets,
aussi bien pour des intérêts privés que des intérêts généraux. Quand une peuplade
était rassemblée pour élire un herman, celui qui se présentait pour remplir cet emploi
militaire, portait par le seul fait de sa présentation, un défi à tous ses concurrents. S’il

72
s’en trouvait un qui se jugeait plus digne que lui pour commander aux autres, il
acceptait le défi, et le vainqueur était proclamé.
Quand les hermans de toutes les peuplades se
réunissaient pour élire un Herôll, on suivait la même méthode. C’était toujours le
plus fort ou le plus heureux qui recevait cette dignité. Les hommes d’armes se
battaient avec leurs armes, et presque toujours à outrance. Les hommes de travail
luttaient entre eux avec le reste, ou s’armaient seulement de la massue. Le combat
était terminé lorsque l’un d’eux était terrassé.

On voit clairement que c’était le Destin seul qui


dominait cette race, et que la sphère intellectuelle n’y était ouverte à aucune idée
morale de juste ou d’injuste, de vérité ou d’erreur. Le juste était pour elle le
triomphant et la vérité, l’exercice de la force. La force était tout pour ces hommes
instinctifs ou passionnés, elle était pour eux, ce qu’a naguère exprimé énergiquement
un homme qui s’y connaissait, le vrai mis à nu.
Dès que ce ne fut pas seulement les particuliers qui
eurent des intérêts opposés, mais que des peuplades nombreuses se crurent lésées
par d’ autres peuplades, ce sont les armes qui furent prises et on se déclara la guerre.
Les Atlantes témoins de ces sanglants démêlés les excitaient sourdement, faisaient
pencher la balance adroitement d’un côté ou de l’autre par leur intervention, et
trouvaient toujours le moyen de gagner là où leurs alliés perdaient.
Je ne crains pas de pousser ici l’hypothèse trop loin
en disant que leur astucieuse politique alla jusqu’au point de se faire vendre comme 73
esclaves les prisonniers que les misérables Celtes se faisaient les uns sur les autres.
Si cela est comme je le crois, et comme peut être j’en trouverai des preuves dans la
tradition écrite, alors la fatalité du Destin avait été poussée aussi loin qu’elle peut
aller. Car, considérée sous un certain point de vue, la mort n’est pas aussi cruelle que
l’esclavage. La mort ne fait que remettre l’homme sous la puissance de la Providence,
qui en dispose selon sa nature ; tandis que l’esclavage le livre au Destin, qui l’entraine
dans le tourbillon de la nécessité.
Il est certain, que l’époque où je me transporte, fut
la plus désastreuse pour les Celtes. Leurs calamités s’aggravaient avec les fautes qu’ils
ne cessaient de commettre ; et peut être que la perfide paix qu’on leur avait donnée,
plus dangereuse que la guerre même, eut entrainé leur perte, si le moment marqué
par la Providence ne fut arrivé, où leur intelligence devait accueillir son premier
développement.

Développement de l’Intelligence Humaine

Rien dans la nature élémentaire ne se forme


ni tout de suite, ni tout à la fois. Tout y vient d’un principe, dont les développements,
soumis à l’influence du temps, ont leur commencement, leur milieu et leur fin.
L’animal le plus parfait, l’arbre le plus
vigoureux, sortent d’un germe imperceptible ; ils croissent lentement, et n’atteignent

73
leur perfection relative qu’après avoir subi un nombre infini de vicissitudes. Ce qui
arrive à l’homme physique arrive aussi à l’homme instinctif, animique ou
intellectuel ; et ce qui a lieu pour l’individu a lieu aussi pour la race entière, et pour le
Règne hominal qui comprend plusieurs races.

L’homme, que ses besoins nécessitent, et que ses


passions entrainent sans cesse, est loin d’avoir atteint la perfection dont il est
susceptible. Il faut qu’une lumière plus pure que celle qui nait du choc des passions
vienne à son secours pour le guider dans la carrière de la vie. Cette lumière, qui jaillit
des deux grands flambeaux de la Religion et des Lois, ne peut naitre qu’après que le
premier ébranlement de l’intelligence a eu lieu. Mais cet ébranlement n’est pas tel que
se le sont imaginé quelques hommes plus forts d’enthousiasme que de sagacité ; cette
lumière ne parait pas brusquement dans tout son éclat ; elle s’ouvre par le crépuscule
comme celle du jour, et passe par tous les degrés de l’aube et de l’aurore avant
d’arriver à son midi. La Nature ne montre dans rien des transitions brusques ; elle
passe d’un extrême à l’autre par des nuances presque insensibles.
On ne doit donc point s’étonner de voir chez les
peuples enfants des notions intellectuelles obscures et parfois bizarres, des croyances
superstitieuses, des cultes et des cérémonies qui nous paraissent tantôt ridicules, et
tantôt atroces, des lois extraordinaires dont on ne saurait assigner le but moral ;
toutes ces choses dépendent encore du mouvement encore désordonné de la sphère
intellectuelle et des milieux ténébreux que la lumière providentielle est obligée de
traverser ; ces milieux plus ou moins denses, en brisant cette lumière, en la réfractant 74
de plusieurs manières, la dénaturent souvent, et transforment les plus sublimes
images en des fantômes effrayants. L’imagination individuelle des enfants, chez les
nations les plus avancées offre encore le tableau fidèle de l’imagination générale des
peuples à l’aurore de leur civilisation.
De même que les vieillards parvenus à la
décrépitude ont beaucoup de ressemblance avec les enfants, ainsi les nations dans
leur vieillesse, prêtes à disparaitre de la surface de la terre, se rapprochent beaucoup
de celles qui ne font que commencer leur carrière. La distinction entre elles est
difficile à faire mais non pas impossible. Un homme habitué à l’observation ne
confond pas les derniers jours de l’automne avec les premiers jours du printemps,
quoique la température soit la même : il sent dans l’air une certaine disposition qui
lui annonce, dans les uns la chute de la vie, et dans les autres l’exaltation. Ainsi
quoiqu’il y ait beaucoup de ressemblance, par exemple, entre le culte des péruviens et
celui des chinois, il s’en faut de beaucoup que la position des peuples fut la même.
Les Celtes n’étaient pas loin de l’âge des Péruviens
au moment où je les examine. La partie physique était bien développée, avant la
partie intellectuelle, quand ils rencontrèrent les Africains. L’absence de toute entrave
civile et religieuse leur donna un avantage. Chez les Péruviens, au contraire, le
développement intellectuel avait été précoce et le développement physique tardif et
étouffé. L’ébranlement de la sphère intellectuelle avait été donné trop tôt par suite
d’un accident. Peut-être des navigateurs chinois entreprirent sa civilisation et

74
réussirent à la porter très loin sous plusieurs rapports, mais en oubliant l’art de la
guerre. Ce peuple fut anéanti. Les Celtes plus heureux avaient résisté à des nations
entières. Leurs idées s’étaient développées lentement et à propos. A présent, leurs
passions excitées les mettaient en danger ; leurs forces surabondantes se retournaient
contre eux-mêmes. Il fallait leur donner un frein. Ce fut l’ouvrage de la Providence.
Encore une fois, le mouvement commença par les femmes. Plus faibles, et par
conséquent plus accessibles que les hommes à toutes les impressions, c’est toujours
elles qui font les premiers pas dans la carrière de la civilisation. Heureuses, si pour en
profiter dignement, elles savaient confondre leur intérêt propre dans l’intérêt général,
mais c’est ce qui n’arrive presque jamais.

La guerre était allumée entre deux peuplades. Les


hermans se battaient en combat singulier. Tout d’un coup une femme échevelée se
jette au milieu d’eux et leur crie de s’arrêter et de l’écouter. Les deux combattants
sont étonnés. C’était la femme de l’un et la sœur de l’autre. Ils s’arrêtent et l’écoutent.
Ils se sentaient émus. Elle leur dit : « j’étais accablée de douleur dans mon chariot ;
j’ai vu devant moi un guerrier d’une taille colossale, resplendissant de lumière qui m’a
dit : « Descends Voluspa, relève ta robe et cours vers le lieu où ton époux et ton frère
vont répandre le sang boréen. Dis leur que moi le premier herman, le premier héros
de leur race, le vainqueur des peuples noirs, je suis descendu du palais des nuages,
où réside mon âme, pour leur ordonner par ta voix de cesser ce combat fratricide.
C’est la ruse des peuples noirs qui les divise. Ils sont là cachés dans la forêt. Ils
attendent que la mort ait moissonné les plus vaillants pour tomber sur le reste et 75
s’enrichir de vos dépouilles. Allez, ne perdez pas un instant. Surprenez les dans
l’ivresse de leur joie féroce et frappez-les de mort. Mon âme tressaillira de plaisir au
bruit de vos exploits. Porté sur vos pas par le souffle des orages, je croirai manier
encore la forte lance et l’abreuver du sang ennemi. »
Ce discours s’ouvre la voie de leur âme, il y pénètre
et cause un ébranlement inconnu. Ils ne doutent pas de la véracité de Voluspa. Ils la
crient. Tout est accompli. (Voluspa signifie : qui voit l’universalité des choses)
Le sentiment se transforme en assentiment et l’admiration prend la plaie de l’estime.
La sphère intellectuelle est émue pour la première fois et l’imagination y établit son
empire.
Sans se donner le temps de réfléchir les deux guerriers se prennent la main. Ils jurent
d’obéir au premier herman dont le souvenir s’est perpétué d’âge en âge. Ils ne doutent
pas qu’il existe encore dans les nuages. Ni le but, ni le mode de cette existence ne les
inquiète. Ils y ajoutent foi par une émotion intuitive qui est déjà le fruit de la réaction
de leur admiration sur la valeur guerrière, leur passion favorite.
Ils haranguent leurs hommes. Ils sont pénétrés et ils pénètrent. Leur enthousiasme se
communique. Ils appellent le premier herman invisible leur Herôll, et ce nom devient
leur cri belliqueux. Ils atteignent le camp des Africains, les massacrent.
Les Celtes reviennent triomphants avec à leur tête cette femme dont la voix inspirée
avait préparé leur triomphe. En traversant la forêt la fatigue l’oblige à se reposer au
pied d’un chêne. L’arbre parait agiter son feuillage mystérieux. La Vuluspa, saisie

75
d’un trouble inexprimable, se lève, s’écrie qu’elle sent l’esprit de l’herman. On se
rassemble autour d’elle, on l’écoute. Elle parle avec une force qui en impose aux
hommes les plus farouches. Malgré eux, ils sentent leurs genoux fléchir, ils
s’agenouillent avec respect. Une sainte terreur les pénètre. Ils sont religieux pour la
première fois.
« Allez dit-elle, vaillants héros, marchez à vos
glorieuses destinées, mais n’oubliez pas Herman, le chef des hommes, et surtout
n’oubliez pas Teut-Tad, le père sublime.»
Tel fut le premier oracle prononcé parmi les boréens, et telle fut la première
impression qu’ils reçurent. Cet or acle fut prononcé sous un chêne, et cet arbre devint
sacré pour eux ; dans une forêt et les forêts devinrent leurs temples ; par une femme,
et les femmes prirent à leurs yeux un caractère divin. Cette femme fut le modèle de
toutes les Pythies, de toutes les Prophétesses qui furent connues par la suite des
temps, tant en Europe qu’en Asie. D’abord elles prophétisèrent sous des chênes, et
c’est ce qui rendit célèbre les chênes de la forêt de Dodone.

Lorsque les Celtes furent devenus les maitres du monde, et qu’ils eurent pris des
nations qu’ils avaient vaincues le goût des arts et de la magnificence, ils élevèrent à
leurs Pythies des temples superbes, où le trépied symbolique, placé sur un gouffre, ou
véritable ou artificiel, remplaça le chêne et le fit oublier.
Mais encore loin de cette époque les peuplades
boréennes ne songèrent qu’à consacrer le lieu où venait de se rendre le premier
oracle. Elles élevèrent un autel, sur le modèle de ceux qu’elles avaient vu parmi les 76
Atlantes ; et plaçant au-dessus une lance ou un glaive, le dédièrent à un herman sous
le nom de Herman-Sayl. (qui signifie littéralemet : le poteau d’herman)

Récapitulation ou Résumé

Dans ce livre, j’ai fait connaitre l’objet


principal de cet ouvrage, et prenant l’homme au moment de son apparition sur la
scène du monde, réduit encore aux plus simples perceptions de l’instinct, étranger à
toute espèce de civilisation, je l’ai conduit par le développement des principales
facultés de son âme, jusque sur le seuil de l’édifice social, à cette époque qu’on a
qualifié mal à propos d’âge d’or ;et après avoir détruit cette erreur et combattu
plusieurs fausses théories qui s’y rattachent, j’ai continué ma marche.
Constitué en familles, possesseur d’un
idiome articulé, l’homme était arrivé, même de nos jours, au point où se trouvent un
grand nombre de ses semblables. Il ne connaissait encore ni lois, ni gouvernement ni
religion. J’ai dû le mener à la connaissance de ces objets importants, et montrer que
ce n’est pas par leur moyen qu’il peut devenir moral, puissant et vertueux, se rendre
digne de ces hautes destinées, et atteindre le but pour lequel il a été créé. J’ai choisi
pour cela la forme historique, afin d’éviter ou la sécheresse des citations ou l’ennui
des raisonnements abstraits. J’espère que le lecteur voudra bien me pardonner cette
hardiesse. Je le prie de croire, quoiqu’il puisse prendre ce commencement d’histoire

76
pour une hypothèse, qu’elle n’est, réellement hypothèse que relativement aux détails.
Il ne me serait point du tout difficile, si le cas y était, d’en prouver le fond par un
grand nombre d’autorités, et même de mettre la date séculaire aux principaux
événements. Mais cela était tout à fait inutile pour l’objet de cet ouvrage.
D’abord j’ai présenté la Volonté de l’homme, encore
faible, luttant contre elle-même, et ensuite plus forte, ayant à résister à la puissance
du Destin. J’ai montré que les résultats de cette lutte et de cette résistance avaient été
le développement des deux sphères inférieures, l’instinctive et l’animique, duquel
développement dépendait un grand nombre de ses facultés.
J’ai attaché à ce même développement le principe
du droit politique, et j’ai montré que ce principe qui est la Propriété est un besoin
aussi inhérent à l’homme que celui de la jouissance sans lequel il ne pourrait ni vivre
ni se propager.
Après avoir prouvé que la Propriété est un besoin,
j’ai fait voir que l’inégalité de forces données par la nature pour satisfaire ce besoin,
en établissant l’inégalité physique parmi les hommes, y détermine nécessairement
l’inégalité des conditions, laquelle constitue un droit moral qui passe légitimement
des pères aux enfants.
Or, du droit politique qui est la propriété et du droit
moral qui est l’inégalité des conditions, résultent les lois et les formes diverses des
divers gouvernements.
Mais avant de distinguer aucune de ces formes par
son principe constitutif, j’ai voulu arriver au développement de la sphère 77
intellectuelle, afin de conduire l’homme jusqu’au Temple de la Divinité. Là, je me suis
arrêté un moment, content d’avoir ébauché un sujet aussi vaste, et d’avoir indiqué, en
passant, une foule de choses dont l’origine avait été peu connue jusqu’ici.

Création du Sacerdoce et de la Royauté.

L’événement providentiel qui s’était


manifesté parmi les Celtes livrait à leur méditation deux grandes vérités :
l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu. Ils comprirent assez bien comment
l’âme, la partie invisible d’eux-mêmes, qui sentait, se passionnait, pensait et voulait
enfin, pouvait survivre à la destruction du corps, puisqu’elle pouvait bien veiller
pendant que le corps dormait, et offrir encore dans ses songes des images plus ou
moins fortes des sensations, des passions, des pensées et des volontés dont l’effet
actuel n’existait plus. Mais ils purent difficilement s’élever à l’idée d’un être universel,
créateur et conservateur de tous les êtres. Leur faible intelligence avait besoin de
quelque chose de sensible sur quoi elle put s’appuyer. Les moyens d’abstraction et de
généralisation n’étaient pas assez forts pour les soutenir à cette hauteur
métaphysique. Ce n’est pas qu’ils n’admissent bien le nom de Père Sublime, que la
Voluspa avait donné à cet inconnu pour lequel elle avait commandé le respect. Mais
ce nom même de Père au lieu de les élever jusqu’à lui, les engageait plutôt à le faire

77
descendre jusqu’à eux, en le leur présentant comme le premier Père de la race
boréenne, et le plus ancien de leurs ancêtres.
Quant au premier Herman, il était clairement
désigné à leurs yeux. Il le voyait tel que le souvenir s’en était conservé dans la
tradition : terrible, indomptable ans les combats, leur appui, leur conseil, leur guide,
et surtout l’implacable ennemi des peuples noirs.
De sorte, qu’on peut augurer, sans trop s’égarer, que
le premier culte des Celtes fut celui des Ancêtres, ou plutôt celui de l’âme divinisée,
tel qu’il existe de temps immémorial en Chine et chez le plus grand nombre des
peuples tatars. Le culte Lamique, dont l’ancienneté ne cède qu’au sabéisme, n’est que
ce même culte perfectionné.
Le premier effet de ce culte, dont l’inspiration fut dû
à une femme, fut de changer brusquement et complétement le sort des femmes.
Autant elles étaient humiliées à cause de leur faiblesse, autant elles furent exaltées à
cause de la nouvelle faculté qu’on découvrit en elles ; du dernier rang qu’elles tenaient
dans la société elles passèrent au premier. Elles subissaient partout la loi du plus
fort ; elles la lui donnèrent. On les déclara comme législatrices, on les regarda comme
les interprètes du ciel. On reçut leur ordre comme des oracles. Revêtues du suprême
sacerdoce elles exercèrent la première théocratie qui ait existé parmi les Celtes. Un
collège de femmes fut chargé de tout régler dans le culte et dans le gouvernement.
Cependant ce collège, dont les lois étaient toutes
reçues comme des inspirations divines, ne tarda pas à s’apercevoir qu’il était
nécessaire, pour les faire connaitre et les faire exécuter, de deux corps coercitifs, de la 78
science et du pouvoir, et tenant entre leurs mains les récompenses et les punitions
morales et civiles. La voix de la Voluspa se fit entendre, et le collège nomma un
souverain Pontife, d’une part sous le nom de Drud ou Druide, et un roi de l’autre,
sous le nom de Kanh, Kong ou King. Ces deux suprêmes magistrats se regardèrent
comme les délégués du ciel, institués pour instruire et gouverner les hommes, et
s’instituèrent en conséquence comme Pontife ou Roi par la faveur divine. Le Drud
fut le chef de la Diète dans laquelle il se forma un corps sacerdotal, et le Kanh
s’établit à la tête des Leyts ou des Folks, ou des hommes d’armes et des hommes de
travail, parmi lesquels il choisit les officiers qui devaient agir en son nom.
Il ne se confondit pas d’abord avec le Herman, qui
fut toujours élu par ses pairs après l’épreuve du combat, et porté sur le pavois selon
l’antique coutume. Mais ce chef militaire cessa de porter le nom de Herman pour le
laisser sans partage au premier herman divinisé, et se contenta du nom de
Mayer, c’est le plus fort et le plus vaillant.

On sait quelles violentes rivalités se sont élevées,


par la suite des temps, entre le Kanh et le Mayer, ou le roi investi de la puissance
civile, régnant de droit divin, et le Maire, possesseur de la force militaire, et
commandant aux hommes d’armes par droit d’élection ; souvent le Roi a réuni en lui
les deux emplois. Et plus souvent encore le Maire a dépouillé le Roi de sa couronne,

78
qu’il a placé sur sa tête. Ces détails appartiennent à l’histoire proprement dite et ne
sont pas le sujet, je me contente d’exposer les origines.

Schisme Politique et Religieux


Origine des Celtes, Bodohnes et Atlantes.
Revenons un peu en arrière. Avant le
développement de son instinct l’homme vivait dans une anarchie absolue. Il n’avait
pas même cette sorte de gouvernement instinctif qu’on remarque chez certains
animaux ; et cela par la même raison que j’ai exposée à l’occasion du mariage. Rien
n’était fait d’avance chez lui, quoique tout y fût déterminé en principe. La Providence
dont il était l’ouvrage voulait qu’il se développât librement, et qu’en lui rien ne fut
forcé.
Cette anarchie cessa dès qu’il eut réfléchi sur lui-
même, et que son mariage, résultat de sa réflexion, eut constitué une famille. Le
rapprochement de plusieurs familles forma une sorte de gouvernement domestique,
dont la volonté féminine usurpa peu à peu la domination exclusive. Nous avons vu
comment le Destin rompit ce gouvernement non naturel par l’opposition soudaine de
la volonté de l’homme. La femme, jusqu’alors maitresse, devint esclave. Tout le
fardeau de la société tomba sur elle. Une sorte de tyrannie masculine eut lieu. Le
peuple obéissant se composait des mères et des filles. Le peuple commandant, lui, se
79
composait des chefs de familles, dont chacun était despote dans sa propre cahute.
C’était le Règne de la force instinctive toute seule.
Un événement que la Providence et le Destin
amenèrent de concert, en opposant la force animique à la force instinctive, modifia
cet état de choses. La Race boréenne, brusquement attaquée par une Race aguerrie et
puissante, fut obligée de chercher, hors de l’instinct, des moyens de résistance : ses
facultés animiques, vivement excitées par le danger, se développèrent. La nécessité de
se défendre, jointe à celle de se procurer des aliments, lui suggéra l’idée heureuse de
se diviser en deux classes ; l’une destinée à combattre, et l’autre à travailler ; les plus
forts furent choisis pour guider les combattants ; les plus sages pour surveiller les
travailleurs. On créa des chefs particuliers relevant tous d’un chef général. On établit
une Diète. Ce fut un gouvernement militaire où furent réunis les principes de la
féodalité à ceux du régime impérial.
D’abord la volonté agissait dans l’instinct, ensuite
elle opéra dans l’entendement ; voici qu’à présent elle vient de se placer dans
l’intelligence. Mais le même écueil qui s’est déjà présenté à l’époque du
développement de l’instinct, va se présenter à nouveau sous d’autres formes, et
menacer le vaisseau social d’un ébranlement encore plus grand.

Tous n’avaient pas été témoins du premier


mouvement de la Voluspa, le plus grand nombre n’avait pas entendu son oracle ;
plusieurs refusaient d’y croire ; ceux qui s’en trouvaient pénétrés jugeaient

79
extraordinaire qu’on put douter d’une chose dont on affirmait la véracité. Ni les uns
ni les autres ne savaient pas qu’il est de l’essence des événements providentiels de
produire cet effet. Ils s’étonnaient d’une chose qui constitue le plus bel ouvrage de
l’homme. Si la Providence l’entrainait dans un mouvement irrésistible, elle ne
différait pas du Destin. Et la même nécessité les dirigerait également.
La volonté de l’homme forcée dans toutes les
directions, n’aurait aucun choix à faire, et ses actes indifférents à son égard, ne
seraient susceptibles ni de blâmes ni de louanges. C’est précisément à la liberté
mentale qu’un événement laisse, qu’on peut reconnaitre s’il est providentiel. Plus il
est élevé, il est libre ; plus il est forcé, plus il incline vers la fatalité du Destin.

Cette liberté mentale se fit sentir pour la première


fois et avec force. Les Celtes virent qu’il était possible qu’ils ne pensassent pas la
même chose sur les mêmes objets. Tandis que le plus grand nombre des peuplades
recevaient avec respect les ordres du collège féminin, et se soumettaient sans aucune
résistance au souverain Pontife et au Roi qu’ils avaient nommés. Tandis que
l’enseignement sacerdotal et le gouvernement civil et militaire, s’étendaient dans leur
sein, et y prenaient racine. Tandis qu’enfin, les oracles de la Voluspa y étaient reçus
comme des lois sacrées, il y avait d’autres peuplades qui, tenant avec opiniâtreté leurs
anciennes formes, rejetaient toutes les innovations. Celle qui les choquait le plus, et à
laquelle il semblait que le collège féminin tenait le plus avec force, était la fixation des
demeures et la circonscription des familles, ce qui tendait à établir la propriété
territoriale, jusque-là inconnue. Ce fut le prétexte apparent du schisme qui se forma. 80
Il fut violent ; on en vint aux mains de part et d’autre, mais comme les dissidents
étaient dans une très faible minorité, ils se virent obligés de se soumettre ou de se
retirer. Ils se retirèrent, et marchant toujours devant eux, du nord au midi de
l’Europe, ils arrivèrent sur les bords de cette mer qu’on a appelé mer noire, quoique
ce nom appartint autrefois à toute l’étendue de mer qui borde le sud de l’Europe, et à
cause des peuples noirs qui la possédaient ; comme on a appelé mer blanche, par
une raison contraire celle qui borde l’Europe et l’Asie du côté du pole boreal.
Parvenus sur les bords de cette mer intérieure, les
Celtes dissidents côtoyèrent à l’orient et pénétrèrent en Asie Mineure ; Les faibles
colonies de sudéens qui s’y trouvaient furent culbutées. Les Celtes ne pouvaient
qu’avancer ou périr. Ils avancèrent.
A cause des opinions qui les avaient poussé à
abandonner leur patrie ils s’étaient donné le nom de bodohne (la racine bod ou bed signifie
lit, et la racine beth , habitation), c’est-à-dire sans habitation fixe. Et ce nom qui subsiste
encore dans les bédouins, a été fameux.
Après plusieurs vicissitudes ces Celtes Bodohnes
devenus maitres des bords de l’Euphrate, conquirent l’Arabie, ou la plupart se
fixèrent enfin, après avoir pris une partie des habitudes et des meurs des peuples
qu’ils avaient vaincus, après s’être soumis à leurs lois et à leurs cultes.
C’est du mélange du sang boréen et sudéen que sont
issus les Arabes.

80
Toutes les cosmogonies, où l’on trouve la Femme
présentée comme cause du mal, et la source des malheurs qui ont affligé la terre, sont
sorties de là. Encore du temps de Mahomet, la femme était considérée comme impure
par les peuples du Yémen, qui, comme les prophètes le leur reproche dans le Coran,
pleuraient à la naissance des filles, et souvent les enterraient vivantes.
Concernant les Amazones, ce peuple de femmes guerrières, il est clair qu’elles ont
existé, d’abord en Asie, auprès du Thermodon, et ensuite dans quelques iles de la
Méditerranée, et jusqu’en Europe même. Les hindous qui en ont conservé le souvenir
appellent les Amazones Stri-Radjya, et les placent près des monts Coulas. Sur le
bord de la mer. Zoroastre dit dans le boun-dehesh qu’elles habitent la ville de
Salem. Pausanias parle de leur invasion dans la Grèce, et les fait combattre jusque
dans les murs d’Athènes ; Apollionus, dans ses Argonautiques, raconte qu’elles
s’étaient établies dans l’ile de Lemnos, et sur la terre ferme auprès du cap
Thémiscure. Ce qui parait le plus probable, c’est que ce fut d’abord dans l’Asie
Mineure que ces femmes extraordinaires commencèrent à exister.
Sans doute quelques hordes de bodohnes s’étant
avancées sans précaution, tombèrent dans une embuscade où les hommes furent
taillés en pièce. Les femmes ayant eu le temps de se mettre à l’abri, soit au-delà d’un
fleuve, soit dans une ile, se voyant les plus fortes grâce à cet événement, résolurent
d’en profiter pour exercer la domination. Il se trouva, vraisemblablement, parmi elles
une femme d’un caractère fort et décidé, qui leur inspira le dessein, et qui se mit à
leur tête. La tradition porte que les vieillards qui étaient restés avec elles furent 81
massacrés, et même quelques hommes qui avaient échappé à l’ennemi. Elles
formèrent un gouvernement monarchique, qui dura un certain temps, puisque
plusieurs noms de leurs reines sont parvenus jusqu’à nous. Ces Amazones réduisaient
en esclavage ceux qu’elles faisaient prisonniers, et qu’elles donnaient à ceux qui
naissaient de leur union passagère, une éducation conforme à leurs vues.
Au reste, le nom d’Amazones, sous lequel l’antiquité nous a fait connaitre ces femmes
guerrières, prouve à la fois leur origine celtique, et leur demeure en Asie, par la
manière dont il est composé. Il signifie proprement celles qui n’ont pas de mâles ou
de maris.
On sent bien, sans qu’il soit besoin de s’appesantir,
que si de pareilles femmes ont existé, il a fallu que l’excès du malheur les faisant
sortir de leur nature, les ait portées à cet acte de désespoir. Or dans la position où j’ai
représenté les femmes celtes bodohnes, leur malheur devait être excessif, puisqu’il
était le résultat d’un schisme à la fois politique et religieux. Leurs maris en
méconnaissant la voix de la Providence, qui les appelait à des meurs plus douces, en
appesantissant sans raison un bras de fer sur un sexe déjà trop puni de ses fautes,
livraient au Destin des germes de calamité qui ne pouvaient pas manquer de produire
des fruits funestes, dès que l’occasion en favoriserait le développement.

Première Division Géographique de l’Europe

81
Mais tandis que ces événements se passaient
en Asie, les Celtes restés en Europe continuaient d’y suivre le mouvement par la
Providence. Le gouvernement théocratique et royal, s’y établissait et promettait les
plus heureux résultats. Déjà un nombre considérable de druides, instruits par les
soins du souverain pontife, appelés Drud, se répandaient de tous cotés, et ajoutaient
aux deux classes déjà existantes chez les boréens, une classe éminemment utile,
puisqu’elle tendait à maintenir l’harmonie entre les deux autres, en elmpêchant
l’oppression d’un coté, et la révolte de l’autre. Cette classe, composée des hommes
appelés Lœrh, c’est-à-dire les éclairés ou les savants, est devenue par mi nous ce
qu’on appelait autrefois le clergie, et que nous appelons aujourd’hui le clergé.
Beaucoup plus anciennement, et lorsque la théocratie domina seule en Europe, et en
l’absence même de la royauté, les souverains théocrates, dont les sièes principaux
étaient en Thrace, en Etrurie, et dans les iles britaniques, prenaient le titre de Lar.
Ainsi donc, la Race boréenne se divisa en
trois classes, et chacune des classes représenta une des trois sphères constitutives de
l’homme, et suivit son développement, de manière que celle des Folks, ou des
hommes de travail, fut ana logue à la sphère instinctive, celle des Leyts ou hommes
d’armes, à l’animique, et celle des Lœrh ou hommes éclairés, à la sphère
intellectuelle. Cette marche, quoique trouble par certaines secousses, était admirable
jusque-là.
Comme la masse de la nation celtique tendait
à se fixer, on dut songer à faire le partage des terres ; mais avant d’en venir à ce point
décisif il fallait connaitre et fixer les limites. Depuis l’événement providentiel, la 82
guerre s’était rallumée plus vive que jamais entre les deux races blanche et noire. Les
Celtes, pénétrés d’un enthousiasme religieux et guerrier, faisaient des prodiges de
valeur. Les Atlantes, pressés de toute part, ne pouvaient plus t-enir la campagne
devant eux. Le temps avait effacé les différences qui existaient d’abord. Les armes
étaient devenus à peu près égales, et les Celtes instruits dans la tactique militaire,
trouvaient dans leurs forces corporelles un avantage de plus en plus signalé. Tout
l’intérieur du pays était déjà nettoyé. Les Sudéens, relégués aux extrémités
méridionales de l’Europe, sur les rives de la mer, ne pouvaient s’y maintenir que
grâce à leurs villes fortifiées, dont les Celtes étaient inhabiles encore à en faire le
siège, et que d’ailleurs une marine puissante rendait imprenables par famine.
Lorsque la possession de l’Europe leur fut
ainsi assurée, à l’exception des cotes méridionales, les Druides endivisèrent l’intérieur
en trois grandes régions. La région centrale fut nommée Teuts-land, c’est-à-dire
terre élevée, sublime, ou la terre de Teut ; celle à l’occident reçu le nom de Hol-land
ou Ghol-land, la terre inférieure ; et celle à l’orient prit le nom de Pôl-land, la terre
supérieure. Les contrées placées au nord de ces trois régions furent appelées Danh-
mark, la limite des âmes ; et celles du midi, encore occupées par les Atlantes, depuis
le Tanaïs jusqu’aux colonnes d’Hercule, furent connues sous le nom générique de
Asks-tan, la demeure des Asks ou peuples noirs. Cette division géographique,
quoiqu’altérée par une multitude de subdivisions, a survécu à toutes ls révolutions
politiques et religieuses, et se reconnait encore de nos jours dans ses points

82
principaux. Quant aux immenses contrées qui s’étendaient au-delà du Boristhène
regardé comme la borne de l’empire Boréen, ainsi que son nom l’indique assez, on les
croyait absolument privées d’habitants, et peuplées seulement d’animaux sauvages,
parmi lesquels le cheval était le plus estimé. C’était même à cause de cet animal
belliqueux qu’on donnait à ces contrées le nom de Ross-land, la terre des chevaux.
En croyant les contrées au-delà du
Boristhène et de la Duna entièrement inhabitées, les Celtes se trompaient beaucoup.
Cette opinion erronée indiquait seulement qu’ils avaient perdus le lieu de leur
berceau, et qu’ils ne se souvenaient plus d’être descendus eux-mêmes de ces régions
glacées. Tandis qu’ils avaient fait des pas énormes dans la civilisation, et que, prêts à
marcher à la conquête du monde, ils constituaient déjà une nation nombreuse et
puissante, des peuplades inconnues franchissaient à peine les premières limites de
l’Etat Social, se formaient en silence, croissaient en nombre, et n’attendaient que le
moment favorable pour descendre leur tour des hauteurs boréales, et venir dans un
climat plus doux en demander le partage.

Premier Partage des Terres. Propriété Territoriale

Cependant les Druides, toujours dociles aux


oracles de la Voluspa, et soumis aux décrets du collège sacré, continuèrent leur
division. Ils donnèrent aux hommes d’armes la propriété générale d’une vaste
étendue de terre, et aux hommes de travail la propriété particulière d’une petite 83
étendue dans la grande. De manière que ce qui était possédé par dix familles ou cent
familles de Folks, appartenait en totalité à une famille de Leyt, qui sans être obligé
de travailler la terre, ni de ne s’occuper d’un autre métier que celui des armes,
jouissait d’une partie des revenus, du travail et de l’industrie de ces petits propriétires
chargés de faire valoir sa grande propriété.
Comme plusieurs petites propriétés en
formaient une grande, plusieurs grandes en formaient une plus grande ; et celles-ci
réunies en formaient une plus grande encore, de manière que si le premier homme
d’armes qui dominait sur plusieurs hommes de travail, prenait le titre de Baron, le
second prenait celui de Haut-Baron, et le troisième celui de Très-Haut-Baron.
Le Roi avait la domination sur tous les
barons, et jouissait du droit honorifique de propriété universelle. C’est-à-dire que
toutes les terres étaient censées lui avoir appartenu, et que les grands et les ptits
propriétaires reconnaissaient tenir de lui leurs droits respectifs. Toutes les terres non
occupées dépendaient de lui ; il les donnait aux nouvelles familles à mesure qu’elles
se formaient, et disposait également des domaines devenus vacants par l’extinction
des familles anciennes. Outre cela, il possédait en propre un domaine très étendu,
dont les revenus étaient affectés à sa couronne.
Il parait, que dans cette législation, les
Druides n’eurent pas d’autres propriétés que les sanctuaires où ils logeaient avec
leurs femmes et leurs enfants. Leur seul revenu consista en une dime prélevée sur les
biens de l’état ; mais les dons qu’on leur fit par la suite des temps, les rendirent

83
propriétaires d’une grande quantité de terres attachées à ces mêmes sanctuaires, et
mirent entre leurs mains des trésors immenses.

On voit, d’après cette esquisse rapide, que les propriétés


territoriales furent d’abord d’une triple nature, et pour ainsi dire instinctives,
animiques et intellectuelles.
Ceux qui se sont imaginé, qu’il a suffi à un homme d’enclore le
premier espace de terrain et de dire : cela est à moi, pour le posséder, ont commi la
plus lourde bévue. La possession réelle de l’homme, sa possession instinctive, ne va
pas au-delà de son travail. La terre appartient à tous ou n’appartient à personne. Il
faut une concession providentielle pour en assurer la propriété. Et cette concession
ne peut être que l’effet d’une législation théocratique. La Providence ne se manifeste
pas immédiatement, elle ne vient pas en personne dicter ses lois aux hommes. Elle a
toujours besoin d’un organe humain pour faire entendre ses volontés. Ce n’est que
lorsque cet organe se rencontre que la législation théocratique commence.
Cette législation avait commencé chez les Celtes à l’époque
déterminée pour cela. Elle avait ajouté à la force, la seule puissance qui existât alors,
deux autres puissances destinées à se servir mutuellement d’appui : la loi civile et la
loi religieuse. Le chef militaire qui se trouvait au premier rang, avait dû céder sa place
à deux nouveaux chef institués pour être ses supérieurs : le Roi t le Souverain
Pontife.
Le Roi, par le seul fait de son couronnement, avait été déclaré le
représentant temporel de la Providence, et par conséquent, le propriétaire universel 84
de la terre. Il pouvait donc, en sa qualité de propriétaire universel, créer des
propriétaires généraux, qui pouvaient à leur tour établir des propriétaires
particuliers. Ce fut précisément ce qu’il fit. Mais comme la Providence, représentée
temporellement par le Roi, conservait néanmoins son action spirituelle, dont le
Souverain Pontife était revêtu, il découlait de là, que le Roi devait hommage de sa
propriété universelle, à ce Souverain Pontife, par la voix duquel son droit avait été
promulgué ; et c’était à ce juste titre que celui-ci réclamait, tant pour lui que pour le
corps sacerdotal, une portion légale de tous les produits.
Si l’on veut faire attention aux lois et surtout aux usages, qui
malgré le nombre infini de révolutions dont l’Europe a été le théâtre, se sont attachés
au droit de propriété territoriale, on verra qu’ils tendent tous à prouver que ce droit
n’a été primitivement qu’une concession.

La propriété territoriale et la propriété industrielle ne se ressemblen,t pas du tout par


le droit. La propeiété industrielle constitue un droit naturel, inhérent à l’homme, un
besoin dont l’état social tire son principe, tandis que la propriété territoriale repoe, au
contraire, sur une concession innaturelle, « étrangère à l’homme, qui ne se constitue
que longtemps après que l’état social est constitué. Il n’est pas besoin de la loi pour
établir un droit de propriété industrielle, mais ce n’est jamais que par une loi et une
loi très forte qune propriété territoriale peut être admise. Aussi, voit-on les hommes
passionnés, dont la volonté se place dans l’instinct, s’élever avec violence contre la

84
possession exclusive des terres, et demander toujours pourquoi une grande portion
du peuple en est déshéritée. La seule réponse à faire à ces hommes est que c’est la
Providence qui l’a voulu. Or, sans porter sur les voies de la Providence un téméraire
flambeau, on peut bien signaler les semblables motifs d’une telle volonté. Ces motifs
sont évidemment de donner à l’édifice social une élévation et un éclat qu’ils
n’auraient jamais eu sans cela.

Origine de la Musique et de la Poésie. Les autres Sciences

Environ à cette époque il se passa plusieurs choses qui


influèrent d’une manière sensible sur la civilisation des Celtes. Les Druides, en
écoutant les oracles de la Voluspa, s’aperçurent que ces oracles étaient toujours
renfermés dans des phrases mesurées, d’une forme constante, entrainant avec elles
une certaine harmonie, qui se variait selon le sujet : de manière que le ton avec lequel
la prophétesse prononçait ses oracles, différait beaucoup du langage ordinaire. Ils
examinèrent cette singularité. Et après s’être habitués à imiter ces intonations, ils
parvinrent à les reproduire, et virent qu’elles étaient coordonnées à des règles fixes.
Ces règles, qu’ils finirent à force de travail, à réduire en système, leur donnèrent les
principes des deux plus belles conceptions dont les hommes aient pu s’honorer : la
musique et la poésie. Voilà qu’elle fut l’origine de la mélodie et du rythme.
Jusque-là, les Celtes avaient été peu sensibles à la
musique. Celle des Atlantes, qu’ils avaient entendue dans des combats, ou dans
85
quelques solennités, ne s’étaient offertes à eux que comme un bruit plus ou moins
fort, aigu ou grave. Cherchant à rivaliser leurs ennemis, ils avaient bien inventés
quelques instruments guerriers et monotones, tels que les tambours, la cymbale, le
cornet et la bucine, avec lesquels ils arrivaient à emplir l’air de bruits ou de sons
formidables, mais sans aucune mélodie. Ce ne fut que quand leurs prêtres eurent reçu
de la Voluspa les principes de l’harmonie musicale et poétique, qu’ils commencèrent à
y trouver quelques charmes. La flûte, dont un génie fut l’inventeur, causa une
révolution dans les idées. On vit, avec un ravissement inexprimable, qu’on pouvait
avec cet instrument, suivre la voix de la Voluspa, et, pour ainsi dire, rappeler ses
paroles par la seule répétition des sons qu’elle y avait attachés. La répétition de ces
sons constitua le rythme poétique. Ce rythme, présenté à la nation comme un présent
du ciel, fut reçu par elle, avec un enthousiasme difficile à exprimer.
On l’apprit par cœur, on le chanta dans toutes les
occasions, on l’inculqua dès le berceau dans l’esprit des enfants, de manière qu’en
très peu de temps il y devint instinctif, et qu’on put par son moyen, répandre avec la
plus grande facilité le texte de tous les oracles ou de toutes les lois, que la Voluspa
renfermait toujours dans la même mesure. Telle fut la raison pour laquelle on ne
sépara jamais dans l’antiquité la musique de la poésie, et qu’on appela l’une comme
l’autre la langue des Dieux.
L’invention de la musique et de la poésie, en électrisant les
esprits, donna lieu à des recherches et à des méditations dont les résultats furent très
utiles. Pour la première fois on examina ce phénomène brillant de la Parole, auquel

85
on n’avait pas fait la moindre attention jusque-là. Les Druides, que la Voluspa avait
rendus musiciens et poètes, devinrent grammairiens. Ils examinèrent la langue qu’ils
parlaient, et découvrirent avec surprise qu’elle s’appuyait sur des principes fixes. Ils
distinguèrent le substantif du verbe, et trouvèrent les relations du nombre et du
genre. Entrainés par l’esprit de leur culte, ils prononcèrent le genre féminin en
premier, et frappèrent ainsi le langage boréen d’un principe indélébile, d’un caractère
entièrement opposé à celui du langage sudéen. Ayant à désigner, par exemple, des
objets dont le genre n’existe que dans les formes du langage, ils appliquèrent le genre
féminin ou masculin d’une manière opposée à l’opinion constante du Règne hominal,
attribuant le genre féminin au soleil, et le masculin à la lune, et se mettant ainsi en
contradiction avec la nature des choses.
Cette faute, qui fut une des premières où la vanité
animique de la femme entraina l’esprit de la prophétesse, ne fut malheureusement ni
la dernière, ni la plus considérable.
Mais, parlons de l’invention de l’écriture qui coïncida avec
celle de la grammaire.
Les Celtes, par la fréquentation des Atlantes, avaient
acquis une vague connaissance de l’écriture, mais leur esprit, mal développé, n’avait
pas senti toute l’utilité de cet art admirable, et s’en étaient faiblement occupé. Ce ne
fut que lorsque les Druides vinrent à réfléchir sur leur idiome originel, qu’ils sentirent
la nécessité d’en fixer par l’écriture les formes fluctuantes. Ce qu’il y a de plus difficile
dans cet art réside dans la conception de la première idée. Une fois que cette idée est
conçue, et que son objet métaphysique est saisi par l’esprit, le reste n’a rien 86
d’embarrassant.
Il serait trop hardi de dire aujourd’hui si le premier
inventeur des caractères littéraux ne copia pas quelque chose de ceux qu’il
connaissait des Atlantes, ou si les formes qu’il donna aux seize lettres de son alphabet
furent absolument son ouvrage, ce qu’il y a de certain c’est que ces seize lettres
prirent sous sa main une direction opposée à celle que suivait les caractères sudéens.
C’est-à-dire que chez les Atlantes, tandis que l’écriture
traçait ses caractères sur une ligne horizontale allant de droite à gauche, chez les
Celtes, il la plaça au contraire en procédant de gauche à droite. Différence notable
dont personne n’a donné la cause ! Je vais la dire !
A l’époque très reculée où les caractères atlantiques furent
inventés, la Race Sudéenne, encore près de son origine, habitait l’Afrique, au-delà de
l’Equateur, vers le pôle sud, de manière que l’observateur tourné vers le soleil, voyant
cet astre se lever à sa droite et se coucher à sa gauche, suivait naturellement son cours
dans le mouvement de son écriture. Mais ce qui était naturel dans cette position, ce
qui même pouvait être considéré comme sacré, par des peuples adorateurs du soleil,
cessait de l’être de l’autre côté du globe, pour des peuples septentrionaux placés très
loin même du tropique. Parmi ces peuples, l’observateur tourné vers le soleil, voyait
au contraire cet astre se lever à sa gauche et se coucher à sa droite ; en sorte, qu’en
partant du même principe qui avait dirigé l’écrivain Sudéen, le Celte, en suivant le

86
cours du soleil, devait naturellement tracer une ligne opposée, et devait donner à son
écriture le mouvement de gauche à droite.
La connaissance de cette cause, si simple en apparence,
livre à l’observateur une clef historique, qui ne lui sera pas d’une médiocre utilité ; car
toutes les fois qu’il verra une écriture suivre la direction de droite à gauche, comme
celle du Phénicien, de l’Hébreu, de l’Arabe, de l’Etrusque, etc… il peut en rapporter
l’origine à la Race Sudéenne, et tout au contraire, quand il verra cette écriture suivre
la direction opposée de gauche à droite, comme la runique, l’arménienne, la tibétaine,
la sanscrite, etc… il ne se trompera pas en la considérant d’origine Boréenne.
Les Celtes distinguèrent leurs caractères alphabétiques par
l’épithète de runiques ; et ce mot me persuade à présent qu’ils les imitèrent en
quelque chose des caractères atlantiques. Voici pourquoi les Atlantes avaient deux
sortes d’écriture, l’une hiéroglyphique et l’autre vulgaire ou cursive, comme cela se
prouve assez par le témoignage de l’Egypte, le dernier lieu de la terre où sa puissance
a jeté son dernier éclat. Or, le mot runique signifie, dans un certain nombre de
dialectes cursif ; de manière qu’on peut augurer que les caractères runiques ne sont
que les caractères cursifs des Atlantes. Un peu altérés dans leur forme, et tournés en
sens inverse. Cette opinion reçoit d’ailleurs un grand nombre de probabilités par la
ressemblance frappante que l’on remarque entre les caractères cursifs des phéniciens
et les caractères cursifs ou runiques des étrusques et des celtes.
Mais avant même que la musique et la poésie, la
grammaire et l’écriture fussent inventées, les sciences mathématiques avaient fait des
progrès. 87
La numération n’a pas besoin du développement de l’intelligence pour donner les
premiers éléments de l’arithmétique, et l’on ne peut s’empêcher de croire, que le
partage qui se fit des possessions territoriales ne fournit bientôt ceux de la géométrie
pratique, comme les besoins de l’agriculture conduisirent à ceux de l’astronomie.
Ces sciences, sans doute étaient encore loin de leur
perfection, mais il suffisait qu’elles eussent été cultivées, pour que le but de la
Providence fut rempli, sans oublier que la Providence ne donne que le principe des
choses. C’est à la Volonté de l’homme qu’en appartient la culture, sous l’influence du
Destin.

Déviation du culte. Superstition et Fanatisme


Si les principes donnés par la Providence
s’étaient développés avec rectitude la Race boréenne n’aurait pas subi l’esclavage de
l’Asie pendant des siècles et l’Europe n’aurait pas connu les vicissitudes qu’elle a
connues. Mais le Destin déterminait une série d’événements tout opposés à cette
rectitude. Et il aurait fallu une volonté plus forte que celle qui existait. Et c’est le
Destin qui domina.
C’est la vanité, qui s’exaltant dans le sein de
la Voluspa et de celui de toutes les femmes, y fit naitre l’égoïsme, dont les froides

87
inspirations, au lieu d’étendre la sphère intellectuelle, la resserrent au contraire, et
portent dans l’âme l’ambition dénuée de l’amour de la gloire.
On avait établi dans diverses contrées
occupées par les Celtes, plusieurs collèges de femmes, à la tête desquelles était une
Druidesse, qui ne relevait que de la Voluspa. Ces Druidesses présidaient au culte, et
rendaient des oracles. On les consultait dans les affaires particulières, comme on
consultait la Voluspa dans les affaires générales. Leur autorité était très étendue. Les
Druides ne faisaient rien sans prendre leur avis, et les Rois mêmes obéissaient à leurs
ordres. Mais à mesure que la classe sacerdotale s’éclaira, à mesure que les arts et les
sciences commencèrent à fleurir, elles s’aperçurent que leur influence diminuait, que
l’autorité s’éloignait d’elles, et qu’on les révérait moins pour elles-mêmes que pour la
divinité dont elles étaient les instruments.
Il était évident que l’homme, étonné par la
grandeur du mouvement qui avait eu lieu, revenait insensiblement de son
étonnement, et tendait à reprendre sa véritable place. La même chose qui s’était
passée, à l’occasion du premier développement de la sphère instinctive, se passait
sous d’autres rapports. Il était question, à présent, comme alors, de savoir lequel des
deux sexes serait le maitre.
Si la femme eut été assez sage, elle eut
consenti à se laisser considérer comme l’instrument de la Divinité, comme le moyen
de communication entre Divinité et l’homme. Ce poste était assez beau pour satisfaire
sa vanité, et pourtant sa vanité n’en fut pas satisfaite. A cause de son égoïsme éveillé.
Quand elle parlait, c’était la Divinité qu’on écoutait par sa bouche. Quand elle gardait 88
le silence elle n’avait aucune autorité. Ce rôle devenait insignifiant. Son ambition fit
qu’elle considéra avec orgueil ses facultés et voulut que l’avenir dépendit d’elle,
comme l’existence de la Divinité en avait dépendu.
A peine cette idée impie conçue, la
Providence épouvantée a reculé et le Destin a pris sa place. La Voluspa n’est plus
l’organe de la Divinité, c’est un instrument fatidique dont le Destin disposera. C’est en
vain que vous chercherez désormais, dans l’idiome qu’elle emploiera, le futur vrai
d’aucun verbe. Le verbe, dans sa langue, sera privé du futur. La nécessité seule du
Destin enfantera l’avenir en développant les conséquences du passé.

Ainsi, ne pouvant plus régner par la vérité, et voulant conserver son empire, la femme
chrcjaà régner par l’erreur. Tous les oracles qui sortirent des sanctuaires furent
amphibologiques et ténébreux ; on n’entendit plus parler que de calamités, que de
pêchés commis, que d’expiations demandées, que de pénitences à faire. La divinité
suprême Teutad, jadis offerte sous l’image bienveillante d’un père, ne parut plus que
sous les traits austères d’un tyran.
Le premier herman, devenu Dieu de la guerre sous le nom de Thor, ne fut plus cet
ancêtre protecteur, toujours occupé du salut de la nation. Ce fut un Dieu, terrible et
sévère, qui se donna à lui-même les titres les plus redoutables. On le nomma père du
carnage, le dépopulateur, l’incendiaire, l’exterminateur. Il eut pour épouse Friga ou
Freya, la dame par excellence, qui non moins cruelle que son mari, désignait d’avance

88
dans les combats, ceux qui devraient être tués, et par un contraste bizarre, tenait dans
une main la coupe de la volupté, et dans l’autre le glaive qui dévouait à la mort.

Une superstition affreuse succéda au culte simple suivi


jusqu’alors. La religion devint intolérante et farouche. Toutes les passions qui
agitaient l’âme de la Voluspa enflammèrent les âmes des ancêtres. Ils devinrent
comme elle, jaloux et soupçonneux. Les sacrifices innocents qu’on avait coutume de
leur faire ne furent plus capables de les contenter. On leur immola des animaux. On
remplaça les libations de lait par des libations de sang. Et comme il fallut établir une
différence entre les ancêtres des particuliers et ceux de la nation, on fut conduit à
sacrifer à Teutad, à Thor, à Freya, des victimes humaines, jugeant que le sang, le plus
pur, le plus noble, devait leur être aussi le plus précieux.
Et qu’on ne se figue point que ces victimes étaient prises parmi les captifs ou parmi
les esclaves ; non, les têtes les plus nobles étaient le plus souvent les plus menacées.
Les Druidesses inspirées par la Voluspa, étaient parvenues à frapper les esprits avec
une tele ivresse, qu’on regardait comme favorisés des Dieux, ceux que le sort
désignait pour êztre enterrés vivants, ou pour répandre leur sang au pid des autels.
Les victimes, elles-mêmes, se félicitaient du choix qui tombait sur elles.
Nul n’était excepté. L’aveuglement allait au point qu’on regardait comme du plus
favorable augure quand le Roi lui-même était appelé à cet honneur. Sans respect pour
son rang, on l’immolait au milieu des applaudissements et des cris de joie de toute la
nation.
Les fêtes où l’on offrait ces sacrifices atroces se renouvelaient souvent. Tous les neuf 89
mois on en célébrait une durant laquelle neuf victimes par jour étaient immolées
pendant neuf jours consécutifs.
A la moindre occasion les Druidesses demandaient un messager pour aller visiter les
ancêtres et leur porter des nouvelles de leurs descendants. Tantôt on précipitait ce
malheureux sur la lance du hermansayl, tantôt on l’écrasait entre deux pierres,
tantôt on le noyait dans un gouffre. Plus souvent on laissait jaillir son sang, pour tirer
un augure plus ou moins favorable du plus ou moins d’impétuosité avec laquelle il
jaillissait.
Mais c’était lorsque la crainte d’un malheur imminent agitait les esprits, que la
superstition déployait ce qu’elle avait de plus horrible. Il existe une foule
interminable d’exemples :
- Une armée qui dévoue à la mort son général
- Un général qui décime ses officiers
- Un monarque sexagénaire qu’on brûle en l’honneur de Teutad
- Les neuf enfants de Haquin qu’on égorge sur l’autel de Thor
- Pour Freya on creuse un puit profond où on ensevelira les victimes
Les traces de ces hideux sacrifices sont partout présentes en Europe. Et l’Europe ne
souffre pas seule de ce fléau destructeur. La funeste épidémie en franchit les limites
avec les Celtes, et va infecter sur leurs pas les plages opposées de l’Afrique et de l’Asie.
Et même jusque dans l’autre hémisphère au Mexique.

89
Souvent aussi, le glaive que les femmes tenaient suspendu sur le sexe qu’elles ne
savaient gouverner que par la terreur, retombait sur leur sein : Jeunes vierges
enterrées vivantes, ou précipiées dans les fleuves l’honneur de Freya. Il ne faut pas
oublier aussi que les femmes des Rois, étaient forcées par l’opinion suprsticieuse
qu’elles avaient créée elles-mêmes, de suivre leur époux au tombeau, en s’étranglant
aux funérailles, ou en se jetant dans les flammes de leur bucher. Cette coutume
barbare, qui subsiste dans quelques endroits de l’Asie, y a été portée par les Celtes
vainqueurs.

Etablissement de la Théocratie

Ce culte superstitieux et féroce auquel une


fatale déviation des lois providentielles avait soumis les Celtes, la terreur qui en était
la suite naturelle, et cette habitude de sentir toujours la mort planant sur leur tête, les
rendait inaccessibles à la pitié. Intolérants par système et valeureux par instinct, ils
donnaient la mort avec la même facilité qu’ils la recevaient. La guerre était leur
élément. Implacables ennemis des autres religions. Ils en détruisaient les symboles,
renversaient les temples, brisaient les statues. Souvent, sur le point d’en venir à une
bataille décisive, ils faisaient vœu d’exterminer tous les hommes et tous les animaux
qui tomberaient entre leurs mains. Ils croyaient honorer ainsi le terrible Thor, et
n’imaginaient pas qu’il y eut une autre manière, pour Teutad lui-même, de montrer
90
sa force et sa puissance. La seule vertu était pour eux la valeur, le seul vice, la lâcheté.
Ils nommaient l’enfer, Nifelheim, le séjour des lâches. Pour eux, la guerre est la
source de la gloire dans ce monde et celle du salut dans l’autre. Ils pensaient que la
force, qui donne sur le faible un droit incontestable, était la marque de la Divinité.
Quand malheureusement ils étaient vaincus, ils recevaient la mort avec une farouche
intrépidité, et s’efforçaient de rire, en sortant de la vie, même au milieu des
tourments.
Les Atlantes avaient été vaincus sur tous les points. Les
côtes de la Méditerranée, ravagées depuis les bords de la mer noire jusqu’à l’Océan,
appartenaient aux Celtes. Maitres d’une grande quantité de ports, les vainqueurs
avaient créé une sorte de marine et colonisé les côtes opposées de l’Afrique. Ils
avaient nommé un Herôll, parcouru l’Espagne et atteint les colonnes d’Hercule.
Ainsi, à cette époque les Celtes possédaient l’Europe
entière, poussaient des hordes jusqu’en Afrique, menaçaient le Temple d’Ammon, et
faisaient trembler l’Egypte. Si elle s’était rendue maitresse de cet antique royaume,
dont la fondation remontait, selon Hérodote, à plus de douze mille ans, il était à
craindre que cette puissance farouche ne fit la conquête du monde.
Si cet événement avait eu lieu, il eut été un des plus
funestes pour l’humanité. La Providence le prévint. Elle ne pouvait pas changer
directement la volonté de la Race Boréenne, mais elle pouvait la châtier, et c’est ce
qu’elle fit.

90
Quelques Celtes revenus d’Egypte en Europe, y
apportèrent le germe d’une maladie inconnue, d’autant plus terrible dans ses effets
qu’elle détruisait l’espérance même de la population, en attaquant la génération dans
ses principes. On la nommait l’Eléphantiase, peut-être à cause de l’éléphant qui
paraissait y être sujet. En peu de temps, cette maladie se propageant partout, fit des
ravages effroyables. Rien ne l’arrêtait ; La nation périssait.
Il y avait en ce temps-là, parmi les Druides un homme
savant et vertueux, mais dont les sciences et les vertus paisibles avaient été peu
remarquées. Cet homme, dans la fleur de l’âge, gémissait en secret sur les erreurs de
ses compatriotes, et jugeait, avec juste raison que leur culte, au lieu d’honorer la
Divinité, l’offensait. Il connaissait les traditions de son pays, et avait beaucoup étudié
la nature. Dès qu’il vit les ravages de la maladie s’étendre, il ne douta pas qu’elle ne
fut un fléau envoyé par la Providence. Il l’examina avec soin, en connut le principe,
mais ce fut en vain qu’il en chercha le remède. Désespéré de ne pouvoir opérer le bien
dont il s’était flatté, errant un jour dans la forêt sacrée, il s’assit au pied d’un chêne et
s’y endormit. Pendant son sommeil, il lui sembla qu’une voix forte l’appelait par son
nom. Il crut s’éveiller, et voir devant lui un homme d’une taille majestueuse, revêtu de
la robe des Druides, portant à la main une baguette autour de laquelle s’enlaçait un
serpent. Etonné de ce phénomène, il allait demander à l’inconnu ce que cela voulait
dire, lorsque celui-ci le prenant par la main le fit se lever, et lui montrant sur l’arbre
même, au pied duquel il était couché, une branche de Gui et lui dit : « Oh Ram, le
remède que tu cherches le voilà ! Et avec une serpe d’or, il coupa une branche et la lui
donna. Ensuite, ayant ajouté quelques mots sur la manière de préparer le Gui, il 91
disparut.
Le Druide s’en alla, prépara le Gui selon les indications de
l’homme. Il donna de ce remède à un homme malade et désespéré qui guérit ; Et
bientôt, le bruit de ces cures merveilleuses se répandit. Le nom de Ram fut dans
toutes les bouches, accompagné de mille bénédictions. Le collège sacerdotal se
rassembla. Le Souverain Pontife, ayant demandé à Ram, de lui découvrir par quels
moyens un remède aussi admirable, auquel la nation devait son salut, était venu en sa
possession, le Druide ne fit aucune difficulté de le lui dire. Mais voulant donner au
corps sacerdotal une puissance propre, qu’il n’avait pas eu jusque-là, il fit facilement
sentir au Drud, qu’en faisant connaitre à la nation la plante indiquée par la Divinité,
en l’offrant même à sa vénération sacrée, il ne fallait pas en divulguer la préparation,
mais la renfermer au contraire dans le sanctuaire, afin de donner à la religion plus
d’éclat et plus de force, par des moyens moins violents employés jusqu’alors.
Le Souverain Pontife sentit la valeur de ces raisons et les
approuva. La nation celtique sut que c’était au Gui du chêne, désigné par la bonté
divine, qu’elle devait la cessation du terrible fléau qui la dévorait ; mais elle apprit en
même temps que la propriété mystérieuse de cette plante, la manière de la cueillir et
de la préparer, étaient réservée aux seuls Lehrs, à l’exclusion des deux autres classes
les Leyts et les Folks.
Ce fut pour la première fois que, relativement à la caste
sacerdotale, les deux autres castes, des hommes d’armes et des hommes de travail

91
furent confondues en une seule ; ce qui donna lieu à une nouvelle idée et à un
nouveau mot. En considérant les Leyts et les Folks comme un seul peuple, sur
lesquels les Lehrs avaient la domination, on contracta les deux mots en un seul, et
on forma le mot Leyolk, devenu pour nous Laïque.
Ce changement, qui parut peu considérable au moment où
il s’effectua, eut les conséquences les plus importantes par la suite, lorsque la
Théocratie pure s’étant établie, et toute ligne de démarcation s’étant effacée, elle put
dégénérer en despotisme absolu, ou en démocratie anarchique, selon que le pouvoir
fut usurpé par un seul ou par la multitude.

Ainsi dans l’Univers, le Mal nait souvent du Bien, et le


Bien du Mal, comme la nuit succède au jour, et le jour à la nuit, afin que les lois du
Destin s’accomplissent, et que la Volonté de l’homme, choisissant librement l’un ou
l’autre, soit amenée par la force des choses, à la lumière et à la vertu que lui présente
sans cesse la Providence.

Apparition d’un Envoyé Divin


On voulut que la commémoration de la
découverte du Gui corresponde avec le début de l’année. La nuit la plus obscure
couvrait le pole boréal à cette époque. On appela Nuit mère la première nuit après le
solstice. Au milieu de cette nuit mystérieuse on célébrait le New-heyl, c’est-à-dire le 92
nouveau salut ou la nouvelle santé. La nuit devint donc sacrée parmi les Celtes, et on
s’accoutuma à compter en nuits. Le Souverain Pontife régla la durée de l’année sur le
cours du soleil, et celui du mois sur celle de la lune. Ne parlons pas des cérémonies
qui existaient lors de la cueillette du Gui, mais ne passons pas sous silence cet être
mystérieux qui s’était adressé au druide Ram, fut désigné par le nom d’Esculape,
c’est-à-dire l’espérance du salut du peuple, et considéré comme le génie de la
médecine.
La Destinée qui avait choisi le druide Ram pour sauver les
Celtes, l’avait également élu pour arracher le bandeau de la superstition, et changer
leur culte homicide ; mission pas facile à remplir. L’épidémie physique était évidente
pour tous, tandis que l’épidémie morale ne paraissait pas telle à tous. Mais considérée
comme sacrée, elle était objet d’intérêt ou de vanité pour les autres. Aussi dès que le
druide voulu effacer la tradition homicide des sacrifices humains, il fut regardé
comme un novateur dangereux.
Suite aux services qu’il venait de rendre, la Voluspa n’osa pas d’abord le traiter
d’impie et de rebelle ; mais peu à peu elle s’apitoya sur la faiblesse de son âme, et le
représenta comme un homme pusillanime, il est vrai rempli de douceurs et de bonnes
intentions, mais incapable d’élever ses pensées jusqu’à l’austère hauteur des pensées
divines. Sans cesser d’aimer le bon Ram, on le plaignit de manquer de courage, et ses
ennemis ajoutèrent le ridicule de la pitié. Son nom Ram signifiait un bélier. Ils le
trouvèrent trop fort pour lui, et par l’adoucissement malin de la première lettre le

92
transformèrent en Lam, qui voulait dire agneau. Ce nom devint célèbre par toute la
terre.
L’homme peut rejeter les bienfaits de la Providence, mais
la Providence n’en marche pas moins à son but. Les Celtes en méconnaissant sa voix,
en dédaignant, en persécutant son envoyé, perdirent leur existence politique, et
laissèrent prendre à l’Asie une gloire qu’ils auraient pu garder à l’Europe. Le Destin
fut encore trop fort pour que l’aveugle volonté de l’homme ne fléchit pas devant lui.

Envoyé divin persécuté se sépare des Celtes


Malgré la décision de la Voluspa, Ram n’en
continua pas moins de manifester d’abolir les sacrifices sanglants, et annonça que
telle était la volonté du ciel, révélée par le grand Ancêtre de la Nation Oghas. Ce
nom, substitué à Teutad obtint l’effet qu’il désirait. Les Celtes furent divisés en
Oghases, ceux qui approuvaient, et en Teutades, ceux qui s’en écartaient. Le Druide
prit pour emblème un bélier, qu’il laissa appeler Ram ou Lam. Les Celtes attachés à
leur doctrine, opposèrent, à cause de Thor, leur premier herman, un taureau au
bélier. Telles furent les premières enseignes connues de la Race Boréenne, et telle fut
l’origine de toutes les armories dont on fit usage par la suite pour distinguer entre
elles les nations des nations, et les familles des familles.
Chacun, arborant selon son opinion, le bélier ou le
taureau, on ne tarda pas à en venir des injures aux menaces, et des menaces aux 93
combats. La nation se trouva dans une situation dangereuse. Ram, pacifiste, essaya
de démontrer que la Voluspa, en fondant le culte des Ancêtres, avait donné moins de
preuves que lui de sa céleste mission. La Voluspa n’avait arrêté que des maux partiels,
n’avait donné que des lois particulières souvent funestes ; tandis que lui, guidé par le
suprême Ancêtre, père de la race entière, avait eu le bonheur de sauver toute la nation
d’une ruine totale. Et il lui présentait, en son nom, des lois générales et propices, au
moyen desquelles elle serait délivrée à jamais du joug odieux que lui imposaient les
sacrifices sanglants.
Ces raisons qui entrainaient les hommes pacifiques et de
bonne foi, trouvaient dans l’intérêt, dans l’orgueil, dans les passions belliqueuses des
autres, une opposition invincible. La Voluspa, qui sentit que son autorité chancelante
avait besoin d’un coup d’éclat pour se raffermir , saisit l’occasion d’une fête et
appela Ram au pied des autels. Il sentit le piège, refusa de s’y rendre. Il fut frappé
d’anathème.
Dans cette extrémité, voyant qu’il fallait combattre ou
s’expatrier, il partit, résolu à ne point attirer sur sa patrie le fléau d’une guerre civile.
La nation, ébranlée jusque dans ses fondements, perdit
par son opiniâtreté une grande partie de ses habitants. Avant de partir, Ram tenta un
dernier effort, en rendant un oracle dans lequel il mentionnait que les Celtes étaient
menacés des plus grands malheurs s’ils continuaient à répandre le sang sur les autels.
Il l’envoya par un messager au collège sacerdotal. La Voluspa, informée, prévint
l’arrivée du messager et le fit égorger.

93
Jamais la Race Boréenne ne s’était trouvée dans des
circonstances aussi difficiles. Il semblait que ses Dieux mêmes, partagés d’opinion, se
livrassent un combat au sein des nuages, dont les malheureux mortels allaient être les
victimes. C’était, en effet, la Providence et le Destin qui luttaient ensemble. La
Volonté de l’homme était comme le champ de bataille, où ces deux formidables
puissances se portaient leurs coups. Les différents noms que leur donnait cette
volonté n’importaient pas. Les différents poètes ont bien senti cette vérité, et au-
dessus de tous, Homère l’a rendue avec une magnificence que nul autre n’a égalé ;
C’est au reste dans la connaissance de cette vérité que réside la véritable poésie. Hors
de là il n’y a que de la versification.

Enfin, privé de toute espérance d’accommodement, Ram partit, entrainant avec lui la
plus saine partie de la nation et la plus éclairée. Il suivit d’abord la même route que
les Celtes bodohnes avaient suivie ; Mais quand il fut à la vue du Caucase, il remonta
le Don, et passant la Volga, il parvint dans la plaine élevée qui domine la mer d’Aral.
Les peuplades qui vivaient là étaient issues des premiers
colons Celtes. La cohabitation ne posa pas de problème. Le pays dans lequel on se
trouvait se nommait Touran, par opposition à un pays situé au-delà des montagnes
appelé Iran duquel elles avaient été chassées par les Sudéens. Ram résolut de leur
enlever cette contrée, qu’ils avaient usurpée, pour s’y établir.
Il resta néanmoins quelques temps dans le Touran pour
dénombrer le peuple soumis à sa doctrine, régulariser les diverses classes, et donner
au gouvernement théocratique qu’il méditait un commencement de perfection que les 94
circonstances pouvaient permettre.
Il ne négligea rien pour attirer à lui les peuplades
tourainiennes, et comme au nord il existait une immense contrée que ces peuplades
appelaient la Terre Paternelle, Tat-ârah, à cause qu’elle avait été la demeure de leur
premier père, il ne manqua pas de leur faire entendre que c’était au nom de leur
grand Ancêtre Oghas, qui était aussi le sien, qu’il venait délivrer leur patrie du joug
des étrangers. Cette idée qui flatta leur orgueil, gagna sans peine leur confiance.
Plusieurs phénomènes qui ne les avaient pas frappés jusque-là se présentèrent à leur
esprit. L’un se rappelait un rêve, l’autre une vision. Celui-ci racontait le discours d’un
vieillard mourant. Celui-là parlait d’une antique tradition. Tous avaient des motifs
pour regarder les événements actuels comme une chose merveilleuse. Leur
enthousiasme s’augmentait en se communiquant. Bientôt il fut à son comble. Il est de
la nature de l’homme de croire à l’action de la Providence sur lui. Pour qu’il n’y croit
pas il faut, ou que ses passions l’aveuglent, ou que des événements antérieurs aient
déterminé sa Volonté à fléchir sous les lois du Destin, ou que sa volonté propre,
l’entrainant, prenne la place de la Providence.

RAM. Sa pensée Religieuse et Politique


Plusieurs messagers furent dépêchés dans la
Haute Asie pour porter ce qui se passait. Le bruit en retentit dans les contrées les plus

94
reculées. On vit arriver de toute part des peuplades curieuses de voir l’envoyé de leur
grand Ancêtre, et jalouses de prendre part à la guerre qui se préparait. Ram se
montra digne de sa haute réputation. Son active sagesse prévenait les besoins,
aplanissait les difficultés ; On sentait dans son action comme dans ses paroles,
quelque chose de surnaturel. Il pénétrait les pensées, prévoyait l’avenir, guérissait les
maladies. Toute la nature lui semblait être soumise. Ainsi le voulait la Providence, qui
estimant la Race Boréenne à dominer sur la terre, lançait au-devant de ses pas les
rayons lumineux qui devaient la conduire. Ram fut donc le premier homme de cette
race qu’elle inspira immédiatement. C’est lui que les hindous honorent encore sous
son propre nom de Rama. C’est lui que le Tibet, la Chine, le Japon, et les immenses
régions de l’Asie, connaissent sous le nom de Lama, de Fo, de Pa-pa, de Padi-
Shah, ou de Pa-si-pa. C’est lui que les premiers ancêtres des Persans, Les Iraniens,
ont nommé Gian-Shyd, à cause qu’il fut le premier monarque du monde, ou le
premier dominateur du peuple noir. Ce peuple était appelé le Peuple de Gian, ou de
Gian-ben-Gian, comme disent les Arabes. On voit dans le Zend-Avesta, que le
dernier Zoroastre lui rend hommage, en le plaçant longtemps avant le premier
prophète de ce nom, et le désignant comme le premier homme qu’Ormuzd ait
favorisé de son inspiration. Il le nomme partout Chef des Peuples et des troupeaux, le
très puissant et très fortuné Monarque. Ce fut qui fit de l’agriculture la première des
sciences, et qui apprit aux hommes la culture de la vigne et l’usage du vin. Il fonda la
ville de Ver, la capitale du Var-Gian-Gherd. Ville admirable dit Zoroastre,
semblable au paradis, et dont tous les habitants étaient heureux.
Arrien, qui donne à Ram le nom de Dionysos, c’est-à- 95
dire l’intelligence divine, rapporte que ce prince enseigna aux hommes qui menaient,
avant sa venue, une vie errante et sauvage, à ensemencer les terres, à cultiver la vigne,
et à faire la guerre.
Zoroastre, dont l’objet était la réformation du culte persan,
accuse cependant Gian-Shyd d’orgueil, et dit que la fin de son règne ne correspondit
pas à son commencement. Quelques commentateurs ajoutent que ce théocrate
offensa la Divinité, en tentant de se mettre à sa place, et en usurpant les honneurs
divins. Ce reproche aurait été mieux fondé, si Ram eut en effet, annoncé pour l’objet
de son culte l’Etre des êtres, le Très Haut, Dieu lui-même dans son insondable unité ;
mais ses idées ne pouvaient pas s’élever jusque-là et, en supposant qu’elles l’eussent
pu, celles du peuple qu’il conduisait ne l’y auraient pas suivi. Quoique la sphère
intellectuelle eut déjà acquis de grands développements dans la Race Boréenne, elle
n’était pas néanmoins parvenue à atteindre de telles hauteurs. L’idée qu’elle laissait,
plus facilement, était celle de l’immortalité de l’âme : voilà pourquoi le culte des
Ancêtres était celui qui lui convenait le mieux. L’idée de l’existence de Dieu, qui se lie
à celle-là, ne la frappait encore que d’une manière vague et confuse.
Les Celtes ne voyaient dans Oghas et Teutad que la chose
même que ces mots exprimaient dans le sens le plus physique : le Père universel ou le
grand Ancêtre de la nation. Ram, en se donnant pour le représentant de ce Père ou de
cet Ancêtre commun, en affirmant que leur volonté se réfléchissait dans la sienne, en
se revêtissant pour ainsi dire, de l’immortalité sacerdotale, et en persuadant à ses

95
sectateurs que son âme ne quitterait son corps actuel que pour en prendre un autre,
afin de continuer à les instruire et les gouverner ainsi de corps en corps jusqu’à la
consommation des siècles ; Ram ne fit pas une chose aussi audacieuse que Krishnen,
Foé, Zoroastre lui-même firent longtemps après.
Il ne sortait pas de la sphère des choses sensibles et
compréhensibles, tandis que les autres en sortaient. L’immortalité de l’âme étant
reconnue, sa doctrine en était une conséquence toute simple. Il n’affirmait du grand
Ancêtre que ce qu’il affirmait de lui-même, et quand il disait qu’il renaitrait pour
continuer son ministère, il ne disait pas autre chose, sinon que l’immortalité de son
âme, au lieu de s’exercer ailleurs d’une manière invisible, s’exercerait d’une manière
visible sur terre ; en sorte que sa doctrine et les formes de son culte se servaient
mutuellement de soutien et de preuves.
Quand on juge aujourd’hui, d’après les idées acquises
depuis une longue suite de siècles, le culte lamique, il n’est pas étonnant qu’on y
trouve de grands défauts, surtout si l’on ne sait pas séparer la rouille des superstitions
que les âges y ont attachées, et dont son éclat est terni ; mais si l’on veut l’examiner
dans le silence des préjugés, on sentira bien que ce culte était le plus convenable qui
pouvait être offert, à cette époque, à l’intelligence de l’homme. Il succédait au
sabéisme qui, déjà frappé de vétusté, chancelait de toutes parts, et ne pouvait se
soutenir que par son moyen.
C’était le culte des Ancêtres, ramené à sa plus haute
perfection relative. Il était simple dans ses dogmes, innocent dans ses rites et très pur
dans sa morale. Sa vertu principale, qui était la piété filiale, offrait aux institutions 96
civiles une base presque inébranlable. Après tant de siècles écoulés, au Japon et en
Chine, au Tibet et dans les régions de la Tartarie, le lamalisme y domine encore,
malgré la foule de révolutions dont ces contrées ont été le théâtre.
Ram, échappé à la persécution, doué d’un caractère doux
et compatissant, bannit toute persécution de son culte, et proscrivit toute idole et
tout sacrifice sanglant. Il divisa la nation en quatre classes, ajoutant une classe aux
trois classes qui existaient déjà chez les Celtes. Ces classes qui ont survécu aux Indes,
sont celles des Prêtres, des Guerriers, des Laboureurs et des Artisans. Ainsi, il
partagea en deux celle des Folks, et donna à l’une et à l’autre l’indépendance de la
propriété territoriale. Les Souverains Pontifes appartinrent à la classe des Prêtres et
furent considérés comme immortels, leur âme ne sortant jamais d’un corps que pour
en habiter un autre, et toujours d’un jeune enfant élevé à cet effet.
La dignité royale fut héréditaire dans une seule famille de
la classe militaire ; et cette famille réputée sacrée devint inviolable. Les magistrats
civils furent choisis dans la classe des Laboureurs, et durent tenir leur pouvoir
judiciaire du Souverain Pontife. Les Artisans fournirent les ouvriers et les serviteurs
de toutes les sortes. L’esclavage fut aboli.
Après avoir posé ces bases simples de son culte et de son
gouvernement, Ram, environné de la vénération d’un peuple immense et dévoué à ses
ordres, descendit du Touran, où il s’était tenu jusqu’alors, et entra dans l’Iran pour en
faire la conquête, et y établir le siège de sa théocratie.

96
Etablissement d’un Empire Universel Théocratique et Royal

Les poètes qui ont chanté les triomphes de


Ram, l’ont visiblement confondu avec le grand Ancêtre de la Race Boréenne, mais
aussi avec la race toute entière. C’est ce qui est évident dans le Ramayan, le plus
grand poème des hindous, ouvrage du célèbre Valmik, et dans les Dionysiaques de
Nonnus.
Les Sudéens, établis depuis longtemps dans
l’Iran, opposèrent au théocrate Celte une résistance vigoureuse ; Mais rien ne put
arrêter l’enthousiasme religieux dont Ram avait pénétré son armée. Leur ville sacrée
fut prise d’assaut. Tout ce qui refusa de soumettre fut obligé de quitter l’Iran, et se
replia en désordre, une partie vers l’Arabie, et l’autre partie vers l’Indostan, où le
bruit de leur défaite les avait précédés.
Ram, ayant bâti une ville pour établir le siège
de son souverain pontificat, la consacra à la Vérité qu’il annonçait, et la nomma, en
conséquence, Vahr.
Le grand Kanh, qu’il avait sacré, établit sa
résidence dans Isthakhar, et releva de lui seul. Les Kanh inférieurs obéirent à ses
ordres. L’un d’eux, à la tête d’une puissante armée, se porta vers l’Asie Mineure, alors
appelée Plaksha, tandis qu’un autre, marchant du côté opposé, arriva sur les bords
du Sind, aujourd’hui l’Indus ; et malgré l’opposition formidable qu’il y rencontra, en
97
franchit les ondes, et pénétra dans l’Iindostan. Ces deux Kanh eurent des succès
divers. Celui qui s’était porté vers le nord, ayant rencontré les Celtes Bodohnes, avec
lesquels il fit alliance, eut d’abord à combattre les Amazones, dont il renversa
entièrement la domination. Ces femmes guerrières, obligées de se soumettre ou de
quitter l’Asie, se réfugièrent sur l’ile de Chypre, dans celle de Lesbos, et dans quelques
autres de l’Archipel. La conquête de Plaksha, étant achevée, et le Tigre et l’Euphrate
coulant sous les lois de Ram, la ville de Ninveh fut bâtie pour servir de capitale à un
royaume, qui porta d’abord le nom de Chaldée, tant que la classe sacerdotale y
domina, et qui prit plus tard le nom d’empire Syrien ou Assyrien, lorsque la caste
militaire parvint à y rendre le dessus. Les Arabes, qui à cette époque, étaient déjà un
mélange de Celtes et d’Atlantes, contractèrent facilement alliance avec les sectateurs
de Ram, et reçurent sa doctrine.
Les Sudéens qui ne voulurent pas se
soumettre, se portèrent vers l’Egypte, ou s’embarquant sur le Golfe Persique, gagnè-
rent le midi de l’Asie, où leurs plus grandes forces étaient concentrées. Là, la lutte fut
rude. L’avenir de la Race Boréenne dépendait de la lutte engagée dans l’Indostan. Il
s’y porta en personne. La Tradition rapporte qu’un grand nombre de femmes,
appelées Thyades, combattaient sous ses ordres, ainsi qu’une foule d’hommes
sauvages, appelés Satyres. C’était sans doute une partie des Amazones qu’il avait
soumises, et ces peuplades de Tâtares errants qu’il avait réunis et civilisés.
La guerre dura sept ans. Ram y déploya, dans
un grand nombre de circonstances, des moyens au-dessus de l’humanité. Il fit

97
sourdre des sources au milieu de déserts les plus arides. Il trouva un remède contre
une épidémie cruelle, une plante appelée hom, qui resta sacrée et remplaça le Gui.
Mais ce qui étonna le plus, c’est que ce
puissant théocrate, se trouvant transporté par une longue guerre, au milieu d’une
nation, dès longtemps parvenue au dernier degré de la civilisation, industrieuse et
riche, l’égala en industries, et la surpassa en richesses.
Et il ne faut pas oublier l’invention de la
monnaie. A l’époque où l’empire chinois fut fondé, elle était déjà usitée. On ne peut
douter que certains métaux, surtout l’or, l’argent et le cuivre, n’aient été choisis de
temps immémorial comme signes représentatifs de tous les autres sujets, à cause de
la facilité avec laquelle on peut les diviser, sans qu’ils ne perdent rien de leur valeur.
Je suppose que ce fut à l’époque de la
première alliance que les Celtes contractèrent avec les Atlantes qu’ils reçurent la
première connaissance de la monnaie. Connaissance d’abord assez confuse, mais qui
se fixa et se perfectionna comme toutes les autres.
La marque dont ce théocrate frappait sa
monnaie était un bélier ; Il parait que le type utilisé par les Celtes autochtones était le
taureau. Quant à la monnaie des Atlantes, qui avait cours dans les Indes, tout porte à
croire qu’elle avait pour empreinte une figure de serpent appelée Dragon. Le Dragon
était l’enseigne de ces peuples. Leur souverain suprême portait le titre de Rawhan
ou Rawhon, c’est-à-dire le Surveillant Universel, le Grand Roi ; tandis que les
souverains inférieurs, qui relevaient de lui, s’appelaient Pha-rawhon, comme celui
de l’Egypte. 98
Dans le poème du Ramayan, il est parlé des
combats terribles entre Ram et Rawhon. Après un grand nombre de vicissitudes, le
Rawhon se retira dans l’ile de Lanka, aujourd’hui Ceylan et s’y crut à l’abri. Mais les
compagnons de Ram, puis Ram lui-même, incendièrent le palais même du Rawhon
qui fut tué dans un combat, et son vainqueur demeura le seul maitre de l’Asie.
On dit que dans ce mémorable combat, une épouse de Ram, Sita, prisonnière de
l’ennemi fut délivrée. Soupçonnée d’intelligence avec Rawhon, mais innocentée par
l’épreuve du feu. Cet événement a fourni et fournit encore le sujet d’un grand nombre
de drames. C’est même de là que le théâtre a pris son origine.
Après la conquête du Lanka, rien ne résista
plus au théocrate celte. Du midi au nord, de l’orient à l’occident, tout se soumit à ses
lois religieuses et civiles.

RECAPITULATION

Voilà quels furent les effets d’un premier


ébranlement intellectuel. Les hommes, échappant à peine au joug d’une race
ennemie, sont devenus en peu de siècles les maitres d’un immense empire, et les
législateurs du monde. Il est vrai, que ça n’a pas été sans troubles, sans erreurs, sans
accidents de toutes sortes. Mais connait-on quelque chose de grand sur la Terre, qui
se fonde sans peine et s’exécute sans péril ? Si les édifices les plus médiocres ont

98
couté des fatigues, combien n’en ont pas du entrainer les remparts du Caucase, les
pyramides d’Egypte ou la muraille de Chine.
Les politiques modernes, habituées à lire des
histoires rédigées en miniature, voient tout en petit. Ils s’imaginent qu’une loi
couchée sur un papier est une loi, et qu’un empire est constitué parce qu’une
constitution est écrite. Ils ne s’inquiètent pas si la Providence, si le Destin, si la
Volonté de l’homme entre dans ces choses. Ils déclarent tout bonnement que la loi
doit être athée, et croient que tout est dit. S’ils nomment la Providence, c’est comme
faisait Epicure, par manière d’acquit, et pour dire seulement qu’ils l’ont nommée.
Mais ce n’est point de cette manière que se déroulent les vastes décrets qui régissent
l’univers.

Législateurs ou Conquérants retenez ceci :


Quels que soient vos desseins, si au moins une des trois grandes puissances
que j’ai nominées ne les soutient pas, ils s’évanouiront dans les airs comme une vaine
fumée. Et voulez-vous savoir quelle espèce de soutien leur prêtera chacune de ces
puissances, si elles sont isolées ? Le Destin leur prêtera la force des armes, la Volonté
de l’homme, la force de l’opinion ; la Providence, la force morale qui nait de
l’enthousiasme politique ou religieux. La réunion de ces trois forces, donne seule la
stabilité. Dès que l’une fléchit, l’édifice est ébranlé.
Avec le seul Destin on fait des conquêtes plus ou moins rapides, plus ou
moins désastreuses, et l’on étonne le Monde, comme Attila, Gengis, ou
Timourlenk. 99

Avec la seule Volonté, on institue des Républiques plus ou moins


orageuses, plus ou moins transitoires, comme Lycurgue ou Brutus.

Mais ce n’est qu’avec la Providence qu’on fonde des Etats réguliers, des
Théocraties, ou des Monarchies, dont l’éclat couvre la Terre, et dont la
durée fatigue le temps, comme celle Taôth, de Bharat, de Ram, de Fo-hi,
de Zeradosht, de Krishnen ou de Moïse.

DESTIN DE L’EUROPE

Les Nations

Les nations ressemblent aux individus, et les races entières


se comportent comme les nations. Elles ont leur commencement, leur milieu et leur
fin. Elles passent par toutes les phases de l’adolescence, de l’âge viril et de la

99
vieillesse. Il est de leur essence de s’engloutir les unes les autres, rarement elles
atteignent l’extrême vieillesse.

Nous avons vu le premier triomphe de la Race Boréenne. Il


signala son adolescence. Il fonda la Théocratie Lamique. Il donna un nouvel éclat à
l’empire Indien. L’Asie détrôna l’Afrique et prit en mains le sceptre du Monde. Mais
l’Europe, qui avait donné le mouvement, ne fut rien encore, car au lieu d’adhérer au
mouvement providentiel, elle tenta de l’étouffer.

Origine des Saliens, des Ripuaires

Les Celtes d’Europe, qui persistèrent dans le culte


de Thor, et qui malgré l’opposition de Ram continuèrent d’offrir à leurs farouches
divinités des sacrifices humains, regardèrent d’abord le schisme qui venait de naitre
parmi eux comme peu considérable ; ils donnèrent même aux sectateurs de Ram un
nom qui peignait moins la haine que la pitié. C’était pour eux un peuple égaré, Esk
wander.

On trouve dans les Pouranas les plus grands détails


sur les conquêtes de Ram qui s’étendirent sur toute la terre habitée. On lui a sans
doute attribué toutes les conquêtes faites par ses lieutenants.
100
La partie occidentale de l’Europe, nommée Varaha
par les livres hindous, et la partie orientale, Kourou, furent colonisées par les armées
de Ram. Les Celtes autochtones repoussés vers les contrées septentrionales,
disputèrent le terrain à des peuplades errantes. Sans cesse harcelés par les Tatars, ils
n’eurent pas de repos. Au lieu d’avancer dans la carrière de la civilisation, ils
reculèrent. Ils se firent de la liberté une sorte d’idole sauvage, à laquelle ils
sacrifièrent tout, et jusqu’à eux-mêmes. Seule une sorte de vénération pour les
femmes adoucissait un peu cet état. Mais un événement inévitable vint diviser leur
opinion à cet égard.

Depuis très longtemps les femmes dominaient le sacerdoce, puisque de leur bouche
sortaient tous les oracles. Mais il n’était pas arrivé qu’une femme montât sur le trône.
Cela avait été impossible tant que les chefs militaires avaient été électifs, à cause des
combats. Mais quand ils devinrent héréditaires cela changea.

Il arriva qu’un Kanh mourant, il ne laissait qu’une fille. La nation se divisa : les
habitants des terres fertiles optaient pour la légitimité de la descendance, tandis que
les habitants des montagnes ne voulaient que la légitimité dans les males.

On appela les premiers Ripuaires et les seconds Saliens. Les Ripuaires passèrent
pour efféminés et mous, on leur donna le nom de Grenouilles. Les Saliens furent
taxés de rusticité et de manque d’esprit, on les désigna par l’épithète de Grues.

Les deux partis prirent pour emblème ces deux animaux, de manière que le taureau
ne parut plus seul, puis finit par disparaitre. Les deux partis se combattirent
longtemps ; Les misérables Celtes allaient de divisions en divisions, et de malheurs en

100
malheurs. La nation celtique n’existait plus à proprement dire. Chaque fraction
voulait commander ; Les noms qu’elles se donnaient exprimaient toujours leur
indépendance. C’étaient les Alains, les Allemands, les Vandales, les Frisons, les
Quades, les Cimbres, les Swabes, les Allobroges, les Francs, les Scandinaves, les
Saxons, etc…

Le mouvement providentiel était alors en Asie.


C’était là que la Race Boréenne avait transporté sa force. Intéressons-nous y avant de
retourner en Europe.

Unité Divine. Origine du Zodiaque


A l’époque où Ram fit la conquête de l’Indostan,
cette contrée ne portait pas ce nom, qui signifiait : la demeure du peuple noir. A cette
époque l’Inde entière portait le nom de Bhârat-Khant ou Bhârat-Versh. Ce nom
exprimait dans l’idiome africain la possession du tabernacle. Or ce Bhârat, passait
pour avoir été un des premiers législateurs des hindous. Le Dieu que Bhârat offrit à
l’adoration des peuples s’appelait Whôdka, c’est à dire tout ce qui est éternel. Les
hindous le connaissent encore de nos jours sous le nom de Boudh ;

Ainsi avant la conquête de l’Inde par Ram l’unité


divine y était enseignée et reconnue. Il ne la détruisit pas, il y adjoignit le culte des
Ancêtres, qu’il fit considérer comme une hiérarchie médiane, nécessaire pour lier
l’homme à la Divinité, et conduisit de cette manière, l’intelligence de son peuple de
l’Etre particulier à celle de l’Etre Absolu.
101
Lorsqu’il arriva dans l’Inde, cette contrée obéissait
sans doute à deux dynasties établies par les Atlantes, Dynastie solaire ou lunaire. Le
trône de la dynastie solaire était établi dans la ville sacrée d’Ayodhya, aujourd’hui
Aûdh, et celui de la dynastie lunaire dans celle de Pratishthana, aujourd’hui Vitora.

Le premier Kanh que Ram sacra pour être le


souverain Roi du Monde se nommait Kousha. Il régnait sur un grand nombre de
rois, tels que ceux de l’Iran, de la Lybie, de la Chaldée, de l’Egypte, de l’Arabie, de
l’Ethiopie, relevaient de lui.

De même que le roi suprême régnait sur une foule


de rois feudataires, le Pontife suprême dominait sur une foule de Pontifes. Le titre
ordinaire de ces souverains pontifes était celui de père ou de papa. Le Pontife
Suprême portait celui de Pa-zi-pa, le père des pères. Partout où il y avait un roi, il y
avait un souverain pontife, et la ville qu’ils habitaient était réputée sacrée.

Parlons d’une hypothèse : Les Celtes avaient déjà fait assez de progrès en astronomie
pour établir un calendrier régulier, mais il ne parait pas qu’ils eussent arrangés les
étoiles par groupes, appelés astérismes, pour former le Zodiaque. Lorsque Ram eut
achevé la conquête de l’Inde, et que son autorité sacerdotale fut reconnue sur toute la
terre, il examina le calendrier des peuples Atlantes et vit qu’il était supérieur à celui
des Celtes. Il l’adopta et imagina de nouvelles figures emblématiques aux
constellations, avec trois sens parfaitement distincts. Le premier ayant rapport à la
marche de cet astre et à l’influence des saisons. Le second contenant l’histoire de ses
voyages, de ses travaux et de ses succès. Le troisième, enveloppant sous des

101
hiéroglyphes très ingénieux, les moyens qu’il avait reçus de la Providence pour
atteindre un but aussi extraordinaire et aussi élevé.

Cette sphère céleste, reçue chez tous les peuples soumis à la domination de Ram, et
livra à leurs admirations un livre admirable qui fait encore de nos jours l’étonnement
ou l’étude d’une foule de savants.

Conséquences d’un Empire Universel. Etude de l’Univers.


Ainsi la Race Boréenne avait pris le pas sur la Race
Sudéenne, qui devait finir par s’éteindre. Il n’existait pour tous les hommes qu’un
seul culte, dont un seul Pontife Suprême qui maintenait les dogmes et réglait les
cérémonies. Et il n’existait qu’un seul Gouvernement, dont un seul Souverain Roi
faisait agir les ressorts. Ce Pontife et ce Roi, liés l’un à l’autre, libres sans être
indépendant, se prêtaient un appui mutuel et concouraient à tout conserver dans une
admirable unité.

Un édifice si majestueux n’était point l’effet du hasard. Il


avait ses fondements dans la nature des choses. Il recevait ses principes, ses formes et
ses fondements, de l’action simultanée des trois grandes puissances qui régissent
l’univers. Il est inutile de dire combien cette époque de la civilisation humaine eut
d’éclat et de bonheur. Un nombre considérable de siècles se passa sans laisser de
traces. Mais enfin, ce n’était que la jeunesse de la Race. Bien que tout fût brillant et
fastueux, rien n’était profondément beau. Les passions étaient d’ailleurs à craindre.
Elles arrivèrent. L’homme avait encore besoin de leçons. Il les reçut.

La cause prit son faible commencement dans la Musique. Il faut bien comprendre 102
que les philosophes, les Sages de l’Antiquité comme, Pythagore, Zoroastre, Kong
Tzée, Platon, et tous les autres ont dit : « la musique est la science universelle, la
science sans laquelle on ne peut pénétrer dans l’essence intime d’aucune chose. Cette
science ne fut ici que le prétexte du bouleversement qui arriva. Sa cause véritable fut
dans la nature de l’homme, qui le poussant toujours en avant dans la carrière qu’il
parcourt, ne peut lui laisser que peu de moments stationnaires sur les mêmes points.
Son intelligence, une fois ébranlée ne peut plus s’arrêter. Une vérité profonde
l’émeut, même à son insu. Il sent qu’il n’est pas à sa place, et qu’il doit y arriver. Les
hommes intellectuels ne tardent pas à devenir contemplatifs. Ils veulent connaitre les
raisons de tout. Et comme l’univers est livré à leur exploration, on sent qu’ils ont
beaucoup à faire, et beaucoup d’occasions de se tromper.

J’ai déjà dit qu’à l’époque où les Celtes firent la conquête


de l’Inde, ils y trouvèrent un système complet de sciences physiques et
métaphysiques. Il parait certain qu’alors la cosmogonie atlantique rapportait tout à
l’Unité absolue, et faisait tout émaner et tout dépendre d’un seul principe. Ce Principe
unique, nommé Iswara, était conçu purement spirituel. On ne peut nier que cette
doctrine ne présente de grands ouvrages. Mais aussi on doit convenir qu’elle entraine
quelques inconvénients, surtout lorsque le peuple auquel elle est donnée ne se trouve
pas dans des circonstances propres à la recevoir. Il faut, pour que le dogme de l’Unité
Absolue reste dans le spiritualisme pur, et n’entraine pas le peuple dont il constitue le
culte dans un matérialisme et un anthropomorphisme abject, que ce peuple soit assez
éclairé pour raisonner toujours juste, ou qu’il le soit assez peu pour ne raisonner
jamais. S’il ne possède que de demi-lumières intellectuelles, et que ses connaissances
physiques le portent à tirer des conséquences justes de certains principes dont il ne

102
peut pas apercevoir la fausseté, sa déviation est inévitable ; il deviendra athée ou
changera de dogme. Puisqu’il est prouvé que les Atlantes avaient admis le dogme d’un
seul principe, et que ce principe avait été jusqu’alors en harmonie avec leur situation,
on ne peut se refuser à croire qu’ils ne fussent parvenus au plus haut degré de l’Etat
Social ; Leur Empire avait embrassé la terre, mais sans doute après avoir jeté leur
plus grand éclat, les lumières commençaient à s’y obscurcir quand les Celtes en firent
la conquête. Les hindous, qui leur avaient succédé sur une autre partie de la terre,
quoique leurs disciples les plus instruits, étaient loin de posséder les mêmes moyens.
Leur gouvernement marchait encore, grâce à l’impulsion qu’il avait reçue. Mais déjà
les ressorts étaient usés, et les principes de vie qui l’animaient ne se réparaient plus.

Tel était l’état des choses plusieurs siècles même avant


l’arrivée de Ram. Il est évident que si ce théocrate n’eut pas trouvé l’empire des
atlantes dans son déclin, non seulement il ne s’en serait pas si facilement emparé,
mais il n’eut même pas tenté de le faire. La Providence ne l’y aurait pas déterminé. Il
adopta l’Unité Divine, à laquelle il adjoignit le culte des Ancêtres. Et trouvant toutes
les sciences fondées sur un Principe unique, il les livra à l’étude de ses peuples.

Mais il arriva après un laps de temps plus ou moins long,


qu’un des Souverains Pontifes, examinant le système musical de Bhârat, que l’on
croyait fondé sur un seul principe, s’aperçut qu’il n’en était pas ainsi, et qu’il fallait
admettre deux principes dans la génération des sons. Or, ce qui faisait de la musique
une science tellement importante pour les Anciens, c’était la faculté qu’ils lui avaient
reconnue, de pouvoir facilement servir de moyen de passage du physique à
l’intellectuel ; en sorte qu’en transportant les idées qu’elle fournissait d’une nature à
l’autre, ils se croyaient autoriser à prononcer, par analogie du connu à l’inconnu. La 103
musique était donc entre leurs mains comme une sorte de mesure proportionnelle
qu’ils appliquaient aux essences spirituelles. La découverte que venait de faire ce
souverain pontife dans le système musical, ayant été connue de tout l’empire, les
savants contemplatifs ne tardèrent pas à s’en emparer, et à l’employer , selon l’usage,
pour expliquer les lois cosmogoniques de l’univers. Et bientôt, ils virent, avec
étonnement, que ce qu’ils avaient jusqu’alors considéré comme le produit d’une Unité
Absolue, était celui d’une Duité combinée. Ils auraient pu sans doute, sans s’effrayer
de cette idée, remettre tout à sa place, en regardant les deux Principes, dont ils
étaient forcés d’admettre l’existence, comme principiés, au lieu de les regarder
comme principiants, ainsi que fut, quelques siècles plus tard le premier Zoroastre.
Mais il aurait fallu pour cela qu’ils s’élèvent à des hauteurs que leur intelligence ne
pouvait pas encore atteindre. Accoutumés à tout voir dans Iswara, ils n’eurent pas
la force de le déposséder de sa suprématie, et ils aimèrent mieux le doubler, pour
ainsi dire, en lui adjoignant un nouveau principe qu’ils appelèrent Pacriti, c’est-à-
dire la Nature. Ce nouveau principe posséda le Sakti, ou le pouvoir conceptif, et
l’ancien Iswara, le bidja, ou pouvoir génératif et vivifiant.

Le résultat de ce premier pas, qui fut d’assez longue durée, fut de faire considérer
l’univers comme le produit de deux principes possédant chacun un son particulier :
l’un la faculté du mâle, et l’autre celle de la femelle. Ce système, dont la simplicité
séduisit d’abord, fut généralement adopté. Divers noms ont été donnés à ces deux
principes cosmogoniques.

Divisions des Principes Universels

103
Influence de la Musique
Mais dès que les nations dépendantes de l’empire indien,
furent autorisées à considérer l’Univers comme le produit de deux principes, elles
furent insensiblement portées à se faire sur la nature de ces mêmes principes des
questions que les circonstances amenèrent, et devaient nécessairement amener.
Puisque l’Univers est le résultat de deux puissances principiantes, comment peut-on
considérer les rapports qui les lient ? Sont-elles indépendantes, et alors comment se
sont-elles réunies ? Autrement laquelle doit être soumise à l’autre ?

Est-ce Iswara qui produit Pacriti, ou Pacriti qui produit Iswara ?

Doit-on confondre ou séparer le culte qu’on leur rend ?

On dit, continua-t-on, que la musique sacrée présente des moyens surs et faciles de
distinguer les deux principes universels ; oui, quant à leur nombre et à leurs facultés
opposées ; non, quant à leur rang, et encore moins quant à leur influence sexuelle. La
dessus on interrogeait le système musical de Bhârat, qui loin d’éclaircir toutes ces
difficultés, les embrouillait encore.

Ces questions, qui peuvent paraitre ridicules à certains,


sont d’une énorme profondeur. A quoi se réduisaient les difficultés qui tendaient à
diviser l’empire indien ? A savoir, si la première Cause de l’Univers, en admettant
qu’il n’y en ait qu’une, agissait dans la création des choses selon les facultés du mâle
ou de la femelle ; et dans le cas où cette Cause fut double, comme l’indiquaient les
analogies qu’on tirait de la science musicale, lequel des deux principes on devait 104
placer en premier, soit dans l’ordre des temps, soit dans celui de la puissance, le
masculin ou le féminin.

Et lorsque cet empire, divisé, déchiré de toutes les manières, était près d’expirer dans
le dernier de ses lambeaux, dans ce qu’on appelait l’empire Grec, ou plus justement le
Bas-empire, à quoi étaient venues aboutir les questions qui depuis mille ans avaient
ravagé l’empire romain ?

A savoir si la lumière que certains moines fanatiques nommés Hésicarte, voyaient à


l’entour de leur nombril, comparée à celle qui éclata sur le Mont Thabor, était créée
ou incréée. On sait, que plusieurs conciles, assemblés pour prononcer sur cette
singulière difficulté, se partagèrent, et par leurs dissensions facilitèrent les progrès
des Tatars, qui sous le nom de Turcs s’emparèrent de Constantinople, et mirent fin à
l’empire.

On pourrait développer et multiplier les exemples……..

Ce n’est pas d’après l’opinion particulière qu’on pourrait avoir, qu’il faut apprécier les
questions dont je viens de parler, mais d’après la situation générale des esprits, à
l’époque où elles eurent lieu.

Ces questions circulèrent sourdement dans l’empire. Le sacerdoce les ignora ou les
condamna. Les sectaires se multiplièrent dans tous les partis. Forcé de se prononcer,
c’est le masculin qui prédomina. Et sa plus grande influence sur l’univers passa pour
tyrannique. Les esprits s’échauffèrent et il ne manquait qu’une circonstance pour
qu’il y ait explosion.

104
Deux princes de la dynastie régnante divisèrent l’empire indien. L’ainé, Tarak-hya,
entraina les grands de l’état et les premières classes des citoyens ; le cadet, Irshou,
n’eut pour lui que les dernières classes, nommées par dérision les Pallis, c’est-à-dire
en sanscrit les Pâtres.

Ces Pallis, devenus fameux dans l’histoire, sous le nom de Pasteurs, furent d’abord
détruits par Tarak-hya. Il est très probable que si le mouvement causé par Ishrou, eut
été purement politique, il aurait été sans suite, étouffé à la naissance. Mais soit
qu’Ishrou fut un des sectateurs zélés de Pacriti, soit il crut utile à ses intérêts de le
devenir, il rompit avec le sacerdoce orthodoxe et déclara la faculté féminine comme
appartenant à la Cause première de l’Univers.

La guerre, qui n’avait été que civile, devint religieuse. Il y eut des combats sans
nombre, les deux partis successivement vaincus et vainqueurs.

Les sectateurs de la faculté féminine, les Pallis, ayant pris pour symbole de leur culte
le signe distinctif de cette faculté, appelé Yoni, surnommés par la suite, Yonijas,
Yawanas, Ioniol, c’est-à-dire Ioniens ; et comme pour des raisons mystérieuses
ils avaient pris la couleur rouge pour enseigne tirant sur le jaune, on leur donna le
nom de Pinkshas, ou de Phéniciens, qui signifie les Roux. Tous ces noms injurieux
dans la bouche de leurs adversaires, devinrent glorieux dans la leur.

De leur côté, les hindous, leurs antagonistes, demeurés fidèles au culte de la faculté
masculine dans la Divinité, eurent aussi leurs dénominations particulières ; mais
comme ils triomphèrent moins souvent en Europe, ces dénominations et ces
symboles y sont devenus beaucoup moins communs. La couleur blanche de leur
enseigne, comme celle des anciens Druides, leur fit donner le nom de Blancs ; et 105
c’est à la faveur de ce nom, traduit dans divers dialectes, qu’on peut distinguer, dans
des temps très anciens, la résistance que rencontrèrent, en diverses contrées de l’Asie
et de l’Europe, leurs adversaires, appelés tantôt Philistins, tantôt Ioniens, tantôt
Phéniciens ou Iduméens, selon qu’on les considérait comme Pasteurs, adorateurs
de la faculté féminine, ou portant la couleur rouge.

Origine des Pasteurs Phéniciens.


Etablissement des Mystères.
Ces indiens dissidents ne parvinrent jamais à faire de
grands progrès dans l’Inde proprement dite. Mais cela n’empêcha pas, que d’un autre
côté, ils devinrent très puissants. Leur premier établissement considérable fut dans le
Golfe Persique, puis dans le Yémen, où les celtes Bodohnes préférèrent s’expatrier
que de se soumettre. Une grande partie passa en Ethiopie, l’autre dans les déserts, et
s’y divisa en peuples errants qu’on appela les Hébreux pour cette raison. Cependant
les Phéniciens, ayant pris la domination de la mer qui sépare l’Arabie de l’Egypte, lui
donnèrent leur nom, et comme le dit Hérodote, vinrent occuper le rivage de la
Méditerranée, où ils établirent le siège de leur empire.

A cette époque l’empire chaldéen fut renversé. Un


des chefs des Phéniciens, connu sous le nom de Balli, fit la conquête de Plaska, l’Asie
Mineure, et batit sur les rives de l’Euphrate la célèbre ville de Babel, à laquelle il
donna son nom. Ce Balli, appelé Balos ou Belos, par les grecs et les latins, fut le

105
créateur de l’empire Babylonien, tantôt appelé Syrien ou Assyrien. Les Hébreux,
ennemis implacables des Phéniciens, parce qu’issus des celtes bodohnes, chassés par
les Pasteurs de l’Arabie heureuse, et contraints d’errer dans les déserts, ces hébreux
donnèrent à ce Balli le nom de Nembrod, pour exprimer la violence et la tyrannie de
son usurpation. Mais ils tentèrent en vain d’arrêter les Pasteurs. La Haute Egypte
résista longtemps à leurs efforts, à cause des vigoureux partisans qu’y avait la faculté
masculine, sous le nom d’Iswara, Israél, ou Osyris ; mais enfin, la faculté opposée
l’emporta partout ; et la déesse Isis chez les Thébaïtes, et la déesse Milydha, chez les
Babyloniens, furent également placées au-dessus d’Adon. En Phrygie, la bonne mère
Mâ, appelée Dyndimène, ou Cylèle par les grecs, dépouilla Atis, le Père souverain, de
sa force virile ; et ses prêtres ne purent se conserver, qu’en lui offrant en sacrifice la
chose même dont l’Orthodoxie, faisait ailleurs l’emblème de son culte.

Telle fut, dans les temps anciens, cette influence de la musique, dont on avait tant
parlé sans jamais chercher à la comprendre. De là les lois sévères promulguées contre
les innovateurs dans cette science ; et les efforts des Pontifes d’en cacher avec soin les
principes constitutifs au fond des sanctuaires. C’est surtout ce que firent les prêtres
égyptiens, lorsque forcés de courber la tête sous le joug des rois pasteurs, et obligés de
feindre des sentiments qu’ils n’avaient pas, ils songèrent à «établir ces mystères
secrets où la Vérité ensevelie, et réservée aux seuls initiés, ne parut plus aux yeux des
profanes que couverte du voile le plus épais. Ce fut dans ces mystères qu’ils
consacrèrent les événements dont je viens d’esquisser le récit, et que, ne pouvant
témoigner ouvertement leur douleur touchant la défaite du principe masculin dans la
Cause première de l’Univers, ils inventèrent cette allégorie si connue d’Osiris, trahi, 106
déchiré, dont les membres dispersés ensanglantent l’Egypte ; tandis qu’Isis, livrée au
plus affreux désespoir, quoique couronnée des mains d’Anubis, et soupçonnée d’avoir
pris part à cette lâche trahison, rassemble en pleurant les membres de son époux, et
les renferme dans un tombeau, à l’exception d’un seul, perdu dans les flots du Nil.
Cette ingénieuse allégorie, qui fut alors reçue dans tous les sanctuaires où
l’orthodoxie conservait des partisans, se trouve avec quelques changements de nom
dans toutes les mythologies de la terre.

Cependant les hindous orthodoxes, justement effrayés des


succès de leurs adversaires, et voyant leur empire morcelé s’écrouler à l’extérieur,
mirent tous leurs soins à défendre au moins le centre, en y rassemblant toutes leurs
forces. Dans un premier temps un homme extraordinaire monta sur le trône.
Cependant les Yonitas furent déclarés impies, anémathisés et bannis à perpétuité.
Tout commerce fut interdit avec eux. Le fleuve Indus fut désigné comme la limite
fatale que nul ne pouvait franchir sans encourir l’anathème.

Ces mesures nécessaires, peut-être pour conserver le tout, eurent l’inconvénient d’en
détacher encore quelques parties, donnant lieu à un schisme presque aussi
considérable que le premier. Parmi les Iraniens, un homme doué d’une force
d’intelligence, nommé Zeradosht ou Zoroastre, prétendit qu’on s’était trompé en
concevant les deux principes cosmogoniques d’Iswara et de Pacriti, comme
principiants ; qu’il fallait au contraire les regarder comme principiès, tous les deux
mâles, tous les deux émanant de l’Eternité, Wôdh ; mais l’un agissant dans l’esprit
comme Principe du Bien, et l’autre dans la matière, comme Principe du Mal ; le
premier appelé Ormudz, le Génie de la Lumière, et l’autre Ariman, le Génie des
Ténèbres.
106
Parmi les peuples qui habitaient au-delà du Gange, un
autre Théosophe, non moins audacieux, appelé Fo-hi, prétendit que le premier
schisme des Pallis avait pris naissance dans un malentendu, et qu’on l’aurait évité, si
on eut examiné que les facultés sexuelles avaient été mal posées sur les deux
principes cosmogoniques Iswara et Pacriti, ou l’esprit et la matière ; que c’était
Pacriti ou la Matière qui possédait la faculté masculine, fixe et ignée, tandis qu’Iswara
ou l’esprit possédait la faculté féminine, volatile et humide. En sorte que, selon lui, les
Phéniciens n’étaient point schismatiques en mettant la Matière avant l’Esprit, mais
seulement en lui attribuant des facultés opposées à celles qu’elle a réellement.

Zoroastre et Fo-hi apportaient à l’appui de leurs


raisonnements des preuves tirées de la science musicale, qui paraissaient
péremptoires, mais qui, ici, seraient tout à fait hors de place. Ils se flattaient, l’un et
l’autre, de ramener le calme dans l’empire, en satisfaisant une partie des prétentions
des Pallis réfractaires. Leur espérance fut également trompée. La Caste sacerdotale
voyant plus loin qu’eux-mêmes dans les conséquences de leur propre idée, les
condamna et les rejeta également. Zéradosth, plus irrité encore que Fo-hi, parce que
plus passionné, alluma une guerre civile et religieuse dont le résultat définitif fut la
séparation absolue de l’Iran. Les peuples qui le reconnurent pour leur souverain
théocratique, prirent le nom de Parthes, Parses ou Perses, à cause du nom de
Paradas, que les hindous leur avaient donné par dérision.

Ces peuples, qui s’emparèrent plus tard de la domination


de l’Asie, y devinrent très célèbres et très puissants. Ils eurent à des époques
différentes, divers législateurs théocratiques, qui prirent successivement le nom du
premier Zéradosht, que nous nommons Zoroastre. Le dernier qui parut du temps de 107
Darius, fils d’Hystaspes, est celui dont les Ghébres suivent encore la doctrine,
consignée dans le Zend-Avesta. Les deux principes opposés de la lumière et des
ténèbres, Ormudz et Ariman, y sont présentés comme également issus du Temps-
sans-bornes, autrement dit l’Eternité, seul principe principiant auquel ils sont
soumis. Le troisième principe qui les réunit s’appelle Mithra. Ce principe médiateur
représente la Volonté de l’homme, comme Ormudz et Ariman représentent la
Providence et le Destin. Ce système cosmogonique est réuni au culte des Ancêtres,
comme tous ceux qui tiennent à la même origine. Le principe principiant éternel y est
adoré sous l’emblème du feu.

Quant à Fo-hi, doué d’un caractère plus pacifique et plus


doux que Zéradosht, l ne voulut pas allumé une nouvelle guerre civile au sein de
l’empire, mais il s’éloigna suivi de ses partisans ; et franchissant les déserts qui
bornaient l’Inde à l’Orient, alla s’établir sur les bords du fleuve Hoang-ho, qu’il
nomma fleuve jaune, à cause de la couleur jaune qu’il prit pour enseigne, pour ne pas
être confondu avec les Phéniciens et se démarquer des hindous orthodoxes. Il
rassembla quelques Tatars errants, réunis à ses sectateurs, et leur donna sa doctrine
ressemblante sur le fond à celle de Zoroastre. Selon lui les deux principes sont le Yin,
le repos, et le Yang, le mouvement, tous deux issus d’un seul Principe principiant, le
Taï-ki, le Moteur ; Yin et Yang, donnent par leur action réciproque, naissance au
troisième principe médiateur, appelé Pan-kou, l’être universel. Alors il existe trois
puissances appelées Tien-hoang, Tin-hoang, et Gien-hoang, c’est-à-dire le
Règne céleste, le Règne terrestre, et le Règne hominal, ou en d’autres termes, la
Providence, le Destin, et la Volonté de l’homme.

107
C’est à cette émigration que les livres sanscrits rapportent
l’origine de l’empire chinois, qu’ils nomment Tchandra-douip, le pays de la lune
masculinisée, c’est-à-dire le pays où le Principe féminin est devenu le masculin.

Tandis que l’Asie a éprouvé une foule de révolutions, que les faibles restes de l’empire
indien ont été la proie de trente nations rivales, que le sceptre des Phéniciens, arraché
de leurs mains par les Assyriens, est passé dans celles des Egyptiens, des Arabes, et
même des Etrusques, qu’il est revenu dans les mains des Assyriens, pour tomber dans
celles des Mèdes, des Perses, des Grecs, des Romains ; et qu’enfin ces débris,
échappés à la ruine de Constantinople, ont été dispersés sur toutes les contrées de
l’Europe ; la Chine a survécu à ces catastrophes, qui ont changé cent fois la face du
Monde, et n’a jamais pu être conquise sans que la force de sa constitution n’ait
aussitôt asservi ses propres conquérants.

Réflexions sur le Démembrement de l’Empire Universel.


On peut se demander, peut-être, comment l’empire de Ram, dont
le principe était providentiel, et duquel la Volonté de l’homme avait jeté les
fondements, d’accord avec la Providence, n’était pas plus durable. D’abord je dirais,
que pour ce qui est de l’Eternité, seul Dieu la possède. Et disons que Ram, ayant reçu
directement de la Providence le Principe intellectuel d’un Empire Théocratique, en
jeta le germe dans des circonstances favorables, qui en hâtèrent le développement.
Mais ce germe, le plus robuste et le plus vivace de tous ceux de son espèce, dut
néanmoins subir les vicissitudes de toutes les choses confiées au Destin. Et puisqu’il 108
eut un commencement d’existence temporelle, il dut nécessairement, après avoir
atteint son milieu, pencher vers sa fin. Par plusieurs rapprochements chronologiques,
j’ai montré que l’époque de son commencement pouvait remonter à environ six mille
sept cents ans avant notre ère. Or le premier ébranlement qui s’y fit sentir, et dont
l’histoire ait conservé la mémoire date de 3200 ans. Cet empire resta donc dans tout
l’éclat de sa jeunesse pendant trente-cinq siècles. A cette époque les passions
commencèrent à s’y faire sentir, et formèrent dans son sein des orages plus ou moins
violents. Ce ne fut que vers 2100 av. J.C. que l’extinction de la Dynastie solaire, et
celle même de la Dynastie lunaire que Krishnen avait établie, ayant entrainé sa chute
politique, il se concentra dans la seule existence religieuse, et plaça son siège
principal au Tibet, où il survit encore, malgré sa grande vieillesse, dans le culte
lamanique.

Si l’on considère que ce culte lamanique, aujourd’hui âgé de quatre-vingt-cinq siècles,


domine encore sur une grande partie de l’Asie, après avoir joui pendant près de
quarante-six siècles de l’empire universel, dont trente-cinq furent couverts d’un éclat
exempt de tout nuage, on conviendra que son sort a été assez beau, et qu’on ne doit ni
s’affliger, ni s’étonner de son déclin, ni de sa disparition même prête à s’effectuer.

Les Phéniciens se divisent.


Fondation de l’Empire Assyrien.
Les pasteurs schismatiques, ayant causé la première division de
l’empire indien, se divisèrent entre eux. Un grand nombre de sectes se créèrent. La

108
plus considérable prétendit qu’on ne devait point considérer la faculté féminine
simplement comme conceptive mais comme créatrice. Et que l’on devait la désigner
par le nom d’Hébé, qui dans l’idiome phénicien était celui de l’amour au féminin.

Cette secte établit que, dès l’origine des choses il exista deux êtres : l’Amour et le
Chaos., l’Amour principe féminin et spirituel ; le Chaos, principe masculin et
matériel. Selon la doctrine qu’elle répandit, c’était l’Amour qui en débrouillant le
Chaos avait donné naissance à l’univers.

Cette secte, qui adopta cette cosmogonie fut très répandue et très nombreuse. Les
fragments qui nous restent de Sanchoniaton, et la Théogonie grecque de Hésiode, en
sont une preuve manifeste. Remarquons que cette doctrine n’était pas du tout
éloignée de celle des anciens Celtes dont Ram avait cru devoir se séparer, il y avait
alors plus de quarante siècles. Aussi, dès que les Phéniciens arrivèrent sur les côtes
méridionales de l’Europe, et qu’ils s’emparèrent des colonies que les hindous y
avaient posées sur celles des Atlantes, ils n’eurent aucune peine à s’allier avec le reste
des Celtes subsistant encore dans l’intérieur des terres, sur les côtes septentrionales
du Danemark, ou dans les iles britanniques. Il se fit même entre les deux cultes une
sorte de fusion.

Les Phéniciens, possesseurs d’une grande variété de


connaissances physiques et morales, mais dépourvus de rites, firent un échange
malheureux. Ils apprirent aux Celtes leurs sciences et reçurent leurs superstitions,
avec au premier rang les sacrifices humains. Comme ils étaient sortis des voies de la
Providence, et tombés dans celles du Destin, ils ne pouvaient lui opposer qu’une
volonté passionnée et mal éclairée, ils s’abandonnèrent à ces superstitions avec plus
109
de fureur que ceux mêmes qui les leurs livraient. Ils adoptèrent le culte de Thor avec
toutes ses atrocités. Quant à Teutad, emprunté aussi aux Celtes, ils lui donnèrent le
nom de Moloch, le Roi, ou Kron, le couronné. Ce fut, par la suite des temps, le
fameux Kronos des Grecs, le Saturne des Etrusques.

Ces Phéniciens, après avoir pris presque toutes les


divinités mythologiques des Celtes, les leur rendirent plus tard, sous différents noms
nouveaux, et méconnaissables, parce que pliées à leur système cosmogonique. Il est
factuel que les Phéniciens jetèrent des idées disparates et extravagantes, ainsi que le
prouve leur mythologie avec des contradictions et des incohérences remarquables,
d’ailleurs conservée en grande partie par les Grecs et les Romains.

Mais non seulement les Phéniciens se divisèrent en un


grand nombre de sectes, ils eurent- aussi à lutter contre des nations attachées en
secret à l’orthodoxie, qu’ils avaient soumis par leurs armes plutôt que par leurs
arguments. Notamment les Egyptiens, dont les Mystères d’Isis ont pour origine
l’attachement secret pour l’orthodoxie.

Cependant, ce fut sur les bords du Kamoud-vati, ou de l’Euphrate, que la faculté


masculine, ayant repris la domination sur la faculté féminine, on adora de nouveau
son symbole le Bâl-Iswara-Linga. Les peuples de ces bords entrèrent dans
l’orthodoxie, et formèrent un empire particulier dont l’éclat et la durée furent très
considérables.

C’est du sein de cet empire que sortit le premier


conquérant purement politique qui ait paru dans la Race Boréenne. L’histoire le

109
nomme Ninus, le Fils du Seigneur. Sa première conquête fut celle de l’Iran, qui prit
alors le nom de Perse. La Dynastie que le premier Zoroastre avait établie s’appelait
près de mille ans avant, Mahabad, la Grande Sagesse. Elle était purement
théocratique. Elle fut remplacée par celle des Pishdadiens, ou des juges, sortes de
vice-rois, que leur donna le monarque assyrien. Cette dernière dynastie ne finit qu’à
l’avènement de Kaï-kosrou, que nous nommons Cyrus.

Ninus, après avoir avancé très avant dans la Scythie et


chez les Celtes d’Europe, tourna ses armes contre l’Inde, et se prétendit appelé à
relever l’empire de Ram, mais la mort le surprit au milieu de ses vastes projets. Son
épouse, qui lui succéda, en accomplit une partie. Cette femme célèbre, pour
témoigner qu’elle ne prenait nulle part au schisme des pasteurs, et se donner un
appui parmi les orthodoxes hindous, se fit appeler Sémiramis, c’est l’éclat de Ram, et
prit pour enseigne une colombe blanche.

Mais longtemps avant cette époque, il s’était passé aux


indes un événement très considérable. Cet événement devait avoir l’influence la plus
considérable sur les destinées de l’univers.

Nouveaux Développements de la Sphère Intellectuelle.


Autre envoyé Divin : Krishnen. Origine de la Magie,
Origine de la Théurgie. Nouvelle Vue sur l’Univers.
Triade dans l’Unité Divine.
110
Il était évident que le schisme des pasteurs devait
entrainer la division et la chute de l’empire universel de Ram. Il fallait trouver un
moyen de conserver la force centrale, pour que les vérités qui devaient survivre à
cette catastrophe ne fussent pas englouties avec elle.

Un homme, né parmi les pasteurs, comme l’indique son


nom, Gopalla, ensuite Krishnen, bleu céleste, à cause de la couleur bleue qu’il prit
pour emblème. Les Brahmes le placent ordinairement à la huitième incarnation de
Vishnou. Il répara le mal en ramenant les esprits à une doctrine mitoyenne,
tolérante dans ses principes, susceptibles de satisfaire aux objections de tous les
partis.

Krishnen commença par établir que les deux facultés, mâle


et femelle, étaient également essentielles et influentes dans la production des êtres ;
mais que ces facultés resteraient éternellement séparées l’une de l’autre, donc inertes
si une troisième faculté ne leur fournissait le moyen de se réunir. Cette faculté qu’il
attribua à Vishnou était comme une sorte de lien médiane entre Iswara et Pacriti. En
sorte que si par l’un on entendait l’Esprit, et par l’autre la Matière, on devait
considérer la troisième faculté comme l’âme qui opère la réunion des deux.

Cela posé, ce grand homme alla plus loin. Il fit concevoir


que les deux facultés qui se montrent indépendantes et isolées dans les êtres
physiques et principiès, ne sont pas telles dans les êtres intellectuels et principiants ;
de manière que chaque faculté mâle possède sa faculté femelle inhérente, et chaque
faculté femelle, sa faculté mâle.

110
Ainsi, admettant une sorte d’hermaphrodisme universel,
Krishnen enseigna que chaque principe cosmogonique était double. Alors, laissant de
côté l’Etre Absolu Wodh, comme inaccessible à l’entendement humain, et considérant
Iswara et Pacriti comme ses facultés créatrices, inhérentes, il posa trois principes de
l’univers, émanés de cet être ineffable, qu’il nomma, Brahmâ, Vishnou et Siva,
auxquels il adjoignit, comme leurs facultés inhérentes, Sarasvati, Lakshmi et
Bhavini ; Telle fut l’origine de cette trinité indienne. Le prophète choisit Vishnou
comme personne principale. Cette doctrine eut un succès prodigieux dans l’Inde et
ramena la paix. Kishnen conçut de recommencer l’empire universel et de rétablir
même la dynastie lunaire interrompue depuis plus de cent-trente-six siècles ; mais le
mouvement providentiel n’allait pas jusque-là. Mais grâce à Krishnen l’Inde retrouva
la paix religieuse et la force morale.

Les Pasteurs furent chassés d’Egypte et de l’Arabie. Les


peuples redevenus indépendants se choisirent leurs rois du nom de Tobba, celui qui
fait du bien.

Quand l’assyrien Ninos conquit la Perse il y trouva la


doctrine de Zoroastre établie depuis longtemps. Les hommes animiques s’en
accommodent fort bien. Elle fit de grands progrès en Babylonie ; A cette époque
apparait un second Zoroastre créateur de la Magie. Les hébreux captifs s’initièrent à
cette science.

L’Egypte, dernière conquête sous domination des Atlantes,


resta en possession de deux traditions importantes : la première qui lui venait de la
Race Sudéenne, et la seconde acquise de la Race Boréenne.
111
Ces traditions, possédées par le corps sacerdotal égyptien, lui donnait une supériorité
sur les autres. Les Prêtres de Thèbes ne pouvaient que rire de pitié lorsqu’après une
foule de siècles écoulés, ils entendaient les Grecs, peuples nouveaux, à peine sortis de
l’enfance, se vanter d’être autochtones ; parler de quelques inondations partielles
comme d’un Déluge universel, et donner Ogygès ou Deucalion, personnages
mythologiques pour les Ancêtres du Genre Humain ; oublier plaisamment ce qu’ils
devaient aux Sudéens, aux Celtes, aux Chaldéens, aux Phéniciens, aux Egyptiens eux-
mêmes, pour se targuer de leur haute science ; placer en Crête le tombeau de Zeus, le
Dieu vivant ; faire naitre dans une bourgade de la Béotie, Dionysos, l’intelligence
divine ; et dans une petite ile de l’Archipel, Apollon, le père universel, toutes ces
choses et une infinité d’autres que je pourrais rapporter, étaient bien faites pour
autoriser ce Prêtre qui disait à Solon : Vous autres Grecs, vous êtes comme des
enfants qui battent leurs nourrices. Vous vous croyez fort savants, et vous ne
connaissez encore rien de l’histoire du Monde.

Apparition du Despotisme.
Chute de la Théocratie.
Mission d’Orphée, de Moïse, de Foé
Fondation de Troie.

111
L’Assyrien Ninus fut le premier conquérant politique.
Grâce à lui et Sémiramis, Babylone tint le sceptre du Monde, jusqu’à l’avènement des
pharaons, Aménophis et Orus qui le donnèrent à l’Egypte.

Les Pasteurs Phéniciens furent détrônés en Egypte par


Amosis, et chassés de l’Arabie. Les uns refluèrent en Palestine, les autres en Lybie,
représentant tout le continent africain. Mais un grand nombre resta en Egypte et se
soumit au vainqueur.

Cependant les successeurs De Ninus et Sémiramis


s’endormirent sur les acquis et se livrèrent à la mollesse. Des révoltes éclatèrent, et la
guerre entre l’Asie et l’Europe, avec l’Afrique pour auxiliaire, fut longue et terrible.
Des déluges inondèrent des pays, des volcans détruisirent des contrées, des incendies
embrasèrent les forêts, la terre trembla. Tout cela accentua le désordre. Au milieu de
cette confusion on voit descendre des hordes de Boréens encore sauvages.

L’Inde et la Chine n’étaient pas plus tranquilles que le reste du Monde. Plusieurs
révolutions en Chine, et deux dynasties solaire et lunaire éteintes en Inde. Telles
étaient les suites du schisme d’Irshou. Le Génie puissant de Krishnen en avait bien pu
arrêter le débordement pendant douze ou quinze siècles ; mais le mouvement
comprimé n’en devenait que plus dangereux. La Volonté de l’homme s’étant livrée au
Destin, en devait suivre le cours. Tout ce qu’il était possible de faire à présent, était de
conserver le dépôt des traditions antiques et les principes des sciences, afin de les
livrer plus tard, et quand l’orage serait passé, à des peuples nouveaux qui pussent en
profiter. La Providence en conçut la pensée ; et ce dessein en puissance ne tarda pas à
passer en acte.
112

Environ quatorze ou quinze siècles avant notre ère, trois hommes parurent sur notre
terre : Orphée chez les Thraces, Moïse chez les Egyptiens, Bouddha, d’abord appelé
Foë, chez les hindous. Le caractère de ces trois hommes, tout à fait dissemblable,
mais d’une égale force dans son genre, se reconnait dans la doctrine qu’ils ont laissée.

Rien de plus brillant dans les formes, rien de plus


enchanteur dans les détails que la mythologie d’Orphée. Rien de plus profond, de
plus vaste, mais aussi rien de plus austère que la cosmogonie de Moïse. Rien de plus
enivrant, rien, de plus enthousiasmant religieusement que la Contemplation de
Bouddha.

Orphée a revêtu des plus brillantes couleurs les idées de


Ram, de Zoroastre et de Krishnen. Il a créé le polythéisme des poètes, il a enflammé
l’imagination instinctive des peuples. Moïse en nous transmettant l’Unité Divine des
Atlantes, en déroulant à nos yeux les décrets éternels, a porté l’intelligence humaine à
une hauteur où souvent elle a peine à se tenir. Foê en révélant le mystère des
existences successives, en expliquant la grande énigme de l’univers, en montrant le
but de la Vie, a parlé au cœur de l’homme, a ému ses passions, a surtout exalté
l’imagination animique.

Ces trois hommes, qui partent également de la même


vérité, mais qui s’attachent plus particulièrement à en faire ressortir une des faces,
s’ils avaient pu être réunis, seraient peut-être parvenus à faire connaitre la Divinité

112
Absolue : Moïse dans son insondable Unité, Orphée dans l’infinité de ses facultés et
de ses attributs, Foë dans le principe et la fin de sa Conception.

A l’époque où Orphée parut, l’Egypte dominait sur la terre.


Quoiqu’on put reconnaitre trois centres principaux sur les côtes méridionales de
l’Europe, du Pont-Euxin aux Colonnes d’Hercule, trois souverains Pontifes établis sur
les Monts Rhodope, les Apennins et les Pyrénées, il s’en fallait de beaucoup que les
Thraces, les Etrusques et les Vasques formassent trois puissances distinctes et unies
entre elles. Une foule de petites souverainetés s’étaient formées au milieu d’elles et
l’anarchie était complète. Au milieu de tous ces petits mouvements désordonnés et
divergents, un homme aura une influence singulière.

Un certain Jasius, un des Larthes des Etrusques, déclara la guerre à un autre Larthe,
Dardanus, trop faible, invoqua l’aide du roi de Babylone, Ascatade. Après plusieurs
combats de vaincus ou vainqueurs, Dardanus céda ses droits à Tyrrhène, fils d’Aro,
parent ou allié de l’Assyrien, Ascatade, et reçu en échange une partie des champs
Méoniens où il s’établit avec ceux qui l’avaient suivi. Quant à Tyrrhène, il arriva en
Italie, obtint par un traité la ville de Razène où il fonda un royaume.

Dardanus fut le premier roi de Troie, petite ville bâtie au pied du Mont Ida, et qu’il
agrandit. Ses successeurs, appelés Dardanides, quoique relevant du monarque
assyrien, jetèrent un assez grand éclat pour laisser leur nom au détroit des
Dardanelles. Leur ville capitale, embellie par trois siècles de prospérité, devint
fameuse par le siège de dix ans qu’elle soutint contre les Grecs ; et sa chute occupa et
occupe encore toutes les voix de la renommée grâce au génie d’Homère, qui la choisit
pour sujet de ses chants épiques et de ses allégories.
113

Les Doctrines d’Orphée, Moïse, Foë


Etablissement des Amphicryon en Grèce.
Origine des Confédératations et de la
Représentation Nationale.
En ce temps-là, une dispute s’étant élevée entre deux
frères qui disputaient la couronne, il s’en suivit une guerre de longue durée. L’un
d’eux, nommé Ramessès fut surnommé Gôpth, le Superbe, et l’autre nommé
Armessès, fut surnommé Dônth, le Modeste. Ramessès étant resté vainqueur,
obligea Armessès à s’expatrier, qui passa en Grèce où il établit plusieurs colonies.
C’est lui que les Grecs ont appelé Danaüs. Gôpth, dont le nom fut changé en Egyptus,
donna pour les Grecs son nom à l’Egypte.

Ce fut avec l’une de ces colonies qu’Orphée, Thrace


d’origine, mais initié à Thèbes des mystères sacrés des prêtres Egyptiens, passa en
Grèce où il trouva l’anarchie religieuse et politique. Voyant une quantité de petits
souverains ne reconnaissant plus la suprématie des Thraces, il les persuada de se
réunir en une Confédération politique et religieuse, avec un point de ralliement sur le
Mont Parnasse, dans la ville de Pytho, où il donna à l’oracle d’apollon, déjà établi, une
grande célébrité. La force et les charmes de son éloquence, lui fournirent les moyens

113
d’établir le Conseil des Amphicryons, une des plus admirables institutions qui aient
honoré l’intelligence humaine.

Rien n’a été plus célèbre dans l’antiquité que ce Conseil,


élevé au-dessus des peuples et des rois. Il s’assemblait, au nom de toute la Grèce deux
fois par an, dans le Temple de Cérès, aux Thermopyles, près l’embouchure du fleuve
Asope. Les décrets de cet auguste tribunal, étaient soumis au Souverain Pontife, et
prenaient force de loi après avoir été approuvés et signés par lui, puis gravés sur des
colonnes de marbres et considérés comme authentiques.

On voit qu’Orphée, ne pouvant plus conserver les formes


de la royauté, conservait du moins celle de la théocratie, afin d’opposer une digue qui
put arrêter les débordements de l’anarchie, que les excès du despotisme et ceux de la
démagogie provoquaient également.

Ce Conseil Amphicryotique offrit le premier exemple de la


Confédération de plusieurs peuples réunis sous la dénomination d’un seul , les
Hellènes, et créa la nouveauté politique de la Représentation Nationale.

Sans m’étendre sur la doctrine d’Orphée, je rappellerai


qu’il fut le créateur du système musical des Grecs, et qu’il employa le premier le
rythme illustré par Homère. C’est grâce à Orphée que la Grèce a surpassé toutes les
nations du Monde dans la culture des Beaux-Arts. Orphée a produit Pythagore, et
c’est à Pythagore que l’Europe a dû Socrate, Platon, Aristote, et leurs disciples. Il
parait qu’Orphée, enseignait l’Hermaphrodisme comme Krishnen, et qu’il renfermait
les principes cosmogoniques dans une triade sacrée. Sa morale était la même que
celle du prophète indien. Il avait en horreur les sacrifices sanglants. Il tenta de 114
remplacer les mystères de Cérès par ceux de Bacchus, ce qui lui fut funeste. Une fable
raconte qu’Orphée fut déchiré par des femmes furieuses, qui s’opposèrent aux
innovations qu’il voulait apporter à leur culte. Quoiqu’il en soit, ses institutions lui
survécurent, et ses disciples, Eumolpides, c’est-à-dire Parfaits, illustrèrent longtemps
la Grèce.

Le nom d’Orphée qui signifie le Guérisseur, le Médecin


éclairé, indique un titre donné à ce théocrate à cause des services qu’il rendit. Il est
vraisemblable que c’était le nom de quelque personnage mythologique, peut-être
Esculape, dont la légende fut par la suite des temps, fondue dans son histoire. Cette
remarque s’applique aussi à Moïse dont le nom signifie le Sauvé.

Moïse, élevé à la cour du pharaon, initié aux mystères


sacrés, passa en Ethiopie, à cause d’un meurtre commis. Ce fut là qu’il connut la
tradition primitive des Atlantes sur l’Unité Divine, et qu’il retrouva une partie des
peuplades arabes que les Pasteurs Phéniciens avaient chassés du Yémen. Ces arabes
avaient des motifs pour détester ces pasteurs, à qui ils donnaient le nom de Philistins.
Dispersés dans l’Ethiopie comme dans l’Egypte ils y étaient très malheureux. Moïse
avait pris naissance parmi eux, et l’infortune les lia. On nommait ces Arabes expatriés
Hébreux, comme je l’ai déjà dit et pour les raisons que j’ai dites.

Jethro connaissait les traditions des Atlantes. Il donna à Moïse quelques livres
généthiaques : les Générations d’Adam, les Guerres d’Ihoa, le livre des Prophéties. Le
Jeune Théocrate se pénétra de toutes ces choses, eut son inspiration dans le désert et
entendit la voix de Dieu au sein d’un buisson ardent.

114
J’ajouterai sur le Sepher de Moïse, c’est que Moïse après avoir rapporté la légende
d’Ælohim, l’Etre des êtres, rapporte ensuite celle de Noé, le Repos de la Nature, celle
d’Abraham, le Père Sublime, celle de Moïse, le Sauvé, à laquelle il mêle habilement la
sienne, laissant à celui qu’il s’est choisi théocratiquement pour lui succéder, à Josué,
le Sauveur, le soin d’achever son ouvrage.

En sorte que les origines qu’il parait donner à son peuple, et qu’il se donne à lui-
même, par la manière dont il lie ces légendes à son histoire propre, sont purement
allégoriques, s’attachent à des objets cosmogoniques plus importants, et remontent à
des époques infiniment plus reculées.

Telle était la méthode que suivaient les anciens sages, et telle fut celle de Moïse. Le
Sepher, qui nous est parvenu tout entier, nous a porté la tradition la plus ancienne
qui existe sur la terre. Elle atteint non seulement l’époque des Atlantes primitifs, mais
s’élevant au-delà de la catastrophe dont ils furent les victimes, s’élance à travers
l’immensité des siècles, jusqu’aux premiers principes des choses, qu’elle narre sous la
forme d’un Décret Divin, émané de l’Eternelle Sagesse.

Les Hébreux n’étaient point un reste des Pasteurs Phéniciens, comme l’ont cru
quelques écrivains, puisque ces Pasteurs n’avaient pas de plus mortels ennemis. Ils
étaient un mélange de sang Sudéen et Boréen. Persécutés en Egypte et en Abyssinie,
ils y devinrent intolérants eux-mêmes. Aussi réfractaires à la doctrine de Krishnen
comme de Ishrou, on les considéra comme insociables, et on les relégua dans les
déserts, où Moîse les trouva. Il les conduisit à la conquête de la Palestine ; Ce peuple
choisit pour lui confier le dépôt sacré qui a traversé le torrent des âges.

Les noms d’Orphée ou de Moïse sont plutôt des titres résultant de leur doctrine. 115
Quant à Foë, surnommé Bouddha, on connait son nom originel comme on
connaissait celui de Krishnen. Le nom propre de Foë était Sougot.

Voici comment les hindous racontent sa première inspiration : Le jeune Sougot,


retiré sur la Montagne Solitaire où il s’était réfugié pour éviter la colère de son père
qui voulait le marier, considérant un jour l’étoile du matin, tomba dans une sorte
d’extase, pendant laquelle le ciel s’ouvrit à ses yeux. Il vit alors l’essence du premier
principe. Des mystères ineffables lui furent révélés. Revenu de l’étonnement où
l’avait jeté cette vision, il prit le nom de Foë, le Père vivant, et commença à poser les
premiers fondements de son culte. On le surnomma Bouddha, la Sagesse Eternelle,
et Shakya, L’Etre toujours existant.

Les points essentiels de sa doctrine se réduisent aux suivants : les âmes des hommes
et des animaux sont de la même essence ; elles ne différent entre elles que par les
corps qu’elles animent, et sont également immortelles. Les âmes humaines, seules
libres, sont récompensées ou punies, selon qu’elles ont fait de bonnes ou de
mauvaises actions.

Le lieu où les âmes vertueuses jouissent des plaisirs éternels est gouverné par Amida.
Tous les péchés y sont effacés. Les deux sexes jouissent des mêmes avantages selon la
doctrine de Krishnen. Le lieu réservé à la punition des méchants ne renferme point de
peines éternelles. Les tourments sont relatifs aux crimes commis. Lorsque ces âmes
ont expié leurs crimes, elles sont renvoyées sur terre dans les corps d’animaux
immondes, aux inclinations accordées avec leurs anciens vices. Une transmigration se

115
fait des animaux les plus vils vers les plus nobles jusqu’à une entière purification,
pour être dignes de rentrer dans un corps humain.

Le culte de Foë, qui n’est que le corollaire de celui de Ram, s’y est facilement
amalgamé. Presque tous les lamas sont aujourd’hui Bouddhistes ; de sorte que l’on
peut admettre, sans erreur, que c’est un des cultes le plus répandu sur la face de notre
hémisphère. Le système de la métempsychose en est né, et tous ceux qui l’ont reçu de
Pythagore n’ont fait que suivre les idées de Foë.

But de la Mission d’Orphée, de Moïse, de Foë.


Mouvement Politique et Moral du Monde.
Apparition de Pythagore
Et de plusieurs Grands Hommes.
Ainsi, la Providence qui ne pouvait empêcher la dissolution de
l’empire universel qu’elle avait élevé par les mains de Ram, voulait adoucir la
déchéance et conserver autant de force et d’harmonie pour élever un nouvel édifice
plus grand et plus beau que le premier. Ce sont les raisons qui avaient déterminé la
mission d’Orphée, de Moïse et de Foë.

Orphée destiné à contenir les emportements de la Volonté, la


saisissait par l’imagination, et lui offrant la coupe enchanteresse de la volupté, 116
l’amenait par le prestige des beaux-arts, par les charmes de la poésie et de la musique,
par l’éclat et la majesté des cérémonies, à venir puiser dans ses mystères des leçons
de morale, et des connaissances universelles, qu’on ne pouvait plus abandonner à la
multitude qui les aurait profanées. Puisque le lien de la politique devait se relâcher, il
fallait que celui de la religion et de la philosophie se resserrât proportionnellement.

D’un autre côté, Foë, dont l’influence intellectuelle devait


s’opposer à ce que la fatalité du Destin avait de plus rigide, offrait des
dédommagements d’une vie future ; montrait que l’action de cette puissance, si
terrible en apparence, se renfermait dans des bornes forts étroites ; et que la Volonté
de l’homme, en s’y soumettant dans le cours d’une vie passagère, pouvait lui échapper
pour l’éternité. Il fallait voir d’ailleurs, que les hommes les plus favorisés par cette
puissance étaient toujours les plus exposés, et que l’éclat et la pompe de ses présents
cachaient des dangers d’autant plus grands, que leurs possesseurs étaient plus
disposés à en abuser. Comme s’était en Asie que le despotisme absolu s’établissait,
parce que les rois, non contents de se soustraire partout à la domination sacerdotale,
avaient encore usurpé la puissance des Souverains Pontifes ; il fallait adoucir, autant
qu’il était possible, le joug qu’ils faisaient peser sur la masse du peuple, et montrer en
même temps à ces monarques imprudents la situation périlleuse dans laquelle ils
s’étaient placés.

Quant à Moïse, sa mission s’était bornée à conserver les principes


cosmogoniques de tous les genres, et à renfermer comme dans une arche sainte, les
germes des futures institutions. Le peuple auquel il confia la garde de cette arche,
était un peuple grossier mais robuste, dont sa législation exclusive augmenta encore

116
la force. Les formes de son gouvernement n’importaient pas ; il suffisait pour que les
vues de la Providence fussent remplies, que sa fusion dans un aucun autre
gouvernement ne pût avoir lieu.

Trois Principes longtemps confondus dans l’Unité, donnaient en se divisant naissance


à trois formes nouvelles de gouvernement :

- En Asie, la masse du peuple soumise à l’individu, subissait le


despotisme sous les lois du Destin
- En Europe, l’individu soumis à la masse, fléchissait sous la
démocratie, et suivait l’impulsion de la Volonté de l’homme.
- En Arabie, en Egypte, en Ethiopie, et surtout en Palestine, une sorte
de puissance intellectuelle, dénuée de force et de moyens apparents,
gouvernait invisiblement des Peuples indifféremment en proie à
toutes les formes de gouvernement, fluctuant entre mille visions et
mille opinions diverses, et changeant au gré de ses caprices les plus
sublimes vérités en des superstitions et des pratiques puériles.
Depuis la guerre civile en Egypte, entre Armessès et Ramessès, surnommés Dôntj et
Gôpth, ou Danatüs et Egyptus, cette contrée avait perdu une grande partie de sa
force. Après le faible règne du second Aménophis, elle tomba sous la domination des
Etrusques.
Sethos n’était pas Egyptien, il ne porta pas le titre de pharaon
mais celui de Larthe, titre que prenaient les souverains d’Etrurie. La dynastie de ce
Sethos régna sur l’Egypte, conquit momentanément l’Arabie et l’Inde, fournit six
Larthes dont le dernier Thuoris mourut l’année de la prise de Troie par les Grecs.
Après quelques dissensions intestines les Egyptiens reprirent leur 117
influence, bientôt dépouillés par les Lydiens, remplacés ensuite par les Rhodiens.
Les mêmes révolutions qui se succédaient à Memphis et à Sardes,
se succédaient aussi à Babylone. L’empire des Assyriens, autrefois florissant, était
devenu si faible, que Teutamos, encore Roi des rois ne put défendre Priam contre les
Grecs.
Aussi cet exploit enfla l’orgueil de ces hommes dont la doctrine
d’Orphée avait exalté l’imagination. On les vit, en peu de siècles posséder les iles de
l’Archipel. Ce fut à cette époque que Rhodes devint célèbre et qu’Homère parut.
Alors un ébranlement général eut lieu dans toute l’Europe. La Volonté de l’homme,
s’élevant au-dessus de la Providence et du Destin, prétendit dominer et domina par la
multitude. On ne distingua plus parmi les peuples que les hommes libres ou esclaves,
vainqueurs ou vaincus. On eut dit que la Race humaine, ne reconnaissait plus que la
force.
Dans Athènes, un oracle dicté par cette Volonté dominatrice, force Codrus, dernier
roi, à se dévouer à la mort. A Lacédémone Lycurgue, entrainé par cette opinion
démocratique, abdique la royauté et fait de Sparte un couvent de soldats. Corinthe
chasse ses rois. Les rois qui résistent sont appelés tyrans.
La Grèce entière se hérisse de Républiques. Cette forme de Gouvernement passe des
iles de l’Archipel et se propage sur la partie de l’Asie possédée par les Grecs.
Les Phéniciens, profitant de la faiblesse des assyriens et des égyptiens, forment
plusieurs états indépendants dont l’Arabie ressent l’influence.
Deux puissantes tribus, les Hémyarites et les Caraïshites, se battent. Au milieu de ces
troubles les Grecs, de plus en plus nombreux et formidables, envoyaient des colonies.
Milet en Asie Mineure, Mytilène à Lesbos, Samos à Samos. Cumes s’élève en Italie
sous leur domination. Carthage reçoit un nouveau lustre par les Tyriens. Syracuse est

117
fondée en Sicile. Et, peu de temps après Rome commence à apparaitre sur la scène du
Monde.
Cependant l’empire des Assyriens se démembrait. Un préfet se
révolte contre Sardanapale, dernier roi d’Assyrie. Un roi de Babylone fait effacer
toutes les inscriptions, briser les tables d’airain, bruler les bibliothèques.
Ainsi depuis que l’Unité n’était plus dans les choses, celles-ci, bonnes ou mauvaises
n’avaient qu’une existence précaire. Au milieu de ces ténèbres qui gagnaient de plus
en plus, quelques lueurs brillantes pouvaient se montrer par intervalle, mais
disparaissaient avec rapidité.
Mais tout penchait vers la décadence. Les Empires et les Républiques portaient
également en leur sein les germes de leur destruction. Les voiles, précurseurs d’une
obscurité de plus en plus profonde, se déployaient sur le monde intellectuel. La
corruption progressait dans toutes les classes de la société. Du haut des trônes de
l’Asie elle se glissait dans les sanctuaires.
La Providence ne pouvant pas suspendre entièrement le mouvement désorganisateur,
en ralentissait le cours, et préparait les moyens de salut pour l’avenir.
Dans l’espace de quelques siècles, elle suscita une foule d’hommes extraordinaires.
Alors parurent, à peu de distance les uns des autres :
- Le dernier des Bouddhas aux Indes
- Sin Mou au Japon
- LaoTzée, et Kong-Tzée en Chine
- Le dernier des Zoroastres en Perse
- Esdras parmi les juifs
- Lycurgue à Sparte
- Numa en Italie
- Pythagore pour toute la Grèce 118
Tous tendirent au même but, quoique par des chemins opposés.

A l’époque où Pythagore parut, riche de toutes les lumières de


l’Afrique et de l’Asie, environ neuf siècles après Orphée, il y trouva le souvenir de ce
Théosophe presque effacé de la mémoire des hommes, et ses institutions les plus
belles ou méconnues ou rapportées à des origines fantastiques. L’orgueil des Grecs les
portait à mille extravagances. Pour eux le Menou des indiens devenait le Minos de
Crête ; et le Scander aux deux cornes le fils de Sémélé. Ils assuraient que Persée, fils
de Danaé avait été le législateur des Perses. Ils attribuèrent la découverte du fer aux
Dacryles, l’invention de la charrue à Cérès, celle des chars à Erychthonius, et ainsi
forgeaient une infinité de fables de cette espèce.
Le Peuple souverain y croyait, et demandait avec arrogance aux
plus fortes têtes d’y croire. Les Hiérophantes intimidés ou corrompus se taisaient ou
consacraient le mensonge. Pythagore fut l’homme auquel fut révélée la manière de
restituer la Vérité. Il fit pour la science ce que Lycurgue avait fait pour la Liberté.
Lycurgue, comme législateur, avait institué sur un seul point de la
Grèce une sorte de congrégation guerrière, mélange de despotisme et de démocratie,
en apparence consacrée à la liberté, mais destinée au fond à comprimer les excès en
tous genres. Cette formidable institution, contre laquelle vint se briser le despotisme
persan, renversa l’orgueil anarchique des Athéniens, et prépara les triomphes
d’Alexandre. Pythagore, comme philosophe, institua une sorte de congrégation
sacrée, assemblée secrète d’hommes sages et religieux qui, se rependant en Europe,
en Asie, et même en Afrique, y lutta contre l’ignorance et l’impiété, qui tendaient à
devenir universelles. Les services rendus à l’humanité furent immenses. La secte qu’il
créa, et non entièrement éteinte aujourd’hui, en traversant, comme un sillon de

118
lumière, les ténèbres amoncelées sur nous par l’irruption des barbares, la chute de
l’Empire Romain, et l’érection d’un culte sévère et lugubre, a rendu la restauration
des sciences mille fois plus facile qu’elle n’aurait été sans elle, et nous a épargné
plusieurs siècles de travaux. C’est elle qui a poussé en avant toutes les sciences
physiques, qui a ranimé la chimie, débarrassé l’astronomie des préjugés ridicules qui
arrêtaient sa marche, conservé les principes de la musique, appris à connaitre
l’importance des nombres, celle de la géométrie et des mathématiques, et donné des
points d’appui à l’histoire Naturelle. Elle a également influé sur le développement des
sciences morales, mais avec moins de succès, à cause des obstacles qu’elle a
rencontrés dans la métaphysique des écoles.

Récapitulation

J’ai montré l’intelligence humaine, parvenue à son


plus haut développement, revêtue de tout l’éclat que donne le génie, et
n’abandonnant qu’à regret cette sublime station pour descendre d’abord lentement
vers le point inférieur d’où elle était partie.
Le dernier empire universel ne pouvait être que
théocratique. Mais, comme tout ce qui a commencé doit finir, par des lois éternelles
cet empire après avoir brillé d’un long éclat a dû pencher vers son déclin. On a vu la
cause de sa première division. Les choses ont évolué suivant les principes simples
posés au tout début. Dans une chaine où tous les chainons se lient, lequel faudra-t-il
regarder le premier ? Si la moitié de cette chaine a été cachée dans l’obscurité, est-ce
une raison pour en nier l’existence ? Si, lorsque je la montre en l’éclairant, on dit que
je la crée, qu’on prenne un autre flambeau, et qu’on me fasse voir, en la frappant 119
d’une clarté plus vive, ou qu’elle n’existe pas, ou qu’elle existe autrement.

Résultat des Dernières luttes entre Asie et Europe

Ce fut sous les débris de l’Empire Romain que vint expirer


l’empire universel de Ram. L’obscurité morale roulant sous les flots barbares, qui
inondèrent l’Europe à cette époque, envahit pendant quelques siècles l’esprit humain,
et fit reculer la civilisation. Mais enfin le mouvement ascendant recommença, et les
lumières disparues ou affaiblies, se montrèrent de nouveau, et acquirent un éclat de
plus en plus croissant.

Les cultes dégénèrent. Les idées intellectuelles se matérialisent


Admission de deux doctrines : secrète et publique.

La situation du Monde à l’époque où parurent les


grands hommes était remarquable. Les cultes divers dégénéraient de partout en
frivoles cérémonies, en superstitions lugubres quand elles n’étaient pas ridicules. A
l’exception de sanctuaires secrets où la Vérité ne trouvait asile que sous des voiles
épais, l’Egypte n’offrait plus dans sa mythologie sacrée qu’un inextricable Chaos, où
la raison égarée se perdait. Le Dragon des Atlantes, confondu avec le crocodile,
recevait les adorations d’un peuple imbécile. Le bélier de Ram usurpait les autels du
soleil. Le taureau des Celtes était adoré à la place de la Lune. Comme chaque astre du
ciel était représenté par un animal, une foule d’animaux divinisés envahissait les
temples. Cette fatale épidémie, passait d’Egypte en Arabie, puis jusqu’aux Indes et en

119
Perse. Mais comme la lune, au lieu d’être considérée comme une faculté mâle, l’était
pour une faculté femelle, ce n’était plus un taureau qui lui servait de symbole mais
une vache. Et la vache devenait pour les hindous un objet de vénérations. Le chien
attribué à Mercure, le prophète, rappelait l’idée de tous les envoyés providentiels. En
sorte que le peuple associant le prophète au chien ou seulement à sa tête, reportait
sur le chien le respect qu’il avait pour le prophète.
D’abord l’Egypte, puis toute la terre, fut couverte de
pratiques religieuses fantasques et puériles. Des animaux symboliques divinisés, on
passa aux plantes. Tant et si bien que se vérifia la prédiction d’un ancien Egyptien,
disant que la postérité mettrait au rang des mensonges et des fables tout ce qu’on
pourrait dire sur l’antique sagesse, de ses lumières et de ses vertus.
Les grands hommes, qui parurent alors, purent
seulement conserver, au milieu du torrent désorganisateur, des centres immobiles, où
la Vérité se conservât. On doit observer que depuis Orphée, Moïse et Foë, aucune
religion ne s’établit plus sur terre. Les derniers Bouddhas, Sin Mou, etc… se
soumirent tous au culte établi. Ce fut alors que s’établirent par leurs soins deux
doctrines distinctes : l’une vulgaire conforme aux idées de la multitude, l’autre
secrète, destinée seulement à donner au petit nombre la connaissance de la Vérité, et
l’explication des pensées des sages. Plusieurs initiations nouvelles s’ouvrirent. On
mêla aux traditions cosmogoniques des anciens mystères, des connaissances
positives sur les principes des choses, sur les sciences, sur les arts mêmes, sur la
morale et jusque sur la politique.
Pour la première fois il y eut des sociétés secrètes,
dont les membres, unis par les mêmes principes, se juraient une fidélité inviolable, et
se reconnaissaient, même parmi les autres initiés, à de certains signes. La secte
pythagoricienne fut la plus étendue et la plus féconde en grands hommes. On connut 120
aussi les Orphiques, les Mythriaques, les Essenniens, les Nazaréens, les Isiaques, les
Samanéens, les Lao-Tzées, et une infinité d’autres.
Le but de toutes ces associations était d’arrêter la corruption, et d’offrir des asiles ou
des secours à la vertu, et de donner, autant que possible, un frein au despotisme
royal, aristocratique ou populaire.
Ce qui est remarquable, c’est que ces sociétés se
multiplièrent principalement en Europe, ou sur le littoral de l’Asie et de l’Afrique, où
se manifestait plus fortement la domination de la multitude. La violence du
despotisme augmente à mesure qu’il descend des premières classes de la société vers
les dernières, et qu’il se répand dans un plus grand nombre de bras. C’est même
toujours sur la multitude armée que se fonde en dernière analyse un despotisme
quelconque, impérial ou républicain, soit que cette multitude reçoive la loi d’un seul,
ou de plusieurs, ou qu’elle se la fasse elle-même. Seulement les révolutions sont là
plus rapides et moins profondes ; ici, plus tenaces et plus haineuses.
Au reste, le mal était grand, mais pas encore au
point d’être parvenu à briser toutes les formes et de paraitre au-dehors dans sa
hideuse nudité. Les monarques d’Asie, s’ils avaient secoué l’autorité des Pontifes
conservaient un respect extérieur pour la Divinité. Ils entretenaient toujours des
prêtres, et maintenaient les peuples dans un assoupissement religieux favorable à
leurs desseins.
Il est remarquable, que le despotisme asiatique conserve quelques formes de la
théocratie qu’il avait étouffée, qu’en même temps l’anarchie européenne se croyait
obligée de conserver certaines formes de la royauté qu’elle avait abolie.
Il y avait dans Athènes, comme dans Rome, et dans tous les autres états républicains,
un Roi des sacrifices, afin que le peuple puisse communiquer légitimement avec le

120
fantôme sacerdotal qui existait encore. Il semblait, que d’un côté, le Destin craignant
la force de Volonté, essayât de l’endormir, et que de l’autre, cette force entièrement
déployée, redoutant l’abandon absolu de la Providence, essayât de la tromper.

Lutte entre l’Europe et l’Asie.


Prise de Troie par les Grecs.
Abaissement de l’Empire Assyrien.
Elévation de la Perse.
Expédition de Xercès.
Triomphe de la Grèce.
Conquêtes d’Alexandre.

D’après ce qui vient d’être dit, on peut juger de l’action des


trois grandes puissances de l’univers.
1. Celle du Destin dominait en Asie
2. Celle de la Volonté de l’homme en Europe
3 Celle de la Providence, repoussée des deux côtés, se trouvait réduite à
dissimuler sa marche, pour ne point enfreindre les lois de Nécessité et de Liberté
qu’elle s’est imposées à elle-même.
Mais puisqu’il n’existait que deux puissances opposées, elles étaient destinées à se
combattre. Dès que la seule puissance qui puisse maintenir l’harmonie entre la
Nécessité et la Liberté, est méconnue, la discorde nait. L’Asie et l’Europe durent 121
combattre pour savoir à qui resterait l’empire. Le Destin et la Volonté de l’homme
déployèrent leurs forces les plus redoutables.
La prise de Troie avait été un grand événement, et l’établissement de plusieurs
colonies grecques sur le littoral asiatique avait suivi. La Sicile, la Corse, la Sardaigne
avaient été soumises et peuplées de colonies libres. Les Cimmériens s’étaient établis
en Asie Mineure.
Le Royaume de Macédoine venait d’être fondé. La Grèce se préparait à se réunir en
un seul peuple.
Cependant le roi de Médie, Cyaxare, après avoir chassé les Celtes de l’Asie Supérieure,
et s’être rendu maitre de toute l’Assyrie, de la Palestine, et d’une partie de l’Arabie,
laisse un royaume florissant qui tombe entre les mains de Cyrus. Grace à ce jeune
héros, la Perse, soumise aux Babyloniens depuis plus de quinze siècles, se place au
premier rang des puissances asiatiques et prétend à l’empire universel. Cyrus entre
triomphant dans Babylone, il pénètre dans l’Inde. A sa mort, son fils, Cambyse
poursuit ses victoires, conquiert l’Egypte.
Les juifs, après avoir obtenu de Cyrus la permission de retourner à Jérusalem, et d’y
reconstruire le Temple, se rendent tributaires de l’empire persan.
L’Europe commence les hostilités. Les Athéniens passent
en Asie, assiègent Sardes. Les Perses, conduits en Europe, presque à la vue des
Athéniens, y sont défaits par Miltiade. L’Egypte en profite pour secouer le joug, mais
Xercès commence son expédition contre la Grèce. Plus d’un million de soldats, vint
s’anéantir dans les champs de Platée et de Mycale. L’Asie fut vaincue.
Si la Grèce eut su profiter de ses avantages, elle eut enlevé
à la Perse le sceptre du Monde, et fondé en Europe l’empire universel. Il ne fallait

121
pour cela qu’écouter la voix des Amphicryons, et croire à la Providence, qui, par
l’organe de la Pythie de Delphes, signalait Socrate comme le plus sage des mortels.
En se réunissant en un seul corps de nation, en étouffant toutes les haines, toutes les
rivalités qui séparaient les divers membres de la Confédération Amphicryotique, en
recevant de la bouche de Socrate les instructions que le Génie de cet homme divin, lui
aurait données, la Grèce s’élevait à des destinées dont il était impossible de
déterminer l’éclat et la durée.
Mais non, cette Volonté hautaine, enorgueillie de sa victoire, n’en sut tirer qu’un
avantage passager et frivole. En définitive la Grèce mourut jeune. Eprise d’une folle
liberté, elle céda aux orages des passions, et ne donna pas les fruits qu’Orphée et
Pythagore, avaient fait éclore, et que Socrate et Platon auraient dû faire mûrir.
Au lieu de se raffermir en se concentrant, elle se divisa, et, tournant contre elle-même
ses aveugles emportements, brisa de ses propres mains les admirables instruments
que la Providence lui avait donnés pour sa conservation.
A peine vainqueurs, les Athéniens et les Spartiates se brouillèrent et arrosèrent de
leur sang les plaines du Péloponnèse.
En peu d’années, Aristide, le plus juste des Grecs, Thémistocle et Cimon, les Sauveurs
de la patrie, furent bannis. La ville de Platée fut brulée et ses habitants réduits à
l’esclavage. Celle d’Athènes, prise par les Spartiates, fut livrée aux proscriptions de
trente tyrans. Et enfin Socrate expia par la cigüe, le crime d’avoir été le plus grand des
Athéniens, et le plus vertueux des hommes.
Dès ce moment, il n’y eut plus rien à espérer pour la Grèce. La Grèce a eu encore de
grands hommes, qu’elle méconnut ou les persécuta, mais ne fut plus une grande
nation.
A cette époque, le Conseil des Amphicryons avait perdu toute autorité, et le
sanctuaire de Delphes toute influence. 122
La Volonté comprimée jette un cri de désespoir ; abandonnée par la Providence, prête
à être écrasée par le Destin, elle se cherche les moyens de se sauver, et ne trouvant
que le crime, elle l’embrasse ; Philippe est assassiné.
Alexandre, qui succède à son père, encore très jeune, emploie des moyens plus
grands. Il entre dans la Grèce, renverse Thèbes, soumet les Athéniens, puis
commence la conquête de la Perse. Il fit la conquête de l’Egypte, fonda Alexandrie,
prit Gaza, soumit la Syrie, et entra triomphant à Babylone.
A compter de ce moment, la Grèce n’exista plus, et l’avenir de l’Europe fut encore une
fois compromis. Car Alexandre, cédant au Destin, établit son empire en Asie. Il est
dommage que ce grand personnage n’ait pas vu que ce n’était pas seulement pour
effectuer un changement de dynastie sur le trône de Perse, qu’il était ressorti de
Macédoine.
Pourquoi ne songea-t-il pas à relever le sacerdoce de la Montagne Sainte ?
Pourquoi ne vit-il pas qu’il fallait établir la capitale de l’empire dans Athènes, ou du
moins dans Byzance ?
Il rapporta à lui seul ce qu’il devait à la Providence. L’orgueil l’aveugla. Il se livra au
Destin qui le perdit. Son expédition dans l’Inde ne fut plus qu’une vaine
démonstration ; e sa mort, à trente-deux ans, soit qu’elle fut provoquée par le poison,
soit qu’elle fut la suite d’une orgie, n’en fut pas moins le résultat de ses fautes.

La Grèce perd son existence politique


Réflexions sur la durée relative des Gouvernements.

122
Après le partage de l’empire d’Alexandre par ses généraux,
un certain Polysperchon proclama la liberté de toutes les villes de Grèce. Dérision car
la Grèce n’avait plus d’existence politique. Athènes fut gouvernée par des tyrans.
L’existence politique de la Grèce a pu durer une douzaine de siècles dont cinq à six en
république. Cette existence a pourtant été louée avec excès.
On observe que durant que la théocratie de Ram conserva sa force, il n’y eut pas de
révolution. Les rois se succédant les uns aux autres, faisaient le bonheur des peuples.
Ce ne fut même que longtemps après le schisme des Phéniciens, des Parses, et des
Chinois, et lorsque l’extinction des dynasties solaire et lunaire eut lieu que les révolu-
tions commencèrent. Les monarques insensés qui leur succédèrent, ne virent pas
qu’en secouant l’autorité des Souverains Pontifes, ils éloignaient ainsi la main de la
Providence qui les protégeait, et ouvraient à leurs rivaux et à leurs sujets la route du
crime et de la rébellion.
Ce fut environ vingt siècles avant notre ère que cette fatale
pensée tomba dans la tête des rois, Belochus à Babylone, Pradyota chez les Hindous.
Hérodote assure même que pendant plus d’un siècle, sous les règnes désastreux de
Chéops et Chéphren, les temples des Dieux restèrent fermés. Les règnes se
raccourcirent et les rois se multiplièrent.
On constate aussi que la durée des républiques se borne à cinq ou six siècles, comme
celle de la Grèce, et celle de Sparte, de Carthage, et de Rome n’ont pas duré
davantage.
La chute de la Grèce porta à l’Ionie, c’est-à-dire à tout ce
qui tenait du schisme phénicien, un coup mortel. Il ne lui restait plus que les contrées
sur lesquelles Carthage et Rome pouvaient étendre leur domination. Car Sidon et Tyr
déjà n’existaient plus. Les habitants de Sidon, assiégés par les Perses, quelques temps
après l’embrasement du Temple d’Ephèse, s’étaient donnés réciproquement la mort, 123
après avoir livré leur ville aux flammes. Et Tyr avait été la proie des successeurs
d’Alexandre. C’était donc dans Carthage et dans Rome que les restes de cette antique
puissance se concentraient, et que la Volonté de l’homme allait encore exercer sa
force.

Commencements de Rome. Ses Guerres.


Sa Lutte avec Carthage. Ses Triomphes.

Avant que les Romains ne fussent constitués en


République, ils dépendaient des Etrusques, appelés aussi Tusces, Tosques, ou
Toscans, lesquels gouvernaient au moyen de vice-rois qu’ils leur envoyaient. Ces vice-
rois appelés Tarquins, avaient fini par se rendre à peu près indépendants des Larthes
étrusques, lorsque le peuple, fatigué de leur orgueil et de leur avarice, secoua leur
autorité, et s’étant déclaré libre sous la conduite de Brutus et de Valerius, mit à leur
place un sénat présidé par deux consuls amovibles.
L’Etrurie n’était qu’une colonie phénicienne,
implantée sur celle des hindous, mélange d’Atlantes et de Celtes. Rome, n’était
premièrement qu’une espèce de fort bâtie sur les rives du Tibre. Son nom, Etrusque
ou Phénicien, qui devint par la suite son nom secret ou sacré, était Valentia, c’est-à-
dire le rendez-vous de la force. Ce ne fut, qu’après s’être délivrée des Tarquins, qu’elle
prit le nom de Rome. Cette ville resta longtemps dans l’obscurité. Elle ne fut connue
des Grecs qu’à l’époque de sa prise par les Gaulois. Carthage était alors plus connue
par ses expéditions militaires. Cette République avait des établissements

123
considérables en Espagne, sur les côtes des Gaules et jusqu’en Sicile. Elle se rendait
déjà redoutable. Rome, était alors trop farouche pour aimer les arts. Le premier
quadran solaire qu’on y posa fut sur le temple de Romulus Quirinus, plus de deux
siècles après les premiers consuls. Les Romains n’étaient dans l’origine que des
flibustiers, des brigands, dont l’unique vertu, décorée du nom pompeux d’amour de la
Patrie, ne consista pendant plusieurs siècles qu’à rapporter à la cause commune ce
qu’ils avaient pillé chez les nations voisines. La Grue qu’ils reçurent des prêtres
saliens, et qu’ils transformèrent en Aigle, ne parut que fort longtemps après sur leurs
drapeaux, peut-être même lors de la première guerre Punique, et pour rivaliser avec
les Carthaginois, qui arboraient une tête de Cheval. Comme cette tête de cheval était
consacrée à Moloch, le même que Saturne, l’Aigle romain fut consacré à Jupiter.
Quoiqu’il en soit, ce fut dans les murs de Rome que la
Volonté de l’homme, comprimée dans la Grèce, et prête à être accablée par le Destin,
vint se réfugier. Ce fut là qu’elle consacra toutes ses forces. Carthage, qui ne pouvait
pas lui offrir un asile aussi sur, fut sacrifiée.

En quelques siècles, l’univers vit Rome, cette bourgade


étrurienne, encore meurtrie des chaines qu’elle avait portées, sortant à peine des
mains de Porsenna qui l’avait humiliée, et de celles de Brennus qui l’avait rançonnée
et réduite au Capitole, essayer ses forces, s’étendre au dehors, s’élever ; et, du sein de
la poussière, atteindre au faite des grandeurs.
Dans la guerre des Sammites elle sort de son obscurité ; elle provoque Pyrrhus par le
siège de Tarente, et, d’abord effrayée à la vue de ses éléphants, recule devant lui ;
mais bientôt rassurée, elle l’attaque, le bat, et le force à se retirer en Epire. Obligée de
disputer l’empire de la mer aux Carthaginois, elle crée une marine et triomphe. Entre
les deux guerres puniques elle s’empare de la Sardaigne et de la Corse et soumet les 124
pirates de l’Illyrie, et passe le Pô pour la première fois.
Cependant des signes sinistres viennent intimider ces
guerriers. Deux Grecs et deux Gaulois, homme et femme, sont enterrés vivants en
place publique de Rome. L’épouvante était dans Rome, et malgré la vaine jactance de
quelques sénateurs, il a toujours paru certain que si le général carthaginois l’eut
assiégée, il l’aurait prise. Pourquoi ne profita-t-il pas de cet avantage ? C’est que la
même volonté qui faisait mouvoir les deux républiques, n’en pouvant conserver
qu’une, conservait celle où elle avait le plus d’influence, celle qui tenait à l’Europe, et
où était son centre d’activité. Et donc sacrifiait l’autre. La Volonté particulière
d’Annibal fléchit, sans qu’on put savoir pourquoi. Et les citoyens de Carthage, se
divisant entre eux, livrèrent leur ville à la destruction qui l’attendait. La bataille de
Zama, gagnée par Scipion, décida de son sort.
Carthage détruite, rien ne résista plus à ce colosse
républicain qui fit reconnaitre ses lois du Tage jusqu’au Tanaïs, et depuis le mont
Atlas jusqu’au Caucase.

Causes de la Chute de la République Romaine.


Conquêtes des Gaules par César.
Guerres Civiles. Proscriptions. Victoire d’Octave.

La Volonté de l’homme triomphait avec la puissance


romaine. Le Destin, forcé de reculer de toutes parts, ne se maintenait plus que dans le
midi de l’Asie.

124
La Providence n’était pas plus reconnue dans Rome qu’elle
ne l’avait été dans Athènes. Le culte public ne consistait plus qu’en vaines cérémonies
ou en superstitions atroces et ridicules. Les Augures, les Aruspices, se faisaient pitié
l’un à l’autre, et selon la remarque de Cicéron, ne pouvaient plus se regarder sans
rire.
Le Souverain Pontife, entretenu, seulement pour la forme, comme le roi des
sacrifices, ne jouissait que de quelques honneurs stériles, sans véritable autorité. Cet
emploi se briguait à Rome comme celui d’édile, et l’on ne faisait point de différence,
dans le choix, entre l’instruction morale de l’homme qui ordonnait les cérémonies
religieuses, et celle de l’homme qui présidait aux jeux du cirque
En général, tant en Europe qu’en Asie, sous la domination
du Destin, comme sous celle de la Volonté, on ne regardait la Religion que comme
une institution politique, une sorte de frein ou de bride, sagement imaginée pour
arrêter ou agiter la multitude, et la diriger au gré des gouvernements.
La conquête de l’Afrique et de l’Asie avait amené dans
Rome le luxe, et l’amour des richesses, qui en est la suite. Celle de la Grèce y avait
porté le gout des arts et des lettres, et cet instinct de philosophie argutieuse, naturel
aux Grecs. Une foule de systèmes avait envahi les écoles. Le flou et les antagonismes
conduisaient au scepticisme. Au système d’Epicure défiguré, opposé à celui de Zénon
le stoïque, établissant sur l’ordre de l’univers la nécessité d’une Cause première,
intelligente, et fondant le bonheur de l’homme sur l’accomplissement de ses devoirs.
Mais ce système, porté trop loin, comme celui d’Epicure, s’était desséché en s’exaltant
trop, de la même manière que l’autre s’était corrompu en se relâchant au-delà de ses
bornes. En sorte que la société romaine se composait, ou d’hommes trop faciles à
suivre toutes les impulsions, ou d’hommes trop raides pour céder à aucune.
Cette division causa la ruine de la République. 125

Jules César fit la conquête des Gaules. Ses difficultés


furent légères en comparaison de ce qu’elles auraient pu être si les Gaulois n’eussent
formé qu’une nation. Mais ils étaient divisés en plusieurs peuples ; les Celtes
proprement dit n’existaient plus ; On trouvait dans les Gaules : les Rèthes, les
Bibractes, les Rhutènes, les Senones, les Allobroges, les Alvernes, les Carnutes, les
Bitures, les Hennetes, et une foule d’autres petits peuples.
La Germanie, qui avait pris la place du Teutsland, la Sarmatie, qui tenait lieu du
Poland et du Rostand, était également partagée en plusieurs petits peuples.
La physionomie de l’Europe avait ainsi changé. Les variations qui avaient eu lieu au
sein des peuples, avaient aussi eu lieu dans les idiomes, dans les meurs, dans les lois,
dans les cultes. La confusion empêchait de remonter, même par la pensée, à toute
espèce d’unité.
Les Gaulois, que César vainquit, n’étaient donc plus
précisément des Gaulois, et encore moins des Celtes. Ils étaient un mélange de petits
peuples ne s’entendant pas entre eux. Ils se défendirent avec opiniâtreté, et ne
cédèrent qu’à la supériorité que donnait aux romains leur discipline, l’autorité et les
talents de leur général. Les habitants des Gaules ont péri aux combats, un nombre
plus grand a subi l’esclavage, et le reste s’est soumis aux vainqueurs.
Mais avant cet événement, la République de Rome
penchait vers sa chute, et n’ayant plus de sang d’ennemis à répandre, s’apprêtait à se
noyer dans les torrents du sien.

125
Déjà Marius et Sylla, aussi divisés de caractères comme
d’ambition, avaient allumé la guerre civile dont les fruits avaient été la proscription
d’un nombre infini de citoyens. Catilina avait été renversé facilement par Cicéron.
César, habile à connaitre l’esprit des romains, prompt à
profiter des circonstances, tandis que le sénat lui disait de licencier son armée, il la
conserve et franchissant le Rubicon il entre en Italie. Une nouvelle guerre civile se
déclenche.
Dès le premier choc, Pompée, assiégé dans Brundissium, s’évade. César met en
déroute ses lieutenants, assiège et prend Marseille. Puis volant en Macédoine, défait
entièrement Pompée qui se sauve en Egypte. César se rend maitre d’Alexandrie et
porte la guerre en Afrique.
César, parvenu au même point qu’Alexandre, commit la même faute en attribuant
tout ce qu’il avait fait à sa bonne étoile. Il fut assassiné.
Avant l’explosion de la guerre civile, une sorte de pacte
s’était conclu entre Pompée, César et Crassus. Ce TRIUMVIRAT eut une funeste
issue. Après la mort de César, un nouveau se forma entre Octave, fils adoptif de
César, Antoine, son lieutenant, et Lépide, personnage insignifiant. Les proscriptions
recommencèrent. Rome fut encore inondée de sang. Brutus et Cassius, battus par
Antoine, se donnèrent la mort. Le fils de Pompée fut massacré. Presque tous les
meurtriers de César périrent par le glaive. Octave et Antoine s’étant brouillés, le
combat d’Actium décida de leur querelle, et livra la République au vainqueur qui,
comme étonné de sa victoire, comme accablé de la couronne qui tombait sur sa tête,
n’osa ni refuser l’empire, ni le saisir d’une main franche. Octave était né sans courage
politique. Le titre d’Auguste qui lui fut donné ne changea pas son caractère. Même
revêtu de la dignité de souverain Pontife et de celle d’empereur, il n’eut jamais ni
l’influence providentielle de l’un, ni l’autorité légitime de l’autre. Il fut obéi parce qu’il 126
avait la puissance que donne la force, mais non parce qu’il avait la puissance que
donne l’ascendant. Aussi sa conduite vis-à-vis du sénat fut-elle un long mensonge. Et
son règne amphibologique, où les noms opposés de République et d’empereur se
mêlèrent sans cesse, influa tellement sur les règnes de ses successeurs, qu’ils en
reçurent tous une couleur fausse qui les dégrada. Tibère n’eut pas été conduit à
régner par la terreur, et Caligula et Néron n’eussent pas commis autant d’atrocités
inutiles, sans la position fausse et ridicule où les avait placés la politique insidieuse et
pusillanime d’Octave.

Mission de Jésus : son objet.


Mission d’Odin et d’Apollonius de Tyane : But !

Rome, asservie au Destin, ne revenait pas du coup qui


l’avait atterré. Ses citoyens, bassement serviles ou isolément indépendants fatiguaient
leurs maitres par leurs adulations ou leurs résistances.
Disciples d’Epicure ou de Zénon, imbus d’une philosophie trop relâchée ou trop
tendue, ils passaient alternativement d’une mollesse systématique à une austérité
fastueuse. Lorsqu’il parut tout à coup au milieu d’eux une société d’hommes
nouveaux, ignorants et grossiers, pour la plupart, mais remplis d’un enthousiasme
extraordinaire. Ces hommes qu’on confondit d’abord avec une secte juive et qu’on
appela Nazaréens, s’appelaient entre eux Chrétiens, à cause de leur maitre qu’on
appelait Christ. Leurs dogmes étaient peu connus, on les croyait tristes et funèbres.
Leurs prêtres, qui adoptaient la couleur noire, parlaient de la fin du Monde

126
prochaine, de la résurrection des morts, promettaient l’expiation des péchés par les
eaux du baptême. Comme ils s’assemblaient dans les lieux les plus retirés, pour y
célébrer un mystère, passant pour redoutable, et qu’ils nommaient d’un mot très
doux, l’Eucharistie. Les juifs, leurs ennemis, les calomnièrent et publièrent que dans
leurs fêtes nocturnes, ils égorgeaient un enfant pour le manger.
Les magistrats romains auraient bien admis le culte du christ, comme ils avaient
admis celui de Sérapis ou de Mythra, si ces sectateurs avaient pu souffrir le mélange.
Mais les chrétiens, persuadés qu’eux seuls connaissaient le vrai Dieu, regardaient les
autres religions avec horreur et mépris. Les magistrats regardèrent ces chrétiens
comme dangereux. Ils provoquèrent des lois sévères et des exécutions rigoureuses. Et
les chrétiens, loin de reculer devant la mort, se précipitaient pour la braver et obtenir
la palme du martyre, opposant à la rage de leurs bourreaux, la sérénité qui les bravait.

Il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu sur la terre des


hommes soumis à une action providentielle s’élever au-dessus de la fatalité du Destin,
et dompter la Volonté. On vit alors, et on put juger de leurs forces. La Providence, qui
avait voulu leur apparition, la jugeait indispensable.
Depuis longtemps la terre penchait vers une dégénération
sensible. L’empire romain, mélange de République et de Despotisme, devait jouir
d’un éclat éphémère. La lueur qui parut chez les Antonins, de Vespasien jusqu’à
Marc-Aurèle, ne servit qu’à rendre plus pénible l’obscurité qui lui succéda.
Les ténèbres devenues de plus en plus épaisses couvrirent
alors tout l’Occident.
Il fallait un culte nouveau dont les dogmes inaccessibles à
la raison, et les formes inflexibles, soumissent également la Volonté de l’homme, et
dominassent le Destin. C’était un immense effort de la Providence. L’homme qu’elle 127
appela pour remplir cette terrible mission devait être plus qu’un homme, qui aurait
ployé sous le fardeau. Cet homme divin fut Jésus, le Sauveur. Il naquit parmi ces
hébreux auxquels avaient été confié, quinze siècles auparavant, la garde du Sepher de
Moïse.
La force mentale de Jésus, son exaltation intellectuelle, sa
vertu animique, n’avaient rien eu de comparable jusque-là. Il n’était point savant,
mais il n’avait nul besoin de la science du Monde. Elle lui aurait nui au contraire. Il ne
lui fallait que de la foi. Sa mission, commencée à trente ans et terminée à trente trois,
a duré trois ans pour changer le Monde. Mais ce n’est pas sa vie qui en est la cause. Il
fallut qu’il voulût mourir et qu’il eût la force de ressusciter. Admirable effort de la
nature humaine aidée par la Providence. Jésus le voulut, et trouva en lui les moyens
de se livrer à mort pour en braver les horreurs et en dompter l’indomptable
puissance.
Mais, avant même que Jésus eut été appelé à soumettre
l’assentiment de l’homme, et à dominer sa raison, la Providence avait suscité deux
hommes, d’un rang inférieur au sien. Le premier, Frighe, fils de Fridulphe,
surnommé Wogan par les scandinaves, et qui nous est connu sous le nom d’Odin ;
l’autre Apollonius de Tyane, petite ville où il est né. Ces deux hommes eurent des
succès différents, mais ils servirent l’un et l’autre, en divisant la Volonté, à la préparer
à subir le joug que Jésus devait lui donner.
Fighe était Celte ou Scythe d’origine. Il commandait aux
Ases. Jeune, il avait suivi Mithridate, puis il se retira vers le nord de l’Europe. Les
scandinaves, portant le nom de Cimbres, ennemis des romains, le reçurent comme un
allié dans leurs rangs. Fighe était sectateur de Zoroastre, et connaissait les traditions
des Chaldéens et des Grecs. Il était initié aux mystères de Mithras. Les Romains

127
occupaient la plus belle partie de l’Europe. Ce disciple de Zoroastre va conquérir ces
vastes et belles régions, Russie, Pologne, Allemagne, Prusse, Suède, Danemark,
France, Angleterre, de façon qu’on puisse dire qu’il n’existe pas un trône, et pas une
famille royale au milieu de ces nations qui ne tirent de lui leur origine. Fighe s’arrêta
et bâtit la ville d’Asgard. Là, déployant avec art un luxe nouveau, une pompe
religieuse et guerrière, il attira à lui les peuples environnants. Monarque et Souverain
Pontife, il dictait ses lois en roi, et annonçait ses dogmes en Apôtre. Il agissait
exactement comme Mahomet agit sept siècles après lui.
Le plus grand changement qu’il fit à l’ancienne religion des Celtes, fut de substituer à
Teud, le grand Ancêtre des Celtes, un Dieu suprême appelé Wod ou Goth, duquel
toute la nation gothique reçut son nom. Ce Dieu était le même que Zoroastre appelait
Le Temps sans Bornes, la Grande Eternité, le Boudh des Hindous que Ram avait
connu dans toute l’Asie. C’est du nom de ce Dieu suprême Wod, appelé aussi, le Père
Universel, le Dieu Vivant, le Céateur du Monde, que Fighe reçut le nom de Wodam,
dont nous avons fait Odin, c’est-à-dire le Divin.
Le législateur des scandinaves unit donc avec beaucoup de
force la doctrine de Zoroastre à celle des anciens Celtes. Il introduisit dans sa
mythologie un Génie du Mal appelé Loke, dont le nom était l’exacte traduction de
Ahriman ; donna au genre humain l’antique Bore pour ancêtre, et fonda sur la valeur
guerrière toutes les vertus. Il enseigna, principal dogme de son culte, que seuls les
héros jouiraient dans le Valhalla, le palais de la valeur, de toute la plénitude des
félicités célestes.

Doctrine et Conquêtes d’Odin.


Doctrine d’Apollonius. 128
Fondation du Christianisme.

Cependant Odin s’était avancé jusqu’à la Vandalie,


aujourd’hui la Poméranie, soumettant tous les peuples. Déjà la Russie s’était soumise
à ses lois, et gouvernée par Suarlami, ainé de ses fils. La Westphalie et la Saxe étaient
gouvernés par ses deux autres de ses fils, Baldeg et Sigdeg. Il avait laissé la franconie
en héritage à son quatrième fils Sighe. Odin s’empara de la Fionie et y bâtit Odinsée.
Le Danemark eut pour roi, son cinquième fils Sciold, dont les successeurs prirent le
nom de Scioldugiens et régnèrent un assez long temps.
Odin allait marcher sur la Suède. Gylfe son roi, étonné, décida de savoir à quoi étaient
dus les succès du prophète. Il se déguise sous le nom d’un vieillard, Gangler. Il écoute
le récit des ministres, il est émerveillé, et ne pouvant douter qu’Odin fut un envoyé de
la Providence, il lui céda le trône. Ynghe, le sixième fils, régna sur la Suède, et ses
descendants prirent le nom d’Yngleingiens. Bientôt la Norvège imita la Suède et le
dernier fils d’Odin, Sœmunghe, régna.
Odin faisait fleurir ses états, posait des bases solides de
son culte. Il établit à Sigruna, la ville de la Victoire, Stockholm aujourd’hui, un conseil
suprême de douze Pontifes.
Parvenus jusqu’à nous, les débris historiques représentent
Odin comme très persuasif, éloquent dans les temples, impétueux et inrépide dans les
batailles. Sa valeur a été chantée par les bardes, a été transformée en une vertu
surnaturelle. Les poésies islandaises qui subsistent le présentent comme un Dieu
maitre des éléments.

128
D’après les récits, il savait chanter des airs si mélodieux et si tendres que les plaines
se couvraient de fleurs, les collines tressaillaient de plaisir, et les ombres sortaient des
abimes et restaient immobiles autour de lui.
On retrouve ces exagérations pour Ram, Orphée et Odin.
Ce Théocrate, ne voulait pas attendre une mort lente et
dénuée d’éclat. Ayant rassemblé ses amis et ses plus illustres compagnons, il se fit
neuf blessures en forme de cercle avec une lance, il déclara qu’il allait dans le
Valhalla, prendre place avec d’autres Dieux à un festin éternel. Cette mort fut le Chef-
d’œuvre de sa législation, et mit le sceau à sa doctrine.

Ainsi, tandis qu’un culte intellectuel se préparait à dominer la


raison en Judée, une doctrine animique s’était établie en scandinavie ; et cependant,
Apollonius de Tyane, élève de Pythagore, enseignait que la vie n’est qu’un châtiment,
un milieu pénible entre la génération et la mort. Son axiome favori était que rien ne
périt, que l’essence reste toujours la même. Et cette essence, à la fois passive et active,
n’est rien d’autre que le Dieu éternel. L’homme disait-il : sort de son état d’essence
pour entrer dans celui de nature, il nait ; s’il sort de son état nature pour entrer dans
son état d’essence, il meurt. Mais il ne nait ni ne meurt, il passe d’un état à l’autre,
voilà tout ; il change de mode sans changer jamais ni de nature ni d’essence.
Avec cette doctrine Apollonius affaiblissait la Volonté. Il menait une vie très austère,
guérissait des malades, faisait des prédictions. Il eut un grand nombre de disciples, et
ses succès furent d’abord plus éclatants que ceux de Jésus. Mais n’ayant pas la même
base, après une existence de plus d’un siècle il disparut. Ce Théosophe n’apprit rien
de nouveau, mais il donna à la sphère instinctive un ébranlement singulièrement
favorable au progrès du christianisme.
A cette époque une foule d’hommes dont les plus chers intérêts 129
avaient été froissés par l’élévation de l’empire romain, se repliaient sur eux-mêmes,
méditaient, recherchaient l’origine de la Matière, l’origine du Monde, la cause des
maux, la destination de l’homme. Les chrétiens répondaient à cela :
- Le Monde avait été créé par Dieu
- La Matière avait été tirée du néant
- La cause des maux était la faute du premier homme
- La destination de l’homme était le Paradis ou l’Enfer
Des solutions aussi tranchantes frappaient d’étonnement. Et les miracles de Jésus, et
surtout sa résurrection, rendaient difficiles à détruire ces arguments.
Mais, Saül fut le véritable fondateur du christianisme, lui qui était passé de
persécuteur à protecteur, et changea son nom en celui de Paul.
Au point où les choses étaient arrivées, par une suite de la déviation de la Volonté de
l’homme, il était néanmoins difficiles d’empêcher leur dissolution. Et Jésus, appelé à
ce grand œuvre, ne serait point parvenu à l’arrêter, même après l’immense victoire
qu’il avait remportée sur le Destin, en triomphant de la mort, son arme la plus
terrible, si la Providence ne lui eut accordé le moyen d’apparaitre aux yeux de Saül, et
de changer la volonté particulière de cet homme, sans lequel rien ne se serait
effectué.
Les douze apôtres n’avaient point la force requise pour accomplir leur apostolat. Le
Christianisme dut donc à Saint Paul sa forme gogmatique et morale, et sa doctrine
spirituelle. Il revit plus tard ses rites sacrés et ses formes d’un Théosophe de l’école
d’Alexandrie, nommé Ammonius.
Constantin et le Christianisme, Abandon de Rome
Invasion des Goths. Chute de l’Empire Romain.
129
Mais tandis que tout cela se passait, l chute de l’empire
romain menaçait. Au nord les Bretons s’étaient révoltés. Au midi les juifs essayaient
de se soustraire au joug. Passions et révolutions fomentaient dans l’empire. Les
empereurs se succédaient au milieu des désordres.
C’est alors que les sectateurs d’Odin franchirent les
frontières, sous le nom général de Goths. Les premiers connus furent les Francs et les
Sicambres. Les Bourguignons, les Vandales, les Francs, se succédaient partout et
portaient la désolation.
Constantin se détermina, en embrassant la chrétienté, à
consolider la révolution religieuse que la force des choses avait amenée, et à
transférer le trône impérial sur les rives du Bosphore. Ce double mouvement était
devenu indispensable. Ainsi le culte chrétien triompha, s’éleva sur le trône et résista
aux barbares. La Providence avait tout préparé pour que ce culte, approprié à cette
situation pénible, s’établit. Il avait été mis, par la force intellectuelle e son fondateur,
au-dessus de la fatalité de son Destin, et de la puissance arbitraire de la Volonté,
également vaincues ; et par le sacrifice volontaire de sa vie, et par la victoire qu’il
avait remporté sur la mort.
Ce fut une époque épouvantable. Alaric, général d’armée sous Théodore I, empereur
d’Orient, saccagea Rome. Et l’empire d’Occident est déchiré. Les sectateurs d’Odin y
pénètrent de tous côtés. Pendant ce temps Attila et les Huns pillent et massacrent
tout, ajoutant à la confusion générale. Enfin Odoacre entre dans Rome, détrône
Augustule en 476. Quelques années après, Clovis, roi des Francs, achève la conquête
de la Gaule commencée par Mérovée et Childeric, et fonde le royaume de France. Sa
femme Clotilde le persuada d’embrasser le christianisme, ce qui fit soumettre le culte
d’Odin à Jésus, et consolida les desseins de la Providence, et sauva la société
européenne de la perte assurée où l’entrainait la fatalité du Destin. 130
N’oublions pas que les Goths qui renversèrent l’empire romain
étaient des sectateurs d’Odin. Leur seule vertu étant la valeur guerrière ils ignoraient
tous les arts d’agrément, toutes les sciences de pure spéculation, et se faisaient gloire
de les ignorer. Ils avaient la haine des romains, ce qui rendait odieux tout ce qui s’y
rattachait. Ils ravagèrent tout, villes détruites, provinces fertiles converties en déserts,
habitants égorgés ou trainés en esclavage, et bientôt, famine, peste, jointes aux
horreurs de la guerre, mirent le comble à la désolation des peuples.
L’Europe ravagée se couvrit de terres incultes et la barbarie succéda à la civilisation.
Lorsque ce violent orage fut un peu calmé, l’empire romain était divisé en petits états
sans commerce, sans communication, sans aucune relation entre eux.
Le moindre voyage était une expédition périlleuse : enchainés par mille obstacles au
lieu où le sort les avait fait naitre, la plupart des hommes ignoraient jusqu’au nom des
autres pays. Et livrés à leur infortune ne conservaient aucune idée de leur ancienne
prospérité.

Réflexions sur ces Evénements.


Situation du Sacerdoce et de la Royauté.
Nouveaux Dévoiements de la Volonté.

Ainsi la population européenne se trouvait revenue, après


des vicissitudes nombreuses, au même état d’où elle était partie des milliers d’années
auparavant.

130
La Volonté, violemment comprimée par les derniers
événements, subissait d’une part le joug du Destin, et d’autre part, celui de la
Providence.
D’un côté était l’autorité civile et militaire, de l’autre
l’autorité spirituelle et sacerdotale. D’abord ces deux autorités, encore ébranlées par
les secousses réitérées que venait d’éprouver le corps politique, mal affermies et mal
ordonnées, se connaissaient à peine. Tantôt confondues, tantôt trop proches, elles
ignoraient leurs limites réciproques et leurs véritables attributions. Durant environ
deux siècles, pendant la violence de l’invasion, rien ne put être distingué à travers les
ténèbres épaisses qu’entrainaient les barbares. On soupçonnait à peine qu’on avait un
souverain Pontife, et lui ignorait les rois.
Mais enfin, le calme revenu, on constata que ces deux
autorités ne se reconnaissaient pas, et que même leurs membres ne les
reconnaissaient pas. En sorte que, sous l’apparence d’un régime sacerdotal et royal, il
n’y avait que deux anarchies dont les efforts tendaient à se dominer mutuellement.
La Volonté européenne persistait dans son mouvement.
Elle cherchait à détruire en les divisant, les jougs rigoureux d’Odin et de Jésus. Le
christianisme avait été ébranlé par les Hérésiarques. Les uns regardaient Jésus
comme Dieu même, les autres ne voulaient voir en lui qu’un génie céleste, qu’un
prophète divin, et même qu’un homme inspiré seulement comme Moïse, Orphée, ou
Socrate. La discipline de l’Eglise, le culte rendu à la Vierge, étaient aussi l’occasion
d’une foule de sectes.
Au milieu de ce tumulte, les souverains Pontifes, appelés Patriarches ou Papes, qui
auraient dû avoir la force pour établir l’orthodoxie de l’Eglise, virent qu’ils étaient
dénués d’autorité réelle. Ils se soumettaient aux conciles.
Ces souverains Pontifes s’accoutumèrent à considérer comme criminels des hommes 131
qui n’étaient que dissidents, et les déférèrent à l’autorité civile des monarques. Ceux-
ci, voulant en tirer avantage convertirent en affaires d’état des querelles religieuses.
Les chrétiens persécutés devinrent persécuteurs
Ainsi donc, le sacerdoce chrétien, en se laissant envahir
par les formes républicaines, en soumettant, contre toute raison, son chef suprême à
la volonté de toute une assemblée, en méconnaissant ce chef, en lui disputant son
rang, son titre, son autorité, se livra lui-même à l’anarchie, et se dévoua à la nullité ou
au despotisme. Il provoqua cette lutte scandaleuse qui pendant plus de mille ans
affligea l’Europe. L’importance qu’il donna aux hérésies les multiplia. L’appel qu’il fit
à la force civile l’en rendit dépendant. Au seizième siècle il se trouva divisé et détruit.
Les monarques avaient d’abord profité de ces formes
insolites. Mais puisqu’ils trouvaient bon que l’autorité soit divisée d’un côté, et
soumise à la sanction du corps sacerdotal, ils ne pouvaient pas trouver mauvais
qu’elle le fut de l’autre, et que le corps féodal les dominât. Les Goths se partageaient
leur conquêtes en territoires, et les barons gouvernèrent en remettant les lois qui
avaient existé autrefois. N’ayant pas d’unité dans le culte nouveau qu’ils adoptèrent,
ils ne se soucièrent pas d’en mettre dans le gouvernement royal. Chaque baron se
considéra comme maitre absolu chez lui, et ne reconnut qu’une obligation, celle de
suivre le roi dans la guerre. Alors l’Europe se trouva morcelée en une infinité de
petites souverainetés.

Telle fut la fin de l’empire universel, et tel avait été son commencement. Cet empire,
après avoir atteint son dernier degré d’élévation, était descendu à son dernier degré
d’abaissement. Il allait rester dans cette situation, plus ou moins longtemps, selon les

131
circonstances, et selon que les trois grandes Puissances de l’Univers se réuniraient
encore pour opérer sa reconstruction.

Etat de l’Asie. Mission de Mahomet et ses Suites.

Remarquons qu’au moment où les ténèbres


s’épaississaient de plus en plus sur l’Europe, et couvraient l’occident de notre
hémisphère, l’Orient et le midi de l’Asie, recommençaient à jouir de quelque clarté.
Cela s’était apaisé en Chine, et cet empire avait joui d’un assez grand éclat. La grande
muraille était réparée. L’invention du papier favorisait le progrès des sciences. L’Inde
était florissante, la poésie y était cultivée, les peuples reprenaient une nouvelle vie.
Une nouvelle dynastie, les Sasanides, s’était élevée en Perse. Les Abyssins en Afrique
avaient pénétré plusieurs fois au Yémen, et essayé d’y introduire le christianisme.
En général, le cinquième et le sixième siècle furent
une désolation et de barbarie pour l’Europe, et furent pour l’orient de l’Asie, et
surtout pour la Chine des siècles de luxe et de magnificence. La différence de
situation entre l’Europe et l’Orient nécessitait une digue qui sépare l’Asie de l’Europe.
Et c’est Mahomet qui s’en chargea.
Mahomet était, comme Odin un homme animique,
et comme Jésus doué d’une volonté extraordinaire. C’est le seul prophète qui ait dit
de lui-même, qu’il ne pouvait point pénétrer l’avenir, et qu’il n’était point envoyé
pour faire des miracles, mais seulement pour gouverner les hommes et leur enseigner
la vérité. Abandonné à lui-même, et agissant dans ses propres facultés, était un
homme ordinaire, très aimant, d’un caractère doux, très modestes, ami de la paix ;
mais lorsqu’il cédait à l’esprit divin qui s’emparait de son âme, rien ne pouvait 132
résister aux mouvements impétueux de son éloquence. Ses regards embrasaient les
âmes, une autorité naturelle commandait par sa voix. A cinquante-deux ans, une
persécution inique le force à partir et à recourir aux armes. Il démontre un
enthousiasme guerrier, une intrépidité et des talents militaires insoupçonnés.

Jésus avait succédé à l’inspiration de Moïse.


Mahomet succéda à l’inspiration de Moïse et de Jésus.
Seulement il prétendit que les sectateurs de Moïse s’étaient écartés de sa doctrine, et
que les disciples de Jésus avaient mal entendu celle de leur Maitre. Il rétablit en
conséquence l’Unité Absolue de Dieu, et renferma toute sa religion dans ce peu de
paroles : Il n’y a de Dieu que DIEU, et Mahomet est son prophète.
Il établit le dogme des châtiments et récompenses. Au
Paradis, un repos enchanteur et tous les charmes de l’amour.
Il maintint la dominance de la faculté masculine sur la
féminine. Il consacra la polygamie, réclamée par le peuple.
Mahomet était déjà maitre de la Mecque et d’une grande partie de l’Arabie à sa mort
qu’il avait prévu et annoncé dans son Coran.
Ses successeurs, les Califes, s’emparèrent de la Perse, Jérusalem et l’Egypte, puis
s’établirent en Espagne, d’où ils menaçaient l’Europe. Après la prise de l’Aquitaine et
de la Provence jusqu’à Avignon, les Sarrasins s’avançaient jusqu’au cœur de la
France, lorsque Charles Martel les arrêta à Poitiers. Cette victoire amena l’extinction
de la race de Clovis, l’élévation de celle de Charles Martel, le couronnement de Pépin,
et le règne de Charlemagne. Cette victoire était inévitable, car si les Sarrasins avaient
encore progressé la face du Monde aurait été changée. Et l’influence de Mahomet
n’allait pas jusque-là.

132
Mais Mahomet avait réuni dans ses mains le glaive et l’encensoir. Il les transmit ainsi.
Et il n’y eut pas de mains assez fermes pour les tenir ensemble. Après le règne
glorieux de Haroun-al-Raschid, le califat tomba en décadence. Au dixième siècle, le
Calife Radïai ne régnait plus dans Bagdad que sous l’influence de l’Emir. Cet Emir,
accompagné d’un groupe de Tatares appelés Turcs se rendit maitre de la personne
même du Calife.
A partir de ce moment le sacerdoce fut distingué de la royauté dans le culte
musulman ; mais comme cette distinction s’était opérée de force, il n’exista jamais
d’union entre eux. Néanmoins comme le dogme du Destin avait été admis par
Mahomet, le sacerdoce se soumit assez promptement, et ne se livra pas à une lutte
aussi opiniâtre qu’en Europe. Quoique la durée du Califat ne fût pas aussi longue que
ce qu’elle aurait pu être, elle le fut assez pour remplir le but de son institution.
L’Europe fut contenue. Les ténèbres qui la couvraient furent tempérées par son éclat.
Et les sciences et les arts cultivés en Espagne par les Arabes, purent s’y répandre et s’y
propager plus facilement quand le moment favorable fut arrivé pour cela.

Règne de Charlemagne. Les Croisades.


Prise de Jérusalem par les Chrétiens
Prise de Constantinople par les Musulmans.
Causes et Résultats de ces Evénements.

Depuis l’époque de l’irruption des Goths, la Chute de


l’empire romain, et l’extinction des lumières en occident, jusqu’au moment où ces 133
lumières commencèrent à renaitre, après un espace de mille ans, c’est-à-dire du
cinquième siècle, jusqu’au quinzième, il se passa en Europe, notamment trois
événements à distinguer :
- Le Règne de Charlemagne
- La Prise de Jérusalem par les croisés
- La Prise de Constantinople par les musulmans
Le premier et le dernier de ces événements furent l’ouvrage du Destin. Celui du
milieu dépendit de la Volonté de l’homme.

Charlemagne osa vouloir rétablir l’empire romain. Il saisit la


couronne impériale que lui offrait le Pape Léon. L’empire surpassa celui des romains
en occident. Mais cet effort du Destin ne pouvait point durer. Il aurait fallu qu’il
songe à faire intervenir la Providence. Il se reposa sur la seule force de son génie et
des armes. Il dédaigna de fonder sur des bases solides de la religion l’édifice de sa
grandeur. Il témoigna qu’il ne voulait pas dépendre du sacerdoce. En effet lorsqu’il
associa son fils Louis à l’empire dans Aix-la-Chapelle, il ne voulut pas qu’il la reçu
d’un Pontife. La couronne que Charlemagne dédaigna de devoir à la Providence ne
restera pas longtemps dans sa Maison.
Le règne de Charlemagne fut l’ouvrage du Destin. Personne que
lui ne voulait le but vers lequel il tendait. Son seul ascendant entrainait toutes choses.
Son impulsion fatidique était tellement nécessaire que, dès qu’elle n’existât plus, tous
les ressorts de son gouvernement se détraquèrent. L’édifice qu’il avait élevé s’écroula.
Si Charlemagne avait intéressé la Providence à son œuvre, son œuvre aurait persisté
parce qu’il aurait continué à le conduire. En se reposant sur son Destin, il se reposa

133
sur un effet transitoire. Comme il ne s’était rien réservé au-delà de sa vie, sa mort fut
le terme de ses travaux.

Le mouvement qui produisait les croisades était inhérent à la


masse qui se mouvait. Toutes les volontés extérieures paraissaient se réunir en une
volonté intérieure qui se fixait sur : arracher Jérusalem aux infidèles. Le moindre
goujat avait le même sentiment que le monarque. C’était un tourbillon difficile à
éviter, et duquel on ne pouvait plus sortir dès qu’on y était entré. L’intensité de son
mouvement s’augmentait en raison de sa masse, et sa masse en raison de son
mouvement. Dans un tel tourbillon volitif le centre est partout. Il manque d’effet
jusqu’à ce qu’il se fixe, ce qui ne peut se faire que par le Destin ou la Providence.
Dans un tourbillon fatidique comme celui de Charlemagne, le centre n’est que sur un
seul point ; si ce point manque, tout manque, à moins que la Volonté ou la Providence
n’y supplée. Du temps de Charlemagne la Volonté fut nulle et la Providence ne fut pas
invoquée. Du temps des croisades, il ne se trouva pas un seul Destin capable de
régulariser le mouvement et d’y appeler la Providence.

Les auteurs contemporains parlent de six millions


d’hommes qui prirent la croix. L’Europe entière paraissait comme arrachée de ses
fondements et prête à se précipiter de tout son poids sur l’Asie. Il aurait fallu là un
homme puissant, capable de concevoir une grande pensée et de l’exécuter. Mais il ne
s’en trouva pas et le sang coula à torrents en pure perte.
Le bruit se répandit tout à coup que la fin du monde
arrivait. La consternation fut générale. Beaucoup se réunirent à Jérusalem,
s’imaginant que Jésus allait reparaitre pour juger les hommes. Les Turcs, maitres
alors de la Palestine, reçurent mal les chrétiens et les maltraitèrent. Un de ces 134
pèlerins, Pierre l’Hermite, revint en Europe. Toute l’Eglise chrétienne fut émue. Le
Concile de Plaisance, avec trente mille personnes, décida la guerre, confirmée par le
Concile de Clermont, où ils étaient plus nombreux.
Pierre l’Hermite emmena plus de quatre-vingt mille hommes. Ils ensanglantèrent
leur route. Ils ne parvinrent même pas en Palestine. Beaucoup d’autres croisés,
suivant un prédicateur allemand, Gotescale, furent massacrés en Hongrie. Godefroi
de Bouillon, lui, parvint à s’emparer de Jérusalem et à y fonder un royaume
éphémère.
En général, les croisades n’obtinrent que de faibles
succès militaires. Rien de grand ne se fit. Le mouvement volitif des croisades
s’éteignit faute d’un Destin assez puissant qui le centralisât. En moins de deux siècles
les chrétiens furent chassés de toutes leurs possessions. Mais il resta des effets
salutaires sur les formes de l’Etat social et sur les meurs. Les Croisés trouvèrent en
Asie un luxe qu’ils ne connaissaient pas. L’utilité des arts et des sciences les frappa.
Plusieurs associations religieuses et guerrières, notamment les Templiers, acquirent
par l’initiation des lumières théosophiques qu’ils rapportèrent en Europe. Il y eut
comme une fusion des connaissances.
Ce mouvement violent avait alarmé l’Asie. Une
réaction se déclara. Témugin, chef d’une horde tartare, rassembla les principaux
Kanhs des Tatars. Il prit le nom de Gengis-Kanh, le grand roi. En moins de vingt ans,
il avait conquis plus de huit cents lieues de l’orient à l’occident, et mille du midi au
septentrion. Ses successeurs étendirent ses conquêtes, poussant jusqu’en Hongrie et
en Bohême. Les chrétiens refoulés, ne pouvant plus entreprendre de croisades,
prirent la croix contre les hérétiques. Simon de Montfort, avec cinq cent mille

134
combattants, sous prétexte de soumette les Albigeois, ravagea le midi de la France,
alors patrie des lettres et des arts.
L’orage qui avait ébranlé l’Asie sous le règne de
Gengis et de ses enfants, était à peine calmé, que les princes chrétiens tentèrent de
renouveler leurs expéditions politiques et religieuses contre les musulmans, mais le
mouvement volitif avait cessé. Ces princes réduits à leur Destin furent de partout
repoussés. Un des meilleurs rois qu’ait possédé la France, Saint Louis ; fut atteint de
miasmes en Afrique, et mourut avec autant de piété que de courage.
Ces nouvelles agressions de l’Europe entrainèrent
des réactions de l’Asie. L’empire Ottoman fondé en Bithynie, à la fin du treizième
siècle, avait acquis des forces redoutables en silence. Tout à coup il parait sur la
scène, il envahit la Syrie et menace l’Europe. Le temps des croisades est passé.
Amurath franchit le détroit et s’empare d’Andrinople. Son fils Bajareth gagne la
bataille Nicololis contre Sigismond, le roi de Hongrie. L’empire Grec est morcelé et
resserré à la seule ville de Constantinople qui tombe enfin au pouvoir de Mohamed II,
au quinzième siècle. C’est la fin de l’empire d’Orient, et les Turcs prennent l’une des
plus fortes positions de l’Europe. C’est dans Constantinople que sont déposées les
clefs de l’Asie. C’est là que Memphis et la Mecque, Rome et Jérusalem, ont réuni la
force de leurs destinées.
Les conquérants qui ont prétendu à l’empire universel, et qui n’ont pas su, ce que je
découvre ici, en propres termes, n’ont pas connu l’histoire du Monde. Ils ont
entièrement ignoré la marche des trois grandes puissances qui régissent l’univers, et
ont attribué au hasard ou à leur bonne étoile ce qui ne leur appartenait pas.
Dès que ce formidable appui fut posé, l’Espagne fut abandonnée.
Le Destin auquel elle n’était plus nécessaire se retira, et le roi Ferdinand put se
couvrir d’une gloire immortelle, en remportant sur les Maures une victoire facile. Les 135
Sarrasins forcés de repasser les mers se répandirent en Afrique. Et les juifs, bannis
peu de temps, enlevèrent une grande partie de la population et des richesses de ce
royaume.

Récapitulation

Plus de deux mille ans se sont passés depuis le


début de mon exposé. Ce temps nous a offert l’histoire de la lutte entre la Volonté et
le Destin, la Liberté et la Nécessité. Nous avons vu l’Asie et l’Europe lancer l’une sur
l’autre tout ce qu’elles avaient de forces, et triompher alternativement. Au milieu de
ces sanglants débats, la Providence, toujours prête à secourir le côté le plus faible, a
constamment prévenu la perte entière de l’une ou l’autre puissance, et au moment de
son plus grand danger lui a présenté des abris tutélaires.
La mission de Kong-Tzée, de Zoroastre, de Pythagore, avait pour
but de conserver les lumières intellectuelles. Si Odin était destiné à renverser le
colosse romain, qui menaçait d’anéantir l’Asie, Jésus d’un autre côté, devait arrêter
l’impétuosité de ses mouvements, et empêcher l’entière dissolution de l’état social en
Europe.
Quand Jésus parut en Judée, c’est Apollonius de Tyane qui
prépara les esprits au grand changement qui allait s’opérer. La Providence qui a
prévu le chamboulement des croisades, le prévint par la mission de Mahomet. Ce
puissant Théocrate était soutenu par Sotoctaïs et le dernier des Bouddhas, par
Gengis-Kanh et Timour-Lenk qui étaient leurs productions.

135
La Providence en se soumettant aux lois de Liberté et de
Nécessité que développent la Volonté et le Destin, n’a point prétendu que l’une de ces
deux puissances restât jamais absolument maitresse de l’autre. C’est pourquoi leurs
efforts sont vains quand ils tendent à ce but. Il se trouve toujours, après leurs
triomphes les plus décidés, quelque obstacle inattendu qui les paralyse. Cet obstacle
est l’ouvrage de la Providence.
La lutte qui s’est malheureusement engagée entre la Liberté et la
Nécessité dure depuis longtemps. Elle durera jusqu’à ce que ces deux puissances
s’accordent à reconnaitre la Providence, fléchissent l’une et l’autre sous son autorité,
et lui permettent de les réunir.
Alors le trouble qui règne depuis près de cinq mille ans fera place
au calme, et l’état social prendra une forme plus régulière et plus favorable à la
prospérité et au bonheur du Genre Humain.

Le Règne Hominal

Le Règne hominal, c’est ne pas considérer l’homme dans


son isolement individuel, mais le considérer dans l’universalité de son espèce. Quand
les philosophes ont dit que la Nature ne fait que des individus, ils ont dit vrai
lorsqu’on l’applique cet axiome à la nature physique. Mais ils se trompent s’ils l’ont
étendu à la nature intellectuelle. Cette nature supérieure ne fait au contraire, que des
règnes modifiés d’abord en espèces, ensuite en genres, et enfin en individus, par la
nature inférieure.
Dans le Règne Hominal, les espèces sont les Races 136
distinguées par la couleur, les formes physionomiques et le lieu natal ; les genres sont
des nations ou des peuples, diversifiés par le langage, le culte, les lois et les meurs :
les individus sont des hommes, particularisés par leur position respective, dans ces
Nations ou dans ces Races, et portant dans cette position leurs facultés propres, et
leur volonté individuelle. Tous les hommes qui composent un peuple composent un
être rationnel dont ils sont les membres sensibles. Cet être rationnel qu’on appelle
Corps Politique, Peuple ou Nation, possède une double existence, morale et physique,
et peut être considéré, ainsi que l’homme individuel, sous le triple rapport de son
corps, de son âme ou de son esprit, comme être corporel et instinctif, animique et
passionné, spirituel et intelligent. Cette double existence n’est pas toujours dans des
proportions harmoniques. Souvent l’une est forte quand l’autre est faible, et l’une est
vivante quand l’autre est morte. La même inégalité qui existe parmi les hommes,
existe parmi les peuples ; chez les uns les passions sont plus développées que chez les
autres. Il y en a de purement instinctifs comme il y en a de purement intellectuels.
Ce Règne Hominal est une des trois grandes puissances
qui régissent l’univers. Il constitue la Volonté de l’Homme, qui n’est point simple.
Cette Volonté agit sur trois modifications, qui sont particulières dans l’homme
individuel, et universelles dans l’homme universel, c’est-à-dire le Règne Hominal.
Le lieu propre de la Volonté dans ce Règne, est l’âme
universelle. C’est par l’instinct universel de l’Homme qu’elle se lie au Destin, et par
son intelligence universelle, qu’elle communique avec la Providence. La Providence
n’est même pour l’homme individuel que cette intelligence universelle, et le Destin
que cet instinct universel. Le Règne Hominal renferme en lui tout l’univers. Il n’y a
absolument hors de lui que la Loi Divine qui le constitue, et la Cause première d’où

136
cette loi est émanée. Cette Cause première est appelée Dieu. Et cette loi divine porte
le nom de Nature.
Dieu est Un. Mais comme la Nature parait offrir un second
principe différent de Dieu, et qu’elle-même renferme un triple mouvement d’où
paraissent résulter trois différentes natures : la nature providentielle, la nature
volitive et la nature fatidique. Il suit de là que l’homme individuel ne peut rien saisir
qui ne soit double dans ses principes, ou triple dans ses facultés. Lorsque, par un
grand effort d’intelligence, il arrive à l’idée vraie de Dieu, alors il atteint le fameux
quaternaire de Pythagore, hors duquel il n’y a rien.
C’est la Volonté qui fait être le Règne Hominal ce qu’il est,
et qui, l’inclinant vers la Providence ou le Destin, le conduit à une des deux fins de la
Nature, qui sont l’unité ou la divisibilité, la spiritualisation ou la matérialisation.

L’essence de la Volonté est la liberté. La nécessité existe


également dans la Providence et dans le Destin, mais elle diffère essentiellement sur
le fond :
La Nécessité providentielle agit par assentiment
La Nécessité fatidique agit par sensation
Le sentiment qui dépend de la Volonté adhère librement à l’une ou à l’autre de ces
nécessités, ou les repousse également pour rester dans son centre. La Volonté peut
rester dans son centre animique aussi longtemps qu’elle ne se divise pas.
Ce qui arrive à l’homme au Règne Hominal, arrive aussi à l’homme individuel. La
Volonté qui meut se Règne, libre dans son essence, reste libre dans chaque individu
humain que la nature physique manifeste.
Ces individus font partie d’un Tout sur lequel ils agissent et qui réagit sur eux. Cette
réaction forme un lien qu’on peut appeler solidarité. Les individus sont donc 137
solidaires dans les peuples, les Peuples dans les Nations, les Nations dans les Races,
les Races dans le Règne. Une solidarité universelle unit donc le Tout à ses parties, et
ses parties à son Tout. Rien ne peut être détruit. C’est par l’élaboration des individus
que s’effectue celle des masses, et par celle des masses que s’effectue celle de
l’Ensemble.
Les deux grands moyens d’élaboration des individus :
l’unité et la divisibilité, l’attraction et la répulsion, la formation et la dissolution, la vie
et la mort. La vie et la mort agissent dans les individus, l’attraction et la répulsion
dans les éléments, l’unité ou la divisibilité dans les principes.
C’est au moyen de la formation que le Règne Hominal tend
à réunir les individus qui le composent. Réunion depuis l’état d’isolement individuel,
jusqu’à l’universalisation sociale, ou le même culte, les mêmes lois, la même langue
réunissent tous les hommes. C’est au moyen de la dissolution que le mouvement
contraire a lieu, et que le Règne Hominal retombe dans la particularisation absolue,
en repassant par toutes les phases politiques, depuis l’empire universel jusqu’à la plus
étroite individualisation de l’homme sauvage.
Partis des premiers éléments de l’état social nous nous
sommes élevés jusqu’à l’empire universel, mais sans atteindre à la perfection. Ce
devait être pour nous une première élaboration, il devait y en avoir une seconde. En
effet, le mouvement de dissolution ne nous a pas ramené au plus bas de l’échelle
sociale, mais seulement à un des degrés mitoyens, ou la civilisation
quoiqu’interrompue, ne s’est point trouvée détruite. Nous avons dû ce bienfait à la
Providence qui a voulu que le culte destructif donné par Odin aux nations gothiques,
fut amorti par le culte conservateur institué par Jésus.

137
Revenons un moment sur nos pas pour continuer notre exploration historique.

Utilité de la Féodalité et du Christianisme.


Modifications de ces deux Régimes.
La Chevalerie et ses Suites.
Reformation de l’Etat Social en Europe.

Ces peuples farouches qui portaient partout la mort,


s’arrêtaient d’un coup au milieu de leurs victoires, et recevaient, de ceux mêmes qu’ils
avaient en horreur, les sciences et les arts, une religion qui contrariait leurs
penchants. Du cinquième au onzième siècle on voit une tendance décidée vers la
dissolution absolue, et des efforts pour s’y précipiter, toujours empêchée de
l’atteindre. Charlemagne, un des hommes les plus extraordinaires, ne parvint point à
l’empire universel, mais il rendit service à l’état social en resserrant le nœud qui en
empêchait la dissolution.
Deux institutions, très fortes, politique et religieuse,
sauvèrent l’Europe de la dissolution absolue : le Régime Féodal et le Christianisme.
La Providence appliqua le joug et le frein à l’égard de l’homme.
Cs deux institutions relâchèrent leur emprise au fur et à
mesure que les meurs s’adoucirent. Le régime féodal, au onzième siècle, était parvenu
au terme de sa grandeur, il ne pouvait que déchoir, son utilité diminuant. Rois et
barons changèrent d’attitude. Les barons vendaient à vil prix leurs domaines. Les 138
souverains s’enrichirent et augmentèrent leur puissance. Devenus de plus en plus
respectables, en même temps que puissants, ils eurent la force de suspendre les
querelles et les hostilités particulières. Ils fondèrent des tribunaux réguliers, d’où les
combats judiciaires, les appels en champ clos, et les jugements de Dieu, furent
insensiblement éloignés.

Cependant, le mouvement féodal contraignit à son tour le


christianisme de modifier la rigidité de ses préceptes et l’obscurité de son
enseignement. Cette réaction dépendit de la fondation de la chevalerie. Cet ordre de
la chevalerie fondé au début du douzième siècle fut le résultat de circonstances
particulières. Le même esprit qui avait engagé nombre d’individus à prendre les
armes pour défendre les pèlerins, en exit d’autres à se déclarer les protecteurs de la
faiblesse, et de l’innocence opprimée. L’humanité, l’amour, la justice, l’honneur,
étaient les qualités distinctives des chevaliers, qualités reconnues et consacrées par la
religion.
L’humanité adoucit puis abolit l’esclavage. L’amour polit
les meurs, ce qui fit germer une foule de vertus aimables, qui donnèrent naissance
aux beaux-arts. La justice opéra sur les caractères et parvint à réprimer la fougue des
passions. L’honneur éclaira la bravoure, et mit à la gloire son véritable prix. La guerre
se fit avec moins de férocité. La violence t l’oppression diminuèrent. Le respect pour
la vérité, l’attachement à ses devoirs, l’exactitude à tenir sa parole, formèrent le
caractère du gentilhomme. Un homme d’honneur fut un homme nouveau, et on
aurait vainement cherché le modèle ailleurs, ni chez les Grecs, ni chez les romains, ni
chez aucune autre nation de la terre.

138
La société fut obligée de transformer en vertus ce que
naguère on aurait considéré comme des faiblesses, et même comme des vices. Les
poètes cherchaient l’éloquence hors des Evangiles et de la Vulgate. On toléra la
lecture d’Ovide et de Virgile. Ils renouvelèrent le souvenir d’une mythologie ennemie
qu’on regardait comme un tissu d’impiétés.
Ainsi les choses changeaient. L’amour des chevaliers
excitait la verve des troubadours, qui enflammait l’imagination des artistes.
L’imagination des artistes développait l’esprit philosophique des érudits.
Cette égalité véritable dont on voyait briller l’aurore
remplissait les esprits d’un enthousiasme devant lequel la sévérité du culte était
obligée de céder. Il fallait céder à l’honneur.
Le mouvement donné aux esprits explorateurs les tourna
vers la métaphysique. Les premiers qui s’intitulèrent philosophes, épuisèrent leur
génie dans des reherches ou des spéculations pénibles et frivoles. Il s’en trouva
quelques-uns qui saisirent le fil les aidant à sortir des ténèbres et du labyrinthe où ils
étaient. Ils rencontrèrent Aristote, qui les conduisit à Platon. Quelques-uns
attendirent un temps plus propice pour exprimer leur opinion.
On attribue à Charlemagne la première ouverture d’une
université. Mais des troubles affreux persistaient. Et ce n’est guère que sous le
pontificat de Grégoire VII, que l’instruction publique reçut un réel encouragement.
Elle ne prit néanmoins une forme régulière et constante que vers le début du
treizième siècle. C’est l’époque où les sciences de la jurisprudence se développèrent.
On avait trouvé un exemplaire des Pandectes de Justinien. On l’étudia, le commenta,
et des professeurs de Droit civil furent nommés dans les principaux états d’Europe.
Ainsi l’émulation d’hommes nouveaux créa des rivaux aux gentilshommes d’armes.
On prisa également les gens de robe et les gens d’épée, les gentilshommes et les juges, 139
les chevaliers et les artistes. Les arts et les vertus de la paix commencèrent à être mis
à leur place.
Tels furent les premiers efforts que fit la Volonté de
l’homme pour se soustraire au joug du Destin, qui l’avait accablée, et qui l’aurait
entièrement anéantie, si la Providence ne s’y fut opposée. Ces efforts furent bons, et
auraient pu conduire à de nobles résultats, mais l’exagération, si prompte à se mêler
aux passions animiques, ne tarda pas à les pousser hors des bornes qu’ils auraient dû
garder.

Coup d’œil Historique sur les Principales


Nations
L’Espagne.

Ainsi, après quelques siècles de profonde ignorance et de


misère, la civilisation européenne, arrêtée sur le bord de l’abime par deux institutions
puissantes, féodalité et christianisme, s’était relevée de sa léthargie, et recommençait
son mouvement ascendant.
Elle avait du onzième au quinzième siècle fait des pas
rapides et déployé des forces formidables. L’Asie alarmée avait dû prendre des
précautions contre elle, ce qui s’était traduit par l’envahissement de l’Espagne, puis
par la prise et l’occupation de Constantinople.
Dans cet état, quel parti prendrait la Volonté de l’homme ?
Voudrait-elle enfin reconnaitre la Puissance de la Providence ou celle du Destin ?

139
Déjà grâce à l’affaiblissement du système féodal plusieurs grands royaumes s’étaient
formés. Au premier rang était l’Espagne, ensuite venait la France et l’Angleterre,
l’Italie et l’Allemagne. La Pologne et les états du nord, Suède t Danemark, n’étaient
pas en état de se mettre sur les rangs, et la Russie était inconnue.
L’Espagne, envahie par les Goths, qui ne l’épargnèrent pas, mais ne
restèrent pas longtemps. Les Sarrasins y portèrent les sciences et les arts des Arabes.
Et à son indépendance il se plaça en tête de la civilisation européenne. Mais la
reconquête s’était faite lentement. Et à la fin il y avait une vingtaine de rois
indépendants, chrétiens ou musulmans. Il y avait aussi un grand nombre de
chevaliers se considérant comme souverains, offraient leurs services à celui qui payait
le mieux.
Le système féodal avait pris en Espagne un caractère particulier, et participant en
quelque sorte de la démocratie. Nulle part les bornes de la prérogative royale
n’étaient plus étroites. Nulle part les nobles n’affectaient plus d’orgueil, et les citoyens
des villes plus indépendants. C’est en Espagne qu’on a vu pour la première fois les
peuples insurgés déposer leurs rois. Cet abus de la force populaire était appelé le
Privilège de l’Union, et faisait partie des coutumes légales du royaume d’Aragon. Ce
sont les Cortès, assemblées parlementaires, qui exerçaient la souveraineté. Au-
dessus, une sorte de surveillant, un interprète des lois, un Gang Justicier appelé
Justiza, exigeait des comptes de tous les magistrats et du roi. C’était donc en Espagne
que la Volonté de l’homme avait exagéré ses efforts. Mais la Providence en
déterminant la mission de Mahomet a fourni au Destin des armes pour s’y opposer.
Les royaumes de Castille, de Valence et de Catalogne, un
peu en retrait par rapport à Aragon n’étaient guère plus favorables à la royauté. Les
nobles possédaient la plupart des terres. Les peuples étaient insubordonnés.
L’Espagne manquait d’unité. Même après la réunion en un seul royaume par le 140
mariage de Ferdinand et Isabelle, les diverses parties mal jointes ne formaient pas un
tout régulier. Ce défaut d’ensemble entraina que les connaissances et les lumières
précoces reçues des Arabes, ne firent que lui inspirer qu’un orgueil qui la perdit.
Les victoires de Ferdinand sur les Maures lui permit de
tourner ses forces contre l’aristocratie féodale, et de restreindre l’influence de la
chevalerie et des Cortès, qui finirent par disparaitre entièrement.
Ainsi l’aristocratie fut abattue. Mais le monarque se livrait
à la démocratie, qui d’abord obéissante, ensuite réclama ses libertés et même
l’insurrection. Pour endiguer cet élan, Ferdinand qui n’était pas religieux, eut le
malheur de s’attacher à la religion, avec l’exemple du funeste buché des Albigeois.
Ferdinand vit dans l’inquisition un frein à l’élan démocratique.
Les Aragonais s’opposèrent aux inquisiteurs et tuèrent même leur chef. Mais la force
militaire de Ferdinand comprima ces rebelles. Ferdinand reçu du Pape Alexandre le
nom de Catholique ; Il eut mieux mérité celui de despote. La Providence outragée
s’éloigna de l’Espagne. Et la Volonté de l’homme, violemment comprimée par le
Destin, chercha à faire explosion comme on le verra.

France. Angleterre, Italie.

La France, après l’Espagne, était l’état européen le plus florissant.


Le régime féodal établi dès la première Race, avait commencé à fléchir sous la
seconde, et dans les mains de Charlemagne tendait à prendre des formes impériales.

140
Mais sous ses faibles successeurs, tout ce qu’il avait cherché à réunir se divisa. En
France et en Allemagne la féodalité offrit les plus petites divisions, et pencha le plus
vers l’anarchie aristocratique.
Ceci était un effet inévitable du règne de Charlemagne.
Dans le courant du neuvième siècle, il n’existait plus aucune
autorité en France, le peuple y était en esclavage. Les rois, dénués d’armée, de
domaines, et de sujets même, languissaient sans honneur.
Enfin Hugues Capet, chef de la troisième Race, fut appelé au
trône par l’assentiment des grands du royaume. Cet événement décida du sort de la
France, donnant à la royauté une force réelle. Les successeurs de Hugues Capet
s’emparèrent sans bruit des Etats de la nation, qui sous le nom de Champ de Mars,
avait représenté le corps féodal du temps de la première race. Ces états se laissèrent
facilement dominer par des princes capables de faire agir le mobile de l’intérêt ou de
la crainte ; et consentirent à se dépouiller pour eux de la puissance législative.
Ce premier pas fait, les rois de France, Louis le gros et Philippe le
Bel, l’affermirent en donnant la liberté aux communes, en ouvrant à leurs députés
l’entrée de ces mêmes états, qui dès lors prirent le nom d’états généraux.
Les monarques devenus législateurs en prirent le style et les
attributions. Ils éloignèrent peu à peu ces états généraux et finirent par les remplacer
par les juges de leur cour. Ces juges prirent le nom de Parlement, auquel ils
attribuèrent les fonctions judiciaires puis l’enregistrement des actes législatifs.
La France pencha vers la monarchie absolue. La royauté
dépendait du génie du prince.

L’Angleterre, longtemps rivale de la France, et souvent rivale


heureuse, avait éprouvé les mêmes vicissitudes. Envahie par les farouches disciples 141
d’Odin, elle avait moins résisté que le continent. Tour à tour envahie par les Angles,
par les Saxons, par les Danois, par les Normands, elle avait plié sous leur joug,
changeant de maitre, de lois comme de meurs.
D’abord divisée en une foule de petits souverains, toujours en
guerre, s’étaient réduits à sept formant l’Heptarchie saxone. Un roi de Wexex, Egbert,
avait réuni les sept royaumes en Angleterre. Cette réunion produisit le règne d’Alfred,
le Grand, qui fut pour l’Angleterre ce que Charlemagne avait été pour la France. A la
mort d’Alfred tout rentra en confusion.
A cette époque, les barons anglais profitèrent de la faiblesse du
roi pour retrouver leurs anciens privilèges. Mais au bout d’un certain temps, les
concessions arrachées tournèrent plus à l’avantage des communes. La turbulence se
retourna contre les barons. Le système féodal céda à la multitude et ne put se
conserver qu’à la faveur de la démocratie, qu’il admit dans son sein.

Ainsi, en Angleterre, la féodalité, en tombant, s’appuya sur la


démocratie.
En Espagne, la royauté triomphant de la féodalité se reposa sur la
religion, considérée comme moyen coercitif.
En France, la royauté se flattait de contenir la féodalité et les
communes, par la force des armes et la seule illusion du sceptre.
Il y avait plus de Volonté que de Destin en Angleterre, plus de
Destin que de Volonté en France et en Espagne. Mais la France avait cet avantage sur
l’Espagne : Elle ne profanait pas la puissance de la Providence, en abusant de son
nom pour étayer son autorité, et les bases de son gouvernement étant plus vraies
étaient plus fortes.

141
Le sort de l’Italie fut plus affreux. On appela Lombards, les Goths
qui s’y fixèrent après l’avoir ravagée. Le règne de Charlemagne arrêta un moment le
désordre. Mais après lui, son fils, Louis le Débonnaire divisa l’empire, qui se
subdivisa à la mort de son fils, Lothaire, et bientôt n’exista plus.
La couronne de l’Allemagne, sur la tête de Conrad, comte de la
Franconie, fut séparée de celle de la France, sur la tête d’Hugues Capet. Mais avant
ces deux événements, les membres féodaux s’étaient tous rendus souverains dans
leurs domaines.
Or, à ce moment-là, il se trouva des villes sans chef militaire, ni
de baron saisissant l’autorité. Par contre il y eut des évêques ou des abbés, des juges,
des magistrats municipaux, qui se voyant maitres dans ces villes, consolidèrent leur
puissance sans que personne ne s’y oppose. En sorte, le système féodal fut morcelé.
Le fond ne sortait pas de l’anarchie féodale.

L’Espagne, la France, l’Angleterre, ou ne reçurent pas ces formes,


ou ne les gardèrent pas longtemps. Mais en Italie et en Allemagne, il y eut quantités
de petites souverainetés ecclésiastiques et municipales, d’abord intitulées impériales,
pour relever de l’empire, mais finirent par se rendre indépendantes. Ce n’était partout
que factions, jalousies, complots. On s’assassinait, on s’empoisonnait.
Venise, Gènes, Pise, Florence, se distinguaient par leur
commerce, Venise avec Alexandrie. Le gouvernement qui s’installa en Italie ne fut pas
républicain mais emporocratique. Cette espèce de gouvernement qui passa d’Italie en
Flandres, se naturalisa en Hollande.
Toutes les fois que le gouvernement devient représentatif il
tourne à l’emporocratie. Rousseau a eu raison sur ce point. Il a bien vu que la Volonté
populaire, principe essentiel de toute république, ne saurait être représentée. L’idée 142
des représentants est moderne, ainsi qu’il le dit, ou plutôt elle est renouvelée de
l’ancien gouvernement des Celtes, et modifiée d’après le système féodal des Goths.
Avant les Hollandais, les Suisses échappant au joug de l’Autriche,
avait eu la prétention de constituer une république. Mais c’était tout simplement une
association municipale qu’ils avaient constituée. Depuis la chute de l’empire romain,
il n’a point existé, en Europe, un seul gouvernement qu’on puisse qualifier
d’homogène et de parfait dans son genre. Ils ont tous entrainé un mélange des
éléments les plus opposés.

Quelle était Rome. Ce qu’elle aurait dû être.


Situation des Papes et des Empereurs.

Dans le chapitre précédent, je n’ai pas parlé de Rome. C’est


qu’il est difficile de savoir si l’on doit la considérer comme ville sacrée, impériale, ou
libre. Ce put être l’un ou l’autre selon les circonstances, et on les lui a donnés selon les
partis qui y ont dominé. Mais elle n’en a mérité entièrement aucun. La Providence, le
Destin, la Volonté de l’homme, s’y sont montrés, et ont déployé des forces
considérables sans jamais pouvoir se réunir ni se séparer. Rome a été le lieu d’un
combat éternel entre ces trois puissances. Elle a été le théâtre d’une infinité de
révolutions.
Il est évident que si la religion chrétienne a dû avoir un
souverain pontife, il a dû avoir un siège inviolable et sacré. Il faut qu’il ait un lieu de

142
refuge tellement révéré que nul ne puisse y mettre le pied sans son aveu. Dès qu’un
véritable Souverain Pontife existe il doit être hors d’atteinte de la Puissance civile.
En supposant que les Peuples soient habiles à se donner
des lois à eux-mêmes, il n’est pas vrai qu’ils puissent se donner un culte. Car tout
culte suppose une inspiration ou une révélation divine dont, considérés en masse, ils
sont incapables.
Au reste la difficulté a toujours été, en Europe, de savoir
s’il y avait non seulement un souverain pontife, mais aussi un Empereur, et si ce
Pontife serait le Patriarche de Constantinople ou de Rome, et l’Empereur celui
d’Orient ou d’Occident. Après l’irruption des barbares et leur établissement en
Occident, l’empire d’Orient prétendit dominer. Son Patriarche s’arrogea tous les
droits du sacerdoce. L’Eglise grecque méprisait l’Eglise latine. Au temps des
croisades, les Grecs virent arriver les Francs avec terreur. Il y eut donc une lutte entre
les deux Eglises, lutte qui s’envenima, et enfanta un schisme dont Photius fournit le
premier prétexte.
Le Patriarche de Rome resta donc le seul souverain Pontife
de l’Eglise latine, le Pape, et jouit d’un sort billant grâce à la magnificence de Pépin
qu’il avait sacré. Charlemagne s’était emparé de Rome. Mais à sa mort, ses
successeurs virent l’édifice élevé s’écrouler. Enfin la couronne impériale passée des
Francs aux Allemands, devint presque subitement le partage des Saxons qui
n’aimaient pas les Pontifes. Le siège pontifical fut en proie aux horreurs.
Il n’y avait plus aucune dignité attachée à la tiare. Le trône
saint s’achetait, se vendait, s’ensanglantait. L’Italie était sous le joug des Allemands.
Orthon II, le Sanguinaire ordonna le massacre des principaux sénateurs pour les
réduire au silence. Mais peu d’années après, un Consul, Crescentius proclama
l’indépendance de Rome. Orthon III le fit pendre par les pieds. L’empereur fit couper 143
les mains, les oreilles et crever les yeux au Pape Jean XXII et publia que c’était un
antipape.
Les empereurs Allemands ou plutôt Saxons voulaient que
les Pontifes chrétiens n’aient aucune puissance civile, pas d’asile, pas de lieu pour
reposer leur tête, et qu’ils soient à leurs ordres.
Mais enfin cela ne se pouvait pas. La Volonté de l’homme
s’était laissée abusée par les passions les plus basses et les plus obscures. L’ombre de
la puissance providentielle révoltait son orgueil, irritait son envie. Elle aimait mieux
subir le joug de fer du Destin, et se consoler de ses maux en disant : c’est la force, c’est
la nécessité.

Eh bien, la force et la nécessité se placèrent sur le trône


pontifical. Grégoire VII, doué d’un grand caractère, intrépide, audacieux, sévère, fit
courber le front aux monarques. Il déclara excommuniés tous ceux qui recevraient
des investitures sacerdotales d’un laïque, comme ceux qui les donneraient. Il menace
de frapper d’anathème les rois coupables. Le monarque Allemand par le Concile de
Worms fait déposer Grégoire VII. Mais ce dernier convoque un Concile plus régulier
et fait excommunier l’empereur et le déchoit du trône.
Ce coup inattendu frappe l’Europe de stupeur. Le prince
dépouillé de sa force morale est terrassé. Les principaux souverains Allemands,
ecclésiastiques et temporels se soulèvent contre lui. Le monarque est contraint de
plier devant la puissance terrible qui se déploie pour la première fois.

Grégoire arrêta donc d’un mot sa carrière, sans avoir


besoin de force physique, ce guerrier courageux qui avait triomphé de deux

143
concurrents redoutables, soumit la Saxe et qui était la terreur de l’Europe. Tout ce
qu’il put faire en réaction, ce fut d’augmenter le trouble, et donner naissance à deux
factions opposées, qui pendant trois siècles agitèrent l’Italie et l’Allemagne. La faction
des Gueltes défendait l’autorité sacerdotale, et celle des Gibelins les empereurs. Au
milieu la puissance impériale s’affaiblit, et meurtres, attentats, souillèrent le trône.
Rodolphe de Habsbourg, fondateur de la Maison
d’Autriche, fut enfin élu empereur en 1273, surtout parce qu’il ne suscitait aucune
jalousie de ses rivaux. Ainsi, les deux chefs de cette féodalité gothique qu’on appelait
empire, le Pape et l’Empereur se détruisirent mutuellement. Grégoire VII ne parvint
pas, malgré tout son génie, à saisir la puissance universelle à laquelle il prétendait,
parce que l’essence même de son culte s’y opposa. Il ne put faire reconnaitre par le
corps sacerdotal les rois qu’il mettait en place, ni faire tomber l’autorité que
s’arrogeaient les Conciles. Ce défaut d’unité était inhérent au culte chrétien. L’Eglise
s’était revêtue, dès sa naissance, des formes républicaines de l’empire romain. Et cet
empire en se reconstruisant avait encore ajouté à ces formes incohérentes tous les
abus de la féodalité gothique.

Les mêmes inconvénients qui existaient dans l’Eglise existaient dans l’Empire.
Quoique les empereurs d’Allemagne regardassent tous les princes d’Europe, et même
les doges de Venise et de Gènes, comme leurs vassaux, il n’y avait pas un seul de ces
princes qui voulut se soumettre à leurs ordres. Quelle dignité pouvait avoir un pareil
ensemble ? A Rome on voulait un mendiant, disant amen, pour souverain pontife. En
Allemagne on voulait un roi de théâtre.

Telle était en général la situation en Europe, et le point où le déploiement de leur


Volonté particulière avait conduit ces principales nations. 144

Lutte de la France contre l’Angleterre.


Danger de la France abandonnée par le Destin.
Mouvement de la Providence en sa Faveur.
Jeanne d’Arc.

Chacune des nations d’Europe, ambitieuse de


dominer sur les autres, ne pouvait se dissimuler qu’elle fût trop faible pour cela. Il
aurait fallu qu’au moins deux d’entre elles s’associent. La réunion de la France et de
l’Allemagne, tentée plusieurs fois, avait échoué.
Les Allemands se tournèrent vers l’Italie. La haine
des Papes contre eux, les dissensions entre les Gueltes et les Gibelins, les rivalités de
la part des français et des espagnols, tout cela empêcha d’y faire des conquêtes.
L’Allemagne d’ailleurs, en proie à toutes ces calamités, ne pouvait former aucun plan
suivi et régulier.
L’Espagne après s’être réunie dans les mains d’un
seul monarque eut des vues sur l’Italie. Déjà les princes d’Aragon tenaient Naples.
Quant à la France et l’Angleterre, elles sentaient
qu’il était important pour l’une d’elles de faire la conquête de l’autre. Après plusieurs
péripéties malheureuses, dont la fatale bataille d’Azincourt, il était difficile de prévoir
comment la France pourrait survivre à tant de désastres.

144
Cependant la France avait eu Clovis, Charles-
Martel, Charlemagne, Hugues Capet, Philippe Auguste, Saint Louis, etc… Si l’on
considère la succession des rois en Europe du dixième au quinzième siècle, on verra
qu’il y a un grand avantage de grandeur, de talent, de légitimité même, parmi les rois
de France.
A cette époque Charles VI avait perdu l’esprit. Les
français étaient haïs et persécutés chez les étrangers. Les anglais, vainqueurs à
Azincourt, inondaient et ravageaient les provinces. Le Destin des anglais l’emportait,
les français allaient succomber.
Cependant la Providence qui veut son salut ménage
de loin l’événement extraordinaire qui veut la sauver. Trois femmes,
malheureusement célèbres avaient été les instruments fatidiques de tant de
calamités.
Eléonore de Guienne, femme de Louis-le-jeune, avait dépouillé la France de
ses plus fertiles provinces pour les donner en dot au roi d’Angleterre, Henri d’Anjou.
Isabelle de France, sœur de Charles-le-Bel, meurtrière de son mari, avait
donné des prétentions sur la couronne de France à son fils Edouard III
Isabelle de Bavière, épouse de Charles VI, avait consenti à l’exhérédation de
son fils, pour appeler au trône son gendre Henri V.
Ces trois femmes s’étaient déshonorées par leurs intrigues, leurs cruautés ou leurs
vices.
La Providence, résolue à renverser, par le bras d’une
femme pure et sainte, l’édifice de honte et de scandale élevé par ces trois femmes, et
son action toute puissante, dominant à la fois la fatalité du Destin, et la force de la
Volonté, va frapper dans un humble village, le cœur d’une jeune fille, dont elle fait
une nouvelle Voluspa. Jeanne d’Arc, la Pucelle, a sauvé la France d’un joug odieux 145

On connait la légende de Jeanne d’Arc.


Elle force les anglais à lever le siège d’Orléans et fait sacrer le roi à Reims.
La France fut sauvée parce qu’elle devait l’être. Mais l’ingrat monarque qui a
abandonné la jeune fille à son sort, périt misérablement et sa maison fut éteinte peu
de temps après.
Jamais la Providence n’avait manifesté sa puissance
d’une manière moins équivoque. Les lois de nécessité et de liberté qu’elle s’est
imposées à elle-même avaient été suspendues.
La France vit son héroïne livrée par un funeste Destin au duc de Luxembourg, puis
vendue aux anglais et trainée devant un tribunal inique à Rouen. Elle périt dans des
flammes comme une sorcière inspirée par un esprit infernal.
La France le vit et put le souffrir. Charles ne bougea pas un petit doigt pour sauver la
Pucelle. Mais la Providence est juste :
La Peste qui ravagea Athènes vengea la mort de Socrate.
Les juifs, dispersés depuis dix-huit siècles expient encore leur lâche déïcide.
La France, retardée dans sa carrière, livrée à des maux infinis, a du s’absoudre
du supplice de Jeanne d’Arc.
La solidarité des peuples n’est pas une chimère. Ce
n’est pas impunément que les nations peuvent égorger leurs grands hommes, ou
briser de leurs mains les instruments de la Providence. La réaction est, dans ces cas-
là, égale à l’action, et le châtiment égal au forfait. C’est en vain que l’on dirait que les
individus sont, pour la plupart, innocents. Cela n’est pas vrai. Il n’y a d’innocent que
ceux qui s’opposent au crime. Ceux qui le souffrent le partagent.

145
Causes d’un Double Mouvement de la Volonté
Dans le Système Politique et dans le Culte.
Découverte du Nouveau Monde.

La Providence avait voulu que la France fut sauvée. Mais


les français ingrats souffrirent. La France éminemment favorisée ferma les yeux à son
éclat. La royauté anéantit la suprématie sacerdotale, domina par les uns, par les
autres, sur les barons, sur les peuples. Et surtout ses successeurs abusèrent de tous
ces pouvoirs.
En Italie, le trône pontifical, déshonoré par Alexandre VI,
était devenu sous Jules II qu’un trône monarchique. Léon X qui lui succéda fut un roi
généreux, protecteur des arts et des lettres, mais pas un pontife. Les Papes devenus
souverains temporels, s’étaient accoutumés à considérer la religion comme un
instrument politique. La cour des Papes fut regardée comme le berceau de cette
politique moderne qui consiste dans la finesse des négociations et dans l’astuce de les
conduire. Et si elle ne s’allia pas avec les Musulmans de Constantinople, il existe des
preuves qu’elle écouta leurs propositions.
La France, elle, s’unit aux Turcs. Cette hardiesse lui
procura un moment d’éclat sous Louis XIV, mais chèrement payée par les
humiliations sous Louis XV, et les épouvantables malheurs qui termineront le règne
de Louis XVI.

Si l’on veut réfléchir sur la situation de l’Europe :


Les Turcs affermis à Constantinople, y avaient élevé une barrière du côté de 146
l’Asie.
Et de l’autre la France ayant anéanti le système féodal, s’était réunie en une
monarchie à peu près despotique sous Louis XI.
La Providence rejetait toute forme de joug. Elle médita un
double mouvement :
D’un côté elle enflamma l’industrie mercantile des Italiens et des Portugais,
génés par les conquêtes des Turcs à l’Orient, et les poussa à des découvertes nouvelles
à l’Occident. Ainsi elle étendait son domaine, et se préparait de loin à des asiles en cas
de défaite.
D’un autre elle exalta l’orgueil systématique des moines anglais et allemands,
froissés par l’arrogance des ultramontains, et les excita à soumettre à l’examen des
dogmes que les Papes avaient résolu d’y soustraire. Ainsi elle engageait par les seules
armes qui lui restaient un combat dont les chances lui offraient des avantages.

Dès le début du quatorzième siècle, à Naples, un nommé Flavio Gioïa,


avait renouvelé l’usage de la boussole. Les navigateurs pouvaient alors entreprendre
des voyages au long cours. Les Portugais avaient découvert l’ile de Madère et les
Açores. Un Génois, Christophe Colomb, pensait trouver un autre continent en
voguant vers l’occident. Gènes et la France refusèrent de lui fournir des vaisseaux.
L’Espagne l’accueillit. Il mit la voile le 3 août 1942, et à Noël il arriva à Haïti. Puis
lorsque Colomb entreprit son second et troisième voyage, une foule d’aventuriers de
toutes nations se précipita sur ses traces.
Améric Vespuce, nom donné au nouveau monde de Colomb. Mais c’est Avarès Cabral
qui aborda le premier au Brésil. Cortès et Pizarre conquérants du Mexique et du
Pérou furent les plus fameux de ces aventuriers.

146
Presque tous périrent misérablement. Colomb, lui-même, renvoyé de Haïti enchainé,
fut remis en liberté en Espagne par Ferdinand, sans lui rendre justice. Mort de
chagrin peu après, Colomb se fit ensevelir avec les fers dont il avait été chargé.

Situation du Nouveau Monde à sa Découverte.


Révolutions qu’il avait éprouvées.
Atlantide.

Le nouvel hémisphère, dont Colomb avait entrainé la


découverte, était un Monde assez nouveau, produisant dans les trois règnes, des êtres
ou des substances avec des traits de jeunesse. Les montagnes étaient plus hautes, les
fleuves plus grands, des lacs plus nombreux et plus vastes. Mais le règne végétal y
manquait de sève et de vigueur. Les animaux, pumas et jaguars, n’avaient pas
l’intrépidité ni la voracité des animaux d’Afrique, lions et tigres. Le climat était plus
humide et plus froid. Les végétaux flexibles, les reptiles venimeux, les insectes
importuns, s’y propageaient seuls avec rapidité. Le sol était peu productif et il y avait
peu d’habitants. Deux nations étaient entièrement formées, le Mexique et le Pérou.
Tout le reste du continent était peuplé de petites tribus, dénuées de lois, d’arts et
d’industrie, et privées du secours des animaux domestiques.
Les deux nations étaient aux balbutiements de l’état social. Ils se seraient peut-être
développés avec grandeur. Mais la Volonté européenne les a écrasés dans leur
commencement.

La Volonté fortement comprimée en Europe par le Destin, 147


s’échappe et se fraie une route vers l’Amérique. Elle ne peut le faire sans employer,
instrumentaliser les passions des hommes volitifs.
Les Espagnols qui avaient courbé le dos sous la politique en
Europe, ignorants, avides et farouches, se vengèrent sur ces nouveaux peuples. Alors
qu’ils auraient pu les soumettre sans les détruire, conquérir l’Amérique sans la
ravager, ils se conduisirent comme des voleurs ; Les Espagnols en massacrant les
américains commirent un crime national, dont toute la nation devint responsable, et
dut expier.
A ce stade il faut préciser la pensée de Fabre d’Olivet :
« Je ne pense pas qu’un homme perde tout en perdant la vie, et qu’un peuple puisse être détruit. Il y a
seulement perte de temps ou changement de formes. Ce qui n’est qu’interrompu doit recommencer.
Prenons un exemple : Je vois un gland qui germe. Ma volonté veut s’opposer à cet effet. J’écrase le gland. Le
chêne qu’il devait donner est interrompu, ce gland écrasé ne donnera pas un chêne. Mais je n’ai pas détruit,
anéanti le Principe qui agissait dans ce gland, et ce principe continuera à donner des chênes à partir de
glands, semblables au premier. Mon action destructive par rapport au gland est insignifiante, mais par rapport
à moi, surtout si j’ai agi avec malice, envie, ou tout autre mauvais sentiment, cela aura une action négative et
néfaste.
Revenons aux Américains. Lorsque les Espagnols les
rencontrèrent ils étaient dans l’enfance de l’état social. Ils étaient faibles
physiquement et moralement. Ils appartenaient à la Race Rouge. Ils étaient le
résultat d’un premier mélange lorsque la Race Blanche n’existait pas encore, à une
époque très reculée, et d’un second mélange moins ancien, lorsque cette Race existait
déjà depuis longtemps. Ces peuples indigènes avaient perdu la trace de leur origine.

147
Les Mexicains disaient que leurs législateurs étaient venus d’une contrée située au
nord-est de leur empire.

Le récit le plus authentique du désastre de l’Atlantide a été


conservé par Platon, qui l’attribue, dans son dialogue de Timée, à un prêtre Egyptien,
discourant à Saïs avec Solon. Ce prêtre fait remonter la catastrophe à neuf mille ans,
c’est-à-dire pour nous environ onze mille quatre cents années.
L’Atlantide était plus grande que l’Afrique et l’Asie réunies. Elle
était située dans l’Atlantique en face des colonnes d’Hercule. Il y avait des rois
célèbres qui régnaient sur l’Atlantide, sur toutes les iles adjacentes, mais encore sur
une partie de l’Afrique, jusqu’en Egypte, et sur l’Europe occidentale jusqu’à la
Tyrrhénie.
Un tremblement de terre survint, suivi d’un déluge et les peuples
furent engloutis.
On peut reconnaitre dans la description du prêtre l’hémisphère
colombique. Aussi il serait certain que l’Amérique est cette ile dont l’antiquité a
raconté tant de merveilles. Elle s’étendait plus vers le pole austral et moins vers le
boréal. La Race austréenne y dominait ; Cette Race était Rouge, elle avait civilisé la
Race Noire.
A cette époque, il y a douze mille ans, le globe terrestre était dans
une position différente, la masse des mers couvrait principalement la partie nord de
l’hémisphère colombique. Au moment le plus florissant de l’Atlantide se produit la
catastrophe. On en trouve des traces dans tous les livres sacrés. Les philosophes et
naturalistes cherchant les causes de ces déluges ou cataclysmes, en ont trouvé, ou
d’insuffisantes, ou d’erronées. Les théosophes se sont tous accordés sur la cause
métaphysique, résidant dans la perversion absolue des peuples, et leur entier 148
abandon de la Providence. Moïse est formel sur ce point. Pythagore et Platon ne
diffèrent ni de Kong-Tzée, ni de Meng-Tzée, et Krishnen s’accorde avec Odin.
Il existe deux espèces de déluges à ne pas confondre :
Le déluge universel dont parle Moïse, sous le nom de Maboul, que les
Brahmes appellent Dinapralayam, et qui est une crise de la nature qui met un terme à
son action ; c’est une reprise en dissolution des êtres créés. La description et la
connaissance des causes et des effets de ce déluge appartiennent à la Cosmogonie ;
Ne parlons pas de celui-ci car il détruit l’homme tout à fait.
Les déluges de la seconde espèce occasionnent des interruptions
partielles dans la marche des choses. Parmi ces cataclysmes on peut considérer celui
qui détruisit l’Atlantide ; Les savants n’ont pas trouvé la cause. Alors que je pense à
une cause naturelle due à la configuration du globe telle que je l’ai dite, et qui s’est
modifiée comme nous la connaissons aujourd’hui ; Toutes les terres australes
disparurent, où se trouvait l’Atlantide. Du côté opposé, boréal, les terres sortirent des
eaux, et servirent de berceau à la Race Blanche boréenne. La Race Noire ou Sudéenne
souffrit beaucoup moins que la Race Rouge, austréenne, de la catastrophe. Cette Race
périt presque entièrement. Seuls quelques hommes sur les Monts Apalaches, les
Cordelières ou les Tapayas, échappèrent à la destruction. Les Mexicains, les
Péruviens et les Brasaliens, avaient pour ces montagnes une vénération particulière.
Ils conservaient comme vague souvenir qu’elles avaient servi d’asile à leurs ancêtres.
Encore de nos jours, les sauvages des Florides vont quatre fois par an en pèlerinage
sur le mont Olaymi, le plus élevé des Apalaches, pour offrir un sacrifice au soleil en
mémoire de cet événement.

148
Conquête des Espagnols. Leurs Crimes.
Etablissement des Portugais en Asie

Bacon croyait comme moi que l’Amérique avait fait partie


de l’antique Atlantide. Il dit que les habitants étaient très puissants. Ils essayèrent de
soumettre l’ancien continent par les armes ; Après la submersion, quelques hommes
épars se sauvèrent sur les sommets des montagnes. Ces hommes s’abâtardirent et
devinrent sauvages. Ils vécurent longtemps sans lois, isolés. Lorsque les plaines se
découvrirent ils se réunirent pour les habiter.

La Race Sudéenne resta la plus forte sur notre hémisphère. Elle


saisit la domination, après avoir passé toutes les phases de l’état social, et renouvelé
la masse des connaissances humaines. Elle rencontra la Race Boréenne, encore dans
l’enfance de la civilisation, et pour les raisons que j’ai exposées ne la détruisit pas. J’ai
même parlé des raisons qui causèrent la ruine de la Race austréenne, lorsque les
Européens en rencontrèrent sur l’hémisphère colombique, les débris qui
commençaient à se reformer. La principale raison fut que des sociétés s’étaient fixées,
et constituées des empires considérables, avant d’avoir acquis les forces et les
connaissances nécessaires pour les conserver en cas d’attaque. Pour que ces empires
florissent il aurait fallu qu’ils restent inconnus encore longtemps. La Providence avait
fourni le principe de ces associations brillantes au Mexique, au Pérou. Le Destin les
protégeait en silence. Mais la Volonté de l’homme, pressée de chercher hors de
l’ancien hémisphère un asile contre l’asservissement dont elle était menacée,
découvrit le Nouveau Monde. 149
Au début les hommes étaient avides et passionnés, dépourvus de lumières et de
morale ; Les premiers Européens exercèrent cruautés et pillages ; Quand Colomb
découvrit Haïti il y avait un million d’habitants, quinze ans après il en restait soixante
mille. Casas conseille d’acheter des noirs en Afrique. Le fatal commerce d’esclaves fut
établi par un édit de Charles-Quint.
Ce sont les Génois, constitués en république emporocratique, furent les premiers à se
charger de ce monopole. Il fallut qu’un peuple décrépit vienne partager l’infortune
d’un peuple enfant. Mais au vu de l’état des choses en Amérique cela était
indispensable. La Volonté méditait un établissement, et entrainait avec elle l’esprit
d’emporocratie, qui n’est qu’un républicanisme dégénéré. Il était nécessaire d’y faire
naitre l’esclavage afin d’éviter la misère absolue d’une partie du peuple.
Car il est certain, que toute république emporocratique, où l’esclavage n’est pas établi,
devra fonder sa grandeur sur la misère d’une partie du peuple.

Des documents ont été détruits. Mais il parait probable que c’est au moment où les
Scandinaves naviguaient sur toutes les mers, qu’un de leurs navires alla toucher les
côtes du Canada et de Floride. Quoi qu’il en soit, la tradition rapportait qu’à cette
époque, un homme favorisé du ciel engagea plusieurs tribus à se fixer dans la contrée
la plus fertile, Arnabac, et s’y établit avec un gouvernement régulier.
Les débuts du Mexique ne remontaient pas à plus de six siècles avant l’arrivée des
Espagnols, et n’était qu’un peuple enfant qui avait reçu sa législation religieuse et
civile du nord de l’Europe, sans doute les Scandinaves, appelés Normands.
Les Mexicains avaient ébauché tous les arts sans en perfectionner aucun. Leur
écriture consistait en tableaux hiéroglyphiques. L’année était divisée en dix-huit mois
de vingt jours, auxquels ils ajoutaient cinq jours complémentaires. L’agriculture était

149
imparfaite. Ils ne connaissaient pas la monnaie. Les impôts se payaient en nature.
L’Etat Social était à son aurore.

L’empire du Pérou, aussi dans l’enfance, offrait des formes plus agréables, la religion
plus douce et le culte plus brillant. Les Péruviens adoraient le soleil et la lune,
rendaient des honneurs aux Ancêtres. Selon les traditions leur législateur, Manco-
Capac, parut avec sa femme, Mamma-Ocollo, sur les bords du lac Titia, en
s’annonçant comme le fils du soleil. Il rassembla les peuplades errantes, leur enseigna
l’agriculture, les initia aux arts, leur donna des lois, et se fit reconnaitre comme
souverain théocratique. Il fonda l’édifice social sur la religion. L’Inca Péruvien était
vénéré comme le fils du soleil.
A l’arrivée des Espagnols Huana-Capac était sur le trône. Il
mourut, et laissa la moitié de l’empire, le royaume Quito, à son fils, Ata-Hualpa,et
l’autre moitié de l’empire, le royaume de Quzco, à son frère Huascar. Ce partage
causa le mécontentement et alluma une guerre civile. Le perfide Pizarre en profita
pour offrir son secours à Ata-Hualpa, s’approcha de lui et l’enleva du milieu de ses
sujets dans des formes odieuses ; Un prêtre, Valverde, prêta son ministère pour
confirmer la sentence de mort prononcée par l’Espagnol. Atahualpa fut étranglé, par
grâce spéciale, au lieu d’être brulé vif.
Le Mexique et le Pérou furent ainsi conquis et soumis à la
couronne d’Espagne. Les conquêtes achetées par de tels crimes ne pouvaient porter
avec elles ni gloire ni bonheur.
Les Portugais aussi cruels que les Espagnols ne furent pas plus
heureux. Ils avaient été poussés à trouver une nouvelle route vers les Indes. Ils
doublèrent enfin le cap des Tempêtes, Cap de Bonne Espérance. Avec Vasco de Gama
puis Alphonse d’Albuquerque ils combattirent les rois de Calicut, d’Ormus, de Siam, 150
et défirent la flotte du Soudan, d’Egypte. Ils s’emparèrent de Goa, de Malaca, d’Aden
et d’Ormus. Ils s’établirent sur Ceylan, dans le Bengale, fondèrent Macao. Ils furent
les maitres du commerce depuis l’Atlantique jusqu’à la mer d’Ethiopie. Ils
renversèrent la fortune de Venise. La route du Tage et du Gange devint fréquentée. La
découverte du Japon sembla mettre le comble à la grandeur du Portugal.

Ces découvertes faites dans les deux hémisphères, et les


immenses richesses procurées, loin d’enrichir les Espagnols et les Portugais, finirent
par les appauvrir. Car ils négligèrent l’agriculture et l’industrie manufacturière. Les
colonies d’Adie, du Mexique et du Pérou, et du Brésil, dépleupèrent les Espagnes.
Le Portugal tombé aux mains de l’Espagne, à la fin du seizième
siècle, faisait en apparence de Philippe II le roi le plus puissant du Monde. Cette
grandeur était illusoire. Cela devint clair lorsqu’on vit en Allemagne, au moyen de
Luther, quelques provinces se révolter et résister. La Hollande ainsi constituée
s’empara de toutes les conquêtes des Portugais ; L’Angleterre, peu de temps après,
domina l’Espagne, et jeta en Amérique septentrionale, un germe d’emporocratie, et
menaça l’Europe d’un bouleversement.
Ainsi la Volonté de l’homme réussit dans la profondeur de ses
desseins, échappa au Destin, qui croyait l’avoir accablée, et toujours indomptable,
s’apprêta à de nouveaux combats.

Schisme de Luther.
Comment Charles-Quint pouvait l’arrêter.

150
Au début du seizième siècle l’Europe présentait un
grand spectacle. Le nouveau monde fut découvert, mais il fut dévasté. L’ancien
continent vit naitre des hommes extraordinaires dans tous les genres, mais ces
hommes l’ébranlèrent au lieu de le raffermir, l’embrasèrent au lieu de l’éclaircir.
L’Italie se glorifia de Léon X, et ce Pape vit un schisme déchirer l’Eglise chrétienne.
Charles-Quint, François 1er furent de grands princes, mais n’entrainèrent que des
malheurs après eux. Luther, Calvin, furent des hommes de génie, et leur génie ne
produisit que des divisions funestes, des guerres, des massacres, des persécutions.
Cette contradiction vint de la lutte, sans cesse renaissante,
entre la Volonté et le Destin, la Liberté et la Nécessité, en l’absence de la Providence,
qu’aucun parti ne voulait reconnaitre.
Avant Colomb, on ne croyait pas à la découverte du
Nouveau Monde. Avant que Luther eut entrainé la moitié de l’Europe dans son
schisme, on se moquait de ses prédications. Léon X ne croyait pas aux dogmes de son
culte. Sa magnificence fut le prétexte du schisme qui se manifesta. Il voulut achever
la basilique Saint Pierre. Au lieu de demander ouvertement aux chrétiens une
contribution, il mit un petit impôt sur les consciences, et fit vendre des indulgences.
Cette petite ruse fut taxée de crime énorme, et traitée avec rigueur.
Il est vrai que Jean Huss et Wiclef avaient préparé les esprits à cette incartade. On
avait entendu les hussites en Bohème et les Lollars en Angleterre déclamer contre
l’autorité des Papes. On entendait déclarer que ni les Patriarches, ni les Evêques,
n’ont d’après les évangiles aucune prééminence sur les prêtres, et que les biens qu’ils
possèdent sont des usurpations, que les rois ne doivent rien au Saint Siège. Et quant
aux dogmes, qu’il est indubitable que la substance du pain et du vin demeure après la
consécration, et que le corps de Jésus-Christ n’est dans cette substance consacré
comme le feu dans le fer enflammé. 151
Luther ne faisait que répéter ce que d’autres avaient déjà
dit avant lui, mais les circonstances étaient différentes. Luther était le premier étonné
de l’effet qu’il produisait.
Dès 1516, Luther avait énoncé ses opinions conformes à
elles de Jean Huss. Léon X méprisait ses prédications, il ne vivait pas le scandale que
provoquait le luxe éclatant et la mollesse dans laquelle il était tombé. Luther, appuyé
de la protection de Frédéric, électeur de Saxe, pousse avant, et fait retomber sur les
prodigalités et les délices de Léon de Médicis, les crimes d’Alexandre Borgia. Le Pape
le condamne, le frappe d’anathème, et fait bruler publiquement la bulle
d’excommunication à Wittenberg.
Dès lors, Luther devient puissant, ses maximes se répandent. Zuingle, curé de Aurich,
les adopte, abolit le sacrifice de la messe, et fait de l’Eucharistie une cérémonie
commémorative.
Le sénat de Zurich se prononce pour la réforme, celui de Berne aussi. Puis la réforme
s’étend à la Suisse, au Wittenberg, à la Saxe, et à l’Allemagne.
Charles-Quint somme Luther de venir rendre compte à la Diète de Weimar. Luther
ose. La Diète ne pouvait condamner Luther que sous des rapports purement
politiques. Condamné Luther continue son mouvement. Docile à la Volonté qui le
guide il abolit la messe et l’exorcisme, nie l’existence du purgatoire, la nécessité de la
confession, de l’absolution et des indulgences. Il fait ouvrir des cloitres, délit les
religieux des deux sexes de leurs vœux, épouse une religieuse. Quel grand triomphe
de la Volonté de l’homme sur le Destin !
Le Pape meurt. Maximilien, le prédécesseur de Charles
avait envisagé de joindre la tiare à la couronne. Charles aurait pu profiter des
circonstances. Il ne sentit rien de tout cela. Il fit élever sur le trône pontifical son

151
précepteur, sous le nom d’Adrien VI, homme probe mais faible. Adrien fut suivi de
Clément VII, Jules de Médicis, qui acheva d’exaspérer le schisme et de livrer l’Europe
aux dissensions qui l’attendaient.

Suites du Schisme de Luther.


Anabaptistes.
Législation de Calvin à Genève.

Luther, considéré comme réformateur du culte, par


l’impéritie de Charles-Quint qui ne sut ni la généraliser ni l’arrêter.
Luther, moine chrétien, se délia de ses vœux, épousa une
religieuse, approuva le divorce de Henri VIII, roi d’Angleterre, auquel s’opposait
Clément VII, et permit la polygamie au Landgrave de Hesse.
C’était briser hardiment ce que le culte chrétien avait de plus austère, et soumettre
sans restriction la nécessité à la liberté. La première conséquence du divorce de Henri
VIII fut de rendre impossible toute alliance entre l’Espagne et l’Angleterre, ce qui fit
la sécurité de la France, et permit à HENRI IV de monter sur le trône. La seconde
conséquence fut de produire le règne d’Elisabeth, qui après le règne désastreux de
Marie, donna un essor extraordinaire, qui aurait pu propulser l’Angleterre vers de
hautes destinées. Mais le meurtre juridique de Marie Stuart ébranla l’autorité royale,
et rendit à la Volonté de l’homme tout ce qu’elle pensait lui ravir par despotisme
passager. L’Angleterre apprit que les têtes couronnées pouvaient tomber par le glaive
des lois, et que les peuples avaient un droit à ce glaive. Il ne tarda guère à en faire
usage, puisque soixante ans après l’infortuné Charles 1er fut immolé à l’ambition de 152
Cromwell, par un parlement régicide. Ce fut au crime d’Elisabeth que ce monarque
dut son supplice. Et ce crime, qui était l’ouvrage de la royauté, pouvait seul avoir un
pareil résultat. Car, pour que la royauté fut soumise à la sentence du peuple, il fallait
que la royauté l’eut voulu, autrement cela aurait été impossible.
Pour revenir de ces digressions, les principales
conséquences du divorce d’Henri VIII, furent :
La sécurité et la grandeur de la France sous les règnes de Henri IV et Louis
XIV.
La gloire et la souveraineté du peuple anglais, et les malheurs dont cette
souveraineté fut la source.
Quant aux conséquences de la polygamie autorisée par
Luther furent considérables. Les princes du nord, toujours peu attachés au pouvoir
pontifical de Rome, virent une occasion d’en secouer le joug. Malgré leur conversion
au christianisme, ils conservaient au fond de leur cœur un levain secret du culte
d’Odin. Ils adhérèrent à la doctrine de Luther, et formèrent à Smalkalde cette ligue
qui consolida le schisme. Ce ne fut que depuis cette ligue que les puissances du nord
commencèrent à compter dans le système politique de l’Europe.
Enfin, les succès de Luther firent que trente ans avant sa
mort, en 1546, la moitié de l’Europe catholique s’était réformée, et l’autre moitié était
ébranlée. La Volonté aurait pu triompher et aurait amené la liberté absolue. Mais il
est de l’essence de cette volonté de se diviser au moment où la Providence méconnue
l’abandonne. Si elle pouvait conserver son unité de mouvement, elle triompherait
toujours, et rien dans l’univers ne peut résister à son action.
Cependant si cette action est perverse, doit-elle mettre en danger
l’univers ?

152
Non. Le décret divin qui a doué cette Volonté de cette action irrésistible,
a voulu qu’elle ne puisse persister que dans son unité, et que son unité ne subsistât
que dans le bien, ou ce qui est la même chose, dans l’harmonie providentielle.
Luther aurait pu être un homme providentiel, mais il se
considéra seulement comme un réformateur du culte, et l’on s’accoutuma à
considérer sa réforme ; De sorte qu’en adoptant sa réforme on n’adoptait pas Luther
comme chef. Chacun interpréta la réforme selon son inspiration, en convenant
néanmoins qu’on ne devait reconnaitre que les Saintes Ecritures pour règle de la foi.
Ainsi, il n’y eut à proprement parler aucun chef. Chacun, la Bible ou l’Evangile à la
main, pouvait dogmatiser à son aise.

Dans les états qui embrassèrent ce culte, les souverains temporels


s’en déclarèrent les chefs. Ils agirent, et même les femmes, en souverain pontife, ce
qui était contraire à l’esprit du christianisme.
Dès que Luther commence ses prédications, Zuingle parait en
Suisse, la guerre s’allume entre les cantons. Zuingle est tué. Les cantons fatigués
décident que chacun gardera sa doctrine. Avant cette époque deux hommes, Stork et
Muncer s’étaient élevés sur les traces de Luther. Selon eux, il fallait renouveler le
christianisme et rebaptiser tous les enfants. Sous le nom d’Anabaptistes, ils jettent
dans les esprits une sorte d’ivresse religieuse. Chacun de leurs sectateurs se croit
inspiré par le Saint Esprit, et prend pour des ordres sacrés les rêves de son
imagination égarée. Dans cette sorte de folie, un tel croit qu’il doit tuer son frère et il
le tue, cet autre se pend parce qu’il entend qu’il doit le faire, l’amant tue sa maitresse.
L’Allemagne tombe dans une grande confusion. On est obligé de combattre ces
forcenés. Ils se renferment dans Munster, où Jean de Leyde se proclame roi. Le sang
coule à flots. On extermine partout. Muncer périt sur l’échafaud à Mulhouse. Jan de 153
Leyde est déchiré par des tenailles ardentes.

Pendant ce temps Calvin parait. D’un caractère austère, sans


reconnaitre personne, il se trace une route au milieu de la Réforme. Il renonce au
système de Luther, s’éloigne des Anabaptistes, et annonce qu’il veut rattacher la
doctrine évangélique aux formes républicaines. Genève accueille ses propositions.
Genève avait d’abord été ville impériale, dans laquelle l’évêque
avait usurpé l’autorité, pour en céder une partie au duc de Savoie. Les genevois
attaquèrent cette cession, se révoltèrent contre les savoyards, chassèrent leur évêque
et nommèrent Calvin. Sa législation eut de la fermeté sans grandeur. Les meurs
furent sages, les lois justes mais dures, les beaux-arts bannis, la musique absente. Les
spectacles furent regardés comme impies, les sciences comme corruptrices.
L’industrie mercantile et l’argutie religieuse envahirent les facultés. Ce fut une
théocratie emporocratique.
Genève fut un couvent de marchands comme Sparte avait été un
couvent de guerriers. Lycurgue les armes à la main ne livra personne au tranchant du
glaive. Calvin, courbé sur l’évangile, déclaré hérétique par l’Eglise catholique, fit
bruler juridiquement son ami Server, pour hérésie, avec pour preuves des lettres qu’il
lui avait écrites.
Quel plus épouvantable abus de la force de la Volonté momentanément réunie
au Destin !

Voilà l’école remarquable d’où sortit naguère un homme doué d’une


sensibilité rare, d’un penchant décidé pour les beaux-arts, musicien, romancier,
poète, écrivain de la plus grande distinction, qui, imbu dès le berceau d’idées

153
contraires à ses penchants, se plaça, par ses étranges paradoxes, dans une
contradiction perpétuelle avec lui-même, dit anathème aux sciences et aux arts,
proclama la souveraineté du peuple, et cosmopolite par l’esprit, et Genevois par
l’instinct, crut mettre tout en harmonie en généralisant Genève dans l’univers. Que
cet homme ait cru bon ce qu’il disait, il n’y a rien là que de très ordinaire. Mais qu’une
grande partie de l’Europe l’ait cru cela demande attention. Il fallait, pour en arriver là,
que Rousseau fut l’interprète d’une puissance qui le faisait mouvoir à son insu ; Ceci
deviendra de plus en plus évident.

Récapitulation.

Nous avons examiné de nouveau des objets déjà


vus. Nous avons considéré les diverses nations de l’Europe, et avons jeté un coup
d’œil rapide vers la sortie du système féodal, et sur leurs situations diverses après
leurs sorties. Il était important de parler de la découverte de l’Amérique et du schisme
de Luther. Nous allons continuer notre exploration historique pour arriver à
l’application des principes recueillis.

Invention de la Poudre à Canon.


Art de l’Imprimerie.
Causes et Effets de ces Inventions.
Beaux-Arts. Arts Utiles. Commodités de la Vie.
154

Au moment où s’opéraient les deux grands


mouvements, plusieurs choses concouraient à donner à la Volonté les moyens d’en
tirer tous les avantages. Parmi ces moyens, deux sont à pointer en particulier :
L’invention de la poudre à canon
L’invention de l’imprimerie
Ces deux inventions qui précédèrent la découverte de l’Amérique et le schisme de
Luther, furent destinées à seconder ces deux mouvements. Elles agirent sur le
physique et sur le moral de la société, et changèrent toutes ses habitudes militaires et
civiles.
On arriva aux inventions des armes à feu, de l’artillerie, de la
mousqueterie. Les armures défensives devenant inopérantes mirent dans les combats
une égalité inconnue jusqu’alors. L’infanterie devint redoutable. La chevalerie
disparut peu à peu. Mais elle continua, même aujourd’hui, de façon honorifique. Le
système féodal trouva dans les armes nouvelles un obstacle à son raffermissement.
Ces armes terribles donnèrent au talent du général et du soldat une véritable valeur et
un ascendant irrésistible.
Les armes à feu contribuèrent au succès des Portugais en
Asie et des Espagnols en Amérique.

L’imprimerie donna de la force aux sectateurs de Luther. Elle pouvait


éclairer les véritables intentions des réformés. L’action de l’imprimerie fut d’autant
plus forte qu’il y avait peu de livres et de propagande écrite.

154
Ces deux moyens furent le fruit d’une Volonté réfléchie. Jamais l’esprit
humain n’avait fait un effort aussi grand. Mais ce n’est ni le Destin ni la Providence
qui les a amenés, c’est la seule Volonté de l’homme, et pour servir les passions.
Pendant ce temps, en Italie et en Espagne, le Génie des arts s’était
réveillé. Les troubadours occitaniques, chassés par la sanglante croisade de Simon de
Montfort, s’étaient divisés, une partie vers l’Italie et l’autre vers l’Espagne. Ces poètes
avaient été imités par les Espagnols et les Italiens. Les Anglais et les Français eurent
un théâtre dont le français les surpassa tous. La peinture, la sculpture, l’architecture,
la musique, prirent un essor très élevé surtout en Italie.
Le seizième siècle fut celui des beaux-arts, le dix-septième celui de
l’érudition. En France la poésie rimée atteignit le plus haut degré de perfection sous
Louis XIV. Les Espagnols avaient donné le ton au seizième siècle. Au dix-septième ce
furent les français. Ce fut dans ce siècle que la délicatesse et le gout se réunirent pour
embellir la vie, et joindre l’utilité à la magnificence. Même sous François 1er , père des
arts, on était dépourvu des plus simples commodités de la vie. Sous Henri IV on
n’était pas mieux loti.

En général, les efforts de l’esprit humain, après ceux qu’il avait dû


faire pour la conservation de l’existence et de l’Etat social également compromis
après l’irruption des Barbares, avaient été dirigés vers l’ensemble des choses. Avant
de songer à vivre bien, il avait dû songer à vivre. Ce ne fut que lorsque l’ensemble fut
assuré qu’il s’inquiéta des détails. Les Italiens s’étaient occupés de la magnificence
des arts, les Espagnols de l’ostentation du luxe, les français songèrent aux agréments
de la vie, et peut être aux jouissances de la vanité. Le siècle de Louis XIV fut
éminemment vaniteux. Si l’on prise tant les lettres de Madame de Sévigné, c’est parce
que ces lettres offrent une parfaite image. Les français aimaient toutes choses comme 155
Madame Sévigné aimait sa fille.

Institution des Jésuites. Ignace de Loyola.


Conduite de CharlesVII. Conduite de François 1er
Conduite de Phillipe II.Conduite de Henri IV
Assassinat de Henri IV.

Pendant des siècles la religion éprouva des vicissitudes.


Elle se divisa par le schisme de Luther, puis se subdivisa. Cette division tenait à
l’essence même de la Volonté. Mais le Destin suscita un homme extraordinaire,
Ignace de Loyola. Il était tout le contraire de Luther. Ignace était un corps-de-garde
Espagnol qui jetait l’épée pour entrer dans le sanctuaire. Entré au collège à trente-
trois ans, il se soumit à tout le cursus, et sortit maitre-ès-arts de l’université de Paris.
Il fonda une société d’hommes savants, dévoués à l’instruction de la jeunesse. Il eut
soin d’éclairer les infidèles et de combattre les hérétiques. Il ajouta un vœu : celui
d’obéissance au Pape. Il renonça à toutes les dignités. Le Pape Paul III en fut frappé
et promulgua la bulle d’institution, avec la condition que cette société, appelée société
de Jésus, ne dépasserait pas soixante membres. Mais Ignace compta plus de mille
jésuites avant de mourir. Sans idée politique, sans ambition personnelle, l’ordre des
jésuites devint le plus politique et le plus ambitieux qui eut existé dans le
christianisme.

155
Le soldat Espagnol était un instrument du Destin, le moine Allemand l’était de la
Volonté. L’un tirait sa force de la nécessité, l’autre de la liberté. Ils devaient se
chercher et se combattre partout.
La réforme de Luther ne s’était pas généralisée par la faute
de Charles-Quint, et les jésuites avaient pris des forces. L’Europe se trouvera livrée à
des dissensions dont la France fut le théâtre de débats sanglants. Le catholicisme
l’emportait sur la réforme, grâce à la force de concentration des jésuites, face à
l’enthousiasme de quelques sectaires privés de chef sacerdotal et tendant toujours à
se diviser. La conduite de François 1er parut ridicule et contradictoire. Mais le mal
venait de plus loin, du fol entêtement de Charles VII. S’il avait voulu reconnaitre
Jeanne d’Arc comme celle qui sauvait la France, il aurait chassé les anglais. Elevé au-
dessus de la terreur que lui inspira un fils dénaturé, il ne serait pas mort de faim à
cinquante-huit ans de peur d’être empoisonné. En vivant quinze ou vingt ans de plus
il aurait épargné le règne funeste de Louis XI. Les Flamands irrités n’auraient pas
tyrannisé Marie de Bourgogne. Son union avec Maximilien d’Autriche n’aurait pas eu
lieu, donc pas de querelles entre la France et l’Autriche. Charles VIII alliée de Marie
aurait pu garder ses conquêtes en Italie. Louis XII n’aurait pas approuvé les perfidies
de César Borgia, ni plier devant Jules II. Il aurait pu exercer pour le bien de la France
avec son caractère de bonté. Ainsi François 1er arrivant sur le trône avec les meilleurs
auspices, n’aurait pas eu à concourir avec Charles d’Autriche pour la couronne
impériale. Il l’aurait obtenue d’emblée. Et la France serait ainsi rentrer dans tous les
droits de Charlemagne ; La France maitresse du Pays-Bas et de l’Italie, rien n’aurait
résisté à ses mouvements. François 1er, avec son génie noble et magnifique, aurait fait
ce qu’il fallait faire à l’apparition de Luther. Le culte chrétien aurait été réformé sans
secousse, et la Providence, assise sur le trône de Saint Pierre, aurait conduit la
France à l’Empire du Monde. 156
Mais rien de tout cela ne put se faire. Au contraire le temps
produisit mille calamités. François 1er ne pouvait pas admettre la réforme dans son
royaume sans le perdre. Forcé de persister dans la communion catholique, il était
donc obligé de laisser persécuter les protestants chez lui pour les empêcher de le
soumettre aux Anglais, et de les protéger au-dehors pour les opposer à l’ambition de
son rival. Lorsqu’il fut décidé que l’empereur n’embrasserait pas la réforme, François
la favorisa encore davantage. Il donna à Genève les facilités pour se libérer. Cette ville
devint comme la capitale d’une secte dont il avait besoin. Sans ce coup politique il
était perdu. Charles Quint et Henri VIII réunis entrèrent en France. Charles à
Soissons, HENRI à Boulogne, on tremblait pour Paris. Alors les princes protestants
que François avait protégés, se réunirent contre l’empereur et le repoussèrent. Le
parti catholique aida François à repousser les Anglais en lui procurant l’argent.

François 1er mort, Charles-Quint soutint la lutte pendant


dix ans, puis vieilli, lassé de tant de secousses il abdiqua. Son frère Ferdinand 1er
devint empereur, et son fils Philippe II roi d’Espagne.
Après Charles-Quint il n’y eut rien qui approchât la
grandeur sous Henri IV, Louis XIV, Charles XII et Pierre le Grand. L’Espagne
semblait devoir dominer l’Europe. Philippe II, époux de Marie, voulait prendre la
couronne d’Angleterre après sa mort, avec une flotte appelée Invincible Armada. Il
souhaitait que sa fille soit reine de France. Il tenait l’Italie. Il se flattait d’envahir
l’Allemagne. Sa flotte, associée à celle du Pape avait gagné la bataille de Lépanthe sur
les Ottomans.
Il paraissait au comble de la puissance.

156
L’Invincible Armada fut combattue par les orages et brisée
sur les écueils. Les Anglais ravagèrent ses possessions en Amérique, et jetèrent
l’épouvante à Cadix. La France surmonta les crises qu’il avait provoquées.
Philippe II fit rendre des actions de grâce du massacre de
la Saint Barthélemy. Il soutint les Guises, fomenta la Ligue, et persécuta le roi de
Navarre. De tout cela il ne retirât rien. Son pouvoir s’éclipsa devant le génie d’Henri
IV, qui en acceptant la messe lui fit perdre quarante ans de travaux. Henri IV dut
abandonner une volonté faible pour entrer dans la politique fatidique qui s’ouvrait
devant lui. Il était le plus grand des princes mais les circonstances furent au-dessus
de lui. On attenta plus de cinquante fois à sa vie. Ravaillac y parvint ; Henri IV
pouvait l’éviter en triomphant de l’Italie, si toutefois il avait pu. Sully, habile
administrateur, aurait guidé les armées.
A la mort d’Henri IV, en 1610, la Volonté européenne
perdit tout ce qu’elle avait conservé d’espoir. Ce prince avait été sa dernière ressource
pour faire entrer la France dans le mouvement religieux qu’elle avait excité en
Europe. L’Allemagne trop divisée, et d’ailleurs tenue en respect par l’Autriche, l’Italie,
et par l’Espagne, et l’Angleterre trop isolée du continent, ne lui offrait pas une
garantie suffisante. Ses regards se tournèrent vers l’Amérique dont elle avait à
dessein ménagé la découverte, et elle résolut d’y passer par l’Angleterre, de s’y
concentrer, afin de pouvoir de là réagir sur l’Europe quand le temps en serait venu.

Mouvement de la Volonté Européenne en Amérique.


Moyens de ce Mouvement.
Règne de Jacques 1er en Angleterre. 157
Malheurs de son Fils, Charles 1er
Qui était Cromwell ?
Fondation de la Secte des Quakers.
Transplantation de cette Secte en Amérique.

Déjà l’Amiral Coligny avait tenté de transporter la


Réforme au Brésil, sous le règne d’Henri II. Calvin s’intéressa à l’entreprise. Les
pasteurs envoyés divisèrent la colonie qui fut détruite par les Portugais. Coligny
envoya une colonie vers la Floride, en 1564, qui fut exterminée par les Espagnols.
Calvin et ses sectateurs étaient trop soumis au Destin. Ce fut au milieu des plus
enthousiastes disciples de Luther que la Volonté européenne alla choisir le germe de
liberté qu’elle voulait propager dans le Nouveau Monde. Ces Anabaptistes, d’abord
furieux et massacrés partout, étaient devenus les plus pacifiques des hommes.
C’est d’eux que sont sortis les Hermutes, ou frères Moraves. Et d’un autre côté les
Quakers, ou frères-unis, qui ont eu leur principal foyer en Angleterre, et quelques
essaims dans l’Ancien et le Nouveau Monde.
Déjà les Anglais avaient plusieurs colonies en Amérique
Septentrionale. Lorsque Jacques 1er succéda à Elisabeth, et porta sur le trône l’esprit
de controverse, la conspiration des poudres, l’aigrit contre le parti catholique, qu’on
accusa d’avoir eu le projet de faire sauter le parlement et le roi.
Ce prince irrité se livra à des persécutions qui déplurent aux réformés et aux
catholiques. Deux factions émergèrent, les Torys, attachés à la cause du roi, et les
Wigs, attachés à la cause du peuple. Les esprits étaient agités. Les Anabaptistes,

157
d’abord sous le nom de Puritains, dissimulèrent sous une sorte d’austérité religieuse
leurs idées républicaines.
Charles 1er, fils de Jacques 1er, qui lui succéda, trouva les
partis formés par son père, qui étaient prêts à se diviser pour éclater. Stafford, vice-
roi d’Irlande, déplait aux Wigs. La chambre des communes demande sa mort. Tout
son crime était d’avoir servi son maitre, et Charles, au lieu de le soutenir, signe son
arrêt de mort.
Le puritanisme avait progressé en Irlande, et quelques
Quakers s’y montraient. Les catholiques en massacrent quarante mille. On accuse
Charles. Le peuple aveuglé force le roi à sortir de Londres.
Cromwell s’empare de l’opinion et de l’armée ; Les troupes du roi sont battues ; Le
Parlement se lie à celui d’Ecosse, et proclame tous les principes de la république.
Charles est saisi. Les parlementaires le ménagent un moment. Cromwell casse le
parlement, en nomme un autre qui fait son procès. Le sang de la malheureuse famille
de Stuart coule pour la seconde fois sur l’échafaud.
Cet événement retentit dans toute l’Europe, mais ne la
glace pas d’horreur. Les monarques ne voient qu’un roi assassiné. Ils ne voient pas
que la royauté est ensevelie par la souveraineté du peuple.
Si Cromwell avait tué lui-même, il n’aurait pas attaqué
l’universalité des choses. Cromwell paraissait puissant mais il n’était qu’un
instrument déterminé par une puissance invisible à servir un mouvement qu’elle
imprimait.
Le véritable chef de ce mouvement était un cordonnier de
Creton, appelé Georges Fox, homme ignorant et simple, mais doué d’une ténacité
dans les idées. A peine la République proclamée, Fox répandit ses idées. Cromwell le
fit arrêter, et fit interdire les assemblées de ses sectateurs. Mais il échoua et ne put 158
rien contre ce cordonnier. Le faible protectorat de Cromwell s’éteignit avec lui. Son
fils Richard conserva quelques mois la puissance laissée. Le fils de Charles 1er fut
rappelé, Fox sortit de prison, forma un parti important avec les mécontents
endoctrinés. Parmi ses disciples, Guillaume Penn, homme distingué, fut célèbre. Il
forma le projet d’établir cette doctrine en Amérique. Il voyagea avec Fox dans
l’Angleterre, en Hollande et en Allemagne, pour faire des prosélytes. Avec un nombre
suffisant d’adeptes il obtint de Charles II, pour lui et ses successeurs la Pensylvanie, y
envoya des colonies de Quakers, y fonda la ville de Philadelphie et y donna ses lois.
Ainsi s’accomplirent les desseins de la Volonté. Les germes de
Liberté et d’Egalité qu’elle avait transplanté en Amérique s’y développèrent en
silence, s’y multiplièrent, et acquirent une force considérable pour envahir le Monde,
quand le temps en serait venu.
Toutes les colonies Anglaises et Hollandaises en furent pénétrées, et devinrent des
emporocraties d’une certaine forme, où toutes les idées politiques et religieuses se
fondirent dans une indifférence absolue, excepté une seule qui avait été dominante
dans la tête créatrice de Fox, et dans la tête de son disciple Penn, l’idée d’égalité et
d’indépendance.

Etablissement des Jésuites au Paraguay.


Vue sur l’Asie. Révolution en Chine et au Japon.
Antique Histoire du Japon.
Mission de Sin-Mou.

158
Sa Doctrine et son Gouvernement.
Mission de Soctotaïs. Sectateur de Fo.
Doctrine des Disciples de Kong-Tzée.
Fautes des Missionnaires Chrétiens.

Cependant l’esprit de Liberté ne pouvait pas agir sans celui


de Nécessité. Le mouvement en Amérique des disciples de Luther fut imité par ceux
de Loyola. Tandis que Fox et Penn donnaient un asile de Volonté en Amérique
Septentrionale, les Jésuites Espagnols en donnaient un au Destin en Amérique
Méridionale. Ils fondaient au Paraguay le Pays des Missions, avec des lois opposées à
celles de la Pennsylvanie, pour en balancer les inconvénients. Inévitablement les
puissances du nord et du midi de l’hémisphère Colombique devraient s’affronter, se
surmonter ou se confondre. Elles se confondront si l’Europe prend au moyen de la
Providence la domination sur l’univers.
L’Asie n’est pas en état de disputer cette prééminence, si l’Europe consent à
soumettre sa Volonté à la Providence, ce qu’elle n’a pas voulu faire depuis l’origine de
la Race Boréenne qui y domine.
L’Afrique n’a plus aucun droit.
L’Amérique n’en jouira que si l’Europe se montre indigne.
Après les conquêtes de Gengis-Khan et de ses enfants Octaï et Coblaï-Khan, l’Asie
offrait l’image d’une mer agitée ; tout y changeait de formes, à chaque instant, selon
que l’ordonnait le Destin. Ses peuples vieillis obéissaient à des lois inconstantes.
Parmi les descendants de Gengis-Khan, Batou-Khan, fils de Toushi, maitre du 159
Turquestan, la Bactriane, le royaume d’Astracan, et le pays des Usbeks, était venu au
treizième siècle ravager l’Orient de l’Europe jusqu’en Hongrie.
Houla-Kou, fils de Tuli, héritier de la Perse, avait passé l’Euphrate et stoppé le califat
de Bagdad.
Zagataï, un fils de Gengis avait possédé la Transoxane, Kandahar, l’Inde
Septentrionale et le Tibet. Toutes ces conquêtes durèrent peu. Les choses soumises au
Destin seul ou à la Volonté, varient de formes et changent de maitre souvent. Le fond
reste seul, à cause du Principe Providentiel qui y est. La principale erreur de la
Volonté est de croire pouvoir suppléer à ce principe en dominant le Destin.
La Chine en passant sous la domination de Gengis ne fit que
changer de dynastie. Cela dépend de ce que ses institutions, reposant sur la masse du
peuple, restent inébranlables. L’armée n’est que l’enveloppe du trône et non son seul
appui. Sa destruction n’entraine pas, comme dans les gouvernements militaires, la
chute de l’édifice : le roi se place à la tête de l’état et l’armée se reforme autour de lui,
et la nation ne s’aperçoit de rien.
Les descendants de Gengis négligèrent l’armée. Aussi un
aventurier, un valet d’un couvent de bonzes devint empereur vers le milieu du
quatorzième siècle. La Chine conserva ses lois, son culte, ses meurs. De même au dix-
septième siècle avec les Tatars Manchou. C’est de cette dynastie que le célèbre Kang-
hi, qui régna soixante ans, a fait fleurir les sciences et les arts.
Ce prince protégea l’établissement de missionnaires chrétiens à
cause des sciences physiques et mathématiques qu’ils enseignaient, et permit
l’exercice de leur culte. Ce culte progressa, mais l’arrogance, l’intolérance des moines
envoyés et leurs folles prétentions, obligèrent Yong-Tchin, successeur de Kang-hi de
les éloigner, et Kien-long les interdit à tout jamais. Les missionnaires furent expulsés

159
avec politesse. Au Japon, où ils avaient jeté au feu les statues d’Ancêtres, cela se passa
moins poliment. Avant l’arrivée des chrétiens il existait douze sectes, se jalousant
comme des sœurs, mais sans renverser la table.
Au seizième siècle, lorsque les Portugais arrivent au Japon, celui-ci vit
tranquillement. Le Daïti, pontife, résidait à Méaco, et le roi, Cubo-Sama à Jesso. Les
formes de gouvernement remontait à l’empire de Ram, mais peut-être s’attachait
aussi à celui des Atlantes.
Les Japonais se donnaient sept Dieux, et disaient que le dernier avait donné pour fils
un Demi-Dieu, Tensio-Daï-Dsin, qui fut le père des hommes. Après un grand nombre
de siècle, le Japon, comme dans le Monde, fut en proie à un grand nombre de
calamités. Le calme revenu, naquit un grand homme, vers 660 av. J.C., Sin-Gnou. La
guerre, la peste et la famine avait ravagé le Japon, le préparant ainsi à des réformes.
Sin-Mou réussit à réunir le sceptre et l’encensoir, ce qui dura dix-huit siècles sans
altération. Les Japonais étaient seuls à pouvoir conserver cette forme de
gouvernement.
Avant Sin-Mou il ne restait que le culte des Ancêtres. Ce Théocrate ajouta à la région
céleste où on les plaçait, une suite de régions habitées d’esprits supérieurs, dont
l’essence allait en s’épurant jusqu’au Principe universel. Ces esprits supérieurs furent
nommés Camis. Ils habitaient, selon leur perfection, le ciel éthéré, le soleil, la lune,
les astres, la terre, et les autres éléments. Chaque personne choisissait une hiérarchie
spirituelle. L’immortalité de l’âme était un dogme fondamental, mais le Théocrate
laissait à chacun la faculté, par le genre de vertu choisi, ce qui lui agréait le mieux.
Sin-Gnou avait conformé son enseignement à l’esprit de son peuple. Les méchants,
selon lui, devaient errer dans les airs pour y souffrir mille tourments jusqu’à
l’expiation de leurs crimes, sans dire positivement que ces âmes, à la fin de leur
souffrance, seraient appelées à une autre vie terrestre. Il leur inspira une horreur 160
pour les animaux malfaisants, et leur défendit de manger les espèces domestiques, et
celles qui rendent des services à l’homme.
A ces dogmes simples et clairs Sin-Gnou ajouta quelques cérémonies pour entretenir
la pureté et la santé du corps, quelques fêtes solennelles pour faire disparaitre
l’inégalité des rangs et resserrer les liens sociaux, et enfin un pèlerinage vers la
cabane d’Ijse, monument où Tensio-Daï-Dsin avait donné des lois aux premiers
Japonais.
Les temples dédiés aux Camis étaient simples, avec un grand miroir placé sur un
autel. Dans ce miroir ce reflétait l’image des beautés ou des défauts du corps. La
Divinité pouvait ainsi voir dans les âmes les vertus ou les vices. Ces temples
s’appelaient Mia. Avec le culte de Fo les temples sont plus magnifiques, appelés Tira,
et dans lesquels sont admis les divinités étrangères, principalement des Chinois et
des Indiens. Le premier Théosophe qui fit bâtir les Tira s’appelait Soctotaïs. Il parut
vers la fin du sixième siècle, et connut que la simplicité des Mia ne convenait plus aux
Japonais ;
Soctotaîs, à quatre ans, possédait toute la science de Fo. On dit
qu’étant sur une haute montagne, il y reçut l’inspiration divine, communiquée par
Darma, prophète indien.
Soctotaïs triompha de tous les obstacles, et fut reconnu par le
Daîri Jô-Mei, dont le fils de sept ans expliqua la nouvelle doctrine dans les temples.
Ce culte ranima le génie du Japon, qui cessa d’être tributaire de la Chine, et échangea
son industrie contre les richesses des nations voisines.
Outre le culte de Sin-Mou, appelé Sintos, et celui de Soctotaïs,
appelé Budso, les Japonais en reçurent un troisième, d’un des disciples de Kong-Tzée,
appelle Siuto, la voie des sages. Les sectateurs de cette doctrine ne connaissent

160
d’autres récompenses ni d’autres châtiments que la satisfaction venant du bien, ou les
remords venant du mal. Ils croient les âmes émanées de l’Esprit universel, et qu’elles
se réuniront à leur principe quand elles ne seront plus arrêtées par les liens du corps.
Selon eux, la seule divinité est Tien, le ciel. La nature personnifiée gouverne le
monde. Elle a été créée par deux puissances, l’une active, l’autre passive, In et Jo.
Quelques cérémonies en l’honneur des Ancêtres sont les seuls actes de religion des
Sintoïstes.
Ces trois sectes se subdivisaient en douze. La treizième fut les
chrétiens. A leur arrivée, sans égard pour la Daïri, leur évêque proclama la
souveraineté du Pape et voulut prendre le pas sur les rois. Les Japonais se
révoltèrent, les missionnaires cabalèrent et furent bannis. Leurs prosélytes
s’armèrent, ils furent battus. Ils conspirèrent, ce qui entraina une guerre civile. Ils
furent exterminés et, en 1637, un édit interdit le Japon à tout chrétien.
Les Hollandais profitant de ces désastres, abjurant le
christianisme, après un triomphe passager, furent relégués dans une ile malsaine tant
que dura leur commerce.

En 1148, la révolution sépara la puissance théocratique de la royale. Elle


s’exécuta avec tranquillité. Le Seogon se rendit indépendant sous le titre de Cuba-
Sama. Il détacha la couronne royale de la tiare, mais voua un respect religieux au
Daïri.
Deux monarques distincts, aux prétentions opposées, n’ont occasionné
que peu de troubles. Il y a eu au Japon plus de possibilités au Daïri de s’emparer de la
puissance royale, que au Cuba-Sama de s’emparer de la religieuse. Cela a dépendu de
l’opinion du peuple et de l’influence religieuse.
En Syrie, les Turcs ont dépouillé les Califes de Mahomet, qui ne 161
croyaient plus eux-mêmes à leur apostolat, et n’avaient aucune force.

Je répète cette maxime :


Tout souverain pontife qui peut douter de lui-même ne
doit point espérer que les autres y ajouteront foi. En fait de culte la politique ne sert
de rien. La vérité seule est la base de la vérité.

Vue sur l’Asie. Puissance des Ottomans.


Empire et Déclin des Ottomans.
La Perse et l’Inde.

Depuis que l’empire de Ram a perdu son unité, l’Asie est


devenue le théâtre d’une foule de révolutions. Les Tatars, principaux moteurs, sont
devenus les instruments du Destin, toujours poussés par une aveugle nécessité. La
doctrine de Mahomet qui leur était destinée a fait un dogme de la fatalité. Ils sont en
cela opposés aux Goths, quoique également barbares. Les Goths avaient reçu d’Odin
le mouvement arbitraire qui doit sans cesse heurter l’autre ou en être heurté, jusqu’à
ce que la Providence les confonde.

Vers le milieu du quatorzième siècle finit le royaume de


Kashmiri, le plus ancien de l’Inde, le seul fragment qui soit resté intact. Il durait
depuis 3100 av. J.C., et avait eu cent-cinquante-trois rois.

161
Un prince musulman, Shems-Heddin fit cette importante
conquête. Les Turcs avaient franchi le détroit des Dardanelles et s’étaient établis en
Europe, après avoir arraché le Califat de Bagdad. On dit que les Génois favorisèrent
ce passage.

Timoulenk, Timour le boiteux, prince Tatare audacieux, envoya


une ambassade à Charles VI de France, conquit la Perse, soumit la plus grande partie
des Indes, força la muraille de Chine, domina sur l’Asie Mineure et l’Egypte. C’est à
un de ces successeurs, Ouloug-Beg, que l’on doit la première Académie des Sciences,
fondée à Sarmacande au début du quinzième siècle. Il mesura la terre, et eut part à la
composition des Tables Astronomiques. L’un de ces enfants le fit assassiner.
Les Turcs, profitant des dissensions parmi les descendants de
Timoulenk, s’emparèrent de la Syrie, de la Mésopotamie, et subjuguèrent l’Egypte.
Sélim 1er , Soliman et Sélim III, grands monarques au seizième
siècle, enlevèrent aux chevaliers de Saint Jean de Jérusalem l’ile de Rhodes,
envahirent la Moldavie, la Valachie, et une partie de la Hongrie, et firent le siège de
Vienne.
L’ile de Chypre venait d’être conquise lorsque Pie V fit la guerre,
ligué à Philippe II et aux Vénitiens, dans la bataille victorieuse de Lépanthe en 1571. Il
n’avait pas été donné au Destin de Mahomet de surmonter celui du christianisme.,
mais seulement d’arrêter les envahissements de l’Asie. Rome à chaque fois été
menacée vainement par les musulmans. Et c’est à cette époque où les deux destins
s’opposèrent de front que les Ottomans déclinèrent. Le dernier exploit fut le siège de
Candie, dont s’empara le vizir Achmet-Cuproli. La barrière entre l’Europe et l’Asie
existait toujours, mais elle était seulement gardée.
Le gouvernement des Turcs a été considéré comme despotique, 162
mais il ne l’a été que dans la forme. Ce gouvernement est le plus fatidique de tous. La
puissance du sultan parait illimitée, mais il est contraint par la religion, qui le retient,
et la force militaire, qui le pousse. La tiare qu’il a usurpé le gène dans ses
mouvements, et le glaive qui est dans ses mains est une arme à double tranchant, qui
le blesse quand il l’emploie maladroitement, et qui le terrasse quand il est assez faible
pour la craindre. Sous un prince digne de commander, les Janissaires sont dociles et
animés de l’enthousiasme militaire, mais sous des sultans faibles, ils se rebellent et se
rendent maitres de la couronne. Le sultan, considéré comme le délégué de Dieu, il est
sacré et vénéré s’il est heureux, mais si la fortune l’abandonne, il est considéré comme
réprouvé et on précipite sa chute. Au quinzième et seizième siècle, le Destin favorable
aux Ottomans, était la force du sultan. Mais dans les siècles suivants cette puissance
diminua quand le Destin n’excita plus le mouvement.

Depuis la conquête de la Perse par les Arabes, cette contrée envahie


deux fois par les Tatares, conduits par Gengis-Khan et Timoulenk, respirait enfin
sous les Sophis. Il est remarquable qu’à l’époque où Luther jetait les germes du
schisme qui a divisé l’Occident, un persan donnait naissance à la secte qui divise
aujourd’hui les persans et les Turcs. Ce persan, Eidar, Sophi le sage, tellement
puissant en dogmatisant les sectateurs d’Aly contre ceux d’Omar, que Shash Rustan le
fit assassiner. Ismayl Sophi, fils courageux de Eidar, soutint les idées de son père et
propagea sa doctrine. Ses disciples devinrent ses soldats. Il conquit l’Arménie, puis
subjugua la Perse jusqu’aux Tatares de Samarcande. La couronne de Perse passa à
son fils, Thamas, et resta à ses descendants. Leur royaume devint à la fin du seizième
siècle, sous le grand Shash-Abas, un des pays les plus florissants et les plus heureux
du Monde. Il affaiblit les Turcs, reprit sur les Portugais l’ile et la ville d’Ormus. Après

162
sa mort, en 1629, son fils se laissa dominer par la mollesse, et la faiblesse de Shash
Hussein acheva de tout perdre.
Les eunuques blancs et noirs jetèrent la confusion dans l’empire.
Quelques aventuriers, les Afghans ou Agwans, renversèrent l’empire. Le faible
Hussein reconnut pour maitre Mahmoud successeur deMiriveys, premier chef de ces
barbares, et lui donna sa fille.
Cependant, un fils de Hussein, nommé Thamas, fut sauvé par le fils d’un
pâtre, Nadir. Ce Nadir se plaça sur le trône de Perse sous le nom de Thamas Kouli-
Khan, fit la conquête de l’Inde, renversa les Mongols en 1739.
Depuis cette époque l’Inde est agitée. Une foule de souverains
éphémères, Tatares, se sont succédés. Ses côtes exposées aux ravages des Portugais et
des Hollandais, l’ont été plus tard par les Français et les Anglais. Les Anglais y ont
exercé leur emporocratie exclusive, et leurs droits de monopole. Ces peuples
asiatiques n’ont pas souffert comme l’auraient fait les européens, avec une plus
grande acceptation des conditions, compte tenu de la morale, des traditions et de la
situation.
L’inquiétude qui dévore les européens est à peine connue des Indiens.
Ils vivent de si peu, que nulle par la peine des hommes n’est moins payée qu’aux
Indes ; Le salaire y est de dix fois moindre.

Considérations sur la Russie et sur la Suède.


Pierre 1er . Charles XII ; Lutte entre les Deux.
Pourquoi la Victoire Demeure à la Russie. 163

La puissance de la Russie apparut au déclin des Ottomans.


La Russie, anciennement appelée Rosland, se compose de Slaves, les Finois et les
Varaignes.
Avant le Tsar, Pierre 1er, 1689, la Russie était restée
inconnue. On ignore ce qu’était devenue cette contrée après la législation d’Odin. Les
Finois l’habitaient, et ils furent envahis par les Slaves venus d’Orient. Novogorod
bâtie près de Slavenks, vit des pirates, les Varaighes, s’installer dans les environs. Ils
profitèrent de troubles dans Novogorod pour offrir leur service à un parti qui devint
tributaire. Mais les trois peuples se mêlèrent au moyen du christianisme qu’ils
reçurent à la fin du dixième siècle.
Depuis le onzième siècle les Knès russes étaient tributaires
des Tsars Tatares de Casan. C’est Ivan Basilowitz qui donna forme à l’empire vers le
milieu du seizième siècle. Il conquit Casan, l’Astracan, et prit le titre de Tsar,
souverain autocrate.
Le Tsar Pierre, surnommé le Grand, acheva ce qu’avait
commencé Ivan Basilowitz. Il porta la Russie au premier rang de l’Europe. Ivan et
Pierre firent mourir leur fils ; Le fils d’Ivan, soupçonné d’une conspiration fut tué
d’un coup de pique. Et Pierre, jugeant que son fils renverserait son œuvre, le fit
condamner à mort. Il ne survécut pas à sa grâce.
Les Ancêtres de Pierre avaient occupé le trône depuis 1613.
Appelés à la suite des révolutions ; Michel Romanov, élut, racheta son père aux
Polonais et le créa Patriarche. Alexis, fils de Romanov, s’indigna de cette sujétion et
voulut réduire le sacerdoce à nullité. Le Patriarche Nicon résista, et la lutte s’engagea.

163
L’empereur, par un synode national, le fit déposer et cloitrer jusqu’à la fin de ses
jours.
Dès ce moment toute puissance théocratique fut anéantie.
Le gouvernement russe devint semblable à celui des Turcs. La milice des Strelitz,
semblable aux Janissaires, prit le même ascendant, et considéra les empereurs
comme ses créatures et l’empire comme son patrimoine. Pierre 1er qui faillit en être
victime, déjoua les pièges de ses ennemis, les intrigues de sa sœur Sophie, affermi sur
le trône, voulut abolir les Strelitz.
Pierre 1er s’instruisit dans tous les arts, y compris la
navigation alors qu’il avait horreur de l’eau, remplit les devoirs militaires, de caporal
à général. Il voyagea dans toute l’Europe. Il avait apaisé plusieurs séditions, combattu
les Tatares en Crimée, fait respecter ses frontières aux Chinois et conquis Azoph.
Pierre 1er encore à Vienne apprend la conspiration de sa
sœur avec les Sterlitz. Il retourne, comprime les factieux, et la milice est cassée. Deux
mille Strelitz sont pendus, quelques-uns la tête tranchée, deux femmes enterrées
vivantes. Tout le reste est dispersé en Sibérie.
Après cet événement il put changer ce qu’il voulut, et
même supprimer la dignité du Patriarche. Mais à l’extérieur un rival redoutable
apparut, le roi de Suède, Charles XII.
Depuis Gustave Wasa, et son adhésion au schisme de
Luther, ce royaume était prépondérant parmi les puissances du nord. Puis, une ligue
protestante contre une ligue catholique, cette contrée rentra dans une guerre civile de
trente ans. Gustave victorieux devint l’arbitre de l’Allemagne. La France s’allia avec
lui. Le roi de Suède fut tué à la bataille de Lutzen. La fille de Gustave Adolphe monta
sur le trône.
Après avoir pacifié l’Allemagne par la paix de Westphalie, 164
à vingt-sept ans, elle abdiqua, abandonna la réforme et s’en alla à Rome se vouer à la
culture des sciences. Elle choisit pour lui succéder un guerrier, Charles Gustave, qui
avait la force pour soutenir une couronne sur laquelle la Volonté européenne fondait
son espérance. Cette Volonté après avoir tout préparé en Angleterre, pour effectuer
vers l’Amérique le mouvement dont j’ai parlé, faisait encore un effort sur l’Allemagne,
au moyen du schisme, dont la Suède était déclarée le chef. Les successeurs de Gustave
eussent senti leur position comme Christine sentit la sienne, et au lieu de viser au
despotisme, auraient visé à la puissance populaire, ils eussent favorisé le mouvement
qui les avait élevés. La Suède aurait acquis la Pologne, conquis le Danemark, dominé
l’Allemagne, et peut-être fait reculer les Russes qui la brisèrent. Il fallait suivre les
circonstances. Christine ne le voulut pas, mais se sentant insuffisante se retira du
schisme et du trône. Charles XI perdit tout ; Il voulut régner en despote
Après l’éphémère victoire de Nerva, après avoir été l’arbitre de
l’Allemagne, maitre de la Pologne et de la Saxe, Charles XII vint tout perdre à
Pültava.
La fortune de Pierre l’emporta sur la sienne. Après sa défaite il fut jeté dans la
possession du sultan des Turcs. Il songea à fomenter une guerre contre la Russie,
guerre qui montra à l’Europe le génie de Pierre le Grand.
A partir de cette époque la Suède perdit tous ses droits à la primauté.
L’Empire russe se consolida, se polit sous le règne de quatre femmes douées de
qualités appropriées aux circonstances.
Le Destin, dont cet empire était l’ouvrage, en amenant ces quatre
princesses sur le trône, confirma une chose dont l’histoire du Monde offre partout
l’exemple ; C’est par les femmes que commence toute civilisation, tout mouvement
intellectuel quel qui soit, et que, plus précoces que les hommes, tant en général qu’en

164
particulier, elles doivent paraitre là où le Destin, la Providence ou la Volonté de
l’homme déterminent une production hâtive ; Or, l’empire russe est au nombre des
créations politiques, une création extrêmement hâtive, ce qui devait l’être pour
remplir son objet.

Elévation de la Prusse sous Frédéric II ;


Fautes de ce Prince. Démembrement de la Pologne.
Vue sur la Pologne. Vue sur le Danemark.
Vue sur les Autres Puissances d’Europe.
Réflexions sur le Cardinal Richelieu.

Ainsi par la faute de Charles XI et Charles XII, la Suède


n’atteint pas le but qu’elle aurait dû atteindre, et le schisme de Luther manqua de
point d’appui. La Volonté Européenne tenta un nouvel effort, et Frédéric 1er devint roi
de Prusse en 1701. Ce nouveau royaume prit un ascendant dès Frédéric II, qui domina
l’Allemagne, et le protégea contre les attaques de la Russie. Si Frédéric avait eu
sagacité et bel esprit, il aurait pu donner une base à sa puissance, et ne se serait pas
allier à ses deux ennemis naturels, la Russie et l’Autriche, pour déchirer la Pologne et
s’en partager les lambeaux.
La Pologne était un état extraordinairement constitué. Il
était à la fois une monarchie, une république, un état féodal, une aristocratie, Le Roi,
à qui personne ne voulait obéir était presque toujours étranger. Les Palatins
défendaient leur liberté contre le Roi. Les Diètes ressemblaient à une arène de
165
gladiateurs. Le véto d’un seul noble arrêtait toute discussion. On avait eu la
prétention de réunir sans lien médiane le Destin à la Volonté, et de prétendre faire
marcher ensemble les lois de la nécessité et de la liberté. Cet état fut en butte à des
révolutions continuelles. Quelques rois se distinguèrent, tel Sobieski, le plus sage, le
cardinal Casimir qui abdiqua en 1668. Il mourut à Paris, abbé de Saint Germain-des-
près.
La Pologne fut contrainte de se rendre tributaire des Turcs
en 1671, et perdit son existence politique un siècle après.
Le Danemark, depuis l’action infâme de Christiern II, qui
fit égorger le Sénat Suèdois, dans une fête solennelle en 1520, n’a plus exercé aucune
influence directe sur l’Europe. La séparation de la Suède, et en 1660 les états du
royaume déférèrent à Frédéric III le droit héréditaire et la souveraineté absolue. Cela
aurait pu perdre les Danois ou les rendre redoutables. Il ne fit rien de cela.
La Hongrie et la Bohême n’ont pas plus exercé d’influence
sur l’Europe. La Hongrie parut jouir d’un moment d’éclat sous Carobert et son fils.
Carobert, fils de Charles Martell, neveu de Saint-Louis, avait été porté au trône par le
Pape Boniface III. Il réunit au royaume la Dalmatie, la Serbie, la Transylvanie, et la
Valachie. La Hongrie devint passagèrement la plus puissante d’Allemagne.
Louis, fils de Carobert fut un grand prince, chéri du
peuple. Il ne laissa pas d’enfant mâle. Sa veuve, Elisabeth, fit assassiner Charles
Durazzo, roi de Hongrie, pour y mettre sa fille Marie. Cela entraina des dissensions
sanglantes. Depuis ce temps, la Hongrie fut ravagée par les Turcs, les Autrichiens. Au
début du seizième siècle son roi, Louis II, fut tué à la bataille de Mohats, contre les
Turcs, et Soliman fit deux cent mille captifs. Ce qui resta des Hongrois creusèrent des
habitations souterraines

165
J’ai parlé de l’Allemagne sous le rapport de la puissance
impériale, et de l’Italie sous celui de la puissance pontificale ; Si depuis Charles-Quint
les empereurs possédèrent quelque puissance, ils la durent aux états et non à leur
titre. Comme souverains de l’Autriche, de la Hongrie, de la Bohême, de la Flandre, ils
tenaient le premier rang en Allemagne, et un rang très distingué en Europe, mais ce
n’était pas comme empereurs, c’était comme monarques. Si l’empire avait existé sous
Charlemagne, il y avait un moment qu’il n’existait plus.

La puissance pontificale, qui n’avait guère plus existé que


l’impériale, se trouva anéantie au début du dix-septième siècle par la résistance de
Venise au Pape Paul V. Ce Pape, ayant mis cette république en interdit, et
excommunié le Dode et le Sénat, l’interdit ne fut publié nulle part, et
l’excommunication fut méprisée. Ce fut Henri IV, en médiateur, qui raccommoda les
deux puissances. Les Papes, sans force sur l’opinion, devinrent ce qu’on avait désiré
qu’ils fussent. Mais les empereurs ne jouirent d’aucune puissance au-delà de leurs
forces réelles.
En 1740, Marie-Thérèse, reine de Hongrie et de Bohême, par le testament de
son père, disputa l’empire à Charles VII, le dépouilla de son duché de Bavière, et fit
élire son mari François 1er, pour régner sous son nom, comme elle régna ensuite sous
l nom de son fils Joseph II.

Ainsi, comme nous l’avons vu, l’Espagne, au plus haut point de sa


grandeur au seizième siècle, déclina au dix-septième, n’en eu plus aucune au dix-
huitième. La cour de Philippe III ne fut qu’un chaos d’intrigues comme celle de Louis
XIII. Le duc de Lerme régna sous le nom de son maitre en Espagne, comme le 166
cardinal Richelieu en France, mais pas avec le même génie. Le duc d’Olivarès qui lui
succéda sous Philippe IV, causa la séparation du Portugal, et les possessions des
Portugais aux Indes, la proie des Hollandais. La régence de Marie d’Autriche, et le
faible règne de Charles II finirent de tout perdre.

Grace au génie d’Henri IV, la France allait prendre en Europe une


politique plus ferme, et renoncer à la politique faible et tergiversante de François 1er.
A l’assassinat d’Henri IV on vit combien un seul homme peut influer sur le sort des
nations. Après lui, sous Marie de Médicis, les factions se réveillèrent, la paix
religieuse fut troublée, le peuple retomba dans la misère, la guerre se ralluma, les
meurtres recommencèrent, les préjugés renaquirent. Le premier ministre Concinni
fut assassiné.
Le roi Louis XIII entrainé dans une guerre funeste, tout penchait vers sa ruine.
Richelieu , entrant en Conseil, écrasait la puissance des protestants. Il offrait à
l’Europe le spectacle d’un cardinal s’unissant à une reine protestante. Richelieu
raffermit la royauté en France, restreignit la liberté de la presse. Il fut un esprit fort et
fit bruler Urbain Grandier comme sorcier. Enfin ce ne fut qu’en humiliant le roi qu’il
le rendit puissant, et qu’en tyrannisant la France qui la rendit respectable. Il mourut
en 1642, et Louis XIII cinq mois après.

Etat de la France sous Louis XIV.


Grandeur de la France. Déclin causé par Mme de Maintenon.
Révocation de l’Edit de Nantes.

166
Minorité de Louis XV.
Naissance du Philosophisme.
La Volonté Triomphe du Destin.
Influence de Voltaire et de Rousseau.

Le Règne de Louis XIII fut pour la France un temps de


conspirations. Le cardinal Mazarin fut une pâle copie de Richelieu, et la minorité de
Louis XIV une période de troubles et d’anarchie.
Le siècle de Louis XIV s’était ouvert, dès le ministère de
Richelieu, par La Tragédie du Cid. La poésie et tous les beaux-arts avaient pris un
grand essor. Le commerce ne rivalisait pas avec celui des Hollandais ou des Anglais.
La France n’avait pas des colonies nombreuses, mais elle possédait un sol fructueux
prêt à répondre à un patient et laborieux agriculteur.
Avant Louis XIV la France avait montré un courage de
circonstance passant comme la foudre. Louis XIV transforma l’impétuosité de la
France en véritable valeur. Il dédaigna l’insidieuse politique de Richelieu et de
Mazarin, et crut la nation française pour être vraie. Dès que Madame de Maintenon
lui apprit à dissimuler il fut perdu.
Louis XIV faisait la guerre par gout et les conquêtes par
vanité. Louvois, Colbert, n’étaient point au niveau de leur maitre. Ses généraux
étaient grands parce qu’il les inspirait. Quand une femme eut couvert d’un voile
d’hypocrite les formes élégantes d’une cour voluptueuse et fière, tout devint petit là
où tout était grand. La Révocation de l’Edit de Nantes qu’elle lui inspira, fut la mesure 167
la plus impolitique. Le Pape Innocent XI, malgré un Te Deum de joie à Rome, n’avait
pas la force de tirer le moindre parti de cet événement.
François 1er et ses successeurs persécutaient les réformés,
ils les persécutaient comme rebelles à leurs lois. Après une guerre civile, et après une
paix librement consentie, les parties étaient liées par les accords, autant les rois que
les sujets. François 1er fut coupable de la Saint Barthélemy, mais il n’avait rien promis
mais au contraire menacé. Alors que Charles IX, ayant reconnu les protestants en
signant un traité de paix, devenait parjure en le violant. Le massacre de la Saint
Barthélemy fut un exécrable assassinat.
De même, l’Edit de Nantes, étant l’effet d’un traité de Paix conclu en
1576, renouvelé en 1598, sa révocation ne dépendait pas de Louis XIV, à moins qu’il
ne voulut déclarer la guerre à ses sujets, et donc autoriser la rébellion. Ces deux actes,
tous deux dans l’illégalité, l’un anéantit la maison de Valois, l’autre obscurcit la gloire
de Louis XIV, et troubla la prospérité de sa famille.
Louis XIV, accablé de disgrâces à la fin de son règne, eut la force de
placer son petit-fils sur le trône d’Espagne ; Cet événement rendit souvent l’Espagne
plus embarrassante que si elle avait été ennemie.
Après la mort de Louis XIV, le voile d’hypocrisie que Madame de
Maintenon avait forcé de s’envelopper sur la cour, se déchira et tout fut envahi par
une licence audacieuse, puis sans bornes. Le duc d’Orléans, régent de France, sous la
minorité de Louis XV, pressé par les besoins adopta le système de Law sur le papier
monnaie ; Le peuple aussi se livra à ce système. Les fortunes en changeant de mains
entrainèrent un bouleversement général.
A cette époque naquit le philosophisme du dix-huitième siècle, mélange
de bel esprit et de raison pure. Son apparition fut l’ouvrage et le triomphe de la

167
Volonté. Le Destin effrayé chercha des armes contre lui. Les règnes de Maintenon et
du Régent n’avaient rien laissé d’intact.
La bulle Unigénitus, le Jansénisme, les prétentions du Concile
d’Embrun, les folies des Convulsionnaires, ne firent qu’agrandir le fantôme, en lui
donnant l’occasion de déployer le sarcasme et le ridicule. Le Destin fléchit.
Cependant Louis XV est encore enfant. On lui fait prendre des
mesures en contradiction avec les circonstances : édit sévère contre les protestants,
avec de nouvelles persécutions.
La Suède et la Prusse profitent de cette faute, et attirent chez elle
les meilleurs manufacturiers. L’alliance de l’Espagne est abandonnée; Le roi fait un
mariage impolitique, entraine la France dans une guerre désastreuse, et ébranle
l’Europe. La seconde guerre de Louis XV, allié du duc de Bavière, contre Marie-
Thérèse est funeste. L’influence de la Volonté diminue l’influence du Destin. La
Prusse saisit la domination. La Volonté triomphe. Le philosophisme enfanté s’assied
sur le trône avec Frédéric.
Alors, au milieu d’une foule d’hommes qui se précipitent dans le
tourbillon de la Volonté pour prendre part à ce triomphe, Voltaire et Rousseau,
pourtant opposés, se réunissent sur un point, que la Volonté de l’homme est tout.

Voltaire déclare imposture et mensonge tout ce qui émane de la Providence.


Rousseau déclare usurpation et tyrannie tout ce qui découle du Destin.
Voltaire renverse l’autel, dénie l’autorité des pontifes, et ne veut pour religion
qu’un fantôme divin assis sur la liberté illimitée des consciences.
Rousseau ébranle le trône, refuse aux rois la puissance législative, rend la
souveraineté aux peuples sur lesquels il établit l’édifice social.
Fontenelle avait précédé Voltaire et Montesquieu avait écrit avant Rousseau. 168
Voltaire et Rousseau envahirent les voix de la renommée. Ils
étaient portés par la puissance de la Volonté. Malgré leurs dénigrements, un nombre
infini de prêtres, de nobles, de magistrats, de rois, se mirent au rang de leurs
disciples. Frédéric donna le ton. Tous les princes philosophes étaient protestants.
L’empereur Joseph II, Catherine, et jusqu’au Pape Clément XXV furent philosophes.

Suites de la Révolution d’Angleterre.


Mouvement de la Volonté en Amérique.
Sa Propagation en France.

Tandis que ces choses s’étaient passées, l’Angleterre, dont


la révolution était arrêtée par le rappel de Charles II, y était rentrée par l’expulsion du
roi Jacques, et la nomination du prince d’Orange, son gendre sous le nom de
Guillaume III. Ce Guillaume, mort sans enfant, Anne Stuart lui succéda ; Après la
mort de cette reine, le parlement Anglais, en 1714, appela Georges 1er, l’électeur de
Hanovre. L’Angleterre a été une emporocratie royale. La Hollande, qui l’avait précédé
dans ce genre de gouvernement, a été éclipsée par l’Angleterre.
Puis le moment est arrivé où le germe de liberté déposé en
Amérique par les soins de Fox et de Penn, a manifesté sa force et produit ses fruits.
C’est ce qui arriva en 1774 quand les colonies Anglaises se sont soustraites à la
domination de l’Angleterre. Un acte d’union les déclarait indépendantes, sous le nom
d’Etats-Unis, sous le regard indifférent de l’Europe.

168
Tout était préparé d’avance pour favoriser l’effet qui allait
avoir lieu. La France ne vit dans ce qui se passait en Amérique que le moyen
d’affaiblir l’Angleterre. Louis XVI, à qui on présenta les choses de cette façon, se
détermina à favoriser ce mouvement et entraina l’Espagne et la Hollande.
Grace à cette diversion et aux troupes françaises en
Amérique, le parlement Anglais reconnut l’indépendance des Etats-Unis, en 1782.
L’ébranlement donné en Amérique s’était fait sentir en Europe. Les soldats revenus
d’Amérique rapportèrent les germes d’insubordination et de discussions.
La terre, où la Volonté de l’homme jetait ces germes de
révolution, était préparée par les philosophes sceptiques, Voltaire, Mirabeau, Diderot,
Helvétius, et toute la séquelle holbachique, nommée ainsi à cause du baron d’Holbach
chez qui elle se réunissait ; Les philosophes politiques, comme Rousseau, l’abbé
Mably, l’abbé Raynal, avaient remué les esprits. Les idées principales diffusant dans
les têtes étaient :
Qu’on pouvait se passer dans le gouvernement de prêtres et de rois, et
Que l’autel et le trône, étaient les inventions de la fraude et de la tyrannie, bons
pour des temps d’ignorance, mais qu’on pouvait reléguer dans les temps de sagesse et
de lumières.
Ces deux idées, cultivées principalement en France, passèrent en
Prusse, se propagèrent en Allemagne. Weishaupt les saisit, vit dans la réunion de ces
idées, la réalisation du fameux âge d’or des poètes. Il imagina une Utopie,
l’Illuminisme, instituant tous les hommes, leurs propres souverains et leurs propres
pontifes. Cette utopie se mêla aux mystères francs-maçons et pénétra en France.
Quelques erreurs de Louis XVI, aidèrent au mouvement de
subvertion, mais c’était surtout l’effet d’un mouvement moral. Ce mouvement
dépendit tout entier de la Volonté libre de l’homme, agissant en absence de 169
Providence, sur la nécessité du Destin qu’elle surmonta. Ce mouvement ressembla à
un torrent débordé qui déchire tout. Il fut dans la politique ce que le schisme de
Luther avait été pour le culte. Il eut la même cause que trois siècles auparavant, et fut
le résultat du combat entre la liberté et la nécessité, entre la Volonté de l’homme et le
Destin.
Ce fut une REVOLUTION. Tout a été dit sur elle.
Madame de Staël a laissé peu de choses à désirer dans la peinture
des événements, elle en a ignoré les causes métaphysiques, que je dévoile en général.
Mais l’époque où elle écrivait son ignorance était forcée.

Suppression des Jésuites.


Situation des Esprits à la Révolution Française.
Elévation de Bonaparte.

Au moment où les premiers symptômes se manifestaient


en Amérique, et lorsque la Volonté s’y créaient des défenseurs dans les philosophes
sceptiques et politiques, le Destin y perdait ses plus fermes appuis. L’institution des
Jésuites s’était écroulée sans résistance. La France, le Portugal, l’Espagne, le Pape
même la proscrivit. Il semblait que l’action volitive entrainât dans son tourbillon
jusqu’au Destin lui-même. Une frénésie s’était emparée des esprits. On taxait la
religion de faiblesse, les parlements devaient se montrer opposés à la cour. La
noblesse se moquait de ses préjugés. Quand les sentiments religieux et royalistes
reparurent, s’était trop tard. La nécessité du Destin, vaincue par la force de la

169
Volonté, avait laissé filer les événements, avec une telle rapidité, que les défenseurs
de l’autel et du trône ne pouvaient que se faire écraser. Tout fléchissait devant la
puissance qui se mouvait. La Providence n’était plus sentie, le Destin n’était rien, la
Volonté était tout.
A peine les Etats Généraux réunis en mai 1789, que dès juin le Tiers-
Etat (députés des communes) a dominé la noblesse et le clergé. Le roi qui a voulu s’y
opposé n’a fait qu’aboutir la Déclaration des Droits de l’Homme. En juillet
l’insurrection éclate. La Bastille est prise. On massacre plusieurs magistrats voulant
s’opposer. A la voix de Mirabeau, la France se hérisse de gardes nationales. On s’arme
de toutes parts. Trois millions de soldats semblent sortir de terre. En aout la noblesse
déchire et foule aux pieds ses titres, et la faible barrière qui enveloppait le trône est
brisée. En septembre l’Assemblée Nationale décrète l’inviolabilité du roi. Le 6 octobre
une multitude de femmes inondent Versailles, quelques brigands égorgent les gardes.
On traine le roi à Paris. On le force à sanctionner le trône et renverser l’autel. Avant la
fin de l’année, les biens du clergé sont nationalisés, et une masse de papier monnaie
couvre la nation. Les fortunes changent de mains et le bouleversement est plus
radical et plus vaste que celui éprouvé par le système de Law.
En 1790, les prêtres qui refusent la nouvelle constitution sont persécutés. On
ôte au Destin ses dernières ressources, et on donne à l’arbitraire de la Volonté, un
champ sans limites. Cette Volonté triomphe le 14 juillet. A Paris plus de quatre cent
mille français se lient des mêmes serments. En 1791, les persécutions contre les
prêtres augmentent, la noblesse émigre. Les puissances étrangères regardent et
s’inquiètent de ce qui se passe en France. L’Assemblée Nationale se déclare toute
puissante, et déniât le roi de la dissoudre. Ce dernier s’enfuit, et est rattrapé. On le
ramène en triomphe à Paris. Il est contraint d’accepter l’ombre d’une puissance, dans
une constitution qui ne durera que dix mois. 170
Le trône s’écroule le 10 aout 1792, apparemment sous les coups de
factieux, mais en réalité sous l’effort de la Volonté populaire. Une convention
nationale succède à l’assemblée législative, proclame la République, tandis que le
sang coule autour d’elle. Tout ce que la Providence a de saint et de sacré, tout ce que
le Destin a d’auguste et d’imposant, est foulé aux pieds. Cette convention outrage dès
le début le sacerdoce, en méconnaissant le souverain pontife, et la royauté , en
humiliant son propre monarque. Louis XVI doit se soumettre à un interrogatoire
juridique. Il n’eut pas la force de s’y opposer, et fut condamné. Il finit de livrer le
Destin à la puissance de la Volonté. En vain, les souverains étrangers se liguèrent
contre la France. La force des armes ne pouvaient plus rien. Lorsque une des trois
grandes puissances de l’Univers domine seule sur les deux autres, il n’y a aucun
moyen extérieur qui puisse arrêter sa marche. Elle arriverait à la domination du
Monde et de l’Univers si elle ne portait pas en elle les germes destructeurs qui
arrêtent ses progrès. Ce germe se développe toujours par une suite de lois
universelles émanées de la divine sagesse. Les forces extérieures se brisent toutes. La
mort même ne peut rien contre la Volonté.
Et la Volonté se divisa.
La Convention partagée en deux factions : la Gironde et la
Montagne se heurte et se brise. La Gironde est sacrifiée et ses partisans meurent sur
l’échafaud. Le 31 mai 1793 commence la Terreur, avec Robespierre pour chef. Le sang
coule à torrent. La famine dévore les habitants. La guerre est générale. L’Europe est
ravagée par les armées. La Convention se divise encore. La Montagne, triomphante
depuis quatorze mois se renverse sur elle-même en 1794. Robespierre et ses acolytes
sont écrasés. Aux journées de prairial 1795 une nouvelle division amène l’abolition du
club des jacobins et la suppression du tribunal révolutionnaire. Plusieurs traités de

170
paix sont conclus. Le gouvernement prend la forme de la république de Carthage, en
ôtant les deux choses qui en fissent la force : la statue de Moloch, et l’esclavage des
Numides. Les législateurs populaires, divisés entre eux, divisent le peuple.
Les quarante-huit sections de la capitale s’insurgent, et lancent
contre la Convention plus de cinquante mille hommes. Alors Napoléon Bonaparte
sauve la Convention, et le 13 vendémiaire commence la première réunion de la
Volonté et du Destin, et opère la première soumission de la liberté à la nécessité.
1796 est mémorable par la campagne de Bonaparte en Italie. Dès
1797, la paix est conclue avec tous les potentats du continent. Seule l’Angleterre reste
en guerre. Le gouvernement républicain est appelé Directoire en France, il est
composé de cinq directeurs, et d’un corps législatif en deux chambres.
Le Directoire, se divisant toujours d’opinion s’affaiblit au 18
fructidor. Bonaparte s’éloigne et abandonne ces ignorants politiques. Il fait la
conquête de l’Egypte avec quarante mille hommes. Et pendant qu’il poursuit la guerre
en Afrique et en Asie, tout se désorganise en France, les frontières sont envahies.
Bonaparte revient en France, y provoque une révolution, et
devient Premier Consul. Il se donne deux autres consuls et le sénat, pour étayer son
pouvoir naissant.

Ainsi finit avec le dix-huitième siècle, le mouvement volitif


dont le principe moteur, venu d’Amérique vingt ans avant, avait commencé à se
manifester en 1789. Bonaparte se crut assez puissant pour s’en rendre maitre en se
précipitant dans son tourbillon. Et après l’avoir saisi, assez heureux pour l’attacher à
son destin, il travailla douze ans à ce grand œuvre. Il ne repoussa pas le crime de sa
carrière politique, mais ne l’y appela pas non plus. Il fut dur sans être cruel, astucieux
sans être perfide. Prêt à dominer l’Europe. Et sa première femme étant encore 171
vivante, parvenu à épouser la fille de l’empereur d’Allemagne, le successeur de
Charlemagne et d’Auguste, il se crut arrivé au but de ses désirs. Mais il se trompa. Il
connut assez bien son destin, et mit dans ce qu’il appelait son étoile une confiance
sans bornes. Mais il ne connut ni la nature du mouvement dont il s’était emparé, ni
celle du nœud qu’il avait entrepris de former. La liberté et la nécessité qu’il voulait
réunir sont incompatibles dans leur essence. Elles ne peuvent jamais se confondre
qu’à la faveur d’une troisième puissance, qu’il faut savoir prendre là où elle est. Or
cette troisième puissance qui est la Providence, Napoléon ne la connut pas, et ne
chercha jamais à la connaitre.

Qui était Napoléon Bonaparte. Sa Chute.


Restauration de la Famille des Bourbons.

Bonaparte n’était pas apte à rendre la paix au Monde,


troublé depuis un si grand nombre de siècles par la lutte sans cesse renaissante entre
la Nécessité et la Liberté, la Volonté de l’homme et le Destin.
Napoléon n’était que l’expression d’une tyrannie militaire,
aussi son autorité n’était-elle entière que là où les armées pouvaient se mouvoir, et là
où elles pesaient. Partout où les soldats ne pouvaient entrer, son pouvoir était
insignifiant. Robespierre, son opposé, était l’expression de la tyrannie populaire. Plus
l’espace était étroit, plus il était fort. Aussi ce tyran subalterne tombât-il dès que le
cercle de son autorité, s’étant étendu, il voulut y faire mouvoir de grandes masses.

171
Le contraire arriva à Napoléon, très puissant dans la partie animique de son être,
faible dans tout le reste. Une partie de lui exaltait des facultés éclatantes, et une autre
partie de lui reflétait la petitesse et s’avérait inerte.
La victoire et les succès élargissant son horizon, son être moral se dilata.
Avec les revers ses forces diminuèrent. Et il ne respira plus lorsque l’atmosphère de
l’Europe vint à lui manquer.
Napoléon était parvenu en 1811 et 1812 au plus haut point
de sa grandeur fatidique. Ses flatteurs avaient beau lui dire que les bases de son
pouvoir étaient inébranlables, il n’en croyait rien, et voyait toujours un obstacle à
surmonter. Et cherchant partout cet obstacle, il finit par le voir là où il n’était pas.
Il se persuada que la Russie était cet obstacle, et qu’il trouverait les clefs de Londres
dans le Kremlin. Pour cela il ébranla l’Europe ; A la tête d’une immense armée il fit
l’expédition en Russie qui le perdit. Son destin, tête baissée, alla heurter un destin
plus robuste qui le brisa.
La suite fut vaine, même la fameuse sortie de l’ile d’Elbe. Il sentait bien, durant son
règne de cent jours, que son étoile ne dominait plus la France.
Ce moment d’exaltation ne servit qu’à le faire tomber plus bas. En 1814, il avait été
vaincu par les éléments conjurés en faveur des Russes. En 1815, il le fut par les
Anglais soutenus par les Prussiens.
Souverain de l’ile d’Elbe, il fut prisonnier dans Sainte-Hélène.
Il n’y eut point de trahisons, il y a eu infériorité de destin. Ses plus sages précautions
manquèrent d’effet. Ses moindres fautes furent des sottises énormes.
Ce même Destin qui abandonnait Napoléon, favorisai la France, en y ramenant les
rois, les descendants de Saint Louis et d’Henri IV. Tout semblait rentrer dans l’ancien
ordre des choses, mais il était difficile que tout y rentrât. Depuis vingt-cinq ans, la
Volonté de l’homme avait brisé jusque dans leurs fondements des institutions dont la 172
réédification était impossible.
Louis XVIII le sentit. Il donna à la France un gouvernement
monarchique représentatif. Le monarque assisté d’un ministère responsable propose
la loi votée par une chambre de pairs héréditaires, et une chambre de députés des
départements élus par un collège électoral.

Je ne veux pas juger cette forme de gouvernement.


Après avoir tracé les principaux événements qui, sous le rapport de
l’Etat social de l’homme, se sont passés dans le Monde en douze mille ans, les avoir
enchainés les uns et les autres à l’action simultanée des trois grandes puissances qui
dirigent l’univers : La Providence, la Volonté de l’homme, et le Destin. Après en avoir
signalé les causes et les résultats, autant que cela m’a été possible ; Je veux montrer à
laquelle de ces trois puissances s’attachent les diverses formes des gouvernements
qu’ont adopté, adoptent, ou pourront adopter les différents peuples de la terre.
Quels rapports ont ces formes constitutionnelles politiques des Corps
Sociaux, avec les formes constitutionnelles métaphysiques de l’Homme. Je
proposerai une conclusion.

Récapitulation

Nous avons vu les derniers résultats de la lutte engagée entre la


Nécessité et la Liberté, la force de la Volonté, et la fatalité du Destin.
L’histoire de la terre n’offre point d’exemple d’une explosion aussi
violente, d’une subversion aussi complète que celles dont la France a été le théâtre, et
172
dont l’Europe et le Monde entier ont ressenti le contre coup. Après une victoire qu’on
a crue absolue, cette superbe Volonté qui se figurait déjà parvenue au comble de ses
désirs, saisie dans un piège aussi adroitement que vigoureusement tendu, s’est vue
entrainée dans un tourbillon fatidique, qu’elle a d’abord confondu avec le sien, et qui
l’a ramenée sous le joug du Destin, qu’elle avait brisée avec violence.
Pour flatter son orgueil déçu, on lui a dit que ce joug était le sien propre, et elle a feint
de le croire, pour se ménager le droit d’en disposer.
Qu’on ne se trompe pas. La lutte n’est point finie. La Providence seule peut la
terminer.
Tout ce que les hommes peuvent faire, soit qu’ils se vouent au Destin,
soit qu’ils suivent les impulsions de la Volonté, se borne à ceci :
Rendre les repos plus longs et les combats moins rigoureux.
Les intentions de tous les hommes sont pures. Ils veulent tous le même
but, quoiqu’avec des moyens opposés. Le bonheur général dans lequel se trouve le
bonheur particulier, est l’objet de leurs vœux. Les uns ne peuvent le voir que dans
l’exercice d’une Volonté libre, et les autres que dans la stabilité d’un ordre établi.
Quelques-uns cherchent un état mitoyen, également mélangé de
mouvement volitif et de repos fatidique, de progression et de stabilité, de liberté et de
nécessité. C’est le grand œuvre de la politique.
Quoique je sois persuadé que ce grand œuvre est impossible, hors de la
Providence qui le donne, je ne laisserai pas, après avoir parlé des gouvernements
simples, d’examiner la manière dont ces gouvernements se peuvent modifier en se
mêlant les uns aux autres, et je tacherai de montrer quel est l’espoir présumable, bon
ou mauvais, qu’on peut concevoir de leurs diverses modifications. Je ne craindrai pas,
dans cet examen, d’aborder la question de savoir si le gouvernement monarchique et
le gouvernement républicain sont alliables dans l’absence du Théocratique. 173
S’ils le sont, quel est le ressort politique qu’on pourrait leur appliquer dans une
Monarchie constitutionnelle. Les hommes volitifs et fatidiques, qu’on nomme
aujourd’hui Libéraux et Royalistes, occupés à chercher ce ressort, sauront ma pensée
à cet égard et la jugeront.

Influence Politique des Trois Grandes Puissances de l’Univers.

Au moment où j’écris, l’homme est arrivé à une des


époques les plus importantes de l’Etat Social. L’expérience doit l’avoir instruit. Il doit
distinguer entre le bien et le mal.
Hommes ne soyez plus des enfants. L’Empire de
Ram dont j’ai parlé vous parait une vision. Cela est vrai. Pour preuves, il existe une
langue primitive. Pourquoi les hommes devraient-ils vivre parqués, en méfiance,
toujours en guerre les uns contre les autres. L’homme est un être universel. Le
sentiment d’amour est le même d’une hutte à l’univers. La différence n’est que
l’étendue.
Rousseau qui a dit que le sentiment ainsi étendu
perdait de son intensité s’est trompé. Il a confondu l’amour du pays natal et l’amour
de la patrie. Le pays natal repose sur un point, la patrie est partout où Ram peut
exercer son activité. Un philosophe grec auquel on reprochait de ne pas aimer sa
patrie répondit en regardant le ciel : « Vous vous trompez, je l’aime infiniment ». Il
étendait sa patrie au-delà des choses visibles. Socrate ne monta pas à la tribune pour

173
discuter sur les affaires publiques, mais il refusa, au péril de sa vie, d’obéir à trente
tyrans qui opprimaient Athènes, et mourut pour ne pas violer ses lois.
Socrate et le philosophe dont j’ai parlé étaient des hommes
providentiels. Démosthène et Cicéron étaient des hommes volitifs. Philippe de
Macédoine, et César dictateur de Rome, étaient des hommes fatidiques.
Considérés comme membres d’une société politique, les hommes
qui représentent quelque chose peuvent être classés dans une de ces trois catégories,
et selon qu’ils ont plus ou moins d’enthousiasme, plus ou moins de talents, être
classés au premier rang ou dans des rangs inférieurs. Quand les opinions de ces
hommes sont prononcées, on appelle les premiers Théocrates, les seconds
Républicains, les troisièmes Monarchistes. De là découle trois formes de
gouvernement, dans lesquelles dominent les trois grandes puissances qui régissent
l’univers : la Providence, la Volonté de l’homme, et le Destin. Ses formes, si elles sont
pures, constituent : la Théocratie, la République, la Monarchie pures.

La Volonté de ‘homme est proprement animique et libre, et son siège est


dans l’âme universelle ou particulière, selon que l’homme qu’elle meut est universel
ou particulier. Mais cette Volonté peut se placer aussi bien dans l’intelligence que
dans l’instinct, pour y usurper la place de la Providence ou y dominer le Destin. Et
alors la Théocratie est corrompue, et la République prend les formes aristocratiques
ou emporocratiques.
La Providence est proprement spirituelle et inspiratrice, et son siège est
dans l’intelligence. Mais, quoiqu’elle est posé elle-même les lois de liberté et de
nécessité qui régissent la Volonté et le Destin, et qu’elle se soit imposé à elle-même
l’obligation de ne les violer jamais, elle peut néanmoins, par des moyens qi lui sont
propres, moyens toujours nouveaux, moyens inconnus, qu’elle ne divulgue jamais, et 174
que nul être ne peut pénétrer d’avance, déterminé ces lois vers le but qu’elle s’est
proposé. Et cela, de manière que ce but soit toujours atteint, quelles que soient les
causes dont la Volonté provoque librement l’existence, et les effets nécessaires et
forcés qu’amène le Destin.
La Providence, évoquée dans l’une ou l’autre puissance, en consolide les
créations, et leur communique le principe de vie que rien ne saurait posséder hors
d’elle.
Le Destin, qui réside dans l’instinct universel ou particulier, est
proprement instinctif et nécessaire.
La Volonté qui le redoute, lui donne incessamment naissance, et
augmente ses forces en proportion qu’elle exaspère les siennes.
Si le Destin se mêle à la Volonté et qu’il la domine, il créé l’empire
militaire. S’il en est dominé, au contraire, il donne naissance à la tyrannie
démagogique.
Lorsque le Destin, à l’aide de la Volonté, qu’il a subjuguée ; il parvient à
usurper la place de la Providence, il produit le plus terrible des gouvernements, le
despotisme absolu.

Après avoir posé ces principes, nous allons entrer dans leurs
développements.

Principe du Gouvernement Républicain.


La Souveraineté du Peuple.

174
Comment se Fondent les Républiques.
Situation de la Religion dans les Républiques.

Un écrivain moderne a dit que le principe du


gouvernement républicain était la vertu. Forcé d’expliquer, il a dit que s’était l’amour
de la patrie. Pour lui c’était un sentiment plus étroit que pour le philosophe dont j’ai
parlé.
Il n’est pas question de savoir ici si l’on aimera mieux une patrie
républicaine, monarchique ou théocratique. Il est question de savoir ce qui fera naitre
cet amour.
Ce sera la Volonté de l’homme, abandonnée à son libre arbitre, et rejetant toute autre
domination que la sienne, elle se déclarera souveraine, et se vouera à elle-même son
propre amour, dans la République.
C’est ce qui a fait proclamer la souveraineté du peuple à Rousseau, comme le seul
principe du droit politique, et l’unique fondement de l’état social.
Mais ceci est une erreur reçue dès le berceau, et nourrie de ses
préjugés ; car en admettant la souveraineté du peuple comme résultat de la Volonté
générale, ce n’est pas cette souveraineté qui est le principe, mais la Volonté qui la
crée. Et si cette Volonté est déclarée principe, qui osera dire que ce principe soit le
seul dans l’univers ? Si cela était ainsi, d’où viendraient les obstacles qui l’arrêtent à
chaque pas, qui la dévient, qui la brisent ? Un principe unique peut-il avoir des
contraires ?
La faute de Rousseau a été de dire que l’état social a un principe,
alors qu’il en a trois. Il est vrai qu’un de ces principes consacre la souveraineté du 175
peuple, et sa liberté absolue. C’est la Volonté de l’homme irréfragable, et libre dans
son essence. Mais aussi le Destin, irréfragable, et nécessité, entrainent
l’assujettissement forcé de ce peuple.
Et la Providence, irrésistible dans sa marche, commande cette soumission volontaire,
et lui montre que ce n’est qu’au moyen de cette soumission qu’il peut éviter
l’assujettissement. Il n’est donc pas question de dire que le peuple est souverain, mais
qu’il est incliné à le devenir, et toujours empêché de l’être.
C’est pour réaliser le fantôme illusoire de la souveraineté du
peuple, que la Volonté de l’homme a imaginé les républiques.
Pour qu’une République s’établisse il faut un concours de circonstances.
Il y a des temps où une pareille entreprise est impossible. Pour qu’elle ait lieu il faut
que le Destin soit vaincu. Et il ne peut jamais l’être autant qu’il soit abandonné par la
Providence.
L’histoire de la Terre prouve que le moment le plus favorable pour fonder une
République, est celui, où des colonies, éloignées de leurs métropoles, s’en séparent ;
Ou, lorsque des états subjugués par d’autres, parviennent à secouer le joug de leurs
vice-rois, ou de leurs gouverneurs. Dans de telles situations, le Destin, n’étant que
secondaire, est plus faible, et cède plus facilement à la Volonté.
C’est dans ces circonstances que se formèrent les républiques de la Grèce, après que
les Thraces, s’étant séparés des Phéniciens, les Grecs se séparèrent des Thraces.
Carthage fut d’abord une colonie des Tyriens, et Rome une colonie des Etrusques.
La Suisse a secoué le joug des Autrichiens, et la Hollande celui des Espagnols.
Les colonies Américaines de l’Angleterre, ont abandonné leur métropole.
Dans toutes ces occasions la Volonté a triomphé du Destin.

175
Mais ceux qui ont voulu utiliser ces exemples pour en faire naitre dans des
monarchies radicales, ont commis une grave erreur ; La révolution tentée en
Angleterre sous le voile de la religion, et celle consommée en France sous le voile de
la philosophie, n’ont pas réussi. Les deux Républiques, cimentées par le sang des
monarques, n’ont pas soutenu le souffle du Destin. Elles se sont écroulées sous les
pas de deux hommes fatidiques, pour leur servir de marche pied pour arriver au
trône. Et la République, telle qu’elle existe en Amérique, ne peut exister en Europe. Et
l’assentiment providentiel n’y est pas pour donner de la durée à cette République.
Sparte, Athènes, aucune des républiques grecques, ne s’étaient
constituées, sans faire intervenir la Divinité dans leurs constitutions.
N’oublions pas que les germes républicains, jetés en Amérique, sont le
fruit d’un schisme politique, dont le but a été de détruire l’autorité sacerdotale. Il
n’existe pas de souverain pontife aux Etats-Unis, et il ne peut pas en exister. Le
gouvernement est sans religion, et la loi qui le constitue et qui en émane est athée. Je
crois qu’un tel gouvernement est stérile, et ne produira jamais rien de grand. Si les
lois sont athées, elles ne peuvent lui donner que l’athéisme pour principe.
La religion est un principe de vie, une lumière. Il faut se garder d’en
faire un ressort, un levier, inutile quand on ne s’en sert pas, et presque toujours
nuisible quand on s’en sert. La religion n’est pas une chose dont on doive se servir,
mais qu’on doive servir.
On voit, dans les deux chapitres, où Montesquieu et Rousseau ont parlé
de religion, que c’est là où leurs systèmes s’écroulent. Ils veulent tous les deux la
République. Et ils ne sentent pas, que cette forme de gouvernement, toujours
menacée de dissolution, aurait besoin d’une puissance supérieure pour maintenir son
unité. Mais la Religion, ne pouvant entrer dans le gouvernement républicain sans
restreindre la souveraineté du peuple, en laissant intacte cette souveraineté, ils font 176
courir tous les risques à ce gouvernement, fondé purement sur une loi volitive.

Aussi les Républiques anciennes, telles celles d’Athènes, de Carthage, de


Rome, ont pu, à la faveur du principe vital qu’elles avaient reçu à l’origine, vivre cinq
ou six siècles, mais cette vie politique, déjà très courte, sera fort abrégée dans les
Républiques modernes, où ce principe n’est pas admis.

Volonté de l’Homme dans les Républiques.


Mesures pour dominer le Destin.
Origine de l’Esclavage Domestique.
Différence entre Esclavage, Servage Féodal, et
Captivité Militaire. Réflexions.

La Volonté de l’homme, qui a tant fait d’efforts pour rester


maitresse absolue de l’Univers, a fini par éloigner tout-à-fait la Providence de la
forme de gouvernement qui lui appartient.
Les Républiques modernes qui se sont fondées sous son
influence, ont réduit l’autorité sacerdotale, jusqu’à n’être plus considérée que comme
une institution ordinaire, dont les membres, soumis à la souveraineté du peuple, ont
dû recevoir un salaire, à l’instar des officiers militaires et civils. Les délégués de la
Providence sont devenus ceux du peuple, et ont été payés pour continuer à lui répéter
des cérémonies de culte, auxquelles il était habitué.
176
Dans les états où on a admis des prêtres au nombre des
représentants de la nation, ces prêtres n’ont plus été admis comme prêtres, mais
seulement comme citoyens, à cause d’une des conséquences de la loi volitive, qui a
donné lieu à cette maxime : « Un homme est citoyen avant d’être prêtre ». Ce qui
n’est plus vrai avec le sens que donne Rousseau à ‘’citoyen’’, car on est homme avant
d’être citoyen. Et si l’on suit le raisonnement de Rousseau, un homme ne peut jamais
être lié par aucun contrat auquel il n’a pas donné son adhésion. Il peut aussi bien
choisir d’être prêtre avant d’être citoyen, que citoyen avant d’être prêtre.
A Genève, les pasteurs, hors de leurs consistoires, n’avaient pas une
influence différente des moindres artisans. Quand ils étaient membres du grand ou
du petit Conseil, ils y étaient confondus avec les marchands. On appelait cette
confusion, égalité des droits. A Venise, d’un esprit opposé à Genève, il n’y avait pas de
différence sur ce point. Ce qui prouve que c’est la Volonté seule qui opérait, et qui
avait facilement dominé la Providence.
Dominer le Destin restait plus difficile.
Les Républiques anciennes s’étaient épuisées en combinaisons pour essayer
d’échapper à la fatalité du Destin. Elles avaient laissé un accès libre à l’action de la
Providence, en accordant beaucoup d’influence aux Oracles des Dieux. Cela tente à
prouver qu’elles connaissaient l’action des trois grandes puissances de l’univers.
Les Républiques modernes ont agi à cet égard d’une manière inverse. Elles n’ont
concentré leurs efforts qu’à se garantir des influences religieuses. Un prêtre leur a
paru plus redoutable que cent soldats.
La plus forte garantie que les anciens avaient trouveé pour les
Républiques, était l’esclavage.
Les hommes, appelés citoyens, étaient servis par une partie du peuple
esclave, qui cultivait les terres et remplissait les taches pénibles. 177
L’esclavage rompait le cours du Destin. La Volonté de l’homme en
créant ce Destin factice, l’esclavage, s’était emparé d’une partie de la puissance qu’elle
avait retournée contre lui.
Les modernes, qui n’ont plus l’esclavage, compensent par une inégalité
des fortunes. Les lois républicaines consacrant l’égalité des droits, les pauvres ne
voyant que la pauvreté comme obstacle à leur ambition, cherchent à en sortir par tous
les moyens, se présentent aux factieux comme des instruments surs et dociles.
La conclusion est que l’esclavage n’est ni l’ouvrage du Destin, ni de la
Providence, mais bien l’ouvrage de la Volonté, qui crée un Destin factice pour
l’opposer au véritable. Et la liberté dont elle dispose, elle en dépouille certains qu’elle
abandonne, pour enrichir certains qu’elle protège.
C’est donc dans les Républiques que l’esclavage a été érigé en système,
et rendu légal par les lois qui l’ont fondé.
Avant cette époque il était le résultat de la guerre, de la force sur le
vaincu. On ne pouvait pas dire qu’il était légal. Dans l’esclavage militaire, la force
l’avait soumis, la force pouvait le délivrer. Son maitre était un ennemi. Il ne formait
pas une caste particulière. Quand une nation entière avait été soumise c’est le
système féodal qui se mettait en place. Un serf n’était pas un esclave. C’était un
vaincu qui reconnaissait un maitre terrien.
Alors que l’esclavage des Républiques était dû à la loi qui faisait un
devoir de l’obéissance, et l’obéissance devenait une vertu. On allait même jusqu’à dire
qu’un esclave était plus heureux que son maitre, en vertu qu’il était libéré de tous les
tracas dus à la liberté. Dans l’origine de la République Romaine, un père avait le droit
de vendre trois fois ses enfants. Le débiteur insolvable devenait l’esclave de son
créancier. A Athènes, le défaut de paiement de l’impôt entrainait la perte de la liberté.

177
Xénocrate, le successeur de Platon, fut vendu sur la place publique à Démétrius de
Phalère. Dans cette Grèce, si fière de sa liberté, on risquait à tout moment de devenir
esclave.
Depuis que le Christianisme est établi en Europe, cette loi de l’esclavage
n’a pas pu être renouvelée, ce qui a empêché et empêchera toujours la consolidation
des républiques. Celles d’Angleterre et de France n’ont pas atteint un deuxième
lustre.
C’est un bienfait de la Providence que l’esclavage a disparu. On aurait
voulu le rétablir, quelque chose de plus fort que la Volonté de l’homme s’y serait
opposé.
A Londres cette Volonté se parait des couleurs de la Religion, et poussait
le zèle jusqu’au fanatisme. A Paris, elle embrassait le philosophisme du siècle, et
portait l’incrédulité jusqu’à l’athéisme. Ni le fanatisme religieux, ni le philosophisme
cynique n’ont pu rappeler le principe de l’esclavage domestique, qui était
indispensable à leurs desseins.
Les Puritains de Londres, et les Jacobins de Paris, auraient pu rétablir
l’esclavage au lieu d’envoyer leurs ennemis à l’échafaud. Les anciens n’auraient pas
hésité. L’explication peut se résumer à : ‘’Il y a des choses que la Volonté de l’homme,
pouvant vouloir, ne veut pas vouloir’’.
L’opposition que cette Volonté éprouve dans son essence tient à la
marche universelle des choses. Pour nous les captifs ne sont plus que des prisonniers
de guerre, les serfs que des fermiers, et les esclaves que des domestiques. Pour moi, là
où il y a impossibilité de faire des esclaves, il y a impossibilité de faire des
Républiques pures.

178
Mesures de la Volonté pour Dominer le Destin.
Comment les Républiques Echouent.
Amalgame entre Volonté et Destin dans les Républiques Modernes.
Origine de l’Emporocratie. Son Ressort.
Cette loi de l’esclavage domestique qui eut forcé Platon lui-
même à renfermer toutes ses vertus républicaines dans l’accomplissement de ses
devoirs d’esclave, si elle n’avait pas été rachetée par Nicetès, cette loi qui dicta le
manuel d’Epictète, cette loi n’était pas encore le seul moyen que la Volonté eut
imaginé pour contrebalancer la fatalité du Destin, toujours opposée à son action.
A Athènes on bannissait celui qui s’élevait au-dessus des
autres par trop de talents ou de célébrité. De même, à Rome, des censeurs rigides
chatiaient toutes les démonstrations de fortune ou de talent qui pouvaient blesser le
vulgaire. Dans Rome s’était établi une aristocratie sénatoriale, et pour en empêcher
les empiétements on avait imaginé les Tribuns du peuple. Les éphores de Sparte
avaient été posés pour examiner la conduite des deux généraux de cette République.
Malgré ces précautions, Athènes éprouva la tyranie de Pisistrate,
et Rome, souvent ensanglantée par ses tribuns, n’échappa point aux proscriptions de
Sylla. L’institution de la dictature, qui faisait sa sureté tant que la Volonté domina le
Destin, fit sa perte dès que la domination cessa.
En général les efforts des anciens tendaient dans l’établissement
du système républicain à briser partout l’influence du Destin. C’est-à-dire, faire que

178
rien d’assez puissant ne puisse se présenter, soit dans la fatalité des choses, soit dans
la fatalité des hommes, pour que la Volonté n’ait pas les moyens de le détruire. Les
législateurs s’étaient flattés de soutenir cette Volonté sur le Destin, mais ils avaient
compté sur une permanence d’unité dans l’action de la Volonté, qui ne s’y trouve pas.
Pour faire durer le système républicain il faudrait éviter qu’il se
divise. Mais il est de l’essence de cette puissance de se diviser. Alors il faut trouver le
moyen d’empêcher ou de retarder cette division.
Les modernes ont agi d’une manière opposée aux anciens. Ils ont
cru qu’il n’était pas tant question de s’opposer au Destin, en s’opposant à sa marche,
qu’en s’emparant de ses effets pour le dominer.
Ils ont conçu, peut être sans s’en douter, une sorte du fusion de la
Volonté et du Destin, un amalgame de la liberté de l’une, avec la nécessité de l’autre,
afin d’obtenir un ensemble, ni tout à fait fatidique, ni tout à fait volitif, mais qui
tienne de l’essence des deux.

Au moment de la chute de l’empire de Charlemagne, une certaine


quantité de ville tomba aux mains des chefs ecclésiastiques ou civils, et formèrent des
petits états dont le gouvernement était insolite. Ces villes, dites impériales, voulaient
être protégées par les empereurs sans en dépendre, et finirent par prendre le nom de
République. Elles n’avaient de républicain que le nom, devinrent des emporocraties.
Le plus grand effort de l’emporocratie se fit en Hollande. Cette
institution, imitée en Angleterre, y a réussi, mais n’a eu aucun succès en France. La
Compagnie des Indes a chuté. L’esprit des français n’est pas mercantile mais
agricole. L’Angleterre, au contraire, a pu, à la faveur de la Compagnie des Indes,
donner à son gouvernement la forme qu’il a, où les principaux éléments de la
monarchie et de la République, paraissant confondus, ne sont que mêlés, et dans 179
laquelle on a eu la prétention d’entrainer dans le même tourbillon la Nécessité et la
Liberté, la Volonté et le Destin. Voilà ce qu’est une emporocratie.
Montesquieu est le premier en France à avoir donné le ton.
Rousseau a bien senti que ce gouvernement, tant vanté, ne réalisait
aucune de ses espérances. Le considéait-il comme républicain, il le voyait sans liberté,
sans puissance, sans voix dans ses affaires, livré à une misère croissante, le rendant
factieux ou vénal. Le voyait-il comme monarchique, il voyait un roi sans force, sans
grandeur, sans autorité, obligé de suivre son ministère, subordonné lui-même à un
parlement, composé des éléments les plus hétérogènes, ne savait jamais s’il voudrait
le lendemain ce qu’il avait voulu la veille.
Mais, peut-être ce gouvernement est-il aristocratique ! La Chambre des Pairs, qui
devrait être la puissance élevée sur celle du peuple et du roi, contrainte de suivre le
mouvement du ministère, lui donne une force qu’elle ne partage pas. Si c’est elle qui
le soutient, ce n’est pas elle qui le crée. Cette prérogative appartient à la Chambre des
Communes, qui formée sous l’influence du ministère, ne peut l’abandonner sans
exposer l’état. On pourrait croire alors que tout le pouvoir réside dans le ministère, et
qu’un Premier ministre habile serait le plus puissant Potentat du Monde.
Et bien Non ! Ce premier ministre chancèle sous un énorme fardeau. Il
est en butte à une violente opposition, et avance vers un but qu’il ne saurait manquer
sans honte, et qu’il n’atteint jamais sans gloire.
La force qui se cache dans l’Angleterre réside dans son crédit. Il est le
principe de cette emporocratie, comme la Volonté est celui des républiques, et le
Destin celui des monarchies. C’est dans le crédit que la Liberté et la Nécessité sont
supposés s’être réunies. Cette foi, qui repose sur des objets matériels et physiques, et
qui en détermine l’existence, a aussi sa superstition et son fanatisme.

179
Ce ressort physique est l’ouvrage de la Volonté, et opère dans ces
gouvernements comme le ressort d’une montre. Ce mouvement doit lutter contre la
Providence et le Destin, et opposer ses forces factices et bornées à leurs forces
essentielles et sans bornes. Cette lutte ne peut se faire sans usure du ressort ou
destruction.

Dans ces gouvernements on est parvenu pour un temps à suppléer l’action de


la Providence et à contraindre celle du Destin. Mais on ne peut pas se passer pour
toujours de ces deux puissances.
Le crédit dont on parle est le produit d’un calcul lent et réfléchi dont le peuple
français est incapable. Ce peuple peut bien s’engouer un moment du système de Law,
donner à un frivole papier la valeur de l’argent, mais il faut que les chances
auxquelles il s’expose soient rapides. S’il a le temps de réfléchir, toute l’illusion est
détruite. La réflexion ébranle en lui la croyance, et dans ce qui a rapport au crédit
emporocratique, il faut au contraire qu’elle l’affermisse.
Un état agricole et militaire incline nécessairement vers le Destin, qui y appelle
la monarchie. Il faut un réel effort de la Volonté pour que la République puisse
s’établir ; Si elle s’y établit comme chez les Grecs, chez les Romains, c’est toujours
sous la forme d’une République pure, dans les circonstances favorables, et avec les
conditions que j’ai indiquées.
Si dans un pareil état, on voulait créer une emporocratie, le ressort qu’on y
mettrait pour en faire fonctionner les rouages, exposé aux attaques du Destin, serait
brisé en quelques moments.

Principe du Gouvernement Monarchique. 180


Le Destin y Domine la Volonté.
Ce Gouvernement est Naturel à l’Homme.
Surtout à l’Homme Jaune.
La Race Blanche Incline vers la République.
Origine du Gouvernement Impérial et Féodal.
Principe du Gouvernement Théocratique.
Mouvement des Trois Puissances.

Montesquieu, qui avait établi pour principe des


Républiques la Vertu, veut que celui des Monarchies soit l’Honneur.
Lorsque la Volonté domine absolument le Destin, la
souveraineté du peuple est reconnue, t avec elle la Liberté et l’égalité des citoyens. La
Volonté qui dispose de tout peut tout édifier et tout détruire. Elle apporte toute sa
force à ce que le Destin ne soit rien, et que toutes ses conséquences politiques soient
nulles.
Lorsque c’est, au contraire, le Destin qui domine
absolument la Volonté, les hommes naissent ce qu’ils doivent être, maitres ou sujets,
inégaux en droits, en fortune comme en puissance. Leur avenir est toujours une
conséquence du passé. L’hérédité du trône est la première loi du Destin, celle de
laquelle toutes les autres reçoivent leurs formes. Le Destin qui dispense les rangs ne
souffre jamais que la Volonté les intervertisse.

180
Telles seraient les formes générales des Républiques et des Monarchies
pures, si les dominations de la Volonté ou du Destin se passaient dans l’absolu. La
Providence qui veille au maintien de l’univers ne le permet jamais. Si la Volonté
restait entièrement triomphante, elle jetterait la confusion par trop de mouvement. Si
le Destin était seul victorieux, il ferait rétrograder toutes choses par trop de repos. Il
est donc nécessaire que les deux principes se mêlent pour se modifier l’un l’autre.
On peut donc déduire de ces considérations :
- La République qui dépend de la Volonté de l’homme a toujours
besoin d’un effort pour s’établir.
- LA Monarchie ? qui découle du Destin, résultat de la force des
choses, s’établit toute seule, et n’a besoin que du développement de
l’état social, pour se développer avec lui.
Une République est toujours le résultat d’une révolution ; La Volonté de l’homme ne
peut pas l’abandonner sans qu’elle périsse, ou qu’elle revienne à l’état de Monarchie.
La Monarchie est donc le gouvernement naturel de l’homme, le gouvernement
fatidique que lui donne le Destin.
Quand on découvrit l’hémisphère Colombique on y trouva des Monarchies
établies partout : des Caciques en Haïti, des Incas au Pérou, un empereur au
Mexique. Le gouvernement du Pérou avait reçu de l’Asie ses formes théocratiques.
Celui du Mexique ses formes impériales et féodales de l’Europe.
En Asie les peuples ont toujours été gouvernés par des rois, et ce n’est qu’avec
difficultés que les formes républicaines ont pu être admises. Ceci indique que la Race
Jaune, habitant cette partie de la terre, a eu un développement social tranquille,
purement fatidique, sans secousses violentes comme celles qui agitèrent la Race
Blanche en Europe. Nous avons vu que la Race Boréenne, à l’aurore de sa civilisation, 181
attaquée par la Race Sudéenne, a dut déployer des moyens extraordinaires, et une
force de Volonté qui n’a pu la sauver de la destruction qu’en lui donnant sur la fatalité
du Destin un ascendant irrésistible.
Cet ascendant a frappé les différents peuples qui se sont succédés d’un
caractère distinct. L’exaspération trop précoce qui fut donnée à la volonté de cette
Race, força le Destin à fléchir dans toutes ses conséquences. Au lieu d’un
gouvernement monarchique elle eut un gouvernement impérial. Le libre arbitre
manifesta sa force par l’élection des chefs. Les castes se formèrent en son sein, par
suite d’un mélange extraordinaire de Nécessité fatidique et de Liberté volitive. Elles
seront impériales et le gouvernement mixte sera féodal.

La Race Boréenne, après avoir subi la Race Sudéenne, s’est répandue


partout et en Asie, où elle fonda sous la conduite de Ram, le dernier empire universel.
Les trois principes réunis en lui, s’étaient séparés à sa chute, chacun
reprenant son mouvement propre.
Le Destin qui avait été le plus fort en Asie, durant les premiers
développements de la Race Jaune, y étaient revenus à ses formes monarchiques.
La Volonté de l’homme, exaspérée en Europe, après avoir passé par les
formes républicaines, était retombée dans les formes impériales et féodales, qui sont
un mélange des deux principes.

Mais enfin, après un grand nombre de vicissitudes, l’empire universel tendait à se


reformer, et le Destin et la Volonté travaillaient. Le Destin reconstruisait des
monarchies. La Volonté organisait des Républiques.

181
Chacun de ces principes, au moyen des hommes fatidiques ou volitifs qu’il
influençait, tachait d’éloigner le principe contraire, afin d’obtenir une entière
domination.
Du côté du Destin il tendait d’établir le despotisme absolu. Du côté de la Volonté la
démocratie absolue. On connait tous les inconvénients de ces deux systèmes.
La Providence tempérait ces forces en inspirant des hommes jetés au milieu du
tourbillon fatidique ou volitif. J’en ai nommé quelques-uns, un grand nombre est
resté dans l’ombre
La Providence qui marche toujours à l’unité est le principe des
théocraties. Elle donne toutes les idées religieuses, et préside à la fondation de tous
les cultes. Il n’est rien d’intellectuel qui ne vienne d’elle. Elle est la vie de tout.
Le Destin donne la forme et la conséquence de tous les principes. Il n’y
a rien de légitime hors de lui.
La Volonté possède le mouvement qui donne la progression. Sans elle
rien ne se perfectionnerait.
Le but de la Providence est , dans la politique, l’empire universel.
Le but du Destin est, le triomphe de la Nécessité, et la consolidation de
ce qui est.
Le but de la Volonté est, le triomphe de la Liberté, et la réalisation de ce
qui peut être.
Le Destin et la Volonté, en exaspérant tour à tour les hommes qui
dépendent d’eux, ont déployés l’un contre l’autre leurs forces les plus redoutables.
La Providence a toujours amorti leurs coups.

Après une des plus grandes secousses connues, les hommes enveloppés dans les deux
tourbillons se sont retrouvés en présence pour la première fois, et se sont nettement 182
classés. Les hommes du Destin demandent à s’arrêter à ce qui est nécessaire et
légitime. Ceux de la Volonté tendent vers ce qui est possible et légal. Dans l’ignorance
des principes qui les meuvent, ils s’étonnent de n’être pas compris les uns des autres.
Quelques hommes providentiels, au milieu d’eux, ne sont pas entendus. Je crois que
l’unique moyen de ramener la paix parmi eux, et d’atteindre le bien général, est de
reconnaitre la Providence, et faire que les principes se confondent dans le ternaire
providentiel.

Les Causes s’opposant à l’Etablissement du


Despotisme et de la Démocratie Pure.
La Terreur Manque au Despote comme
l’Esclavage au Démagogue.
Origine de la Monarchie Constitutionnelle.
Distinction entre la Légitimité et la Légalité.

Il y a cette différence notable entre l’époque actuelle


et les temps anciens, que les lumières s’étant accrues par un inévitable effet de la
marche universelle des choses, ces choses quoique respectivement les mêmes, se
trouvant plus éclairées, paraissent changer de nature. La Volonté de l’homme, qui les
a cherchées, et qui se trouve en face d’elles, pouvant les vouloir, ne les veut pourtant
pas, à cause des conséquences que ces choses entrainent, conséquences qu’elle voit

182
clairement aujourd’hui. (par exemple l’esclavage domestique, qui pouvant s’établir,
ne l’a pas fait).
Si l’établissement de la République pure entraine, comme je l’ai montré,
l’esclavage domestique, et que la Volonté qui tend vers cette République, ne puisse
pas ou ne veuille pas vouloir cet esclavage, il se trouvera que cette Volonté se trouvera
en contradiction avec elle-même, et se divisera, et n’obtiendra pas le but de ses désirs.
Et si l’établissement de la Monarchie absolue, le Despotisme, exige de
certaines rigueurs nécessaires, vers lesquelles le Destin pousse inévitablement, et que
ces rigueurs rencontrent une opposition violente dans l’opinion, qui ne permette pas
qu’elles s’accomplissent, alors le Destin contrarié par lui-même se brisera, et
l’établissement fatidique n’aura pas lieu.
Machiavel conseille à son prince despote la cruauté. Il veut qu’il ne laisse dominer
aucune tête superbe dans l’empire conquis, et que la masse du peuple, qui pourrait
avoir joui de la liberté républicaine, qu’elle soit dispersée ou détruite.

Ainsi point de République sans esclavage, point de Despotisme


sans meurtre. Dans la République, c’est la misère d’une partie du peuple qui assure la
richesse de l’autre ; Dans l’état despotique c’est la terreur des Grands qui fait la sureté
des monarques Si ces conditions ne sont pas liées :
A quoi bon entreprendre des conquêtes si c’est pour les perdre
A quoi bon tendre vers la République pure, vers le Despotisme absolu, si
l’opinion à laquelle les républicains, comme les despotes, sont obligés de se soumettre
les rend impossibles ?

C’est la raison pour laquelle on cherche à composer des gouvernements


mixtes. Il est question de réunir les deux extrêmes, et de faire que l’eau et le feu 183
deviennent amis.
Cependant o n’a pas trouvé le moyen de les réunir. L’antique inimitié
des deux principes se manifeste aussi fortement que celle des deux éléments. Les
hommes libéraux, que j’appelle volitifs, et les hommes qu’on désigne royalistes, que
j’appelle fatidiques, ne peuvent nullement s’accorder entre eux, quoiqu’ils paraissent
tous demander une monarchie constitutionnelle.
Ils ne peuvent pas s’accorder, parce que les volitifs libéraux veulent que
tout soit de fait et légal, et que les fatidiques royalistes veulent que tout y soit légitime
et de droit. Or ce qui est de fait et légal se compose d’un Destin soumis à la Volonté, et
ce qui est légitime et de droit annonce une Volonté soumise au Destin.
Les hommes de la Volonté, volitifs ou libéraux, ne considèrent les
choses que comme des faits isolés. Ils ne voient dans un homme qu’un homme, dans
un roi qu’un roi, dans un magistrat qu’un magistrat, sans admettre comme existant
par elle-même, l’humanité, la royauté ou la magistrature. Ces termes ne leur offre
qu’une idée abstraite, qui ne s’attache à aucune existence réelle.
Les hommes fatidiques, conçoivent l’humanité, la royauté, la
magistrature, comme des choses préexistantes aux hommes, aux rois, aux magistrats,
et posées par le Destin pour en déterminer l’existence nécessaire.

Supposons dans la monarchie constitutionnelle qu’on veuille créer un corps


intermédiaire :
Les hommes fatidiques verront cette institution tout établie si elle existe, et
impossible à établir si elle n’existe pas. Ils accorderont la faculté au roi de faire un
noble, mais pas une noblesse.

183
Les hommes volitifs croiront, au contraire, plus facile de créer une noblesse
que de faire un noble. Ils verront de la légalité dans les titres, mais pas de légitimité.
Un noble qui ne s’appuiera que sur la légitimité de sa noblesse, ne sera rien aux yeux
des hommes volitifs, s’il n’y joint pas la légalité de l’emploi. Les hommes fatidiques se
moqueront du noble de fait, qui ne sera pas légitime de droit.

Ainsi les hommes de la Volonté et du Destin, les libéraux et les


royalistes, ne pourront pas triompher les uns des autres. Car il faudrait qu’ils pussent
amener une démocratie pure ou un despotisme absolu, ce qui est impossible par la
répulsion des moyens qui pourraient amener à ce résultat, l’esclavage ou le meurtre,
comme on l’a vu. Ou pour se réunir ensemble, il serait besoin d’un lien médian dont
ils ne veulent pas.
Ils aiment mieux, en confondant le sens de quelques mots
douteux, s’en imposer à eux-mêmes, ruser avec leurs adversaires, et recommencer
cent fois des tentatives inutiles. Ils ne sentent pas, que malgré le fard de leur discours,
le fond de leur pensée se montre toujours. Parce que ce fond est indélébile, et que le
Destin ou la Volonté, qui les influence à leur insu, et leur fait recevoir comme des
vérités fondamentales ces axiomes opposés :
- Aux royalistes : Si veut le roi, si veut la loi
- Aux libéraux : La Voix du Peuple est la Voix de Dieu

Distinction entre l’Essence de la Religion et ses Formes


Formes des Cultes. Appartenance au Destin ou à la Volonté. 184
L’Essence est Providentielle. Elle Mène à la Théocratie.
Causes des Querelles Religieuses et des Schismes.

Le lien médian qu’il faudrait admettre dans le


gouvernement pour réunir les deux principes, c’est l’action providentielle, parce que
les deux autres principes sont extrêmes. Si par action providentielle on entend
Religion, l’expérience prouve qu’elle a divisé les esprits au lieu de les réunir, et qu’elle
ne produisait aucun résultat.
J’ai besoin de faire ici une distinction importante.
L’action providentielle se manifeste bien dans toute religion, mais le
culte consacré n’est qu’une de ses formes. Et cette forme peut devenir monarchique si
le Destin s’en empare, comme elle peut devenir républicaine si c’est la Volonté qui
s’en empare.
Le culte ne reste jamais providentiel qu’autant qu’il fait partie
intégrante du gouvernement, et qu’il y porte l’essence de son principe.
Prenons pour exemple un archimandrite grec et un ministre du Saint Evangile des
Quakers. Tous deux sont chrétiens, et professent des maximes opposées. Tous deux
tiennent à l’action providentielle par le christianisme, mais chez l’archimandrite les
formes du culte sont fatidiques, et chez le Quaker elles sont volitives.
Schismatiques tous les deux, ils ne pouvaient redevenir providentiels
qu’en étant orthodoxes, en supposant que l’orthodoxie soit une théocratie universelle,
ce qu’elle a voulu être mais qu’elle n’a jamais été.

D’autre part la Religion ne peut pas être l’origine de divisions ; Ce sont les
formes du culte qui en sont l’ouvrage ; lorsque ces formes, envahies par la Volonté ou
184
le Destin, se sont trouvées en contradiction avec les formes de gouvernement données
par un principe opposé.
L’Europe a été le théâtre de cruelles dissensions. Le principe de ces dissensions
n’était pas dans l’action de la Providence. Il était dans l’action libre de la Volonté, ou
dans la fatalité du Destin. Ce qu’on appelait querelles religieuses étaient des querelles
politiques. La Providence, soumise à ses propres lois, ne pouvait pas changer
l’essence de la liberté, ni celle de la nécessité. Elle adoucissait la véhémence des
querelles et empêchait que les deux puissances ne se détruisent.

Pour approfondir les causes de ces dissensions, il faut songer que


le christianisme qui domine en Europe, est d’origine asiatique. Le Sepher de Moïse,
qui contient toutes les traditions antiques et Egyptiennes, lui sert de base. Les formes
de son culte sont donc toutes du domaine du Destin.
Le culte d’Odin, entièrement volitif a été comprimé, après que
l’effet qu’il devait faire a été atteint : les Barbares ont vu expirer leur audace, l’empire
Romain s’est écroulé.
Si la religion chrétienne eut pu devenir théocratique à l’époque
des croisades, comme elle le devait, aucun des malheurs qui sont arrivés n’auraient
eu lieu. Elle aurait continué à modifier les formes de son culte, pour toujours se
trouver en harmonie avec les choses extérieures. Mais les raisons que j’ai développées
l’empêchèrent d’arriver à ce comble de prospérité. Et les luttes qui se sont élevées
depuis entre le Sacerdoce et l’Empire, le Pape et les Empereurs, en ont éloigné à
jamais la possibilité.

Le Christianisme n’étant pas devenu théocratique, et n’étant pas entré


comme partie intégrante dans les gouvernements, ceux-ci ont été livrés à des 185
divisions entre les deux puissances la Volonté et le Destin. En s’emparant des formes
du culte ces puissances ont cherché un appui pour leurs desseins.
Ces formes fatidiques dans l’orthodoxie, propres à servir les
monarchistes purs, ont offert un contraste avec la morale du christianisme, qui
prêchant l’égalité de tous les hommes, favorisait les républicains démagogues.
De cette sorte, en opposant les formes à la morale, les deux partis ont trouvé
dans le culte Chrétien les armes politiques dont ils se sont servis.
Mais ces armes ne leur ont pas suffi. Les hommes fatidiques ont voulu
coordonner la morale qui les contrariait. De là est né le schisme grec. Tandis que les
hommes volitifs, s’emparant de la morale, ont cherché à y faire découler les formes.
De là sont nés le schisme Allemand et le schisme Anglais.
Ce n’est pas la Religion mais la Politique qui a ensanglanté l’Europe. Si les
Catholiques ont souffert en Angleterre, les Protestants ont été persécutés en France,
ce n’est pas comme hommes religieux, mais comme hommes politiques.
Les formes du culte catholique ne sauraient convenir à la liberté républicaine,
ni celles du culte protestant à la nécessité monarchique.

Toutes les fois que les intentions cachées des hommes politiques
sont de faire triompher la Volonté ou le Destin, les principes républicains ou
monarchistes, peuvent s’emparer des formes du culte pour représenter leurs
adversaires, comme des rebelles, mais aussi comme des impies, des infidèles. Les
persécutés croient qu’ils le sont pour leur croyance, alors que c’est pour leur
opposition politique.

185
Cela arrive en Angleterre toutes les fois où un catholique proteste que le roi
n’est pas roi par la grâce de Dieu, ou qu’en France un protestant affirme que la
souveraineté n’est pas dans le peuple.
Ce catholique et ce protestant, peuvent croire cela comme individus, mais la
croyance particulière ne fait rien au système général. Personne n’ajoute foi à leur
discours. Et c’est un malheur de plus pour eux, dans un temps de trouble, d’être
poussés par des tourbillons aux mouvements desquels ils ne consentent pas.

Pour les libéraux, le mieux à faire c’est de placer la Religion hors


des gouvernements, laissant à chacun la liberté de suivre le culte qui lui est échu.
Les hommes politiques fatidiques veulent au contraire assurer la
domination d’un culte exclusif, mais pour le peuple seulement.
Ce n’est pas ainsi que la Religion peut répandre les bienfaits de la
providence sur les sociétés humaines, soit qu’on l’isole, comme les Ultra-libéraux, soit
qu’on en fait un ressort politiques, comme les Ultra-royalistes.
Que la Providence soit tout ou rien dans un état, comme dans un
individu : ceux qui l’isolent la perdent, ceux qui souhaitent en faire un instrument de
tourments, en changeant sa nature, de bonne qu’elle était dans sa liberté divine,
devient mauvaise dans sa nécessité fatidique.

Nouvelles Considérations sur l’Etat Social.


Quel est son Type Universel.
Les Trois Puissances et les Trois Formes de Gouvernement.
Naissance de la Théocratie. 186
Différence entre Emporocratie et Monarchie Constitutionnelle.

Remettons-nous en mémoire la Constitution de


l’homme. Considérons que la nature, semblable en toute chose, est la même en tout
lieu. L’Etat Social doit nous représenter une image de l’homme. L’homme nous
représente une image de l’Univers. L’Univers représente une image de Dieu.
Or l’homme renferme dans son unité volitive trois
sphères, dont la parfaite harmonie constitue la perfection de son être. L’homme ne
peut être parfait, que si la vie instinctive, la vie animique, et la vie intellectuelle,
résultant des trois sphères, ne forment qu’une seule vie.
Les trois sphères se représentent dans l’Etat Social par les trois
formes de gouvernements, qui découlent des trois puissances régissant l’univers :
- La forme théocratie est providentielle et intellectuelle. Elle
appartient à la Nature naturante. Elle est amenée par la perfec-
tibilité des choses, et l’Etat Social y aspire.
- La forme républicaine est animique et volitive. Elle appartient à la
Nature transitive, celle qui unit la naturante à la naturée. Elle résulte
du mouvement des choses, et l’Etat Social, selon la circonstance, y
tombe, pour s’y épurer, ou pour s’y détruire.
- La forme monarchique est fatidique et instinctive. Elle appartient à
la Nature naturée. Elle découle de la force des choses, et l’Etat Social
y tend sans cesse.
Ces formes de gouvernement, bonnes en elles-mêmes, deviennent mauvaises quand
elles tendent à dominer une seule sur les autres., car elle contrarie alors la nature
triple de l’homme, et empêche l’harmonie de s’établir. Malgré la crainte de la

186
dominance d’une de ces formes, cette crainte ne doit pas étouffer le désir de réunion
des trois formes, quel que soit le nom de cette réunion.
Pourtant on ne peut nier l’influence des noms. Le nom est à l’idée ce que le
corps est à l’âme.
Le nom donné au gouvernement qui réunit les trois formes est théocratie. Ce
nom est incomplet. Il ne présente que l’idée de la forme providentielle dominant
seule. Parce que les hommes confondent Dieu avec la Providence, qui n’est qu’une de
ses lois. Mais une théocratie est à la fois providentielle, volitive et fatidique. Elle
renferme l’action des trois puissances, et réfléchit l’harmonie des trois sphères de la
vie hominale.
Cependant, au nom de théocratie, les hommes volitifs et fatidiques se
rebellent. Les hommes volitifs s’imaginent qu’on leur enlève l’action de la Volonté,
d’où résulte la liberté civile. Les hommes fatidiques s’imaginent qu’on leur ôte l’action
du Destin, d’où découle la propriété politique. Ces dangers chimériques les unissent
pour résister aux hommes providentiels. Cette réunion insolite est ce qui retarde le
plus l’Etat Social dans son développement.
Dans les Républiques pures, où règne la Volonté, ou dans les
Monarchies pures, où domine le Destin, la Providence peut trouver sa place, en
faisant alliance avec le principe exclusif contre le principe exclu.
Dans les Emporocraties, ou les Monarchies constitutionnelles, où une
sorte de pacte lie la Volonté et le Destin, la Providence ne peut être admise que
comme forme impuissante, plus nuisible qu’utile.
Si ce Pacte amenait le bonheur cela suffirait ; Mais ce bonheur n’est
qu’apparent. La misère excessive et l’immoralité nourrissent de la haine et de
l’impiété qui vont amener la destruction.
187
Dans une Emporocratie, il y a un gouvernement où le
principe républicain se trouve mitigé par des institutions monarchiques où domine le
principe opposé. Le commerce y joue un rôle principal. Il est défendu de dire que le
roi a été mis en place par la grâce de Dieu.
La Monarchie constitutionnelle résulte aussi d’un mélange
des deux principes. Mais la nécessité passe avant la liberté, et le principe
monarchique est mitigé par le républicain. Le roi est déclaré roi par la grâce de Dieu.
On suppose que le peuple qui le reconnait pour légitime, et de droit divin, lui accorde
à ce titre la suprême souveraineté. Le roi n’est pas responsable. C’est le premier
ministre et le ministère qui est responsable des lois et des actes administratifs.
Le peuple est représenté par deux chambres, l’une inamovible, composée de membres
héréditaires, et l’autre amovible, composée de membres élus.
Ces deux chambres coopèrent à la confection des lois, l’une est indépendante
du peuple et du roi, l’autre est dépendante du peuple

Toute cette merveilleuse machine est exemplaire sur le papier,


mais elle ne marche pas ! Elle n’a pas de ressort.

Si le ministère s’arrête, tout s’arrête. Et dans les chambres il se


passe une sorte de fermentation. Tous aspirent à être ministre du roi. Dans la
chambre des Pairs se produit un petit mouvement fatidique, ou un petit mouvement
volitif dans la chambre des communes. Le roi en ressent la commotion, qui agit sur
lui selon son caractère. S’il persiste dans son ministère indolent ou maladroit, il
s’expose. S’il choisit d’autres ministres, la sorte de fermentation recommence dans les

187
chambres, jusqu’à ce que le ministère s’arrête encore, et que tout recommence ou
continue.

Dans la Monarchie constitutionnelle, la monarchie est


modifiée par la République. Dans l’Emporocratie la République est modifiée par la
monarchie. De sorte que le commerce qui se trouve en première ligne, et qui donne à
l’agriculture ses moyens d’accroissement et d’activité, n’est là qu’en seconde ligne, et
ne marche qu’après l’agriculture, dont il tire ses plus grandes ressources.
Dans l’Emporocratie, entièrement développée, c’est le
commerce qui domine. Il forme un état dans l’état. Il arme pour son propre compte. Il
entretient des forces de terre et de mer. Il commande en maitre à des peuples
asservis. Il devient assez puissant pour mettre l’Etat lui-même sous sa dépendance,
en fournissant le ressort magique qui le fait mouvoir.
Mais rien de tout cela ne peut avoir lieu dans une monarchie, où le
commerce, si florissant qu’il soit, ne peut jamais donner l’illustration, du moins
directement.
Toutes les tentatives qu’il pourrait faire pour affecter la souveraineté,
lever des armées et entretenir une machine guerrière et conquérante, seraient
illusoires, tant que l’Etat dont il ferait partie ne serait pas constitué en République :
parce que l’ordre aristocratique ou nobiliaire dont j’ai parlé, ne lui obéirait pas, et
qu’il devrait le détruire pour régner.
L’action d’un ressort, dans quelques machines que ce soit, dépend de sa
force supérieure à celle de la machine. Une montre ne marcherait pas si les rouages
qui la composent opposaient à la détente de son ressort une force supérieure à la
sienne. L’action du ressort commercial qui est le crédit, n’est point assez puissante 188
pour faire mouvoir une monarchie, à cause des résistances trop grandes qu’elle
trouve dans les institutions.
Il faut chercher ailleurs cette action. Mais en même temps que je vais
indiquer cette action, et par conséquent par où il faudrait la prendre, Dieu me garde
de conseiller jamais d’en faire usage !
Le ressort qui la donne est trop fort, par cela même qu’il doit être en
proportion avec la masse à mouvoir, pour que son usage ne soit pas éminemment
dangereux.

Ressort Politique de la Monarchie Constitutionnelle.


Dangers de cette Monarchie sans Ressort.
Considérations sur les Trois Formes de Gouvernement.
Considérations sur leurs Diverses Espèces.

Je viens de dire qu’il faut chercher le ressort d’une


machine quelconque, dont la force fut supérieure à celle de la machine, afin de
vaincre par son moyen la résistance des masses qui s’opposent à son mouvement.

Dans une Monarchie Constitutionnelle.


En la considérant comme une machine politique, faite de
main d’homme, et où l’action de la Providence serait écartée du gouvernement, donc
une puissance théocratique politique.

188
Le ressort devrait être pris dans ce qui a fait le mélange
entre République et Monarchie, c’est-à-dire la Loi. Donnez à cette Loi un organe
indépendant de toute autorité, au-dessus du Peuple, au-dessus du Roi, et qui
restreigne la voix de la Volonté et celle du Destin. Il faut faire de ces deux puissances
une puissance mixte, représentée par un corps judiciaire présidé par un Grand
Justicier, et faites que les cours souveraines qu’il présidera, le soient de fait. Les
attributions de ce Grand Justicier seront de faire appliquer la Loi.
Par l’existence de ce Grand Justicier il y aura trois puissances
dans cette Monarchie Constitutionnelle :
- La puissance fatidique et royale représentée par le Roi.
- La puissance volitive et populaire représentée par les deux chambres
du corps législatif.
- La puissance mixte de la Judicature, indépendante des deux autres,
représentée par le Gand Justicier, président de toutes les cours
souveraines.
Cette dernière puissance fera marcher la machine politique, et lui donnera la durée
promise par la force de ses institutions.

Un tel ressort est dangereux parce qu’il peut donner une impulsion trop
forte, mais il est le seul à être adapté à la Monarchie Constitutionnelle.
Sans ce ressort il faudrait que gouvernés et gouvernants ne cherchent
pas à dominer plus que la loi les y autorise. Sinon, selon le tempérament de l’homme
politique qui gouverne, cette Monarchie Constitutionnelle tendra vers une Monarchie
pure, ou vers une République pure.
Cependant, comme Monarchie pure ou République pure sont devenues
impossibles, à cause de ce que le peuple repousse l’esclavage ou le meurtre ; Il 189
arrivera que l’homme fatidique ou l’homme volitif ne parviendront pas au but absolu
vers lequel ils tendent, et ils tomberont dans le gouvernement militaire ou
emporocratique. C’est en vain que ces hommes, comme Robespierre ou Bonaparte,
croiront suppléer à l’esclavage par le meurtre, et au meurtre par l’asservissement. Ils
finiront par être eux-mêmes victimes, massacrés ou asservis. On ne peut jamais
empêcher l’effet de suivre sa cause.

Différences entre les gouvernements :


Les trois formes de gouvernement, qui dépendent
de trois principes distincts, et découlent des trois grandes puissances de l’univers, ces
gouvernements peuvent être considérés comme simples, mixtes, ou unitaires. Ils
donnent, par conséquent trois espèces de gouvernement dans chacune des formes.
La Théocratie est déterminée par la Providence
La République est déterminée par la Volonté
La Monarchie est déterminée par le Destin.
Ces formes sont pures quand celle qui domine n’offre aucun mélange des deux autres.
Par exemple, la Théocratie était pure chez les Hébreux, un souverain pontife établi
par Moïse régissait le peuple au nom de Dieu seul.
la République pure chez les Athéniens, où un certain nombre de
magistrats, Archontes, établis pour diriger le peuple au nom du peuple même.
la Monarchie pure chez les Assyriens, où un monarque absolu, héritier
de Ninus, commandait au peuple en son propre nom.
Considérons les conséquences et les moyens de chacune de ces formes de
gouvernement :
Pour la Théocratie pure, la foi et le dévouement à la Divinité.

189
Pour la République pure, l’amour de la patrie transformé en vertu, et
l’horreur de la servitude.
Pour la Monarchie pure, l’amour propre et l’orgueil transformés en
honneur, et la crainte de la douleur et de la honte qui accompagnent la mort.
Ces formes pures deviennent des espèces, en les comparant aux formes mixtes qui
résultent de leur mélange. Alors je les appelle formes simples.
Les formes mixtes résultent de l’amalgame entre deux formes simples.
La réunion de la Théocratie et de la République constitua la législation d’Orphée, chez
les anciens Grecs.
La réunion de la Théocratie à la Monarchie, signala la mission de Krishnen aux Indes,
de Zoroastre en Perse, de Numa chez les Etrusques.
Odin, parmi les Scandinaves, réunit la Théocratie à la Féodalité, qui était déjà une
fusion par les armes de la Monarchie dans la République.
Partout où la Théocratie est mêlée à la République, à la Monarchie, ou à la Féodalité,
elle donne la vie politique aux Etats, et est le ressort de leur marche.
Mais quand la Théocratie manque, c’est-à-dire quand l’action providentielle est hors
des gouvernements, ils ont besoin d’un ressort.
Ce ressort est dans les formes simples le résultat de leur principe, leur
moyen de vie ; Dans les formes mixtes où l’action providentielle est absente, ce
ressort est l’ouvrage de la législation. Il doit toujours se tirer du premier mobile qui a
déterminé la fusion des deux principes.
Ainsi l’Empire militaire, et la Féodalité qui suit, fondés par les armes et
la conquête, reçoivent leur ressort de cette force.
Ainsi toutes les aristocraties, les oligarchies, ou les emporocraties,
empruntent le leur au premier mobile de leur création. C’est toujours une illusion
politique, une foi donnée à la naissance, à la sagesse, ou à la fortune des gouvernants. 190

Les Monarchies Européenne ont employé différents ressorts pour se faire


marcher :
En Aragon le Grand Justicier
En Castille la Sainte Hermandad
En Angleterre et en France les parlements se disaient tuteurs des rois
En Allemagne l’Ordre des chevaliers teutoniques
Etc… Etc…
A l’époque où l’ordre social commençait à s’éveiller en Europe, la législation et la
politique se développaient toutes seules et dans l’ombre. La force des choses était
pour beaucoup dans toutes les institutions, qui souvent déviaient de la pensée de
leurs fondateurs.
Mais aujourd’hui, où l’éclat des lumières s’accroit, le législateur doit savoir :
Que s’il veut fonder un Empire militaire et Féodal, il a besoin de conquêtes et
de la force des armes.
S’il veut fonder une République pure, il aura besoin d’esclaves
S’il veut fonder une Monarchie, il lui faudra des instruments de mort.
Mais une force supérieure empêche l’esclavage ou le meurtre, alors qu’il cesse de
vouloir ces formes de gouvernement, la démocratie ou le despotisme.
S’il regarde vers l’aristocratie, où est l’illusion qui entourera ses aristocrates,
qui les croira plus grands ou plus sages que soi ? Ses aristocrates seront des
oligarques dont la fortune, et la grande possession territoriale constituera le mérite.
Je dis que si ces oligarques sont nobles et riches, ils voudront une Monarchie. S’ils ne
sont que riches ils voudront une République.
La fortune change trop souvent de mains pour être le ressort d’un Etat.

190
On peut la fixer par des majorats, par des substitutions, mais c’est un
fantôme de noblesse qu’on créera, avec tous les inconvénients de la noblesse sans ses
avantages.
Le législateur inclinera l’Etat vers l’Emporocratie. Et l’Emporocratie
demande un crédit national, que seul un grand commerce peut lui donner.
S’il se tourne vers une Monarchie Constitutionnelle, pour marcher il
doit y mettre le ressort de la Providence, une Divinité qui ne refuse jamais son
assistance à ceux qui l’invoquent avec un cœur pur, et dans des vues de bien
universel.

Véritable Situation en Europe.


Combat entre les Hommes de la Volonté, ceux du
Destin, les Libéraux et les Royalistes.
Quels sont les Hommes Mixtes, Ministériels.
Danger où se trouve l’Ordre Social.

La Providence est dans toutes choses. Comme la foi


divine est le fruit qu’elle porte, et qui lui donne naissance. Tout ce que produit la
liberté volitive ou la nécessité fatidique est transitoire. Seules les productions
providentielles sont immortelles.
Quand la réunion des trois puissances en une seule, ce constitue
un gouvernement unitaire.
Si les hommes appelés par le Destin ou par la Volonté à y être 191
législateurs, ne sentent pas l’avantage que leur donne les secousses en Europe, ils
manqueraient une des plus belles occasions qui puissent leur être offertes.
Combien la Volonté de l’homme a fait de tentatives en Europe
pour dominer. La République pure deux fois établie, et deux fois cimentées par le
sang des monarques, n’a pas pu résister au premier choc du Destin.
Cependant un homme fatidique s’est présenté. Il a enveloppé
dans son tourbillon cette Volonté Européenne. Il lui a dit que ce tourbillon était le
sien. Mais enfin quand cet homme, repoussé par un Destin plus puissant que le sien,
est tombé, cette Volonté Européenne, étonnée de sa défaite, lutte contre les
événements et agite tout ce qu’elle peut agiter.
Elle ébranle l’Italie et l’Espagne, elle trouble l’Angleterre et l’Allemagne,
elle intimide la France, elle émeut l’antique Grèce. Et le Turc et le Russe vont se
porter des coups.
Cependant le Destin est encore frémissant du péril qu’il a couru.
Les hommes fatidiques s’opposent aux volitifs ; Sous le nom de royalistes et de
libéraux, ils poussent en sens contraire l’Etat Social. Les royalistes qui aspirent à des
institutions renversées sont accusés de vouloir faire reculer la civilisation. Les
libéraux qui tendent au perfectionnement sont accusés de vouloir la perdre.
Ces deux accusations embrouillent un peu les choses.
Cependant quelques gouvernements mixtes se sont formés, et
sont arrivés à faire naitre un parti médian, appelé centre, composé de modérés.

L’Etat actuel d’une grande partie de l’Europe, c’est


D’un côté, un mouvement violent vers la République pure.
De l’autre, mouvement moins fort vers la Monarchie absolue.
191
Au milieu, quelques gouvernements mixtes, emporocratiques ou
constitutionnels, forcés de suivre leurs tourbillons opposés.
Cet état menace l’Europe d’une entière subversion. Seule la Providence peut la
sauver, ramenant l’unité à ce qui est mixte et divisé, et qu’on rétablisse les trois
principes, et le rétablissement d’une uniformité de la Religion.

Tout s’use avec le temps, et les formes du culte s’effacent comme


tout autre chose. Un Catholique, un protestant, un juif, un schismatique grec, peuvent
se rencontrer dans une même hôtellerie, sans se rendre compte pendant longtemps
qu’ils suivent des rites différents.

On parait redouter l’influence d’un souverain pontife. On se rappelle avec


terreur les époques désastreuses dont j’ai crayonné l’histoire. Mais ces époques
étaient les crises inévitables de la décadence de l’Etat Social en Europe. Elles étaient
produites par les ténèbres que les Barbares avaient entrainées avec eux. Ces ténèbres
sont dissipées. Elles ne peuvent plus se renouveler. D’ailleurs y-a-t-il eu en Europe un
souverain pontife ? J’ai assez pris le soin de dire non ; Rien ne s’oppose à ce qu’il y en
ait un, même celui qui en occupe aujourd’hui la place, pourvu qu’il y soit reconnu, et
qu’il reconnaisse lui-même la suprême puissance dont seul e il tiendra son autorité.

Appel de la Providence dans les Gouvernements


Mixtes pour les Rendre Unitaires.

Le salut de l’Europe et celui du Monde, qu’elle 192


entraine dans le tourbillon de sa Volonté, ne peut venir que de la Providence. Cela a
été assez développé dans les chapitres précédents.
Chapitre manquant

RECAPITULATION GENERALE

Arrivé à la fin de mon ouvrage, je sens qu’en beaucoup


d’endroits, et malgré toutes les peines que j’ai prises pour être clair, beaucoup de
choses sont restées obscures. Dans le mouvement extraordinaire que j’ai pris, j’ai
retracé en peu de pages l’histoire du règne hominal, dans une de ses Races, sur un
espace de douze mille ans. Une foule innombrable d’événements s’est présentée à
moi, et néanmoins il fallait faire un choix.

L’origine des Races, et leur origine sur terre, tient de près à


l’origine du règne hominal. La science qui en traite spécialement est la Cosmogonie.
Moïse en a traité dans son Sepher.
On se demandera si l’amour a dû être le principe de sociabilité et
de civilisation dans l’homme. Et pourquoi ce besoin transformé en passion ne se
manifeste pas de la même façon dans l’homme et la femme ? D’où vient cette
différence ? Et pourquoi il existe deux sexes dans la nature ?
Je dirais que cela appartient encore à la Cosmogonie, tout comme
l’origine de la parole, des langues. Le mariage, base de l’édifice social ne fut pas

192
heureux. Cette question comme beaucoup d’autres peut avoir sa réponse dans le fait
qu’un mal particulier est souvent nécessaire à faire naitre un bien général.
Le mariage ne fut pas heureux parce que l’homme Boréen aurait borné là le cours de
la civilisation. Satisfait, il n’aurait rien cherché au-delà de ce bonheur. L’homme se
serait plié au joug de la femme, sa race ses serait amolli, et aurait disparu. Si la
femme fut malheureuse à cette époque c’est à cause d’une faute qui ne lui permet pas
de donner naissance à rien sans douleur, ni dans l’ordre physique ni dans l’ordre
moral. Cela relève de la Cosmogonie.

La Guerre a développé une foule de connaissances utiles dans la


race Blanche. J’ai montré l’origine d’une foule d’institutions et d’usages, comme la
première organisation du peuple Celte dont l’empreinte se retrouve dans tous les
peuples qui tiennent à la même souche.

Dès la fin du premier livre, la sphère intellectuelle était développée dans


la Race Boréenne, et le culte était né.
Dans le second livre, la politique d’abord influencée par la Religion a
réagi sur elle. Le premier schisme, parmi les Celtes, donnant naissance aux nomades,
a été purement politique ; Et toutes les querelles ont pris naissance dans les formes
de culte dont la politique s’était emparée. On a souvent accusé la Religion de ces
excès, comme on a cru que la Théocratie pouvait y conduire. C’est au contraire la
Théocratie qui y met un terme. La superstition et le fanatisme ne règnent que là où
les formes du culte sont parvenues à usurper la place de la Religion, et à y étouffer la
voix de la Providence.

Nous avons vu cet Empire Universel fondé par le glorieux et 193


extraordinaire Ram, le Bélier ; de Scander aux deux cornes ; d’Osiris, le chef des
hommes ; de Dyonisos, l’intelligence divine ; de Giam-Shyd, le dominateur de
l’univers ; etc…
Ce n’est qu’en admettant l’existence de cet Empire qu’on peut se
rendre compte d’une foule d’usages communs à tous les peuples : la couronne aux
rois, la mitre aux pontifes, le rehaussement des trônes, le sceptre ou le bâton pastoral,
la forme constante des autels, la manière de s’y prosterner en invoquant la Divinité.
Tout annonce un rite universel dont l’empreinte ne s’est pas effacée à travers les
variations des formes de culte
On peut constater avec admiration que les formes essentielles de
langage sont les mêmes partout. La Grammaire générale, reposant sur les mêmes
bases, atteste l’existence d’une langue universelle. Quant à la poésie, la rime chez les
Chinois et les Arabes, le rythme connu des Hindous comme des Scandinaves,
participent à la même origine. Partout où la musique est connue, il y a sept notes
d’une octave à l’autre, divisée en cinq tons et deux demi-tons.
Toutes ces choses sont les restes d’une unité religieuse et
politique qui s’est divisée. Il faut admettre comme une incontestable vérité l’Empire
de Ram. C’est dans les livres sacrés que j’ai puisé la plupart des choses que je
rapporte sue cet empire et sur la cause des schismes politiques qui en amenèrent la
chute. C’est en général dans les archives sacerdotales des nations antiques que j’ai
cherché les documents se rapportant à l’histoire du genre humain depuis l’apparition
de Ram jusqu’à celle de Pythagore. La seconde partie de mon ouvrage s’appuie sur
des documents plus positifs, et ne s’écarte plus pour la chronologie des faits de la
marche ordinaire de l’histoire.

193
Dans la première partie il y a trois époques principales :
- La première s’étend depuis l’aurore de la civilisation dans la Race
Boréenne, jusqu’à l’apparition de l’envoyé divin parmi les Celtes,
c’est le mouvement ascendant.
- La seconde comprend, depuis l’apparition de cet envoyé et
l’établissement de l’empire universel, jusqu’aux symptômes de son
déclin, annoncés par le schisme politique des Pasteurs Phéniciens,
c’est l’Ordre Social stationnaire dans son plus grand éclat.
- La troisième renferme la durée entière de ce déclin, depuis le
premier affaiblissement de la lumière morale jusqu’aux premières
approches des ténèbres, c’est le mouvement descendant.
La seconde partie comprend aussi trois périodes, mais plus
restreintes :
- Le Crépuscule, où l’on remarque une sorte de combat entre la
lumière et l’obscurité.
- Les ténèbres complètes.
- Et le mouvement ascendant qui recommence.
Ces trois époques qui n’équivalent pas en durée une des anciennes, et
qui d’ailleurs n’en représente qu’une, ne renferment qu’un intervalle d’environ
trois mille ans. On peut dater la première de ces dernières époques, de la prise
de Troie par les Grecs. La seconde, de la chute de l’empire romain. La troisième
du commencement des croisades.
Cette dernière époque n’est pas terminée, et quoique tout nous fasse
augurer, qu’elle doit être le matin d’un beau jour, on ne peut pas se cacher que
ce matin de notre Etat Social recommençant, ne soit troublé de plusieurs orages.
Le plus violent de ces orages, la révolution française, on verra que les 194
causes tiennent aux premières formes que la civilisation Boréenne a reçues à
son origine.
C’est un développement de la Volonté dans la Race Blanche qui lui a
permis d’être conservée face aux Races Noires et Jaunes. Ce développement
volitif a marqué la Race Blanche dans toutes les phases de l’Etat Social, et a
glissé dans toutes les institutions civiles et religieuses, des formes
extraordinaires inconnues dans les Races Noires et Jaunes. Dans ces deux Races
la Volonté a été soumise au Destin et a supporté son joug.
L’Europe, siège de la Race Blanche, a vu la Volonté de l’homme
manifester sa plus grande puissance. Si cette Volonté avait pu reconnaitre
l’action de la Providence, en opposant la sienne au Destin, elle aurait produit de
magnifiques résultats. La liberté, son idole, constitue son essence intime, et
découle de la Divinité. Mais elle n’a jamais combattu la nécessité du Destin. Elle
a tenté de se placer au-dessus de la Providence. Cela ne pouvait pas être, et voilà
pourquoi cela n’a produit que des orages politiques. Même si ces ébranlements
peuvent avoir des conséquences positives, il serait malsain de prendre plaisir à
leurs terribles effets et d’en consacrer leurs ravages.

Je répète ma pensée sur la Révolution française : pour qu’elle soit utile il


faut qu’elle s’arrête. La Volonté de l’homme en fut le mobile. Le Destin a repris
le dessus parce qu’elle s’est divisée. Le triomphe du Destin n’est pas assuré.
Nécessité et Liberté, deux extrêmes, ne peuvent se réunir que par un milieu. J’ai
indiqué ces ressorts pour faire marcher ces machines politiques. Ce milieu est la
Providence. Je n’ai formé que des veux pour qu’un homme exceptionnel
représente cette Providence. Dans le dernier paragraphe que j’ai supprimé cet

194
homme pourrait être un Pontife-Suprême, à l’autorité reconnue par toute
l’Europe. Ce Pontife pourrait être celui d’aujourd’hui, à condition qu’il
reconnaisse l’autorité qui l’aura élu. Ce Pontife-Suprême tiendrait dans ses
mains le lien unissant les trois puissances. Représentant la Providence, il
dominerait les cultes divers sur l’essence même de la Religion. La Religion
n’étant plus stationnaire réglerait la marche du progrès en la favorisant.
Un tel Pontife-Suprême serait la première personne du Monde. Les
empereurs et les rois, à l’ombre de son influence, exerceraient sur toutes choses
civiles une puissance tempérée. Ils seraient à l’abri des révoltes et des complots.
Les Révolutions seraient inconnues, car la Volonté de l’homme,
librement exercée et satisfaite, représentée et soutenue, n’aurait aucun intérêt à
lutter contre les deux puissances, au risque de tout perdre.
Les guerres entre nations ne pourraient plus avoir lieu. Car les motifs
invoqués attireraient sur la nation belliqueuse, les autres nations réunies. Il
suffirait même que le Pontife-Suprême déclare la guerre immorale pour qu’elle
s’arrête.
Les guerres possibles ne pourraient venir que de l’extérieur de l’Europe,
ou d’une nation parjure. Ainsi se réaliserait une belle idée conçue naguère,
appelée Sainte Alliance. Cette idée n’a pas pu se renfermer dans le cadre
diplomatique qu’on lui a donné. La Volonté n’y était pas. Et le Destin seul,
agissant au nom de la Providence, ne pouvait pas remplacer les deux puissances.

En appelant la Providence dans les gouvernements, en admettant


les trois principes, donc trois chambres, on verrait renaitre les trois états des
antiques Celtes, dont les farouches sectateurs d’Odin, les Goths n’avaient assis
sur les débris de l’empire romain qu’une image grossièrement esquissée et 195
privée de vie.
Les trois chambres offriraient l’expression des trois puissances
universelles dont l’unité de force se répercuterait sur les rois. Au-dessus de ces
puissantes unités politiques s’élèverait le Pontife-Suprême, vivant dans une ville
sacrée. La violation de cette ville serait un crime odieux.
C’est sur la vénération du chef sacerdotal que se fonde tout
l’Ordre Social. Le respect qu’on porte au roi, et l’obéissance due aux magistrats,
ne vient qu’après. Si cette vénération, ce respect, cette obéissance manquent, la
force est obligée de se montrer. Mais la force finit par blesser ceux qui s’en
servent.

Un monarque ne doit être contraint en rien. La personne du roi est


inviolable, il constitue à lui seul une unité. L’unité du Pontife-Suprême étant
plus élevée, sa personne serait inviolable, mais il pourrait communiquer à tout
ce qu’il voudrait l’inviolabilité.

Dès que l’Alliance sacrée, dont j’ai montré la possibilité, serait effectuée
entre les nations Européennes ; dès que la Providence appelée dans leurs
gouvernements les aurait rendu unitaires de mixtes qu’ils étaient ; dès qu’un
Pontife-Suprême serait élu, et exercerait sur tous les peuples son influence
providentielle, une chose se ferait, qui, dans l’état actuel des choses, serait
impossible, ou ne pourrait avoir lieu sans couter des torrents de sang et de
larmes ; elle se ferait sans la moindre secousse, au milieu de la plus parfaite
tranquillité. L’Europe, qui tend depuis longtemps à ne former qu’un seul
empire, le formerait ; et celui qui serait appelé à dominer au-dessus des rois,

195
sous le nom d’Empereur ou de souverain Roi, respecté des Rois, à l’égal du
Pontife-Suprême, marcherait par la seule force des choses, à la conquête du
Monde.
Alors la Race Boréenne aurait atteint ses hautes destinées. La Terre entière
offrirait le même spectacle qu’elle a déjà offert sous le règne de Ram, mais avec
cette différence remarquable que le siège pontifical et royal serait en Europe au
lieu d’être en Asie. Les hommes réunis sous le même culte et sous les mêmes
lois ne connaitraient qu’un même Dieu, qu’un même Pontife-Suprême, et qu’un
même souverain Roi. Ils parleraient la même langue, se traiteraient en frères, et
jouiraient d’une félicité aussi grande que peut le comporter leur nature mortelle,
pendant une longue suite de siècles, et jusqu’au terme fixé par l’éternelle
Sagesse.

CONCLUSION
L’Homme est une entité très complexe. L’ensemble des
êtres humains constitue l’HUMANITE.

Composition du corps humain


Le corps de l’homme est constitué de 75% d’eau. Il est
constitué essentiellement d’un assemblage d’atomes. Et cet assemblage tient 196
debout, marche, parle, se nourrit, pense, réfléchit, etc.. C’est une machine
merveilleuse composée de systèmes qui vont du système squelettique,
musculaire, aux systèmes cardio-vasculaire, nerveux, endocriniens, etc.., tous
les systèmes ont été décrits. Plus que cela, au-delà de ce corps physique, sont
décrits par des spécialistes des corps invisibles, comme le corps astral,
éthérique, mental, bouddhique ou atmique, et des systèmes invisibles, comme
les chakras, le prana. Cet ensemble permet à l’homme de vivre, de fonctionner
physiquement, mais aussi de s’exprimer sur les plans intellectuel,
psychologique, métaphysique.

Le Règne hominal
Certains penseurs voudraient que l’homme soit une évolution du
singe. A ce jour rien ne le démontre, et aucune preuve n’existe. Il y a seulement
quelques ressemblances dans le comportement, et un certain nombre de gènes
qui soient de la même nature. Comme le dit Fabre d’Olivet on ne retrouve pas
dans les fouilles géologiques très anciennes de fossiles humains alors qu’on y
retrouve des fossiles d’animaux. Les fossiles humains sont retrouvés bien plus
tard. Il y a donc sur terre quatre règnes distincts : le règne végétal, le règne
minéral, le règne animal , et le règne hominal.

La Création

196
Ce règne hominal constitue l’humanité. Et l’homme universel
représentant le règne hominal a été créé par Dieu, au sixième jour de la Genèse.
Etant entendu que le mot jour est pris au sens de période, ou plutôt de
manifestation, car Dieu étant éternel, la Création a lieu dans le Moment Présent.
Sans rentrer dans des explications métaphysiques, on peut dire que l’homme est
créé lors d’une sixième manifestation du Créateur. Et cet homme universel est
androgyne, à la fois mâle et femelle. D’ailleurs, il est reconnu par les
psychologues et les psychanalystes que nous possédons tous une part de
masculinité pour les femmes, et une part de féminité pour les hommes.

Les Races
Ce règne hominal a été constitué dans le temps de Races. Et selon
les auteurs le nombre de races varie.

Pour Samaël aun Weor : il y aurait 7 Races :


Une première race protoplasmique au début, suivie d’une race hyperboréenne,
au corps plutôt gazeux, puis une race lémure, à laquelle succèdent les atlantes,
et la cinquième race qui correspond au monde contemporain. Elle sera suivie
d’une sixième race plus spirituelle, et d’une septième race où l’homme
retrouvera sa divinité, homme-Dieu.

Pour François Bernier : il distingue 5 races géographiquement.


La première, de l’Europe au Nil, l’Asie, la Perse, les Maldives.
La seconde, en Afrique, de peau noire 197
La troisième, Sumatra, les Philippines, la Chine, l’Inde
La quatrième constituée seulement des Lapons
La cinquième, le continent américain.

Pour Johann Friedrich Blumenbech : les races sont divisées en 5


variétés.
La Variété Caucasienne, à peau pâle, l’Europe.
La Variété Mongole, Chine et Japon, à peau jaune.
La variété Ethiopienne, Afrique, à peau noire
La variété américaine
La variété Malaisienne.

Les Maitres de Sagesse : expliquent que les humains se développent


cosmiquement sur Terre à travers sept périodes
1ère Ronde, un être éthéré
2ème Ronde, un être plus physique
3ème Ronde, un être avec un corps de singe
4ème Ronde, période actuelle, où l’intellect se développe
5ème Ronde, progression de la sagesse et développement du mental
6ème Ronde, illumination, spiritualité
7ème Ronde, homme-Dieu.

12 000 Mille ans d’histoire


197
Avec Fabre d’Olivet, on survole ensuite douze mille
ans d’histoire du Monde.

Les Races :
Fabre d’Olivet débute la chronologie des races avec la naissance
de la Race Boréenne, Hyperboréenne, la race Blanche, au pôle Nord ( pôle qui
n’avait pas la même position qu’aujourd’hui du fait d’une autre inclinaison de la
Terre). Cette race Blanche sera suivie des Atlantes, qui deviendront les Celtes.
De l’autre côté de la Terre, se développe la Race Sudéenne, Race
Noire, qui va dominer le Monde, et où va naitre l’Empire Universel de Ram,
Rama, selon les livres Antiques des Hindous. Cette race sudéenne va envahir
dans un premier temps l’hémisphère nord. Puis la Race Blanche, se
développant, s’intellectualisant, va reconquérir le Monde.

Les Développements :
L’homme à sa naissance est sauvage, mais n’en constitue
pas moins le règne hominal. Il est muet et communique par signes,
accompagnés de grognements qui peu à peu se transforment en langage. Grâce à
sa confrontation avec la femme les rapports se développent pour devenir
sociaux.
L’Etat Social s’installe, avec le mariage qui en devient la
base de l’édifice social. En même temps, par nécessité, les moyens évoluent, la
chasse, la pêche, se perfectionnent, l’agriculture nait. Mais aussi apparaissent
les armes et les combats puis les guerres qui s’en suivent. 198
Les groupes se forment, aboutissent à des nations. Les
groupes ont besoin de chefs et les nations de Rois. Alors se constituent les
armées, les royaumes. Puis l’esprit de conquête fait que les guerres se terminent
par des prises, des possessions, et des empires se créent.
Les Celtes vont alors dominer la race sudéenne où l’empire
de Ram a disparu. Et vont apparaitre les différentes formes de gouvernement,
décrites surtout en Europe.

Les Sphères lumineuses :


L’homme considéré spirituellement, en l’absence de ses
organes corporels, peut être conçu comme une sphère lumineuse dans laquelle
trois foyers centraux donnent naissance à trois sphères lumineuses.
Au foyer inférieur rayonne la sphère instinctive
Au foyer médian rayonne la sphère animique
Au foyer supérieur rayonne la sphère intellectuelle.
Il existe une quatrième sphère, celle de la puissance efficiente, volitive.
Lorsque cette quatrième sphère est suffisamment développée, l’étendue de son
rayon admet un grand nombre de facultés. Nous n’en citerons que douze, six
primordiales et six secondaires :
Attention et Perception
Réflexion et Répétition
Compassion et Jugement
Rétention et Mémoire
Discernement et Compréhension
Imagination et Création

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La puissance volitive place ces facultés où elle veut.
A mesure que chaque foyer grandit et rayonne, il déploit une circonférence qui
par son rayon qui présente six points lumineux, à chacun desquels se manifeste
une faculté. Nous ne nommerons que trois facultés sur chaque sphère pour ne
pas trop compliquer :
Sphère Instinctive : Sensation - Instinct - Sens commun
Sphère animique : Sentiment - Entendement - Raison
Sphère Intellectuelle : Assentiment - Intelligence - Sagacité
L’origine de ces facultés se trouve dans la sphère instinctive. Celle-ci en se
développant va ébranler la sphère animique, qui à son tour ébranlera la sphère
intellectuelle. Et c’est de cette façon que se transforme les facultés. Par exemple,
une sensation donnera un sentiment puis un assentiment. L’instinct donnera
l’entendement qui amènera à l’intelligence.
Voilà le fonctionnement psychique de l’homme en profondeur.

Les Principes :
Pour Fabre d’Olivet les formes de gouvernement, République,
Monarchie, Despotisme, Anarchie, etc… dépendent de Trois Grands Principes
de l’Univers :
La Providence
La Volonté de l’HOMME
Le Destin
Et de deux lois : La Nécessité et La Liberté.
Pour que la machine gouvernementale fonctionne bien il faut que
les trois grands Principes de l’Univers soient réunis.
La Volonté de l’homme pousse à la République 199
Le Destin a vocation de produire des Monarchies
Et la Providence est le terme médiane qui peut stabiliser la
gouvernance.

Et tout au long de l’histoire, étant celle de l’Europe qui est plus


particulièrement abordée, le jeu entre ces trois grands principes anime la
constitution des gouvernements.

Le Sacerdoce Religieux

De plus, Fabre d’Olivet retrace le développement des religions et


du sacerdoce. Il existe trois grandes religions issues de trois grands hommes qui
ont marqué l’histoire :
Orphée, a revêtu les idées de Rama, Zoroastre, Krishnen. Il a créé le
polythéisme des poétes. Il a enflammé l’imagination instinctive des peuples. Il
est à l’origine du Conseil des Amphycryons. Il est est le créateur du système
musical des Grecs. Il a produit Puthagore, et Pythagore a donné Socrate,
Platon, Aristote, et leurs disciples. Orphée a enseigné l’Hermaphrodisme.
Moïse, nous a transmis l’Unité Divine des Atlantes. Il a été initié aux
mystères sacrés en Egypte. Il a dévoilé à nos yeux les décrets éternels. Passé en
Ethiopie, il connait la Tradition Primitive des Atlantes. Dieu lui transmet ses
lois et sa cosmogonie Qu’il va retranscrire dans son Sepher pour les
générations futures.
Fo ou Foë, pour échapper à la colère de son père se réfugie dans la
Montagne. Là, il va tomber en extase et des mystères inéffables lui sont révélés.

199
Il nous explique la grande énigme de l’univers et le but de la vie. Il enseigne que
les âmes des animaux et des êtres humains sont de la même essence, la
différence ne vient que des corps qui les animent. Sa doctrine créé le
Bouddhisme, elle s’est perpétué. Tous les Lamas sont bouddhistes.
La réforme étant une déviation par rapport au christianisme.
Pour Fabre d’Olivet la réunion du sceptre et de l »encensoir, ou
du moins leur bonne entente, sont nécessaires à la bonne gouvernance et à
l’éclat d’un Empire Universel.

Les Formes de Gouvernement :


La République pure est soumise à la Volonté de l’homme qui
domine. La loi de Liberté prime sur la Nécessité, et le désordre, la révolte
s’installent.
La Monarchie pure est soumise à l’action du Destin qui
domine. La loi de la Nécessité prime sur la Liberté, et la gouvernance tend vers
le despotisme qui va susciter une contrattaque de la Volonté, avec rebellion,
révoltes et désordres.
La Théocratie pure, le pouvoir est considéré comme émanant
de Dieu, et il est exercé par une autorité religieuse. C’est la Providence qui
domine et si elle arrive à réunir la Volonté et le Destin c’est que le souverain suit
cette Providence en contrôlant sa Volonté et son Destin.
Le despotisme, apparait lorsque le Destin, qui a subjugué la
Volonté, arrive à usurper la place de la Providence. Et c’est grâce à la seule
cruauté qu’il arrive à se maintenir et durer. Le despotisme absolu c’est
l’accaparement par un seul de la puissance du pouvoir.
La Démocratie absolue, voit le jour lorsque la Volonté, qui a 200
écrasé le Destin, usurpe la place de la Providence. Et c’est grâce à l’esclavage que
cette démocratie absolue peut se maintenir et durer. La Démocratie absolue
c’est l’accaparement par la multitude de la puissance du pouvoir.
L’Emporocratie, c’est quand les éléments de la Monarchie, et
les éléments de la République paraissent confondus, et ne sont que mêlés, et
quand on a eu la prétention d’entrainer dans le même tourbillon la Nécessité et
la Liberté, la Volonté et le Destin, et où de plus le crédit joue le rôle de ressort.

Retenons que seule la réunion des Trois Grands


Principes, dans un équilibre et une harmonie parfaits donne un
gouvernement stable et durable.

Et je dirais en Conclusion Générale que l’étude de l’Humanité,


l’étude de l’Homme, en passant par les éléments corporels, mais en
soulignant les éléments psychiques, représente la voie, le chemin
vers la Connaissance des Mystères de l’Univers.

Car tout est dans le Tout.


Et tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut.

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