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L’émission du chèque
Éléments de correction
Sommaire
1. Documents reproduits....................................................................................................................2
1.1. Propos introductifs....................................................................................................................2
1.2. Le chèque et la lettre de change................................................................................................2
1.3. L’émission du chèque...............................................................................................................3
1.4. Transition – l’absence de provision..........................................................................................3
2. Exercice pratique............................................................................................................................5
A. La date du chèque.......................................................................................................................5
B. La provision du chèque...............................................................................................................6
1. Documents reproduits :
Qu’est-ce que le chèque ? C’est un écrit par lequel une personne, appelée tireur, donne l’ordre
à un établissement de crédit, appelé tiré, de payer à vue une certaine somme à une troisième
personne, appelée bénéficiaire.
Cet instrument de paiement (et non de crédit) est en passe de disparaître progressivement, au
bénéfice des moyens de paiement totalement dématérialisés (v. document 1) ; en effet, il n’y a pas
de certitude sur la solvabilité du tireur, et cela peut donc être dangereux pour le bénéficiaire (d’où
les nombreux refus de paiement par chèque). Ne peut-on pas assurer une certaine protection du
bénéficiaire, par exemple en s’assurant que le chèque soit accepté, ou que la banque tirée l’avalise ?
Ces deux hypothèses sont interdites (C. mon et fin., art. L. 131-5 et L. 131-28) car l’on craint que le
chèque devienne une monnaie en soi (des billets et des pièces), par la confiance qu’il inspirerait si
cela était le cas…
Ce cantonnement du chèque, qui a pour objectif d’éviter qu’il concurrence les instruments
monétaires officiels, est le fruit d’une politique législative qui peut se comprendre, puisqu’elle évite
que les banques ne viennent supplanter l’État en matière monétaire. Les deux seules possibilités
pour assurer la sécurité du chèque, qui sont cependant en deçà de l’acceptation, sont le visa, qui est
susceptible d’être apposé sur le chèque par la banque et qui a pour effet de constater l’existence de
la provision à la date à laquelle il est donné (Code mon. et fin., art. L. 131-5, al. 2), et la
certification, qui a pour effet le blocage de la provision au profit du porteur (Code mon. et fin., art.
L. 131-14).
À de nombreux égards, le chèque fait penser à la lettre de change. Il faut cependant relever,
pour comprendre leur logique respective, l’une des principales différences entre les deux titres : le
chèque est payable à vue (Code mon. et fin., art. L. 131-31) ; c’est en effet, par essence, un
instrument de paiement.
Notons également qu’il importe peu que la créance du bénéficiaire du chèque soit inférieure
au montant du chèque (Cass., civ. 1re, 6 janvier 2011, document 6). Le porteur peut le remettre à
l’encaissement, sauf à restituer le montant si une partie du paiement reçu était indue. La solution est
logique puisque le chèque est un instrument de paiement.
Quid en cas d’ouverture d’une procédure collective après l’émission du chèque ? Le porteur
peut-il dans tous les cas obtenir paiement du chèque ? La réponse n’est pas toujours affirmative.
Encore faut-il que la provision ait été constituée avant l’ouverture de la procédure. Il se peut qu’un
chèque ait été émis sans provision ; l’exigence de provision au moment de l’émission est parfois un
vœu pieux. La solution est reprise dans l’arrêt de la Chambre commerciale du 12 janvier 2010
(document 5), dont l’attendu de principe énonce qu’ « il résulte de la combinaison de ces deux
textes [Code mon. et fin., art. L. 131-31 et C. com., L. 622-7] que la provision d’un chèque émis par
un tireur avant d’être mis en redressement judiciaire n’est transférée au profit du bénéficiaire
qu’autant qu’elle ait existé au jour du jugement d’ouverture ». Et en l’espèce la cour d’appel s’était
contenté de constater que le chèque avait été émis avant l’ouverture de la procédure, mais n’avait
pas vérifié si la provision existait avant celle-ci.
Une autre difficulté s’agissant de la provision est liée à l’existence, ou non, d’une ouverture
de crédit consentie par la banque au tireur. Lorsqu’une ouverture de crédit a été consentie, le
montant du chèque peut s’imputer sur celle-ci.
L’ouverture de crédit doit exister au jour de l’émission du chèque. Si le chèque est présenté au
paiement après la révocation de l’ouverture de crédit, cela n’a aucune incidence tant que l’ouverture
existait au jour de l’émission (document 2, Cass. com., 30 mai 2000). Encore faut-il bien distinguer
ouverture de crédit et facilité de caisse (document 3, Cass. com., 19 juin 2007). Nous allons y
revenir puisque c’est en partie l’objet du cas pratique.
2. Exercice pratique :
Hégésippe a tiré deux chèques, l’un à la date du jour, l’autre à la date du 15 juin. Les deux
chèques sont d’un montant de 650 euros. Le compte bancaire d’Hégésippe n’est créditeur que de
843 euros. Les deux chèques ont été présentés au paiement avant le 15 juin.
A. La date du chèque
Selon l’article L. 131-31 du Code monétaire et financier, le chèque est payable à vue. Par
conséquent, dès son émission, le chèque peut être présenté à l’encaissement. L’article précise en
effet que « [l]e chèque présenté au paiement avant le jour indiqué comme date d'émission est
payable le jour de la présentation ».
En dépit de la postdate, la provision est transmise au bénéficiaire dès l’émission (Cass. com.,
16 juin 1992). La provision doit donc exister à ce moment.
Pour une application : Cass. com., 12 janvier 2010 (document 5), s’agissant d’une affaire
dans laquelle les parties avaient convenu que la provision de différents chèques serait transférée de
manière échelonnée. La Cour de cassation rappelle qu’ « un chèque est émis et sa provision
transférée dès que le tireur s'en est dessaisi au profit du bénéficiaire, toute mention contraire étant
réputée non écrite ».
La postdate fait encourir à son auteur une amende : l’article L. 131-69 du Code monétaire et
financier rend le tireur passible d’une amende de 6 % du montant du chèque en cas de fausse date
ou d’absence de date.
En l’espèce, deux chèques ont été tirés sur la banque d’Hégésippe. Sur le premier fut inscrit la
date du jour, sur le second la date du 15 juin. Or, peu important la date figurant sur le titre, un
chèque est payable à vue. L’antiquaire est donc fondé à encaisser immédiatement les deux chèques.
Il ne commet aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité. En revanche, s’il n’est pas
créancier du tireur, ce dernier peut agir en répétition de l’indu ; or ici, si le montant des deux
chèques est effectivement dû à l’antiquaire, les parties ont uniquement convenu d’un délai de
paiement pour la seconde partie du prix. On peut envisager que le tireur puisse agir en répétition,
mais au 15 juin il sera effectivement créancier des 650 euros restants ; son action n’a donc aucune
chance d’aboutir. À noter que la postdate réalisée par Hégésippe est passible d’une amende de 39
euros (6 % de 650).
B. La provision du chèque
En vertu des articles L. 131-4 et L. 131-31 du Code monétaire et financier, la provision doit
exister dès l’émission du titre. Elle doit être d’un montant suffisant, i.e. au moins égal à celui du
chèque.
La jurisprudence a admis que la provision puisse être constituée par une ouverture de
crédit. L’ouverture de crédit est une convention entre la banque et son client autorisant ce dernier à
réaliser des paiements alors que le compte n’est pas suffisamment créditeur. La preuve de
l’ouverture de crédit peut être rapportée par tous moyens puisqu’il s’agit de prouver contre un
banquier commerçant (C. com., art. L. 110-3). Il s’agit alors d’interpréter la volonté des parties, une
ouverture de crédit pouvant être expresse ou tacite. Le fonctionnement du compte peut être analysé
pour déterminer la réitération de découverts réguliers et périodiques. Lorsque la banque a toléré que
des chèques sans provision soit payés, la jurisprudence considère que ces facilités de caisse sont
assimilables à une ouverture de crédit tacite lorsqu’elles ont un caractère habituel. La pratique
doit ainsi s’être prolongée dans le temps. Deux mois ont pu être jugés insuffisants : Cass. com., 30
juin 1992. Une simple tolérance, à titre non habituel, ne sera pas assimilée à une ouverture de crédit
et ne caractérisera qu’une facilité de caisse (Cass. com., 4 mars 1986).
Selon l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier, une banque qui rompt une ouverture
de crédit peut voir sa responsabilité engagée pour rupture abusive de crédit si elle ne respecte par un
préavis.
Enfin, l’article L. 131-73 du Code monétaire et financier impose aux banques l’obligation
d’informer leurs clients, préalablement au rejet du chèque, de l’insuffisance de la provision. Si la
banque omet cette formalité, sa responsabilité peut être engagée si le tireur en a subi un préjudice
(perte de chance de ne pas avoir pu réapprovisionner le compte). Pour une application : Cass. com.,
19 juin 2012 (document 7).
En l’espèce, le compte d’Hégésippe est provisionné à hauteur de 843 euros. Autrement dit, la
provision est suffisante pour le paiement du premier chèque mais insuffisante pour les deux. La
provision devant exister à l’émission et être d’un montant suffisant, la banque serait fondée à rejeter
le second chèque.
Toutefois, le mois dernier, Hégésippe s’est trouvé à découvert à hauteur de 550 euros et la
banque n’a pas réagi. Or, si on parvient à caractériser une ouverture de crédit tacite accordée par la
banque, le montant de cette ouverture (550 euros) et le reliquat restant sur le compte après paiement
du 1er chèque (843 – 650 = 193 euros) suffirait au paiement du second chèque (puisque 550 + 193 =
743). Il est cependant, d’une part, expressément indiqué que la convention de services bancaires ne
prévoit aucune autorisation de découvert. La tolérance de la banque apparaît, d’autre part, très
épisodique (elle a eu lieu une seule fois) et ne s’est pas étalée dans le temps (elle a pris effet le mois
dernier seulement).
En conclusion, la banque est fondée à rejeter le second chèque pour absence de provision
puisque l’ouverture de crédit n’est pas caractérisée. Elle n’engagera pas sa responsabilité pour
rupture abusive de crédit, ni pour défaut d’information de son client.