Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
STYLISTIQUE
16D311
Pré envoi
Année 2019/2020
Dernier conseil : vous pouvez aussi vous informer sur toutes les notions que vous
allez rencontrer en consultant les diverses entrées du Nouveau dictionnaire de
sciences du langage (sous la dir. de Ducrot et Schaeffer, Le Seuil).
1
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
Il convient de dire un mot spécifique à propos des figures. L’importance qui leur a été
accordée par les stylisticiens s’enracine dans les travaux de Du Marsais, Le Traité
des tropes, publié au XVIIIe siècle. L’auteur pense que l’on parle obligatoirement par
figures, en particulier dans le langage des Belles Lettres car il s’agit de créer une
image dans le langage analytique, abstrait, par nature. Le petit ouvrage de
C. Fromilhague : Les figures de style (coll 128) constitue un outil précieux pour
l’analyse des figures (voir bibliographie).
2
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
Exemples de déictiques :
Les spatiaux : devant, ici, les démonstratifs…
Les temporels : l’organisation verbale du temps, les adverbes : maintenant, hier…
N B : les systèmes verbaux et leurs valeurs seront étudiés plus loin dans le cours
(deuxième envoi).
3
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
Tous ces faits de langage posent, bien entendu, la question de leur reconnaissance.
Pour faire simple, on considérera dans ce premier cours que celle-ci se fait par
différence en rapport avec une norme lexicale, syntaxique, énonciative du langage
ordinaire. Bien des stylisticiens parlent d’écart : cette notion est contestable mais si
vous la juger pratique sur un plan heuristique, je ne vois pas d’inconvénient à l’utiliser
dans la phase de reconnaissance. Une autre manière de préciser les choses est de
s’imaginer en situation de lecture. A lire et relire le texte à commenter, vous en
dégagerez, sans nul doute, une impression à la fois littéraire et psychologique que
l’on qualifiera d’effet. A partir de cette impression, il faut chercher à consolider, à
vérifier les premiers éléments relevés à travers des traits formels récurrents ou
convergents (énonciation, système verbo-temporel, lexique particulier – ex : l’argot-
etc.) qui concourent à construire le sens du texte. Vous vérifierez ainsi la continuité
entre l’effet premier et les signes verbaux. Si celle-ci ne fonctionne pas, il faut
reprendre la lecture et chercher à percevoir et à mesurer écarts ou effets par rapport
au contexte immanent au texte lui-même. (Cette méthode est tirée des travaux d’un
grand stylisticien : Leo Spitzer dans ses Etudes de style (trad.française, Gallimard,
1970).
N B : Tous les traits ne sont pas à retenir dans un commentaire. Il faut sélectionner
ceux qui concourent à créer un système et laisser de côté les faits isolés.
4
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
Le vocabulaire d’un texte n’est pas constitué d’une suite linéaire de mots. C’est, au
contraire, un ensemble qui procède d’une intention et d’une construction sémantique
(la sémantique se définit de façon stricte comme l’étude du rapport entre les signes
et les choses). Les mots ont, en premier lieu, une visée dénotative, laquelle permet
d’identifier l’univers référentiel. Puis les connotations permettent d’introduire la
subjectivité dans le discours en dégageant des convergences de sens appelées
isotopies (une isotopie relève d’une unité sémique, voir sur cette notion le manuel de
référence : Introduction à l’analyse stylistique, p. 63 sq.). Une première approche
consiste à voir comment des mots s’associent ou s’opposent dans un texte.
La connotation
Les signifiés de dénotation d’un mot sont en rapport avec les propriétés de son
référent tandis que la connotation ajoute un élément de signification, souvent de
façon implicite. Exemple : « flingue » peut connoter dans un roman policier la
signification « voyou, bandit » tandis que « revolver » ne le fait pas. La dénotation
qui repose sur les sèmes génériques et spécifiques (voir sur cette question
l’introduction d’A. Rey à n’importe quelle édition du Petit Robert ou le chapitre
correspondant dans le Fromilhague et Sancier) donne donc l’univers de référence
d’un texte, la connotation introduit à son univers imaginaire.
5
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
a) Métaphore et comparaison
La métaphore conserve ici les sèmes spécifiques et joue sur les sèmes génériques
pour donner un nom à une réalité (le comportement sauvage d’un animal familier).
La comparaison est une figure métaphorique qui se construit avec des moyens
lexicaux « figuratifs », comme l’on dirait en peinture, tels que « comme », « pareil
à », le verbe « être », etc. Attention : on ne confondra pas les comparaisons
métaphoriques :
Ex : Ses joues sont comme des roses,
avec des énoncés descriptifs qui, en général, marquent l’intensité :
Ex : Il est fort comme un Turc
6
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
b) Métonymie et synecdoque
L’étude des tropes permet en général de dégager des notions (fournies par les
comparants ou les termes qui déplacent la référence) qui alimentent l’analyse
sémantique et caractérisent l’imaginaire du texte. Il convient également de voir
comment les figures s’organisent entre elles, se répondent les unes les autres afin
de structurer le texte.
L’ironie qui est un discours parfois marqué par l’antiphrase et qui signifie le contraire
du sens littéral, sens que l’énonciateur récuse et attribue, de fait, à un autre
énonciateur :
Ex : Qu’est-ce qu’il fait beau aujourd’hui ! (alors que le temps est gris ou
pluvieux)
7
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
l’hyperbate qui place hors du syntagme un élément qui devrait s’y inscrire,
d’où un effet de mise en relief :
Ex : Elle le regardait. Celui qui savait si bien, si joliment tout dévaster. Eux
deux. L’amour. La vie. (Aragon, cité dans le Fromilhague et Sancier)
N B : Toutes ces considérations sur le sens figuré doivent être complétées par la
lecture des pages consacrées aux figures dans le manuel de référence. Voir aussi,
pour encore plus de précision l’ouvrage précité de C. Fromilhague : Les figures de
style (voir bibliographie).
8
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
2 : La phrase
La construction simple, qui peut se ramener à un seul mot (« Encore »), à une
séquence thème/prédicat (« Admirable, ce film ») ou constituer à une phrase
minimale ou une phrase simple.
Dans un second temps, il faut s’intéresser à l’ordre des mots et des constituants.
L’inversion de l’ordre sujet-verbe, par exemple, peut correspondre à une volonté de
suspens de l’information ou à une volonté de dramatisation. Les phénomènes
d’énumération constitués par des séries de syntagmes mis en parallèle, les
phénomènes de disjonction et de reprise servent, entre autres, à mettre en valeur
des signes et à créer des effets de sens.
9
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
Spleen
Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas !
Il faut commencer par donner la nature du texte. Nous avons affaire à un poème de
type fermé : derrière la disposition en distique se profile une composition en quatrain
(voir l’alternance des rimes vocaliques et consonantiques, l’enjambement des quatre
derniers vers). Cependant la structure d’ensemble est ouverte dans la mesure où
aucune forme préétablie (sonnet, rondeau) ne préside à son organisation.
La structure interne des vers demande une attention toute particulière. Le compte
des vers est le même, sauf au vers 1 qui n’a que sept syllabes (le « e » de « roses »
s’élide devant voyelle, celui de « rouges » ne se prononce pas en fin de vers). Au
10
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
vers 2, on peut hésiter à faire la diérèse dans « lierres », dans ce cas c’est tout le
premier distique qui serait formé d’heptasyllabes. Ajoutons que « las » et « hélas »
ne riment que pour l’œil, mais une prononciation ancienne ferait entendre les
consonnes finales devant une pause. Quoi qu’il en soit, l’octosyllabe domine. Cet
ancien mètre poétique est le vers lyrique par excellence, Verlaine en use souvent.
L’élégie
« Spleen » est donc une élégie qui chante le désespoir amoureux. Le terme qui
signifiait mélancolie au XVIIIe siècle, était devenu synonyme de dégoût chez
Baudelaire est ici employé tout en nuances. Nous pourrions rapprocher ce poème
d’un autre texte de Verlaine le « Colloque sentimental » des Fêtes galantes :
Le rythme
Le rythme du poème obéit à une prosodie inégale. Les deux premiers vers ne
comportent pas de pause, puis la cadence est majeure :
chère, / pour peu que tu ne bouges
2 6
s’inverse : le ciel était trop bleu / trop tendre
6 2
11
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
pour s’épuiser dans le dernier vers qui est un trimètre : Et de tout / fors de vous /
hélas !
Ainsi Verlaine réindroduit de l’impair dans la régularité. Pourtant l’étude des sonorités
(disposition croisée des rimes, volume équilibré de celles-ci qui rappelle la
monotonie, régularité de certains octosyllabes sans césure, enjambements,
assonances en [U], allitérations en [R], donc accumulation de sons sonores) confère
au poème une musicalité fluide et mélodieuse.
Eléments sémantiques
Les verbes au présent ont une une valeur générale et actualisent les sensations
passées rendues à l’imparfait. Celles-ci renvoient à différents éléments du paysage
floral, aquatique, gazeux, végétal. Les substantifs sont définis par l’article défini
d’univers, article très généralisant. Si bien que les sensations passées traduisent un
temps indéterminé fait d’impressions discontinues et juxtaposées.
12
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
Couleur et fadeur
Dans le long enjambement des deux derniers distiques, les sensations passées ont
envahi le présent et le suspendent en une durée infinie dans la mémoire d’un
bonheur condamné (roses rouges / lierres noirs), ce que scandent au long du poème
les mornes et graves assonances en [U]. Le poète n’attend plus rien : les rimes
féminines, dites suspensives, n’existent plus que pour l’œil.
Conclusion
13
16D311 : Michel ERMAN - Stylistique
BIBLIOGRAPHIE
14