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Enseignant-Chercheur
E-mail. : constantfouopi@yahoo.fr
E-mail. : rodrigue_nana@yahoo.fr
Résumé :
1. Introduction
1
Depuis les années 1990, le secteur de la microfinance connaît un développement important
dans les pays de la zone CEMAC. Le nombre d’EMF n’a cessé de croître, principalement au
Cameroun et au Tchad, en même temps que celui des membres ou des clients de micro-
services financiers. Le volume des activités s’est également accru avec une hausse importante
de l’encours des dépôts et des crédits. Cet essor de la microfinance, encouragé par ailleurs par
les autorités politiques et monétaires de la région, pourrait traduire la volonté de ces autorités
de mener une lutte contre la pauvreté et la précarité des populations par le truchement de cette
institution. La microfinance constitue l’unité à partir de laquelle les externalités du système
bancaire sur les bénéficiaires des services proposés vont être analysées.
En effet, les travaux s’accordent sur le rôle de la microfinance comme instrument de lutte
contre la pauvreté à travers la réduction des imperfections du marché du crédit. Ils divergent
cependant sur plusieurs points : population cible, nature et orientation des prestataires,
financement et taux d’intérêt, etc. Toutefois, si la performance financière est facilement
mesurable, la notion de la mission sociale reste relativement vague. Ceci rend difficile
l’arbitrage entre les deux objectifs ; leur hiérarchisation dépend alors du statut juridique de
l’IMF, de son orientation ainsi que de son environnement géographique et socio-économique.
La littérature empirique s’est surtout attelée à évaluer l’impact de la microfinance sur le bien-
être social des bénéficiaires à travers des études expérimentales. Ces travaux mesurent
l’impact de la microfinance sur la consommation, l’investissement, l’éducation, la santé et
l’autonomisation des femmes. D’autres évaluations semi-expérimentales, s’appuyant sur
l’étude des scores, ont eu pour objectif la mesure des progrès réalisés en termes de réduction
de la pauvreté.
L'inclusion financière fait référence à un processus par lequel une personne peut accéder à
et/ou utiliser des services et produits financiers proposés par des prestataires « classiques »,
adaptés à ses besoins et lui permettant de mener une vie sociale normale dans la société à
laquelle elle appartient. A contrario, on parle d'exclusion financière lorsqu'une personne se
trouve dans une situation où il lui est impossible d'accéder à de tels services, ou lorsque les
services auxquels elle a accès ne sont pas adaptés à ses besoins, ou pas offerts par des
prestataires « classiques ». Les produits et services financiers sont considérés comme «
adaptés » lorsque leur offre, leur structure et leurs coûts ne posent pas de difficultés d'accès
et/ou d'utilisation au client (Hermes et al. 2011). Ces difficultés sont provoquées
simultanément par les caractéristiques des produits et par la manière dont ils sont vendus (côté
offre) ainsi que par la situation et la capacité financière du client (côté demande). L'analyse de
2
chaque structure (côté offre et côté demande) peut, pour chaque pays de la CEMAC, mettre en
lumière la manière dont l'offre rencontre la demande ainsi que son degré d'adaptation.
L'inclusion financière parfaite pourrait, par conséquent, se décrire comme étant la capacité
d'accéder et d'utiliser les services financiers adaptés proposés par les prestataires de services
financiers de base. Cependant, il peut exister un « second meilleur choix » adéquat consistant
à acquérir des services adaptés proposés par des fournisseurs « alternatifs » se conformant aux
règles et réglementations et qui n'exploitent pas les personnes à bas revenus. Pour le moins,
un prestataire de services réputé «social» peut donner une image suffisamment
sécurisante/positive pour permettre aux personnes exclues d'essayer une fois encore des
services financiers qui pourraient ensuite constituer le premier pas vers l'inclusion financière
auprès de prestataires de services financiers classiques (Avom et Bobbo, 2013).
C’est ce dernier point qui a attiré notre attention. Les acteurs du développement prétendent
qu’il faut développer la microfinance parce qu’en contribuant au développement de services
financiers adaptés, elle permet de lutter contre la pauvreté. Cependant, aucune étude n’a
jusqu’alors démontré que la microfinance finançait effectivement la structure de l’offre et de
la demande de crédit au sens de l’encours moyen du portefeuille. Nous avons donc souhaité
en savoir davantage sur cette problématique dans les pays de la CEMAC plus sur le sujet et
nous nous sommes lancés dans ce travail de recherche. L’objectif est d’apprécier, en
s’appuyant sur la théorie du bien-être, des contrats et de la régulation, si nous pouvons
raisonnablement penser que la microfinance est un vecteur d’inclusion financière.
D’où la question quelle est l’impact de la microfinance sur l’inclusion financière dans les
pays de la CEMAC ? En d’autres termes, y a-t-il un lien entre l’innovation des produits
adaptés au sein de la microfinance et l’accès au crédit des populations exclues par les
banques?
3
La suite de la communication est organisée de la manière suivante : la section deux présentent
les généralités sur la microfinance, la revue de la littérature est discutée à la section trois, la
section quatre est consacré à la caractérisation de la microfinance dans les pays de la CEMAC
et la section conclue la communication.
L'accès au crédit est d'autant plus essentiel que le patrimoine s'avère insuffisant pour faire
face aux aléas de l'existence ou pour prendre une initiative économique. Mais, par ailleurs, si
le crédit n'est pas accordé à bon escient et qu'il entraîne l'emprunteur dans la spirale du
surendettement, les conséquences de celui-ci seront d'autant plus dramatiques que son
patrimoine et ses revenus sont faibles (Seck, 2009). Dès lors, si l'accès au crédit est essentiel,
l'octroi d'un crédit qui soit approprié à la situation sociale, économique et financière du
demandeur l'est tout autant. Dans la mesure où le crédit est un service financier permettant de
dégager des bénéfices, il est normal que le marché cherche lui-même à répondre aux besoins
de financement des particuliers et des entreprises. Encore faut-il qu'ils répondent
adéquatement à leurs besoins. En effet, la maturité du marché ou le niveau de développement
de l'offre, les techniques d'analyse de risque utilisées et la protection de montants minima de
4
saisie ou cession sont des éléments qui peuvent freiner le développement d'une offre de
crédit adaptée à tous (Cull et al. 2009). Le microcrédit peut prendre deux formes.
Le crédit de groupe permet de répondre aux problèmes d’asymétrie d’information qui ont
pour conséquence l’anti-sélection et l’aléa moral, inhérents aux contrats de crédit. Selon Dalla
Pellegrina (2011), cette opération n’est pas fondée sur une garantie matérielle individuelle ou
collective, elle repose sur le capital social des individus (honneur, réputation,…). Le
microcrédit suivant Bauchet et al. (2011) repose sur les incitations fortes pour s’assurer du
remboursement des prêts : une menace exercée par l’IMF de ne plus accorder un prêt
ultérieurement, si les crédits n’ont pas été recouvrés ou si l’échéancier n’a pas été respecté ;
l’octroi des prêts plus importants (pour le développement de l’activité) est conditionné aux
chroniques antérieures de remboursement. C’est le « prêt progressif ». Le microcrédit
individuel repose sur le fait que l’emprunteur n’est plus responsable d’un éventuel défaut de
paiement d’une tierce personne, mais reste sensible à la pression exercée sur sa réputation,
notamment à l’occasion des réunions (hebdomadaires,…). Selon Fouillet et al. (2007), le fort
développement du microcrédit individuel répond aux limites du crédit de groupe et à la
volonté de rendre plus flexible les relations IMF/clients. Pour Bauchet et al. (2011), le choix
du microcrédit individuel est motivé par deux éléments : l’absence d’une culture
communautariste qui rend difficile la constitution de groupe (en milieu urbain par exemple) ;
le besoin de flexibilité. Ces deux aspects sont analysés de façon brève.
Dans le domaine bancaire, en laminant les petites épargnes, les nombreuses faillites ont accru,
dans les populations surtout à faible revenu, un climat de défiance. Ces faillites ont également
provoqué des licenciements massifs notamment de cadres de banque expérimentés qui, faute
de mieux pour subsister, se sont lancés dans la création incontrôlée des entités de
microfinance. De plus, suite à la mise en œuvre des plans de restructuration, les banques
classiques ont durci les conditions d’accès à leurs services et redimensionné leur réseau. Cette
évolution a eu pour conséquence une marginalisation d’une plus grande frange des
populations par rapport à l’accès aux services bancaires et une aggravation de la sous
bancarisation, surtout des zones rurales. Dès lors, les structures de microfinance se sont
révélées de plus en plus attractives par leur proximité, la simplicité de leur approche
commerciale et leur capacité d'adaptation présumée.
Des choix stratégiques vont se présenter en matière de microfinance dans la région : *le
plafond d’un micro-prêt pourrait être rehaussé de telle sorte que les institutions de
microfinance puissent suivre leurs clients dans le développement de leur entreprise ; *les
institutions de microcrédit les plus consolidées pourraient, à terme, être autorisées à collecter
de l’épargne, à offrir du crédit à la consommation et des produits de microassurance. Pour les
investisseurs institutionnels, les investissements en microfinance semblent répondre à une
6
logique de diversification du risque de leur portefeuille dans la mesure où la stabilité des
investissements en microfinance n’est pas fortement corrélée avec l’évolution des marchés
internationaux. Par ailleurs, les règles instaurées par les donateurs et le développement de
fonds d’investissement en microfinance sont susceptibles d’introduire une plus grande
discipline commerciale parmi les institutions de microfinance et de promouvoir des
partenariats publics-privés plus efficaces
3. Revue de la littérature
Pour Lelart et Haudeville (2003), le microcrédit apparaît comme une réponse à l’échec des
modes de financement antérieurs mis en place par les banques commerciales et les banques de
développement. Ce rationnement de crédit des banques est dû au non-respect des contrats,
Hulme et Mosley (1996), Joseph (2000), concomitamment aux asymétries d’information ex
7
post et ex ante telles que développées par Akerlof (1970). Aussi, de nombreux travaux en
l’occurrence ceux de Bassolé (2006), utilisent des modèles d'agence pour montrer qu'en
prêtant à des groupes d'emprunteurs conjointement solidaires sur le remboursement de leurs
prêts, les contrats de Microfinance permettent de remédier à la sélection adverse et aux
problèmes d'aléa moral liés aux asymétries d'information. D'autres modèles démontrent
également que l'utilisation de contrats de prêts groupés (Zeller, 1998 et Godquin, 2006)
permet également d'améliorer les taux de remboursement et par conséquent d’améliorer les
conditions de vie des populations démunies. Dans son article, Zeller montre que le groupe a
aussi un rôle d’assurance, ce qui permet d’augmenter les performances de remboursement de
ses membres. Abdelkhalek Touhami (2004) quant à lui va tester l’efficacité du financement
des micros et petites entreprises dans la lutte contre la pauvreté en abordant une approche
statistique. Il reconnaît alors que les institutions de Microfinance aident à réduire la pauvreté
car elles agissent dans deux directions : Elles financent les activités de production des
ménages et elles créent ensuite les revenus et des emplois.
C’est ainsi que les clients de Freedom from Hunger au Ghana ont augmenté leur revenu
mensuel de 36%, comparés aux non-clients dont l’augmentation s’est élevée à 18%
seulement. Parmi ces clients, 80% ont acquis une source secondaire de revenu, contre 50%
chez les non-clients. En Indonésie, les emprunteurs ont accru leur revenu de 12,9%, contre
3% pour le groupe de contrôle. De même, les emprunteurs du réseau BRI en Island ont
également accru leur revenu moyen de 112%, et 90% des ménages concernés sont sortis de la
pauvreté. Dans le même ordre d’idées, les clients du Réseau SHARE (Society for Helping
Awakening Rural Poor through Education) en Inde ont accru significativement leur bien-être.
La moitié de ces clients seraient sortis de la pauvreté au bout de deux ans de participation
Helms (2006). Des améliorations au niveau de l’éducation des enfants ont aussi été observées
dans le réseau de la Grameen Bank (100% des filles scolarisées contre 60% chez les non-
clients). En Ouganda, des améliorations similaires ont également été observées dans le
domaine de la santé des femmes et des enfants (95% des clients du réseau Foccas ont
amélioré la santé et la nutrition de leurs enfants comparés à 72% chez les non-clients). Par
ailleurs, les services financiers ont amélioré le pouvoir économique des femmes en Indonésie,
au Népal, en Inde, au Bangladesh, en Bolivie, aux Philippines et en Russie Helms (2006).
Pour Popiel (1994), le Cameroun pourrait être le pays où il y a le plus grand ratio de
microcrédits par population dans le Monde en se classant d’après le Conseil Mondial des
Syndicat de crédit(2005), troisième pays africain en termes de nombre de caisses populaires.
8
La COBAC estime le nombre de participant au microcrédit à 70% en 2002 et 75% en
2003. Ce chiffre s’est situé à 65% en 2004. Ces illustrations révèlent indubitablement l’apport
de la microfinance dans la lutte contre la pauvreté.
Bien que l’aspect financier des EMF soit soutenu par plusieurs auteurs, son efficacité sociale
dans la réduction de la pauvreté est par contre très discutée dans la littérature. Car, il est
souvent noté que les promoteurs des EMF qui sont pour la plupart d’anciens banquiers
comme au Cameroun, recherchent d’abord leur rentabilité et se soucient moins de l’objectif
social. De ce point de vue, la poursuite d’un but lucratif risque de conduire à une dérive de la
mission sociale des institutions de microfinance Guerin (2000), Christen (2001), Dichter et
Harper (2007), Guerin et Servet (2005). Dès lors, Servet (2009) souligne que les conditions
d’un effet positif du microcrédit ne sont en réalité qu’exceptionnellement remplies. D’après
lui, dans le contexte actuel de financiarisation croissante de l’économie, il importe
d’abandonner tout angélisme de la microfinance. Bénéfique à de nombreux égards, elle
engendre également d’importants effets pervers, qu’il s’agisse d’endettement excessif des
personnes financées ou d’appauvrissement des plus pauvres Servet (2005).On peut aussi citer
d’autres travaux Shaw (2004), Mosley (2001), qui montrent que l’impact de la microfinance
sur les clients pauvres demeure mitigé, ou bien ceux qui relativisent la portée des effets des
EMF sur la population à faible revenu, comme ceux de Buckley (1997) et Rogaly (1996).
Aussi, d’autres critiques sont avancées en termes de problème de sélection de la clientèle (les
EMF ne touchent pas toujours les plus pauvres des pauvres), taux d’intérêt élevé,
autosuffisance comme stratégie de long terme, exigence de garanties réelle que les pauvres
n’en disposent pas, Monkam et al. (2001), Kobou et al. (2009). L’un des arguments avancés
par ces travaux est que la concentration de l’activité de microfinance dans certaines zones est
souvent en parallèle avec la persistance de la pauvreté. Si jusqu'ici, très peu d'études ont
mesuré le lien entre la Microfinance et le degré d’inclusion financière. La complexité de cette
mesure est d’autant plus criante que la majorité d’économistes ont accepté de reconnaître, du
moins en théorie que le risque de crédit est un phénomène multidimensionnel. Seulement, la
plupart des méthodes disponibles se réduisent invariablement à agréger avec des pondérations
ad hoc, les différents indicateurs en un seul indice synthétique revenant ainsi à une analyse
unidimensionnelle. Face à ce qui ressemble fort à une indétermination des modèles théoriques
et leurs applications sur données transversales ou de panel, Ravi Kanbur et Lyn Squire (1999),
et, bien d’autres invitent à promouvoir une croissance capable de limiter les implications
9
inégalitaires en adoptant de mesures pro-pauvres. Ainsi, Morduch (2000) propose la «
microfinance schism » qui relève essentiellement de la présence d’un arbitrage entre ciblage
des pauvres et rentabilité. Cette observation est révélée par plusieurs autres auteurs. Navjas et
al. (1998), Paxton (2002), Woller et Schreiner (2002), Olivares-Polanco (2005) aboutissent à
un arbitrage entre les deux performances. Tandis que Luzzi et Weber (2006) et Cornée
(2007) concluent qu’il y a complémentarité entre les deux types de viabilité. En plus, la notion
de performance demeure ambigüe. Notre communication vient combler ce gap, en montrant
comment les programmes de microfinance peuvent associer objectif financier et objectif
social dans l’amélioration du niveau de l’inclusion financière.
La source de risque la plus importante pour une institution financière réside dans son
portefeuille de crédits. Non seulement le portefeuille de crédits est, et de loin, l’actif le plus
important pour une IMF, mais en outre, la qualité de cet actif et donc le risque qu’il pose pour
l’institution, est assez difficile à mesurer. Pour les institutions de microfinance, dont les
crédits ne sont pas couverts par des garanties facilement réalisables, la qualité du portefeuille
est absolument cruciale. Heureusement, beaucoup d’institutions de microfinance ont appris à
gérer un portefeuille avec une très bonne qualité. En particulier dans beaucoup de pays, les
meilleures institutions de microfinance surpassent les banques commerciales.
Dans les pays en développement et notamment dans les pays de la zone CEMAC où la
majorité des activités sont informelles, l’évaluateur fait face à une absence ou un manque de
données (enquêtes nationales, recensements, etc.) qui s’ajoutent aux problèmes de collecte des
données et de suivi des clients propre à chaque IMF. Par ailleurs, la courte durée et
l’instabilité de la relation de prêt entre l’IMF et ses clients, ne permettent pas de constituer
une base de données sur une durée suffisamment longue pour étudier les effets de la
microfinance sur le bien-être social. Il n’existe pas (sauf cas rares) de données sur long terme
sur les clients d’une IMF. L’analyse de l’impact de la microfinance nécessite donc la mise en
place des données appropriées pour évaluer la qualité de son portefeuille. Le tableau 1 ci-
dessous donne le nombre d’établissements de microfinance et la population des pays de la
BEAC pour l’année 2010. Les établissements de première catégorie représentent la grande
majorité (90,9 %) de ces structures. Un renforcement notable du dispositif de supervision des
10
Etablissements de microfinance a été enregistré en 2010. En droite ligne des principes
fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace, le dispositif de supervision des EMF dans
la CEMAC repose sur deux types de contrôle : le contrôle sur place et le contrôle sur pièces.
Sur le plan des contrôles sur place, l’année 2010 a davantage été une année
d’approfondissement des conclusions de certaines missions de vérification effectuées au cours
de l’année 2009.
Ainsi, dans l’optique d’une surveillance permanente optimale des EMF, deux outils essentiels
ont été mis en place par la COBAC : le Plan Comptable des Etablissements de Microfinance
11
(PCEMF). Après son adoption en avril 2009 par la Commission Bancaire, une large
campagne de vulgarisation de cet outil a été menée entre mai et juillet 2010 auprès des
responsables et des auditeurs (internes et externes) des EMF de la sous- région ; le Système
d’Evaluation et de Supervision des Activités de Microfinance dans la CEMAC (SESAME). Il
s’agit d’une applicative informatique destinée à l’analyse financière et prudentielle des états
déclaratifs des EMF. L’implémentation de ses protocoles devant permettre de reporter les
états déclaratifs des EMF auprès de la COBAC a été lancée en octobre 2010 auprès des EMF
de Centrafrique, du Tchad, du Congo et du Gabon. L’opération se poursuivra en 2011 auprès
des établissements de microfinance du Cameroun.
Le ratio de Dotation aux Provisions se calcule en divisant les dotations aux provisions pour
créances douteuses effectuées sur la période (à ne pas confondre avec la Réserve pour
créances douteuses, qui est inscrite au bilan) par l’encours moyen du portefeuille brut. Cette
mesure donne une indication sur les provisions effectuées par l’IMF pour anticiper les futures
pertes sur prêts. Il faut s’attendre à ce que cette charge augmente de manière concomitante
avec la croissance du portefeuille des crédits. Pour les IMF réglementées, les règlements
locaux bancaires et fiscaux prescrivent un taux minimum de dotation aux provisions pour
couvrir les pertes sur prêts. Le niveau de dotations aux provisions doit être analysé de concert
avec le ratio Couverture de Risque. Si les réserves pour créances douteuses au bilan sont
faibles comparativement au Portefeuille à Risque, cela signifie que la dotation aux provisions
12
est probablement trop faible. Les IMF ont besoin de pratiques de dotation aux provisions plus
strictes que les banques ou les compagnies financières parce que leurs prêts sont
comparativement moins couverts par des garanties. Les règlements bancaires ne prennent
généralement pas ceci en considération et requièrent des règles de provisionnement et des
niveaux de réserve insuffisants pour un portefeuille de microcrédits. Des IMF réglementées
peuvent donc être en accord avec ces règlements tout en étant sous-provisionnées.
En milliards de Fcfa 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Dépôts des banques 1638 1694 2082 2099 2357 2921 3400 3801 4630 5513 6164
Dépôts des EMF 65 74 93 89 139 171 237 282 312 367 456
Total dépôts banques 1703 1768 2175 2188 2496 3092 3637 4083 4942 5880 6620
et EMF
Crédits bruts de 1390 1430 1617 1678 1711 1868 2049 2258 2898 3185 3827
banques
Crédits des EMF 38 47 56 73 85 91 128 140 167 243 287
Total crédits banques 1428 1477 1673 1751 1796 1959 2177 2398 2425 3428 4114
et EMF
Source : Calculs par les auteurs
D’après le tableau 2, les dépôts collectés par les EMF demeurent faible (8%) à fin 2010, par
rapport à ceux collectés par les banques, malgré un taux de croissance plus élevé entre 2006 et
13
2010 de la collecte des dépôts des EMF (19% contre 12% pour les banques). De même, la part
des crédits octroyés par les EMF par rapport à celle des banques se situe à 7%. Le taux de
croissance des crédits enregistré par les EMF est de 9%, alors que celui des banques s’établit à
10%. En somme, l’activité des EMF reste marginale dans le contexte du système financier
d’ensemble, malgré des évolutions significatives. L’activité de microfinance bénéficie de la
bonne tenue des économies de la CEMAC. L’environnement économique favorable explique
sans doute les évolutions positives enregistrées par le secteur de la microfinance durant la
période 2000 à 2010. Dans l’ensemble, le système bancaire s’est avéré suffisamment
capitalisé, solvable, liquide et rentable durant cette période. Enfin, les banques de la CEMAC
ont dégagé, en 2010, un excédent de capitaux permanents de 372 Milliards par rapport aux
valeurs immobilisées et l’excédent global de trésorerie s’est situé à 3906 Milliards,
enregistrant une fluctuation de +8% par rapport à la situation prévalant en 2000. Au total, le
secteur bancaire, en septembre 2007, connaît une situation globalement bonne, n’entravant
pas l’évolution de l’activité de microfinance. Le tableau 3 ci-dessous donne une évolution de
la microfinance dans la CEMAC avec un rapport du nombre de clients et de membres.
Année Capital Dépôts Crédits Nombre Nombre Nombre EMF EMF EMF
Social bruts d’EMF clients/ guichets 1ère cat. ème
2 cat. ème
3 cat.
libéré membres
2000 4155 56395 34017 1021 443606 1074 1008 13 1
2001 6087 74427 47397 952 559756 1022 936 17 1
2002 6781 93799 56597 921 607190 1024 903 17 1
2003 10937 89391 73136 708 783336 1091 982 24 2
2004 15166 139101 85212 893 852815 1121 847 43 3
2005 19078 171989 91901 735 785490 1255 675 43 3
2006 22425 236544 128388 679 1211698 1450 633 43 3
2007 28142 281698 139941 686 1372065 1517 631 51 4
2008 34056 312805 157189 708 1456754 1634 645 53 5
2009 41768 376534 210095 729 1786547 1876 667 57 6
2010 49089 450987 258760 758 1987654 1987 689 62 7
Source : Calculs par les auteurs
15
Selon l’Agence française de développement (2009), « la mésofinance désigne un segment de
l’offre de financement à l’entreprise généralement peu ou pas développé dans les EMF et
dans les banques ». En outre, la mésofinance traduit également l’adaptation du secteur
bancaire à un marché qu’il ne servait pas encore (tableau 4). L’AFD définit en dernier lieu la
mésofinance par le niveau de prêt compris entre le plafond relevant de la microfinance et le
plancher du crédit bancaire. En somme, la mésofinance est le segment de services financiers
des EMF dédiés aux TPE, tandis que la microfinance est respectivement l’offre de services
financiers aux personnes exclues du marché bancaire et aux petites et micro-entreprises.
Tableau 5 : répartition des emprunteurs et épargnants par type d’institution dans la CEMAC
L’Afrique Centrale possède une grande variété de prestataires offrant leurs services financiers
aux populations pauvres et à faibles revenus. En dépit du grand nombre d’intermédiaires
financiers non bancaires (IFNB), des ONG et de mutuelles de crédit/coopératives financières,
les banques servent un quart du nombre total des emprunteurs, et 40% des épargnants sont
clients des banques en Afrique, alors même que les banques ne représentent que 8% des
institutions financières communiquant leurs résultats au MIX.
16
Quelques expériences
ences de mise en place de mésofinance sont menées en Turquie et au
Cameroun. C’est ainsi qu’au 31 décembre 2008, les crédits accordés à la clientèle pour le cas
du Cameroun s’élevaient à 138,523 Milliards F CFA, en hausse de 18,16% par rapport à fin
décembre 2007 et un taux moyen de croissance annuelle de 20,72% entre 2002 et 2008. Les
crédits octroyés sont pour l’essentiel de concours par caisse octroyés à court terme (63%
environ) pour financer les besoins d’exploitation des commerçants (39%), la consommation
(27%) et la trésorerie des PME-PMI
PME (21%).
Subvention (57%)
Garantie (15%)
Investissement (2%)
prêt (26%)
17
Dans toute la CEMAC (graphique 1),
1 la structure du marché évolue depuis quelques années.
Même si les prestataires de services financiers
f à but non lucratif restent plus nombreux que
ceux à caractère lucratif, il est
st clair que ces proportions évoluent. 57 % des nouvelles
institutions, qui sont en majorité des IFNB, sont des sociétés
ciétés à but lucratif, alors que la
proportion n’est que de 4 % pour les prestataires de services financiers
financiers encore récents ou bien
établis. En dépit de leur nombre réduit, les prestataires à but lucratif
tif détenaient en 2011 plus
de 70% du montant brut de l’encours
’encours de crédits et 71% du montant total des dépôts dans la
CEMAC et les banques, à elles seules, géraient 5 % de l’encours de crédits et 60% des dépôts.
Les banques ont bénéficié
icié de la croissance la plus rapide de leur nombre d’emprunteurs,
d’emprunte qui a
progressé de 25% entre 2010 et 2011. Les banques affichaient également une augmentation
augmenta
de 8% du nombre de leurs déposants, croissance arrivant juste en dessous de celle connue par
les IFNB de 46%. Les mutuelles de crédit/coopératives
crédit financières ett les IFNB
I détenaient
20% du de l’encours brut de crédits
crédit et respectivement 25% et 10% des dépôts.
Graphique 2 : Moyens d’octroi de crédits et de financement par les EMF dans la CEMAC
18
La frontière entre la microfinance et la mésofinance semble être la taille moyenne des crédits
en relation au PIB par tête. Un crédit est classé « micro » si la taille maximale est fixée à 30%
du PIB par tête. Plus la taille moyenne des microcrédits octroyés par une EMF rapportée au
PIB par tête est élevée, plus l’EMF est orienté vers les ménages aisés et les TPE. La mutation
des EMF en institution de mésofinance peut être bénéfique à plusieurs niveaux. Le
développement d’un portefeuille mésofinance peut impulser une dynamique entrepreneuriale.
Mais celle-ci ne pourra s’amorcer que s’il s’accompagne aussi de la mise en place de services
non financiers destinés aux promoteurs des TPE (Sievers et Vandenberg, 2007). Investir en
direction des TPE, c’est investir sur le secteur réel. Il devient logique que la mutation des
EMF en institution financière moyenne accompagne aussi celle des TPE.
5. Conclusion
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de crédit octroyé. L’orientation des EMF vers la mésofinance, ainsi que le soutien de la PME
sont aujourd’hui largement encouragés en Afrique dans sa généralité.
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