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Dossier : A table !
8 Eloge du goût
Cuisine mystique
9 Buñuel aux fourneaux
10 Festins
12 Beviamo ! Beviamo !
13 Boire et manger avec Ozu
14 Le ‘cinéma culinaire’ de Berlin
Jacques Agulhon
Waltraud Verlaguet
© pour toutes les photos de cette page : Daniel Béguin, photographe du jury œcuménique de Cannes
Le jury œcuménique de Cannes 2011 : de gauche à droite : F.Lods (Pro-Fil France), G.Arnone (Italie), M.E. Bernal Alonso (Argentine),
C.Hoffmann (France), M.Morgen (Suède), D.Grivel (Suisse, président du jury)
Tilda Swinton, actrice principale de We need to Nadine Labaki, réalisatrice de Et maintenant on Daniel Grivel remet le prix du jury œcuménique à
talk about Kevin de Lynne Ramsay (v. aussi son va où ? à la remise du prix œcuménique Paolo Sorrentino, réalisateur de This must be the
interview dans Vu de Pro-Fil n° 3). place
Eloge du goût
N ous ne pouvions pas inaugurer ce dossier sur quelques
grandes tablées gastronomiques au Cinéma sans
rappeler La grande bouffe de Marco Ferreri. C’était en
1973, l’étincelante réplique cinématographique de la
chanson d’Alain Souchon «On est foutu on mange trop !»
Ces quatre respectables bourgeois qui avaient décidé de
s’empiffrer incontinent pendant une semaine de viandes
et purées, charcutailles et pâtisseries jusqu’à en crever
l’un après l’autre, avaient franchi les limites tolérables
de la dérision. Quels que furent leurs talents, ils firent
scandale au Festival de Cannes. Par ce ragoûtant suicide
collectif par indigestion, ils rappelaient à nos estomacs
trop tolérants que ce qui donne précisément au ‘manger’
tout son plaisir, c’est le goût !
Cuisine mystique
«L’homme ne vit pas de pain seulement» (Mt. 4,4), c’est bien connu. Si on compare donc la foi au fait de man-
ger de cet autre pain, la spiritualité est la cuisine où j’apprête cette nourriture de l’âme, en comparaison à
une mère de famille qui prépare amoureusement le repas pour son mari et ses enfants, pour utiliser une image
d’Epinal. La théologie est alors la diététique qui analyse les aliments, leur composition, leur impact sur l’orga-
nisme, la meilleure façon de les combiner etc. Vous n’avez pas forcément besoin d’étudier la diététique pour
bien cuisiner. Encore que quelques notions puissent être utiles. La mystique serait alors à comparer à l’œuvre
d’un grand chef qui adore cuisiner et qui le fait très bien. Ses conseils sont recherchés, il écrit des livres où
il explique ce qu’il fait et chacun peut, dans la mesure de ses envies, s’en inspirer pour progresser dans l’art
culinaire.
Extrait de : Waltraud Verlaguet, Mystique et spiritualité, est-ce bien raisonnable ? L’Harmattan 2010, p. 55s.
Viridiana, DP
Vu de Pro-Fil N°8 - Eté 2011 - 9
Le Dossier
Festins
Gabriel Axel : Le festin de Babette ( 1988 ) / Thomas Winterbeg : Festen ( 1998)
Festen de Thomas Winterberg © Les films du Losange Le Festin de Babette de Gabriel Axel, DR
Beviamo ! Beviamo !
Beuveries
Convivialité intime
Le cérémonial du repas s’exprime chez
Ozu de façon particulièrement sensible :
bien que sa caméra soit en position
basse, le contenu des plats n’est pas dans
notre champ visuel, le mouvement des
baguettes est presque abstrait et c’est
à travers les perceptions auditives et les
Fin d’automne © 1962 Shochiku Co Ltd. paroles des convives, que le spectateur
apprend ce qu’ils mangent. Dans Le goût du riz
O n boit beaucoup et on mange souvent dans au thé vert, c’est la façon de manger – l’homme
les films asiatiques : chez le cinéaste japonais avec simplicité et même rusticité, la femme avec
Yasugiro Ozu (1903-1963) il n’y a pas de récit sans distinction et même sophistication – qui sépare
les espaces privilégiés que sont la salle à manger les membres du couple, lequel retrouvera une
familiale ou le salon privé d’un restaurant. S’il convivialité quand l’un et l’autre en prendront la
aime à dire : «Je suis comme un marchand de mesure, autour des deux éléments de base de la
tôfu, je ne propose donc que du tôfu», son offre nourriture japonaise, le riz et le thé, faisant enfin
cinématographique est plus subtile et les deux preuve d’attention l’un envers l’autre. Du reste,
éléments opposés de la cuisine japonaise – porc‑ plus que des paroles, ce sont davantage encore
pané/tôfu, animal/végétal, goût fort/goût des regards qu’échangent autour de la table les
léger, alternative de sophistication rituelle et de personnages d’Ozu et on admire dans plusieurs
simplicité quotidienne à laquelle pourrait incliner films l’enjeu émotionnel des repas, occasion d’une
l’âge, coexistent dans ses films sans s’exclure. Sur annonce ou lieu d’une intimité : dans Gosses
la table étudiante de Fin d’automne, le whisky et de Tokyo, lors de ce
la bière côtoient le saké, et la viande occidentale moment privilégié
les légumes japonais ; et dans Eté précoce, la qui réunit la famille,
préférence pour le soja d’un petit garçon rejoint le refus de manger
celle attribuée par sa famille à un vieil oncle ! des enfants est perçu
comme un drame et
Goût et émotion la réconciliation avec
le père s’exprimera
Ce même film montre aussi qu’avant même d’être le lendemain par un
partagée, c’est l’évocation de la nourriture repas partagé avec
qui traduit les bouleversements intérieurs des lui. Les trois repas qui
personnages et une évolution dans le récit : un scandent Il était un
appétissant gâteau apporté par l’héroïne provoque père sont des ruptures
ainsi les réactions paradoxales des adultes surpris narratives poignantes.
par l’apparition inattendue des enfants ; ailleurs, La scène clé du Goût du
la proposition qui lui est faite de manger un Ampan saké est celle du repas
(brioche fourrée) ne sera pas suivie d’effet mais de ses élèves devenus
traduit une émotion qui déclenche une rupture adultes avec le vieux
narrative et un tournant majeur du comportement professeur ; celle du
de l’héroïne qui conduit à la dispersion de la Voyage à Tokyo, le repas
famille. après les funérailles de
la mère.
Dedans, dehors
Jean-Michel Zucker
Caractéristique d’Ozu, le déplacement de la
nourriture de l’extérieur vers l’intérieur ou vice
versa entraîne un changement des rapports entre les
êtres : dans le film muet J’ai été recalé mais…, des Le goût du riz au thé vert © Shochiku Company Limited,
étudiants demandent en pleine nuit à une serveuse 1952, DP : Japan-organization
Voir
Les soirées commencent à 19h30 dans la salle de cinéma de
l’immeuble Martin Gropius. Environ douze films, fictions,
documentaires et courts-métrages, font partie du programme,
parfois aussi un des classiques de l’histoire du Cinéma. Parmi
les films de la dernière sélection : También la lluvia (Même la
pluie) d’Iciar Bollaín et Io sono l’Amore (Je suis l’amour) de Luca
Guadagnino, avec Tilda Swinton.
Manger
Après la projection, le public est invité au restaurant ‘Gropius
Mirror’ juste à côté où il peut déguster un menu cuisiné par de
grands chefs qui se sont laissé inspirer par le film qui précède.
Lors des projections tardives à 22h, le ‘Cinéma culinaire’ projette
des films actuels traitant de thèmes sociaux et écologiques.
Discuter
Dans l’après-midi, lors du ‘Teatime’ à 17h, sont présenté des
livres, on y discute et on déguste. A l’issue de la projection de
19h30, une table ronde entre les protagonistes du film et des
experts des questions culinaires permet d’approfondir le thème.
S’engager
Le ‘Cinéma culinaire’ est engagé dans le mouvement
international ‘Slow Food’. Le directeur de la Section, Thomas
Struck, explique :
« L’engagement de Slow Food pour la biodiversité correspond
à celui de la Berlinale pour la diversité culturelle. Plaisir
et joie de vivre vont de pair avec la responsabilité pour
l’environnement et des conditions de travail et de commerce
équitables. »
Dans une opération ‘Youth Food Cinema’, Dieter Kosslick
soutient également des initiatives pour améliorer la nourriture
des enfants.
Programme de soutien pour améliorer la nourriture des enfants
© Mirjiam Siefert, Berlinale 2008 Adaptation par Waltraud Verlaguet
à partir du site de la Berlinale
THEO
M anger, boire, dormir, ces besoins vitaux doivent
être satisfaits pour garantir la survie de
l’homme, tandis que la sexualité assure la survie de
La nourriture partagée
Nous retrouvons le veau gras dans la parabole du
fils prodigue (Luc 15). Ici c’est le père qui offre ce
l’humanité. Dès le règne animal, des rites entourent qu’il a de meilleur pour fêter le retour de son fils,
ces activités, souvent c’est le mâle dominant qui sa réintégration dans la famille. Le contexte n’est
impose son accès prioritaire tant à la nourriture pas si différent que ça. D’abord parce que toute
qu’aux femelles. Chez les humains, si les pulsions fête est à l’origine religieuse : toute réjouissance
continuent à imprégner les comportements, ce relie les convives entre eux, mais aussi eux tous au
sont les règles de la culture, au début de nature dieu. Ensuite parce que la relation entre père et fils
religieuse, qui les encadrent pour remplacer la loi désigne ici celle entre Dieu et le pécheur.
de la nature, loi du plus fort, par une civilisation Dans les paroles d’institution de la Cène « Ceci est
fondée sur le respect de l’autre, y compris du plus mon corps… ceci est mon sang… » (Mt 26, 26-28),
faible. La quête de nourriture n’est plus alors la résonnent encore les anciens rites sacrificiels. Et
lutte de tous contre tous, mais ce qui, au contraire, pourtant, tout a changé, tout sacrifice est désormais
consolide la communauté. inutile, la communauté se fonde désormais sur la
L’accès à la nourriture, pour ne parler que d’elle, mémoire de la vie et de la mort de Jésus ; faisant
a donc été, dès l’aube de l’humanité, marqué par corps, la communauté devient elle-même corps du
des règles religieuses. Dans la Bible, il est souvent Christ.
question de repas. Les contextes sont de trois N’oublions pas cependant que Judas était parmi les
ordres : ils concernent la subsistance, l’allégeance douze au moment de la Cène : ne cherchons pas à
ou encore la communauté. réserver nos tables aux ‘nôtres’, même le traître
reçoit le pain de la main de Dieu. 1
Ex. 16, 15-19
La nourriture pour vivre 2
Mt. 25, 40
Quand le peuple d’Israël a faim dans le désert, Waltraud Verlaguet
l’Eternel lui envoie la manne.
« Moïse leur dit : C’est le pain que l’Eternel
vous donne pour nourriture. Voici ce que
l’Eternel a ordonné : Que chacun de vous
en ramasse ce qu’il faut pour sa nourriture…
Que personne n’en laisse jusqu’au matin.1 »
La subsistance n’est pas cumulable. C’est une
quête quotidienne, au résultat éphémère, pour
mieux souligner le fait que l’homme dépend
de la bonté divine. Quelques-uns, nous dit le
texte, voulurent garder de la manne pour le
lendemain : elle devint alors infecte. Toujours
ce besoin d’amasser, plus que ce dont on a
besoin, cela n’a guère changé depuis le temps
du désert !
La nourriture offerte
Léonardo da Vinci : la dernière Cène, DP
David, en faisant entrer l’arche dans Jérusalem,
sacrifie un veau gras, et il distribue au peuple
du pain, de la viande et des gâteaux de raisins
(2 Sam. 6). L’allégeance à Dieu fonde le peuple.
Abraham, recevant trois étrangers, demande
à sa femme de préparer des gâteaux, puis
il choisit un veau tendre et bon pour le faire
apprêter pour ses convives. Ces étrangers
se révèlent dans la suite comme des anges,
voire l’Eternel lui-même. Du coup, la loi de
l’hospitalité se révèle comme culte divin (Gn
18). Jésus dira :
«Toutes les fois que vous avez fait ces choses
(donner à manger entre autres) à l’un de ces
plus petits de mes frères, c’est à moi que
vous les avez faites 2» Soul kitchen de Fatih Akin © corazon international / Gordon Timpen
Intention Arirang
Extrait du dossier de presse d’Arirang
A travers Arirang, je franchis une colline de ma vie
mon cœur,
A travers Arirang, j’essaie de comprendre l’Homme,
A travers Arirang, je remercie la nature et j’accepte
ma condition actuelle
De nos jours
entre le monde des hommes, où s’entremêlent des
désirs
le monde des fantômes, rempli de chagrin
et le monde imaginaire, où se cachent nos rêves
nous devenons fous
sans début ni fin
Nom Prénom
Adresse
suite
Code Postal
Téléphone Mail
Bulletin d’abonnement à Vu de Pro-Fil. sept 2011- juin 2012 ( pour les adhésions, voir page 17 )
Nom Prénom
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suite
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Pro-Fil Signature :
390 rue de Fontcouverte
Bâtiment 1
34070 Montpellier
RÉSUMÉ :
Dans le cadre d’une collaboration avec le site protestants.org, des membres de Pro-Fil rédigent des fiches sur des films nouveaux. Ce site
affiche les fiches les plus récentes, mais vous trouverez sur pro-fil-online.fr toutes celles produites depuis le début de cette collaboration.
Titres de films ayant fait l’objet d’une fiche depuis VdP 7 : Route Irish (Ken Loach) – Les yeux ouverts (Frédéric Chaudier) –
Angèle et Tony (Alix Delaporte) – Tron l’héritage ( Kosinsky) – True Grit (Ethan et Joël Cohen) – Jimmy Rivière (Teddy Lus-
si-Modeste) – Cabeza de Vaca (Nicola Echevarria) – We Want Sex Equality (Nigel Cole) – Black Swan (Darren Aronofsky)
– L’étrange affaire Angelica (Manoel de Oliveira) – Le choix de Luna (Jasmila Zbanic) – Winter’s Bone (Debra Granik) – Si
tu meurs je te tue (Hiner Saleem) – La petite chambre (Stéphanie Chuat et Véronique Reymond) – Cirkus Columbia (Danis
Tanovic) – Tous les soleils (Philippe Claudel) – L’étrangère (Feo Aladag) – Tomboy (Céline Sciamma) – Pina (Wim Wenders)
20 - Vu de Pro-Fil N°8 - Eté 2011