Résumé de la fiche
L'administration de médicaments anti-hypertenseurs a pour objectif de réduire la mortalité et la morbidité cardio-vasculaire
associée à l'hypertension artérielle.
Le premier objectif du traitement soit d'abaisser la PA à moins de 140/90 mmHg chez tous les patients, et, à condition qu’il
soit bien toléré, de cibler les valeurs de PA traitées à 130/80 mmHg ou moins chez la plupart des patients. Chez les
patients de moins de 65 ans bénéficiant de traitements hypotenseurs, il est recommandé de réduire la pression artérielle
systolique (PAS) entre 120 - 129 mmHg chez la plupart des patients. Chez les patients âgés de plus de 65 ans recevant
des médicaments hypotenseurs, il est préconisé que la PAS cible soit située entre 130-139 mmHg. Une surveillance
étroite des effets indésirables est préconisée, notamment la présence d’une hypotension orthostatique. Ces objectifs sont
indiqués quel que soit le risque cardiovasculaire des patients. Une cible de pression artérielle diastolique (PAD) inférieure
à 80 mmHg doit être envisagée pour tous les patients hypertendus, indépendamment du niveau de risque
cardiovasculaire et des comorbidités.
Les médicaments antihypertenseurs sont nombreux et appartiennent à différentes classes médicamenteuses divergeant
par leur mécanisme d'action et leurs effets indésirables.
une diminution des résistances périphériques par vasodilatation directe pour les alpha bloquants et les inhibiteurs
calciques,
une diminution des résistances périphériques par vasodilatation indirecte liée à une diminution des décharges
sympathiques des centres vasopresseurs du tronc cérébral pour les antihypertenseurs centraux,
une diminution du débit cardiaque par un effet inotrope et chronotrope négatif pour les bêta-bloquants,
une diminution du volume extracellulaire pour les diurétiques thiazidiques,
l'inhibition de l'effet vasoconstricteur et de rétention sodée de l'angiotensine II pour les médicaments du système
rénine angiotensine (inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les antagonistes de l'angiotensine).
Un délai minimal de 2-3 semaines de traitement est nécessaire avant d'évaluer l'efficacité anti-hypertensive.
La mauvaise compliance des patients au traitement anti-hypertenseur rend nécessaire la prise de médicaments dont la
demi-vie ou la forme galénique permet une prise unique journalière. La prise en compte de l'ensemble de ces données
est importante car on considère que moins de 50% des patients hypertendus atteignent leur objectif cible à un an.
Item(s) ECN
221 : Hypertension artérielle de l'adulte
264 : Prescription et surveillance des diurétiques
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant:
Rappel physiopathologique
L'hypertension artérielle est une pathologie fréquente (10 à 15 millions d'hypertendus en France). Dans la grande majorité
des cas, aucune cause n'est retrouvée, c'est l'hypertension artérielle essentielle, dont les mécanismes
physiopathologiques exacts restent incertains. On parle d'hypertension artérielle lorsque les chiffres de pression artérielle
systolique sont supérieurs ou égaux à 140 mm Hg et/ou de pression artérielle diastolique sont supérieurs ou égaux à 90
mm Hg, cette définition étant valable pour une prise tensionnelle au cabinet médical. Il existe une corrélation positive
linéaire entre le niveau de pression artérielle et la survenue des maladies cardiovasculaires, nécessitant donc de ne pas
prendre en compte uniquement ce niveau seuil.
L'hypertension artérielle doit être considérée comme un facteur de risque cardio-vasculaire, avec 4 organes cibles du
retentissement: le cœur (insuffisance cardiaque, fibrillation atriale), les reins (néphroangiosclérose), le cerveau (accident
vasculaire cérébral, démence) et les vaisseaux (angor, artériopathie des membres inférieurs, anévrysme, rétinopathie).
Médicaments existants
La pression artérielle est maintenue par une régulation du débit cardiaque et des résistances vasculaires périphériques,
sous le contrôle rénal du volume de liquide intra-vasculaire. Tous les médicaments antihypertenseurs agissent en
modifiant un ou plusieurs de ces paramètres. Les médicaments antihypertenseurs sont nombreux. Cinq classes sont
prescrites en première intention : Les diurétiques thiazidiques, les antagonistes de l'angiotensine et inhibiteurs de
l'enzyme de conversion de l'angiotensine (médicaments du système rénine angiotensine hors antagonistes de la rénine),
les inhibiteurs calciques et les bêta-bloquants.
D'autres classes pharmacologiques existent et sont plutôt prescrites en seconde intention en cas d'HTA résistante par
exemple (antagonistes du récepteur aux minéralocorticoïdes) ou dans des cas particuliers (antihypertenseurs centraux).
Plusieurs médicaments agissent sur le système rénine angiotensine avec des mécanismes distincts. Les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) inhibent la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II et augmentent
les concentrations de bradykinine. Les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine (ARA II) sont des inhibiteurs
compétitifs des récepteurs AT1 de l’angiotensine. Cependant leur antagonisme est souvent insurmontable (irréversible en
présence d’angiotensine II) du fait de leur lente dissociation du récepteur. Ceci est un avantage en cas d’activation du
système rénine angiotensine et permet une relative tolérance pour les oublis de dose. L'effet hypotenseur est lié à une
diminution des résistantes artérielles périphériques, et ne s’accompagne ni d’une augmentation de la fréquence cardiaque
ni du tonus sympathique. Plus récent, un inhibiteur de la rénine, est un médicament de seconde intention.
Les inhibiteurs calciques, également appelés « antagonistes calciques » ou « calcium bloqueurs ». Ils sont répartis en
deux grands groupes : ceux à effets sélectifs des canaux vasculaires (dihydropyridines) et ceux ayant des effets mixtes
vasculaires et cardiaques (vérapamil et diltiazem). Ils inhibent les canaux calciques voltage-dépendants de type L et
diminuent le flux calcique au travers du canal, d’où au niveau périphérique un effet vasodilatateur.
Les bêta-bloquants sont des antagonistes compétitifs des effets bêta-adrénergiques des catécholamines. En s'opposant à
l'effet inotrope et chronotrope positif de la stimulation bêta-adrénergique, ils entraînent une bradycardie, une diminution de
la contractilité myocardique et du débit cardiaque, expliquant l'effet anti-hypertenseur à long terme. Les bêta-bloquants se
distinguent par :
- leur bêta1 sélectivité,
- leur activité sympathomimétique intrinsèque (acébutolol et pindolol agissant comme des agonistes partiels permettant de
réduire l’effet chronotrope et inotrope négatif au repos).
- leur effet vasodilatateur périphérique par blocage associé des récepteurs alpha 1 adrénergiques (labetalol) ou par des
propriétés vasodilatatrices distinctes de leur activité sur les récepteurs adrénergiques (céliprolol, cartéolol, nébivolol).
L’impact clinique de ces différences reste modeste.
- leur lipophilie, sans conséquence clinique pratique.
Pour les médicaments de seconde intention, les alpha bloquants sont des antagonistes compétitifs des récepteurs
alpha1¬adrénergiques des catécholamines. L'effet antihypertenseur est directement lié à la baisse des résistances
vasculaires. Les antihypertenseurs centraux ont pour effet de diminuer les décharges sympathiques des centres
vasopresseurs du tronc cérébral. La clonidine et la methyldopa sont des agonistes des récepteurs alpha2¬adrénergiques
centraux. La methyldopa est le traitement de référence de l’HTA de la femme enceinte. La moxonidine et la rilménidine
sont des agonistes des récepteurs imidazoliniques.
Malgré la disponibilité des traitements médicamenteux efficaces contre l'hypertension artérielle, le taux de contrôle de la
pression artérielle reste insuffisant.
Un algorithme décisionnel a été développé et publié dans les recommandations ESC 2018 pour fournir une
recommandation de traitement simple et pragmatique pour le traitement de l'HTA, basé sur quelques principes et
recommandations clés.
Source Eur Heart J. 2018 Sep 1;39(33):3021-3104. doi: 10.1093/eurheartj/ehy339.
L'introduction d'un traitement chez la plupart des patients devrait se faire avec une bithérapie combinée, afin d'améliorer
la rapidité, l'efficacité et la prévisibilité du contrôle tensionnel. Cela approuve le concept selon lequel un traitement initial
efficace de l'hypertension artérielle nécessite au moins deux médicaments pour la plupart des patients.
Attention cependant à adapter la dose au niveau tensionnel ambulatoire pour ne pas « sur-traiter » le patient.
Les associations médicamenteuses à préférer sont un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC), ou un
antagoniste de l'angiotensine II (ARA2) , avec un inhibiteur calcique ou un diurétique.
Un bêtabloquant, associé à un diurétique ou à un autre médicament des autres grandes classes, est une alternative
lorsqu'il existe une indication spécifique (cardiopathie ischémique, dysfonction ventriculaire gauche, contrôle de la
fréquence en cas de FA...).
La monothérapie ne doit généralement pas être utilisée en première intention, sauf pour les patients âgés et ceux à faible
risque CV présentant une hypertension de grade 1.
Une triple association comprenant un IEC (ou ARA2), un inhibiteur calcique et un diurétique doit être utilisé si la PA n'est
pas contrôlée par une bithérapie à pleine dose.
L’addition de spironolactone à une triple thérapie est le traitement de choix dans les cas d’hypertension résistante. En
France, un patient non contrôlé par la trithérapie optimale à pleine dose bénéficiera d’un bilan d’HTA secondaire dans un
centre expert avant de démarrer la spironolactone. D'autres classes de médicaments antihypertenseurs peuvent être
utilisés uniquement si cette stratégie de traitement ne permet pas de contrôler la PA (autres diurétiques, bétabloquants,
alphabloquants).
Les techniques interventionnelles comme la dénervation rénale ne sont pas indiquées en dehors des essais cliniques.
Pharmacodynamie des effets utiles en clinique
- L'initiation du traitement antihypertenseur par un ARA2 ou un IEC est associée à une persistance plus élevée que
l'initiation du traitement par un diurétique ou par un bétabloquant, pour des raisons à la fois d'efficacité et de tolérance ;
les inhibiteurs calciques étant en position intermédiaire.
- Chez le patient diabétique à partir du stade de microalbuminurie et l’hypertendu avec protéinurie, débuter au choix par
un IEC ou un ARA 2.
- Chez les sujets âgés, les bétabloquants sont moins efficaces que les autres classes pour la prévention des accidents
vasculaires cérébraux.
- Au sein d'une même classe, il existe des différences pharmacologiques entre les médicaments qui ont des
conséquences sur l’efficacité et la tolérance.
- Privilégier les médicaments en une prise par jour.
- Les médicaments antihypertenseurs génériques commercialisés en France ont une efficacité anti-hypertensive
comparable aux produits princeps. Il n’est donc en général pas justifié de déconseiller la substitution. Néanmoins, leur
usage est pour certains patients source de confusion ; cela doit être pris en considération par les médecins et les
pharmaciens.
Pour qu'un médicament puisse être disponible sous forme de prise unique journalière, le rapport vallée-pic de l'amplitude
de chute tensionnelle doit être inférieur à 50 %. Ce rapport vallée/pic correspond au rapport entre l'amplitude de la baisse
tensionnelle à la 24ème heure suivant la prise (vallée) et l'amplitude maximale observée dans les heures suivant la prise
(pic), en soustrayant l'effet placebo.
Imidazolés, methyldopa :
Potentialisation de l'effet anti-
hypertenseur
Médicaments du système Lithium PC Augmentation de la lithémie par
rénine-angiotensine diminution de l'excretion urinaire
Diurétiques épargneurs PD Risque d'hyperkaliémie
potassiques, sels de potentiellement létale
potassium
Diurétiques PD Risque d'hypotension artérielle
hypokaliémiants brutale et/ou d'insuffisance
rénale aiguë
AINS PD Risque d'insuffisance rénale
aiguë
Inhibiteurs calciques Alpha-bloquants PD Potentialisation de l'hypotension
orthostatique
Interactions spéciques au Alfentanil, ciclosporine, PC Augmentation des
vérapamil et diltiazem tacrolimus, concentrations plasmatiques par
carbamazépine, augmentation de la
midazolam, triazolam biotransformation hépatique
Anti arythmiques de PD Troubles de la contractilité, de
classe I et III, bêta- l'automatisme et de la
bloquants, digitaliques conduction
* PD: pharmacodynamique, c.a.d. interaction liée à l'effet pharmacologique des deux substances, PC :
pharmacocinétique, c.a.d. interaction liée à la modification du devenir du médicament dans l'organisme (par exemple,
modification de l'absorption, de la biotransformation, de l'élimination…). AINS : Anti inflammatoires non stéroidiens
Effets indésirables
Classe Nature de l'effet Gravité Fréquence Pour en savoir
médicamenteuse plus
Alpha-bloquants Hypotension Modérée Fréquente
orthostatique
Tachycardie, vertiges, Faible Fréquent Liés à la baisse
sueur, céphalées, des résistances
accouphènes, périphériques
somnolence,
paresthésies
Nausées, vomissement, Faible Rare
diarrhée, constipation
Impuissance Modérée Rare
Syncope Grave Exceptionnel
Bêta-bloquants Asthénie Faible Fréquent
Bradycardie sinusale Modérée Fréquent
Refroidissement des Faible Fréquent
extrémités (refroidissement
des extrémités
chez 0,5 à 6 % des
patients)
Impuissance, trouble de Modérée Fréquent, surtout
la libido avec les molécules
lipophiles
Troubles digestifs Faible Fréquent
(gastralgies, nausées,
diarrhée)
Troubles de conduction Grave Rare Bloc sino-
auriculaire, bloc
auriculo-
ventriculaire
Insuffisance cardiaque Grave Rare
Phénomène de Raynaud, Modérée à Rare
aggravation d'une AOMI grave
Asthme, aggravation Grave Rare
d'une
bronchopneumopathie
obstructive
Hypoglycémie chez le Grave Rare
diabétique
Psoriasis, éruption Modéré Exceptionnel
cutanée
Diurétiques Hypokaliémie, alcalose Grave Fréquent
thiazidiques métabolique
Hyponatrémie Grave Rare
Déshydratation Grave Rare
Troubles métaboliques- Modérée Fréquent
Hypercalcémie Grave Rare Augmentation de
la réabsorption
tubulaire de
calcium
Antihypertenseurs Sécheresse de la Modéré Fréquent
d'action centrale bouche, somnolence,
troubles de la vigilance
Manifestations Modéré Fréquent
allergiques, avec la
Grave Rare
méthyldopa
Hypotension Modéré Rare
orthostatique
Oedèmes, rétention Modéré Rare
hydrosodée
Syndrome dépressif Grave Exceptionnel
Médicaments du Hypotension Modéré à Fréquent
système rénine- orthostatique ou non grave
angiotensine
Toux, spécifique aux IEC Modéré Fréquent
Hyperkaliémie Modéré Rare
Insuffisance rénale aiguë Modéré à Rare si respect
grave des CI et de la
surveillance
Modification du goût, Modéré Rare
rashs cutanés, spécifique
aux IEC
Œdème angioneurotique Grave Exceptionnel
Neutropénie, Grave Exceptionnel
agranulocytose,
spécifique au captopril
Inhibiteurs calciques Céphalées, vertiges, Modéré Fréquent
oedèmes des membres
inférieurs, flush
vasomoteur
Bradycardie sinusale, Modéré Fréquent
spécifique au diltiazem et
vérapamil
Troubles de conduction, Grave Rare Bloc sino-
spécifique au diltiazem et auriculaire, bloc
vérapamil auriculo-
ventriculaire
Insuffisance cardiaque, Grave Rare
spécifique au diltiazem et
vérapamil
Afin d’améliorer le contrôle de la TA des patients, il faut privilégier les stratégies thérapeutiques suivantes :
Des traitements combinés pour le traiter initialement de la plupart des patients souffrant d’hypertension artérielle ;
Un traitement à pilule « unique » (deux médicaments en un comprimé) ;
Des algorithmes de traitement médicamenteux simplifiés, avec l'utilisation préférée d’un IEC (ou ARA2), combinés à un
inhibiteur calcique et/ou à un diurétique thiazidique, comme stratégie de traitement de base.
Les objectifs de PA chez les patients traités pour l’HTA sont à 120 – 130 / 70 - 79 mmHg chez la plupart des patients de
moins de 65 ans. Les objectifs sont également à 130 - 140 mmHg / < 80 mmHg chez les insuffisants rénaux, et chez les
patients plus âgés si le traitement est bien toléré.
L’observance thérapeutique et le rôle clé des acteurs de santé. Les recommandations insistent l’importance de détecter
une mauvaise observance aux traitements médicamenteux.
Liens utiles
https://academic.oup.com/eurheartj/article/39/33/3021/5079119
(https://academic.oup.com/eurheartj/article/39/33/3021/5079119)
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