1
Introduction :
La délinquance économique et financière est une notion floue que nous abordons
sous l'angle plus spécifique du droit boursier. De ça part le droit des
Marchés boursiers est une discipline de droit privé et spécialement, dérivé de droit
économique s’intéressant à la bourse qui est un marché de rencontre des offrants et des
demandeurs de capitaux. Les épargnants, possesseurs de capitaux et, avides de
placement, disposent d’une autre alternative d’investissement ; par ailleurs, les
entreprises qui envisagent quotidiennement les contraintes de leurs investissements
disposent d’une autre voie de financement, autre que l’autofinancement et l’emprunt
bancaire.1
Dans cette perspective, les législations se sont efforcées autant se faire que peut,
de sanctionner toutes les atteintes à la transparence des marchés boursiers. Et de la
qualité de l’information dépend naturellement l’intégrité des marchés. Celle-ci suppose
la régularité des opérations qui postule que des personnes ne tirent pas avantage d’une
information dont elles connaissent la fausseté ou dont elles sont les seules à disposer.
L’instauration d’une morale des affaires passe par la sanction de ceux qui ne respectent
pas les règles du jeu et tentent de fausser le marché.
1
Le terme bourse est provenu du marché de Burges qui se situait à l’hôtel de la famille de Van der Burse aux
XVIIe et XVIIIe siècles
2
D. VIDAL, Grands arrêts du droit des affaires, SIREY, 1992. P 493.
3
DUCOULUX/ FAVARD/ RONTCHEVSKY, Infractions boursières, JOLY,1997 ; p :403
2
Le droit pénal boursier apparaît comme l’une des branches du droit pénal des
affaires qui constitue le « droit pénal spécial des manieurs d’argent ». Il est d’un
précieux secours pour protéger l’ordre public.
Le délit d'initié est régi au Maroc par le dahir portant loi 1-93-212 relatif au
conseil déontologique des valeurs mobilières aux informations exigées des personnes
morales faisant appel à l'épargne publique. Il constitue également une infraction
4
Jean François RENUCCI, Délit d’initié, Que sais-je Editeur : Dalloz 1995. Page 4.
3
constitutionnelle selon l'article 36 de la Constitution énonçant que "les infractions
relatives aux conflits d’intérêts, aux délits d'initié et toutes infractions d'ordre financier
sont sanctionnées par la loi".
En effet, constitue le délit d’initié le fait « pour des dirigeants sociaux d’une
société commerciale ou industrielle et pour les personnes disposant, à l’occasion de
l’exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d’informations privilégiées sur la
situation ou les perspectives d’un émetteur dont les valeurs mobilières sont négociées
sur le marché, de réaliser ou de permettre sciemment de réaliser, directement ou par
personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance
de ces informations et avec pour but de réaliser un profit indu ; pour toute personne
disposant à l’occasion de l’exercice de sa profession ou de ses fonctions,
d’informations privilégiées sur la situation ou les perspectives d’un émetteur dont les
valeurs mobilières sont négociées sur un marché, de les communiquer à un tiers en
dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions et avec pour but de
réaliser un profit indu ».
5
Michel Veron Droit pénal des affaires Ed. 11 Dalloz pages : 335
4
Le principe sur les marchés financiers est celui de la transparence.
Paradoxalement, le délit d’initié officialise une obligation de secret en interdisant à
ceux qui disposent, en raison de leurs fonctions, d’informations confidentielles
privilégiées, de les exploiter pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui et de
les communiquer à des fins autres ou pour une actualité autre que celles en raisons
desquelles ils les détiennent. Mais, dès lors qu’une information susceptible d’influer
sur la cotation des actions d’une société n’est plus complètement confidentielle, la
société doit la publier immédiatement. La protection de la transparence comporte donc
des aspects répressifs, comme l’illustre le délit d’initié, dont la réalisation est
consubstantiellement liée à la violation de l’obligation d’information. Dans cette
hypothèse, ce qu’exige le principe impératif de transparence, ce n’est plus l’obligation
d’information du marché, mais le secret qui s’impose aux détenteurs d’informations
privilégiées. La répression du délit d’initié semble donc être une officialisation du
droit au secret.6
5
semblerait truqué au bénéfice des initiés. Elles pourraient devenir pour les dirigeants
de la société une fin en soi, la gestion de la société n’étant plus orientée, alors que vers
la réalisation d’opérations d’initiés, elles feraient obstacle à l’établissement d’un
‘’juste prix’’. L’interdiction d’exploiter l’information qu’ils détiennent inciterait les
dirigeants à la diffuser rapidement, permettant ainsi que le titre trouve son cours
raisonnable. Ce délit doit donc être sanctionné.
La répression du délit d’initié met en exergue une variété des personnes susceptibles
d’être sanctionnées et La détermination de ces dernières nous conduira à rechercher les
éléments constitutifs de l’infraction.
Répondant aux questions précitées ; et pour bien analyser notre sujet nous allons
aborder dans une première partie Le cadre légal de l’incrimination du délit d’initié et
en deuxième partie la Démarche de responsabilisation et sévérité de la répression du
délit d'initié.
6
Partie 1 : Le carde légal de l'incrimination du délit d'initié
La loi ne sanctionne pas l’opérateur sur des titres admis aux négociations sur un
marché réglementé qui se montrerait perspicace en utilisant, mieux ou plus rapidement
que d’autres, des informations accessibles au public ou susceptibles d’être connues du
public, ni l’opérateur qui fait confiance aux rumeurs ou aux « tuyaux » plus ou moins
vérifiables qui courent les milieux boursiers pour passer des ordres d’achat ou de vente
qui se révèlent profitables. Elle entend seulement punir les personnes qui, disposant à
titre professionnel d’informations privilégiées, en font un usage illicite.
Le délit d’initié est mal compris dans les milieux d’affaires. Il est vrai que
dans le domaine de la Bourse, les spéculations sont admises et presque
recommandées car elles aident à régler le marché des capitaux. Mais la notion «
d’opération d’initié » et celle de spéculation sont distinctes voire antinomiques
dans la mesure où le spéculateur prend un risque, alors que l’initié pense gagner
à coup sûr7. De ce fait, l’égalité qui doit régner entre les spéculateurs en bourse
est rompue lorsque des personnes utilisent des informations privilégiées
obtenues à l’occasion de leurs fonctions aussi bien que la communication de ces
informations à un tiers.
7
ou aux perspectives d'évolution d'une valeur mobilière, encore inconnue du public et
susceptible d'affecter la décision d'un investisseur. On peut citer par exemple une
décision de réduire le dividende ou des pertes substantielles de la société, l'information
relative au marché des titres est assimilable à celle qui concerne l'activité de la société,
par exemple la connaissance d'un projet d'offre publique d'achat ou d'une évaluation
par un acquéreur à un prix plus élevé.
A / Le contenu :
Quant à la précision de l'information, ni le législateur ni le CDVM n'ont pris la
peine d'indiquer les caractères que devrait présenter l'information, contrairement à la
législation française qui décide que l'information doit être précise, particulière et
certaine, en cela la véritable information qui se distingue des rumeurs qui peuvent
circuler au sein des milieux d'affaires qui ne constituent pas une information, en effet,
la nouvelle circulaire8 décrit, sans citer les caractéristiques, ce qu'elle appelle
"information importante" qui correspond parfaitement à la notion d'information
privilégiée : « une information importante constitue tout fait intervenant dans
l'organisation ou la situation commerciale technique ou financière des émetteurs, et
peuvent avoir une influence significative sur les cours en bourse de leur titres en cas de
cotation ou une incidence sur le patrimoine des porteurs de eu cas d'appel public à
l'épargne sous cotation ». (Guide de la communication financière - CDVM)
B / Le privilège :
Être initié, c’est disposer d’informations privilégiées « avant que le public ait
connaissance de ces informations », selon la formule de l’article 25. Le privilège ne
consiste donc pas à savoir ce que les autres ne savent pas, mais à savoir avant les
8
La Circulaire du CDVM n °01/05 relative aux règles déontologiques devant encadrer l ’information au sein des
sociétés cotées.
8
autres9. Tel est le cas du président informé de l’ouverture d’une procédure d’alerte par
un commissaire aux comptes alors que l’information n’est pas encore rendue publique
En revanche, l’information cesse d’être privilégiée dès que le public a les moyens
d’en prendre connaissance, quels que soient les moyens utilisés : conférence de presse,
rapports à l’assemblée générale des actionnaires, avis officiels dans un journal
spécialisé. Il n’en demeure pas moins qu’en pratique, il sera souvent difficile
d’effectuer la délicate et subtile distinction que les textes et la jurisprudence imposent
entre l’initié coupable et l’expert boursier innocent. Le premier exploite des
renseignements confidentiels et précis dont la connaissance écarte tout risque lors des
opérations menées sur le fondement de ces renseignements. Le second utilise sa
connaissance du marché et sa perspicacité, mais ne peut éliminer tout risque d’erreur et
d’échec.
On constate que, sur ce point comme sur les autres, le droit positif marocain est en
harmonie avec la directive : une information est privilégiée lorsqu’elle est précise et
n’a pas encore été rendue publique ».
9
Crim.29 nov. 2000, Bull. crim. no369 ; Rev. sociétés 2001. 380, noteB. Bouloc
10
9
C / La publication :
En effet la nouvelle circulaire11 précise que le délai de publication d'une
information importante court aussitôt que l'émetteur a pris connaissance de ladite
information. Si l'information importante émane suite de la réunion d'un des organes
sociaux de l'émetteur, le délai de publication ne doit pas dépasser 48 heures de la date
de ladite réunion.
11
La circulaire du CDVM n °05/05 relative à la publication d’informations importantes par les personnes
morales faisant Appel public à l’épargne.
12
Monteiro, Evelyne L'essentiel du droit pénal des affaires Ed. 1 éditeur : Gualino page :136
13
Circulaire n°01/05
10
informations privilégiées. Il s’agit des dirigeants d’une société cotée14, ces initiés sont
tenus de respecter deux obligations absolues :
11
journaliste, analystes). On peut considérer ainsi, comme à clamer M. C. Ducouloux-
Favard, que sur ces initiés, repose une obligation de loyauté contractuelle ou d’ordre
déontologique qui interdit l’exploitation dans un intérêt personnel d’informations
obtenu dans le cadre professionnel18.
Mais lorsque l’information détenue est obtenue par voie de confidence amicale ou
par hasard, les personnes qui la détiennent ne peuvent être qualifiées d’initiés que
lorsqu’elles ont conscience du caractère privilégié de l’information19.
18
MASSET et C. PREVEE, Les délits financiers, BRUYLANT, Op. Cité. p. 408
19
Idem. P 409
20
P. H. Cherkaoui. La société anonyme, 1997. P 129
21
Arrêt Pechiney triangle. Rev. Soc. 1996, p 326
22
Pr. H. CHERKAOUI, « la bourse et les initiés » op. cit.
12
soit établie cette détention. C’est tout le problème de la preuve qui se trouve ainsi posé
et qui réduit pratiquement les deux catégories à une seule23.
23
Délits financiers. Op. Cité. p. 409- 410
13
a) La réalisation d’opérations sur un instrument financier coté24
L’interdiction faite à l’initié d’agir sur un instrument financier coté porte sur toute
opération : achat, échange, vente etc. Mais à partir de quel moment exactement le délit
est consommé ? Cette question est importante, ce d’autant plus que le législateur ne
réprime pas la tentative du délit d’initié. La loi ne dit rien sur la question. Néanmoins,
une jurisprudence française a étendu le champ d’opérations en matière de délit d’initié
au simple lancement d’un ordre de bourse sans qu’il soit même exécuté. Elle considère
ainsi que c’est le lancement de l’ordre d’achat ou de vente et non son exécution qui
consomme le délit. Plusieurs conséquences découlent de cette solution. D’une part,
l’infraction demeurera constituée si l’ordre n’est pas exécuté. D’autre part, le délit ne
pourra pas être retenu si la connaissance de l’information privilégiée intervient entre le
lancement de l’ordre et son exécution, sauf réitération de son ordre par l’initié. En
effet, concernant ce dernier cas, certains juges ont décidé que l’infraction était
commise dès lors que l’initié n’avait pas retiré son ordre de bourse après avoir pris
connaissance de l’information privilégiée, mais l’avait au contraire réitéré.25
Nous pouvons répondre par la négative compte tenu du fait que la réalisation du
délit d’initié intervient dans l’ordre lui-même et non dans sa liquidation et le PSI ne
fait qu’exécuter l’ordre. Quant aux opérations, elles rentrent dans le champ
d’application de la prohibition dès lors qu’elles portent sur un instrument financier
coté. De plus, le fait que ces opérations soient effectuées sur une place étrangère ne
permet pas à l’initié d’échapper aux poursuites. Il suffit, pour que l’infraction soit
24
Les valeurs mobilières sont des titres négociables, fongibles et qui peuvent être cotés en bourse. Il existe deux
grandes familles de valeurs mobilières : les actions et les obligations.
25
W. JEANDIDIER, Droit pénal des affaires, Précis-DALLOZ, 1996. p. 111 et suivants
26
http://revue.ersuma.org/no-4-septembre-2014/doctrine/article/le-delit-d-initie-dans-les-marches
14
commise sur le territoire, qu’un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs ait été
accompli sur notre territoire.
15
La communication d’informations privilégiées aux tiers doit être faite à des fins
autres que celles à raison desquelles elle est détenue, notamment, la réalisation d’un
profit indu. Cet aspect de l’incrimination pose le problème de l’exigence ou non de
l’élément moral.
Mais cet élément n'a pas été défini par le législateur, en effet, il n'a pas utilisé le
terme sciemment dans le cas de l'utilisation personnelle de l'information privilégiée, le
juge est cependant tenu par les principes du droit pénal général qui imposent
l'interprétation stricte de la loi. La conscience du délit doit porter sur l'ensemble des
conditions requises, donc à la fois sur le fait de détenir une information privilégiée et
sur celui de l'utiliser à son profit personnel.
27
Véron, Michel ; Droit pénal des affaires Ed. 11 ; Editeur : Dalloz page : 138
16
moins dans le cas d'un initié direct dont le manquement à son obligation de discrétion
traduit une impardonnable impéritie.
En réalité, le délit d'initié apparaît très proche d'un simple délit matériel imposant
aux initiés une abstention totale.
Au niveau des sanctions pénales, l’AMMC peut enfin saisir le procureur du roi
compétent des infractions qu'il aura relevées ou dont il aura pris connaissance notant
en ce qui concerne les délits d'initiés ou ceux liés à la diffusion d'informations fausses
ou trompeuses.
28
Le CDVM sort une nouvelle circulaire contre les spéculations frauduleuses dans le marché boursier. (Bourse :
la chasse aux initiés est lancée). Par Tarik QATTAB in « AUJOURD’HUI LE MAROC » (28/03/2005)
17
Partie 2 : Démarche de responsabilisation et sévérité de la
répression du délit d'initié
En effet, la plupart des législations ont recours aux sanctions pénales pour
réprimer les atteintes à la sécurité, la moralité et la crédibilité des affaires en
général.
18
Section 1 : Le renforcement du pouvoir répressif de l’AMMC29 et
dualité de régime :
Les enjeux de la pénalisation de la vie économique et financière ont impulsé la
nécessité de renforcer le rôle des autorités de régulation, en leur attribuant un pouvoir
de sanction à la fois administrative et pénal. C’est la mise en place d’un système de
répression dualiste des violations de la réglementation boursière.
C’est dans ce sens que la nouvelle loi 43-12 du 13 mars 2013 a renforcé ces
attributions en matière de contrôle mais aussi son pouvoir de sanction, en créant un
collège des sanctions (art 14-19 et 20). C’est le deuxième organe après le conseil
d’administration qui compose l’AMMC à l’instar de la loi française de 2010 sur la
régulation bancaire et financière. Ce renforcement du pouvoir de l’AMMC s’apprécie
au regard des moyens mis à sa disposition ; l’article 34 l’habilite à procéder à des
enquêtes, à la recherche et constatation des infractions, celles-ci sont effectuées, outre
les officiers de la police judiciaire, par des agents spécialement commis à cet effet,
dotés d’un large pouvoir d’investigation (accès à tous locaux, entendre toute personne,
établir des PV).
Lorsque les faits avérés laissent présumer la commission de l’une des infractions
boursières, les agents de l’AMMC peuvent, sur ordre du président et après autorisation
du procureur du roi dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter, effectuer des
visites domiciliaires, des perquisitions, des saisies et la mise sous scellé (article 37 loi
43-12).
29
http://www.ammc.ma/fr/espace-epargnants/role-de-lammc-dans-la-protection-de-lepargnant consulté le :
10/04/2020
19
La procédure qui est détaillée dans les articles 19 s’articule autour de 4 étapes
majeures :
Toutefois, dans la pratique, le recours au juge pénal demeure exceptionnel, voire très
rare, remettant en cause sa légitimité presque aucun dossier n’a été transmis au juge
répressif durant les années d’activité du CDVM (voir rapports CDVM publié depuis
2007, 2008, 2009 etc.) il en est ainsi pour l’AMMC (dernier rapport publié 2016).
Les statistiques qui ressortent de ces rapports d’activités annuelles montrent que la
plupart des dossiers ayant fait l’objet d’enquêtes issues de délits d’initié et du délit de
manipulation de cours mais dans la majorité des cas sont classés :
20
En 2016, de 1444 faits objet de suspicion, les agissements susceptibles de constituer
des infractions boursières, 2 affaires relatives à des comportements portant atteinte au
bon fonctionnement du marché ont fait l’objet d’enquêtes toujours en cours de
traitement à la fin de l’année 2016.
En 2015 le rapport annuel du CDVM ne fait pas état d’aucune infraction boursière
mais uniquement des manquements aux dispositions législatives et réglementaires
régissant le marché financier qui ont donné lieu à 19 sanctions disciplinaires souvent
des sanctions pécuniaires.
Bref, depuis 2010, les rapports d’activités du CDVM font état uniquement de sanctions
administratives à l’égard d’auteurs de manquements au bon fonctionnement du marché
boursier. (Rapport 2010, 2011, 2012).
Aussi bien en France qu’au Maroc, on constate que la répression des infractions
boursières est exercée dans la majorité des cas par les institutions boursières, le recours
à la justice pénal demeure exceptionnel.
21
Et d’autre part, une compétence en matière économique et financière dans les affaires
complexes.
Aujourd’hui, l’Europe met en cause les sanctions dans les secteurs régulés,
notamment financiers.
Nous retiendrons à cet égard, l’expérience française qui a montré que malgré la
substitution du droit pénal par le droit administratif, la dépénalisation reste très relative
dans ces domaines car les sanctions prononcées par ces autorités administratives
indépendantes ont, selon le conseil constitutionnel, le caractère de punition, ce qui
implique le respect des garanties, tel que le droit de la défense. (Bonfils, 2009).
22
C’est ce qu’a rappelé également la cour européenne des droits de l’Homme
(CEDH) : les sanctions prononcées par le régulateur relèvent également de la matière
pénale au sens particulier et autonome de la cour, de sorte que le droit au procès
équitable énoncé à l’article 6 de la convention européenne des DH est applicable
devant ces quasi-juridictions (Véron, 2013)
Dans les deux textes, c’est l’utilisation d’une information privilégiée qui est
interdite. Cependant, une lecture comparée des deux textes ne fait pas ressortir une
distinction entre les actes poursuivis. Il en résulte qu’un individu peut être poursuivi et
condamné deux fois pour le même fait. Ce qui est une violation d’un principe général
du droit pénal qui interdit ce cumul de sanctions c’est la règle la règle non bis in idem.
23
Section 1 : La Pénalisation en Droit Boursier31
La pénalisation du droit boursier s’inscrit dans le mouvement de croissance du
dispositif répressif qu’a connu la régulation économique au Maroc à partir des années
90 et surtout la décennie 2000.
Outre les apports positifs qu’ils ont introduits, ces textes ont multiplié les
incriminations et les sanctions.
Cette pénalisation accrue de l’activité économique concerne tous les domaines :
Droit des sociétés (loi 17-95 et loi 5-96), Droit bancaire (loi de 1993 et 2006), Droit
boursier (1993, 2014) Droit de la concurrence (2000-2014) Droit de la propriété
industrielle (2000 et 2006).
Sans oublier les textes de droit commun, qui ont subi à leur tour des réformes
importantes, notamment le code pénal qui a connu plusieurs réformes partielles à partir
de 2003.
Nous citerons dans ce contexte la loi anti-blanchiment instituant un dispositif pénal
de lutte contre le blanchiment de capitaux (loi 43-05) de 2007 modifié et complété en
2011(13-10) puis en 2014. Bien que le droit boursier fonctionne classiquement selon
un principe de liberté et d’autorégulation. Le recours à l’arme pénale devient
nécessaire lorsque sont en danger les tiers et les épargnants, parfois tous les citoyens.
(Pradel J, 2009)
La régulation par la répression est donc un instrument parmi d’autres qui permet
d’assurer la bonne marche de la bourse. Cet outil permet de pénaliser les pratiques
frauduleuses qui portent atteinte à la transparence de l’information diffusée par les
émetteurs ou les intermédiaires financiers.
À l’égalité des intervenants32 sur le marché ou encore à l’intégrité du marché
boursier. Revue du Contrôle de la Comptabilité et de l’Audit Le contrôle des
opérations boursières répond ainsi à la préoccupation principale d’assurer la sécurité et
l’intégrité du marché financier. Les délits boursiers ont donc été institués et renforcés
en droit Marocain afin d’éviter tout comportement susceptible de fausser le marché des
valeurs mobilières.
Aujourd’hui, il existe trois grands types d’infractions boursières : Le délit d’initié,
infraction phare du droit boursier, a été instauré en France dans les années.
Au Maroc c’est l’article 25 du dahir de 1993 qui l’a prévu afin de sanctionner les
atteintes à l’égalité des investisseurs. Puis repris par l’article 42 de la nouvelle loi 43-
12, celle-ci dispose « toute personne qui dispose dans l’exercice de sa profession ou de
31
Pr. H. Cherkaoui, « la bourse et les initiés » in l’économiste, date de 14/03/2002 page :72
32
Ceci explique que le profit ou l’intention spéculative ne sont pas des éléments constitutifs des infractions
d’initiés puisque la sanction pénale entend lutter contre cette rupture d’égalité « moralement » répréhensible.
Rappr. Ducouloux-Favard, « Les raisons de l’incrimination pénale des délits boursiers », Mélanges AEDBF-
France 1997, p. 177 et suiv., spéc. p.182 : « Ce n’est pas l’enrichissement soudain et rapide qui est réprimé, c’est
l’enrichissement sans risque, de celui qui sait par avance, parce qu’il est informé par privilège »
24
ses fonctions, d’informations privilégiées et qui les aura utilisées pour réaliser ou
permettre sciemment de réaliser sur le marché, soit directement, soit par personne
interposée, une ou plusieurs opérations, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à
deux ans et d’une amende pouvant atteindre le quintuple du profit éventuellement
réalisé, sans qu’elle puise être inférieur à 200.000dh, ou l’une de ces deux peines
seulement » (article 42 de la loi 43-12).
Section 2 : Le pouvoir répressif de l’AMMC du délit d’initié
Cet élargissement vise à mettre à la disposition du l’AMMC une panoplie de
sanctions disciplinaires allant de la mise en garde à la proposition de retrait
d’agrément. C’est en ce sens que si les différentes mesures disciplinaires : la mise
en garde, l'avertissement, le blâme ou l'injonction demeurent sans effet, l’AMMC peut :
▪ suspendre un ou plusieurs administrateurs de la société de bourse
concernée ; et proposer au ministère des finances :
▪ soit d'interdire ou de restreindre l'exercice de certaines opérations par la
société de bourse.
▪ soit de designer un administrateur provisoire.
▪ soit de retirer l'agreement de la société de bourse.
A rappeler que l’octroi de pouvoirs aussi importants à l’AMMC a été encadré par
une série de dispositions visant à préserver les droits et libertés fondamentales dans les
processus d’investigation et à garantir au niveau des sanctions les principes d’équité et
d’impartialité à travers notamment la création d’une commission paritaire d’examen
indépendante chargée de l’instruction des dossiers.
De sa part la loi n° 52-01 modifiant et complétant le dahir portant loi relative à la
bourse des valeurs prévoit Le renforcement des pouvoirs de contrôle et de sanction de
l’Autorité marocaine du marché des capitaux à l’égard de la société gestionnaire de la
Bourse des Valeurs. Ainsi, l’AMMC sera en charge de contrôler le respect, par la
société gestionnaire, des règles de fonctionnement du marché boursier telles que
prévues par les dispositions du dahir portant loi relative à la bourse des valeurs et du
règlement général de la bourse ainsi que par les circulaires de l’AMMC qui sont
applicables à cette société.
25
Conclusion :
Quant à la sanction, elle se voit sévère. Cependant, sous réserve d'un effet de
réputation particulièrement fort qu'imposerait la condamnation en elle-même, les
montants d'amendes sont insuffisants pour dissuader les initiés d'utiliser ces pratiques
illicites puisque les profits réalisés sont toujours énormes.
Bibliographie :
Les ouvrages :
26
Pr. H. CHERKAOUI, « la bourse et les initiés » in l’économiste, date de
14/03/2002
Pr. H. CHERKAOUI, « la bourse et les initiés »
D. VIDAL, Grands arrêts du droit des affaires, SIREY, 1992.
DUCOULUX/ FAVARD/ RONTCHEVSKY, Infractions boursières,
JOLY,1997
Jean François RENUCCI, Délit d’initié, Que sais-je ? Editeur : Dalloz 1995.
Michel Veron Droit pénal des affaires Ed. 11 Dalloz
Maurice-Christian BERGERES et Philipe DUPRAT, Les infractions boursières,
Que sais-je ? PUF,1996.
Monteiro, Evelyne L'essentiel du droit pénal des affaires Ed. 1
Monteiro, Evelyne L'essentiel du droit pénal des affaires Ed. 1
MASSET et C. PREVEE, Les délits financiers, BRUYLANT
Pr. H. CHERKAOUI, « la bourse et les initiés »
Véron, Michel ; Droit pénal des affaires Ed. 11
Giudicelli-Delage, Geneviève Droit pénal des affaires Ed. 6
Texte de Loi :
Webographie :
http://www.ammc.ma/fr/espace-epargnants/role-de-lammc-dans-la-protection-
de-lepargnantconsulté le :10/04/2020
http://revue.ersuma.org/no-4-septembre-2014/doctrine/article/le-delit-d-initie-
dans-les-marches
27
Table des matières
Introduction :...................................................................................................................................................1
Chapitre 2 : Extension du champ d'incrimination quant à la matérialité des faits constitutifs de
l'infraction :..................................................................................................................................................12
Chapitre 2 : La pénalisation en droit boursier et Le pouvoir répressif de l’AMMC du délit d’initié :......22
Conclusion :....................................................................................................................................................25
28