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Gregory Heem
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Iæ paysage financier et bancaire français a connu une forte mutation depuis une dizaine d'années, avec
h loi bancaire de janvier L984,la fin de l'encadrement du crédit, l'apparition de nouveaux insuu-
ments financiers, la privatisation de grandes banques. Ainsi, la gestion et la maltrise des charges de
foncdonnement ont été au cæur des préoccupations des grandes banques après la période d'achève-
ment de la bancarisation des Français.
Dans un environnement devenu très concurrentiel, I'exigence de rentebilité s'est traduite Par une
meilleure appréhension des cotts bancaires, un développement du contrôle de gestion, une oPtimisa-
tion de la productivité, la maltrise des risques de crédit. Cette dernière est ainsi devenue I'un des axes
stratégiques majeurs de la banque, en grande partie en raison de la montée des contentietx. En effet,
depuii la fin des année.s 1980, les banques françaises ont été confrontées à la montée des créances
douteuses tant sur le marché des entreprises que sur celui des particuliers et elles ont été amenées à
faire évoluer leur contrôle interne.
Le contrôle interne, autrefois défini comme I'ensemble des procédures ayant pour objectif d'&iter
la fraude, désigne aujourd'hui un processus mis en Guvre par le conseil d'administration, la direction
générale...o* les niveaux du personnel. Il ne s'agit pas simplement d'une procédure ou d'une poli-
iique appliquée à un cerrain moment, mais plutôt d'un qrstème qui fonctionne en continu à tous les
niveaux de la banque.
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Une question se pose dans la recherche en gestion : dans quel cadre épistémologique se situer ? De
la réponsà à cette question vont découler les méthodes à utiliser. Il existe deux grands paradigmes en
sciences de gestion : I'objectivisme et le subjectivisme (tableau 1 ci-contre).
Lobjectivisme considère que le chercheur a une position d'observateur extérieur (on observe un
objet sans agir dessus), le subjectivisme considère à I'inverse que le chercheur a une position de parti-
cipant. Bouquin (1997, p. 679) nous indique qu il existe également deux courants dans la recherche
en contrôle: un courant structuro-fonctionnaliste et un courant interprétativiste ou constructiviste.
Qui ? Pourquoi ?
Ce paradigrne a une essence positiviste, ce courant proêde à des méaphores mécaniques ou biolo-
giques. Ils utilisent une rystémique que Bouquin (1997) qualifie de " façade " car limitée à des rela-
tions figées. La méaphore des rystèmes naturels ne sen que d'alibi.
Ainsi se côtoient des recherches déterministes et d'autres qui ne reconnaissent les individus que
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recherches ethnographiques à base d'études de cas qui cherchent à comprendre davantage le comment
que le pourquoi,-i'ambiiion étant de comprendre les processus (Dent, 1991). Certains ffavaux mobi-
lir"rrt l" methode génâogique de Foucault (1969) tentent de dépasser l'opposition struduro-fonc-
tionnaliste et interprétativiste en s'appuyant sur les ff:lvaux de Giddens (Macinrcsh et Scapens, 1990) ;
ces recherch., or,if"i.l'objet de différends autour du concept de valeurs partagées (Boland' 1996).
Ces travaux se fondent sur l',. ernlroweTrnenr, qui consiste à faire refluer vers les âcteurs une plus
large pan des décisions et de la crâtivité en s'appuyant sur des outils de gestion. Les outils de contrôle
n" rot, alors plus tournés vers la construction de personnes obéissantes et disciplinées, mais vers
l'émergence d'acteurs responsables et innovateurs. Ainsi, Simons (1990, l99L) emontré que l'utilisa-
tion dà systèmes d. contiôl. par les managers dépend de l'incertitude qui plane sur la mise en æuYre
de leur stratégie et sur leur pertinence.
Si I'on se réêre à Allard-Poesi et Maréchd (1999, p. 39), il faut en fait distinguer trois perspectives
(
épistémologiques : le positivisme, I'interprétativisme et le constructiûsme : Pour un chercheur posi-
,irnir,., de la recherche consiste principalement à interroger des faits afin_d'en découvrir la
I'o{.i
srrucrure sous-jacente. Pour un chercheur interprétatif, il s'agit de comprendre un phénomène de I'in-
térieur pour tenter d'appréhender les significations que les gens attachent à la râlité, leurs motivations
et intentions. Pour un chercheur constructiviste enfin, construire un objet de recherche consiste à
élaborer un projet de connaissance que la recherche s'efforcera de satisfaire. n
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Tableau 2
Approche de la réalité des différents paradigmes
Lts pmnotemrs
.::>--.-- ii porr*r",
'-' i: lrnnpnhnnvrsm: i coro*u.*r",
UPRqHE DE II
:
Nous ne pensons pas qu il eniste, en sciences sociales, une connaissance objective de la réalité, le
but de notre recherche e$ de proposer les représenations qu'ont les acteurs de la réalité. Laccès à ces
représentations iest faite à I'aide d'enuetiens semi-directifs avec le même guide d'entretien pour tous
les acteurs dans le but d'influencer au minimum notre objet de recherche. Mais l'indépendance totale
du sujet et de I'objet est selon nous une utopie en sciences sociales, en particulier dans le cas d'études
qudiatives.
Comme nous evons pu I'observer, l'état des recherches dans le domaine du contrôle interne bancaire
est insuffisant pour que notre recherche se fonde sur le test d'hypothèses issues d'un corps théorique
existant. Nous avons donc orienté nos travaux vers une logique de découverte. Par ailleurs, notre
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dans lequel nous travaillons (les banques), une relation de confiance doit s'instaurer afin d'obtenir des
informations ne correspondant pas uniquement au u discours officiel ,.
Ainsi, comme l'indiquent Huberman et Miles (1991, p.46) : u Une recherche plutôt inductive et
peu strucrurée à I'avance est justitée quand les chercheurs disposent de beaucoup de temps et qu'ils
explorent des cultures exotiques, des phénomènes mal connus, ou des réalités socides très complexes.
Mais lorsque I'on s'intéresse à cerains phénomènes sociaux déjà explorés, dans le cadre d'une culture
ou d'une sous-culture familière, une approche souple, fortement inductive e$ une pene de temPs. D
Par ailleurs, notre recherche esr orientée vers la description et la compréhension de phénomènes
processuels : il s'agit de chercher à décrire les variables ou mécanismes qui apparaissent ou changent
r,, du temps. La recherche longitudinale permet de saisir des liens de causalité au-delà des
"o.rm
simples corrélations, elle permet également de saisir la dynamique des sites érudi&. Comme le note
Pettigrew (1990, I992),la dimension temporelle d'un processus est cruciale, la méthode longitudi-
nale de cas nous a permis d'appréhender des phénomènes processuels et concePtualisés. Selon
Peaigrew (1990, p. 269) il est important d'étudier le changement dans un mode contortuel Pour au
moins quatre raisons, tout d'abord à cause de I'interconnexion des niveaux d'analyse, ensuite pour
saisir les interconnexions temporelles situées dans le passé, dans le présent et dans I'avenir, puis pour
comprendre la nécessité d'explorer le contexte et l'action (comment le contelfte est un produit de l'ac-
tion et vice versa), et enfin pour poser la question de la cause du changement qui n'est jamais linâire
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Les études de cas comme les expériences ou les études historiques cherchent à répondre à des ques-
tions du rype ( comment )) et o pourquoi , ; à l'inverse les enquêtes et l'andyse d'archives répondent
plutôt à des questions du type u gui u, ., otr ,r, u combien >, < quoi o. læ but de notre recherche étant
d'étudier commenr les banques ont fait évoluer leur contrôle pour maltriser les risques de crédit, nous
avions le choix entre la méthode historique, I'expérience et l'étude de cas. la méthode historique
n était pas adaptée dans notre cas, ciu les événements étudi6 sont contemporains ; quant aux expé-
riences, il est impossible d'en faire car nous riavons pas la maltrise des phénomènes analysés. Notre
stratégie de recherche a donc tout naturellement été fondée sur l'étude de cas.
[æs citères de choix parmi les cinq stratfuies de recherche sont résumés par Yin (1994, p. O dans
le tableau 3.
Ibbleau 3
les situations adaptées aux différentes stratégies de recherche
NÉCESSfTÉ DE coNmôEn
FoCAUSAIIoN sUR DEs h'ÉilEMENls
Tvpr or Qursnon DE EEo{Eno{E US COMPOfiEMBIÎS
CoIIIEMPOMIÎ{S
0u us smrm{rils
Comment ? Oui Oui
ErcÉnna
Pourquoi ?
50 '8'ffiT#'TRÔI.E
Elle doit permerrre de suivre ou de reconstruire des événements dans le temps (monûer comment le
contrôle ir,t rrr. a évolué), d'évaluer des causalités locales (isoler ce qui est général des contingences
locdes propres à chaque établissement) et de formuler une explication (qui doit être ensuite testée
auprès des acteurs).
Ainsi, l'étude de cas est souvent assimilê à une entreprise, mais pour'W'acheux (1996), l'étude de
cas rt'est pas l'étude d'une entreprise, l'unité d'analyse détermine les frontières du cas.
Afin d'accroltre la validité externe de notre recherche, nous âyons opté pour une analyse de cas
multi-sites. la multiplication des sites permet d'élargir le champ de notre étude et ainsi de réduire le
risque d'une trop forte prise en compte d'une variable ou d'une relation. la comparaison entre les cas
va nous permemre de dégager des régularités qui fournissent une meilleure assise à nos conclusions
(nn, 19r/'i.,. La sélection des cas qui constitueront notre échantillon a été effecnrée de manière théo-
rique et non déatoire (Glaser et Strauss, 1967). ks nouveaux c:rs ont permis de répliquer les observa-
tions afin de gagner en validité interne et de compléter nos observations, mais également de détermi-
ner les éléments proPres à chaque cas (Yin, 1994).
Pettigrew (1990) recommande d'étudier des cas u polarisés ,, iest-à-dire des cas qui mettent en
doute les observations déjà râlisées. Le secteur bancaire frangis étant composé essentiellement de
deux types de banques, les banques mutualistes et les banques AFB (Association française de
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Figure I
Déroulement des études de cas -)r
Y
@
Premières propositions à la lecture de la théorie et des premiers cas
@
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w
Évaluation des propositions théoriques initiales
Pour augmenter la richesse du cadre théorique construit, nous avons choisi d'effectuer une ,é?éti-
tion théorQue en choisissant des éablissements mutualistes et AFB, mais ftalement linéralz en choi-
sissant deux éablissements de la même population (deux mutudistes et deux AFB).
tz
Tableau 4
lntérêt des différentes sources d'évidence
SouRcs Dssormon
Entretiens Relation de face à face avec des acteurs. i llspermettent de recueillir des opinions, d'où
i la nécessité de multiplier les interviews.
Huberman et Miles (1991), l'analpe se compose de uois flux concourants d'activité : la condensation
des données, leur présentation, l'élaboration et la vérification des conclusions (figure 2).
Ia condensation
[æ but de la condensation est de sélectionner, transformer, simplifier des " données brutes " collec-
tées lors de l'enquête. læs données subissent une condensation anticipée (avant la période de recueil)
car le chercheur réduit le champ de ses investigations per sâ question de recherche, les sites rerenus, la
méthode de recueil des données.
Figure 2
Les trois flux d'analyse
Période de recueil des donnêes
Après
Après
Glaser et Strauss (1967) distinguent trois opérations de recherche qui sont la collecte de données,
le codage et la rédaction de u mémos ,r. Même si la relation n'est pas linâire la collece de données
conduit à leur codage et à la rédaction des mémos.
Pour Huberman et Miles (1991, p.96), u Un code est une abréviation ou un qymbole anribué à
un segment de texte en vue d'une classification u. Lobjecif du codage est de pouvoir retrouver les
mots les plus significatiÊ, de réunir des parties de texte qui vont ensemble aûn de réduire les centaines
de pages dactylographiées en unités direcement analysables.
Iæs codes découlent de la question de recherche, des propositions, des thèmes imporrants ou des
concepts clés. Le but est de pouvoir identifier puis regrouper tous les segments des différents entre-
tiens liés à une question ou à un thème.
On distingue les codes selon que le niveau d'analyse est plus o descriptif n (tel rype de phénomène
appartient à tel segment de tente) ou u explicatif o, les codes o thématiques D permement d'indiquer
qu'un segment de texte appartient à un thème donné.
[æs codes sont appan$ à différents stades de I'and1ne, certains au début, d'autres plus ardivement.
À propor de la création de codes, Huberman et Miles (1991) nous indiquent qu il existe trois grandes
méthodes d'élaboration. la première consiste à établir une liste de codes avant de démarrer le uavail
sur le terrain, cette liste provient dors de la question de recherche, des propositions théoriques, du
cadre conceptuel, des variables clés. L^a deuxième méthode est plus inductive et ProPose de ne pas
codifier les Jonnées avant qu'elles ne soient collectées, I'objectif est dors que les codes essendels émer-
genr du terrain. La troisième méthode, à mi-chemin enûe les deux premières, est celle que nous avons
adoptée, elle consiste en un plan général de codage qui indique les grands domaines dans lesquels les
codes devront être conçus.
Conclusion
[,a réflexion conduite sur le contrôle interne dans les banques françaises privilégie une voie d'explora-
tion hybride (Chareire et Durieux, 1999, p.69). Nore recherche a consisté à procéder par aller et
rerour entre des observations et des connaissances théoriques. k
point de dépan qui a permis d'ob-
server les problèmes gue se posaient réellement les banques a aidé à développer une théorie fortement
enra.cinée derrs les faits considérés (Glaser et Strau ss, 1967), On pourrait dors qualifier notre recherche
d'abductive, puisque nous avons tiré de I'observation, des conjectures, testées et discutées ensuite
(Koenig, Ig93).Ie démarche est originde en ceci qtielle a consisté, à partir d'une exploration fondée
sur I'observarion de faits (cas pilotes), à proposer une explication conjecturale qui a ensuite été mise à
l'épreuve de la râlité.
J{otes (1999), Méthodes dc recherche en managenen4
Dunod, p.34-56.
1. Lauteur précise que ce tableau est très simplifié et
qu'il faut plutôt y voir un continuum. Benrms S. (19S2), o Ag"n.y research in managerial
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