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Attitude devant un coma

Pr. Vincent Castelain

Hôpitaux Universitaires de Strasbourg


Service de reanimation médicale
Hôpital de Hautepierre
Av Molière
67098 Strasbourg
France
Tel: 03 88 12 79 13
Fax: 03 88 12 79 08
Email: vincent.castelain@chru-strasbourg.fr
Le coma est un état clinique dans lequel les patients présentent une
diminution de leur réactivité aux stimuli extérieurs, associée à des difficultés de
réveil. Le coma constitue donc un trouble de la vigilance plus ou moins profond
pouvant aller jusqu’à l’absence totale de réaction, une dépression respiratoire et
des troubles de la déglutition susceptibles de mettre en jeux le pronostic vital. Le
coma est la conséquence d’une défaillance de la formation réticulée activatrice
ascendante, située dans le tronc cérébral, qui est le support neurophysiologique de
la vigilance. Il peut apparaître d’emblée ou faire suite à une obnubilation ou à une
stupeur qui constituent les premiers stades d’atteinte de la vigilance. Dans sa
forme la plus grave, le pronostic du coma peut être particulièrement sombre en
fonction des étiologies. C’est pourquoi, ces troubles de la vigilance ne sont jamais
des symptômes anodins, et justifient l’évaluation en urgence de la gravité qui va
guider la conduite à tenir immédiate et les explorations à entreprendre.

1/ Affirmer le diagnostic de coma


Dans son état normal, un patient est parfaitement réveillable et réactif aux
différents stimuli extérieurs. Les termes de stupeur et obnubilation sont utilisés
pour décrire les différents états cliniques séparant cet état normal du patient
comateux. La conscience est la connaissance de soi même et de l’environnement,
elle représente en quelque sorte la somme des fonctions cognitives et affectives.
La vigilance représente quant à elle la capacité d’éveil. Cette distinction entre
conscience et vigilance est classiquement utilisée dans un but de clarification
« anatomico-fonctionnelle ». Cependant, il existe de nombreux liens étroits
rendant souvent toutes distinctions caduques. Ainsi, si l’histoire naturelle des
altérations de la conscience commence souvent par un ralentissement idéo-moteur
traduisant une sorte d’obscurcissement de la conscience, elle peut, en cas
d’aggravation, laisser la place à un syndrome confusionnel caractérisé par une
désorientation temporo-spaciale plus ou mois marquée. Cet état constitue alors le
prélude à l’obnubilation, terme utilisé pour les patients présentant une réduction
légère ou modérée de la vivacité intellectuelle associée à une diminution de
l’intérêt pour l’environnement. En effet, en cas d’obnubilation il persiste une
réaction aux ordres complexes : le patient répond à un ordre oral et écrit, exécute
les ordres, l’orientation temporo-spatiale est normale mais la réactivité est
cependant moins rapide et moins précise. Les réponses aux stimuli sont ralenties et
les patients dorment beaucoup entre deux stimulations. La stupeur est le stade
suivant, caractérisé par une réactivité persistante uniquement pour les
stimulations vigoureuses et répétées. Ainsi, lors d’un état stuporeux la réactivité à
des stimuli extéroceptifs simples (appel du nom, stimulation auditive, stimulation
nociceptive) persiste mais la réponse obtenue est également simple, un geste ou
une parole. Le coma est un état de non-réponse dans lequel le sujet repose les
yeux fermés et ne peut être éveillé que par la stimulation nociceptive.
Une fois évoqué le diagnostic de coma, il s’agit d’apprécier sa profondeur et
sa gravité en même temps que l’on élimine d’hypothétiques diagnostics
différentiels (cf. tableau 1).

Tableau 1 : Les diagnostics différentiels

Diagnostics différentiels Présentations cliniques


Une grande prudence est nécessaire avant de conclure à
Simulation et état hystérique ces diagnostics où il n’existe pas de trouble de la
vigilance.
Qu’elle rentre dans le cadre d’un syndrome de Picwick
chez un sujet obèse présentant une hypoventilation
Hypersomnie alvéolaire ou dans celui d’une maladie de Gélineau
(narcolepsie), le sommeil est réversible lors des
stimulations…
Quadriplégie avec paralysies partielles des mouvements
oculaires aboutissant, dans la forme typique, à la
conservation exclusive des mouvements de verticalité du
Locked-in syndrome ou regard. La conscience et la vigilance sont normales et un
Syndrome de désafférentation motrice code de communication peut être établi. Il s’agit d’une
atteinte sévère du tronc cérébral au niveau protubérentiel
le plus souvent en rapport avec un accident vasculaire
cérébral ischémique du tronc basilaire.
Mutisme akinétique Etat d’éveil apparent sans réponse verbale ou motrice,
correspondant le plus souvent à des atteintes
hémisphériques profondes ou médianes.
Etats stuporeux psychotiques Comportent en général des manifestations d’opposition et
une catatonie (maintien prolongé des attitudes imprimées
aux membres).
Traumatisme Le coma d’origine traumatique est souvent un problème
difficile à éliminer. Il faut rechercher cliniquement des
éléments d’orientation comme l’existence d’une plaie du
scalp, une ecchymose, une otorragie ou une rhinorrhée.
2/ Evaluer la gravité
Historiquement la classification, et donc l’évaluation de la gravité, se
faisaient en stades selon la profondeur : le premier stade correspondant à
l’obnubilation, le second à la stupeur, le troisième au coma et le dernier à la mort
cérébrale.
Initialement développé pour évaluer les traumatisés crâniens, le score de
Glascow s’est au fil du temps imposé comme la référence permettant d’approcher
la profondeur d’un coma (cf. tableau 2). Il permet de quantifier la profondeur du
coma qui va d’un état normal avec 15 points à un coma totalement aréactif avec 3
points à travers l’analyse de la réactivité du patient dans 3 domaines que sont la
réponse motrice, la réponse verbale et l’ouverture des yeux en faisant la somme
des points correspondant à chacun de ces items.

Tableau 2 : Score de Glasgow

Ouverture des yeux Réponse verbale Réponse motrice

Spontanée, avec respect des Normale


4 Orientée, adaptée 5 6
cycles éveil/sommeil Obéit à l’ordre
Confuse, conversation
Au bruit, à la parole 3 possible mais avec 4 Orientée, appropriée 5
désorientation
Inappropriée
Mots compréhensibles,
A la douleur 2 3 Evitement, retrait 4
mais conversation
impossible
Décortication
Jamais 1 Incompréhensible 2 3
Flexion anormale
Décérébration
Aucune 1 2
Extention
Aucune 1

Cependant cette classification est incomplète car elle ne prend pas en


compte l’analyse indispensable des nerfs crâniens. C’est pourquoi le score de
Glasgow-Liège tient compte avec un même système de point, de la présence du
réflexe fronto-orbiculaire (5 pts), de l’oculo-céphalique vertical (4), du photo-
moteur (3), de l’oculo-céphalique horizontal (2), et de l’oculo-cardiaque (1), ou
de leur absence (0).
Cette évaluation de la profondeur du coma est indispensable pour
appréhender les risques liés à cette diminution de la vigilance et guider la conduite
à tenir. De même le retentissement respiratoire des troubles de la vigilance est un
élément très important à apprécier : les centres neurologiques de la commande
respiratoire peuvent être atteints soit par la pathologie responsable de l’altération
de la vigilance, soit par le retentissement de la diminution progressive de la
vigilance qui peut être responsable d’une hypoventilation. Par ailleurs, les
capacités de protection des voies aériennes, c’est à dire la capacité de déglutir et
de tousser de manière satisfaisante sont également capitales à analyser car
susceptibles de dégradation brutale pouvant mettre en péril le pronostic vital.

3/ Conduite à tenir
La conduite à tenir devant un coma est assez stéréotypée visant à faire face
à l’urgence neurologique en protégeant le patient des conséquences générales de
cette atteinte neurologique notamment au niveau de la respiration, mais aussi à
assurer ou maintenir une pression de perfusion cérébrale satisfaisante pour
minimiser les risques d’aggravation des lésions neurologiques éventuelles.
3.1/ Protection des voies aériennes
Les mesures de protections des voies aériennes sont guidées par la
profondeur du coma, et donc par le score de Glasgow qui typiquement lorsqu’il est
inférieur à 8 nécessite l’intubation pour protéger les voies aériennes. Cependant,
toute diminution de la vigilance ou syndrome confusionnel, même débutant,
nécessite d’évaluer précisément les capacités de déglutition du patient avant
d’autoriser l’alimentation. C’est pourquoi dans un premier temps ces patients sont
le plus souvent laissés à jeun, en position demi-assise pour minimiser les risques
d’inhalation du contenu gastrique. De même, tous les corps étrangers pouvant
obstruer les voies aériennes (prothèses dentaires…etc) doivent être retirés. En cas
d’atteinte plus importante de la vigilance, si le recours à l’intubation n’est pas
possible immédiatement, le patient doit être placé en position latérale de
sécurité. Eventuellement, en cas de bascule postérieure de la langue, une canule
de type Guédel peut être utilisée, de même qu’une sonde naso-gastrique peut être
nécessaire en cas de vomissement.
3.2/ Optimisation hémodynamique
La pression de perfusion cérébrale dépend directement de la pression
artérielle systémique, c’est pourquoi le maintien d’une hémodynamique
satisfaisante est indispensable lors de la prise en charge de ces patients. La
première étape de ce processus nécessite la mise en place d’une voie veineuse
périphérique de bon calibre permettant selon les cas de gérer l’expansion
volémique et/ou l’administration de catécholamines.
3.3/ Equilibre glycémique
L’équilibre glycémique est un élément important de la prise en charge de
ces malades. Le contrôle d’une hypoglycémie est une urgence absolue qui
nécessite parfois l’administration de perfusion de glucosé à 30%. En effet, le
glucose est indispensable au métabolisme cérébral et sa carence responsable de
destruction neuronale. L’urgence est donc à la correction la plus rapide possible de
toute éventuelle hypoglycémie. Passée cette phase initiale, l’hyperglycémie peut
également être toxique, c’est pourquoi les patients sont le plus souvent perfusés
avec des solutés salés isotoniques dans le but de maintenir une glycémie normale.
3.4/ Mesures symptomatiques
Ces mesures symptomatiques commencent par la nécessité d’hospitaliser les
patients dans une structure capable de réaliser une surveillance rapprochée qui
peut être selon les cas une unité de soins continus ou dans les cas les plus graves,
un service de réanimation. Dans ces structures seront réalisées les mesures de
surveillance hémodynamique, respiratoire et neurologique indispensables à la prise
en charge de ces patients.
Une des premières mesures symptomatiques à réaliser est d’assurer la
protection cornéenne. En effet selon leur niveau de vigilance, les patients perdent
les clignements des paupières indispensables à l’humidification de la cornée. Il faut
donc le cas échéant, assurer une occlusion palpébrale et administrer des collyres
de « larmes artificielles » associés à la mise en place de pommade ophtalmique à la
vitamine A.
Les patients comateux ayant une mobilité réduite, une prévention des
thromboses veineuses profondes doit être systématique. Les modalités exactes
dépendent souvent de l’étiologie du coma. Ainsi en cas d’accident cérébral
hémorragique l’anticoagulation prophylactique est parfois différée de quelques
heures ou quelques jours, et remplacée par une compression pneumatique
intermittente des membres inférieurs.
Une sonde vésicale est le plus souvent indispensable à la prise en charge de
ces patients à la fois du fait du risque de rétention d’urine, mais aussi afin de
surveiller la diurèse horaire et donc la perfusion rénale.
Le maintien de l’équilibre hydro-électrolytique, l’alimentation entérale par
sonde naso-gastrique sont également des éléments importants, de même que
l’administration de thiamine qui est réalisée le plus souvent dès le début de la
prise en charge.
Parmi les différentes mesures symptomatiques, le nursing est un élément
capital. En effet, c’est grâce au développement de matelas à air pulsé associés à
des soins fréquents (rotations régulières, kinésithérapie de mobilisation passive,
positionnement correct des articulations) que nous pouvons tenter de minimiser les
rétractions tendineuses et les séquelles musculo-squelettiques ultérieures.

4/ Orientation diagnostique
4.1/ Examen d’un patient comateux
L’examen clinique du patient comateux comporte deux phases.
Une première évaluation urgente, dont le but est de s’assurer de l’intégrité des
fonctions vitales (ventilation, pression artérielle, rythme cardiaque, température).
Ainsi, nous recherchons : une raideur de nuque, une hémiplégie, des troubles
oculomoteurs évidents et nous réalisons un examen général (auscultation cardiaque
et pulmonaire, palpation abdominale). Dans le même temps, une glycémie
capillaire est pratiquée pour éliminer une hypoglycémie. Le malade est déshabillé
à la recherche de toutes indications externes : traumatisme, purpura, trace de
piqûres, etc… Un élément également très important consiste à obtenir auprès de
toute personne (famille, médecin, pompiers, voisins) le maximum de
renseignements médicaux : antécédents, circonstances entourant le coma, prise de
toxique, mode d’installation progressif ou brutal, signes d’accompagnement, crises
convulsives, traumatisme…
Secondairement, une fois que les fonctions vitales sont stabilisées, un examen
neurologique détaillé et systématique est réalisé afin d’orienter la démarche
étiologique et d’évaluer plus précisément le pronostic.
Cet examen neurologique comporte en particulier l'examen du tonus musculaire
(membres, nuque, paupières), la recherche de signes neurologiques focaux ou
signes de localisation, l'examen attentif des pupilles et de leur réactivité, et
l'évaluation des réflexes du tronc cérébral. Cependant cet examen comporte
également l’analyse : de la relation verbale (langage, exécution des gestes), des
réactions d’éveil (ouverture des yeux selon les stimuli), des mimiques ou grimaces
à la douleur couplée avec l’analyse de la réactivité motrice. Les réflexes ostéo-
tendineux et cutanéo-plantaires sont indispensables à analyser de même que les
nerfs crâniens (clignement à la menace et réflexe cornéen, fronto-orbiculaire,
diamètre des pupilles, réflexe photo-moteur, position et mouvements des globes
oculaires, réflexes oculo-moteurs, oculocardiaque). Par ailleurs l’observation de la
respiration (fréquence, amplitude, rythme), et la recherche de réflexes de toux
permettent d’évaluer le retentissement respiratoire.
4.2/ Examens complémentaires
Les examens complémentaires sont réalisés en fonction du contexte.
Cependant, les principaux examens demandés sont :
- des examens biologiques (glycémie, ionogramme, fonctions rénale et
hépatique, gaz du sang, numération formule sanguine, bilan d’hémostase,
amoniémie…)
- la recherche de toxiques dans le sang et les urines a globalement très peu
d’indication en dehors du dosage du monoxyde de carbone.
- des hémocultures seront systématiquement prélevées en cas de fièvre et
une ponction lombaire effectuée devant toute suspicion de méningite.
- un ECG et une radiographie de thorax.
- Un scanner cérébral sera réalisé en urgence en l’absence de cause évidente
même en l’absence de signes de focalisation.
- Un électroencéphalogramme présente un intérêt en cas de coma
métabolique ou en cas de suspicion de crise convulsive.
4.3/ Principales étiologies
De nombreuses étiologies existent, ainsi que de nombreuses classifications et
regroupements (cf. tableau 3).

Comas « asymétriques » Comas fébriles Autres comas

AVC ischémiques : Méningites bactériennes Toxiques :


- Hémisphériques massifs Encéphalites virales (HSV ?) - Pb, CO, CN
- Tronc cérébral (IRM) Paludisme - Méthanol, Ethylène glycol
AVC hémorragiques : Encéphalopathies septiques - Hypnotiques
- Supra ou infra tentoriels … - OH
- Hématomes intraparenchymateux - Opiacés
- Hydrocéphalie / cervelet Métaboliques :
Thrombose veineuse cérébrale : - Dysglycémie
- Tableau polymorphe - Dysnatrémie
- Infarctus hémorragique - Dyscalcémie
- IRM - Encéphalopathies…
Hémorragies méningées : - Hypothyroïdie, Addison
- Parfois symétriques Epileptique :
- Anévrisme - Coma post-épileptique
- Neurochirurgie / Neurovasculaire - EME infraclinique
Tumeurs Anoxique

5/ Références
- Young, GB. Stupor and coma in adults. In: UpToDate, Basow, DS (Ed), UpToDate, 
Waltham,
MA, 2011. http://www.uptodate.com/index
- Conférence de consensus sur la prise en charge des méningites bactériennes aiguës
communautaires. 2008.
http://www.srlf.org/Data/ModuleGestionDeContenu/application/787.pdf
- Recommandation pour la pratique clinique sur la prise en charge et prévention du paludisme
d’importation à Plasmodium falciparum. 2007.
http://www.srlf.org/Data/ModuleGestionDeContenu/application/701.pdf
- Recommandations formalisées d’experts sur la prise en charge en situation d’urgence et en
réanimation des états de mal épileptiques de l’adulte et de l’enfant. 2009.
http://www.srlf.org/Data/ModuleGestionDeContenu/PagesGenerees/Bibliothèque%20-
%20Référentiels/Référentiels/Recommandations/RF/624.asp
- Recommandations formalisées d’experts sur la prise en charge de l’accident vasculaire
cérébral chez l’adulte et l’enfant par le réanimateur. 2010.
http://www.srlf.org/Data/ModuleGestionDeContenu/application/876.pdf

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