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CATASTROPHE FERROVIAIRE
DU 21 OCTOBRE 2016 DANS LA LOCALITE D'ESEKA
I-PREAMBULE
Par réquisition N°001618 DU 11 Novembre 2016, nous avons été désigné pour éclairer
l’enquête conjointe Police-Gendarmerie mise sur pied par le Procureur Général près la Cour
d’Appel du Centre dans le cadre des investigations portant sur la catastrophe ferroviaire
survenue le 21 Octobre 2016 dans la localité d’Eséka. Suite à cet acte, nous nous sommes
déployés sur le terrain afin de contribuer à la compréhension des causes et présenter notre
analyse sur les responsabilités individuelles ayant provoqué la catastrophe suscitée avec de
lourdes conséquences en vies humaines et des dégâts matériels très importants.
Le présent rapport, sans prétendre être ni exhaustif, ni exclusif présente des éléments factuels
dont la nature pourrait susciter des suites judiciaires et dont la qualification des faits incombe
aux autorités compétentes. Notre modeste apport constitue, à cet égard, un éclairage ainsi que
la vision spécialisée et technique permettant d’évidentes prises de décisions adéquates par les
juridictions appropriées.
II-INTRODUCTION
A- LOCOMOTIVE
B – VOITURES DE LA RAME
EXAMENS EFFECTUES :
1) En freinage avec les mâchoires et semelles appliquées sur la table de roulement de la roue,
la force de pression agit en poussant et en absorbant le revers négatif de la vitesse de la roue.
Il s’en suit de la chaleur due à ces efforts contradictoires. Cette chaleur est absorbée par la
constitution de la grande semelle et réduit la dilatation qui pourrait permettre de vaincre la
forte poussée du freinage. Il s’en suit certes de l’usure de la semelle, mais cette usure renforce
la pression sur la roue jusqu’à épuisement de la matière constituant la semelle. Ceci peut
d’ailleurs dans certains cas conduire au soudage de la roue avec le métal de la mâchoire
constituant le porte-semelle. Il peut s’en suivre, par suite, un blocage total de la roue avec
immobilisation du convoi. Ce modèle offre l’avantage sécuritaire d’empêcher la dérive des
convois sur des fortes déclivités de la voie
2) A l’opposé, le freinage sur disque avec des plaquettes de faible dimension offre exactement
les effets inverses. La chaleur produite par le frottement des petites garnitures sur le disque
monté sur l’essieu de la roue, ne peut être absorbée et au contraire se dilate et se décolle sous
la forte poussée de la vitesse, libérant l’emprise sur le disque. Le freinage est ainsi libéré sur
roue, malgré la dépression d’air commandée par le conducteur de train. Ce phénomène est
notamment à l’origine de l’inefficacité du freinage observé sur les voitures CSR de série 1300
de la CAMRAIL.
Les raisons du défaut de freinage des voitures CSR sont ainsi révélées techniquement.
Selon les informations recueillis, le défaut de freinage de ces voitures serait connu de tous les
opérateurs à CAMRAIL et serait même admis par le constructeur.
Ces défauts de freinage sont liés à la conception même du système, et notamment au faible
diamètre du disque, à l’épaisseur et la surface des plaquettes ainsi qu’à la conception
mécanique des mâchoires de frein susceptibles de se dérégler.
Plusieurs dérives des convois composant ces voitures ont été notées dès leur mise en service
en Avril 2016 après acquisition sur l’ensemble du réseau ferroviaire. Exemple : le Chef
traction YENE, actuellement Chef de dépôt traction à Yaoundé par à la dérive en Mai 2014 ;
le 21 juillet 2014, le Conducteur MASOMLE dérive et rentre à plus de 75 KM/H sur double
voie déviée à Eséka ; les trains conduits par les Conducteurs Massango, le Chef Traction
Noumbissi, etc… connaissent la même mésaventure.
Ceci a conduit les dirigeants de CAMRAIL à composer un mixage des convois comportant
les deux types de freinage afin d’essayer de compenser les effets négatifs du système à disque
des CSR. Ceci est vérifiable aussi bien au Transcam 1 qu’au Transcam 2
Les trains de voyageurs de faibles tonnages et avec moins de voitures CSR dérivent
régulièrement, mais sont souvent compensés en freinage par la locomotive et les voitures de
type SOULE.
Le cas du train 152 VE du 21/10/2016 est atypique avec 12 voitures CSR non freinés dans la
pratique, une voiture de type SOULE déclarée non freinée sur la feuille J1 : ceci donne 13
voitures non freinées sur les 17 composant ce train. Dans de telles conditions, la catastrophe
était inévitable sur la forte déclivité de 16/1000 entre Minloh Maloume et ESEKA, avec en
prime des courbes « sèches » à ralentissements permanents imposés depuis 2014 pour
mauvais état de la voie.
On relève, en premier lieu, les odeurs nauséabondes (certainement des effluves de cadavres)
dans les environs du ravin dans lequel se sont écrasées quatre voitures voyageurs.
A l’entrée de la Gare d’Eseka, où nous avons trouvé trois voitures voyageurs encore
couchées, on pouvait relever les faits du désastre suivants :
3) Aux environs du lieu du déraillement, quelques traverses ont été remplacées. Nous avons
aussi noté que les rails sont posés sur des nouvelles traverses qui viennent d’être fixées et
d’autres opérations exécutées pour améliorer l’état de la voie.
4) On peut noter que les rails sont posés sur des nouvelles traverses et que ces rails sont
attachés aux traverses par un système d’une attache de chaque côté de la traverse. La norme
technique universelle actuelle recommande deux attaches au moins par côté, soit quatre
attaches par traverse.
5) Nous avons été étonnés sur un fait troublant concernant les traverses remplacées trouvées à
l’entrée de la gare d’Eseka (lieu du déraillement) : les trous de fixation étaient intactes et ne
présentaient pas de dégâts. Or, si les attaches jouaient leur rôle de fixation rails/traverses, les
traverses remplacées sur le lieu de déraillement où la voie était disloquée, devaient présenter
des dégâts au niveau des trous de fixation. Ce qui n’était pas le cas : ceci veut dire que les
rails n’étaient pas attachés aux traverses. A un autre emplacement de la voie, nous avons noté
une absence de ballast qui conduit à une instabilité de la voie, ce qui a certainement aussi
causé un affaissement ayant provoqué le déraillement et le détachement des attelages des
voitures à cet endroit (entrée de la gare d’Eseka).
1) Que les deux agents de conduite Monsieur YEDNA Mathias Lewis, Conducteur et
Monsieur TEKOU MUKAM Rodrigue Steve, Aide-conducteur étaient conscients du danger
de partir de la gare de Yaoundé dans des conditions de sécurité précaires qui entouraient ce
train. De même, le conducteur YEDNA connaissait parfaitement les défaillances techniques
de sa locomotive, puisqu’il l’a révélé à plusieurs reprises au cours des voyages antérieures.
L’exploitation du carnet de bord de la machine 3007 du train sus visé nous l’a confirmé. Une
autre information reçue faisait état de ce que ce conducteur était considéré comme parmi les
meilleurs de sa catégorie : ce qui a conduit les dirigeants de CAMRAIL à l’envoyer servir
…au NIGER pendant de nombreux mois. Sa technicité ne peut donc être particulièrement
interrogée, à quelques détails près. Par contre, son niveau de soumission véritablement
coupable nous a fortement étonné, à la fois :
- par sa légèreté à ne pas exiger que toutes les conditions de sécurité (freinage, composition du
train…) soient au préalable absolument réunies avant d’ébranler le convoi
- qu’il ait dû se contenter d’un ordre illégal (675 Tonnes au lieu de 650) envoyé par sa
hiérarchie pour risquer sa propre vie, celle des voyageurs et le matériel transporté.
Les efforts de freinage excessif à quelques KM d’Eséka, ses appels téléphoniques au chef de
ladite gare, alors qu’il avait déjà totalement perdu la maitrise de la vitesse de son train montre
bien la tentative désespérée de sauver son convoi. Tout son comportement qui a finalement
abouti à contribuer à la catastrophe l’inclue directement dans la chaine des responsabilités du
drame.
Par contre, compte tenu de sa formation technique limitée et surtout du rôle quasi passif qui
lui est assigné réglementairement quant à la marche du train, l’aide conducteur n’est pas
directement lié à la prise des décisions, mais les subit. Sa responsabilité n’apparait donc pas
dans la catastrophe.
2) Que le Chef de sécurité de service, Monsieur FRU Valantine AWAH a signé le bulletin
d’ordre N°0111428 remis au conducteur pour circuler avec le train ayant 675 T au lieu de
650t (à ne pas dépasser selon l’IGS 7.0, art. 201) après un message accord sur échange de
numéros avec le Permanent Exploitation. Cette violation ne l’incombe pas, car il n’est que le
relai de transmission au conducteur de l’ordre venu du Permanent exploitation. Pour
matérialiser la responsabilité directe du Permanent exploitation, il a exigé un message avec
échange de N° sur le cahier de transmission de la Gare, N° qu’il a pris soin de mentionner sur
le bulletin remis au Conducteur du train. Le comportement du Chef de sécurité, qui est
conforme à la réglementation en vigueur à la CAMRAIL, l’écarterait à priori de la chaine des
responsabilités du drame survenu.
3) Que le visiteur de service, Monsieur BIWOLE NKOL Stéphane Raoul, a appliqué les
prescriptions en vigueur à CAMRAIL en matière d’essais de freins en gare d’origine. Les
indications qu’il a communiquées au chef de sécurité pour l’élaboration de la feuille J1 sont
conformes à ses constations réglementaires. Sa responsabilité ici ne serait pas engagée,
compte tenu de nos explications techniques fournies plus haut concernant le système de
freinage des voitures de la rame et surtout les prescriptions en matière d’essai de freins en
gare d’origine du train.
VI-DEROULEMENT DE LA CATASTROPHE
Le train 152 VE, formé en gare de Yaoundé dans les conditions et avec les graves défauts
exposés ci-dessus, arrive, après avoir franchi le secteur de Makak, Minloh Maloumé et à une
dizaine de kilomètres de la gare d’Eséka, le convoi n’est plus totalement maitrisé par le
Conducteur.
Les chiffres ci-dessous sont issus de la bande d’enregistrement qui a été récupérée dans la
boîte noire(Quantum) de la locomotive.
Ces éléments ont été présentés au conducteur de la locomotive, Monsieur YEDNA Mathias
Lewis et à son aide-conducteur Monsieur TEKOU MUKAM pendant notre entretien avec
eux. Ils nous les ont formellement confirmés.
Il est 12H45 environ. Le train se trouve sur une pente descendante, d’une longueur de 7km,
présentant une dénivelée de 1,6cm par mètre (déclivité de 16 /1000). A la courbe à droite du
PK 153+600 de 300 ml, la vitesse indique 96 KM/H sur un ralentissement permanent de
40KM/H imposé depuis 2014 pour un mauvais état de la voie
A ce moment, les dernières voitures sont encore sur une ligne droite. Les voitures
intermédiaires qui se trouvent dans la courbe et qui subissent les effets de la force centrifuge,
son retenues par les deux extrémités du train, c'est-à-dire de la chaîne, qui grâce à l’effet de
freinage des 4 dernières voitures, s’oppose à cette même force centrifuge.
En revanche, lorsque les dernières voitures arrivent dans la courbe, elles ne bénéficient plus
de cet effet de solidarité stabilisateur, puisqu’il n’y a plus rien derrières elles. Elles se
décrochent et chutent violemment en bas du haut talus, se détachant du reste du train qui
poursuit sa route.
A une distance de l’ordre de 200m après la fin de la 1ère courbe, commence une deuxième
courbe de la voie, dirigée vers la gauche et un peu plus loin, se trouve l’aiguillage en pointe
de l’entrée de la gare d’Eseka. La vitesse du train est encore de 80km/h.
Doit-on pour autant considérer que la vitesse excessive du train est la cause de l’accident ?
OUI TECHNIQUEMENT.
Mais en réalité, la survitesse du train n’est que la conséquence des défaillances techniques
connues de longues dates, des erreurs graves et des décisions inconséquentes qui ont été prises
lors de la formation du train et de son départ de la gare de Yaoundé, alors que son système de
freinage était gravement défaillant, comme nous l’avons démontré tout au long du présent
rapport.
Il n’y a pas eu de force majeure, nous n’avons pas non plus noté de cause extérieure. La
catastrophe est donc totalement imputable à la société CAMRAIL et à ses dirigeants au plus
haut sommet de la hiérarchie, selon la chaine des responsabilités que nous allons examiner
dans la suite du présent rapport.
2 – Composition de la rame avec adjonction de voitures ayant parcouru plus de 600 KM, sans
vérification fiable de leur état en site approprié par les services compétents ;
3 - Freinage défaillant de 13 voitures de voyageurs sur un total de 17 voitures ;
4 – Mise hors service, par les services d’entretien de CAMRAIL, du frein rhéostatique de la
locomotive ;
6 - Non prise en compte, par la Direction Technique de CAMRAIL, des réserves émises par
les conducteurs sur les défaillances des matériels roulants.
N°
NIVEAU, RESPONSABLES CONCERNES, FONCTIONS, ACTIONS ET DECISIONS
PRISES
02-2è niveau
Monsieur Olivier KOUNFIET
Directeur de Transport (DT)
-A participé activement à la réunion ci-dessus
-A répercuté pour exécution les conclusions/décisions de cette réunion au Permanent
exploitation
03- 2è niveau
Monsieur Dieudonné GAIBAI
Directeur MOBIRAIL
-A ordonné la surcharge excessive des voitures sur le 152 VE DU 21 /10/2016
-A ordonné à des guichetières à Ydé de prendre place à bord du 152 VE en renfort pour
délivrer les tickets de voyage en cours de transport aux voyageurs surchargés
04-2è niveau
Monsieur DICKA EYOUM Guillaume
Coordex/ Centre
-A, sans aucune consigne réglementaire écrite, ordonné la modification de la composition du
152VE par adjonction directe en gare de Yaoundé de 08 voitures CSR du 192 du 21/10/2016
-A personnellement dirigé les opérations et manœuvres pour réaliser cette modification
05- 3è niveau
Monsieur Albert NYAKE MAKAKE
Permanent exploitation
--A ordonné au conducteur la violation de l’article 201 de l’IGS 7.0
06- 4è niveau
Monsieur YEDNA Mathias Lewis
Conducteur de trains
-Co auteur de la violation de l’article 201 de l’IGS 7-0
-S’est engagé à conduire le 152VE du 21 /10/2016 en pleine conscience du danger pour les
passagers.
I CONCLUSION