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Y. Klain Belchior, Nero: Bom ou mau imperador.

Retórica, política e sociedade em


Tácito (54 a 69 d.C.) – Colecão História Antiga – Curitiba : Editora
Prismas, 2015 – 288 p.
(Olivier Devillers)

Dans la préface de l’ouvrage, F. Faversani, directeur de recherche d’Ygor Klain Belchior


(YKB), pose la question du bon ou mauvais gouvernement, en prenant comme exemple
la manière dont furent perçus les cinq derniers chefs d’État brésiliens. Dans le même
sens, l’introduction de YKB met en avant l’ambiguïté des jugements qui sont portés sur
les gouvernants. L’objectif qu’il se fixe alors n’est certes pas de défendre de Néron, mais
de jeter les bases d’une évaluation de l’action de cet empereur qui prenne comme point
d’appui une analyse critique du processus de construction de l’image qui en a été donnée.

Dan le chap. 1 (p. 33-73) sont passés en revue les divers jugements portés sur Néron lui-même, depuis
l’Antiquité jusqu’à la recherche récente. Parmi les sources qui retiennent YKB : le De Clementia de
Sénèque, Suétone, Tacite bien sûr, mais aussi H. Sienkiewicz. Ce chapitre inclut un survol des diverses
opinions modernes sur la date du quinquennium Neronis

Le chap. 2 (p. 75-118) envisage l’Histoire, comme genre littéraire dans l’Antiquité. YKB retient, pour
simplifier deux grandes tendances : l’une, attachées à des noms comme J. Marincola ou A. J. Woodman la
regarde comme un pur exercice rhétorique ; l’autre, représentée essentiellement par R. Syme voit l’écriture
de l’histoire comme une forme d’implication politique, intimement liée à la position sociale de l’historien.
La volonté de réconcilier ces deux tendances est sans doute une des caractéristiques les plus originales et les
plus fécondes des travaux issus, comme celui-ci, de l’Université d’Ouro Preto, sous l’impulsion notamment
des Prof. F. Duarte Joly et F. Faversani. Elle donne lieu ici à une intéressante histoire des études tacitéennes
jusqu’à l’étude majeure de D. Sailor (Writing and Empire in Tacitus, Cambridge, 2008). Il s’ensuit une
réflexion sur la “vérité” dans l’histoire antique, elle aussi menée avec beaucoup de mesure et de
pondération ; considérant le caractère subjectif de la “vérité” dans les écrits historiques anciens, YKB invite
à chercher les clés de lecture du Néron tacitéen dans le contexte de rédaction des Annales. Cette conclusion
conduit assez naturellement au chapitre suivant.

Le chap. 3 (p. 119-189) se centre sur le Principat, le fonctionnement de la société, la cohésion et


l’interaction des groupes sociaux, ainsi que leur nécessaire hiérarchisation sous la conduite de l’empereur,
un exposé qui doit beaucoup aux travaux de F. Faversani et s’appuie notamment sur une analyse des réseaux
de pouvoir. Dans un second temps, YKB observe les traces de ce modèle dans le récit tacitéen du principat
de Néron. Il envisage ainsi en particulier le rôle de la domus de l’empereur comme domus regnatrix.
Neronia Electronica Fascicule 4 – 2016
Le chap. 4 (p. 191-234), enfin, considère l’insertion de Tacite lui-même, en temps qu’historien, orateur
et sénateur, dans les événements qu’il décrit, une discussion qui se focalise autour de la thématique des
guerres civiles. Il s’agit aussi de montrer que l’élaboration dramatique de la narration n’est pas gratuite, mais
s’insère dans une stratégie plus large de représentation d’un passé que s’est approprié l’historien. Après
s’être attaché à la formation de l’orateur et aux fonctions de la rhétorique, YKB envisage l’impact des
guerres civiles sur l’activité littéraire, recourant alors au Dialogue des Orateurs, qui apporte une illustration
du lien étroit entre éloquence et pouvoir. Sur cette base se pose la question de la posture – refus de la crainte
ou de l’adulation – que prend Tacite dans ses œuvres et en particulier dans ses préfaces. La comparaison
avec Lucain, qui lui aussi évoque les guerres civiles permet aussi de souligner l’enjeu que revêt ce sujet et de
mettre en avant le conflit comme un moteur de l’historiographie tacitéenne.

En conclusion (p. 235-239) se détache l’idée que l’image de Néron doit être lue à travers les
conceptions qu’avaient les Romains, et spécialement Tacite, du régime impérial. Si on peut comprendre
alors que le jugement de Tacite sur cet empereur soit mauvais, il reste que ce jugement, qui n’est pas en soi à
écarter, est le produit d’une lecture personnelle.

S’il fallait un seul adjectif pour qualifier ce travail, cela serait “historiographique” ; YKB s’y montre
attentif aux sources anciennes (surtout Tacite), à leur élaboration, aux conditions de leur rédaction, aux
thèses qu’elles ont suscitées chez les Modernes, et même ce qui est plus rare, à ce que la diversité de ces
thèses apprend sur les sources qui les ont inspirées ainsi qu’à la dimension historique du fait littéraire. Il en
ressort une réflexion intéressante et stimulante sur le travail d’historien et la nécessaire réécriture de
l’Histoire à travers les époques et les siècles. Néron lui-même apparaît davantage comme un prétexte à cette
réflexion qu’il n’en est l’objet. Certes, c’est surtout un état de la question qui nous est proposé, mais un état
de la question problématisé et porteur en lui-même de significations quant au personnage qui en est l’objet.

Une annexe (noms propres) et une bibliographie.

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