septiques graves
Introduction
La prescription d’une antibiothérapie probabiliste est définie comme
l’initiation d’un traitement antibiotique en présence d’une infection prouvée ou
suspectée avant l’identification microbiologique, c’est-à-dire avant que le ou les
micro-organismes responsables de l’infection ne soient identifiés.
En prenant en considération tous les éléments disponibles, elle doit cor-
respondre au traitement admis pour être efficace dans la situation en cause.
L’adéquation de l’antibiothérapie probabiliste initiale vis-à-vis du ou des germes
responsables de l’infection a démontré son impact sur l’amélioration du pronostic
vital des patients en sepsis grave, notamment en cas de bactériémies, de
péritonites et de pneumopathies. Le défi consiste ainsi à prescrire un traitement
approprié sans aucune documentation microbiologique.
1. Principes
Tout retard à l’initiation d’une antibiothérapie appropriée chez les patients
en sepsis grave est associé à une mortalité accrue [1-3]. Ainsi, les patients chez
lesquels il existe une suspicion d’infection associée à une défaillance d’organe
doivent recevoir une antibiothérapie probabiliste. De même, un tel traitement est
justifié dans certains cas de suspicion d’infections graves, comme les méningites
ou dans des populations spécifiques de patients. Le délai d’administration des
antibiotiques est primordial, conditionnant directement le pronostic.
Le choix de l’antibiothérapie probabiliste repose sur la synthèse de différents
éléments décisionnels tels que la connaissance du site infecté, le terrain, la
gravité du tableau clinique et le caractère lié aux soins ou non de l’infection [4].
Cette réflexion en amont de la prescription est un pari microbiologique.
La connaissance de l’écologie bactérienne de l’unité dans laquelle le patient
est hospitalisé, de la flore colonisante du patient et des données fournies
par l’examen direct des prélèvements bactériologiques s’intègre dans cette
évaluation. La synthèse de ces éléments permet la prescription raisonnée de
l’antibiothérapie probabiliste [5]. Dans ce contexte, la conformation des praticiens
aux recommandations publiées revêt une importance particulière [6].
Afin de minimiser le risque d’échec, l’antibiothérapie probabiliste est le plus
souvent à large spectre. La principale limite de cette approche est qu’elle conduit
possiblement à la surconsommation d’antibiotiques [7]. Cette pratique peut alors
188 MAPAR 2013
NON OUI
les patients en choc septique. Il semble cependant que le bénéfice se limite aux
patients traités avec une β-lactamine comme antibiotique pivot, en association
avec un aminoside, une fluoroquinolone ou un macrolide / clindamycine [18]. Si
l’antibiotique pivot est une β-lactamine à très large spectre, l’association perd
de son intérêt.
Même si l’association d’antibiotiques a été proposée pour réduire l’émer-
gence de résistances, il n’existe pas de données factuelles soutenant le bénéfice
d’une association sur l’émergence de résistances avec les antibiotiques couram-
ment utilisés en réanimation. Certains antibiotiques, comme la fosfomycine ou la
rifampicine ne s’administre qu’en association. Toutefois, dans les états septiques
graves, l’association d’une β-lactamine large spectre avec une fluoroquinolone,
antibiotique responsable de l’émergence de BMR, reste trop employée en regard
d’une littérature défavorable à cette association [19].
5. Désescalade thérapeutique
Dans le cas d’infections mettant en jeu le pronostic vital, une antibiothérapie
probabiliste à large spectre est débutée dans l’heure. Afin de réduire l’utilisation
excessive des antibiotiques, les antibiotiques à large spectre sont substitués
par des antibiotiques à spectre plus étroit dès l’identification de la bactérie
responsable de l’infection [21]. Plusieurs études observationnelles ont montré
que cette stratégie semblait sans danger pour des patients en choc septique. La
désescalade est possible dans environ 60 % des situations. En l’absence d’essai
clinique randomisé, il n’est pas possible d’exclure un éventuel effet négatif d’une
Infectieux 193
6. Durée de l’antibiothérapie
Raccourcir la durée de l’antibiothérapie limite le développement des BMR
et les récidives d’infections à BMR. Tout d’abord, il est nécessaire de réévaluer
la pertinence de l’antibiothérapie probabiliste après trois jours de traitement. A
cette date, l’identification des bactéries responsables est le plus souvent dispo-
nible. Arrêter les antibiotiques si les cultures microbiologiques sont négatives au
troisième jour semble approprié chez les patients qui ont une évolution clinique
favorable [22].
En présence d’une infection documentée, il est recommandé de raccourcir
la durée de l’antibiothérapie à huit jours dans le traitement des pneumonies
associées à la ventilation mécanique, excepté lorsque l’on traite un bacille gram
négatif non fermentant [23]. De façon similaire, la durée du traitement dans
les péritonites tend à diminuer. Une étude randomisant des patients ayant une
péritonite primaire a montré qu'une durée de traitement de cinq jours était aussi
efficace qu'une durée de 10 jours [24]. Plus généralement, les observations
cliniques incitent à utiliser des traitements courts dans la plupart des situations
infectieuses [25]. Les durées de traitement en fonction du site sont listées dans
le Tableau II.
Tableau II
Durées proposées d’antibiothérapie en fonction des recommandations de
l’IDSA
Site de l’infection Durée du
traitement
Infection pulmonaire
Pneumonie communautaire à S. pneumoniae 8 jours
Pneumonie associée à la ventilation mécanique 8 jours*
Pneumonie associée à la ventilation mécanique et immunodépression 14 jours
Pneumonie à L. pneumophila 21 jours
Pneumonie avec nécrose pulmonaire ≥ 28 jours
Infections intra-abdominales
Péritonite communautaire < 8 jours
Péritonite post-opératoire 14 jours
Infections du système nerveux central
Méningococcémie 5 - 8 jours
Méningite à S. pneumoniae 10-14 jours
Méningite post-opératoire à S. epidermidis ou Enterobacteriacae 14 jours
Méningite due to L. monocytogenes 21 jours
Méningite post-opératoire à S. aureus ou P. aeruginosa 21 jours
Abcès cérébral ≥ 28 jours
Bactériémie sur cathéter
S. epidermidis ou enterobacteriacae < 8 jours
S. aureus / Candida sp. (non compliquée) 14 jours
S. aureus (compliquée) ≥ 28 jours
194 MAPAR 2013
Conclusion
La prescription d’une antibiothérapie probabiliste est une stratégie rationnelle
qui doit tenir compte de l’écologie bactérienne locale, des antécédents du patient,
de son état clinique. Elle est suivie d’une réévaluation précoce afin de cibler le
traitement sur le(s) micro-organisme(s) responsable(s) de l’infection.
L’antibiothérapie probabiliste est initiée en se référant à des protocoles écrits
conformes aux recommandations publiées et tenant compte de l’écologie locale.
La désescalade est systématiquement envisagée, mais l’escalade thérapeutique
est une option si l’état clinique du patient s’aggrave ou si le traitement probabi-
liste initial n’était pas adapté. En l’absence de documentation microbiologique,
la poursuite d’un traitement antibiotique doit être l’exception. Afin de réduire
l’émergence des BMR, la première stratégie est de limiter l’utilisation d’antibio-
tiques aux seules infections documentées, en dehors des infections qui mettent
en jeu le pronostic vital.
Références bibliographiques
[1] Luna CM, Vujacich P, Niederman MS, Vay C, Gherardi C, Matera J, et al. Impact of BAL data
on the therapy and outcome of ventilator-associated pneumonia. Chest. 1997 Mar;111(3):676-85
[2] Iregui M, Ward S, Sherman G, Fraser VJ, Kollef MH. Clinical importance of delays in the initiation
of appropriate antibiotic treatment for ventilator-associated pneumonia. Chest. 2002 Jul;122(1):262-8
[3] Leone M, Bourgoin A, Cambon S, Dubuc M, Albanese J, Martin C. Empirical antimicrobial
therapy of septic shock patients: adequacy and impact on the outcome. Crit Care Med. 2003
Feb;31(2):462-7
[4] Mandell LA, Wunderink RG, Anzueto A, Bartlett JG, Campbell GD, Dean NC, et al. Infectious
Diseases Society of America/American Thoracic Society consensus guidelines on the management
of community-acquired pneumonia in adults. Clin Infect Dis. 2007 Mar 1;44 Suppl 2:S27-72
Infectieux 195
[25] Hedrick TL, Evans HL, Smith RL, McElearney ST, Schulman AS, Chong TW, et al. Can we define
the ideal duration of antibiotic therapy? Surg Infect (Larchmt). 2006 Oct;7(5):419-32
[26] Christ-Crain M, Jaccard-Stolz D, Bingisser R, Gencay MM, Huber PR, Tamm M, et al. Effect of
procalcitonin-guided treatment on antibiotic use and outcome in lower respiratory tract infections:
cluster-randomised, single-blinded intervention trial. Lancet. 2004 Feb 21;363(9409):600-7
[27] Ibrahim EH, Ward S, Sherman G, Schaiff R, Fraser VJ, Kollef MH. Experience with a clinical
guideline for the treatment of ventilator-associated pneumonia. Crit Care Med. 2001 Jun;29(6):1109-15
[28] Kett DH, Cano E, Quartin AA, Mangino JE, Zervos MJ, Peyrani P, et al. Implementation of
guidelines for management of possible multidrug-resistant pneumonia in intensive care: an obser-
vational, multicentre cohort study. Lancet Infect Dis. 2011 Mar;11(3):181-9.