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Introduction
Tumeurs malignes du pavillon de l'oreille
Étiologies
États précancéreux
Carcinomes in situ
Carcinomes du pavillon
Traitement de tumeurs malignes du pavillon de l'oreille
Techniques de réparation
Tumeurs malignes du méat auditif externe
Anatomie pathologique
Clinique
Examens complémentaires
Diagnostic différentiel
Traitement des carcinomes primitifs du méat auditif externe
Indications thérapeutiques
Surveillance post-thérapeutique
Facteurs pronostiques et survie
Tumeurs malignes de l'oreille moyenne
Anatomie pathologique
Extension des tumeurs de l'oreille moyenne
Clinique
Examens complémentaires
Traitement
Tumeurs malignes du méat auditif interne
Anatomie pathologique
Clinique et examens complémentaires
Traitement
Sarcomes de l'oreille
Chondrosarcome du rocher
Rhabdomyosarcome de l'oreille
Autres sarcomes de l'oreille
Tumeurs du sac endolymphatique
Anatomopathologie
Clinique et examens complémentaires
Traitement
Histiocytose de l'os temporal à cellules de Langerhans
Traitement
Tumeurs osseuses métastatiques du rocher
Localisations auriculaires des hémopathies
Carcinome neuroendocrine ou tumeur de Merkel
Tumeurs carcinoïdes
Paragangliomes malins de l'oreille moyenne
Conclusion
Déclaration de liens d'intérêts
C. Beauvillain de Montreuil a, ⁎
: Professeur émérite à la faculté de médecine de Nantes, A. Jourdain b : Praticien
hospitalier
a
33, rue Octave-Feuillet, 44000 Nantes, France
b
Service d'oto-rhyno-laryngologie et chirurgie cervico-faciale, Centre hospitalier du Nord Mayenne, 229, boulevard
Paul-Lintier, BP 102, 53103 Mayenne cedex, France
Auteur correspondant.
PDF
Article
Résumé
Mots clés
Figures
Cas cliniques
Références
1128932 tume urs -ma lig ne s
Introduction
Les tumeurs malignes de l'oreille rassemblent, dans une même région anatomique, des entités très
distinctes de fait de différences histologiques et embryologiques. Elles sont le plus souvent primitives.
En effet, les tumeurs malignes du pavillon de l'oreille sont des tumeurs dermatologiques.
Les tumeurs malignes du méat auditif externe (MAE) sont des tumeurs développées aux dépens de la
peau mais également des glandes muqueuses cérumineuses.
Les tumeurs du méat auditif interne (MAI) rassemblent des tumeurs rares développées, entre autres,
aux dépens des éléments nerveux contenus dans ce méat. Ces tumeurs sont aussi développées à
partir de l'os pétreux du rocher (ostéosarcomes ou chondrosarcomes).
Si le diagnostic d'un carcinome du pavillon est relativement aisé par la simple inspection (bien que
souvent négligé par des patients âgés), le diagnostic de tumeurs du MAE ou de l'oreille moyenne est
souvent plus difficile et donc retardé car révélé par des symptômes apparemment banals (otorrhée
chronique, otalgie).
On distingue les tumeurs du pavillon, les tumeurs du MAE, les tumeurs de l'oreille moyenne et, enfin,
des tumeurs plus rares développées aux dépens du MAI, du squelette osseux ou du sac
endolymphatique.
À l'exception des tumeurs dermatologiques limitées du pavillon de l'oreille (en particulier les
carcinomes basocellulaires [CBC]), tous les patients doivent suivre le parcours de soins habituels :
présentation du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), projet thérapeutique
personnalisé et information du patient.
Les CBC sont les plus fréquents et les carcinomes épidermoïdes (CE) plus rares. Le mélanome du
pavillon est exceptionnel. Elles sont plus fréquentes au niveau de l'hélix, de l'anthélix et de la face
postérieure du pavillon. Leur localisation à la conque est rare mais plus difficile à dépister et à traiter
du fait de leur extension fréquente dans la partie latérale du MAE.
Étiologies
Les causes de ces tumeurs dermatologiques du pavillon sont dominées par des causes physiques,
notamment l'exposition solaire aux ultraviolets B (UVB) auxquelles sont soumis certains
professionnels (agriculteurs, marins). Plus rarement sont en cause les cicatrices de brûlure ancienne,
des microtraumatismes répétés, des antécédents de puvathérapie ou la présence d'une plaie
chronique (ulcère chronique, lupus tuberculeux).
Les causes chimiques : il faut rappeler pour mémoire l'exposition aux produits dérivés du goudron,
aux hydrocarbures et à l'arsenic.
Les déficits immunitaires iatrogènes dus aux traitements immunosuppresseurs prescrits chez les
patients greffés sont pourvoyeurs de carcinomes cutanés principalement épidermoïdes.
Le xeroderma pigmentosum est une affection génétique récessive exposant au risque majeur de
carcinomes cutanés survenant sur les zones exposées au soleil chez l'adolescent et l'adulte jeune
mais aussi parfois chez l'enfant.
États précancéreux
Ils intéressent les CBC, les CE et les mélanomes. Leur dépistage et un traitement approprié évitent
l'évolution vers la malignité.
Kératose actinique
Elle est consécutive à l'exposition solaire. C'est une lésion cutanée kératosique de 2 à 10 mm de
diamètre à limites assez régulières. Cette kératose négligée peut aboutir à une corne cutanée plus
spectaculaire qu'inquiétante.
Le risque de transformation maligne (CE) est diversement apprécié dans la littérature (de 1 à 10 %,
voire davantage) [2].
Carcinomes in situ
La maladie de Bowen est un CE in situ dont les cellules tumorales restent au-dessus de la membrane
basale. La lésion cutanée est unique, à contours polycycliques rose ou bistre avec, sur les zones
découvertes, une kératose associée.
Le mélanome in situ (ou mélanome de Dubreuilh) est une tache mélanocytaire irrégulière mais
relativement claire. L'exérèse chirurgicale en passant à 5 mm des berges macroscopiques de la lésion
confirme le diagnostic (les cellules tumorales ne franchissant jamais la membrane basale) et assure la
guérison.
Carcinomes du pavillon
Ces carcinomes prédominent au niveau de l'hélix, de l'anthélix et de la face postérieure du pavillon.
Les carcinomes de la conque sont plus rares, principalement des CBC, dont il est difficile d'apprécier
l'extension dans le MAE. L'âge habituel de survenue se situe dans les dernières décennies de la vie,
mais quelques cas apparaissent chez des sujets jeunes. L'homme est plus touché que la femme du
fait de l'exposition solaire due à la profession déjà évoquée.
Carcinomes basocellulaires [3]
Le CBC est le plus fréquent au niveau du pavillon et peut en revêtir tous les aspects morphologiques.
L'extension est locale, mais il est parfois difficile d'en apprécier les limites exactes. Il n'y a pas de
risque de métastase ganglionnaire bien que quelques cas authentiques de métastases aient été
décrits, remettant parfois en cause le diagnostic histologique.
Clinique
L'aspect clinique le plus fréquent et le plus évocateur est la forme nodulaire à bordure perlée, mais
ces tumeurs sont polymorphes et d'aspect parfois trompeur.
• le CBC nodulaire, papule ou nodule translucide ou télangiectasique, croissant progressivement avec une bordure perlée
évocatrice ou un aspect plan cicatriciel le plus fréquent au niveau du pavillon ;
• le CBC superficiel, plaque rouge plane bien limitée à extension centrifuge parfois recouverte de squames ou de croûtes ;
• le CBC sclérodermiforme, plaque ferme, brillante à jour frisant, souvent peu saillante et aux limites très imprécises.
Les facteurs pronostiques sont cliniques ou histologiques. Parmi les facteurs cliniques péjoratifs,
interviennent :
Quatre sous-types histologiques de CBC ont été décrits, permettant d'orienter un histopronostic.
L'examen clinique est souvent suffisant pour affirmer le diagnostic et autoriser le traitement qui est
principalement chirurgical, les autres méthodes thérapeutiques, dominées par la curiethérapie,
exposent à un risque de chondronécrose.
Lorsqu'il existe un doute diagnostique, une biopsie est nécessaire dont les modalités sont discutées
(biopsie exérèse, biopsie limitée intéressant la tumeur en profondeur). Il est classique de faire un
examen clinique complet à la recherche d'autres carcinomes dermatologiques souvent associés.
La qualité de l'exérèse chirurgicale doit être vérifiée par l'étude des berges, dont les modalités sont à
revoir.
Le risque évolutif de ces tumeurs est dominé par l'extension en profondeur dans le MAE puis à travers
les fissures cartilagineuses vers la parotide. Le taux global de guérison est de plus de 90 %.
La survenue d'une récidive nécessite une reprise chirurgicale avec examen histologique des berges,
souvent en deux temps, afin de s'assurer de la bonne qualité de l'exérèse.
Carcinomes épidermoïdes [2]
Ils siègent principalement au niveau de l'hélix mais également au niveau de l'anthélix, de la fossette
naviculaire ou de la face postérieure du pavillon.
L'aspect morphologique est souvent évocateur devant une tumeur ulcérée bourgeonnante, saignante
au contact, sensible ou douloureuse car rapidement surinfectée.
Il existe des formes plus trompeuses, végétantes à bord épaissi en bourrelet, hyperkératosiques ;
l'ablation de la kératose retrouve alors la tumeur ulcérée évocatrice. Certaines tumeurs superficielles
simulent une maladie de Bowen.
Dans le doute, une biopsie, dont les modalités ont été vues avec les CBC, est réalisée.
Le risque de métastase ganglionnaire est de l'ordre de 10 % environ. Le drainage lymphatique se fait
dans les ganglions parotidiens puis dans le groupe II. L'échographie permet d'apprécier cette
extension éventuellement complétée par la tomodensitométrie (TDM).
La place de la tomographie par émission de positons (TEP) associée au scanner (TEP-scan) est encore
discutée, sauf dans des formes étendues ou récidivées.
La prise en charge d'un CE nécessite de rassembler les éléments pronostiques, et particulièrement les
éléments péjoratifs qui sont rapportés dans les recommandations de la Haute Autorité de santé
(HAS) [3] :
• récidive locale ;
• immunodépression ;
• invasion périnerveuse ;
• forme desmoplastique ;
Les formes de mauvais pronostic sont exposées à un risque élevé de récidive locale et de métastase
ganglionnaire.
Le diagnostic différentiel des CE se pose avec les autres tumeurs malignes : carcinome annexiel,
carcinome neuroendocrine (tumeur de Merckel), et les mélanomes achromiques (cf. infra).
Parmi les tumeurs bénignes, le principal diagnostic différentiel est celui du kératoacanthome qui se
forme en quelques semaines et se caractérise par un cratère rempli d'une kératine exubérante qui
guérit spontanément en deux à trois mois. L'aspect de cette tumeur est souvent inquiétant au début ;
la biopsie ne permet pas toujours de rassurer, de sorte que, sans attendre, on peut être amené à
pratiquer l'exérèse de cette tumeur en vue d'un examen anatomopathologique complet.
Le nodule douloureux de l'oreille est évocateur par sa topographie (bord libre de l'hélix) et
l'exposition limitée du cartilage.
La chondrite du pavillon (infection du pavillon) est parfois révélatrice d'un carcinome envahissant le
cartilage.
Mélanomes [4]
Ils représentent 4 % des cancers du pavillon. Les mélanomes du pavillon constituent 7 à 10 % des
mélanomes de la face et du cou. Ils atteignent volontiers des patients de 30 à 50 ans, à peau claire,
exposés au soleil de façon excessive. Ils surviennent sur peau saine ou chez des patients ayant un
nævus préexistant souvent négligé ou précédé d'un mélanome de Dubreuilh.
Le diagnostic doit être évoqué devant une lésion pigmentée présentant une teinte irrégulière
(polychromie), une irrégularité de surface (plane ou saillante) et des contours irréguliers sinueux.
Le diagnostic cliniquement évoqué, l'exérèse totale de cette tumeur s'impose avec un examen
anatomopathologique de toute la pièce. Il confirme le mélanome et permet de rassembler des
éléments pronostiques majeurs que sont l'indice de Breslow, qui correspond à la plus grande
épaisseur de la tumeur (à l'examen anatomopathologique), et l'indice de Clarke, qui apprécie
l'étendue de l'extension dans les différentes couches histologiques de la peau.
La palpation des aires ganglionnaires cervicales homo- et controlatérales est systématique sans
omettre la palpation de la région parotidienne.
À un stade plus évolué trop tardif, la tumeur s'ulcère, saigne au contact et devient douloureuse et les
métastases ganglionnaires et viscérales se développent rapidement.
• un CBC tatoué ;
Le traitement comporte une amputation du pavillon passant à 2 cm des berges tumorales. Un
traitement des aires ganglionnaires y est systématique par chirurgie et/ou radiothérapie.
La maladie de Bowen [2] est traitée par une exérèse limitée et superficielle ménageant le cartilage.
Lorsque les lésions sont étendues ou mal limitées, la crème au 5-FU, des applications locales
d'imiquimod en crème et le PDT sont actuellement proposés.
Le mélanome in situ (Dubreuilh) doit être retiré chirurgicalement en passant à 5 mm des berges
macroscopiques de la lésion. Un examen complet de la pièce opératoire est indispensable afin de
confirmer le caractère in situ de ce mélanome.
Parmi les différentes options thérapeutiques, le traitement chirurgical est souvent privilégié du fait de
la présence de cartilages.
La curiethérapie à l'iridium encore proposée par certaines écoles est récusée par d'autres car la
proximité des cartilages expose à des complications à type de chondronécrose. Toutefois, Mazeron et
al. [8] obtiennent pour des tumeurs du pavillon de moins de 4 cm un contrôle local dans 99 % des cas
et un résultat morphologique estimé satisfaisant dans 78 % des cas.
Quant à la radiothérapie externe, elle est réservée aux formes inopérables avec des risques de
chondrite et de nécrose du pavillon. La radiothérapie externe est également proposée dans la prise en
charge des adénopathies métastatiques des CE à titre prophylactique, ou après curage ganglionnaire
en cas de ganglion envahi.
Traitement chirurgical
Différentes techniques de chirurgie réparatrice du pavillon de l'oreille existent (cf. infra). La résection
chirurgicale doit respecter les marges d'exérèse.
Pour les CBC, la résection se fait en moyenne à 4 ou 5 mm des berges macroscopiques de la lésion
avec résection du cartilage en regard de la tumeur. La résection doit être plus large (10 mm) en cas
de tumeur récidivée ou de CBC sclérodermiforme rare dans cette localisation [3].
Pour les CE, la résection se fait en moyenne de 6 à 10 mm des berges macroscopiques de la
tumeur [2]. Dans les formes de mauvais pronostic [2], la résection recommandée est de 10 mm.
L'appréciation de la qualité carcinologique de l'exérèse est indispensable. Elle doit toujours être
étudiée par l'examen histopathologique de la pièce opératoire. Dans les formes étendues, récidivées,
ou à risque, il est préférable d'avoir recours à un examen histopathologique immédiat ou très rapide
avant la réparation plastique.
• l'exérèse et réparation en deux temps : la tumeur est réséquée sous anesthésie locale, un pansement est mis en place et
la réponse de la qualité d'exérèse revient quelques jours plus tard avant la chirurgie réparatrice ;
• la méthode de Mohs [2, 3] est rarement pratiquée en France : elle consiste à établir une cartographie détaillée de la lésion
et à analyser de façon extemporanée chaque fragment cartographié en surface et en profondeur. Cette technique offre
l'avantage d'une excellente sécurité carcinologique et est particulièrement chronophage pour le chirurgien et le
pathologiste. Elle doit être réservée à des tumeurs à haut risque de récidive. Avec cette technique, le taux de récidive
locale est très faible, de 3 à 7 % selon les études toutes localisations confondues.
Le drainage ganglionnaire se fait dans la région parotidienne et dans le groupe II. Ce traitement n'est
pas systématique du fait d'un faible risque de métastase ganglionnaire de l'ordre de 10 %.
Une échographie des aires ganglionnaires doit être faite de façon systématique.
Dans cette localisation, le recours au ganglion sentinelle ne peut être pratiqué du fait de la
localisation parotidienne possible des adénopathies.
Pour des questions de surveillance carcinologique, il est préférable de ne pas reconstruire le pavillon
réséqué par des procédés de chirurgie plastique mais plutôt par des épithèses ou des prothèses.
La prise en charge des aires ganglionnaires est identique à celle des autres localisations de ces
tumeurs de même que l'indication d'une éventuelle radiothérapie externe complémentaire.
Techniques de réparation
Généralités
L'anatomie tridimensionnelle doit être reconstituée dans la mesure du possible. Le pavillon auriculaire
a une structure cutanéocartilagineuse, à l'exception du lobule. La réparation de l'armature
cartilagineuse en périphérie est essentielle pour éviter la rétraction du pavillon.
Les principes de reconstruction sont rappelés par Boudard et al. [9, 10] et Martin et Mondie [11]. Ces
principes théoriques ne sont pas toujours réalisables, mais il faut tenter de s'en approcher :
Techniques de
reconstruction
Pertes de substance marginale de l'hélix
La plupart des techniques réduisent la taille du pavillon. La résection cunéiforme de l'hélix ( Figure 1)
mordant en triangle sur le sillon inter-hélico-antihélicéen est une technique simple et rapide chez un
patient âgé avec éventuellement un ou deux triangles de décharge afin d'éviter une plicature
excessive du pavillon reconstitué. La taille de la résection ne peut excéder 10 à 20 mm.
Le procédé d'Anthia et Buch [12] (Figure 2) est indiqué en cas de tumeur de l'hélix de 2 cm maximum.
Après résection de la tumeur de l'hélix, deux lambeaux hélicéens sont tracés intéressant la face
antérieure de l'hélix et le cartilage adjacent. La peau postérieure est décollée et préservée. Afin de
permettre une bonne coaptatation des extrémités de l'hélix, une résection cartilagineuse
complémentaire est réalisée. La morphologie du pavillon est parfaitement préservée au prix d'une
diminution de sa taille.
La réparation par une greffe composée controlatérale de l'hélix peut être proposée. Elle a pour intérêt
de symétriser parfaitement les deux pavillons, la taille du greffon étant égale à la moitié de celle de la
perte de substance. Cette technique est plutôt réservée aux pertes de substance traumatiques
limitées chez des sujets jeunes.
Les pertes de substance périphériques de plus de 2 cm nécessitent le plus souvent le recours à une
greffe de cartilage homo- ou controlatéral avec son périchondre pris aux dépens de la conque, taillée
à la demande et mis en place en nourrice sous la peau, en regard de la zone à réparer.
Dans un deuxième temps, trois mois plus tard environ, la peau est repositionnée avec son cartilage
au niveau de la perte de substance (Figure 3).
Réparation des pertes de substance non marginales situées au niveau de l'anthélix ou de la conque [9, 10,
11]
Une perte de substance limitée peut être traitée par une simple greffe de peau totale rétroauriculaire
homo- ou controlatérale reposant sur la peau rétroauriculaire ou sur le périchondre en cas de
tumeurs très superficielles (Figure 4, Figure 5).
Les pertes de substance plus étendues, principalement de la conque, sont réparées par des lambeaux
cutanés préauriculaires (Figure 6) ou, mieux, rétroauriculaires (Figure 7), transfixiant, à pédicule
supérieur, inférieur ou bipédiculé et translatés pour réparer la perte de substance [13]. À ce niveau, le
recours à une greffe cartilagineuse n'est pas nécessaire du fait de la préservation de l'armature
périphérique.
Dans les pertes de substance de la conque, il est possible d'utiliser un lambeau de fascia temporal
translaté dans la conque et greffé à sa partie antérieure par une greffe de peau mince.
Lorsque la perte de substance est plus étendue, le recours à une plastie de fascia temporal constitue
une méthode satisfaisante afin d'éviter une oreille trop « collée ».
• il s'agit, dans la majorité des cas, de patients âgés, non demandeurs d'interventions chirurgicales lourdes ;
• chez les patients plus jeunes éventuellement demandeurs d'otopoïèse, la surveillance carcinologique est mieux assurée
avec une épithèse, d'autant qu'il s'agit souvent à cet âge de mélanomes.
Il est parfois difficile de dissocier les tumeurs du MAE des tumeurs de l'oreille moyenne d'autant que,
de diagnostic souvent tardif, elles envahissent les régions adjacentes et seule l'histologie peut
orienter le point de départ de la tumeur initiale.
Les tumeurs du MAE ou du rocher sont rarement en relation avec un envahissement à partir d'une
tumeur de voisinage, principalement parotidienne. Aucun facteur étiologique particulier n'est retrouvé
habituellement. Quelques cas de carcinomes du MAE ont été décrits, situés dans le champ d'une
irradiation pour une tumeur de voisinage principalement dans la zone de pénombre [17, 18] (Figure 9).
Anatomie pathologique
Tumeurs primitives
Elles sont les plus fréquentes, développées à partir de l'épiderme, ou à partir des glandes
principalement cérumineuses présentes dans le conduit.
Une autre observation d'un CE [20] chez un enfant de 2 ans sans doute contaminé par sa mère
porteuse d'un cancer du col utérin, papillomavirus humain positif (HPV+), a été décrite. Les CBC
rares sont primitifs développés dans le MAE, ou des extensions d'un CBC de la conque méconnu et/ou
récidivé.
Carcinomes glandulaires
Il en existe plusieurs variétés :
• les carcinomes adénoïdes kystiques (Figure 10) sont les plus fréquents [16] et ont le même pronostic que ceux développés
dans les glandes salivaires. Les métastases ganglionnaires y sont relativement rares (International Head and Neck
Scientific Group) [21] de sorte que le traitement systématique des aires ganglionnaires n'y apparaît pas nécessaire ;
• l'adénocarcinome cérumineux ;
• le carcinome glandulaire de malignité intermédiaire : carcinome myoépithélial dont il existe également plusieurs grades
de malignité.
Mélanomes
Rares, ils sont souvent une extension au MAE de mélanomes dont le point de départ se situe au
niveau du pavillon.
La présence à la biopsie d'un carcinome glandulaire doit toujours faire rechercher une métastase d'un
carcinome, en particulier digestif.
L'extension parotidienne est fréquente et peut poser le problème du point de départ de la tumeur. Les
progrès de l'imagerie permettent au mieux d'apprécier cette extension et guident le geste chirurgical
s'il paraît possible.
L'extension se fait :
• en avant : l'articulation temporomandibulaire, le condyle temporal, puis la fosse infratemporale par la gouttière
rétrocondylienne à la face interne du condyle ;
• en dedans : l'oreille moyenne, le nerf facial ainsi que le MAI, la dure-mère, puis à partir de l'oreille moyenne, la pointe du
rocher, la région de la carotide intrapétreuse et la trompe auditive.
Les métastases ganglionnaires parotidiennes ou des groupes I et II sont recherchées par l'examen
clinique et par l'imagerie.
Clinique
Signes révélateurs [25]
Ce sont des signes trompeurs de sorte que le diagnostic est souvent retardé.
L'association fréquente d'une otalgie avec otorrhée fait évoquer une otite externe banale au début
mais qui doit inquiéter par sa persistance, par sa résistance aux différents traitements et par les
douleurs de plus en plus intenses. Une surdité avec des acouphènes est souvent associée.
Le tableau chez un patient âgé parfois diabétique est celui d'une otite externe maligne.
D'autres signes plus rares et trompeurs peuvent être révélateurs ou associés aux précédents :
paralysie faciale progressive, infiltration de la conque ou de la région périauriculaire, tuméfaction
intraparotidienne témoin d'une métastase ganglionnaire ou d'une infiltration intraparotidienne.
Il importe de rechercher la notion d'irradiation ayant intéressé le MAE dans les décennies précédentes
pour une tumeur cérébrale ou pharyngée [17, 18] par exemple.
Examen clinique
L'examen clinique, réalisé sous microscope avec aspiration douce, est difficile car souvent
hyperalgique. Celui-ci retrouve une sténose parfois complète du MAE avec un suintement purulent. La
présence d'une ulcération cutanée est très suspecte et guide la biopsie.
L'examen du tympan est souvent difficile, l'introduction d'un Mérocel ® imprégné de gouttes
auriculaires facilite la dilatation du MAE et permet parfois l'examen du tympan. L'examen recherche
également une infiltration de la peau rétroauriculaire ou mastoïdienne.
L'examen des dernières paires crâniennes est réalisé de façon systématique, en particulier la
recherche d'une paralysie faciale, même partielle, une atteinte des IX, X, XI et XII.
Examens complémentaires
Biopsie
C'est l'examen principal, si possible sous anesthésie locale. Elle est faite d'emblée lorsque les signes
sont déjà évocateurs, ou après un traitement d'épreuve de quelques jours. L'importance des douleurs
peut justifier une anesthésie générale.
La TDM en incidence coronale, axiale, et de profil, en fenêtre osseuse et des parties molles, avec et
sans injection iodée, doit toujours être associée à l'IRM selon les mêmes incidences.
La TDM est surtout intéressante pour apprécier l'extension de la tumeur à l'os (parois du MAE, oreille
moyennne, apex pétreux) et aux parties molles, mais également rechercher des métastases
ganglionnaires intraparotidiennes ou cervicales.
La corrélation entre anatomie chirurgicale et TDM étudiée par Gillespie et al. [26] est retrouvée dans 11
cas sur 15, les quatre derniers cas étant surestimés ou sous-estimés.
L'IRM en séquences T1 et T2 est toujours complétée par une injection de gadolinium. L'IRM selon la
présence d'un hypo- ou d'un hypersignal en T1, T2 permet, dans certains cas, d'orienter le diagnostic
histologique et d'apprécier au mieux son extension à la méninge, au cerveau à l'oreille interne et à
l'angle pontocérébelleux.
L'IRM avec injection de gadolinium précise au mieux les limites de la tumeur. D'autres séquences
d'IRM affinent les renseignements de l'imagerie (Figure 12, Figure 13).
La place du TEP-scan n'est pas encore précisée dans ce type de tumeur et, en première intention, elle
a surtout pour but de rechercher une métastase ganglionnaire ou viscérale.
Classification de Pittsburgh
Au terme de ce bilan, la tumeur est classée selon la classification de Pittsburgh [27, 28, 29] de 1991
modifiée en 2000 [29] qui nécessite une imagerie de bonne qualité. Initialement proposée pour les CE,
elle a été élargie aux autres carcinomes du MAE :
• T2 : tumeur limitée au MAE, avec une atteinte osseuse inférieure à 5 mm ou une atteinte limitée des parties molles
inférieures à 5 mm ;
• T4 :
○ T4a : atteinte des tissus latéraux cutanés (conque, peau rétroauriculaire), de la parotide, de l'articulation
temporomandibulaire (ATM), ou de la fosse infratemporale (FIT) du foramen jugulaire, du canal carotidien ou du VII,
Plusieurs autres tentatives de classification ont été utilisées, mais aucune ne donne encore
entièrement satisfaction quant au pronostic, si ce n'est la distinction entre T1, T2 (petites tumeurs) et
T3, T4 (tumeurs étendues).
La classification N et M est identique à celle des autres tumeurs des voies aérodigestives supérieures.
Diagnostic différentiel
L'otite externe maligne, comme cela a déjà été évoqué, est le principal diagnostic différentiel. Une
otite externe qui ne réagit pas au traitement antibiotique au bout de quelques semaines nécessite
une biopsie.
L'ostéo-radio-nécrose de MAE survenant en terrain irradié pour une tumeur de voisinage (parotide,
cerveau) se caractérise par une exposition osseuse douloureuse et suintante. L'exposition osseuse
plus ou moins limitée du MAE en évoque le diagnostic mais le recours à une biopsie doit être faite au
moindre doute, d'autant qu'il existe des cancers développés dans des champs d'irradiation [18].
Les autres diagnostics se posent avec les tumeurs bénignes du MAE, en particulier avec les adénomes
développés également aux dépens des glandes cérumineuses. La biopsie suffisamment profonde en
affirme le diagnostic. Les exostoses rétrécissent parfois totalement le MAE mais leur dureté à la
palpation à l'aspirateur doit orienter, leur aspect à la TDM est évocateur.
Pour mémoire, le diagnostic différentiel est exceptionnel avec l'otite tuberculeuse ou la maladie de
Wegener.
Le traitement des CE et des carcinomes glandulaires est principalement chirurgical complété par une
radiothérapie lorsque la résection est incomplète ou limite portant sur le lit tumoral et les aires
ganglionnaires.
Une résection complémentaire limitée de l'os de MAE est proposée par certains par fraisage, ou par
résection chirurgicale.
La réparation est assurée par un lambeau rétroauriculaire éventuellement associé à une greffe de
peau mince. Le risque de sténose de MAE est un autre argument pour assurer l'élargissement du MAE
osseux par fraisage.
Pétrectomie externe ou résection latérale de l'os temporal [32, 33] (Figure 14, Figure 15, Figure 16, Figure
17)
La résection intéresse la totalité du MAE osseux et cartilagineux élargi à la demande à la conque, au
tympan, à l'os tympanal en bas et en avant avec éventuellement une parotidectomie exofaciale
associée et une condylectomie. La résection est élargie à la mastoïde, si possible en monobloc, de
sorte qu'à la fin de l'intervention un véritable évidement de l'oreille avec préservation éventuelle du
nerf facial et des osselets est réalisé.
Certains auteurs comblent partiellement cette cavité par un lambeau musculaire (muscle temporal),
musculocutané, voire un lambeau libre (type parascapulaire), ce qui facilite la cicatrisation, mais rend
plus difficile le dépistage d'une éventuelle récidive.
La pétrectomie totale : la pétrectomie subtotale est élargie à la carotide interne (nécessitant une
épreuve de clampage carotidien) et à la trompe auditive.
Ces deux dernières interventions nécessitent souvent la collaboration d'un neurochirurgien et sont
réservées à des patients en bon état général du fait des risques opératoires.
Le comblement de la vaste cavité opératoire est souvent nécessaire par des lambeaux de voisinage
pédiculés ou libres (Figure 19). Ce comblement favorise la cicatrisation et permet une irradiation à
dose tumoricide souvent nécessaire dans ce type de tumeur.
Le traitement des aires ganglionnaires par évidement cervical et parotidectomie (Figure 20) est fait,
si possible en monobloc en même temps que la pétrectomie.
Radiothérapie externe
Elle est proposée par de nombreux auteurs sur le lit tumoral et les aires ganglionnaires de drainage
en complément d'une pétrectomie, surtout lorsque la résection est insuffisante ou d'appréciation
difficile.
Lorsque la chirurgie est récusée, la radiothérapie est associée à une chimiothérapie mais aucune
statistique n'a été publiée concernant les résultats.
Cette irradiation expose à une ostéo-radio-nécrose du rocher avec exposition osseuse et suppuration
traînante pouvant nécessiter un curetage à la demande.
Indications
thérapeutiques
Ces indications sont proposées dans la conférence de consensus belge [39] de 2002 qui s'est tenue à
Louvain :
• T1-T2 : résection latérale de l'os temporal avec parotidectomie suivie d'un éventuel curage ganglionnaire. Une
radiothérapie complémentaire dépend de la qualité de l'exérèse et de l'envahissement ganglionnaire histologique ;
• T3 :
○ sans envahissement de l'oreille moyenne : traitement identique aux T1-T2,
○ avec envahissement de l'oreille moyenne : résection subtotale du temporal avec éventuelle résection du VII avec
greffe et parotidectomie et éventuel curage ganglionnaire. Une radiothérapie complémentaire est souvent nécessaire
dans ces formes évoluées.
Une parotidectomie systématique est recommandée par certains auteurs (Zhang) dans le traitement
des T1-T2 de l'os temporal afin d'assurer une meilleure qualité d'exérèse.
Surveillance post-thérapeutique
Les risques de récidive sont élevés surtout pour les T3 et T4. La surveillance est clinique mais
également par l'imagerie et il est conseillé de faire une première imagerie (TDM ou IRM) de départ
trois à quatre mois après la fin du traitement qui va servir de référence pour le suivi.
Le recours au TEP-scan est proposé par certains pour dépister une récidive infraclinique ou une
métastase viscérale. Aucune publication ne permet actuellement de justifier la place exacte de cet
examen lors de la surveillance.
Les tumeurs limitées avec des berges de résection chirurgicale satisfaisantes sont de pronostic
favorable [40]. Les éléments de mauvais pronostic sont [41, 42] : envahissement de la dure-mère,
paralysie faciale, atteinte des nerfs crâniens, douleurs intenses.
La survie des patients s'est améliorée, mais les grandes séries sont rares et les cas disparates.
La survie est de 18 % à cinq ans pour Conley et Novak [35] en 1961, la survie globale est de 25 % sur
une série de 100 patients pour Lewis [43] en 1975 et de 30 % à trois ans pour Austin et al. [44] en 1994.
Pour Nyrop et Grontved [17], la survie dans les stades 1 et 2 est élevée avec un taux de récidive très
faible. Dans les stades III et IV, le pourcentage de récidive est très élevé et la survie à cinq ans est
de l'ordre de 20 %.
Zhang et al. [45] sur une série de 33 patients opérés retrouvent une survie de 100 % pour les T1, T2,
de 69 % pour les T3 et de 20 % pour les T4.
L'intérêt des pétrectomies élargies est discuté ; dans une méta-analyse portant sur 26 cas, Prasad et
Janecka [46] rapportent une survie nulle à un an lorsque la carotide interne a dû être réséquée.
À l'inverse, Moffat et al. [47] réalisent, pour des CE du temporal, une pétrectomie totale avec
préservation de la carotide interne dans sept cas sur 15 avec une survie de 47 % à cinq ans.
Anatomie pathologique
Les adénocarcinomes [48] se localisent dans la caisse du tympan pour envahir l'antre, l'attique puis la
mastoïde. Des CE sont rapportés, mais il est difficile de savoir s'ils sont primitifs ou une extension
d'un carcinome épidermoïde du MAE. Les tumeurs carcinoïdes sont traitées au chapitre « Tumeurs
carcinoïdes ». Les mélanomes primitifs [49] de la muqueuse sont exceptionnels.
Les paragangliomes de l'oreille moyenne et du rocher naissent sur le promontoire et le dôme du golfe
de la jugulaire interne. Ils sont malins dans 5 % des cas environ [1].
Gurgel et al. [50] qui ont repris le fichier du National Cancer Institute (NCI) entre 1973 et 2004 de 215
tumeurs de l'oreille moyenne, retrouvent 62 % de CE et 18 % d'adénocarcinomes.
En 2014, Mokri [51] a rapporté quatre cas de carcinome épidermoïde de l'oreille moyenne (dont un cas
personnel) développés chez des patients ayant un cholestéatome évoluant depuis plusieurs années.
Clinique
Signes révélateurs
Les signes révélateurs sont polymorphes, témoins de l'atteinte du MAE, de l'oreille moyenne mais
également du labyrinthe, du nerf facial, des dernières paires crâniennes, de l'endocrâne.
Otorrhée, otalgie, plénitude de l'oreille avec surdité de transmission et acouphènes sont les signes
révélateurs les plus fréquents.
Une paralysie faciale périphérique progressive, des vertiges, une atteinte des dernières paires
crâniennes isolées ou associées peuvent également être révélateurs.
Des troubles des fonctions supérieures, une ataxie, une hypertension intracrânienne, sont le témoin
d'une atteinte endocrânienne.
Examen clinique
L'examen du MAE et du tympan est fait sous microscope avec aspiration ; la présence d'un bourgeon
ou d'un polype accessible à la biopsie facilite le diagnostic.
Une sténose inflammatoire du MAE évoque une otite externe, mais l'absence d'amélioration après un
traitement antibiotique nécessite une biopsie sous anesthésie générale.
L'examen recherche une paralysie faciale débutante, une atteinte des dernières paires crâniennes
(IX, X, XI, XII) associées ou dissociées, un syndrome vestibulaire.
Examens complémentaires
Examen des fonctions cochléovestibulaires
L'audiogramme tonal et vocal recherche une surdité et en précise le type : transmission, perception,
mixte, voire cophose. En cas de vertiges, une vidéonystagmographie est faite à la recherche d'une
hypo- ou d'une arefléxie vestibulaire.
Imagerie
La TDM doit toujours être associée à l'IRM ; les modalités sont identiques à celles décrites pour le
MAE (cf. supra). L'IRM, avec ses différentes séquences, permet au mieux d'apprécier l'extension
intracrânienne. La place du TEP-scan n'est pas encore parfaitement codifiée au stade initial.
Traitement
Il est essentiellement chirurgical. Dans les formes limitées, la chirurgie comporte une résection
latérale de l'os temporal. Dans les formes plus étendues, une résection subtotale de l'os temporal doit
être réalisée. Le sacrifice du nerf facial est nécessaire en cas d'envahissement du nerf avec, si
possible, réparation par greffe.
Une parotidectomie avec un éventuel curage doit être discutée en fonction des données de la TDM.
La radiothérapie externe est faite en complément de la chirurgie à des doses de 50 à 65 Gy. Elle
dépend de l'histologie et de la qualité apparente de l'exérèse chirurgicale. La radiothérapie exclusive
est réservée aux formes inopérables.
La survie à cinq ans dans le fichier du NCI [50] est de 24 % pour les CE et de 65 % pour les carcinomes
glandulaires.
Sur une série de 33 patients traités par chirurgie éventuellement complétée par radiothérapie, Jia et
al. [52] rapportent une survie de 85 % à cinq ans pour les T1, T2 et de 22 % pour les T3.
Anatomie pathologique
Les schwannomes malins vestibulaires sont rares et, à un stade précoce, ils sont difficiles à distinguer
des schwannomes bénins de loin les plus fréquents avant l'examen anatomopathologique.
Ces schwannomes peuvent être d'emblée malins dans moins de 5 % des cas et, en reprenant la
littérature anglaise sur 20 ans entre 1992 et 2012, Carlson et al. [53] identifient 20 cas de
schwannomes malins primitifs.
• les tératomes ;
• les tumeurs osseuses développées dans le MAI à partir de ses parois sont traitées dans le chapitre des sarcomes de
l'oreille (cf. infra).
Les signes en relation avec l'atteinte du paquet acousticofacial sont une surdité de perception
rétrocochléaire, voire une cophose, des acouphènes, des vertiges, une paralysie faciale périphérique.
Les signes neurologiques souvent associés aux précédents sont en relation avec un envahissement de
l'angle pontocérébelleux (syndrome cérébelleux), un envahissement du foramen jugulaire (paralysie
du IX X et XI) ou une hypertension intracrânienne.
L'examen clinique est complété par des examens complémentaires dominés par l'imagerie associant
TDM et IRM selon les mêmes séquences (cf. supra).
Traitement
Le traitement est principalement chirurgical lorsque la tumeur est limitée et donc accessible à la
chirurgie. Il permet de préciser le type histologique et de guider ainsi une éventuelle radiothérapie ou
chimiothérapie complémentaire.
La chirurgie doit, si possible, ôter la totalité de la tumeur afin de limiter les risques de récidive
rapide [58].
Sarcomes de l'oreille
Chondrosarcome du rocher [14, 59]
C'est le sarcome le plus fréquent développé dans le rocher. Les cas publiés au niveau du rocher sont
toutefois peu nombreux puisqu'en 2005, 36 cas étaient décrits dans la littérature de langue anglaise.
Depuis cette date, quelques publications ont été faites sans apporter d'élément nouveau [60].
Il existe trois grades depuis le grade I bien différencié jusqu'au grade III peu différencié, le pronostic
étant meilleur pour les tumeurs les plus différenciées.
La distinction entre chondrome et chondrosarcome de grade I est parfois difficile. En revanche, les
chondrosarcomes mésenchymateux sont une variante du grade III de pronostic redoutable du fait du
risque d'extension locorégionale et métastatique.
Sur le plan clinique, cette tumeur peut revêtir un aspect protéiforme souvent trompeur : otite
séromuqueuse, paralysie faciale, surdité de perception ou surdité mixte, diplopie, atteinte des
dernières paires crâniennes.
L'imagerie associe TDM et IRM. La TDM est évocatrice montrant une ostéolyse plus ou moins étendue
associée à une destruction des corticales et à des calcifications en anneaux. L'IRM objective la tumeur
qui prend le gadolinium et se caractérise par un hyposignal en T1 et un hypersignal en T2.
Le traitement est chirurgical lorsque la tumeur est opérable. La difficulté d'obtenir une exérèse
carcinologique satisfaisante incite à proposer une radiothérapie complémentaire par photons à une
dose supérieure à 60 Gy. La protonthérapie a également été proposée dans cette indication.
Rhabdomyosarcome de l'oreille
Une série de 26 cas a été rapportée par l'institut Gustave Roussy [61] entre 1975 et 1990 portant sur
des enfants de 21 mois à 13 ans. Les signes cliniques et d'imagerie sont ceux des tumeurs malignes
précédemment décrits. La biopsie est nécessaire pour affirmer le diagnostic. Le traitement associe
une chimiothérapie à une éventuelle radiothérapie. La survie de cette série est de 40 % à cinq ans.
Le rocher est exceptionnellement le siège de métastases d'un sarcome primitif situé à distance [62]. Il
faut également rappeler ici les sarcomes radio-induits survenant plusieurs années ou plusieurs
décennies après des irradiations céphaliques.
Tumeurs du sac endolymphatique
C'est une tumeur rare, 200 cas environ ont été rapportés dans la littérature par Uziel [63], maligne de
bas grade mais localement agressive, d'évolution lente, non métastasiante, infiltrant progressivement
le rocher atteignant les nerfs crâniens intrapétreux puis pénétrant dans la fosse postérieure.
Elle s'intègre dans 10 à 15 % des cas dans une maladie de von Hippel Landau (VHL), phacomatose
génétique autosomique dominante associant, à des degrés divers, hémangioblastome rétinien et/ou
du système nerveux central, phéochromocytome, cancer ou kyste du rein, tumeur du pancréas. La
tumeur peut être bilatérale dans une faible proportion.
Les cas sporadiques isolés semblent plus agressifs et moins réagir au traitement [64].
Dans le registre international des maladies de VHL [65], portant sur 1789 patients, il est retrouvé
93 patients (5 %) ayant une tumeur du sac endolymphatique (TSEL).
Anatomopathologie
C'est la tumeur papillaire maligne de bas grade développée à partir du canal et du sac
endolymphatique également dénommée adénocarcinome papillaire kystique de bas grade ou tumeur
de Heffner. Elle se développe le plus souvent aux dépens de la partie intrapétreuse du sac.
L'immunohistochimie [14] est une aide pour confirmer un diagnostic histologique parfois difficile et
permet de les distinguer des autres tumeurs de cette région, en particulier des paragangliomes ou
des papillomes du plexus choroïde.
Les vertiges sont présents dans la moitié des cas et peuvent évoquer une maladie de Ménière par
obstruction du sac.
L'atteinte des nerfs crâniens est consécutive à l'envahissement du rocher et intéresse un ou plusieurs
des nerfs suivants : VI, VII, IX, X, XI, XII. Les formes évoluées associent des signes témoins de la
compression du névraxe.
La recherche en est systématique dans le cadre d'une maladie de VHL, même en l'absence de
manifestations cliniques.
La TDM montre au début une lésion ostéolytique centrée sur l'aqueduc du vestibule et la portion
rétrolabyrinthique du rocher, prenant le contraste après injection iodée de façon immédiate.
L'IRM montre une lésion hétérogène, le plus souvent en hypersignal T1 et T2, prenant le contraste de
façon variable. Elle précise l'étendue de la tumeur et l'envahissement éventuel de l'endocrâne, du
bulbe jugulaire, du sinus caverneux et de la région cervicale. L'angio-IRM recherche une infiltration
de la carotide interne.
En 2004, Bambakidis et al. [67] ont proposé une classification anatomique en quatre stades, depuis
l'atteinte limitée du temporal jusqu'à l'extension à la fosse postérieure et au sphénoïde.
Traitement [68]
Une angiographie préopératoire avec une éventuelle embolisation est préconisée par certains auteurs,
soulignant le caractère hypervasculaire des TSEL [64].
Sur une série de 30 patients et 31 tumeurs (un cas de tumeur bilatérale), Kim et al. [69] préservent
l'audition dans 97 % des cas, mais la résection tumorale n'est satisfaisante que dans 90 %.
Dans l'histiocytose à cellules de Langerhans, la migration de ces cellules se fait dans l'os ou certains
viscères au sein d'un granulome polymorphe.
La présence à la surface de ces cellules d'un marqueur antigénique CD1a est spécifique. La recherche
de granules de Birbeck intracytoplasmiques, également spécifiques, est rarement pratiquée.
C'est une maladie de l'enfant qui peut se présenter sous plusieurs tableaux cliniques.
L'imagerie [72] par TDM est évocatrice, montrant une ostéolyse plus ou moins étendue à contours
polycycliques et sans liserai de condensation localisée principalement au niveau de la mastoïde.
L'IRM recherche une extension méningée. La recherche par l'imagerie d'autres lésions osseuses ou
viscérales est systématique. La biopsie osseuse affirme le diagnostic.
Des publications récentes insistent sur la relative fréquence des atteintes bilatérales de l'os
temporal [74, 75, 76] pouvant aller jusqu'à 45 % des cas rapportés [77].
D'autres formes cliniques sont décrites, en particulier la maladie de Letterer-Siwe, forme aiguë du
nourrisson souvent mortelle, et la maladie de Hand-Schüller-Christian associant des lacunes
crâniennes, une exophtalmie et un diabète insipide.
Traitement
Une forme unique osseuse peut être traitée par simple curettage, certains préconisent même une
simple surveillance. L'implant cochléaire est préconisé chez des patients opérés avec une perte
auditive majeure de perception [74].
Dans les formes multifocales ou systémiques, le recours à une chimiothérapie est proposé. Les
indications de la radiothérapie sont exceptionnelles chez l'enfant, du fait de sa faible efficacité et du
risque de cancer radio-induit qui peut survenir quelques décennies plus tard en cas de guérison.
Elles présentent les mêmes signes révélateurs que ceux décrits dans les autres tumeurs malignes. La
TDM objective une lyse osseuse irrégulière plus ou moins étendue.
La difficulté est d'évoquer une métastase dans le rocher lorsque la tumeur initiale n'est pas connue
mais la biopsie osseuse doit faire évoquer ce diagnostic en présence d'un adénocarcinome [21].
La recherche des tumeurs ostéophiles doit être entreprise. C'est dans ces cas que le recours au TEP-
scan peut être proposé. Des métastases d'un cancer pulmonaire à petites cellules ont également été
rapportées [24]. De très rares métastases de sarcomes au niveau du rocher ont déjà été évoquées.
Le tableau clinique est celui d'une mastoïdite aiguë ou subaiguë dont l'évolution n'est pas modifiée
par un traitement antibiotique. Le diagnostic est confirmé par une biopsie osseuse [80].
Ce sont des tumeurs rares puisqu'en 2005, 46 observations seulement ont été rapportées par
Ramsey et al. [81]. Elles sont rattachées par certains auteurs à des adénomes donc tumeur bénigne
mais à différenciation endocrine. Elles se développent dans l'oreille moyenne. Leur distinction est
difficile avec l'adénome simple, d'autant qu'elles sont également appelées tumeurs adénomateuses
avec une différenciation neuroendocrine plus ou moins marquée.
Cinq cas seulement de tumeurs carcinoïdes du conduit auditif externe ont été décrits [22].
Elles ont une réputation de bénignité remise en cause dans près d'un tiers des cas [80, 81, 82, 83] par un
potentiel de récidive locale mais également de métastase ganglionnaire intraparotidienne ou
cervicale. Un syndrome carcinoïde semble exceptionnel.
Conclusion
Les tumeurs malignes de l'oreille constituent un ensemble non homogène associant des tumeurs très
fréquentes au niveau du pavillon de l'oreille, des tumeurs du MAE plus rares et diagnostiquées plus
tardivement du fait de leur caractère trompeur et, enfin, de tumeurs exceptionnelles telles les
tumeurs du sac endolymphatique ou les tumeurs de l'oreille moyenne.
Résection interruptrice d'un carcinome limité de l'hélix (A à C). Cette résection est associée à
celle de deux triangles de décharge souvent asymétriques ayant pour but d'harmoniser les
sutures.
Figure 2 :
Plastie d'Antia et Buch.A à C. Réparation d'une perte de substance de l'hélix. La peau postérieure
est conservée. La peau antérieure et le cartilage de l'anthélix sont réséqués à la demande pour
s'adapter à la diminution de la taille de l'hélix.D. Carcinome basocellulaire de la partie moyenne
de l'hélix avec tracé des incisions.E. Exérèse transfixiante à 3 mm des limites macroscopiques de
la lésion et tracé des incisions dans la gouttière de l'hélix, de la peau antérieure et du cartilage.F.
Décollement de la peau postérieure du pavillon jusqu'au sillon rétroauriculaire.G. Aspect en fin
d'intervention avec suture des deux lambeaux chondrocutanés.H. Résultat à dix mois avec une
encoche peu visible à l'union des deux lambeaux.
Figure 3 :
Réparation d'une perte de substance étendue de l'hélix par une greffe cartilagineuse et un
lambeau cutané.A. Perte de substance étendue de l'hélix suite à l'exérèse d'un carcinome
basocellulaire.B. Mise en place d'un greffon cartilagineux prélevé sur la conque homolatérale.C.
Le greffon cartilagineux est enfoui sous la peau mastoïdienne.D. Deux mois plus tard, libération
du lambeau chondrocutané.E, F. Perte de substance mastoïdienne fermée par un lambeau
d'avancement et la face postérieure du pavillon comblée par une greffe de peau totale.G. Aspect
de l'hélix à la fin du deuxième temps opératoire.H. Résultat un an après le deuxième temps
opératoire.
Figure 4 :
Greffe de peau totale après résection cutanée superficielle respectant le périchondre. En cas
d'envahissement du périchondre, la résection du périchondre et du cartilage s'impose, la greffe de
peau totale pouvant reposer directement sur la peau rétroauriculaire.A à D. Carcinome
superficiel de l'anthélix : greffe de peau totale rétroauriculaire. Carcinome basocellulaire de
l'anthélix avec tracé des limites d'exérèse (A). Exérèse de la lésion respectant le périchondre en
profondeur et l'hélix en périphérie (B). Aspect de la greffe en fin d'intervention, prélevée en
région cervicale (C). Résultat à un an (D).E à H. Carcinome superficiel de la conque. Carcinome
basocellulaire du rebord de la conque avec tracé des limites d'exérèse (E). Exérèse de la lésion
respectant le périchondre en profondeur (F). Aspect de la greffe en fin d'intervention, prélevée en
région rétroauriculaire homolatérale (G). Résultat à un an (H).
Figure 5 :
Lambeau de retournement en îlot selon Masson (A à D). La résection tumorale intéresse la peau
conquale et le cartilage mais préserve la peau rétroauriculaire. La peau rétroauriculaire est
ensuite incisée sur la totalité de sa circonférence en ménageant le tissu sous-cutané et musculaire
supérieur et inférieur. Le lambeau cutané subit une rotation de 180̊ selon un axe vertical en
ménageant ces deux pédicules et comble la perte de substance. La fermeture rétroauriculaire est
assurée par un simple rapprochement.
Figure 8 :
Carcinome épidermoïde du méat auditif externe survenu 15 ans après une irradiation pour une
tumeur hypophysaire (dose reçue de l'ordre de 20 Gy à ce niveau) (cliché du Pr Legent).
Figure 9 :
Figure 11 :
Carcinome épidermoïde révélé par une obstruction de la totalité du méat auditif externe. Une
paralysie faciale lui était associée.
Figure 12 :
Imagerie par résonance magnétique du même malade que la Figure 11 montrant une extension
tumorale massive à la totalité du rocher et à la méninge de sorte que seule une chimio-radio-
thérapie palliative pouvait être proposée (A, B).
Figure 13 :
Résection d'un carcinome du méat auditif externe réalisant une pétrectomie externe, intéressant
la peau et l'os adjacent (d'après [32]).
Figure 14 :
Pièce opératoire d'un carcinome du méat auditif externe opéré avec résection des parois osseuses
et cartilagineuses. Une recoupe profonde a été faite ensuite (A, B).
Figure 15 :
Aspect postopératoire d'une pétrectomie partielle ; le nerf facial a été préservé. Les deux fenêtres
ronde et ovale apparaissent au fond de la cavité (d'après [32]).
Figure 16 :
Pétrectomie subtotale. Résection de tout le rocher jusqu'au fond du méat auditif interne.
Préservation du sinus latéral et de la carotide interne avec résection de la méninge. Greffe du nerf
facial.
Figure 17 :
Mélanome du pavillon nécessitant une amputation totale du pavillon et une pétrectomie partielle
du fait de l'envahissement du méat auditif externe.
Figure 18 :
Vaste carcinome épidermoïde du pavillon, patient ayant subi une amputation du pavillon, une
pétrectomie partielle et une parotidectomie avec préservation du nerf facial (A, B).
Figure 19 :
Comblement de la cavité d'une pétrectomie externe par un lambeau myopectoral pédiculé avec
une zone de nécrose limitée à la partie supérieure du lambeau survenue à la suite d'une
radiothérapie complémentaire (A, B).
Figure 20 :
Vaste carcinome du pavillon envahissant le rocher. Résection cutanée élargie avec pétrectomie
partielle et résection méningée, puis réparation par un lambeau de grand dorsal pédiculé (cliché
du Dr O. Malard).