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INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
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Mémento de l’agronome
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Sommaire
6. L’ÉLEVAGE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1237
6.1 Le diagnostic des systèmes d’élevage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1239
6.2 Le diagnostic des systèmes d’alimentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1267
6.3 Les produits animaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1301
6.4 L’élevage et l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1313
6.5 La gestion des animaux et des troupeaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1325
6.6 La santé animale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1355
ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1647
1. Formulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1649
2. Adresses utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1661
3. Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1665
4. Sommaire des cédéroms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1683
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Introduction
L’ORGANISATION DE L’INFORMATION DANS LE MÉMENTO
L’accès à l’information technique s’est amélioré ces dernières années. Il demeure
néanmoins problématique pour les professionnels de terrain, et surtout pour ceux qui
travaillent loin des centres urbains. Leur métier a également profondément évolué.
La conception de cette nouvelle version du Mémento de l’agronome a tenu compte de ces
deux constats. Cette édition 2002 remplace la précédente mise à jour (1991) de l’ou-
vrage, conçu à l’origine à la fin des années soixante.
La révolution informatique a bouleversé les supports de l’information. La plupart des
équipes techniques sont désormais équipées de micro-ordinateurs qui leur permettent
d’accéder à l’information sur support informatique. Mais il leur est souvent difficile de
se connecter sur Internet et de télécharger des volumes importants d’information
depuis des centres ruraux reculés. La nouvelle version du Mémento de l’agronome est
donc conçue sur des support complémentaires, un livre et deux cédéroms.
● Un nouveau contenu
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Mémento de l’agronome
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Introduction
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Mémento de l’agronome
● Agriculture générale
Cette quatrième partie rappelle les grands éléments de caractérisation du sol, du cli-
mat et du peuplement végétal. Elle est surtout consacrée à l’amélioration des systèmes
de culture, à travers le raisonnement de l’itinéraire technique : préparation du sol, fer-
tilisation organique et minérale, contrôle des mauvaises herbes, des ravageurs et des
parasites…
● Agriculture spéciale
La cinquième partie présente les caractéristiques des principales plantes cultivées sous
les tropiques, y compris les espèces fourragères.
● Elevage
La sixième partie, ainsi que la suivante, approfondissent l’amélioration des produc-
tions animales, selon un schéma similaire à celui retenu pour les productions végé-
tales. Les éléments génériques de raisonnement de l’amélioration des systèmes d’éle-
vage (amélioration de l’alimentation, de la génétique, de la santé…) constituent cette
sixième partie.
● Zootechnie spéciale
La septième partie traite des spécificités des principaux groupes d’animaux élevés, y
compris certaines espèces mal connues : aulacode, achatine…
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Introduction
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Mémento de l’agronome
● La mondialisation
L’accélération de la circulation des informations, des capitaux et des biens, et la géné-
ralisation à l’échelle de la planète des règles du libre-échange ont engendré ce que l’on
nomme désormais la mondialisation. Les uns s’en félicitent car elle facilite la production
de plus de richesse. Les autres la condamnent car elle aggrave les inégalités et la domi-
nation d’un modèle culturel unique. Mais chacun s’accorde à dire qu’on ne peut plus
l’ignorer. Entre autres, elle interdit désormais de penser les questions du développe-
ment, même au niveau local, sans se référer aux contextes macroéconomiques et poli-
tiques qui les déterminent.
L’accès à l’information via les moyens modernes de communication est une des
grandes révolutions des dernières années du XXe siècle. Il va puissamment contribuer
à la diffusion des connaissances et des savoirs, et, espère-t-on, à l’avènement de la
démocratie. Il est plus que jamais un enjeu majeur en matière de développement.
Paradoxalement, l’accès d’un plus grand nombre à un service essentiel peut aussi être
la source d’exclusions. La maîtrise de ces nouveaux outils est par ailleurs devenue un
élément incontournable du métier de l’agronome.
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Introduction
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Mémento de l’agronome
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Introduction
L’évolution des règles du commerce international apparaît comme un enjeu tout aussi
important que les efforts qui visent à améliorer le niveau et l’efficacité des systèmes
d’aide au développement rural des pays du Sud.
● De nouveaux protagonistes
Le développement agricole était surtout, il y a vingt-cinq ans, l’affaire de l’Etat. Ses
services ou ses sociétés publiques intervenaient directement auprès des paysans. Ils
leur apportaient tout ce dont ils étaient supposés avoir besoin : infrastructures, tech-
niques, intrants, logistique, crédits, clients, modèle d’organisation. Leur mode d’action
privilégiait les projets de grande dimension.
Aujourd’hui, de multiples acteurs sont à l’œuvre. Les organisations paysannes se sont
développées selon une grande diversité de modèles, de dimensions, et de fonctions.
Les mieux organisées d’entre elles sont à même de gérer des services destinés à leurs
membres. Elles sont capables de négocier la maîtrise d’ouvrage de programmes de
développement avec des partenaires institutionnels – l’Etat ou les bailleurs de fonds –
ou d’en piloter la mise en œuvre en faisant appel à des prestataires privés. Ces
derniers se sont multipliés, sur le modèle associatif (les ONG d’appui), ou sur celui de
l’entreprise de service.
Selon les contextes, certaines de ces organisations paysannes se sont focalisées sur des
objectifs liés à la production agricole de leurs adhérents et à son environnement
d’amont et d’aval. Elles se sont parfois spécialisées sur une filière agricole spécifique.
On parle alors plutôt d’organisations de producteurs. D’autres prennent en compte
l’ensemble des préoccupations des ruraux du territoire sur lequel elles interviennent.
Ces organisations territoriales se mobilisent plutôt sur les infrastructures, les équipe-
ments sociaux, l’organisation des services aux populations, l’aménagement et la ges-
tion de l’espace. Elles partagent ces domaines d’intervention avec les collectivités ter-
ritoriales, dont la montée en puissance est également un fait marquant de ces toutes
dernières années, plus particulièrement en Afrique de l’Ouest.
A coté de ces organisations de producteurs et de ces organisations territoriales, le
panorama des intervenants du développement agricole et rural de nombreux pays est
marqué par le développement des ONG. Ces organisations non gouvernementales
sont, elles aussi, d’une grande diversité. On désigne sous ce vocable à la fois de vastes
mouvements de citoyens mobilisés autour d’une cause qui leur tient à cœur, des orga-
nisations de personnes regroupées pour défendre des intérêts communs ou ceux de
groupes sociaux particuliers, et des petites équipes de cadres organisées sur un mode
associatif pour, à la fois, concrétiser leurs engagements militants et valoriser leurs
compétences professionnelles.
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Mémento de l’agronome
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Introduction
Ces méthodes proposent aujourd’hui des démarches et des gammes d’outils variés.
Mais toutes insistent sur l’importance des phases de diagnostic qui doivent impérati-
vement précéder les actions. Chaque discipline a ainsi développé ses propres outils de
diagnostic «participatif».
● La concertation et la coordination
La priorité donnée aux logiques d’acteurs et aux démarches ascendantes impose d’in-
venter de nouvelles formes de concertation pour assurer la mise en cohérence des
actions. L’organisation hiérarchique des services de l’Etat et des bailleurs de fonds, qui
peinaient déjà pour assurer cette fonction, n’est plus adaptée dans le contexte actuel.
On lui cherche désormais des alternatives en tentant de construire cette cohérence au
sein d’institutions de concertation, supposées représenter l’ensemble des acteurs
concernés par un territoire ou par un domaine d’intervention. L’Etat est censé y exer-
cer ses prérogatives politiques sans empiéter sur l’autonomie des autres acteurs. On
espère, dans les pays où d’importantes réformes de décentralisation sont à l’œuvre,
que les collectivités territoriales y joueront un rôle majeur dans les dispositifs concer-
tés sur un territoire donné.
Mais les conditions de ce passage du développement «administré» au développement
local ou au développement concerté ne sont pas toujours réunies. Elles nécessitent un
climat politique relativement serein, des services publics suffisamment fonctionnels et
des organisations représentatives déjà puissantes et clairvoyantes. Sur ce dernier
point, les opérateurs de projets rechignent parfois à favoriser l’émergence et la pro-
gression d’organisations locales de grande dimension, susceptibles de contester un
jour leur pouvoir.
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Mémento de l’agronome
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Introduction
> au-delà de cette approche plus globale d’une innovation particulière, d’autres
réflexions portent sur les facteurs favorables au progrès technique en milieu pay-
san. Elles amènent certains projets ou institutions à travailler très en amont de la
production, sur les questions d’éducation, de formation, de circulation de l’infor-
mation, de valorisation culturelle des savoir-faire techniques ;
> enfin, depuis longtemps, la plupart des projets de développement agricole tentent
d’organiser des relais entre leurs techniciens et les paysans. De multiples solutions
ont été expérimentées : relais collectifs ou individuels, «paysans-relais» ou «pay-
sans-innovateurs». Il n’existe pas de solution universelle. Au demeurant, la qualité
et la pérennité de ces relais posent souvent la question de la rémunération de leurs
services.
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Mémento de l’agronome
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Introduction
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Mémento de l’agronome
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1 LES DIAGNOSTICS :
COMPRENDRE
POUR AGIR
1.1 Les diagnostics : outils
pour le développement
1.2 Le diagnostic local
des activités paysannes
1 1 Les diagnostics, outils
pour le développement
À partir des contributions de P. Lavigne-Delville (G RET)
et B. Wybrecht (G RET)
1 Un système agraire est un mode d’exploitation du milieu, historiquement constitué et durable, un système de forces de
production adapté aux conditions bioclimatiques d’un espace donné et répondant aux conditions et besoins sociaux du
moment. Analyser et concevoir en termes de système agraire l’agriculture pratiquée en un lieu donné et à un moment
donné consiste à la décomposer en deux sous-systèmes principaux : «l’écosystème cultivé» et «le système social produc-
tif», les deux sous-systèmes devant être étudiés sur le plan de l’organisation, du fonctionnement ainsi que de leurs inter-
relations (MAZOYER et ROUDART, 1997, Pourquoi une théorie des systèmes agraires ?, in Cahiers Agricultures 1997; 6: 591-5).
2 Système de production : le système de production d’une exploitation se définit par la combinaison (la nature et les pro-
portions) de ses activités productives et de ses moyens de production (MAZOYER et ROUDART, 1997, op.cité).
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
Un diagnostic peut être conduit à des degrés de précision divers et il n’est pas besoin
de tout savoir d’un système agraire pour identifier des axes de travail pertinents. Dans
chaque situation, il faut arbitrer sur le degré de finesse du diagnostic et sur les thèmes
à approfondir en fonction des interventions possibles, des connaissances déjà dispo-
nibles et des contraintes de durée et de moyens.
Il convient donc dans chaque situation particulière de trouver le «degré optimal
d’ignorance», qui évite de s’enliser dans l’analyse préalable sans pour autant agir en
aveugle. Cette «ignorance optimale» est délicate à définir : elle relève en partie de
l’expertise propre du technicien et surtout elle ne se vérifie qu’a posteriori, selon que le
déroulement de l’action valide ou remet en cause l’analyse réalisée. Un diagnostic ini-
tial n’est donc pas nécessairement long : un cadrage peut suffire, s’il se fonde sur des
indicateurs pertinents, et si le déroulement de l’action permet de tester les hypothèses
que l’on en tire et d’affiner progressivement le diagnostic.
● Approfondir l’analyse
Le diagnostic initial fournit une première vision de la réalité sur laquelle on intervient.
En développement agricole, le diagnostic des activités agricoles à l’échelle locale rem-
plit en général bien cette fonction.
Mais il faut souvent compléter ces éléments généraux qui permettent de bien cadrer
l’intervention par des éléments plus précis, liés aux domaines d’intervention : un orga-
nisme projetant de diffuser des plants d’arbres a tout intérêt à approfondir l’analyse
de la gestion locale du foncier, alors qu’un opérateur de crédit va développer l’analyse
des activités rémunératrices sous plusieurs angles : rentabilité des activités, risques,
modes de financement.
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
Ni les paysans ni les techniciens n’ont le monopole de la vérité. Les analyses et les
conclusions des uns et des autres doivent être discutées ensemble et surtout vérifiées
empiriquement. La confrontation des points de vue autour d’objets communs permet
d’élaborer une vision commune de la situation actuelle et des perspectives. C’est à ce
prix que le diagnostic devient un véritable outil au service du développement.
Un des enjeux essentiels du diagnostic repose donc dans sa restitution et sa mise en
débat, entre les différents acteurs concernés. C’est une étape importante, qui
demande préparation : qui inviter, sous quelle forme restituer informations et ana-
lyses, comment éviter que des rapports de force trop inégaux entre catégories d’ac-
teurs, mais aussi à l’intérieur de chaque catégorie, ne biaisent le débat ?
Le diagnostic est l’occasion de confronter les savoirs et les analyses pour créer une
représentation partagée de la réalité. Il demande au technicien :
> de savoir écouter et dialoguer, pour être capable de comprendre la situation concrète
des paysans et leurs points de vue ;
> de savoir analyser, pour se forger sa propre représentation de la situation ;
> de savoir synthétiser et dialoguer, pour restituer et mettre en débat ces analyses, et arri-
ver à élaborer une construction commune.
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
La question de la langue
Comment prétendre dialoguer avec les ruraux si l’on ne parle ni la même langue, ni le même langage ?
Dans de nombreux pays, la langue technique (français ou anglais) n’est pas la langue principale du
pays, et n’est pas non plus la langue maternelle des ruraux. Sans un minimum de langage commun, on
risque de nombreux dialogues de sourds. C’est aux techniciens de faire l’effort de communication. Ne
pas se doter de capacités de traduction, oblige les paysans à s’exprimer dans une langue qu’ils ne
maîtrisent pas et les met dans une situation qui les empêche de restituer leurs connaissances et leurs
points de vue.
Au delà de la langue (passer du bambara au français) se pose la question des concepts et des caté-
gories de pensée. Les langues locales sont plus ou moins riches en concepts, et décrivent plus ou
moins finement telle ou telle réalité. Recueillir les termes locaux par lesquels les paysans décrivent
leurs réalités et s’interroger sur leur signification, permet d’avoir accès à leurs catégories de pensée.
Utiliser ces termes dans les entretiens et les enquêtes facilite la compréhension mutuelle et évite
des contresens massifs. Cela témoigne aussi d’un intérêt pour les réalités vécues et perçues par les
paysans.
Le recours parfois nécessaire à des traducteurs demande d’avoir au préalable travaillé avec eux
sur les thèmes de discussion et sur la façon de traduire les termes du langage technique en langage
paysan, et inversement.
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
Le diagnostic local Il permet à l’échelle d’un ou de quelques villages d’identifier les unités de 12
des activités agricoles paysage et leurs modes de mise en valeur, les principaux traits de la gestion
des moyens de production et la diversité des exploitations agricoles. Il combine
observations, enquêtes et exploitation des sources disponibles. Il permet
d’établir des hypothèses sur les principaux liens entre variables observées et,
par une analyse de l’histoire récente, de situer les observations actuelles dans
une dynamique d’évolution.
Le diagnostic technique Le diagnostic agronomique: mise en évidence des facteurs limitant la production 12
des systèmes de culture végétaleà partir d’enquêtes et de suivis de parcelles cultivées par les agriculteurs ;
et d’élevage: diagnostic il débouche très fréquemment sur de l’expérimentation.
agronomique et diagnostic Le diagnostic zootechnique: mise en évidence des facteurs limitant la production 61 et 62
zootechnique limitant la production animale à partir d’enquêtes et de suivis de troupeaux conduits
par leséleveurs ; il débouche fréquemment sur de l’expérimentation.
L’analyse du fonctionnement Elle a pour objectif la compréhension de la gestion des surfaces cultivées et non 31
technique de l’exploitation cultivées, de la gestion des troupeaux, de la gestion de la force de travail
(calendrier,...), de la gestion de la fertilité à l’échelle de l’exploitation; elle associe
travail d’enquête, travail d’observation et éventuellement des suivis; elle peut
déboucher sur du conseil aux exploitants et est un préalable nécessaire au calcul
des performances économiques de l’exploitation.
L’analyse du fonctionnement Elle permet, à partir d’un travail d’enquête et éventuellement de suivi, de 31
économique de l’exploitation comparer les performances économiques de différentes exploitations et d’analyser
leur calendrier de trésorerie; elle peut déboucher sur la mise au point de solutions
adaptées en matière de crédit et du conseil de gestion.
L’analyse de la diversité A partir d’observations et d’enquêtes, l’analyse de la diversité des exploitations 31
des exploitations agricoles débouche sur la constructions de typologies permettant d’adapter des propositions
techniques et organisationnelles à la diversité des situations et des intérêts des
agriculteurs.
L’analyse du fonctionnement L’analyse physique d’un réseau d’irrigation permet à partir d’observations et de 235
d’un périmètre irrigué mesures et d’enquêtes de comprendre le fonctionnement technique d’un réseau,
préalable nécessaire à toute transformation.
L’analyse des règles et structures sociales de gestion de la ressource, basée sur
des enquêtes, a pour objectif la mise en évidence des mécanismes de décisions
relatifs au partage de la ressource et à la gestion des infrastructures liées à
l’irrigation; elle est indispensable pour un dialogue constructif avec les sociétés
locales autour de la modification de ces règles.
L’analyse des systèmes A partir d’un travail d’enquêtes et d’observations, ce type de diagnostic a pour 231
fonciers et de la gestion objectif de comprendre les règles de gestion du foncier et des autres ressources
des ressources naturelles naturelles en usage à une échelle locale; il permet d’analyser des blocages ou des
freins à la diffusion de certaines innovations techniques et de comprendre
comment s’articulent localement droit «traditionnel» et droit «moderne».
L’analyse des filières A partir d’un travail d’enquêtes et d’observations, ce diagnostic permet d’émettre 222
d’approvisionnement des propositions d’ordre technique ou organisationnelle permettant aux
et de commercialisation agriculteurs d’augmenter la part de la valeur ajoutée finale qui leur revient,
d’accéder à de nouveaux marchés et de diminuer leur dépendance en termes
d’approvisionnement et de commercialisation.
Le diagnostic concerté Il permet de faire le point avec les responsables d’une organisation sur ses 221
d’un organisation paysanne activités, son fonctionnement et ses projets, pour définir des axes et des modes
ou rurale de collaboration fructueux.
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
● Enquêter
Préparer une enquête, c’est préciser son questionnement, les hypothèses à vérifier et
les données à recueillir, et définir la ou les façons de recueillir ces informations.
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
3 Surinterprétation : situation résultant du fait que l’analyse ne s’appuie pas de façon rigoureuse sur des données elles-
mêmes rigoureuses : on leur fait dire des choses qu’elles ne peuvent pas dire, en projetant des présupposés, et on fausse
donc les analyses proposées.
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
Lors d’un entretien collectif, il est important de ne pas faire qu’une interprétation
au premier degré. Il faut donc analyser qui est présent lors de l’entretien et qui dans
le groupe a pris la parole et se demander si les réponses obtenues auraient été les
mêmes avec des sous-groupes ou des individus. La valorisation correcte d’un entre-
tien collectif demande une réflexion préalable à l’entretien, une vigilance très forte au
moment de l’entretien et un important travail d’analyse a posteriori.
Pour d’autres sujets, comme les calendriers culturaux ou les techniques de culture et
d’élevage, les entretiens collectifs sont possibles dans un premier temps pour se
construire une image générale, mais ils masquent la diversité des pratiques et abou-
tissent à des résultats imprécis, voire douteux. Il est souvent plus fructueux de partir
de la pratique de quelques agriculteurs sur leur exploitation et de voir par la suite
dans quelle mesure ces pratiques sont générales.
Les informations techniques très précises ne peuvent être obtenues que par enquête
individuelle parce que leur variabilité est forte et qu’elles n’ont de sens que si on les
met en rapport avec un contexte précis. Les questions à dimension sociale forte,
comme le foncier, doivent aussi faire l’objet d’entretiens individuels parce que les pra-
tiques effectives sont souvent loin des normes ou que certains rapports de domination
seront voilés dans les entretiens collectifs.
● Conduire un entretien
La conduite d’entretien demande des savoir-faire, qui sont ceux de l’enquête qualita-
tive en sciences sociales (même si le sujet de l’entretien est technique). S’il n’existe pas
de «recette» pour optimiser le résultat d’un entretien, il est néanmoins possible de
rappeler quelques règles importantes.
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
4 L’échelle est le rapport entre la taille d’un objet tel qu’il apparaît sur la photographie et sa dimension réelle au sol. Les
échelles du 1/20 000ème (1 cm = 200 m) au 1/50 000ème (1 cm = 500 m) sont fréquentes. Une photographie à grande
échelle (1/10 000ème par exemple) donne beaucoup de détails sur une surface relativement faible (de l’ordre de 500 ha =
5 km 2 pour un cliché de 22,5 cm x 22,5 cm) et une photographie à petite échelle (1/100 000ème par exemple) couvre une
grande surface (50 000 ha = 500 km2 pour la même taille de cliché) avec beaucoup moins de détails.
5. Vision en relief permise par l’utilisation simultanée de deux photographies à l’aide d’un stéréoscope.
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
● Les cartes
Si les photographies aériennes sont autant des sources d’information que des supports
de représentation pour la création de nouvelles cartes, les cartes sont d’abord des
sources précieuses d’information préexistante.
● Les cartes topographiques
Elles constituent une source fondamentale d’informations sur un territoire donné. Y
figurent notamment les voies de communication, les bâtiments, le relief, le réseau
hydrographique, les noms de lieux, les obstacles à la progression au sol tels que maré-
cages et escarpements ainsi que des éléments remarquables du paysage : sommets,
arbres isolés, tombeaux et monuments religieux, plantations, etc. Elles peuvent consti-
tuer un fond intéressant pour créer de nouvelles cartes.
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
Elles ne sont pas exemptes d’erreurs : toponymes mal placés ou déformés, des bosses
figurées à la place de trous, etc. Entre le terrain et la carte, c’est toujours le terrain qui
a raison…
● Les cartes géologiques
Etablies en général à des échelles variant du 1/25 000 au 1/100 000, les cartes géolo-
giques sont des outils assez fréquemment disponibles. Plus le substrat est varié et plus
la couverture d’altération de ce substrat (le sol) est mince, plus la carte géologique est
un instrument de travail important pour l’agronome. En effet, dans ces situations, la
géologie détermine en grande partie les unités du milieu biophysique et leurs poten-
tialités agroécologiques.
Comme pour les cartes topographiques, plus l’échelle de la carte est grande, plus la
précision des informations sera importante. Il est illusoire d’espérer repérer toutes les
variations du matériau géologique sur une carte au 1/1 000 000.
Même sur les cartes au 1/50 000, toutes les variations de faciès des roches ne peuvent
être représentées, même si elles sont responsables de certains aspects du paysage. Par
exemple, toutes les alternances de couches dures et de couches tendres à l’intérieur
d’un calcaire ne peuvent être figurées. De même, il n’est pas possible de représenter
séparément les parties à gros cristaux (plus altérables) et les parties à petits cristaux
(plus dures) d’une même intrusion granitique.
Un figuré homogène sur une carte géologique ne signifie donc pas qu’il n’existe pas
de différence de nature géologique pouvant expliquer des différences de modelé ou
de mode de mise en valeur.
● Les autres cartes
Les cartes pédologiques sont peu fréquentes ou souvent été réalisées à de petites
échelles (1/250 000 par exemple). À ces échelles, il n’est pas possible de représenter
séparément chaque type de sol.
Certains pédologues ont choisi de ne représenter que le type de sol dominant dans
chaque unité de surface élémentaire cartographiable et donc finalement de cartogra-
phier des unités caractérisées par la dominance d’un type de sol. L’utilisation de telles
cartes demande une extrême prudence.
D’autres ont choisi de représenter des toposéquences avec, pour chacune d’entre elles,
l’illustration de la variation des sols de l’amont vers l’aval. Ces cartes sont très intéres-
santes : elles fournissent pour chaque type de toposéquence un modèle d’organisation
spatiale des sols qu’il faudra ensuite tenter d’appliquer sur le terrain, en recherchant
dans chaque unité représentée les limites d’occupation de chaque type de sol. Ce type
de carte qui met en évidence les relations entre unités de relief et types de sol peut
être appelé carte morphopédologique.
Les autres cartescorrespondent souvent à des travaux effectués dans un objectif bien
précis. Elles sont en général issues du croisement de cartes représentant des caracté-
ristiques biophysiques et pondérant chaque caractéristique : pente, type de sol, etc.
Ces cartes sont souvent un peu passées de mode et on les consultera avec prudence :
leur objectif de réalisation ne correspond souvent plus à une problématique actuelle
et les données utilisées pour pondérer les différentes caractéristiques du milieu bio-
physique peuvent devenir obsolètes lorsque de nouvelles espèces sont cultivées ou éle-
vées ou si de nouvelles techniques sont disponibles.
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
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Les diagnostics, outils pour le développement 1 1
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1 Les diagnostics : comprendre pour agir
Mais ce type de résultat ne permet pas encore de construire des propositions d’action.
Il faut en effet franchir encore deux étapes pour parvenir à un produit opérationnel
en terme de développement.
La première étape consiste à formuler des jugements par rapport aux conclusions de
l’analyse de la situation actuelle : qu’est-ce qu’on accepte dans la situation actuelle,
qu’est-ce qu’on souhaite voir changer, et dans quel sens ? Ce jugement est bien sûr
subjectif : il dépend du point de vue de celui qui l’émet. Le jugement de l’expert inter-
national est tout aussi subjectif que celui du paysan. C’est le produit de cette première
étape qui constitue le diagnostic. Pour qu’il y ait «diagnostic partagé», il faut donc
qu’un débat commun autour des résultats de l’analyse de la situation actuelle
débouche sur un avis commun sur ce qu’il faut modifier ou non.
La seconde étape consiste, dans les domaines où on souhaite modifier la situation
actuelle, à identifier des actions permettant de la corriger dans le sens voulu. Il y a
souvent plusieurs façons de parvenir à un résultat donné. Un projet ne peut vérita-
blement être qualifié de participatif si les principaux intéressés n’ont pas été associés
au choix des options finalement retenues.
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1 2 Le diagnostic local
des activités paysannes
À partir des contributions de P. Lavigne-Delville (GRET)
et B. Wybrecht (GRET)
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1
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Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
● Du général au particulier
Il est essentiel pour comprendre de manière globale le fonctionnement d’une agri-
culture dans une petite région de ne pas se focaliser dès le départ sur des observations
de détail. Il faut au contraire essayer de partir d’une compréhension de l’organisation
générale des paysages. La bonne échelle de travail pour cette première phase dépend
de l’échelle d’organisation des paysages :
> dans les régions de relief accidenté, on peut trouver une diversité importante d’unités
de paysage sur une surface réduite (quelques kilomètres carrés). L’organisation du
paysage peut donc être analysée à partir de l’étude d’un territoire de taille modeste.
> dans les zones aplanies, correspondant souvent à des socles anciens, les paysages s’or-
ganisent sur des espaces plus grands et la découverte des différentes unités de pay-
sage et de leurs relations peut nécessiter une étude rapide d’une zone relativement
vaste (plusieurs dizaines de kilomètres carrés).
Aller du général au particulier permet de comprendre l’organisation d’objets com-
plexes en les décomposant en objets plus simples.
● Le milieu physique
La compréhension de l’organisation et de l’occupation d’un paysage passe dans un
premier temps par l’analyse des relations entre le substrat géologique, les formes du
relief et les types de sols rencontrés. La géomorphologie et la morphopédologie sont
les disciplines scientifiques qui étudient ces relations :
> la morphopédologie permet de faire le lien entre les formes du relief et les types de
sols rencontrés. Elle est particulièrement opérationnelle lorsque le substrat géolo-
gique est peu variable, comme dans le cas des paysages sur socle ancien d’Afrique
de l’Ouest ;
> la géomorphologie établit les correspondances entre les caractéristiques des maté-
riaux géologiques présents (les types de roches) et les formes du relief. Elle est très
opérationnelle lorsque le substrat géologique est très variable et la couverture pédo-
logique peu développée en épaisseur, comme dans le cas des reliefs insulaires. Le
paysage peut être découpé en grandes unités correspondant à des matériaux diffé-
rents puis chaque unité est subdivisée en sous-unités correspondant à des unités de
relief différentes.
La lecture du paysage passe donc dans une première étape par une reconnaissance
des principaux éléments du relief et des unités topographiques qui les composent :
replats, pentes, terrasses, fonds...
Cette première identification peut se faire à partir de quelques points d’observation.
En complément de l’identification des principaux éléments, on s’intéresse à la manière
dont les différents éléments se raccordent entre eux et à l’hétérogénéité à l’intérieur
d’une catégorie : deux formes différentes de montagnes correspondent souvent à
deux roches différentes. A cette étape, la nature des activités humaines n’est pas étu-
diée de manière approfondie, mais considérée comme un indicateur potentiel
d’hétérogénéité : on vérifie par des observations de proximité si deux activités diffé-
rentes correspondent ou non à des unités de milieu différentes.
47
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
48
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
49
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
La curiosité doit guider les observations qui permettront petit à petit de construire
une représentation des modes d’exploitation du territoire étudié.
DU VISIBLE À L’INVISIBLE
● Situer les observations dans des calendriers
Une observation se réalise toujours à une période donnée du calendrier, une année
donnée. Le même paysage observé à des saisons différentes n’apporte pas les mêmes
informations. Toute observation pose donc la question du caractère éphémère ou non
de la réalité observée. On est ainsi amené à s’interroger sur :
> les variations saisonnières du paysage : quelles cultures apparaissent ou disparais-
sent suivant les saisons ? Y a-t-il des périodes de l’année où les terrains de culture
ne sont pas cultivés et dans ce cas que font les agriculteurs sur ces parcelles ? Les
animaux sont-ils plus ou moins présents dans le paysage aux autres périodes de
l’année ?
50
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
> l’évolution au fil des ans des modes d’exploitation du milieu : les différents modes
d’exploitation du milieu observés sont-ils anciens ou récents ? Quelles sont les par-
ties du paysage qui ont été les premières mises en valeur et quelles ont été les évo-
lutions ultérieures ? Quelles sont les évolutions récentes en termes d’espèces végé-
tales cultivées et d’espèces animales élevées ? Le milieu a-t-il évolué du fait des
activités humaines pratiquées et comment ?
Il s’agit donc de placer les informations liées à une observation ponctuelle dans le
temps cyclique des saisons et le temps linéaire de l’histoire locale.
51
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
LES ENTRETIENS
● Les informateurs privilégiés
Si le parcours des différentes unités est une occasion de rencontre et de discussion
avec des personnes intéressantes, ce type de rencontres n’est pas le fruit du hasard :
elle ne permet de rencontrer fréquemment que certaines catégories d’individus (gar-
diens d’animaux...) et ne permettra donc pas de recueillir toute l’information recher-
chée. Il arrive même fréquemment que ce genre d’entretiens «au coin du champ» soit
très décevant : la personne rencontrée est un ouvrier agricole venu pour quelques
semaines et ne connaît pas bien le milieu où il travaille.
Un principe élémentaire à respecter est de choisir des interlocuteurs variés. Deux
raisons expliquent cette nécessité. Tout d’abord, les informations nécessaires à la com-
préhension du fonctionnement de l’agriculture locale sont nombreuses et correspon-
dent à des domaines variés. Elles ne sont pas forcément disponibles chez un interlo-
cuteur unique.
Il est donc important de raisonner le choix de ses interlocuteurs en fonction des infor-
mations recherchées :
> les informations sur l’histoire agraire locale seront obtenues soit auprès de per-
sonnes âgées capables de décrire le mode de vie de la ou des générations précé-
dentes, soit auprès de personnes qui sont les dépositaires de la mémoire collective
familiale ou communautaire. Ces personnes ne sont pas forcément des agriculteurs
ou d’anciens agriculteurs. Certains peuvent ne plus habiter la région étudiée ;
52
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
> les informations sur les modes actuels de mise en valeur seront recherchées auprès
de la génération actuelle d’exploitants. Mais toute l’information n’est pas nécessai-
rement disponible auprès d’un interlocuteur unique : la gestion quotidienne d’une
activité peut relever d’un individu relativement jeune à même de fournir des infor-
mations techniques précises alors que les choix importants (choix des cultures, ges-
tion des achats et des ventes d’animaux dans un troupeau...) relèveront d’un autre
individu, le seul à pouvoir expliquer ses choix.
La deuxième raison qui pousse à diversifier ses interlocuteurs est plus fondamentale :
les informations recueillies par enquête ne sont pas un reflet conforme de la réalité
mais une interprétation et un discours sur la réalité. Si on ne veut pas resterprison-
nierdu discours d’un individu, il faut questionner sur le même sujet d’autres per-
sonnes susceptibles d’apporter des points de vue différents : le même espace peut être
perçu très différemment par des agriculteurs et par des éleveurs, que ce soit en termes
de limites, de découpage, de potentialités, d’appropriation, etc. C’est ce qu’on appelle
« la triangulation».
53
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
Il est important en effet de mettre en évidence les types de rapports sociaux qui ont
permis parfois de réaliser d’énormes investissements en travail. Ces rapports s’organi-
sent à différentes échelles :
> à l’échelle familiale, où la gestion du travail peut être réalisée dans un cadre de
famille restreinte ou de famille élargie, avec présence ou non de main-d’œuvre per-
manente complémentaire (dépendants, ancienne main d’œuvre servile...) ;
> à l’échelle du lignage, où certains travaux collectifs ont pu être réalisés sous l’autorité
d’un chef de lignage ou d’une assemblée de chefs de famille apparentés ;
> à une échelle suprafamiliale, où un pouvoir politique local, régional ou national a pu
décider et mettre en place les conditions d’une transformation du paysage mis en
valeur.
Comprendre la dynamique d’aménagement de l’espace nécessite donc de com-
prendre comment, à chaque période d’aménagement, ces différents niveaux de ges-
tion de la force de travail ont été organisés et comment ils étaient articulés les uns avec
les autres.
Une autre question importante à se poser est celle de la productivité des modes de
mise en valeur agricole passés : comment une société rurale locale a-t-elle pu produire
suffisamment pour investir dans des aménagements coûteux en travail ? Alors que les
analyses actuelles mettent souvent en évidence des situations très précaires, caractéri-
sées par une incapacité pour la plupart des exploitations à capitaliser sous quelque
forme que ce soit, cette question mérite d’être abordée si on veut proposer une nou-
velle phase d’aménagement.
Une enquête de durée limitée n’apporte souvent que des réponses partielles à toutes
ces questions. Elle ne peut faire apparaître que ce qui subsiste dans la mémoire locale.
Même en interrogeant des personnes âgées, il est souvent difficile de retrouver l’his-
toire d’aménagements vieux de plus d’un siècle. L’histoire plus ancienne est souvent
retracée de manière très approximative et rejoint, quand on remonte dans le temps,
l’«histoire officielle» des livres d’école.
L’histoire des structures sociales est parfois un sujet difficile à aborder lorsque des
structures anciennes de type «servage domestique» ont officiellement disparu mais
laissent des traces importantes dans la société actuelle (rapports sociaux et accès aux
facteurs de production). L’histoire est une science difficile à pratiquer, où les résultats
se construisent progressivement, et les agronomes prennent malheureusement trop
rarement le temps d’aller rechercher les informations là où elles se trouvent.
54
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
Dans un deuxième temps, chaque mode de mise en valeur doit être caractérisé :
> comment se combinent dans le temps les périodes de culture et de jachère dans
chaque unité de mise en valeur ?
> quelles sont les périodes d’utilisation fourragère des espaces non cultivés ? Quelles
sont les périodes d’utilisation fourragère des jachères ? Comment sont exploitées
ces ressources (pâturage, fauche...) et quelles sont les pratiques d’entretien de ces
espaces (feu, semis...) ?
> comment sont exploitées, entretenues et régénérées les ressources ligneuses ? Les
espaces sylvicoles sont-ils exploités également pour l’élevage ? Selon quelles moda-
lités ?
Un entretien collectif sur le terrain permet de «dégrossir le sujet» : identification des
successions et des calendriers culturaux. Les informations plus précises sur la conduite
des cultures seront recherchées par entretiens individuels autour des pratiques mises
en œuvre une année donnée sur une parcelle donnée.
Un troisième temps est consacré à l’histoire des modes de mise en valeur, en lien étroit
avec celle des aménagements : il est utile, pour se projeter dans l’avenir, de recons-
truire l’histoire récente du paysage :
> quelles ont été les premières parties du territoire qui ont été cultivées ? Quelle était
alors l’utilisation des autres espaces ? Quel était le paysage végétal d’alors ?
> comment a progressé la mise en culture de l’espace ? Certaines activités (élevage,
fabrication de charbon de bois...) ont-elles régressé avec le développement de l’es-
pace cultivé et si oui, pourquoi ?
> certaines espèces ou variétés cultivées ont-elles disparu ? Si oui, est-ce en relation
avec l’évolution du milieu cultivé ? D’autres cultures se sont-elles développées ? Est-
ce en remplacement de cultures qui ont disparu et si oui, lesquelles ? Les catégories
d’animaux élevées ont-elles changé ? Comment ont évolué les effectifs ?
> la pratique de la jachère dans les différentes unités de mise en valeur a-t-elle subi
des transformations ? Lesquelles ?
> le nombre de cultures pratiquées dans l’année a-t-il augmenté sur certaines unités
de mise en valeur ? Quelles modifications techniques cela a-t-il entraîné ?
Si, dans le cas de paysages très anciennement mis en valeur, il n’est parfois plus pos-
sible de trouver des éléments de réponse pour les deux premiers points évoqués, il est
extrêmement rare de ne pas trouver de modification à l’échelle d’une génération dans
les modes de mise en valeur du milieu.
55
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
Pour chaque unité de mise en valeur, on essaiera de répondre aux questions sui-
vantes :
> les droits de propriété ou d’usage sont-ils individuels ou collectifs ? S’ils sont col-
lectifs, à quel type de groupe correspondent-ils (famille, lignage, groupe de rési-
dence...) ? Quelles sont les ressources auxquelles ces droits donnent accès (usage du
sol, pâturage, cueillette des fruits, ramassage du bois...) ?
> y a-t-il des terrains où coexistent un propriétaire et un usager ? Quel type de
contrat (durée, droits et obligations des parties...) règle les relations entre proprié-
taire et usager ?
> y a-t-il des individus ou des familles qui n’ont pas accès à cette unité de milieu ou
qui n’y ont accès que moyennant la rétribution d’un «propriétaire» ?
Dans ce domaine, il est difficile de savoir a priori quelle sera la qualité des informations
recueillies au cours d’une enquête rapide, individuelle ou collective.
Dans le cas de situations foncières inégalitaires, on peut en effet soit se retrouver en
face d’interlocuteurs qui chercheront, au nom de la collectivité, à ne pas divulguer les
problèmes et à développer un discours égalitariste, soit être plongé directement au
cœur des problèmes, notamment lorsque les conflits autour de la maîtrise du foncier
ont déjà eu des occasions de s’exprimer publiquement.
Une méthode possible consiste à recouper les informations issues d’un entretien collec-
tif par des résultats d’enquêtes individuelles dans différentes catégories d’exploitations.
1 Il faut bien évidemment poser des questions sur les écartements et non sur les densités.
56
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
Ce travail nécessite, pour être riche en informations, d’être conduit à partir de plu-
sieurs parcelles observées par unité de mise en valeur et de recueillir des données pré-
cises correspondant à ces parcelles, en combinant l’observation et l’enquête. Celle-ci
utilise les unités de mesure locales et pose les questions de manière à ce que les agri-
culteurs puissent y répondre.
La multiplicité des centres de décision est une caractéristique fréquente des petites
exploitations familiales (cf. chapitre 31) : les surfaces cultivées peuvent être pour
partie gérées par un individu au nom de l’ensemble de la famille et pour partie gérées
individuellement par les individus. Le travail peut également se répartir entre :
> une participation à des travaux collectifs sur des parcelles de l’exploitation gérée
par le chef d’exploitation ;
> une participation à des travaux collectifs sur des parcelles d’autres exploitations ;
> un travail individuel géré par l’individu.
Dans ces situations complexes, il convient donc de bien identifier le gestionnaire des
différents moyens de production. En effet, une proposition de réaffectation des res-
sources de l’exploitation peut paraître favorable en considérant l’exploitation comme
un ensemble unitaire géré de manière centralisée et se révéler en fait défavorable aux
intérêts d’un ou plusieurs individus et parfois même à l’ensemble de l’exploitation,
dans le cadre d’une gestion basée sur une autonomie relative des différents membres
de l’exploitation.
2 Cf chapitre 31.
58
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
59
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
● Le diagramme paysager
Il permet de faire figurer sur le même schéma les trois dimensions et donc de donner
une image du paysage très ressemblante à la réalité. Il demande cependant une bonne
maîtrise du dessin en perspective et il est beaucoup plus difficile d’y respecter des
échelles précises que sur une coupe. Il est également difficile d’y faire figurer autant
de «couches d’information» car le diagramme devient très vite surchargé.
Coupes et diagrammes paysagers ne reflètent pas exactement et fidèlement un mor-
ceau du paysage. Ce sont des outils de représentation, forcément simplificateurs. Il est
parfois utile de réaliser des coupes et des schémas de synthèse où figurent les éléments
communs à plusieurs transects ou plusieurs blocs de paysage.
60
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
➤ Figure 5 : Exemple de bloc-diagramme : le piémont de Djuttitsa (1600 à 2000 m) en pays Bamiléké (Cameroun)
● Le zonage
Les principaux modes de mise en valeur de l’espace ainsi que d’autres variables spa-
tialisées peuvent être cartographiés. Si la représentation plane, sous forme de carte,
ne permet plus d’expliquer l’organisation verticale de l’exploitation du milieu comme
la coupe ou le bloc-diagramme, elle a par contre l’avantage de représenter la totalité
de l’espace et permet donc, à l’intérieur d’un espace donné, de raisonner les propor-
tions des différents modes d’occupation du milieu et leur évolution.
Les fonds de carte les plus simples à utiliser pour réaliser un zonage sont la carte topo-
graphique et les photographies aériennes. Le fond de carte topographique a l’avan-
tage d’être exact pour le calcul des surfaces et de pouvoir faire figurer les principales
courbes de niveaux, ce qui facilite la mise en relation des modes de mise en valeur avec
la topographie. Les photographies aériennes permettent de faire une première
esquisse de carte d’après photo qui sera ensuite corrigée après vérification sur le
terrain. Le travail peut se faire avec un calque ou un transparent. Toutefois les pho-
tographies aériennes de base sont «déformées» : l’échelle n’est pas la même au centre
et sur les bords de la photographie.
Les informations cartographiées peuvent être les principaux modes de mise en valeur
du milieu, des modes de tenure foncière, etc. Il est important d’établir une carte pour
chaque type d’information cartographiée. Un zonage synthétique peut éventuellement
être réalisé dans un deuxième temps en superposant les différents types d’information.
Il est possible de réaliser des cartes en utilisant l’informatique. Mais la numérisation3
d’un fond de carte prend du temps et cette technique est intéressante seulement si le
fond de carte est utilisé plusieurs fois : si plusieurs variables sont cartographiables
pour chaque unité de surface ou si, pour une variable, on dispose de plusieurs valeurs
correspondant à des périodes différentes.
61
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
62
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
4 Itinéraire technique : suite logique et ordonnée des opérations culturales appliquées à une parcelle en vue d’obtenir une
production végétale.
63
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
64
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
● Les calendriers
Même dans les régions où le climat varie peu à l’intérieur de l’année, les cycles
biologiques font de l’agriculture une activité saisonnière. Ce caractère saisonnier
concerne pratiquement l’ensemble des variables qui permettent de décrire le fonc-
tionnement une agriculture à l’échelle locale. Il est donc souvent pratique de repré-
senter cette variabilité intra-annuelle par des calendriers : calendriers cultural,
fourrager, calendriers de travail, de trésorerie, de consommation... Ces calendriers
sont présentés dans le chapitre 32 consacré au fonctionnement technico-économique
de l’exploitation.
65
1 Les diagnostics : comprendre pour agir
● Les bilans
Dans le cadre d’une étude générale des modes d’exploitation d’un milieu, la priorité
est accordée à l’information qualitative, à l’identification de difficultés rencontrées par
les agriculteurs et à l’étude des modes d’ajustement : comment dans la période de l’an-
née où les ressources alimentaires pour le bétail sont les plus faibles s’arrange-t-on
pour équilibrer les ressources fourragères et les besoins du troupeau : en diminuant
la taille du troupeau, en faisant maigrir les animaux, en constituant des stocks fourra-
gers, en exploitant des ressources non valorisées pendant les autres périodes, en
déplaçant les animaux… ?
Les bilans, même grossiers et qualitatifs, permettent de représenter ces ajustements.
En effet, un bilan est généralement équilibré d’une manière ou d’une autre, à court
ou à long terme, et ce qui est important est la manière dont les agriculteurs l’équili-
brent. Le qualitatif est donc dans un premier temps plus important que le quantitatif.
Tableau 2. Analyse simplifiée des transferts de fertilité et bilan de matière organique sur le plateau de Rochelois
(Haïti), d’après Paysans, systèmes et crises
● Les typologies
Bâtir une typologie, c’est décrire la diversité des situations en la représentant sous la
forme de catégories ou types, un individu observé ou enquêté pouvant être rattaché
en général à un type qui en présentera les principales caractéristiques. On peut être
conduit à réaliser une typologie d’individus, une typologie d’exploitations agricoles,
une typologie de situations foncières, une typologie d’activités économiques, etc.
La typologie simplifie la réalité en la réduisant à quelques principaux types à partir de
critères jugés pertinents par rapport au problème étudié. Chaque type peut être
décrit de manière détaillée à partir de ses éléments invariants et de ses éléments
variables.
66
Le diagnostic local des activités paysannes 1 2
Une typologie peut être réalisée avec des degrés de précision très divers. Ainsi, celle
d’exploitations agricoles dans une région donnée ne comportant que trois catégories
(«les gros», «les moyens», «les petits») fera certainement sourire les chercheurs. C’est
cependant un outil extrêmement utile pour faire réfléchir techniciens et agriculteurs
aux problèmes locaux du développement et apporter des informations originales sur
ce qui, localement, caractérise ces trois catégories. La précision souhaitable d’une
typologie est donc fonction de son utilisation ultérieure.
Bibliographie
MONDAIN MONVAL J.F., 1993, Diagnostic rapide pour le développement agricole, Collection LPS, G RET -
Ministère de la Coopération - ACCT Paris, 128 p.
GRET, FAMV, 1994, Manuel d’agronomie tropicale. Exemples appliqués à l’agriculture haïtienne, Paris,
GRET, 490 p.
67
2 INTERVENIR SUR
L’ENVIRONNEMENT
DES EXPLOITATIONS
2.1 Les interventions de
développement rural
2.2 L’appui aux organisations
rurales et les services
aux producteurs
2.3 La gestion des ressources
naturelles
2 1 Les interventions
de développement
rural
2.1.1 L’articulation des niveaux
d’intervention
2.1.2 La démarche projet
2 1 1 L'articulation des niveaux
d'intervention
À partir des contributions de C. Castellanet (GRET)
et O. Durand (Ministère des Affaires étrangères)
73
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Ces objectifs impliquent des politiques sectorielles aux finalités ciblées, qui s’attachent
notamment à renforcer la compétitivité des filières de production, à assurer la sécu-
rité sanitaire des produits alimentaires, ou à protéger les agriculteurs des nombreux
aléas auxquels ils sont confrontés : climat, fluctuation des prix, etc.
74
Les interventions de développement rural 2 1
75
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Prendre du recul
Quel que soit le type d’activité ou de programme considéré, il est important que ses
responsables ne se focalisent pas exclusivement sur des activités à mener et des infor-
mations à collecter à un niveau donné, mais se donnent le recul nécessaire pour situer
leur intervention dans un cadre plus général. Cela peut permettre d’adapter la stra-
tégie du programme à de nouvelles conditions d’environnement des exploitations
(par exemple nouvelle loi foncière ou nouveaux débouchés pour les produits agri-
coles). Il peut aussi arriver que de nouvelles pistes d’intervention soient détectées, et
méritent d’être développées progressivement, la stratégie initiale du programme per-
dant progressivement de sa pertinence.
76
Les interventions de développement rural 2 1
77
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Cela permet, d’une part, d’être informé des changements de politique qui pourront
affecter les agriculteurs et le projet à l’avenir, et, d’autre part, d’obtenir des informa-
tions sur les impacts des actions nationales envisagées dans la région de travail. Il est
évidemment souhaitable que les agriculteurs eux-mêmes puissent participer à ces
échanges, en particulier à travers leurs organisations professionnelles.
Amélioration Amélioration des systèmes de culture 421 à 424, 431 à 438 Chapitre 32 : le
des productions Introduction de nouvelles variétés 422 à 424, 431, partie 5 fonctionnement
végétales Amélioration du stockage et de la première 437 et partie 5 technique et
transformation des productions économique de
Amélioration Amélioration de l’alimentation des animaux 62, 65 et partie 7 l’exploitation
des productions Sélection génétique et gestion 65 et partie 7 agricole
animales Amélioration de la santé animale 67 et partie 7
Amélioration de la qualité et 63 et partie 7
conservation des produits animaux
Calcul de la rentabilité des différentes 31, 33 Parties 3, 5, 7
spéculations, comparaison de performances Section 41
entre exploitations, analyse des calendriers Chapitres 61 à 64 :
(travail, trésorerie,...) on doit intégrer les
Suivi et conseil sur le crédit 31, 223 informations de base
Conseil de gestion Appui à la gestion de la fertilité 31, 431, 432, 433 sur les systèmes de
(conseil technico- Appui au raisonnement des 31, 421, 423, 424 culture et d’élevage et
économique) assolement, rotations sur la transformation
Diversification des productions 31, 32, 33, 222, 63 des produits
(introduction de nouvelles productions 42, 431, 437
végétales ou animales) et diversification
des produits transformés
Appui à l’intégration agriculture/ élevage 31, 234, 422, 423
Appui à l’équipement et à la mécanisation 437, 438
Appui à la gestion de l’énergie 438
Appui à l’innovation paysanne 33, 224, 422
78
Les interventions de développement rural 2 1
Gestions des terroirs, Gestion de terroir 232 231: l’analyse des systèmes
aménagements agro- Aménagements anti- érosifs 233 fonciers et des modes de
sylvo- pastoraux Gestion des forêts et pâturages 234 gestion des ressources
communautaires naturelles
Construction Périmètres irrigués 235
d’aménagements Aménagements de bas-fonds 236
et d’infrastructures Infrastructures de transport 222 (filières)
collectives (routes) et marchés ruraux, 438 232 (gestion de terroirs)
électrification rurale 63 (produits animaux)
Formation Dispositifs de formation professionnelle 224
et information Centres de services techniques ; 224
des agriculteurs vulgarisation
Radios rurales, info sur les marchés… 224 222 (filières)
Appui aux Organisation de l’approvisionnement 221, 222 Liés entre eux et liés aux
organisations Organisation de la transformation 221, 22 aspects précédents : gestion
de producteurs et commercialisation des produits d’infrastructures collectives,
gestion des terroirs
Appui au secteur Travail sur les filières 222
privé et aux
interprofessions
79
2 1 2 La démarche projet
À partir d’une contribution de D. Neu (GRET)
● Qualités et limites
81
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Mais dès que la mécanique se complique, ils doivent être complétés par des outils plus
spécialisés, choisis en fonction des mécaniques sur lesquelles on travaille.
● Un instrument critiqué
Le projet désigne également le principal mode de contractualisation entre les acteurs
du développement et leurs partenaires financiers. Ces derniers ont d’importantes
contraintes de gestion, qui les ont longtemps conduits à privilégier des projets d’un
certain type. Leur durée était prévue en général sur trois ou quatre ans, éventuelle-
ment renouvelables ; leur plan d’action devait être précis ; leur budget détaillé était
contraignant ; ils privilégiaient les réalisations «visibles». Leur dimension importante
nécessitait des opérateurs capables de donner des garanties aux bailleurs et ravalait les
acteurs locaux au rôle de sous-traitant ou de bénéficiaire.
Ce type de projet a été très critiqué. Il était adapté à la réalisation d’infrastructures,
mais ne permettait pas d’accompagner la progression d’acteurs sociaux. Il ne corres-
pondait pas aux contextes où la réussite dépend moins de l’art de la prévision que de
la faculté de s’adapter à l’imprévu. Son pas de temps était trop court pour accompa-
gner des démarches de développement qui doivent se gérer sur des durées plus
longues. Leur planification rigide était trop contraignante pour des acteurs locaux qui
progressent à leur rythme, sur un mode itératif, en tirant au fur et à mesure les leçons
de leur expérience. On reprochait enfin à ce modèle de projet d’être presque le seul
outil de financement accessible aux opérateurs. Ceux-ci ne pouvaient donc survivre
que par une incessante chasse aux projets dont on identifiait de mieux en mieux les
effets pervers.
À une époque, on a employé le mot projet dans les milieux du développement pour
désigner et pour remettre en cause ce type de projet particulier.
82
Les interventions de développement rural 2 1
Les contrats d’objectifs ressemblent aux contrats cadres. Mais le bailleur s’engage immé-
diatement à financer les activités de son partenaire qui vont concourir à atteindre des
objectifs définis en commun. Il laisse à ce dernier la liberté et la responsabilité de choi-
sir et de mettre en œuvre les moyens nécessaires à ses actions. Les deux partenaires
s’accordent en général aussi sur des procédures de suivi et d’évaluation du contrat.
Les contrats cadres et les contrats d’objectifs associent des partenaires qui se connais-
sent depuis longtemps et se font confiance. Les bailleurs les réservent à des opérateurs
qu’ils jugent suffisamment fiables et performants. Pour travailler avec souplesse avec
des acteurs moins expérimentés, ils mettent en place des dispositifs constitués le plus
souvent de deux outils, un outil financier et un outil d’appui et de conseil. Ces dispo-
sitifs peuvent être utilisés pour de multiples objectifs. Bien conçus, ils permettent par
exemple d’accompagner des acteurs qui n’ont pas encore la capacité d’élaborer seuls
leurs projets ou qui progressent par succession de projets peu formalisés et de petite
dimension.
● Les acteurs
La démarche projet a suscité une abondante littérature. Tous les auteurs n’utilisent
pas le même vocabulaire pour désigner les différents acteurs impliqués dans un pro-
jet de développement et le rôle qu’ils y jouent.
Dans le cas d’infrastructures publiques ou collectives (un centre de santé, une école,
un bâtiment agricole collectif, etc.), le maître d’ouvrage n’assurera pas forcément lui-
même la gestion ou l’exploitation de l’infrastructure qu’il fait construire. Il peut la
confier à une autre personne morale, souvent désignée sous le nom «d’exploitant».
84
Les interventions de développement rural 2 1
85
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
La réussite d’un projet dépend aussi d’autres acteurs de son environnement, proche
ou lointain. Entrent dans cette catégorie les autres acteurs locaux intéressés par son
action, même s’ils ne l’accompagnent pas directement, les usagers des services qui vont
être créés ou équipés, voire les concurrents de ces services. Les administrations
publiques compétentes dans les domaines d’intervention du projet et les différentes
autorités locales présentes sur sa zone d’action font également partie de cet environ-
nement, ainsi que les acteurs économiques directement concernés par son activité. Le
noyau dur doit au minimum connaître ces acteurs pour anticiper leurs réactions. Il
doit toujours veiller à informer les plus concernés d’entre eux, souvent les consulter,
parfois les associer à ses choix.
● L’avant projet
Les idées à l’origine des projets naissent souvent en réaction à un changement graduel
ou subit dans l’environnement de leurs promoteurs. Les agriculteurs ont l’idée d’amé-
nager un bas-fond pour enrayer la dégradation de leur revenu, valoriser les débou-
chés offerts par une nouvelle route ou pour imiter ce qu’ils ont vu chez le voisin.
Le passage de la constatation du changement à l’idée de projet, puis de cette idée à la
décision de passer à l’action peut demander une longue période de maturation.
Une structure d’appui ne fait pas forcément gagner du temps à de futurs promoteurs
en les faisant aller à marche forcée vers un «projet clefs en main» qu’elle est capable
de leur proposer pour faire face à une situation qu’elle a elle-même identifiée. Les
promoteurs de projet ont intérêt à commencer par prendre le temps d’aller voir au-
delà de chez leurs voisins immédiats, d’entendre plusieurs sons de cloche et de discu-
ter avec des collègues avant de se lancer sur une idée. Les bailleurs ou les maîtres
d’ouvrages importants prennent eux le temps de définir ou d’ajuster les politiques ou
les orientations avant de les concrétiser par des programmes ou des projets. Ils ont
eux aussi leur phase de maturation.
Une longue phase de réflexion et d’exploration permet souvent d’aller plus vite aux
étapes ultérieures d’une opération. On dit parfois que l’art du projet consiste à perdre
du temps au départ pour en gagner à l’arrivée.
● L’élaboration
Dès que les promoteurs ont clairement formulé leurs objectifs ou leurs idées, leur pro-
jet peut commencer à prendre forme.
86
Les interventions de développement rural 2 1
Il démarre le plus souvent par une phase d’identification qui a pour objectif de repé-
rer les principales options techniques ou méthodologiques possibles, les principales
contraintes et des partenaires potentiels.
Ce premier repérage nécessite souvent une première alliance entre partenaires locaux
et partenaires «techniques», qui doivent faire connaissance. Les premiers ont besoin
de s’approprier des éléments de la culture technique des seconds. Ces derniers doi-
vent prendre connaissance de l’environnement du futur projet.
Leur collaboration se noue au cours d’études préalables, destinées à valider l’oppor-
tunité et à vérifier la faisabilité de l’idée initiale. Si les résultats de ces études sont posi-
tifs, elles sont suivies par un travail de conception plus détaillé. Ce travail nécessite
parfois de recourir à de nouvelles compétences. Il se conclut par la rédaction d’un
premier document projet. Si le montage financier du projet n’est pas avancé à ce
stade, ce premier document projet doit être rédigé en fonction des partenaires finan-
ciers qui vont être approchés.
Il existe autant de formes de documents que de types de projet et de montages pos-
sibles. Classiquement, pour les opérations importantes, ce document doit :
> présenter la finalité du projet, ses principaux objectifs et les grands principes
qui guideront sa conception puis sa mise en œuvre. On peut appeler cela la logique
d’intervention ;
> définir les méthodes et les solutions techniques qui vont être utilisées, préciser le
déroulement du projet, ses objectifs et ses étapes intermédiaires, éventuellement
son organisation en plusieurs volets, en plusieurs phases. La répartition entre réa-
lisations directes et sous-traitance ainsi que les grandes options en termes de parte-
nariat peuvent aussi faire partie de cette description de la stratégie d’intervention ;
> prévoir enfin les moyens que le projet va mobiliser, les actions qu’il va conduire, et
les résultats concrets auxquels il va aboutir, les calendriers à respecter. Le budget
du projet doit également faire partie de cette prévision opérationnelle.
● Le montage
Ce premier document doit être validé par ses promoteurs. Il sert ensuite de support
aux négociations qui vont aboutir à des définitions précises du rôle et des engage-
ments réciproques des principaux partenaires de l’opération. Cette phase de montage
s’accompagne souvent d’une modification du document initial. Elle se conclut par la
signature d’accords contractuels entre les partenaires.
Le document projet entériné lors du montage n’est pas toujours suffisamment détaillé
pour guider l’action. Le maître d’œuvre ou l’opérateur mandaté peut avoir besoin de
le compléter, d’en préciser certaines annexes techniques ou de détailler sa program-
mation avant de passer à l’action.
● La mise en œuvre
La mise en œuvre du projet peut ensuite commencer. Mais il est rare qu’elle se
déroule exactement comme prévu, quelle que soit la qualité de sa conception. Des
écarts apparaissent presque toujours entre les prévisions et les réalisations. Ces écarts
vont conduire à des réajustements qui seront d’autant plus faciles à gérer qu’ils seront
décelés assez tôt.
87
2
Les écarts importants peuvent obliger l’équipe qui conduit le projet à modifier sa stra-
tégie. Ils peuvent également amener à remettre en cause le montage et les accords
contractuels. La conduite d’un projet nécessite donc un dispositif de pilotage :
> des outils de suivi-évaluation, qui permettent d’identifier ces écarts ;
> des organes de coordination pour piloter des adaptations mineures au sein de l’équipe
projet ;
> des instances de pilotage, indispensables pour renégocier des ajustements stratégiques
ou contractuels avec les principaux acteurs associés.
88
Les interventions de développement rural 2 1
● La formulation
Chaque école a ses propres schémas et ses propres méthodes pour élaborer et pré-
senter un document projet. La portée des modèles est donc limitée et il n’existe pas
de méthode universelle pour tous les types et toutes les tailles de projets. Les uns
demandent une programmation détaillée (les infrastructures importantes), les autres
au contraire des démarches très itératives (l’accompagnement d’acteurs locaux).
Les bailleurs imposent presque toujours leurs propres plans types pour la présenta-
tion des projets soumis à leur financement. Les promoteurs d’un projet doivent donc
se renseigner sur les procédures des partenaires financiers qu’ils prévoient de sollici-
ter avant d’écrire leur document projet.
89
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● «L’arbre à objectifs »
« L’arbre à objectifs» est une manière de présenter les objectifs d’un projet d’une façon
synthétique, en les classant de manière logique.
Pour le construire, on commence par décrire en quelques mots son objectif principal.
Deux ou trois phrases suffisent pour l’expliquer.
On décline ensuite cet objectif principal en une série de deux, trois ou quatre objec-
tifs intermédiaires. Ce sont les principales étapes, les points de passage obligés pour
atteindre l’objectif principal.
90
Les interventions de développement rural 2 1
Ils répondent à la question «que faut-il faire pour atteindre l’objectif principal ?» Leur
description doit également tenir en quelques mots.
Ces objectifs intermédiaires sont à leur tour détaillés en plusieurs sous-objectifs, avec
la même méthode. On peut ainsi définir successivement des objectifs de niveau 2, 3
ou 4. Certains, à quelques nuances près, dénomment objectif global le niveau 1,
objectif spécifique le niveau 2, et résultat le niveau 3.
Un projet qui vise à créer une coopérative de production agricole, après avoir installé
des agriculteurs sur des terres récemment mises en valeur peut être résumé par
« l’arbre à objectifs» présenté dans le tableau 1.
Tableau 1. L’arbre à objectifs du projet d’appui à la création d’une coopérative agricole de production sur les terroirs
dits de la Rivière des Baies (première phase)
Tableau 2. Des objectifs aux activités prévues sur le projet de la Rivière des Baies
91
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Après avoir détaillé les objectifs de niveau 3 ou 4 d’un projet, on peut en général pré-
voir et décrire sommairement les activités ou les ensembles d’actions qui vont per-
mettre de les atteindre. Ces activités peuvent servir d’unité pour prévoir l’organisation
du travail, le calendrier et la gestion des moyens du projet, puis pour suivre son exé-
cution.
92
Les interventions de développement rural 2 1
Dans tous les cas, les missions des personnes directement associées à la réalisation d’un
projet, membres de l’équipe ou prestataires de service, doivent être définies avec pré-
cision à ses différentes étapes.
La répartition de ces tâches entre les membres d’un petit groupe qui s’entendent bien
ne pose pas de problème particulier. L’organisation du travail au sein d’une structure
de plus d’une dizaine de personnes nécessite un organigramme clair auquel chacun doit
pouvoir se référer. Cet organigramme précise les fonctions, les ensembles de tâches,
confiés à chaque membre de l’équipe. Il propose une organisation qui les répartit en
petites unités. Il définit les relations, les responsabilités et les systèmes de prise de déci-
sion au sein et entre ces unités.
Il existe en théorie deux grands types d’organisation. La première privilégie des uni-
tés fonctionnelles : comptabilité gestion, suivi-évaluation, logistique, achat et distribu-
tion des intrants, expérimentation et vulgarisation... La seconde préfère des petites
équipes opérationnelles : développement de l’élevage, réalisation des infrastructures
hydrauliques, appui à la filière oignon... Dans la réalité, les organigrammes combinent
ces deux formes de répartition des tâches et des responsabilités. De la même façon, les
projets et institutions de développement agricole et rural sont toujours confrontés au
dilemme «organisation géographique ou organisation thématique». La plupart des
organigrammes associent ces deux logiques.
● Quand et comment ?
Un découpage plus détaillé en «activités» et un simple calendrier qui prévoit leur
enchaînement dans le temps suffisent à la programmation des activités.
Tableau 4. Le planning du volet « expérimentation paysanne » sur le site de Hot Don
Les semaines
Les activités 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Première réunion
d’information dans les villages
Visite de terrain, repérage
des paysans volontaires
Commande des
intrants pour les essais
Réunions avec les
paysans expérimentateurs
Tournées–validation du
choix des parcelles
Mise en place
des essais
Date limite pour la mise en place des essais
93
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Combien ?
Le budget, le suivi comptable de son exécution et le plan de trésorerie sont les prin-
cipaux outils de gestion financière des projets.
Le mode de présentation du budget d’un projet, du détail de ses dépenses et de ses
recettes prévisionnelles dépend la plupart du temps des exigences des partenaires
financiers. Ceux-ci imposent leurs standards de présentation comptable. Ils distin-
guent en général les dépenses par nature (les équipements, les frais de personnel, les
frais de fonctionnement, les investissements, les prestations de services, etc.).
La gestion d’un projet peut demander un découpage budgétaire un peu différent de
celui exigé par le bailleur. Des lignes budgétaires plus détaillées peuvent être néces-
saires pour programmer et suivre l’exécution d’opérations particulièrement sensibles.
Un découpage par «volet» peut faciliter une organisation de l’équipe projet en petites
équipes responsabilisées sur la gestion de leur budget. Les logiciels de comptabilité ou
les tableurs permettent de concilier des enregistrements détaillés des dépenses et dif-
férentes formes de synthèse, les unes destinées aux bailleurs, les autres aux respon-
sables du projet.
Le mot «budget» est parfois utilisé pour désigner seulement la prévision de l’en-
semble des dépenses d’un projet, et l’expression «plan de financement» pour décrire
son montage financier. C’est le cas notamment lorsque son financement met en jeu
plusieurs partenaires ou plusieurs catégories de ressources. Le plan de financement
affecte alors un type de ressources à un type de dépenses prévu dans le «budget».
Le plan de trésorerie permet de visualiser la prévision mois par mois des entrées et
des sorties et du solde de trésorerie. Un modèle est présenté dans le tableau 5.
Les lignes du budget Janv. Fév. Mars Avr. Mai Juin Juil.
Sorties
a) équipement
b) frais de personnel
c) fonctionnement
d) services spécifiques
e) autres
(A.) Total des sorties A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7
Entrées
f) subvention bailleur
g) participation collectivité locale
h) participation organisations paysannes
i) ventes de services
(B.) Total des entrées B1 B2 B3 B4 B5 B6 B7
(C.) Solde mensuel = B-A C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7
(D.) Solde cumulé D0 D1=D0+C1 D2=D1+C2 D3=D2+C3 D4=D3+C4 D5=D4+C5 D6= D5+C6 D7=D6+C7
D0 = le solde de trésorerie au 31 décembre de l’année précédente.
94
Les interventions de développement rural 2 1
● Le pilotage
Le pilotage d’un projet procède par une succession d’exercices de bilan et de pro-
grammation. Ces exercices doivent se répéter à intervalle régulier, mais à des rythmes
et à des niveaux différents selon leur objectif :
> La prévision des activités et la répartition des tâches s’organisent sur des rythmes
courts (la semaine, la quinzaine ou le mois). Les petites équipes chargées d’assurer
une fonction ou de mener à bien un volet ont en général l’autonomie nécessaire
pour cet exercice.
> La définition d’objectifs en termes de réalisations ou de résultats immédiats, le suivi
budgétaire et le suivi de trésorerie s’opèrent sur ce même mode, à des rythmes qui
dépendent de la nature et des difficultés du projet (tous les mois ou tous les tri-
mestres). Les décisions à prendre à ce niveau demandent de recueillir des avis et
des informations émanant des différentes équipes de la structure projet. Ces infor-
mations sont souvent réunies sur un document synthétique, le tableau de bord qui
présente les principaux éléments de la prévision et du bilan des activités de la
période écoulée.
> Le bilan en terme de résultats et d’impacts, et les éventuelles réorientations ou les
ajustements apportés aux objectifs spécifiques et aux découpages budgétaires ini-
tiaux du projet se font, sauf incident, sur des rythmes annuels ou bisannuels. Ils ne
peuvent pas être effectués sans les maîtres d’ouvrage et souvent le bailleur du pro-
jet, surtout s’ils se traduisent par des modifications des documents contractuels éla-
borés lors du montage du projet.
95
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Les acteurs déjà en mouvement peuvent valoriser des appuis plus distants, qui leur
permettent de hiérarchiser leurs priorités, de conduire des projets de complexité
croissante et d’améliorer leurs compétences.
Les acteurs quasi autonomes sont capables d’identifier les prestations dont ils ont
besoin, mais ils n’ont pas toujours les moyens d’y accéder.
● Les objectifs du projet d’accompagnement
L’accompagnement d’acteurs au service des objectifs spécifiques d’un projet
Les projets qui visent la création ou la privatisation de services (crédit, santé, eau, élec-
tricité, approvisionnement en intrants agricoles…), comme ceux qui prévoient la créa-
tion ou la réhabilitation d’infrastructures hydrauliques ou d’équipements collectifs,
envisagent souvent de pérenniser leurs résultats par l’intermédiaire d’organisations
locales. Ils s’efforcent de susciter l’émergence d’organisations nouvelles ou d’accom-
pagner l’évolution d’organisations préexistantes pour qu’elles puissent assurer dura-
blement le fonctionnement de ces services ou de ces infrastructures. Tout en pouvant
être très «participatif», leur accompagnement est conçu à partir des objectifs du
projet.
L’accompagnement des projets des acteurs locaux
Les projets qui visent des objectifs très globaux de développement agricole ou terri-
torial, ou au moins certains de leurs volets, sont désormais conçus sur le mode de l’ap-
pui aux initiatives des acteurs locaux. Ils s’adressent à des producteurs agricoles, des
organisations de producteurs, des organisations territoriales ou des collectivités
locales. Ces projets, à l’inverse des précédents, se proposent d’accompagner une
grande diversité d’initiatives et de promoteurs. Ils ont le choix entre deux types de
stratégies d’accompagnement : les stratégies «sur mesure» appuient les acteurs locaux
dans l’identification, la conception et la mise en œuvre d’un projet spécifique ; les stra-
tégies «prêt-à-porter» identifient à partir d’un diagnostic régional une gamme de
microprojets possibles pour un certain nombre de types d’acteurs. Ils mettent ensuite
au point des schémas d’accompagnement par type de microprojet et d’acteur.
L’accompagnement des projets des acteurs «régionaux »
Certaines stratégies de développement territorial ou d’appui au développement de
filières agricoles sont fondées sur la montée en puissance de quelques organisations
peu nombreuses. Elles attribuent un rôle majeur à ces organisations qui sont appelées,
par exemple, à assurer la maîtrise d’ouvrage de projets de dimension régionale, ou à
devenir l’opérateur principal des actions techniques ou commerciales sur toute une
filière. Ces organisations sont en général rapidement capables de négocier elles-
mêmes les appuis dont elles ont besoin pour atteindre leurs objectifs.
● La stratégie de l’accompagnateur
Les stratégies des projets d’accompagnement sont souvent une combinaison de deux
approches opposées :
> la stratégie «de l’opérateur » : les différentes actions d’accompagnement (information,
appui, conseil, formation) sont réalisées pour l’essentiel par une équipe projet
importante qui dispose du budget et de la plupart des compétences nécessaires.
96
Les interventions de développement rural 2 1
> la stratégie «du maître d’œuvre » : ces actions sont réalisées pour l’essentiel par des
prestataires de services locaux. Une petite équipe facilite le rapprochement entre
l’offre de ces prestataires et la demande des acteurs locaux. Elle gère elle-même ou
elle facilite l’accès de ces acteurs à un outil financier dédié au cofinancement de ces
accompagnements.
97
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
qu’il aura pu susciter. Ces initiatives sont les seuls bons indicateurs de la qualité d’en-
trepreneur de ses partenaires, de l’appropriation de leur projet et de la progression
de leurs capacités.
« L’appui doit suivre la logique de la demande des promoteurs et non celle de l’offre des presta -
taires de service ». Ce deuxième principe ne signifie pas pour autant qu’il faille prendre
toutes les premières demandes pour argent comptant. En effet, personne ne peut
demander ce qu’il ne connaît pas et personne ne demande ce qu’il n’espère pas pou-
voir obtenir. Quand un promoteur s’adresse à un organisme d’appui, sa première
demande ou sa première idée est le point de départ d’un cheminement commun. Elle
n’en donne pas forcément la direction définitive, mais elle enclenche une de ses pre-
mières étapes, celle qui consiste justement à donner à voir et à comprendre avant d’ai-
der à passer à l’action.
● Une relation exigeante et parfois inégale
La relation entre un promoteur de projet et l’équipe chargée de l’accompagner est
une relation exigeante. Elle ne peut se nouer que si les protagonistes prennent le
temps de faire connaissance avant de commencer leur travail commun, et s’ils restent
ensuite curieux l’un de l’autre. Cette évidence est moins systématiquement respectée
qu’on ne le croit.
Cette relation se construit sur la confiance et le respect réciproque. Les «accompa-
gnateurs» doivent être crédibles. Cette crédibilité se fonde sur leurs compétences,
leurs premiers résultats et sur leur capacité à tenir leurs engagements. Ils ne doivent
s’engager que sur ce qu’ils sont sûrs de pouvoir tenir, ce qui implique qu’ils connais-
sent leurs propres contraintes et celles de leurs bailleurs. Là encore, ce qui semble une
évidence souffre dans la réalité de nombreuses exceptions. Leurs contraintes et leurs
procédures doivent être expliquées à leur partenaire et comprises par lui.
La crédibilité des projets d’appui dépend aussi de leur capacité de dire «non» quand
il le faut. Ce n’est pas toujours facile quand on a peu de partenaires et qu’on doit res-
pecter des objectifs quantitatifs mal calibrés. Enfin, chaque fois qu’un accompagne-
ment se développe dans la durée, il doit à partir d’un certain stade être fondé sur un
contrat.
98
Les interventions de développement rural 2 1
Quelle que soit leur forme, ils sont souvent organisés en trois niveaux.
● Les orientations et les décisions politiques
Elles sont en général l’apanage d’un petit comité souvent appelé «comité de pilotage».
Un tel comité est fonctionnel quand il réunit des personnes peu nombreuses et dotées
effectivement d’un pouvoir de décision : les représentants de «haut niveau» des
bailleurs et des maîtres d’ouvrage associés. Il se réunit en général peu souvent (une à
deux fois par an) pour trancher sur des sujets déjà étudiés et qui ont fait l’objet de
concertations préalables entre les acteurs du programme. Ce rythme n’est pas celui de
l’action et le comité se limite aux décisions stratégiques sans déborder sur les questions
opérationnelles. L’expérience montre que ces comités sont plus efficaces quand un de
leurs membres assure un réel leadership et quand leur travail se fonde sur des accords
« politiques» suffisamment élaborés avant le lancement de l’action.
● La coordination opérationnelle
Elle est en général confiée à une petite équipe-projet qui assure stricto sensu un rôle de
maître d’œuvre tel que défini ci-dessus. Elle n’assure pas en général de fonction de
« réalisateur». Pour assumer ce rôle, cette équipe doit disposer d’un outil de suivi-
évaluation adapté, qui doit couvrir l’ensemble des opérations à coordonner. Elle peut
gérer elle-même ou sous traiter la mise en œuvre de cet outil qui doit toujours
s’appuyer sur les outils mis en place par les différents opérateurs du programme.
Cette équipe est chargée de préparer les réunions du comité de pilotage et d’animer
ou de faire animer les instances de concertation. Selon la nature du programme, elle
peut ou non avoir un rôle financier.
● La concertation
Elle implique tous les acteurs concernés par un programme mené en multipartenariat
et doit être organisée à travers des instances permanentes. Deux niveaux de concer-
tation sont souvent nécessaires :
> le premier réunit les opérateurs ou les réalisateurs associés. Il fonctionne un peu
sur le modèle des réunions de chantier qui permettent de faire le point de l’avan-
cement des travaux et de coordonner les différents corps de métier sur un projet
d’infrastructure ;
> le second doit permettre à l’ensemble des acteurs susceptibles d’être concernés par
le programme de s’informer et de s’exprimer sur son déroulement. Il doit donner
les moyens à ceux qui le souhaitent de fonctionner à son égard comme une force
de proposition ou de critique. L’organisation de ce second niveau est évidemment
très variable d’un programme à l’autre. Les grands forums organisés à intervalle
régulier ne permettent pas toujours l’expression de tous les acteurs invités à y par-
ticiper. La concertation est un exercice exigeant qui ne porte ses fruits que si elle
est mise en œuvre dès la conception des programmes.
99
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Le suivi et l’évaluation
Les outils de suivi et d’évaluation servent à éclairer les choix et les décisions des res-
ponsables associés à la conduite d’un projet.
● Les évaluations
● Leur diversité
Le vocabulaire de l’évaluation n’est pas unifié, mais la plupart des auteurs distinguent
le suivi (ou le suivi-évaluation) de l’évaluation. Le premier est un processus continu de
collecte et de traitement de données qui sert au pilotage régulier d’un projet. La
seconde est une intervention plus exceptionnelle destinée à définir ou à corriger les
100
Les interventions de développement rural 2 1
101
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Une évaluation « exogène» peut ressembler à un contrôle, qui va comparer les résul-
tats d’un projet à des normes précises définies à l’avance. Les acteurs du projet sont
alors tout au plus des sources possibles d’information. Une évaluation endogène peut
être un exercice d’animation permettant à un ensemble d’acteurs de construire leur
propre jugement sur le projet auquel ils ont participé. Toutes les combinaisons et les
intermédiaires sont possibles entre ces deux extrêmes, parfois opposés au nom de phi-
losophies différentes de l’action. Il s’agit en fait d’outils destinés à évaluer des objets
de natures différentes pour des systèmes de prise de décision différents. Les modali-
tés de l’évaluation doivent être cohérentes avec le mode de gestion.
● Les différentes étapes d’une évaluation externe
Elle suit le plus souvent un cheminement en trois grandes étapes.
Avant l’évaluation
> premières décisions, premiers cadrages : l’évaluation décidée, son commanditaire, qui
peut être «pluriel», doit préciser, en fonction de ses objectifs, le type d’évaluation
qu’il souhaite, les personnes qu’il désire associer à sa préparation, les principales
questions auxquelles il attend des réponses.
> l’élaboration des termes de références : ce premier travail de cadrage va se concrétiser
lors de l’élaboration des termes de référence, un document destiné aux futurs éva-
luateurs. Le commanditaire y précise ses attentes et les objectifs de l’évaluation. Il
décrit succinctement l’objet à évaluer, détaille les questions qu’il se pose et indique
les éléments de méthode qu’il souhaite voir respecter.
> le choix des évaluateurs : le profil des évaluateurs est défini dans les termes de réfé-
rences en fonction de l’objet à évaluer et des questions posées. Le commanditaire
peut choisir directement ses évaluateurs ou procéder par appel d’offres en
envoyant ces termes de références à plusieurs d’entre eux et en retenant les
meilleures réponses.
> la négociation de la note méthodologique : quelles que soient les modalités de ce choix,
le commanditaire a intérêt à demander à ses évaluateurs de rédiger une note
méthodologique. C’est une proposition : elle indique la problématique, les critères
et la méthode que les évaluateurs vont suivre ou utiliser. Elle précise l’organisation
et le déroulement prévu de leur travail. Cette proposition sert de base à la négo-
ciation entre le commanditaire et les évaluateurs et au contrat qui la conclut.
L’évaluation proprement dite
> le recueil des informations : dans leur note méthodologique, les évaluateurs ébauchent
une première grille d’évaluation qui prévoit sommairement la nature des informa-
tions à collecter, les méthodes et les sources possibles pour cette collecte. Cette grille
est ajustée et précisée en début d’évaluation. Classiquement les évaluateurs tra-
vaillent par études documentaires (c’est l’occasion d’insister sur l’importance des
traces écrites laissées par un projet et de leur archivage), par entretiens individuels
et collectifs, et par enquêtes, selon des méthodes standards d’échantillonnage et
d’entretien.
102
Les interventions de développement rural 2 1
> le traitement des informations : les évaluateurs recueillent ainsi deux types d’informa-
tions : des données quantitatives et factuelles, et des opinions ou jugements. Ils
exploitent les premières par comparaison, sur le mode prévision/réalisation, avant/
après, avec/sans, différence selon les acteurs et leur positionnement… Ils vont aussi
souvent qualifier ces données en les comparant à des références extérieures au pro-
jet et à son environnement immédiat. Le choix de ces références est évidemment
une des clefs du travail de l’évaluateur. Ce choix doit être explicite. Il n’est pas illé-
gitime que les commanditaires et les «évalués» aient leur mot à dire sur ce choix,
avant ou au début de l’évaluation. L’utilisation des opinions et des jugements
implique de les distinguer et d’objectiver la situation et la représentativité de ceux
qui les ont émis.
> la synthèse des informations : pour jouer son rôle d’aide à la décision, l’évaluation doit
se conclure par une synthèse qui met en évidence les principales qualités de l’objet
évalué et, si possible, les principaux éléments qui ont déterminé ces qualités. Cette
synthèse peut, par exemple, prendre la forme d’une liste des principaux points
forts et points faibles d’un projet ou d’une institution, en soulignant les potentiels
et les risques qui peuvent bonifier les premiers ou aggraver les seconds. Dans ses
conclusions, l’évaluateur doit distinguer ce qui provient de faits avérés de ce qui
procède d’opinions argumentées. Il lui est souvent demandé de proposer des
recommandations ou des pistes d’actions d’amélioration au terme de son travail.
> la restitution : l’évaluation se conclut obligatoirement sur le terrain par une restitu-
tion orale. Elle permet à l’évaluateur de rendre compte de ses conclusions provi-
soires aux principaux acteurs concernés et d’en débattre avec eux. C’est une étape
cruciale pour l’efficacité de l’évaluation. Ses appréciations et ses recommandations
ne seront utiles que si elles sont acceptées et comprises. Elles ne peuvent l’être que
si elles sont débattues.
➤ Figure 4. Les domaines de qualité d’un projet : l’exemple d’un projet de développement local
103
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
L’après-évaluation
L’évaluateur rédige systématiquement un rapport à la fin de son travail. En général, il
en soumet une version provisoire au commanditaire qui, en retour, lui fait part de ses
remarques. L’évaluateur en tient compte pour rédiger une version définitive. Son rap-
port est la propriété du commanditaire. Il n’a pas le droit de diffuser des éléments de
son contenu sans l’accord de celui-ci.
Il existe plusieurs conceptions de l’évaluation. Pour la majorité des commanditaires,
le travail de l’évaluateur s’arrête strictement à l’approbation du rapport définitif. Pour
d’autres, il est le mieux placé pour accompagner le début de la mise en œuvre des
changements qu’il a recommandés.
104
Les interventions de développement rural 2 1
105
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
La notion d’efficience-coût est assez facile à concevoir pour les volets des projets qui
visent des réalisations physiques et des actions normées (en soin de santé, en forma-
tion). Elle s’applique plus difficilement aux volets des projets processus qui s’attachent
à l’évolution des capacités et de l’organisation des acteurs locaux.
La notion d’efficience-mise en œuvre renvoie à des disciplines assez différentes selon l’ob-
jet évalué : structure projet opératrice, montage multi-acteurs, volet de l’activité glo-
bale d’une institution…
● L’efficacité
S’interroger sur l’efficacité d’un projet revient à poser l’une ou l’autre des deux ques-
tions suivantes : ses réalisations sont-elles conformes aux prévisions ? Ont-elles
répondu à ce qu’on attendait d’elles ? Ces deux questions reflètent deux conceptions
un peu différentes de l’efficacité.
Selon la première, l’examen de l’efficacité se limite à une comparaison prévision/réa-
lisation. Elle est adaptée aux projets qui ne prévoient, pour l’essentiel, que des
réalisations physiques normées. Son utilisation abusive, strictement quantitative, abou-
tit parfois à des conclusions paradoxales : un projet serait un bon projet quand toutes
les réalisations physiques programmées ont été réalisées dans les délais voulus et avec
le budget prévu… quels que soient leur qualité, leur usage, leur appropriation et leur
impact.
Selon la seconde, l’efficacité équivaut à la qualité des résultats. Cette qualité s’appré-
cie non seulement au regard des prévisions opérationnelles mais aussi de la logique
du projet et des critères spécifiques aux types d’activités ou de réalisations visées.
● L’impact
L’analyse de l’impact d’une action consiste à apprécier l’ensemble de ses effets sur son
environnement. Quels sont les effets des réalisations du projet sur la réalité qu’il se
proposait de transformer ? Quels sont les changements qu’elles ont directement ou
indirectement induits ? Comment peut-on les caractériser ? Correspondent-ils à la
logique de l’intervention prévue ?
La notion d’impact est simple à percevoir. Elle au cœur des projets de développement
censés accompagner des dynamiques de changement. Mais elle ouvre un champ
particulièrement vaste. Ces changements peuvent être économiques, sociaux, envi-
ronnementaux, institutionnels, politiques, culturels…
L’évaluation de l’impact n’a donc rien d’évident. Elle peut distinguer les impacts atten-
dus et les impacts inattendus. Les premiers font partie des objectifs initiaux du projet,
ou sont aisément prévisibles compte tenu du contexte et du type d’intervention. Leur
analyse commence sur le mode de l’élaboration et de la vérification d’hypothèse. Les
seconds n’ont pas été prévus ou anticipés. Ils peuvent cependant être tout à fait réels
et importants. L’observation et les enquêtes non directives permettent de les repérer.
● La viabilité ou la reproductibilité
La viabilité et la reproductibilité sont des critères complémentaires de l’efficacité et de
l’impact. Ils invitent l’évaluateur à s’interroger sur la durabilité des résultats obtenus
par le projet (la durée de vie des infrastructures construites, la pérennité des services
106
Les interventions de développement rural 2 1
et des activités créés, l’évolution probable des nouvelles organisations locales susci-
tées). Ils posent la question de la diffusion ultérieure des techniques et des méthodes
élaborées au cours du projet.
● Le suivi
107
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
108
2 2 L’appui aux
organisations rurales
et les services
aux producteurs
2.2.1 Les organisations paysannes
et rurales
2.2.2 Les filières agricoles
et agro-alimentaires
2.2.3 Le crédit rural
2.2.4 La formation, l’information,
les centres de services
2 2 1 Les organisations paysannes
et rurales
À partir d’une contribution de M.R. Mercoiret (CIRAD)
Les agents qui interviennent directement auprès des producteurs sont aujourd’hui
amenés à collaborer avec des organisations paysannes et rurales (OPR)1 :
> soit parce que cela est le mandat central de leur institution ;
> soit parce la participation des organisations paysannes s’avère nécessaire pour
atteindre les objectifs poursuivis par leurs programmes ;
> soit, enfin, parce que les organisations présentes dans leur zone d’intervention sont
suffisamment fortes pour revendiquer leur participation à la définition et à la mise
en œuvre d’actions qui les concernent.
1 Nous emploierons par la suite les initiales OPR pour désigner de manière abrégée les organisations paysannes et rurales.
2 Cf. bibliographie.
111
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
112
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
113
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Certains pouvoirs politiques, encore marqués par la culture du parti unique, mécon-
naissent le rôle que peuvent jouer «les corps intermédiaires». Ils expriment plus ou
moins ouvertement des réserves à l’endroit d’un «partenariat » avec les organisations,
et cette défiance incite les responsables de ces organisations à la prudence.
Les réformes visant à assouplir le statut juridique des OPR, et la façon dont elles sont
appliquées sont un indicateur de la diversité des positions prises par les pouvoirs
publics : des procédures de reconnaissance complexes, tatillonnes ou coûteuses, exis-
tent encore ici et là et contrastent avec l’extrême souplesse qui est de mise ailleurs.
3 L’objectif principal des programmes soutenus actuellement par la Banque mondiale est la mise en place de services
(recherche-vulgarisation) orientés vers le client, le renforcement des organisations étant un moyen d’y parvenir.
115
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Ainsi, les pouvoirs publics peuvent être plus attentifs auxpositions prises par les orga-
nisations dans les zones ou pour les produits jugés stratégiques pour l’économie natio-
nale qu’aux propositions ou revendications émanant par exemple de producteurs
vivriers ou de petits groupements féminins de production maraîchère.
La capacité à agir simultanément, et de façon articulée, à différentes échelles géogra-
phiques et à différents niveaux de décision est, elle aussi, très différente selon les orga-
nisations. Il s’agit là d’une condition importante de leur efficacité. En effet, la résolu-
tion des problèmes identifiés combine dans nombre de cas des interventions allant du
niveau local au niveau national, voire international.
116
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
117
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Ainsi défini, le partenariat entre les OPR et les acteurs institutionnels ne peut s’établir
d’emblée : en effet, il résulte d’une construction collective et s’inscrit dans la durée.
La reconnaissance par les parties de leurs différences constitue un premier pas ; elle
facilite l’identification de convergences, de complémentarités possibles, et suppose
un investissement spécifique. Les contraintes à court terme des différentes parties
favorisent rarement l’identification d’enjeux communs. L’élargissement de la réflexion
sur le moyen terme favorise souvent l’élaboration de compromis concernant le court
terme.
Des préjugés réciproques existent dans beaucoup de cas : « ces organismes d’appui si
dirigistes hier ont-ils vraiment changé ? » ; « ces responsables paysans représentent-ils vraiment
les intérêts de leur base ? ». Souvent hérités d’un passé parfois bien proche, ils freinent le
dialogue. Seule la pratique peut venir à bout de ces préjugés dès lors que les deux par-
ties s’efforcent réellement de mettre leur action en conformité avec leur discours.
La position initiale des deux partenaires est souvent asymétrique. Ils n’ont pas le
même accès à l’information, à la formation… L’un détient les ressources dont l’autre a
besoin. Le renforcement des capacités d’analyse, de proposition, de négociation et
d’action des organisations paysannes est souvent une condition de la construction de
partenariats stables et durables.
118
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Ces partenariats ne sont pas toujours proposés par les projets. Les organisations sont
parfois suffisamment fortes pour revendiquer leur participation à des programmes
qui concernent leur zone d’action, même si leur participation n’était pas prévue au
départ.
La distinction entre ces deux grands types de situation n’a rien d’académique : elle est
essentielle pour un bon positionnement des agents de terrain vis-à-vis des organisa-
tions paysannes présentes dans les zones où ils interviennent. Cette distinction devrait
générer, au plan pratique, des approches différenciées en termes de diagnostic, de
programmation, d’action et d’évaluation. Elle devrait également entraîner des rela-
tions de nature différente et des exigences réciproques différenciées.
119
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
120
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
comptera autant que le contenu des actions réalisées. À cet effet, il importe qu’une
attention particulière soit apportée :
> à l’identification détaillée des tâches qu’implique la réalisation du programme ;
> à la répartition précise de ces tâches entre l’OPR et l’intervenant extérieur ;
> à la réflexion conjointe sur la façon dont l’OPR va assurer les tâches qui lui revien-
nent (qui, va faire quoi, comment, avec quelles ressources ?) et sur les conditions
nécessaires à l’exécution de ces tâches (formations complémentaires, etc.) ;
> à la définition précise des critères et des modalités de suivi et d’évaluation.
Les conclusions de cette phase de réflexion commune et de négociation doivent être
formalisées par écrit, ne pas se limiter pas aux aspects opérationnels du contrat mais
relater plus largement l’analyse commune aux deux parties. Si, par exemple, des
incertitudes existent sur la capacité d’une partie à remplir ces engagements, il est sou-
haitable de les expliciter.
● L’évaluation
L’évaluation du déroulement et des résultats du premier programme de travail est un
moment très important pour la suite de la collaboration : il convient donc d’y consa-
crer du temps et d’en faire l’occasion d’un débat ouvert, rigoureux et prospectif.
La démarche d’évaluation doit être conforme aux modalités établies contractuelle-
ment au départ. Dans la plupart des cas, elle peut suivre le schéma suivant :
> la mise en évidence des éventuels écarts entre prévisions et réalisations, effectuée
sous forme de tableau avec les responsables de l’organisation : cette appréciation
doit concerner les actions programmées et réalisées, les moyens prévus et effective-
ment mobilisés, les résultats attendus et obtenus. La réalisation conjointe de ce
tableau est importante car l’analyse des causes des écarts doit reposer sur un constat
partagé ;
> l’analyse des facteurs expliquant les écarts constatés : où sont apparues les
défaillances ? Pourquoi ? Cette analyse doit être effectuée avec les responsables des
organisations. Elle doit bannir les critiques personnalisées, les autojustifications,
d’où qu’elles viennent. L’analyse doit être située dans une optique constructive :
comment éviter que cela se reproduise ?
121
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Ce premier travail gagne à être ensuite complété par une évaluation avec les adhé-
rents et les organisations de base.
122
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
L’élaboration par une OPR de son projet stratégique demande du temps et la partici-
pation large des adhérents. Elle doit donc combiner réflexion prospective et action
immédiate. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une construction progressive qui peut
s’étaler sur plusieurs années. Dans tous les cas, il revient à l’organisation paysanne (et
à elle seule) de choisir les appuis dont elle souhaite bénéficier en matière de planifi-
cation stratégique.
123
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
124
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Les collectivités locales décentralisées sont de plus en plus souvent les interlocuteurs
privilégiés de ces interventions. Cela oblige les OPR à se repositionner dans un
contexte institutionnel nouveau. Ce qui ne va pas sans mal pour certaines d’entre
elles, surtout lorsque nombre de leurs responsables sont devenus des élus locaux.
La démarche d’appui aux OPR, mise en oeuvre dans ce cas, peut notamment mettre
l’accent sur les points suivants :
> l’identification des OPR existant dans les territoires concernés et leur reconnais-
sance en tant qu’acteurs locaux (information, offres de participation, etc.) ;
> la caractérisation (rapide) des OPR acceptant le principe d’une participation à un
programme qui concerne théoriquement tous les acteurs locaux ;
> l’identification (concertée avec elles) de leur contribution possible aux objectifs du
programme et des conditions nécessaires pour qu’elles puissent apporter cette
contribution ;
> la participation des OPR aux cadres de concertation territoriaux où seront décidés
les approches à mettre en oeuvre (planification locale), les programmes d’action
ainsi que la répartition des tâches entre les acteurs ;
> des appuis spécifiques pour permettre aux OPR d’assurer leurs engagements
contractuels vis-à-vis des autres acteurs locaux. Ils peuvent prendre des formes très
diverses (information, formation, appui matériel et financier, etc.) ;
L’évaluation des résultats de ces démarches d’appui devrait porter sur deux points : la
réalisation du programme particulier auquel participe directement l’OPR et sa contri-
bution au programme général de développement local, sa place et son rôle dans le
cadre de concertation mis en place à l’échelle des territoires concernés.
● Les programmes pour des catégories sociales ou socioprofessionnelles précises
Ces programmes peuvent être ciblés sur des catégories sociales spécifiques («les
pauvres», les femmes...) ou des secteurs d’activités particuliers (vulgarisation, petites
entreprises, etc.). Ils sont souvent mis en œuvre à l’initiative d’acteurs extérieurs et la
collaboration avec les OPR existantes n’est pas acquise d’emblée.
> Les initiateurs du projet peuvent préférer intervenir directement «à la base» et les
OPR n’avoir ni la capacité ni la volonté de revendiquer leur participation ;
> Elles peuvent être utilisées comme de simples «relais» d’actions décidées sans
grande concertation avec elles, auxquelles elles adhèrent pour avoir accès à des
ressources nouvelles. Le risque d’une instrumentalisation des OPR existe alors,
les moyens accessibles par le biais du projet pouvant influer fortement sur les objec-
tifs de l’organisation ;
> Les OPR peuvent aussi, heureusement, trouver un positionnement utile et original
par rapport aux projets spécifiques qui sont promus de l’extérieur dans leur aire
d’action. Des convergences peuvent être trouvées, qui justifient des collaborations
allant de la «facilitation» à la maîtrise d’œuvre déléguée.
Dans ce dernier cas, la démarche de collaboration peut mettre l’accent sur l’identifica-
tion des OPR existant dans la zone, leur information large sur les objectifs du projet et
la négociation de collaborations plus ou moins étendues et leur contractualisation.
125
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
126
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
L’accès des adhérents à l’information est nécessaire à la cohésion des OPR, qu’elle
concerne l’action des responsables, l’existence d’une contrainte nouvelle ou d’une
opportunité, les décisions prises en leur nom, etc. La communication ne se limite pas
à la circulation de l’information ; elle doit faciliter et alimenter des débats internes au
sein de l’organisation, indispensables pour que les adhérents puissent s’approprier ses
orientations, et en être partie prenante.
Une communication interne efficace ne transformera cependant pas tous les adhé-
rents en «militants» de l’organisation. Elle peut accroître le nombre des membres
actifs, favoriser l’identification d’enjeux communs, maintenir ou augmenter l’intérêt
pour l’action collective. Elle ne pourra venir à bout, à elle seule, des opportunismes
qui existent dans toutes les organisations, ni de clivages sociaux ou interpersonnels qui
s’expliquent par d’autres facteurs.
● Remarques méthodologiques
127
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● L’appui à la gestion
La gestion matérielle et financière de certaines OPR est marquée par une relative opa-
cité. Le manque de transparence alimente nombre de suspicions (souvent injustifiées)
à l’intérieur de l’organisation et à l’extérieur.
Ce manque de transparence résulte souvent de la conjugaison de facteurs techniques
(l’organisation ne dispose pas d’outils de gestion adaptés ni de compétences internes
suffisantes), et de facteurs politiques : les responsables hésitent parfois à divulguer la
nature (ou le montant) des ressources externes obtenues, craignant de susciter des
demandes qui ne pourront pas être satisfaites. La gestion demeure, par ailleurs, au
cœur des enjeux de pouvoir.
La «formation à la gestion» est donc une condition nécessaire mais non suffisante
pour changer les pratiques en la matière.
● Indications méthodologiques
L’élaboration d’outils comptables ne doit pas se faire indépendamment d’une
réflexion sur l’organisation comptable (Qui doit gérer quoi ? Quel doit être le niveau
de décentralisation de la gestion ?). Cette organisation est éminemment politique.
128
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Elle doit être cohérente avec l’organisation fonctionnelle et devrait donc être réfléchie
avec l’ensemble des responsables de l’OPR. Cette réflexion devrait logiquement s’ac-
compagner de la définition de mécanismes pour que l’organisation puisse «rendre des
comptes». Il est important que ces mécanismes soient définis de façon concertée et que
soient notamment précisés les points suivants : qui doit rendre compte, à qui, de quoi,
quand, comment? Le contenu de la formation à la gestion devrait se déduire de ces
différentes décisions et non l’inverse.
L’appui à la gestion et le contrôle gagnent dans certains cas à être séparés ; si l’appui
est en effet la suite logique de la formation, le contrôle inclut, pour sa part, une dimen-
sion de sanction (positive et négative) et il peut même être utile de l’externaliser (cer-
tification des comptes).
La rigueur de la gestion est une condition de la crédibilité des OPR. Elle est un impé-
ratif pour des OPR qui prétendent assumer des responsabilités croissantes. Il convient
cependant d’éviter d’imposer de l’extérieur des normes de gestion dont l’utilité n’est
pas ressentie. Il s’agit plutôt de créer des conditions favorables à une adhésion volon-
taire des organisations à de telles démarches.
Enfin, au-delà de la transparence des comptes, il est important de mettre en évidence
l’utilisation qui peut être faite de résultats comptables pour «gérer» les activités, c’est-
à-dire pour évaluer les résultats des différentes activités, les transferts qui ont lieu d’un
secteur à un autre, pour faire des choix, etc.
129
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● La formation
La formation des responsables et des adhérents des OPR est une priorité sans cesse
répétée, sans que les moyens mobilisés soient toujours à la hauteur des ambitions
131
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
132
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
133
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Ce double constat est constitutif de la relation initiale entre des acteurs différents il ne
doit pas cependant conduire à de simples accommodements réciproques, encore
moins à des complaisances vis-à-vis de comportements inadéquats, d’où qu’ils
viennent. Il invite seulement à prendre conscience du fait qu’un réel partenariat se
construit dans la durée. Il suppose une explicitation permanente des objectifs pour-
suivis, des analyses réalisées, des critères d’évaluation utilisés pour apprécier les résul-
tats obtenus. La construction d’un partenariat avec les OPR implique aussi une atti-
tude critique, qui s’appuie sur des faits et non sur des préjugés, et qui soit réciproque.
C’est de cet apprentissage commun, qui ne va pas sans tensions, que peut naître la
confiance qui permet aux partenaires d’approfondir leurs relations. Cela demande
toujours du temps et de la persévérance, de part et d’autre.
134
2 2 2 Les filières agricoles
et agroalimentaires
À partir des contributions de B. Faivre-Dupaigre (IRAM),
Y. Lassica, L. Liagre (IRAM) et D. Neu (GRET)1
La notion de filière prend en compte les modes de coordination des échanges, les
formes d’organisation des marchés et les rapports de force entre groupes d’acteurs.
Cette approche économique et socio-institutionnelle se combine avec un diagnostic
technique. L’approche filière constitue un élément clé des processus d’intensification
agricole : elle permet de vérifier que les propositions d’amélioration technique répon-
dent effectivement à une demande solvable des marchés. L’agronome utilise ce type
d’approche pour vérifier la pertinence de diverses propositions : nouvelles produc-
tions, techniques plus intensives, amélioration du revenu des paysans par une meilleure
maîtrise de la mise en marché, etc. Les analyses de filière constituent un outil de travail
essentiel pour éviter l’apparition de certaines situations encore trop fréquentes :
> des greniers individuels pleins pendant plus d’une année car, suite à des efforts réa-
lisés pour augmenter la production, les agriculteurs n’arrivent pas à la vendre à un
prix couvrant au moins la rémunération des facteurs de production utilisés ;
> des résultats de la recherche agronomique inutilisables parce que les innovations
proposées sont techniquement efficaces, mais qu’elles correspondent à un renché-
rissement des productions qui ne peut être répercuté sur le marché ou qu’elles
introduisent des espèces ou variétés pour lesquelles il n’existe pas de marché acces-
sible aux producteurs ;
> une amélioration qualitative de la production qui ne débouche sur aucune valori-
sation économique, car la chaîne complète allant du producteur au consommateur,
indispensable pour valoriser cette amélioration, n’a pas été établie.
1 Ce chapitre est aussi composé de larges extraits de «Filières agroalimentaires en Afrique : comment rendre le marché plus efficace ?»,
étude coordonnée par M. GRIFFON (CIRAD), 2000, Ministère des Affaires étrangères, DGCID, Série rapports d’étude, Paris.
135
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
2 Extrait de « Filières agroalimentaires en Afrique: comment rendre le marché plus efficace ? », op. cité.
136
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
3 Extrait de « Filières agroalimentaires en Afrique: comment rendre le marché plus efficace ? », op. cité.
4 Idem.
137
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
138
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
139
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Le tableau 1, basé sur les analyses de Philippe Hugon, repose sur des critères fondés
sur la diversité des modes de régulation des filières.
Cette typologie permet de cerner les systèmes économiques qui interviennent sur une
filière. Mais pour analyser une filière, il faut affiner les critères. On utilise le plus sou-
vent les critères suivants :
> la structure des échanges entre les acteurs de la filière afin de repérer les concurrences et
les niveaux de concentration à l’amont et à l’aval de la filière :
> l’échelle géographique des échanges, du local à l’international, qui donne une idée de l’im-
portance de la filière ;
> le degré plus ou moins important de périssabilité des produits ; en effet un produit péris-
sable nécessite une coordination des échanges, ce qui donne une configuration
particulière à la filière.
Ces trois critères permettent de définir douze profils-types (cf. tableau 2).
D’autres critères, utilisés moins souvent, sont aussi importants pour expliquer les
formes des relations entre agents économiques d’un même circuit :
> l’aspect complet ou incomplet de l’économie de marché ;
> la volatilité des prix ;
> le niveau de sécurité des transactions.
5 Extrait de « Filières agroalimentaires en Afrique: comment rendre le marché plus efficace ? », op. cité.
140
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
141
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Volumes et prix unitaires étant déterminés pour chaque flux, le graphe de filière peut
être complété de manière à faire apparaître sur le schéma les composantes de la valeur
échangée lors de chaque transaction entre agents. La décomposition en prix unitaires
et volumes n’est toutefois pas indispensable pour toutes les analyses de filière.
Source : M.-H. DABAT, U PDR, Diagnostic et perspectives de la filière riz à Madagascar, Document CIRAD -FAO, octobre 2000.
142
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
143
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Le facteur prix
La compétitivité-coût ou la compétitivité-prix implique de maîtriser les coûts de pro-
duction en réduisant les charges à chaque stade de la filière : coûts de production, de
stockage, de transformation et de conditionnement, de commercialisation. Les
mesures de libéralisation des filières, en cherchant à réduire les prélèvements indirects
et les coûts de transaction, privilégient la compétitivité-coût. La décomposition analy-
tique de la filière selon la répartition de la valeur ajoutée donne les indications sur les
progrès à effectuer pour mieux maîtriser les coûts.
8 « Filières agroalimentaires en Afrique : comment rendre le marché plus efficace ? », op. cité.
144
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
9 Extrait de « Filières agroalimentaires en Afrique: comment rendre le marché plus efficace ? », op. cité.
145
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● La rigidité de l’offre
L’offre agricole est assez rigide.
> pour les plantes annuelles, le producteur sème (ou plante) en fonction d’une espé-
rance de rendement et d’hypothèses sur les prix. Entre la période de semis (ou de
plantation) et la période de mise en marché, celui-ci peut évoluer sans que le pro-
ducteur ne puisse augmenter son potentiel de production. Il ne peut que réduire
l’offre réelle ;
> pour les plantes pérennes, le producteur a fait un investissement qu’il cherche à valo-
riser. Le potentiel de production annuel ne peut pas beaucoup être modifié par les
techniques culturales. Il y a flexibilité à la baisse, mais rigidité à la hausse ;
> on peut dire à peu près la même chose pour l’élevage. Mais la durée de vie des animaux
et l’évolution de la qualité marchande en fonction de l’âge créent une autre rigi-
dité : la nécessité de vendre à certaines échéances.
La rigidité peut également être liée à l’imperfection des marchés financiers. Des pro-
ducteurs qui désirent disposer de sommes exceptionnelles et qui n’ont pas accès au
crédit n’ont pas d’autres choix que de produire plus, même si la tendance est à la sur-
production. La rigidité de l’offre agricole est donc souvent structurelle. Elle participe
à l’instabilité des prix et a des conséquences sur les revenus.
146
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
147
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
11 On appelle « asymétrie de position » les situations où une catégorie d’opérateurs se retrouve en situation de faiblesse
pour négocier avec une autre catégorie, pour une ou plusieurs raisons : difficulté d’accès à l’information, position de
monopole de l’interlocuteur, etc.
12 D’après BOURGEOIS R. (1998). Extrait de « Filières agroalimentaires en Afrique : comment rendre le marché plus efficace ? »,
op. cité.
148
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
149
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Cette exercice facilite la comparaison entre les interventions conduites par différentes
OPA et permet d’expliquer certaines pratiques. Mais surtout, il sert de base de dis-
cussion au sein d’une OPA en préalable à une prise de décision.
● La hiérarchisation des interventions prioritaires
Pour réaliser ce travail, il convient d’examiner les critères suivants :
> les économies d’échelle possibles : par exemple, l’achat d’engrais en gros diminue le coût
d’achat unitaire et celui du transport, mais peut en revanche augmenter celui du
stockage ;
> la spécificité des services fournis : pour les équipements, une faible spécificité (hangar,
camion, etc.) augmente leur rentabilité s’ils sont effectivement utilisés de manière
optimale ; dans le cas contraire (camion faisant un voyage sur deux à vide par
exemple), le service risque d’être plus coûteux que celui offert par un privé dont le
camion ou le hangar sont toujours pleins. Pour les équipements très spécifiques, le
coût d’utilisation doit être établi en tenant compte des consommables, de la durée
de vie probable de l’équipement et d’une estimation raisonnable des quantités à
traiter. Dans le cas du crédit, l’organisation collective permet d’accéder à des prêts
fonctionnant selon le principe de la caution solidaire (cf. chapitre 223) ;
> les alternatives possibles : les OPA bénéficiant de faibles ressources, il convient de
prendre la mesure de la concurrence existante pour un service particulier, concur-
rence qui influe directement sur les prix proposables aux producteurs. Il est sou-
vent peu intéressant pour les OPA de lancer une activité déjà prise en charge de
façon efficace par le secteur privé. En revanche, la recherche de produits de qua-
lité, dans le cas où la garantie fournie par les privés est faible, peut justifier la mise
en place d’un service alternatif ;
> la dimension collective de l’intervention : les activités analysées ont-elles un impact posi-
tif ou négatif au plan collectif ? Par exemple le conseil technique, même s’il ne
touche qu’un nombre limité de producteurs, peut se diffuser spontanément et pro-
fiter à d’autres. De même l’organisation d’un marché physique bénéficie à l’en-
semble des producteurs. À l’inverse, la mise en place de dispositifs individuels de
stockage n’a guère d’effet direct ou indirect pour ceux qui n’en bénéficient pas.
Ces critères permettent de passer en revue les interventions prévues par les OPA. La
pondération de ces critères par les organisations elles-mêmes, en fonction de leurs
priorités, permet de choisir les priorités d’intervention.
150
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
15 Extrait de « Filières agroalimentaires en Afrique : comment rendre le marché plus efficace ? », op. cité.
151
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● La méthode CADIAC 16
Cette méthode CADIAC a été développée par le CIRAD et l’IICA17 à partir de leurs tra-
vaux sur la filière bovine et la filière café en Amérique centrale. Elle repose sur deux
axes principaux, mis en œuvre simultanément :
> l’analyse du système agroalimentaire, basée sur les méthodes d’analyse de filière. Elle met l’ac-
cent sur la participation des organisations professionnelles et des acteurs institu-
tionnels dans le processus d’étude et vise à repérer et analyser les forces et faiblesses
du système ;
> le dialogue pour l’action, qui organise la concertation entre les acteurs autour des changements
nécessaires pour améliorer la compétitivité du système agro-industriel. Cette concertation
aboutit à des propositions techniques, économiques, sociales, institutionnelles et
politiques élaborées par les acteurs eux-mêmes, ainsi qu’à des compromis opéra-
tionnels pour les mettre en œuvre.
16 CADIAC : CAdenas y DIalogo para la Accion. Approche participative pour le développement de la compétitivité des systèmes
agroalimentaires. Robin Bourgeois, Danilo Herrera. C IRAD-IICA. 1996.
17 I ICA : Instituto Interamericano de Cooperación para la Agricultura.
18 Notamment dans le cadre du renforcement des réglementations sanitaires à l’importation dans les pays riches.
152
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Une stratégie «qualité» n’est pas forcément mise en œuvre par l’ensemble des agents
de la filière. Leurs intérêts ne sont pas tous forcément convergents, et l’objectif de
qualité peut ne pas intéresser certains d’entre eux. L’analyse fine du fonctionnement
de la filière aide à identifier les acteurs les plus intéressés. L’essentiel est de repérer des
acteurs intéressés à toutes les étapes de la chaîne de production–transformation–com-
mercialisation du produit.
153
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
154
2 2 3 Le crédit rural
À partir d’une contribution de F. Doligez (I RAM)
et de D. Gentil (IRAM)
QUELQUES DÉFINITIONS
En zones rurales, le souci principal a souvent été l’octroi du crédit agricole.
Néanmoins il est apparu que les agriculteurs étaient souvent pluri-actifs et qu’ils pré-
féraient le financement d’activités non agricoles : commerce, transformation de pro-
duits, services, habitat, dépenses sociales.
Les approches ont alors évolué du crédit agricole au crédit rural et d’un crédit dirigé
à un crédit ouvert ou de libre disponibilité. D’autre part, les programmes d’appui aux
petites et moyennes entreprises urbaines ont rapidement découvert l’importance de la
fonction financière et se sont de plus en plus intéressés aux villes secondaires et aux
gros bourgs ruraux.
Les nouvelles relations villes/campagnes et cette double évolution ont rendu la dis-
tinction entre crédit rural et urbain beaucoup moins pertinente. Le financement de
l’agriculture ou, plus généralement, le financement rural, peut se diviser en deux
grandes catégories : les subventions et le crédit rural.
Les subventions
Destinées aux exploitations agricoles ou, plus généralement au développement rural,
elles sont intégrées au système de prix (prix garantis) ou correspondent à des trans-
ferts directs aux unités économiques. Elles font partie intégrante des instruments de
politique agricole. Le financement du développement rural est centré sur les infra-
structures collectives, sociales ou économiques, dont la rentabilité est indirecte ou dif-
férée, comme les aménagements de bas-fonds, la lutte anti-érosive, les écoles ou les
puits. Il relève le plus souvent de fonds spécialisés, comme les fonds de développe-
ment local, et associe subventions, co-financement, dotations et parfois également cré-
dit.
Le crédit agricole
Il est divisé en deux grands volets. Le premier concerne le financement des «entre-
prises» en amont et en aval de la production, organisations professionnelles ou socié-
tés commerciales. Les «entreprises» assurent l’approvisionnement en intrants, la col-
lecte, la commercialisation et parfois la transformation ou l’exportation des produits.
On dénote à leur niveau une très grande diversité de situations mais, en général, ce
type de structure relève plutôt du crédit commercial à travers les filières ou d’un cré-
dit bancaire adapté aux petites et moyennes entreprises.
155
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Le deuxième volet correspond au financement des exploitations agricoles ou, plus lar-
gement, des unités économiques rurales, incluant la pluri-activité du tissu économique
rural. Il correspond plus particulièrement à l’épargne-crédit rural, couvre le finance-
ment des cycles d’exploitation, des équipements et de l’investissement. Le finance-
ment des structures d’exploitations : installation, investissements fonciers et reprises
lors des successions, qui fait en théorie partie de ce volet bien qu’il soit souvent com-
plété par des subventions publiques, est très rarement couvert en dehors des pays
riches et de quelques pays dits émergents.
HISTOIRE ET DIVERSITÉ
● Des controverses anciennes
Depuis bientôt un siècle, le problème des services financiers en milieu rural a fait l’ob-
jet de nombreux débats qui ont conduit à des expériences très variées et généralement
à des échecs. Sans retracer chacune des histoires avec ses spécificités nationales, il faut
souligner l’importance des analyses historiques pour éviter de reproduire les mêmes
erreurs mais surtout pour comprendre les attentes, les pratiques et les habitudes.
Les paysans, contrairement aux cadres et aux experts de passage, ont en général une
excellente mémoire. Au-delà des discours, ils cherchent à situer l’intervention propo-
sée dans la chaîne des expériences passées et se demandent dans quelle mesure elle
peut être utilisée ou «détournée» pour satisfaire leur demande et s’inscrire dans leur
logique socio-économique.
La question des services financiers s’est longtemps résumée aux méthodes de distri-
bution du crédit. Dès la période coloniale, on observe une tension entre deux grandes
tendances.
La tendance «bancaire »
Le crédit est considéré comme une opération financière sérieuse. Il doit se rembour-
ser et le risque doit être couvert par des garanties matérielles : bâtiments, équipe-
ments, titres de propriété, stocks, troupeaux, etc. Le taux d’intérêt doit couvrir au
moins les coûts de gestion et les risques et, si possible, dégager un profit.
La tendance «développementaliste »
Le crédit est un instrument pour atteindre d’autres objectifs. L’essentiel est de distri-
buer le crédit, rapidement et au plus grand nombre d’exploitations agricoles, puisque
le crédit a des effets positifs sur l’adoption des innovations (engrais, semences amélio-
rées, matériel etc.), sur la production agricole (par l’augmentation des surfaces et l’in-
tensification) et sur la diversification des productions et des services. Dans ces condi-
tions, le taux de remboursement n’est pas un problème prioritaire et les taux d’intérêt
doivent être les plus bas possibles.
Les débats actuels montrent que cette différence d’approche reste, en grande partie,
d’actualité. On peut cependant faire le constat que ces deux tendances aboutissent à
une impasse.
156
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
> Les banques commerciales sont très réticentes pour prêter aux agriculteurs, sauf
exception : ’exploitations «modernes» de grandes dimensions, avec titres fonciers,
ou petits producteurs liés à une filière organisée avec la maîtrise de la commercia-
lisation. Les crédits de faible montant à une clientèle dispersée entraînent des coûts
de gestion très élevés qui s’ajoutent aux risques spécifiques des activités agricoles
(aléas climatiques, épizooties, etc.) et à la difficulté de trouver et de réaliser des
garanties.
> Les conceptions «développementalistes» n’apportent que des solutions tempo-
raires, très dépendantes de financements externes. Elles ont surtout de graves effets
pervers, dont les conséquences continuent à se faire sentir pendant de longues
années, en introduisant une culture du non remboursement et en rendant difficile,
par des pratiques laxistes, l’émergence de systèmes financiers pérennes.
● Le secteur bancaire
Des banques de développement ont été créées au moment des indépendances. Elles
avaient pour vocation d’aider l’ensemble des programmes et des projets de dévelop-
pement, notamment les infrastructures, l’industrie, l’artisanat… et l’agriculture. La
majorité de ces banques se sont en fait peu intéressées au développement rural et elles
ont souvent fait faillite. Des banques spécialisées dans l’agriculture, comme les «caisses
nationales de crédit agricole», ont alors été mises en place à partir de capitaux en pro-
venance de l’Etat ou de financements extérieurs. La plupart ont rencontré de nom-
breuses difficultés et sont plus ou moins en faillite.
En Afrique de l’Ouest francophone, seules deux banques de ce type, très liées aux
filières coton, sont en bonne santé financière, quatre sont en faillite et une est en sur-
vie artificielle. Les banques commerciales, sauf rares exceptions, ne sont pas intéres-
sées par le financement des petites exploitations agricoles. Des prêts de faible mon-
tant, à une clientèle dispersée géographiquement, ne présentant pas de garanties
matérielles, sont coûteux à gérer de l’octroi à la récupération et sont très risqués.
Différents programmes ont essayé d’intéresser les banques à ce nouveau public, sans
grand succès. Certaines ont profité de «l’effet d’aubaine» (lignes de crédit bon mar-
ché et fonds de garantie couvrant 100 % des risques), mais n’ont pas souhaité modi-
fier leurs pratiques.
Cette situation est probablement en train de changer. Les banquiers ou les investis-
seurs, notamment en Amérique latine, s’aperçoivent que l’on peut faire des profits
relativement substantiels avec le micro-crédit. En Afrique, de nouvelles banques à
direction et capitaux nationaux, moins tentées de transférer leurs liquidités vers leur
siège du Nord, commencent à s’intéresser au potentiel de ce nouveau public. Avec les
politiques de libéralisation financière et d’ajustement structurel, la concurrence est
plus forte, les banques sont souvent sur-liquides et les possibilités de placements rému-
nérateurs auprès des banques centrales ont pratiquement disparu. Certaines banques
créent des départements spécialisés ou de nouvelles formules telles que les mutuelles
communautaires de croissance (MC2), adaptées à cette nouvelle clientèle.
157
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Mais, dans la majorité des cas, il est normal que le secteur bancaire soit peu intéressé
par de multiples opérations de faibles montants pour un public à risque, qui ne pré-
sente pas de documents comptables orthodoxes ou de garanties matérielles classiques.
Le financement à travers les filières de rente connaît également de grands change-
ments. En Afrique de l’Ouest, les couples banques de développement/filière restent les
premiers financeurs de l’agriculture, notamment à travers le financement des intrants
dont le remboursement est prélevé à la source, lors de la commercialisation. Par
exemple, au Burkina Faso, la CNCA et la Sofitex totalisent un encours de 25 à 40 mil-
liards de francs CFA suivant les années, contre 3 milliards environ pour les institutions
du secteur intermédiaire. Mais l’augmentation de l’instabilité des prix sur les marchés
internationaux, le démantèlement des entreprises publiques gérant ces filières et la fin
du monopole de la commercialisation pourraient rapidement mettre fin à cette situa-
tion. En effet, dans cette situation, les avances sur récolte ne sont plus garanties et les
organisations paysannes gérant la commercialisation ne sont plus en mesure d’assurer
la caution solidaire entre les producteurs.
158
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
caisses spécifiques pour les assurances décès, maladies, frais de scolarité ou des
systèmes d’enchères qui permettent d’alimenter des «caisses de développement »
octroyant du crédit.
● Les banquiers ambulants
On se trouve en présence d’une formule originale où le client paye une commission
(3 % par mois) pour s’obliger à épargner tous les jours une petite somme. Chaque ban-
quier ambulant remet une carte mensuelle avec des cases journalières. Il collecte chez
son client tous les jours une petite somme d’argent, dont le montant est fixé au préa-
lable. À la fin du mois, il remet à son client la somme collectée moins une mise jour-
nalière qui correspond à sa commission. On est loin de la conception du taux d’inté-
rêt comme équilibre entre offre et demande financière.
● Les caisses de solidarité
De nombreuses caisses de solidarité, autonomes ou liées aux tontines, ont une fonc-
tion d’assurance, notamment pour les cas de décès et de maladies ou pour financer les
frais de scolarité. La caisse sociale peut apporter son secours en payant des frais ou en
prêtant de l’argent sans intérêt. Mais dans d’autres cas, ces caisses de solidarité, outre
leurs fonctions d’assurance, octroient aussi des prêts, généralement avec un intérêt
assez élevé, pour développer des activités économiques. De même, des clubs d’inves-
tisseurs, par exemple les «clubs libériens» en Guinée forestière, se créent, à partir de
la cotisation des membres, pour faire des crédits à taux d’intérêt relativement élevés,
de l’ordre de 5 % par mois, aux membres ou parfois aux non membres parrainés,
pour développer leurs activités ou rentabiliser leur capital. Les responsables reçoivent
des commissions selon les résultats : ils ne sont donc pas bénévoles.
Les exemples pourraient être multipliés. Le secteur financier autonome se caractérise
par la grande diversité de ses fonctions et de ses publics, par sa souplesse et ses capa-
cités d’adaptation. Son étude permet de voir comment paysans et urbains s’organisent
sans intervention extérieure, leurs priorités, les modes d’organisation, l’imbrication
entre économique et social, les coûts et les modes de rémunération, la gestion des
risques. Le secteur autonome, malgré ses limites, reste le principal recours de la majo-
rité de la population : c’est un excellent révélateur de la demande réelle et de ses
modalités d’organisation.
● Le secteur intermédiaire
Au cours des dernières années, il est apparu clairement que les banques classiques ne
sont pas véritablement intéressées par le public des petites exploitations paysannes ou
des entrepreneurs ruraux et urbains. Leurs techniques financières ne sont pas adap-
tées pour servir ce segment de clientèle. Par ailleurs, le secteur informel est toujours
aussi vivant et adapté, mais ses moyens limités et ses services souvent coûteux ou
risqués.
D’où la nécessité de nouvelles institutions financières, d’un secteur intermédiaire
entre les banques et l’informel, que l’on qualifie généralement de «microfinance»,
parce qu’elle s’adresse à des petits producteurs, c’est-à-dire l’immense majorité de la
population, et que les sommes prêtées ou épargnées restent limitées : les crédits sont
pour la plupart inférieurs à 1 000 dollars. Ce secteur en pleine expansion est l’objet
159
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Les COOPEC sont d’abord des coopératives, c’est-à-dire qu’elles sont en principe gérées
par leurs membres, même si le poids des techniciens salariés ou des financements
extérieurs limite souvent ce principe. Du point de vue technique, elles privilégient la
fonction épargne et ne font en principe du crédit qu’à partir de l’épargne collectée.
Les COOPEC montrent donc qu’il est possible de mobiliser de l’épargne en milieu
populaire, en général pour des raisons de sécurité et de liquidité beaucoup plus que
de rémunération. Dans ces conditions, la motivation des paysans à rembourser le cré-
dit provenant de leur propre épargne est beaucoup plus forte que si les fonds vien-
nent de l’extérieur. Les objets de crédit, librement demandés par les membres, sont-
très variés, mais ils portent plus sur le commerce, la transformation de produits,
l’habitat, les prêts sociaux que sur la production agricole.
160
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
En privilégiant l’épargne, les COOPEC ont tendance à accueillir davantage les couches
moyennes de la population, écartant souvent les femmes et les paysans les plus
pauvres, à limiter les crédits disponibles à une fraction (entre 30 et 80 %) de l’épargne
collectée et, surtout, à une faible proportion des épargnants (souvent moins de 15 %).
Cependant plusieurs réseaux, notamment au Bénin et au Burkina en Afrique de
l’Ouest, ont des programmes spécifiques qui permettent, avec des modalités particu-
lières proches du crédit solidaire, d’insérer les femmes dans les COOPEC.
● Le crédit solidaire
Par rapport aux COOPEC, le grand intérêt de l’expérience de la Grameen Bank au
Bengladesh est de montrer qu’il est possible de faire du crédit remboursé à 98 %, à
des paysans pauvres, sans terre, majoritairement des femmes, qui représentent 95 %
de la clientèle. Mais ceci nécessite des techniques financières spécifiques (prêts de
faibles montants, remboursés hebdomadairement, avec une épargne concomitante
quasi obligatoire et des garanties sous la forme d’un groupe de caution solidaire de
cinq personnes) et un système d’encadrement de la population (personnel nombreux
et motivé, charte «idéologique», réunions fréquentes, formation, etc).
Il existe des expériences de caution solidaire beaucoup plus anciennes, par exemple
les mutuelles du Cameroun, du Dahomey, de Madagascar, du Niger, dès 1956. Elles
ont montré leurs possibles effets pervers comme la solidarité dans le non rembourse-
ment. Mais elles ont aussi mis en évidence les conditions d’application et les autres
avantages des groupes : la sélection des emprunteurs, la discussion des objets de cré-
dit, la facilité dans la gestion et le remboursement. Les ressorts sociaux mis en jeu sont
davantage la pression sociale ou le sens de l’honneur qu’une véritable solidarité.
161
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Mais elle a aussi ses lourdeurs et ses effets pervers. La participation est plus facile à
organiser à un niveau restreint, en utilisant les structures sociales locales. Des réseaux
de caisses villageoises, associant fonds internes et fonds externes, appuyés par des
services techniques professionnels qui assurent la promotion, le suivi et le contrôle de
ces caisses ont donc été constitués, avec le soutien d’organisations non gouvernemen-
tales.
Entre les banques et le secteur informel, le secteur intermédiaire, mêlant intervention
externe et implication des épargnants et des emprunteurs, voit son influence croître.
Il permet à une population croissante d’accéder à des services financiers de qualité.
Ses dénominations varient selon les auteurs : microfinance, systèmes financiers décen-
tralisés, institutions financières spécifiques ou intermédiaires. Il reste cependant très
évolutif et diversifié et n’a pas encore acquis, dans la majorité des cas, stabilité finan-
cière et reconnaissance juridique. Son insertion dans les systèmes financiers natio-
naux, avec la création de liens avec le secteur bancaire (refinancement, placement des
liquidités, etc.) reste encore également à construire.
162
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
● La viabilité financière
Elle reprend les différents facteurs de l’équilibre comptable mais essaye de les mettre
en perspective. Les impayés ne sont pas simplement des montants à provisionner,
mais doivent être interprétés. Viennent-ils d’une mauvaise rentabilité des objets finan-
cés, d’un calendrier d’octroi et de remboursement inadapté, d’un «détournement» de
l’objet officiel de crédit, d’une volonté de non-remboursement parce que l’institution
est perçue comme extérieure, fonctionnant avec l’argent de l’Etat ou des bailleurs de
fonds ?
Même s’il existe encore quelques réticences chez certains agronomes ou économistes,
un consensus semble se dégager sur les conditions de l’équilibre financier. Il faut un
volume d’affaires suffisant, en régime de croissance, pour couvrir les frais fixes (prin-
cipe du point mort), un différentiel relativement important (au minimum de dix
points) entre le coût de la ressource (épargne, ligne de crédit, capital) et le coût du cré-
dit, une bonne maîtrise des charges, un taux très faible d’impayés et de détournements.
Les principaux débats ont bien sûr porté sur les taux d’intérêt. C’est un point de
controverse habituel entre les «développeurs» et les spécialistes des systèmes finan-
ciers. Pour les premiers, le taux d’intérêt sur le crédit doit être le plus bas possible, car
la rentabilité des investissements agricoles est faible. Les seconds raisonnent en terme
de différentiel, c’est-à-dire d’écart entre le coût de la ressource et le coût du crédit.
C’est aussi le raisonnement des paysans dans les COOPEC, où ils décident souvent une
rémunération très faible de l’épargne pour avoir des taux de crédit peu élevés, ou
dans les caisses villageoises qui ont des taux d’épargne et de crédit très supérieurs aux
normes bancaires habituelles (10 % de rémunération de l’épargne sur 6 mois et 20 %
de taux d’intérêt sur six mois).
163
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● La viabilité institutionnelle
Elle ne limite pas son approche au statut juridique mais s’intéresse à la qualité de l’or-
ganisation de chaque institution, à l’organisation générale et à la régulation du secteur
de la microfinance. Il s’agit des conditions d’agrément des projets, des organisations
non gouvernementales et autres organisations pour collecter l’épargne et faire du
crédit.
164
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Il s’agit également de l’observation par tous les intervenants d’un code de déontolo-
gie minimal. Le risque actuel est en effet que la législation et le contrôle de la Banque
centrale s’exercent uniquement sur les institutions financières agréées, en leur créant
éventuellement des contraintes supplémentaires. Si d’autres interventions, plus
laxistes (au niveau des taux de remboursements et des taux d’intérêt), voire parfois
frauduleuses, peuvent continuer à se développer, les mauvais systèmes financiers ris-
quent de chasser les bons, par leur capacité à offrir (de manière évidemment non
durable) des crédits à faible taux d’intérêt qu’il est possible de ne pas rembourser.
Pour remédier à ce problème inquiétant, certains pays ont mis en place un cadre de
concertation, réunissant les ministères concernés, les opérateurs et institutions finan-
cières et les bailleurs de fonds. Ce cadre de concertation permet de définir un plan
national à moyen terme pour le développement de la microfinance. Il définit des
actions communes, des lieux de concertation au niveau national et régional et l’orga-
nisation de la concurrence (par exemple une centrale des risques2). Ils peuvent égale-
ment définir des conditions d’entrée et d’appuis éventuels (du type parrainage) des
nouveaux acteurs. Ces cadres de concertation et plans de développement ne devien-
nent réellement opérationnels que si un noyau restreint d’institutions financières spé-
cialisées se constitue en association professionnelle, reconnue par les autorités admi-
nistratives et les bailleurs de fonds. Ceci permet également de discuter de la
répartition des pouvoirs entre Etat, bailleurs de fonds et associations professionnelles
pour faire respecter les règles définies d’un commun accord.
● La viabilité sociale
● La viabilité interne
Elle s’intéresse à la convergence, à la compatibilité ou au compromis entre les intérêts
et les normes des différents acteurs concernés. Quand elle existe, ceux-ci considèrent
l’institution financière comme leur propre affaire.
Les modalités d’épargne et de crédit ont été élaborées avec les intéressés et ne sont pas
en contradiction avec les normes culturelles de la société comme la conception de l’ar-
gent, du temps, du taux d’intérêt...
Les différentes formes de garanties, matérielles ou sociales, utilisant à la fois la solida-
rité, les pressions sociales, le sens de l’honneur, sont acceptées et efficaces.
L’accès aux services financiers est suffisamment ouvert à toutes les couches de la
société pour permettre aux éléments dynamiques, notamment les femmes et les
jeunes, d’être satisfaits et d’éviter la mainmise de quelques «notables» ou gros entre-
preneurs sur l’essentiel des ressources.
Les responsables élus sont considérés comme légitimes, les abus de pouvoir sont limi-
tés et les conflits sont réglés selon un mélange subtil de normes anciennes et nouvelles.
Les techniciens et les divers salariés «se sentent à l’aise», au niveau des salaires et avan-
tages annexes, de leur qualification et de leur reconnaissance sociale.
Il existe un rapport équilibré de collaboration et de spécialisation entre les élus (ou les
représentants des bénéficiaires) et les techniciens salariés, assurant un équilibre des
pouvoirs, sans prépondérance de l’une des parties sur l’autre.
2 Le partage par les institutions financières de l’ensemble de leurs emprunteurs en impayés, de façon à éviter les effets de
contagion.
165
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● La viabilité externe
La viabilité externe permet que l’institution n’apparaisse pas comme un corps étran-
ger venu de l’extérieur. Elle s’insère dans son environnement. Grâce à une large infor-
mation et de nombreuses discussions, les personnalités ou institutions externes
comme les autorités politiques et administratives, les responsables religieux, les
notables divers, voire les usuriers, soutiennent l’institution. Du moins, ils n’ont pas les
moyens suffisants pour la contrecarrer ou s’y opposer ouvertement. Par ailleurs, une
bonne liaison s’est établie avec les autres interventions de développement telles la vul-
garisation agricole, la formation technique ou le conseil de gestion, les infrastructures,
les systèmes d’approvisionnement et de commercialisation afin d’assurer une synergie
entre le facteur financier et les autres fonctions. Enfin, un cadre de concertation et de
régulation a été créé auquel participent l’Etat, les bailleurs de fonds et les divers opé-
rateurs.
● La «fongibilité» du crédit
Au sein d’une exploitation agricole, le crédit, qui constitue une anticipation sur les
revenus à venir, est utilisé à diverses fins, suivant les circonstances, les contraintes de
trésorerie et les objectifs de l’exploitant et de sa famille.
166
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
peut poser un problème de conflit d’intérêt ; celui-ci peut en partie être limité par un
contrôle croisé au sein de caisses couvrant plusieurs villages.
● Le financement de la trésorerie
Les activités rurales ont un caractère saisonnier plus ou moins marqué. La plupart du
temps, les périodes de dépenses et de recettes ne coïncident pas, ce qui nécessite de
recourir à des financements externes pour combler les déficits de trésorerie. Comme
le soulignent les paysans, « l’argent n’a pas la même valeur tout le temps» et les opportuni-
tés d’investissement en milieu rural sont liées aux activités saisonnières. Ce type de
financement correspond donc le plus souvent à du crédit court terme, en général infé-
rieur à un an.
Dans le cas du crédit de campagne agricole ou du crédit rural, les octrois sont déblo-
qués en début de cycle et un différé de quelques mois est introduit. En Guinée, l’ex-
périence du crédit rural montre que, dans la plupart des zones de l’intérieur, l’activité
est presque exclusivement réduite à l’agriculture et les ressources monétaires pro-
viennent de la récolte, six mois après déblocage du prêt.
Nature du crédit Des crédits aux activités génératrices de revenus Des crédits à l’agriculture et au petit
réguliers de commerce, d’artisanat ou de services élevage
Type d’emprunteurs Petites commerçantes, petits artisans des Petits agriculteurs, planteurs, éleveurs
centres-urbains (villes secondaires) ou maraîchers
Objets du prêt Défini par l’emprunteur et soumis au contrôle du groupe et à l’agent de crédit
Taux d’intérêt 2,5 % par mois sur le capital restant dû
Plafonds 500000 GNF (2 500 FF) 200 000 GNF (1 000 FF)
Prélèvements 2 000 GNF (10 FF) de parts sociales
2 % de frais de dossier
5 % du montant octroyé d’épargne de garantie
Dates d’octroi Toute l’année Février à juillet suivant les régions
Durée 12 mois 7 à 12 mois
Modalités de 11 échéances de montant constant 3 échéances après un différé de 5 à 8 mois
remboursement après le 2ème mois
Fonds d’assurance 1 % pour couvrir les cas de décès et d’invalidité permanente
Garantie Moralité Moralité
Groupe de caution solidaire de 5 personnes de Groupe de caution solidaire de 5 à 10
familles différentes et se cooptant librement personnes se cooptant librement
Suspension du crédit au niveau du quartier Suspension du crédit au niveau du village
si impayés si impayés
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L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
169
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Tableau 2. Effet du crédit court terme sur la rénovation de la plantation d'un petit producteur de café
(illustration en Guinée forestière)
Tableau des flux monétaires annuels du système famille-exploitation en milliers de francs guinéens (GNF)
Solde initial 5 0 5 0
Agriculture Café 390 250 390 250
Arachide 220 120 330 160
Riz 80 80 120 120
Investissements (main d'œuvre, plants) 0 0 0 40
Consommation Nourriture 80 90
Ecolage 80 80
Vêtements 80 80
Endettement Principal 0 0 100 100
Intérêts 20
Solde final 5 5
Total des flux cumulés 695 695 945 945
L'achat d'intrants et de main d'œuvre pour le riz et l'arachide avec le prêt de 100 000 GNF (soit 500 FF) permet, grâce au supplément de récolte,
d'améliorer la consommation familiale et de financer le renouvellement de 0,25 ha de plantation.
Un crédit calé sur le cycle du café aurait nécessité un crédit étalé sur une période de 4 à 6 ans :
– financement de la défriche, de la plantation et des sarclages en année 1,
– entretien (sarclage et fertilisation) en années 2 et 3,
– remboursements étalés à partir de l'année 4, première année de récolte.
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L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Dans certains pays d’Amérique latine où la question agraire est devenue un véritable
enjeu socio-politique (Nicaragua, Colombie, Brésil), ce type de crédit est mis en place
à l’initiative d’organisations paysannes ou d’ONG à partir de fonds privés, mais
n’entre pas dans le cadre d’une politique publique.
En revanche, on remarque parfois que le crédit rural peut influencer les dynamiques
foncières. Par ses effets sur la diversification des activités et sur les revenus dans les
zones dégradées comme les terres de barre du Sud Bénin, l’accès au crédit peut per-
mettre d’enrayer le processus de décapitalisation et, en dernier ressort, de vente de
terres. Le crédit de campagne peut également transformer les modes de faire-valoir
et permettre aux agriculteurs de se désengager de relations de métayage trop contrai-
gnantes (métayage à moitié), pour louer des parcelles grâce au crédit. Enfin, des
modalités de crédit spécifiques peuvent permettre aux agriculteurs de financer l’en-
registrement de leurs parcelles au cadastre et d’éviter toute appropriation abusive,
comme cela se produit dans certaines zones de Madagascar ou sur les terres des
anciennes coopératives de réforme agraire parcellisées au Nicaragua.
3 Le terme est pris dans un sens restrictif et n’aborde pas les risques financiers comme le risque de liquidité ou le risque
de transformation.
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
4 Selon A. Neuveu, un warrant est « un gage sur un produit fongible qui, habituellement, doit être déposé dans un magasin général.
Par exception, les produits agricoles peuvent être conservés sur l’exploitation ».
172
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Ces fonds, prélevés lors de l’octroi des prêts5, permettent de couvrir les défauts de
paiement liés aux décès ou à l’invalidité des emprunteurs. S’ils préservent la viabilité
des systèmes financiers, ils ne répondent pas aux difficultés traversées par les écono-
mies familiales.
La mise en place d’un service d’épargne est une autre solution. La constitution d’une
épargne liquide, sur livret ou compte d’épargne à vue, permet de disposer d’une
réserve mobilisable à tout moment, pour faire face aux dépenses exceptionnelles ou à
une baisse inattendue des revenus familiaux. La réussite de cette fonction «d’épargne-
assurance» dépend de l’adéquation des modalités d’épargne retenue (sécurité, liqui-
dité, confidentialité, rémunération, etc.) et de la confiance qu’inspirera, auprès des
paysans, l’institution qui la gère.
Plus récemment, et dans le prolongement des pratiques informelles des «caisses de
secours ou caisses villageoises», différents systèmes d’assurance santé ou de mutuelles
de santé se développent à titre expérimental en milieu rural. Ils ont pour objectif,
dans des zones où existe une certaine solvabilité, de sécuriser les économies familiales
en permettant de faire face aux dépenses de santé, en évitant la décapitalisation et en
encourageant l’accès aux soins.
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L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
6 60 % des surfaces déclarées sinistrées entre 1980 et 1988, montant des primes d’assurance équivalent à 4 % de la valeur
assurée et remboursement total correspondant à 15 fois le montant des primes.
175
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
En général, les environnements les plus favorables restent encore souvent les zones où
dominent des filières structurées et organisées, comme la filière coton en Afrique de
l’Ouest ou des zones très dynamiques, comme les périphéries urbaines, où existe une
forte demande diversifiée et où les circuits d’accès au marché restent courts et acces-
sibles directement aux producteurs.
Enfin, au niveau des exploitations paysannes, certaines approches, menées à titre
expérimental comme le conseil en gestion, s’efforcent d’améliorer la maîtrise de l’en-
vironnement par les exploitants et de mettre en œuvre des outils d’aide à la décision,
tels que l’élaboration de plans de développement.
176
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
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YARON J., 1997 : Rural Finance : issues, design and best practices, World Bank, Washington D.C.,
164 p.
177
2 2 4 La formation, l’information,
les centres de services
À partir des contributions de M. Brochet (CNEARC),
P. Debouvry, C. Fusillier (IRAM) et A. Maragnani
(ministère de l’Agriculture et de la Pêche)
179
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
180
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
181
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
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L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
183
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
184
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Toutefois, ce sont les formateurs qui devront apprécier les modalités de mise en œuvre
pédagogique de la formation, en fonction des publics et des conditions concrètes de
réalisation.
186
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Le système pédagogique ne doit donc pas créer de réticences pour aller sur le terrain,
il doit permettre la construction de situations pédagogiques favorables. En d’autres
termes, il faut que les agriculteurs et agricultrices en formation aient accès au «privi-
lège de l’expert», c’est-à-dire puissent accéder à la totalité de l’information et avoir la
possibilité de réaliser des voyages d’étude et des échanges d’expériences. C’est un
préalable indispensable pour favoriser l’élargissement des références et pour mettre
les agriculteurs et agricultrices en situation de recherche. Cela constitue une
démarche de formation professionnelle plus efficace que les cours généralement dis-
pensés en salle.
187
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
L’INFORMATION ET LA VULGARISATION
● Les concepts
Vulgarisation : la vulgarisation a pour objet de rendre accessible à un large public des
notions, des expériences et des recherches effectuées par des spécialistes.
Vulgarisation agricole : outil d’accompagnement qui vise à renforcer les connais-
sances et les savoir-faire des producteurs en leur diffusant des informations appro-
priées et en leur donnant des conseils pour leur mise en pratique.
Différence entre la vulgarisation et la formation : à la différence de la formation qui
est ciblée sur un public spécifique pour lui permettre d’acquérir des compétences nou-
velles dans un domaine choisi sur des critères préétablis ensemble, la vulgarisation
agricole se situe au niveau de l’appui, de l’information et du conseil.
Utilité : pour utiliser efficacement ses facteurs de production (terre, capital, travail),
un agriculteur doit pouvoir combiner, de façon active et positive, ses propres connais-
sances et son savoir-faire avec des informations nouvelles afin de renforcer ses com-
pétences décisionnelles.
Dispositif : la vulgarisation agricole est l’affaire de nombreux acteurs car les sources
de production d’informations et de connaissances sont multiples ainsi que les modes
de diffusion. Les utilisateurs principaux des savoirs agricoles, les paysans, sont aussi
les premiers producteurs de savoirs. Ils jouent ou devraient jouer un rôle majeur dans
la diffusion et le partage de l’information. Ce principe est un des acquis de l’évolution
des approches de la vulgarisation par la recherche-développement. Une des difficul-
tés consiste à mettre en synergie la diversité des sources de savoirs, par exemple la
recherche agronomique et les organisations paysannes, afin que les travaux des uns
correspondent bien aux préoccupations des autres. Une autre difficulté est de mettre
en place des dispositifs suffisamment ouverts et souples pour que les différents acteurs
puissent débattre de leurs priorités, de leurs problèmes, de leurs hypothèses de solu-
tions. Ces dispositifs doivent aussi pouvoir s’adapter aux évolutions économiques,
sociales et politiques des contextes dans lesquels les paysans évoluent.
Système de vulgarisation agricole : il doit permettre au producteur d’accéder aux
informations qu’il jugera utiles à l’amélioration de sa situation économique et sociale.
Familles de savoirs utiles au paysan : il est nécessaire de distinguer celle qui concerne
la production agricole et ses savoir-faire techniques et celle relative à l’environnement
de la production qui couvre un ensemble d’outils de gestion, d’organisation et de com-
munication. Ces deux familles conduisent à examiner des dispositifs
différents de vulgarisation. Les uns ont davantage une vocation de formation et
de conseil technique à la production, au sens restrictif du terme. Les autres sont
davantage orientés vers le conseil de gestion, prenant en compte le paysan dans la
diversité de ses activités et attentes.
188
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Ces dispositifs verticaux de vulgarisation ont montré leur efficacité au sein des filières
encadrées, en particulier dans la production cotonnière. Ils ont permis un accroisse-
ment des revenus des producteurs et ils ont fait prendre conscience aux producteurs
de la nécessité de s’organiser. Mais ils focalisent exagérément les appuis sur une seule
culture et contribuent à une centralisation des pouvoirs de décision et de gestion entre
les mains des sociétés d’exploitation. En outre, ce type de vulgarisation avait tendance
à faire penser qu’aucune autre formation, au sens décrit plus haut, n’était nécessaire.
Les privatisations des sociétés d’exploitation en cours dans de nombreux pays per-
mettent des ouvertures et des alternatives à ce schéma vertical.
189
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Au-delà des conseils sur les techniques culturales, les besoins d’appui se manifestent
dans de nombreux domaines, à la fois pour les organisations de producteurs et pour
les individus : outils de comptabilité-gestion, aide à la commercialisation, systèmes
d’information sur les prix et marchés, connaissance des règlements fonciers, appui
juridique pour la gestion de contentieux commerciaux ou bancaires, etc. Ces
domaines spécialisés révèlent des besoins d’accompagnement, de formation continue
et de conseil, très importants, qui constituent autant de pistes de travail de vulgarisa-
tion. Il s’agit, en effet, toujours sur la base des réalités paysannes, de permettre la valo-
risation des compétences par la diffusion d’informations utiles à une meilleure prise
de décision.
À titre d’exemple, nous pouvons évoquer quelques dispositifs allant dans ce sens :
> des services d’appui aux producteurs issus des fédérations d’organisations pay-
sannes : la FONGS au Sénégal, la Fédération des caisses locales de crédit mutuel du
Bénin ;
> des dispositifs d’appui spécialisés gérés par des organisations paysannes et contrac-
tant des appuis avec des prestataires de services : Exchange crossroads Ltd au Sénégal
pour la commercialisation, centres de gestion rurale au Mali Sud, centres de ser-
vices en zone Office du Niger au Mali, centre de gestion rattaché à l’Institut de
Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, etc ;
> des ONG contractualisant des actions de vulgarisation auprès d’organisations de
producteurs : S AILD au Cameroun, I REDEC à Madagascar.
L’élargissement de la notion de vulgarisation à une meilleure prise en compte de l’en-
vironnement de la production est fréquent. Ces nouvelles approches de la vulgarisa-
tion et du conseil apparaissent comme des évolutions des dispositifs classiques verti-
caux, auxquelles les sociétés d’exploitation cherchent à s’adapter. Elles reposent en
grande partie sur la capacité des organisations professionnelles agricoles (OPA) à rem-
plir leurs fonctions, en représentant de manière efficace et indépendante les intérêts
de leurs adhérents, grâce à des leaders bien formés.
190
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
adapter aux évolutions du contexte plutôt que de proposer des paquets techniques
clés en main qui ne s’appuient pas sur l’existant.
Les paysans doivent être impliqués dans le suivi et l’évaluation des activités de vulga-
risation. Ils pourront ainsi, avec les autres acteurs concernés, corriger les erreurs et
proposer des pistes de travail plus adaptées à leurs besoins. De nombreux pro-
grammes de recherche développement ont montré la pertinence de cette approche,
dont les principes sont aujourd’hui repris par les dispositifs de conseil de gestion.
191
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
192
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
193
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
194
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
Plusieurs cas de figures peuvent être envisagés. Le centre de services est géré :
> par une organisation professionnelle agricole (OPA) : une fédération, une union, un
groupement de coopératives. Dans ce cas, des représentants des structures adhé-
rentes peuvent constituer le conseil d’administration du centre, avec le mandat de
définir les orientations, la nature des services, le coût des services ou des adhésions
à payer par les membres, le type de conseillers qui travaillera au centre, les moda-
lités de rémunération des conseillers, etc. ;
> par une structure professionnelle distincte de l’OPA : par exemple par une chambre
d’agriculture ou une chambre des métiers. Dans ce cas, les adhérents au centre
pourraient être associés à la gestion ;
> par une entreprise privée : on peut imaginer, par exemple, qu’un cabinet d’experts
comptables ait intérêt à ouvrir en milieu rural un centre de services payants en
comptabilité/gestion. Il serait prestataire de services et déciderait des règles de fonc-
tionnement du centre.
D’autres formules peuvent encore être imaginées. Il est important que les OPA s’in-
terrogent sur ce qu’elles veulent réellement faire et prendre en charge. A priori, l’ob-
jectif essentiel est que des services de qualité soient accessibles (physiquement, en qua-
lité et en coût), dans la durée, aux membres du centre. Il n’est pas évident que la
meilleure formule passe toujours par une gestion en direct du dispositif. L’OPA peut
trouver avantage à contractualiser ce type de dispositif avec des prestataires et valider
par son adhésion les services proposés.
195
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Il ne faut pas attendre des adhérents qu’ils se donnent les moyens de contrôler la
rigueur et la pertinence technique des conseils fournis, lorsque ces services n’ont pas
un impact direct et individuellement mesurable. Dans le cas des centres de gestion, le
contrôle technique du travail des conseillers s’effectue à un autre niveau : des inspec-
teurs sont mandatés dans chaque région pour contrôler le travail. Le coût du travail
des inspecteurs est pris en charge par des financements extérieurs aux OPA (bailleurs
de fonds et filière coton).
● Le financement du centre
Un des enjeux actuels des centres de services est de mieux mettre en évidence les
bénéficiaires des services rendus. Il y a les adhérents directs et aussi les bénéficiaires
indirects des services, qui ont avantage à ce que le service continue à être assuré. Dans
le cas d’un centre de gestion, ce sont les banques qui diminuent leurs risques en attri-
buant des crédits à une association qui peut présenter des comptes validés par le
centre de gestion, ou encore une société para-étatique de commercialisation qui
trouve profit à ce que son partenaire OPA ait une gestion saine et une organisation
plus rigoureuse.
Sur la base d’une mesure adaptée des impacts des services fournis, et des manques à
gagner que pourraient subir les bénéficiaires indirects si le service n’était pas rendu
correctement, des négociations sur les contributions financières au coût du service par
les différents acteurs peuvent être engagées. Cette contribution n’est pas automati-
quement une participation financière directe. Ainsi une banque qui souhaite encou-
rager un service auprès de ses clients actuels ou potentiels mettra en place des taux
préférentiels, des moratoires particuliers ou encore des produits de financement spé-
cifiques pour les adhérents à tel centre de services.
Enfin, si l’idée peut paraître séduisante sur le papier, elle n’est pas évidente à mettre
en place sur le terrain. Les outils de mesure des impacts font défaut et le coût d’un
dispositif de suivi-évaluation est souvent tel qu’il grèverait les objectifs de couverture
financière. Une évaluation des impacts économiques du centre de services de Niono
(Office du Niger au Mali) a montré les impacts très positifs du centre : les effets indi-
rects des services rendus justifient pleinement la part de subvention accordée au dis-
positif.
196
L’appui aux organisations rurales et les services aux producteurs 2 2
197
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Bibliographie
BEAUDOUX (E). Accompagner les ruraux dans leurs projets, Editions l’Harmattan, 2000.
CHAIX (M.L), ENESAD, avril 2000.
DARRE (J.P) : La production de connaissances pour l’action : arguments contre le racisme de l’intelli -
gence, édition de la Maison des sciences de l’Homme, Paris, Institut national de recherche agro-
nomique (I NRA), 1999.
DEBOUVRY (P), GRANIE (A.M), MARAGNANI (A), METGE (J). Initiation à l’ingénierie de formation pour le
développement, ENGREF-ENFA-CINAM, 1996.
MAZOYER (M) : Histoire des agriculteurs et agricultrices du monde, éditions du Seuil, Paris, 1998.
MERCOIRET (M.R). L’appui aux producteurs ruraux, Editions Karthala, 1994.
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. DIRECTION DE LA COOPÉRATIONINTERNATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT : Pour
une nouvelle approche de la formation professionnelle et technologique, octobre 1999.
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE, Agropolis : Ingénierie des
dispositifs de formation à l’international : quelle démarche ? quelle organisation ? quelle offre ?,
EDUCAGRI éditions, 2000.
198
2 3 La gestion
des ressources
naturelles
2.3.1 Le foncier et la gestion
des ressources naturelles
2.3.2 La gestion des terroirs
2.3.3 L’aménagement des zones cultivées
et la lutte contre l’érosion
2.3.4 La gestion des forêts
et des pâturages
2.3.5 Les aménagements hydrauliques
et les périmètres irrigués
2.3.6 Aménager les bas-fonds :
l’exemple de Afrique de l’Ouest
2 3 1 Le foncier et la gestion
des ressources naturelles
À partir d’une contribution de P. Lavigne-Delville (G RET)
l’espace et modifie le plus souvent ses règles d’accès. Tout aménagement augmente la
compétition pour l’accès aux ressources. Il est essentiel d’anticiper les tensions sus-
ceptibles d’apparaître, en favorisant la négociation des règles qui vont s’appliquer, et
en précisant à l’avance les droits futurs, et donc la répartition des bénéfices tirés de
l’aménagement.
202
La gestion des ressources naturelles 2 3
● Un vocabulaire biaisé
Le «foncier» concerne l’ensemble des règles gouvernant l’accès, l’exploitation et le
contrôle de la terre et des ressources naturelles. Chaque ressource fait l’objet de règles
spécifiques et il est essentiel de s’intéresser à l’ensemble des activités productives.
Lié à l’histoire foncière européenne, le vocabulaire sur le foncier est biaisé et empêche
le plus souvent de comprendre les réalités locales. Le terme «foncier» met l’accent sur
le «fonds», la terre, là où les règles locales concernent en général d’abord les res-
sources : droit de prélever les ressources renouvelables, droit de planter et de récol-
ter les fruits de son travail.
Au sens juridique, le terme de propriété renvoie à la propriété privée du code civil
français. Cependant, dans les systèmes coutumiers, les différentes prérogatives fon-
cières (droit d’exploiter, de gérer, etc.) peuvent être exercées à des niveaux différents
de l’organisation sociale, avec une articulation variable entre prérogatives indivi-
duelles et régulations collectives.
Il peut y avoir propriété paysanne «fonctionnelle» (concentration des droits – d’ap-
propriation, de gestion, d’exploitation – au niveau de l’unité de production) sans mar-
ché foncier ni titres.
Dans bien des cas, une approche en termes de «propriété» est donc fondamentale-
ment inadaptée, ou tout au moins porteuse de confusion. Mieux vaut parler
« d’appropriation foncière», terme qui ne présage pas des types de droits en jeu.
203
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
garantissent le plus souvent un respect des règles. Les conflits ou litiges sont portés
devant une autorité qui statue.
Les Etats ont en général voulu imposer des règles foncières fondées sur des principes
différents. Avec plus ou moins de succès, ils ont voulu combattre les particularismes et
les pouvoirs locaux. Aux yeux de la loi, les seuls droits pris en compte officiellement
sont les titres formels issus de l’immatriculation. L’essentiel des droits concrets détenus
par les ruraux demeure dans l’inexistence juridique officielle. Faute de pouvoir ou de
vouloir avoir accès aux dispositions du droit étatique, la quasi-totalité des ruraux
demeure donc dans une précarité juridique aux yeux de l’Etat. C’est le cas notamment
dans la plupart des pays francophones d’Afrique subsaharienne.
1 C’est-à-dire en fait la quasi-totalité des terres, quels que soient par ailleurs les droits coutumiers qui s’exercent sur elles.
204
La gestion des ressources naturelles 2 3
205
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Le cadre général
207
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Il s’agit également d’analyser si ces autorités jouent désormais un rôle dans la régula-
tion foncière, et lequel ? Un pouvoir ancien n’a, en effet, pas nécessairement de réa-
lité actuelle.
Le contrôle de l’espace ne prend pas toujours une forme «géométrique», marquée
par des limites claires et jointives. Souvent, le contrôle de l’espace est de type «topo-
centrique» : il s’exerce à partir d’un lieu (le lieu de fondation, par exemple), la capa-
cité de contrôle se distendant avec l’éloignement du centre de pouvoir. On a ainsi des
limites floues avec un no man’s land, éventuellement contesté, entre deux unités terri-
toriales.
208
La gestion des ressources naturelles 2 3
209
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● La notion d’espace-ressource
Une ressource naturelle n’est «ressource» que pour autant qu’elle fasse l’objet d’un
usage. Les différentes activités d’exploitation du milieu s’exercent sur des espaces dif-
férents, avec des variations saisonnières. Une même portion de territoire peut faire
l’objet d’usages différents, simultanément ou successivement. Une même activité peut
s’exercer sur des espaces différents. Les modes d’accès et d’exploitation s’exercent sur
un «espace-ressource», c’est-à-dire un espace donné, pour une ressource donnée, en
une saison donnée.
Ces différents usages peuvent relever d’un même groupe social ou bien de différents
groupes socio-ethniques ayant des spécialisations professionnelles.
210
La gestion des ressources naturelles 2 3
BOUTEILLER J.L. ET SCHMITZ J., 1987, « Gestion traditionnelle des terres et transition vers l’irrigation. Le cas de la vallée du Sénégal».
Cahiers des sciences humaines, Paris, 23 (3-4) : pp.533-554
KARSENTY, 1998, «Différentes formes de droits dans l’accès et la gestion des ressources en Afrique et à Madagascar », in table ronde Dynamiques
sociales et environnement, Bordeaux, Regards, tome 3, pp.637-645, d’après L E ROY et al, 1996.
212
La gestion des ressources naturelles 2 3
213
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Pour préserver cette mobilité, une réciprocité de l’accès à l’eau (et donc aux pâturages)
est nécessaire : un propriétaire de puits ne refusera pas l’accès à un troupeau de pas-
sage, mais pourra définir la durée du séjour, en fonction de l’état de la ressource. Il
dispose ainsi d’une maîtrise prioritaire, mais non exclusive, sur les ressources qu’il
contrôle, un droit d’accès étant garanti aux «étrangers».
Les droits de chasse et de cueillette peuvent être exclusifs sur un espace donné : en
Afrique centrale, la pose de pièges sur une piste de chasse est réservée à celui qui a
créé la piste et installé les pièges, tant que ceux-ci sont en état de fonctionner.
Les droits sur l’arbre sur les terres agricoles sont fréquemment dissociés des droits de
culture sur la parcelle ; ils peuvent être différents pour la cueillette des fruits, l’élagage
des branches, l’abattage du tronc, etc.
Les règles peuvent varier selon la saison et le type de ressource : règles différentes
pour les pâturages de brousse d’hivernage, la vaine pâture sur les champs récoltés, le
pâturage de saison sèche en bas-fond.
Sur la carte des maîtrises foncières, on peut localiser les zones contrôlées par tel ou tel
groupe social et les groupes sociaux détenteurs de droits d’exploitation ou de prélè-
vements.
Les règles d’accès et de contrôle des ressources sont enfin évolutives. Lorsqu’une pro-
duction apparaît ou se développe, de nouvelles règles foncières, spécifiques, se met-
tent en place. Les règles évoluent aussi en fonction des évolutions du contexte. Elles
peuvent devenir plus exclusives :
> restriction des droits accordés à des tiers, au profit de tel ou tel groupe d’ayants
droit ;
> restriction sur les règles d’exploitation (interdiction de telle ou telle technique) ;
> appropriation de nouvelles ressources : amasser et stocker les résidus de récolte,
par exemple, entraîne une privatisation d’une ressource auparavant commune ;
> ou au contraire se relâcher, voire aboutir à des situations de libre accès, de fait.
214
La gestion des ressources naturelles 2 3
Lorsque la terre est disponible, la défriche est un mode important d’accès à la terre,
et la surface cultivée par les exploitations dépend essentiellement de leur force de tra-
vail (et du matériel agricole). La taille du groupe familial est alors discriminante.
Lorsque l’espace agricole est fermé, l’héritage et les transactions deviennent détermi-
nants, et des différenciations importantes peuvent se produire.
Des interviews de notables ou de personnes ressources peuvent permettre d’identifier
les grands traits des modes d’accès à la terre (défriche, héritage, achats, dons, faire-
valoir indirects, etc.). Néanmoins, des enquêtes individuelles sur échantillon raisonné
sont indispensables pour identifier les pratiques effectives et les écarts à la norme, ou
encore pour quantifier les phénomènes.
215
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
216
La gestion des ressources naturelles 2 3
Enfin, un contexte marqué par une insécurité juridique potentielle et une évolution
rapide des droits n’aboutit pas nécessairement à une insécurité et à des conflits. Ainsi,
même si elles ne sont régies par aucune règle normative, locale ou étatique, les tran-
sactions foncières peuvent faire l’objet de règles pratiques assurant une certaine sécu-
rité : recours aux témoins, validation par une autorité locale, recours à un contrat écrit
qui, sans que son contenu soit complet, suffit à attester l’existence de la transaction. Il
existe ainsi fréquemment des processus de sécurisation foncière, mobilisant tant des
autorités locales que l’administration territoriale locale, et qui, bien qu’informels, assu-
rent une certaine stabilisation du jeu foncier.
Face à des situations d’insécurité, les acteurs ne restent en effet pas inactifs, et tentent
de stabiliser leurs droits par différents moyens : alliances matrimoniales avec les
autochtones, renforcement du lien de clientèle et des aides et cadeaux donnés aux
tuteurs, restrictions sur les arrangements, recours à l’écrit ou aux témoins, volonté
d’impliquer l’administration locale etc. Il faut aussi enquêter sur ces pratiques de sécu-
risation, c’est-à-dire les processus par lesquels les droits sont reconnus et garantis.
On s’intéressera donc aux formes concrètes que prend l’insécurité foncière, pour en
comprendre les causes et identifier qui en souffre. Il est préférable d’éviter de parler
d’insécurité en général pour, au contraire, décrire et caractériser précisément les
formes effectives d’insécurité foncière, et analyser qui elles concernent, et comment
elles se matérialisent. Pour les différents statuts fonciers et types d’acteurs, il faut donc
vérifier l’existence ou non d’insécurité effective, ses formes, et ses conséquences. Cette
insécurité peut être d’ordre juridique, contractuel ou institutionnel.
217
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
218
La gestion des ressources naturelles 2 3
L’analyse fine permet ainsi de distinguer les différents types de conflits et les éléments
de contexte qui les favorisent, d’analyser dans quelles circonstances et selon quels pro-
cessus des litiges s’enveniment et éclatent parfois avec une violence inattendue, de
comprendre la façon dont les différents pouvoirs et autorités sont ou non mobilisés, et
l’impact de leur intervention. Elle permet aussi de comprendre les fondements des
conflits qui, au-delà du simple accès à la terre, mettent fréquemment en jeu des ques-
tions de pouvoir et d’identité, et les arguments que mobilisent les uns et les autres
pour justifier leur position.
L’analyse des différentes interventions visant à pacifier la situation et à résoudre le
problème aux différentes étapes du conflit constitue un excellent révélateur des
modes concrets de régulation foncière, des autorités mobilisées selon le type de litige,
des principes à partir desquels ils statuent, de l’efficacité de leur intervention.
Enquêter sur les conflits est cependant délicat, du fait de la tension qui leur est liée. Il
convient de croiser les sources d’informations, de recueillir autant de versions que
possible, de la part d’acteurs diversifiés. Il est également intéressant d’étudier des
litiges mineurs ou aisément régulés.
2 On appelle groupe stratégique un ensemble de personnes partageant la même position par rapport à une question ou
un enjeu. La notion de groupe stratégique est empirique. Des critères de statut social, d’âge, de niveau économique, de
rapports de clientèle ou d’affiliations politiques interviennent dans la composition des groupes stratégiques. La configu-
ration des groupes doit être analysée empiriquement dans chaque situation.
219
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
prévisibles. Il sera d’autant plus «rapide» et ciblé que l’on disposera d’une connais-
sance préalable du contexte foncier local.
Ainsi, pour un aménagement de bas-fond, un diagnostic pré-aménagement signifie :
> comprendre la position de l’espace concerné dans les trames territoriales, et iden-
tifier les pouvoirs qui s’exercent dessus ;
> identifier les différents usages et usagers de l’espace à aménager ;
> cerner le profil du groupe demandeur et la position des leaders ;
> identifier les règles d’accès au bas-fond et le parcellaire.
Il n’est pas toujours indispensable de procéder à un levé parcellaire pré-aménagement
systématique. Mais comprendre les règles d’accès aux bas-fonds est indispensable pour
pouvoir discuter les règles post-aménagement.
Trames foncières et repérage des usagers se représentent aisément sur un schéma du
bas-fond. Superposés avec la carte topographique et la localisation prévue de l’ou-
vrage, ces schémas permettent de lire aisément les enjeux fonciers de l’aménagement
pour les différents types d’acteurs.
220
La gestion des ressources naturelles 2 3
Ces négociations engagent d’abord les futurs usagers, les communautés concernées et
les autorités légitimes et compétentes. Les règles ne seront légitimes que dans la
mesure où elles auront été négociées, et si elles s’appuient sur des principes et des
autorités légitimes aux yeux des ruraux. Ces règles doivent donc être négociées sur la
base des systèmes fonciers locaux et des conditions de viabilité de l’aménagement, et
non de principes abstraits3. Pour pouvoir être opposables à des tiers, ces règles et les
instances de décision correspondantes doivent, autant que possible, être reconnues
par l’administration.
Le foncier est une question complexe, dont les enjeux économiques, sociaux et poli-
tiques sont importants. La lecture de travaux de recherche sur la région concernée est
importante. Des travaux de synthèse récents donnent accès à l’état des connaissances
plus générales, et permettent d’approfondir les différentes facettes de la question, qui
n’ont pu être qu’abordées ici. Sur le terrain, le recours à des spécialistes est souhaitable
dès qu’une compréhension fine apparaît nécessaire.
Bibliographie
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«Colloques et séminaires», Dynamiques des systèmes agraires.
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légitimité et légalité. Ministère de la Coopération/Karthala, Paris, 744 pages.
LAVIGNE DELVILLE P., TOULMIN C. & S. TRAORÉ (dir.), 2000, Gérer le foncier rural en Afrique de l’Ouest.
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LE BRIS E., LE ROY E., MATTHIEU P., L’appropriation de la terre en Afrique noire ; manuel d’analyse, de
décision et de gestion foncières, éd. Karthala, 1991, Paris, 359 p.
LE ROY E., KARSENTY A., BERTRAND A., 1996, La sécurisation foncière en Afrique. Pour une gestion viable
des ressources renouvelables. Ed. Karthala. Paris, 388 p.
221
2 3 2 La gestion des terroirs
À partir d’une contribution de A. Teyssier (CIRAD)
1 «Certains géographes spécialistes des espaces tropicaux, surtout en Afrique, emploient terroir au sens de finage ; cet
usage, quoique établi, est source de confusion et devrait être évité ». BRUNET (R.), F ERRAS (R.), T HERY (H.), 1993. Les mots
de la géographie – dictionnaire critique. Reclus – La Documentation française. p. 482.
2 DUBY, (G.) cité par RABOT (C.), 1990. Transferts de fertilité et gestion de terroirs. Quelques points de vue… - Les Cahiers de la
Recherche-Développement n °25, mars 1990 : 19-32.
3 SAUTTER (G.), PELISSIER (P.), 1964. Pour un atlas des terroirs africains. Structure-type d’une étude de terroir. L’Homme, tome IV,
n°1 : 56-72.
223
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Une remise en cause des fondements du développement tel qu’il était conçu
dans les années soixante et soixante-dix
La gestion des terroirs émerge des bilans des précédentes expériences de développe-
ment rural, dont les limites et les échecs ont été mis en évidence. Ni la réglementation
étatique de l’utilisation des ressources, ni la «sensibilisation» des paysans, ni l’incita-
tion à des pratiques conservatrices, ni les grands aménagements, ni les projets de pro-
tection de l’environnement n’ont vraiment réussi à juguler la crise écologique et éco-
nomique des terroirs africains. La gestion de terroirs s’inscrit en rupture avec le
technocratisme des années soixante et soixante dix. Elle se fond dans un courant de
pensée humaniste qui souhaite la reconnaissance et la promotion du paysan africain.
225
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
UN CANEVAS MÉTHODOLOGIQUE
Il n’existe pas de méthode de gestion de terroirs standardisée et universelle. La diver-
sité des situations agraires, la sensibilité des opérateurs de développement et les points
d’attache institutionnelle des projets de «gestion de terroirs » produisent différents
parcours méthodologiques. Certains principes communs amènent néanmoins les
interventions à suivre des lignes directrices. Outre une première phase d’information
des partenaires et des services administratifs, le schéma d’une approche «gestion de
terroirs» peut se présenter en quatre phases, présentées brièvement ci-dessous.
226
La gestion des ressources naturelles 2 3
227
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Les équipes qui réalisent ces études s’attachent à une restitution de leurs observations
auprès des populations enquêtées. À cette occasion, les villageois présentent leur per-
ception des problèmes identifiés par l’équipe externe. Un diagnostic participatif
s’ajoute à l’étude externe et ses restitutions. Différentes méthodes ont été employées,
la plus connue d’entre elle étant probablement la méthode active de recherche parti-
cipative, la MARP5. Ces premiers échanges préparent la programmation des inter-
ventions.
● La phase de programmation
Les démarches «gestion de terroirs» cherchent à impliquer les acteurs locaux dans la
conception des interventions de développement en combinant les idées apportées par
les projets et les problèmes exprimés localement. L’enjeu est de parvenir à une appro-
priation des activités de développement par la communauté villageoise, en l’espoir
d’une pérennisation des actions engagées et d’une maintenance des futurs aménage-
ments.
Deux étapes se distinguent habituellement :
> une phase d’auto-analyse, avec un appui méthodologique et technique : dialogue avec les
acteurs locaux sur les problèmes rencontrés par le village, sur les causes perçues
localement, sur les solutions déjà entreprises par les paysans et sur les actions qu’ils
souhaitent entreprendre avec l’appui du projet ;
> une phase de programmation concertée : proposition d’un «menu» d’interventions aux
différents groupes d’acteurs, enregistrement de leurs réactions et de leurs décisions
de réaliser, de modifier ou de refuser les propositions d’intervention, planification
dans le temps et dans l’espace des actions retenues, réflexions sur le montage finan-
cier des futurs investissements, appui à la constitution de dossiers pour l’obtention
de financements complémentaires.
Cette programmation consensuelle dans le temps et dans l’espace aboutit à la réalisa-
tion d’un plan de développement qui hiérarchise les priorités d’intervention et les
besoins en financement. Il permet par ailleurs un schéma d’aménagement, c’est-à-dire
une carte réalisée avec des représentants de différents groupes d’acteurs, où figure la
localisation des usages et des interventions. Ce schéma peut anticiper sur l’avenir et
proposer des aménagements en fonction d’une vision évolutive des espaces d’inter-
vention.
Ce travail de programmation s’accompagne généralement de la création d’une ins-
tance villageoise, représentative des groupes d’usagers du terroir et dont les fonctions
varient d’une intervention à l’autre :
> cellule de définition de limites foncières et d’arbitrage des litiges ;
> comité ayant un pouvoir de décision sur les choix de développement et d’investis-
sement ;
> point de collecte des fonds servant de contreparties locales ;
> interface avec l’administration et les organismes extérieurs.
5 Méthode active de recherche participative. Cette méthode permet de provoquer un débat entre agents de développe-
ment et communautés rurales et de comprendre la représentation que les producteurs se font de leurs espaces et des pro-
blèmes qu’ils vivent. Dans des sociétés rurales très structurées, les résultats obtenus par cette méthode sont douteux dans
la mesure où tous les problèmes ne peuvent être abordés et débattus publiquement.
228
La gestion des ressources naturelles 2 3
229
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Tableau 2. Exemple d’autoanalyse : terroirs de la vallée du Gudur-Mandaya, piémont des Monts Mandara,
extrême-nord du Cameroun
Problèmes exprimés Causes perçues par les paysans Solutions déjà Demande paysannes pour des
par les paysans envisagées actions à entreprendre avec
classés par priorité le projet
Manque d’eau pour la Affleurement rocheux Creusement de fosses Organisation d’une collecte
consommation humaine à faible profondeur dans les bas-fonds pour creuser de nouveaux puits
et pour le bétail Erosion « due à la culture attelée » Creusement de 3 puits à Construction de seuils
Assèchement des cours d’eau ciel ouvert avec l’appui
par les ipomea. d’un projet
Problème de santé Enclavement du village Construction d’une case Création d’un centre de santé
humaine de santé
Demande, restée sans suite,
d’un dispensaire auprès
de la mission Baptiste et
de la sous-préfecture.
Manque Enclavement du village Organisation d’une cotisation Relance des cotisations en vue de
d’infrastructures Absence d’un marché il y a 5 ans. Cette cotisation, créer une route praticable en toutes
routières important dans la région organisée avec l’appui de saisons. Sur cet axe, les paysans
Absence d’unité administrative deux ONG, a permis de réunir envisagent de construire de petits
une somme de 399 000 CFA. radiers. Tous les villages concernés
La somme collectée est par cette route doivent y participer.
insuffisante et reste pour
le moment chez le
président du comité de
développement du canton
de Mokong.
Insuffisance de Explosion démographique Demande de location Amélioration de la fertilité du sol
céréales Insuffisance de terres cultivables de terres dans les villages Aide pour l’approvisionnement
Problème de dégradation des sols autour de Mandaya en céréales en période soudure.
● La phase de réalisation
En fonction du plan de développement et dans le respect du schéma d’aménagement,
des réunions entre le projet, les utilisateurs du terroir et certains services administra-
tifs définissent les engagements respectifs de chaque partie et les formalisent par
contrats ou conventions. Les subventions et incitations versées par les projets doivent
être progressives et proportionnelles aux réalisations prises en charge par les acteurs
locaux.
Afin de s’assurer de l’intérêt réellement éprouvé pour les aménagements et les actions
programmés, la plupart des projets de «gestion de terroir» exigent une contrepartie
locale sous forme de travail, de matériaux ou de cofinancement. Ces apports permet-
tent également une programmation sélective des actions du projet en fonction de la
disponibilité réelle des contributions.
230
La gestion des ressources naturelles 2 3
● La phase de suivi-évaluation
Le suivi des actions s’effectue de manière permanente avec les villages concernés et de
manière ponctuelle à l’occasion d’évaluations par les partenaires du projet.
Ces évaluations ont pour objectifs d’entendre les réactions des usagers du terroir sur
des actions en cours et de rapporter les impacts sociaux et économiques aux coûts
d’intervention, en vue de leur poursuite, d’une nouvelle formulation ou d’un aban-
don pur et simple.
231
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
232
La gestion des ressources naturelles 2 3
233
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
de «gestion de terroirs» dans l’une de ces tutelles peut limiter ses domaines d’inter-
vention ou provoquer des conflits venant d’autres corps ministériels.
● Les perspectives
● Terroir et territoire
Les projets de «gestion de terroirs» se transforment progressivement en projets de
développement local et de «gestion du territoire». Cette évolution répond à plusieurs
constats :
● Le manque de légitimité des comité villageois
L’échec relatif des comités villageois tient en grande partie à leur absence de légitimité.
Ils ne sont reconnus ni par l’autorité coutumière, ni par l’administration. Pourtant, les
thèmes de la «gestion de terroirs» abordent essentiellement des questions de pouvoir :
médiations foncières, conflits agriculteurs/éleveurs, régulation de l’accès aux res-
sources, etc. L’appui au règlement des conflits pour le contrôle des ressources passe
par une action auprès des pouvoirs locaux. L’agent de développement doit nécessai-
rement faire correspondre son échelle d’intervention à l’échelle de vrais territoires6,
afin de fournir des outils et des informations aux instances de décision et de favoriser
des arbitrages qui s’inscrivent dans le sens d’un apaisement des conflits et du renou-
vellement des ressources.
● La prise en charge de la maintenance
L’entretien d’aménagements et d’ouvrages nécessite une organisation pérenne de la
participation des usagers aux coûts de fonctionnement. Les collectivités territoriales
qui, au contraire des comités villageois, disposent de revenus publics, apparaissent
comme un relais, encore fragile mais opportun, pour la prise en charge de la mainte-
nance ou de son organisation.
● Les limites d’une approche centrée sur le terroir
Certaines demandes paysannes dépassent l’échelle villageoise (pistes rurales,
radiers…), mais peuvent être parfaitement justifiées et riches de retombées écono-
miques pour les usagers du terroir. Une approche exclusivement centrée sur le terroir
ne parvient ni à les prendre en compte, ni à les intégrer dans un schéma cohérent
d’organisation régionale de l’espace.
6 Le territoire est compris ici comme l’espace d’un pouvoir : le fief du seigneur, la commune du maire, le diocèse de
l’évêque, la province du gouverneur, l’arrondissement du sous-préfet, le sultanat, la circonscription du député…
234
La gestion des ressources naturelles 2 3
235
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
236
La gestion des ressources naturelles 2 3
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237
2 3 3 L’aménagement des zones
cultivées et la lutte contre
l’érosion
À partir d’une contribution de P. Dugué (C IRAD)
239
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● L’érosion éolienne
Elle concerne principalement les zones arides et semi-arides (pluviométrie inférieure
à 600 mm). Le transport éolien s’effectue selon trois modes :
> la reptation des particules de sol les plus lourdes (les sables grossiers). Les particules rou-
lent sur la surface du sol sur de courtes distances. Ce phénomène concerne de
grandes quantités de matériaux qui aboutit à la formation de dunes qui réduisent
la production agricole par l’ensablement des bas-fonds et des oasis ;
> la saltation correspond au déplacement par petits sauts sur quelques mètres de par-
ticules moins lourdes, comme les sables fins et moyens. Ce phénomène participe
aussi à la formation de dunes ;
> la suspension est le mode de transport des particules fines (poussières) sur de
grandes distances. Du fait des petites quantités transportées, ce phénomène n’est
guère préjudiciable à l’agriculture.
L’érosion éolienne est un phénomène encore mal connu, difficile à maîtriser. La plan-
tation de brise-vent et la fixation des dunes par des graminées et des arbustes résis-
tants à la sécheresse figurent parmi les principales techniques de lutte contre ce type
d’érosion.
● L’érosion hydrique
L’érosion hydrique dépend de l’intensité du ruissellement des eaux de pluie. Le ruis-
sellement en nappe correspond à une mince lame d’eau qui couvre une grande éten-
due de sol. En se déplaçant, elle entraîne de fines particules de sol. Le ruissellement
peut se concentrer en filets et en ruisseaux du fait du relief. L’érosion correspond alors
à un transport de particules plus grosses et plus lourdes. Il se créé alors un réseau de
rigoles et de ravines qui s’agrandit à chaque pluie par érosion régressive ou remon-
tante. Aux phases d’arrachement et de transport des matériaux du sol suit une phase
d’accumulation lorsque la vitesse du ruissellement diminue. L’accumulation ou le
dépôt des particules transportées se localise surtout dans des zones basses. Ce phéno-
mène peut entraîner par exemple l’ensablement des rizières de bas-fond.
240
La gestion des ressources naturelles 2 3
241
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
242
La gestion des ressources naturelles 2 3
Ces phénomènes ne sont généralement pas compensés par des apports d’éléments
minéraux et organiques. La plupart des paysans ne peuvent pas accéder à ces intrants
ou les utilisent à faible dose. Dans le cas où ils les utilisent, le ruissellement et l’érosion
réduisent leur efficacité :
> par le transport hors de la parcelle d’une partie de la fumure. Ceci est fréquem-
ment observé dans le cas d’apport de fumure organique mal enfouie dans le sol ;
> du fait d’une mauvaise alimentation hydrique due au ruissellement.
Une mauvaise alimentation hydrique et une dégradation physique et chimique des
sols cultivés provoquent une baisse des rendements et compromettent toute tentative
d’intensification des systèmes de cultures. Dans les zones à forte érosion, le décapage
de l’horizon de surface, l’arrachage des particules de matières organiques et le tasse-
ment du sol par le ruissellement entraînent l’apparition de plaques de sol nu et
inculte. Enfin, le développement des ravines entraîne une dégradation des pistes
rurales et peut compromettre les déplacements durant la saison des pluies.
243
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
244
La gestion des ressources naturelles 2 3
Les ados en terre ou diguettes en terre sont surtout vulgarisés dans les régions où les
pierres ne sont pas disponibles. L’ados est construit selon la courbe de niveau, géné-
ralement en début de saison des pluies lorsque le sol est ameubli. Il est réalisé manuel-
lement à l’aide de pelles, de pioches et si possible d’une dame pour tasser la terre. Le
passage d’une charrue à traction animale peut faciliter ce travail. L’ados en terre
constitue un obstacle imperméable, ce qui entraîne fréquemment des concentrations
d’eau en amont de l’ados. Deux solutions permettent d’éviter cet inconvénient :
> des déversoirs en pierres ou avec des fascines de branches disposées régulièrement
le long de l’ados rendent perméables le dispositif, ce qui permet de mieux gérer le
ruissellement en cas de forte pluie ;
> les ados peuvent être construits non pas selon la courbe de niveau mais suivant une
faible pente de l’ordre de 0,1 % à 0,3 % ce qui permet l’écoulement des eaux excé-
dentaires.
245
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Les aménagements avec ados en terre sont relativement complexes à installer et néces-
sitent une bonne précision des mesures, ce qui est difficile à obtenir avec des matériels
topographiques fabriqués localement comme le niveau à eau.
Les fascines en paille, en branches et en piquets de bois, sont rarement utilisées sur de
grandes surfaces car elles nécessitent de grandes quantités de matériaux souvent dif-
ficiles à obtenir. Les fascines sont efficaces en début de saison des pluies, lorsqu’elles
viennent d’être installées mais elles sont fragiles, facilement attaquées par les termites
et disparaissent assez rapidement en cours de saison si on ne les répare pas régulière-
ment. De ce fait cette technique est surtout recommandée pour ralentir le ruisselle-
ment dans les passages d’eau lorsque les pierres ne sont pas disponibles.
246
La gestion des ressources naturelles 23 3
247
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
l’infiltration de l’eau et évacuer les eaux excédentaires que la zone aménagée ne peut
pas absorber. Ce dernier point est particulièrement important en zone montagneuse,
du fait de la vitesse importante du ruissellement et des fortes pluviométries que l’on y
rencontre (parfois plus de 2000 mm/an).
Les eaux de ruissellement, provenant de l’amont, peuvent être canalisées par un fossé
de diversion creusé juste au-dessus de la zone à aménager. Les eaux excédentaires, qui
circulent dans la zone aménagée, peuvent être canalisées par des fossés à faible pente
creusés en amont des ados ou des banquettes. Elles peuvent ainsi être évacuées vers
les exutoires naturels. L’aménagement de ces exutoires est indispensable si on ne veut
pas aboutir à la création d’une ravine à cet endroit.
L’écartement entre les dispositifs anti-érosifs (ados, banquette, bourrelet, muret de
pierre) est calculé en fonction de la pente. L’objectif est d’obtenir la création de ter-
rasses relativement planes qui vont pouvoir être cultivées sans risque érosif.
Généralement, ces aménagements physiques sont renforcés par la plantation d’arbres,
d’arbustes ou de graminées pérennes.
● Les aménagements biologiques
Les aménagements biologiques sont des dispositifs anti-érosifs constitués de végétaux
pérennes : graminées, arbustes, arbres, etc.
248
La gestion des ressources naturelles 2 3
249
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
La frondaison des arbres réduit localement l’intensité des pluies. Il est donc impor-
tant, au moment du défrichement, de conserver des arbres dans les champs et tout
particulièrement ceux qui concurrencent le moins les cultures, comme Faidherbia
albida.
● Les complémentarités entre aménagements physiques et biologiques
Il est préférable d’associer les deux types d’aménagement lorsque cela est possible.
Ainsi, les ados ou les diguettes en terre disparaissent rapidement faute d’entretien
régulier. Les paysans ont peu de temps pour recharger ces aménagements en terre et
leur pérennité est mieux assurée lorsqu’on les renforce avec des touffes de graminées
ou des arbustes. Cette végétalisation a aussi pour intérêt de conserver une trace du tra-
vail de topographie, relativement coûteux à réaliser.
Même les ouvrages en pierre peuvent disparaître faute d’entretien régulier, surtout
dans les zones d’écoulement concentré des eaux : ravine aménagée par une digue fil-
trante, un barrage seuil, etc. L’implantation de végétaux pérennes peut améliorer l’ef-
ficacité et la solidité de ces ouvrages : lignes de touffes de graminées pérennes en
amont des ouvrages en pierre, arbustes pour consolider les berges d’une ravine, etc.
250
La gestion des ressources naturelles 2 3
Les agronomes et les paysans dans diverses régions tropicales mettent au point des
méthodes de culture sans travail du sol et avec une couverture végétale permanente
du sol. Cette couverture peut être obtenue en laissant à la surface du sol les résidus de
culture ou un mulch obtenu par l’installation d’une plante de couverture comme le
mucuna ou le pueraria. Ces mulchs ont un effet anti-érosif remarquable et leur décom-
position améliore les caractéristiques physiques, biologiques et chimiques du sol.
251
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Cordons pierreux +++ variable selon assez élevé : brouette et assez limité si
l’éloignement des charrette, voire location association avec
pierres de camion graminées
Ados en terre + (disparition rapide limité si aide d’une limité : pelle, Élevé : végétalisation
diguette en terre des ados en l’absence charrue bovine pioche, etc. ou entretien chaque
d’entretien) ou d’un tracteur année
Bandes enherbées ++ si végétation – limité en région limité si recours – limité en zone pluvieuse
et lignes de bien développée pluvieuse à du matériel – élevé en zone sèche :
graminées et bon contrôle du feu – plus important en zone végétal local renouvellement des
pérennes et de la divagation sèche (repiquage végétaux tous les 3 à 4 ans
du bétail des graminées)
Digue filtrante, +++ uniquement important, nécessite très important si Passage régulier
seuil en gabions dans les passages une bonne organisation achat de gabions, sur les ouvrages,
et traitement d’eau avec impact et une forte location de camion, intervention à effectuer
de ravine sur l’ensablement mobilisation des etc. dès qu‘il y a un début
des bas-fonds populations concernées de dégradation
Haies vives, + constitue un limité si production assez limité : matériel – important pour le
embocagement, complément aux locale de plants, de pépinière regarnissage et la
parc arboré autres techniques défrichement taille des haies.
d’aménagement raisonné et gestion – limité pour les
des rejets parcs arborés
Culture avec +++ si le mulch limité si bonne moyen : semoir adapté, pas d’entretien mais
couverture n’est pas détruit technicité pour le matériel d’épandage reconduction des mêmes
permanente du sol par le feu et le contrôle des adventices d’herbicide techniques chaque année
passage du bétail pouvant percer le mulch
252
La gestion des ressources naturelles 2 3
qu’elles ne pénètrent dans la zone cultivée, à aménager les champs et les exutoires
naturels ou les ravines qui se situent souvent entre les parcelles. L’effet de ces aména-
gements est renforcé par le choix de techniques culturales anti-érosives. Cette
approche globale à l’échelle du bassin versant est recommandée mais elle implique
que la majorité des paysans qui le cultivent s’associent pour réaliser les travaux d’amé-
nagement ou coordonnent leurs interventions.
Dans le cas où il ne serait pas possible de regrouper l’ensemble des paysans autour de
cet objectif d’aménagement, il est possible de procéder à des aménagements indivi-
duels, parcelle par parcelle. La lutte à l’échelle de la parcelle peut être efficace si le
ruissellement venant de l’amont n’est pas trop important ou s’il peut être facilement
détourné. Mais, dans ce cas, on ne traitera pas l’ensemble des problèmes d’érosion et
de mauvaise utilisation des eaux de pluies à l’échelle du bassin versant, en particulier
les excès d’eau et l’ensablement des bas-fonds.
253
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
254
La gestion des ressources naturelles 2 3
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255
2 3 4 La gestion des forêts
et des pâturages
À partir d’une contribution de A. Bertrand (CIRAD), F. Besse (CIRAD),
N. Gaidet (CIRAD), O.Hamel (CIRAD), B. Toutain (CIRAD)
QUELQUES DÉFINITIONS
● La végétation naturelle comme ressource
La végétation naturelle, définie comme celle ne résultant pas d’une action volontaire
de l’homme, a longtemps été le premier réservoir de ressources alimentaires, énergé-
tiques et de matières premières pour l’espèce humaine. Même si la production agri-
cole a de plus en plus recours à des espèces domestiquées et sélectionnées, la végéta-
tion naturelle est encore, pour les sociétés actuelles, un pourvoyeur important en
matériaux, quel que soit leur niveau de développement. Elle fournit les bois d’œuvre
et de service, le bois énergie, des produits alimentaires variés comme les fruits ou indi-
rectement la viande de chasse, du fourrage pour le bétail, des substances diverses pour
l’artisanat, l’industrie et les médicaments, etc.
Les espaces laissés à la végétation naturelle sont donc le lieu d’activités multiples :
exploitation forestière, élevage pastoral, cueillette de produits dits «non ligneux »
comme la gomme et, parfois, chasse, pêche et activités de loisir. Outre ces fonctions, la
végétation naturelle constitue l’un des compartiments de la biosphère et l’un des prin-
cipaux réservoirs de biodiversité. C’est en ce sens que l’on cite la végétation comme
une ressource naturelle renouvelable.
Les mots de foresterie, de pastoralisme, de chasse et de pêche contiennent à la fois le
sens d’exploitation et celui de gestion de la ressource. Lorsque l’on évoque l’utilisation
organisée des productions végétales ou animales sauvages, la notion de durabilité est
implicite.
257
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
des sols à l’état naturel qui ne font pas l’objet d’utilisation agricole. Les principaux
exemples de forêts tropicales sont les forêts denses humides, les forêts caducifoliées1,
les forêts sèches, les forêts claires, les forêts galeries (ou forêts ripicoles).
La savane
C’est une végétation avec un couvert continu de plantes herbacées de plus de 80 cm
de haut, à base de graminées pérennes à feuilles plates. Les plantes ligneuses sont
généralement présentes, dispersées ou en petits groupes. La savane peut être arbus-
tive, arborée, boisée, parc, selon sa densité, sa taille et sa disposition. La savane est sou-
vent soumise au feu.
La prairie
C’est une végétation continue, composée essentiellement de plantes herbacées, prin-
cipalement des graminées ou des cypéracées ; les ligneux sont absents comme dans les
prairies inondables ou marécageuses ou les prairies montagnardes.
La steppe
C’est une végétation généralement discontinue. Les graminées ont une taille généra-
lement inférieure à 80 cm. Dans les steppes herbeuses ou les steppes arbustives du
Sahel, les plantes annuelles sont nombreuses. Des steppes buissonnantes (à base d’ar-
brisseaux et d’arbustes) ou des steppes succulentes (à base de plantes grasses) existent
aussi dans les régions chaudes.
Les fourrés et les mangroves
Les fourrés, végétation à base d’arbustes et les mangroves, végétation des régions
côtières à base de palétuviers, constituent d’autres formes de végétations ligneuses.
258
La gestion des ressources naturelles 2 3
En zones sèches
La structure de la forêt et des formations forestières n’est pas comparable : elle est plus
diffuse, l’impact des interventions humaines est important, l’imbrication est forte
entre l’agriculture, les formations forestières et l’élevage. Le système agricole imprime
sa marque sur la structure et la composition des formations forestières. L’agriculture
d’abbatis-brûlis répartit les prélèvements sur la forêt alors que l’agriculture sédentaire
les concentre dans l’espace. Les principaux produits recherchés sont les matières
grasses et les fruits. Pour les palmiers, pratiquement toutes les parties de la plante sont
utilisées : stipe pour la charpente, vannerie, natte et cordage avec les feuilles, balais
avec les nervures, fruits pour la consommation, sève pour la fabrication d’alcool, etc.
L’arbre fait partie intégrante du paysage agricole et participe à la stabilisation des sols
et à la lutte contre l’érosion.
En zone sahélienne
Le rôle des arbres dont les feuilles sont consommées par le bétail est primordial pour
le maintien de l’élevage. Sans les arbres fourragers, le bétail ne pourrait survivre
durant le saison sèche. Une alimentation composée uniquement de graminées sèches
ne saurait suffire. Les légumineuses arborées sont les plus importantes : le cas de
Faidherbia albida est à ce titre emblématique.
● L’aménagement
Le contexte socio-économique dans lequel la gestion des formations forestières s’ins-
crit a rapidement évolué durant les quinze dernières années et cette évolution se pour-
suit. Le contexte climatique semble changer aussi. La forêt est de plus en plus consi-
dérée comme un pourvoyeur de ressources multiples (l’arbre et ses produits, le
parcours, le sol utilisable pour l’agriculture, le gibier, le paysage, etc.) à l’origine de
plusieurs filières économiques.
L’analyse des modes actuels de gestion des ressources, leur efficacité et leurs limites,
l’identification des points-clé par lesquels de nouvelles régulations seraient nécessaires
et enfin les opérations d’inventaire des ressources et les études de la dynamique fores-
tière permettent de négocier et d’élaborer avec les acteurs concernés des règles de ges-
tion et des systèmes de contrôle visant à préserver sur le long terme l’exploitation du
patrimoine naturel.
259
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Les parcours
● L’usage pastoral
Pasteurs et troupeaux se déplacent dans les milieux naturels à la recherche de pâtu-
rages et de points d’eau. Les herbivores exploitent essentiellement la production végé-
tale annuelle, produite par des plantes herbacées (feuilles) ou par des espèces
ligneuses (feuilles et fruits). Le terme de pastoralisme désigne les systèmes d’élevage
extensif associés à l’usage des pâturages naturels sur de vastes surfaces. Cela recouvre
des formes diverses d’élevage, depuis les formes nomades jusqu’aux systèmes avec
grande ou petite transhumance. Les formes d’élevage semi-sédentaire et sédentaire
qui exploitent largement les espaces naturels communautaires relèvent de l’agropas-
toralisme. Une partie de l’affouragement provient alors de l’agriculture. Certaines de
ces formes d’exploitation sont très anciennes et étroitement associées à des modes de
vie particuliers. Elles s’adaptent en permanence à l’évolution du contexte. Elles ont
ainsi la capacité de perdurer, en particulier dans les milieux les plus ingrats où
d’autres formes d’utilisation du milieu ne sont pas envisageables. Le pastoralisme est
reconnu pour bien valoriser les maigres ressources offertes, et cela de façon particu-
lièrement efficace, tant du point de vue technique qu’économique.
260
La gestion des ressources naturelles 2 3
Les droits sur les ressources peuvent être éphémères (le temps de la consommation),
réguliers (cycle saisonnier), ou circonstanciés (lors de situations d’urgence exception-
nelles par exemple). Les ressources pastorales sont indissociables de l’espace, lui-
même structuré par les points d’eau et les axes de déplacement. Or cet espace s’avère
de plus en plus limité par la colonisation agricole.
Le discours sur la gestion des parcours appartient à l’administration plus qu’aux pas-
teurs. Ces derniers ont à gérer leur système de production face aux contraintes natu-
relles et aux risques. Ils sont soumis en particulier au jeu des équilibres naturels et
comptent sur la capacité du milieu à supporter les contraintes et à s’adapter aux pres-
sions diverses.
Au niveau d’une région ou d’une zone pastorale, la gestion des parcours s’appuie sur
quelques principes simples :
> maintenir la mobilité des troupeaux, en favorisant ou en protégeant les voies et les
moyens de déplacement, en disposant des points d’eau le long des axes de trans-
humance, en adaptant les dispositifs réglementaires ;
> protéger l’accès des troupeaux à des ressources clés comme les pâturages de saison
sèche et les cures salées ;
> supprimer des mesures qui maintiennent artificiellement le bétail en surnombre
sur les parcours, comme les subventions aux céréales transportées sur les parcours ;
> aménager des infrastructures permettant une bonne répartition des troupeaux
dans l’espace pastoral, comme certains programmes d’hydraulique pastorale
conçus dans un plan d’aménagement ;
> suivre à long terme l’état des ressources.
Certaines conditions préalables doivent être respectées, comme les règlements facili-
tant les mouvements transfrontaliers de bétail.
● La faune
261
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Suite à la prise de conscience au niveau international des menaces qui pèsent sur la
diversité biologique mondiale, concilier la conservation des richesses biologiques avec
le développement des populations locales est l’un des enjeux majeurs. La situation
économique de bien des pays en développement exige une exploitation rentable de ce
patrimoine naturel. L’enjeu actuel est de conjuguer une rentabilité économique à
court terme et une exploitation durable des ressources.
La reconnaissance récente de la valeur économique de la faune sauvage est un élé-
ment de premier ordre dans l’élaboration d’une stratégie de développement durable.
De nombreux projets de «conservation et de développement intégrés» proposent
désormais des modes d’exploitation durables de la faune générant des ressources éco-
nomiques.
262
La gestion des ressources naturelles 2 3
sèches. Souvent, les deux types d’exploitation se côtoient ou s’imbriquent à des degrés
divers dans les mêmes régions, ce qui est parfois à l’origine de concurrence pour l’es-
pace et de conflits pour l’utilisation des ressources. La gestion sylvo-pastorale d’es-
paces boisés tente de concilier les intérêts des forestiers et des pasteurs, parfois en
opposition mais partiellement aussi à bénéfices réciproques, en établissant des règles
d’utilisation négociées.
L’accroissement de la population rurale augmente la pression sur les ressources natu-
relles. Des concurrences se manifestent et augmentent les occasions de litiges pro-
fonds, voire de conflits. Les situations les plus fréquentes opposent des éleveurs et des
agriculteurs, mais il faut aussi mentionner les conflits entre forestiers et éleveurs, entre
forestiers et agriculteurs, entre gestionnaires de parcs et de réserves et éleveurs.
Globalement, les tendances actuelles d’évolution des superficies sont les suivantes : les
terres consacrées à l’agriculture augmentent, les surfaces forestières diminuent, les
surfaces pastorales diminuent. Dans le même temps, les effectifs en bétail augmentent.
Gérer une ressource renouvelable, c’est définir et mettre en œuvre des règles fixant et
attribuant (cf. chapitre 231) :
> des droits d’accès à la ressource ;
> des règles de gestion et leurs modalités d’application ;
> des droits et des techniques d’exploitation et de valorisation ;
> des droits d’exclusion ;
> des droits d’aliénation ou de destruction de la ressource, le cas échéant.
263
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
La réalité est en fait plus complexe comme l’atteste l’exemple de Madagascar : le feu
n’est pas une cause de déforestation, il n’est au mieux qu’un outil à cet effet.
264
La gestion des ressources naturelles 2 3
Modes Maîtrise Maîtrise prioritaire Maîtrise spécialisée Maîtrise exclusive Maîtrise exclusive
d’appropriation indifférencié (avoir) droit (possession) droit (propriété et absolue (bien)
(chose) droit d’accès et d’accès, d’extraction fonctionnelle) droit droit «d’user et
d’accès d’extraction et de gestion d’accès, d’extraction, de disposer»,
de gestion et donc d’aliéner
Modes de co-gestion d’exclusion librement
265
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Comment gérer, sur un même espace, un grand nombre d’acteurs, d’usages et d’inté-
rêts souvent contradictoires et incompatibles, relevant de représentations fondamen-
talement différentes de l’espace ? La prise en compte de la pluralité des acteurs et de
leurs préoccupations, toutes également légitimes, amène à mettre au premier plan des
préoccupations le problème des processus de décision, tant en matière d’aménage-
ment forestier que de gestion pastorale. La gestion, pour être viable à long terme, doit
concilier des objectifs divergents. Cela n’est envisageable qu’au terme d’une véritable
négociation, bien différente d’une quelconque participation.
Pour que cette négociation aboutisse à un contrat durable, il importe de faire un
détour préalable par la définition concertée d’objectifs communs de très long terme.
Ceux-ci permettent de construire une vision commune du futur par delà les antago-
nismes. Cette négociation est dite patrimoniale. Un contrat permet alors de fixer les
nouvelles règles de la gestion locale des ressources.
266
La gestion des ressources naturelles 2 3
267
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
à chaque contexte. On doit distinguer le cadre législatif au niveau national et les appli-
cations réglementaires au niveau local, établies sur des bases négociées avec les acteurs
impliqués.
268
La gestion des ressources naturelles 2 3
269
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
La GELOSE à Madagascar
À Madagascar, une loi a lancé officiellement en 1996 une nouvelle politique à l’échelle du pays, qui
vise à assurer une gestion viable à long terme des ressources renouvelables par les communautés
rurales en liaison avec les communes mises en place par la décentralisation.
La gestion locale sécurisée des ressources renouvelables et du foncier (GELOSE) repose sur l’instau-
ration de contrats de transfert de gestion des ressources aux communautés, simultanément à la mise
en place d’une sécurisation foncière relative des occupations du terroir. Le passage d’une approche
«participative» du développement à une méthode «contractuelle», pluraliste et subsidiaire, repré-
sente une mutation fondamentale, facilitée par l’intervention de «médiateurs environnementaux».
Celle-ci ne se traduira cependant que progressivement dans les comportements et les mentalités.
Un nombre encore limité (quelques dizaines) de contrats GELOSE a été jusqu’à présent conclu, mais
la gestion locale des ressources répond manifestement (comme au Mali et au Niger) à une attente des
populations rurales.
Il faut ramener E en dessous de EMSY pour assurer la viabilité à long terme de la ressource.
270
La gestion des ressources naturelles 2 3
271
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Bibliographie
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moniale par récurrence», in CORNIER-SALEM M.Ch et al. eds, 2002, Patrimonialiser la nature tropi -
cale, IRD éditions, pp 79-100.
BERTRAND A., 1998, « L’exemple des marchés ruraux de bois-énergie au Niger», in LE ROY E., BERTRAND
A., KARSENTY A., La sécurisation foncière en Afrique, Paris, Karthala.
BOURGEOT A. (éd.), 1999. Horizons nomades en Afrique sahélienne : sociétés, développement et démo -
cratie. Karthala, Paris, 491 p.
BUTTOUD G., 1995, La forêt et l’Etat en Afrique sèche et à Madagascar : changer les politiques fores -
tières, Paris, Karthala, 247 p.
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DAGET P., GODRON M., 1995. Pastoralisme : troupeaux, espaces, sociétés. Hatier, AUPELF, UREF, 509 p.
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tiers contractés sahéliens. John Libbey Eurotext, Paris
FAO, 1999. Agroforestery parkland in Sub-Saharan Africa. F AO Conservation guide n° 34, 250 p.
272
2 3 5 Les aménagements
hydrauliques et les
périmètres irrigués
À partir d’une contribution de C. Castellanet (GRET)
L’irrigation est souvent vue comme la solution la plus évidente pour augmenter et
sécuriser la production agricole dans les zones de climat aride, semi-aride, ou même
dans les zones mieux arrosées, mais où la variabilité des précipitations fait courir des
risques aux producteurs. En zone de forte densité de population, l’irrigation permet
souvent de réaliser deux, voire trois cultures par an, là où une seule était permise par
les pluies. En zone désertique, l’irrigation est évidemment la seule solution permettant
de garantir une production agricole régulière et de maintenir des populations séden-
taires (systèmes oasiens).
Pourtant, d’après la FAO, la surface de terres irriguées abandonnées chaque année par
suite de la dégradation des réseaux ou de la perte de fertilité des sols (du fait de la sali-
nité notamment) est égale à celle des périmètres nouvellement aménagés. Il ne faut
jamais oublier que l’irrigation demande des investissements lourds en terme de capi-
tal. Elle demande un travail important supplémentaire aux paysans, coûte cher en
termes d’intrants monétaires et d’entretien, et risque d’entrer en concurrence avec
d’autres utilisations des ressources naturelles au niveau des terroirs concernés. Le
choix d’aménager un périmètre irrigué est donc lourd de conséquences et ne doit pas
être pris à la légère. La participation des futurs usagers est évidemment essentielle à
tous les stades, depuis la conception jusqu’à la gestion de ce périmètre.
LES DYSFONCTIONNEMENTS
Quels symptômes observe-t-on sur un périmètre irrigué qui ne fonctionne pas bien ?
Ils sont très nombreux. Nous en citerons seulement quelques uns :
> toutes les surfaces ne sont pas mises en valeur au cours d’une même saison ;
> seul un petit groupe d’usager souhaite pratiquer l’irrigation dans une saison don-
née ;
> les usagers décident de ne plus cultiver en contre saison, ou en hivernage, contrai-
rement à ce qui était prévu initialement ;
> ils préfèrent réaliser des cultures maraîchères, sur des surfaces plus petites, mais ne
veulent plus irriguer les cultures vivrières ;
> les rendements sont variables et en moyenne inférieurs au potentiel ;
> les disputes entre usagers pour l’utilisation de l’eau sont fréquentes ;
273
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
> l’entretien des canaux n’est pas assuré, d’où des pertes importantes (brèches, infil-
trations) et le fait que l’eau n’arrive pas en bout de canal ;
> les redevances ne sont pas payées, ou très partiellement, d’où un entretien insuffi-
sant, et dans le cas du pompage, de nombreuses pannes, un mauvais fonctionne-
ment des pompes, des irrigations insuffisantes ;
> le tour d’eau n’est pas assuré, ou la durée entre deux tours d’eau devient trop
importante en période sèche et chaude, et les cultures souffrent ;
> les agriculteurs se plaignent de la baisse des rendements ;
> un conflit oppose les irrigants et d’autres populations vivant sur le même terroir,
notamment les éleveurs nomades ou les pêcheurs. Des destructions de clôture sont
commises, le bétail divague sur les cultures irriguées, pouvant provoquer des
conflits sérieux avec mort d’homme, voire des guerres locales ou régionales.
Il est inutile de s’attaquer seulement aux symptômes si l’on ne connaît pas les causes.
Réhabiliter des réseaux dégradés, par exemple, sans garantir l’entretien futur, ou for-
mer les responsables des associations d’irrigants à la gestion lorsqu’on constate qu’ils
n’arrivent pas à assurer l’entretien des équipements, décider d’exclure les irrigants qui
ne payent pas leur redevance sans comprendre leurs motifs et leurs problèmes ne sont
que des palliatifs, souvent coûteux et qui n’empêcheront pas le problème de ressurgir
après quelques années.
Le diagnostic d’un périmètre irrigué doit notamment répondre aux questions sui-
vantes :
> les cultures irriguées sont-elles intéressantes économiquement pour les paysans ?
Comment s’intègrent-elles dans leurs systèmes de production ? Y a-t-il concurrence
avec d’autres productions ou activités au cours du calendrier ?
> quel est le coût de l’entretien et du fonctionnement du périmètre irrigué ? Combien
cela coûte-t-il au paysan, par hectare ou par m3 d’eau d’irrigation ? Combien ce
coût représente-t-il par rapport aux rendements moyens attendus des cultures irri-
guées ? Quelle part de ce coût faut-il payer en argent ou en travail ?
> y a-t-il risque de dégradation de la fertilité des terres irriguées ? Par quel phéno-
mène : baisse du taux de matière organique, baisse de la fertilité chimique, salini-
sation, prolifération de certaines adventices ? Y a-t-il des zones affectées par des
problèmes de drainage ?
> y a-t-il conflit entre les irrigants et d’autres usagers du terroir, soit autour du fon-
cier, soit pour d’autres usages ? Quel est le statut des parcelles attribuées aux irri-
gants ? Les irrigants sont-ils tous propriétaires, ou pratiquent-ils le fermage, le
métayage, le prêt des parcelles ? Sont-ils en situation de sécurité foncière ?
> l’exploitation du périmètre irrigué a-t-elle des conséquences sur la gestion des res-
sources naturelles au niveau du bassin versant ? Quels usages (agriculture, élevage,
production de bois, pêche et chasse) supportait la zone occupée par le périmètre
avant son aménagement ?
> comment les irrigants sont-ils organisés ? Forment-ils des groupes socialement
homogènes, avec des règles claires et des dirigeants reconnus et respectés ? Quelle
sont leurs relations avec l’Etat et les autorités locales ? Les associations d’irrigants
sont-elles légalement reconnues ?
274
La gestion des ressources naturelles 2 3
L’ÉCONOMIE DE L’IRRIGATION
● L’irrigation dans les systèmes de production
Rendements supérieurs ne signifie pas nécessairement revenus supérieurs. Tout
d’abord, il faut retirer de la production l’équivalent du coût de l’irrigation et des
intrants additionnels nécessaires. Par ailleurs, il faut rapporter cette production nette
au nombre de jours de travail nécessaires, pour obtenir la productivité du travail, une
valeur souvent cruciale en agriculture paysanne.
On doit systématiquement comparer la productivité des cultures irriguées avec celle
des cultures pluviales et des autres activités agricoles, tout d’abord sous l’angle de la
productivité par jour de travail. On doit ensuite comparer les calendriers culturaux
pour détecter les pics de besoin de main d’œuvre qui peuvent rentrer en concurrence.
Un rendement élevé des cultures irriguées ne signifie pas forcément un bon revenu
pour les paysans. Si le revenu du travail est plus faible que celui des cultures sèches et
que la terre n’est pas limitante, l’irrigation ne sera pas une priorité des paysans, et ils
risquent de l’abandonner à terme.
275
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Le coût de l’irrigation
Le coût de l’irrigation est très variable selon le type d’aménagement. L’irrigation gra-
vitaire (à partir de barrages) nécessite des investissements de départ souvent très éle-
vés. Le coût d’entretien des infrastructures est donc également élevé, En revanche, les
frais de fonctionnement sont réduits puisqu’il n’y a pas de pompage. À l’inverse,
l’irrigation par pompage entraîne des coûts de fonctionnement élevés, d’autant plus
importants que l’eau est profonde. Mais les frais d’aménagements peuvent être
réduits, surtout sur les petits périmètres privés. Il est intéressant de calculer le coût de
l’irrigation à l’hectare, mais aussi par mètre cube d’eau apportée. Le tableau suivant
donne une base de comparaison, qu’il faut actualiser dans chaque situation.
276
La gestion des ressources naturelles 2 3
Tableau 1. Coûts de l’irrigation à l’hectare et par mètre cube d’eau apportée (coûts exprimés en euros)
Investissement Coût d’entretien Autres coûts de Coût de l’irrigation m3/ ha/an Coût en euro
(par ha) et amortissement fonctionnement hors amortissement par m3 d’eau
(équipements (pompage, dis- de l’aménagement) apportée
Type seulement) tribution de l’eau (par ha et par an)
d’aménagement (par ha et par an) (par ha et par an)
On retiendra de ce tableau que le coût de l’irrigation par hectare varie d’un facteur
de 1 à 5 selon le type d’aménagement, de 1 à 20 si l’on considère le coût du mètre
cube. Cette différence serait réduite si l’on intégrait le coût d’amortissement des
grands aménagements, ce que pratiquement aucun gouvernement ne fait, considé-
rant qu’il s’agit d’investissements d’intérêt public.
Le coût réel de l’irrigation se situe rarement en dessous de 300 euros/ha, soit l’équi-
valent de 2 tonnes de paddy/ha. Ce coût peut être réduit en termes monétaires, si une
partie importante de l’entretien des aménagements est réalisée par les irrigants eux-
mêmes. On voit bien cependant que l’irrigation ne se justifie économiquement que
dans les situations suivantes :
> elle est absolument indispensable (zones désertiques) pour la survie des popula
tions ;
> elle permet de réaliser des cultures commerciales à forte valeur ajoutée et marché
assuré (maraîchage péri urbain surtout) ;
> en zone de forte pression démographique, la surface par agriculteur est tellement
faible qu’ils sont obligés pour survivre d’intensifier et de produire deux ou trois cul-
tures par an, à haut rendement, avec une très forte intensité de main d’œuvre à
l’hectare.
En zone sahélienne, l’intérêt de l’irrigation dépend de sa productivité comparée à
celle des cultures pluviales. En général les agriculteurs sont intéressés par de petites
surfaces irriguées qui complètent leur système de production et permettent de
réduire les risques (facteur de sécurité alimentaire).
277
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
plus grande surface possible, tout en couvrant les besoins des plantes aux périodes les
plus sèches (chaudes et sans pluie). Pour cela, il faut :
> minimiser les pertes dans les canaux. C’est le résultat d’un bon entretien. En évi-
tant que tous les canaux ne soient en eau simultanément, on diminue aussi les
pertes, c’est l’un des intérêts du tour d’eau ;
> éviter que les irrigants ne gaspillent l’eau, c’est à dire n’en apportent des quantités
bien supérieures aux besoins.
Ce gaspillage est lié à plusieurs facteurs :
> parcelles mal planées, avec pour conséquence des différences de hauteur d’eau
importantes et de très fortes percolations en zones basses ;
> mauvaise maîtrise des techniques d’irrigation ;
> recherche d’une économie de temps de travail, aboutissant à envoyer un débit très
supérieur à celui qu’une personne seule peut gérer dans la parcelle, ou à laisser l’ir-
rigation se faire toute seule, quitte à ce que l’eau en excès se déverse dans le drain ou
la parcelle voisine ;
> tendance à apporter des doses bien supérieures aux besoins (lame d’eau de 20 cm,
quand 5 cm suffiraient par exemple), qui augmentent beaucoup les pertes par per-
colation (en gros, elles sont proportionnelles à la hauteur de la lame d’eau) et pro-
longent inutilement le tour d’eau. Plus il fait sec, plus l’irrigant a tendance à appor-
ter des quantités (lames d’eau) importantes, au-delà des besoins immédiats de la
plante, pour garantir l’avenir... et plus il risque effectivement d’attendre le prochain
tour d’eau.
> cultures inadaptées aux sols : décision de tout cultiver en riz, alors que certaines
zones du périmètres sont sableuses ou plus hautes, par exemple.
L’idéal serait que chaque irrigant paie sa redevance en fonction du volume d’eau qu’il
utilise et non de sa surface, et qu’en contrepartie il irrigue quand il le souhaite (à la
demande). C’est malheureusement rarement possible, en dehors des réseaux de cana-
lisation enterrés, fort coûteux à l’investissement.
Les modes de régulation entre les irrigants et l’organisation gestionnaire du périmètre
sont très nombreux et varient selon le type de ressource en eau, le type d’organisation
et la technicité des irrigants.
La solution généralement retenue est celle d’un «tour d’eau», dans lequel chaque irri-
gant dispose d’un débit déterminé (la main d’eau, qui correspond à un débit facile-
ment gérable par un homme seul, de l’ordre de 15 litres par seconde sur billons, et
50l/s sur rizières) durant une période déterminée, à intervalle fixe.
279
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
280
La gestion des ressources naturelles 2 3
281
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● La question foncière 1
L’implantation d’un nouveau périmètre se traduit souvent par une situation foncière
complexe. Les ayants droits traditionnels acceptent difficilement d’être privés de leurs
terres ; d’un autre côté, l’Etat qui réalise les aménagements (ou les ONG dans certains
cas) peut difficilement accepter de réaliser ces investissements au profit d’une mino-
rité de familles privilégiées. En dehors de l’injustice sociale, il y aurait un risque fort
que les familles en question, incapables de mettre en valeur toutes les terres irriguées,
les confient à d’autres en métayage ou fermage. Ces situations aboutissent très souvent
à des mises en valeur plutôt extensives, avec de faibles rendements. Ni le métayer, ni
le propriétaire n’ont intérêt à optimiser l’utilisation de l’eau d’irrigation et à entrete-
nir correctement les réseaux.
282
La gestion des ressources naturelles 2 3
La solution souvent adoptée dans le passé a été la confiscation par l’Etat des terres en
question, suivie d’une redistribution égalitaire soit aux populations locales, soit dans
le cas des périmètres plus importants également à des migrants qu’on a incités à venir
s’installer sur le périmètre. Pour éviter toute revente de terre aboutissant à une nou-
velle concentration foncière, et pour maintenir leur contrôle sur les irrigants, les Etats
n’ont cependant généralement pas officiellement attribué les terres en question : les
irrigants n’ont pas de titre de propriété, tout au plus des titres d’occupation provi-
soires et non transférables.
Cette situation d’insécurité foncière est dommageable au bon fonctionnement du péri-
mètre. Les usagers, qui n’ont pas de garantie sur leur avenir, ne sont pas intéressés à
aménager leurs parcelles, encore moins à assurer le bon entretien du périmètre.
Souvent les parcelles sont transférées officieusement à d’autres agriculteurs, ou aban-
données pendant une saison ou plus. Le prélèvement des redevances est rendu diffi-
cile en l’absence de registre foncier à jour.
Il est donc souhaitable que l’aménagement des périmètres aille de pair avec des opé-
rations de sécurisation foncière, fournissant aux usagers des titres de propriété ou
d’occupation permanente incontestables. Une négociation pour le dédommagement
des ayants droits traditionnels expulsés est également souhaitable.
Enfin, lors des opérations de distribution des parcelles, il est souhaitable de faire en
sorte que les terres soient attribuées par quartier, afin que les groupes d’irrigants sur
le périmètre soient aussi des groupes de voisins au village. Cela facilitera beaucoup la
gestion des canaux tertiaires et le fonctionnement de l’association des irrigants, sur-
tout si elle est organisée en plusieurs étages comme suggéré plus haut. Il conviendra
d’associer le plus possible les futurs bénéficiaires au choix du mode d’organisation du
réseau et de répartition des terres afin d’assurer la distribution la plus satisfaisante.
283
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
284
La gestion des ressources naturelles 2 3
Les lâchers incontrôlés peuvent également détruire des cultures de berge. L’arrêt des
crues par les barrages modifie par ailleurs le transport de limons fertilisants par les
fleuves, diminuant la fertilité des sols inondés en aval, et risquant de combler les réser-
voirs de barrage assez rapidement.
Les impacts sur la santé
La présence d’eau stagnante ou peu mobile dans certains canaux utilisés aussi bien
pour le bain que pour l’eau de boisson peut se traduire par le développement ou l’ag-
gravation d’endémies dans la région, notamment la bilharziose, la malaria, etc.
Les impacts sur la biodiversité
L’irrigation de vastes surfaces autrefois faiblement exploitées, le drainage de zones
basses, les modifications du régime hydrique et de la répartition de la salinité dans le
milieu peuvent provoquer des modifications importantes du fonctionnement d’éco-
systèmes voisins, en particulier dans les zones d’embouchure des fleuves et affecter des
espèces protégées, mais aussi le gibier ou les espèces halieutiques d’intérêt écono-
mique : poissons marins, crevettes…
Sur certains périmètres irrigués, les effets négatifs indirects l’emportent sur les effets
positifs pour les irrigants, même si l’on ne considère que les effets économiques. Trop
souvent, on n’étudie que les bénéficiaires directs (les agriculteurs des villages voisins),
en oubliant les autres groupes qui risquent d’être affectés.
L’irrigation n’est pas la seule manière de mieux contrôler l’eau et de lutter contre les
aléas climatiques en climat aride ou semi-aride. De nombreuses autres techniques,
moins spectaculaires mais aussi souvent moins coûteuses, existent et doivent être envi-
sagées, notamment les aménagements anti-érosifs (diguettes, haies vives), les
méthodes de collectes des eaux de ruissellement (zaï, cuvettes en demi lune), les amé-
nagements de bas-fonds, les aménagements des cuvettes de crue et décrue. Ils sont
traités dans les chapitres 233 et 236.
3 JAMIN et TOURRAND, Evolution de l’agriculture et de l’élevage dans une zone de grands aménagements : le delta du fleuve Sénégal.
CIRAD/ISRA 1986.
285
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● L’efficience de la distribution
Les pertes dans les canaux en terre sont à peu près proportionnelles au périmètre
mouillé 4 ainsi qu’à la hauteur de l’eau dans le canal5, et dépendent évidemment du
type de sol. Elles représentent entre 0,05 m3/jour et par m2 de canal (sols très argileux)
à 0,5 m3/m2 jour en sols sableux. On voit qu’il est préférable d’éviter de sur-dimen-
sionner les canaux et de ne pas les maintenir en eau en permanence si on veut réduire
les pertes. Une autre cause fréquente de perte de distribution résulte de la mauvaise
coordination des irrigants.
286
La gestion des ressources naturelles 2 3
● L’efficience de l’application
Elle résulte de deux facteurs principaux :
> l’adéquation de la fréquence et de la dose d’irrigation par rapport aux besoins de
la plante;
> la régularité de l’application.
Si les quantités sont globalement plus importantes que les besoins, l’excédent se perd
en percolation profonde ou drainage latéral. Les irrigants ont souvent tendance à
apporter des doses excessives, surtout lorsqu’ils manquent d’expérience, en préférant
apporter trop que pas assez. D’autre part, même si la quantité est globalement adaptée,
il est préférable de réaliser des irrigations plus fréquentes avec des quantités d’eau
inférieures, que l’inverse (une grosse dose espacée dans le temps). Il faut en effet tenir
compte de la capacité de rétention de l’eau des sols. La réserve facilement utilisable
varie de 4 % à 8 % du volume de sol exploré par les racines.
Si on a des sols plus ou moins perméables au sein d’un casier, les vitesses d’infiltration
différentes se traduiront aussi par une irrégularité des apports. Il est souhaitable dans
ce cas de subdiviser les casiers, afin que chaque casier soit constitué d’un type de sol
homogène. D’ailleurs plus les casiers sont petits, plus il est facile de les niveler.
287
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Le drainage et la salinité
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La gestion des ressources naturelles 2 3
Le phénomène de salinisation est lié à la différence qui existe entre les quantités de
sel apportées par l’eau d’irrigation, et la quantité exportée par l’eau de drainage.
L’évapotranspiration des cultures joue comme mécanisme de concentration du sel
dans la solution du sol. À la limite, si on n’apporte que les quantités d’eau strictement
nécessitées par la culture (donc si le drainage est nul) pendant plusieurs années en
zone aride, on va fatalement aboutir à la salinisation des sols, même si l’eau est faible-
ment salée au départ. En revanche, en climat plus humide, les pluies d’hivernage vont
lessiver une partie du sel accumulé en saison sèche. On arrivera donc à un équilibre
de salinisation moyenne du sol.
Si l’on fait l’hypothèse que l’eau de drainage a la même concentration en sel que la
solution du sol, on voit qu’un volume d’eau de drainage (également appelé fraction les-
sivante) représentant 20 % de l’eau apportée par l’irrigation aboutit à maintenir à
l’équilibre une concentration en sel cinq fois plus élevée dans les sols que dans l’eau
d’irrigation. Il faut donc raisonner les doses d’irrigation en rajoutant une proportion
supplémentaire, la fraction lessivante, qui sera d’autant plus élevée que la teneur ini-
tiale de l’eau d’irrigation est élevée et que la culture est sensible à la salinité. Encore
faut il avoir un bon système de drainage pour éviter une remontée de la nappe phréa-
tique.
L’équation n’est, en effet, valable que si l’on considère qu’il n’y a pas de remontée
d’eau et de sels depuis la nappe phréatique. Or l’expérience montre que sur les
grands périmètres irrigués par gravité, cette remontée de la nappe est un phénomène
général. Elle se manifeste après quelques années, voire quelques dizaines d’années
selon les cas. Lorsque ces nappes sont salées ou sodiques, elles affectent négativement
la qualité des sols et provoquent des remontées de sel par évaporation.
289
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Tableau 4. Echelle de salinité des sols mesurés par la conductivité électrique (CE) de l’eau
Tableau 5. Echelle de salinité des sols par la conductivité électrique (CE) de la solution extraite du sol saturé
Il n’y a pas que du chlorure de sodium (Nacl) dans les sels dissous dans les eaux. On
trouve également des carbonates (Ca++), des sels magnésiens (Mg++). Lorsque l’ion
sodium prédomine par rapport aux autres ions (Ca++ et Mg++), on a un risque d’al-
calinisation et de sodisation des sols par substitution progressive des ions sodium aux
autres ions dans la CEC du sol. Les sols sodiques sont mal structurés, difficiles à tra-
vailler et à drainer. Pour les récupérer, il faut apporter des amendements calciques, du
gypse en particulier.
Le risque d’alcalinisation/sodisation s’estime à partir du rapport d’absorption du
sodium SAR dans l’eau : SAR= Na+ / ((Ca++ + Mg++) / 2) 1/2
Lorsque le SAR est élevé, (à partir de 10), il faut augmenter le drainage, et apporter
des amendements organiques, puis calciques lorsque le SAR du sol augmente, sauf
sur les sols déjà riches en calcium soluble. Au delà de 26, les risques d’alcalinisation
sont élevés.
La qualité des eaux d’irrigation dépend donc à la fois de leur salinité totale, et de leur
teneur relative en sodium. Des eaux de salure moyenne, mais à faible SAR, sont consi-
dérées comme bonnes pour l’irrigation (moyennant un bon système de drainage),
alors que des eaux à fort SAR et salure légère sont considérées comme impropres à
l’irrigation sur la plupart des sols non calciques.
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La gestion des ressources naturelles 2 3
291
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Une comparaison
Un des éléments qui augmente beaucoup le coût du pompage par aspersion est le coût
de l’énergie (électrique ou carburant pour motopompes). Actuellement, l’irrigation
par gravité est la mieux adaptée aux besoins et capacités financières des paysans des
pays en développement. Si l’énergie leur était accessible à moindre coût (électricité en
particulier), de nombreux systèmes d’irrigation alternatifs deviendraient compétitifs,
en particulier pour les cultures maraîchères et dans les zones où l’eau est rare.
292
La gestion des ressources naturelles 2 3
climatique (voir en particulier à ce sujet le succès des petits açudes dans le Nordeste
brésilien).
Les forages profonds produisent une eau en général beaucoup trop chère pour l’irri-
gation (coût d’investissement et de pompage élevé). En revanche, l’irrigation sur puits
ou puisards, réalisée individuellement avec de petites motopompes essences peu coû-
teuses, s’est développée spontanément dans de nombreux pays, pour le maraîchage
périurbain en particulier. La ressource ne permet en général que d’arroser de petites
surfaces (0,1 à 0,2 ha par puit), mais qui sont compatibles avec les capacités des pro-
ducteurs maraîchers familiaux.
Une variante intéressante est constituée par le pompage sur petits forages tubés
manuels, développé notamment au Cambodge et en Inde à plus grande échelle. Ces
forages, fort peu coûteux, ne sont utilisables que dans des zones alluvionnaires, où la
nappe est peu profonde et avec une forte perméabilité (zones sableuses inondables en
bordure de grands fleuves).
Enfin, les périmètre irrigués par pompage sur fleuve sont intermédiaires entre les
périmètres gravitaires sous barrage, et les petits périmètres irrigués par pompage
individuel sur puits ou mare. Leurs coûts d’aménagements et d’entretien sont
moyens. En revanche le coût du pompage est important, du fait du coût de l’énergie
et des pompes diesel.
Nous avons fourni quelques éléments de calcul de coût de l’irrigation dans le para-
graphe économie de l’irrigation. Rappelons seulement que dans la plupart des cas, l’irri-
gation s’avère une technique relativement coûteuse à l’usage, et qui demande une
forte mobilisation des irrigants et de bonnes capacités collectives et individuelles de
gestion.
293
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Le réseau est donc constitué de la tête morte, qui apporte l’eau depuis la prise jus-
qu’au primaire, sans ouvrage de prélèvement, puis de canaux primaires, secondaires
et éventuellement tertiaires, qui répartissent le débit du primaire entre les différents
quartiers, afin que chacun dispose de sa main d’eau. Des équipement de régulation
(vannes, seuils, déversoirs) sont implantés au niveau des ouvrages de prise qui assu-
rent le passage du primaire au secondaire, du secondaire au tertiaire, etc.
Le réseau d’irrigation est complété par un réseau de drainage, constitué de drains qui
recueillent les eaux en excès en bout de réseau (colatures) puis les mènent vers le
drain principal, situé au point le plus bas du périmètre.
On essaye autant que possible d’épouser le niveau du terrain pour éviter les déblais et
remblais trop importants. L’idéal est d’avoir des canaux dont le fond est à environ 10
cm en dessous du niveau du sol, et les cavaliers à 30 cm au moins au-dessus, ce qui
permet que le niveau d’eau domine le terrain d’au moins 20 cm quand le canal est en
charge.
294
La gestion des ressources naturelles 2 3
Bibliographie
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295
2 3 6 Aménager les bas-fonds :
l’exemple de l’Afrique
de l’Ouest
À partir d’une contribution de P. Lavigne-Delville (G RET)
Les bas-fonds sont des portions amont des réseaux hydrographiques, dont le lit
mineur est peu ou pas marqué. Ils sont submergés une partie de l’année par la
concentration des ruissellements de surface et parfois par la remontée des nappes
superficielles. Les bas-fonds représentent 2 à 5 % du paysage ouest-africain. Ce sont
des lieux où, en fonction des conditions agro-climatiques, une culture intensive per-
manente, parfois avec double culture, est possible.
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
En Afrique de l’Ouest, les bas-fonds ont longtemps été peu ou pas cultivés, à l’excep-
tion de certaines zones, péri-urbaines notamment. Ils sont aujourd’hui davantage mis
en valeur, grâce à des aménagements de maîtrise partielle de l’eau qui peuvent per-
mettre de lever certaines contraintes hydriques et d’accroître leur productivité. Ils
sont alors souvent cultivés en riz ou en maraîchage et procurent des revenus impor-
tants. Mais il est toutefois important de rappeler plusieurs points.
> l’aménagement est un moyen au service d’objectifs de production des paysans. Ce n’est pas
l’aménagement qui créée l’intensification, ou l’intérêt économique ; un aménage-
ment ne sera valorisé que là où les conditions économiques le justifient, et où il a
un impact technique réel ;
> aménager n’est pas nécessairement la meilleure façon de lever les contraintes. En zone sou-
danienne, une intensification culturale peut augmenter significativement la pro-
ductivité des bas-fonds, même sans aménagement ; face aux contraintes d’enher-
bement, un herbicide de prélevée peut être aussi efficace qu’un ouvrage visant à
maintenir une lame d’eau. Avant de décider d’aménager, il faut vérifier d’abord
l’opportunité d’un aménagement et ensuite sa faisabilité ;
> aménage n’est pas toujours la panacée. Les impacts des aménagements sont souvent
moins importants qu’on ne le croit : parfois on sous-estime les rendements pré-
aménagements ou on surestime la part des contraintes hydrauliques dans les per-
formances pré-aménagement ; parfois on aménage des bas-fonds qui ne sont pas
aménageables ; parfois on fait des choix inadaptés. Il faut mesurer les risques, ne
pas sous-estimer le coût d’opportunité de l’aménagement (qu’est-ce qu’on perd ?)
et rester prudent.
Les bas-fonds ont un fonctionnement hydrologique complexe, combinant nappes,
ruissellement, crues. Aménager les bas-fonds, c’est proposer aux paysans qui le sou-
haitent des aménagements, peu coûteux, mais efficaces et simples à gérer, permettant
de modifier partiellement les flux hydriques afin de résoudre les principales
contraintes qu’ils rencontrent dans leurs modes d’exploitation du bas-fond. Sauf en
zones humides, avec écoulement permanent, un aménagement de bas-fonds relève
d’une logique de maîtrise partielle de l’eau. Un certain nombre de grands modèles
techniques existent, qui permettent de résoudre, de façon plus ou moins satisfaisante,
les contraintes identifiées. Ils ont chacun des domaines de validité, et doivent être
adaptés à chaque cas de figure.
Chaque bas-fond est en effet en partie spécifique et certains bas-fonds ne sont pas
aménageables. Le travail de l’aménagiste et du projet de développement consiste à
élaborer, avec les paysans, un aménagement adapté, qui soit techniquement efficace
pour lever les contraintes, et qu’ils soient à même de gérer. Cela demande de faire le
lien entre :
> des demandes paysannes, plus ou moins explicites au départ. Une partie du dia-
gnostic initial vise à les préciser : est-ce pour sécuriser une production de riz, pour
intensifier dans une logique commerciale, pour abreuver le bétail, pour faire du
maraîchage de saison sèche ?
> une compréhension du fonctionnement hydrique du bas-fond ;
> une connaissance des modèles techniques disponibles et de leur domaine de
validité.
298
La gestion des ressources naturelles 2 3
La décision d’aménager résulte d’un compromis entre coût, technicité, impact prévi-
sible et incertitudes, dans un contexte économique et social donné. À partir du
moment où elle engage les paysans, cette décision doit être élaborée en commun avec
eux. Cela suppose que la démarche de préparation leur ait permis de maîtriser les
tenants et aboutissants du projets : raisons des choix techniques, effets positifs et néga-
tifs prévisibles, coûts et risques.
Les contextes sont très différents d’une région agroclimatique à une autre et les réfé-
rentiels techniques n’ont qu’une validité régionale. En outre, les démarches d’inter-
vention et les modèles techniques évoluent rapidement. Il est donc important de se
renseigner sur les expériences dans la région : là où un nombre significatif d’expé-
riences existe, comme en Afrique soudano-sahélienne, des outils de diagnostic rapide
et d’aide à la décision fondés sur des paramètres précis ont été élaborés. Ailleurs, une
analyse préalable plus fine sera nécessaire pour éviter les paris hasardeux.
Ce texte traite surtout de l’Afrique de l’Ouest. Pour d’autres régions, la grille d’ana-
lyse des bas-fonds sera un outil, mais les modèles techniques seront parfois largement
différents. Outre les différences de milieu, les savoir-faire locaux en matière de maî-
trise de l’eau sont un paramètre important : en Asie du Sud-Est, à Madagascar, rares
sont les cas où l’intervention de spécialistes du génie rural est nécessaire.
Cet article s’adresse à des agronomes ou agents de développement concernés par les
aménagements, mais il ne rentre pas dans le détail des questions de génie rural qui
relèvent de spécialistes. Des manuels, ouvrages et cédéroms récents font le point sur
ces questions et proposent un état de l’art technique et méthodologique. L’ETSHER et
l’EIER à Ouagadougou travaillent aussi sur ces questions.
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
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La gestion des ressources naturelles 2 3
> et plus récemment, maraîchage de saison sèche, avec différents modes d’accès à
l’eau selon la profondeur de la nappe en saison sèche (humidité résiduelle, puits ou
puisards, pompage dans une retenue, dérivation à partir du lit mineur en cas
d’écoulement permanent).
Identifier les usages actuels, les localiser, reconstituer leur évolution, savoir qui les met
en œuvre, permet de ne pas se polariser sur le riz et de prendre en compte l’ensemble
des modes de mise en valeur (le pâturage de saison sèche en zone sahélienne, l’ex-
ploitation des raphias ou des forêts galeries en zones humides, peuvent être tout aussi
intéressants). Tout aménagement a un coût d’opportunité : la perte des raphiales,
l’inondation de vergers, l’exclusion du bétail, peuvent avoir un coût supérieur aux
gains liés à l’aménagement. Il est important de comprendre la façon dont les paysans
valorisent la diversité des conditions pédologiques et hydriques et de repérer les dyna-
miques en cours et donc les centres d’intérêt, et en particulier ceux des paysans
demandeurs.
➤ Figure 8 : Localisation et dynamique des cultures dans le bas-fond de M’Péniasso (Hourdillie, 1993)
305
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
Il faut également identifier les usagers et les détenteurs de droits fonciers dans la zone
à aménager. Un aménagement couvre rarement la totalité d’un bas-fond. C’est une
portion définie qui sera aménagée, sur laquelle s’exercent des usages et des droits
définis. Identifier ces ayants droits permet de savoir avec quels groupes d’acteurs
approfondir le diagnostic et discuter des objectifs à donner à un éventuel aménage-
ment, et repérer ceux sur lesquels l’aménagement aura éventuellement un impact :
acteurs exerçant d’autres usages, agriculteurs d’amont ou d’aval touchés par les réper-
cussions de l’aménagement, etc.
On cherche ensuite à répondre, pour les principaux modes d’exploitation actuels, aux
questions suivantes : quels sont les acteurs impliqués ? Pour quelles cultures ? Quelle
est la place de ces cultures dans l’économie familiale et dans la gestion de la force de
travail ? Quels sont les itinéraires techniques pratiqués et leur évolution (cf. chapitre
421) ? Quelles sont les causes de cette évolution ?
Les cultures de bas-fond posent des problèmes de pénibilité du travail. Elles sont sou-
vent secondaires dans des systèmes de production organisés autour des cultures plu-
viales1. L’enjeu économique des bas-fonds s’accroît lorsque la pression sur la terre aug-
mente, et lorsqu’il existe des débouchés pour des productions spécifiques, valorisant
les conditions hydriques du bas-fond : riz, tubercules, maraîchage. Il peut se lire à tra-
vers les stratégies économiques et les itinéraires techniques des différents types d’ac-
teurs : chefs de famille, jeunes hommes, jeunes femmes, femmes âgées ; migrants ou
autochtones.
Le diagnostic, qui croise observations de terrain et entretiens approfondis avec les dif-
férents types de producteurs impliqués, permet de préciser l’enjeu économique de la
culture de bas-fonds. Là où cet enjeu économique est réel, il est lié :
> aux caractéristiques des systèmes de culture pratiqués :
– cultures de sécurité, garantissant une production céréalière en année sèche :
sorgho en zone sahélo-soudanienne; mais aussi tubercules, et même riz en
Moyenne Guinée ;
– cultures de rente, parfois principale source de revenus monétaires ;
– productions décalées dans le temps par rapport aux cultures pluviales,
permettant une meilleure gestion du calendrier de travail, et un étalement
des revenus dans l’année ;
> aux acteurs concernés : là où les chefs de famille s’en désintéressent, les bas-fonds
permettent un accès à la terre aux «groupes vulnérables» (femmes, jeunes, chefs de
famille pauvres, parfois migrants).
1 Inversement, sur les hautes terres malgaches (ou en Asie du Sud-Est), certaines paysanneries disposent de savoir-faire
hydrauliques, et leurs systèmes de production sont organisés autour de la culture du bas-fond.
306
La gestion des ressources naturelles 2 3
Ce diagnostic permet également de repérer les attentes des différents types de pro-
ducteurs. Il constitue la base pour discuter l’opportunité de l’aménagement et les
objectifs techniques qu’il doit remplir : quelles sont les contraintes techniques rencon-
trées par les producteurs ? Quelle est la part des contraintes hydriques ou liées au
fonctionnement hydrique du bas-fond ? Travailler sur la maîtrise de l’eau est-il perti-
nent, par rapport à quelle contrainte ?
● Le diagnostic hydraulique
Il vise à repérer la morphologie du bas-fond et les grandes lignes de son hydrologie.
Un minimum de levés topographiques (profil en long, quelques profils en travers)
sont utiles pour préciser l’analyse. Selon sa complexité, ce diagnostic peut être réalisé
par les équipes d’appui à la maîtrise d’ouvrage, ou bien devoir être confié à des spé-
cialistes. Un diagnostic qualitatif général, à partir de photos aériennes et de visites du
bas-fond avec les paysans, permet le plus souvent de caler le champ des possibles et de
définir les grands types d’ouvrages. Il comprend la caractérisation :
> de la structure du paysage et de la morphologie du bas-fonds au sein du bassin ver-
sant ;
> des éléments-clés du fonctionnement hydrologique : le plus délicat concerne la
dynamique des nappes, qui n’est perceptible que de façon indirecte : affleurement,
écoulements dans le lit mineur ou tarissement, observation des puits ou puisards
proches, etc.
Seuls certains types d’ouvrages, avec béton et crues importantes, nécessitent une étude
technique approfondie, indispensable pour vérifier la faisabilité de l’aménagement et
dimensionner l’ouvrage. Lorsque des référentiels régionaux existent, le diagnostic
peut être rapide et porter sur un nombre limité d’indicateurs dont la pertinence a été
vérifiée.
307
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
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La gestion des ressources naturelles 2 3
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
S’il y a recours à des spécialistes pour les études techniques, ceux-ci doivent travailler
à partir d’un cahier des charges précisant les fonctions hydrauliques à remplir. L’étude
technique doit être restituée aux paysans et débattue avec eux, de même que les coûts
et financements. C’est seulement à ces conditions que les paysans peuvent s’engager
en connaissance de cause dans le choix d’aménager. Les modalités de financement et
les formes d’autofinancement local (en travail et en argent) doivent être réfléchies et
discutées.
Lorsqu’il y a recours à des entreprises, la réalisation de consultations restreintes per-
met de bénéficier d’un meilleur rapport qualité/prix. Les paysans peuvent être asso-
ciés à la sélection des prestataires, dès qu’ils disposent de référentiels.
● La contractualisation
La décision d’aménager aboutit à une demande de financement. Clarifier le statut
juridique du futur ouvrage, les règles internes d’accès au foncier et désigner l’instance
responsable de sa gestion devraient être des conditionnalités pour le déblocage des
financements. La décision de financement fait l’objet d’un contrat avec le groupe
demandeur. Les modalités de financement, la part d’autofinancement, le circuit de
l’argent doivent être réfléchis. En cas d’aménagement en béton, un cahier des charges
d’entretien, explicitant les différentes opérations, leur coût, leur fréquence, est à
adjoindre au dossier.
Lorsque la réalisation demande l’intervention de prestataires techniques, le groupe
demandeur, maître d’ouvrage du projet et futur gestionnaire ou propriétaire officiel
2 En zone soudanienne, rares sont les endroits où le riz suffit à rentabiliser une digue déversante.
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La gestion des ressources naturelles 2 3
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
● Petits barrages
Les petits barrages sont des retenues de 3 à 4 m de hauteur, visant à constituer un stoc-
kage d’eau en surface et non plus en profondeur. Ils peuvent être en béton, en terre
compactée, en gabion, ou mixtes. Un ouvrage en terre implique un déversoir partiel
bétonné ou en gabions, capable d’évacuer la totalité de la crue. Les petits barrages
nécessitent des calculs hydrauliques sérieux3.
Les petits barrages sont destinés à créer un point d’eau permanent, la hauteur stoc-
kée dépassant les pertes par évaporation. Dans la réalité, c’est rarement le cas. Les
intervenants de développement sont aujourd’hui souvent réticents face à cette tech-
nique, coûteuse, et à l’impact productif incertain. En sols peu filtrants, il ne faut
cependant pas négliger l’impact sur la recharge des nappes d’un stockage d’eau de
surface, même temporaire. Les petits barrages sont une option technique à réserver à
des cas spécifiques : site favorable, enjeu de recharge de nappe, possibilité de valori-
sation agricole du fait de l’existence de dynamiques maraîchères ou de proximité
urbaine, etc.
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La gestion des ressources naturelles 2 3
● Digues filtrantes
Constituées de pierres libres, éventuellement renforcées par des gabions, les digues fil-
trantes sont construites perpendiculairement à l’axe du bas-fond, ou en courbes de
niveau, pour ralentir et étaler les flux de ruissellement. Un bas-fond s’aménage par
une série de digues, de façon à ce que la base de l’une soit à la cote du sommet de
l’autre.
Les digues laminent les faibles crues mais n’ont que peu d’influence sur les fortes
crues. Elles augmentent de quelques heures la durée de submersion des parcelles
amont, ce qui accroît nettement l’infiltration ainsi que l’humidité du sol. L’impact est
marqué en début et fin de saison des pluies, en année sèche. Il peut être nul ou même
négatif en année pluvieuse.
Les digues filtrantes sont également utilisées, dans différents contextes agroécolo-
giques, en lutte anti-érosive ou en protection d’ouvrages aval contre l’envasement. Sur
des bas-fonds à sols filtrants, des digues filtrantes peuvent avoir à elles seules un effet
positif sur la recharge de la nappe superficielle.
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2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
À 800-1000 mm, les quantités d’eau sont rarement limitantes, mais il peut y avoir des
risques au semis, voire des sécheresses de fin de cycle. En dehors des très grands bas-
sins versants, le risque d’arrachage des pieds par les crues semble réduit.
Les contraintes principales tiennent à :
> une submersion tardive, qui fait que le riz commence en pluvial, avec une forte
pression adventice ; dans un certain nombre de cas l’abandon récent de la rizicul-
ture de bas-fonds est lié à la difficulté à contrôler les adventices plus qu’à une réelle
contrainte hydrique ;
> une succession d’assecs et de phases inondées en cours de cycle, qui peut avoir un
effet dépressif sur le riz.
En saison sèche, l’extension du maraîchage est déterminée par la dynamique de la
nappe et, en particulier, par son niveau en début de saison et en fin de cycle (les pui-
sards étant limités à environ 2 m de profondeur).
Dans les bas-fonds étroits et filtrants, des barrages souterrains permettent de freiner
les écoulements longitudinaux de la nappe et de ralentir sa descente. Ils sont totale-
ment efficaces lorsqu’on rencontre une couche imperméable à moins de 2 m.
Dans les bas-fonds larges avec lit mineur, bloquer la vidange de la nappe via le lit
mineur et épandre la crue sur le bas-fond peut avoir le même effet. Là où les condi-
tions de marché sont favorables, une remontée de la nappe étend la zone cultivable,
réduit le coût de puisage et peut avoir un impact économique spectaculaire. Les amé-
nagements pastoraux4 constituent également une priorité fréquente des ruraux.
Pour la riziculture, certains bas-fonds à nappe affleurante sont aménagés par les pay-
sans en casiers. On se rapproche là des conditions de la zone humide, où la gestion de
la nappe et le maintien d’une lame d’eau à la parcelle sont essentiels. Sur les larges
bas-fonds plats (pente < 1 %) et non-filtrants, avec des crues limitées (quelques l/s par
mètre de largeur de bas-fond), des diguettes en terre en courbes de niveau ou du
casiérage peuvent permettre de stocker une lame d’eau qui sécurise l’alimentation en
eau et facilite la maîtrise des adventices.
Mais les courbes de niveau ne se superposent pas au parcellaire, ce qui complique la
gestion foncière. En cas de lit mineur, un barrage sur le lit mineur peut épandre la
crue et réduire son impact, à condition qu’il n’aggrave pas les problèmes d’inondation
en amont.
Les aménagements rizicoles sont les digues déversantes ou «seuils rizicoles», qui cou-
pent perpendiculairement un bas-fond plat ou légèrement concave, afin de stocker
l’eau des crues et de constituer une lame d’eau favorable au riz. Ils sont constitués
d’une partie aérienne (un micro-barrage de 0,7 à 1 m de haut en moyenne) et, pour
des sols filtrants, d’une partie souterraine. Cette barrière anti-drainage bloque tout ou
partie des écoulements longitudinaux de la nappe et ralentit son abaissement en fin
de saison (cf. fig. 11). On gère la lame d’eau en ouvrant ou fermant les vannes, en
fonction des besoins du riz. Il n’y a pas d’aménagement à la parcelle.
D’autres modèles sont en voie d’expérimentation, mettant plus l’accent sur le contrôle
de la nappe, qui est en fait l’enjeu principal (ouvrages de diversion pour le soutien de
la nappe, dans les bas-fonds filtrants larges à crue modérée < 50 l/s/mètre de largeur
de bas-fond).
4 Surcreusements des mares ou petites retenues de surface visant à accroître la capacité de stockage de mares existantes.
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La gestion des ressources naturelles 2 3
315
2 Intervenir sur l’environnement des exploitations
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La gestion des ressources naturelles 2 3
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LE DEVELOPPEMENT
DES EXPLOITATIONS
AGRICOLES
3.1 Analyser la diversité
des exploitations agricoles
3.2 Analyser le fonctionnement
d’une exploitation
3.3 Faciliter l’émergence
et la diffusion des innovations
3 1 Analyser la diversité
des exploitations agricoles
À partir des contributions de P. Bergeret (GRET)
et M. Dufumier (INA-PG)
● Les origines
La notion d’exploitation agricole familiale trouve son origine dans l’organisation de la
production agricole en Europe. Elle a pris corps et s’est consolidée dans le discours
théorique des agronomes et des économistes agricoles à partir du début du XXème
siècle. Elle repose sur la dominance historique longue, en Occident, d’un modèle
d’agriculture basé sur la famille monogame nucléaire et les moyens qu’elle met en
œuvre aux fins de produire des denrées agricoles. Par extension, elle s’applique dans
tous les contextes où l’organisation sociale de la production ressemble au cas euro-
péen. Ailleurs, là où les sociétés se structurent selon des schémas différents, la notion
d’exploitation agricole familiale se révèle plus délicate à utiliser. L’analyse agrono-
mique et économique, faute de mieux, y a malgré tout recours, en l’adaptant.
Le mode d’organisation de l’agriculture s’est discuté, tout au long du XXème siècle, en
fonction du système politico-économique dans lequel le secteur agricole s’insère. Ainsi
les régimes communistes ont-ils œuvré à la mise en place d’une agriculture planifiée,
basée sur l’appropriation collective des moyens de production, soit sous la forme de
coopératives de production, soit sous la forme de fermes d’Etat. Nombre d’analystes,
parmi lesquels beaucoup d’économistes marxistes, prévoyaient que le développement
du capitalisme allait également entraîner la concentration des activités agricoles au
sein de grandes firmes privées employant de nombreux salariés.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’exploitation familiale qui a perduré. La chute
des régimes communistes d’Europe ou leur réforme dans d’autres régions du monde
a abouti à la résurgence d’une agriculture basée sur l’exploitation familiale. La moder-
nisation accélérée des agricultures occidentales au cours de la deuxième moitié du
XXème siècle ne s’est pas opérée dans le cadre de grandes firmes agricoles capitalistes
mais au sein des exploitations familiales dont la flexibilité, la robustesse et les capaci-
tés d’adaptation se sont révélées supérieures à celles de tous les autres modèles ima-
ginables.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
> par le mode de tenure des terres. Les terres en propriété appartiennent aux membres de la
famille. Sur les terres en métayage, la famille a un droit d’exploitation pendant une
certaine durée, en échange du versement d’une partie déterminée de la récolte au
propriétaire. En général le propriétaire fournit certains moyens de production des-
tinés à l’exploitation des terres en métayage : semences, engrais, traction animale...
Les terres en fermage font l’objet d’un contrat (ou bail) entre l’exploitant et le pro-
priétaire, pour une durée déterminée. Ce contrat donne le droit à l’exploitant
d’utiliser les terres en question en échange d’une somme fixée à la signature du
contrat et versée au propriétaire à intervalles réguliers (en général tous les ans). Il
peut arriver que des exploitants utilisent des terres dont ils ne sont pas proprié-
taires et pour lesquelles ils n’ont établi aucun contrat avec le propriétaire. On parle
alors de terres occupées. Ces terres peuvent parfois faire l’objet de transactions infor-
melles entre différents exploitants. Enfin, certaines terres peuvent être utilisées par
plusieurs exploitations à la fois : parcours pour le bétail, forêts, etc. Elles ne peu-
vent être considérées comme faisant partie du foncier de l’exploitation, mais doi-
vent être prises en compte dans l’analyse du fonctionnement de l’exploitation.
Pour caractériser le foncier d’une exploitation, il faut bien préciser le mode de tenure
de toutes les terres utilisées (cf. chapitre 32). Le capital foncier est égal à la valeur des
terres de l’exploitation en propriété (cf. chapitre 231).
● Le travail
Le travail nécessaire aux activités productives de l’exploitation peut être fourni par de
la main-d’œuvre familiale ou extérieure à la famille : salariés, journaliers, groupes
d’entraide, etc. Pour la main-d’œuvre familiale, il importe de prendre en compte les
activités hors exploitation des membres du foyer. Il peut en effet y avoir concurrence
entre travail agricole sur l’exploitation et travail hors de l’exploitation, ce qui influence
son fonctionnement. L’analyse économique d’une exploitation agricole demande une
évaluation quantitative du travail utilisé sur l’exploitation, parfois délicate à conduire.
Pour le recours à la main-d’œuvre extérieure, on analysera les différentes modalités,
leur importance relative et leur coût.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Parmi les moyens de production, une attention particulière est à porter au bétail. On
distingue les animaux par leur espèce, leur âge et leur fonction : reproduction,
engraissement, transport, traction, etc. Ici encore, tous les animaux ne sont pas forcé-
ment en propriété. Certains peuvent être mis en pension sur l’exploitation, c’est-à-
dire soignés et entretenus sur l’exploitation contre rétribution, alors qu’ils appartien-
nent à un tiers.
Les moyens de production représentent du capital que l’exploitant a dû investir. Ces
investissements ont pu être financés par les gains de l’exploitation agricole elle-même,
par les revenus d’autres activités du foyer ou par le recours au crédit.
Parmi les moyens de production, on distingue :
> le capital fixe d’exploitation qui est la valeur des biens servant à plusieurs cycles de pro-
duction : outils, moyens de traction, bâtiments d’élevage, animaux reproducteurs,
etc.
> le capital d’exploitation circulant (encore appelé consommations intermédiaires) est la
valeur des biens consommés pendant un cycle de production : semences, engrais,
aliments du bétail, etc.
● Le cycle familial
La structure et le fonctionnement d’une exploitation familiale varient dans le temps.
Ces variations ont un impact sur les performances de l’exploitation et sur le bien-être
de la famille. Elles s’expliquent par des causes externes liées au contexte dans lequel
l’exploitation évolue et par des causes internes liées au cycle de la famille. Il y aurait
ainsi une évolution naturelle de l’exploitation familiale, une sorte de respiration, liée
aux différentes étapes que traverse la vie d’une famille.
Alexandre Chayanov, économiste russe du début du siècle, est certainement celui qui
a formalisé de la manière la plus limpide l’effet du cycle familial sur le fonctionnement
des exploitations. Le cycle familial se caractérise principalement par l’évolution du
ratio «nombre de bouches à nourrir/quantité de travail disponible» au sein de la
famille. En situation où le foncier n’est pas bloqué, c’est-à-dire où la surface de l’ex-
ploitation peut varier relativement facilement (cas de figure considéré par Chayanov),
ce ratio détermine, à un instant donné les performances de l’exploitation et le niveau
de vie de la famille.
Lors de l’établissement d’une exploitation familiale, ce ratio est faible car la famille de
l’exploitant est peu nombreuse (couple sans enfants). L’activité de l’exploitation sera
tournée vers l’investissement productif. L’objectif de l’exploitant sera d’augmenter le
plus rapidement possible son capital d’exploitation. Mais une telle période ne dure
pas longtemps.
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
Au fur et à mesure que des enfants naissent et que le travail consacré à leur entretien
augmente, le ratio «bouches à nourrir/quantité de travail disponible» augmente. C’est
une période difficile pour l’exploitant, qui doit assurer un revenu suffisant pour sa
famille alors qu’il n’a pas eu le temps de beaucoup accroître son capital d’exploitation.
Puis, avec le temps, les nouvelles naissances s’arrêtent et les enfants grandissent. Dans
la Russie du début du XXè siècle, le taux de scolarisation était fort bas, surtout en milieu
rural. Cette période du cycle familial correspond donc, dans le modèle de Chayanov,
à une diminution rapide du ratio. La force de travail augmente, ce qui permet à l’ex-
ploitant de cultiver plus de terres et donc d’accroître ses revenus et son capital d’ex-
ploitation. C’est une phase d’accumulation pendant laquelle les revenus de l’exploita-
tion ainsi que son capital augmentent.
La phase suivante du cycle voit le départ progressif des enfants qui s’installent à leur
tour et établissent de nouvelles exploitations. Le capital accumulé pendant la phase
précédente est alors partagé selon des modalités propres à chaque société.
L’exploitation de départ se trouve réduite à la taille nécessaire à la survie des parents,
quand ceux-ci ne sont pas tout bonnement intégrés au foyer d’un des enfants.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Bien entendu, ce modèle ne s’applique pas forcément dans son intégralité à toutes les
situations. Il est notamment peu adapté aux sociétés dont l’organisation ne repose pas
sur la famille nucléaire. Il n’en reste pas moins que la variation au cours du temps du
ratio «nombre de bouches à nourrir/force de travail» demeure dans la plupart des cas
une clef de compréhension de la diversité et des trajectoires des exploitations dans un
espace donné.
Une autre contribution marquante des travaux de Chayanov réside dans la prise en
compte des activités extérieures du foyer paysan. La quantité de travail consacrée à
l’exploitation est égale à la différence entre la quantité totale de travail disponible
et la quantité de travail à l’extérieur. Il s’agit donc d’une résultante, elle-même affec-
tée par le cycle de la famille. Pendant la phase de diminution du ratio «bouches à
nourrir/force de travail», si les possibilités d’augmentation du capital d’exploitation
sont limitées, alors une proportion croissante de la force de travail sera consacrée à des
activités extérieures à l’exploitation. Si cela même est impossible, alors le temps chômé
augmentera.
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
À l’inverse, les stratégies patrimoniales peuvent aussi conduire à des alliances entre
familles, intervenant lors des mariages, matérialisées par des transferts de capital
d’une famille à l’autre, sous forme de dot. Les mariages croisés entre familles et les
héritages inégalitaires favorisant un des fils sont des stratégies classiques de préserva-
tion ou de concentration du patrimoine.
● Accroître les surfaces, améliorer la fertilité
En matière de foncier, les stratégies patrimoniales ne visent pas uniquement à
accroître les surfaces en propriété, mais aussi à améliorer, sur le long terme, la fertilité
des terres. Lorsque la transmission du patrimoine foncier est un enjeu important, l’ex-
ploitant pourra consacrer beaucoup d’efforts et de ressources à bonifier les terres de
son exploitation, par des amendements ou par des aménagements hydrauliques :
drainage, irrigation. Il veillera particulièrement à ce que les restitutions au sol soient
suffisantes pour maintenir, ou mieux, augmenter progressivement sa fertilité. Ainsi,
chaque cycle cultural constitue, dans cette perspective, un investissement visant à amé-
liorer la qualité des terres. La fertilité des sols doit donc être considérée non pas
comme une donnée naturelle mais comme un construit humain. Elle constitue en elle-
même une partie importante du capital foncier d’une exploitation et du patrimoine
de la famille.
De telles logiques patrimoniales sur le sol ne peuvent s’exprimer que si la tenure fon-
cière est assurée sur le long terme. Si l’environnement juridique ou les circonstances
socio-économiques sont tels que la tenure foncière est incertaine, alors le comporte-
ment des familles paysannes sera exactement inverse. Il visera une exploitation
minière des sols, ne consacrant aucun effort ni aucune ressource à l’entretien de leur
fertilité.
1 ANCEY, G. 1975, Niveaux de décision et fonction objectif en milieu rural africain, AMIRA note n° 3.
2 G ASTELLU, J.M. 1978. Mais où sont donc ces unités économiques que nos amis cherchent tant en Afrique ? AAMIRA note
n° 26. Le choix d’une unité.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Une partie du produit sert à accumuler des biens durables (bétail, or etc.) ou à ali-
menter des échanges dans les réseaux d’alliances, matrimoniales en particulier. La
constitution, l’augmentation et la transmission du patrimoine familial se réalise au
sein d’une unité d’accumulation (UA) qui peut être distincte de l’UP/UC, en particu-
lier en cas de régime matrilinéaire où les différents biens sont transmis selon des
voies différentes (la terre en lignée maternelle et le matériel de culture en voie
paternelle par exemple).
> l’unité de résidence (UR). L’UR désigne le lieu physique où réside la parenté, plus ou
moins élargie, et qui revêt, selon les sociétés, une taille démographique variable. Il ne
s’agit pas à proprement parler d’une unité économique, mais l’UR sert souvent de
repère géographique pour identifier les unités économiques pertinentes (UP ou UC).
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
Un exemple camerounais
En pays bamiléké, chaque épouse dispose d’une sécurité de tenure assez forte sur les parcelles qui
lui sont attribuées et dont elle a l’usufruit. Cette sécurité peut néanmoins être remise en cause lorsque
le chef d’UP prend une nouvelle épouse. Le travail de chaque épouse et de ses enfants se partage
entre l’exploitation des parcelles qui lui sont attribuées et la contribution aux productions contrôlées
par le chef d’UP (le café en l’occurrence). S’il lui reste encore du temps, l’épouse le consacrera à des
activités lucratives dont elle conservera l’intégralité des revenus.
De leur prise en compte résultent les différents points de vue pour décrire l’exploita-
tion familiale : entreprise agricole ou entité économique indissociablement liée au
foyer, outil de production ou patrimoine transmissible d’une génération à l’autre,
unité économique comprenant des sous-unités aux fonctions différentes, etc. Les stra-
tégies de production ne se comprennent que par rapport à des stratégies de repro-
duction économique et sociale. Elles trouvent leur cohérence par rapport à elles.
Il importe de bien garder à l’esprit que le fonctionnement de l’exploitation agricole
ne revêt pas qu’une dimension économique. L’analyse du comportement des êtres
humains ne peut se limiter à leur dimension d’homo economicus. On a déjà mentionné
qu’à l’intérieur des exploitations familiales, surtout dans les sociétés structurées autour
de familles élargies dont les membres possèdent des statuts complexes et différenciés,
les comportements des individus visent parfois à asseoir leur place dans la société. Ils
ne peuvent se réduire à des logiques économiques. Par exemple, le chef d’UP veillera
en priorité à ce que certaines dépenses socialement obligatoires soient effectuées. Fût-
ce au détriment des capacités d’accumulation de l’exploitation. Il a déjà été beaucoup
écrit sur les dépenses somptuaires occasionnées par les funérailles en de très nom-
breux endroits du monde. Elles rentrent dans des jeux complexes d’échanges dépas-
sant le cadre de l’exploitation et connectant les vivants au monde des défunts.
De même, si l’on considère une petite région et l’ensemble des exploitations familiales
qui s’y trouvent, on s’aperçoit que les stratégies familiales interagissent et se manifes-
tent par des comportements dépassant la sphère purement économique. Ces com-
portements révèlent souvent des stratégies de domination ou le jeu des systèmes d’ap-
partenance. Ils peuvent engendrer des processus de différenciation ou bien des
phénomènes d’interdépendance entre différents groupes. Ils peuvent aussi parfois
être induits ou renforcés par la politique des Etats.
Au Vietnam
Depuis un siècle, sur les hauts plateaux du centre du Vietnam, de fortes migrations de l’ethnie domi-
nante, les Kinh, ont été à l’origine d’une déforestation accélérée et de la dépossession des ethnies
autochtones de leurs terres. Ces phénomènes sont à l’origine d’un boom caféier : la forêt est abattue
pour faire place à des plantations de café robusta. La différenciation sociale entre groupes qui ont
bénéficié du boom caféier et groupes marginalisés est très forte. Une telle situation aboutit à la pré-
carisation des groupes autochtones, rejetés sur une portion marginale et restreinte du territoire, alors
qu’elles pratiquaient une agriculture de défriche brûlis complétée par la chasse et l’exploitation des
espaces forestiers.
Ces dynamiques peuvent s’analyser comme la résultante d’une politique de migration organisée par
l’Etat, afin d’affermir son contrôle sur une zone périphérique du territoire national, à la population mou-
vante et peu stabilisée. À un niveau différent, ces processus peuvent aussi s’analyser comme le choc
de deux cultures. Les Kinh, d’une part, riziculteurs provenant de zones de delta, pour lesquels la forêt
constitue un domaine sauvage, menaçant, rempli de forces malfaisantes qu’il convient de conquérir.
Les populations autochtones d’autre part, pour qui la forêt constitue aussi un milieu potentiellement
dangereux, mais avec qui il convient de composer de manière à en tirer les éléments nécessaires à
leur subsistance. De ces deux conceptions opposées d’un même espace résulte un comportement de
domination d’un groupe sur l’autre, comportement encouragé par l’Etat et alimenté par les méca-
nismes économiques liés au boom caféier.
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
3 Le coût d’opportunité d’une ressource est égal au revenu que cette ressource serait susceptible de procurer si elle était
employée par une autre activité.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
4 Fumure de redressement, plantations d’arbres, aménagements de défense et restauration des eaux et des sols, etc.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
● Un exemple de typologie
5 Ces moyens ne sont pas seulement matériels. Ils incluent bien évidemment les informations, savoir-faire et expériences
accumulés par les exploitants au cours de leur vie professionnelle.
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
6 Nous préférerons parler d’intérêt plutôt que d’objectifs, car le risque est de se satisfaire de vagues déclarations d’inten-
tion, dont certaines peuvent être complaisantes à l’égard des enquêteurs, et de projeter ensuite sur les agriculteurs des
objectifs qui ne sont pas vraiment les leurs. Le recours à la notion d’intérêt nous oblige par contre à vérifier objectivement
quels sont les éléments matériels qui conditionnent très concrètement les différences d’intérêt.
7 Ces hypothèses ne peuvent être considérées comme des faits toujours avérés mais doivent être bien sûr vérifiées ou infir-
mées à la lumière des observations et enquêtes préalables à la définition des projets.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
D’une façon générale, la survie des exploitations familiales marchandes suppose que
les agriculteurs soient à même d’affronter la concurrence d’exploitations de plus en
plus compétitives sur les marchés. Elle va donc nécessairement de paire avec une mul-
tiplication et une amélioration progressive des équipements.
Mais la capitalisation peut aussi prendre la forme d’un accroissement progressif de la
taille des troupeaux et de la superficie des terrains. Les troupeaux de petits et gros
ruminants représentent d’ailleurs fréquemment une forme privilégiée d’épargne. La
vente d’animaux intervient lorsque les exploitants le jugent nécessaire, pour faire face
aux accidents plus ou moins périodiques mais aussi en vue de procéder à de nouveaux
investissements productifs : achat de terrains et de matériels, construction de bâti-
ments d’élevage, améliorations foncières, etc. Cette accumulation de capital ne signi-
fie pas pour autant que ces exploitations perdent leur caractère familial.
● Les exploitations patronales
Dans ces exploitations, les systèmes de production mis en œuvre exigent une quantité
de force de travail bien supérieure à celle que la seule famille de l’exploitant peut four-
nir. Il est alors nécessaire de recourir à l’emploi de main-d’œuvre extérieure, perma-
nente et saisonnière, dont la rémunération peut prendre des formes très diverses :
salaires en argent, rémunération en nature, concession d’un petit lopin, etc. Les chefs
d’exploitations et leur famille vivent donc à la fois de leur propre travail et de celui de
leurs employés.
● Les exploitations capitalistes
Dans les exploitations capitalistes, les propriétaires des moyens de production ne tra-
vaillent pas directement eux-mêmes et n’apportent que du capital. Ces exploitations
sont dirigées le plus souvent par des gérants salariés dont la tâche est de conduire les
systèmes de production qui maximisent la rentabilité des capitaux. La substitution
éventuelle de la main d’œuvre salariée par des machines est généralement dépen-
dante des gains de productivité et de l’évolution du rapport entre le prix des maté-
riels et celui de la force de travail. Elle peut donc intervenir avant qu’il n’y ait des
opportunités d’emplois à l’extérieur. Il n’est donc pas rare dans ces conditions d’ob-
server des systèmes de production peu intensifs en travail dans des régions où sévit un
chômage chronique. Les immenses ranchs d’élevage extensif de l’Amérique latine en
sont la plus parfaite illustration.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Celle-ci soulève des problèmes de choix des variables à observer ou mesurer, d’échan-
tillonnage des exploitations sur lesquelles on envisage de faire des mesures et obser-
vations et de fiabilité des informations recueillies.
Deux grandes familles de méthodes d’élaboration des typologies d’exploitations peu-
vent être distinguées :
> celles qui sont basées sur un recueil d’informations factuelles sur les exploitations.
Les informations recueillies sont traitées pour mettre en évidence des relations
entre variables ;
> celles qui sont basées sur la recherche directe de relations entre variables.
Ces deux groupes de démarches seront présentés successivement, le deuxième étant
illustré par l’analyse historique des mécanismes de différenciation.
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Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
les ans, à raison de plusieurs cycles de culture annuels8, terrains cultivés épisodique-
ment en rotation avec des friches de plus ou moins longue durée, surfaces de terres
indivises sur lesquelles l’exploitant peut librement faire pâturer ses animaux, jardins
en copropriété, etc.
Il devient ainsi nécessaire de prévoir des questionnaires exagérément lourds pour des
personnels à qui on demande, par ailleurs, de procéder à de très nombreuses
enquêtes. La qualité des informations risque d’en sortir considérablement amoindrie.
À ceci s’ajoute le risque d’oublier certains paramètres importants si l’on n’a pas déjà,
au préalable, une connaissance suffisante de la réalité que l’on souhaite analyser ! Le
résultat le plus fréquent est la mise en place de dispositifs d’observations et d’enquêtes
extrêmement lourds et coûteux, sans assurance que le travail qui en résulte soit de
bonne qualité. Le manque de fiabilité des informations recueillies est alors souvent
beaucoup plus grave que les éventuelles erreurs d’échantillonnage.
Force est donc de reconnaître que les dispositifs d’enquêtes et d’observations fondés
sur le recueil d’un très grand nombre d’informations qualitatives et quantitatives, à
partir d’un échantillon d’exploitations de grande dimension, sans connaissance préa-
lable suffisante des phénomènes à analyser, aboutissent rarement à des résultats pro-
bants. Faute d’hypothèses suffisamment fondées sur les variables explicatives de la
diversité des exploitations et des systèmes de production agricole, le recours préma-
turé aux méthodes d’analyse multidimensionnelle se révèle presque toujours déce-
vant. La question se pose donc de savoir comment construire progressivement de
telles hypothèses.
8 Sans confondre la superficie réelle des terrains et la surface annuelle totale des cultures.
342
Analyser la diversité des exploitations agricoles 3 1
L’idée est de mettre à profit la mémoire et les connaissances accumulées par ces agri-
culteurs sur leur propre histoire collective. Ce sont les auteurs des transformations qui
peuvent les décrire avec le plus d’exactitude et de précision et qui en ont sans doute
le mieux conservé la mémoire.
La typologie qui en résulte est souvent qualifiée de «typologie à dires d’acteurs», dans
la mesure où elle est issue d’informations en provenance de personnes ayant active-
ment participé aux évolutions étudiées. Sa construction et son interprétation restent
bien évidemment de la responsabilité des personnes extérieures qui sont chargées de
la réalisation du diagnostic.
La difficulté réside parfois dans le choix des agriculteurs à interviewer, sachant qu’on
ne connaît pas à priori leur diversité et que chacun d’entre eux peut avoir sa propre
vision des mêmes événements. L’important est de réaliser les entretiens avec des agri-
culteurs de conditions sociales différentes, de façon à pouvoir construire la typologie
en confrontant les informations provenant de sources suffisamment diverses (cf. cha-
pitres 11 et 12). Plus important encore est l’obligation de faire porter les entretiens sur
des faits matériels, datés et vérifiables, en écartant, autant que faire se peut, les
enquêtes d’opinion.
Cette typologie reposera sur des différences d’autant plus objectives qu’elle résulte
d’une analyse de l’évolution de phénomènes concrets dont on a vérifié l’existence et
la date avec des informateurs aux intérêts fort divers. On évitera de se fier aux seules
opinions émises par les responsables administratifs et les leaders à la représentativité
plus ou moins douteuse.
Les thèmes d’enquête
Les entretiens portent essentiellement sur les conditions et les modalités de l’accumu-
lation différentielle de capital au sein des exploitations. Il convient notamment de
repérer les étapes durant lesquelles certains exploitants ont pu acquérir de nouveaux
moyens de production et les raisons pour lesquelles il n’en a pas été de même pour
toutes les catégories d’agriculteurs. Une attention particulière doit alors être portée
aux diverses modalités d’autofinancement, aux possibilités de recourir à des
emprunts, aux modalités concrètes de leur remboursement, aux conditions d’appro-
visionnement en intrants et de mise en marché des produits agricoles, aux opportu-
nités de travail à l’extérieur, aux rapports de prix en vigueur, et à la plus ou moins
grande sécurité de tenure foncière.
L’identification des types de trajectoires
Certains exploitants peuvent acquérir des matériels et moyens de traction leur per-
mettant de travailler plus rapidement des superficies sans cesse croissantes. Ainsi en
est-il, par exemple, lorsque les agriculteurs ont recours à la mécanisation et à la moto-
risation des opérations culturales.
D’autres exploitants peuvent immobiliser de grandes quantités de capital sur des éten-
dues relativement réduites. C’est le cas lorsque les exploitants investissent dans des
plantations pérennes exigeant beaucoup de soins (vergers, vignobles…), des bâtiments
d’élevage (étables, porcheries…), des ateliers de transformation (production de fro-
mages, confitures, boissons fermentées…), ou des infrastructures diverses (irrigation,
drainage, serres, terrasses…). Les systèmes de production agricole deviennent alors
souvent beaucoup plus intensifs en travail et en intrants divers (engrais, pesticides…).
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Certains exploitants peuvent ne pas avoir les revenus suffisants pour investir davan-
tage dans leurs unités de production, ni même parfois pour simplement entretenir et
renouveler les équipements déjà en place. Leurs exploitations sont alors en décapita-
lisation avec le risque de disparaître à plus ou moins long terme, faute de pouvoir res-
ter compétitives avec celles qui ont investi et augmenté la productivité du travail. Leur
disparition permet parfois l’accroissement de la taille des exploitations restantes aux-
quelles sont cédées ou vendues les surfaces ainsi libérées. La décapitalisation des uni-
tés de production les moins compétitives peut aussi parfois se traduire par une sur-
exploitation des écosystèmes et une baisse irréversible de leur potentiel productif :
moindre production de biomasse, perte de biodiversité, chute du taux d’humus des
sols, multiplication des ravageurs et prolifération de certaines adventices, etc.
La réalité peut évidemment se révéler beaucoup plus complexe et chaotique que ces
trois grands types de trajectoires. L’accumulation de capital dans les exploitations est
rarement progressive et se manifeste fréquemment au contraire par des sauts et
paliers successifs. Les exploitants âgés peuvent hésiter à investir dans leurs unités de
production tant qu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir léguer ces dernières à leurs héri-
tiers. De jeunes exploitants peuvent avoir intérêt, au contraire, à réaliser d’emblée de
gros investissements, de façon à pouvoir devenir plus compétitifs sur le long terme.
Les immobilisations de capital fixe vont alors souvent de pair avec une relative spé-
cialisation des systèmes de production agricole, qui permet de mieux rentabiliser les
investissements réalisés.
L’analyse historique des évolutions techniques, économiques et sociales permet finale-
ment de montrer comment diverses catégories d’exploitants ont pu accumuler
différents moyens de production et ont été ainsi amenées à pratiquer des systèmes de
production eux-mêmes très distincts. C’est précisément cette relation entre les diffé-
renciations sociales et les changements techniques qu’il convient de mettre prioritai-
rement en évidence : la typologie actuelle des exploitations agricoles apparaît alors
très clairement comme l’aboutissement logique d’évolutions simultanées et complé-
mentaires.
Bibliographie
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Histoire, usages et remise en question d’un concept pluridisciplinaire. In BLANC-PAMARD et
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GRET, F AMV, 1990. Manuel d’Agronomie Tropicale appliquée à l’agriculture haïtienne. Paris et Port au
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PAUL, J.L. ET AL. 1994. Quel système de référence pour la prise en compte de la rationalité de l’agri -
culteur : du système de production agricole au système d’activité. Actes du symposium sur les
recherches-système en agriculture et développement rural. CIRAD, Montpellier, pp 46-52.
344
3 2 Analyser le fonctionnement
d’une exploitation
À partir d’une contribution de S. Devienne (INA-PG)
et B. Wybrecht (GRET)
346
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
C’est dans cet esprit qu’ont été mis en place, dans quelques pays, des centres de ges-
tion qui forment les agriculteurs au recueil de l’information nécessaire à l’analyse de
leur propre exploitation. Ils leur proposent de comparer leur mode d’organisation et
les résultats auxquels ils parviennent et de poursuivre éventuellement par des tests
d’innovations. Dans ce cadre de travail, les données utilisées doivent être beaucoup
plus précises que dans les deux précédents : il s’agit de raisonner juste sur chacune
des exploitations à partir de données fines. La collecte de l’information se fait donc,
en général, de manière progressive au moyen de cahiers d’enregistrement.
347
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
● L’unité de production
L’exploitation agricole est une unité de production. L’unité de production se caracté-
rise par l’inventaire des ressources disponibles : surface agricole, nombre d’actifs,
superficie des différentes cultures, effectifs des troupeaux, nombre et puissance des
matériels, capacité des bâtiments, quantité d’intrants... Lorsque la gestion des diffé-
rentes ressources relève de personnes différentes, ou lorsqu’il existe pour une res-
source donnée plusieurs niveaux de décision emboîtés, le repérage des unités de pro-
duction peut être comple xe (cf. chapitre 31).
● Le système de production
Au sein de l’unité de production l’agriculteur pratique un système de production, qui
peut être défini de la manière suivante : combinaison des productions et des facteurs
de production (capital foncier, travail et capital d’exploitation) dans l’exploitation agri-
cole. L’étude du système de production s’intéresse donc au fonctionnement de l’ex-
ploitation agricole, vue sous l’angle d’une combinaison organisée, plus ou moins cohé-
rente, de divers sous-systèmes productifs : systèmes de cultures, systèmes d’élevage et
systèmes de transformation.
348
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
L’agriculteur peut également avoir accès à des terres communes dont il faut connaître
les caractéristiques, le mode d’exploitation et les conditions d’accès : périodes de dis-
ponibilités, coût, contraintes éventuelles de chargement en têtes de bétail…
349
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
● L’histoire de l’exploitation
● La logique d’évolution
L’analyse de la structure et du fonctionnement actuels d’une exploitation agricole ren-
voie à son histoire : celle de l’acquisition des moyens de production et de l’évolution
de la combinaison de systèmes de culture et d’élevage. Retracer l’histoire de l’exploi-
tation a pour objectif d’expliquer la logique d’évolution du système de production afin
d’éclairer son fonctionnement actuel et de contribuer à prévoir son évolution future.
350
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
● Le système de production
Avant de s’intéresser au fonctionnement global de l’exploitation, il est nécessaire de
caractériser chacun des sous-ensembles constitutifs du système de production : sys-
tèmes de culture, systèmes d’élevage et systèmes de transformation. Une exploitation
agricole peut comporter un ou plusieurs systèmes de culture distincts et/ou un ou plu-
sieurs systèmes d’élevage distincts.
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Année 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986
Culture M C M C M C J J J M C M C M C J
M = maïs C = cotonnier J = jachère
352
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
Cette gestion de la répartition dans le temps des cultures sur une parcelle ou sur un
groupe de parcelles est indissociable d’une gestion dans l’espace. Si la rotation est
régulière, il faut nécessairement qu’il y ait autant de parcelles qu’il y a d’années dans
la rotation : à une succession ou une rotation de cultures correspond nécessairement
un assolement.
353
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
354
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
1 D’après DOUNIAS-M ICHEL I. Modèles d’action et organisation du travail par a culture cotonnière : cas des exploitations agricoles du
bassin de la Bénoué au Nord-Cameroun, thèse INA-PG, 1998.
355
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
C’est pour le cotonnier que la période de semis favorable est la plus courte : elle ne dure que 20 jours.
On comprend donc que les agriculteurs consacrent le mois de juin principalement à semer le coton et
répartissent les semis des autres cultures sur les périodes antérieures (sorgho et arachide) et posté-
rieures (maïs).
Le croisement des données climatiques avec les caractéristiques des espèces et des variétés culti-
vées permet donc de retrouver la logique de semis des chefs d’exploitation, à un détail près : c’est
l’arachide qui pourrait être semée en premier. Or, beaucoup d’exploitants sèment des parcelles de
sorgho avant de commencer à implanter des parcelles d’arachide. En fait, un deuxième facteur inter-
vient dans ce choix : il s’agit du coût des semences. En effet, le choix des périodes de semis est calé
pour éviter que la période avant et pendant la floraison soit une période sèche, mais cela n’élimine en
rien les risques de période sèche juste après le semis. Même si les agriculteurs attendent le 20 avril
pour semer après une pluie, ils risquent en début de saison d’être obligés de ressemer une parcelle
grillée par une petite période sèche. Les semences d’arachide étant beaucoup plus coûteuses que les
semences de sorgho, il paraît raisonnable de commencer par les semis de sorgho et d’attendre pour
les semis d’arachide que la saison des pluies soit un peu plus installée.
356
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
> que les unités utilisées le plus fréquemment ne sont pas des unités massiques
(comme le kg) mais des unités volumiques (comme le m3 ou le litre). Le rapport
entre la masse et volume est la masse volumique et il dépend notamment de l’hu-
midité du produit : une boîte de conserve remplie de haricots secs ne pèse pas le
même poids qu’une boîte de conserve remplie de haricots frais ; une boîte de
conserve de sorgho est moins lourde que la même boîte remplie de riz. Le plus
simple pour ne pas se tromper est d’échantillonner, c’est-à-dire de vérifier avec
2 ou 3 pesées la correspondance entre unité locale de volume et unité de masse ;
> que ce qui rentre dans le grenier ne correspond souvent pas à la totalité de la pro-
duction : une partie a pu être consommée au champ au moment de la récolte, une
autre a pu être distribuée en salaires aux personnes venues récolter, une troisième
récupérée par le propriétaire du champ et une quatrième stockée ailleurs pour ser-
vir de semence pour la prochaine saison de culture.
L’estimation directe des productions est difficile pour les plantes récoltées progressivement pour
l’alimentation de la famille. C’est souvent le cas pour le manioc, stocké en terre et récolté
au fur et à mesure des besoins de la consommation familiale. Une estimation indirecte
est dans ce cas-là souvent plus facile.
L’estimation indirecte par les rendements : le rendement d’une culture n’a de sens que s’il
est replacé dans le cadre d’un système de culture donné : terroir, association, rotation,
itinéraire technique donnés. Un rendement qui n’est pas contextualisé n’est pas extra-
polable.
Le principal avantage de l’utilisation du rendement pour estimer la production est la
possibilité de l’estimer soi-même dans les parcelles. Le plus simple est de pratiquer un
échantillonnage raisonné dans la parcelle, avant qu’elle ne soit récoltée.
La figure 3 montre une façon de procéder pour estimer un rendement dans une par-
celle hétérogène.
L’estimation des rendements par échantillonnage sur les parcelles est un travail lourd
à conduire. Il doit donc être réservé aux situations où les autres méthodes d’estima-
tion ne peuvent procurer de données suffisamment fiables par rapport au raisonne-
ment que l’on souhaite conduire.
La deuxième variable à connaître pour une estimation indirecte est la surface. Il est
possible de procéder par mesure de la parcelle, mais cela demande beaucoup de
temps. En outre, rien n’inquiète plus des agriculteurs que de commencer à mesurer
des angles et des longueurs dans une parcelle voisine de la leur ou, pire, dans une de
leurs parcelles ! On procède donc très souvent par estimation rapide de la surface.
Comme pour les estimations de production, il faut faire attention à la multiplicité des
mesures locales et aux problèmes de conversion.
Les agriculteurs ne connaissent souvent pas la surface de leurs parcelles, mais le temps
de travail nécessaire pour les sarcler ou les repiquer. Il faut donc convertir des jours
de sarclage ou de repiquage en m2. Le taux de conversion dépend bien entendu des
techniques utilisées. L’estimation sera d’autant plus fiable que l’agriculteur a l’habitude
d’utiliser de la main d’œuvre salariée sur sa parcelle.
Que l’on procède par estimation directe ou indirecte, il est important d’évaluer une
production moyenne, en discutant avec le paysan de ce qu’il considère comme une
production faible et une production élevée, et de leurs fréquences d’occurrence : la
variabilité inter-annuelle du climat peut être importante et la production varier en
357
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
➤ Figure 3 : Exemple d’échantillonnage raisonné dans une parcelle pour l’estimation du rendement
358
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
359
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
La conduite sanitaire
La conduite en matière d’hygiène et de santé s’intéressera plus particulièrement aux
mesures prophylactiques mises en œuvre, aux principaux problèmes de santé des ani-
maux et aux soins que l’exploitant a la possibilité matérielle ou financière d’apporter.
Il est important d’essayer de relier ces problèmes, surtout s’ils sont récurrents, à l’ali-
mentation des animaux, en particulier à ses carences ou déficits, à la fréquence et à
l’importance des déplacements ou des travaux éventuels effectués par les animaux,
ainsi qu’au type de bâtiments où ils sont logés et à l’hygiène qui y est apportée.
1 D’après LHOSTE et al. Zootechnie des régions chaudes : les systèmes d’élevage. Ministère de la Coopération, Paris, 1993.
360
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
361
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
> mettre en relation les performances des animaux avec la qualité, la quantité et la
régularité dans le temps de l’alimentation. Les périodes de croît ou d’engraisse-
ment et celles d’éventuel amaigrissement doivent être identifiées, situées dans le
temps par rapport aux ressources alimentaires. Le choix des races pourra égale-
ment être mis en relation avec la conduite de l’alimentation ;
> mettre en relation la gestion des flux des animaux avec les disponibilités en ali-
mentation : les éleveurs peuvent chercher à vendre les jeunes animaux ou les ani-
maux engraissés à l’issue de la période d’abondance de fourrages, afin d’ajuster
leur cheptel aux ressources fourragères disponibles au cours de la période de défi-
cit fourrager.
Enfin l’abreuvement des animaux peut demander, particulièrement en saison sèche,
des déplacements sur de longues distances. L’éleveur peut d’ailleurs réduire la fré-
quence d’abreuvement des animaux lorsque l’eau devient rare.
Les pratiques d’exploitation et de renouvellement
Les élevages ont fréquemment plusieurs fonctions :
> produire (du lait, de la laine, de la viande…), ce qui permet une diversification des
rentrées d’argent et une répartition des risques liés à l’activité agricole, ainsi qu’une
accumulation de capital grâce à la reproduction et à l’augmentation du cheptel ;
> fournir, en ce qui concerne les bovins et les équins, une force de traction et partici-
per aux transports ;
> offrir un moyen d’épargne facilement mobilisable ;
> offrir une garantie financière facilitant l’accès aux emprunts ;
> participer à la reproduction de la fertilité sur les espaces cultivés.
Les prélèvements que le paysan effectue sur ses animaux doivent être situés dans le
temps et les quantités prélevées doivent être évaluées : traite, œufs, traction, animaux.
La quantité de travail et le type de main d’œuvre qu’ils requièrent sont des éléments
importants à prendre en compte.
La conduite du renouvellement du troupeau doit être examinée avec soin : modalités
de réforme des animaux, sélection des reproducteurs, achats ou prise en gardiennage
d’animaux. Pour comprendre les relations entre prélèvements en animaux (vente ou
abattage) et renouvellement du troupeau, il apparaît indispensable de reconstituer les
flux d’animaux, sans oublier les taux de mortalité, en s’efforçant de comprendre com-
ment le paysan gère ces flux.
On repère ainsi les animaux destinés au renouvellement du troupeau et ceux qui sor-
tiront de l’exploitation sans participer à ce renouvellement : animaux castrés, animaux
vendus avant l’entrée en reproduction, femelles pleines. Les variations intra-annuelles
d’effectifs des différents ateliers résultant de ce mode de gestion devront ensuite être
rapprochées des variations au cours de l’année des ressources fourragères.
La destination des produits animaux doit également être explicitée : autoconsomma-
tion ou vente. Le paysan peut également se servir de son cheptel comme d’un moyen
de placer de l’argent : il peut, chaque année, acheter des animaux au moment d’une
rentrée d’argent afin de les revendre lorsqu’il aura besoin de faire une dépense. De
manière générale, en dehors du strict renouvellement du troupeau, il faut
comprendre la fréquence et les raisons d’achat ou de vente de cheptel, réguliers ou
exceptionnels.
362
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
➤ Figure 4 : Renouvellement et exploitation d’un troupeau bovin extensif de race Ankole dans le sud ouest de l’Ouganda
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
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Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
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Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
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3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
l’année, ou s’ils doivent avoir recours à des achats. Cela nécessite de préciser la desti-
nation de chaque récolte ou produit animal : autoconsommation, intraconsommation,
vente.
Les périodes de soudure
L’observation du calendrier des productions consommées sur l’exploitation permet de
mettre en évidence d’éventuelles périodes de soudure, lorsque les disponibilités en
produits vivriers sont épuisées et qu’il faut attendre la récolte suivante. Ces périodes
peuvent devenir difficiles si la trésorerie de l’exploitation ne permet pas de se procu-
rer sur le marché, souvent à un prix très élevé, les calories manquantes. Le calendrier
alimentaire peut ainsi comprendre chaque année une ou des périodes de déficit, au
cours desquelles se conjuguent soudure et déficit en trésorerie. Si des travaux difficiles
(labour, abattis) doivent être réalisés à ce moment, l’efficacité de la main-d’œuvre fami-
liale risque d’être réduite.
Le calendrier de trésorerie
L’analyse du calendrier alimentaire est indissociable de celle du calendrier de trésore-
rie. La compréhension de la trésorerie de l’exploitation est rendue complexe par le
fait que le budget de l’exploitation agricole est inséparable de celui de la famille. Les
flux monétaires de l’unité de production doivent être situés dans le temps et replacés
par rapport aux principales dépenses de la famille : achat de produits vivriers en
période de soudure, frais de scolarisation… La multiplication et l’échelonnement des
productions permettent une trésorerie plus aisée, en étalant les recettes, ce qui est pré-
cieux lorsqu’il est difficile d’avoir recours à un système bancaire pour épargner ou
emprunter. Il est important d’analyser, à cette occasion, le rôle de l’élevage dans la ges-
tion de la trésorerie de l’exploitation.
Les périodes de soudure alimentaire coïncident fréquemment avec la nécessité d’ef-
fectuer des dépenses de production : achat de main-d’œuvre ou de semences. Si l’ex-
ploitant n’a pu épargner et s’il ne peut avoir accès à des revenus extérieurs à cette
période, la situation peut devenir critique : le recours à l’emprunt à des taux usu-
raires, la vente sur pied de la récolte ou à la mise en gage de terres peuvent devenir
les seules issues. L’emprunt pour des dépenses de production ou de consommation
oblige souvent le paysan à vendre tout ou partie de sa production à la récolte, lorsque
le prix est le plus bas, pour rembourser au plus vite le capital emprunté et les intérêts
souvent très élevés dans les systèmes de crédit informels. Il faut repérer si le recours
à ces pratiques est régulier ou exceptionnel (mauvaise récolte, conjoncture de prix
temporairement défavorable).
368
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
L’exploitant peut également exercer des activités non agricoles : cueillette, pêche, tra-
vail de journalier agricole, artisanat, commerce… Ces activités extérieures fournissent
des revenus complémentaires qui peuvent jouer un rôle déterminant, particulière-
ment en période de soudure. Elles peuvent également contribuer à la capitalisation ou
aux dépenses courantes de l’exploitation. Il convient de les situer dans le temps, en les
replaçant par rapport au calendrier de trésorerie de l’exploitation.
Selon les périodes auxquelles elles sont pratiquées, ces activités peuvent être complé-
mentaires ou concurrentes des activités agricoles de l’exploitant. En cas de concur-
rence, l’exploitant est conduit à renoncer à une partie de ses revenus extérieurs, ou
au contraire à retarder la réalisation d’opérations culturales ou d’élevage sur son
exploitation. Il est nécessaire de comprendre comment il établit ses priorités.
produit brut : valeur des productions finales (vendues ou autoconsommées par la famille de l’exploitant)
- consommations intermédiaires: consommation de biens ou services de durée annuelle
369
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Exemple de calcul de produit brut annuel moyen pour une rotation de deux ans
1ère année : maïs-haricot-pois d’Angole / 2 ème année : pois d’Angole, sur une surface totale de 1,5 ha,
en supposant que la totalité de la production nette (hors semences) de grains est autoconsommée ou
vendue, le produit brut annuel moyen se calcule de la manière suivante :
1.5 ha x [1/2 x (rendement net moyen du maïs dans l’association x prix du maïs + rendement net moyen
du haricot dans l’association x prix du haricot + rendement net moyen du pois d’Angole en première
année dans l’association x prix du pois d’Angole) + 1/2 x (rendement net moyen du pois d’Angole
2e année x prix du pois d’Angole)]
● Le calcul de l’amortissement
L’amortissement pris en compte pour le calcul de la valeur ajoutée est l’amortissement
économique, qui mesure la dépréciation annuelle du bien calculée sur sa durée réelle
d’utilisation (cf. tableau 4).
4 Flux internes au système de production : consommation par le cheptel de l’exploitation, semences auto-produites…
370
Analyser le fonctionnement d’une exploitation 3 2
prix du bien dans l’état dans lequel il a été acheté (neuf ou occasion) mesuré en monnaie d’aujourd’hui
– prix du bien dans l’état dans lequel il sera en fin d’utilisation sur l’exploitation mesuré en monnaie d’aujourd’hui
: durée réelle d’utilisation sur l’exploitation
371
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Bibliographie
DUFUMIER M., Les projets de développement agricole. Manuel d’expertise, CTA-Karthala, Paris, 1996.
LANDAIS E. & BALENT G., Introduction à l’étude des pratiques d’élevage extensif, in Pratiques d’élevage
extensif : identifier, modéliser, évaluer, E. LANDAIS éd. INRA 1995, collection Etudes et recherches
sur les systèmes agraires et le développement, pp 13 - 36.
MONDAIN MONVAL J.F. (IRAM), Diagnostic rapide pour le développement agricole, 1993 Paris. Ed. GRET,
ministère de la Coopération, A CCT, Coll. L PS n°18.
Paysans, systèmes et crise, Travaux sur l’agraire haïtien. Tome 3 : Dynamique de l’exploitation pay -
sanne, SACAD Université Antilles-Guyane & FAMV (Faculté d’agronomie et de médecine vétéri-
naire) Université d’Etat Haïti, 1994.
372
3 3 Faciliter l’émergence et la
diffusion des innovations
À partir des contributions de P. Bal (GRET), C. Castellanet (G RET)
et D. Pillot (G RET)
373
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
● Un changement durable
Il ne faut pas confondre un paysan qui essaye une nouveauté et un paysan qui innove
véritablement. On ne peut parler d’innovation que lorsque des producteurs se sont
réellement appropriés une technique et qu’ils savent et qu’ils peuvent la reproduire
de façon dominante dans leurs itinéraires techniques sans l’appui forcément éphé-
mère de structures-projet. Il en est de même pour les innovations organisationnelles.
Or, beaucoup de soi-disant innovations sont en fait des changements qui tiennent le
temps d’un projet, parce que celui-ci, par sa présence, crée une situation artificielle-
ment favorable : les revenus qu’il distribue stimulent le marché local et la demande de
produits nouveaux ; la présence d’animateurs extérieurs à la société locale empêche
les conflits de s’exprimer immédiatement alors que l’innovation heurte les intérêts de
certains groupes. Lorsque le projet se retire, ces conditions peuvent disparaître et les
paysans revenir alors à leur pratiques antérieures.
Il existe aussi des phénomènes de réversion des innovations en dehors de toute inter-
vention de projet. Des progrès techniques, des formes nouvelles de groupement ou de
régulation se font jour, se développent puis s’effacent et tombent en désuétude.
● Un phénomène courant
L’innovation est souvent une raison d’être essentielle des actions de développement.
Mais il faut se souvenir que c’est, fort heureusement, d’abord un processus propre à
chaque agriculteur ou groupe d’agriculteurs, en dehors de tout dispositif d’appui.
Depuis des siècles, l’essentiel du progrès technique a d’abord été le fait des agricul-
teurs eux-mêmes. Ils ont créé des techniques, qui se sont ensuite étendues par l’imi-
tation et les échanges informels. Ils ont souvent su emprunter à d’autres sociétés des
espèces cultivées et des techniques de culture qu’ils ne connaissaient pas. Ainsi, le
manioc et le maïs sont arrivés en Afrique en provenance d’Amérique latine. Ils y ont
été intégrés dans des systèmes de culture fort différents de ceux selon lesquels ils
étaient cultivés dans leur région d’origine.
374
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
À côté des innovations endogènes, les innovations exogènes sont celles qui tiennent à
une technique ou un mode d’organisation complètement apporté de l’extérieur. Il
peut s’agir d’une technologie produite par la recherche agronomique ou bien de
transferts à partir de situations similaires dans d’autres régions ou d’autres pays. Leur
intérêt est souvent exactement inverse des précédentes : telle quelle, leur adaptation
aux systèmes locaux est rare. Ces innovations nécessitent un travail de mise au point,
d’ajustement et de transformation en général important.
En revanche, elles peuvent plus facilement concerner un groupe plus large de pro-
ducteurs, puisqu’elles n’ont pas été conçues à partir d’un système contraignant d’ex-
ploitation. Construites à partir de références qui sont tout autres que celles auxquelles
les paysans ont accès, elles peuvent permettre d’élargir formidablement la gamme des
techniques et des modes organisationnels.
En pratique, l’expérience montre que la plupart des innovations importantes corres-
pondent à un mélange d’endogène et d’exogène : une référence extérieure est recom-
binée localement par les paysans selon des modalités ou des systèmes qui leur sont
propres. Aussi les écarts que l’on constate chez les producteurs entre le modèle initial
et la pratique telle qu’ils la reprennent, ne doivent surtout pas être considérés comme
des déviations regrettables, mais plutôt comme des enrichissements positifs.
L’illustration la plus commune de ce mélange concerne les modalités de culture d’une
nouvelle espèce ou d’une nouvelle variété. Lorsqu’elle est introduite, elle est en géné-
ral accompagnée de recommandations sur la préparation du sol, les densités de semis,
la fertilisation… La plupart du temps, les paysans modifient très vite ces paramètres.
Ils intègrent la nouvelle espèce dans des associations de culture inédites ; ils adaptent
la densité aux caractéristiques de leur propre milieu, ils bouleversent les modalités de
fertilisation.
D’autres recombinaisons sont plus complexes, comme le montre l’exemple qui suit.
375
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
● Un avantage réel
L’innovation doit d’abord apporter un avantage réel à ceux qui l’adoptent, en compa-
raison du système antérieur. Concernant la production agricole, elle peut permettre
de produire davantage ou de mieux vendre son produit sans augmenter le travail
nécessaire : c’est le cas, par exemple, de la substitution d’une variété sensible à une
maladie par une variété résistante. L’innovation peut aussi permettre de gagner du
temps, et donc d’améliorer la productivité du travail.
376
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
● Un coût supportable
Il ne suffit cependant pas qu’une innovation puisse apporter un supplément de
revenu ou un allégement du travail pour qu’elle marche. L’innovation ne doit pas, par
ailleurs, induire des charges nouvelles insupportables.
Pour reprendre l’exemple d’une variété nouvelle, si celle-ci est plus productive, elle
sera souvent plus exigeante en intrants ou plus sensible aux maladies. Même si un cal-
cul économique simple montre qu’en mettant davantage d’engrais ou en traitant, l’uti-
lisation de la nouvelle variété permet d’accroître la marge brute produite, seuls les
producteurs qui ont les moyens de faire face à ces charges pourront en fait être
concernés par cette innovation.
Dans une telle configuration, le changement technique peut nécessiter des innova-
tions en chaîne : changement de variété, mise en place d’un système d’approvision-
nement en intrants, système de crédit associé… L’innovation, prise globalement, n’est
plus un simple produit, elle devient tout un processus.
377
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
● La circulation de l’information
Une innovation émerge d’autant plus facilement que les producteurs concernés peu-
vent l’observer chez les autres et en analyser l’intérêt pour eux-mêmes. Or, ces carac-
tères sont moins fréquemment réunis qu’on ne l’imagine souvent.
En premier lieu, l’observation chez les autres n’est pas toujours possible. Certes, une
nouvelle culture se voit dans les champs, mais on ne voit ni les engrais qu’on y a mis,
ni le travail qu’il a fallu fournir. Ces paramètres suscitent souvent interrogations et
méfiance. Les contacts directs et les échanges oraux entre producteurs peuvent per-
mettre de surmonter ces appréhensions.
En second lieu, le succès chez un voisin ne suffit généralement pas à convaincre que
c’est intéressant pour soi-même. « C’est bien pour lui, mais chez moi, c’est différent…» ,
entend-on. Une telle réticence est d’ailleurs parfois justifiée, surtout dans le cas d’in-
novations complexes qui ne conviennent pas à tous les systèmes d’exploitation.
C’est ici une grande limite des champs de démonstration mis en place par des projets
ou des services de vulgarisation : ils n’emportent pas la conviction, car les paysans
savent parfaitement que ces cultures n’ont pas été mises en place avec les mêmes
contraintes que celles qu’ils connaissent chez eux : pointes de travail, manque de tré-
sorerie, approvisionnements déficients, difficultés de commercialisation, etc.
Il en est parfois de même avec les paysans pilotes ou les paysans relais si on ne prend
pas soin de les choisir en respectant la diversité existante. Le seul fait que ces agricul-
teurs soient indemnisés par un projet suffit souvent pour que leurs résultats soient mis
en doute par les autres, etc. Là encore, la possibilité de discuter les conditions de suc-
cès aussi bien que les résultats obtenus ailleurs doivent souvent accompagner l’obser-
vation.
Tous ces paramètres expliquent le succès inégal des innovations par des facteurs liés à
leur adaptation aux objectifs et aux contraintes techniques ou économiques que
connaissent individuellement les producteurs.
378
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
Un tel cadre ne suffit cependant pas : il faut le compléter par la prise en compte des
enjeux sociaux qui sont soulevés par la diffusion de l’innovation.
● Les résistances
L’innovation transite par des individus qui occupent une place particulière dans la
société locale. On dit qu’ils sont des porteurs sociaux. Ces individus ont plus ou moins
de crédibilité, ils font partie de familles, de lignages, de réseaux plus ou moins recon-
nus et respectés.
Dans certains cas, l’innovation doit d’abord être reprise par eux avant que les autres
se sentent autorisés à l’adopter pour leur compte.
379
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
De la même façon qu’il peut être utile de distinguer des groupes d’intérêt autour
d’une innovation particulière, il est intéressant d’identifier les groupes dont les
intérêts sont contrariés. L’opposition de certains à une innovation d’apparence pour-
tant très technique peut prendre la forme d’affrontements très ouverts.
Le maïs en France
Dans le sud-ouest de la France, à la fin des années 50, la diffusion du maïs hybride en remplacement
des variétés locales a donné lieu à des oppositions épiques. Face au maïs local (le «grand roux»), bien
adapté à l’intraconsommation par les petits élevages familiaux, le maïs hybride d’origine américaine
exigeait des intrants coûteux et nécessitait d’entrer dans une agriculture commerciale. Les agricul-
teurs capables de réaliser les investissements nécessaires étaient plutôt les paysans aisés, ou les
jeunes, qui bénéficiaient de crédits de la part de l’Etat. Cette frange moderniste était couramment liée
aux mouvements chrétiens. Au contraire, les partisans du maïs local étaient plutôt les paysans
pauvres, de tradition politique radicale, anticléricale et anti-américaine. C’est ainsi qu’une innovation
technique somme toute banale s’est transformée en un affrontement politique entre une frange cléri-
cale, traditionnellement conservatrice et pro-américaine, mais ici moderniste et très favorable au
changement, et une frange populaire de «gauche», résistante ici à l’innovation.
Plus souvent, l’opposition est sourde, peu visible de l’extérieur, mais non moins redou-
tablement efficace.
380
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
initial avec eux. On constate alors souvent que les pionniers et les innovateurs ont un
statut social plus élevé, sont plus instruits et participent davantage à la vie associative
que les adoptants ultérieurs.
On peut aussi chercher, dans la phase suivante, à identifier les individus sensibles à
l’innovation, car comme lors d’une épidémie, certains individus sont plus réceptifs que
d’autres et vont devenir à leur tour des vecteurs d’extension.
La limite de ce modèle, c’est qu’il intègre très mal les différences qui peuvent exister
entre les producteurs quant à leur intérêt pour l’innovation.
381
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
souvent une marge de manœuvre : il peut décider ou non d’agir dans le sens de
l’adoption, du rejet ou de la transformation de l’innovation. Sa décision va donc en
partie dépendre de sa perception des choix qui s’offrent à lui. Comme, par ailleurs, il
ne peut s’approprier que ce dont il a connaissance, une question essentielle est celle
des canaux et voies par lesquelles se fait la communication entre les producteurs et cir-
cule l’information.
De fait, les techniciens, conseillers agricoles et paysans parlent rarement le même lan-
gage. Au-delà des traductions approximatives du français ou de l’anglais vers les
langues nationales, c’est tout un travail pédagogique et d’innovation linguistique qui
doit s’effectuer pour que l’agent technique et les paysans se comprennent réellement.
Il en est de même pour les autres langages (dessins, schémas) qui peuvent avoir, pour
celui qui les découvre, une signification parfaitement opposée au message voulu. Par
exemple, une flèche signifie rarement une relation de cause à effet pour quelqu’un qui
n’y est pas habitué…
Au-delà des problèmes de langage, tout message est compris par celui qui l’entend
selon sa propre grille d’analyse et d’interprétation. Cela signifie que le même fait va
être interprété et compris de façon différente par le technicien qui dispose d’une for-
mation de base scientifique et par le paysan qui interprète les choses en fonction de
son accumulation d’expériences et de sa propre vision du monde.
Ainsi en riziculture, les paysans reconnaissent facilement l’intérêt d’une fertilisation
azotée, dont les effets se voient rapidement sur la couleur de la végétation. Pourtant,
le plus souvent, ils interprètent souvent cet effet comme celui d’un médicament qui
guérit une maladie. Pour le technicien, en revanche, l’azote agit en augmentant le tal-
lage et la surface de photosynthèse. C’est donc plutôt un aliment qu’un médicament.
Cette différence d’interprétation peut paraître subtile. En réalité, elle engendre des
comportements tout à fait différents quant aux pratiques d’épandage de l’engrais.
L’interprétation médicament conduit à attendre de constater que le riz jaunisse et
s’étiole pour appliquer l’urée. Il est souvent alors trop tard pour bien la valoriser. On
la concentre aussi là où le riz semble souffrir le plus.
Une interprétation nutritionnelle conduit au contraire à appliquer l’azote avant que
la plante souffre d’un déficit, de sorte qu’elle optimise ses capacités. On évite surtout
de la concentrer là où le riz est plus faible, car cela se traduit souvent par d’autres pro-
blèmes (borers, mauvaise reprise), et, donc, une plus faible capacité à la valoriser à ces
endroits.
Dans une telle situation, former des producteurs sur des recettes techniques de type
« l’engrais se met au 5ème jour après le repiquage », ou pis encore « mettre l’engrais avant le
repiquage » ne sert à rien. Tant que les modèles d’interprétation resteront ce qu’ils sont,
les comportements ne changeront guère. On se trouve donc renvoyé à la nécessité de
formation sur l’interprétation plutôt que sur les techniques elles-mêmes.
Le monde des techniciens est souvent incapable de saisir comment et à quel point les
paysans réinterprètent leur messages en fonction de leur propre vécu. Pour encoura-
ger le changement technique, la capacité à écouter est pourtant au moins aussi impor-
tante que la qualité des messages ou celles des supports utilisés pour les transmettre.
382
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
383
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Dans le cas d’une intervention sur la nutrition des animaux, ce sera donc la femme
qu’on cherchera prioritairement à sensibiliser. Dans le cas d’une intervention sur la
santé des animaux, la femme qui est au contact permanent de l’élevage sera de nou-
veau ciblée, mais le mari devra lui aussi être inclus dans le processus, puisque c’est lui
qui devra prendre la décision de mettre en œuvre les dépenses nécessaires.
384
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
Ces différents niveaux peuvent se compléter pour établir un éventail de solutions pos-
sibles. Les producteurs peuvent alors choisir individuellement ou collectivement les
solutions qui leur conviennent. Il ne s’agit cependant pas pour l’agent de développe-
ment de consacrer six mois à cette recherche. Du point de vue de sa crédibilité vis-à-
vis des paysans, il est important qu’il puisse proposer rapidement des éléments de
réponses. Aussi doit-il s’appuyer sur des réseaux qui facilitent l’accès à l’information :
personnes ressources, associations locales, revues spécialisées, outils multimédia… Il
est important de ce point de vue que la structure qui l’emploie encourage une circu-
lation rapide et non hiérarchique de l’information.
Imaginons que, dans notre zone de travail, un arbre fruitier soit très sensible aux
attaques d’un champignon. Le tableau ci-dessous propose plusieurs solutions, pré-
sentant chacune des avantages et des inconvénients. La solution idéale sera probable-
ment de combiner les trois innovations : remplacement progressif des arbres par des
variétés résistantes, taille pendant la période de transition et utilisation de produits
fongicides pour compléter les effets de la taille, mais avec un protocole de traitements
simplifié.
Tableau 2. Les diverses solutions en cas d’attaque d’arbres fruitiers par un champignon
Variété résistante Eradication à long terme du problème Le remplacement du verger demande un investissement
important en temps et en capital, et le retour en
production prendra plusieurs années.
Produits fongicides Solution très efficace à court terme Coût des traitements, nécessité de disposer des produits
fongicides, de pulvérisateurs, apprentissage nécessaire,
risques éventuels pour l’environnement.
Taille raisonnée au Solution relativement efficace Forte mobilisation de main-d’œuvre, surveillance
moment des infestations à court terme constante du verger.
et après la récolte
385
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
386
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
de solutions à tester sont adaptés aux conditions locales, et que ces derniers sont
volontaires pour se lancer dans l’expérience.
Il est important ici d’insister sur deux points :
> une innovation proposée de l’extérieur, sans concertation préalable des bénéfi-
ciaires, a toutes les chances de générer un sentiment de méfiance, voire de rejet de
la part des producteurs ciblés ;
> le travail participatif avec les producteurs ne peut en aucun cas remplacer le dia-
gnostic préalable de la situation (cf. chapitres 11, 12, 32). Pour établir un dialogue
équilibré et constructif avec les producteurs, l’agent de développement doit avoir
procédé aux étapes préparatoires décrites précédemment.
387
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
388
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
389
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
suggérées par les participants, et de les amener à imaginer les actions nécessaires à un
succès de l’action.
Par exemple, si l’introduction d’une culture nécessite de l’irrigation, le groupe doit
évaluer les besoins en eau, et s’entendre sur les travaux collectifs nécessaires pour
aménager les ouvrages hydrauliques, sur les modalités de gestion de l’eau, sur la per-
tinence d’établir une taxe hydraulique pour entretenir les ouvrages entre deux cycles,
sur les responsabilités par rapport à ces différents volets.
Lorsque les discussions bloquent, l’agent de développement doit présenter les
recherches préalables qu’il a faites. Plutôt que de procéder à un exposé très détaillé
des innovations possibles, il est préférable de faire une présentation courte et de lais-
ser du temps à l’assemblée pour poser les questions que ne manqueront pas de soule-
ver les points non abordés par l’agent. Il est en effet important de maintenir les par-
ticipants dans un rôle actif.
Par exemple, pour reprendre le cas de l’attaque de champignons sur arbre fruitier,
l’animateur s’en tiendra dans un premier temps à signaler qu’il existe des variétés
résistantes. Les questions suivantes ne manqueront pas d’être posées : où, à quel prix,
quel potentiel de production, quelle durée d’entrée en production ?
● Quelques règles de base pour l’animation de réunions avec des paysans
Des objectifs clairs
Une réunion doit toujours commencer par un rappel du contexte, éventuellement des
conclusions de la réunion précédente. Les objectifs de la réunion sont ensuite rappe-
lés ainsi que l’ordre du jour, c’est-à-dire les questions qui vont être traitées. Au cours
de la réunion, l’agent doit veiller à ce que cet ordre du jour soit respecté, et que des
débats différents ne viennent pas parasiter la réunion. Il est cependant important de
garder une certaine souplesse dans le processus de discussion, et l’ordre du jour peut
être modifié à condition que le groupe soit conscient de ce changement et l’accepte.
Un discours simple et structuré
Parler un langage simple, utilisant le même vocabulaire que les paysans. Ne pas mettre
plusieurs idées dans une phrase mais structurer clairement le discours. Etre concis,
éviter les prises de parole trop longues. Après chaque intervention d’un membre du
groupe, résumer les idées principales.
Des supports visuels
Le support visuel renforce le discours et maintient l’attention des participants. Il peut
s’agir d’un dessin sur un tableau, de posters, de transparents, de photographies, de
diapositives ou de vidéos. Leur utilisation doit être articulée avec le discours. Lors
d’une intervention d’un membre du groupe, le résumé auquel procède l’agent de
développement peut également être restitué sur un tableau ou un poster, sous forme
de mots clés ou de dessins.
Changer de rythme et de terrain
Les agriculteurs s’ennuient vite dans des séances de travail en salle. On sera donc
attentif à en limiter la durée, à aménager des temps de pause ou des changements de
rythme : alterner séances plénières et travaux en petits groupes, discours et projection
de diapositives, présentations et questions, etc.
390
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
Mais surtout, chaque fois que possible, on privilégiera les discussions sur le terrain,
par des visites d’aménagements, d’équipements, de parcelles, d’ateliers d’élevage, etc.
Gérer le partage de la parole
Souvent, un ou quelques paysans monopolisent la parole et empêchent les autres de
poser les questions qui les intéressent. C’est le cas en particulier quand l’assemblée
comprend des personnalités considérées comme représentatives de la communauté
ou légitimes par rapport au sujet : chefs traditionnels, élus, membres d’associations…
Face à eux, les autres hésitent parfois à prendre la parole. Pour permettre à chacun
de s’exprimer, il est souhaitable de fixer préalablement avec le groupe des règles pour
le déroulement de la réunion : limitation du temps de parole par intervenant, respect
des intervenants, respect du rôle de modération joué par l’animateur.
Autre risque fréquent : celui du monopole exercé par l’agent de développement lui-
même, qui poursuit un long monologue et ne répond aux paysans que pour
renforcer son point de vue. Il s’agit bien d’engager un dialogue respectueux sur un
pied d’égalité2, et non d’imposer un point de vue supposé meilleur.
Synthétiser et conclure
À la fin de la réunion, l’agent de développement doit toujours résumer les points
importants qui ont émergé des débats et des présentations, ainsi que les décisions qui
ont été prises, afin que les participants repartent avec des idées claires. Une évaluation
participative de la réunion peut permettre d’améliorer l’organisation des réunions sui-
vantes. Il peut être suggéré à l’animateur de conserver sur un cahier ou un carnet les
principaux points de la réunion. Ces notes l’aideront à préparer la réunion suivante.
Être animateur n’est pas un don, c’est d’abord une question de travail personnel : une
réunion se prépare.
● La découverte de l’innovation
Plus encore peut-être que d’autres catégories professionnelles, le paysan a besoin de
comprendre avant de s’engager dans une nouvelle direction. Pragmatique, il veut être
témoin des améliorations rendues possibles par l’innovation technique, et connaître
ses effets sur l’organisation de son exploitation. Ainsi, en règle générale, le paysan
modifiera rarement ses pratiques sur la base de simples recommandations.
● Les visites entre paysans
Comme mentionné plus haut, des innovations ont parfois déjà été testées par certains
paysans de la zone ou d’une région proche. Il est alors fortement recommandé de
s’appuyer sur ces exemples locaux pour sensibiliser les paysans et les amener à
construire leur propre programme expérimental, tout en tenant compte des limites
de cette démarche. Le succès chez un voisin ne suffit en effet pas à convaincre de l’in-
térêt d’une innovation pour soi-même.
Utiliser des exemples locaux pour stimuler et essayer de convaincre de la pertinence
d’une innovation technique présente pourtant un double avantage. D’une part, en rai-
son de la proximité géographique, l’environnement est souvent peu différent de celui
des exploitations visées. Le transfert technique s’en trouve facilité.
2 Le technicien domine mieux les informations techniques et scientifiques, mais les paysans connaissent mieux le milieu
naturel et les itinéraires techniques adaptés à ce milieu.
391
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
392
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
Dans certaines circonstances favorables, après l’impulsion initiale donnée par les
agents de développement, ce sont les paysans eux-mêmes qui deviennent les anima-
teurs et conseillers techniques dans le cadre de réseaux d’agriculteurs expérimenta-
teurs : c’est le cas des programmes «de paysan à paysan».
393
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
langage plus approprié ou en les illustrant par des e xemples. Il est important de bien
préparer ces rencontres : discussion avec les paysans sur les questions qu’ils se posent,
et rencontre avec le chercheur pour être sûr que des éléments de réponse seront
apportés.
Il se peut enfin que la solution pressentie comme la mieux adaptée au problème posé
ne soit ni mise en œuvre localement, ni même encore testée localement par la
recherche. Il s’agit d’une technique appliquée dans un autre pays, d’une recomman-
dation d’expert, ou même simplement d’une idée.
L’innovation peut dans ce cas être proposée comme thème d’expérimentation en sta-
tion. Cela demande une collaboration étroite entre développeur et chercheur pour
traduire une idée d’innovation en protocole expérimental capable d’apporter des
réponses intéressantes aux questions que se posent les agriculteurs. Cela demande
également de pouvoir gérer un délai important (plus d’une année en général) entre
la question posée par les agriculteurs et la mise en place de tests de solutions chez eux.
● L’expérimentation chez les agriculteurs
Pour des questions de temps ou de moyens, il est fréquemment décidé de tester l’in-
novation directement en milieu paysan. Il est alors impossible de montrer ses effets
aux paysans avant les tests. Si des documents visuels ou audiovisuels existent, l’agent
de développement tente de se les procurer pour les présenter en réunion. L’assistance
d’un chercheur compétent sur le sujet, pour apporter des éléments de réponse aux
questions des paysans et assister le processus d’expérimentation, est très utile à partir
de cette étape.
394
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
Chaque fois que possible, on ne teste l’innovation que sur une partie de l’activité (10
ou 20 % de la surface, quelques animaux, etc.), pour limiter les conséquences d’un
échec éventuel, mais aussi pour conserver au sein de l’exploitation un témoin qui
permettra une comparaison avec le traitement innovant : différences de rendement,
de poids…
Ces mesures de précaution sont encore plus importantes si l’innovation n’a pas encore
été expérimentée localement. Chaque fois que possible, on privilégie alors deux cycles
d’expérimentation. Pour le premier cycle, on travaille avec un petit échantillon de
familles choisies parmi celles qui présentent le moins de risques : disponibilité suffi-
sante en moyens de production et technicité élevée. Il s’agit alors d’un test de faisabi-
lité. Pour le second cycle, on élargit l’échantillon à tous les types de familles. L’objectif
est alors de confirmer les résultats acquis lors du premier cycle, mais surtout d’évaluer
si l’innovation a un impact positif pour l’ensemble des catégories de familles repré-
sentées, ou seulement pour une partie d’entre elles.
En début d’expérimentation, il est utile de se faire conseiller par des personnes res-
sources choisies parmi celles qui ont été préalablement visitées : paysans novateurs de
la zone ou d’une zone proche, chercheurs.
Partager les risques d’un échec
Malgré ces précautions, il faut prévoir dans le budget de l’expérimentation de couvrir
partiellement les risques pris par les paysans expérimentateurs. L’objectif est qu’un
échec de l’expérimentation ne conduise pas à une diminution de leurs revenus. Ainsi,
si la nouvelle variété introduite révèle des rendements inférieurs à la variété tradi-
tionnelle, on versera à la famille après la récolte l’équivalent du manque à gagner.
Pour des innovations de plus grande ampleur comme l’introduction d’un cycle de cul-
ture de contre-saison, le calcul d’une indemnisation est moins aisé. On peut par
exemple garantir un rendement minimal permettant de couvrir le coûts des intrants
engagés. En cas d’échec, le foyer perd le travail qu’il a consacré à l’activité, mais il ne
perd pas directement d’argent.
On sera cependant attentif à ne pas couvrir l’ensemble des risques. Il est en effet
important que la famille partage ces risques, de manière à être motivée jusqu’à la fin
de l’expérimentation. Si le producteur n’engage aucun moyen dans l’expérimenta-
tion, il l’abandonnera à la première difficulté.
Afin d’éviter tout malentendu en fin d’expérimentation, ces accords doivent donner
lieu à un contrat entre les paysans expérimentateurs et l’agent de développement.
● Le suivi et l’évaluation participative des résultats
Si les premières étapes du processus ont conduit les paysans à tester l’innovation, c’est
la phase d’expérimentation qui les convaincra ou non de l’adopter. La collecte de don-
nées quantitatives et qualitatives au cours de cette phase est déterminante.
L’observation
La priorité doit être donnée à l’observation du test sur le terrain et à l’échange d’ex-
périences entre les paysans expérimentateurs. Bien animées, des séances de discussion
collectives autour de l’expérimentation permettent de faire apparaître les difficultés
rencontrées et les éléments d’appréciation qui suscitent l’enthousiasme ou le doute
395
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
3 Des éléments de méthode pour la conception des outils et l’organisation du suivi sont fournis dans les chapitres 212
et 422.
4 Temps de travaux, coûts de production, courbes de croissance, fréquence des maladies, niveau de production.
396
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
● Sensibiliser
De manière générale, l’homme est réfractaire au changement : « on sait ce qu’on perd,
on ne sait pas ce qu’on gagne ». Les pratiques traditionnelles sont éprouvées ; on connaît
leurs effets et leurs résultats, ce qui n’est pas le cas pour l’innovation tant qu’elle n’a
pas été testée. En matière agricole, les paysans tentent en général de minimiser les
risques. Une erreur au niveau des pratiques agricoles, et c’est le revenu de la famille
qui est affecté, voire dans les cas les plus graves son alimentation ou même sa survie.
De plus, le changement d’une pratique a bien souvent des conséquences sur plusieurs
composantes des systèmes de production et peut donc profondément perturber le
397
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
Pour s’assurer que l’information se diffusera au-delà d’un réseau limité, un clan fami-
lial par exemple, il est toujours souhaitable d’utiliser simultanément plusieurs
réseaux.
● Les démonstrations
Comme nous l’avons souligné précédemment, les producteurs aiment observer direc-
tement les effets d’une innovation avant de l’essayer. Or, en changeant d’échelle, on
ne peut plus envisager d’organiser pour tous des visites auprès de paysans novateurs
ou d’instituts de recherche. On peut par contre amener l’innovation près des familles
en établissant des démonstrations chez quelques paysans volontaires, bien réparties
dans l’espace.
Ces démonstrations, s’il n’y a pas de contre-indication locale, doivent être signalées
pour attirer l’attention : petites pancartes dans la parcelle, ou postées devant la mai-
son où est localisé un équipement nouveau ou un essai sur l’alimentation des animaux.
Des animations doivent être organisées autour de ces démonstrations. Par une infor-
mation la plus large possible de la population locale, on proposera aux personnes inté-
ressées de participer à une réunion sur le site de démonstration pour présenter l’in-
novation et les conditions dans lesquelles elle est testée. Plusieurs animations de ce
type aux moments-clés sont parfois plus efficaces qu’une réunion unique.
399
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
400
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
403
3 Accompagner le développement des exploitations agricoles
L’exploitation
404
Faciliter l’émergence et la diffusion des innovations 3 3
L’exploitation
Son environnement
Bibliographie
BOIRAL P., LANTERI J.F., OLIVIER DE SARDAN J.P. (ed.), 1985 - Paysans, experts et chercheurs en Afrique
noire ; sciences sociales et développement rural. Karthala, Paris
CHAMBERS R., PACEY A., THRUPP L.A.,1994 - Les paysans d’abord ; les innovations des agriculteurs et la
recherche agronomique - CTA et Karthala
DARRE J.P., 1985 - La parole et la technique. L’univers de pensée des éleveurs du Ternois. L’Harmattan,
Paris
TREILLON R, 1992 - L’innovation technique dans les pays du Sud. Le cas de l’agroalimentaire - ACCT-CTA-
Karthala, Paris
405
4 AGRICULTURE
GÉNÉRALE
4.1 La mise en valeur des zones
tropicales et les composantes
du milieu
4.2 Les démarches d’amélioration
d’un système de culture
4.3 Modifier les itinéraires
techniques
4 1 La mise en valeur
des zones tropicales
et les composantes
du milieu
4.1.1 Les modes de mise en valeur
et leurs évolutions
4.1.2 Le climat et la production végétale
4.1.3 Le sol et la production végétale
4.1.4 Le fonctionnement d’un peuplement
végétal cultivé
4
4 1 1 Les modes de mise en valeur
et leurs évolutions
À partir d’une contribution de M. Dufumier (INA-PG)
L’AGRICULTURE D’ABATTIS-BRÛLIS
● Les caractères généraux
La mise en culture des zones forestières intertropicales humides suppose tout d’abord
que soit ouverte une éclaircie dans la forêt dense pour que les plantes cultivées puis-
sent accéder à l’énergie solaire. Cet abattis du couvert forestier, souvent partiel, inter-
vient en début de saison sèche, de façon à ce que les feuilles et les bois morts laissés à
terre perdent une grande partie de leur eau et puissent ensuite brûler aisément. Ce
travail est réalisé fréquemment à la hache et au sabre d’abattis, mais au Brésil, dans la
forêt amazonienne, les essarteurs abattent de nos jours les arbres à la tronçonneuse.
L’essouchage, qui serait au demeurant très laborieux, n’est pas pratiqué, de façon à
permettre un recrû rapide de la forêt après une ou quelques années de cultures. Une
grande partie de l’espace éclairci peut être encore occupé par des branches et troncs
d’arbres imparfaitement calcinés.
Le brûlis est très souvent suivi des opérations de semis ou de bouturage, sans grand
travail du sol préalable. Les semences de céréales et de légumineuses, ainsi que les
boutures, peuvent être directement enfouies dans des trous creusés à l’aide d’un bâton
fouisseur ou d’une petite houe. L’implantation de certaines plantes à tubercules
requiert un ameublissement du sol plus important, avec généralement la constitution
de buttes ou de billons. Plusieurs espèces et variétés peuvent être étroitement associées
sur la même parcelle, de façon à ce que les plantes de tailles et de ports différents
recouvrent rapidement la totalité du terrain et puissent ainsi intercepter le maximum
de rayonnement solaire. Le choix des espèces et des écartements entre plantes tient
compte aussi des risques d’invasion par les herbes adventices.
411
4 Agriculture générale
Les terrains les plus facilement enherbés sont mis de préférence en culture avec des
plantes sarclées de grande taille1 entre lesquelles il est relativement facile de réaliser
des sarclo-binages à la houe. L’implantation de plantes couvrantes au cours de la pre-
mière année aide aussi à contrôler la croissance et la multiplication des herbes adven-
tices. Le riz pluvial n’est semé quant à lui, le plus souvent, que sur les espaces où il est
possible de prévoir une moindre prolifération de graminées spontanées, car ces der-
nières pourraient lui faire de l’ombre et son semis à relativement haute densité rend
les sarclages assez difficiles.
La parcelle essartée n’est mise en culture que pour un nombre limité d’années car l’in-
cidence des mauvaises herbes et le temps nécessaire aux sarclages deviendraient vite
trop importants sur les terrains longtemps exposés à la lumière. Le taux d’humus
accumulé dans les sols pourrait aussi décliner rapidement, du fait de sa minéralisation
rapide dans les terrains ameublis et réchauffés par les rayons du soleil. La mise en cul-
ture n’est donc que temporaire, de façon à permettre le rétablissement progressif du
couvert arboré.
La friche forestière
La friche forestière de longue durée, appelée parfois (à tort2) jachère, est un moyen de lutte contre la
multiplication des herbes nuisibles aux cultures, en leur imposant de l’ombre pendant une période suf-
fisante pour que de nombreuses graines perdent leur pouvoir germinatif. Elle permet aussi de recons-
tituer la fertilité des horizons superficiels des sols grâce aux éléments minéraux puisés en profondeur
par les racines des arbres, à la fixation de carbone par le biais de la photosynthèse, et à la chute régu-
lière des feuilles et autres matières organiques.
● Les variantes
412
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Défriche et pourrissage
Il existe des systèmes de culture fondés sur la défriche et le pourrissage de la végétation abattue dans
certaines régions forestières très humides3 où l’absence d’une réelle saison sèche empêche de pra-
tiquer le brûlis de la végétation mise à terre. Les graines sont alors semées à la volée peu après l’abat-
tis pour être ensuite progressivement recouvertes par les matières organiques en décomposition.
● Le recours au brûlis
Le temps consacré à la lutte contre les mauvaises herbes dépend fortement de la durée
et de la densité de la friche boisée. Le recours fréquent au brûlis dans les zones déjà
fortement enherbées tend à limiter le recrû ligneux et à favoriser encore davantage la
multiplication des graminées. Les friches peuvent être alors aisément pâturées par les
gros ruminants dans les régions indemnes de trypanosomiase et autres maladies endé-
miques. Les régions dans lesquelles la répétition des cycles de culture tend à s’accélé-
rer du fait de la pression démographique ou de l’élargissement des surfaces cultivées
par actif peuvent d’ailleurs évoluer progressivement vers la formation de savanes4 ou
de prairies. Seuls quelques arbres et arbustes pyrophytes résistent alors aux feux de
brousse.
413
4 Agriculture générale
10 Jungle rubber.
11 Shorea javanica.
414
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
organiques pour que celles-ci puissent ensuite pourrir progressivement. Les exploi-
tants qui peuvent aujourd’hui avoir accès à des charrues et à la traction animale pra-
tiquent souvent un labour en billons, plus rapide que le buttage manuel, mais à l’issue
duquel l’enfouissement des jeunes adventices est souvent moins soigné.
En tout état de cause, les cultivateurs sont presque toujours contraints de procéder
ultérieurement à deux ou trois désherbages manuels, ou parfois chimiques. Ils choi-
sissent donc souvent de cultiver des plantes à croissance rapide, ou du moins de
grande taille, susceptibles d’être aisément sarclées et entre lesquelles sont parfois
semées des plantes couvrantes à cycle plus ou moins court : haricot, niébé, arachide,
patate douce, melon, pastèque, etc.
415
4 Agriculture générale
● Le surpâturage
La diminution des surfaces pâturables est intervenue au moment où les effectifs des
troupeaux ont augmenté sensiblement du fait des campagnes de vaccination et de la
diminution corollaire de la mortalité animale. Il en est résulté fréquemment des phé-
nomènes de surpâturage avec une raréfaction progressive de multiples espèces four-
ragères, herbacées, arbustives et arborées. Trop nombreux sur des surfaces sans cesse
réduites, les animaux domestiques consomment les dernières ressources fourragères
avant que celles-ci n’entrent dans leur phase de reproduction. L’appauvrissement
de la strate herbacée incite les éleveurs à faire pâturer les ligneux, quitte à devoir
416
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
émonder prématurément les arbres pour fournir aux animaux le seul fourrage vert
accessible pendant la saison sèche.
La disparition de nombreux arbres fourragers dans les espaces cultivés soumis à la
vaine pâture contribue à réduire la protection des sols contre la violence des pluies et
des vents. Elle réduit aussi fortement les apports de matières organiques dans les
terres de culture. La stabilité structurale des sols et leur capacité de rétention de l’eau
et des cations échangeables s’en trouvent diminuées d’autant. Faute d’une gestion
équilibrée des terroirs agricoles et des espaces pastoraux, certaines régions soudano-
sahéliennes semblent donc vouées aujourd’hui à une érosion accélérée des sols et à un
abaissement progressif des rendements. Mais d’autres formes d’agriculture, plus
intensives et plus respectueuses de l’environnement, peuvent aussi être pratiquées
dans les régions sahélo-soudaniennes.
12 Bétail des agriculteurs confié en gardiennage aux éleveurs, contrats de fumure avec parcage nocturne sur les terres à
cultiver, etc.
13 Butyrospermum parkii.
14 Parkia biglobosa.
417
4 Agriculture générale
divers, etc.) au sein même des espaces cultivés. Ce parc arboré associé aux cultures
annuelles permet en effet de fertiliser les couches superficielles du sol et de maintenir
leur taux d’humus du fait de la chute des feuilles.
418
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
La production laitière a été favorisée par le fait que, dans certaines régions, une pro-
portion importante des bovins de trait dressés sont des femelles et non des bœufs.
Aux aliments grossiers cités antérieurement sont alors venus s’ajouter divers sous-pro-
duits et aliments concentrés du commerce : tourteaux d’arachide ou de coton, son de
blé, mélasse, pierres à lécher, etc. Le recours au hache-paille et le mélange d’urée et
de chaumes finement coupés tendent à devenir une pratique courante dans ces
exploitations.
16 Divers tubercules et racines, bananiers plantains, arbres à pain, avocatiers, palmiers, etc.
17 Caféiers, agrumes, épices, etc.
18 Volailles, porcins, lapins, cochons d’Inde, aulacodes, etc.
19 Mauvaises herbes, feuilles de bananier, fruits de palmier, etc.
419
4 Agriculture générale
420
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
autres. Les exploitants ont alors intérêt à mettre à profit ces différences pour cultiver
une grande gamme d’espèces et variétés25 avec des calendriers culturaux complé-
mentaires. Les parcelles les moins pentues et celles qui peuvent être irriguées sont cul-
tivées intensément avec généralement des apports abondants de fumure organique.
Les surfaces aisément cultivables sont souvent exiguës et les agriculteurs ont parfois
été amenés à aménager des terrasses pour pouvoir cultiver un lopin dans chaque
étage. Les zones les plus ingrates, souvent indivises et libres d’accès, sont maintenues
en prairies permanentes pour le parcours des animaux.
Le parcage nocturne
La pratique du parcage nocturne à proximité des parcelles cultivées est à l’origine d’un important
transfert de fertilité depuis les pâturages indivis vers les surfaces en culture ; mais ceux qui possè-
dent un grand nombre d’animaux bénéficient d’une fumure organique plus importante que ceux qui en
ont peu et les rendements des cultures varient en conséquence.
Dans les régions les plus difficiles d’accès, les systèmes de cultures sont destinés sur-
tout à l’autoconsommation familiale et les principales marchandises livrées sur les
marchés sont les animaux que l’on peut facilement acheminer à pied et quelques pro-
ductions à forte valeur ajoutée par unité de poids et de volume : fromages, herbes
médicinales, opium, etc.
● Les oasis
En région d’oasis, où se retrouve généralement concentrée une forte densité de popu-
lation, les systèmes de polyculture-élevage sont particulièrement intensifs en travail et
visent essentiellement à valoriser au mieux les ressources en eau limitées. Sauf
exception, les oasis sahariennes associent sur le même espace cultivé des palmiers dat-
tiers, des arbres fruitiers, des céréales, des cultures fourragères et quelques cultures
de rente à haute valeur commerciale : henné, safran, carthame, etc.
421
4 Agriculture générale
422
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
La pratique de la riziculture inondée dans le lit majeur des grands fleuves semble
avoir commencé dans les régions où il fut possible de domestiquer des variétés de riz
de très grande taille, et notamment des riz flottants dont la caractéristique principale
est de pouvoir s’allonger rapidement au fur et à mesure de la submersion et de par-
venir ainsi à émerger, même lorsque les niveaux d’eau deviennent très élevés.
423
4 Agriculture générale
L’élevage de canards
L’élevage de canards conduits en bandes, aussitôt après la récolte, sur les chaumes de riz, est une
pratique assez fréquente dans les grandes plaines alluviales de Chine et du Vietnam. Cette technique
d’élevage permet aux canards de glaner les graines éventuellement tombées à terre et d’éliminer un
grand nombre d’insectes nuisibles à la culture de riz.
424
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Naguère essentiels dans les travaux des rizières, les buffles et bovins de trait sont de
plus en plus souvent remplacés par des motoculteurs dans la plupart des pays d’Asie
du Sud-Est. L’achat de ces équipements est d’ailleurs souvent financé par la vente de
grands ruminants; si l’achat se révèle rentable, le capital en bétail peut ensuite être
reconstitué.
26 Il peut exister aussi des plantations pérennes spécialisées dans les régions moins humides : ainsi en est-il par exemple
des plantations de sisal dans les régions semi-arides ; mais force est de reconnaître que de telles plantations y sont moins
nombreuses que dans les régions forestières.
27 Caféiers, cacaoyers, théiers, cocotiers, hévéas, palmiers à huile, kapokiers, arbres fruitiers, etc.
28 Huileries, centrales sucrières, unités de dépulpage de café, etc.
425
4 Agriculture générale
d’insecticides. Une telle pratique peut très vite causer de sérieux dommages écolo-
giques, du fait de la prolifération de formes résistantes et de la destruction des préda-
teurs naturels de certains parasites. D’une façon générale, ces plantations spécialisées
sont de grosses consommatrices d’intrants chimiques : engrais minéraux, herbicides,
pesticides, hormones de régulation des cycles physiologiques, etc. La multiplication
des épandages peut aboutir à des phénomènes de pollution préjudiciables à la santé
des travailleurs et des populations avoisinantes : les bananeraies d’Equateur et
d’Amérique centrale illustrent particulièrement ce problème.
29 Musa textilis : pseudo-bananiers exploités pour les fibres contenues dans leurs stipes et leurs feuilles.
426
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
427
4 Agriculture générale
30 Il convient de citer tout particulièrement le Centre international d’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) dont le
siège est au Mexique, l’Institut international de recherche sur le riz (IRRI) domicilié aux Philippines, le Centre internatio-
nal d’agronomie tropicale (CIAT) situé en Colombie, l’Institut de recherche sur les cultures des régions tropicales semi-
arides (I CRISAT) établi en Inde. Ces centres sont supervisés par le Groupe consultatif pour la recherche internationale
(CGIAR).
428
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● Le coton
Un processus relativement similaire a pu être observé avec certaines cultures de rente.
L’essor de la culture cotonnière dans plusieurs régions de l’Afrique soudanienne32 a
résulté pour l’essentiel des interventions publiques destinées à sécuriser les filières de
commercialisation des produits agricoles et d’approvisionnement en intrants. L’emploi
de fertilisants chimiques et de pesticides y est aujourd’hui généralisé.
429
4 Agriculture générale
● Le café
L’expansion phénoménale des caféiers de type Catura, à entre-nœuds courts, en
Colombie et au Costa Rica, est plutôt à mettre au compte des organisations de pro-
ducteurs elles-mêmes : des coopératives authentiquement paysannes ont su relative-
ment bien stabiliser les prix payés aux agriculteurs et promouvoir les nouvelles tech-
niques permettant de valoriser au mieux le potentiel génétique : réduction ou
suppression de l’ombrage, tailles régulières, emploi d’engrais chimiques, d’herbicides
et de produits phytosanitaires, etc.
430
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
LA MOTO-MÉCANISATION
L’emploi d’engins mécaniques actionnés par des moteurs fut parfois mis à profit pour
intensifier les systèmes de production agricole. Ainsi les motopompes ont-elles servi le
plus souvent à l’irrigation et au drainage, avec souvent pour effet d’accroître les ren-
dements et de multiplier le nombre de cycles de culture annuels. En permettant de
réaliser plus vite les travaux du sol, aussitôt après les récoltes, les petits motoculteurs
abondamment utilisés dans les vallées et plaines de l’Asie du Sud-Est contribuent éga-
lement à accélérer le rythme des cycles culturaux successifs dans les rizières.
L’accroissement de la productivité du travail engendré par l’utilisation de ces équipe-
ments dans les exploitations familiales a donc été surtout mis au service d’un accrois-
sement des productions agricoles, sans diminution du temps de travail, et même sou-
vent avec création de nouveaux emplois.
431
4 Agriculture générale
Ainsi en est-il, par exemple, en Amérique centrale, dans les plaines littorales du
Pacifique, où le recours inconsidéré à la charrue à disques et au cover-crop a exposé les
particules fines de terre aux vents dominants et accéléré ainsi l’érosion éolienne de
terrains initialement très fertiles. L’utilisation de petits avions pour l’épandage aérien
des pesticides se manifeste, quant à lui, par une dispersion exagérée et dangereuse de
molécules toxiques dans l’atmosphère. La dégradation de l’environnement devient
donc une préoccupation majeure dans les régions de grande agriculture moto-méca-
nisée.
Bibliographie
MAZOYER M., ROUDART L., 1997, Histoire des agricultures du monde, Paris, Seuil.
RUTHENBERG H. 1980, Farming systems in the tropics. 3ème éd. Oxford, Clarendon Press.
432
4 1 2 Le climat et la production
végétale
À partir d’une contribution de F. Maraux (C IRAD)
Les plantes se présentent comme des objets vivants, capables de fournir à l’humanité
(directement ou indirectement) son alimentation, et d’occuper l’espace minéral dans
lequel elles évoluent. Si on les observe avec l’œil du biologiste ou du physicien, elles se
présentent aussi comme des machines biologiques, dont la propriété principale est de
convertir l’énergie solaire en biomasse. Le mécanisme mis en jeu est la photosynthèse,
qui dote les plantes d’un système permettant d’intercepter l’énergie lumineuse, d’in-
vestir cette énergie dans la réorganisation du CO2 de l’air en molécules organiques
simples, de les reconfigurer en molécules plus élaborées (assimilats), puis de redistri-
buer ceux-ci dans les différents organes de la plante (végétatifs, reproductifs et de stoc-
kage).
L’efficacité de la machine biologique est, au premier abord, faible (de l’ordre de 4 %)
; c’est-à-dire que, si la plante est au mieux de sa forme, seulement 4 % de l’énergie
radiative qu’elle intercepte sont effectivement convertis sous forme de biomasse au
terme du processus. Les 96 % restants sont dissipés sous forme de rayonnement (réflé-
chi ou ré-émis dans l’atmosphère), ou de chaleur dissipée dans l’atmosphère ou dans
le sol, sous forme sensible (élévation de température) ou latente (évapotranspiration).
Cependant, compte tenu de la taille de la surface terrestre qui reçoit le rayonnement
solaire, les quantités d’énergie et de biomasse sont très importantes : à titre d’exemple,
dans les débats actuels sur les accords de Kyoto dans le cadre de la convention cadre
sur les changements climatiques, les seuls Etats-Unis estiment que leurs forêts per-
mettent de piéger annuellement 300 millions de tonnes de CO2.
L’efficacité de la conversion d’énergie radiative en biomasse est encore atténuée par de
nombreux facteurs, liés pour une part aux caractéristiques génétiques des plantes
considérées (nous n’en parlerons pas), et d’autre part aux facteurs du milieu (nous les
détaillerons) qui font que la machine biologique fonctionne plus ou moins bien.
433
4 Agriculture générale
● Le bilan d’énergie
Nous analysons maintenant l’utilisation qui est faite de cette énergie.
434
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
L’énergie radiative reçue par une surface d’eau libre, solde du bilan radiatif, a trois
destins possibles :
> réchauffer l’eau libre ;
> réchauffer l’atmosphère au-dessus de la nappe d’eau ;
> faire passer de l’eau de la forme liquide à la forme vapeur (évaporation : on rap-
pelle que pour passer de la forme liquide à la forme vapeur, l’eau a besoin d’éner-
gie, en moyenne 2500 joules pour vaporiser un gramme d’eau).
L’équation suivante exprime ce bilan : Rn = H + G + λET
H est le flux de chaleur dans l’air (dont l’intégrale est le réchauffement ou le refroi-
dissement de l’atmosphère), G le flux de chaleur dans la nappe d’eau, et λET la cha-
leur latente de vaporisation (correspondant au flux d’évaporation).
Cette équation illustre l’effet de vases communicants entre les différents destins de
l’énergie radiative reçue. Si l’on simplifie encore cette équation, en disant qu’à l’échelle
de la journée, le terme G s’annule (le réchauffement de l’eau pendant la journée est
annulé par le refroidissement qui s’opère pendant la nuit), on a Rn = H + λET.
Dans ce cas, c’est la formule de Penman qui dicte les termes de la partition qui s’opère
entre chaleur (H) et évaporation (λET). Vitesse du vent et humidité relative de l’air
entrent dans la formule, car ils conditionnent l’efficacité avec laquelle l’énergie radia-
tive peut être convertie en vaporisation de l’eau.
Formule de Penman
λET = ∆Rn + γ Ea
∆+γ
Rn est le rayonnement net, ∆ la pente de la courbe de pression saturante de vapeur d’eau en fonction
de la température de l’air, γ la constante psychrométrique et Ea le pouvoir évaporant de l’air, fonction
de la vitesse du vent et de l’humidité
● L’évapotranspiration potentielle
On l’a vu, les échanges d’eau entre le sol, les plantes et l’atmosphère sont gouvernés
principalement par des considérations énergétiques. Il est donc incorrect de parler de
besoin en eau des plantes indépendamment des conditions environnementales dans lesquelles elles
sont cultivées.
Par ailleurs, pour une énergie radiative reçue, l’état de surface de la terre (sol et végé-
taux), le niveau de disponibilité de l’eau en surface, et le comportement stomatique
des plantes vont gouverner la partition de l’énergie entre chaleur et évaporation.
Tableau 1. Eau contenue dans les différents compartiments (en pourcentage de l’eau totale)
Océans 97,4 %
Atmosphère 0.009 %
Glaciers 1,96 %
Nappes souterraines 0,6 %
Lacs 0,015 %
Eau du sol 0,005 %
Rivières 0,0002 %
Les eaux qui intéressent la production agricole représentent une très faible part des
eaux de la planète ; elles sont pourtant déterminantes dans la régulation du climat et
de ses effets induits.
● Le climat
On définit le climat comme « la série des états de l’atmosphère au-dessus d’un lieu, dans leur
succession habituelle ». Les phénomènes qui gouvernent les processus conduisant à l’éta-
blissement du climat. On pourrait faire de même pour l’ensemble des paramètres qui
caractérisent le climat. Tous ces paramètres sont liés les uns aux autres et les lois de la
physique permettent d’établir des modèles de circulation générale de l’atmosphère
permettant la prédiction du temps. On se contentera de dire que ces lois ont un carac-
tère à la fois déterministe (on peut prédire à cinq ou six jours de manière fiable l’évo-
lution des paramètres dans un lieu donné) et probabiliste (au-delà de ce délai, on peut
en donner des distributions de probabilités).
● Le climat change-t-il ?
On a depuis quelques années toutes les raisons de penser que le climat change, notam-
ment sous l’action de l’homme : émissions de gaz à effet de serre, dont le CO2.
437
4 Agriculture générale
● La pluviométrie
La pluviométrie est le paramètre climatique le plus étudié, car c’est le plus variable
d’une année à l’autre et d’un lieu à l’autre. Température, rayonnement, humidité rela-
tive de l’air et vitesse du vent présentent des coefficients de variation (CV2) mensuels
interannuels faibles (de l’ordre de 5 % pour le Sahel), alors que la pluviométrie pré-
sente des cv mensuels de 30 %, et des extrêmes oscillant de plus de 100 % autour de
la moyenne. Par ailleurs, plus on réduit les pas de temps sur lesquels on analyse les
données, plus les cv augmentent, et par voie de conséquence, plus il faut de longues
séries historiques pour que les valeurs moyennes aient un sens. Pour autant, il est
essentiel pour étudier les risques agricoles de caractériser, en même temps que la
moyenne, la dispersion des valeurs. On dispose pour cela de différents outils.
● L’analyse fréquentielle
Elle repose sur l’hypothèse que les valeurs et la variabilité de la pluviométrie enregis-
trée dans les séries historiques passées est représentative des valeurs et de la variabi-
lité de la pluviométrie que l’on pourra avoir dans l’avenir. Comme on l’a vu, cette
hypothèse est forte. La technique consiste à traiter statistiquement une série de don-
nées de pluviométrie, à la classer par ordre croissant, à la segmenter, à calculer les fré-
quences d’apparition de montants pluviométriques3, et à en déduire les probabilités
qu’un certain niveau de pluie soit atteint.
● Les générateurs de climat
On procède de la même manière que précédemment, mais on ajuste sur les séries
observées des lois de distribution de probabilités, caractérisées par des paramètres :
moyenne, écart-type… À la différence de la technique précédente, l’utilisation de
générateurs de climat autorise la modification des paramètres des lois, donc permet
d’introduire des hypothèses sur le changement de climat : tendance à l’augmentation
ou à la diminution, augmentation des risques d’évènements extrêmes, etc.
● La prévision saisonnière
Des travaux récents menés à partir de l’étude du phénomène El Niño ont permis d’éta-
blir des prévisions portant sur quelques mois, et de donner en terme de probabilités
la tendance attendue une saison donnée par rapport à une tendance moyenne géné-
rale attendue. Ces prévisions sont basées sur des mesures d’évolution de la tempéra-
ture des océans, qui rentrent dans une part importante du bilan énergétique local.
1 Les simulations conduisent à des scénarios dans lesquels la température augmente entre 1 et 6 degrés durant ce siècle.
2 CV : rapport de l’écart type sur la moyenne.
3 Une année sur dix, sur cinq, sur deux, etc.
438
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Bien qu’on ne connaisse pas très bien encore le degré de fiabilité de ces prévisions, il
est probable que, dans les années qui viennent, les méthodes s’affineront et permet-
tront de formuler en début de saison des conseils précieux pour les agriculteurs : dates
de semis, espèces ou variétés à semer, compte tenu des précipitations attendues.
● Le rayonnement
La partie visible du rayonnement solaire et à l’intérieur de celle-ci la partie dite «pho-
tosynthétiquement active »4, représente le carburant de la machine à produire de la
biomasse. Au premier ordre, ses variations dépendent de la latitude et de la période
de l’année5, et de la couverture nuageuse. Ainsi, ce n’est pas forcément dans les
régions intertropicales, bien que les rayons du soleil y attaquent la terre quasi vertica-
lement, que l’on aura les plus forts rayonnements : la durée du jour y est de l’ordre
de 12 heures6. Par ailleurs, du fait des conditions de nébulosité, les différences peu-
vent être importantes entre régions tropicales : en Côte d’Ivoire, 44 % seulement du
rayonnement global incident arrive au sol, alors que ce rapport atteint 60 % dans les
régions sahéliennes.
439
4 Agriculture générale
● La température
La température résulte de l’état initial de la masse d’air et du bilan d’énergie local (cf.
chapitre 414). En ce sens, elle joue en retour dans la détermination des besoins en eau,
on n’y reviendra pas. Mais la température de l’air a aussi des effets déterminants sur
la croissance et le développement des plantes. En dessous d’une certaine température,
les plantes ne poussent pas ; au-dessus d’une certaine température, propre à chaque
espèce, la croissance est pénalisée, voire arrêtée. Entre ces deux valeurs, la tempéra-
ture pilote l’efficacité avec laquelle la machine biologique convertit le rayonnement en
biomasse (croissance).
Le développement des plantes passe par des étapes, que la plante parcourt confor-
mément à une programmation génétique interne. Pour les céréales, les grandes étapes
sont : germination, phase végétative, phase reproductive, remplissage des grains.
Chacune de ces étapes peut à son tour être subdivisée.
Ces principes restent généraux, et ne prennent pas en compte les besoins physiolo-
giques propres à chaque espèce : sensibilité aux températures extrêmes, sensibilité
accrue à un moment précis du cycle, température du sol, etc. C’est pourquoi on
mesure autant que faire se peut les températures minimales et maximales, et on traite
ces valeurs avec des outils statistiques permettant d’estimer des risques particuliers.
Connaissant les espèces et les variétés ainsi que leurs besoins, on peut, à partir de don-
nées climatiques, cartographier les caractéristiques thermiques d’une région et les
apparier pour en déduire les aptitudes d’une région à une culture donnée.
Attention : pour une étude opérationnelle,l’analyse proposée ne peut en aucun cas être
menée en ignorant les autres contraintes potentielles, et notamment la contrainte
hydrique.
440
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● La pluviométrie
C’est a priori la mesure la plus simple et la moins coûteuse. On peut utiliser un plu-
viomètre aux normes recommandées par l’OMM, mais on ne fait pas une grosse
erreur de mesure en recueillant les eaux de pluie dans un récipient cylindrique, placé
horizontalement si l’on respecte quelques précautions de bons sens. On a aussi accès
à des estimations indirectes, basées sur des mesures de température de nuages froids
accessibles par les satellites météorologiques. L’intérêt de cette méthode, en dépit de
son imprécision, est la possibilité de couvrir de vastes étendues, sur lesquelles des
conditions de transport ou de suivi des stations météorologiques ne permettent pas de
recueillir des informations fiables.
● Le rayonnement
On mesurait classiquement le rayonnement instantané avec des actinomètres ou des
pyranomètres, dont le principe est l’absorption du rayonnement par un corps noir qui
convertit en chaleur ce rayonnement reçu. Mais on dispose maintenant de capteurs
capables de découper le rayonnement en bandes spectrales, et de mesurer le rayon-
nement spécifique reçu dans chacune de ces bandes (radiomètres).
441
4 Agriculture générale
L’héliographe
Plus simplement, des mesures encore très répandues sont réalisées à partir de l’héliographe, consti-
tué d’une boule de verre qui concentre le rayonnement direct du soleil, lorsque celui-ci n’est pas mas-
qué par les nuages, et brûle une bande de papier gradué.
Le dépouillement de ces bandes de papier donne une durée d’ensoleillement (n) que l’on convertit en
rayonnement par une relation statistique de bonne qualité à l’échelle décadaire ou mensuelle : Rs = Ra
(as + bs n/N)
Rs est le rayonnement incident, Ra le rayonnement extraterrestre ; as et bs sont des coefficients
empiriques, dépendant du lieu, mais pour lesquels on ne fait pas une grosse erreur lorsque l’on
retient: as = 0,25 et b s = 0,50
Enfin, les satellites météorologiques fournissent, avec une résolution de 5 km, des
données journalières de rayonnement, accessibles au public.
On prêtera une attention particulière aux unités dans lesquelles sont exprimés les
rayonnements mesurés, en s’efforçant de ne retenir que les watts par mètre carré pour
les puissances, et les joules par mètre carré et par jour pour les énergies. La littérature
regorge d’unités spécifiques, liées aux instruments eux-mêmes, et qu’on ne peut pas
toujours convertir directement en unités du système international.
● Le vent
La vitesse du vent est classiquement mesurée par des anémomètres (ou graphes), qui
enregistrent et totalisent des distances parcourues, ainsi que la direction du vent. À la
différence des autres paramètres météorologiques, les appareils de mesure du vent
ont connu peu d’évolutions technologiques au cours des dernières années, et on dis-
pose par techniques satellitaires seulement de méthodes indirectes peu fiables.
● La température
Les températures mini/maxi/moyennes, de l’air et du sol, sont classiquement mesurées
par des thermomètres, placés dans des abris aux plans standardisés. Cependant, on a
de recours à des thermocouples7 ou à des thermistances, reliés à une centrale d’ac-
quisition de données. Des mesures indirectes par satellite sont aussi possibles, assez
généralisées et fiables.
7 Soudure entre deux métaux, qui émet une différence de potentiel proportionnelle à la température.
442
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● Estimation de l’évapotranspiration
Par le passé, on disposait de nombreux appareils dont la fonction directe ou indirecte
était l’estimation de l’ETP. Les plus classiques sont :
> le bac classe A. Ce bac cylindrique, aux dimensions standardisées, contient de l’eau
qui s’évapore pendant la journée. On mesure chaque jour à l’aide d’une vis micro-
métrique la hauteur d’eau évaporée ; en cas de pluie, on déduit du montant mesuré
la hauteur de pluie mesurée dans le pluviomètre ;
> le Piche : du nom de son inventeur, il est constitué d’un tube gradué, contenant de
l’eau, fermé à une extrémité, bouché à l’autre extrémité par une pastille de papier
buvard en contact avec l’eau du tube. Le tube est placé dans un abri météorolo-
gique. On mesure chaque jour la hauteur d’eau qui a disparu. La valeur de l’éva-
poration Piche est très corrélée au déficit de saturation de l’air et au vent, mais a
peu à voir avec l’évapotranspiration ;
> les lysimètres (à drainage ou pesables) : conçus comme des ensembles étanches, les lysi-
mètres ont pour principe la mesure du bilan hydrique d’une surface évaporante.
S’ils sont pesables, on mesure les différences entre deux dates de masse de l’en-
semble sol plus eau plus végétation. S’ils sont à drainage, on récupère un excès
d’eau, dont la différence par rapport à la quantité d’eau que l’on a apportée repré-
sente la quantité d’eau évapotranspirée pendant la période.
Ces dispositifs, très utilisés par le passé, ne le sont plus guère. L’expérience a montré
en effet que, soit pour des raisons théoriques8 ou de conduite pratique9, il y a de gros
avantages à calculer l’ET0 à partir de la formule de base plutôt qu’à partir de mesures supposées
directes. La même remarque s’applique pour les formules plus ou moins empiriques
que l’on trouve en quantité dans la littérature scientifique10.
443
4 Agriculture générale
444
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
couvert végétal. Ces régions sont marquées par une certaine monotonie des condi-
tions météorologiques au cours de l’année.
Les vents sont rares et faibles, hormis les brises de mer et de terre d’alternance régu-
lière. La brise de mer pénètre souvent largement sur le continent13, créant des conver-
gences supplémentaires responsables d’un fort accroissement de la pluviosité.
Les régimes thermiques sont peu contrastés. La température moyenne annuelle tourne
autour de 26-27°C, non seulement sur les côtes, mais également loin dans l’intérieur.
Les contrastes saisonniers sont faibles ; l’écart entre les températures moyennes men-
suelles extrêmes est de 3°C à Franceville (Gabon), 2,1°C à Manaus (Brésil), 1,3°C à
Singapour, 1,2°C à Cayenne, inférieur à 1°C aux îles Marshall. Si les matinées sont
assez souvent belles, le ciel se charge vite, avec des grains de fin d’après-midi, un peu
plus tardifs sur la côte que dans l’intérieur. Ainsi se justifie la faiblesse annuelle de l’in-
solation qui n’atteint jamais la moitié des 4 000 heures théoriquement possibles, avec
des minima très bas dans les zones côtières : 1 200 au maximum sur la côte pacifique
de la Colombie.
Les précipitations sont toujours abondantes, tombant sous forme d’averses, souvent vio-
lentes ; elles dépassent partout 1,50 m par an, parfois 2 m. Les volumes maximaux
caractérisent les côtes : Gabon, Cameroun, Guyanes. Mais, même à l’intérieur des
continents, les pluies restent considérables : plus de 2 m dans le bassin amazonien, au
pied des Andes comme au centre. Le nombre de jours de pluie est élevé ; il peut
exceptionnellement atteindre 300, comme sur la côte de Colombie, donnant entre
9 et 10 m de pluie par an à Quibdo ou Buenaventura. Dans ces climats sans saison
sèche, les conditions climatiques sont vraiment insalubres pour l’homme.
445
4 Agriculture générale
Les régions riveraines des parties occidentales des océans (dont la température de sur-
face est élevée), présentent une pluviométrie maximum en septembre-octobre dans
l’hémisphère nord14, et février-mars dans l’hémisphère sud15. Cette pointe
correspond aux passages des cyclones, certes peu nombreux, mais susceptibles de
déverser plusieurs centaines de millimètres de pluie en moins de 24 heures.
446
4 1 3 Le sol et la production
végétale
À partir d’une contribution de M. Dosso (CNEARC)
et A. Ruellan
LA COUVERTURE PÉDOLOGIQUE
Couche de terre en général meuble et peu épaisse (quelques centimètres à quelques
mètres), le sol recouvre une grande partie des continents : on parle de couverture
pédologique.
447
4 Agriculture générale
2 Les couvertures de sols ne sont pas les mêmes en régions tropicales sèches et humides.
3 Le sol n’est pas le même à l’amont et à l’aval d’une pente.
4 Le sol n’est pas le même sous forêt, sous prairie, sous culture.
5 Le sol n’est pas le même sur schiste et sur calcaire.
6 Il s’agit là de l’effet positif des érosions.
448
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Les constituants du sol sont donc organisés entre eux, verticalement et latérale-
ment, formant des structures qui sont spécifiques du milieu sol : c’est la morpholo-
gie de la couverture pédologique. Ces structures sont le résultat de l’histoire de la
formation des sols, mais aussi de leurs propriétés et dynamiques actuelles : ainsi,
l’étude des structures permet de découvrir les propriétés physiques, chimiques, bio-
logiques des sols et leurs relations avec les autres éléments du milieu ; elle permet
de comprendre le passé et le présent du sol et d’élaborer des prévisions concernant
le futur du sol et du milieu qui lui est associé.
L’observation de la morphologie des sols devrait donc être un préalable à toute
intervention humaine, la fertilité et les conditions d’utilisation d’un sol étant très
largement fonction de ses caractères morphologiques : de même qu’un médecin
examine l’aspect général d’un malade avant de lui prescrire éventuellement des
analyses, l’agriculteur et l’agronome doivent savoir examiner la morphologie d’un
sol avant de prescrire, si nécessaire, la réalisation d’analyses chimiques et avant
d’agir en matière de techniques culturales.
> Le sol est un milieu dynamique, en perpétuelle évolution. Ceci lui confère sa quatrième
dimension, qui est temporelle. Il y a en permanence évolution, transformations,
cycliques ou non, des constituants et des structures. Et il y a, au sein des sols, de
manière permanente ou intermittente, des transferts verticaux et latéraux de
matières, sur des distances qui peuvent être très grandes : transferts solides,
liquides, gazeux, biologiques, à l’échelle du micro-vide comme à l’échelle du bassin
versant. Ainsi, au gré des saisons, le sol change d’aspect et de fonctionnement et,
d’année en année, les sols naissent, puis mûrissent, c’est-à-dire s’enrichissent, puis
vieillissent, c’est-à-dire s’appauvrissent. De par leurs activités, les sociétés humaines
influencent fortement ces dynamiques : interventions directes, par exemple, de
l’agriculteur qui défriche et cultive ; mais aussi, interventions indirectes par le canal
des modifications climatiques, des modifications de la composition de l’atmosphère
et de leurs conséquences sur les activités biologiques.
449
4 Agriculture générale
● Les assemblages
Ce sont des volumes pédologiques que l’on caractérise, sur le terrain et sous les micro-
scopes, par la présence associée d’un certain nombre d’organisations élémentaires. Un
assemblage se décrit en terme de types de constituants, d’agrégats, de vides, de
concentrations, de couleurs, de caractères biologiques : on décrit ces organisations
élémentaires et les relations qui existent entre elles. Des déterminations analytiques
complètent la caractérisation des assemblages. Voici quelques exemples d’assem-
blages : andique, vertique, calcique, hydromorphe.
● Les horizons
Ce sont des volumes pédologiques plus ou moins parallèles à la surface du terrain.
Chaque horizon se décrit en terme d’un ou plusieurs types d’assemblages et de leurs
relations. Son épaisseur varie de quelques centimètres à plusieurs mètres. Les limites
supérieure et inférieure d’un horizon sont plus ou moins nettes, progressives ou
brutales. Latéralement, l’extension d’un horizon est très variable : du mètre jusqu’à
plusieurs kilomètres.
450
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
À toutes les échelles, des traits pédologiques, des types d’horizons, des types de sols,
apparemment très différents les uns des autres, sont en fait génétiquement reliés entre
eux :
> ils le sont dans l’espace, verticalement et latéralement, souvent sur de grandes dis-
tances : l’existence, en particulier, de relations latérales, de transferts latéraux de
matière à l’intérieur de certaines couvertures pédologiques, a été à maintes reprises
démontrée ;
> ils le sont dans le temps, c’est-à-dire qu’ils se succèdent dans le temps en un même
lieu, par auto développement de la couverture pédologique ou par variation de fac-
teurs externes.
Les variations temporelles sont de deux types :
> les variations saisonnières ; la morphologie d’un sol varie en fonction des variations
d’humidité, de température, d’activités biologiques ; ces variations influencent for-
tement la fertilité physique et chimique des sols, ainsi que leur comportement
hydrologique et mécanique ;
> les modifications progressives, jour après jour, année après année ; c’est l’évolution du sol
qui, selon les caractères, se fait plus ou moins rapidement ; en particulier, l’utilisa-
tion des sols par l’homme modifie l’évolution de nombreux caractères morpholo-
giques : transformation des structures, accélération ou ralentissement de certaines
migrations internes de matière, érosion...
Relations spatiales et relations temporelles sont étroitement imbriquées. À roche-mère
constante, dans un même paysage, tous les sols n’ont pas le même âge : la diversité
spatiale des sols observée, c’est-à-dire la distribution spatiale des structures pédolo-
giques, exprime les divers stades d’évolution d’une même couverture pédologique.
● Localisation
Avant de se poser la question de la localisation des fosses, la région d’étude doit avoir
été analysée en termes de paysages : on ne choisira qu’ensuite une unité de modelé
élémentaire7 sur laquelle on décidera de faire l’étude de la couverture pédologique.
Une fois l’organisation de la couverture pédologique comprise, on pourra extrapoler
les résultats acquis.
On suppose ici que l’étude porte sur un bassin versant de quelques hectares8. La pre-
mière étape consiste à choisir un premier axe, le long duquel seront faites les pre-
mières observations. Cet axe, pour recouper au mieux la diversité existante, sera per-
pendiculaire aux courbes de niveau. Le long de cet axe, on ouvre pour commencer au
moins trois fosses 9.
● Ouverture
Les dimensions d’une fosse doivent permettre à un observateur d’y travailler confor-
tablement : un carré d’un mètre de côté est un minimum. Sa profondeur dépend de
l’épaisseur du sol : une fosse est assez profonde lorsque la roche à partir de laquelle le
sol s’est formé (roche-mère) est visible au fond. Quand les sols sont très épais, on ne
peut creuser toutes les fosses jusqu’à la roche : on s’arrête alors vers deux mètres de
profondeur.
L’utilisation de la tarière complète le travail fait à partir des fosses. On l’utilise lors
d’une reconnaissance rapide, préalable à l’ouverture des fosses ; on l’utilise également
après l’étude des fosses, pour rechercher les extensions latérales des observations
faites dans les fosses. Cependant la tarière ne doit jamais être utilisée seule : les infor-
mations morphologiques que l’on peut en retirer sont toujours très incomplètes et
modifiées par rapport à la réalité du sol en place.
● Description
L’étude d’une fosse commence par une reconnaissance rapide des principales varia-
tions morphologiques, structurales, en terme de couleurs, agrégats, textures, porosi-
tés, traits pédologiques, enracinements, humidités. Cette reconnaissance permet une
première délimitation des principaux horizons. Chaque horizon est un volume de la cou-
verture pédologique, plus ou moins parallèle à la surface du terrain. Il ne faut
cependant pas oublier que la fosse ne représente qu’une fenêtre d’observation limitée,
ouverte ponctuellement dans la couverture pédologique : l’horizon que l’on y voit est
un volume dont les limites latérales, non visibles dans la fosse, sont à rechercher.
La deuxième étape du travail est alors d’entreprendre la description détaillée des
organisations élémentaires et des assemblages de chaque horizon, ainsi que de décrire com-
ment on passe, verticalement, d’un horizon à l’autre, par modification de ces organi-
sations élémentaires et assemblages.
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La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
453
4 Agriculture générale
Attention !
Il est dangereux de quantifier la présence d’un constituant à partir d’une observation de couleur. Les
raisonnements peuvent être comparatifs, au sein d’un même profil, ou entre deux profils voisins mais
ils ne doivent pas être traduits en chiffres.
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La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Attention !
Au sein d’un horizon, il peut y avoir association de plusieurs types d’agrégats, différents par leurs
formes et par leurs dimensions ; par ailleurs, il y a presque toujours plusieurs niveaux emboîtés de
structuration en agrégats : un agrégat centimétrique se décompose en agrégats de plus en plus petits,
qui peuvent être soit de la même forme, soit de forme différente : un agrégat anguleux centimétrique
peut être composé d’agrégats arrondis plus petits.
15 Le mot structure est employé ici dans son acception classique en pédologie. Lors de la première partie de ce texte, nous
avons utilisé ce mot dans un sens plus large : celui de l’organisation à toutes les échelles, depuis celle du microscope jus-
qu’à celle du paysage.
16 Le mot argile a, en science du sol, deux significations différentes : une signification minéralogique : l’argile est un miné-
ral siliceux, un silicate ; la taille de ces minéraux est toujours fine (inf. 5µ), voire très fine (inf. 2µ) ; une signification gra-
nulométrique : le terme argile désigne alors une taille de particule inférieure à 2µ ; avec cette signification, une particule
d’argile n’est pas forcément constituée de minéral argileux ; parmi les particules très fines, dites argileuses, on peut ainsi
trouver du quartz, des micas, du calcaire,... ; cependant, en général, la plus grande partie des minéraux argileux d’un sol
sont sous la forme de particules argileuses, c’est-à-dire de taille inférieure à 2µ.
17 Arrondies, anguleuses ou feuilletée, plus ou moins régulières.
18 Du millimètre au décimètre.
19 Plus ou moins friable : résistance à la pression des doigts.
20 Agrégats petits (inf. 1cm), très régulièrement arrondis.
21 Agrégats petits à moyens (inf. 2cm), à contours très irréguliers.
22 Agrégats en général assez gros, de formes polyédriques mais tous les angles sont arrondis.
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4 Agriculture générale
De bonnes potentialités
Pour ce qui est de l’horizon de surface d’un sol, la présence d’une structure arrondie fine, grenue ou
grumeleuse, signifie de bonnes teneurs en matière organique, donc des potentialités alimentaires
fortes25.
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La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Un milieu déséquilibré
Au total, les horizons à structure anguleuse constituent un milieu déséquilibré du point de vue de leur
pénétrabilité. Du point de vue chimique, on ne peut rien déduire de très précis à partir de l’existence
de ces structures anguleuses. On retiendra cependant que :
– leur présence est facilitée par l’absence de matière organique et d’activité biologique intense28, par
la présence d’argiles, principalement d’argiles gonflantes29, par un complexe adsorbant désaturé30 ou
par un excès de Na + sur le complexe adsorbant ;
– leur présence réduit l’accessibilité aux racines des richesses chimiques du sol.
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4 Agriculture générale
La structure squameuse
Cette structure, très particulière, n’existe qu’à la surface des sols. Elle se présente sous la
forme de plaquettes, d’épaisseur millimétrique ou centimétrique, aux bords relevés. La
face supérieure de chaque plaquette est argileuse, très lisse et luisante ; la face infé-
rieure est sableuse, la taille des particules diminuant progressivement quand on va du
bas vers le haut de la plaquette. Cette structure signifie qu’il y a eu, temporairement,
à la surface du sol, une mare d’eau ; par exemple à la suite d’un orage violent ou d’une
irrigation à débit trop fort. La présence de cette structure signifie toujours destruc-
tion, par excès d’eau, des agrégats de la surface des sols : c’est un signe négatif sur la
stabilité structurale du sol (elle est faible), le fonctionnement hydrique du sol (il est peu
perméable), la manière dont le sol est traité : travail du sol déstabilisant et compactant,
irrigations à débit excessif et gouttes d’eau trop grosses.
32 Croûte de battance.
33 Semelle de labour.
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4 Agriculture générale
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4 Agriculture générale
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La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
La description de la porosité doit tenir compte, non seulement de la forme des vides35
mais aussi de la morphologie et de la constitution des parois. Il faut, en particulier,
bien noter si les constituants qui sont le long des vides sont les mêmes que ceux qui en
sont éloignés : y-a-t-il ou non, par exemple, revêtements argileux sur les parois des
vides ? Ce type d’observation permet de mieux comprendre les relations qui peuvent
exister entre les constituants du sol, la composition des eaux et le comportement des
racines qui sont au contact des parois.
● La taille des vides
D’après la taille des vides, on distingue deux types de porosités :
> la macroporosité : l’eau peut y circuler par gravité36 ; c’est dans la macroporosité que
l’eau circule rapidement après chaque pluie ; mais, dans un sol sain, cette macro-
pososité doit, après un drainage rapide, rester disponible pour la circulation de l’at-
mosphère ; la macroporosité est, principalement, d’origine structurale ; la porosité
texturale d’un matériau sableux est également de l’ordre de la macroporosité ;
> la microporosité : l’eau y circule par capillarité ; c’est dans la microporosité qu’est rete-
nue l’essentiel de l’eau que les plantes consomment au fur et à mesure de leurs
besoins ; quand la microporosité est trop faible, par exemple dans les sols sableux,
les sols s’assèchent très vite et les plantes flétrissent ; la microporosité peut avoir
toutes les origines possibles.
● La mesure de la porosité
La porosité s’observe d’abord sur le terrain. À l’œil nu et à la loupe, on peut observer :
> la porosité structurale inter-agrégats, c’est-à-dire les porosités fissurales et les porosités
d’entassement des agrégats arrondis ;
> une partie de la porosité intra-agrégats, c’est-à-dire une partie des porosités tubulaires
et de cavités, des porosités fissurales, des porosités texturales concernant l’entasse-
ment des sables et des graviers.
Il est important que ces observations et descriptions des porosités se fassent en fonc-
tion des autres caractères morphologiques : couleurs, agrégats, traits pédologiques.
L’observation des porosités se poursuit sous les microscopes, optiques et électroniques :
tous les types de porosité y sont observables, quant à leur localisation, quant à leur
morphologie, quant à leur relation avec les constituants, quant à leur relation avec les
agrégats, les couleurs, les traits pédologiques. Au laboratoire, par mesures directes et
indirectes, on peut quantifier tous les types de porosité.
L’observation et la mesure des porosités, notamment des porosités structurales, doi-
vent être répétées au cours de l’année : en effet, elles se modifient en fonction des sai-
sons.
35 Ce que l’on voit sur le terrain en tridimensionnel, à l’œil nu et avec la loupe, et ce que l’on voit au microscope en bidi-
mensionnel sur lame mince.
36 Le diamètre des vides dépasse, selon les cas, c’est-à-dire selon la morphologie et selon les constituants, 3 à 8 µ.
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4 Agriculture générale
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La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● Les revêtements
Il s’agit de fines pellicules, recouvrant les parois de vides. Les revêtements les plus
connus sont argileux ; mais il existe aussi, très fréquemment, des revêtements cal-
caires, ferriques, alumineux, siliceux, organiques, gypseux, salés ; et il y a aussi des
revêtements limoneux ou sableux.
Les revêtements témoignent presque toujours d’une migration d’éléments dans les
eaux qui parcourent les vides du sol : ces éléments ont été arrachés ou dissous, puis
transportés par les eaux, verticalement et latéralement, sur des distances variables,
puis déposés par sédimentation ou par précipitation-cristallisation. La présence des
revêtements signifie donc qu’il y a accumulation de matière, par exemple d’argile :
beaucoup d’horizons d’accumulation d’argile, existant dans les sols, se reconnaissent
par la présence de revêtements argileux.
Dans certains cas, des pellicules argileuses résultent d’une réorganisation locale, sans
déplacement de particules, sous l’effet des pressions exercées par le gonflement des
argiles ou par le passage des racines ou des animaux : ces pellicules sont fréquentes à
la surface des agrégats anguleux ou feuilletés de sols à argiles gonflantes.
Enfin, certains revêtements sont résiduels : c’est le cas, par exemple, de certaines pel-
licules sableuses qui constituent, sur des surfaces horizontales, des dépôts suite au
départ sélectif des particules plus fines, argileuses et limoneuses. Dans ce cas, les revê-
tements témoignent d’un départ de matière, les éléments concentrés sous la forme de
revêtements étant les moins mobiles.
Les revêtements sont décrits par leur couleur, leur épaisseur, leur localisation vis-à-vis
des vides, des agrégats, des racines, des particules grossières (graviers, sables), leurs
constituants37.
37 Si on est capable de les reconnaître avant analyse, ce qui est fréquemment le cas.
465
4 Agriculture générale
● Les nodules
Les nodules sont des concentrations plus ou moins sphériques, soit d’éléments ayant
migré en solution, soit d’éléments résiduels de ces migrations : dans les deux cas, ils
correspondent à une accumulation de matière, absolue ou résiduelle. Les nodules les
plus fréquents sont les nodules calcaires et les nodules d’hydroxyde de fer.
Les nodules d’accumulation absolue résultent de la précipitation localisée, au sein
d’un volume qui s’enrichit et grossit progressivement, d’un minéral. Ce phénomène
d’accumulation absolue est très fréquent avec les éléments relativement solubles, tels
les carbonates, les sulfates, les chlorures : le moteur principal de l’accumulation est
alors l’évaporation, par e xemple, autour des systèmes radiculaires. Il concerne égale-
ment les hydroxydes de fer ou d’aluminium : ceci signifie alors qu’il y a eu, avant
migration, changement d’état : par exemple, réduction du fer permettant sa solubili-
sation, donc sa migration ; ou encore complexation du fer ou de l’aluminium par des
produits organiques, permettant également leur solubilisation et leur migration.
L’accumulation nodulaire se fait alors à la suite d’un nouveau changement d’état : oxy-
dation, destruction des complexes organiques, avec cristallisation dans les vides et,
éventuellement, épigénie 38.
Les nodules d’accumulation relative correspondent à la concentration nodulaire
des éléments les moins solubles en conséquence du départ des éléments les plus
solubles. Ces concentrations relatives sont fréquentes, par exemple, pour le fer et pour
l’aluminium.
Les nodules se décrivent d’après leur taille, leur forme, leur couleur, leur dureté, leur
structure interne, leur localisation par rapport aux autres caractères morphologi-
ques : agrégats, vides, revêtements.
Les nodules sont souvent la première étape de phénomènes d’accumulation beaucoup
plus importants que sont, par exemple, les encroûtements et croûtes calcaires, très déve-
loppés dans les régions semi-arides et arides méditerranéennes, ou les carapaces et
cuirasses ferrugineuses des régions tropicales.
● Les bandes
Les bandes constituent, au sein d’horizons à texture grossière sablo-limoneuse, des
feuillets, d’épaisseur millimétrique ou centimétrique, plus riches en argile, ou en fer,
ou en matière organique. Ces feuillets, globalement horizontaux, sont toujours ondu-
lés, les ondulations pouvant être très accentuées. Longtemps considérées comme des
figures sédimentaires, les bandes peuvent en fait avoir deux types d’origine :
> l’accumulation au sein d’un horizon poreux, après migration verticale ou latérale
au sein de la couverture pédologique ;
> la dégradation et le lessivage des particules argileuses : dans ce cas, les bandes ne
sont pas d’accumulation, mais elles sont résiduelles de l’appauvrissement en argile
d’un horizon argileux.
Les bandes contiennent toujours des revêtements d’argile, de fer ou de matière orga-
nique.
466
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● Les pédotubules
On appelle pédotubules des volumes pédologiques que l’on peut interpréter comme
étant le résultat de l’activité biologique animale : boulettes fécales, agrégats finement
grenus résultant de l’activité des vers de terre, constructions, au sein des sols, par les
fourmis ou les termites, volumes centimétriques résultant des transports de terre, à
l’intérieur du sol, par des taupes, des chiens de prairie, des rats, etc.
● La consistance
C’est la résistance d’un agrégat, ou d’un éclat, à sa destruction par pression. Sur le ter-
rain, en décrivant un sol, on estime cette consistance par la résistance, de l’agrégat ou
de l’éclat, à sa destruction par pression entre les doigts.
La consistance varie beaucoup en fonction de l’humidité : mis à part les horizons
consolidés, cimentés, telles les croûtes calcaires, les cuirasses ferrugineuses etc., les
agrégats qui sont durs à l’état sec ne le sont pas à l’état humide.
Une consistance trop forte, souvent liée à une forte compacité, est toujours négative
du point de vue de la fertilité : elle complique le développement des systèmes radicu-
laires ; elle rend également beaucoup plus difficile le travail du sol par l’agriculteur.
Par ailleurs, consistant, compact, dur, ne signifient pas stable, c’est-à-dire qu’un agré-
gat très dur peut s’effondrer dès qu’il est mis dans de l’eau, et, inversement, un agré-
gat friable, qui s’écrase facilement sous la pression des doigts, peut être complètement
stable, insensible, quand on le plonge dans de l’eau.
● La stabilité structurale
La stabilité structurale est une estimation ou une mesure de la résistance des agrégats,
donc des porosités structurales, face aux agents qui peuvent les détruire, et en parti-
culier face à l’eau.
On estime la stabilité structurale d’un agrégat en le plaçant dans un verre d’eau : on
observe s’il reste stable ou s’il se détruit et, dans ce cas, la vitesse à laquelle l’effondre-
ment de l’agrégat se fait. Cette observation se fait facilement sur le terrain. Dans toute
la mesure du possible, il est préférable de le faire avec de l’eau distillée (ou de l’eau de
pluie), une eau chargée en sels, même légèrement, allant dans le sens d’une stabilisa-
tion des agrégats. Au laboratoire, différents tests permettent également de mesurer la
stabilité des agrégats.
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4 Agriculture générale
Au niveau des sols et des paysages, la stabilité structurale s’observe et s’estime en fonc-
tion des comportements des agrégats face aux agents naturels et anthropiques qui les
agressent, en fonction de la genèse de mottes et d’horizons compacts, en fonction du
développement de phénomènes graves d’érosion. En effet, les principales expressions
d’une mauvaise stabilité structurale sont les suivantes :
> la destruction par la pluie de la structure superficielle : le travail fait par l’agricul-
teur pour préparer un lit de semence à structure arrondie peut être détruit par les
gouttes de la pluie ou de l’irrigation frappant les agrégats : si les agrégats sont
stables, ils résisteront aux impacts des gouttes ; si les agrégats sont instables, ils se
détruiront et formeront une croûte de battance ;
> la formation dans les sols cultivés, au sein de la partie supérieure du sol, entre 0 et
50 cm de profondeur, dans ce que l’on appelle le profil cultural, de mottes com-
pactes, peu poreuses, consistantes à l’état sec ou d’horizons compacts, à structure
massive ou feuilletée : semelles de labour ou d’irrigation. Ces mottes et horizons
compacts sont les conséquences des travaux agricoles et/ou de l’irrigation, sur des
sols à structure fragile ou fragilisée ;
> le développement d’érosions qui peuvent, très vite, prendre des allures catastro-
phiques : érosion en nappe, puis en rigoles qui peuvent, en quelques années, deve-
nir de véritables ravins. Ces érosions sont la conséquence des ruissellements, super-
ficiels ou sub-superficiels, qui se développent sur les croûtes de battance et sur les
semelles de labour ou d’irrigation.
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La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
> l’alcalinisation par le sodium : dès qu’il y a plus de 10 à 15 % de Na+ sur le com-
plexe adsorbant, la stabilité structurale devient très faible ; cela correspond à un pH
supérieur à 9 ;
> la destruction des agrégats par le travail du sol : tassement d’un sol humide ou pul-
vérisation d’un sol sec.
Au total, l’instabilité structurale est un danger : elle gêne l’enracinement des plantes,
l’activité biologique animale, la circulation des fluides, en particulier la pénétration
verticale de l’eau dans les sols 39 : d’une façon générale, les richesses alimentaires d’un
sol, y compris l’eau, ne sont régulièrement accessibles aux plantes que si la structure
est stable.
Conseils pratiques
Il faut éviter :
– les systèmes de culture appauvrissant en matière organique ;
– les systèmes de culture obligeant à travailler dans les champs en conditions trop sèches (risque de
pulvérisation) ou trop humides (risques de tassement) ;
– de laisser les sols à nu ;
– les irrigations excessives suivies de dessèchements excessifs ;
– le pâturage sur sols humides (risque de tassement).
Il faut favoriser :
– les apports de matières organiques : fumiers, composts, résidus de récoltes, engrais verts ; la
matière organique, par elle-même, par son complexe adsorbant, par l’activité biologique qu’elle favo-
rise, est de loin le meilleur artisan d’une bonne stabilité structurale ;
– les alternances de cultures permettant des alternances de types d’enracinement ;
– un travail du sol qui aère sans tasser ;
– la saturation du complexe adsorbant en Ca ++ (idéal = 80 % du complexe en Ca ; le reste en Mg+, K+,
Na+, NH4+ , H+).
39 D’où érosion, alimentation réduite des nappes phréatique, crues des rivières plus fortes.
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4 Agriculture générale
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La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● La première étape
Les mécanismes d’altération et les dynamiques biologiques et d’accumulation de
matières organiques fonctionnent ensemble. Deux types d’horizons prennent pro-
gressivement naissance :
> en surface, des horizons organiques O52, et/ou des horizons organo-minéraux A à structure
pédologique53 ;
> en profondeur, des horizons d’altération C, au sein desquels la structure lithologique de
la roche-mère est encore en place54.
Au terme de cette première étape, l’évolution de la couverture pédologique est encore relativement
peu marquée : on dira que la couverture pédologique formée est peu différenciée.
● La deuxième étape
Les mécanismes d’altération s’accentuant, un nouvel horizon, ou groupe d’horizons,
prend naissance entre les horizons A et C : il s’agit d’horizons d’altération au sein des-
quels l’isovolume et l’essentiel des structures lithologiques ont disparu ; les structures
dominantes sont pédologiques. Ce sont des horizons d’altération S à structures pédolo-
giques.
Au sein de ces horizons S, les mécanismes d’accumulation de constituants peuvent
donner naissance à des volumes ou à des horizons illuviaux, concernant des minéraux
se déplaçant relativement facilement.
Au cours de cette deuxième étape, les horizons O, A et C continuent à se former et à
évoluer.
Au terme de cette deuxième étape, l’évolution de la couverture pédologique est réelle,
significative ; l’horizon S témoigne d’un fort développement de l’altération, ainsi que des struc -
tures proprement pédologiques, bien distinctes de celles de la roche-mère : on dira que le sol formé
est moyennement différencié.
Parmi les horizons S, l’horizon Sk des sols dits ferrallitiques occupe une place particu-
lière. En effet, en milieu tropical humide, l’hydrolyse des minéraux et la lixiviation des
éléments libérés par cette hydrolyse sont telles que les produits résiduels de l’altéra-
tion sont du quartz55, des oxydes et hydroxydes de fer et d’aluminium56, des minéraux
argileux pauvres en silice57.
Les horizons Sk sont souvent très épais (plusieurs mètres). Morphologiquement, ils se
reconnaissent par leur microstructure grumeleuse qui témoigne, à la fois, de l’asso-
ciation fer-kaolinite et d’un pH très acide (d’où présence d’Al+++ sur le complexe
adsorbant).
Fréquemment on voit se différencier, au sein des horizons Sk, des horizons d’accumu-
lation de fer et d’aluminium (nodules, carapaces, cuirasses) (Bo).
473
4 Agriculture générale
● La troisième étape
Les mécanismes d’hydrolyse, de lixiviation, d’entraînement particulaire, de genèse de
minéraux secondaires, s’accentuent au sein des horizons A, S et C. Il en résulte la nais-
sance et le développement de deux types d’horizons :
> des horizons éluviaux E : ce sont des horizons appauvris en particules de taille < 2µ
et en minéraux argileux ; ces appauvrissements argileux sont toujours précédés
d’appauvrissements en éléments plus solubles (chlorures, sulfates, carbonates) ; ils
sont souvent accompagnés d’appauvrissements en hydroxydes (Fe, Al) ;
> des horizons illuviaux B : ce sont des horizons enrichis en particules argileuses et en
minéraux argileux ; mais il peut aussi s’agir, selon les cas, d’accumulations d’hy-
droxydes (Fe, Al), et/ou de matières organiques, et/ou de silice, et/ou de calcaire,
et/ou de gypse, et/ou de sels solubles. Au sein de ces horizons illuviaux, l’accumula-
tion d’un constituant peut avoir trois origines : accumulation absolue par migration
de constituants à partir d’un autre horizon, accumulation absolue par altération des
constituants, accumulation relative par départ des constituants plus solubles.
Au cours de cette troisième étape, les horizons O, A, S et C continuent à se former et
à évoluer.
Au terme de cette troisième étape, l’évolution de la couverture pédologique est très marquée : on
dira que le sol formé est très différencié58.
58 Une couverture pédologique très différenciée est plus évoluée qu’une couverture peu différenciée ; mais ceci ne
signifie pas qu’elle est plus vieille. La vitesse d’évolution d’une couverture pédologique et la différenciation maxi-
male qu’elle peut atteindre sont fonction de tous les facteurs : climat, végétation, pente, roche, homme. Humidité,
chaleur, acidité et perméabilité des roches, facilitent une différenciation rapide ; aridité, faible porosité des roches,
richesse en calcaire du milieu, pente forte, ralentissent la différenciation.
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4 Agriculture générale
> ils sont appauvris, non seulement en particules et en minéraux argileux, mais aussi
en sels, en carbonates, en hydroxydes ; en général, l’appauvrissement en sels et en
carbonates a précédé l’appauvrissement en éléments argileux, l’appauvrissement
en hydroxydes étant le plus souvent conjoint à celui en éléments argileux.
En conséquence des appauvrissements, ils connaissent une concentration
corrélative en constituants migrant moins facilement : limons, sables, minéraux peu
altérables ;
> leur couleur est toujours plus claire que celle de l’horizon sous-jacent (qui est, le
plus souvent, un horizon B) ;
> la structure est soit continue (massive ou particulaire), soit fragmentaire peu déve-
loppée et fragile ;
> il y a présence éventuelle de revêtements sableux résiduels du départ des particules
argileuses : l’argile étant partie, le sable résiduel se dépose sur les surfaces horizon-
tales, en particulier sur les parties supérieures des graviers et cailloux, formant
comme des coiffes.
Le complexe adsorbant des horizons E est, normalement, partiellement ou totalement
désaturé en cations basiques (Ca++, Mg ++, Na +, K+) ; leur pH est donc acide.
● Les horizons anthropiques : Ap
Les horizons Ap sont des horizons superficiels dont la morphologie est partiellement
le résultat du travail des agriculteurs : travail du sol, fertilisation, irrigation, succes-
sions culturales. Ils proviennent de la modification d’horizons A, E, parfois aussi B ou
S. Ces modifications portent principalement sur les couleurs, les agrégations, les poro-
sités, les traits pédologiques, les solidités des agrégats, mais aussi sur les constituants,
organiques et minéraux, les propriétés et les comportements physico-chimiques et bio-
logiques.
Souvent, la différenciation morphologique, conséquence de l’action de l’agriculteur,
est telle que ce sont plusieurs horizons Ap qui prennent naissance : Ap1, Ap 2, etc. que
l’on distingue facilement par les couleurs, agrégats, porosités.
À signaler enfin les sols complètement construits par les hommes ; c’est le cas, par
exemple, des terrasses, des sols reconstitués après exploitation d’une carrière, etc.
● Les horizons illuviaux : B
Les horizons B sont des horizons enrichis en constituants, minéraux ou organiques,
une partie ou la totalité de l’enrichissement étant la conséquence d’une migration ver-
ticale ou latérale de matière. On ne parle d’horizon B que si l’on a des preuves mor-
phologiques qu’une partie de l’accumulation est le résultat d’une migration, la preuve
la plus sûre étant la présence de traits pédologiques d’accumulation : revêtements,
nodules, bandes.
Les horizons B sont en général situés dans la partie moyenne du sol. Leur couleur est
fonction de l’élément accumulé ; il y a souvent des taches de couleur. L’agrégation y
est généralement fragmentaire.
476
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
477
4 Agriculture générale
478
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
479
4 Agriculture générale
> les sols moyennement différenciés ferrallitiques, tant qu’ils ne sont pas atteints à
leur sommet par le lessivage et/ou la podzolisation, sont des sols potentiellement
fertiles : ils sont très bien structurés ; la présence de la kaolinite comme unique
argile réduit de beaucoup la capacité d’échange, mais une politique organique et
minérale bien calculée donne, on le sait, d’excellents résultats tant que la structure
en agrégats et la porosité sont respectées ;
> la fertilité des sols très différenciés lessivés est moyenne à mauvaise. Selon l’impor-
tance de l’horizon E61, cette fertilité peut être plus ou moins facilement améliorée.
480
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
> les chronoséquences : les variations latérales des structures sont liées à l’âge des sur-
faces topographiques ou à l’âge des roches64, donc à l’âge du début de l’évolution
pédologique observable aujourd’hui ;
> les bioséquences : les variations latérales des structures sont liées aux activités
humaines. En effet, dans les milieux non anthropisés, l’activité biologique ne joue
jamais seule : elle n’est pas un facteur principal, explicatif, des variations latérales
des structures de la couverture pédologique ; elle joue en même temps que les
roches, le relief, le temps, en relation de dépendance avec ces trois facteurs. En
revanche, quand l’homme intervient en supprimant une forêt pour la remplacer
par une prairie, en remplaçant une forêt naturelle par une forêt d’eucalyptus, en
intensifiant les systèmes de production agricole, en apportant des quantités impor-
tantes de matière organique, etc., il crée des variations latérales nouvelles, directe-
ment en conséquence des variations biologiques qu’il provoque.
64 Cas particulier des roches de formation récente : alluvions, dunes, coulées volcaniques.
481
4 1 4 Le fonctionnement d’un
peuplement végétal cultivé
À partir d’une contribution de Y. Crozat (E SA Angers)
et F. Levrault (ESA Angers)
483
4 Agriculture générale
Le peuplement végétal est une entité présentant à la fois des caractéristiques phy-
siques1 et des propriétés biologiques. En effet, les plantes évoluent au cours du temps
selon un programme morphogénétique pré-établi et elles sont capables de réguler
leurs échanges avec l’environnement. Grâce à la photosynthèse, le peuplement végé-
tal convertit, avec l’aide de flux d’eau et de minéraux, de l’énergie lumineuse sous
forme d’énergie chimique contenue dans la biomasse végétale. Le rendement de cette
conversion est en général inférieur à 1 % sur un cycle de culture2, parce que l’inter-
ception de la lumière par le peuplement n’est pas toujours maximale3, parce que la
photosynthèse peut être limitée par de nombreux facteurs (CO2, température…) et les
maladies ou parasites engendrent des pertes supplémentaires.
484
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
4 Au moins en potentialité.
486
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Le temps qui s’écoule entre l’initiation de deux organes de même nature définit le
plastochrone. Le phyllochrone correspond au temps entre l’apparition de deux
organes. Chez la plupart des espèces, phyllochrone et plastochrone sont gouvernés
par la température. C’est pourquoi le développement est généralement repéré en
sommes de températures. Ces sommes sont exprimées par rapport à des bases cor-
respondant aux seuils minimaux d’activité biologique ; par exemple 12° C pour le
coton, 6° C pour le maïs.
Pour le développement reproducteur (ou la tubérisation), la variation de la durée du
jour et de la nuit (photopériode) joue un rôle important chez certaines espèces. Les
plantes de jours longs, comme le blé ou le colza, ne fleurissent qu’après un certain
nombre de jours d’une durée supérieure à un seuil ; celles de jours courts, souvent
d’origine tropicale, comme le maïs ou le sorgho, après un certain nombre de jours
d’une durée inférieure à un seuil. Photopériode et température5 ont des effets com-
binés chez de nombreuses espèces, comme le blé. Ces besoins peuvent être plus ou
moins stricts et les deux types se rencontrent chez une même espèce comme le soja.
Le repérage des périodes au cours desquelles les organes de même nature rentrent en
croissance permet d’analyser l’offre (nombre et activité des capteurs) et la demande
(nombre et âge des puits) en assimilats sur des périodes successives du cycle cultural.
● À l’échelle de la feuille
La photosynthèse est le processus par lequel les plantes utilisent le gaz carbonique de
l’atmosphère. La photosynthèse d’une feuille est tributaire des conditions de milieu et
de leur incidence sur l’état de la plante.
La réponse de la photosynthèse nette à l’éclairement est la résultante de la photosyn-
thèse brute 8 et de la respiration. Chez les plantes en C3, vient s’ajouter une respira-
tion photosensible correspondant à la fixation de l’oxygène par une enzyme de car-
boxylation. L’intensité lumineuse pour laquelle il y a équilibre entre fixation et
respiration est appelée point de compensation. Une saturation de la photosynthèse
nette apparaît pour des éclairements élevés (Pmax).
Chez les plantes en C4, la saturation s’observe pour des éclairements plus élevés que
pour celles en C3, et le Pmax est supérieur. Cette relation définit, pour chaque niveau
d’éclairement, une activité photosynthétique potentielle qui sera elle même affectée
par les conditions de milieu : température, alimentation hydrique, nutrition minérale.
487
4 Agriculture générale
La température qui gouverne les vitesses des réactions enzymatiques a un effet très
marqué sur la photosynthèse. La température optimale varie d’une espèce à l’autre
avec une différence marquée entre plantes en C3 et en C4.
➤ Figure 5 : Influence de la température d’une feuille sur son activité photosynthétique à l’éclairement maximal :
comparaison des plantes en C3 et en C4 (d’après de Wit et al, 1978)
488
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● À l’échelle du peuplement
489
4 Agriculture générale
490
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
491
4 Agriculture générale
● Le statut azoté
L’azote est considéré comme le facteur limitant le plus important avec l’eau, les besoins
des plantes étant maximaux lors de la phase de croissance active. À l’échelle du peu-
plement, pendant la phase végétative, la concentration en azote des plantes, qui
décroît avec la biomasse accumulée, est d’autant plus faible que la fertilisation est limi-
tante. On définit alors à chaque instant la concentration critique comme la concentra-
tion minimale permettant la croissance optimale17, puis l’indice de nutrition azotée
(Nitrogen Nutrition Index) comme le rapport de la concentration observée à la
concentration critique. Cet indice permet de porter un diagnostic sur le niveau de
satisfaction des besoins.
492
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
● L’eau
L’eau peut être prélevée dans le sol par les racines, si leur force de succion est supé-
rieure à celle du sol. La force de succion est directement liée à la demande climatique,
elle-même relayée par les feuilles (transpiration), les vaisseaux des tiges, puis les
racines. La force de rétention par le sol dépend essentiellement de son humidité et de
sa texture. La distribution spatiale (verticale et horizontale) du système racinaire
détermine la possibilité et l’importance des prélèvements (cf. chapitres 412 et 434
pour l’étude d’un bilan hydrique).
493
4 Agriculture générale
À la germination, les besoins nécessaires à la mise en place des premiers capteurs pro-
viennent des réserves de la graine21. Pendant la phase d’installation du couvert, les
demandes individuelles des organes sont d’abord faibles par rapport à l’offre.
Progressivement, la situation s’inverse car la multiplication du nombre de phyto-
mères22 accroît fortement la demande. L’offre du milieu, par définition limitée, ne
peut pas satisfaire cette demande et l’offre devient alors limitante.
Lorsque l’offre est supérieure à la demande, tous les organes initiés maintiennent leur
taille maximale et les assimilats non utilisés sont stockés, sous forme de réserves
19 Cas des organes aériens passant par une phase d’hétérotrophie avant autotrophie.
20 Cas des organes souterrains ou d’accumulation.
21 Phase d’hétérotrophie.
22 Activité du méristème caulinaire et ramifications.
494
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
➤ Figure 13 : Perte de rendement grain d’une culture de maïs suivant la période d’application
d’une contrainte hydrique (d’après Robelin, 1976)
495
4 Agriculture générale
Dès que la graine a franchi le stade limite d’avortement, elle commence sa phase active
de remplissage. En cas de contrainte trophique, elle n’avorte plus mais des conditions
hydriques limitantes ou des températures excessives perturbent ce remplissage25 et ne
permettent pas l’obtention d’une taille maximale de la graine. Le poids d’un grain et
le rendement sont alors réduits.
Les plantes à tubercules ne présentent pas de période critique sensu stricto, car le
rendement est beaucoup plus lié au poids moyen des tubercules qu’à leur nombre. La
phase d’implantation de la culture est la plus déterminante pour le rendement final.
25 Phénomène d’échaudage.
26 Par le nombre et l’activité des organes puits.
27 Par le nombre et l’activité des organes source.
496
La mise en valeur des zones tropicales et les composantes du milieu 4 1
Deux phases constituent la vie d’une plante. En début de cycle cultural, la plante se
ramifie et multiplie ses organes végétatifs28. C’est la période végétative. Ensuite, elle
fabrique les organes reproducteurs dans lesquels la matière sèche s’accumulera. C’est
la période reproductrice. L’analyse de la formation du rendement dépend du mode
d’enchaînement de ces deux phases.
Dans le cas des plantes à croissance déterminée (céréales), ces deux phases se succè-
dent sans se chevaucher. On distingue donc une première phase de mise en place
d’une capacité de capture29 et du nombre d’organes reproducteurs, suivie d’une phase
d’utilisation de ce potentiel pour remplir les grains formés. Dans le cas des plantes à
croissance indéterminée (légumineuses, cotonnier), ces deux phases se chevauchent
partiellement. Leur durée dépend des rapports entre le développement reproducteur
et l’offre par les capteurs.
En conditions limitantes, le rendement des plantes à croissance déterminée est moins
pénalisé30 car le basculement complet de la croissance végétative à la croissance repro-
ductrice permet l’obtention d’indices de récolte et de rendements plus élevés. En
revanche, le rendement des plantes à croissance indéterminée est moins pénalisé par
un stress pendant la floraison car le prolongement de cette dernière permet de com-
penser les pertes de fleurs ou les avortements occasionnés.
Chez les plantes à réserves (pomme de terre par exemple) on peut, comme chez les
espèces à croissance déterminée, distinguer deux phases successives : une phase d’in-
cubation où se forment le nombre de tubercules par unité de surface31, suivie d’une
phase de grossissement des organes unitaires dépendante des capacités d’offre du cou-
vert.
497
4 Agriculture générale
Bibliographie
COMBE L. et PICARD D., 1994 – Elaboration du rendement des principales cultures annuelles. INRA Ed.
191 p.
LOOMIS R.S. et CONNOR D.J., 1992 – Crop ecology : productivity and management in agricultural
systems. Cambridge University Press, 520 p.
VARLET-GRANCHER C., BONHOMME R. et SINOQUETH., 1993 – Crop structure and light microclimate.
Characterization and applications. INRA Ed. 518 p.
498
4 2 Les démarches
d’amélioration
d’un système
de culture
4.2.1 Le raisonnement d’un itinéraire
technique
4.2.2 L’expérimentation en milieu paysan
4.2.3 Les associations et les successions
de culture
4.2.4 Les cultures pérennes
et les systèmes agroforestiers
4 2 1 Le raisonnement d’un
itinéraire technique
À partir d’une contribution de C. Fovet-Rabot (CIRAD)
DÉFINITION ET CARACTÉRISTIQUES
La définition de l’itinéraire technique est simple1 : c’est la suite logique et ordonnée
de techniques appliquées à une culture. Autrement dit, c’est l’ensemble des techniques
combinées pour conduire une culture, y compris le choix de la variété, en vue d’at-
teindre des objectifs divers, accompagné des raisons qui justifient ces choix.
1 S EBILLOTTE M., 1978. Itinéraires techniques et évolution de la pensée agronomique. C.R. Acad. Agric. Fr., 64 (11) : 906-914.
SEBILLOTE M., 1990. Système de culture, un concept opératoire pour les agronomes. In Les systèmes de culture, L. COMBE et D.
PICARD éditeurs. INRA, Paris, p. 165-196.
2 CAPILLON A., CANEILL J., 1987. Du champ cultivé aux unités de production : un itinéraire obligé pour l’agronome. Cah. Sci. Hum.
23 (3-4) 1987, p. 409-420.
501
4 Agriculture générale
3 Système de culture : ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles traitées de manière identique.
Chaque système de culture se caractérise par : la nature des cultures et leur ordre de succession ; les itinéraires techniques
appliqués à ces différentes cultures.
502
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
L’appui que peut prodiguer efficacement un agronome de terrain a été bien décrit4 :
« La tâche de l’agronome est d’observer et d’analyser des pratiques agricoles dans le but de
proposer des solutions techniques compatibles avec les moyens disponibles (humains, matériels,
financiers) et conformes aux objectifs des producteurs. (…) On peut penser qu’en associant des
approches à plusieurs niveaux (parcelle, exploitation, région), il est possible d’expliciter l’emploi
des techniques par les agriculteurs et de proposer des références adaptées. (…) L’agronome peut
soit proposer plusieurs voies pour un même niveau de rendement, soit définir l’objectif de rende -
ment le mieux adapté aux ressources que l’agriculteur peut mettre en œuvre ».
4 CAPILLON A., CANEILL J., 1987. Op. cité. CCAPILLON A., FLEURY A., 1986. Conception d’itinéraires techniques
respectant la diversité des exploitations agricoles: les enseignements d’un essai. BTI 408, p. 281-294.
503
4 Agriculture générale
par les travaux mécaniques. Il ne s’agit donc pas d’une action directe de l’herbicide
sur le sol mais de la conséquence des conditions de son efficacité. Cette observation
amène à réfléchir aux conséquences de l’emploi d’un herbicide de pré-levée sur les
autres éléments de l’itinéraire technique.
504
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Dans un périmètre irrigué du fleuve Sénégal, cultivé en monoculture de riz, les agri-
culteurs pratiquent deux types d’itinéraires techniques fondés sur deux modes d’im-
plantation de la culture (cf. tableau 1) :
> dans le premier cas (pépinière puis repiquage), le début de campagne se caractérise par
une grande mobilisation de main-d’œuvre pour l’opération de repiquage des
plants. Cette technique permet une installation du peuplement rapide et
régulière, qui limite les risques d’enherbement7. Les apports d’engrais peuvent
dans ces conditions être prévus en fonction des stades de développement du riz,
donc selon les besoins. Avec peu de mauvaises herbes et un apport fractionné des
engrais aux périodes adaptées, on observe le plus souvent des productions élevées;
> dans le deuxième cas, le semis à la volée de graines prégermées implique peu de tra-
vail. En revanche, la structure du peuplement est irrégulière et la levée peu homo-
gène. Les mauvaises herbes se développent en même temps que le riz : le risque
d’infestation est important. Le désherbage manuel nécessite donc beaucoup de
temps et de travail : il est impossible de désherber la parcelle correctement et rapi-
dement. Les apports d’engrais sont retardés tant que la parcelle n’est pas propre,
voire réduits. Finalement, c’est l’incapacité à lutter efficacement contre les mau-
vaises herbes qui compromet la suite des opérations culturales. On observe des pro-
ductions en général bien inférieures à celles obtenues avec le premier itinéraire
technique.
Tableau 1. Itinéraires techniques, besoins en main d’œuvre, effets agronomiques (périmètre de Guédé, fleuve Sénégal)
7 Avance de la culture sur les adventices, maintien d’une lame d’eau réduisant la germination ou la levée des graines de
mauvaises herbes.
505
4 Agriculture générale
8 DUGUÉ P., G UYOTTE K., 1996. Semis direct et désherbage chimique en zone cotonnière du Cameroun. Agriculture et développe-
ment 1, p. 3-15.
506
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Les paysans disposent d’un nombre limité de jours de travail aux mois de mai et juin
pour mettre en place les cultures (cotonnier, maïs, sorgho, arachide) et pour com-
mencer les premiers sarclages : il y a chevauchement entre le premier sarclage de
l’arachide et du sorgho et les préparations du sol et semis du cotonnier et du maïs. De
ce fait, la surface labourée et semée par type de culture varie avec la distribution des
pluies en début de saison agricole et selon les objectifs et les moyens de production :
disponibilité en attelages, en charrues et en main-d’œuvre. La culture cotonnière
revêt dans cette région une importance toute particulière puisque c’est une culture de
rente, dont la production est gérée et traitée par la SODECOTON, société nationale de
développement. Cultiver le cotonnier assure un revenu et permet d’accéder à la four-
niture d’intrants à crédit.
Technique d’implantation 1er herbicide Travail du sol Semis 2ème herbicide Total heures/ha
Labour bovin - 39 56 - 95
Labour asin - 66 60 - 126
Houage manuel - 120 52 - 172
Semis direct 3 - 60 3 66
Dent traction bovine 3 12 32 3 50
Dent traction asine 3 21 36 3 63
Houage manuel sur la ligne 3 64 44 3 114
L’observation des temps de travaux (cf. tableau 2) montre que l’option intermédiaire
est la plus rapide pour la culture attelée, suivie de près par le semis direct : le traçage
de la ligne de semis permet en fait d’éviter la pose du cordeau pour semer ensuite à
la main. D’un point de vue agronomique, les productions obtenues après labour et
semis direct sont équivalentes, celles permises par le travail à la dent sur la ligne de
semis montrant un léger avantage : l’enracinement pivotant du cotonnier est favorisé.
507
4 Agriculture générale
Sur le plan économique, le coût de l’herbicide total vient s’ajouter aux charges mais
induit une moindre mobilisation des attelages et un gain de temps, qui permettent de
se consacrer à bon escient aux autres cultures (vivrières et vente locale), dont la pro-
duction augmente.
508
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Cela se ferait alors au détriment des jachères et des espaces défrichables, avec des
effets préjudiciables à long terme sur la reproductibilité de ces systèmes de culture à
l’échelle des territoires villageois.
509
4 Agriculture générale
Bibliographie
CHARPENTIER H., DOUMBIA S., COULIBALY Z., ZANA O., 1999. Fixation de l’agriculture au nord de la Côte
d’Ivoire : quels nouveaux systèmes de culture ? Agriculture et développement 21, p. 4-70.
GRET, F AMV, 1994, Manuel d’agronomie tropicale. Exemples appliqués à l’agriculture haïtienne, Paris,
GRET, 490 p.
SOLTNER D., 1998. Les techniques culturales simplifiées, pourquoi ? Sciences et techniques agricoles,
Sainte-Gemmes-sur-Loire, France, 25 p.
SOLTNER D., 2000. Les techniques culturales simplifiées, comment ? Sciences et techniques agricoles,
Sainte-Gemmes-sur-Loire, France, 25 p .
510
4 2 2 L’expérimentation
en milieu paysan
À partir d’une contribution de H. Hocdé (CIRAD)
et B. Triomphe (CIRAD)
DE QUOI PARLE-T-ON ?
Depuis les années 70, et dans le sillage des approches systèmes de tout genre, l’expé-
rimentation en milieu paysan (EMP) – en anglais on-farm research (OFR) – s’est intro-
duite peu à peu jusqu’à devenir une pratique de routine chez nombre de chercheurs
et agronomes de terrain. De multiples manuels1 ont été publiés pour guider le néo-
phyte dans la mise en place de sa démarche EMP ou pour aider les chercheurs à adap-
ter leur savoir-faire d’expérimentateur en station aux particularités du milieu paysan.
Dans ce chapitre, nous utiliserons la définition suivante de l’expérimentation en
milieu paysan, adaptée de Ponteves et Jouve (1990) : « L’EMP est un processus
d’expérimentation qui se déroule dans les conditions de la pratique paysanne. Ce processus a pour
objectif d’évaluer les effets techniques, économiques et sociaux provoqués par l’introduction
d’améliorations des modes et conditions d’exploitation agricole du milieu. Les effets observés
concernent le fonctionnement des écosystèmes cultivés et des unités de production.»
Cette définition assez large met en exergue plusieurs aspects-clés en dehors du fait que
l’expérimentation se fasse en milieu paysan : le fait que l’EMP soit un processus plus
qu’une activité ponctuelle, qu’il y a nécessairement introduction de changement par rap-
port aux pratiques existantes, et que l’évaluation se fait sous plusieurs angles. Elle reste
cependant assez ouverte quant au type de changement introduit2 et quant au mode
de relation entre les paysans et les techniciens ou chercheurs impliqués dans l’expéri-
mentation. Elle concerne avant tout des techniques agricoles au niveau de la parcelle
et de l’exploitation agricole et beaucoup moins des innovations au niveau d’un terri-
toire.
Toutes les démarches EMP partagent un même souci : celui de produire des innova-
tions technologiques adaptées et appropriées qui permettent aux paysans de trouver
des éléments de réponse à leurs propres problèmes, réponses différentes des solutions
génériques proposées par la recherche agronomique classique.
Ce chapitre revisite quelques notions-clés d’une démarche d’« expérimentation en
milieu paysan».
511
4 Agriculture générale
Il prend délibérément le parti d’offrir au lecteur non pas des solutions clés en main,
mais plutôt des bases de réflexion pour l’aider à structurer sa propre démarche EMP,
ou à l’analyser a posteriori. Le lecteur pourra se reporter aux manuels spécialisés pour
des exemples précis ou pour approfondir des points de détail (voir notamment
Mercoiret 1994).
Ce chapitre est organisé autour des questions suivantes :
> pourquoi expérimenter chez et avec les paysans ?
> comment planifier le processus EMP ?
> comment en faire le suivi et l’évaluation ?
> comment analyser les résultats et comment les valoriser ?
> en quoi consiste l’expérimentation paysanne ?
Les réflexions et les exemples sont délibérément centrés sur l’expérimentation agro-
nomique avec des cultures annuelles. Dans le cadre de l’expérimentation avec des ani-
maux ou avec des plantes pérennes, les principes de base sont les mêmes, mais des
adaptations sont absolument nécessaires pour appliquer correctement ces principes.
512
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Tableau 1 : Quelques raisons pour préférer un dispositif EMP à d’autres modalités d’intervention
513
4 Agriculture générale
Une autre variante consiste à valider une technologie mise au point en station expé-
rimentale ou hors du pays, par le biais d’un réseau d’essais chez les paysans dans le
but de vérifier le caractère approprié de la technologie en question, et de pouvoir cal-
culer sa rentabilité probable.
Dans les deux cas, le paysan chez qui est implanté l’essai est plutôt un collaborateur
qui fournit au chercheur un morceau de terrain, de la main-d’œuvre et une possibi-
lité de faire varier des conditions. Il n’est pas un partenaire qui participe véritable-
ment à la prise de décision. Le chercheur et son institution sont donc les maîtres
d’œuvre de la démarche EMP, ils déterminent les techniques à tester sans concertation
approfondie avec les paysans.
Dans d’autres démarches EMP, le chercheur établit dès les premières étapes un véri-
table dialogue avec les agriculteurs et techniciens sur les problèmes à traiter, les objec-
tifs à atteindre, les méthodes d’expérimentation puis l’évaluation des résultats. On
entre alors dans le cadre de ce qu’on appelle souvent la recherche ou l’expérimentation
participative, où agriculteurs et chercheurs mettent en commun leurs objectifs, leurs
points de vue et définissent la façon de travailler ensemble.
La participation paysanne peut prendre une importance variable et se fonder sur des
modalités diverses :
> expérimentation consultative : thèmes et protocoles sont définis par les chercheurs ; les
agriculteurs sont consultés, notamment au moment de l’évaluation des résultats des
essais ;
> expérimentation collégiale : thèmes et protocoles sont définis conjointement par les
agriculteurs et les chercheurs. L’évaluation est une évaluation conjointe des
résultats ;
514
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
> expérimentation paysanne (EP) : ce sont les paysans qui fixent les thèmes expérimen-
taux et le type de dispositif qu’ils souhaitent mettre en place, avec un appui
technique de la part des chercheurs. Dans l’évaluation des résultats, les critères
principaux d’évaluation sont ceux définis par les agriculteurs.
515
4 Agriculture générale
Il faut s’assurer que l’identification des objectifs prioritaires se fait en concertation avec
les principaux partenaires engagés aux côtés de la personne ou de l’équipe en charge
de concevoir et mettre en place la démarche EMP. Il faut toujours envisager la possi-
bilité que, peut-être, la meilleure façon d’aborder le problème à résoudre n’est pas de
se lancer d’emblée dans une démarche EMP (voir paragraphe précédent).
3 Il faut aussi, bien entendu, préciser la composition et le mode de fonctionnement de cette équipe EMP.
516
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Partenaires et clients
Parmi les partenaires les plus communs, on peut citer les projets et services de recherche et de déve-
loppement, le secteur privé, les groupements de producteurs et les réseaux formels ou informels
d’agriculteurs avec lesquels l’équipe EMP a déjà l’habitude de travailler.
Parmi les clients, il y a bien sûr les paysans eux-mêmes, mais aussi les projets de recherche et de
développement partenaires, qui souvent contribuent au financement du dispositif EMP et récupére-
ront toute innovation intéressante pour la diffuser à travers leurs propres réseaux de clients. À cela
s’ajoutent les bailleurs de fonds et les gouvernements.
Bien souvent certains clients sont aussi des partenaires privilégiés de l’équipe EMP, ce
qui est à la fois une chance et une source potentielle de conflit. C’est d’autant plus pro-
bable que nombre d’institutions impliquées dans la recherche-développement ont
tendance à s’exprimer au nom de leurs clients paysans, encore trop souvent insuffi-
samment organisés et formés pour formuler eux-mêmes leurs demandes ou pour
contribuer au financement de la mise au point d’innovations.
517
4 Agriculture générale
beaucoup la relation avec l’équipe EMP et minimise les probabilités d’abandon des
essais en cours de cycle. Mais les groupes existants ne sont pas forcément très intéres-
sés par les aspects d’expérimentation et d’innovation technologique, et certains
d’entre eux peuvent avoir tendance à travailler en vase clos, sans ouverture sur le reste
de la communauté. Par ailleurs, vouloir former des groupes nouveaux autour des
seuls aspects d’expérimentation est souvent très coûteux en temps et pas forcément
viable au-delà des premiers essais.
Probablement la meilleure attitude réside dans une approche pragmatique, qui
examine au cas par cas les possibilités concrètes de travail, sans condamner d’avance
toute possibilité de travailler avec des individus, ni voir dans le travail en groupe la
panacée.
518
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
4 Nous n’insisterons pas sur les aspects généralement bien traités dans les manuels sur l’EMP : nombre de traitements,
nombre de répétitions, choix du témoin, choix du dispositif (voir par exemple GUILLONEAU, 1994 ou fiches
pédagogiques : document C ADEF).
5 Blocs dispersés, split-plots.
6 Dispositifs avec répétitions pour le seul témoin : CROSSA, 2000.
7 Dispositifs factoriels incomplets, analyse multivariable de l’interaction essai x milieu.
519
4 Agriculture générale
l’équipe EMP. Et il faut aussi savoir déléguer les responsabilités : pourquoi ne pas confier
la responsabilité du suivi de routine des indicateurs d’enherbement ou d’humidité du
sol au paysan responsable de l’essai ou à un(e) jeune du village plutôt que de vouloir
tout faire soi-même ? Enfin, il faut rapidement planifier dans le temps les activités routi-
nières du programme EMP : les visites périodiques des différents essais, les journées
au champ, les récoltes, en prenant garde à toujours laisser une place suffisante pour
le travail de bureau8 et pour les imprévus : recevoir les visiteurs envoyés par le projet,
réparer le véhicule, aller se démener avec les autorités pour que le budget alloué soit
effectivement débloqué.
La mobilité est une autre contrainte majeure : mieux vaut des sites groupés que des
sites dispersés probablement plus représentatifs mais beaucoup plus difficiles à suivre.
Et que dire des frais d’essence qu’occasionnent le suivi périodique de ces sites, qui
seraient peut-être mieux employés à payer un autre technicien, ou à s’équiper en ordi-
nateurs ou en instruments de mesure.
Finalement, et au risque de s’exposer au paradoxe, il faut autant que possible mini-
miser la probabilité que tout aille mal et prévoir l’imprévisible. D’où la nécessité de
privilégier la robustesse des dispositifs à leur attrait scientifique, ce qui leur permettra
de supporter sans dommages majeurs les changements de dernière minute ou la perte
d’un site. Il faut aussi s’assurer que l’information essentielle sera disponible d’une
manière ou d’une autre : il est donc utile de disposer de plusieurs indicateurs ou variables
qui se confirment l’un l’autre, comme par exemple un suivi des opérations culturales par
l’agriculteur doublé d’une enquête sur les pratiques réalisée par le technicien à la fin
du cycle. Mieux vaut ne pas se fier aux indicateurs uniques qui, s’ils ne sont pas mesu-
rés à temps ou correctement, se transforment en données manquantes ou ambiguës.
En somme, il faut tout faire pour que le dispositif EMP pâtisse le moins possible des
conséquences sur le travail effectué des contraintes de logistique. Mieux vaut donc un
dispositif modeste et bien conduit qu’un dispositif ambitieux mais fragile.
520
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Ces moments sont dictés par les grandes étapes du cycle agricole et des pratiques cul-
turales : préparation du terrain, semis, opérations de désherbage, de fertilisation et
d’irrigation, initiation de la floraison, maturité physiologique, récolte.
Un suivi sur un pas de temps plus rapproché peut se justifier pour certaines variables
comme l’évolution de l’humidité du sol, ou l’évolution du statut phytosanitaire d’une
culture, mais ce n’est certainement pas une règle générale. Le temps étant souvent un
des principaux facteurs limitants, il faut savoir doser son emploi avec parcimonie.
Tableau 2. Estimation grossière du nombre d’essais que peut suivre un chercheur ou technicien EMP
Enfin il ne faut pas oublier de dimensionner les essais au cours du temps : va-t-il
falloir poursuivre les mesures au cours de plusieurs cycles agricoles parce que l’inno-
vation ne produit pas tous ses effets immédiatement : essais de rotation ou de mode
de préparation du sol, essais à base de plantes pérennes, etc.
521
4 Agriculture générale
Il faut aussi pouvoir juger de la pertinence d’une dépendance forte vis-à-vis de l’ex-
térieur, comme celle que peut représenter le prêt de certains instruments trop coû-
teux pour que l’équipe EMP puisse les acquérir, ou le passage par un service externe
d’analyse de laboratoire.
522
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
De manière générale, l’évaluation par les paysans doit être préparée avec beaucoup
de soin si on veut pouvoir en tirer un maximum d’informations. Trop souvent, on se
contente de faire une enquête d’opinion superficielle et bâclée, qui n’apporte guère au
processus d’EMP, si ce n’est l’alibi que les paysans ont été consultés.
10 Les manuels existants sur l’EMP couvrent en détail ces aspects, et le lecteur aura l’embarras du choix quant aux
traités de statistiques appliqués à l’expérimentation agronomique (DAGNÉLIE 1998 par exemple).
11 Et non le faire faire à un tiers !
12 Entre 20 000 et 60 000 pieds par ha pour du maïs par exemple.
523
4 Agriculture générale
Combien d’essais montrent clairement une relation forte mais étrange entre la dose
d’engrais et le rendement, relation qui pourrait pourtant s’expliquer si on s’était
rendu compte que ce sont les différences de densité entre traitements qui sont à l’ori-
gine de cet effet ?
La rentabilité des nouvelles technologies constitue une autre analyse importante.
Certains préconisent l’élaboration de budgets partiels13 qui ne prennent en compte
que les coûts variables d’un traitement à l’autre. Ce genre d’analyse, très facile à
mettre en œuvre, s’applique particulièrement bien aux essais de technologies simples :
dose d’engrais, type de contrôle d’adventices. Elle est moins adaptée aux essais sur les
systèmes de culture (rotations, introduction du semis direct) pour lesquels il faut pou-
voir élaborer des budgets complets.
524
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Mais il ne faut pas oublier que les tests non-paramétriques et les analyses multi-
variables peuvent avantageusement les remplacer, notamment pour les échantillons
de taille réduite, lorsque les variables sont très nombreuses ou lorsque l’on doit ana-
lyser ensemble variables quantitatives et qualitatives. À ce stade, le technicien EMP
doit souvent faire appel à un biométricien.
Enfin, après les analyses statistiques, le retour à l’analyse agronomique ou économique
ou des risques permet de dégager une interprétation fondée sur des mécanismes bio-
logiques ou sur des comportements humains. À partir de cette interprétation sera
ensuite formulées une recommandation ou une réorientation des essais.
525
4 Agriculture générale
526
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
et surmontées, ou enfin de bien mesurer les facteurs à prendre en compte si l’on veut
amplifier les recherches EMP.
En se fondant sur les objectifs assignés au départ, il faut pouvoir évaluer formellement
les conditions dans lesquelles s’est déroulé le processus. La division des responsabili-
tés a-t-elle eu lieu comme prévu initialement ? Qu’ont appris les techniciens sur la
façon de travailler avec les paysans ? Et qu’ont appris les agriculteurs participants ? Le
degré de motivation, la confiance en soi ont-ils augmenté ? Les voisins ont-ils visité
l’essai ? Certains d’entre eux se sont-ils proposés pour monter des parcelles d’essais
chez eux lors du prochain cycle agricole ? Ou le font-ils déjà, à leur manière ? Sont-ils
en train de copier tout ou partie de la technologie testée ? Ou au contraire leur scep-
ticisme face aux interventions techniques du projet s’est-il renforcé ?
On pourrait décliner à l’infini les questions sur le processus. Cependant, si ces aspects
n’ont pas été pris en compte au cours du suivi du dispositif EMP, il est souvent diffi-
cile d’aller au delà des simples impressions, ce qui réduit d’autant la capitalisation
effective de l’apprentissage des processus.
Quelle doit être la part des supports écrits et audio-visuels ? Quels supports vidéos
faut-il prévoir ? Cet outil de plus en plus répandu et d’un faible coût16 permet d’at-
teindre un large public pas forcément alphabétisé et se prête parfaitement à la resti-
tution des apprentissages sur les processus. Il faut évidemment donner une large
place aux échanges directs, aux restitutions et autres rencontres et communications
orales qui ont le grand intérêt de permettre une rétroalimentation immédiate.
Dans chaque cas, il est impératif de garder en tête le public visé, et d’adapter
soigneusement l’information et la stratégie de communication en fonction du but
recherché. Ainsi, il faut éviter les excès de technicisme dans une présentation pour des
agriculteurs, mais on ne peut oublier de donner les détails sur la méthodologie
lorsqu’on s’adresse à des chercheurs ! On inclut des dessins, photos et témoignages
pour les uns, et des graphiques et tableaux croisés pour les autres. On se reportera
utilement pour cela au chapitre 33.
16 Pour peu que l’on dispose d’une caméra vidéo et qu’on ait pensé à filmer les principales étapes de l’essai.
528
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
529
4 Agriculture générale
PPB Participatory Réseau CGIAR Généticiens et améliorateurs s’alliant avec Un peu partout
Plant Breeding les paysans pour la sélection variétale et
l’amélioration génétique.
FFS Farmer Field School FAO Renforcement des capacités d’observation, Asie du Sud-est
de compréhension et de recherche des
agriculteursà partir de leur formation à la lutte
phytosanitaire intégrée.
PTD Participatory ETC Pays Bas Intervention centrée sur les communautés des Afrique, Asie
Development Technology zones marginales dans laquelle des facilitateurs et Amérique latine
externes aident les agriculteurs à développer des
alternatives agroécologiques à faible niveaux
d’intrants externes.
«Producteur à Producteur » Divers Promoteurs paysans qui suscitent par l’exemple Méso-Amérique, Brésil
l’innovation technologique et souvent
organisationnelle. En règle générale appuyée par
des ONG.
Modèle Agriculteur Coopératives agricoles, Renforcement des capacités d’innovation Amérique latine, Europe
Expérimentateur CGIAR technologique de groupes de paysans en (CETA, GDA, CIVAM)
recherchant une interaction et intégration
étroites entre les différents acteurs.
Cette définition souligne bien que l’EP est un processus formel d’expérimentation,
même si la façon empirique de le conduire masque parfois cette formalisation pour
l’observateur non averti. L’individu ou le groupe a une idée concrète sur le facteur qui
peut être à l’origine de son problème, il invente un dispositif pour trouver des
éléments de solution et vérifie si son idée était valable. C’est donc bien lui qui décide:
« j’ai observé … je me suis rendu compte … je pense que … donc je vais faire ». Ce n’est pas un
événement fortuit qui provoque sa décision. Il ne se laisse pas guider par l’observation
mais engage volontairement et consciemment l’obtention de réponses à son question-
nement.
530
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
19 Dans un groupe, il y a un souvent un paysan qui ne respectera pas le protocole de départ. Que faire ? Le
réprimander ou détecter dans la «déviance» une source d’inspiration ? L’erreur est source de progrès, disait Lao-Tseu !
531
4 Agriculture générale
● Pendant l’échange
Une rencontre fructueuse se déroule en trois étapes. La première, la plus longue, est
celle qui d’emblée, passionne le plus les participants. Les visiteurs écoutent, regardent,
observent, sentent, s’imprègnent des nouveautés techniques qu’ils découvrent. Ils
questionnent et veulent toujours en savoir plus. Ils décortiquent les essais paysans et
s’intéressent à toute innovation mise en place par celui qui les accueille ou à toute tech-
nique qui leur est nouvelle.
La seconde étape est plus difficile à mettre en place. Il s’agit de réserver un moment
en fin de visite pour que les visiteurs analysent, systématisent entre eux leurs obser-
vations, leurs remarques, leurs doutes voire les recommandations qu’ils peuvent for-
muler à leurs hôtes.
Dans la troisième étape, les visiteurs restituent aux accueillants le fruit de leurs com-
mentaires, ce qui donne lieu à un débat entre les deux parties. Cette confrontation
d’idées, de savoirs, de raisonnements se révèle en général particulièrement riche et
utile. Elle touche plus des questions liées aux processus et au moyen terme. Mais elle
est aussi la plus difficile à mettre en route, pour des limitations de temps et de fatigue
des participants. Savoir les bousculer pour arriver à cette troisième étape est souvent
laborieux mais toujours payant.
La richesse et donc l’efficacité de l’échange s’étoffe s’il sort du champ technique pour
entrer dans l’univers culturel. Dans certains échanges, les accueillants font découvrir
leurs plats typiques, leurs répertoires musicaux, leurs contes, danses, leur patrimoine
architectural, touristique ou historique. Les horizons s’ouvrent et s’élargissent.
● Après l’échange
Au retour, le visiteur communique avec sa famille et ses voisins. En l’absence de stra-
tégie de restitution, les choses en restent là.
532
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Mais les visiteurs peuvent aussi organiser des sessions de restitution dans leur village,
leur communauté, leurs groupements ou plus simplement alimenter leurs réseaux
traditionnels de communication : conversations sur la place du village, au marché, etc.
Dans le meilleur des cas, ils intégrent les résultats dans leur plan de travail : idées de
choses à essayer dans les parcelles, formes d’organisation.
● Repères historiques
> 1991 : les autorités du Guatémala choisissent la région administrative de Baja
Verapaz comme terrain d’intervention d’un projet de coopération externe pour
appliquer un programme de recherche-développement qui associe chercheurs et
vulgarisateurs. Le projet finance des sessions traditionnelles de formation de
l’équipe vulgarisateurs-techniciens à l’approche système, ainsi que des activités
d’expérimentation en milieu paysan et de vulgarisation.
533
4 Agriculture générale
> 1992 : les vulgarisateurs formés partent à la recherche de paysans producteurs d’in-
formations technologiques. Paysans et techniciens s’accordent sur le mot agriculteur-
expérimentateur (A/E). Ils organisent des rencontres d’échanges de trois jours regrou-
pant une soixantaine d’A/E. Au préalable, les techniciens ont procédé à un
processus de sélection minutieuse des A/E, ont documenté les tests paysans et ont
aidé les agriculteurs à présenter leurs travaux en public sous une forme où ils se
sentent à l’aise et qui permet néanmoins la comparaison des expériences.
> 1993 : les A/E volontaires se mobilisent dans leur communauté et réalisent leur dia-
gnostic participatif ; à la suite de quoi ils décident de mener individuellement ou en
groupe des essais avec l’appui d’un projet de coopération externe.
● Le cas de Chixolop
Chixolop est une de ces communautés. En 1994, un noyau d’A/E décide de former,
avec l’aide du vulgarisateur du ministère de la zone, un comité de chercheurs paysans
et le baptise Superacion20. Ils sont cinq21 ; leurs fermes varient entre un et deux ha. Le
comité loue une parcelle d’un demi hectare à un tarif relativement modeste dans le
centre du village pour installer leurs essais alors que tous vivent et ont leurs propres
parcelles dans les collines environnantes. C’est leur centre expérimental paysan (CEC).
Suite à leur diagnostic et pour attaquer les problèmes identifiés, ils retiennent un cer-
tain nombre d’essais que le groupe s’estime en mesure de conduire et chacun se porte
responsable d’un thème :
> densité de peuplement de deux variétés de sorgho, Mitlan et ICTA (variétés amé-
liorées produites par la recherche nationale) ;
> détermination de la hauteur de coupe (à la machette) du sorgho en fin de première
saison des pluies pour assurer une bonne repousse et un bon rendement à la fin du
second cycle ;
> comparaison de doses d’urée appliquée au moment de la repousse du sorgho ;
> association Canavalia (Canavalia ensiformis) et sorgho pendant le premier cycle agri-
cole pour favoriser un bonne repousse du sorgho de second cycle : essai sur trois ans ;
> comparaison de cinq variétés d’arachide.
Dans le CEC, chacun des cinq A/E est responsable de la conduite de son essai (une par-
celle de 20 x 5 m), sur un ou même trois ans. Certaines tâches sont assurées
individuellement ou avec l’aide des quatre autres. En outre, chaque A/E cherche
autour de chez lui trois ou quatre collaborateurs pour conduire dans leurs collines le
même type d’expérimentation dans leur propre parcelle. Elle fonctionne comme une
répétition.
Tout l’espace du CEC n’est pas occupé par les parcelles expérimentales paysannes. La
partie restante est prêtée à un chercheur de la station de recherche voisine. Il y ins-
talle un essai de comparaison des densités de peuplement du sorgho Mitlan et de fer-
tilisation azotée, avec un dispositif ad hoc fournissant des données complètes et
détaillées.
20 Dépassement.
21 Dont deux analphabètes.
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Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
22 Lorsque le responsable le décide car il considère ce moment comme particulièrement propice à l’échange.
23 Dans une partie de sa parcelle d’essai « arachide », l’agriculteur avait appliqué une dose élevée de fumier.
535
4 Agriculture générale
Il faut aussi garder à l’esprit les limites inhérentes à ce type de démarche : elles sont
loin de pouvoir tout résoudre. Les faiblesses liées au manque de rigueur et de savoir-
faire, aux possibilités de confusions d’effets et à la difficulté de systématiser les diffé-
rentes dimensions de ces démarches sont autant de pierres d’achoppement auxquelles
peu d’équipes échappent et qui peuvent faire échouer même les meilleures intentions.
Pourtant, chaque jour, de nouvelles expériences et de nouvelles avancées prouvent
que ce ne sont pas là des vices rédhibitoires. La réflexion honnête sur son expérience,
les échanges sans concession entre équipes et projets, et surtout la motivation pour
améliorer chaque fois un peu plus les démarches et les méthodes utilisées sont peut-
être le meilleur antidote contre l’inertie et le manque d’imagination de ceux qui vou-
draient s’en tenir aux routines établies et devant le scepticisme têtu des tenants de
l’orthodoxie scientifique technique ou sociale qu’effraie tout changement radical de
paradigme.
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MERCOIRET M.R., 1994. L’appui aux producteurs ruraux, Ministère de la Coopération/Karthala. 463 p
536
4 2 3 Les associations et les
successions de culture
À partir d’une contribution de C. Fovet-Rabot (CIRAD)
et B. Wybrecht (G RET)
Les systèmes de culture mis en œuvre par les agriculteurs des régions tropicales sont
souvent complexes : successions de plusieurs cultures dans l’année, associations de
plantes dont l’architecture, le cycle et l’utilisation sont très diversifiés… Ce chapitre
donne les définitions essentielles et des indications permettant de réfléchir au choix
des plantes et des techniques dans le cadre de ces systèmes complexes.
LES DÉFINITIONS
Culture pure
On parle de culture pure lorsqu’une seule espèce végétale est cultivée sur une par-
celle. Cette définition est sujette à discussion : selon les auteurs, on considère l’espèce
ou la variété. Certains auteurs se fondent sur la variété : ainsi, une culture de maïs tra-
ditionnelle en Afrique serait une culture associée, parce qu’il s’agit bien souvent d’une
population ou d’un mélange d’écotypes parfois très variés, voire de variétés. Nombre
d’agronomes s’appuient plutôt sur l’espèce, d’autres parlent de production ou de cul-
ture, ce qui demeure ambiguë. Nous en resterons à l’espèce, critère de détermination
assez pertinent pour les systèmes de culture traditionnels en régions tropicales.
Association culturale
Plusieurs espèces occupent la même parcelle, leurs cycles culturaux se chevauchent,
sans pour autant être forcément plantées ou récoltées en même temps. Il y a cepen-
dant simultanéité globale dans le temps et dans l’espace. Les agriculteurs associent
fréquemment des espèces à cycles de développement variés : plantes pérennes, semi-
pérennes (bananier, canne à sucre, manioc, igname…) et annuelles. Elles peuvent être
disposées en étages, avec des plantes hautes et basses : arborescentes, dressées, ram-
pantes…
Les associations culturales peuvent être arrangées de façons diverses dans l’espace :
> de manière intercalée : les différentes espèces sont organisées en lignes ou en bandes
alternées, parfois dans le but de protéger les plantes contre le vent ou le sol contre
le ruissellement et l’érosion hydrique ;
> en mélange : dans ce cas-là il n’y a pas d’arrangement géométrique nettement
observable.
537
4 Agriculture générale
538
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
➤ Figure 1 : Quelques exemples d’arrangements de cultures dans le temps dans la région de Notsé (sud du Togo)
● L’effet précédent
L’effet précédent d’une culture est défini comme la variation d’état du milieu1 entre le
début et la fin d’une culture ou d’une période de jachère, sous l’influence combinée
de la plante et des techniques culturales, l’ensemble étant soumis à l’action du climat.
Comprendre un effet précédent, ce n’est pas établir une relation de type statistique
entre le rendement d’une culture et le rendement de la culture qui l’a précédée. C’est
analyser la modification des paramètres physiques, chimiques et biologiques de la
parcelle sous l’effet d’une culture2.
539
4 Agriculture générale
On ne peut en conséquence définir l’effet précédent d’une espèce végétale : les modi-
fications du milieu induites par une culture de manioc sont autant sinon plus liées à
la façon dont on a cultivé ce manioc qu’au fait qu’il s’agisse de l’espèce manioc.
Par sa définition, l’effet précédent est indépendant de la culture qui suit. Ceci ne veut
pas dire que toutes les cultures vont réagir de la même manière aux états du milieu
liés à la culture précédente, mais qu’il faut pour comprendre les relations précé-
dent/suivant introduire un deuxième concept, celui de sensibilité du suivant.
● La sensibilité du suivant
On la définit comme la réaction de la culture, avec les techniques qui lui sont appli-
quées et sous un climat donné, à l’état initial de la parcelle laissé par le précédent. Cet
effet s’exprime en variation de rendement de la culture à ces états initiaux, variations
strictement dépendantes du climat, des techniques utilisées et de leurs interactions.
Comme pour l’effet précédent, la sensibilité du suivant ne caractérise pas une espèce
végétale mais une culture, c’est-à-dire une espèce ou association d’espèces cultivées
d’une certaine manière. Les techniques utilisées vont en effet modifier en interaction
avec le climat les états du milieu résultant de la culture précédente et donc limiter de
manière plus ou moins importante l’impact de l’effet précédent sur la culture en place.
Comme pour l’effet précédent, l’expression de la sensibilité du suivant dépend en par-
tie du climat. Selon les années, l’effet précédent et la sensibilité du suivant peuvent
donc varier pour une même succession de culture.
Les effets des cultures sur le milieu peuvent être cumulatifs, dans le temps et dans l’es-
pace. Il est donc souvent important de s’intéresser aux effets à moyen et long terme
des successions de culture3 et aux effets de ces successions sur un ensemble de par-
celles concernées.
La figure 2 illustre le type de relation que l’analyse de l’effet précédent et de la sensi-
bilité du suivant cherche à mettre en évidence.
L’analyse des fonctions des jachères en milieu tropical est l’occasion d’illustrer l’intérêt
de ces deux concepts.
● Jachères et fertilité 4
La jachère peut remplir de multiples fonctions dans les régions tropicales. Certaines
n’ont pas de lien direct avec la fertilité du milieu : des parcelles peuvent être laissées
en jachère pour alimenter des troupeaux ou parce qu’elles sont trop fréquemment
visitées par les voleurs pour qu’on continue de les cultiver.
Nous présenterons successivement les différentes fonctions de la jachère en lien avec
l’évolution des états du milieu cultivé. Le plus important à retenir est que dans une
situation précise, la jachère ne remplit pas toutes ces fonctions mais uniquement cer-
taines d’entre elles. Dans chaque situation particulière, il convient donc de mettre en
évidence l’effet précédent de la jachère et la sensibilité des cultures pratiquées après
540
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
jachère par rapport aux transformations du milieu provoquées par l’absence de mise
en culture pendant une certaine durée et les pratiques qui y sont liées : pâturage, feu
de brousse, etc. L’analyse approfondie d’une situation est, en effet, le seul moyen d’al-
ler au-delà des discours généraux et simplificateurs qui ne permettent pas d’aider les
agriculteurs à transformer leurs systèmes de culture.
541
4 Agriculture générale
La dynamique des matières organiques dans le sol et le rôle que joue la macrofaune
du sol (termites et vers de terre) dans cette dynamique sont encore mal connus (cf. le
chapitre 433).
5 Fourniture de nutriments par minéralisation, fixation d’éléments minéraux sur les complexes argilo-humiques, amélio-
ration de la stabilité structurale.
6 Dans les trente premiers centimètres du sol.
542
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
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4 Agriculture générale
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Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
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4 Agriculture générale
C’est pour cette raison qu’on recommande fréquemment de cultiver les caféiers sous
ombrage lorsqu’ils ne sont pas fertilisés mais en pleine lumière lorsqu’on les fertilise
de manière intensive.
L’interception du rayonnement solaire par un étage de végétation élevé modi-
fie plusieurs paramètres climatiques au niveau du sol et des étages inférieurs
de végétation.
Plusieurs facteurs climatiques sont modifiés par les arbres d’ombrage, et ce sont fré-
quemment ces modifications qui sont recherchées :
> modification du vent : des arbres d’ombrage peuvent réduire de manière très impor-
tante les dégâts de vents cycloniques dans des plantations de cacaoyers par exemple ;
> modification de la température : les écarts de température sont plus faibles entre le jour
et la nuit lorsqu’il y a des arbres d’ombrage. Ceci peut limiter les effets négatifs de
températures nocturnes trop basses ou de températures diurnes trop élevées ;
> modification de la demande évaporative : la présence d’arbres d’ombrage augmente
l’humidité de l’air au niveau des cultures. La demande évaporative climatique est
donc plus faible au niveau des plantes cultivées. Les plantes considérées comme des
plantes d’ombre sont en fait souvent des plantes qui ne sont pas capables de
répondre à des demandes évaporatives intenses, même si elles sont correctement
alimentées en eau. En plein soleil, elles grillent parce qu’elles ne sont pas capables
d’évaporer suffisamment. Mais attention ! Cela ne veut pas dire que l’évapotrans-
piration totale du système arbres d’ombrage/plantes cultivées est plus faible que celle
d’un système sans arbre d’ombrage ! Au contraire, l’ensemble a une évapotranspi-
ration maximale plus élevée que celle d’une culture sans ombrage, car les arbres
d’ombrage ont une évapotranspiration maximale élevée.
La modification de ces paramètres climatiques par la végétation d’ombrage modifie
également l’influence des parasites, ravageurs et adventices des cultures. Cela peut
être un effet positif sur la culture (comme la réduction de la pression parasitaire sur
des cacaoyers), mais également un effet négatif (comme le développement de maladies
fongiques sur des bananiers).
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Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
12 Profondeur, porosité.
547
4 Agriculture générale
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4 Agriculture générale
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Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Elle consiste à déterminer pour chaque culture de l’association la surface qui serait
nécessaire pour obtenir la même production en culture pure15 et à calculer le rapport :
surface nécessaire pour obtenir la production en culture associée/surface nécessaire
pour obtenir la même production en culture pure. Ce rapport est aussi égal au
rapport des rendements : rendement en culture associée/rendement en culture pure.
La SER est égale à la somme des rapports pour les différentes cultures de l’association.
Rendement maïs associé: 1500 kg/ha Rendement maïs pur: 2000 kg/ha SER maïs = 1500/2000 = 0,75
Rendement niébé associé: 400 kg/ha Rendement niébé pur: 800 kg/ha SER niébé = 400/800 = 0,50
SER total = SER maïs + SER niébé = 0,75 + 0,50 = 1,25
Cela signifie que pour obtenir avec des cultures pures la même production totale que
celle obtenue en culture associée, il faudrait 25 % de surface en plus.
Le calcul de la SER est donc un moyen de mesurer l’avantage relatif d’une culture
associée par rapport à la culture de ses composants en culture pure.
551
4 Agriculture générale
Les successions et associations culturales pratiquées par les exploitants familiaux des
pays du Sud sont complexes à étudier et à améliorer16. L’intégration dès le départ des
souhaits et des contraintes des agriculteurs est nécessaire pour bâtir un programme
d’intervention pertinent. Le diagnostic agronomique et l’expérimentation en milieu
paysan représentent deux outils de travail privilégiés, car ils permettent d’acquérir les
références locales nécessaires à l’amélioration des pratiques des agriculteurs.
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16 Leur complexité est fréquemment supérieure à celle rencontrée dans les agricultures des pays développés où la moto-
risation a contribué à la simplification des pratiques culturales.
552
4 2 4 Les cultures pérennes et
les systèmes agroforestiers
À partir d’une contribution de B. Taillez (CIRAD)
553
4 Agriculture générale
Pour le palmier à huile, c’est l’inverse : il est beaucoup plus coûteux de créer une plan-
tation sur forêt que de replanter une palmeraie, car il est nécessaire d’abattre inté-
gralement la forêt (le palmier à huile est totalement héliophile). En outre, le proprié-
taire d’une vieille parcelle dispose, en Afrique, d’un capital progressivement constitué
au fil des ans. Il s’agit de la sève contenue dans les stipes. La vente sur pied des vieux
palmiers, d’autant plus chers qu’ils sont plus vieux (plus grands), paie la replantation
de la parcelle, et au-delà.
Caféier robusta carré ou rectangulaire 3,0 x 2,5 2,5 x 2,0 1300 à 2000
Caféier arabica à port haut carré ou rectangulaire 2,5 x 2,5 2,0 x 2,0 1600 à 2500
Caféier arabica à port bas carré ou rectangulaire 2,0 x 1,0 1,0 x 1,0 5000 à 10000
Cacaoyer carré ou rectangulaire 3,0 x 3,0 2,5 x 2,5 1111 à 1600
Hévéa lignes 6à8x2à3 500 à 600
Palmier triangle équilatéral 9,0 143
Cocotier grand ouest africain triangle équilatéral 9,0 143
Cocotier hybride triangle équilatéral 8,5 160
1 Présence d’arbres d’ombrage dans les caféières ou les cacaoyères industrielles par exemple.
2 Développement de plantations dans des zones sub-optimales à marginales.
554
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
Pour le cacao, qui représente de loin le plus important verger de plantes pérennes en
Afrique, les plantations sont rarement pures.
En Asie du Sud-Est et dans le Pacifique les planteurs associent très souvent cocotiers
et cacaoyers. Les cocotiers donnent de l’ombrage aux cacaoyers tout en procurant un
revenu complémentaire au planteur que n’apporterait pas, par exemple, Gliricidia
maculata. Si l’écologie est favorable (bons sols et bonne pluviométrie), aucune modifi-
cation majeure de l’architecture et du développement des deux systèmes racinaires
n’est provoquée par leur interaction physique : ils cohabitent et aucun phénomène
d’allélopathie n’est observé (cf. chapitre 423). En l’absence de déficit hydrique pro-
longé, aucune différence dans la croissance ni dans la consommation en eau n’appa-
raît entre les plantes cultivées en association et les plantes en cultures pures. Par
contre, lorsqu’un stress hydrique se produit, la croissance de la plante dont le système
racinaire est le moins profond est affectée en premier lieu. Le cacaoyer n’est pas la
seule culture associée au cocotier : le caféier, le bananier, l’ananas, le poivrier, le
vanillier, les arbres fruitiers, l’ylang-ylang, le giroflier, le kava (Piper methysticum), sont
fréquemment rencontrés. Ces associations améliorent la rentabilité de la cocoteraie
dans laquelle le cocotier perd parfois son statut de culture principale.
555
4 Agriculture générale
● La notion de génération
Elle fait intervenir deux facteurs :
> la durée de vie productive des individus;
> les conditions d’exploitation du verger.
Pour un individu donné, une période immature et improductive suit la mise en terre
du jeune plant. Elle varie d’une espèce à l’autre et selon que l’individu considéré est
issu d’un peuplement naturel ou appartient à une variété améliorée. L’un des objec-
tifs poursuivis par les sélectionneurs est, en effet, d’améliorer la précocité de l’entrée
en production. Puis intervient une phase de croissance, jusqu’à ce que la plante
atteigne sa pleine maturité, et son potentiel de production maximal. Enfin, après une
période où la plante conserve ce potentiel, intervient la période de sénescence et la
baisse graduelle de sa productivité.
Pour l’exploitant, la décision d’arrêter l’exploitation d’un verger de plantes pérennes
et de mettre ainsi fin à une génération intègre différentes considérations, tant tech-
niques qu’économiques. Toutes concourent à déterminer la rentabilité de cette exploi-
tation, qui est comparée aux différentes opportunités offertes : renouvellement du
verger, avec la même espèce ou avec une autre, utilisation du terrain à des fins non
agricoles. Parfois des considérations de court terme s’imposent à l’exploitant, comme
la nécessité de réaliser son capital pour disposer immédiatement d’importantes liqui-
dités : abattage des palmiers pour la production de vin de palme, des hévéas pour la
vente du bois… Il s’agit toutefois de cas assez rares.
C’est bien la baisse de rentabilité qui entraîne le plus fréquemment la décision de
mettre fin à une génération. Cette baisse peut provenir de plusieurs facteurs : baisse
des rendements, augmentation des charges, baisse de la valeur unitaire du produit.
Mais elle ne suffit pas en soi. Encore faut-il qu’elle se conjugue avec l’espoir de
meilleurs gains à tirer du même terrain. Sinon, comme cela arrive très fréquemment
en Afrique chez les petits planteurs, il y a simplement abandon momentané du verger.
556
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
L’abandon peut parfois être définitif, sans qu’il soit mis délibérément fin à la généra-
tion précédente. C’est le cas des migrations cacaoyères : la vieille cacaoyère devenue
improductive est abandonnée, la forêt reprend ses droits ou plus fréquemment
d’autres exploitants occupent progressivement le terrain pour y pratiquer des cul-
tures vivrières. De nouvelles cacaoyères sont créées au détriment de la forêt sur des
fronts pionniers, par des exploitants plus jeunes… Mais cette pratique est condamnée
à terme par la prise de conscience de la nécessité de protéger les derniers massifs
forestiers. Le changement raisonné de génération restera bientôt la seule issue…
● Le renouvellement du verger
Le changement de génération intervient lorsque les conditions d’exploitation de la
plantation ne sont plus satisfaisantes, et quand l’espoir existe d’améliorer les gains sur
le long terme en procédant à la replantation ou à la diversification du verger.
Ce renouvellement peut être effectué soit individu par individu, soit parcelle par par-
celle.
Le remplacement individu par individu se rencontre aussi bien en plantation indus-
trielle qu’en plantation paysanne, où le renouvellement est souvent l’occasion d’intro-
duire de nouvelles espèces.
Même dans le cas où les espérances de recettes sont voisines pour deux spéculations,
le fait de changer d’espèce au moment de la replantation peut présenter des avan-
tages. Un complexe parasitaire s’installe toujours au cours d’une génération de
plantes pérennes. Procéder à une rotation en brise le cycle. L’hévéa par exemple n’est
pas sensible à la fusariose qui attaque le palmier à huile en Afrique, ni au Ganoderma
qui l’attaque en Asie, tandis que le palmier n’est pas attaqué par le Fomes auquel l’hé-
véa est sensible. Une telle politique de rotation entre palmier et hévéa par exemple
n’est cependant possible que dans des régions où coexistent des unités de traitement
pour chacun des deux produits.
558
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
orangée, greffe d’arabica sur robusta contre les nématodes, clones de cacaoyer
tolérants au vascular streak disease, greffes d’agrumes résistants au phytophtora, à la
tristeza ou aux charançons.
On peut également jouer sur le type de porte-greffe chez les agrumes pour améliorer
leur adaptation à un type de sol (sableux, lourd, calcaire), aux conditions de séche-
resse ou de froid. Il faut pour cela partir d’une grande gamme de porte-greffe lorsque
l’on rencontre simultanément plusieurs situations contraignantes ou des maladies
d’association.
6 Sa multiplication se faisant essentiellement par rejet, on peut à la fois choisir les meilleurs arbres femelles à multiplier et
ajouter des pieds mâles nécessaires, à terme, à la fructification : 1 pour 40 femelles.
559
4 Agriculture générale
> la synchronisation des cycles d’inflorescences : chez le palmier à huile, pendant les pre-
mières années de production, il peut y avoir des cycles longs d’inflorescences
femelles synchrones pour tous les arbres du même âge, ce qui nécessite alors une
pollinisation assistée.
560
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
561
4 Agriculture générale
● L’écimage
Il se pratique parfois chez le caféier, chez l’avocatier dès qu’il dépasse 4 à 5 m de haut,
chez l’ylang-ylang, exceptionnellement chez l’hévéa pour réduire les risques de casse
au vent.
● Le recépage
Le recépage permet une restauration de l’architecture de l’arbre après quelques
années de production :
> pratique courante chez le caféier (tous les cinq à douze ans) qui permet de retarder
considérablement la replantation à condition que les plants soient vigoureux ;
> également chez le théier (0,35 m du sol) suivi de nouvelles tailles de formation ;
> chez l’anacardier après vingt à trente ans.
● L’élagage ou toilettage
Cette technique consiste à couper les palmes sèches ou encore fonctionnelles mais
gênantes pour les opérations de récolte. L’élagage est pratiqué une à deux fois par an,
systématiquement chez le palmier à huile et le palmier dattier9. Il est inutile chez le
cocotier, dont les palmes se détachent spontanément du stipe quand elles sont sèches.
● La pollinisation assistée
Elle est pratiquée lorsqu’il y a insuffisance de pollen dans la parcelle chez les palmiers
à huile et dattier :
> pour le palmier à huile, il peut y avoir dans les premières années de production,
un trop faible nombre d’inflorescences mâles ou d’insectes pollinisateurs, ce qui jus-
tifie une pollinisation manuelle avec visite de chaque arbre deux fois par semaine
compte tenu de la durée d’anthèse des inflorescences femelles (trois à quatre jours) ;
> pour le palmier dattier, dioïque et à pollinisation anémophile, pour atteindre un
taux de nouaison des fleurs supérieur à 60 %, on a également intérêt à pratiquer
cette technique.
9 On élimine également les spathes des inflorescences et les pédoncules des régimes.
562
Les démarches d’amélioration d’un système de culture 4 2
563
4 Agriculture générale
Toutes les cultures pérennes tropicales se prêtent mal à la récolte mécanisée, du fait
de l’architecture des arbres ou de la qualité attendue des fruits. On peut signaler
cependant quelques résultats pour la récolte du café, des agrumes pour la fabrication
de jus (Brésil), et du thé (Sud-Est Asiatique).
564
4 3 Modifier les
itinéraires
techniques
4.3.1 L’amélioration des plantes
et la production de matériel végétal
4.3.2 L’amélioration des propriétés
physiques du sol
4.3.3 La gestion de la fertilité
4.3.4 La gestion de l’eau
4.3.5 La lutte contre les mauvaises herbes
4.3.6 La protection contre les maladies
et les ravageurs
4.3.7 La récolte, le stockage
et la première transformation
4.3.8 La traction animale et la motorisation
4 3 1 L’amélioration des plantes
et la production de matériel
végétal
À partir des contributions de P. Feldmann (CIRAD) et H. Feyt (CIRAD)
567
4 Agriculture générale
1 L’apomixie est un mode de reproduction asexuée produisant des descendants non issus de la fusion de deux gamètes.
Suivant l’origine cellulaire de l’embryon, on distingue la parthénogenèse (à partir d’un gamète seul), l’apogamie (à partir
d’une cellule du sac embryonnaire), l’aposporie (à partie de tissus diploïdes).
2 Comme un taux d’autogamie partiel.
3 Par exemple une plante allogame à multiplication végétative.
568
Modifier les itinéraires techniques 4 3
4 Maladies, ravageurs, mais aussi risque d’invasion par des espèces exotiques, qui a souvent été sous-estimé.
569
4 Agriculture générale
570
Modifier les itinéraires techniques 4 3
7 Linkat : association préférentielle d’allèles gènes dans une partie de génome se recombinant peu.
571
4 Agriculture générale
● La sélection massale
C’est la sélection empirique pratiquée depuis des milliers d’années. Les individus qui
participeront à la génération suivante sont choisis phénotypiquement. On réalise faci-
lement que l’efficacité de cette sélection massale est liée à la corrélation entre phéno-
type et génotype et donc à l’héritabilité des caractères. Si la variance phénotypique est
très supérieure à la variance génotypique, le choix sera sans effet sur le gain génétique
à la génération suivante.
Ce type de sélection est très proche de la sélection naturelle. Il est cependant totale-
ment inefficace si les caractères sélectionnés sont négativement corrélés. C’est donc
une méthode simple mais sommaire, d’autant plus efficace qu’elle s’adresse à des cri-
tères en nombre limité, en corrélation positive et à forte héritabilité.
● La sélection généalogique
Elle consiste, à partir d’un croisement dirigé initial, à observer et sélectionner les indi-
vidus des générations successives obtenues par autofécondation, jusqu’à la fixation
complète en lignée8. Elle est classiquement pratiquée pour la plupart des plantes auto-
games : céréales à paille (blé, riz), oléoprotéagineux (soja, arachide), légumineuses
(haricot, niébé) mais aussi pour l’obtention des lignées parentes d’hybrides. Les choix
aux stades précoces (F2 et F3) posent une réelle difficulté du fait que les génotypes sont
encore très hétérozygotes.
8 Généralement 8 à 10 générations.
572
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Les back-cross
Ce mode de sélection est particulièrement adapté à l’introduction d’un caractère
simple dans une variété d’espèce autogame ou dans une lignée. Il consiste à croiser la
variété à améliorer avec un individu présentant le caractère intéressant, puis à rétro-
croiser pendant plusieurs générations les descendants possédant ce caractère avec
cette variété. À chaque génération, le taux d’homozygotie augmente et le génotype se
rapproche progressivement de celui de la variété d’origine, excepté pour le caractère
introduit. Cette méthode a permis l’obtention de variétés de colza sans acide érucique
ou d’introduire des caractères de résistances simples à des maladies. Le schéma diffère
selon que l’on a affaire à un gène dominant ou récessif.
● La sélection récurrente
La sélection récurrente est un perfectionnement des méthodes classiques de sélection
caractérisé par la succession de cycles comprenant une phase de brassage, favorisant
les recombinaisons, et une phase de fixation et sélection. Elle présente l’avantage
d’améliorer progressivement des populations, en favorisant la mise en place d’arran-
gements alléliques complexes et plus performants, et ainsi d’exploiter au mieux la
variabilité génétique disponible. L’amélioration en parallèle de sous-populations les
unes par rapport aux autres11 permet d’aboutir à la sélection de variétés hybrides :
maïs, sorgho.
Une des faiblesses des lignées réside dans leur homogénéité génétique, entraînant
souvent leur faible homéostasie : la résistance à une race de pathogène, par exemple,
est en général facilement surmontable. Une solution est alors d’utiliser des variétés
composites multilignées12 ou des hybrides quand cela est possible.
573
4 Agriculture générale
● Les polyploïdes
Plus de la moitié des espèces végétales sont polyploïdes, c’est-à-dire qu’elles possèdent
plus de deux copies du stock chromosomique de base (n). Suivant l’origine de la poly-
ploïdie, on distingue l’autopolyploïdie et l’allopolyploïdie (présence de stocks chro-
mosomiques différents). La polyploïdie a des conséquences importantes sur les straté-
gies de sélection car, si elle complique grandement la compréhension du
fonctionnement génétique de la plante, elle est également un outil d’amélioration
variétale : elle permet de rétablir la fertilité induite par une hybridation interspéci-
fique et conduit à des structures génétiques présentant plus d’homéostasie et moins
sensibles à la consanguinité. C’est un facteur clé du succès de certaines plantes par-
thénocarpiques comme le bananier qui est un triploïde. La compréhension de la poly-
ploïdie bénéficie actuellement de progrès rapides grâce au développement des tech-
niques d’hybridation in situ d’ADN.
13 Non maîtrise de la pollinisation, auto-incompatibilités gênant la création des lignées parentales, etc.
574
Modifier les itinéraires techniques 4 3
575
4 Agriculture générale
● La production de plants
576
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Le marcottage
Il consiste à faire raciner de jeunes rameaux avant qu’ils ne soient séparés de leur pied
d’origine. C’est une technique utilisée pour des espèces dont le taux de reprise des
boutures est faible ou nul. Selon les espèces, on procède par couchage17, par buttage18
ou par marcottage aérien 19.
14 Constitution d’un parc à bois pour prélever les boutures, création d’une pépinière.
15 Les boutures à talon et en crossette ne permettent que de faibles taux de multiplication.
16 Extrait de « BRETAUDEAU J., FAURE Y., 1992, Atlas d’arboriculture fruitière, Lavoisier, coll. Tec & Doc, Paris».
17 Espèces à rameaux longs et flexibles.
18 Espèces à rameaux courts et rigides comme le goyavier.
19 Espèces à rameaux longs et rigides ; fixation aérienne d’un milieu d’enracinement : litchi par exemple.
577
4 Agriculture générale
● Le greffage
C’est l’insertion d’une portion de rameau (greffon), issue de la plante à multiplier, sur
un jeune plant (sujet) qui est le porte-greffe.
Après reprise, l’individu possède des qualités liées au greffon et au porte-greffe : la
partie greffée possède les qualités de la variété qui a fourni le greffon et la partie sou-
terraine possède les qualités de vigueur et de fixation au sol déterminées par le choix
du porte-greffe.
La technique réclame :
> une exécution minutieuse avec des outils adaptés (greffoir) ;
> un état végétatif convenable : on greffe en général en période de repos végétatif ;
> des soins particuliers pour assurer la vie du greffon avant soudure ;
> une bonne compatibilité entre sujet et greffon.
578
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Elle consiste à faire affleurer le cambium du sujet et celui du porte-greffe puis à les
rapprocher pour assurer le plus grand contact possible entre les deux. Tant que la
soudure n’est pas assurée, ce contact est opéré artificiellement par exemple par liga-
turage avec du raphia ou une bande adhésive.
L’âge du porte-greffe est indifférent dans le cas des espèces ligneuses. Le greffon doit
par contre être prélevé sur du bois de l’année ou du bois d’un an.
Les méthodes de greffage les plus courantes :
> les greffes par rameau détaché : terminales en fente, en couronne, en incrustation,
anglaise simple ou compliquée (manguier, litchi, ramboutan) ; latérales (de côté
sous écorce) : manguier, anacardier ;
> les greffes par oeil (bourgeon végétatif) : greffes en écusson (hévéa, anacardier,
agrumes) et chip-budding (agrumes) ;
> les greffes par approche (en placage ou en arc-boutant), qui soudent entre elles deux
parties de végétaux non détachées de leur pied d’origine.
579
4 Agriculture générale
Les plaies de greffage doivent être désinfectées, pansées pour les isoler de l’extérieur
(protection sanitaire) et protégées contre le dessèchement avec des mastics à greffer.
Le greffage permet d’exploiter divers types de sol en utilisant différents porte-greffe,
de moduler la vigueur du greffon par l’intermédiaire du sujet et de multiplier facile-
ment des clones d’une variété hétérozygote ou d’un individu mutant. Les plants gref-
fés produisent en général plus rapidement que les plants issus de semis.
Les plants greffés ont cependant une moindre longévité que les plants issus de semis.
La compatibilité sujet-greffon doit être bien vérifiée au préalable. Le greffage est une
technique délicate à maîtriser, dont il faut bien vérifier l’intérêt avant de vouloir la
généraliser.
580
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● La vitroculture
La culture de tissus in vitro permet de propager rapidement des génotypes intéres-
sants. Elle est également un outil précieux pour l’assainissement, la conservation et
l’échange de ressources génétiques en limitant les risques phytosanitaires. Les
méthodes les plus utilisées sont la culture de bourgeon, d’apex ou de méristème, mais
parfois d’autres organes sont employés (feuilles, tiges, racines). La propagation rapide
est généralement obtenue par l’induction de la prolifération des tissus grâce à des sub-
stances de croissance apparentées aux auxines et aux cytokinines.
L’embryogenèse somatique met à profit ce phénomène pour aboutir à une amplifica-
tion considérable des taux de multiplication de certaines espèces. Les techniques de
culture in vitro sont des outils puissants pour la production en masse de plants mais
nécessitent de contrôler les risques de contamination des cultures et d’instabilité inhé-
rents à la méthode. Elles sont largement utilisées aujourd’hui dans certains domaines
comme l’horticulture (où elles sont parfois le seul mode de multiplication commercial
comme chez les Orchidées ou les Anthurium hybrides) mais aussi pour des cultures
industrielles comme la canne à sucre ou le bananier.
20 Les accords TRIPS en font désormais une obligation pour tous les pays membres de l’O MC.
21 Union internationale pour la protection des obtentions végétales.
22 Quarante-cinq pays au 31 juillet 2000.
581
4 Agriculture générale
23 Etant donné la diversité de leurs modes de production et d’utilisation, il n’y a généralement pas de VAT pour les
espèces maraîchères et horticoles.
24 Fédération internationale des semences.
25 International Seed Testing Association.
582
4 3 2 L’amélioration des propriétés
physiques du sol
À partir des contributions de J.L. Chopart (CIRAD) et R. Pirot (CIRAD)
584
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Mais, en dessous d’une certaine quantité de racines, la plante entre en stress hydrique,
même en cas d’apport régulier dans le sol. En cas d’assèchement des couches super-
ficielles, la partie profonde du système racinaire peut assurer seule l’alimentation
hydrique, à condition que la quantité de racines soit suffisante dans la couche mainte-
nue humide, de l’ordre de 50 % de la biomasse totale.
Ceci confirme le rôle fondamental des racines profondes dans l’alimentation hydrique
des cultures de plein champ. Il faut donc tendre vers un système racinaire profond,
avec une répartition homogène des racines.
585
4 Agriculture générale
Commentaires de la figure 1 :
> l’état physique du sol a une influence directe sur l’eau dans le sol (infiltration, stoc-
kage), sur l’enracinement, mais aussi, quoique de façon moins nette, sur les parties
aériennes à travers la levée et les densités de peuplement ;
> l’eau mise à la disposition de la plante ne dépend pas uniquement de facteurs phy-
siques mais aussi des racines ;
> l’alimentation hydrique résulte de la plus ou moins bonne adéquation entre une
offre et une demande en eau. Toutes deux sont sous la dépendance indirecte de fac-
teurs physiques et techniques variés qui peuvent augmenter à la fois l’offre et la
demande ;
> le rôle central des racines dans l’augmentation de l’offre du sol en eau apparaît clai-
rement ;
> l’enracinement dépend de l’état physique du sol mais aussi de son état hydrique et
des parties aériennes ;
> des effets feed back existent : des racines vers l’état physique du sol, entre racines et
parties aériennes, de l’eau consommée vers l’offre et la demande.
Ce schéma peut s’appliquer à tous les facteurs de variation de l’état physique du pro-
fil cultural, qu’ils soient d’origine humaine ou naturels, liés au climat ou biologiques :
vers de terre, termites, racines etc.
L’état physique du sol après la culture devient, en agriculture fixée, l’état initial du
cycle cultural suivant. Pour réaliser l’objectif d’une agriculture durable, il faut que les
facteurs abiotiques et anthropiques, même s’ils ont une action positive à l’échelle d’une
année, ne conduisent pas à une dégradation à long terme de l’état du sol.
L’enracinement joue donc un rôle central dans le processus d’élaboration du rende-
ment des plantes cultivées dans les environnements où le risque hydrique est élevé.
C’est non seulement un élément de diagnostic cultural d’un état du sol mais aussi de
pronostic de l’alimentation hydrique et du comportement du peuplement végétal.
586
Modifier les itinéraires techniques 4 3
➤ Figure 2 : Dynamique des systèmes racinaires de quelques cultures : arachide, mil, sorgho
et riz pluvial au Sénégal ; maïs en Côte d’Ivoire. Extrait de Chopart (1999).
587
4 Agriculture générale
588
Modifier les itinéraires techniques 4 3
LE PROFIL CULTURAL
La mesure de la longueur et de la biomasse racinaire restent des outils de chercheurs.
Pour apprécier l’état du système racinaire et l’effet des outils utilisés par l’agriculteur,
on utilise une méthode facile à mettre en œuvre et accessible à tous, techniciens
comme agriculteurs, celle du profil cultural2, qui constitue un véritable outil de dia-
gnostic rapide de terrain. Toutefois, cette méthode ne produit pas ou difficilement de
données quantitatives.
Cette méthode, utilisée aux moments opportuns en cours de culture, permet de se
rendre compte de l’état physique du sol et d’orienter ou de modifier les actions cul-
turales.
Pour réaliser un profil cultural, on dégage un profil de sol perpendiculairement au
travail du sol principal et aux lignes de semis. Le but est de mettre en évidence les
caractéristiques des diverses couches constituant le terrain, d’examiner la façon dont
elles sont exploitées par les racines et d’évaluer dans la mesure du possible les causes
de leur différenciation. Le profil cultural est défini comme l’ensemble constitué par la
succession des couches de terre, individualisées par des instruments de culture, les
racines des végétaux et les facteurs naturels réagissant à ces actions3.
2 Hénin et al.,1969.
3 On différencie le profil pédologique qui décrit le sol modelé par le climat et la végétation naturelle s’exerçant sur la
roche mère et le profil cultural qui cherche à mettre en évidence dans un sol cultivé, remanié par l’homme, les effets des
techniques culturales et le comportement des racines des cultures.
4 Cf. chapitre 413.
589
4 Agriculture générale
La structure
Les éléments texturaux sont assemblés entre eux. Les agrégats ainsi formés sont plus ou moins fra-
giles. On définit la structure par le mode d’assemblage des constituants du sol à un moment donné.
C’est donc un état qui peut évoluer dans le temps sous l’effet de facteurs externes divers. Les formes
de structure sont très variées. On a essayé cependant de simplifier l’observation en définissant la
taille et la forme des éléments structuraux.
La taille est dite petite pour des dimensions de l’ordre du millimètre, moyenne pour des dimensions de
l’ordre du centimètre et de grande taille pour celle de l’ordre du décimètre.
Pour la forme, deux groupes sont ainsi définis :
– les structures continues, particulaires (les constituants solides sont entassés sans liaison et le sol
est sans cohérence) ou massives (le sol forme un bloc unique) ;
– les structures fragmentaires, qui constituent le plus fréquemment les sols cultivés. Les constituants,
assemblés en agrégats, sont groupés en éléments structuraux d’aspect anguleux ou sphérique, qui se
détachent facilement les uns des autres.
Parmi toutes ces formes, c’est la structure fragmentaire à agrégats arrondis, aussi appelée structure
grumeleuse, qui est la plus favorable. Cette structure a en effet l’avantage de faciliter la circulation de
l’eau, d’assurer une bonne aération, de faciliter le travail du sol et de permettre une bonne installation
et un bon développement des cultures.
La structure est un état plus ou moins fragile. Le degré de fragilité se mesure par la stabilité structu-
rale qu’on peut définir par la solidité de l’état structural, c’est-à-dire sa résistance aux agents de
dégradation : impact des gouttes d’eau, excès d’eau, tassement en période humide, effet de choc des
outils en sol sec. Les matières organiques, les hydroxydes, les cations bi ou trivalents sur le complexe
adsorbant (Ca++, Mg++, Al+++) consolident les agrégats.
L’amélioration des propriétés physiques du solfacilite l’implantation de la culture et son bon dévelop-
pement. La texture et l’humidité influent sur la facilité à travailler le sol. Elles agissent sur deux pro-
priétés qui sont la cohésion et l’adhésivité :
– la cohésion correspond à la capacité qu’ont les particules de rester associées les unes aux autres.
Elle est généralement fonction de la teneur en argile ;
– l’adhésivité est l’aptitude que présente la terre de coller aux pièces travaillantes. Elle augmente
avec le taux d’humidité dans des conditions normales de travail (en excès d’eau, la terre est moins
collante mais les conditions de travail sont alors anormales).
590
Modifier les itinéraires techniques 4 3
591
4 Agriculture générale
● L’action du gel
Elle varie en fonction de l’état d’humidité du sol et de son état de division tant au
moment du gel qu’au moment du dégel. Le gel n’améliore la structure des sols com-
pacts que si un bon drainage et une structure en grosses mottes limitent les remontées
d’eau lors du gel et assurent son écoulement rapide au dégel.
592
Modifier les itinéraires techniques 4 3
593
4 Agriculture générale
Effet Définition
594
Modifier les itinéraires techniques 4 3
595
4 Agriculture générale
> le cisaillement, produit par des pièces mobiles les unes par rapport aux autres, est
très efficace pour émietter les mottes grosses ou dures avec des herses rotatives et
alternatives ;
> le choc des mottes entre elles, contre les pièces travaillantes ou les parties fixes de
l’appareil, caractérise tous les outils à dents et ceux munis de carters ou de grilles ;
> le frottement des mottes entre elles ou contre les pièces travaillantes réduit leur
dimension et crée de la terre fine avec tous les outils ;
> l’écrasement par des rouleaux et pneumatiques réduit également la dimension des
mottes ;
> le déplacement latéral par les outils à dents sépare en surface la terre fine des
mottes ;
> le déplacement vertical remonte les mottes sur la terre fine et caractérise les herses,
cultivateurs et vibroculteurs ;
> la projection réalisée par les cultivateurs rotatifs remonte également les mottes à la
surface ;
> le retournement en bloc du profil caractérise enfin les charrues.
● Les décompacteurs
Les décompacteurs sont utilisés pour ameublir des horizons compactés, correspon-
dant soit à la couche arable (pseudo-labour), soit à une couche de 10 cm sous le labour
(décompactage).
La profondeur de travail varie ainsi de 35 à 60 cm en fonction de l’équipement
utilisé :
> décompacteur léger, dégagement sous bâti entre 60 et 75 cm (pseudo labour) ;
> décompacteur lourd, dégagement sous bâti entre 75 et 110 cm (décompactage).
L’éclatement ne se produit que si le sol est à une consistance friable ou dure. Il est
d’autant plus important que la dent et surtout le soc sont larges. Les dents de forme
oblique ne bouleversent pas la surface du sol, ce qui permet de réaliser un semis direc-
tement après leur passage. Les dents des décompacteurs animés vibrent dans le sol, ce
qui augmente l’éclatement.
Pour des sols moyens, avec un décompacteur de 3 corps, on estime qu’il faut pour le
pseudo-labour, 0,8 h/ha pour un tracteur de 130 ch consommant 15 l/ha et pour le
décompactage un temps identique avec un tracteur de 140 ch consommant 20 l/ha.
En traction animale, on utilise le terme improprement compte-tenu de la profondeur
travaillée : 10-15cm. Cependant les outils utilisés ont la même action que les décom-
pacteurs.
596
Modifier les itinéraires techniques 4 3
L’outil de base est le coutrier, qui a fait l’objet de nombreuses copies dans les pays où il
est construit par les artisans locaux. Son utilisation en conditions sèches provoque un
éclatement du sol favorisant l’infiltration de l’eau et limitant les risques d’érosion
éolienne.
● Les charrues
Les charrues ameublissent, enfouissent et mélangent. Ce sont des outils complexes
par leur mode d’action, leurs réglages et les nombreux équipements complémentaires
qui influent sur le travail réalisé.
● Les charrues à socs
C’est un équipement très commun, dont les pièces travaillantes sont le soc qui
découpe le sol et le versoir qui retourne le ruban découpé. Elles sont reliées au bâti ou
âge par un étançon. Pour bien enfouir les débris végétaux, on utilise une rasette qui
positionne en fond de raie la matière organique présente sur la surface interne de la
bande labourée. On trouve différents types de versoirs et une variété importante
d’équipements complémentaires : coutres, socs, rasettes, sécurités, talons.
Il existe des charrues réversibles avec lesquelles ont réalise des labours à plat et des
charrues simples avec lesquelles on réalise des labours en planche. Dans ce dernier
cas, le travail est réalisé soit en adossant, soir en refendant.
Pour une terre moyenne, avec une charrue trisoc, on estime qu’il faut 1,8 h/ha pour
un tracteur de 90 ch consommant 28 l/ha.
En traction animale, la charrue à soc est un outil assez répandu dans les zones où l’en-
herbement est un problème au moment de la mise en place des cultures : c’est la fonc-
tion nettoyage qui est alors prépondérante. Les charrues utilisées sont généralement
des charrues simples, moins chères à l’achat. Elles sont tirées par une paire de bœufs
ou plusieurs chevaux (en Afrique du Sud par exemple). Longtemps importées ou
fournies par des entreprises industrielles locales, elles sont aujourd’hui fréquemment
construites par les artisans locaux. On trouve également des éléments de charrue
adaptables sur les multiculteurs 8.
8 Les multiculteurs sont des outils polyvalents composés d’un bâti sur lequel peuvent se monter des éléments de reprises
(cultivateur), des éléments de sarclage, souvent un corps buteur et quelquefois un corps de charrue. Il en existe pour tous
les type de traction animale : traction asine, équine et bovine.
597
4 Agriculture générale
598
Modifier les itinéraires techniques 4 3
599
4 Agriculture générale
● Les vibroculteurs
Ce sont des outils équipés de dents à ressorts qui sont bien adaptés à la reprise super-
ficielle ou la préparation du lit de semence. Ils sont souvent équipés d’un rouleau
arrière qui rappuie sur le sol et contrôle la profondeur. Pour un sol moyen avec un
vibroculteur de 5 m de large, comportant 4 rangs de dents, on estime qu’il faut 0,3
h/ha avec un tracteur de 120 ch consommant 7 l/ha.
● Les herses
Outils très classiques dont l’action est de trier les mottes de la terre fine, elles sont sur-
tout utilisées pour la préparation du lit de semence. En motorisation, pour un sol
moyen avec herse de 5 m de large, on estime qu’il faut 0,5 h/ha avec un tracteur de
100 ch consommant 7 l/ha. En traction animale, on trouve quelquefois des herses qui
servent à préparer le lit de semence quand il n’y a pas eu d’herbe enfouie au labour.
● Les rouleaux
Ce sont des équipements utilisés pour réduire la porosité du sol. Certains10 prolon-
gent l’action des outils de préparation en émiettant la couche superficielle. En traction
animale, les rouleaux sont peu utilisés en système traditionnel. En itinéraire de semis
direct, le rouleau couteaux est employé pour détruite la couverture vivante avant le
semis.
Bibliographie
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SOLTNER D. 1995. Les bases de la production végétales (tomes I et II). Edition Sciences et techniques
agricoles, Sainte-Gemme-sur-Loire, France.
10 Croskill.
600
4 3 3 La gestion de la fertilité
À partir des contributions de P. Dugué (C IRAD) et J. Gigou (CIRAD)
601
4 Agriculture générale
d’apparaître par l’apport précoce de cet élément. On distingue, les carences absolues
ou primaires quand l’élément manque dans le sol, des carences induites ou carences
conditionnées, quand l’élément existe en abondance mais ne peut être absorbé parce
qu’il est insoluble. C’est souvent une question de pH. Dans ce cas, il ne suffit pas d’ap-
porter l’élément pour qu’il soit assimilé, car il peut être bloqué rapidement dans le sol.
La toxicité apparaît quand l’élément est trop abondant ou trop soluble, soit que les
plantes l’absorbent en trop grande quantité, soit que sa présence dans la rhizosphère
empêche l’absorption d’autres éléments. Ainsi le bronzing du riz inondé est dû à l’ex-
cès de fer ferreux ; la toxicité aluminique est due à la solubilité de l’aluminium à pH
acide ; l’excès de sel empêche la croissance des plantes.
On combat la toxicité soit en supprimant la cause1, soit en cultivant des variétés ou des
espèces adaptées, qui s’accommodent de ces contraintes.
Les carences, les toxicités ou simplement les déséquilibres entre éléments minéraux,
sont souvent accompagnés de maladies de faiblesses des plantes.
1En oxydant le fer ferreux en ferrique, moins soluble ; en chaulant pour augmenter le pH jusqu’à 5,5 et faire passer
l’aluminium sous des formes chimiques moins assimilables ; en lessivant les sels solubles par le drainage hors de la zone
racinaire.
602
Modifier les itinéraires techniques 4 3
603
4 Agriculture générale
● L’azote
Dans la biosphère, l’azote s’échange entre des compartiments très inégaux (cf. figure
2). C’est l’azote gazeux N2 de l’atmosphère qui joue le rôle de réserve. Une toute petite
partie est utilisée par les êtres vivants. Le sol contient environ 1 ‰ d’azote dans les
horizons de surface, soit 3 t/ha dans les 20 premiers centimètres. Certains micro-orga-
nismes peuvent utiliser l’azote de l’air et le transformer en azote organique, par la fixa-
tion biologique de l’azote. Tous les autres êtres vivants utilisent l’azote combiné. Les
plantes absorbent l’azote présent dans la solution du sol sous forme minérale2, en
quantités variables selon les saisons.
Toute la réserve d’azote du sol est sous forme organique : elle est lentement minérali-
sée sous forme d’ammoniaque puis de nitrate si les conditions sont favorables à la
nitrification. En rizière, les conditions sont réductrices et l’azote reste sous la forme
ammoniacale : il n’est pas nitrifié. Heureusement, le riz irrigué est capable d’utiliser
l’azote ammoniacal. Dans les sols exondés très acides la nitrification peut être égale-
ment déficiente et les plantes nitrophiles (maïs, blé, orge…) peuvent souffrir d’un
excès d’ammonium.
L’azote ammoniacal est retenu sur le complexe adsorbant du sol et n’est pas entraîné
par les eaux de percolation. Il peut par contre se volatiliser sous forme de gaz ammo-
niac, NH3, à partir de la surface du sol si le pH est basique. Cela peut se produire avec
de l’urée ou des lisiers apportés en surface sur un sol sableux acide car l’hydrolyse de
l’urée produit de l’ammoniaque, basique, qui augmente localement et temporaire-
ment le pH. L’enfouissement des engrais ammoniacaux limite beaucoup les risques de
volatilisation.
Les nitrates ne sont pas retenus par le sol : ils peuvent être entraînés par l’eau qui ruis-
selle ou qui draine vers les nappes phréatiques, et devenir polluants. En cas d’engor-
gement du sol, les nitrates peuvent être dénitrifiés en N2 et en gaz à effet de serre
NOx. Ce phénomène se produit en particulier lors de la mise en eau des rizières, mais
il peut se produire aussi dans des sols exondés lors d’épisodes temporaires d’anoxie
liés à la décomposition de matières organiques enfouies3 en saison pluvieuse.
Les engrais azotés, qu’ils soient sous forme nitrique ou ammoniacale, sont intégrés
dans les cycles d’organisation/minéralisation de l’azote du sol. Seule une petite partie
de l’azote des engrais est directement absorbée par la plante.
2 Nitrique ou ammoniacale.
3 Pseudo-troncs de bananiers, verts d’ananas ou de cannes, engrais verts.
604
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Même dans les cultures fortement fertilisées, une partie importante de l’azote absorbé
par les plantes provient de la minéralisation de l’azote organique du sol.
Les animaux ont besoin d’azote, notamment pour la synthèse de leurs protéines. Mais
ils éliminent une grande partie de l’azote contenu dans leur alimentation, sous forme
de fécès solides et liquides affectés par des pertes par volatilisation de NH3.
Dans les terres cultivées depuis longtemps et régulièrement fertilisées, c’est souvent
l’azote qui est le principal facteur limitant la croissance des cultures ; la production
dépend alors directement des apports d’azote sous forme d’engrais minéral ou orga-
nique.
● Le phosphore
Il y a plusieurs tonnes de phosphore dans le premier mètre de sol, mais seulement
quelques centaines de grammes sont en solution et peuvent être absorbées par les
racines. La partie en solution est renouvelée en permanence à partir des autres formes
minérales et organiques.
605
4 Agriculture générale
Les apports d’engrais ont pour objectif de maintenir un stock de phosphate dans cette
forme assimilable, suffisant pour les besoins de la culture. Dans les sols à fort pouvoir
fixateur du phosphore, une partie importante de l’engrais devient rapidement inuti-
lisable pour les plantes.
Deux techniques de fertilisation sont alors possibles. On peut apporter une fumure de
correction, par exemple une forte dose de phosphate naturel peu soluble en sol acide
pour saturer le pouvoir fixateur du sol, si bien que les apports ultérieurs de phosphate
seront bien utilisés. Ou bien localiser des doses modestes de phosphate soluble, dans
une petite zone du sol où croissent les racines : la dose dans la zone d’apport est très
forte, si bien qu’une partie importante du phosphate apporté reste utilisable par les
plantes, le temps de la culture.
La carence en phosphore est fréquente, en particulier dans les systèmes de culture en
cours d’intensification. L’effet du phosphore sur les rendements des plantes annuelles
est très important si les autres facteurs clés de la production4 sont favorables. En géné-
ral, en Afrique de l’Ouest, dans les sols sablo-argileux à faible pouvoir fixateur, la
carence est corrigée en quelques années par des apports réguliers d’engrais à des
doses modestes.
Différentes méthodes de laboratoire permettent d’apprécier le phosphore assimilable.
Dans les sols acides, la méthode Bray et la méthode Olsen sont les plus employées.
D’autres méthodes sont adaptées aux sols basiques. Un résultat d’analyse de phos-
phore assimilable ne peut être interprété que si l’on indique la méthode employée.
● Le potassium
Les sels de potassium sont très solubles. Mais les ions K+ sont adsorbés sur le complexe
d’échange du sol, d’où ils peuvent facilement s’échanger pour maintenir à peu près
constante la concentration de la solution du sol, à partir de laquelle les plantes se
nourrissent.
Il existe d’autres formes de potassium qui sont en équilibre sur le long terme avec le
potassium échangeable. Aussi, quand on épuise le sol par une culture sans engrais potas-
sique, le sol peut fournir des quantités importantes avant que la carence n’apparaisse.
L’analyse du potassium échangeable est utilisée pour apprécier la richesse du sol. Pour
des cultures peu intensives, dans les sols sableux, il faut au moins 0,1 centiéquiva-
lents/kg de K échangeable. Dans les sols ayant une capacité d’échange cationique plus
élevée, il faut que le potassium échangeable représente au moins 2 % de la somme des
bases échangeables. En outre, certaines cultures sont sensibles à un bon équilibre entre
K et Mg. Les cultures très intensives sont beaucoup plus exigeantes en potassium. Par
exemple, le riz irrigué peut fournir plusieurs années des rendements satisfaisants de
3 ou 4 t/ha sans apport d’engrais potassique en particulier si les pailles sont recyclées
: les réserves du sol et les apports par l’eau d’irrigation suffisent pour l’alimenter. Mais
pour que le riz fournisse de hauts rendements, plus de 6 t/ha, il a très généralement
besoin d’engrais potassique.
606
Modifier les itinéraires techniques 4 3
607
4 Agriculture générale
Les oligo-éléments
On peut noter :
– la nécessité du chlore, en quantité importante, au palmier à huile et au cocotier ;
– la fréquence de la carence en zinc dans de nombreuses régions tropicales ;
– la carence en cuivre dans les sols riches en matière organique ;
– la carence en bore sur certaines plantes sensibles : cotonnier ou palmier à huile ;
– la carence en molybdène dans les sols acides, notamment pour les légumineuses.
Les carences en oligo-éléments sont fréquentes dans les sols basiques (sauf le molybdène).
Mais l’excès de minéraux disponibles peut être perdu par le drainage, par l’érosion et
le ruissellement, et surtout par le passage des éléments assimilables sous une forme
non assimilable.
Sous jachère, il y a accumulation des éléments minéraux dans la matière végétale. Les
éléments entraînés en profondeur sous culture sont remontés par les racines pro-
fondes. La jachère filtre l’eau qui ruisselle et retient les sédiments provenant des
champs voisins. Et surtout, la végétation pérenne mobilise lentement les minéraux
bloqués sous des formes peu assimilables : comme tous les éléments assimilables sont
absorbés par la végétation, les échanges avec les formes non assimilables se font uni-
quement dans le sens de la libération des éléments. Ces échanges sont lents, mais ils
permettent de puiser dans un stock très important d’éléments non assimilables. La
jachère accumule l’azote provenant de la fixation biologique.
La plupart des sols ont des réserves de minéraux incomplètement altérés en profon-
deur, qui libèrent des éléments minéraux dans des zones accessibles aux racines des
arbres. Cela permet d’enrichir lentement le sol sous jachère et notamment de recons-
tituer les réserves de terres fortement dégradées par des usages abusifs. Certains sols
très altérés n’ont pas de réserves accessibles en profondeur5 : ils sont alors très fragiles
et ne se reconstituent pas quand ils ont été dégradés.
Tableau 1. Exemple de contenu minéral des végétaux. Ordre de grandeur des teneurs par rapport à la matière sèche
(d’après Bertrand et Gigou, 2000)
Elément Teneur
609
4 Agriculture générale
610
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Le modèle de Hénin-Dupuis
Pour décrire l’équilibre dynamique de la matière organique et son renouvellement dans le sol, l’utili-
sation de modèles mathématiques semble tout indiqué. Le modèle de Hénin-Dupuisa été proposé dès
1945 et il est encore souvent utilisé. Il a l’avantage d’être très simple puisqu’il considère seulement
deux fractions de matières organiques :
– l’humus stable (H) qui se minéralise lentement ;
– la matière organique fraîche (A) qui se décompose en laissant un peu d’humus stable.
Chaque année, la minéralisation est : Hm = k2 x H
et la formation d’humus, l’humification : Hf = k1 x A
où k1 le coefficient d’humification, k2 le coefficient de minéralisation.
À l’équilibre, dans des sols non affectés par l’érosion, il se forme autant d’humus qu’il s’en détruit :
k1 x A= k2 x H ; d’où A=H x k2/k1.
En connaissant ces coefficients et la quantité A de matière organique apportée chaque année on peut
prévoir l’évolution du stock de matières organiques du sol.
Des modèles plus complexes que celui de Hénin-Dupuis, tenant compte de plusieurs
compartiments9, permettent de simuler plus finement la réalité des essais de longue
durée. Mais ils ont l’inconvénient d’introduire de nombreux paramètres qu’il n’est pas
toujours facile d’estimer.
9 La biomasse microbienne, la matière organique inerte qui ne se minéralise que très lentement, etc.
611
4 Agriculture générale
Cette action est importante pour les sols tropicaux qui n’ont pas d’argile gonflante.
Elle participe ainsi au maintien de sols aérés et perméables. La présence de matière
organique favorise la stabilité structurale, les résidus en surface maintiennent une
bonne porosité et favorisent l’infiltration de l’eau. Les sols riches en matière organique
sont souvent bien structurés et peu sensibles à l’érosion.
La matière organique favorise la rétention de l’eau, par son pouvoir d’absorption de
l’eau qui est très élevé, mais plus encore par le maintien d’une bonne structure et par
son action favorable sur l’infiltration de l’eau. La matière organique favorise un bon
enracinement des cultures, ce qui contribue encore plus à une bonne alimentation des
plantes en eau et en éléments minéraux.
Enfin, un peu de matière organique est nécessaire pour alimenter les micro-orga-
nismes et maintenir toutes les espèces, par exemple les rhizobium, quand il n’y a pas
de cultures de légumineuses.
Globalement, la matière organique contribue à la stabilité des conditions physiques,
chimiques et biologiques du sol. Les cultures sur des sols bien pourvus en matières
organiques résistent mieux aux variations climatiques aléatoires et donnent des ren-
dements plus stables.
612
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Une teneur suffisante en matière organique est donc un élément favorable, qui per-
met de profiter de la fourniture d’éléments minéraux gratuits et de conditions de sol
plus favorables, et permet finalement une meilleure efficacité des intrants. Mais quand
les teneurs diminuent, avec un peu plus d’engrais et en ajustant les techniques de cul-
ture, on peut habituellement continuer à cultiver sans difficultés majeures et avec des
rendements satisfaisants.
613
4 Agriculture générale
● Le fumier
Le fumier est le produit de la fermentation d’un mélange de pailles plus ou moins pié-
tinées et de déjections animales, qui permet un recyclage efficace des éléments miné-
raux plus concentrés et plus assimilables que dans les résidus de départ.
Dans les pays tropicaux, il existe des fumiers de toutes les qualités possibles depuis un
mélange de terre avec un peu de matière organique jusqu’à de très bons fumiers. Le
fumier le plus courant en Afrique, appelé poudrette de parc, est récolté dans les parcs où
les animaux sont gardés la nuit, sans apport de paille. C’est un mélange de terre et de
fèces non fermentés. Il contient moins de 50 % de matière organique et sa composi-
tion est variable suivant la proportion de terre. Il contient souvent beaucoup de
graines d’adventices viables. Les quantités produites dépendent du temps de séjour
des animaux dans le parc. Un bovin de 250 kg (unité de bétail tropical – UBT)
consomme chaque année environ 2,5 tonnes de matière sèche de fourrage dont un
peu moins de la moitié est rejeté sous forme de bouses, parmi lesquelles 200 à 300 kg
arrivent dans le parc de nuit. Mélangées à la terre, la production est ainsi 500 à 600kg
de poudrette par UBT et par an.
Mali Sénégal
Moyenne Mini-maxi Moyenne Mini-maxi
614
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Le fumier a un coût important : le transport des pailles vers l’étable, puis du fumier
vers le champ. Il ne peut être produit en quantité importante que si l’on a en même
temps des animaux, des pailles, des moyens de transport et de la main-d’œuvre. C’est
pourquoi, malgré toutes les qualités du fumier, son usage est loin d’être général dans
les pays tropicaux.
Les élevages intensifs de volailles, de porcs et les unités d’embouche de bovins four-
nissent des résidus qui peuvent poser des problèmes de pollution dans les zones péri-
urbaines. Leur recyclage, à doses raisonnables, dans des terres agricoles est une bonne
solution.
● Le compost
La fabrication de compost, à partir de tiges et avec très peu de déjections animales, a
souvent été proposée pour obtenir une sorte de fumier artificiel. Le compost a un effet
favorable sur la fertilité du sol, mais il est coûteux en transport, en manipulations, si
bien qu’il n’est couramment utilisé que dans des cas spéciaux comme les pépinières, le
maraîchage, etc. On peut aussi composter les tiges directement au champ, sous la
pluie naturelle, pour réduire les transports et les manipulations.
Les ordures ménagères sont formées des résidus de la préparation des repas, des
cendres, des balayures, des déjections des volailles et autres animaux qui vivent dans
la cour et parfois de débris organiques provenant des toits de chaumes ou des clôtures.
Elles restent souvent à proximité des habitations, dans les zones qui servent aux cul-
tures de cases. Leur compostage et leur épandage dans les champs améliorent l’hy-
giène. Parfois elles sont riches en cendres et forment un véritable amendement
basique, très efficace dans les sols acides.
10 Roches simplement broyées : phosphate naturel, sulfate double de potassium et de magnésium, etc.
11 Phosphates solubles, etc.
12 Les engrais azotés.
13 Sulfate d’ammoniaque, etc.
615
4 Agriculture générale
Les unités
Elles sont traditionnelles. Elles correspondaient à l’usage des chimistes au début du XXe siècle, quand
le commerce des engrais s’est développé :
N : pour l’azote. On utilise directement les kilos de l’élément azote, exprimé en kg N/ha ou en kg N par
100 kg d’engrais ;
P2O5 : pour le phosphore. P2O5 est l’anhydride phosphorique qui n’existe pas dans la nature, ni dans
les sols ni dans les plantes ;
K2O, appelé « potasse » pour le potassium. K2O est l’oxyde de potassium, qui réagit avec l’eau pour
donner la potasse KOH. L’usage est identique pour CaO et MgO.
Les Anglais utilisent habituellement le poids de l’élément lui-même et non les unités
traditionnelles. Pour le soufre et les oligo-éléments, l’usage hésite entre l’élément
minéral lui-même ou les oxydes.
Elément N P K Ca Mg
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Modifier les itinéraires techniques 4 3
617
4 Agriculture générale
Les engrais sont fabriqués en traitant le phosphate naturel pour qu’il devienne plus
soluble. On distingue les engrais phosphatés suivant leur solubilité :
Les engrais phosphatés insolubles
Les phosphates naturels moulus sont utilisés dans les sols acides où ils se solubilisent len-
tement. Ils sont parfois vendus sous le nom d’hyperphosphate. Leur composition se rap-
proche d’un phosphate tricalcique. Leur solubilisation dans le sol est très variable sui-
vant leur composition et donc leur origine. Ils ont l’avantage d’apporter beaucoup de
calcium ;
Les engrais phosphatés hyposolubles
Ils sont insolubles dans l’eau mais solubles dans les acides organiques. Le phospal
est du phosphate alumino-calcique de Thiès calciné et broyé. La cuisson permet de
désorganiser la maille du minéral et de le rendre plus soluble. Différents phosphates
tricalciques fondus sont proposés pour la fertilisation des terres ou pour l’alimentation
animale14.
Les engrais phosphatés solubles
Les plus employés sont :
> le superphosphate simple (SSP), obtenu par l’attaque du phosphate naturel par l’acide
sulfurique. Il est peu concentré en phosphore mais il contient du calcium et du
soufre. Il est donc particulièrement bien adapté aux cultures qui ont besoin de Ca,
P et S, comme l’arachide ;
> le super triple (TSP), obtenu en attaquant le phosphate naturel par l’acide phospho-
rique. Il est plus concentré en phosphore, moins riche en calcium et ne contient
presque pas de soufre ;
> les phosphates d’ammoniaque, produits par réaction de l’ammoniaque sur l’acide phos-
phorique, sont des engrais très concentrés. Le phosphate diammonique est souvent
utilisé pour la fabrication d’engrais composés ;
> le nitro-phosphate, produit par l’attaque du phosphate naturel par l’acide nitrique. Le
produit obtenu n’est jamais totalement soluble. Le pourcentage de phosphate
soluble est une caractéristique importante de ce type d’engrais. Il peut atteindre
60 à 80 %.
> les phosphates partiellement acidulés, variantes des superphosphates dans lesquels la
quantité d’acide (sulfurique, phosphorique ou mélange) apportée est insuffisante
pour décomposer tout le phosphate tricalcique, par exemple 25 ou 50 % de la
quantité d’acide nécessaire pour faire du superphosphate. Le produit obtenu
contient du phosphate soluble et du phosphate tricalcique insoluble. Ce type d’en-
grais permet d’utiliser des minerais qui ne conviennent pas pour la fabrication de
TSP.
> les phosphates condensés ou polyphosphates d’ammoniaque, très concentrés, mais peu uti-
lisés : engrais liquides, etc.
618
Modifier les itinéraires techniques 4 3
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4 Agriculture générale
15 Dolomie, etc.
16 Sulfate de magnésium, sulfate double de potassium et de magnésium, etc.
620
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Le zinc
Il est apporté sous forme de sulfate ou d’autres sels, avec les engrais. Les apports
foliaires de sel dilués ou de chélates sont possibles.
Le chlore
Il est nécessaire en grande quantité pour le palmier et le cocotier. Le chlorure de
potassium en apporte beaucoup. En général, le chlore est surabondant dans les
engrais par rapport aux besoins des plantes et il est gênant pour le tabac et les cultures
maraîchères.
Le fer
Les apports de fer sont nécessaires sur des sols basiques, où il est insoluble. On utilise
soit du sulfate de fer, pas très cher mais insoluble à pH basique, soit des chélates qui
peuvent être utilisables en apports foliaires seulement (EDTA) ou bien aussi dans le sol
(EDDHMA).
Le manganèse
Il est ajouté, sous forme de sulfate ou d’autres sels ou d’oxyde, aux engrais acides ou
acidifiants : super simple, engrais ammoniacaux, etc. Pour les apports foliaires, on
peut employer le sulfate ou des chélates.
La silice
La silice est habituellement apportée sous forme de silicate de calcium.
Le molybdène
Il est appliqué sous forme de molybdates de sodium ou d’ammonium, ou de trioxyde
MoO3. L’épandage peut être fait au sol (avec l’engrais), par pulvérisations foliaires, ou
mieux, par le traitement des semences. Des mélanges sont possibles avec le super-
phosphate pour diminuer la fixation du molybdate dans le sol, ou avec la chaux pour
le traitement localisé des légumineuses.
Le cuivre
Il est appliqué sous forme de sulfates, oxydes ou chélates en apport au sol ou en pul-
vérisation foliaire
621
4 Agriculture générale
Des produits sont adaptés aux apports en solution sur le feuillage, soit par pulvérisa-
tion, soit par dissolution dans l’eau d’irrigation par aspersion. Ils ne contiennent
aucun résidu insoluble et ne présentent pas, aux concentrations normales d’applica-
tion, de risque de brûler les feuilles.
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Modifier les itinéraires techniques 4 3
623
4 Agriculture générale
● L’approvisionnement et le commerce
Les engrais sont des produits lourds dont le prix rendu au champ est formé pour le tiers
ou la moitié par le coût des transports. Le commerce des engrais dans les pays tropicaux,
où les routes sont mauvaises et les transports très chers, est donc un métier difficile.
624
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Pendant longtemps les subventions ont été jugées indispensables pour que les paysans
utilisent des engrais. Il paraissait évident que les engrais devaient être commandés par
des organismes de l’Etat ou des sociétés de développement, afin d’obtenir des prix
favorables en commandant des quantités importantes d’une seule formule d’engrais
choisie pour la culture encadrée et souvent aussi pour les autres cultures. Les orga-
nismes para-étatiques semblaient aussi les mieux indiqués pour répartir l’engrais sub-
ventionné et le mettre à la disposition de tous les planteurs jusque dans les régions les
plus éloignées.
On s’est progressivement aperçu que ce système n’était pas toujours performant, qu’il
était coûteux et engendrait beaucoup de rigidité. Dans la filière coton, ce système
d’approvisionnement en engrais par une structure para-étatique a plutôt bien réussi :
les paysans utilisent des quantités importantes d’engrais, reçues avec un crédit adapté.
D’autres filières n’ont jamais réussi à organiser un approvisionnement en engrais
durable suivant ce type d’organisation : le café, le cacao, les cultures vivrières. La ten-
dance actuelle est le retrait de l’Etat et la privatisation du commerce des engrais.
625
4 Agriculture générale
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Modifier les itinéraires techniques 4 3
péri-urbaines. Mais une quantité importante d’engrais ne peut souvent être acquise
par les agriculteurs qu’avec un crédit adapté, pour que le remboursement se fasse
après la vente de la production. Il faut donc l’intervention d’un organisme de crédit,
qui travaille avec les coopératives ou les fournisseurs d’engrais.
La question de l’étiquetage et du choix des produits est également très importante
lorsque le commerce privé se développe. Il faut que les paysans puissent savoir ce
qu’ils achètent et lutter contre les fraudes. Les paysans doivent s’habituer à choisir
eux-mêmes les produits qu’ils vont utiliser.
Le problème de l’uniformité des prix à l’intérieur d’un pays se pose. En effet, la pri-
vatisation devrait s’accompagner de la liberté des prix et, comme les transports sont
chers, les prix deviennent fatalement plus élevés dans les régions difficiles d’accès.
Cela n’est guère compatible avec un aménagement du territoire équilibré et des cor-
rections doivent être imaginées, dont la meilleure est l’amélioration des réseaux de
transports.
Le frein le plus important à la privatisation est certainement institutionnel. Les opé-
rateurs privés ne peuvent pas investir sur un marché où des administrations ou des
ONG reçoivent des engrais, provenant de dons ou subventionnés, dont on ne sait pas
quand, à quel prix et en quelles quantités ils vont être vendus. La déstabilisation du
marché des engrais par les dons est encore courante dans de nombreux pays.
LA GESTION DE LA FERTILITÉ
On a longtemps considéré que la gestion de la fertilité du sol consistait à préserver son
potentiel productif en appliquant des doses recommandées de fumure organique et
minérale sur les différentes cultures. Ce raisonnement centré sur la parcelle cultivée
repose sur deux principes : corriger les carences originelles du sol et compenser les
exportations liées aux récoltes.
Dans de nombreuses régions tropicales, les agriculteurs ne disposent cependant pas
de moyens financiers suffisants ni des ressources en fumure organique pour mettre en
œuvre ces recommandations pour chaque parcelle. L’évolution des propriétés du sol
correspond par ailleurs à des mécanismes plus complexes que le bilan minéral entre
apports de fumure et exportation de produits.
Dans la plupart des situations tropicales, en particulier dans le cas des agricultures
familiales, les interactions entre les unités de production sont fréquentes. Elles
dépassent le cadre de l’organisation collective pour l’approvisionnement en intrants,
le crédit ou la commercialisation des productions. Ces interactions peuvent aussi affec-
ter la fertilité des terres. Ainsi, l’érosion des terres agricoles, les transferts de fertilité
dus au bétail au sein du terroir et la destruction de la biomasse végétale par les feux
de brousse dépendent de pratiques individuelles mais aussi de comportements collec-
tifs (cf. figure 3).
627
4 Agriculture générale
d’acteurs à l’échelle du terroir villageois et de la région. Dans certains cas, les tech-
niques et les règles d’intervention doivent être mises en œuvre par des groupes d’agri-
culteurs, en relation avec les autres utilisateurs de l’espace rural, comme les éleveurs
et les chasseurs.
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4 Agriculture générale
Or, la gestion des espaces en jachère est actuellement peu fréquente. Par le passé, elle
a été effective dans certaines régions de savane arborée ou de forêt où les règles de
gestion des espaces non cultivées étaient respectées par tous. Elle implique la maîtrise
du feu21, le pâturage raisonné, et éventuellement la mise en défens, voire l’enrichisse-
ment des jachères par différentes espèces végétales.
Le contrôle du feu
De l’interdiction absolue à son utilisation raisonnée (les feux précoces), ce contrôle nécessite une
forte cohésion sociale et un engagement collectif pour aménager l’espace et lutter contre les départs
des feux accidentels. Les difficultés rencontrées par les ruraux sont diverses : en l’absence totale de
feu, les éleveurs peuvent craindre l’embuissonnement des parcours naturels et donc une baisse de
leur valeur pastorale ; la chasse, qui est une source importante de protéines animales, peut avoir
recours au feu ; etc.
21 Gestion des limites de l’espace qui sera brûlé, de la fréquence des feux, des périodes de mise à feu dans l’année.
630
Modifier les itinéraires techniques 4 3
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4 Agriculture générale
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Modifier les itinéraires techniques 4 3
Tableau 7. Exemples d’exportations minérales, par tonne de grain, coton-graine ou gousse, suivant les parties
effectivement ramassées (d’après Pieri, 1989)
Mil 5125 1785 Grains seuls 20.4 5.4 5.2 0.3 1.8
Parties aériennes 49.6 10.0 73.7 12.2 16.8
Sorgho 7700 4600 Grains seuls 13 8 5 0.5 2.4
Parties aériennes 20 11.5 30 8 7
Maïs 4000 3000 Grains seuls 19 6.7 6 0.8 2.2
Parties aériennes 34 10.6 42 6.2 5.8
Riz pluvial 2000 1400 Grains seuls 17.1 6.9 3.6
Parties aériennes 34.3 10.3 37.8
Cotonnier ? 1675 Coton-graine 22.5 8.2 11.7 2.6 3.3
Parties aériennes 36.2 11.1 34.3 15.4 8.3
Arachide 3875 2350 gousses 38.9 6.6 8.5 0.5 2.4
Parties aériennes 66.8 10.7 41.4 19.5 15.8
633
4 Agriculture générale
Comparer les résultats de bilans avec l’évolution des rendements aux champs
Ce peut être fait sur des chrono-séquences : on mesure les rendements, dans des champs d’âge dif-
férents. Par exemple,Taonda26, au Burkina Faso, a observé une forte diminution des rendements sous
culture, mais elle est due au défaut de l’infiltration de l’eau quand la structure du sol se dégrade. On
a aussi utilisé les statistiques régionales ou nationales pour estimer l’évolution des rendements des
cultures. Cette méthode pose de nombreux problèmes, car ces statistiques sont rarement fiables. Par
ailleurs, il y a de nombreuses interférences avec le climat et les conditions économiques. Par
exemple, on peut observer une augmentation des rendements du maïs et une diminution de ceux du
coton, ou l’inverse, ce qui ne permet pas de conclure sur le sens d’évolution de la fertilité du sol.
Signalons enfin une erreur fréquente : quand les rendements sont constants, avec les mêmes tech-
niques, cela indique la stabilité de la fertilité et non une baisse de la fertilité.
● L’utilisation du fumier
Le passage par le tube digestif de l’animal et la fermentation pendant la fabrication du
fumier n’empêchent pas le recyclage des éléments minéraux. Au contraire, ils sont
favorables car ils suppriment une grande quantité de matière organique soluble ou
facilement fermentescible. Les fumiers sont plus facilement transportables et ils peu-
vent être enfouis aisément.
Lors du passage par l’animal, il y a toujours des pertes d’azote : volatilisation directe
de NH3 à partir de la transpiration et de la respiration ou à partir des bouses, des
urines, des lisiers et des fumiers, pertes par dénitrification. Au total, il n’est pas rare
que 50 % de l’azote absorbé par les animaux soit ainsi perdu. Les autres éléments sont
bien recyclés. L’animal et l’utilisation du fumier induisent des transports d’éléments
minéraux à l’intérieur du terroir. Mais il n’y a que des transferts : le fumier ne crée
pas de richesses minérales.
26 TAONDA S.J.B., BERTRAND R., DICKEY J., MOREL J.L., SANON K., 1995,: Dégradation des sols en agriculture minière au Burkina
Faso. Cahiers Agricultures 4 (5); p.363-369.
634
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Le fumier a d’autres effets favorables : maintenir des teneurs plus fortes en matière
organique du sol ; améliorer la structure du sol ; en sol acide, augmenter le pH et sur-
tout empêcher la toxicité aluminique en complexant les ions aluminium en solution ;
en sol alcalin, diminuer le pH ; etc.
Le fumier est donc à la fois un amendement, qui améliore les conditions physico-chi-
miques du sol, et un engrais qui fournit des éléments minéraux pour la croissance des
plantes. Les paysans l’utilisent souvent comme amendement, en le concentrant sur les
zones peu fertiles pour les maintenir en culture. Il est ainsi souvent apporté en même
temps qu’une fumure minérale complète, qu’il permet de bien valoriser. Comme
engrais, il peut se substituer à une partie de l’engrais minéral.
635
4 Agriculture générale
27 Vitellaria paradoxa.
28 Parkia biglobosa.
636
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Engrais verts
Les engrais verts sont des cultures réalisées dans le seul but de fertiliser les terres. Ce
sont généralement des cultures dérobées (cf. chapitre 423) qui permettent de stocker
des éléments minéraux, qui risqueraient sans cela d’être perdus, dans des tissus végé-
taux jeunes qui se décomposent facilement pour alimenter la culture suivante. Un cas
est particulièrement intéressant : la culture de saison sèche en rizière, qui accumule
l’azote sous forme organique, évite qu’il soit nitrifié puis dénitrifié à la mise en eau de
la rizière.
● Plantes de couverture
Les plantes de couverture permettent de couvrir le sol en permanence d’une végéta-
tion basse qu’il est possible de contrôler par des moyens mécaniques ou chimiques. Ce
couvert végétal continu permet un excellent contrôle de l’érosion, même sur des
pentes fortes et sur des sols fragiles. Il permet une évapotranspiration maximale et
absorbe la plupart des éléments minéraux avant qu’ils ne soient lixiviés. L’ombrage
permanent réduit la température du sol et limite ainsi la minéralisation de la matière
organique, alors que les résidus végétaux permettent de maintenir des teneurs en
matière organique élevées. Par contre, les engrais ne peuvent pas facilement être
mélangés au sol. Il est possible de les localiser en profondeur ou de faire un travail
localisé autour des arbres ou sur la ligne de semis.
L’utilisation des plantes de couverture est habituelle pour protéger le sol des jeunes
plantations d’arbres, dans les régions humides, et les résultats sont meilleurs qu’avec
un enherbement naturel. Pendant les dernières décennies, des techniques semblables
ont été développées pour les cultures annuelles, grâce à l’utilisation d’herbicides pour
limiter la concurrence avec la jeune culture et à la mise au point de matériels adaptés
pour réaliser les semis dans le mulch, vivant ou mort, ou pour réaliser un travail loca-
lisé du sol sur la ligne de semis. Ces techniques sont particulièrement bien adaptées
pour la culture mécanisée en régions très humides et pour les semis pendant les
périodes très pluvieuses.
637
4 Agriculture générale
638
Modifier les itinéraires techniques 4 3
31 Ou d’analyses.
639
4 Agriculture générale
Il faut donc choisir des engrais plus concentrés dans les régions éloignées des ports et
des usines d’engrais, car l’incidence du prix de transport sur le coût de l’engrais est
alors importante.
Du point de vue du paysan, le choix est souvent très limité : une ou deux formules
sont proposées par les services de vulgarisation et ce sont les seuls engrais disponibles
dans la région. Cette situation change avec la privatisation du commerce des engrais,
qui peut avoir des avantages (choix plus grand et concurrence sur les prix) mais aussi
des inconvénients : mauvais étiquetage, risques de falsification, absence de fournisseur
lorsque le marché est trop petit.
640
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Bibliographie
BERTRAND R., GIGOU J., 2000, La fertilité des sols tropicaux. Paris, Maisonneuve et Larose.(Le techni-
cien d’agriculture tropicale), 397 p.
NORMAND F. 1999., Les couvertures végétales vives en zones humides à l’île de la Réunion. In :
RASOLO F., RAUNET M. (Eds) 1999 : Gestion agrobiologique des sols et des systèmes de culture.
Montpellier, CIRAD, Coll. Colloques : p.215-224.
PIERI C. 1989, Fertilité des terres de savanes. Bilan de trente ans de recherches et de développement
agricoles au sud du Sahara. Paris. Ministère de la Coopération et CIRAD-IRAT ; 444 p.
VON UEXKULL H.R., BOSSHART R.P., 1989, Emploi rationnel des engrais sur les sols acides en zones tropi -
cales humides. Bulletin F AO Engrais et nutrition végétale n° 10, 56 p.
641
4 3 4 La gestion de l’eau
À partir des contributions de F. Affholder (CIRAD),
F. Forest (C IRAD), B.Lidon (CIRAD) et M.J. Valony (CNEARC)
LE BILAN HYDRIQUE
● Equation du bilan hydrique
Le bilan hydrique exprime la conservation, entre deux dates quelconques, de la masse
d’eau présente dans le système sol/plante/atmosphère. Cette eau est répartie entre
l’eau stockée dans le sol et la plante d’une part, et les flux entrant et sortant de cette
réserve d’autre part (cf. figure 1).
643
4 Agriculture générale
Certains des termes de cette équation sont peu accessibles à la mesure, mais peuvent
être déduits de cette équation si tous ses autres termes sont connus. Par ailleurs, selon
l’échelle spatio-temporelle d’analyse, certains termes du bilan hydrique peuvent être
négligés ou non.
S’il s’agit d’évaluer grossièrement pour une culture donnée la contrainte hydrique
dans une région, le bilan hydrique climatique dans lequel sont négligés tous les flux sauf
les pluies et l’évapotranspiration, prise alors à son niveau potentiel, permet une pre-
mière approximation parfois suffisante. Le pas de temps de l’analyse est alors au
moins mensuel. Un pas de temps plus court est requis dès lors que l’on s’intéresse aux
effets de la gestion technique de la culture sur le bilan hydrique, du fait des interac-
tions importantes entre cette gestion technique et chacun des termes du bilan
hydrique. Lorsque l’on reste dans l’optique de comparaisons régionales, les pas de
temps de cinq et de dix jours sont parfois pratiques pour le calcul de l’évapotranspi-
ration, mais compte tenu de la grande sensibilité du système sol/plante/atmosphère à
la distribution quotidienne des pluies, un pas de temps journalier est à conseiller
autant que possible dès que l’on se place dans l’optique du diagnostic à l’échelle de la
parcelle.
L’influence du bilan hydrique sur la productivité dépend d’interactions complexes
entre les facteurs de l’offre et de la demande hydrique du système sol/plante/atmo-
sphère. L’analyse du bilan hydrique doit être faite en tenant compte notamment du
fait que la sensibilité des cultures au stress hydrique et à l’excès d’eau est variable selon
les espèces et en fonction de leur stade de développement (cf. chapitre 414).
644
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Les possibilités d’actions pour l’améliorer ne peuvent être identifiées que par un dia-
gnostic du poids relatif de ces facteurs dans le bilan hydrique et de l’influence de ce
dernier sur le rendement. Cette hiérarchie est en effet très variable selon les environ-
nements.
Par exemple, dans un environnement où la pluviométrie limite fortement l’offre en
eau du sol tout au long de la saison1, les seules voies d’amélioration du bilan hydrique
seront le calage du cycle cultural dans la saison, la réduction de la demande par limi-
tation de l’évaporation ou par extensification de la culture2 et l’irrigation.
Dans une situation où l’offre est en excès par rapport à la demande à certaines
périodes du cycle, augmenter la réserve utile racinaire sera efficace pour réduire
l’impact d’autres périodes où l’offre est au contraire déficitaire.
Si l’offre pluviométrique est réduite par un ruissellement important, on privilégiera la
lutte contre le ruissellement dans le cas où l’offre du sol est effectivement limitante ;
mais si malgré le ruissellement la réserve utile racinaire est fréquemment remplie,
réduire le ruissellement risque de provoquer surtout une augmentation du drainage
et des pertes minérales qui y sont associées, avec peu d’effets bénéfiques sur la trans-
piration.
Réaliser un tel diagnostic suppose d’évaluer le bilan hydrique et sa variabilité en fonc-
tion de la variabilité des facteurs :
> climatiques, sur lesquels l’agriculteur n’a pas de possibilités d’action ;
> du système de culture, qui peuvent être modifiés par l’agriculteur.
● Précipitations
Les méthodes de mesure de la pluviométrie sont évoquées au chapitre 412. Rappelons
cependant que la pluviométrie est une donnée extrêmement variable dans le temps et
l’espace, et que s’il s’agit du terme du bilan hydrique dont la mesure est la plus facile,
la nécessité de la réaliser avec une fréquence élevée et avec un maillage dense consti-
tue néanmoins une contrainte.
● Irrigation
La dose apportée peut être calculée en fonction des débits du système d’irrigation, en
tenant compte des pertes diverses en amont des parcelles. Dans le cas, fréquent en irri-
gation, d’une forte hétérogénéité spatiale de la distribution d’eau et lorsqu’une préci-
sion élevée est requise, il peut être nécessaire de mesurer le plus directement
645
4 Agriculture générale
● Evaporation et transpiration
Ces deux flux sont particulièrement difficiles à mesurer directement. Transpiration et
évaporation sont donc obtenus généralement par bilan, ne donnant cependant accès
qu’à la somme des deux flux, l’évapotranspiration.
Dans le cas où l’eau du sol n’est pas limitante, l’évapotranspiration est au niveau maxi-
mal qu’elle peut atteindre pour la culture considérée (ETPc : évapotranspiration
potentielle de la culture), compte tenu de la valeur de la demande atmosphérique en
eau évaluée par le biais d’une évapotranspiration potentielle de référence, ET0. La
mesure et l’évaluation de l’ET0 sont décrites au chapitre 414. Grossièrement, ET0
varie dans les régions tropicales entre 2 mm/jour et 7 mm/jour en saison des pluies.
Le rapport entre ETPc et ET0 varie au cours du cycle de la culture, principalement en
fonction de l’indice de surface foliaire, LAI (rapport de la surface de feuilles à la sur-
face occupée au sol par la culture, cf. chapitre 414). Comme cet indice dépend de la
fertilité du sol, de l’espèce et du cultivar utilisé, et d’une manière générale de toutes
les pratiques culturales, la demande en eau de la culture dépend également de tous
ces facteurs.
Dans le cas où aucun de ces facteurs n’est limitant pour la croissance, l’indice de sur-
face foliaire suit une courbe temporelle qui ne dépend que du rayonnement et de la
température, et l’évapotranspiration potentielle de la culture est maximale : c’est
l’ETM.
646
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Ruissellement
Il peut être mesuré grâce à un dispositif recueillant les eaux de surface d’une certaine
superficie, isolée du reste de la parcelle par des diguettes en tôle ou en matière plas-
tique. Des mesures en continu sont possibles par pesée du récipient recevant l’eau
ruisselée (cf. figure 3). Le ruissellement peut atteindre la moitié des précipitations. Il
dépend non seulement de la pente de la parcelle mais aussi des propriétés physiques
du sol (texture, rugosité de surface) et de l’intensité des pluies. Des ruissellements éle-
vés sont en particulier possibles, même avec une pente très faible, sur sols battants avec
des pluies intenses.
647
4 Agriculture générale
● Drainage
Il peut être mesuré en lysimètres ou par la méthode tensio-neutronique. Ces deux
méthodes sont décrites dans le paragraphe concernant le stock hydrique du sol, dont
elles permettent une évaluation simultanée à celle du drainage.
Le drainage peut représenter une proportion élevée des précipitations, lorsque celles-
ci sont abondantes par rapport aux besoins de la culture et à la capacité de stockage
du sol. Il peut être très faible, voire nul, dans les situations arides. Il peut enfin être
négatif, mais on parle alors de remontées capillaires, lorsqu’il existe une nappe d’eau
à faible profondeur et que l’humidité du sol est faible en surface.
Le stock en eau S du sol entre la surface et une cote/profondeur z est donné par :
S (mm) = Σ i=0,z (Wi x ei x da i) / 10 = Σ i=0,z (Hi x e i) / 10, avec :
Wi = teneur en eau pondérale (%) de la tranche de sol i
Hi = teneur en eau volumique (%) de la tranche de sol i
ei = épaisseur de la tranche de sol i (cm)
dai = densité apparente de la tranche de sol i
Les plantes n’exploitent l’eau du sol qu’entre deux valeurs de S, qui définissent la
réserve utile :
> celle où le sol est à la teneur en eau en dessous de laquelle la culture ne parvient
plus à transpirer et dite teneur en eau au point de flétrissement permanent, Spf,
évaluée classiquement par la teneur en eau à pF = 4,2 ;
> celle où le sol est à sa teneur en eau maximale au-delà de laquelle l’eau s’écoule par
gravité, dite capacité au champ, Scc.
RU = Scc - Spf
La réserve utile des sols est très variable. Les ordres de grandeur les plus courants
vont de 50 mm à 130 mm par mètre de sol. La texture a une grande influence sur la
RU, à laquelle il est souvent possible de la relier par des relations empiriques de bonne
qualité, quoique de portée spatiale limitée. La profondeur de sol colonisable par les
racines est un facteur pouvant limiter la réserve utile, et dépend à la fois de l’espèce
cultivée3, des techniques culturales, et des obstacles physiques et chimiques que le sol
peut opposer à la croissance racinaire, tels qu’un horizon compacté, voire induré, ou
un horizon présentant une toxicité aluminique. La réserve utile racinaire RUr est la
valeur de la RU obtenue lorsque Scc et Spf sont évalués entre la surface et la cote
maximale atteinte par les racines pour la culture considérée.
3 Les profondeurs maximales atteintes peuvent varier chez les cultures annuelles entre 50 et 200 cm.
648
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Evaluation in situ
La méthode lysimétrique et la méthode tensio-neutronique, permettent de mesurer
simultanément le drainage et la variation de stock du sol. Les apports d’eau des pré-
cipitations et irrigations étant connus et sous hypothèse de ruissellement nul, l’équa-
tion du bilan hydrique permet alors de calculer l’évapotranspiration.
● Les lysimètres 5
Les lysimètres sont des volumes de sol isolés du reste d’une parcelle dans une cuve
métallique ou en matière plastique, et traités de façon aussi proche que possible du sol
environnant. Ils sont dotés d’un exutoire à leur base, par lequel sont recueillies les
eaux de drainage. Lorsqu’ils sont munis d’un système de pesée, les variations du stock
en conditions de teneur en eau limitante sont mesurées, et l’on dispose d’une évalua-
tion de l’ETR. Il n’est en revanche pas indispensable de disposer d’un tel système de
pesée pour évaluer l’ETPc ou l’ETM : il suffit d’apporter quotidiennement de l’eau en
excès, en s’assurant de provoquer un drainage à chaque apport, ce qui garantit le
retour du stock à Scc après ressuyage. La variation de stock d’un apport à l’autre est
ainsi nulle.
● La méthode tensio-neutronique
La méthode tensio-neutronique faisait appel à la sonde à neutrons pour la mesure de
l’humidité volumique du sol à des profondeurs régulièrement espacées, c’est-à-dire
pour l’obtention de profils d’humidité du sol, dont l’intégration fournit le stock
hydrique du sol à la date de la mesure. L’évaluation du flux de drainage6 fait appel
pour sa part aux tensiomètres. Il s’agit de tubes plastiques équipés de céramique
poreuse à une extrémité, placée dans le sol, et d’un système manométrique à l’extré-
mité restant en surface, qui mesure la pression matricielle de l’eau du sol. Plusieurs de
ces appareils installés à différentes profondeurs fournissent ainsi le moyen de calculer
les gradients de charge hydraulique entre ces différentes cotes.
Dans certains contextes où l’on peut faire l’hypothèse d’un drainage nul à une cote
située sous la zone exploitée par les racines7, elle peut être en outre considérablement
simplifiée car limitée à la mesure des profils hydriques à la sonde à neutrons.
4 Auquel peut correspondre un stock utile racinaire de la même façon que pour RUr.
5 Cf. chapitre 412.
6 Négatif dans le cas de remontées capillaires.
7 C’est souvent le cas dans les régions tropicales semi-arides.
649
4 Agriculture générale
650
Modifier les itinéraires techniques 4 3
651
4 Agriculture générale
L’indicateur IRESP
Dans le cas des céréales tropicales (maïs, sorgho, mil, riz), on dispose d’un indicateur synthétique
bien relié à la productivité lorsque le déficit hydrique est la contrainte prédominante, l’indicateur
IRESP :
IRESP = SATc x SATps, où SATc= ETR/ETM du cycle; SATps= ETR/ETM de la phase sexuée, générale-
ment obtenu en prenant la valeur la plus faible de ETR/ETM entre les phases initiation florale-florai-
son et floraison-début de remplissage des grains.
652
Modifier les itinéraires techniques 4 3
12 Coefficient cultural.
13 Relation entre ETR/ETM aux différentes phases et rendement.
14 Influence de D/RUr sur le rendement.
15 Modification de RUr.
16 Zones de montagne, marges de la région tropicale.
653
4 Agriculture générale
périodes sans précipitations de l’ordre de la semaine à dix jours qui peuvent, sous ces
climats, s’intercaler entre des périodes de précipitations excédentaires.
● Réduction du ruissellement
Il s’agit certainement d’une des voies d’amélioration du bilan hydrique les plus signi-
ficatives pour les régions tropicales semi-arides, où les pertes par ruissellement sont
souvent importantes et peuvent atteindre 30 voire 50 % du total des précipitations de
l’année.
Un moyen séduisant d’y parvenir est le semis direct sur mulch pailleux. De faibles
quantités de résidus de culture, de l’ordre de 1 à 1,5 t/ha suffisent à réduire très signi-
ficativement le ruissellement. Les résidus agissent principalement de deux manières :
ils freinent l’écoulement superficiel, laissant plus de temps à l’eau pour s’infiltrer
d’une part, et leur présence permet d’obtenir et de maintenir une conductivité
hydraulique élevée à la surface du sol, grâce à l’activité de la macrofaune qu’ils favo-
risent d’autre part (cf. figure 4). Lorsque les résidus de culture sont employés pour
l’élevage ou que le recours au semis direct impose l’emploi des herbicides, la technique
peut toutefois se révéler délicate à intégrer aux systèmes de production existants.
Les techniques anti-ruissellement telles que la culture sur billons, éventuellement cloi-
sonnés, les diguettes en courbe de niveau, ou les aménagements plus lourds visant une
réduction du ruissellement à l’échelle d’un bassin versant sont également recommandées.
Toutes ces techniques de réduction du ruissellement peuvent se justifier également
dans les régions plus humides, pour un autre objectif que celui de l’amélioration de
l’alimentation hydrique des cultures, celui de la lutte contre l’érosion (cf. chapitre
233). Signalons cependant que dans ces situations, la diminution du ruissellement a
654
Modifier les itinéraires techniques 4 3
➤ Figure 5. Effet comparé du travail du sol et du semis direct sur couvertures végétales
sur le bilan hydrique et minéral (d’après L. Séguy)
● Réduction de l’évaporation
Les mulch de divers types, en établissant une discontinuité entre les premières
couches humides du sol et l’atmosphère, permettent de réduire l’évaporation. Dans le
cas des mulch pailleux ou résultant d’un grattage superficiel du sol, l’effet sur l’éva-
poration est toutefois très inférieur à l’effet obtenu sur le ruissellement.
655
4 Agriculture générale
● Réduction de la transpiration
Compte tenu d’une très forte corrélation entre l’activité photosynthétique et la trans-
piration, réduire la transpiration de la plante cultivée se traduit par une réduction
pratiquement proportionnelle de sa productivité. Cependant, il peut être tactique-
ment fondé de réduire en cours de cycle les besoins en eau de la culture et ainsi sa
transpiration, par démariage ou suppression de plantes, voire taille du feuillage, en
fonction des conditions hydriques rencontrées. Enfin, il est trivial que la transpiration
provenant des adventices est nuisible et que la population adventice doit être la plus
faible possible.
● L’irrigation et le drainage 17
L’analyse fréquentielle des termes du bilan hydrique constitue un élément important
pour le dimensionnement de systèmes d’irrigation et de drainage. Le suivi hydrique
du sol, par mesure ou par simulation, constitue quant à lui un outil efficace de pilo-
tage en temps réel des irrigations.
Ce suivi est particulièrement intéressant dans le contexte de l’irrigation de complé-
ment par aspersion, où le producteur dispose d’une marge de manœuvre importante
pour les doses et les dates d’irrigation, et où une économie d’eau substantielle peut
être réalisée en valorisant au mieux les précipitations naturelles. Il s’agit alors de
maintenir, grâce aux irrigations, le stock en eau du sol entre une borne inférieure en
dessous de laquelle le stress hydrique deviendrait très contraignants (50 % de la
réserve utile totale est un ordre de grandeur raisonnable), et une borne supérieure au
dessus de laquelle l’augmentation de la teneur en eau n’aurait qu’une faible influence
sur la productivité (de l’ordre de 80 % de la réserve utile totale).
De cette manière, le sol est à tout moment capable de stocker au moins une partie des
précipitations qui pourraient se produire, et l’on réduit ainsi les pertes par drainage.
Il est également possible de faire varier les seuils de décision d’irrigation en fonction
de probabilités d’événements pluvieux fournies soit par les services de prévision
météorologique, soit par les analyses fréquentielles des pluies.
656
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Choix de la date de semis optimale pour un cultivar de maïs de 120 jours dans la
région de Bamako (Mali)
On a utilisé ici comme critère de contrainte hydrique le simple rapport ETR/ETM pour l’ensemble du
cycle d’un maïs de cent vingt jours, simulé par le modèle Sarrabil. Dix dates de semis ont été testées,
de cinq en cinq jours, entre le 11 mai et le 26 juin. On a pris l’hypothèse d’un sol ayant une réserve utile
de 80 mm par mètre de sol, d’une profondeur maximale d’enracinement de 70 cm, et d’un ruissellement
nul. Les coefficients culturaux étaient ceux fournis par la FAO. Les évapotranspirations potentielles
décadaires moyennes de la station de Bamako étaient utilisées, ainsi qu’une série de 43 années de
données pluviométriques journalières de la même station, de 1950 à 1992. Chaque date de semis a été
simulée pour chacune de ces années, soit 43 x 10 = 430 simulations, puis une analyse fréquentielle a
été conduite sur le terme ETR/ETM cycle.
Les résultats sont donnés à la figure 6. Ils montrent que la variable ETR/ETM passe par un maximum
entre le 21 mai et le 1er juin. On en déduit que c’est la date de semis la plus favorable pour la variété
choisie, pour la région de Bamako, sous l’angle strict de l’alimentation hydrique. En dehors de ces
périodes, on prend un risque plus élevé de rencontrer :
– des problèmes de manque d’eau pendant la phase d’établissement de la culture en cas de semis
trop précoce ;
– des problèmes de manque d’eau pendant les phases de remplissage du grain (voire pendant la
phase de floraison) en cas de semis trop tardif.
Cependant, la méthode ne tient pas compte de l’ensemble des facteurs biophysiques qui condition-
nent en réalité la réussite d’une culture (mauvaises herbes, fertilité, ravageurs...), ni les contraintes
économiques telles que la disponibilité en trésorerie et en main d’œuvre qui s’exercent sur les chan-
tiers de mise en culture. Elle fournit simplement une information détaillée sur l’interaction entre la date
de semis et la contrainte hydrique, supposée être une contrainte particulièrement déterminante dans
la région considérée, information à croiser avec des informations portant sur les autres contraintes
afin de fournir un conseil pertinent aux agriculteurs.
657
4 Agriculture générale
Tableau 2. Rendements simulés des différentes variétés, en moyenne des 39 années, ainsi que leur écart-type
interannuel
Il ressort que la variété la mieux adaptée à la région est la variété locale NKK : elle se distingue de la
Sanio par un rendement moyen supérieur, et de la Souna, dont le rendement moyen est équivalent, par
une moindre variabilité inter-annuelle de la productivité.
18 Projet Espace.
658
Modifier les itinéraires techniques 4 3
➤ Figure 8. Evolution comparée des stocks hydriques sous culture de mil au centre du Sénégal
avec (figurés épais) et sans (figurés fins) fumure (d’après F. Affholder)
659
4 Agriculture générale
➤ Figure 9. Confection d’un ados de niveau à la charrue à bœufs et finition à la daba (d’après J. Gigou)
660
Modifier les itinéraires techniques 4 3
➤ Figure 10. Augmentation de l’humidité du sol par l’aménagement en courbes de niveau (moyenne de trois profils).
Mesures en juillet et août 1999. L’aménagement favorise le stockage de l’eau en profondeur. Cette réserve servira
pendant la saison sèche aux arbres associés aux cultures (d’après J. Gigou)
Les billons doivent suivre les courbes de niveau, faute de quoi l’eau s’accumule dans les points bas et
des départs d’érosion en rigole ou ravine sont à craindre. La méthode est facilement praticable en cul-
ture attelée, soit que l’on sème à la main sur des billons, soit que l’on sème au semoir sur un labour à
plat, en suivant bien les courbes de niveau, puis que l’on butte les cultures après quelques semaines.
L’aménagement consiste à réaliser un gros ados par 2 à 5 passages aller-retour à la charrue à bœufs,
que l’on laisse s’enherber ou que l’on recouvre de plantes pérennes. Cette méthode est beaucoup
moins coûteuse que le transport de cailloux exigés par la technique des cordons pierreux. Il faut une
intervention extérieure pour piqueter les courbes de niveau.
Ceci peut être réalisé avec des moyens de topographie simple, comme le niveau à eau formé d’un
tuyau de plastique transparent de 10 m de longueur, rempli d’eau et fixé à des règles graduées aux
deux extrémités. Il est cependant souvent plus simple et plus rapide d’utiliser des moyens plus clas-
siques, tel qu’un niveau de chantier à lunette : un modèle bas de gamme suffit. Au Mali, des ONG
proposent ce service pour un prix modeste, 5 000 FCFA/ha, qui suffit pour couvrir le prix de revient. La
prise en charge de cette dépense par les agriculteurs, dans la région où cette technique a été pro-
posée, témoigne de l’avantage économique qu’elle procure.
661
4 Agriculture générale
Bibliographie
AFFHOLDER F., REYNIERS F.N., SCOPEL E. (1994). L’eau et l’activité agricole : diagnostic et modélisation du
fonctionnement de quelques hydrosystèmes agricoles tropicaux. Actes du Symposium interna-
tional recherches-système en agriculture pour le développement – CIRAD, Montpellier,
p. 411 - 419
BARON C., REYNIERS F.N., Clopes A., Forest F. (1999). Applications du logiciel Sarra à l’étude des risques
climatiques - AGRIDEV, p. 89 - 97
DANCETTE C., (1983). Estimation des besoins en eau des principales cultures pluviales en zone sou -
dano-sahélienne. Agro Trop. 38, p. 281 - 92
SCOPEL E. (1999). Le semis direct avec paillis de résidus dans l’ouest mexicain : une histoire d’eau ?
Agriculture et développement 21, p. 71 - 86.
TOUMA J., PEREZ P. & TODOROFF P. (1999). Caractérisation hydrodynamique d’un sol encroûté en zone
sahélienne. Modélisation du processus d’infiltration. Agronomie 19, p. 341 - 348.
662
4 3 5 La lutte contre
les mauvaises herbes
À partir d’une contribution de T. Le Bourgeois (CIRAD)
et P. Marnotte (CIRAD)
1 AFNOR.
663
4 Agriculture générale
D’ailleurs, dans les agrosystèmes traditionnels, au Mexique par exemple, les agricul-
teurs maintiennent en association avec la culture certaines espèces qu’ils appellent
buen monte (bonnes plantes) et n’éliminent que les mal monte (mauvaises plantes). En
effet, dans de nombreux systèmes traditionnels en région tropicale, différentes mau -
vaises herbes sont maintenues dans les champs et utilisées à des fins diverses : nourri-
ture, médecine, cérémonies religieuses, amélioration du sol, limitation de l’érosion,
apport de matière organique...
Aussi le terme général de mauvaise herbe, utilisé en français pour nommer les espèces
végétales croissant dans les parcelles cultivées sans y avoir été intentionnellement
plantées est assurément peu adéquat, mais la langue française n’en possède pas encore
d’autre. D’une façon générale, le terme de mauvaise herbe peut être utilisé pour dési-
gner l’ensemble des espèces appartenant à la flore des parcelles cultivées, sans préju-
ger de leur action sur la culture, même si certains définissent les mauvaises herbes
comme des plantes dont on n’a pas encore trouvé d’utilité.
664
Modifier les itinéraires techniques 4 3
2 C’est-à-dire un ensemble de caractères biologiques, démographiques, génétiques coadaptés, régis par les lois de la sélec-
tion naturelle.
665
4 Agriculture générale
666
Modifier les itinéraires techniques 4 3
667
4 Agriculture générale
Certains ouvrages portent spécifiquement sur les mauvaises herbes d’une région ou
d’une culture. Ainsi on peut trouver :
> des plaquettes portant sur vingt à cinquante espèces comportant une photographie
ou un dessin et une description sommaire des plantes 8. Les illustrations de ces pla-
quettes et les descriptions sont parfois insuffisamment précises pour permettre une
bonne identification ;
> des manuels plus complets, portant sur un plus grand nombre d’espèces9. Dans ce
type d’ouvrage, les descriptions sont souvent précises et bien illustrées (photogra-
phies ou planches botaniques), mais il n’y a pas de système d’identification. Il est
donc nécessaire d’avoir une idée de la plante recherchée.
Certains manuels comportent un système d’identification par clé dichotomique10 ou
par clé graphique11. Ces clés graphiques portent principalement sur des caractères
végétatifs et permettent d’identifier des plantes sans fleur. Elles sont compréhensibles
par des non-spécialistes car elles utilisent des dessins sans terminologie technique.
La mise au point récente de cédéroms d’aide à l’identification et de description des
mauvaises herbes tropicales12 permet de pallier la plupart des contraintes des flores
classiques pour la majorité des utilisateurs. Ces outils permettent une identification
des plantes à partir d’un portrait robot. Cette méthode présente plusieurs avantages :
> elle n’utilise que des dessins, sans terminologie technique ;
> elle laisse à l’utilisateur le choix des caractères à décrire ;
668
Modifier les itinéraires techniques 4 3
669
4 Agriculture générale
Toutes ces valeurs ne sont qu’indicatives. En effet, une même culture peut réagir dif-
féremment à la compétition des mauvaises herbes en fonction des conditions écolo-
giques du site et des conditions climatologiques de l’année. De même, l’importance de
la compétition varie en fonction des espèces dominantes de la flore adventice et de la
culture considérée. Cette compétition sera d’autant plus importante et préjudiciable à
la culture, que les conditions de milieu sont limitantes : faible disponibilité en eau en
période sèche ou en nutriments dans les sols dégradés.
Le parasitisme
Un cas particulier de dégât direct occasionné par les mauvaises herbes est le parasitisme. Le princi-
pal problème dans ce domaine, en zone tropicale, est dû au genre Striga et plus particulièrement à
trois espèces de ce genre : S. hermonthica, S. lutea, S. gesnerioides. En Afrique, le genre Striga est
présent dans 40 % des terres arables sub-sahariennes et occasionne des pertes moyennes de pro-
duction céréalière (maïs, sorgho, mil) de 48 %. S. asiatica induit des pertes de récolte en maïs de 15 à
65 %, tandis que les pertes de production de sorgho dues à S. hermonthica au Nigeria s’échelonnent
entre 10 et 90 %. Globalement, les attaques de Striga en Afrique étaient évaluées en 1991 à une perte
directe de revenus estimée à 2,9 milliards $US.
Les phénomènes d’allélopathie13 entre les mauvaises herbes et les cultures intervien-
nent également dans les pertes de rendement. Cependant, ils sont rarement différen-
ciés des phénomènes de compétition car au champ il est impossible de dissocier les
deux mécanismes. Différentes espèces sont reconnues pour avoir un effet allélopa-
thique sur les cultures. Par exemple, Cyperus esculentus a un effet dépressif sur le maïs
et le soja, par émission de substances allélopathiques.
Les mauvaises herbes peuvent également jouer un rôle négatif indirect sur la pro-
duction agricole. La présence de semences ou de débris végétaux peut réduire la qua-
lité de la récolte et en diminuer la valeur commerciale. La présence de graines de
Rottboellia cochinchinensis dans une récolte de maïs ou de riz en réduit le prix de vente
ou peut empêcher son utilisation pour la semence. D’autre part, les mauvaises herbes
peuvent servir d’hôtes secondaires pour différents ravageurs des cultures, insectes ou
maladies. Au Soudan, une cinquantaine de mauvaises herbes donnent refuge à Bemisia
tabaci, ravageur du cotonnier.
13 L’allélopathie correspond à l’ensemble des phénomènes qui sont dus à l’émission ou à la libération de substances orga-
niques par divers organes végétaux, vivants ou morts et qui s’expriment par l’inhibition ou la stimulation de la croissance
des plantes se développant à leur voisinage ou leur succédant sur le même terrain.
670
Modifier les itinéraires techniques 4 3
671
4 Agriculture générale
L’intensification des cultures et la valorisation des intrants nécessitent une bonne maî-
trise de l’enherbement. De nombreuses études montrent que la fertilisation est d’au-
tant plus efficace que la maîtrise de l’enherbement est meilleure.
Le choix des itinéraires techniques et des rotations doit parfois être élaboré en fonc-
tion de certaines contraintes d’ordre malherbologique. C’est ainsi qu’au Bénin, l’ap-
port de fumure organique (terre de parcage des zébus) n’est plus préconisé sur le
cotonnier mais sur le maïs désherbé chimiquement, car les infestations d’Ipomoea erio -
carpa, liées à l’apport de ce type de fumure, sont mieux maîtrisées par l’atrazine en
culture de maïs. La rotation des cultures et des pratiques qui leur sont associées prend
alors toute sa signification pour une gestion des enherbements. Par exemple, la cul-
ture continue de sorgho est proscrite sur les parcelles très infestées de Striga spp. : on
préconise une rotation avec des plantes pièges faux hôtes (cotonnier, arachide...) qui
permettent la germination mais pas la croissance complète du parasite et l’utilisation
de variétés tolérantes voire résistantes.
● L’implantation de la culture
La fourniture de semences indemnes de graines de mauvaises herbes évite leur ins-
tallation dans les parcelles. C’est le cas de la production semencière de riz, qui suit des
règles précises pour les seuils de présence de graines de riz adventices en riz irrigué
ou de Rottboellia cochinchinensis en riz pluvial. Dans les pays, où a été mis en place un
contrôle strict des semences, la riziculture est indemne de riz adventices ; au contraire,
là où le contrôle des semences est moins strict, les parcelles nouvellement mises en cul-
ture sont très rapidement infestées. Si la gamme variétale est suffisamment large, il y
a également toujours avantage à semer une variété vigoureuse à port élevé, au
feuillage recouvrant et à croissance rapide ; une telle variété aura des avantages dans
la compétition avec les riz adventices.
L’augmentation de la densité de semis est souvent préconisée pour réduire l’enherbe-
ment, sous réserve que la fertilité du sol soit suffisante ou qu’une fertilisation minérale
soit apportée en complément. Cet avantage dans la compétition entre la culture et la
mauvaise herbe se retrouve également dans les systèmes de culture où le riz est repi-
qué ; si, au moment du repiquage, la parcelle vient d’être mise en eau ou bien si le sol
vient d’être travaillé, les riz adventices commenceront seulement à germer, alors que
la culture sera déjà bien développée. A contrario, les riz adventices prolifèrent dans les
zones où l’on passe du repiquage au semis direct ; c’est le cas actuellement en Asie où,
faute de main-d’œuvre, le repiquage manuel est abandonné au profit du semis direct.
● Le paillage du sol
Utilisé parfois en culture de manioc, d’igname ou de canne à sucre, le paillis (ou
mulch) maîtrise bien l’enherbement, sauf par certaines espèces telles que Rottboellia
cochinchinensis ou Cyperus rotundus. Hormis en canne à sucre où le paillis est constitué
par l’effeuillage à la récolte, la contrainte majeure de cette technique est l’approvi-
sionnement en paille : il est nécessaire de prévoir au moins sept tonnes de paille pour
couvrir une parcelle d’un hectare.
Le paillage du sol au moyen de bâches plastiques est surtout employé en culture
maraîchère ; il agit par ombrage et solarisation.
673
4 Agriculture générale
● La lutte mécanique
● Le sarclage manuel
En zone tropicale, le sarclage manuel reste la méthode la plus répandue de lutte
contre les mauvaises herbes. Cette opération, techniquement la plus simple à réaliser,
se heurte néanmoins à de nombreuses contraintes :
> le sarclage manuel est très souvent réalisé trop tard, alors que les mauvaises herbes
ont déjà exercé une forte concurrence sur la culture ;
> si le sol est humide au moment du sarclage, de nombreuses espèces, telles que
Commelina benghalensis, ne se dessèchent pas et parviennent à repousser après le
sarclage ;
> les repousses des plantes mal enfouies par le labour, comme Digitaria horizontalis,
nécessitent un premier sarclage dès la première semaine après le semis, alors que
le délai normal est de trois semaines ;
> le désherbage manuel est parfois délicat contre certaines espèces, quand l’espèce se
confond avec la culture, comme le riz adventice annuel, Oryza barthii en riz irrigué ;
674
Modifier les itinéraires techniques 4 3
> le sarclage manuel demande entre dix et vingt jours de travail par hectare, d’après
les normes obtenues en zone de savanes pour des cultures semées en rangs. C’est
une activité très pénible et la main-d’œuvre, qu’elle soit familiale ou salariée, n’est
souvent pas disponible. À la fin de la période d’installation des cultures, qui s’étale
sur plus d’un mois, il y a concurrence dans l’organisation du calendrier de travail
entre les derniers semis et les premiers sarclages.
La période critique de nuisibilité se situe généralement entre quinze et soixante jours
après le semis pour les cultures annuelles à cycle court (cotonnier, maïs, sorgho, etc.)
et entre trente et quatre vingt dix jours après la plantation pour les cultures à cycle
long (igname, manioc, canne à sucre, etc.). Les sarclages précoces évitent à la culture
de subir la nuisibilité des mauvaises herbes qui exercent leur concurrence même à des
stades jeunes : on estime que la nuisibilité de cet enherbement précoce cause environ
30 % de pertes, aussi bien en culture cotonnière qu’en culture vivrière.
Si les interventions sont précoces, la végétation est moins développée ; le travail est
donc moins pénible et son efficacité est meilleure, car on évite le bouturage de cer-
taines espèces, comme Commelina benghalensis, ou bien le repiquage des souches de gra-
minées. De plus, on empêche les espèces à cycle court, comme Digitaria horizontalis ou
Dactyloctenium aegyptium, d’arriver à graines et d’accroître le stock semencier.
● Le sarclage mécanique
Pour les cultures à grands écartements (cotonnier, maïs, sorgho, mil, manioc, canne à
sucre, etc.), le sarclage mécanique apporte les avantages suivants :
> gain de temps : même s’il faut faire un sarclage complémentaire sur la ligne en début
de cycle, l’opération mécanique sur l’inter-rang prend cinq à dix fois moins de
temps que le travail manuel ;
> réduction de la pénibilité du travail : en culture attelée, le guidage d’une houe tractée
est un travail moins pénible que le sarclage manuel ;
> absence d’intrants : hormis le coût de l’investissement, la mise en œuvre du sarclage
mécanique n’induit pas de mouvement de trésorerie, puisque le travail est généra-
lement fait par des membres de l’exploitation ;
> la combinaison des interventions : l’enfouissement de l’engrais peut être effectué par
un buttage, qui réalise simultanément un sarclage mécanique.
Toutefois, la pratique du sarclage mécanique impose certaines contraintes :
> la diffusion du matériel : en culture attelée, hormis la nécessité évidente de pratiquer
l’élevage, les exploitations ne sont souvent pas équipées avec du matériel de sar-
clage mécanique 14. Il est donc nécessaire d’augmenter la diffusion des houes utili-
sables en culture attelée et de former les agriculteurs au dressage des animaux pour
les sarclages ;
> la précocité des interventions : encore plus que pour le sarclage manuel, il est indis-
pensable d’insister sur l’intérêt de la précocité des interventions, afin d’empêcher la
concurrence des mauvaises herbes sur la culture, mais surtout de faciliter le travail
en évitant les bourrages des plantes trop développées dans les corps sarcleurs ;
675
4 Agriculture générale
> la modification des systèmes de cultures : le sarclage mécanique n’est pas possible si le
défrichement a laissé de nombreuses souches et résidus sur la parcelle, si le semis
n’est pas fait en ligne ou si l’inter-rang est planté de cultures associées qui empê-
chent le passage des outils.
● Le gyrobroyage
Pour les exploitations motorisées, le gyrobroyage est une technique courante d’entre-
tien des parcelles en arboriculture (manguier, agrumes...) pour limiter le développe-
ment de l’enherbement naturel des inter-rangs, ou dans les pâturages pour rabattre
les espèces nuisibles.
● L’emploi d’herbicides
Par rapport aux entretiens mécaniques, l’emploi des herbicides offre l’avantage de
réduire la charge de travail consacrée à la maîtrise des mauvaises herbes en facilitant
l’organisation du calendrier cultural, puisqu’une application d’herbicide demande
moins d’une journée par hectare. En outre, utilisés à temps, les herbicides suppriment
la concurrence de l’enherbement, notamment pendant la phase d’installation de la
culture.
676
Modifier les itinéraires techniques 4 3
15 Sources : ACTA, 2000. Index phytosanitaire. 36 ème édition. Association de coordination technique agricole. Paris. 644 p.
DEUSE J. & L AVABRE E.M., 1979. Le désherbage des cultures sous les tropiques. Maisonneuve et Larose. France. 310 p.
16 Pour éviter toute ambiguïté, on exprime en grammes les doses de matières actives, et en kilogrammes ou en litres les
doses de spécialités.
677
4 Agriculture générale
678
Modifier les itinéraires techniques 4 3
679
4 Agriculture générale
● La rotation d’herbicides
L’emploi continu des mêmes produits herbicides conduit inévitablement à des sélec-
tions de flore, c’est-à-dire des peuplements souvent monospécifiques, constitués des
espèces sur lesquelles ces matières actives ne sont pas efficaces. Ces nouvelles popula-
tions ne peuvent être maîtrisées que si l’on modifie les techniques de désherbage ou
du moins si l’on diversifie les produits utilisés en choisissant d’autres familles chi-
miques qui auront d’autres sites d’action.
Dans les sélections de flores, il faut distinguer deux types de comportement :
> soit l’espèce ne fait pas partie du spectre d’efficacité du produit employé et sa sélec-
tion par le traitement herbicide est tout à fait prévisible. Il y a alors simplement
inefficacité de l’herbicide sur cette espèce, dite tolérante ;
> soit il s’agit d’une population sur laquelle le produit est normalement actif, mais il
peut arriver que certains individus ne soient pas affectés par le produit. Ces plantes
non détruites vont se développer et se multiplier, créant ainsi une nouvelle popu-
lation, que l’on qualifie alors de résistante.
680
Modifier les itinéraires techniques 4 3
> vérifier régulièrement l’étalonnage des appareils afin de corriger leurs défauts
(usure des buses) ou les défaillances des opérateurs. La quantité de bouillie épan-
due par hectare doit être déterminée, pour faire les calculs de dilution ;
> préparer soigneusement la bouillie est également un élément important de la pul-
vérisation : afin d’éviter le bouchage des buses, il est indispensable d’employer une
eau de bonne qualité, d’utiliser un filtre et de s’assurer de l’homogénéité du
mélange ;
> maîtriser la technique d’application. Il est indispensable que la répartition sur la
surface traitée soit parfaitement homogène, ce qui impose la régularité du débit de
l’appareil et de la vitesse d’avancement ;
> tenir compte des précautions d’emploi et des risques de toxicité ; l’emploi d’herbi-
cides de pré-levée a des conséquences sur la suite de l’itinéraire technique : impos-
sibilité par exemple de travailler le sol après l’épandage.
Dans le cas de cultures associées, le facteur essentiel est la sélectivité des herbicides
employés par rapport à toutes les cultures en présence dans l’association. Il faudra
donc, parmi les herbicides utilisables sur l’une ou l’autre des cultures, vérifier qu’il en
existe au moins un qui soit bien sélectif de chacune des cultures à la dose employée,
en fonction des époques d’application et des stades de développement des plantes cul-
tivées.
681
4 Agriculture générale
682
Modifier les itinéraires techniques 4 3
683
4 Agriculture générale
Bibliographie
ACTA, 2000. Index phytosanitaire. 36ème édition. Association de coordination technique agricole.
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GRARD P., LE BOURGEOIS TH., MERLIER H., 1996. Adventrop Doc V.1.0. Les adventices d’Afrique soudano-
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SCALLA R., 1991. Les Herbicides, mode d’action et principes d’utilisation. INRA éd., Paris, 450 p.
684
4 3 6 La protection contre les
maladies et les ravageurs
À partir d’une contribution de A. Renou (CIRAD)
et J.-P. Deguine (CIRAD)
685
4 Agriculture générale
Biotechnologie : étude des techniques mettant en œuvre des processus biologiques pour
produire un bien industriel ou de consommation. Exemple : production sélective
d’isomères de molécules organiques par des micro-organismes.
Cancérogène : qualifie une substance capable d’engendrer des tumeurs malignes ou de
favoriser leur apparition. Ce terme doit être préféré à carcinogène et cancérigène.
Dose létale (DL) : quantité de substance qui, administrée à des animaux de laboratoire,
entraîne la mort. Elle est généralement exprimée en milligramme par kilogramme de
poids corporel. Exemple : DL50 : dose entraînant 50 % de mortalité.
Écosystème : ensemble interactif constitué par une biocénose et son biotope. Cet
ensemble est défini essentiellement par son fonctionnement et non par son territoire.
Effet non intentionnel : on appelle effet non intentionnel d’un produit phytopharma-
ceutique utilisé dans des conditions normales, toute action bien caractérisée, autre que
celle pour laquelle le produit est employé, qu’elle soit bénéfique ou non, immédiate
ou à retardement. Cette locution doit être préférée à action secondaire. Exemple :
certains fongicides actifs contre l’oïdium freinent le développement des acariens ;
inversement, certains insecticides favorisent les acariens.
Entomophage : caractérise un organisme animal qui se nourrit d’arthropodes qu’il cap-
ture (prédateur) ou aux dépens desquels il se développe (parasite ou parasitoïde).
Indicateur biologique : organisme vivant, animal ou végétal, utilisé comme marqueur de
la qualité de l’environnement, par exemple de l’intensité d’une pollution.
Infection : phase d’une maladie qui fait suite à la contamination et correspond au déve-
loppement d’un agent pathogène à l’intérieur des tissus. Elle prend fin avec la guéri-
son ou la mort de l’hôte.
Infestation : envahissement d’un milieu, d’une plante-hôte ou d’une culture, par une
population d’organismes nuisibles, généralement des animaux (insectes, acariens…).
Lutte biologique : méthode qui consiste à combattre un organisme nuisible par l’utilisa-
tion de mécanismes naturels appartenant soit au règne animal soit au règne végétal,
ou qui en dérivent.
Lutte chimique : méthode qui consiste à utiliser des produits phytopharmaceutiques de
nature chimique pour combattre les organismes nuisibles.
Lutte intégrée : application rationnelle d’une combinaison de mesures biologiques, chi-
miques, physiques, culturales ou mettant en œuvre l’amélioration des végétaux.
L’emploi de préparations phytopharmaceutiques y est limité au strict nécessaire pour
maintenir les populations d’organismes nuisibles en dessous du seuil à partir duquel
apparaissent une perte ou des dommages économiquement inacceptables.
Lutte raisonnée : emploi rationnel de préparations phytopharmaceutiques, se définis-
sant notamment par le choix des produits, de leur dose, de l’époque d’application et
des techniques à mettre en œuvre, au sein d’un programme tenant compte de l’évo-
lution des organismes nuisibles.
Mutagène : qualifie un agent physique ou chimique capable d’induire des mutations.
Organisme génétiquement modifié (OGM) : entité biologique unicellulaire ou multicellu-
laire dont le matériel génétique a été modifié, autrement que par multiplication ou
recombinaison naturelle.
686
Modifier les itinéraires techniques 4 3
3 Ou Endothia.
687
4 Agriculture générale
LE DIAGNOSTIC PHYTOSANITAIRE
Le repérage d’un aspect anormal au sein d’une culture conduit tout naturellement à
s’interroger sur les causes de cette anomalie et sur ses conséquences possibles en
termes de production. Repérer les causes et prévoir les effets probables, c’est l’objec-
tif du diagnostic phytosanitaire.
4 Organes déformés, coloration anormale, apparition de taches, flétrissement de plants, crispation de feuilles, etc.
5 Organes fructifères troués, tiges perforées, feuilles trouées, minées ou brûlées, etc.
6 Plants exubérants ou nains, fleurs stériles, etc.
7 Manque à la levée, etc.
8 Biotique : qui a pour origine un être vivant.
9 Des documents de référence sur la plante cultivée et l’expérience de l’observateur sont utiles.
10 Pathogène ou ravageur.
688
Modifier les itinéraires techniques 4 3
L’étude au niveau d’un champ de la répartition des plants atteints, parfois à des degrés
divers, est souvent utile. En effet, ces plants peuvent se rencontrer uniquement sur
certaines zones de la parcelle11 ou être disposés dans une direction particulière en pré-
sentant parfois un gradient de gravité. Associée, lorsque cela est possible, à des relevés
sur les ennemis naturels présents, cette analyse permet, à défaut d’identifier l’agent
causal, de vérifier au moins s’il provient ou non du sol. En bénéficiant de l’existence
de pressions différentes de l’ennemi naturel dans l’espace ou dans le temps, il est par-
fois possible d’établir sa responsabilité dans l’apparition de l’aspect anormal de la cul-
ture. Des compétences extérieures et des essais d’infestation sont dans certains cas
nécessaires pour identifier précisément et mesurer l’impact d’un agent peu connu
localement.
LA PROTECTION INTÉGRÉE
● Le concept et le principe
Il a été élaboré en Amérique du Nord au début des années 50. L’expansion de l’agri-
culture reposait alors en grande partie sur le développement de l’utilisation de pesti-
cides. Les problèmes sanitaires et environnementaux qui en résultèrent firent prendre
conscience à l’opinion scientifique et publique des dangers d’une utilisation excessive
des pesticides pour la santé humaine et l’environnement. Il existe des dizaines de défi-
nitions des mots et des concepts : IPM, lutte intégrée, protection intégrée, protection
raisonnée, production intégrée, etc. On pourra utilement se référer aux sites internet
et aux ouvrages sur le sujet.
11 Dont on relève les éventuelles particularités : places inondées, enherbées, bordures de champ.
689
4 Agriculture générale
690
Modifier les itinéraires techniques 4 3
15 Motschulsky.
16 Hampson.
17 Rondani.
691
4 Agriculture générale
Cultures Maladies importantes pour lesquelles des Maladies importantes pour lesquelles des variétés
variétés résistantes ou tolérantes existent résistantes ou tolérantes n’existent pas
692
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Citons :
> la préparation du sol : l’incidence de la pyriculariose du riz pluvial est moins forte si
un labour profond est réalisé ;
> la fertilisation minérale : la correction d’une carence en silice diminue l’importance
de l’helminthosporiose du riz. Mais cette fertilisation doit être équilibrée car de
nombreuses nuisances peuvent être accentuées en cas d’excès : cas des jassides chez
le cotonnier ou de la pyriculariose chez le riz si de fortes fumures azotées sont
apportées ;
> l’entretien de la culture vis-à-vis des adventices qui réduit les possibilités de refuge ou de
multiplication de certains ravageurs : cas de la punaise du riz Leptocorisa acuta
Thunberg qui peut se développer sur Echinocloa crus-galli ou de Chilo polychrysus
Meyrick, borer du riz sur Scirpus gossus.
693
4 Agriculture générale
694
Modifier les itinéraires techniques 4 3
695
4 Agriculture générale
Il est alors possible de les utiliser comme plantes pièges pour épargner la culture en
procédant de deux façons :
> soit cultiver la plante piège en même temps que la culture et bénéficier d’une attrac-
tion préférentielle de cette plante : cas du maïs pour Anoplocnemis curvipes Fabricius
ravageur du niébé ou d’une crotalaire vis-à-vis de Maruca testulalis Geyer qui ravage
aussi les cultures de niébé ;
> soit cultiver plus tôt cette plante et détruire les ravageurs sur cette plante après leur
installation30. À la limite, on utilise parfois la plante cultivée en la semant plus tôt
pour attirer certains ravageurs et les détruire31.
Enfin, le pouvoir répulsif de plantes à l’égard de certains ravageurs peut être utilisé
pour protéger une culture : cas de Chromolaena odorata pour les crabes dans les rizières,
branches d’un arbre appelé Patulang contre la punaise Leptocorisa acuta 32 du riz et de
plantes aromatiques telles que l’ail ou la ciboulette dans les cultures de légumes.
30 Cas des hibiscus pour les chenilles d’Earias sp et peut être de H. armigera ravageurs du cotonnier.
31 Cas du riz pour réduire les infestations de cicadelles brunes.
32 Thunberg.
33 Cf. chapitre 423.
34 LeConte.
35 Guénée.
36 Fuller.
696
Modifier les itinéraires techniques 4 3
697
4 Agriculture générale
46 Entomopathogène : organisme (bactérie, champignon, virus… qui peut provoquer une maladie chez l’insecte ravageur.
47 Bojer.
48 Wolff.
698
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Deux principaux types d’agents entomopathogènes sont utilisés : les baculovirus et les
bacilles de B. thuringiensis49. En effet, dans la pratique, il y a peu d’utilisation d’autres
agents entomopathogènes : une granulose contre une chenille du manioc Erinnyis
ello50, des bactéries du genre Serratia, un champignon Beauveria pour lutter contre le
ver blanc de la canne à sucre.
● Les baculovirus
Ils provoquent des maladies appelées polyédroses qui détruisent complètement cer-
taines chenilles. Les préparations de baculovirus, à base de cadavres de chenilles infec-
tées, sont épandues comme des insecticides chimiques. Elles peuvent être fabriquées
en récoltant des chenilles virosées dans les cultures51 ou à partir d’élevages d’une
espèce sensible, comme le font certaines sociétés phytosanitaires. Ces préparations ont
longtemps été sensibles à l’action des ultra-violets et des pH alcalins. Ces défauts ont
été en partie corrigés mais la fréquence d’application de ces préparations doit encore
être élevée pour atteindre une certaine efficacité. Des préparations commerciales sont
actuellement employées avec quelques succès sur certaines cultures tropicales comme
le soja contre Anticarsia gemmatalis52 ou le cotonnier contre H. armigera et quelques
Spodoptera sp. Mais il existe un plus grand nombre d’applications de ces formulations
à base de baculovirus sur des cultures de milieu tempéré.
699
4 Agriculture générale
● L’emploi d’attractifs
Les phéromones sexuelles sont des substances émises par un insecte54 pour attirer l’in-
dividu de sexe opposé. Elles sont spécifiques à chaque espèce. Le plus souvent les phé-
romones sexuelles ne sont pas utilisées comme moyen direct de protection des cul-
tures, mais pour surveiller ou prévoir les infestations d’une culture par un ravageur.
Elles sont cependant parfois employées pour perturber les accouplements
chez une espèce et réduire en conséquence les infestations. Mais cela ne donne des
résultats satisfaisants que lorsque l’accouplement a lieu uniquement au sein de la cul-
ture55. Elles peuvent aussi être employées pour capturer en masse les individus d’une
espèce et les détruire au niveau des lieux de capture56. Cela est réalisé pour le cha-
rançon du cotonnier 57 en Amérique du Sud.
En dehors des attractifs sexuels, on utilise aussi divers types d’appâts (souvent ali-
mentaires) pour attirer certains ravageurs et pouvoir ainsi les détruire plus facilement
sur le lieu de leur piégeage (cas de nombreux rongeurs et des escargots).
54 Le mâle ou la femelle.
55 Cas du ver rose du cotonnier : P. gossypiella.
56 Par adjonction d’un insecticide.
57 Anthonomus grandis grandis Boheman.
700
Modifier les itinéraires techniques 4 3
L’utilisation raisonnée des pesticides repose également sur d’autres règles. Dans le
choix des pesticides, on opte pour ceux ayant à la fois une action sélective, le moins
d’effets secondaires néfastes sur les auxiliaires et l’environnement et les moins
toxiques pour la santé humaine. De plus, ce choix tient compte des stratégies déve-
loppées pour éviter ou retarder tout phénomène d’acquisition par l’agent nuisible de
résistance aux pesticides. Pour la même raison et afin de limiter l’ampleur des effets
secondaires (cas d’un sur-dosage), la dose d’utilisation du pesticide doit correspondre
aux recommandations.
701
4 Agriculture générale
Enfin, on doit agir au moment où l’agent responsable de la nuisance est le plus sen-
sible au pesticide choisi et utiliser des équipements adaptés et en bon état de fonc-
tionnement, en respectant les précautions d’utilisation.
Le traitement de semences avec des pesticides est souvent employé pour limiter l’in-
cidence d’une nuisance. Cette pratique ne peut réellement être considérée comme
une mesure de protection intégrée que dans les situations où, par expérience sur plu-
sieurs campagnes, on estime suffisante l’importance d’une nuisance (par exemple
pour les fontes de semis ou la maladie bleue du cotonnier).
Enfin, les pesticides d’origine végétale, appelés bio-pesticides, peuvent être employés,
mais dans les même conditions que les pesticides de synthèse au regard des principes
de la protection intégrée. Certains de ces pesticides ont une action fongicide (extrait
de feuilles de papayer ou de moringa), d’autres ont des propriétés insecticides ou aca-
ricides : acore odorant, annones, pyrèthre, neem, pourghère. Leurs applications pra-
tiques les plus fréquentes concernent la protection des denrées stockées.
58 Choix du site, destruction des résidus de récoltes, éradication de plants ou organes atteints, rotations culturales, choix
d’un matériel végétal indemne, choix des dates de semis, fumure équilibrée, etc.
702
Modifier les itinéraires techniques 4 3
À savoir
De nombreux pesticides sont en voie d’interdiction au sein de l’Union européenne59. Cette législation
est complexe et distingue les pesticides60 et les biocides61. Les lecteurs sont invités à consulter le site
Internet de la Commission européenne62. Des informations sur papier sont également publiées, en
français, dans l’Index phytosanitaire ACTA63. On peut enfin consulter le site de l’Agence américaine de
l’environnement64.
Certains sites Internet donnent des informations sur la gestion des pesticides :
– politique de la commission européenne en matière d’utilisation des pesticides dans les pays en voie
de développement65 ;
– banque de données pesticides pour l’Asie financée par la Commission européenne et réalisée par
le consortium I PHYTROP et l’E SCAP66 ;
– références techniques de la plupart des pesticides sur le site de l’Agence de l’environnement
américaine67.
703
4 Agriculture générale
● Les organo-phosporés
Ces molécules qui contiennent un atome de phosphore sont en général des neuro-
toxiques mais certaines ont une action ovicide. Il existe une grande variabilité de
structure au niveau des molécules, à l’origine d’une grande diversité de propriétés et
de comportement dans le sol et les plantes. Ainsi c’est la seule famille dans laquelle on
trouve des insecticides71, des acaricides72 et des nématicides73. Indépendamment du
fait que l’augmentation de la dose d’utilisation d’une substance élargisse son spectre
d’action74, certains organo-phosphorés sont efficaces sur plusieurs espèces75 alors que
d’autres sont beaucoup plus sélectifs76.
En général les organo-phosphorés insecticides sont employés contre les insectes
piqueurs suceurs77, les coléoptères, les chenilles phyllophages et les acariens. Certaines
substances telles que la phosalone préserveraient mieux la faune auxiliaire78. Des
organo-phosphorés qui présentent une faible toxicité sont utilisés dans le traitement
des denrées stockées79. Par contre d’autres sont très toxiques et nécessitent des
mesures importantes de précaution lors de leur emploi 80 et ils sont d’ailleurs actuelle-
ment interdits de vente dans de nombreux pays.
Certains organo-phosphorés sont solubles dans des solvants organiques et non dans
l’eau, alors que d’autres sont hydrosolubles81 ; d’autres sont complètement insolubles82
704
Modifier les itinéraires techniques 4 3
dans ces deux catégories de solvants. En fonction des doses mais surtout des condi-
tions d’utilisation (surdosage) certaines molécules peuvent être phytotoxiques83. En
ce qui concerne leur devenir dans le sol ou sur le végétal, les organo-phosphorés
sensibles à l’hydrolyse sont rapidement détruits alors que les autres peuvent parfois
persister plusieurs mois. On les classe d’après leur comportement vis-à-vis de la
plante : on distingue ceux qui restent à la surface du végétal84 de ceux qui sont dotés
d’un pouvoir de pénétration dans les plantes et sont véhiculés par la sève85. Du fait de
ces variations de propriétés entre molécules, les organo-phosphorés sont employés
dans de nombreux usages agricoles : traitement des sols, pulvérisation foliaire, traite-
ment des denrées stockées et traitement des semences.
● Les carbamates
Les carbamates insecticides et acaricides86 sont pour la plupart des dérivés de l’acide
carbamique. Si quelques carbamates sont utilisés comme analogues de l’hormone de
mue87 et d’autres ont une efficacité ovicide88, ce sont en général des neurotoxiques qui
agissent comme les organo-phosphorés. Les symptômes de l’intoxication chez la cible
sont très légèrement différents et apparaissent beaucoup plus rapidement qu’avec les
organo-phosphorés. Cependant, au niveau de la cible et dans la plante, ces molécules
sont plus rapidement absorbées, détoxifiées89 et éliminées. Ainsi, il a été observé des
cas de récupération après une période de paralysie. Comme pour les organo-phos-
phorés, en raison de la diversité des molécules existantes et des propriétés, il existe de
multiples possibilités d’utiliser les carbamates en agriculture. Cependant, ils sont prin-
cipalement employés pour le traitement des sols et des semences.
Certains90 sont peu toxiques alors que d’autres 91 nécessitent plus de précautions dans
leur utilisation. Certains carbamates ont un très large spectre d’action : l’aldicarbe est
doté de propriétés insecticides, acaricides et nématicides et le carbofuran agit sur les
insectes, les myriapodes et les nématodes. Mais ces substances sont aussi très toxiques
pour l’homme. Le carbaryl est actif contre de nombreux lépidoptères et coléoptères
et quelques insectes piqueurs suceurs, sauf les pucerons. On lui reproche de favoriser
les acariens. Le pyrimicarbe est un aphicide efficace qui épargnerait la faune auxi-
liaire. Les carbamates pénètrent dans la cible essentiellement par contact et par inges-
tion. Seul le carbofuran est cité pour agir par inhalation. De nombreuses molécules
sont dotées de propriétés systémiques : aldicarbe, carbofuran, carbosulfan, furathio-
carbe et méthomyl. Plus rarement elles sont translaminaires92. Enfin certaines peuvent
être phytotoxiques lorsqu’elles sont mal employées93.
81 Acéphate.
82 Tétrachlorvinphos.
83 Monocrotophos.
84 Triazophos.
85 Action systémique : profénofos.
86 Aucun n’étant considéré comme uniquement acaricide.
87 Fenoxycarb.
88 Méthomyl.
89 Par hydrolyse et oxydation.
90 Carbaryl, fenoxycarb.
91 Méthomyl, aldicarbe.
92 Pyrimicarbe.
93 Carbofuran.
705
4 Agriculture générale
706
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Les organo-chlorés
Il s’agit d’une famille où l’on trouve le DDT, encore utilisé pour lutter contre les vec-
teurs du paludisme, et ses dérivés. La plupart des organo-chlorés sont interdits du fait
de leur persistance et des risques d’accumulation dans les sols, les tissus végétaux et
les graisses animales. Quelques utilisations sont encore tolérées (diénochlore, endo-
sulfan), mais le contrôle de leur statut réglementaire est indispensable avant toute
utilisation ou recommandation.
707
4 Agriculture générale
Les produits à base de soufre, également d’une utilisation très ancienne100 ont une
action préventive101, surtout contre les oïdiums, mais ne peuvent pas être utilisés si la
température atteint 30°C car ils deviennent phytotoxiques. Certaines formulations à
base de soufre peuvent être dotées de propriétés acaricides.
D’autres fongicides inorganiques à base de métaux lourds (mercure, zinc, chrome) ont
été employés par le passé mais sont actuellement bannis dans presque tous les pays en
raison de leur très forte toxicité.
100 Soufre en fleur, soufre jaune sublimé, trituré ou ventilé, soufre micronisé, soufre noir précipité brun ou gris, soufre
mouillable.
101 Par contact et par vapeur si la température dépasse 20°C.
708
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Les dicarboximes
Ces fongicides très peu toxiques sont en général polyvalents (captane). Parmi les dicar-
boximes les plus connues, outre le captane, on peut citer le captafol, l’iprodione ou le
folpel.
● Autres familles de fongicides
Parmi les familles de produits riches en fongicides on peut citer les amines et amides
(carboxine, mépronil, oxycarboxine, forméthane, métalaxyl), les diazines (éthyrimol),
les sulfamides (tolyfluanide), les guanidines (doguadine), les hétérocycles divers avec
en particulier les imidazoles (étridiazole, prochloraze), les organo-phosphorés (édi-
fenphos) et les triazoles (penconazole). De nombreuses autres familles ne contiennent
que quelques molécules fongicides, comme les phénoxyquinoléines, les pipéridines ou
les pyridines.
709
4 Agriculture générale
de durée de la période après traitement nécessitant que les personnes soient protégées
lorsqu’elles pénètrent dans l’aire traitée et les risques physiques ou chimiques (risque
d’explosion et inflammabilité en particulier).
La plupart des pays en développement n’ont pas encore de réglementation aussi com-
plète. S’ils peuvent utiliser les informations données précédemment pour un pesticide
car elles sont facilement disponibles, ils doivent néanmoins se doter d’autorités com-
pétentes pour apprécier l’intérêt d’agréer un produit, variable selon les contextes.
710
Modifier les itinéraires techniques 4 3
maladies graves. Enfin, des allergies indépendantes de la dose sont également attri-
buables aux pesticides. Leur gravité dépend des réactions individuelles aux substances
en cause.
711
4 Agriculture générale
Avec les rodonticides, les symptômes d’intoxication sont spécifiques et ils se manifes-
tent par des ecchymoses, la présence de sang dans l’urine et les selles, des hémorra-
gies au niveau des gencives ou du nez106 et même du cerveau ou d’autres organes,
conduisant en général à une très grande faiblesse du malade et parfois à l’état de choc
ou au coma.
Les intoxications chroniques avec certaines substances peuvent provoquer des
tumeurs ou bien avoir des effets cancérogènes, mutagènes, tératogènes ou toxiques
pour les embryons.
● Le diagnostic de l’intoxication
Lors d’une intoxication par des pesticides il est important d’établir le plus rapidement
possible un diagnostic qui comporte les éléments suivants : la nature du pesticide107,
la quantité à l’origine de l’intoxication, les voies de l’intoxication, la durée et le
moment de l’intoxication, les premiers soins déjà apportés et les causes de l’intoxica-
tion. L’observation de symptômes caractéristiques pourra aider à l’établissement de ce
diagnostic quant à la nature du pesticide à l’origine de l’intoxication. Dans certains cas,
l’analyse des urines peut être un indicateur précis de la nature d’une intoxication.
712
Modifier les itinéraires techniques 4 3
713
4 Agriculture générale
Il convient aussi de bien respecter les prescriptions car, en cas de surdosage, la toxi-
cité des organo-phosphorés s’accroît. Si ces injections produisent des effets, elle
peuvent être renouvelées toutes les heures ou toutes les deux heures suivant la pré-
paration mais pas au delà de 24 heures après la première injection car les possibilités
de réactivation de la cholinestérase disparaissent progressivement. L’anxiété qui
apparaît parfois à la suite d’une intoxication avec des organo-phosphorés peut être
combattue par l’injection intramusculaire de diazepam. Enfin, dans le cas d’intoxica-
tions subaiguës ou chroniques, certains médicaments homéopathiques se sont révélés
efficaces.
Pour les intoxications avec des carbamates, le sulfate d’atropine peut également être
utilisé mais sans préparation d’oximes (qui rendrait les carbamates plus toxiques) et
uniquement si les symptômes, souvent passagers, persistent ou s’avèrent très graves.
Contre les dithiocarbamates, on ne connaît pas d’antidote spécifique et il convient uni-
quement de traiter les symptômes.
Il en est de même pour les organo-chlorés qui peuvent provoquer des convulsions
combattues par l’injection intramusculaire ou intraveineuse lente de diazepam (10 mg
pour l’adulte et 0,1 mg par kg de poids corporel chez l’enfant), d’un barbiturique à
action rapide (par exemple le penthiobarbital à raison de 5 mg par kg de poids cor-
porel toutes les 2 à 4 heures) ou encore l’administration de gluconate de calcium
(1,1 à 1,5 ml par kg de poids corporel trois fois par jour). Lors de la convalescence, un
régime pauvre en graisses permet d’éliminer plus rapidement les résidus.
Pour les intoxications aux pyréthrinoïdes, il n’y a pas non plus d’antidote spécifique et
le traitement des symptômes repose pour les intoxications par voie orale sur l’emploi
d’anticonvulsants comme pour les intoxications à base d’organo-chlorés ou de sédatifs
tels que le diazepam. On préconise parfois du charbon actif mais les pyréthrinoïdes
étant peu solubles dans l’eau, l’efficacité de cette mesure est faible.
En ce qui concerne les herbicides, qu’il s’agisse de composés phénoliques, d’ammo-
niums quaternaires ou d’aryloxyacides, on ne connaît pas d’antidote. Pour les ammo-
niums quaternaires (ou bipyridyls), en raison des risques graves entraînés par une
intoxication surtout si elle est orale (mort rapide dans certains cas), il convient de pra-
tiquer immédiatement un lavage d’estomac en ajoutant de la terre de Fuller (0,15 %)
et un purgatif adéquat (par exemple le mannitol) à l’eau de lavage. En prévention de
la fibrose pulmonaire, on peut administrer des corticostéroïdes tels que la prednisone
(deltacortisone) pendant quelques jours avant l’apparition des lésions pulmonaires.
Pour les intoxications avec des composés phénoliques, des traitements comparables à
ceux mis en oeuvre pour celles avec des organo-chlorés sont appliqués mais on veille
à refroidir le corps par des bains froids, une bonne ventilation ou l’application sur le
corps de tissus renfermant de la glace. D’autre part, le malade qui est placé dans un
calme absolu peut recevoir des tonicardiaques, des fortifiants cardiovasculaires (ana-
leptiques), des sédatifs et un traitement spécifique contre l’oedème pulmonaire.
Pour les intoxications avec des fongicides, qu’il s’agisse de phtalimides ou de dithio-
carbamates, on ne connaît pas non plus d’antidote spécifique et on combattra unique-
ment les symptômes.
714
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Pour les intoxications orales à base de rodonticides à action anti-coagulante, les vomis-
sements et le lavage d’estomac ne sont efficaces que dans les trois premières heures
après l’absorption. Ces intoxications sont traitées par la suite avec la prise de vitamines
K1 qui rétablit les propriétés coagulantes du sang. Selon la gravité de l’intoxication
cette prise se fera par voie orale ou par injection intramusculaire ou intraveineuse :
absorption de 5 à 10 mg, répétée au besoin 6 heures plus tard si l’intoxication est
légère ou de 10 à 20 mg au besoin répétée deux à trois heures plus tard si elle est plus
grave. Le traitement sera poursuivi tant que la coagulation de sang ne sera pas rede-
venue normale mais on ne dépassera pas 40 mg par jour.
715
4 3 7 La récolte, le stockage
et la première transformation
À partir des contributions de J.F Cruz (CIRAD), P. Dimanche (CIRAD),
M.N. Ducamp-Collin (C IRAD), G. Fliedel (C IRAD), J. Joas (C IRAD),
J.L. Marchand (C IRAD), C. Mestres (C IRAD), F. Troude (C IRAD)
● La récolte
Pour les céréales, la récolte peut intervenir lorsque la maturité physiologique est
atteinte, mais elle est le plus souvent postérieure à ce stade, de façon à permettre au
grain de commencer à sécher (préséchage au champ). Pour récolter dans de bonnes
conditions, l’humidité du grain doit être inférieure ou égale à 25 % pour le riz et le
maïs, 22 % pour le sorgho.
En Afrique, la récolte reste quasi exclusivement manuelle pour les céréales sèches. Elle
est parfois mécanisée pour le riz dans les périmètres irrigués, avec des moissonneuses-
batteuses, propriété d’entrepreneurs privés ou de groupements de paysans. Du maté-
riel lourd existe aussi pour le maïs ou le sorgho, mais leur prix de revient élevé en
réduit l’intérêt.
Au moment de la récolte, le grain peut être sain ou déjà altéré par des insectes2 ou des
moisissures produisant parfois des mycotoxines3.
717
4 Agriculture générale
● Le battage
Le battage (ou l’égrenage pour le maïs) est l’opération qui consiste à séparer les grains
de l’organe de la plante qui les porte. Souvent précédé d’un préséchage, il est tradi-
tionnellement effectué au pilon pour le mil et le sorgho et à la main pour le maïs. Mais
cette opération pénible fait de plus en plus souvent appel à des machines, actionnées
manuellement ou par un moteur.
Les petites égreneuses à maïs ne peuvent être utilisées que sur des épis épanouillés
(débarassés de leurs enveloppes externes), à la main ou à l’aide d’une épanouilleuse4.
Les égreneuses manuelles, entraînées par un volant, une pédale ou un petit moteur,
ont des capacités de quelques dizaines à quelques centaines de kilos/heure. Il en existe
de nombreux modèles. L’égreneuse mécanique Bamby, de Bourgoin, entraînée par la
prise de force d’un tracteur ou un moteur indépendant, a un débit de l’ordre de deux
tonnes par heure, et assure aussi un prénettoyage des grains.
C’est pour le battage du riz que les modèles sont les plus nombreux. Suivant leur
conception, on distingue les batteuses :
> classiques, avec des batteurs à doigts qui absorbent la paille et les grains et qui sont
en général des modèles européens de gros gabarit (400 à 2 000 kg/h) ;
> à paille tenue (la paille ne passe pas dans le batteur) avec des batteurs à boucles :
modèles à pédales sans contre-batteur et sans systèmes de nettoyage ; rendement
de 100 à 150 kg/h avec trois personnes ; modèles asiatiques de petit gabarit (100 à
1 000 kg/h) nécessitant un alignement des panicules à la mise en meule ;
> type Votex, qui absorbent pailles et grains, et dont le batteur réalise un léger net-
toyage (500 à 800 kg/h) ;
> type IRRI : rotative, à tambour, à écoulement axial.
La plupart des batteuses sont entraînées par des moteurs thermiques ou par les trac-
teurs. Le nettoyage est effectué soit par les batteurs soit par des machines spécifiques :
nettoyeurs-séparateurs ou tarares.
718
Modifier les itinéraires techniques 4 3
On peut noter que les pertes dues au stockage sont du même ordre de grandeur que
celles dues à la mauvaise manutention des grains, au battage ou à l’usinage.
Les pertes ou dégradations des grains peuvent être dues à :
> un stockage de grains insuffisamment secs ;
> un système de stockage mal ventilé ;
> une humidité de l’air trop élevée ;
> une chaleur excessive à l’intérieur de la zone de stockage, due à une mauvaise iso-
lation ou à l’activité des grains ;
> une mauvaise protection contre les rongeurs ou les insectes ;
> un stockage de grains cassés, éraflés ou mêlés à des impuretés.
Des moyens de lutte existent, qui permettent de minimiser les pertes. Cependant,
l’utilisation de l’un ou l’autre de ces moyens n’est pas toujours justifiée d’un point de
vue économique et il est parfois difficile de convaincre les petits agriculteurs d’enga-
ger des dépenses pour limiter les pertes.
Récolte 1–3%
Manutention 2–7%
Battage 2–6%
Séchage 1–5%
Stockage 2–6%
Transformation (usinage) 2 – 10 %
Total 10 – 37 %
● La stabilisation et le stockage
Parmi les céréales, certaines (riz, fonio) donnent après battage des grains vêtus, qui ont
conservé leurs glumelles, d’autres (maïs, mil, sorgho) des grains nus, déjà séparés des
glumelles. Ces enveloppes, lorsqu’elles sont présentes, améliorent considérablement la
protection du grain. Les grains sont composés, outre les glumelles des grains vêtus
(enlevés par le décortiquage) :
> d’un péricarpe, qui protège la graine et ralentit les échanges avec l’extérieur, qu’il
faudra enlever avant la consommation par l’homme : ce sera le décorticage des
grains nus, ou le blanchiment des grains vêtus ;
> de l’albumen, organe de réserve qui occupe la plus grande partie de l’intérieur du
grain. C’est cet albumen, constitué surtout d’amidon et d’un peu de protéines, qui
est consommé tel quel (cas du riz) ou après mouture pour le transformer en farine
ou semoule ;
> du germe, organe de reproduction, riche en huile et en vitamines. Il est donc préfé-
rable de le conserver, mais il est nécessaire de l’éliminer (dégermage) pour produire
des farines qui ne rancissent pas au cours de leur conservation.
6 Source : D.B. D EPADUA. Cité par C RUZ 1986. Le stockage des grains. B IT, dossier technique n° 11, 121 p.
719
4 Agriculture générale
Tableau 2 : Humidité maximale recommandée pour le stockage des grains en régions chaudes
Maïs 13 %
Paddy 13-14 %
Riz cargo 13 %
Sorgho 12,5-13 %
Mil 15 %
Blé 13 %
Pour un stockage prolongé, portant sur plusieurs années, des humidités inférieures à
celles préconisées au tableau ci-dessus doivent être retenues.
● La température
Elle joue un rôle important dans la conservation des grains car elle conditionne leur
vitesse de dégradation en accélérant la vitesse des réactions chimiques et enzymatiques
ainsi que la respiration. Une augmentation de température se traduit par un dégage-
ment de chaleur au sein de la masse des grains qui double pratiquement pour chaque
élévation de 5°C de la température, ceci jusqu’à environ 28°C (au-delà l’effet diminue).
La durée probable de conservation d’un stock est ainsi diminuée de moitié lorsque la
température des grains augmente de 5°C.
720
Modifier les itinéraires techniques 4 3
721
4 Agriculture générale
722
Modifier les itinéraires techniques 4 3
723
4 Agriculture générale
Les séchoirs
Un séchoir comprend :
– le corps du séchoir, qui contient les grains à sécher ;
– le générateur d’air chaud, qui permet de réchauffer l’air de séchage ;
– le ventilateur, qui permet la circulation de l’air dans la masse de grains.
Il existe deux types de séchoirs :
– les séchoirs statiques ou discontinus qui sont peu coûteux mais ne peuvent traiter que des quanti-
tés des grains réduites. Ils sont donc adaptés aux besoins de petits et moyens centres de collecte ;
– les séchoirs continus à grand débit qui nécessitent des infrastructures plus complexes, un équipe-
ment complémentaire et surtout une planification et une organisation particulière. Ils sont donc
destinés à de gros centres, silos ou magasins, où l’on traite de très grandes quantités de produits.
Ce séchage artificiel est efficace, mais coûteux. On a donc cherché à développer des séchoirs
solaires dès les années 70. Mais des coûts de fabrication élevés, une faible durée de vie et une
efficacité limitée ne permettent guère de les recommander.
● Le stockage
Le stockage individuel
Les caractéristiques du stockage individuel sont les suivantes :
> bien que représentant la forme essentielle du stockage dans les pays en développe-
ment, il intéresse généralement des quantités unitaires faibles de l’ordre de une à
deux tonnes ;
> les grains sont principalement destinés à l’autoconsommation. Cependant, une part
des stocks est réservée à la semence et parfois à la vente ;
> les stocks, dont une partie est prélevée chaque jour pour la consommation immé-
diate, sont généralement conservés une année pour couvrir les besoins familiaux
jusqu’à la récolte suivante. Le stockage à long terme (pluriannuel) est plus rare ;
> les récoltes ont généralement subi un séchage sur pied, au champ et ont pu subir
des attaques (insectes, rongeurs, oiseaux) ;
> les produits sont parfois stockés en épis, notamment durant les premiers mois du
stockage et sont souvent propres du fait d’un triage manuel effectué par le paysan
avant l’emmagasinage.
Les structures traditionnelles de stockage varient selon les pays et selon les zones cli-
matiques. Toutefois, toutes sont construites avec des matériaux disponibles localement
qui sont essentiellement la terre, la pierre, les fibres végétales et le bois.
Les greniers fermés
Les greniers en banco des zones sahéliennes de l’Afrique représentent un exemple
typique de grenier fermé. De section circulaire ou carrée, ces greniers sont construits
en terre plus ou moins armée de fibres végétales. La base de l’édifice, parfois consti-
tuée de rondins de bois, repose sur des pierres pour éviter les remontées d’humidité.
Le toit de chaume protège l’ouverture de remplissage (et de vidange) située dans sa
partie supérieure. Ces structures fermées sont adaptées aux zones sèches où les grains
sont, dès la récolte, dans un état de siccité important, donc stables vis-à-vis du déve-
loppement des micro-organismes.
724
Modifier les itinéraires techniques 4 3
725
4 Agriculture générale
11 Pour plus de détails, on se référera à l’ouvrage Conservation des grains en régions chaudes.
726
Modifier les itinéraires techniques 4 3
> de nouvelles approches, basées sur une meilleure connaissance des technologies
traditionnelles et du contexte socio-économique et sur des échanges locaux d’ex-
périences, ont permis d’introduire avec succès des améliorations aux structures
existantes : supports en béton remplaçant les piliers en bois, emploi du bambou
dans certaines régions, etc. Cette approche doit être développée pour trouver des
solutions au problème croissant de pénurie de matériaux locaux dans de nom-
breuses régions ;
> les cribs, qui permettent un séchage lent du produit, sont intéressants dans les
zones humides où les produits, qui ont un taux d’humidité élevé à la récolte, ne
peuvent être stockés en structures fermées.
Les cribs
L’efficacité du crib comme structure de séchage dépend d’abord de sa largeur : dans les zones très
humides où le maïs est récolté à 30-35 % d’humidité, la largeur ne doit pas dépasser 60 cm. Dans un
m3 de crib, on peut stocker environ 500 kg d’épis, soit l’équivalent de 300 kg de grains secs.
Pour construire le crib, on utilisera au maximum les matériaux disponibles localement. L’ossature de
la structure peut être en bambous ou rondins de bois. Les parois, généralement en grillage dans les
cribs modernes, peuvent parfaitement être réalisées en raphia, bambou fendu ou baguettes de bois.
Dans un crib, du maïs (en épis déspathés) récolté en première saison des pluies à 30 ou 35 % d’humi-
dité, peut être séché jusqu’à 15 % en moins de trois mois pendant la seconde saison des pluies.
L’humidité du maïs de seconde saison peut aussi être abaissée de 25 à 15 % en 10 jours.
Le stockage communautaire
Lorsque les quantités produites augmentent, essentiellement pour la vente, les tech-
niques traditionnelles ou améliorées de stockage ne suffisent plus, et le coût des ins-
tallations de stockage dépasse vite les capacités financières de producteurs indépen-
dants. Le stockage communautaire devient nécessaire.
Etant donné l’importance des quantités stockées (plusieurs centaines de tonnes), il est
alors possible de justifier des investissements importants dans des structures de stoc-
kage permettant un meilleur contrôle des stocks et un traitement des grains beaucoup
plus efficace que ceux envisageables dans le cadre d’un stockage individuel12.
12 Les techniques à mettre en œuvre, que ce soit pour un stockage en sacs ou en vrac, dépassent le cadre de cet ouvrage.
On se référera à l’ouvrage Conservation des grains en régions chaudes.
13 Ce chapitre doit beaucoup à « La transformation des produits agricole tropicaux » de J. F. CRUZ, 1995, CIRAD, 49 p.
14 Grain vêtu, consommé entier après usinage.
15 Grains nus, consommés sous formes diverses à base de farines ou semoules.
16 La mécanisation de ces opérations est en cours de mise au point.
727
4 Agriculture générale
● Le nettoyage
Cette opération a pour but d’éliminer les corps étrangers mélangés aux grains. C’est
une opération indispensable pour obtenir un produit fini de qualité, mais trop sou-
vent négligée. Traditionnellement, on utilise le vannage, qui consiste à lancer les
grains en l’air. Le vent emporte les impuretés légères, mais pas les impuretés lourdes,
ce qui oblige à compléter le vannage par un tri et un lavage.
La mécanisation est possible à différentes échelles :
> les tarares (de débit inférieur ou égal à une tonne/heure), mus à la main ou par un
moteur, sont des machines simples : une trémie de réception, un ventilateur et un
jeu de tamis de dimensions appropriées au grain à nettoyer ;
> les prénettoyeurs et les nettoyeurs séparateurs : leur coût et leur débit (de cinq à vingt
tonnes/heure) les réservent aux centres de stockage.
● Le décorticage
Pour les grains nus (mil, sorgho, maïs), le décorticage consiste à éliminer le péricarpe
et la testa (mil et sorgho), couche riche en composés phénoliques antinutritionnels, et
le germe (maïs) riche en huile et responsable du rancissement des farines au cours du
stockage.
Pour les grains vêtus (riz et fonio), le décorticage comprend le décorticage propre-
ment dit, qui transforme le riz paddy (revêtu de ses glumelles) en riz cargo débarrassé
de ces enveloppes, et le blanchiment, qui élimine les téguments et le germe et donne
le riz blanchi, prêt à être consommé.
● Le décorticage des mils et sorghos
Les mils et les sorghos sont consommés sous forme de bouillies, pâtes, couscous ou
galettes traditionnelles réalisées à base de farines ou semoules plus ou moins gros-
sières, obtenues après décorticage et mouture des grains.
Le décorticage traditionnel consiste à piler le grain préalablement nettoyé et réhumi-
difié (5 % d’eau) pour rendre plus souples les téguments et faciliter le dépelliculage.
Le décorticage mécanique peut se faire par friction de grains réhumidifiés ou par
abrasion des grains contre une surface rugueuse.
● Le décorticage du maïs
Dans le cas du maïs, le décorticage a pour but d’enlever le péricarpe mais surtout
d’ôter le germe pour éviter que l’oxydation des lipides qu’il contient n’altère les qua-
lités organoleptiques des produits finaux (farine, bière...). Ce dégermage représente,
encore aujourd’hui, un problème dans de nombreux pays africains.
Le travail traditionnel de décorticage du maïs est plus long et souvent plus pénible que
celui du mil ou du sorgho. Le dégermage est cependant rarement effectué car la
farine produite est souvent consommée immédiatement. Elle a d’ailleurs ainsi une
plus grande valeur nutritive.
Le développement actuel de la culture du maïs conduit à prévoir d’autres débouchés
que l’autoconsommation. La commercialisation et le stockage des farines pendant plu-
sieurs semaines ou encore la fabrication de grits de brasserie nécessitent alors un
dégermage systématique.
728
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Les décortiqueurs
Plusieurs décortiqueurs peuvent être utilisés parmi lesquels :
– le décortiqueur Engelberg, initialement conçu pour l’usinage du riz, qui est parfois utilisé pour le
décorticage des autres céréales mais nécessite habituellement une réhumidification des grains qui
conduit à l’obtention d’une farine instable car humide ;
– le décortiqueur COMIA/FAO, qui élimine les téguments par frottement. Son débit est de 200 à
300 kg/h. L’usure prématurée de certaines pièces (battes en caoutchouc) n’a pas permis à cette
machine de connaître un réel développement ;
– le décortiqueur PRL (CRDI - Canada). Les premiers matériels de ce type permettaient de transformer
plusieurs centaines de kg/heure et étaient surtout destinés aux unités artisanales produisant des
farines ou semoules. Pour permettre un travail à façon des unités de transformation, une version
réduite appelée mini PRL a été conçue. La machine fonctionne en discontinu à partir de 10 kg de pro-
duit. Pour alléger l’appareil, les meules ont été remplacées par des disques en résinoïde. Ce matériel
est utilisé pour les mils et sorghos mais également pour le maïs. Il en existe diverses fabrications
locales notamment au Sénégal et en Gambie. Son principal défaut reste son fonctionnement en dis-
continu qui ne permet pas de vérifier la qualité du décorticage en cours de travail ;
– le décortiqueur CIRAD : le décorticage s’effectue par abrasion. Le fonctionnement en continu de l’ap-
pareil permet, en intervenant sur la trappe de sortie, de contrôler en permanence le niveau de décor-
ticage des grains. Le débit de la machine peut varier de 50 kg/h à 100 kg/h et est adapté aux besoins
des villageois ou des artisans transformateurs urbains. Ce matériel est aujourd’hui commercialisé par
la société française Electra.
● L’usinage du riz
L’usinage du riz consiste à transformer le riz paddy en riz blanc : 100 kg de paddy
donnent 70 kg de riz blanchi (entier + brisures), 20 kg de balles, 8 kg de sons et
farines, 2 kg de germes.
Dans les pays tropicaux, deux techniques extrêmes ont longtemps coexisté : le pilon-
nage manuel familial et, à l’opposé, l’usinage industriel, souvent monopole d’Etat. Le
décorticage artisanal, longtemps marginalisé, tend aujourd’hui à se développer dans
de nombreux pays avec les politiques de libéralisation. On assiste aussi à l’émergence
de techniques semi-industrielles avec le développement de minirizeries.
Le décorticage traditionnel est effectué au pilon et mortier. Il s’agit plus d’un décorti-
cage que d’un usinage car le blanchiment est peu poussé. Cette pratique quotidienne
laborieuse est encore très répandue en milieu villageois pour la transformation des
grains destinés à l’autoconsommation.
729
4 Agriculture générale
L’usinage artisanal
La décortiquerie correspond au premier stade de mécanisation de la transformation.
C’est l’unité la plus simple où l’usinage du paddy s’effectue en un passage au travers
d’une seule machine : le décortiqueur de type Engelberg. Le décorticage-blanchiment
du riz est obtenu par friction des grains entre eux et par frottement sur la grille de
fond. Les performances techniques de la machine sont généralement médiocres (ren-
dement à l’usinage de 60 % seulement) et les actions de choc (pièces métalliques) exer-
cées sur le riz conduisent à un taux de brisures souvent très élevé (50 %), qui diminue
fortement la valeur commerciale du produit. L’étuvage préalable du paddy permet
d’améliorer les performances de la machine.
Dans la décortiquerie améliorée, les opérations de décorticage et de blanchiment sont
séparées et effectuées dans deux machines différentes : un décortiqueur à rouleaux et
un décortiqueur Engelberg utilisé comme blanchisseur. Cette séparation des opéra-
tions permet d’améliorer les performances de l’unité, avec un rendement d’usinage
proche de 65 % et un taux de brisures légèrement réduit (40 % environ).
L’usinage semi-industriel (minirizeries)
C’est un niveau de transformation relativement récent qui vise à atteindre des perfor-
mances équivalentes à celles observées en rizerie industrielle mais avec une complexité
nettement moindre. Par rapport à la décortiquerie, la minirizerie comporte toujours un
matériel de nettoyage du grain avant décorticage. Le débit horaire est de 500 à 800
kg/heure mais l’insertion de nouvelles machines en parallèle permet d’atteindre des
débits voisins d’une tonne et demi par heure.
L’unité d’usinage comprend :
> un décorticage par rouleaux caoutchouc ;
> une séparation des balles par ventilation (aspiration) ;
> un blanchiment par friction ou abrasion.
Cette succession d’opérations est réalisée par une seule machine, dans le cas des uni-
tés compactes, ou par des modules séparés : décortiqueur d’une part et blanchisseur
d’autre part avec, souvent, insertion d’une table densimétrique.
Ces unités permettent un rendement d’usinage proche de 70 %, un taux de brisures
réduit et une récupération séparée des sous produits (son pour l’alimentation du
bétail). Elles présentent un fort potentiel de développement.
● Le broyage et la mouture
Le broyage, qui donne des semoules, ou la mouture, qui donne des farines, sont tra-
ditionnellement réalisés au mortier après décorticage et vannage/lavage des grains.
C’est une opération longue et fastidieuse, mais elle peut être mécanisée. De nombreux
matériels sont aujourd’hui disponibles.
Les broyeurs à main sont de petits moulins disposant de meules verticales striées en
fonte aciérée ou en acier17. De nombreuses fabrications locales existent en Afrique
mais elles ne sont pas toujours de très bonne qualité.
17 Exemple : Champenois.
730
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Arachide 50 25
Ricin 49 -
Soja 21 38
Sésame 49 18
Pois du Cap 2 18
Niébé 2 22
Voandzou 8 25
(1) base graine décortiquée
731
4 Agriculture générale
Malgré une bonne aptitude à la conservation, les pertes à la récolte et au stockage peu-
vent être très importantes. Elles sont dues essentiellement à des facteurs exogènes
(insectes, moisissures).
Avec l’application d’un minimum de mesures préventives dès la récolte (séchage
rapide et prévention contre les insectes) et lors de la conservation (protection insecti-
cide), leur aptitude au stockage est correcte puisqu’elle permet de garder des graines
jusqu’à la récolte de l’année suivante.
19 Restes en terre pour l’arachide, dispersion des graines sur le sol pour le sésame.
20 1 % de gain par jour durant les dix derniers jours du cycle de l’arachide.
21 Coloration marbrée brunâtre du parenchyme intérieur des gousses d’arachide, coloration brun clair des gousses de
niébé et de soja, coloration brun clair des capsules inférieures de sésame.
732
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● La stabilisation et le stockage
● Le séchage
Le séchage des graines sera d’autant plus rapide que la récolte interviendra en début
de saison sèche. Il sera, en revanche, beaucoup plus lent et difficile au cours de la
petite saison sèche en zone intertropicale à deux saisons des pluies ou si la culture a
été conduite en irrigation totale. Lorsque la biomasse est importante (cas de l’ara-
chide), il est conseillé de ne pas procéder au regroupement en meules tant que l’hu-
midité des récoltes reste supérieure à 10 %, afin d’éviter le développement de moisis-
sures susceptibles de produire des mycotoxines. La séparation manuelle des gousses
dès l’arrachage (égoussage en vert) représente une technique permettant d’accélérer
le séchage.
Pour les graines protéagineuses, le séchage naturel s’opère rapidement et les
méthodes de séchage en couche mince sous film plastique au soleil, conseillées pour
certaines espèces (niébé), ont essentiellement pour but d’assurer une destruction préa-
lable des insectes afin de faciliter la conservation. Il est par ailleurs recommandé de
regrouper les récoltes de certaines espèces à fructification fragile (sésame, niébé, soja)
sur des aires propres (bâches, claies, etc.) en fin de séchage, de façon à éviter des
pertes en graines importantes et leur pollution par du sable ou de la terre.
● Le stockage
Pour l’arachide et le voandzou, dont les graines sont protégées par une coque relati-
vement solide, on privilégie le stockage en gousses. Cette dernière constitue la
meilleure protection contre les mécanismes endogènes de dégradation métabolique.
En revanche, les modes et conditions essentiels de réussite du stockage des graines
décortiquées se résument à :
> une propreté physique des grains ;
> une humidité stabilisée ;
> une désinsectisation préalable ;
> une rapidité de mise en stock ;
> une conservation en milieu confiné ou anaérobie (silos étanches, fûts, etc.).
733
4 Agriculture générale
● La première transformation
Le producteur vend l’essentiel de sa récolte sous forme de graines sèches (décorti-
quées ou non). La vente en frais se limite à de faibles quantités d’arachide et de niébé
en gousses primeurs. De ce fait la première transformation se limite au battage et au
nettoyage des grains. Accessoirement, et selon le marché visé, l’agriculteur décortique
l’arachide à la main ou à l’aide d’une machine manuelle. S’il produit artisanalement
de l’huile, c’est essentiellement pour l’autoconsommation. La vente des surplus ne
dépasse pas le cadre du village.
Ces graines (à l’e xclusion du ricin), qui sont utilisées sous différentes formes (graines,
farine, pâte) dans l’alimentation des populations, sont en majorité transformées par la
ménagère.
L’approvisionnement des marchés importants (locaux ou d’exportation) est, en géné-
ral, assuré par des transformateurs spécialisés (groupements de femmes, artisans,
industriels) disposant d’équipements dont la nature et la taille sont fonction du
volume traité et des exigences de qualité imposées par les acheteurs.
Il existe une très large gamme de matériels de récolte et de battage (de l’égousseuse
manuelle à la batteuse autotractée) et de transformation (du décortiqueur manuel aux
décortiqueurs industriels ou de la presse manuelle à l’huilerie industrielle). Signalons
également que les matériels de capacité intermédiaire, adaptés aux petites entreprises,
existent très souvent à la fois en version technologique simple (huileries indiennes) et
sophistiquée (mini-huileries européennes).
734
Modifier les itinéraires techniques 4 3
variétés). Ceci conduit pour les conserver à les transformer en produits secs plutôt
qu’à les stocker sous forme de produits frais.
Au-delà de ces similitudes, les plantes à racines et tubercules présentent des diffé-
rences marquées. Qu’y a-t-il de commun entre l’igname ou la pomme de terre qui
peuvent, grâce au phénomène de dormance, se conserver plusieurs mois, et le
manioc, dont les racines doivent être transformées dans les deux jours qui suivent la
récolte ? Ou entre le taro et la patate douce, qui peuvent être cultivés, donc récoltés,
tout au long de l’année si les conditions climatiques sont favorables, ce qui limite les
besoins de stockage, et l’igname, dont la photosensibilité ne le permet pas, et qui doit
donc être stockée ?
On distinguera donc, en fonction de l’aptitude au stockage :
> les plantes qui ne supportent pas ou très peu le stockage en frais, comme le manioc ;
> les plantes qui supportent un stockage en frais de faible durée (quelques semaines)
comme le taro et la patate douce ;
> les plantes qui supportent un stockage en frais de plus longue durée (quelques
mois). C’est le cas de l’igname et de la pomme de terre, tant que dure la dormance.
On distinguera aussi les plantes généralement consommées en frais (taro, patate
douce, pomme de terre, igname), même si elles sont parfois transformées, des plantes
essentiellement transformées car elles ne se stockent pas en frais. C’est le cas du
manioc.
Le curing
Le curing est recommandé pour cicatriser les blessures. Cette opération consiste à soumettre les
tubercules à des températures élevées (30 à 40°C) en atmosphère humide (85 à 90 % d’humidité rela-
tive) pendant trois à sept jours. Elle peut être pratiquée sur plusieurs espèces d’igname, la pomme de
terre, le taro, le macabo et la patate douce.
735
4 Agriculture générale
Enfin, pour limiter les pertes en cours de stockage, il est nécessaire de trier les
tubercules sains ou parfaitement cicatrisés. Les autres seront transformés rapide-
ment.
● La stabilisation et le stockage
Ce paragraphe ne concerne guère le manioc, qui ne peut pas être stocké au-delà de
quelques jours à l’état frais (cf. la fiche manioc dans le chapitre 51).
22 Par exemple, trempage dans le thiabendazole à 300 ppm pendant dix minutes.
736
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Le séchage
Le séchage des tubercules, généralement coupés en tranches, peut être pratiqué sur
manioc, patate douce, igname, macabo et taro. Ce séchage est le plus souvent réalisé
au soleil, mais on peut également utiliser des séchoirs à air chaud dont existent de
nombreux modèles. La durée de conservation est alors portée à plusieurs mois. Cette
technique est couramment appliquée au manioc, pour produire des cossettes séchées
pour l’exportation. Une protection insecticide avec des produits autorisés (par
exemple divers pyréthrinoïdes, le chlorpyriphos-méthyl, le pyrimiphos-méthyl) est en
général nécessaire.
● La première transformation
Les racines et tubercules (à l’exception du manioc) sont le plus souvent vendues en
frais ou sous forme séchée, sans transformation particulière par le producteur. De
nombreuses recettes permettent de les consommer. Elles sont le fait de la ménagère
ou de la restauration.
Cependant il existe une technique de transformation, applicable à la patate douce, la
pomme de terre et l’igname. Il s’agit d’une précuisson des tubercules frais, épluchés,
entiers ou découpés en tranches, suivi d’un séchage, qui donne ce que l’on appelle, en
Afrique de l’Ouest, les cossettes d’igname.
737
4 Agriculture générale
● La récolte
Le moment de récolte est, en partie, déterminé par les conditions météorologiques et
l’état du marché. Le produit doit alors être prêt à être récolté, et tous les moyens
nécessaires réunis, que ce soit au niveau de la main d’œuvre destinée à réaliser la
récolte ou pour le transport après récolte.
En effet, certaines récoltes fragiles doivent être vendues immédiatement alors que
pour d’autres, le temps entre la récolte et la vente peut être plus long.
● Comment récolter ?
Les fruits mûrs, dont le pédoncule reste attaché au fruit, ont un point de rupture
naturel qui permet de les détacher facilement lors de la cueillette. Il suffit de tirer et
tordre le pédoncule en soutenant le fruit (fruit de la passion, tomate).
En général, pour les fruits dont le pédoncule est ligneux, on utilise des ustensiles
simples pour permettre une coupe franche des pédoncules (mangues, agrumes, avo-
cat etc.). La section s’effectue à environ un centimètre du fruit pour éviter un arra-
chement qui provoquerait une blessure et une possibilité d’infestation du fruit.
Pour les mangues, on utilise des cueille-fruit (manche en bambou, sac et lame orien-
tée vers l’extérieur pour sectionner le pédoncule) ou des sécateurs à bouts ronds de
préférence pour ne pas blesser les fruits. Dans le cas ou des pinces de récolte sont uti-
lisées (cas des agrumes par exemple), il faut ensuite recouper le pédoncule de façon
plus propre.
738
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Le conditionnement
> le sac permet de récolter les fruits à épiderme résistant (agrumes) et peut se porter
en bandoulière. Il doit pouvoir s’ouvrir par le bas pour transvaser les fruits dans un
autre conteneur ;
> les seaux et autres récipients en plastique conviennent aux fruits plus fragiles ;
> les paniers profonds risquent d’écraser les produits et les bacs de grande conte-
nance présentent un danger d’échauffement car il ne sont pas ventilés.
Il est nécessaire de ne pas laisser trop longtemps les produits en bord de champs ou
sous une chaleur importante, car cela entraîne un début de perte de poids, un dessè-
chement et un flétrissement qui altèrent la qualité du produit, ainsi que l’échauffe-
ment important de la pulpe qui entraîne une dégradation irrémédiable des qualités
gustatives.
739
4 Agriculture générale
740
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● La stabilisation physique
Elle peut être obtenue par :
> l’obscurité : il est important de protéger les fruits de la lumière, car celle ci altère la
qualité des produits ;
> de basses températures : dans la mesure du possible, il faut stocker les fruits à des tem-
pératures qui permettent de ralentir les processus métaboliques du mûrissement et
la respiration des produits et peuvent aussi limiter le développement des micro-
organismes. Cette technique nécessite des installations particulières, basées sur le
refroidissement de l’air23 ou de l’eau24. Ces systèmes doivent s’intégrer dans une
chaîne d’emballage et de conditionnement. Si on a la possibilité d’utiliser du froid
pour stabiliser les produits, celui-ci doit être adapté aux espèces : il existe une tem-
pérature critique pour chaque espèce. Le stockage à une température inférieure
entraîne une dégradation des produits stockés25, qui se traduit par l’apparition
d’une coloration brune en surface et à l’intérieur des fruits ;
> la ventilation : elle doit permettre une bonne homogénéisation de la température et
de l’humidité dans les entrepôts de stockage, être adaptée à l’emballage utilisé et ne
doit pas créer de dessèchement des fruits. Le renouvellement de l’air dans l’entre-
pôt permet par ailleurs d’éviter l’accumulation de gaz carbonique26 et d’éthylène.
L’éthylène est un composé volatile, produit par les fruits, qui provoque le déclen-
chement de la maturation et accélère le mûrissement ;
> l’hygrométrie : de façon générale elle doit être élevée (> 90 %) afin d’éviter les pertes
de poids et les flétrissements. Mais, si elle est trop élevée, elle provoque des déve-
loppements fongiques. L’hygrométrie optimale dépend de l’espèce, de la durée et
de la température de stockage ;
> la modification de l’atmosphère : on peut limiter les échanges gazeux des fruits en aug-
mentant le taux de gaz carbonique et en diminuant le taux d’oxygène de l’atmo-
sphère qui les entoure. Ceci peut être obtenu par injection gazeuse dans les
enceintes de stockage ou par utilisation de films plastiques synthétiques ;
> le trempage dans l’eau chaude : il sert à limiter les développement fongiques, car la
majeure partie des pathogènes présents sur l’épiderme est détruite à des tempéra-
tures de 45 à 55°C. Chaque espèce, là aussi, a des caractéristiques particulières.
23 Air cooling.
24 Hydro cooling.
25 Maladies du froid.
26 Respiration des produits.
741
4 Agriculture générale
● La stabilisation chimique
Les produits disponibles sont nombreux et variés, ils peuvent agir soit sur la physio-
logie du fruit soit sur les micro-organismes de dégradation. Leur emploi est générale-
ment plus simple et moins coûteux que les techniques de protection physiques :
> les fongicides sont employés pour la désinfection des fruits tropicaux après récolte.
Ils sont proposés sous forme miscible à l’eau, en solution ou en suspension stable.
Ils peuvent être utilisés en trempage (fruits irréguliers et de faible densité) ou en
pulvérisation (fruits réguliers sphériques) ;
> les bactéricides ne sont pas autorisés par la législation. Le seul utilisé l’est au verger
pour lutter contre les bactérioses des arbres fruitiers ;
> les insecticides sont peu utilisés sur les fruits tropicaux ;
> les cires permettent une protection de l’épiderme du fruit et ralentissent les pertes
de poids par transpiration et le dessèchement.
Le rôle du blanchiment
Il sert à :
– attendrir le tissu végétal pour pouvoir supporter les manipulations ultérieures ;
– éliminer l’air et les autres gaz pour diminuer les réactions d’oxydation ;
– augmenter la perméabilité des parois cellulaires pour augmenter la vitesse de déshydratation et
faciliter la réhydratation ultérieure ;
– compléter le lavage du produit en réduisant la contamination chimique et la charge bactérienne ;
– détruire les enzymes pouvant provoquer des dégradations.
742
Modifier les itinéraires techniques 4 3
743
4 Agriculture générale
744
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Bibliographie
Céréales
Conservation des graines en régions chaudes, 1988. CEEMAT, Ministère de la Coopération et du
Développement, 546 p.
Grain storage techniques, 1994. FAO, Bulletin des Services Agricoles n° 109, 277 p.
Cruz, J.F. 1994. Transformation des produits agricoles tropicaux. CIRAD Grains et graines, 49 p.
Légumineuses et oléoprotéagineux
Collection « Le technicien d’agriculture tropicale », Maisonneuve et Larose
- n° 9 Les légumineuses vivrières tropicales, par M. BORGET
- n° 37 L’arachide en Afrique tropicale, par R. SCHILLING
- n° 4 Le stockage des produits vivriers (2 volumes), par J. APPERT.
Bulletins techniques de l’Institut de recherche agronomique du Cameroun (IRA) et CRSP
- n° 2 Le séchoir solaire pour améliorer le stockage du niébé.
GILLIER, P. ET SILVESTRE, P. L’arachide, Collection «Techniques agricoles et productions tropicales»,
Maisonneuve et Larose.
Tubercules
BELL, MICK O., SCHULER B., 2000. Les richesses du sol, A, DES-ZEL et GTZ, 237 p + annexes.
KNOTH J.K., 1993. Le stockage traditionnel de l’igname et du manioc et son amélioration, GTZ, 95 p.
ONWUEME I.C. et HARLES W.B., 1994.Tropical root and tuber crops, F AO, 228 p.
Fruits et légumes
AMORRIGGI G, 1988. Techniques de transformation et conservation artisanale des fruits et légumes.
Rome FAO, 62 p.
Conservation des fruits à petite échelle. Série technologique, dossier n° 13 et n° 14. Genève, BIT, 1990,
226p.
Comment conserver et transformer les fruits et légumes au Sahel. Mali, CILSS, Institut du Sahel, Guide
technique, 1991. Diffusion : R ESADOC, Institut du Sahel BP 1530 Bamako, Mali.
FRANÇOIS M. Transformer les fruits tropicaux. Guide technique, Collection le point sur les technolo-
gies. G RET, ministère de la Coopération et du Développement, CTA. ACCT, 1997, 221 p.
745
4 3 8 La traction animale
et la motorisation
À partir d’une contribution de J.C. Lassaux (CIRAD)
L’ÉNERGIE ET SA MESURE
L’énergie peut se définir comme le moyen de faire un travail. Lorsqu’une force est
appliquée à un objet et qu’il y a déplacement, un travail est effectué et il y a dépense
d’énergie. Le travail, c’est l’outil en mouvement. En agriculture, comme pour toute
autre activité, sans énergie il n’y a pas de récolte !
Selon sa nature, l’énergie peut être mesurée selon différentes unités : la calorie pour
l’alimentation, la frigorie pour le froid, la thermie pour le chauffage, le kilowattheure
pour l’électricité, la tec (tonne équivalent charbon) et la tep (tonne équivalent pétrole)
pour l’industrie. L’unité légale est le joule (J) : travail produit par une force d’un
Newton dont le point d’application se déplace d’un mètre dans la direction de la force.
L’énergie qui est fournie à un système durant une unité de temps pour effectuer un
travail est la puissance. La puissance est exprimée en watt (W) : puissance d’un sys-
tème énergétique dans lequel est transférée une énergie de 1 joule pendant une
seconde. On trouve fréquemment des données d’énergie exprimées en watt heure
(Wh) ou même en kilowattheure (kWh) soit 1000 Wh. Le watt heure correspond à
l’énergie produite pendant une heure par un système d’une puissance de 1 watt, soit
3600 joules.
La tep correspond à une tonne de pétrole, soit 7,3 barils, équivalente approximative-
ment à 1,5 t de charbon et 4500 kWh.
Le cheval (ch) est l’unité utilisée pour désigner la puissance des moteurs thermiques
diesel ou essence : 1 ch = 75 kg m/s = 736 W = 0,736 kW (1 kW = 1,36 ch).
747
4 Agriculture générale
● La productivité comparée
Les tableaux suivants fournissent différents temps de travaux en fonction des sources
d’énergie utilisées et de la puissance mise en œuvre en fonction des travaux effectués.
748
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Travail Matériel Utilisé Traction généralement nécessaire en condition moyenne sur terre franche
749
4 Agriculture générale
Tableau 3. Comparaison des itinéraires techniques et des charges de culture pour la riziculture des quatre pays
du PSI1 (Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal) en 1998
● Les perspectives
L’augmentation de la production agricole ne peut se faire indéfiniment par extension
des surfaces cultivées. L’intensification de l’agriculture est une nécessité pour faire face
à l’accroissement démographique global ainsi qu’à la croissance encore plus forte de
la population urbaine dans de nombreux pays. Elle peut se faire par le développement
de la motorisation, en irriguant d’avantage, par l’emploi d’engrais minéraux, mais il
faut de l’énergie pour produire les engrais et pour pomper l’eau d’irrigation.
750
Modifier les itinéraires techniques 4 3
L’ÉNERGIE ANIMALE 2
● Les animaux de trait
Les bovins, les chevaux, ânes et hybrides, et les dromadaires sont les principales
espèces utilisées pour leur énergie dans les agricultures tropicales. L’espèce animale de
trait ou de bât retenue en priorité est celle qui est disponible sur place, bien connue
des utilisateurs potentiels, rustique et adaptée à la pathologie de la zone, ou celle qui
présente les meilleures possibilités d’adaptation s’il est nécessaire de l’y introduire.
● Les bovins 3
Les bovins sont des animaux rustiques et résistants qui développent une force de trac-
tion importante et présentent une bonne résistance à l’effort. Si leur allure est plus
lente que celle du cheval, elle permet néanmoins un meilleur contrôle de la machine
et du travail effectué. La valorisation en boucherie de la carcasse bovine en fin de car-
rière constitue un argument économique important dans les régions où la viande des
équidés n’est pas consommée.
Les bovins d’Afrique se répartissent en deux sous-espèces, taurins et zébus, qui com-
portent elles-mêmes de nombreux types. Elles se distinguent morphologiquement et
physiologiquement mais peuvent se métisser.
Les critères morphologiques pour apprécier les qualités de trait chez les bovins sont
les suivants : conformation compacte, trapue, avec une masse musculaire développée,
poitrine ample et profonde, encolure puissante, dos droit, membres puissants et
courts, onglons solides. On recherche des animaux lourds puisque la force de traction
est proportionnelle au poids de l’animal.
2 Pour l’essentiel, ce qui suit est extrait de l’ouvrage Agriculture africaine et traction animale.
3 Cf. chapitre 71.
751
4 Agriculture générale
● Les chevaux4
Les chevaux, les ânes et les hybrides constituent l’alternative la plus fréquente aux
bovins. Les chevaux sont retenus pour la rapidité avec laquelle s’effectuent les tra-
vaux. Leur dressage est plus facile que celui des bœufs et les attelages plus maniables.
La carrière des chevaux est plus longue5, ce qui favorise et valorise en même temps le
dressage. Le cheval est également utilisé au transport et comme monture. Ce dernier
point continue d’en faire un animal de prestige, avec lequel il est aussi très agréable,
pour l’homme, de travailler. Chez les équidés, l’utilisation des deux sexes pour le tra-
vail est habituelle.
Pour les chevaux, les critères morphologiques pour apprécier un animal de trait sont
les suivants : épaule courte et droite, membres puissants et droits, sabots sains et durs.
On recherche également des animaux lourds.
752
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● Les dromadaires
Le dromadaire est normalement utilisé comme animal de bât et de monte dans toute
sa zone de répartition : Afrique saharienne et sahélienne, Afrique du Nord, Moyen-
Orient et nord de l’Inde. Il procure aux nomades qui l’élèvent le lait, la viande égale
à celle des bovins et les poils utilisés pour le tissage. Il se contente de ressources four-
ragères qui ne pourraient convenir aux autres herbivores. Outre son aptitude aux tra-
vaux culturaux, le dromadaire est le plus souvent utilisé pour l’exhaure de l’eau et
pour actionner les moulins.
● Le transport
Il ne peut y avoir de développement sans transport. Le transport des personnes et des
produits est de loin l’activité la plus importante de toute exploitation agricole. Il est
quotidien et se fait en toute saison, à l’intérieur des agglomérations et surtout à leur
périphérie et dans les zones rurales agricoles. En Afrique subsaharienne, les transports
concernent par ordre d’importance :
> l’acheminement quotidien des produits pour les usages domestiques, surtout l’eau
et le bois ;
> les travaux des champs, activité saisonnière avec transport des petits matériels, des
semences et convoyage des récoltes vers les greniers ;
> le transport des produits de rente vers les centre de collecte ;
> les déplacements à caractère social.
● Le portage
Le déplacement à dos d’âne, mais aussi à dos de cheval ou de dromadaire, est courant
en zone méditerranéenne, sahélienne et subsaharienne. L’âne est de loin le plus uti-
lisé, sans aucun harnachement (vitesse de 5 à 8 km/h). Le bœuf est parfois employé
mais le cheval et le dromadaire sont des moyens de déplacement beaucoup plus
nobles. Ils sont harnachés et équipés de selles, spécifiques à chaque espèce, fabriquées
localement.
753
4 Agriculture générale
● Le traîneau
Les traîneaux peuvent être de conception rudimentaire : par exemple, deux bois de
150 mm de diamètre reliés entre eux pour former un V, ou simplement une branche
en forme de fourche.
Plus étroits que les charrettes, avec un centre de gravité très bas, les traîneaux sont
avantageux pour la descente de terrains en pente ou peu portants (sableux ou argi-
leux humides) et pour le transport hors piste.
● La charrette
Le transport par charrette à roues prend de plus en plus d’importance. Il n’est pas
réservé aux seuls travaux agricoles. Il sert aussi aux artisans et petits commerçants,
acheminant des matériaux en tous genres tels que bois, eau, briques et produits ali-
mentaires vers les villages et les marchés.
La charrette est le matériel de base de la mécanisation en zone rurale. Son emploi doit
être considéré comme une action prioritaire pour le démarrage et le développement
de la mécanisation du travail agricole en traction animale, en raison de l’importance
des besoins de transport en zone rurale et périurbaine et de leur croissance avec l’aug-
mentation de la production.
La classification des charrettes se fait d’après la charge utile (CU), celle que peut sup-
porter une charrette sans déformation ni rupture, en tous terrains.
Charge utile (kg) Poids à vide (kg) Dimensions du plateau Dispositif d’attelage (moyenne)
À vide, le timon ou les brancards doivent s’appuyer légèrement sur le joug ou la dos-
sière de l’animal. Il est nécessaire de veiller à l’équilibrage du chargement pour don-
ner aux animaux leurs meilleures possibilités de travail. La charge ne doit jamais être
excessive au niveau du joug. À l’opposé, le déséquilibre vers l’arrière est nuisible.
La roue en bois avec cerclage en fer, utilisée notamment en Afrique du Nord, en
Egypte et à Madagascar, équipait autrefois tous les chariots avant l’emploi des pneu-
matiques.
Les roues métalliques sont en voie d’abandon, essentiellement à cause de problèmes
de qualité de matériaux et de fabrication. Elles présentaient un avantage certain dans
les zones où abondent les épineux.
754
Modifier les itinéraires techniques 4 3
755
4 Agriculture générale
Le labour
Le labour, réalisé au moyen d’une charrue, consiste à retourner les couches superfi-
cielles du sol en enfouissant les résidus végétaux, en détruisant les adventices et en
ameublissant les blocs de terre à plus ou moins grande profondeur. Il soumet un cer-
tain volume de terre à l’action des agents atmosphériques (air, pluie, rayonnement
solaire) et permet aussi d’enfouir les herbes, les débris végétaux, les engrais et les
amendements. Enfin, les racines ou rhizomes de mauvaises herbes (Imperata, riz
rouge…) sont détruits en surface par dessiccation.
Le labour est caractérisé par la profondeur de travail, maîtrisable mais limitée par les
caractéristiques du matériel et surtout par la puissance des attelages. Ainsi, on peut
distinguer :
> les labours légers de moins de 10 cm de profondeur, réalisables en traction asine ;
> les labours moyens jusqu’à 15 cm de profondeur ;
> les labours profonds de plus de 20 ou 25 cm de profondeur, réalisables en traction
bovine.
Le labour est un travail important et pénible, qui doit être exécuté rapidement pour
ne pas retarder la mise en culture. Le retournement du sol donne une surface plus ou
moins chaotique et motteuse qui doit être affinée à l’aide d’un autre outil, la herse,
pour obtenir un bon lit de semence.
Le travail de retournement et d’ameublissement peut conduire à une évaporation de
surface accrue et à une plus faible minéralisation de l’humus, limitant ainsi les
matières minérales absorbables par la plante. Le labour n’est pas recommandé dans
les zones arides ou semi-arides.
La charrue à soc et versoir est le matériel le plus utilisé pour la préparation du sol
par retournement dans beaucoup de régions tempérées et tropicales. En culture
attelée, on rencontre deux grands types de charrues : la charrue simple et la charrue
réversible.
La préparation du sol nécessite un effort important et soutenu à une période de l’an-
née difficile pour les animaux du point de vue alimentaire. C’est souvent aussi la
période de dressage ou de reprise en main des animaux. La puissance des attelages
est donc réduite, ainsi que leur endurance.
756
Modifier les itinéraires techniques 4 3
Le sarclage et le binage
Ce sont les formes d’entretien des cultures les plus pratiquées :
– l’opération de binage, en brisant la croûte superficielle du sol, favorise l’infiltration des pluies et
limite l’évaporation à la surface du sol ;
– l’opération de sarclage consiste essentiellement à sectionner les adventices dans le sol à faible
profondeur au moyen de pièces travaillantes tranchantes.
Les deux opérations sont souvent combinées, avec le passage d’un outil de sarclo-binage assurant
l’ameublissement du sol et le déracinement des adventices.
Le buttage des cultures à plat associe le désherbage à l’apport de terre à la base des
plantes. Le passage du butteur nécessite un effort de traction plus important que la
houe de sarclo-binage.
Bien qu’il existe des pulvérisateurs à traction animale, les agriculteurs africains les uti-
lisent peu, au profit d’appareils actionnés soit manuellement (pulvérisateur, pou-
dreuse), soit par un petit moteur auxiliaire (atomiseur, appareil ULV).
Hormis pour le soulevage de l’arachide, l’utilisation de la traction animale au moment
des récoltes se limite le plus souvent au transport des produits agricoles.
757
4 Agriculture générale
● Le logement
Le logement doit se situer à proximité du lieu de résidence, de façon à permettre un
contact permanent entre l’animal et l’utilisateur. Le logement le plus simple est un
enclos de stabulation, où les bêtes restent à disposition de l’homme et où il peut leur
apporter alimentation et abreuvement. Il est nécessaire d’y installer au moins des
piquets pour attacher les animaux ou mieux, une stalle, couloir de contention où l’ani-
mal sera bloqué sur les flancs afin de pouvoir subir des traitements sanitaires.
C’est aussi une aire de repos, qui doit comporter un abri contre les intempéries et le
soleil. Enfin, c’est le lieu de concentration des déjections des animaux et il doit, pour cette
raison, permettre une récupération du fumier et pouvoir être facilement désinfecté.
Dans un parc, l’abri n’est souvent représenté que par l’ombrage d’un groupe d’arbres.
L’étable simple à toit de chaume n’est qu’une version améliorée de cet abri primitif.
L’étable fumière est plus élaborée.
● L’alimentation
Raisonner l’alimentation permet d’avoir des animaux de trait en bon état au début de
la période de travail et de conserver cet état durant les travaux. Il est important de
leur faire passer les périodes critiques dans de bonnes conditions. Les quantités d’ali-
ments à distribuer doivent être calculées en fonction de la ou des productions deman-
dées : travail, travail + viande, travail + lait.
La consommation en eau est fonction des conditions climatiques, de la ration ingérée7
et des productions : énergie mécanique dans le cas du travail, lait pour la vache, crois-
sance pour le jeune.
L’organisation de l’affouragement des animaux de trait est une contrainte majeure
pour l’exploitant en traction animale. L’agriculteur cherche à éviter une surcharge de
travail pour l’alimentation de ses animaux. Le schéma le plus économe en temps
consiste à permettre à l’animal de trouver le fourrage dont il a besoin, en s’assurant
que ce fourrage est disponible en quantité suffisante et que sa qualité répond aux
besoins nutritionnels. Lorsque cela est nécessaire, l’agriculteur procure les aliments
que l’animal ne peut trouver seul, notamment les compléments riches.
Il n’existe pas d’organisation standard de l’affouragement. L’exploitant est seul en
mesure de juger la part d’investissement en temps et en argent qu’il veut y consacrer.
En revanche, il ne faut pas oublier qu’il y a avantage à tirer le meilleur parti des res-
sources peu onéreuses, et à savoir gérer ces ressources.
758
Modifier les itinéraires techniques 4 3
La culture attelée et l’utilisation de l’énergie animale pour diverses autres tâches d’in-
térêt agricole représentent une forme d’intégration des animaux dans l’organisation
de la production agricole. Elle s’accompagne fréquemment de l’utilisation des sous-
produits, voire des produits agricoles comme ressources fourragères, de l’utilisation
du fumier pour la fertilisation et parfois de l’introduction de cultures fourragères qui
contribuent au maintien de la fertilité des sols.
● Le suivi sanitaire
Il n’existe pas de pathologie spécifique aux animaux de trait. Cependant, une utilisa-
tion intense peut les prédisposer à des troubles rencontrés à un moindre degré chez
les autres animaux. C’est notamment le cas des plaies cutanées et des lésions des arti-
culations ou des membres, fréquentes chez les animaux de trait et particulièrement
chez les chevaux. Cette pathologie est généralement d’origine accidentelle.
Le surmenage et l’utilisation excessive des animaux dans des conditions difficiles, tra-
vaillant plusieurs heures sans boire ni manger, constituent les principales causes d’ac-
cidents ou de mort. Par ailleurs, certaines maladies ont des conséquences plus graves
sur les animaux de trait, car elles les empêchent de travailler8. Enfin, la fatigue induite
par le travail peut réactiver des maladies plus ou moins latentes ou en exacerber les
symptômes9.
Les animaux de trait se différencient des animaux en élevage extensif ou même semi-
intensif : il s’agit d’animaux de valeur, parfaitement identifiés dont chaque agriculteur
ne possède le plus souvent qu’un ou deux exemplaires. Il ne faut donc pas envisager
une médecine vétérinaire de masse, mais une médecine de type individuel.
759
4 Agriculture générale
● Le matériel
La disponibilité locale d’équipements et de pièces détachées est indispensable au déve-
loppement de la mécanisation agricole en traction animale.
Dans de nombreux pays, la fabrication industrielle d’équipements agricoles a été
confrontée à de sérieuses difficultés. Cependant, les usines restent encore des parte-
naires privilégiés pour des commandes importantes, pour des négociations à l’impor-
tation et pour des travaux délicats d’usinage ou de traitement des métaux.
La fabrication artisanale par les forgerons est en plein essor malgré ses contraintes. La
matière première est souvent constituée de ferrailles de récupération et, de ce fait, la
qualité est inférieure à celle des produits importés. Les forgerons, en s’associant, peu-
vent acheter des matières premières de qualité et fabriquer des matériels en séries
relativement importantes. L’avenir de la mécanisation en traction animale dépend
fortement des réseaux de forgerons, qui diffusent les matériels et assurent leur
maintenance. Ils peuvent être appuyés notamment grâce à une politique de crédit à
l’équipement.
760
Modifier les itinéraires techniques 4 3
LA MOTORISATION11
● Ses principaux usages
La motorisation agricole englobe tout ce qui concerne l’emploi des moteurs pour
effectuer les travaux agricoles :
> les tracteurs avec leurs équipements et les automoteurs ;
> les motoculteurs et autres engins spécialisés ;
> les moteurs pour entraîner les machines utilisées à poste fixe ou portées à dos
d’homme.
En 1997, plus de 80 % des 26 millions de tracteurs agricoles sont utilisés en Amérique
du Nord, en Europe et en Asie. L’Afrique et l’Amérique du Sud n’en comptent que 1,8
million (6 %).
En Afrique les tracteurs, à deux ou quatre roues motrices, sont essentiellement des
modèles standards importés, parfois assemblés, mais rarement conçus localement.
Leur nombre a plus que doublé en Afrique du Nord en vingt ans. Leurs effectifs aug-
mentent peu en Afrique subsaharienne et diminuent en Afrique du Sud. Les tracteurs
dits de motorisation intermédiaire, de faible puissance (25 à 30 ch), sont peu répandus.
Environ 1 400 unités sont utilisées essentiellement en Côte d’Ivoire, au Burkina, au
Cameroun et au Mali.
Les machines de récolte automotrices utilisées en Afrique sont principalement des
moissonneuses-batteuses, dont 90 % sont utilisées en Afrique du Nord et en Afrique
du Sud.
Les motoculteurs, peu utilisés dans les pays africains, ne sont pas pris en compte dans
ces statistiques. Par contre, l’emploi de moteurs sur des machines utilisées à poste fixe
ou portées à dos d’homme est très développé. Leur utilisation est facilitée par la dif-
fusion de cellules autonomes, compactes et légères, faciles à déplacer tant pour les tra-
vaux au champ (irrigation, traitement) qu’en bordure de champ après la récolte
(battage, triage, vannage, broyage). Le nombre de moteurs ainsi utilisé est nettement
supérieur au nombre de tracteurs.
761
4 Agriculture générale
762
Modifier les itinéraires techniques 4 3
763
4 Agriculture générale
● L’environnement de la motorisation
● L’approvisionnement
Les possibilités d’approvisionnement en équipements varient énormément suivant les
pays. Rares sont ceux disposant d’unités de fabrication industrielle. Quelques-uns pos-
sèdent des unités de montage ou d’assemblage pour un nombre restreint de matériels.
Les pays africains sont donc fortement dépendant des conditions d’approvisionne-
ment en machines et en pièces détachées : problèmes de devises, de délais d’achemi-
nement, de disparité des marques et des modèles. Le marché de l’occasion, issu du
parc de réforme des matériels des pays industrialisés, offre de nouvelles perspectives.
Mais les circuits ne sont pas encore très organisés et ne permettent pas, le plus sou-
vent, de contrôle de qualité.
● Les infrastructures
Les infrastructures d’entretien et de réparation s’organisent assez rapidement aux
abords des grands centres urbains et commerciaux, mais restent quasi inexistantes
dans les zones rurales éloignées. La maintenance est fortement pénalisée par l’impos-
sibilité de s’approvisionner rapidement en pièces détachées d’usure courante qui sont
importées à la demande. Elle est rendue difficile par le manque d’infrastructures tech-
niques de qualité pour les réparations et les contrôles et par la rareté ou le manque de
compétence des mécaniciens. Ces derniers sont souvent contraints de procéder à du
bricolage avec du matériel de récupération.
● Les moyens financiers
La motorisation coûte relativement cher à l’achat et en fonctionnement. Le recours
aux emprunts est fréquent. Des mesures d’accompagnement en matière de fiscalité et
de crédit favorisent l’introduction des équipements. Dans certaines situations, les pro-
ducteurs sont contraints de réaliser des prestations de service pour obtenir les liquidi-
tés nécessaires au fonctionnement.
764
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● La compétence du personnel
La compétence du personnel chargé d’utiliser et de gérer des matériels aussi coûteux
est impérative et ce facteur est trop souvent négligé. Pour les utilisateurs, la formation
s’opère le plus souvent sur le tas par approche progressive. Trop souvent cette forma-
tion insuffisante se traduit par une mauvaise utilisation pénalisant la qualité du travail
ou du produit, le rendement et la durée de vie de la machine, ce qui génère un coût
de fonctionnement exagérément élevé et une diminution des recettes.
765
4 Agriculture générale
● Le contexte socio-économique
Les choix adaptés techniquement doivent être rentables. Trois éléments économiques
sont fondamentaux : la valeur marchande des produits, le coût des opérations moto-
risées et celui de la main d’œuvre. En général, la motorisation se développe avec les
hausses du coût de la main-d’oeuvre. Mais il est nécessaire que le prix de vente de la
production soit suffisamment élevé pour favoriser l’investissement et couvrir les diffé-
rentes charges d’exploitation.
La diffusion de la motorisation, freinée généralement dans les pays en développement
par la faiblesse des revenus des exploitants, doit viser la réduction des coûts de pro-
duction et l’amélioration de la productivité du travail. Localement, les résultats éco-
nomiques de la culture dépendent fortement des contraintes pesant sur la producti-
vité de la terre, du travail et des plantes.
Les modes d’accès à la motorisation sont variés. En petite motorisation, le matériel
appartient en général à l’exploitant, mais il peut être aussi emprunté ou loué. La
motorisation de la transformation des produits existe en milieu rural. Mais la majorité
des équipements se trouvent dans les centres urbains et sont la propriété de fonction-
naires, de commerçants ou de salariés. En motorisation conventionnelle, le matériel
appartient soit à des particuliers, paysans, soit à des collectivités ou des entreprises.
766
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● L’économie de la motorisation
Pour une même opération, des modèles très différents de machines existent à des prix
extrêmement variables. Leur utilisation nécessite des modes d’organisation spéci-
fiques des chantiers, tenant compte des performances.
Le choix d’un matériel doit pouvoir se justifier économiquement, c’est-à-dire être ren-
table grâce à une augmentation sensible de la productivité du travail. Il est nécessaire
de réaliser, avant tout investissement, une étude économique préalable. Pour que le
calcul de rentabilité soit réalisé correctement, il faut établir le prix de revient prévi-
sionnel des opérations motorisées. Puis replacer les charges de mécanisation dans un
compte d’exploitation prévisionnel, afin de s’assurer de l’intérêt de la mécanisation.
Le prix de revient de travaux mécanisés est facile à calculer lorsque toutes les
dépenses effectuées sont enregistrées, ce qui est rarement le cas dans les pays en déve-
loppement.
Il faut enfin garder à l’esprit que la motorisation a des incidences sur l’économie natio-
nale des pays en développement. Les coûts en devises de l’importation des matériels,
des pièces détachées et, dans de nombreux cas, des carburants et des lubrifiants sont
très importants. Une compensation en devises est, éventuellement, réalisée par des
dons de matériels (encore importants), une diminution des importations alimentaires
ou une augmentation des exportations. À l’échelle des pays, des mesures d’accompa-
gnement (fiscalité, subventions) existent pour les matériels et les carburants et influent
directement sur la rentabilité et les coûts de la motorisation pour les producteurs et
les entrepreneurs.
767
4 Agriculture générale
14 Extraits de Energie et développement durable en milieu rural en Afrique - Dossier pédagogique - Fiche N° 2 Les choix énergé-
tiques en milieu rural et la place des énergies renouvelables. Jean-François R OZIS, GERES, 12 p, mai 1997, plus compléments au
sujet de la biomasse et de son utilisation.
768
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● L’énergie éolienne
Il s’agit de récupérer l’énergie contenue dans l’air en mouvement. Cette énergie est
fonction de la vitesse du vent et de la surface exposée au vent. L’utilisation de la puis-
sance mécanique ainsi générée est soit directe (mouture, pompage), soit indirecte
(production d’électricité via un générateur). Deux applications principales sont recen-
sées : les éoliennes de pompage et de production électrique (aérogénérateurs).
● Les éoliennes de pompage
L’énergie mécanique produite est utilisée pour le pompage de l’eau par le biais d’une
pompe à piston.
Les éoliennes de pompage sont caractérisées par une faible vitesse de rotation et un
couple de démarrage élevé : démarrage avec 3 à 4 m/s et arrêt lorsque le vent dépasse
10 à 12 m/s. La puissance obtenue, généralement inférieure à 10 kW, est proportion-
nelle au carré de la surface balayée par le rotor (en moyenne de 1 à 2 m3/h/m2 balayé
pour 1 m de hauteur manométrique), et au cube de la vitesse du vent.
Il s’agit d’une technologie très ancienne avec des milliers de systèmes à travers le
monde. De nouveaux modèles plus légers et de meilleur rendement sont en cours de
développement. Pour des systèmes rustiques, la maintenance consiste à lubrifier régu-
lièrement et remplacer les pales défectueuses (en particulier les voiles en tissu).
Cette technologie nécessite des vents de 3 à 4 m/s minimum.
● Les aérogénérateurs
L’énergie contenue dans l’air en mouvement est convertie en courant électrique (alter-
natif ou continu). Les aérogénérateurs sont équipés d’un rotor rapide de deux ou trois
pales, couplé à un stockage ou non de l’électricité (inutile pour les équipements
connectés au réseau électrique).
Ces systèmes demandent une bonne technicité même pour les tailles réduites. Peu de
pays en développement en fabriquent (Chine, Inde). Les applications actuelles restent
pilotes en milieu rural sauf en Mauritanie. La contrainte initiale reste le choix du site,
qui nécessite une évaluation précise du régime des vents au cours de l’année. D’autre
part les niveaux d’investissement restent élevés (6 000 à 7 500 euros/kW installé).
Il faut toutefois souligner que l’énergie éolienne a retrouvé une place de choix dans
les programmes énergétiques des pays industrialisés, compte-tenu de l’évolution tech-
nologique pour les fortes puissances qui permet d’obtenir un coût du kWh produit
inférieur à celui des centrales classiques. D’importants programmes d’installation se
généralisent en Europe.
● Le biogaz
Par un procédé de fermentation hors oxygène, les composés organiques (déjections
humaines ou animales) produisent un dégagement composé essentiellement de
méthane appelé biogaz. Cette production de biogaz nécessite la mise en place d’un
digesteur dimensionné aux quantités à traiter. Ce gaz peut être destiné à des utilisa-
tions domestiques ou artisanales.
769
4 Agriculture générale
● La biomasse
Les combustibles d’origine végétale sont en majorité composés de cellulose et lignine.
Par combustion en présence d’oxygène, ils dégagent de la chaleur et de l’énergie lumi-
neuse (flamme) ainsi que de la fumée ayant des caractéristiques bactériostatiques inté-
ressantes pour la conservation des denrées alimentaires.
C’est à d’autres formes de présentation de la biomasse que nous nous intéressons ici.
L’agriculture peut, en effet, être elle-même productrice d’énergie grâce aux cultures
énergétiques dont les produits ou sous-produits fournissent de l’énergie : gazéification
du bois ou des résidus agricoles, huiles végétales utilisées en substitution du gasoil,
production d’alcool.
● Les gazogènes
Très utilisés en Europe durant la dernière guerre mondiale, ils produisent un gaz
pauvre à partir de la combustion partielle de la biomasse : bois, résidus agricoles. Ce
gaz peut être brûlé directement ou utilisé dans un moteur à combustion interne.
Les gazogènes se justifient par des applications industrielles dans des sites boisés iso-
lés. Mais leur usage implique de nombreuses contraintes techniques : maintenance,
dégagement de fumées… Cette technique est très utilisée au Brésil.
● Les carburants de substitution
L’utilisation d’huiles végétales (coprah, palme, coton, arachide) est désormais possible
en substitution du gasoil ou en association gasoil + huile + alcool. L’alcool (éthanol)
produit à partir de la canne à sucre est par ailleurs utilisé en substitution à l’essence
ou en mélange essence + alcool.
Le Brésil est le pays qui a le plus développé la culture de la canne à sucre en vue de
produire de l’alcool carburant. Le développement de cette technologie se heurte,
compte-tenu du prix de revient de la canne à sucre, à la concurrence avec les produits
pétroliers et à la meilleure valorisation de l’alcool destiné à la consommation humaine.
770
Modifier les itinéraires techniques 4 3
● L’énergie hydraulique
Tout comme l’air, il est possible d’utiliser l’énergie contenue dans l’eau avec l’avantage
supplémentaire de pouvoir la stocker avant utilisation (lacs de barrage, retenues). La
gamme d’utilisation est tout aussi étendue que pour l’énergie éolienne. Son utilisation
doit tenir compte des aspects écologiques (faune et flore) et des conséquences sur
l’usage agricole (irrigation, abreuvement).
L’énergie hydraulique est utilisée depuis très longtemps, sous forme d’énergie méca-
nique transmise par l’arbre d’une roue à aubes : moulins à grains, scieries, entraîne-
ment de machines textiles, etc. Ces applications sont encore largement utilisées.
Néanmoins une utilisation plus souple et beaucoup plus étendue de l’énergie hydrau-
lique est apparue au XXe siècle : la production d’électricité. Celle-ci peut s’opérer à
presque toutes les échelles de la production électrique : depuis la production domes-
tique (pico, micro-centrale hydraulique de quelques dizaines de watts à quelques kilo-
watts) jusqu’à la production nationale (grandes centrales de plusieurs centaines de
mégawatts).
La construction de grandes centrales, très fréquente dans les années 60 à 90, devient
plus rare car les sites utilisables sont désormais peu nombreux et les impacts sociaux
et écologiques sont très lourds : déplacement de populations, etc.
771
4 Agriculture générale
Bibliographie
Agriculture africaine et traction animale, 1996, CIRAD, 355 p.
Energie et développement durable en Afrique, dossier pédagogique du GERES, mai 1997, fiche n°1
L’énergie en milieu rural en Afrique, Alain GUINEBAULT, 4 p., fiche n°2 Les choix énergétiques en
milieu rural et la place des énergies renouvelables, Jean-François ROZIS, 12 p.
Guide de l’énergie, Institut de l’énergie des pays ayant en commun l’usage du français, Ministère de
la Coopération et du Développement, ACCT.
La motorisation dans les cultures tropicales, 1998,. CIRAD, 351 p.
Spore, n°88, août 2000, Energie et Agriculture, p. 1 et 2.
772
5 AGRICULTURE
SPÉCIALE
5.1 Les plantes comestibles
5.2 Les cultures fourragères
5.3 Les plantes à autres usages
5.4 Glossaire
5 1 Les plantes
comestibles
5.1.1 Les céréales
5.1.2 Les autres amylacées
5.1.3 Les légumineuses à graines
5.1.4 Les plantes oléagineuses
5.1.5 Les espèces fruitières
5.1.6 Les légumes
5.1.7 Les plantes stimulantes
5.1.8 Les plantes à épices
5.1.9 Les cultures sucrières
5 1 1 Les céréales
À partir des contributions de N. Ahmadi (CIRAD),
J. Chantereau (CIRAD), C. Hekimian Lethève,
J.L. Marchand (CIRAD), B. Ouendeba (ROCAFREMI-ICRISAT)
LE BLÉ
Triticum aestivum ssp aestivum (blé tendre) et Triticum turgidum ssp. durum (blé dur)
Anglais : bread wheat ; durum wheat
Espagnol : trigo harinero ; trigo castalino
Portugais : trigo
Famille des Poaceae
777
5 Agriculture spéciale
● La plante
Le blé est une plante annuelle. Son système racinaire est fasciculé et comprend cinq à
six racines primaires et de nombreuses racines secondaires. Les tiges partent du pla-
teau de tallage ; on distingue le brin-maître ou talle primaire et les talles secondaires
et tertiaires. Les tiges mesurent de 0,45 à 1,70 m en fonction de la variété, des condi-
tions climatiques et de l’emploi éventuel de raccourcisseurs. Elles possèdent de cinq à
sept nœuds ainsi que trois ou quatre feuilles.
Chaque tige peut produire un épi composé d’un axe ou rachis portant de nombreux
épillets. Les épillets sont séparés par de courts entre-nœuds. Chaque épillet est un axe
reproducteur condensé, comprenant deux bractées stériles (appelées glumes) qui
enveloppent deux à cinq fleurs.
Chaque fleur est portée par un court pédicelle et enfermée entre deux bractées appe-
lées glumelles. La fleur hermaphrodite possède trois étamines et le pistil comprend un
seul ovaire, un seul ovule et deux styles se terminant chacun par un stigmate plu-
meux. Le blé est une espèce surtout autogame, pollinisée par le vent. Après féconda-
tion, chaque fleur donne naissance à un fruit unique, le grain de blé.
Le cycle du blé comprend cinq phases :
> germination-levée : la germination commence lorsque le grain a absorbé le quart de
son poids d’eau ;
> tallage : les tiges secondaires apparaissent durant cette phase qui dure quarante à
cinquante jours ;
> montaison : les tiges s’allongent mais les épis ne sont pas encore apparents ;
> épiaison-floraison : les épis apparaissent puis la plante fleurit ; les étamines apparais-
sent une fois la fécondation terminée. Cette phase dure environ trente jours ;
> développement et maturation des grains : les grains acquièrent leur forme et leur taille
définitive, puis leur consistance évolue ; ils passent du stade laiteux au stade pâteux
puis au stade grain dur.
La durée totale du cycle est de l’ordre de cent vingt à cent cinquante jours en milieu
tropical. Plante des climats tempérés, le blé se développe entre 50° de latitude Nord
et Sud. Elle a besoin d’un minimum de cent jours sans gel pour se développer et
nécessite en culture pluviale de 400 à 500 mm de précipitations pendant son cycle. Le
blé a surtout besoin d’eau en début de cycle (de la germination au tallage), puis durant
la quinzaine qui précède l’épiaison.
La température minimale de germination des graines est de 3°C, l’optimum étant
27°C. La floraison ne peut débuter que si la température dépasse 14°C et est optimale
à 16,5°C. La maturation est optimale autour de 20°C.
Le blé préfère les sols profonds et bien structurés, à pH voisin de la neutralité. Il ne
supporte pas l’engorgement.
Les sélections effectuées par les agriculteurs et par les chercheurs ont privilégié
quelques caractères : la résistance à l’égrenage sur pied (qui facilite la récolte), la
nudité des graines (qui facilite le battage), la faible longueur de la tige (résistance à la
verse et rapport grain/paille), la résistance aux maladies, et enfin l’augmentation de
l’efficience de l’utilisation de l’eau. Il existe près de 30 000 variétés de blé.
778
Les plantes comestibles 5 1
● La culture du blé
Dans les pays tropicaux, le blé ne peut pas être cultivé à basse altitude pendant la sai-
son chaude. Il est généralement cultivé en altitude et pendant la saison froide et sèche.
Il est alors irrigué (ou cultivé en décrue) et récolté en fin de saison sèche. Dans les pays
subtropicaux comme le Pakistan, le blé est également une culture de saison froide et
a également besoin d’être irrigué. La surface de blé irrigué correspond à plus de 45%
de la surface de blé produite par les pays en développement. La Chine et l’Inde sont
les principaux pays concernés. Des quantités importantes de blé irrigué sont égale-
ment produites en Turquie, en Afghanistan, en Iran, en Irak, en Egypte, au Soudan,
en Ethiopie, au Zimbabwe, au Nigeria, au Mexique et au Chili.
Le blé irrigué est fréquemment conduit en succession après une culture de saison
chaude, dans le cadre de systèmes à deux cultures par an. Cette culture de saison
chaude peut être du riz, du soja, du coton, etc. Le calage du cycle de culture dans l’an-
née fait intervenir plusieurs paramètres : la température1, la volonté de récolter si pos-
sible avant les premières pluies et le calage de la culture de saison chaude, qui peut
être prioritaire.
En culture irriguée, on préconise un labour suivi d’un hersage puis d’un planage de
la parcelle. Il est également recommandé de mettre en place sur la parcelle un système
de drains pour éviter que l’eau ne stagne ou n’engorge le sol. Au moment du labour,
on enfouit 10 tonnes de fumier par hectare. Dans les sols acides, on peut également
apporter des amendements calco-magnésiens pour rapprocher le pH de la neutralité.
Les doses de semis préconisées sont de l’ordre de 100 à 150 kg/ha de semences trai-
tées et on recommande le semis en lignes espacées de 15 à 25 cm, à une profondeur
de 3 à 5 cm. On conseille un apport de 300 à 500 kg d’engrais NPK (complété éven-
tuellement par du bore) au moment du semis suivi par un apport de 50 à 100 kg
d’urée, effectué vingt cinq à trente cinq jours après le semis, au moment du sarclage.
L’irrigation doit être menée prudemment pour éviter l’engorgement de la parcelle.
La lutte contre les maladies passe essentiellement par l’utilisation de variétés résis-
tantes, notamment contre les rouilles noires et brunes. Néanmoins des traitements
fongicides sont éventuellement possibles. Le traitement des semences (lindane) per-
met de limiter les dégâts des insectes terricoles. Les infestations de chenilles, de puce-
rons et de borers peuvent être contrôlées avec des traitements insecticides si le seuil
de nuisibilité est dépassé : pour les chenilles de noctuelles par exemple, il correspond
à une chenille pour dix épis.
La récolte a lieu lorsque la paille est jaune et que les grains craquent entre les dents.
Le rendement en grains est extrêmement variable : environ 700 kg/ha au Rwanda et
au Burundi, 1300 à 1400 kg/ha en Ethiopie et au Kenya, de l’ordre de 2 à 3 t/ha en
Inde, au Tchad ou à Madagascar, de 3 à 4 t/ha en Chine et entre 6 et 7 t en Zambie,
au Zimbabwe ou en Egypte.
1 Dans les milieux tropicaux d’altitude, les températures hivernales peuvent être inférieures à 14°C, limite inférieure pour
la floraison.
779
5 Agriculture spéciale
LE MAÏS
Zea mays
Anglais : maize (GB) ou corn (USA),
Espagnol : maiz
Portugais : milho
Famille des Poaceae, tribu des Andropogoneae
● La plante
● L’origine et la diffusion
Le maïs est la seule plante cultivée d’importance dont l’ancêtre sauvage ne soit pas
connu avec certitude. Cultivé depuis des millénaires en Amérique centrale, il aurait
été domestiqué dans la région centrale du Mexique à partir de téosinte local. La cul-
ture du maïs s’est ensuite propagée sur l’ensemble du continent américain, des Andes
780
Les plantes comestibles 5 1
au Canada, puis, à partir du XVIe siècle, sur tous les continents, en zone tropicale
comme en zone tempérée. Il serait arrivé en Afrique au XVIIe siècle.
Le genre Zea renferme des espèces annuelles et pérennes originaires du Mexique et
d’Amérique centrale. Il comprend des formes sauvages, les téosintes, présentes au
Mexique et au Guatemala, et une forme cultivée, le maïs. En effet, on distingue quatre
espèces, dont l’une, Zea mays, est elle-même divisée en quatre sous-espèces. Parmi
elles, la sous-espèce annuelle Z. mays subsp. parviglumis est considérée comme l’ancêtre
le plus probable du maïs, Z. mays subsp. mays.
Le maïs est la céréale dont la zone de culture est la plus vaste. Elle s’étend sur 140 mil-
lions d’hectares de la latitude 40° Sud, en Argentine et en Afrique du Sud, à la latitude
58° Nord, au Canada. Dans les Andes, elle culmine à 4000 m d’altitude, alors que le
maïs pousse au dessous du niveau de la mer près de la mer Caspienne.
● Les caractéristiques morphologiques
Le maïs est une céréale herbacée annuelle, à tallage généralement faible ou même nul.
Il présente une large diversité morphologique selon les variétés.
La plante possède des racines séminales, fonctionnelles jusqu’au stade cinq ou six
feuilles et des racines définitives ou coronaires. La tige, constituée de l’écorce et de la
moelle, mesure de 0,6 à 6 m. C’est un empilement de nœuds et d’entre-nœuds. Au
niveau de chaque nœud, on trouve une feuille (leur nombre varie de huit à quarante-
huit) et un bourgeon axillaire. Les bourgeons de la base de la tige peuvent donner des
talles, ceux du milieu un ou plusieurs épis et le bourgeon terminal la panicule.
Le maïs est donc une plante monoïque à inflorescences séparées. L’épi est une tige en
miniature, avec des spathes et une inflorescence terminale (l’épi proprement dit) for-
mée d’un axe central, la rafle, qui porte les grains. Le grain est un caryopse qui com-
prend le péricarpe, l’embryon et l’albumen riche en amidon.
● Le mode de reproduction
Le maïs est une plante monoïque et porte deux types d’inflorescence : les fleurs mâles,
groupées sur la panicule terminale ramifiée, et les fleurs femelles, associées sur un ou
quelques épis insérés à l’aisselle des feuilles. Bien que le maïs soit autofertile, l’alloga-
mie est prépondérante (95 %). Elle résulte de la monoécie et de la protandrie de la
plante. La forte allogamie du maïs a des conséquences importantes en sélection et
pour la multiplication des semences.
● La variabilité génétique
Le maïs est l’espèce végétale dont la génétique est la mieux connue : un millier de
locus contrôlant des caractères qualitatifs y ont été analysés, dont 575 sont rigoureu-
sement déterminés et cartographiés. La carte génétique du maïs est quasiment satu-
rée et révèle un fort polymorphisme. Le maïs est vraisemblablement un allotétra-
ploïde avec n = 2 x 5.
Les variétés tropicales sont très nombreuses. Elles sont conservées par le CIMMYT, dont
la collection compte environ 15 000 accessions. À partir des 12 000 accessions prove-
nant d’Amérique latine, 250 races ont été identifiées, sur des critères essentiellement
morphologiques, et regroupées en quatorze complexes raciaux. Les races d’Amérique
du Nord et des autres continents sont toutes issues des maïs d’Amérique latine, dont
781
5 Agriculture spéciale
● L’écologie du maïs
782
Les plantes comestibles 5 1
783
5 Agriculture spéciale
Un stress aura donc des conséquences négatives sur le rendement quelle que soit la
période où il se produit. Mais les phases au cours desquelles il a les conséquences les
plus graves sont d’une part le semis et les deux semaines qui le suivent, d’autre part
les deux semaines qui précédent et les deux semaines qui suivent la floraison.
● Les besoins de la plante et les stress
Le maïs est une plante exigeante :
> en lumière, du fait de son métabolisme photosynthétique en C4. Il a des exigences
en température assez élevées à la germination : optimum de 25°C, impossible en
dessous de 10°CC ;
> en eau. Un maïs de 120 jours en climat soudanien demande au moins 600 mm de
pluies bien réparties ;
> en fertilité. Très sensible aux carences et répondant bien aux apports d’engrais et
notamment d’azote, il affectionne les sols riches en matière organique et dotés de
bonnes propriétés physiques.
De nombreux stress peuvent réduire le rendement. Ils peuvent être liés à plusieurs
facteurs.
Le climat
> la sécheresse est particulièrement dommageable au moment du semis mais sa plus
forte influence négative sur le rendement se situe au moment de la floraison. On
sème donc sur un sol bien humide2, et on cale le cycle de la culture de façon à
réduire le risque de sécheresse à la floraison ;
> l’excès d’eau peut provoquer l’asphyxie ou même la pourriture des racines. On évite
les sols hydromorphes ou drainant mal ;
> l’énergie lumineuse disponible pendant la culture est limitée en région fortement nua-
geuse (zone équatoriale). Il n’y a aucune parade ;
> le vent peut provoquer la verse ou la casse. La résistance variétale est la meilleure
défense ;
> les fortes températures peuvent, surtout si elles sont associées à un climat sec ou ven-
teux (saison sèche chaude du Sahel), provoquer des brûlures sur les feuilles.
Le sol
Les sols acides ou salés limitent fortement le rendement. Il n’existe actuellement guère
de variétés tolérantes. On évite donc les sols salés. Quant aux sols acides, un chaulage
peut être proposé, mais il n’est pas forcément rentable.
Les facteurs biologiques
Les maladies les plus fréquentes en milieu tropical sont les rouilles 3 et les helmintho-
sporioses4 qui causent des lésions semblables à des brûlures. La plupart des variétés
améliorées tropicales sont tolérantes à ces maladies.
784
Les plantes comestibles 5 1
Il existe bien d’autres maladies, moins largement répandues mais qui peuvent, locale-
ment, être très sérieuses. La lutte chimique étant rarement rentable, la seule solution
est la tolérance variétale. Certaines pourritures des épis, produites par des champi-
gnons comme Aspergillus niger ou Fusarium monoliforme, s’accompagnent de la produc-
tion de mycotoxines. Un séchage rapide de la récolte est nécessaire. Les viroses peu-
vent, en cas d’attaque précoce, détruire complètement une culture. La plus fréquente
en Afrique est la striure causée par le Maize Streak Virus. La résistance variétale est la
meilleure parade, même si certains produits de traitement de semences sont efficaces,
mais fort coûteux.
Différents insectes peuvent causer des dégâts plus ou moins graves. Les foreurs des
tiges ou des épis (Eldana sacharina, Sesamia calamistis, Busseola fusca), les défoliateurs
(Spodoptera frugiperda) et les insectes des grains (Sitophilus zeamais et Prostephanus tronca -
tus) sont ceux qui causent les plus gros dégâts. Peu de variétés présentent une tolé-
rance à l’un ou l’autre de ces insectes. La lutte chimique, si elle est rentable, peut sau-
ver une culture ou une récolte.
Les adventices, qui concurrencent le maïs pour l’eau et les nutriments, constituent une
menace sérieuse. En culture traditionnelle, ce sont elles, davantage que la baisse de la
fertilité, qui sont responsables de l’abandon des terres après trois à quatre ans de cul-
ture car leur maîtrise demande trop de travail.
● La culture du maïs
785
5 Agriculture spéciale
786
Les plantes comestibles 5 1
Tableau1. Quantités d’éléments minéraux exprimés en unités accumulées par 1 ha de maïs produisant 50 quintaux
de grains
Les prélèvements (ou exportations) sont différents suivant que les pailles de maïs sont
sorties du champ ou au contraire réincorporées au sol. Il faut ajouter à ces six élé-
ments principaux des quantités plus faibles (de l’ordre de quelques centaines de
grammes par hectare) de manganèse, zinc, bore, cuivre, etc.
Les besoins de la plante ne sont pas constants tout au long de la culture : faibles au
début, ils croissent rapidement pour atteindre un maximum avant la floraison et
décroître ensuite, sauf pour le phosphore dont l’absorption est relativement étalée
dans le temps. Il faut souligner l’exigence particulière en azote juste avant la floraison
pour permettre une formation normale de l’épi.
En culture manuelle peu intensive, l’apport minimum est de vingt cinq à trente uni-
tés d’azote par hectare, quand le maïs a commencé sa montaison (environ quarante
jours après le semis). Un apport d’engrais complet au semis (par exemple 30-30-30)
est utile, mais rarement pratiqué.
La teneur en matière organique du sol est une des clés de la culture du maïs. Les
apports de fumier sont recommandés car le maïs réagit très positivement à la fumure
organique, même à faible dose. Cet effet est particulièrement net dans les sols épuisés.
Dans tous les cas, la restitution des résidus de récolte, transformés (fumier) ou sim-
plement broyés et enfouis, est recommandée pour enrichir le sol en matière organique
et limiter les exportations.
● L’entretien
L’enherbement exerce une concurrence très forte sur la culture du maïs, notamment
entre quinze et quarante cinq jours après le semis.
Le sarclage manuel (on en effectue généralement trois) est actuellement la technique
de lutte la plus pratiquée en zone tropicale. Le sarclage mécanique tend à se
développer en culture attelée, mais aussi en culture motorisée : il permet des
interventions rapides et moins pénibles qu’en travail manuel.
787
5 Agriculture spéciale
Pour être réellement efficaces, les sarclages doivent être effectués précocement sur des
mauvaises herbes jeunes, le premier intervenant peu après la levée.
Un buttage léger des plants peut être recommandé. Il remplace le dernier sarclage et
sert également à enfouir le second apport d’azote.
Depuis une vingtaine d’années, les herbicides ont été vulgarisés en zone tropicale sur
maïs. La plupart sont à base d’atrazine, dont la dose ne doit pas dépasser 1 000 g/ha.
Afin d’élargir son spectre d’efficacité, l’atrazine est associée en pré-levée de la culture
et des mauvaises herbes à d’autres matières actives, telles que l’acétochlore, l’aclonifen,
l’alachlore, l’isoxaflutole, le métolachlore, la pendiméthaline (intéressante sur
Rottboellia cochinchinensis), etc.
Des produits comme le 2,4-D, le nicosulfuron, le prosulfuron, le rimsulfuron ou la sul-
cotrione sont également employés en post-levée de la culture et des mauvaises herbes.
L’entretien de la culture de maïs peut être effectué, en cours de culture, par des trai-
tements dirigés avec des produits totaux comme le paraquat.
● La défense des cultures
Les maïs actuellement cultivés en milieu tropical sont pour la plupart issus de popu-
lations bien adaptées aux conditions locales. Ils sont assez résistants aux maladies. Les
dégâts causés par les insectes au champ sont également restreints. La lutte chimique
contre les maladies n’est quasiment jamais justifiée. La lutte chimique contre les
foreurs n’est souvent pas rentable. En cas de fortes attaques sur des maïs hautement
productifs, on peut cependant envisager l’épandage, avec des gants, d’insecticides gra-
nulés (fénitrothion, carbofuran, pyréthrinoïdes de synthèse ou endosulfan) disposés
dans les cornets foliaires, au cours de la période de croissance de la tige. La lutte bio-
logique est encore rarement maîtrisée.
Tableau 2. Temps de travaux relevés par la C MDT au Mali pour un ha en culture attelée bovine
788
Les plantes comestibles 5 1
● La récolte
Le maïs peut être récolté en épis frais pour une consommation très rapide, ou à matu-
rité pour être consommé en grains.
Les grains ne sont jamais récoltés secs, car la rafle, plus humide que le grain, empêche
son humidité de descendre jusqu’à 12 %, taux nécessaire à une bonne conservation.
Une récolte retardée permet un pré-séchage, mais ne peut se faire qu’en climat sec.
Sinon, les spathes s’ouvrant à maturité, les pluies mouillent le grain, provoquant moi-
sissures et germination. Une technique maya, le doublage, permet de retarder la
récolte. Elle consiste à casser la tige, ce qui oriente l’épi vers le sol.
On peut récolter soit les épis, soit les grains. La récolte en épis est presque toujours
manuelle en Afrique, mais elle peut être mécanisée. La récolte en grain se fait méca-
niquement à l’aide de corn-shellers.
● Le séchage
Le grain doit très généralement être séché. Un séchage rapide est un gage de qualité,
il empêche le développement de moisissures et parfois de mycotoxines.
Les techniques traditionnelles associent souvent séchage et stockage. Elles sont sou-
vent efficaces, mais peu adaptées à une production importante. Les épis sont séchés
au soleil, si possible démunis de leurs spathes dans les zones où la récolte se fait en sai-
son sèche. Lorsque la récolte est réalisée au cours d’une période pluvieuse, l’utilisation
de séchoirs est recommandée. Le crib peut être employé.
● L’égrenage
Il peut être réalisé immédiatement après la récolte si le maïs est déjà sec (l’humidité
optimale du grain est de 13 %), après le séchage ou au fur et à mesure des besoins. Il
reste le plus souvent manuel, avec ou sans l’aide de petites égreneuses, mais peut être
mécanisé grâce à des égreneuses de capacité moyenne (200-300 kg/ha).
789
5 Agriculture spéciale
● La mouture
Le grain destiné à la consommation humaine est réduit en semoule ou en farine soit
au pilon, soit avec un moulin. L’aptitude du grain à la transformation soit en farine,
soit en semoule est une caractéristique variétale.
Pour une conservation sans rancissement de la farine, le germe (riche en huile) doit
être retiré. La mécanisation de cette opération au niveau artisanal est maintenant pos-
sible.
● La qualité du grain
À côté des maïs normaux qui représentent la quasi totalité des grains produits, il existe
des grains avec des caractéristiques particulières :
> les maïs sucrés ou sweet corn, destinés à la consommation en épis frais, se conservent
jusqu’à une semaine après la récolte ;
> les maïs pop, dont le grain éclate à la cuisson, connaissent un développement limité
mais rapide dans plusieurs pays africains.
L’IITA propose quelques variétés ayant ces caractéristiques.
Les maïs riches en protéines (QPM) du CIMMYT ont un équilibre protéique amélioré,
qui augmente significativement leur valeur nutritive. Mais le gène qui leur confère ce
caractère étant récessif, ces maïs doivent être cultivés isolés de tout maïs normal sous
peine de perdre leur qualité. C’est pourquoi leur usage est peu répandu, malgré leur
intérêt.
790
Les plantes comestibles 5 1
deux variétés de même précocité, un décalage des semis d’un mois est généralement
suffisant.
791
5 Agriculture spéciale
792
Les plantes comestibles 5 1
LE MIL
Pennisetum glaucum
Anglais : pearl millet (UK)
Espagnol : panizo nigro
Famille des Poaceae (ex graminées), tribu des Paniceae
● La plante
● L’origine et la diversification
Le genre Pennisetum comprend plus de 140 espèces. Le mil pénicillaire aurait été
domestiqué au sud du Sahara où existent les centres primaires de diversité renfer-
mant des espèces cultivées et des espèces sauvages fertiles. Cette culture s’est par la
suite répandue à travers les zones tropicales semi-arides d’Afrique et d’Asie. De nos
jours, une très large diversité de durées de cycle et de caractères morphologiques se
rencontre en Afrique de l’Ouest et centrale.
● Les aires de culture
Près de quinze millions d’hectares, soit un tiers des superficies en mil dans le monde,
se situent en Afrique. 70 % de ces superficies se trouvent en Afrique de l’Ouest, dans
des zones où la pluviométrie moyenne annuelle varie entre 200 et 800 mm. En Inde,
le mil occupe la quatrième place après le riz, le blé et le sorgho. Il est cultivé dans des
régions où la pluviométrie annuelle varie entre 150 et 750 mm.
● Les caractéristiques morphologiques
La hauteur de la plante varie entre 1 et 3 m. Dans les zones humides, les plantes peu-
vent même atteindre 4 m de hauteur. Le système racinaire est concentré dans les
trente premiers centimètres du sol, mais certaines racines peuvent descendre jusqu’à
trois mètres de profondeur. Les feuilles ont une longueur variant de 20 à 100 cm pour
une largeur variant entre 5 et 50 mm. La longueur de l’épi (ou chandelle) varie de 10
cm à plus de 100 cm.
793
5 Agriculture spéciale
● L’écologie du mil
Les pénicillaires sont des graminées de zones semi-arides chaudes avec des tempéra-
tures moyennes de 28°C pendant la saison de culture. Les mils sont généralement cul-
tivés dans des zones ayant une pluviométrie variant entre 200 et 800 mm, répartis sur
trois à six mois correspondant à la longueur de la saison des cultures. Le mil, moins
exigeant que le sorgho, est généralement cultivé sur des sols légers et sablo-argileux
bien drainés avec un pH faible. Il tolère la sécheresse, un faible niveau de fertilité des
sols et des températures élevées.
● La culture du mil
794
Les plantes comestibles 5 1
● Le choix de la variété
Les principaux critères de choix d’une variété sont :
> les paramètres climatiques, notamment la pluviosité ;
> les objectifs de la production : sécurité alimentaire ou rendement élevé ;
> l’importance locale des dégâts provoqués par les maladies, le striga, les insectes et
les autres ravageurs ;
> l’importances des animaux dans les exploitations, qui peut justifier une production
importante de paille au détriment de la production de grains.
795
5 Agriculture spéciale
● La fumure
Le mil répond bien à la fumure organique et à la fumure minérale. Les doses
annuelles proposées par la recherche au Niger sont :
> 18 P2O5/ha (100 kg de phosphate super simple ou 50 kg de phosphate super triple)
à la préparation du terrain ;
> 46 N/ha (100 kg d’urée) en deux apports (au démariage et à la montaison) ;
> 5t/ha de fumure organique sous forme de fumier de parc ou de compost.
La rotation mil/légumineuse est intéressante : elle permet, par rapport à la monocul-
ture, un gain de 200 à 350 kg/ha de grains. L’utilisation de la fumure (organique et
minérale) et des billons augmente les rendements en grain et en paille. Le tableau 3
illustre cet effet par des tests menés au Mali.
Tableau 3. Effet de la fumure organique, minérale et des billons sur le rendement en grains et en paille de deux
variétés améliorées de mil
796
Les plantes comestibles 5 1
Tableau 4. Temps de travaux (données collectées au Nord du Nigeria) en culture manuelle (en jours/ha)
Préparation du sol 15
Semis 8
Entretien 40
Récolte 20
Total 83
797
5 Agriculture spéciale
● La composition biochimique
Le grain de mil est un aliment nutritif très énergétique.
Comparé aux autres céréales, le mil contient une proportion supérieure de protéines
de bonne qualité (forte teneur en lysine). Il constitue également une bonne source de
lipides. La détérioration de la farine de mil au cours de la conservation est probable-
ment due à sa teneur élevée en lipides. Les vitamines, particulièrement la thiamine, la
riboflavine et l’acide nicotinique sont bien représentées chez le mil.
Régions productrices Superficie récoltée 2001 (millions ha) Rendement 2001 (t/ha) Production 2001 (millions tonnes)
Les filières restent peu organisées, alors que l’industrie agroalimentaire montre un
intérêt croissant pour l’utilisation du mil dans la fabrication de produits alimentaires.
Cette stimulation de la demande pourrait faire du mil une culture commerciale. Une
réorganisation de la filière va donc probablement s’opérer pour répondre aux nou-
velles demandes du secteur de la transformation agroalimentaire.
798
Les plantes comestibles 5 1
● La recherche
La recherche doit mettre l’accent :
> sur les activités à l’aval : amélioration des technologies de transformation et stimu-
lation de la demande de produits à base de mil ;
> sur le développement de variétés et d’hybrides performants répondant aux critères
des transformateurs et utilisateurs, et adaptés aux différentes zones de culture ;
> sur l’amélioration chez les producteurs des pratiques culturales (fumures orga-
niques et minérales).
LE RIZ
Oryza sativa L et Oryza glaberrima
Anglais : rice
Espagnol et Portugais : arroz
Famille des Poaceae
● La plante
● Les origines et la diversité
Les riz cultivés appartiennent au genre Oryza qui comporte vingt trois espèces. Ces
espèces sont aujourd’hui distribuées sur tous les continents, mais l’origine du genre
Oryza est eurasiatique.
Deux espèces sont cultivées. L’une d’origine africaine, O. glaberrima, est cantonnée
presque uniquement en Afrique de l’Ouest ; l’autre d’origine asiatique, O. sativa, est
présente aujourd’hui sur les cinq continents. Les deux espèces sont diploïdes (2n =
24) et autogames.
O. glaberrima est issue de la domestication, probablement dans le delta intérieur du
Niger, de l’espèce annuelle O. breviligulata, elle-même issue de l’espèce pérenne à rhi-
zome O. longistaminata. Du fait de sa faible productivité, la culture de cette espèce est
aujourd’hui cantonnée à des systèmes de culture très marginaux.
799
5 Agriculture spéciale
Par contre, elle est de plus en plus utilisée comme source de caractères d’intérêt agro-
nomique dans les programmes d’amélioration variétale du riz pour l’Afrique.
La domestication d’O. sativa à partir d’O. rufipogon, en Inde et en Chine, remonterait
à plus de 8 000 ans. Son arrivée au Japon daterait du Ier siècle. Les navigateurs malais
ont introduit le riz de l’Indonésie à Madagascar vers le IVe siècle. Les Européens ont
introduit le riz asiatique en Afrique à partir du XVe siècle et plus tard en Amérique.
O. sativa présente une grande diversité de formes. Ces formes ont été classées au sein
de deux sous-espèces indica et japonica. Basée au départ sur des caractères morpho-
physiologiques et sur le comportement en croisement, cette classification a été confir-
mée par les outils biochimiques et moléculaires d’analyse de la variabilité génétique.
La sous-espèce indica regroupe des variétés de culture aquatique tropicale, à tallage
fort, à feuilles fines, à grain le plus souvent mince (longueur/largeur du grain > 3).
Les variétés traditionnelles sont de taille haute, supérieure à un mètre ; les variétés
modernes destinées à la riziculture irriguée intensive portent un gène de nanisme leur
conférant une hauteur inférieure à un mètre.
La sous-espèce japonica comporte deux types morphologiques :
> japonica tempéré : variétés pour la culture irriguée en Asie tempérée, dans le bassin
méditerranéen et aux Etats-Unis, à tallage moyen, à feuilles fines et à grain le plus
souvent court et arrondi ;
> japonica tropical : variétés de culture essentiellement pluviale, à tallage faible, feuilles
larges et grain le plus souvent long et large.
Le riz est la céréale qui a le plus petit génome et celui qui se prête le plus facilement
à des manipulations génétiques. De ce fait, il est utilisé par les généticiens comme
plante modèle. L’amélioration variétale du riz bénéficie de plus en plus des applica-
tions des biotechnologies.
La longueur du cycle végétatif varie de quatre-vingt à plus de deux cent cinquante
jours selon les variétés et constitue souvent un critère important de classification et de
choix variétal. Celle de la phase reproductive, épiaison à maturité, est peu variable
(trente-cinq à quarante-cinq jours) et dépend surtout des conditions de culture. La
plupart des variétés traditionnelles de riz, notamment les indica, sont photosensibles :
l’initiation paniculaire nécessite des journées courtes et, sous une latitude donnée, la
date de floraison est peu liée à la date de semis. La durée du cycle semis-épiaison
dépend donc de la date de semis.
La collection mondiale des écotypes de riz cultivé, conservée par l’IRRI, comporte plus
de cent mille entrées. Il existe de nombreuses autres collections de ressources géné-
tiques à vocation régionale ou nationale. Sur chaque continent et dans chaque pays,
des centres internationaux de recherche (IRRI en Asie, CIAT en Amérique du Sud et
ADRAO en Afrique) et des services nationaux de recherche et de développement tien-
nent à jour des listes de variétés recommandées pour différents écosystèmes et diffé-
rents systèmes de culture du riz.
Compte tenu de l’autogamie stricte du riz, les variétés cultivées sont généralement des
lignées pures. Cependant la production de semences hybrides F1 est possible grâce à
la stérilité mâle géno-cytoplasmique. En Chine, les cultivars hybrides F1 couvrent plus
de la moitié des superficies cultivées en riz.
800
Les plantes comestibles 5 1
● L’écologie du riz
Grâce à la très grande diversité morpho-physiologique de ses écotypes, le riz est cul-
tivé dans des conditions écologiques très variées allant du pluvial strict à des situations
inondées où la lame d’eau peut atteindre 5 m.
● Les climats
La latitude et l’altitude
Les deux paramètres agissent sur le riz par l’intermédiaire des températures. La lati-
tude agit de plus par l’intermédiaire de la photopériode. Le riz est cultivé depuis le
40° Sud, en Argentine, jusqu’à 53° Nord, en Chine. Cependant sa principale zone de
culture est l’Asie intertropicale. La plus haute altitude de culture se situe au Népal à
plus de 3000 m, mais la plus grande partie des surfaces cultivées se trouve au dessous
de 300 m.
La température
Tableau 7. Températures de l’air nécessaires à la culture du riz
801
5 Agriculture spéciale
● La culture du riz
● Les écosystèmes
On distingue deux grands types d’écosystèmes rizicoles en fonction du régime
hydrique.
802
Les plantes comestibles 5 1
● L’élaboration du rendement
Le rendement du riz est donné en paddy à 14 % d’humidité. Il représente moins de
la moitié du rendement biologique qui est le poids total de la matière sèche produite.
803
5 Agriculture spéciale
Les composantes du rendement dépendent aussi des conditions de culture. Elles sont
aussi très interdépendantes : par exemple un faible nombre de plante au m2 peut être
en partie corrigé par un tallage plus élevé ou par un plus grand nombre de grains par
panicule.
Les techniques culturales et les conditions climatiques ont une influence décisive sur
chacune des composantes du rendement en grain. En revanche, elles ont un effet
limité sur l’indice de récolte (rendement en grain/production totale de matière sèche),
qui est avant tout une caractéristique variétale.
804
Les plantes comestibles 5 1
806
Les plantes comestibles 5 1
> Les maladies virales : trois maladies virales atteignent des proportions épidémiques.
Il s’agit du tungro causé par un complexe de virus en Asie, du hoja blanca (RHBV)
en Amérique du Sud et de la panachure jaune (RYMV) en Afrique. Les symptômes
sont divers types de décolorations foliaires accompagnées de nanisme et de retard
à l’épiaison, pouvant entraîner la mort de la plante. La résistance variétale est la
principale stratégie de lutte.
Les insectes
Le riz est l’hôte de plusieurs centaines d’espèces d’insectes dont une trentaine provo-
quent des pertes significatives au champ ou en cours de conservation du paddy.
Des mineuses et destructeurs des feuilles s’attaquent au riz dès le stade plantule ; les
espèces varient d’une région à l’autre. Les attaques des foreurs de tige lépidoptères
(Pyrales et Noctuelles) se traduisent par des cœurs morts et des panicules blanches, celles
des diptères (Diopsides et Cecidomyies) par des feuilles d’oignon. Au cours de la phase
reproductive, de nombreuses cicadelles s’attaquent aux feuilles du riz et sont respon-
sables de la transmission de maladies virales. Enfin, de nombreuses punaises s’atta-
quent au grain de riz en cours de maturation.
L’évaluation économique du degré de nuisance de ces insectes est difficile à réaliser.
Elle est cependant nécessaire avant d’envisager des traitements chimiques. Lorsque le
recours aux insecticides est nécessaire, il faut éviter les produits à large spectre qui
peuvent avoir un effet négatif sur les populations de parasites et de prédateurs de l’in-
secte visé. Parmi les insectes s’attaquant aux grains de riz récoltés, le charançon
(Sitophilus oryzae) est de loin le ravageur le plus sérieux. En zone humide, il est recom-
mandé de traiter même le paddy destiné à la consommation.
807
5 Agriculture spéciale
Tableau 8. Temps de travaux dans divers pays selon divers systèmes de culture du riz (en journées/hectare)
Opérations culturales Riz pluvial itinérant Riz inondé - culture Riz irrigué - culture Riz irrigué - cultur e
Côte d’Ivoire attelée : Mali manuelle : Vietnam mécanisée : Etats-Unis
Abattage-brûlis, clôture 58
Fertilisation
Labour 5 22 1
Fertilisation 2 (1)
Préparation lit de semis 2 18 1,4
Entretien digues
Pépinière 11
Semis 24 2 2,1
Arrachage, transport plants 10
Repiquage 35
Irrigation 30
Sarclage 49 60 30 (2)
Récolte 36 20 35 0,2
Battage 10 7 0,3
Séchage vannage 10 6
Déchaumage 13
Total 167 111 217 5
(1) Les temps de travaux sont donnés en journées/hectare ; (2) Travaux effectués par avion à la tâche.
● La récolte
Le stade de récolte permettant le meilleur rendement à l’usinage est celui où la majo-
rité des panicules ont leur axe principal sec sur un tiers de la longueur. La récolte
comprend quatre opérations : coupe, séchage, battage et nettoyage.
● La coupe
Elle est réalisée au couteau au-dessous du nœud paniculaire, à la faucille ou à la faux
à 20-30 cm au-dessus du sol, ou encore avec des outils motorisés associant ou non la
coupe et le battage. En Asie, les machines qui coupent seulement les panicules ou qui
les égrènent sans couper la paille sont très appréciées.
● Le séchage
En système traditionnel, les tiges coupées sont laissées sur le sol trois à quatre jours
pour un premier séchage. Puis les gerbes sont rassemblées en meule pour poursuivre
le séchage tout en protégeant les grains des rayons du soleil. En cas d’utilisation d’une
moissonneuse-batteuse, ce sont les grains qui sont séchés sur une aire de séchage ou
dans des installations plus sophistiquées. L’opération de séchage est particulièrement
importante dans les régions très pluvieuses et dans les systèmes de double ou triple
culture annuelle du riz.
● Le battage
En système traditionnel, il est réalisé en frappant les gerbes contre une pierre, une
planche ou un tonneau, au bâton, au fléau ou encore par le piétinement d’animaux
ou de véhicules à moteur.
808
Les plantes comestibles 5 1
Des batteuses à pédale sont largement utilisées en Asie depuis plusieurs décennies. Le
recours à la batteuse à moteur constitue souvent lepremier pas vers la mécanisation de
la culture du riz. Il existe un grand choix de capacités.
● Le nettoyage
Le nettoyage traditionnel est fait par vannage au vent. Les batteuses modernes sont
équipées de dispositifs de ventilation qui permettent la séparation du grain des
matières légères : pailles, poussières et grains vides.
● L’étuvage et le décorticage
Lorsque la production du riz est destinée à l’autoconsommation et à la vente de détail
sur les marchés locaux, deux autres opérations sont réalisées à la ferme : l’étuvage et
le décorticage.
L’étuvage est une pratique très ancienne. Aujourd’hui, 15 à 20 % de la production
mondiale de riz serait étuvée. L’étuvage domestique consiste en un trempage du
paddy dans de l’eau chaude suivi d’un séchage. Le principal objectif est de réduire le
taux de brisure au décorticage. L’opération améliore aussi la valeur nutritive du riz en
favorisant la migration des protéines et des vitamines depuis le tégument vers l’inté-
rieur du grain (elles ne sont ainsi pas éliminées à l’usinage) et modifie sa qualité à la
cuisson. Si le trempage est mal maîtrisé, des fermentations microbiennes anaérobies
détériorent la qualité du riz et lui donnent une odeur désagréable.
Le décorticage consiste à séparer le caryopse de ses enveloppes, glumes et glumelles.
Le produit obtenu est le riz cargo. Le décorticage à la ferme au pilon est de plus en
plus rare. Il cède la place aux petites décortiqueuses motorisées artisanales présentes
sur les marchés ruraux.
● La qualité du riz
De l’agriculteur au consommateur, chaque acteur de la filière a ses propres exigences
de qualité. Pour les transformateurs et commerçants, le critère le plus important est le
rendement au décorticage et au blanchiment. Le pourcentage de grains entiers
dépend, outre les conditions de culture et les procédés de transformation, du format
du grain. Les grains ronds et demi-longs sont peu sensibles aux conditions de trans-
formation : même les décortiqueuses multi-usages et le décorticage manuel au pilon
donnent de bons résultats. Par contre, l’obtention de rendements acceptables avec les
grains longs nécessite des installations industrielles spécialisées ou la pratique de l’étu-
vage. Les classifications sur le marché se font en fonction de la longueur et du format,
du goût (aromatique ou non) et de l’aspect après cuisson (gluant ou non).
809
5 Agriculture spéciale
Pour les consommateurs, les critères d’appréciation les plus importants sont la tenue
à la cuisson (riz plus ou moins collant en fonction de la teneur en amylose), l’aptitude
au gonflement, le goût et la possibilité de conservation après la cuisson. Viennent
ensuite la taille du grain et sa couleur, la fermeté et l’odeur du riz cuit, ainsi que la
vitesse de cuisson. Les citadins peuvent parfois être plus sensibles que les ruraux à ces
derniers critères, d’ou l’engouement pour les riz Basmati et certaines variétés thaï à
grain long, mince et aromatique.
810
Les plantes comestibles 5 1
● Les perspectives
La consommation annuelle moyenne de riz par habitant dans le monde varie de
moins de 5 kg à près de 200 kg de riz blanchi ; la moyenne est de 65 à 70 kg. De 2000
à 2025, la demande de riz devrait augmenter à un rythme annuel de 1,7 % dans le
monde et 2,1 % en Asie.
En Asie, l’augmentation de la production ne peut plus guère venir de l’augmentation
des surfaces et on assiste à une stagnation des rendements (moyenne de 4,5 à 5 t/ha)
dans l’écosystème irrigué qui fournit près de 80 % de la production. Cependant d’im-
portantes marges de progrès subsistent dans l’écosystème aquatique sans maîtrise de
l’eau où le rendement moyen est inférieur à 2 t/ha. En Afrique et en Amérique latine,
l’augmentation de la production peut s’appuyer à la fois sur l’augmentation des super-
ficies et l’amélioration des rendements.
À l’avenir, des contraintes plus globales pourraient peser sur la riziculture : le déve-
loppement des villes empiétant sur les rizières, la disponibilité en eau, l’image néga-
tive dans l’opinion liée à la production de méthane, ainsi que l’augmentation du taux
de CO2 et l’effet de serre. Cependant le riz est aussi la seule plante de grande culture
dont le génome est déjà entièrement séquencé. Cette avance devrait faciliter la levée
des contraintes.
LE SORGHO6
Sorghum bicolor
Anglais : sorghum
Espagnol : sorgo
● La classification botanique
Le sorgho cultivé appartient à la famille des poaceae et à la tribu des andropogoneae
qui comprend aussi la canne à sucre et le maïs. Les sorghos cultivés pour le grain sont
classés dans la sous espèce bicolor de l’espèce Sorghum bicolor (Sorghum bicolor subsp.
bicolor) qui est diploïde (n = 10).
Outre cette sous-espèce, on reconnaît, dans l’espèce Sorghum bicolor, deux autres sous-
espèces qui peuvent donner des sorghos fourragers : Sorghum bicolor subsp.
Arundinaceum, forme diploïde sauvage du sorgho cultivé avec lequel il se croise facile-
ment et Sorghum bicolor subsp. Drumondii, forme intermédiaire issue de l’hybridation
naturelle entre les deux autres sous espèces.
Il existe aussi deux autres espèces de sorghos tétraploïdes utilisées pour donner des
sorghos fourragers : Sorghum halepense et Sorghum almun.
811
5 Agriculture spéciale
En zone tempérée, le sorgho est d’abord cultivé pour l’alimentation animale. Toute la
plante peut être utilisée. Cependant, selon le mode d’exploitation, on distingue les
sorghos fourragers, les sorghos ensilage et les sorghos grain.
Dans les régions tropicales, le sorgho est essentiellement cultivé pour son grain des-
tiné d’abord à l’alimentation humaine. Le grain peut être consommé entier. Il peut
aussi être décortiqué pour faire des bouillies comme le tô en Afrique de l’Ouest, du
couscous, des beignets ou des galettes. Le grain peut également être fermenté pour
donner des boissons alcoolisées : bière traditionnelle d’Afrique de l’Ouest ou vin de
sorgho en Chine. La paille de ces sorghos est un sous-produit intéressant. Elle peut
être utilisée pour l’alimentation des animaux ou servir de combustible ou de matériau
de construction.
À cela s’ajoutent d’autres utilisations du sorgho, à caractère industriel ou artisanal, qui
donnent lieu à la sélection de types particuliers :
> sorghos papetiers dont la tige riche en fibres est utilisée pour la fabrication de papier
ou de panneaux de construction ;
> sorghos à grains riches en amidon utilisés pour préparer des colles, des adhésifs ou du
dextrose ;
> sorghos sucriers qui peuvent produire des bio-carburants ou qui, selon la composition
en oses du jus de la moelle, donnent des sirops ou du sucre cristallisable ;
> sorghos à balai dont la hampe fructifère (panicule) dépouillée de ses grains sert à
faire des balais durs ;
> sorghos tinctoriaux dont les tiges et feuilles riches en pigments anthocyanés donnent
après broyage et macération une teinture rouge utilisée en tannerie ou en poterie.
● La plante
● L’origine, la diversification et la diffusion
La domestication du sorgho a vraisemblablement eu lieu il y a plusieurs millénaires en
Afrique au sud-est du Sahara. Les plus vieux restes archéologiques de cette céréale ont
été trouvés à la frontière Soudan-Egypte et ont été datés à plus de 6 000 ans avant J.C.
Par la suite, d’autres centres géographiques ont été actifs dans la diversification du sor-
gho cultivé. En Afrique, on en connaît trois :
> le centre ouest-africain qui a contribué à l’établissement des sorghos de race guinea ;
> le centre est-africain riche en sorghos des races caudatum et durra ;
> le centre sud-africain à l’origine des sorghos de race kafir.
Dès le troisième millénaire avant J.C., ces sorghos auraient gagné l’Asie. Leur pré-
sence est attestée dans la péninsule arabique vers 2500 avant J.C., puis en Inde vers
1800 avant J.C., et enfin en Chine qui a pu être un dernier centre de diversification
dont témoigne l’originalité des sorghos Kaoliang qui y sont rencontrés.
812
Les plantes comestibles 5 1
813
5 Agriculture spéciale
L’albumen présente au centre du grain une partie farineuse plus ou moins importante
qui est entourée par une partie vitreuse. L’albumen est normalement blanc. Il existe
cependant des sorghos à albumen jaune. Cette particularité leur vient d’une haute
teneur en pigments caroténoïdes qui améliore la qualité nutritive des grains. En
contrepartie, elle augmente leur sensibilité aux moisissures.
La couleur du grain de sorgho est une caractéristique variétale due à plusieurs fac-
teurs génétiques. Elle peut aller du blanc au brun très foncé en passant par le jaune,
l’orangé, le rouge. Globalement, plus la couleur du grain est claire et plus sa teneur
en tanins est faible et sa valeur nutritive bonne. Le poids de 1 000 graines est généra-
lement compris entre 15 et 40 grammes.
● La reproduction, les ressources génétiques et la sélection
Le sorgho cultivé est une plante considérée comme autogame. Son taux d’allogamie
est faible. Il est de l’ordre de 5 % en moyenne. Il est cependant différent selon les
variétés : nul pour les variétés dont les fleurs ne s’ouvrent pas au moment de la fécon-
dation, il peut atteindre 30 % pour certains sorghos fourragers ou de race guinea.
Le sorgho cultivé pour le grain (Sorghum bicolor subsp. bicolor) présente une grande
diversité morphologique. Une classification simplifiée définit cinq races principales,
d’après les caractéristiques de la panicule et de l’épillet :
> les bicolor sont les sorghos aux caractères les plus primitifs. Ils sont présents en
Afrique et en Asie. Leur panicule est lâche et leurs grains, très petits, sont envelop-
pés par des glumes couvrantes et adhérentes. On y trouve des sorghos à balai, des
sorghos papetiers et des sorghos fourragers ;
> les guinea sont les sorghos typiques d’Afrique de l’Ouest, mais ils sont aussi cultivés
en Afrique australe. Ils sont généralement de grande taille et photopériodiques,
avec une panicule lâche. Leur grain elliptique est pris dans des glumes ouvertes. Ils
sont bien adaptés aux zones de culture du sorgho les plus pluvieuses. Cette race,
très diversifiée, est d’abord appréciée pour la qualité de ses grains. On y distingue
plusieurs types, dont le type margaritiferum, caractérisé par des grains petits et
vitreux, le type gambicum à gros grains assez vitreux et le type guineense à gros grains
peu vitreux ;
> les durra se rencontrent essentiellement en Afrique de l’Est, au Moyen-Orient et en
Inde. Ils ont une panicule compacte souvent portée par un pédoncule crossé et des
grains globuleux. Ils se distinguent par la grosseur de leur grain et leur résistance
à la sécheresse ;
> les kafir sont répandus en Afrique australe. Ce sont des sorghos peu diversifiés, de
taille plutôt courte, peu ou non photopériodiques. Leur panicule est compacte et
cylindrique. Ils sont intéressants pour leur précocité ;
> les caudatum sont surtout cultivés en Afrique du Centre et de l’Est. Leur panicule a
une forme variable. Leurs grains sont dissymétriques, aplatis sur la face ventrale et
bombés sur la face dorsale. Ils produisent beaucoup de grains souvent farineux et
de médiocre qualité.
En raison de son autogamie préférentielle, le sorgho est souvent sélectionné sous
forme de matériel fixé. La production semencière de ces cultivars demande d’isoler
les parcelles de multiplication par rapport aux autres champs de sorgho (100 mètres
minimum) et d’épurer les plantes hors types le plus tôt possible.
814
Les plantes comestibles 5 1
Cycle végétatif compris entre 90 Cycle végétatifs compris entre 100 Cycle végétatifs supérieurs
et 100 jours (non photosensibles) et 120 jours (peu photosensibles) à 120 jours (photosensibles)
IRAT 11, IRAT 202, IRAT 204, CIRAD 406, CIRAD 436 (Sariaso 13), IRAT 174
IRAT 207 (adapté à l’irrigation CIRAD 437 (Sariaso 14), IRAT 9, IRAT 11,
de contre saison), BF 88-2/31-3, Sariaso 10, F2-20, ICSV 1049, S 35,
ICVS 901, Sorvato 28 ICVS 111
815
5 Agriculture spéciale
Des hybrides ont fait leur preuve en système de culture intensif (hybrides américains
comme nk 300, français comme Argence et Aralba ou sélectionnés en Afrique : IRAT
180, IRAT 372, IRAT 382, ICSH 89002 NG).
Peu de sorghos fourragers ont été évalués en zone tropicale. On peut citer les variétés
Piper et Green Leaf.
816
Les plantes comestibles 5 1
● La culture du sorgho
● La mise en place
Compte tenu des contraintes économiques du système de fumure, on recommande en
général de placer le sorgho après une culture de rente. La succession sorgho sur sor-
gho pose des problèmes sur les sols peu argileux. En effet, des toxines secrétées par
les racines de sorgho en fin de cycle peuvent exercer un effet dépressif sur la culture
suivante (le sorgho ou une autre espèce), surtout lorsque l’activité biologique des sols
est faible comme c’est le cas dans les sols sableux. Ces toxines ont une durée de vie
limitée et peuvent être évitées par un semis retardé.
817
5 Agriculture spéciale
Le semis est l’opération la plus délicate de la culture du sorgho car l’énergie germi-
native des graines est médiocre. Bien que pouvant être semé sans préparation du sol,
notamment en zone tropicale, le sorgho profite d’un travail préalable du sol. Le semis
doit être réalisé dans un sol bien humide mais sans excès d’eau, à une profondeur
d’environ 2 cm avec des graines saines et récentes traitées par un mélange fongicide-
insecticide. Traditionnellement, le sorgho est semé manuellement en poquets de 5 à 6
graines. En culture intensive, on utilise un semoir. Les densités de semis varient beau-
coup selon les systèmes de culture :
● L’entretien
Le démariage est rarement effectué en culture traditionnelle, si ce n’est dans le but de
faire des repiquages pour compenser les poquets manquants (dans ce cas, le repiquage
doit être fait avec des plantules âgées de trois à quatre semaines). En culture intensi-
fiée avec un semis en poquet, le démariage doit intervenir rapidement, une dizaine de
jours après la levée et laisser trois pieds par poquet. On recommande de faire le pre-
mier sarclage au même moment. Par la suite, les sarclo-binages doivent être réalisés
de façon à empêcher les mauvaises herbes de concurrencer le sorgho.
● La fumure
Pour produire 2 t/ha, on estime qu’il faut apporter, suivant les situations, 35 à 45 kg/ha
de N. Cet azote est complètement valorisé par la plante uniquement si les quantités
disponibles de phosphore assimilable par la plante sont suffisantes. Cela dépend de la
richesse du sol en cet élément et des restitutions. Pour le même niveau, une fumure
d’entretien correcte se situe entre 20 et 30 kg/ha de P2O5. Le complément potassique
dépend de la richesse du sol en cet élément et de la quantité de paille restituée sous
quelque forme que ce soit : enfouissement direct, compost, fumier ou poudrette. Si
l’engrais est cher ou peu disponible, le système de fumure doit être conçu en fonction
du précédent cultural dans le cadre de la rotation. Ainsi, en zone cotonnière africaine,
le sorgho qui succède au cotonnier profite des effets résiduels de la fumure PK.
La fumure minérale doit être étroitement associée à la fumure organique, sous forme
de fumier ou de compost. L’engrais minéral de fond PK ou NPK doit être épandu de
préférence à la volée avant les préparations du sol précédant le semis. S’il n’y a pas de
travail du sol, il doit être épandu au semis. Un épandage complémentaire d’azote est
à faire au début de la montaison.
● La défense des cultures
Les ravageurs du sorgho sont nombreux.
818
Les plantes comestibles 5 1
Les méthodes de lutte contre les insectes et les maladies fongiques font généralement
appel à des techniques culturales (élimination des résidus de récolte, rotations, semis
groupés) et à des variétés résistantes. L’utilisation de variétés photopériodiques per-
met de bien caler les cycles des variétés sur la fin de l’hivernage et de limiter les
attaques de moisissures des grains auxquelles le sorgho est très sensible. Le recours
aux variétés photopériodiques permet aussi de grouper les floraisons pour diluer les
attaques des oiseaux et freiner la succession des cycles de multiplication des insectes
ravageurs (cécidomyie et punaises notamment). Quant à la lutte chimique contre les
maladies et insectes, elle se justifie seulement dans des systèmes de culture très inten-
sifs.
Le striga (plusieurs espèces) est une plante parasite d’abord souterraine qui se fixe sur
le sorgho à l’aide de suçoirs émis au niveau des racines. Il émerge du sol à la fin du
stade végétatif des sorghos et fleurit à leur maturité en produisant de nombreuses et
très petites graines. Le striga est très difficile à éliminer. On préconise l’arrachage des
plantes avant leur floraison, l’utilisation de variétés de sorgho tolérantes ou résistantes,
les rotations et les associations culturales. Des traitements herbicides, comme ceux à
base de 2-4 D amine, donnent également de bons résultats.
Compte tenu de la médiocre énergie germinative des graines de sorgho, il est impor-
tant d’assurer une protection chimique des semences par un mélange insecticide-fon-
gicide approprié. À cette fin, il est possible d’utiliser, en Afrique de l’Ouest, un produit
comme le Calthio DS® composé de lindane et de thirame (le thirame protégeant le
sorgho contre le charbon couvert qui est transmissible par les graines). Un meilleur
protocole de traitement est cependant une association du type suivant : traitement des
semences à la récolte avec un insecticide comme le Percal M® (à base de perméthrine
et de malathion) ou la K-othrine 2,5 PM® (à base de deltaméthrine) puis, juste avant
le semis, enrobage des semences avec le Calthio DS®. Au moment du semis, des gra-
nulés à base de carbofuran (insecticide systémique) dans le poquet ou la ligne de semis
819
5 Agriculture spéciale
assure, en plus, une protection efficace des jeunes plantes contre les iules, la mouche
du pied (Atherigona soccata) et les chenilles de foreurs des tiges.
Pour la conservation des stocks de sorgho, il est fortement recommandé d’utiliser des
insecticides adaptés à la protection des denrées à usage alimentaire. De même, la lutte
contre les rongeurs sur les lieux de stockage est recommandée soit par des appâtages
spécifiques (anticoagulant) ou par une protection mécanique (bonne étanchéité des
greniers ou magasins). Avant de décider d’un traitement phytosanitaire, on recom-
mande de consulter le service national de la protection des végétaux pour s’assurer
que le produit recommandé est bien homologué ou enregistré dans le pays.
● La récolte et les rendements
À maturité, soit trente à quarante jours après la floraison, lorsque le grain a pris sa
couleur définitive, il est recommandé de récolter sans tarder et de préserver les pani-
cules de l’humidité. On évite ainsi les attaques d’oiseaux et celles des moisissures aux-
quelles les graines de sorgho sont exposées si elles restent sur pied.
En Afrique, les rendements en grains moyens sont de 7-8 q/ha en culture tradition-
nelle, de 20 à 30 q/ha en culture pluviale intensifiée, d’une soixantaine de q/ha en cul-
ture très intensifiée.
Tableau 13. Les temps de travaux selon les modes de culture (nombre de jours)
Culture manuelle (8 h de travail par jour) Culture attelée (2 bœufs; journée de 6 heures de travail)
Préparation du sol :
Grattage 5 1
Labour 4
Hersage 1
Semis 4à5 1
Démariage et repiquage 10
Sarclage 25 2
Epandage d’engrais 2
Buttage 2
Récolte 7à8 8 à 10
820
Les plantes comestibles 5 1
forme de panicules. Le battage est effectué au bâton, sur des aires aplanies et net-
toyées, par couche de panicules de 10 à 15 cm d’épaisseur7. Pour des quantités plus
modestes correspondant à des besoins journaliers, le travail est fait au mortier et au
pilon. Le battage est suivi d’un vannage.
Différentes batteuses
Pour un battage mécanisé, on peut utiliser des machines à poste fixe entraînées par des moteurs ther-
miques. Ce sont des batteuses à céréales polyvalentes classiques, équipées de grilles de nettoyage
adaptées aux grains de sorgho. Les modèles les plus répandus ont des débits compris entre 500 et
1500 kg/h. Ce sont aussi des égreneuses qui sont conçues pour d’autres céréales mais qui convien-
nent au sorgho après des réglages appropriés : cas de la Bamba de Bourgoin en France pour le maïs
ou de la BS 1000 de la SISMAR au Sénégal pour le mil. Avec un débit de près de 1 000 kg/h, la BS 1000
est plutôt destinée à des groupements villageois ou des entrepreneurs privés assurant de village en
village des chantiers de battage. Avec un débit plus faible, la Bamba est plus adaptée aux commu-
nautés rurales.
821
5 Agriculture spéciale
822
Les plantes comestibles 5 1
Ces objectifs généraux se déclinent de façon plus particulière dans les pays de culture
traditionnelle du sorgho où la recherche doit fournir aux paysans des variétés inter-
médiaires entre leurs variétés locales et les variétés hautement productives qu’ils
rejettent généralement. Ces variétés doivent en effet pouvoir rentrer dans un système
plus intensifié sans perdre la rusticité et la qualité des grains des variétés paysannes. À
cette fin, la recherche s’engage de plus en plus dans une valorisation du germoplasme
local selon une démarche participative. En liaison avec les paysans, il s’agit de mieux
valoriser la diversité du sorgho, encore riche de potentialités.
● La plante
Originaire d’Ouganda et d’Ethiopie, l’éleusine est une céréale cultivée pour ses
graines en Afrique de l’Est et du Sud et en Inde. Elle constitue la base de l’alimenta-
tion humaine dans de nombreuses régions, et est utilisée pour la semoule, le pain, la
bière et comme fourrage. Nourrissante, elle contient des acides aminés essentiels
(méthionine).
C’est une plante annuelle touffue, aux nombreuses ramifications dans tous les sens, de
40 à 130 cm de haut et à feuilles étroites. Au sommet de la tige, l’épi forme un groupe
de doigts de 3 à 13 cm de longueur. Le poids de mille graines est de 2,6 g. La fécon-
dation se réalise par auto-pollinisation et les croisements entre lignées sont donc diffi-
ciles à réaliser.
L’éleusine est adaptée à de nombreux milieux mais résiste mal à la sécheresse. Elle
tolère des précipitations modérées (500 mm à 1 000 mm annuels bien distribués) pen-
dant la saison de croissance. Elle supporte des températures élevées (jusqu’à 35°C),
mais ce sont les zones de montagnes ou de collines (moyenne des températures maxi-
mum de 27°C et moyenne des températures minimum de 18°C) qui lui conviennent
particulièrement. C’est une plante de jours courts (optimum : douze heures d’enso-
leillement par jour). Elle se développe dans tous les types de sols et tolère un excès
d’eau ponctuel.
● La culture
En Asie, l’éleusine est semée en ligne. En Afrique, elle est semée à la volée. Ses graines
de très petite taille exigent un lit de semence très fin et plat, ce qui demande beaucoup
de travail. Le désherbage est également un problème important de la culture. Le cycle
dure de deux mois et demi à six mois, ce qui permet de réaliser deux cultures par an.
823
5 Agriculture spéciale
La récolte est réalisée à la main. On coupe les épis en laissant un bout de tige qui per-
met d’en d’attacher plusieurs. On les empile en tas pendant quelques jours. Cela pro-
voque une fermentation qui facilite ensuite le vannage. L’éleusine peut être stockée
longtemps sans être attaquée par les insectes. La transformation en farine est difficile
du fait de la taille de la graine.
La production annuelle mondiale est de 4,5 millions de tonnes de grains, dont 2 mil-
lions en Afrique. Les surfaces cultivées diminuent au Congo démocratique, au
Burundi et au Rwanda en raison de la quantité de travail nécessaire pour désherber,
récolter et vanner, alors que cette céréale était la plus diffusée dans ces zones. Les prix
de l’éleusine augmentent du fait de la baisse de la production et elle devient une
céréale de fête. Au Kenya, par exemple, le prix de l’éleusine est deux fois plus élevé
que celui du sorgho ou du maïs. En revanche, au Népal, la surface cultivée en éleu-
sine augmente de 8 % par an.
● Le fonio
Digitaria exilis
Anglais : hungry rice, fonio millet
Espagnol et portugais : digitaria
Famille des Poaceae
● La plante
C’est une céréale cultivée depuis très longtemps en Afrique, du Sénégal au Tchad,
dans les zones de savane où elle peut constituer l’aliment principal. Le fonio est appré-
cié pour sa finesse et ses qualités gustatives et permet la fabrication de bière par fer-
mentation. Sa paille constitue un bon fourrage pour le bétail. C’est une des céréales
les plus nutritives : sa graine est riche en méthionine et cystéine, acides aminés essen-
tiels absents de la plupart des autres céréales.
C’est une plante annuelle érigée, de 30 à 75 cm de haut, au tallage multiple et ram-
pant qui ne facilite pas le sarclage. L’inflorescence est une panicule en forme de doigts
qui porte deux à cinq grappes filiformes de 15 cm de long portant des graines minus-
cules, blanches, jaunes, fauves ou pourpres. On compte 1 600 à 2 500 grains par
gramme. La floraison est insensible à la durée du jour. Il existe des variétés à cycle
court (40 à 60 jours) ou à cycle long (165 à 180 jours).
Le fonio tolère des sols relativement pauvres, sableux, latéritiques. Il pousse là où rien
d’autre ne pousse. Sa rapidité de maturation permet son développement dès qu’il y a
un minimum de pluies (250 mm à 1 500 mm, généralement 400 mm). Les variétés
précoces sont cultivées en conditions sèches et les variétés tardives en conditions
humides. C’est une plante exigeante en lumière qui se développe correctement à des
températures de 28°C à 30°C et peut être semée jusqu’à 1 500 m d’altitude (Fouta
Djallon, Nigeria).
● La culture
Les graines sont semées à la volée après une bonne pluie et recouvertes par une fine
couche de terre. Elles germent en trois à quatre jours et la croissance est ensuite
rapide. Le taux de germination est élevé.
824
Les plantes comestibles 5 1
La graine perd sa capacité germinative après deux ans. Selon les conditions, la dose
de semis varie de 2 à 3 kg de graines/ha à 10 à 20 kg de graines/ha. Du fait de la den-
sité et de la rapidité de croissance de la plante, le fonio nécessite peu de désherbage.
En conditions difficiles, il peut être repiqué. La surveillance de la culture au moment
de la maturation des graines est indispensable afin de limiter les attaques d’oiseaux.
La plante est récoltée entièrement, coupée à sa base avec un objet tranchant, liée en
gerbes, séchée et stockée sous couvert. Les épis sont battus ou foulés au pied et les
glumes sont séparées des graines dans un mortier. Compte tenu de la taille de la
graine, celle-ci est difficile à décortiquer et à vanner. On mélange les grains à du sable
afin d’augmenter l’effet abrasif. Les graines sont lavées à plusieurs reprises et ensuite
séchées au soleil. La conservation de la graine s’effectue sans problème.
Les rendements sont très faibles : 150 à 600 kg/ha. Chaque année, en Afrique de
l’Ouest, 300 000 ha sont semés en fonio, ce qui fournit une base alimentaire pour trois
à quatre millions de personnes. Le fonio redevient une céréale recherchée, son prix
est le triple de celui du mil et le double de celui du riz.
825
5 Agriculture spéciale
● Le millet commun
Panicum miliaceum L.
Français : millet commun, grand millet
Anglais : proso millet, common millet, indian millet
Espagnol : mijo común, mijo, mijo major, proso millo
Portugais : milho miúdo
Famille des Poaceae
Domestiqué en Asie centrale et orientale, le millet est souvent cultivé par les nomades
du fait de son aptitude à mûrir rapidement. Actuellement cette céréale alimentaire est
produite dans la Communauté des Etats indépendants, en Asie centrale.
C’est une plante annuelle au port dressé dont la hauteur varie généralement de 30 cm
à 100 cm, mais peut dépasser 1,5 m. Les racines sont peu profondes. Cette plante
robuste, à tiges fortes et à feuilles larges, est recouverte de longs poils et possède deux
types d’inflorescence : des panicules fermées en balai et des panicules largement
ouvertes. Les graines sont volumineuses (> 3 mm de longueur ; poids de 1000 graines
compris entre 4,7 et 7,2 g).
Le millet est particulièrement adapté aux climats continentaux secs (plus tempérés
que les autres mils) et préfère des sols humides et argilo-calcaires.
L’enveloppe de la graine, difficile à enlever, contient un taux élevé de fibres non diges-
tibles et donne une impression de réplétion importante lorsqu’elle est consommée.
● Le millet indigène
Paspalum scrobiculatum L.
Anglais : kodo ou kodra millet
Famille des Poaceae
C’est une céréale mineure, cultivée de l’Inde (sauf sur le plateau du Deccan) à la
Malaisie et au Pacifique. On la trouve également en Afrique. Elle a été diffusée dans le
monde tropical où elle est parfois utilisée comme fourrage (très digestible, même après
une longue conservation). C’est parfois une mauvaise herbe des plantes cultivées.
C’est une graminée annuelle en touffe, qui atteint 90 à 135 cm de hauteur, sans sto-
lon, à tiges ascendantes et érigées, ramifiées parfois. Les feuilles sont glabres ou par-
fois poilues sur les bords. La graine est enfermée dans un involucre dur, corné, per-
sistant et difficile à retirer.
En Malaisie, la plante produit des graines pendant trois à quatre mois. Elles tombent
rapidement quand elles sont mûres. La propagation peut se faire par semis ou par
transplantation des talles. La levée de dormance des graines récemment récoltées peut
se faire de façon mécanique ou par scarification.
C’est une plante de zones humides découvertes, cultivée jusqu’à 1 200 mètres d’alti-
tude. Elle tolère les inondations et résiste peu à la sécheresse. La température opti-
male de croissance est de 25 à 27°C. C’est une plante héliophile, qui peut se dévelop-
per dans des sols peu fertiles s’il y a peu de compétition, mais elle préfère des sols
fertiles.
826
Les plantes comestibles 5 1
Le lit de semence doit être préparé finement puis les graines sont généralement
semées en rangées séparées de 1,3 m.
● Le panic
Echinochloa crus-galli
Français : panic, pied de coq
Anglais : prickly grass, barnyard grass
Espagnol : pata de gallo, zacate de agua
Famille des Poaceae
Originaire du Japon, sa culture s’est diffusée dans les régions chaudes tempérées et
tropicales (Inde, Chine et Afrique de l’Est). Le panic est utilisé également comme four-
rage (il convient pour l’ensilage mais pas pour le foin). En Egypte, il est employé pour
la régénération des sols alcalins ou salés. Cette espèce est considérée comme une
adventice dans de nombreux pays.
C’est une herbe annuelle touffue, petite et souvent maigre, à tiges érigées décom-
bantes de 80 à 150 cm de hauteur. De nombreuses tiges se développent à la base. Les
feuilles sont plates, glabres, longues de 30 à 50 cm et larges de 1 à 2 cm.
827
5 Agriculture spéciale
● Le teff
Eragrostis tef (Zucc.) Trotter
Français : teff, mil éthiopien
Anglais : abyssinian love grass, teff grass
Espagnol : teff
Famille des Poaceae
En 1980 en Ethiopie, la moitié de la surface agricole était cultivée en teff. C’est une
céréale consommée de façon quotidienne, sous forme de galettes. Elle peut également
être cultivée comme fourrage (Afrique du Sud).
C’est une plante annuelle touffue, de 30 à 120 cm de haut, aux feuilles longues, effi-
lées, étroites et lisses. Son système racinaire est superficiel. Les graines sont de petite
taille (1 à 1,5 mm de long et 2 500 à 3 000 graines par gramme), de couleur variable
(jaune, blanc laiteux, noir, rouge ou marron). Plus la couleur est sombre, plus les
arômes de la graine sont nombreux. Elle ne contient pas de gluten.
C’est une céréale de climat à saison sèche longue, qui tolère le froid, et est cultivée en
altitude (entre 1 800 et 2 100 m en Ethiopie). La plante est photosensible et fleurit en
jours de douze heures.
C’est une culture à cycle court (quarante cinq à soixante jours) ou à cycle plus long
(cent vingt à cent soixante jours), à maturité rapide. Elle est semée tardivement et
récoltée en saison sèche. Elle peut être semée comme une culture de secours si les cul-
tures principales (blé, sorgho, maïs) ne produisent pas. Le teff sert alors de culture de
soudure, qui demande peu de soins et résiste aux maladies.
Le rendement varie de 300 kg à 3 000 kg/ha. La moyenne en Ethiopie est de l’ordre
de 900 kg. La graine est facile à stocker et ne craint pas les attaques des insectes.
Le teff est produit presqu’exclusivement en Ethiopie : en 1996, 1,4 millions d’hectares
ont produit 0,9 millions de tonnes de graines, soit environ le quart de la production
céréalière du pays. Un début de production commerciale existe aux Etats-Unis et en
Afrique du Sud. La population allergique au gluten augmente aux Etats-Unis, et le teff
pourrait constituer une céréale de substitution.
828
Les plantes comestibles 5 1
Bibliographie
Maïs
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INRA. Physiologie du maïs, 1984, INRA, 574 p.
SPRAGUE G.F. ET DUDLEY J.W. ed., Corn and corn improvement, 3 ème édition, 1988, John Wesley, 986p.
Riz
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AUBIN J-P. ET DAGALIER J-C, 1997. Mécanisation de la riziculture. Ministère français de la Coopération,
CIRAD. CIRAD, Montpellier, France, 278 p.
JACQUOT M. ET COURTOIS B., 1986. Le riz pluvial. Ed. Maisonneuve et Larose, Paris.
Sorgho
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Céréales secondaires
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Programme AGRHYMET. Les grandes cultures sahéliennes. Tome XIV. Reproduction du cours de M.
Santens Patrice, Niamey 1979, N°120. 4 p.
GRAIN DE SEL, bulletin trimestriel de l’inter-réseau, développement rural, N° 5, mars 1997. Céréale
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Lost crop of Africa, Tome 1 : Grains, 1996, National Academy Press, Washington D.C., USA.
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plants, Forages, Timber trees : Majors commercial timbers, Rattans, Bamboos, Vegetables. N° 1-
4, 5(1), 6-8, CD Rom, Wageningen, 1997.
829
5 1 2 Les autres amylacées
À partir des contributions de A. Caburet, V. Lebot (CIRAD),
J.P. Rafaillac (IRD), P. Vernier (CIRAD)
L’ARBRE À PAIN
Artocarpus incisa (syn. : Artocarpus altilis)
Anglais : bread tree
Espagnol : arbor de pan
Portugais : fruta-pão
Famille des Moraceae
● L’origine et la répartition
Originaire de Polynésie, l’arbre à pain a été importé aux Antilles au XVIIIe siècle par
les planteurs coloniaux afin de nourrir leurs esclaves. Il semblerait que deux grands
types de variétés (avec et sans graine) aient été importés dès cette époque aux Antilles
et en Amérique centrale. La répartition actuelle de cet arbre concerne l’ensemble des
régions tropicales mais la Jamaïque semble être le seul pays exportateur (vers l’Europe
et les Etats-Unis).
● La morphologie
L’arbre à pain peut atteindre 26 m de haut. C’est un arbre à croissance rapide. Ses
feuilles, larges, découpées, vert brillant, sont portées par un long pétiole jaune.
831
5 Agriculture spéciale
● La culture
● La plantation et l’entretien
Le châtaignier tropical se multiplie à partir des graines fraîchement récoltées.
L’arbre à pain véritable (sans graine) se multiplie par marcottage à partir des racines
(existence de marcottes naturelles). Il est possible de procéder également par boutu-
rage à partir des racines. Les extrémités des boutures peuvent être trempées dans une
solution de permanganate de potassium pour coaguler le latex. Les boutures sont
plantées horizontalement dans du sable, puis doivent être arrosées quotidiennement
et protégées du soleil. L’enracinement des boutures peut prendre deux à cinq mois.
Dès que les racines sont bien développées, il est possible d’exposer les plants au soleil.
832
Les plantes comestibles 5 1
Les plants sont alors transplantés dans des pots ou sacs en plastique et arrosés une ou
deux fois par jour jusqu’à ce qu’ils atteignent 60 cm de haut. Ils peuvent alors être
plantés en pleine terre.
La plantation se fait dans des trous de 90 cm de large et 40 cm de profondeur, enri-
chis en matière organique ; un apport d’insecticide dans le sol est recommandé à la
plantation. La densité conseillée est de 84 arbres/ha (écartements de 7,5 m sur ligne,
12 m entre les lignes).
Les arbres issus de marcottes de racines produisent au bout de trois ans alors que les
arbres issus de boutures de racines ne produisent qu’au bout de cinq ans. Un arbre
peut rester productif pendant cinquante ans.
Une fertilisation standard NPK peut être appliquée sur les jeunes arbres jusqu’à ce
qu’ils soient productifs ; il est alors recommandé de fournir un supplément de phos-
phate pour augmenter la taille et la qualité des fruits.
La production de fruits est plus ou moins continue sur l’année, mais il y a générale-
ment une ou deux, voire trois périodes où celle-ci est plus importante.
833
5 Agriculture spéciale
LE CANNA COMESTIBLE
Canna edulis Ker.-Gawl. - Syn. : Canna indica. l.
Français : canna comestible, toloman
Anglais : queensland arrowroot, purple arrowroot, edible canna
Espagnol : achira
Famille des Cannaceae
C’est une plante herbacée pérenne cultivée pour son rhizome qui contient 24 % d’ami-
don.
Elle est originaire d’Amérique du Sud (cordillère des Andes), où elle est cultivée
depuis des temps immémoriaux. Elle se trouve maintenant sur tous les continents.
Elle est très répandue en Amérique centrale et aux Antilles, en culture de case. En
Australie et en Inde ; elle fait l’objet de plantations. Les rhizomes peuvent être utilisés
comme aliment pour les animaux (Afrique de l’Est).
L’amidon de C. edulis est recherché en Colombie car il a des propriétés fonctionnelles
intéressantes (confection de biscuits), mais il est difficile à extraire.
Il existe plus de cinquante espèces de Canna ; la plupart sont utilisées comme plantes
d’ornement. C. edulis est une plante pouvant atteindre 150 à 250 cm, portant des
feuilles larges (50 cm sur 15 cm), lancéolées et des fleurs orange rouge. Cette plante
supporte des températures assez fraîches (7°C la nuit) et pousse en dehors des zones
tropicales.
La plantation s’effectue à partir de fragments de rhizome portant un ou deux yeux,
avec des écartements de 90 à 120 cm entre les plants. Les rendements sont de l’ordre
de 25 à 37 t/ha au Queensland (Australie) et de 50 t/ha au Kenya.
L’IGNAME
Genre : Dioscorea
Anglais : yam
Espagnol : ñame
Portugais : inhame/carà (Brésil)
834
Les plantes comestibles 5 1
● La plante
Les ignames appartiennent au genre Dioscorea (Dioscoreaceae) qui comprend plus de six
cents espèces, dont une dizaine sont cultivées comme plantes alimentaires.
D. cayenensis-rotundata Afrique de l’Ouest Tige ronde épineuse, feuille large cordée. On distingue :
(yellow & white guinea yam) : D. rotundata, à chair blanche et cycle court (8 mois) (95% du
complexe spécifique total), et D. cayenensis, chair jaune et cycle long (12 mois)
D. alata (water or greater yam) Asie du Sud-Est Tige quadrangulaire, ailée, feuille simple, tubercule de
forme variée, chair blanche à anthocyanée, parfois bulbille
D. dumetorum (bitter yam) Afrique Tige forte et épineuse L, feuille cordée et trifoliée,
tubercules nombreux, globuleux, souvent fusionnés, chair
blanche ou jaune, durcissement rapide après récolte.
Forme sauvage toxique
D. trifida (cush-cush) Amazonie Tige quadrangulaire L, feuille de 3 à 5 lobes. Tubercules
petits et nombreux
D. bulbifera (aerial yam) Asie du Sud-Est, Afrique Tige ronde L, grande feuille simple, bulbilles nombreux,
petits à gros (jusqu’à 1 kg), comestibles chez les cultivées.
Tubercules petits, globuleux et spongieux
D. esculenta (lesser yam) Asie du Sud-Est Tige ronde épineuse L, feuille simple, nombreux petits
tubercules stolonisés en grappe. Chair blanche à jaune,
parfois irritante crue
D. opposita (chinese yam) Chine Tige ronde lisse, feuille cordiforme alterne à la base, puis
opposées. Tubercules lisses, longs (1 à 1,5 m) en massue.
Seule espèce tempérée cultivée
D. nummularia Asie du Sud-Est Tige très épineuse à la base, feuille simple, tubercules
fusiformes souvent très profonds, récoltés parfois à 2 ou 3 ans.
Cultivée dans le Pacifique, de la Papouasie aux îles Samoa
D. transversa (waël) Océanie Tige ronde à cannelée, feuille cordiforme brillante,
tubercules (2 à 8) petits (10 – 12 cm) en poire. Récolte très
échelonnée (désaisonnable). Surtout cultivée en Nouvelle-
Calédonie
L : espèce s’enroulant à gauche (lévogyre).
835
5 Agriculture spéciale
Les ignames sont cultivées dans pratiquement toute la zone intertropicale humide,
hors zone d’altitude. Les principales aires de production se situent en Afrique de
l’Ouest (yam belt du Nigeria à la Côte d’Ivoire : 91 % de la production mondiale). Le
centre et l’est du continent possèdent également une production significative. L’Asie
du Sud-Est (y compris l’Inde), les îles du Pacifique et l’Amérique intertropicale pro-
duisent surtout D. alata.
L’igname est une plante herbacée annuelle à tige volubile. La plante produit un à plu-
sieurs tubercules de 2 à 5 kg, pouvant atteindre 15 kg. La multiplication se fait par
voie végétative à partir de tubercules entiers ou fragmentés. Certaines espèces se mul-
tiplient aussi par bulbilles (D. bulbifera).
Les ignames sont dioïques (se xes séparés). La floraison est abondante chez les formes
sauvages, réduite chez les cultivées. Certains cultivars fleurissent, assez fréquemment
chez Dcr, plus rarement chez D. alata.
La voie sexuée est utilisée par la recherche pour la création de variétés nouvelles,
impossible par voie végétative. La génétique complexe et encore mal connue des
ignames (polyploïdie ; mauvaises synchronisation des floraisons mâle et femelle) n’a
pas encore permis une diffusion significative de variétés améliorées.
La diversité des ignames cultivées est importante mais encore mal caractérisée. En
Afrique de l’Ouest, les récents travaux de génétique, utilisant les marqueurs molécu-
laires, distingue une trentaine de groupes variétaux chez Dcr.
Agogo P
Alakissa Yaobadou T Tubercule jaune (type D. cayenensis)
Ahimon P
Bani Ouré T Tige plate en faisceau sur le 1er mètre
Douba Yessirou P
Gnalabo Krenglé T
Gnidou P
Kokoro Kroukroupa T Fabrication de cossettes
Kpanhoura T
Kpouna-Laboko Kponan P Standard de qualité pour l’igname pilé
Kratchi P
Mondji ou Ala N’kojéhoué Sopéré P
Morokorou Cocoassié P
Soussou P
Tabané Gnan T
Tam-sam T Appareil aérien nain
Tognibo P
D’après Dansi et al., 1999.
Type : P = précoce (2 récoltes), T = tardif (1 récolte).
836
Les plantes comestibles 5 1
Le seul exemple de matériel diffusé à grande échelle par la recherche est Florido
(D. alata), sélection clonale faite à Porto-Rico. Introduite en 1975 en Côte d’Ivoire, elle
est maintenant largement adoptée et diffusée dans la sous-région.
● L’écologie de l’igname
Plante lianescente originaire de forêt tropicale, l’igname Dcr est principalement culti-
vée en zone de savane et demande des sols légers et bien drainés. Sur sols hydro-
morphes, elle doit être plantée sur butte de grande taille (un mètre ou plus). Elle est
exigeante en eau et en chaleur. La pluviométrie minimale est de 1 000 mm/an avec un
optimum de 1 500 mm.
Les ignames sont sensibles au photopériodisme, les jours croissants favorisent le déve-
loppement aérien, et les jours déclinants celui des tubercules. Pour obtenir des ren-
dements élevés, il est important que le développement végétatif et donc l’activité pho-
tosynthétique commence le plus précocement possible avant le solstice d’été. Dans
certaines zones de savane, la culture en bas-fond sur grande butte est une réponse à
cette exigence.
Les Dcr précoces (à deux récoltes) sont exigeantes en fertilité (K surtout) et en matière
organique. Les Dcr tardives et les D. alata sont plus rustiques.
● La culture
837
5 Agriculture spéciale
● L’itinéraire technique
● La mise en place de la culture
La plantation peut se faire avant la levée de la dormance en saison sèche. Elle permet
un démarrage de la croissance dès les premières pluies. Elle suppose une préparation
des buttes en fin de saison pluvieuse précédente et une protection des buttes contre
un trop fort échauffement à l’aide de chapeaux de paille. Cette solution est recomman-
dée pour les ignames précoces.
Une mise en place après la levée de dormance est également possible. Elle suppose un
égermage préalable qui retarde la levée mais permet une préparation du sol tardive
(jusqu’en juin). Ce mode de plantation, très pénalisant pour les variétés à deux
récoltes, est à réserver aux variétés à récolte unique.
La production de gros tubercules (plus de 5 kg) demande une densité de plantation
faible (3 à 4 000 buttes/ha) et de grosses buttes (jusqu’à un mètre de haut). Celle de
tubercules moyens (1 à 2 kg), plus recherchés en production commerciale, est obtenue
avec des densités plus fortes (6 000 à 15 000 plants/ha) et des buttes plus petites (35 à
50 cm).
En culture mécanisée, la plantation se fait sur billon : 10 000 plants/ha correspondent
à un inter billon de 1,5 m et 0,6 à 0,7 m entre les plants.
● Le choix des semences
Tout morceau de tubercule comportant une partie d’épiderme est susceptible de ger-
mer. En pratique, on utilise de petits tubercules entiers ou des morceaux de tubercules
plus gros, d’un poids de 200 à 500 g, parfois jusqu’à un kilo. Les tubercules entiers
ont une vigueur et une précocité supérieures à celle des fragments.
Les tubercules coupés sont cicatrisés avec de la cendre de bois, additionnée éventuel-
lement de fongicides. Aux Antilles, on recommande un trempage des semenceaux
dans une solution de benomyl (30 - 60 g/100 litres d’eau) pendant un quart d’heure,
suivi d’un séchage à l’ombre pendant une ou deux journées.
La technique des mini fragments, mise au point au Nigeria par le NRCRI, permet une
multiplication rapide des semences. Des fragments de tubercules (25 à 50 g) sont mis
à germer en pépinière puis repiqués sur planche (six à huit au m2). On obtient des
tubercules de 100 à 300 g qui serviront de semenceaux l’année suivante. Cette tech-
nique, délicate, nécessite de disposer d’arrosage. Elle est réservée aux multiplicateurs
de semences disposant des moyens adéquats.
● L’entretien
La sensibilité de l’igname aux adventices est maximale entre un et trois mois après la
levée. En culture continue, trois à quatre sarclages peuvent être nécessaires.
Le désherbage chimique permet une maîtrise satisfaisante des mauvaises herbes pen-
dant les quatre à cinq premiers mois en zone de pluviosité moyenne (savane de Côte
d’Ivoire) et pendant trois mois en zone forestière.
838
Les plantes comestibles 5 1
Les herbicides
Ils sont applicables en prélevée de la culture sur sol propre. Les chiffres correspondent à des g/ha de
matière active :
– metribuzine + diuron : 1 000 + 800 ;
– atrazine + pendimethaline : 1 000 + 1 250 (sélectif du maïs).
● Le tuteurage
L’avantage économique du tuteurage, opération exigeante en travail, est variable.
Sans tuteur, le rendement peut chuter de 0 à 50 % selon les variétés ; les moins sen-
sibles sont celles qui produisent plusieurs tiges par pied. Son intérêt décroît avec l’aug-
mentation de la radiation solaire2.
● La fumure
Les ignames sont exigeantes en fertilité et en matière organique. En culture stabilisée,
un apport d’engrais est à prévoir.
Kg exportés par tonne de tubercules frais (ordre de grandeur) 4 0,4 4,4 0,1 0,2
839
5 Agriculture spéciale
Sur feuille
Destruction Insectes: larve de Crioceris livida Insecticides si dégâts importants
(coléoptère) Lema armata
Mosaïque, chlorose, déformation Virus (transmission par aphides) Insecticides, sélection de semences
Déformation foliaire sur plants sains
Nécrose, noircissement, Champignons pathogènes Variétés résistantes, fongicides :
dessèchement des feuilles Anthracnose (complexe fongique) feuillage et semences
et tiges (sévère sur D. alata) Cercospora, Rhizoctonia
Sur tubercule avant récolte
Lésions à galles Nématodes : Meloïdogyne spp. Sélection de semence saine
Rotation de culture
Thermothérapie
Nématicide
Lésions en fente Nématodes : Scutellonema spp.
Pourriture Nématodes : Pratylenchus spp.
Trouaison Heteroligus spp. (coléoptère)
Sur tubercule au stockage
Galeries, perte de poids Larves de pyrale(lépidoptère) Pyréthrinoïdes (trempage)
Euzopherodes vapiella
Ephestia cautella
Présence de cochenille farineuse, Planococcus spp., Geococcus coffeae Fumigation des stocks,
mobile Traitement insecticide des semences
Présence de cochenille encroûtante Aspidiella hastii
immobile, desséchement, Aspidiotus spp.
faible germination
Suintement, pourriture humide Bactérie : Erwinia spp. Lutte contre l’humidité
Tri des tubercules pourris
Curing (cicatrisation)
Pourriture sèche et molle Champignons pathogènes: genres Eviter blessures et dégâts d’insectes
Botryodiplodia, Fusarium, Penicillium, Tri
Aspergillus Curing
Total 200–330
840
Les plantes comestibles 5 1
● La récolte et la post-récolte
On distingue deux modes de gestion de la culture :
> la conduite en double récolte, qui concerne uniquement les Dcr précoces, récoltées
avec précaution une première fois après cinq ou six mois de végétation, sans
détruire la plante qui donne une seconde repousse quatre ou cinq mois plus tard.
Les tubercules de la première récolte, immatures, se conservent mal mais sont très
appréciés. La seconde récolte est surtout destinée à la replantation ;
> la récolte unique, qui se pratique à maturité physiologique après sénescence de
l’appareil aérien. Chez certaines variétés, les tubercules peuvent se conserver jus-
qu’à six mois. Une partie de la récolte, jusqu’à un tiers chez certaines Dcr à tuber-
cule unique, sert à la replantation.
La récolte unique peut être mécanisée. En culture intensive sur billons, des soule-
veuses sont utilisables avec les variétés à tubercule court (40 cm). Il existe aux Antilles
des prototypes de récolteuse-chargeuse, dérivés du matériel à pomme de terre.
L’igname est essentiellement commercialisée en tubercules frais, consommés, selon les
variétés, bouillis, braisés ou pilés (foutou).
La transformation en cossettes, obtenues à la ferme en saison sèche par une précuis-
son et un séchage naturel de tubercules épluchés, est importante dans l’Ouest du
Nigeria et au Bénin. Les cossettes constituent un produit stable (10-12 % d’humidité),
de longue conservation s’il est protégé contre les charançons, et de prix abordable. La
consommation, après réduction en farine, se fait sous forme de pâte (amala) ou de
couscous (wassa-wassa).
841
5 Agriculture spéciale
842
Les plantes comestibles 5 1
LE MANIOC
Manihot esculenta Crantz
Français : manioc (ou cassave : Antilles, Guyane)
Anglais : cassava (ou tapioca)
Espagnol : yuca,
Portugais : mandioca
Famille : Euphorbiaceae – genre : Manihot
843
5 Agriculture spéciale
● La plante
● L’origine et la diffusion
Le manioc est une espèce tropicale originaire d’Amérique. Il a son centre principal de
diversification au Brésil. L’origine de l’espèce cultivée M. esculenta proviendrait soit
d’hybridations successives entre plusieurs espèces sauvages, soit de deux sous-espèces :
Manihot esculenta subsp. Flabellifolia et M. esculenta subsp. Peruviana. Il reste probable
que d’autres espèces telles que Manihot glaziovii aient participé à la constitution géné-
tique de l’espèce cultivée.
Sa diffusion à partir du continent américain s’est faite en Afrique dès le XVI e siècle. Puis
elle a gagné l’Asie et enfin l’Australie à la fin du XIXe siècle. L’Afrique peut être
considérée comme un centre secondaire de diversification, aidé par l’introduction
de M. glaziovii. L’exploitation de M. glaziovii a été tentée au début du XXe siècle pour
produire du latex. Grâce à sa bonne résistance aux stress biotiques et climatiques, il a
servi à l’amélioration variétale du manioc (croisements interspécifiques).
● Les caractéristiques morphologiques
Le manioc est une plante arbustive pérenne de un à quatre mètres de hauteur.
Une ou plusieurs tiges principales se développent simultanément sur la bouture. Leur
nombre, caractéristique de la variété, est modifié par la qualité et le mode de planta-
tion des boutures. La diversité des formes dépend de deux types de ramifications :
> le premier type est lié à l’aptitude à la floraison. En effet, la transformation de
l’apex terminal en axe floral entraîne la sortie simultanée de deux à quatre axes
végétatifs. Ces rameaux fleurissent à leur tour et développent de nouveaux axes.
Suivant la précocité et le nombre de floraisons, les tiges offrent un port très diffé-
rent : de cylindrique ou érigé (aucune ou une floraison tardive) à étalé ou en boule
(plus de cinq floraisons précoces en un an). Un sol pauvre augmente le nombre de
ramifications de ce type ;
> le second type de ramifications se fait à partir de bourgeons latéraux sur la partie
inférieure des tiges (de zéro à sept). Cette aptitude est liée aux variétés. Le nombre
est augmenté par la fertilisation et les densités faibles de plantation.
Selon les milieux, le nombre de tiges et les deux types de ramification conditionnent
pour partie le choix des techniques culturales : écartement entre plants, pratique et
nature des associations culturales.
Les feuilles sont palmées. Le pétiole (1 à 25 cm de long), le nombre de lobes (un à
treize), leur forme et l’orientation générale du limbe sont des critères de différencia-
tion variétale. Le nombre de lobes peut évoluer au cours du temps : faible au début,
il est au maximum entre trois et six mois pour devenir unique en fin de cycle.
Le mode de propagation en culture est la bouture de tige. Une bouture émet des
racines au niveau des nœuds en contact avec le sol humide (racines nodales) et à la
base (racines basales, plus nombreuses). Le nombre potentiel de racines diffère selon
les variétés. Il diminue avec l’utilisation de boutures de mauvaise qualité, la sécheresse
ou l’excès d’eau. Chaque racine primaire est un site potentiel de stockage des réserves
844
Les plantes comestibles 5 1
● L’écologie du manioc
Le manioc est cultivé dans toute la zone intertropicale avec des régimes pluviomé-
triques à une ou deux saisons des pluies et des pluviosités annuelles variant de 600
mm à plus de 4 000 mm. La température minimale est de 12°C, le taux maximum de
croissance se situe entre 25 et 29°C.
845
5 Agriculture spéciale
● La culture
846
Les plantes comestibles 5 1
847
5 Agriculture spéciale
L’acide cyanhydrique s’évapore dès 25°C. La volatilisation est d’autant plus rapide et
intense que les fragments sont petits et soumis à la chaleur : soleil, cuisson...
La quantité de linamarine et l’activité de la linamarase diffèrent selon les variétés. Le
stress hydrique, l’apport d’azote, le prolongement du cycle cultural augmentent le
taux d’acide cyanhydrique. En revanche, l’apport de potassium le diminue.
849
5 Agriculture spéciale
LA MARANTA
Maranta arundinacea L.
Anglais : bermuda, st vincent, west, indian arrowroot
Famille des Marantaceae
Cette plante cultivée pour son rhizome est originaire du Brésil et du Venezuela, où
existent des formes sauvages. Elle est très répandue aux Antilles, particulièrement à
Saint Vincent, et sa culture est pratiquée en Inde, au Sri Lanka et en Indonésie.
La plante mesure de 0,6 m à 1,8 m de haut ; les feuilles sont lancéolées et portées par
un long pétiole. Les fleurs produisent rarement des graines.
Le rhizome contient 19 à 21 % d’amidon et est utilisé comme aliment pour les bébés
du fait de sa très grande digestibilité. Le procédé artisanal de fabrication de la fécule
est le suivant : les rhizomes, dont on a retiré la peau, sont râpés. La pulpe râpée est
mélangée à une grande quantité d’eau, puis on filtre et on laisse décanter. L’amidon
se dépose. Il est récupéré et mélangé à nouveau à de l’eau. Les blocs d’amidon sont
ensuite séchés à l’air sur des claies, puis réduits en poudre.
Actuellement, l’amidon est utilisé essentiellement par l’industrie du papier mais ce
débouché est menacé.
On plante des fragments de rhizomes, à des distances de 75 cm sur 37 cm. Les rhi-
zomes peuvent être récoltés au bout de dix mois. Une plantation dure cinq à six ans.
Les rendements moyens sont de 7 à 13 t/ha, et peuvent atteindre 31 t/ha.
LA PATATE DOUCE
Ipomoea batatas
Anglais : sweet potato
Espagnol : batata, camote, boniato
Portugais : batata doce
Famille des Convolvulaceae
Comme tous les tubercules, ceux de la patate douce peuvent être cuisinés de diffé-
rentes manières. Ils sont parfois utilisés pour produire de la farine ou de l’amidon, au
Japon et en Corée en particulier, pour une transformation industrielle et pour la fabri-
cation de chips. Ils sont également appréciés par les animaux (porcs, bovins…). Les
feuilles peuvent être consommées en épinards (brèdes) ou données comme fourrage
au bétail. En Extrême-Orient, les extrémités des tiges sont appréciées en tant que
légume-feuille riche en vitamines A et B2. On y utilise aussi les pétioles.
C’est le tubercule tropical qui est capable de fournir le plus de calories à l’unité de sur-
face dans un temps donné, en plaine et en toute saison.
851
5 Agriculture spéciale
● Les variétés
Les centres de sélection les plus importants se situent à Porto Rico, à Cuba, à Trinidad,
au Pérou (CIP), en Chine et au Japon. Le CIP peut fournir sous forme de vitro plants,
des patates douces certifiées indemnes de virus. Les objectifs de sélection sont très
variables. Selon les cas, on recherche des variétés :
> à teneur variable en matière sèche, sucre, carotène, amidon et protéines dans les
tubercules, mais aussi dans les feuilles pour les variétés destinées à l’alimentation
animale ;
> adaptées à des sols peu fertiles ;
> résistantes aux nématodes ou à Cylas formicarius ;
> résistantes ou tolérantes au complexe de virus local ;
> ayant un rapport donné feuillage/tubercule.
Les qualités organoleptiques et les objectifs de production constituent les critères
essentiels à prendre en compte pour l’introduction de nouvelles variétés.
● La culture
● L’itinéraire technique
La patate douce est très souvent cultivée en association avec d’autres plantes dans les
systèmes culturaux vivriers.
On plante des boutures de 25 à 30 cm de long, portant trois à quatre bourgeons, dont
les deux tiers inférieurs sont effeuillés et enterrés, inclinés à 45°. Ces boutures peuvent
être au préalable désinfectées par trempage dans une solution insecticide (lutte contre
les charançons).
La plantation se fait sur planches ou billons. En cas de culture pure, les densités
varient de 30 000 à 60 000 boutures/ha. Les boutures sont placées en lignes simples
ou doubles selon la largeur du billon. Sur la ligne, l’écartement est de 30 cm. L’écart
entre lignes dépend du type de sol : s’il nécessite un drainage important, les billons
peuvent atteindre 40 cm de haut ; l’écart entre deux billons est alors de 1,6 m et deux
lignes peuvent être plantées sur le billon. Aux Etats-Unis, les plantations se font habi-
tuellement à 30-37,5 cm sur la ligne, les lignes étant distantes de 90 cm à 1,05 m pour
des sols bien drainés, et de 1,20 m pour des sols plus lourds.
Le désherbage (mécanique ou chimique) doit être réalisé tant que le feuillage ne
couvre pas le sol, le premier ou le second mois de culture.
Les tubercules se récoltent 100 à 180 jours après la plantation. La récolte doit être
effectuée par temps sec sans blesser les tubercules. Elle se fait parfois en laissant le
plant en place ; il est alors possible d’obtenir une deuxième production trois à quatre
mois plus tard.
La patate douce est peu exigeante en azote. La dose de potasse appliquée doit cor-
respondre au triple ou au quadruple de celle d’azote. La fertilisation préconisée à la
Réunion est de 500 kg de 15-12-24 par hectare, et 300 kg/ha de chlorure ou sulfate
de potasse pour la culture suivante, en complément de sa fertilisation normale. Dans
le Maryland, on applique 1 600 kg/ha de 3-9-12.
852
Les plantes comestibles 5 1
Les apports d’engrais se font en trois fois : avant la plantation, puis 40 et 70 jours
après. Les meilleurs résultats obtenus par l’IRAT en Martinique l’ont été en plaçant
l’engrais à 10-15 cm de la ligne de plantation, à 10 cm de profondeur.
La patate douce est considérée comme une culture épuisante pour les sols.
Tableau 10. Exportations moyennes d’éléments fertilisants, pour une production de 50 t de tubercules
et de 20 t de lianes/ha
853
5 Agriculture spéciale
● Les rendements
Les rendements varient fortement selon les cultivars, les conditions climatiques locales
et les techniques culturales. La FAO indique des rendements moyens allant de 5 à
13 t/ha chez les principaux pays producteurs tropicaux ; Israël, qui pratique une cul-
ture très intensive, obtient 40 t/ha en moyenne. Les rendements obtenus en station
expérimentale sont de 45 t/ha aux Etats-Unis, de 70 t/ha à Taïwan et de 88 t/ha à
Tahiti.
● La conservation
La température optimale de conservation est de 13-14°C (à 85-90 % d’humidité rela-
tive), avec un risque de détérioration au-dessous de 10°C. Auparavant, il est conseillé
de les stocker à 27-29°C dans un local bien ventilé pendant quatre à sept jours pour la
cicatrisation des blessures, à 85-90 % d’humidité relative. La durée maximale de
conservation des tubercules stockés dans ces conditions est en moyenne d’un mois.
Les manipulations à la récolte doivent être très précautionneuses afin de ne pas bles-
ser les tubercules, ce qui entraînerait l’installation de pourritures. La durée de conser-
vation des tubercules en terre est de six mois, mais les risques de détériorations
diverses sont importants.
● La production mondiale
La production mondiale en 2000 a été de 139 millions de tonnes, dont 118 pour la
seule Chine. Les autres principaux producteurs sont le Nigeria (2,5 Mt), l’Ouganda
(2,4 Mt) et l’Indonésie (1,8 Mt).
LA POMME DE TERRE
Solanum tuberosum
Anglais : potato
Espagnol : patata
Portugais : batata inglesa
Famille des Solanaceae
854
Les plantes comestibles 5 1
Elle est actuellement cultivée partout dans le monde, essentiellement en zone tempé-
rée. Sous les tropiques, elle est cultivée en altitude car elle demande des températures
inférieures à 24°C le jour et 16°C la nuit pour tubériser.
● Description
C’est une plante herbacée, pérenne grâce à ses stolons qui donnent naissance à des
tubercules à leur extrémité ; après dépérissement de la partie aérienne, les tubercules
donnent naissance à de nouvelles tiges.
Les tubercules, ovoïdes, pèsent de 50 à 500 g. La couleur de la peau change (jaune,
rose, violette) selon la variété.
● Les variétés
Une grande diversité de formes cultivées et sauvages de Solanum tubérifères est loca-
lisée dans les Andes au-dessus de 2 000 m, entre 10°N et 20°S de latitude. Parmi
les espèces de Solanum cultivées, certaines sont diploïdes, triploïdes, ou tétraploïdes
(S. tuberosum).
La plupart des cultivars utilisés dans les régions chaudes ont été sélectionnés à l’ori-
gine dans des conditions tempérées, et une minorité s’adapte aux conditions tropi-
cales. Actuellement des programmes de sélection importants sont menés en vue d’une
culture de basse altitude en zone tropicale.
La résistance aux principales maladies tropicales est recherchée au CIP, au Pérou, en
particulier la résistance à Pseudomonas solanacearum. Les critères de sélection les plus
anciens concernaient la résistance à la sécheresse, aux virus, au mildiou, les qualités
culinaires et l’aptitude à la conservation.
855
5 Agriculture spéciale
● La culture
La pomme de terre est plantée en culture pure ou en association. En association, elle
ne tolère pas l’ombrage, sauf en tout début de cycle dans les climats chauds. Pour les
cultivars tempérés, la maturité peut être atteinte au bout de trois mois chez les plus
précoces, au bout de quatre à six mois en moyenne, et après plus de sept mois chez
les plus tardifs. En milieu tropical, en jours plus courts, les tubercules mûrissent en
général en quatre mois.
● La plantation et l’entretien
On plante généralement des tubercules ou fragments de tubercules germés. S’il s’agit
de morceaux, ceux-ci doivent être plantés rapidement après la coupe (un à deux jours
après celle-ci) ; ils doivent avoir le temps de former leur liège cicatriciel qui leur évite
de pourrir dans le sol. Il faut généralement 1,2 à 2,5 tonnes de semences à l’hectare.
Les tubercules peuvent être plongés dans un fongicide avant la plantation. Il faut faire
attention que les semences ne subissent aucune contamination virale (utilisation exclu-
sive de tubercules issus de zones de culture où ce facteur est strictement contrôlé). La
plantation de graines n’est pratiquée que par les sélectionneurs. Le sol doit être
labouré profondément, puis les mottes sont brisées.
En conditions tempérées, la plantation s’effectue généralement en sillons espacés de
60 à 120 cm, à 20-40 cm sur la ligne ; l’espacement optimal dépend du cultivar et des
facteurs du milieu. Les tubercules sont enterrés à 5 cm de profondeur. En conditions
tropicales, on peut planter à plat ou sur billons, en fonction des conditions d’humidité
du sol et des températures nocturnes et diurnes.
Plusieurs sarclages sont nécessaires pour éliminer les adventices. Il est nécessaire de
butter les plants quatre à six semaines après la plantation en cas de sarclage manuel.
En cas de désherbage chimique, un seul buttage à la levée des plants est nécessaire.
La pomme de terre est une plante très consommatrice d’éléments minéraux, plus par-
ticulièrement de potasse. Les apports varient en fonction des sols. À la Réunion,
on recommande un apport de 1 200 kg de 10-20-20 par hectare. En Guadeloupe, sur
les sols à allophanes, on apporte une fertilisation de 100 N, 100 K2O et 200 P2O5 par
hectare.
856
Les plantes comestibles 5 1
● La récolte
Elle doit être effectuée par temps sec, en évitant de blesser les tubercules.
En région tempérée, on peut atteindre 40 t/ha ; en régions tropicales, les rendements
sont inférieurs : de 5 à 11 t/ha en zone de plaine, 20 à 25 t/ha en altitude. Dans les
zones tropicales de plaine, cette culture est rentable seulement s’il est possible d’im-
porter à faible coût des semences ou s’il est possible de multiplier des plants importés
sur des plateaux d’altitude (1 200 m minimum).
● La conservation
Le zéro de végétation est à 4°C : les tubercules n’évoluent pas si on les conserve à cette
température. Au-dessous, ils se détériorent. À 4°C, l’amidon se transforme en sucres
solubles ; il faut garder quelques jours à 8-10°C les tubercules stockés longtemps à 4°C
si l’on veut obtenir la transformation inverse.
La germination des tubercules se produit vers 12-13°C, début de la phase d’incuba-
tion ; celle-ci est favorisée par l’obscurité. L’exposition à la lumière déclenche un pro-
cessus de verdissement des tubercules (avec production de toxines).
Les tubercules peuvent être conservés à 20°C en clayettes dans un endroit sec et ven-
tilé, à l’abri de la lumière. Seuls des plants sains doivent être stockés. La conservation
est possible plusieurs mois dans ces conditions dans des locaux sains.
● La production
La production mondiale a été de 328 millions de tonnes en 2000, les principaux pro-
ducteurs étant la Chine (66 Mt), la Russie (34 Mt), l’Inde (25 Mt) et la Pologne (24 Mt).
Les six plus grands exportateurs sont la France, le Canada, l’Italie, les Pays-Bas,
l’Allemagne et Chypre.
La production des zones tropicales est insuffisante pour satisfaire la demande ; les
perspectives de développement de cette culture y sont importantes grâce aux
recherches en cours : adaptation des cultivars, méthodes de stockage.
857
5 Agriculture spéciale
LE SAGOUTIER
Metroxylon
Anglais : sago palm
Famille des Arecaceae
● La plante
C’est un palmier de taille moyenne, utilisé pour la fécule extraite du tronc, appelée
sagou. Celui-ci se présente sous forme de grains semi-transparents. Ce produit est
consommé localement, une petite production étant exportée par Sarawak (Malaisie)
pour la préparation de potages.
Le genre Metroxylon regroupe cinq espèces répandues en Nouvelle-Guinée et dans les
îles du Pacifique : Moluques, Fidji, Carolines, Salomon, Samoa. Il s’est également dif-
fusé en Indonésie et Malaisie. Ces espèces diffèrent par la forme des feuilles, la pré-
sence d’épines ou non, l’insertion de la hampe florale, la couleur de l’amidon, la durée
de vie. Les plus importantes sont M. sagu et M. rumphii. On extrait également du sagou
d’arbres de la famille des Cycadaceae en Australie, au Mexique et en Malaisie.
Le sagoutier peut se développer sur des sols marécageux, où il se trouve à l’état spon-
tané. Il peut pousser correctement sur des sols plus secs et supporter une saison sèche
marquée sur des sols qui restent humides. Il est relativement tolérant à la salinité. On
le trouve jusqu’à 700 m d’altitude.
Ce palmier est monoïque et l’inflorescence se développe selon les espèces sur une
hampe prenant naissance au sommet du tronc ou sur des hampes latérales. Le sagou-
tier meurt après la floraison qui a lieu au bout de huit à dix-sept ans, selon l’espèce et
les conditions du milieu.
● La culture
Il porte des drageons à sa base, qui peuvent être utilisés pour sa multiplication. Il peut
aussi se multiplier par graines, mais celles-ci sont très peu viables et le résultat plus
aléatoire. Les drageons (10 à 15 cm) peuvent être plantés dans des sacs en polyéthy-
lène ; ils restent en pépinière environ trois mois. Les écartements en plantation sont
de 6 à 7 mètres entre les arbres. Les jeunes plants doivent être buttés. Le nombre de
repousses doit être limité.
Les palmiers sont abattus dès l’apparition de l’inflorescence afin d’en extraire le sagou
(fécule). Le tronc est coupé en deux dans le sens de la longueur, évidé, et la partie
médullaire, riche en fécule, est lavée plusieurs fois puis séchée. Le sagou peut être
produit perlé ou non. Un tronc de M. sagu produit en moyenne 180 kg de farine
brute. On obtient 58 % de sagou à partir de la farine brute.
Les recherches menées à ce jour sur le genre Metroxylon l’ont été en Malaisie et en
Indonésie, principal producteur mondial.
858
Les plantes comestibles 5 1
LE TARO ET LE MACABO
Aracées : Colocasia esculenta (taro), Xanthosoma sagittifolium (macabo))
Colocasia
Français : taro
Anglais : taro ou cocoyam
Espagnol : malanga (en espagnol de Cuba)
Portugais : inhame
Xanthosoma
Français : macabo
Anglais : cocoyam ou new cocoyam
Espagnol : tannia, yautia, ou macabo
Portugais : inhame
● La plante
● L’origine des espèces
L’aire d’origine du taro (C. esculenta) est probablement le Sud-Est asiatique, du
Myanmar à la Papouasie Nouvelle Guinée. L’aire d’origine du macabo (X. sagittifolium)
est le bassin amazonien.
Ces deux plantes sont maintenant cultivées dans toute la zone intertropicale. Le taro
bénéficie d’une plus grande plasticité : on trouve des taros en Inde à plus de 2000 m
d’altitude, au Japon, en Chine du Nord et même en Egypte où il fait l’objet d’une cul-
ture intensive.
● Les caractéristiques morphologiques
Mis à part les différences d’anatomie florale, souvent difficiles à observer car les culti-
vars fleurissent rarement, le taro se distingue par un pétiole qui s’insère au tiers infé-
rieur du limbe (feuille peltée) tandis que le pétiole du macabo est placé dans le pro-
longement de la nervure centrale (feuille sagittée).
859
5 Agriculture spéciale
● La culture
Taro et macabo sont habituellement cultivés en jardin de case et en association avec
d’autres plantes vivrières. Cependant, à Hawaii, en Thaïlande, à Cuba, en Egypte et
au Japon la culture vise des marchés lucratifs et se fait à hauts niveaux d’intrants. Dans
ces pays, la culture est mécanisée, pour la plantation comme pour la récolte.
● La mise en place
En système pluvial, il est recommandé de planter en début de saison des pluies mais
l’absence de dormance permet en fait une plantation à tout moment. La plantation se
fait dans des trous de 10 à 30 cm de profondeur et la partie supérieure du semenceau
portant les bourgeons doit être orientée vers la surface. Un léger paillage permet
d’éviter un dessèchement trop rapide des bourgeons.
On recommande d’utiliser comme semenceaux soit des boutures de tiges aériennes,
en fait les têtes des cormes incluant le bourgeon central, soit des rejets, soit encore de
petits tubercules. Il existe une corrélation positive directe entre le poids de la propa-
gule et le rendement final.
860
Les plantes comestibles 5 1
● L’entretien
Il se limite à un désherbage, chimique ou manuel, pendant les trois premiers mois du
cycle. Taro et macabo produisent rapidement de larges canopées qui couvrent totale-
ment le sol. Les pertes sont principalement dues aux sécheresses, au Phytophthora ou
aux viroses.
Travaux Jours/ha
861
5 Agriculture spéciale
● La récolte et la conservation
La récolte s’effectue dès que les canopées commencent à flétrir et à sécher. Selon les
variétés, précoces ou tardives, les cycles sont de six à dix mois. Des récoltes tardives
donnent des cormes plus développés. On observe fréquemment des rendements de
l’ordre de 20 t/ha, mais il est possible en culture intensive d’atteindre quarante, voire
cinquante tonnes à l’hectare. Le potentiel de rendement (plus de 60 t/ha) n’est jamais
atteint en culture traditionnelle.
Les cormes se conservent pendant trois semaines à température ambiante et à
l’ombre. Ils peuvent se conserver plus d’un mois à 10°C et sont très facile à congeler.
La décongélation n’altère nullement les caractéristiques organoleptiques et les arômes.
● La valeur alimentaire
Taro et macabo sont des plantes amylacées. La teneur en matière sèche peut varier
selon les variétés de 30 à 45 %, la teneur en protéines est assez élevée et la très faible
dimension des grains d’amidon confère une très bonne digestibilité aux produits déri-
vés. Certains sont vendus sous la forme de produits hypoallergéniques pour les
malades ou les nourrissons.
Les jeunes feuilles sont très appréciées sous la forme d’épinards (brèdes) et des soupes
sont préparées en Asie à partir des pétioles bouillis de taro.
● La transformation
Après dessiccation, les chips sèches sont broyées pour obtenir des farines complètes
qui sont très recherchées. L’amidon reste difficile à extraire en raison de la finesse des
particules. Les cormes peuvent être transformés en purée fermentée (Poi à Hawaii),
en flocons, en frites ou en chips prêts à l’emploi vendus dans les supermarchés
(Hawaii).
862
Les plantes comestibles 5 1
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864
5 1 3 Les légumineuses à graines
À partir des contributions de A. Caburet et C. Hekimian Lethève
LE HARICOT
Phaseolus vulgaris
Français : haricot vert, haricot commun
Anglais : common bean, french bean
Espagnol : fríjol, judía, alubia, habichuela, poroto
Portugais : feijoeiro
Famille des Fabaceae
● La plante
Le haricot est une plante grimpante ou buissonnante, annuelle, légèrement pubes-
cente. Les formes volubiles mesurent de 2 à 3 m de hauteur alors que les formes
naines atteignent 20 à 60 cm. Les tiges sont angulaires ou cylindriques et les feuilles,
trifoliées et habituellement ovales, mesurent entre 7,5 et 14 cm de long sur 5,5 à 10
cm de large et sont alternées. Le pétiole peut mesurer jusqu’à 15 cm. La racine pivo-
tante est bien développée et complétée par des racines adventives latérales. Les inflo-
rescences, axillaires ou terminales, sont blanches, roses ou pourpres.
La gousse mesure 20 cm de long, est étroite et souvent courbe. Verte lorsqu’elle est
immature, elle devient ensuite jaune, rougeâtre ou pourpre. Les graines varient par
leur poids (0,15 à 0,6 g), leur couleur (dominantes noir, marron, violet, rouge ou
blanc) et leur forme (réniforme, cylindrique ou ovoïde). Le jeune plant a une germi-
nation épigée. Deux feuilles simples et opposées sortent d’abord, puis des feuilles
alternes et trifoliées.
865
5 Agriculture spéciale
Les haricots à croissance déterminée possèdent un axe central de cinq à neuf nœuds,
et deux à plusieurs branches qui démarrent à partir des nœuds basaux. Les haricots
à croissance indéterminée possèdent un axe central avec douze à quinze nœuds et
même plus dans des types grimpants. On peut classer les haricots en quatre grands
types en fonction du type de croissance, de la production de nœuds après la floraison,
de la hauteur des plants et de la tendance grimpante :
> les nains à croissance déterminée : le bourgeon terminal sur la tige principale est fertile
et la plante ne produit pas de nœuds sur la tige principale après floraison (type
court, sans tuteur ou buissonnant). La durée de croissance est brève ;
> les nains à croissance indéterminée : le bourgeon terminal est végétatif sur la plupart
des tiges qui continuent à produire des nœuds après la floraison, avec des rameaux
érigés à partir des nœuds basaux ;
> les rampants à croissance indéterminée : la production de nœuds est modérée à impor-
tante après floraison sur la tige principale, avec un nombre variable de rameaux qui
naissent à partir des nœuds les plus bas. Le port est rampant ou en forme de cône
sur un support ;
> les grimpants à croissance indéterminée : la production de nœuds sur la tige principale
après floraison est élevée, avec des rameaux faiblement développés comparés à la
tige principale et une capacité modérée à forte à grimper sur un support.
Les haricots sont également classés en croisant le critère de port et celui d’utilisation :
haricots nains mange-tout à gousse verte, haricots nains à filet, haricots à rame mange-
tout, haricots à grains. La destination (haricot vert, haricot mange-tout ou haricot
grain) est liée à la présence de fils et de parchemin dans la gousse.
Le haricot commun est à l’origine une plante de jours courts, mais les variétés sélec-
tionnées en milieu tempéré fleurissent même en jours longs (seize heures). Les pho-
topériodes longues et les températures élevées peuvent agir sur le type de développe-
ment, en transformant des variétés indéterminées à entre-nœuds courts en variétés
volubiles.
La plupart des haricots communs croissent dans un spectre étroit de températures
(entre 17,5 et 25°C, et de préférence entre 20 et 22,5°C). Dans les régions tropicales,
on trouve le haricot à des altitudes élevées (environ 1 000 m). Le haricot commun est
sensible au gel nocturne. Il nécessite des pluies modérées, bien distribuées au cours
du cycle (300 à 400 mm d’eau), mais une période sèche est préférable au moment de
la récolte. La sécheresse et l’excès d’eau lui sont néfastes.
Le haricot s’adapte à de nombreux types de sols : légers à moyennement lourds ou
tourbeux, avec un pH neutre et un bon drainage. Il est sensible à la salinité. Les sols
les plus propices sont les colluvions, les sols allophanes bien pourvus en matière orga-
nique et les vertisols magnésiens. Les sols ferralitiques acides sont les moins appro-
priés.
● La culture
La propagation classique s’effectue par semis, mais on peut facilement réaliser un bou-
turage. La dose de semis varie en fonction de la taille des graines et du type de hari-
cot : de 120 kg/ha pour des variétés naines à 60 kg/ha pour des variétés grimpantes
(le poids de 1000 graines varie de 200 à 600 g).
866
Les plantes comestibles 5 1
867
5 Agriculture spéciale
En Europe et aux Etats-Unis, les haricots nains et buissonnants prédominent. Ils sont
cultivés en plein champ et, pour des cultures intensives, on peut atteindre des rende-
ments de 1 000 à 3 000 kg/ha.
En Amérique latine et aux Antilles, 75 à 80 % des haricots sont plantés en association,
généralement avec du maïs. Les rendements en culture non fertilisée sont de l’ordre
de 500 kg/ha et peuvent être doublés par fertilisation et réalisation de traitements fon-
gicides.
868
Les plantes comestibles 5 1
LE NIÉBÉ1
Vigna unguiculata (L) Walp- Syn. : Vigna sinensis
Anglais : cowpea
Espagnol : caupí, chícharo de vaca
Portugais : feijão caupi, feijão macássar
Famille des Fabaceae
Protéines 24,8%
Matière grasse 1,9%
Cellulose 6,3%
Glucides 63,6%
Thiamine 0,00074%
Riboflavine 0,00042%
Le niébé est parfois utilisé comme fourrage (en Inde par exemple) ou cultivé pour un
usage textile (cultigroupe textilis). Les feuilles et les jeunes pousses peuvent être
consommées en épinards. Les gousses sont parfois mangées en vert. Les fanes peuvent
être utilisées comme fourrage. Leur valeur fourragère est de 0,45 UF/kg et 100 à 200 g
MAD/kg.
869
5 Agriculture spéciale
Les gousses sont cylindriques, renflées à l’emplacement des grains, de taille et de pig-
mentation variable, pendantes ou dressées. Le cultigroupe sesquipedalis, volubile, pré-
sente des gousses très longues (jusqu’à 50 cm), charnues, à grains espacés.
Les grains présentent une grande variété de colorations (unis, à œil, bicolores, tache-
tés…) et de taille. C’est en Afrique qu’on trouve la plus grande variabilité. Les varié-
tés commercialisées au niveau international par les Etats-Unis sont à œil noir (black-eye
beans).
Les fleurs sont également de couleur variable : blanches, jaunâtres, bleu pâle, rose,
violet.
● Les cultivars
Le critère de différenciation essentiel des variétés est la sensibilité ou non à la photo-
période. On distingue ainsi trois groupes :
> un groupe photo-indépendant tardif, cultivé essentiellement dans les zones les plus
proches de l’équateur. La floraison est échelonnée au cours de la saison culturale,
à partir de nœuds éloignés de la tige principale. Les plants sont le plus souvent
volubiles ;
> un groupe photo-indépendant précoce, cultivé dans les zones de latitude élevée, à port
érigé. La floraison a lieu à partir des premiers nœuds de la tige principale et donne
une production groupée, récoltable au bout de deux mois ;
> un groupe photosensible, cultivé en Afrique soudano-sahélienne en association avec le
sorgho et le mil, à port généralement rampant. Ces variétés fleurissent lorsque la
longueur du jour décroît en dessous d’un certain seuil.
Les critères de sélection du niébé sont multiples : acceptabilité des grains (dimension,
couleur, texture tégumentaire), adaptation aux contraintes biotiques (maladies et
ennemis) et adaptation aux contraintes abiotiques : sécheresse, chaleur, carences en
azote et en phosphore, acidité et toxicité aluminique des sols). Les critères de pro-
ductivité sont ajustés en fonction des systèmes culturaux.
870
Les plantes comestibles 5 1
● L’écologie du niébé
Une température de 8 à 11°C est nécessaire à tous les stades du développement du
niébé. Le gel lui est fatal. La température optimale se situe autour de 28°C. L’intérêt
majeur de V. unguiculata par rapport au haricot commun est sa tolérance à la chaleur,
qui le fait préférer au haricot lorsque les températures maximales atteignent 35°C.
La pluviosité annuelle de l’aire de culture varie de 600 à 900 mm/an. Les besoins en
eau de la culture varient selon la longueur du cycle et le climat : pour un cycle de
soixante-quinze jours, à Bambey (Sénégal), les besoins sont de 370 mm ; pour une
durée de végétation supérieure à quatre mois, les besoins en eau sont de 970 mm en
culture irriguée de saison sèche au Burkina-Faso.
● La culture
Les techniques culturales dépendent du mode de culture (traditionnel en association,
culture pure mécanisée ou non…) et du cultivar. Avec les nouvelles variétés précoces
à port érigé peu sensibles au photopériodisme, on préconise la culture pure.
Les graines, bien que très sensibles aux attaques d’insectes, se conservent deux à trois
ans, si elles sont dans un local aéré et frais. Les semences peuvent être traitées avec un
mélange de thirame à 25 % et de dieldrine à 35 % (300 g de produit pour 100 kg de
semences).
La profondeur du semis varie de 2 à 5 cm. En culture pure, on peut recommander
des écartements de 80 à 90 cm entre les lignes et une densité sur la ligne de douze à
quinze grains par mètre.
Contrairement au haricot, le niébé est assez indifférent aux apports azotés. 100 kg de
graines exportent 5 kg de N ; 1,7 kg de P2O5 ; 4,8 kg de K2O ; 0,4 kg de S ; 1,6 kg de
CaO et 1,5 kg de MgO.
Pour une variété à cycle de soixante-quinze jours, la parcelle doit être maintenue
propre jusqu’au quarantième jour de végétation pour obtenir un rendement correct.
Les problèmes liés aux plantes parasites (Striga gesnerioides, Alectra vogelii) sont impor-
tants en zone sahélienne.
Des traitements insecticides à base de pyréthrinoïdes permettent de réduire la pres-
sion parasitaire fréquemment forte à tous les stades de végétation. En effet, le niébé
est victime de ravageurs à tous les stades de croissance : nématodes sur racines,
aphides, cicadelles, galeruques et mouche du haricot sur plantules et organes
végétatifs, thrips sur les fleurs, foreuses des gousses et bruches sur les graines
(Callosobruchus maculatus, Bruchidius atrolineatus).
En conditions de culture fraîche ou humide, le niébé est sensible à la fonte des semis,
à l’anthracnose, la rhizoctoniose, la fusariose, la pourriture radiculaire et la nécrose du
collet, aux cercosporioses, à la rouille, la septoriose, la graisse et aux viroses.
● La récolte et la conservation
Les rendements potentiels sont de 100 à 400 kg/ha sans intrant et de 800 à 3 000 kg/ha
avec intrants. La conservation des récoltes se fait traditionnellement sous forme de
grains ou de gousses dans des greniers où les dégâts des bruches sont importants.
871
5 Agriculture spéciale
Afin de limiter ces dégâts, un traitement des graines à base de deltaméthrine semble
efficace. Un traitement des graines de niébé avec de la poudre de graines de neem
(Azadirachta indica), à sec ou en solution aqueuse, a donné de bons résultats expéri-
mentaux. Des plantes insecticides sont traditionnellement utilisées au Burkina Faso
pour le stockage des grains. Des recherches en lutte biologique contre les bruchidés
n’ont pas abouti.
● La production actuelle
La production mondiale de graines a été en 2000 de l’ordre de trois millions de
tonnes. Les principaux producteurs en 2000 sont le Nigeria (plus de deux millions de
tonnes) et le Niger (270 000 tonnes).
LE POIS D’ANGOLE2
Cajanus Cajan (L.) Millsp./ Huth - Syn. : Cajanus indicus Spreng.
Français : pois d’Angole, pois de bois (Guadeloupe), pois Congo (Haïti)
Anglais : pigeon pea, congo pea
Espagnol : guandul, frijol de pala
Portugais : feijão guandu
Famille des Fabaceae
2 Cf chapitre 522.
872
Les plantes comestibles 5 1
● La plante
C’est un arbuste de 2 à 4 m de haut avec des feuilles à trois folioles et un tronc qui
peut atteindre 5 cm de diamètre. Les fleurs sont bisexuées et autogames. La plante est
photopériodique. Il existe deux groupes variétaux :
> les variétés bicolor, à fleurs jaunes et rouges, à gousses de quatre à cinq grains, pou-
vant vivre plusieurs années ;
> les variétés flavus, à fleurs jaunes, à gousses courtes (trois grains) et à floraison pré-
coce, cultivées en plante annuelle. Ces variétés sont moins sensibles au photopério-
disme.
Il existe des types intermédiaires issus de croisements entre ces deux groupes.
Les capacités de fixation de l’azote de Cajanus cajan ainsi que son enracinement pro-
fond en font une espèce améliorante pour les sols. Il a été constaté des apports de
40kg d’azote à l’hectare par une culture de pois d’Angole. Pour que la racine pivo-
tante puisse s’enfoncer profondément dans le sol, il faut cependant que celui-ci soit
suffisamment meuble. Le pois d’Angole s’adapte à une large gamme de sols et sup-
porte très bien les vertisols. Il est souvent cultivé sur des sols très pauvres, tolère bien
la salinité et l’alcalinité, mais pas une acidité excessive (pH < 5).
Cajanus cajan se développe correctement dans des climats à saison des pluies de cinq
mois ou plus ; il peut produire avec 1 000 à 2 000 mm/an, craint l’eau stagnante et
l’excès d’humidité.
Le pois d’Angole est souvent associé à des céréales (maïs, sorgho). Son implantation se
fait par semis en poquets de trois à quatre grains et en lignes espacées de 1,5 à 2 m,
avec des écartements de 40 à 50 cm sur la ligne. Le développement végétatif démarre
lentement et s’accélère deux à trois mois après le semis. La floraison intervient entre
56 et 210 jours après le semis, celle-ci étant accélérée en jours courts. La récolte est
réalisée 180 à 280 jours après le semis.
Les principaux dégâts sont provoqués par des chenilles qui attaquent les grains imma-
tures3. Une rouille (Uredo cajani), une fusariose vasculaire (F. lateritum f.sp. cajani), un
phoma et des mosaïques jaunes transmises par des aleurodes sont également à redouter.
Des cultures de pois d’Angole destinées à l’exportation sont réalisées à Trinidad avec
des techniques intensives : grâce à l’utilisation de variétés sélectionnées à floraison
groupée et cycle court (140 jours) et des traitements insecticides, on obtient des ren-
dements de 2 t/ha de grain sec. En Indonésie, des rendements de 3 à 4 t/ha sont obte-
nus en culture pure et il est possible d’atteindre 5t/ha dans des conditions optimales
de croissance.
873
5 Agriculture spéciale
En culture fourragère, la plante peut être exploitée en pâture ou par émondage tous
les deux ou trois mois dès qu’elle est adulte. La productivité est de 1,5 à 3,5 t MS/ha
par coupe et la valeur azotée est de 100 à 120 g MAD/kg de MS.
LE POIS DU CAP
Phaseolus lunatus L. - Syn. : Phaseolus limensis MACF.
Français : pois du Cap, haricot de Lima, pois savon, pois de souche
Anglais : Lima bean
Espagnol : frijol Lima, pallar
Portugais : feijão-vagem
Famille des Fabaceae
● La plante
C’est une plante herbacée, comportant différents types : des types nains annuels et des
types volubiles annuels ou pérennes, pouvant atteindre 2 à 4 m. Certains cultivars à
petits grains sont photopériodiques (jours courts).
Les fleurs sont blanches et vert pâle. Les feuilles sont trifoliées. Les gousses mesurent
5 à 15 cm de long sur 1 à 2,5 cm de large. Elles contiennent selon les variétés deux à
six graines ovoïdes, plates et de couleur variable : blanches, rouges ou panachées noir,
rouge ou rose et blanc. Leur diamètre varie de 0,8 à 2,5 cm.
Le pois du Cap est adapté aux climats à faibles variations de température. Les graines
ne germent pas en dessous de 16°C. Au-dessus de 30°C, la fécondation est perturbée.
Les types à petits grains semblent plus adaptés aux températures élevées que ceux à
gros grains.
Une pluviométrie annuelle de 900 à 1 500 mm convient bien au pois du Cap. Certains
cultivars résistent à la sécheresse et une période sèche est bénéfique au moment de la
maturation des graines.
Ce Phaseolus demande un sol bien drainé et un pH entre 6 et 7, mais il peut se déve-
lopper sur des sols acides.
● La culture
Les grains sont semés en poquets de trois à cinq graines, entre 1 et 3 cm de profon-
deur.
874
Les plantes comestibles 5 1
Les espacements pour les types nains sont de 60 à 90 cm entre les lignes, et de 20 à 30
cm sur la ligne ; pour les types volubiles, ils sont de 75 à 90 cm entre les lignes et de
30 à 45 cm sur la ligne.
Un mildiou (phytophtora phaseoli) provoque de graves dégâts dans les zones les plus
fraîches. Le pois du Cap est très sensible aux virus : mosaïque du concombre et
mosaïque dorée. Pour les cultivars précoces, la récolte a lieu 80 à 110 jours après le
semis. Pour les cultivars à gros grains, plus tardifs, la récolte débute 180 à 210 jours
après le semis. Les rendements varient de 400 à 1 500 kg/ha de grain sec en culture
traditionnelle. Ils peuvent atteindre 3t/ha aux Etats-Unis.
LE VOANDZOU
Vigna subterranea (L.) Verdc. - Syn. : Voandzeia subterranea Thou. ex DC
Français : voandzou, pois de terre, pois bambara, pistache malgache
Anglais : bambara groundnut, bambara bean
Espagnol : guisante de tierra
Portugais : mancarra
Famille des Fabaceae
875
5 Agriculture spéciale
● La culture
Les sols doivent être bien drainés. Un pH de 5 à 6,5 lui convient très bien en sol légè-
rement sableux.
Le voandzou est souvent cultivé en association avec d’autres cultures. La durée du
cycle de culture varie, selon le génotype et dans les conditions optimales de tempéra-
ture et de longueur de jour, de 90 à 170 jours. Il est recommandé de traiter les graines
au thirame avant la plantation (fongicide).
Les densités en culture pure peuvent atteindre 29 plants/m2 dans des conditions opti-
males d’alimentation minérale et hydrique. En général, le voandzou ne reçoit pas de
fertilisation spécifique.
Le voandzou est très peu sujet aux maladies et résiste bien aux ravageurs ; il est le plus
souvent cultivé en association avec d’autres plantes. On peut toutefois citer la maladie
des taches foliaires (due à un phoma et un phomopsis) et des bruchidés qui s’attaquent
aux gousses en cours de stockage (Callosobruchus maculatus et C. subinnotatus en parti-
culier).
La floraison démarre 30 à 35 jours après le semis et la maturité des graines est atteinte
lorsque les parties aériennes commencent à jaunir et les feuilles à tomber ; le relief de
la coque tend à s’effacer et des taches brunes apparaissent sur ses côtés. La récolte est
semblable à celle de l’arachide (arrachage des plants avec une houe ou une soule-
veuse). Plus de la moitié des gousses restent dans le sol et doivent être récupérées
manuellement. Les gousses sont ensuite séchées au soleil avant d’être stockées.
Les rendements varient considérablement. Dans les zones tropicales semi-arides, les
rendements sont de l’ordre de 650 à 850 kg/ha de graines sèches. Le voandzou a un
potentiel de production important en conditions de culture optimales (4 t/ha) et
pousse dans des conditions difficiles où l’arachide et le niébé ne produisent rien.
Le stockage se fait le plus souvent en gousses. À température ambiante, les graines se
dégradent rapidement, limitant la durée du stockage. Elles se conservent bien à basse
température.
● La production actuelle
La production mondiale a été en 2000 de 41 000 t (données FAO), essentiellement
réparties entre le Burkina Faso (22 000 t) et le Mali (19 000 t). La culture est pure-
ment traditionnelle, peu connue et mal valorisée.
876
Les plantes comestibles 5 1
877
5 Agriculture spéciale
Le pois du Cap
BAUDOIN J. P. (1991). La culture et l’amélioration de la légumineuse alimentaire Phaseolus lunatus L.
en zones tropicales.. Gembloux (BEL) : Faculté des Sciences Agronomiques, 1991. - 209 p.
LYMAN J. M., BAUDOIN, J. P., and HIDALGO, R. (1985). Lima Bean (Phaseolus lunatus L.). In «Grain Legume
Crops» (R. J. SUMMERFIELD AND E. H. R OBERTs, eds.), pp. 485-519. Collins, London.
Le voandzou
LINNEMANN, A. R., and AZAM-ALI, S. (1993). Bambara groundnut (Vigna subterranea). In Pulses and
vegetables (J. T. W ILLIAMS, ed.), Chapman & Hall, London. pp. 13-58.
LINNEMANN A. R., 1994. Photothermal regulation of phenological development and growth in bambara
groundnut (Vigna subterranea (L.) Verdc.), Wageningen.
MBATA G. N., 1991. The seasonal incidence and abundance of insect pests of stored bambara ground -
nuts. In Séminaire régional IFS - CTA (CTA and IFS, eds.), CTA - Wageningen, Ouagadougou. pp. 452-
459.
SEREME P., 1991. Amélioration de la culture du voandzou (Vigna subterranea (L.) Verdcourt) au Burkina
Faso par la lutte contre ses principaux pathogènes. In Séminaire régional IFS - C TA (CTA and IFS,
eds.), CTA -.Wageningen, Ouagadougou. pp. 23-28.
878
5 1 4 Les plantes oléagineuses
À partir des contributions de C. Hekimian Lethève,
A. Rouzière (CIRAD), R. Schilling (CIRAD) et B. Taillez (CIRAD)
L’ARACHIDE1
Arachis hypogaea L., groupe des légumineuses
Anglais : Groundnut (UK), Peanut (USA)
Espagnol : Mani
Portugais : Amendoim
Famille des Fabaceae (syn. Papilionacées)
879
5 Agriculture spéciale
● La morphologie
L’arachide cultivée est une légumineuse annuelle de 30 à 70 cm de haut, érigée ou
rampante. La partie aérienne est portée par une tige principale, toujours érigée et
deux ramifications latérales primaires issues du collet de la plante. Les feuilles sont
composées de deux paires de folioles elliptiques opposées au bout d’un pétiole inséré
sur des ramifications alternes ou séquentielles.
Les fleurs jaunes ou orangées, papilonacées, prennent naissance à l’aisselle des
feuilles. Elles flétrissent rapidement. La base de l’ovaire fécondé s’allonge pour former
un pédoncule appelé gynophore qui s’enfonce dans le sol où se forme le fruit (gousse)
composé d’une coque indéhiscente contenant une à quatre graines.
Le système racinaire pivotant permet d’explorer un volume de sol important. Il porte
des nodosités fixatrices d’azote atmosphérique, caractéristiques des légumineuses, qui
permettent à la plante d’enrichir le sol en azote lorsque les conditions sont satisfai-
santes : les apports sont alors importants et ont un effet positif sur la céréale qui suit
l’arachide dans la succession. Le bon fonctionnement de ces nodosités est commandé
par divers facteurs, dont la présence active de bactéries fixatrices dans le sol.
La graine est non-dormante dans le groupe Virginia, dormante dans les groupes
Spanish et Valencia (voir tableau 1). Elle lève au bout de trois à quatre jours. La plante
a un développement végétatif limité jusqu’au début de la floraison, qui commence de
vingt-cinq à trente jours après semis (JAS) et se poursuit tout au long du cycle, avec
un maximum entre quarante et soixante JAS. 10 à 20 % des fleurs seulement donnent
des gousses qui parviennent à maturité. Les gynophores émis dans la partie haute de
la plante ne parviennent pas au sol et les dernières gousses formées ne sont pas mûres
à la récolte. Diverses techniques culturales, comme le semis en poquets surbaissés et le
buttage pratiqué au moment approprié, permettent d’améliorer dans une certaine
mesure le rapport gousses/fleurs.
880
Les plantes comestibles 5 1
Dans les conditions optimales et en culture pluviale, l’arachide achève son cycle en
quatre-vingt-dix jours (variétés hâtives), en cent vingt jours (semi-tardives) ou cent
quarante jours (tardives).
La plante est autogame, la fécondation ayant lieu avant l’ouverture de la corolle. Les
populations naturelles sont donc composées de types stables qu’il est possible d’isoler,
de multiplier et de croiser entre eux : la diversité variétale actuelle est due essentiel-
lement à l’action de l’homme (sélection). À signaler l’utilisation, à ce jour très limitée,
d’autres espèces pour la production de fourrage (A. pintoi) ou comme plante de cou-
verture (diverses espèces sauvages rampantes). Le matériel génétique sauvage (plus de
soixante-dix espèces recensées) constitue un réservoir potentiellement intéressant
pour l’identification de gènes utilisables en amélioration variétale, mais aucun
croisement interspécifique ni aucune modification génétique artificielle n’a encore
abouti à des variétés proposables sur le marché semencier.
L’évolution de la demande et les progrès de la sélection ont conduit à des modifica-
tions importantes du matériel végétal proposé :
> passage des types rampants aux types érigés à fructification groupée ;
> extension de variétés hâtives ou tolérantes à la sécheresse dans les zones exposées
aux aléas climatiques ;
> variétés résistantes à certaines maladies virales (rosette) et tolérantes à diverses
maladies fongiques (rouille, cercosporiose) ;
> variétés répondant aux normes du marché de l’arachide de bouche ;
> variétés adaptées à la culture irriguée.
Les programmes de sélection en cours sont orientés sur l’amélioration sanitaire du
produit, l’amélioration de sa valeur nutritive et la résistance aux prédateurs, aux mala-
dies et aux stress abiotiques (salinité, acidité, ombrage).
881
5 Agriculture spéciale
Les principales variétés proposées aux producteurs ouest et centre africains, dont cer-
taines ont été testées avec succès dans d’autres zones, sont citées avec leurs caractéris-
tiques dans le tableau 2. Elles peuvent être fournies par le projet Groundnut Germplasm,
placé sous l’égide de la F AO, opérant à partir du Sénégal, du Mali et du Niger. Sur un
plan plus général, l’ICRISAT a mandat international sur la recherche arachidière, gère
une collection mondiale et peut mettre du matériel végétal à la disposition des sélec-
tionneurs.
55-437 X X X X
73-30 X X X X
47-10 X X X
Te 3 X X
Ts 32-1 X X X
KH149A X X
KH241D X X
55-422 X X X X
73-33 X X X X X
28-206 X X
69-101 X X X
57-313 X X
RMP12 X X X X
GH119-20 X X X
756A X X X
73-27 X X X X
73-28 X X X X
Fleur 11 X X X X X
Tamnut 16 X X X X X
● L’écologie de l’arachide
● Le sol
Le sol doit être suffisamment meuble pour permettre la pénétration des gynophores
(surtout entre 40 et 70 JAS) puis l’arrachage des gousses mûres. De plus, l’arachide
requiert des sols bien drainés et aérés car les échanges respiratoires des gousses en for-
mation sont élevés. Les sols à texture légère, meubles et perméables, en particulier les
sols sableux, sont ceux qui conviennent le mieux. La culture d’arachide sur sols lourds
et argileux est conseillée seulement si le recours à la mécanisation et l’irrigation au
moment opportun est possible.
L’arachide est sensible à la salinité et à l’acidité des sols. Les sols très acides (pH infé-
rieur à 5) ou déficients en CaO peuvent induire des toxicités aluminiques ou ferriques.
L’acidité inhibe le développement des bactéries fixatrices d’azote, ce qui est décelable
à l’aspect chlorotique du feuillage et à l’absence de coloration rouge à l’intérieur des
nodosités.
882
Les plantes comestibles 5 1
● La température et l’ensoleillement
Les températures inférieures à 15°C et supérieures à 45°C ralentissent ou bloquent la
croissance, l’optimum se situant entre 25°C et 35°C degrés. Les températures trop
basses ou trop élevées, auxquelles on s’expose sous les climats tempérés et en contre-
saison chaude ou froide dans les zones tropicales, ont pour effet de prolonger le cycle,
voire de bloquer la germination ou le développement : des variétés de 90 jours, en
Afrique de l’Ouest, mettent 130 à 150 jours pour parvenir à maturité dans le midi de
la France.
L’arachide est peu sensible à la photopériode, mais les jours longs ont un effet positif
sur la productivité : les semis précoces (lorsque la pluviométrie ou l’irrigation le per-
mettent) sont donc à privilégier. Les déséquilibres se traduisent fréquemment par un
rapport défavorable fanes/gousses, que l’on observe également en zone équatoriale et
dans les cultures sous plantations d’arbustes, lorsque l’ensoleillement devient limitant.
● Le régime hydrique
L’arachide présente une sensibilité variable à la sécheresse : les besoins en eau sont éle-
vés au moment de l’imbibition de la graine qui, une fois la germination amorcée,
craint l’excès d’eau. La période de floraison-formation des gousses (30-70 JAS) cor-
respond à une phase de sensibilité à la sécheresse, alors que la phase finale de matu-
ration est favorisée par une sécheresse relative, des pluies à ce stade pouvant en outre
provoquer des germinations sur pied chez les variétés non dormantes.
Une pluviométrie comprise entre 500 et 1 000 mm pendant la saison de culture per-
met généralement d’obtenir une bonne récolte, mais la bonne répartition des pluies,
en fonction du cycle de la variété, est plus importante que le total pluviométrique : des
rendements supérieurs à 1 t/ha en grande culture ont été obtenus au nord du Sénégal,
sous 350 mm de pluies concentrées sur trois mois avec la variété hâtive tolérante à la
sécheresse 55-437. L’irrigation d’appoint, en période de stress hydrique ou de sensi-
bilité maximale, conduit souvent à une amélioration substantielle (y compris qualita-
tive) de la production. L’utilisation de variétés tardives, à forte productivité, est alors
préférable.
● La culture
883
5 Agriculture spéciale
Autoconsommation dominante
Rôle alimentaire direct important, culture pluviale, Enclavement, absence de débouchés
manuelle, majoritairement en association, pas de Priorités d’action :
recours aux intrants onéreux et faible excédent Désenclavement - préparation du sol (outillage) - dispositif adapté
commercialisable. de séchage, conditionnement, stockage à la ferme - introduction
Concerne les zones enclavées d’Afrique et du possible de variétés améliorées avec renouvellement
Sud-Est asiatique. périodique des semences.
Filière traditionnelle monétarisée
Systèmes ouverts sur un marché local, évolution Systèmes très ouverts au progrès technique, à condition
vers la culture pure et l’utilisation d’intrants, que soient maîtrisés les deux points sensibles de la filière :
culture pluviale ou irriguée avec recours partiel – en amont, l’amélioration variétale et l’accès à des semences de
à la traction animale. bonne qualité,
Situation dominante en Afrique, Inde, Sud-Est asiatique. – en aval, des conditions incitatives de commercialisation.
Ouverture sur le marché international – Systèmes paysannaux
Systèmes paysannaux avec organisation de la filière : Situation très sensible aux changements structurels :
associations paysannes, accès aux intrants, crédit et libéralisation, désengagement de l’Etat.
commercialisation organisés, implication d’opérateurs L’organisation de la filière est parfois encore en phase de
agro-industriels locaux et internationaux redéfinition.
Concerne certaines zones d’Afrique de l’Ouest La réorientation de la production vers l’arachide de
(Sénégal, Gambie) et Australe, Chine, Inde. bouche et le traitement industriel et artisanal des
produits est souvent en cours, et nécessite un travail
sur les aspects de qualité technologique et sanitaire et
sur l’intensification (intrants, irrigation, critère «bouche»).
Ouverture sur le marché international – Systèmes mécanisés intensifs
Situation caractéristique des pays développés, avec Systèmes très sensibles à la nouvelle situation
rente foncière élevée, forte consommation d’intrants internationale qui expose les Etats-Unis à la concurrence
et faible recours à une main-d’œuvre onéreuse. des pays du Sud : l’accent est mis sur la réduction des
Orientation « bouche» exclusive (l’huilerie ne traite coûts de production, sur l’élévation des normes de qualité
que les refus) avec quotas de production (contrôle de l’aflatoxine) et sur les aspects diététiques
subventionnée: système des Etats-Unis (premier (composition et teneur en acides gras, allergies...).
exportateur mondial).
L’arachide n’en présente pas moins de nombreux avantages et des perspectives inté-
ressantes pour les petits producteurs et les économies des pays du Sud, sur différents
plans :
> agronomique, lié à l’introduction d’une légumineuse dans des rotations à forte domi-
nante céréalière ;
> nutritionnel, lié à un apport lipidique et protéinique substantiel dans des régimes ali-
mentaires à très forte dominante glucidique ;
> économique, lié à la diversité des produits arachidiers susceptibles d’être auto-
consommés ou vendus.
885
5 Agriculture spéciale
permet de cultiver les variétés hâtives (90 jours) ; les semi-tardives (120 jours) sont cul-
tivées sous 600 à 900 mm en cinq mois, tandis que les tardives sont réservées aux zones
à plus de 900 mm.
Le semis doit conduire à des écartements moyens de 60 x 15 cm (110 000 pieds/ha,
50-60 kg de graines/ha) pour les grosses graines de type Virginia et de 40 x 15 cm
(170 000 pieds/ha, 50-60 kg de graines/ha) pour les petites graines de type Spanish
ou Valencia. Le poids de coques nécessaire pour ensemencer un hectare ou valeur
culturale, se situe entre 120 et 150 kg/ha, selon la variété et la qualité des semences.
Semoirs
La société SISMAR (Dakar) propose des semoirs monorangs à traction animale permettant à un atte-
lage de semer un hectare en huit heures contre dix jours/ha pour le semis manuel. Une gamme de
disques et de cuillers permet de s’adapter à divers calibres de graines de différentes cultures. Il existe
des modèles plus élaborés (multirangs), ainsi que de plus simples (roues à godets matérialisant les
trous de semis).
● L’entretien
Un ou deux sarclages ou un rebillonnage sont suffisants lorsque le sol a été préalable-
ment labouré ou billonné. Lorsque l’arachide a été cultivée à plat sans labour (cas le
plus fréquent), plusieurs interventions sont nécessaires.
Le premier sarclage est important car la jeune plante est très sensible à la concurrence
des adventices ; il doit être effectué à la main sur la ligne, les autres sarclages étant
limités à l’interligne. On prend bien garde, à partir du quarantième jour, à ne pas
déterrer les gynophores. L’utilisation raisonnée d’herbicides de pré-levée, en combi-
naison avec le travail du sol, permet de retarder le premier sarclage qui correspond à
une période de pointe du calendrier agricole, mais il demeure nécessaire d’ameublir
le sol au moins une fois au cours du cycle.
Divers herbicides ont été testés et l’arachide présente une bonne tolérance aux herbi-
cides de pré-levée (à base de métolachlor, de prométryne, de trifluraline), grâce à sa
plantule vigoureuse et à son enracinement rapide et profond.
● L’irrigation
Ce mode de production coûteux est réservé à l’arachide de bouche d’exportation et à
la production semencière. L’irrigation permet de cultiver l’arachide en saison sèche
chaude : cycle de variétés hâtives entre février et mai ou de variétés semi-tardives
entre février et juin dans l’hémisphère Nord. Elle débouche toujours sur une aug-
mentation sensible de la production de gousses et une augmentation considérable de
la production de fanes, ce qui constitue un appoint financier substantiel dans les péri-
mètres irrigués ouest-africains et indiens. Dans les zones où l’irrigation est tradition-
nelle (sud-est asiatique), la priorité absolue est accordée à la céréale (riz généralement)
ou à la culture dominante (tabac, maïs), l’arachide étant alors conduite en culture
dérobée ou intercalaire avec des rendements moyens ou faibles.
Il est recommandé d’assurer un apport d’eau important aux phases critiques du déve-
loppement : saturer le profil avant le semis, puis en période de forte floraison et de
886
Les plantes comestibles 5 1
formation des gousses ; ménager un léger déficit hydrique avant floraison, puis en fin
de cycle afin d’assurer une maturation plus uniforme. La norme moyenne, en contre-
saison et en zone sub-sahélienne, est de 4 000 à 6 000 m3/ha par aspersion et de 6 000
à 10 000 m 3/ha par gravité.
● La fumure
Une fumure minérale annuelle légère NPK ou NP procure sur l’arachide une plus-
value intéressante, encore augmentée par des apports organiques, de préférence sur
la céréale cultivée en rotation. La fumure calcique est destinée à corriger l’acidité des
sols et à améliorer la qualité technologique des semences et de l’arachide de bouche.
Les doses et les formes d’apports recommandées sont généralement calculées dans la
perspective d’une rentabilité l’année même de leur application. Elles ne compensent
pas les exportations des cultures.
En Afrique de l’ouest et centrale, seul le Sénégal vulgarise diverses formules corres-
pondant à des proportions variables de NPK (6-20-10 dans le bassin arachidier Sud
par exemple). Dans les autres pays producteurs d’Afrique de l’Ouest, les fumures pré-
conisées sont composées de super-phosphate simple (60 à 100 kg/ha) ou d’engrais
coton, selon la disponibilité. L’utilisation d’engrais connaît une forte baisse liée à la dis-
parition des structures d’appui au monde rural (crédit, subventions, sociétés de déve-
loppement), alors que la réduction des jachères conduit à un déclin alarmant de la fer-
tilité des sols, notamment dans les zones arachidières des savanes africaines.
● Les ravageurs et les maladies
L’arachide, bien que moins exposée que d’autres légumineuses tropicales (niébé et
soja), est sensible à des maladies et ravageurs divers contre lesquels l’agriculteur se
protège en utilisant des variétés tolérantes ou résistantes (notamment à la rosette), en
appliquant des mesures agronomiques préventives d’efficacité partielle et en recou-
rant à des traitements chimiques, en fait limités au traitement fongicide des semences
et au traitement insecticide des stocks individuels ou collectifs. Des traitements à
grande échelle contre les nématodes, ainsi que d’autres actions, telles que l’utilisation
d’appâts empoisonnés contre les iules (myriapodes), ont donné de bons résultats dans
les conditions privilégiées où ils étaient appliqués, mais n’ont pas été diffusés durable-
ment, faute d’appui technique et d’incitations économiques suffisantes.
Pour le traitement des semences, il est recommandé d’effectuer un enrobage à sec des
graines avec un produit fongicide auquel on ajoute parfois un insecticide répulsif.
L’effet, en termes de pourcentage de germination, est toujours important et parfois
considérable (gain de 30 % et plus) si les graines ont été semées dans des conditions
d’hygrométrie défavorables, trop profondément ou trop superficiellement.
L’opération s’effectue soit par brassage manuel dans une bassine, soit dans un tambour
mélangeur.
La formule Granox
La formulation dépend des produits recommandés ou disponibles localement. La formule commer-
ciale Granox est employée au Sénégal à la dose de 2 ‰ (100 g pour 50 kg de graines), composée de
Captafol + Benomyl + Carbofuran en proportions 10-10-20, le reste étant composé de poudre adhésive
(talc ou attapulgite).
887
5 Agriculture spéciale
Dans les stocks, l’insecte le plus nuisible est la bruche de l’arachide (Caryedon fuscus),
présente aux champs à la récolte et sur certaines légumineuses pérennes toute l’an-
née. Les petits lots peuvent être détruits en une intersaison. Différentes méthodes de
lutte peuvent être préconisées (sous réserve de l’agrément des produits) :
> comprimés de phosphure d’aluminium dans des récipients métalliques hermé-
tiques (action d’autant moins efficace que l’air est sec) ;
> traitement sous bâches par fumigation au gaz toxique (bromure de méthyle lors-
qu’il est autorisé) : 48 heures à la dose de 30 g/m3, suivi d’une ventilation forcée.
Ne traiter que des arachides bien sèches si l’on souhaite les utiliser comme
semences ;
> poudrage insecticide réalisé à mesure du remplissage des magasins ou de la consti-
tution des tas, complété par un traitement de couverture en surface (sacs ou coques
en vrac). Selon les réglementations en vigueur sont utilisés : K-othrine, Actellic,
Bromophos, Iodophenphos, parfois en panachage.
888
Les plantes comestibles 5 1
Culture
Motorisée (Etats-Unis 1970) Attelée (sud Sénégal) cheval Manuelle (Congo)
889
5 Agriculture spéciale
Chine 14,6
Inde 6,2
Nigeria 2,9
Etats-Unis 1,8
Sénégal 1,1
Indonésie 1,0
Monde 34,7
Source : F AO.
890
Les plantes comestibles 5 1
● La recherche
Les enjeux de la recherche arachidière correspondent à une double nécessité :
> améliorer durablement la productivité dans les petites exploitations des pays en
développement ;
> améliorer la qualité des produits, en réponse à la demande des marchés.
Ceci implique que des actions de recherche soient conduites à plusieurs niveaux :
> développer les travaux d’agro-physiologie afin de mieux définir les stades de sensi-
bilité et d’identifier les causes des limitations du rendement, dans le but de déclen-
cher les interventions agronomiques à bon escient et d’en optimiser les effets ;
> définir des itinéraires techniques intégrant les aspects agronomiques et socio-éco-
nomiques, afin d’insérer l’arachide dans des systèmes de culture pluviaux et irri-
gués reproductibles et adaptés aux grandes zones agro-écologiques ;
> améliorer la qualité sanitaire, nutritionnelle et technologique des produits arachi-
diers en intervenant à plusieurs niveaux :
– par la sélection : tolérance à la sécheresse, à l’aflatoxine, aux maladies et préda-
teurs, amélioration de la composition en acides aminés et en acides gras essentiels ;
– par la phytotechnie : développement de méthodes agronomiques préventives de la
sécheresse (en combinaison avec l’irrigation), des maladies et des prédateurs (en
combinaison avec les traitements chimiques) ;
– par la technologie post-récolte : amélioration et diversification des produits et sous-
produits de la plante. Il s’agit de permettre à l’agriculteur, en participant à la pre-
mière transformation, de bénéficier d’une partie de la plus-value à ce jour réservée
aux opérateurs industriels ou artisanaux.
891
5 Agriculture spéciale
● La plante et sa culture
La plante est annuelle, buissonnante, d’une hauteur de 0,60 à 1,5 m, à feuilles alternes
et tiges raides et droites de couleur blanchâtre. Le système racinaire pivotant descend
jusqu’à 3 m de profondeur dans les sols humides. La tige produit d’un à cinq
capitules d’environ 2,5 à 3,5 cm de diamètre. Chaque capitule porte quinze à cin-
quantaine graines contenant 34 à 36 % d’huile. La reproduction s’effectue par semis.
Le carthame est tolérant au gel au stade rosette, mais très sensible au froid après
l’élongation de la tige et jusqu’à la maturité des graines. Il nécessite des températures
chaudes, un ensoleillement et des conditions sèches pendant la floraison et le rem-
plissage des graines. En conditions humides, les risques de maladies augmentent et les
rendements diminuent. Il nécessite quatorze heures de lumière par jour et ne tolère
pas l’ombre. Il préfère les sols argileux, mais peut croître dans des sols sableux ou
grossiers. Il tolère le sel mais un niveau élevé de salinité diminue le taux de germina-
tion.
Le cycle de culture dure 110 à 150 jours pour une culture de printemps. Le zéro de
germination est de 4,5°C et la température idéale de germination de 15,5°C. Le semis
doit être réalisé dans un sol humide sur au moins 10 cm. La pollinisation est accrue
avec la présence d’abeilles sur le champ. Le carthame est sensible à la sclérotine (pour-
riture du capitule), comme le tournesol, la moutarde et le haricot. On récolte lorsque
les feuilles sont devenues marron. Il faut éviter que les graines se décolorent et ger-
ment (ce qui arrive s’il pleut et que la récolte est tardive).
892
Les plantes comestibles 5 1
LE COCOTIER
Cocos nucifera L.
Anglais : coconut (palm)
Espagnol : cocotero
Portugais : coqueiro
Famille des Arecaceae (= Palmaceae)
Sous-famille : Arecoideae. Tribu : Cocoeae. Sous-tribu : Butiinae. Genre Cocos.
Le cocotier est la seule espèce du genre Cocos et on ne connaît pas d’espèce sauvage
apparentée.
● La plante
● L’origine et la diffusion
Le cocotier est sans doute originaire de la région Pacifique, entre l’Asie du Sud-Est et
la Mélanésie, avec un centre de diffusion secondaire dans le sous-continent indien. Son
fruit est adapté à la dissémination par les courants marins, mais l’homme a largement
contribué à lui donner son extension mondiale. On distingue trois grands courants :
> des populations austronésiennes l’ont transporté d’Asie du Sud-Est jusqu’en
Polynésie et à Madagascar, et sans doute vers la côte Pacifique du Panama ;
> au Moyen Age, le commerce arabe crée d’intenses échanges au sein de l’Océan
indien ;
> au XVI è siècle, les voyageurs européens le transportent de la région indienne vers
l’Afrique de l’ouest et la côte ouest de l’Amérique.
893
5 Agriculture spéciale
> l’origine génétique, révélée par les marqueurs moléculaires (en particulier RFLP). L e
groupe Pacifique, le plus diversifié, comprend tous les types de cocotiers cités plus
haut, principalement des Niu Vai. Les nains y trouvent leur origine. Le groupe
indo-atlantique, originaire du nord de l’Océan indien, est également présent en
Afrique de l’ouest et en Amérique, sur la façade atlantique. Il comprend exclusive-
ment des grands, le plus souvent de type Niu Kafa. D’autres populations sont issues
de la rencontre entre ces deux groupes, en Afrique de l’Est et aux îles Andaman.
Divers centres de recherches ont mis au point des hybrides à haut potentiel, nains x
grands ou, plus récemment, grands x grands. Plus coûteux à produire, ils apportent un
gain de production pouvant atteindre 50 à 80 %, dans des systèmes de culture à haut
niveau d’intrants.
Les hybrides sont produits dans des champs semenciers isolés. Les arbres-mères sont
émasculés. Le pollen provient de géniteurs d’un autre cultivar qui peut être planté
dans le même champ (fécondation naturelle dirigée) ou séparément. Dans ce cas, un
mélange de talc et de pollen est pulvérisé sur les inflorescences réceptives (pollinisa-
tion assistée).
● L’écologie du cocotier
Le cocotier est très plastique vis-à-vis du sol. On le trouve sur des types de sol très
variés, dont certains considérés comme marginaux voire inaptes à toute autre culture,
comme les sols coralliens des atolls du Pacifique, les sables grossiers complètement
désaturés des plages littorales, les sols sulfatés acides de mangrove et les tourbes pro-
fondes.
En revanche, le cocotier est une plante sensible aux facteurs climatiques :
> la pluviosité optimale est de 1800 mm/an, répartis uniformément dans l’année, avec
une certaine tolérance à une réduction ou à un excès de pluie temporaire ;
> l’ensoleillement minimum est approximativement de 1 800 heures de soleil par an,
avec au moins cent vingt heures par mois ;
> la température moyenne optimale est de 27°C, la plus stable possible le long de l’an-
née. La limite supérieure est estimée à 35°C environ, la limite inférieure à 20°C
environ, la limite de survie à 13°C. De ce fait, la culture du cocotier est limitée en
latitude (approximativement au 20 ème parallèle) et en altitude (approximativement
à 500 m) ;
> l’hygrométrie de l’air est un facteur très important. Les stomates du cocotier se fer-
ment très vite lors d’une baisse de l’hygrométrie de l’air, indépendamment de la
réserve en eau du sol. La culture du cocotier n’est donc pas recommandée dans les
zones où l’hygrométrie à midi est inférieure à 50 % pendant plus de trois mois
consécutifs ;
> le vent est rarement en lui-même un facteur limitant : mis à part les cas de cyclones,
le cocotier supporte des brises fortes. Cependant le vent peut dans certains cas
aggraver la chute de l’hygrométrie (cas des vents desséchants en saison sèche).
Le cocotier a donc de grandes exigences climatiques, d’où son cantonnement à cer-
taines régions de la zone tropicale humide. En général les zones côtières, sous l’in-
fluence d’une brise marine qui charge l’air d’humidité et amortit les écarts de tempé-
rature, sont les plus favorables à la culture du cocotier. Mais on peut trouver aussi des
situations favorables à l’intérieur des terres.
895
5 Agriculture spéciale
● La culture
● L’itinéraire technique
896
Les plantes comestibles 5 1
897
5 Agriculture spéciale
dans les différentes zones de culture du cocotier. Les plus connues sont les suivantes
mais la liste est loin d’être exhaustive :
> la carence en azote dans les sites pauvres en matière organique ;
> la carence en phosphore sur les sols sableux littoraux dans le Nord-Est brésilien ;
> la carence en potassium sur les sols ferrallitiques désaturés en Afrique de l’Ouest ;
> la carence en cuivre sur les tourbes épaisses en Indonésie ;
> la carence en fer et manganèse sur les sols coralliens des atolls du Pacifique ;
> la carence en chlore dans les zones éloignées du littoral qui ne disposent donc pas
d’apports naturels de chlore, ni atmosphériques par embruns chargés de sel, ni sou-
terrains par nappe phréatique plus ou moins salée. Dans ces zones, la réponse aux
engrais chlorés, notamment au chlorure de sodium NaCl, est en général spectacu-
laire et très rentable.
● La défense des cultures
Les arthropodes nuisibles peuvent affecter toutes les parties du cocotier ou trans-
mettre des maladies létales à phytoplasmes, virus, nématodes ou trypanosomes. Les
maladies localisées au feuillage, aux fruits et au bourgeon sont d’origine essentielle-
ment fongique. La répartition géographique et l’impact économique de ces problèmes
sont très variables.
Il convient, pour épargner la faune utile, de privilégier si possible des insecticides non
toxiques pour les parasitoïdes, à base de Bacillus thuringiensis ou de virus spécifiques.
Les techniques culturales préventives et le piégeage lumineux ou olfactif viennent en
complément.
L’application de toutes ces méthodes nécessite une surveillance régulière des planta-
tions. Dans le cas de pullulation d’un ravageur, on dénombre ses populations afin d’in-
tervenir sur la surface où le seuil critique est dépassé.
898
Les plantes comestibles 5 1
899
5 Agriculture spéciale
Ceci représente un total de 65 journées pour 1000 plants. Il s’agit d’une norme pour
de grandes pépinières de type industriel. Dans le cas de petites pépinières, on peut
compter le double, soit 130 journées pour 1000 plants.
● La création et l’entretien d’un hectare de cocoteraie villageoise
Année 0 1 2 3 4 5 et + Total
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Les plantes comestibles 5 1
Année 0 1 2 3 4 5 et + Total
● La récolte
En conditions optimales, le cocotier est une plante qui croît, fleurit et fructifie toute
l’année. Cependant, sa production peut diminuer suite à des périodes de sécheresse
et autres accidents climatiques, ce qui induit des successions de pics de production et
de périodes creuses. À complète maturité, les noix se décrochent du régime et tom-
bent au sol où elles sont ramassées régulièrement. On pratique trois à six tours de
récolte par an, selon la productivité et le climat local. En cas de risque de vol, les noix
sont cueillies par des grimpeurs qui sectionnent les régimes arrivant à maturité. Les
noix cueillies doivent subir un stockage intermédiaire pour achever leur maturation :
le seasonning. Les noix peuvent ensuite être débourrées sur un pieu acéré (enlèvement
de l’enveloppe fibreuse), ce qui réduit la charge de transport des noix jusqu’au site de
transformation.
● La transformation oléagineuse
La noix de coco peut être transformée en produits très divers : produits frais (crème,
lait, farine de coco), huile et tourteau, sucre, boissons alcoolisées, charbon de coque,
cordes et nattes, etc. Du fait de sa nature oléagineuse, cette grosse graine a surtout été
exploitée pour produire de l’huile. L’huile de coprah appartient au groupe des huiles
lauriques. Riche en acides gras saturés à chaînes courtes et moyennes, cette huile pré-
sente une bonne stabilité, une faible viscosité et un fort indice de saponification (pou-
voir moussant) qui lui ouvrent quantité d’emplois industriels : savonnerie, sham-
poings et détergents, margarines pour la pâtisserie industrielle. Elle représente
également la première huile de cuisine en Asie du Sud-Est.
Il existe deux grands moyens d’extraction de l’huile de coco : la voie sèche, dans
laquelle l’amande est transformée en coprah avant trituration, et la voie humide, qui
part directement de l’amande fraîche.
● L’extraction par voie sèche
C’est la voie classique : l’extraction est réalisée sur l’amande déshydratée, le coprah,
produit stable et donc stockable et transportable dans de bonnes conditions. La
préparation du coprah est essentiellement le fait des petits planteurs et concerne plus
de la moitié de la récolte.
901
5 Agriculture spéciale
Le coprah est obtenu par le séchage de l’amande fraîche de noix de coco mûres, dont
la teneur en eau est abaissée de 50 à 6 %. Il existe différentes méthodes : séchage
solaire ou séchage à l’aide d’un séchoir à chauffage direct ou à air chaud, équipement
qui permet d’obtenir le meilleur coprah. La qualité du coprah dépend avant tout de
sa préparation : le séchage doit être complet (teneur en eau inférieure à 7 %), régu-
lier et ne doit pas induire de brûlage de l’amande, ni sa pollution par des produits de
combustion (défauts qui affectent la couleur et la qualité de l’huile).
L’extraction de l’huile de coprah suit le schéma classique de trituration des graines
oléagineuses : extraction mécanique par pressage dans des expellers et extraction par
solvant. Ces deux méthodes peuvent être utilisées seules ou en combinaison. Le pres-
sage du coprah donne lieu à la production d’un tourteau plus ou moins riche en huile.
L’huile résiduelle contenue dans le tourteau peut être récupérée par extraction à
l’hexane.
L’huile brute extraite contient des impuretés ou des composés indésirables qu’il
convient d’éliminer avant la consommation. Les impuretés les plus grossières peuvent
être séparées par traitement physique : décantation statique, centrifugation ou
filtration. Le raffinage a pour but d’éliminer les composés chimiques indésirables :
acides gras libres, substances colorées et composés volatils gênants.
● L’extraction par voie humide
Il existe de très nombreux procédés traditionnels ou artisanaux de transformation
directe de la pulpe de noix de coco en lait, crème ou huile. Le marché de ces produits
se développe mais est encore marginal par rapport à l’ensemble de la filière.
Les procédés traditionnels consistent pour la plupart à râper l’amande fraîche, à en
extraire par pression ou lessivage une émulsion de matière grasse dans l’eau (lait de
coco), et enfin à séparer l’huile. Différentes méthodes peuvent être employées pour
extraire le lait de coco (foulage, pressage manuel, pressage sous levier) et pour casser
l’émulsion (décantation naturelle ou fermentation du lait suivie d’un écrémage, chauf-
fage). Certaines opérations unitaires ont pu être mécanisées : râpes motorisées,
presses mécaniques, foyers améliorés.
Des techniques modernes de transformation ont été mises au point au cours des cin-
quante dernières années. Elles reprennent en grande partie les procédés traditionnels
en les industrialisant : utilisation de broyeurs, de presses, de centrifugeuses ; sépara-
tion de l’huile par génie biologique ; méthodes cryogéniques ou encore décantation
dynamique.
● La voie semi-humide
Appelé encore séchage-friture, ce procédé consiste à déshydrater l’amande fraîche
broyée en la plongeant rapidement dans un bain d’huile de coco chaude, avant de
poursuivre l’extraction de l’huile par la voie sèche classique. Le séchage de l’amande
étant obtenu en quelques minutes, le procédé permet de réaliser l’ensemble du pro-
cessus d’extraction de l’huile en moins de deux heures après l’ouverture de la noix, ce
qui garantit une qualité optimale des produits (huile et tourteau).
902
Les plantes comestibles 5 1
903
5 Agriculture spéciale
● La recherche
2 À l’exception du CIRAD.
905
5 Agriculture spéciale
LE PALMIER À HUILE
Elaeis guineensis Jacq.
Anglais : oil palm
Espagnol : palma de aceite
Portugais : dendê
Monocotylédone
Famille des Palmaceae
● La plante
● L’origine et les aires de culture
Originaire de la zone intertropicale humide d’Afrique, le palmier à huile existe à l’état
spontané ou sub-spontané depuis le Sénégal jusqu’en République démocratique du
Congo ou en Angola et de façon sporadique en Afrique orientale. Il est cultivé dans
toute la ceinture intertropicale humide du globe.
● Les caractéristiques morphologiques
Plante pérenne d’un grand encombrement, le palmier est caractérisé à l’âge adulte
par :
> une puissante couronne de trente à quarante palmes vertes, de cinq à neuf mètres
de longueur ;
> un stipe cylindrique unique ;
> un unique bourgeon végétatif situé au centre de la couronne ;
906
Les plantes comestibles 5 1
> un système racinaire de type fasciculé (plusieurs milliers de racines), prenant nais-
sance sur le bulbe. Quatre ordres de racines sont présents. Seules les racines qua-
ternaires sont totalement absorbantes. Elles se rencontrent principalement dans les
cinquante premiers centimètres de sol ;
> des cycles successifs d’inflorescences mâles et femelles (plante monoïque), situées à
l’aisselle des feuilles.
La fécondation est entomophile. Les inflorescences femelles se développent en un
régime compact. À maturité, celui-ci pèse 10 à 50 kg et porte 500 à 3 000 fruits. Le
fruit est une drupe sessile pesant 10 à 30 g composée d’une amande (palmiste), d’une
coque, d’un mésocarpe riche en huile et d’un épiderme.
● Les modes de reproduction, la variabilité génétique
Le palmier à huile est une plante allogame présentant trois types : dura (fruits à coque
épaisse), pisifera (fruits sans coque, fleurs femelles avortées) et tenera (fruits à coque
mince), hybrides mendéliens simples des deux précédents.
Les plantations modernes sont constituées d’hybrides tenera. Il n’est pas possible
d’utiliser leurs graines pour créer de nouvelles plantations, sous peine d’obtenir un
quart de palmiers stériles (pisifera), un quart de palmiers à faible taux d’extraction
(dura) et la moitié de tenera à potentiel de production très affaibli par la consangui-
nité.
L’amélioration génétique du palmier à huile ainsi que la production du matériel végé-
tal sont le fait d’organismes spécialisés, présents dans toutes les régions où la culture
est pratiquée, en raison de la spécificité des programmes, techniques et ressources
génétiques utilisées et des contraintes qu’elle impose (durée du cycle de sélection :
quinze à vingt ans, un demi-hectare par génotype évalué). Les ressources génétiques
sont divisées en deux groupes :
> groupe A à petit nombre de gros régimes : origines Deli (Malaisie, Indonésie, Dabou et
Nigéria) et Angola.
> groupe B à petits régimes en grand nombre : origines Côte d’Ivoire, Cameroun, Nigéria
et l’ensemble congolais : Yangambi, Sibiti, Rispa, etc.
D’importantes collections existent en Malaisie (Porim) et en Côte d’Ivoire (CNRA La
Mé).
Le matériel végétal sélectionné est composé de croisements complexes (reproduction
d’hybrides) entre des géniteurs prouvés issus des deux groupes, diffusés sous forme
de graines préchauffées ou germées, de plantules de pré-pépinière et de plants.
907
5 Agriculture spéciale
Le potentiel maximal du palmier à huile ne peut être atteint que s’il dispose :
> d’une pluviométrie de 1 800 mm d’eau par an, bien répartie sur toute l’année ;
> d’un minimum de 1 800 heures d’ensoleillement par an et d’un rayonnement glo-
bal supérieur à 12 MJ/m2 ;
> de minima mensuels de température supérieurs à 18°C et de maxima compris entre
28 et 34°C.
Le palmier à huile est assez peu exigeant concernant les sols. Néanmoins, il lui faut un
sol meuble et profond et exclure les sols gravillonnaires ou trop argileux et les sables
purs. Il affectionne les pH proches de la neutralité mais supporte bien les pH acides
jusqu’à 4-4,5.
La plupart des substrats géologiques peuvent être exploités : sédiments du tertiaire,
socle ancien, terrasses alluviales anciennes, dépôts alluviaux récents, formations orga-
niques, sédiments volcaniques. Les pentes et les bas-fonds inondables doivent être spé-
cialement aménagés avant leur exploitation.
Le palmier est très sensible à la composition chimique du sol. Il exprime son déficit
nutritionnel par des réductions de productivité et des symptômes foliaires de carence.
Les besoins sont variables d’une région à l’autre et dépendent de nombreux facteurs.
Le pilotage de la nutrition minérale se fait à partir d’expérimentations agronomiques
spécifiques et d’analyses de la composition des feuilles en éléments minéraux. Il prend
aussi en compte la rentabilité économique de la fertilisation. Dans le cas des planta-
tions familiales, ce pilotage devrait être effectué avec l’appui de groupements de plan-
teurs ou de sociétés ou organismes de conseil spécialisé.
● La culture
908
Les plantes comestibles 5 1
909
5 Agriculture spéciale
compost. Elle est installée sous ombrière près d’un point d’eau, dans un lieu facile à
surveiller. Les opérations suivantes doivent être réalisées :
> désinfection quinze jours avant le repiquage ;
> repiquage des graines germées différenciées par du personnel qualifié ;
> entretien manuel des sachets et des alentours des planches ;
> désombrage progressif sur trois semaines avant le transfert en pépinière (après
quatre mois), pour éviter des brûlures de soleil ;
> démariage au moment du repiquage en pépinière.
Les besoins en eau sont de 4 mm tous les deux jours.
La pépinière est installée près du lieu de plantation et d’un point d’eau. On emploie
des sacs perforés de polyéthylène noir d’une contenance de quinze litres remplis avec
un terreau de surface de qualité, tamisé et éventuellement désinfecté. Les plants sont
repiqués à 70 cm de distance en triangle, le collet au niveau du sol.
Les besoins en eau sont de 4 à 5 mm par jour jusqu’à quatre mois puis 7 à 10 mm par
jour. L’entretien est manuel. Une fumure à base d’urée (5 g/plant/mois) et d’engrais
composé quaternaire (5 à 30 g/plant/mois) est apportée, à des doses mensuelles variant
en fonction de l’âge des plants et des conditions locales (qualité du terreau, ensoleille-
ment, etc.). En Afrique, un traitement préventif est réalisé contre le blast et la pourri-
ture sèche pendant la période de sensibilité à la maladie (application de 0,2 g d’aldi-
carbe/plant). Une protection contre les maladies cryptogamiques foliaires doit être
réalisée dans tous les cas. Une sélection rigoureuse des plants est réalisée en une seule
fois vers le sixième mois.
Dans certaines conditions, on peut supprimer la pré-pépinière et pratiquer une pépi-
nière directe : on repique des graines germées directement dans les grands sacs, au
sein d’un dispositif resserré sous ombrière pendant trois mois puis en mettant en place
les écartements définitifs à quatre mois.
● La création de la palmeraie
Pour les grandes plantations, elle doit être précédée d’une étude de faisabilité. La mise
en place de la palmeraie est réalisée en trois étapes : la création des infrastructures, la
préparation du terrain et la mise en place des plants.
Dans les plantations industrielles, elle fait l’objet d’une étude technique fine : localisa-
tion des passages d’eau, orientation du réseau de pistes et des lignes de plantation, sys-
tème de drainage, etc. Les plantations villageoises doivent disposer d’un accès carros-
sable proche.
Le piquetage est réalisé sur une base de plantation à 9 mètres en triangle.
Les travaux de préparation du terrain doivent préserver la structure du sol, voire
l’améliorer. En extension sur forêt, l’abattage est réalisé à la scie mécanique et les
engins lourds doivent être réservés aux travaux d’andainage. L’andainage est réalisé
un interligne sur deux. En extension sur forêt dégradée, il faut éliminer les adventices
indésirables par traitement chimique (glyphosate). En replantation, l’abattage des
vieilles palmeraies est manuel ou effectué avec un tracteur léger à chenilles. Il faut
essoucher si la génération précédente était atteinte de Ganoderma. On replante dans
l’interligne et on utilise du matériel tolérant en cas de précédent fusarié.
910
Les plantes comestibles 5 1
3 1,5 à 2 m de rayon autour du pied les deux premières années, puis 1 m au delà de l’aplomb des feuilles, de quatre à six
fois par an.
911
5 Agriculture spéciale
Ces doses sont fractionnées en deux à trois apports par an, excepté pour les engrais
phosphatés et magnésiens. Dans les zones dont l’écologie est très favorable, des
carences en bore sont fréquentes et doivent être corrigées : 30 à 100 g de Borax par
an selon l’âge.
En Afrique de l’Ouest et du centre, on apporte aux arbres adultes 1 à 3 kg d’engrais
par arbre et par an, essentiellement du potassium (principal facteur limitant), parfois
du magnésium et du phosphore. En Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie etc.), on
apporte en plantation industrielle 6 à 9 kg d’engrais par arbre et par an surtout de
l’azote, du potassium, du phosphore et localement du magnésium.
L’insuffisance d’encadrement couplé à une absence quasi générale de crédits de cam-
pagne entraîne des fertilisations faibles en plantations familiales, responsables de pro-
ductions réduites.
● La défense des cultures
Le palmier à huile compte de très nombreux ravageurs parmi lesquels les lépido-
ptères défoliateurs sont les plus nombreux. Les deux cent quarante espèces réperto-
riées sur le palmier à huile et le cocotier appartiennent à près de trente familles diffé-
rentes. C’est dans la famille des Limacodidae que l’on compte le plus grand nombre
d’espèces, dont les chenilles très colorées qui sont recouvertes de soie dure et très urti-
cante.
Parmi les défoliateurs, on observe également une grande variété d’espèces de coléo-
ptères. Certains creusent des galeries dans l’épaisseur des feuilles, comme
Coelaenomenodera lameensis, de la famille des Chrysomelidae, principal ravageur en
Afrique de l’Ouest. D’autres s’attaquent aux jeunes feuilles non encore ouvertes,
comme Alurnus, autre Chrysomelidae en Amérique latine. D’autres encore creusent des
galeries dans la plante elle-même, comme les adultes des Scarabeidae du genre Oryctes
spp. en Afrique et en Asie et les larves de plusieurs espèces de Rhynchophorus
(Curculionidae), ou dans les régimes comme le lépidoptère Castnia en Amérique du Sud
ou encore dans les racines (le lépidoptère Sagalassa en Amérique du Sud).
Enfin, de très nombreux insectes et acariens piquent les feuilles. Les dégâts directs de
ces piqueurs sont le plus souvent peu importants. Mais ils sont fréquemment des vec-
teurs de maladies comme les punaises du genre Lincus qui transmettent la marchitez en
Amérique latine ou la jasside Recilia mica, vecteur de la maladie du blast.
La quasi totalité des ravageurs ont leurs ennemis naturels, qui sont soit d’autres
insectes, parasitoïdes d’oeufs et de larves principalement et prédateurs, soit des mala-
dies à virus et à champignons. Sans la présence de ces facteurs antagonistes, on obser-
verait des pullulations quasi permanentes de la plupart des ravageurs. Il convient
donc de les respecter le plus possible au moment des traitements.
Pour la mise en place de ces derniers, on utilise si possible, des insecticides n’ayant pas
d’action directe sur les parasitoïdes. C’est par exemple le cas de produits commerciaux
contenant Bacillus thuringiensis qui émet une toxine ou de suspensions de virus spéci-
fiques de chacune des espèces. Ces types d’insecticides sont à privilégier par rapport
aux insecticides chimiques de synthèse comme les pyréthrines qui présentent cepen-
dant l’avantage d’entraîner une mortalité très élevée et rapide de nombreux rava-
geurs.
912
Les plantes comestibles 5 1
Le recouvrement rapide, après abattage, des stipes de vieux palmiers avec une plante
de couverture permet de réduire les infestations d’Oryctes dont les gîtes larvaires
potentiels sont les stipes en décomposition. Enfin, les pièges lumineux ou olfactifs
(avec des phéromones) font également partie des méthodes de lutte biologique.
Il convient de visiter régulièrement les plantations et de vérifier que les populations
de ravageurs restent faibles. Dans le cas contraire, on entreprend un dénombrement
des insectes afin d’intervenir sur la plus petite surface nécessaire si le niveau critique
est atteint.
L’application des pesticides chimiques ou biologiques peut se faire selon différentes
techniques : pulvérisateurs et atomiseurs classiques, thermonébulisateurs (ultra low
volume) ou encore par voie systémique (par injection de l’insecticide dans le stipe ou
par absorption radiculaire).
Le suivi des populations des ravageurs ainsi que les traitements sont évidemment plus
aléatoires en plantations familiales par manque de compétence, d’équipements et de
produits insecticides.
La pression parasitaire qui s’exerce sur le palmier à huile est variable suivant les conti-
nents. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, c’est la fusariose vasculaire qui
constitue la menace la plus importante. Il s’agit d’une maladie provoquée par un
champignon du sol, Fusarium oxysporum f.sp. elaeidis, qui pénètre par les racines et
migre dans la plante par le xylème. Ce champignon provoque un dépérissement plus
ou moins rapide de l’arbre, aboutissant à sa mort. Il existe toutefois des phénomènes
de rémission et des cas de fusariose chronique, se manifestant par une survie plus ou
moins longue du palmier, lequel ne produit plus de régimes.
La fusariose est une maladie de l’âge adulte, au cours d’un premier cycle de culture,
mais une maladie du jeune âge en replantation. Les dégâts peuvent toucher la moitié
des effectifs, en fonction de l’origine du matériel végétal planté. La sélection de varié-
tés résistantes constitue la seule parade efficace à la maladie, même si certaines tech-
niques culturales peuvent en atténuer l’incidence.
En Asie du Sud-Est, la pourriture basale du stipe prend une importance de plus en
plus grande au cours des replantations successives. Elle est provoquée par Ganoderma
spp., pourridié d’origine tellurique, dont les ravages peuvent se manifester sur plus
de la moitié des effectifs plantés. La maladie est caractérisée par l’apparition de car-
pophores à la base du stipe, un faisceau de flèches fermées et le port en jupe des
feuilles. La mort est inéluctable.
On ne connaît pas encore de matériel tolérant à cette maladie, que certaines pratiques
culturales peuvent limiter (travail du sol avant replantation notamment).
Essentiellement présente en Indonésie et en Malaisie, la pourriture basale du stipe
provoque également des dégâts dans certaines zones d’Afrique centrale (Cameroun,
République démocratique du Congo).
La pourriture du cœur du palmier à huile provoque d’énormes pertes en Amérique
latine : des plantations entières ont disparu en Colombie, au Brésil, au Surinam et
d’autres sont en train de disparaître en Equateur. On ignore s’il convient de ranger
ces dépérissements parmi les maladies, dans la mesure où l’agent étiologique demeure
inconnu.
On ne dispose d’aucune méthode de lutte, mais à long terme la sélection de matériel
végétal résistant constitue la voie la plus prometteuse pour contenir les dégâts de la
913
5 Agriculture spéciale
pourriture du cœur. En effet, le palmier américain, Elaeis oleifera est connu pour le
niveau de résistance élevé qu’il transmet à l’hybride interspécifique E.oleifera x E.gui -
neensis. Compte tenu du faible potentiel de production de l’oleifera, c’est dans l’intro-
gression de ses caractères de résistance dans Elaeis guinenesis que semble se trouver la
solution au grave problème posé par la pourriture du cœur.
D’autres maladies peuvent affecter le palmier à huile à différents stades, mais elles
sont de moindre importance, dans la mesure où l’on dispose de méthodes de lutte
directes ou indirectes (lutte contre le vecteur). Au jeune âge, essentiellement au stade
de la pépinière, la cercosporiose, le blast ou la pourriture sèche du cœur sont, en
Afrique, les maladies les plus importantes. On lutte directement contre la première
par des traitements fongicides, contre les deux autres par des traitements insecticides
contre le vecteur : Recilia mica dans le cas du blast, Sogatella cubana et Sogatella kolophon
dans le cas de la pourriture sèche du cœur. Citons enfin les maladies de l’âge adulte
répertoriées en Amérique Latine : l’anneau rouge, provoqué par un nématode et la
marchitez, provoquée par un Phytomonas, dont on peut réduire l’incidence par des tech-
niques culturales appropriées et la lutte contre leurs vecteurs.
Tableau 14. Temps de travaux pour la préparation du terrain et des pistes (par hectare planté)
Extensions
Abattage manuel ou mécanique 30 - 40 Tronçonneuse
Dégagement lignes 6 - 10 Tronçonneuse
Andainage manuel 45 Tronçonneuse
ou andainage mécanique 2 3-4 Tracteur à chenilles
Ouverture et profilage des pistes 0,4 2
Brûlage 1
Replantations
Abattage manuel 40 - 50 Ciseau
ou abattage et andainage mécanique 0,75 1 Tracteur à chenilles moyen
Lutte contre adventices 5
Piquetage 11
Semis plante de couverture 2-3 5 à 12 kg/ha
Transport plants 1-3 0,5-1,5 Tracteurs à roues
Trouaison, mise en terre 4-10 Houes
Protection contre les rongeurs
Pose grillage cylindrique 1
ou pose grillage spirale 2-3
Pose appâts 0,1 Par passage
914
Les plantes comestibles 5 1
● La récolte
La récolte du palmier à huile commence vers deux ans et demi ou trois ans.
● L’extraction de l’huile
L’extraction de l’huile des régimes de palme est réalisée dans des unités spécialisées.
Ces unités se répartissent en fonction de leur capacité et de la technologie mise en
œuvre.
Les produits extraits des régimes sont l’huile de palme (22-25 % du poids de régimes
frais) et les palmistes (3-6 % du poids de régimes frais). Les critères de qualité export
de l’huile de palme sont les suivants : impuretés < 0,01 %, eau < 0,1%, acidité palmi-
tique < 5 %.
915
5 Agriculture spéciale
Tableau 17. La production d’huile de palme dans le monde (source : Oil World Annual 1998 et F AO 2002)
Tableau 18. Les trois premiers pays exportateurs et importateurs (en milliers de tonnes).Source FAO
916
Les plantes comestibles 5 1
La filière villageoise (20 % des superficies), caractérisée par une faible surface par
exploitant (entre deux et cinq ha) est présente en Afrique de l’Ouest et du Centre et
surtout en Indonésie (80 % du secteur, 970 000 ha plantés).
917
5 Agriculture spéciale
LE SÉSAME
Sesamum indicum L. (syn. Sesamum orientale L.)
Anglais : sesame, benniseed
Espagnol : sesamo, ajonjoli
Famille des Pedaliaceae
● L’appareil végétatif
C’est une plante annuelle érigée de 0,5 à 2 m de hauteur, à cycle variant de quatre-
vingts à cent quatre-vingts jours. Elle a une racine pivotante d’environ 90 cm de long,
avec un réseau dense de racines secondaires. Sa tige est dressée à section quadrangu-
laire, cannelée, plus ou moins velue, simple ou ramifiée selon les variétés. Ses feuilles
sont lobées, découpées ou entières et variables de forme et de dimension selon la
variété et l’âge.
● L’appareil reproducteur
Une, deux ou trois fleurs apparaissent dans l’aisselle des feuilles. Le sésame est nor-
malement une plante autogame, mais la fécondation peut se réaliser grâce à des
agents extérieurs comme les insectes. Le taux d’allogamie est d’environ 5 % mais il
varie dans une fourchette importante suivant la variété (des taux de 65 % sont cités).
Après avoir été fécondées, les fleurs se transforment en capsules oblongues et profon-
dément cannelées, généralement déhiscentes. Les graines sont petites, lisses ou réti-
culées, blanches, jaunes, brunes ou noires. Le poids de mille graines varie de 2 à 4 g.
La graine contient environ la moitié d’huile et le quart de protéines, le taux d’huile
variant suivant les variétés et les conditions de culture.
● La culture
Le sésame est cultivé sous les tropiques et dans les zones tempérées chaudes. Il est bien
connu en Afrique (Ethiopie, Soudan, République centrafricaine, Burkina Faso,
Nigeria), où les conditions de production sont généralement médiocres. La culture y
est souvent mise en place après les plantes principales (culture dérobée) et reléguée
sur les sols les plus pauvres. Ces conditions expliquent les très faibles rendements
obtenus (350 kg/ha, moyenne africaine). Le sésame n’en joue pas moins un rôle
important dans les systèmes de production traditionnels. Il permet à la fois de valori-
ser les terres marginales et d’équilibrer le calendrier de travail de l’agriculteur qui en
tire, à peu de frais, un complément de ressources appréciable. Le sésame pousse bien
dans les sols riches, légers et profonds sans être trop sableux.
Le lit de semence doit être soigneusement préparé. Les semences sont traitées contre
les insectes et moisissures (on utilise les produits vulgarisés pour l’arachide et les
céréales). Le semis s’effectue à plat, entre 80 000 et 400 000 pieds/ha, en lignes
918
Les plantes comestibles 5 1
● La production actuelle
La production mondiale atteignait 3 200 000 t en 2001 : 2 270 000 t produites en Asie
(Inde 730 000 t, Chine 790 000 t) et 740 000 t en Afrique (Soudan 300 000 t, Ouganda
97 000 t Nigeria 69 000 t) selon les données de la FAO. Le commerce mondial porte
sur moins du quart de la récolte, représentant environ 1% du marché des oléagineux.
Les importations sont dominées par un petit nombre de pays, dont le Japon et les
Etats-Unis.
LE SOJA
Glycine max (L.) Merr. (syn. Glycine hispida (Moench) Maxim.),.
Anglais : soyabean
Espagnol : soya
Famille des Fabaceae (syn. Papilionacées), groupe des légumineuses.
● L’origine et l’extension
Le soja serait originaire du centre ou du nord de la Chine. Les premières références
écrites sur la plante seraient antérieures au deuxième millénaire avant notre ère, mais
la culture n’aurait pris de l’extension qu’aux alentours du XIe siècle avant JC, avant
d’être introduite au Japon et en Corée. Elle reste confinée à l’Asie jusqu’au début du
XXe siècle, malgré quelques introductions dans des collections botaniques et quelques
utilisations pharmacologiques à portée restreinte en Europe.
C’est aux Etats-Unis que la culture prend pour la première fois une ampleur com-
merciale hors d’Asie. Elle y est pratiquée dans un premier temps pour la production
de fourrage. La production de graines prend ensuite tardivement le dessus : 40 % en
1939, 85 % en 1947. La culture du soja occupe aujourd’hui, aux Etats-Unis, la seconde
place (en valeur) derrière le maïs. Le pays assure près de la moitié de la production et
des exportations mondiales.
● La morphologie
Le soja est une plante herbacée, érigée, annuelle, de 0,3 à 1 m de hauteur. Chez les
types déterminés, la tige cesse de grandir à la floraison alors qu’elle continue de s’al-
longer chez les indéterminés.
La tige émet des rameaux latéraux à partir des bourgeons axillaires de la base, tandis
que les bourgeons de la partie moyenne et supérieure donnent des fleurs. Les feuilles
sont trifoliées, comparables à celles du haricot, et les fleurs papilionacées typiques sont
émises en grappes.
L’auto-pollinisation est de règle (taux de fécondation croisée : 0,5 à 1 %). Le rôle pol-
linisateur des insectes (abeilles surtout) est important.
920
Les plantes comestibles 5 1
Le taux d’avortement est élevé: une fleur sur quatre donne un fruit. Celui ci est une
gousse verte, puis brune à maturité (après défoliation), pileuse, contenant de deux à
trois graines de couleur variable (de jaune clair à noir, dominante crème).
La racine pivotante peut s’enfoncer de 1,5 m, mais le système racinaire descend rare-
ment au-dessous de la couche labourée4. Les racines hébergent des bactéries symbio-
tiques fixant l’azote atmosphérique lorsque les conditions sont favorables (la fixation
est inhibée par l’acidité du sol).
● L’écologie du soja
Le développement de la plante est commandé par son caractère photopériodique de
plante de jours longs : les variétés sont réparties en dix classes de maturité, classées de
00 à VIII, dont la zone de culture correspond pour chacune à une bande de 200 à
300km de large en latitude. Les variétés de ces groupes ont des exigences bien défi-
nies en durée de jour et en température : en Amérique du Nord le groupe 00 (le plus
hâtif) correspond au sud du Canada et le groupe VIII à la Floride.
La floraison est déclenchée par certaines valeurs de la durée du jour et de la somme
des températures, quelle que soit la date de semis. Il convient donc de bien s’informer
des conditions locales et du matériel végétal disponible avant d’entreprendre une cul-
ture de soja. La méconnaissance de ces mécanismes complexes est cause de nombreux
échecs en culture de soja.
Les autres facteurs du milieu, en comparaison, sont peu contraignants : la gamme des
variétés disponibles couvre pratiquement toutes les régions agricoles du globe. Une
pluviométrie bien répartie de 500 à 800 mm est considérée comme optimale, mais la
plante est sensible à l’engorgement du sol et une humidité excessive en période de
maturation nuit à la viabilité des semences comme à la bonne conservation du produit.
Les sols limoneux fertiles et bien drainés sont les plus favorables : le soja, à cet égard
comme à d’autres, est beaucoup plus exigeant que l’arachide. Le pH optimal du sol se
situe de 6 à 6,5 et les sols salins sont à proscrire.
● La culture
921
5 Agriculture spéciale
teneur en eau des semences à 10 % et les stocker à 15-20°C pour pouvoir les conserver
d’une année sur l’autre. Si ces conditions ne sont pas réunies, il est nécessaire de déca-
ler la production semencière dans le temps (contre-saison) ou dans l’espace (importa-
tion) afin de réduire la période de stockage. Il existe très rarement dans les pays en
développement des services ou opérateurs semenciers capables de mettre de la
semence de soja à la disposition des petits producteurs, à un prix abordable pour eux.
● Le désherbage
Il doit être effectué précocement, dès que les plantes atteignent 5 à 10 cm de hauteur.
Une préparation du sol soigneuse et l’utilisation d’herbicide permettent de lever ce
goulet d’étranglement. Il faut faire attention à la sensibilité du soja aux effets résiduels
d’herbicides appliqués sur maïs (atrazine) ou sur coton (fluridone, cyanazine). Le soja
se prête particulièrement bien aux techniques de travail minimal du sol, mais se pose
alors le problème de la maîtrise de l’enherbement.
● L’irrigation
Elle est généralement réservée à la céréale en rotation, mais une irrigation ponctuelle
permettant un semis à la bonne date est un facteur important de réussite. La plante
craint l’excès d’eau même temporaire. Il convient de lui apporter l’équivalent de 600
à 900 mm sur le cycle, en préférant des apports d’eau massifs à larges intervalles, et
en irriguant lorsque la réserve du sol tombe au-dessous de 80 % de la capacité au
champ pendant la période de sensibilité (de la floraison au début du remplissage des
gousses). L’eau saumâtre est à éviter absolument et un bon drainage est indispensable.
Pour le faciliter, le soja irrigué est généralement planté en billons ou en planches sur-
élevées de largeur variable. La culture associée avec riz (dans les sillons), soja et maïs
(sur les planches) est alors possible (Indonésie).
922
Les plantes comestibles 5 1
● La fertilisation
Elle est rarement pratiquée dans les systèmes traditionnels. Bien qu’il soit théorique-
ment établi que la fixation rhizobienne suffit aux besoins de la plante jusqu’à un ren-
dement de 3,5 t/ha environ, un apport d’azote (50 kg d’urée en début de croissance)
est très souvent bénéfique. Le phosphore est l’élément le plus important, à combiner
avec le soufre (superphosphate simple). La potasse, bien qu’exportée en grandes
quantités par la plante, donne des résultats parfois erratiques en fertilisation et son
apport est généralement réservé aux cultures irriguées.
923
5 Agriculture spéciale
de bois ou tout autre produit hygroscopique, dans des récipients clos de faible conte-
nance (20 à 50 l) comme des fûts, des jerricans (à parois opaques) ou des sacs à double
paroi en papier ou polyéthylène + aluminium.
Tableau 19. La production de soja en 2000 dans le monde (en millions de tonnes)
La culture du soja couvre 76 millions d’hectares (2001). C’est la première culture oléa-
gineuse au monde. Les exportations des Etats-Unis tendent à décroître, au profit du
Brésil.
Les importations de la Chine sont appelées à croître (tourteau). La demande en
graines entières pour la consommation humaine reste concentrée sur l’Asie. L’avenir
et l’évolution de la filière, sur le moyen terme, dépendent du débat sur les OGM et
des exigences des importateurs qui en découleront.
Dans les pays tropicaux les grands problèmes auxquels doivent faire face les cher-
cheurs et les opérateurs de la filière soja, peuvent être récapitulés ainsi :
> une meilleure prise en compte de la valorisation de la fraction protéique pour l’ali-
mentation humaine, dans les pays où la culture a été introduite en milieu paysan
(Nigeria, Côte d’Ivoire) ;
> une meilleure intégration agronomique et économique dans les systèmes à domi-
nante rizicole (sud-est asiatique) ;
> une meilleure maîtrise de la technologie post-récolte et une amélioration de la pro-
duction et de la distribution de semences en milieu traditionnel (pays en dévelop-
pement) ;
> la consolidation de la filière par l’amélioration durable et rentable de la producti-
vité et de la qualité des produits, dans les pays où la production locale est concur-
rencée par le marché international ;
> la mise au point, la fabrication et la diffusion de produits nouveaux répondant à
l’évolution de la demande : sojas sans OGM, bio, diététique, substituts de la viande
et des produits laitiers.
924
Les plantes comestibles 5 1
LE TOURNESOL
Helianthus annuus
Anglais : sunflower
Espagnol : girasol, mirasol, hierba del sol
Portugais : girassol
Famille des Asteraceae
● La plante
C’est une plante annuelle, dicotylédone, de 0,70 à 3,5 m de haut, avec des feuilles de
10 à 30 cm de long et 5 à 20 cm de large. Elle possède la plupart du temps une seule
inflorescence appelée capitule, pouvant mesurer de 10 à 40 cm de diamètre, constitué
de fleurs tubulaires ou fleurons. Le capitule est susceptible de suivre le soleil. La
racine pivotante peut descendre jusqu’à trois mètres de profondeur et la plante déve-
loppe également un faisceau de racines en surface. La reproduction de la plante cul-
tivée s’opère par la semence.
Le tournesol se développe dans des zones où la température moyenne annuelle varie
de 6 à 28°C, où les précipitations annuelles sont comprises entre 200 à 4 000 mm et
où le pH des sols est compris entre 4,5 et 8,7, avec un optimum entre 6 et 7,2. Dans
les zones tropicales le tournesol se développe en moyenne ou haute altitude. Les
jeunes plantes résistent au gel peu rigoureux. Le tournesol se développe uniquement
en zone de fort ensoleillement. Comme son système racinaire double est efficace, le
tournesol est résistant à la sécheresse. L’apport d’eau est toutefois essentiel pendant la
période de floraison. Le tournesol pousse dans conditions pédologiques très variées :
latérite, calcaire, toxicité aluminique, salinité, sable. Il est cependant intolérant aux
sols acides et aux sols engorgés et son système racinaire est sensible aux accidents de
structure et aux tassements.
925
5 Agriculture spéciale
● La culture
Les graines sont semées entre 2,5 et 7,5 cm de profondeur (moyenne : 5 cm). La ger-
mination a lieu dès 4°C. Elle est rapide si la température du sol est comprise entre 8
et 10°C et doit se faire en sept jours maximum (pour limiter les risques de pourrisse-
ment). La densité de plantation varie de 5 à 6 pieds/m2.
Le rendement est meilleur si les conditions suivantes sont réunies :
> une croissance végétative modérée et sans exubérance (sinon les besoins en eau
sont élevés et l’appareil végétatif est favorisé au détriment de l’appareil reproduc-
teur) ;
> une floraison sans à coup climatique : les déficits en eau sont à éviter durant cette
période ;
> la persistance de feuilles vertes et une température élevée pendant le remplissage
des graines.
La pollinisation, croisée (protandrie), est facilitée par la présence de ruches d’abeilles
(de deux à trois ruches/ha). Un bon contrôle des adventices est nécessaire dans la
phase d’implantation et de croissance. Les risques de maladies fongiques sont élevés.
Les principaux ravageurs sont les limaces, les chenilles, les vers gris et thrips, mais
aussi les oiseaux.
Le cycle du tournesol varie de cent vingt à cent cinquante jours, avec une période cri-
tique pour l’eau, vingt jours avant et vingt jours après la floraison.
926
Les plantes comestibles 5 1
Bibliographie
L’arachide
R. SCHILLING et al., 1997, L’arachide, Maisonneuve et Larose.
J. SMARTT, CHAPMAN and HALL, 1994, The groundnut crop.
Le carthame
Plant Resources of South-East Asia (PROSEA), Pulses, Edible fruits and nuts, Dye and tannin-produ -
cing plants, Forages, Timber trees : Majors commercial timbers, Rattans, Bamboos, Vegetables.
N° 1-4, 5 (1), 6-8, CD Rom, Wageningen, 1997.
Le cocotier
DE TAFFIN G., 1993, Le cocotier, Maisonneuve et Larose - ACCT., Paris, coll. Le technicien d’agriculture
tropicale.
Le palmier à huile
HARTLEY C.W.S., The oil palm (third edition). Longman Scientific and Technical Ed., 1988.
JACQUEMARD J. CH., Le palmier à huile. Collection Le technicien d’agriculture tropicale. Maisonneuve
et Larose Ed., Paris, France, 1995.
PANTZARIS T.P., Le livret des usages de l’huile de palme. PORIM Ed., Kuala Lumpur, Malaisie, 1988.
Le tournesol
Le tournesol, les techniques culturales. Le contexte économique, CETIOM, 1999.
SERIEYS H, 1995, Les voyages du tournesol, in La garance voyageuse, n° 29, p 13 à 17.
Adresses utiles
Collections de semences arachidières
Groundnut Germplasm Project, Dakar, Sénégal, fax : 823 92 65.
ICRISAT, International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics, fax : 91 40 24 12 39,
Hyderabad, Inde.
Fabricants de matériels cités : SISMAR, BP 3214, Dakar, Sénégal.
927
5 1 5 Les espèces fruitières
À partir des contributions de F. Bakry (CIRAD),
C. Didier (C IRAD), J. Ganry (CIRAD), F. le Bellec (CIRAD),
T. Lescot (CIRAD), A. Pinon (CIRAD), J.Y. Rey (CIRAD),
C. Teisson (CIRAD), H. Vannière (CIRAD)
LES AGRUMES
Trois genres : Fortunella, Poncirus, Citrus
Anglais : citrus
Espagnol : cítricos
Portugais : citros
Famille des Rutaceae
929
5 Agriculture spéciale
Domestiqués par l’homme depuis plusieurs millénaires, les agrumes ont été diffusés
dans le monde entier. Au cours de cette lente migration des types nouveaux sont appa-
rus comme les oranges sanguines et navel dans le bassin méditerranéen, le pomelo et
des tangors aux Antilles, la clémentine en Algérie...
Aujourd’hui, l’aire de culture des agrumes est comprise entre 40° de latitude nord et
de latitude sud et les plus grandes régions de production (Floride, Brésil, bassin médi-
terranéen) se situent en zones subtropicales, hors de l’aire d’origine.
● La morphologie
Les agrumes sont de petits arbres de 4 à 12 m de hauteur, à feuillage dense et persis-
tant (sauf le Poncirus trifoliata). Les branches sont parfois épineuses, plus particulière-
ment lorsque l’arbre est issu de semis. Les feuilles sont trifoliées (Poncirus et ses
hybrides) ou simples (Citrus, Fortunella). Elles peuvent avoir un pétiole ailé développé
comme chez le bigaradier et les pomelos. Les jeunes pousses présentent parfois des
signes distinctifs : elles sont pubescentes chez les pamplemoussiers, nettement antho-
cyanées chez les citronniers mais plus discrètement chez les limettiers.
Les inflorescences sont des cymes feuillées plus ou moins complexes. Il existe tous les
intermédiaires possibles de la fleur isolée à la pousse sur laquelle chaque feuille axile
une fleur. Le bouton floral est blanc, teinté de pourpre chez les citrus acides. La fleur
est généralement composée de cinq sépales et de cinq pétales. Elle possède de vingt à
quarante étamines soudées à la base et un ovaire porté par un disque nectarifère.
Les agrumes présentent une croissance rythmique. Chaque vague de croissance est
suivie d’un arrêt de végétation marqué, même si les conditions climatiques sont favo-
rables au développement végétatif. Une floraison suit le ou les arrêts de végétation
induits par le climat. Certains citrus sont dits remontants (limettiers, citronniers,
cédratiers, combavas) : ils fleurissent à chaque reprise de croissance.
Le fruit, de taille très variable (10 g à plusieurs kg), a une structure particulière, c’est
une baie constituée de trois enveloppes :
> un épicarpe coloré ou flavédo qui contient des glandes renfermant les huiles essen-
tielles ;
> un mésocarpe ou albédo, constitué de tissus spongieux blancs. Il est très développé
et ferme chez les cédrats ;
> un endocarpe, paroi interne des carpelles, qui est tapissé par des poils qui se trans-
formeront en vésicules juteuses à maturité.
Les graines, le plus souvent polyembryonnées, renferment des embryons surnumé-
raires formés sans fécondation à partir des tissus du nucelle. Ils possèdent le même
patrimoine génétique que la plante mère. Les pamplemoussiers, les cédratiers, le clé-
mentinier, le bergamotier, le mandarinier Temple ont des graines monoembryonnées,
à embryons zygotiques, qui ne reproduisent pas toujours le type.
● La génétique
Les études récentes démontrent que le genre Citrus s’est structuré à partir de trois
groupes de base : les pamplemoussiers, les mandariniers, et un groupe d’agrumes
acides ( les cédratiers auxquels sont apparentés les limettiers).
930
Les plantes comestibles 5 1
Tous les autres types : orangers, bigaradiers, citronniers, pomelos... seraient issus de
recombinaisons génétiques par hybridations entre ces groupes de base puis se seraient
diversifiés par mutations.
● Le bigaradier
Le bigaradier (Citrus aurantium L.) Le bigaradier commun était très utilisé comme
porte-greffe des agrumes, en raison de sa parfaite compatibilité avec la plupart des
variétés. Il présente une bonne adaptation à différents types de sol (légèrement acide
ou calcaire) ainsi qu’une bonne résistance au phytophthora. Il forme malheureuse-
ment des associations sensibles à la tristeza avec les orangers, les mandariniers et leurs
hybrides, ce qui conduit à délaisser son emploi. Son fruit n’est consommable que sous
forme de confiture. Ses fleurs, comme celles des bouquetiers (bigaradier à grosses
fleurs), sont utilisées en parfumerie. Les huiles essentielles de bergamote entrent dans
la composition de l’eau de Cologne.
● Les cédratiers
Les cédratiers (Citrus médica L.) sont des arbustes de petite taille, très sensibles au froid.
Leurs fruits (cédrats) de la forme d’un gros citron possèdent une peau très épaisse et
sont pratiquement dépourvus de jus. Ils sont essentiellement utilisés en liquoristerie
et en confiserie. La graine est monoembryonnée. L’arbre est multiplié par marcotte ou
par greffage (délicat).
● Les citronniers
Les citronniers (Citrus limon (L.) Burrm. F.), arbres vigoureux, à feuillage vert clair et
à floraison remontante. Le fruit a une chair jaune, acide, aromatique. La plante, très
sensible au froid et aux excès de température, se comporte mieux sous climats de type
méditerranéen ou subtropical à hiver doux. Les variétés les plus connues sont les
citrons Eureka et Lisbon. Le citronnier est très sensible au mal secco (Phoma trachei -
phila) très présent en Méditerranée orientale et au Proche Orient.
● Les kumquats
Les kumquats, du genre Fortunella, sont de petits arbustes produisant de petits fruits
totalement comestibles. Ils sont très résistants au froid, mais peuvent être cultivés sous
les tropiques. La variété Marumi est à fruits ronds et la variété Nagami à fruits ovales.
● Les limettiers
Les limettiers (Citrus aurantifolia Swingle) sont des arbres très souvent épineux, d’as-
pect buissonnant et à feuillage vert clair. Leur floraison remontante permet la pro-
duction étalée de petits fruits spermés, à chair verdâtre, juteuse, acide et très aroma-
tique. Les limettiers sont très sensibles à la tristeza, au chancre citrique et à
l’anthracnose. Ils ne supportent pas le gel. La graine, très polyembryonnée, assure une
reproduction fidèle par semis. Ces limes sont connues sous des appellations diverses :
limes mexicaines, antillaises, Key, citron gallet... Il existe des limettiers triploïdes à gros
fruits (Citrus latifolia Tanaka) connus sous le noms de limettier de Tahiti, Bearss ou de
Perse. Le fruit est asperme, quatre à cinq fois plus gros qu’une petite lime, mais son
arôme est moins typé. Il est légèrement moins sensible aux maladies.
931
5 Agriculture spéciale
● Les mandariniers
Il s’agit d’un groupe très polymorphe au sein duquel on distingue :
> le mandarinier Satsuma (Citrus unshiu Marcovitch), arbre à port retombant, possédant
une certaine résistance au froid en partie liée à la grande précocité de maturation
des fruits. Il est cultivé principalement dans la limite extrême nord de la zone de
culture des agrumes (Japon, Chine, Asie centrale...). En raison de sa relative tolé-
rance au cercospora des agrumes, il est également cultivé sous les tropiques
(Afrique de l’Ouest). Les fruits aspermes et juteux s’épluchent très facilement. Ils
sont peu aromatiques ;
> le mandarinier King (Citrus nobilis Loureiro), originaire et cultivé dans le Sud-Est asia-
tique, nécessite des températures élevées. Ses fruits acquièrent une meilleure qua-
lité avec un porte-greffe moyennement vigoureux dans des sols plutôt lourds ;
> le mandarinier méditerranéen (Citrus deliciosa Tenore), arbre de vigueur moyenne à
rameaux fins, fruits juteux, très spermés, de forme aplatie et de couleur jaune-
orangé à maturité. La peau est non adhérente et possède un arôme très typé. La
production alterne fréquemment ;
> les autres mandariniers (Citrus reticulata Blanco) dont les types les plus connus sont
Beauty et Dancy, aux fruits spermés, juteux, de coloration orange soutenue, bien
adaptés aux milieux subtropicaux et tropicaux et la clémentine qui produit en plan-
tation mono-spécifique des fruits aspermes (auto-incompatibilité), précoces, juteux
et délicatement parfumés. Pour une bonne production, le clémentinier nécessite un
climat doux, peu contrasté. Il est bien adapté aux zones littorales méditerra-
néennes, mais également aux climats insulaires tropicaux. Il existe de nombreuses
autres mandarines souvent originaires de zones tropicales, comme Ponkan pré-
sente dans tout le Sud-Est asiatique et Ellendale cultivée en Australie et en
Amérique latine. Les mandarines ont donné par hybridations naturelles aux
Caraïbes les tangors Ortanique, Temple, Murcott bien adaptés aux climats subtro-
picaux et tropicaux, et par hybridations contrôlées les tangelos Minneola, Orlando,
et les mandarines hybrides Fairchild, Fortune, Lee, Nova, Page...
● Les orangers
Les orangers (Citrus sinensis (L.) Osbeck.) représentent l’espèce la plus cultivée du
genre citrus. Les caractéristiques du fruit permettent de distinguer quatre groupes :
> les oranges blondes navel : l’ombilic caractéristique résulte du développement d’un
second fruit rudimentaire. La texture de la chair est croquante et la qualité gusta-
tive excellente. Les fruits sont aspermes. Ces variétés, généralement précoces, sont
moins bien adaptées aux climats tropicaux humides ou désertiques. Les plus
connues sont Navelina, Washington, Navelate. Les arbres sont moyennement
vigoureux ;
> les oranges blondes : les arbres sont généralement vigoureux, les fruits sont plus ou
moins spermés, plus juteux que les navels. Il existe de nombreuses variétés dont
certaines possèdent une grande souplesse d’adaptation comme Valencia late,
Hamlin, et d’autres adaptées à une aire de culture plus spécifique comme Shamouti
au Moyen Orient, la Maltaise en Tunisie, Pera au Brésil, Pineapple, Mars early pour
les climats tropicaux ;
932
Les plantes comestibles 5 1
> les oranges sanguines : elles acquièrent leurs caractéristiques uniquement dans les
zones à saison fraîche (moyennes proches de 13°C) possédant des amplitudes
importantes de température journalière, comme la Sicile, l’Afrique du Nord, le
Moyen Orient... En zone tropicale, ces oranges restent blondes. Les variétés les plus
connues parmi les sanguines sont Sanguinelli, Moro, Tarocco, la Double fine amé-
liorée, et pour les demi-sanguines, la Maltaise demi-sanguine et la Shamouti
Maourdi ;
> les oranges douces : elles ne possèdent pas d’acidité et de ce fait sont insipides. Elles
sont très peu cultivées.
● Les pamplemoussiers
Les pamplemoussiers (Citrus grandis (L.) Osbeck), arbres assez vigoureux à port dressé,
fruits spermés, de très grande taille, à peau épaisse. Leur chair est jaune pâle ou colo-
rée, rosée à rouge. Ces arbres, très communs en Asie du Sud-Est, sont peu cultivés
ailleurs. La graine est monoembryonnée, mais le type se multiplie assez bien par
semis. Le pamplemousse présente une résistance à la tristeza et au chancre citrique. Il
existe des hybrides de pamplemousse et de pomelo comme Oroblanco et Melogold,
qui n’ont pas hérité de la résistance aux maladies.
● Les pomelos
Les pomelos (Citrus paradisi Macfadyen) sont des arbres assez vigoureux, exigeants en
chaleur pour donner des fruits de bonne qualité. Ils sont aussi bien adaptés aux cli-
mats tropicaux chauds et humides qu’aux régions subtropicales arides et chaudes.
Il existe des variétés à chair jaune pâle (Marsh seedless), et des variétés d’autant plus
colorées, du rosée au rouge, que les températures sont régulièrement élevées
(Thompson, Ruby, Shambar). Les mutants Star Ruby, Rio Red, et Flame, très riches en
licopène, se colorent sous climat doux mais n’y acquièrent pas la douceur obtenue en
climat tropical.
● Le Poncirus
Le Poncirus est un genre voisin des Citrus avec lesquels il peut s’hybrider. Le Poncirus
et ses hybrides donnent des fruits non comestibles. Utilisé comme porte-greffe, il
confère une certaine résistance au froid et constitue des associations avec les manda-
riniers et les orangers résistantes à la tristeza. Il exige des sols acides et tolère les sols
lourds. Le Poncirus Flying dragon induit un nanisme du plant. Les hybrides de
Poncirus, comme le citrange Carrizo ou le citrumelo Swingle sont plus souples d’em-
ploi, notamment vis-à-vis du pH du sol. Ils sont plus vigoureux et forment également
des associations tolérantes à la tristeza. Ils sont largement utilisés comme porte-greffe.
933
5 Agriculture spéciale
Sous des latitudes proches de l’équateur, il existe généralement deux saisons sèches
qui sont à l’origine des deux floraisons observées.
● Les températures et la coloration des fruits
La coloration externe des agrumes est spécifique de la variété mais elle est dépendante
des températures. Pour acquérir une coloration intense, il est nécessaire que les tem-
pératures baissent nettement et qu’il y ait des écarts suffisants entre le jour et la nuit.
Les oranges, les mandarines et leurs hybrides, les citrons et cédrats réagissent plus
particulièrement à ces conditions. Les limes et pomelos sont moins exigeants. La colo-
ration des fruits résulte de la disparition sous l’effet du froid des pigments
chlorophylliens, qui masquent les pigments anthocyaniques et caroténoïdes. Sous les
tropiques humides, les agrumes restent extérieurement verts ou verdâtres.
La coloration interne rouge des oranges sanguines est liée au développement de pig-
ments anthocyaniques. Ceux-ci se développent bien en saison fraîche avec des alter-
nances de température marquées. Des températures régulièrement élevées ou trop
basses ne permettent pas cette coloration rouge typique. Chez les pomélos, la colora-
tion rouge est liée au développement d’un autre pigment le licopène. Celui ci ne se
développe que si les températures sont régulièrement élevées. Ainsi sous un climat
méditerranéen ou tropical d’altitude, les pomelos rosés ou rouges (sauf les variétés
Star Ruby, Rio Red...) ne sont pas colorés.
● Les températures et la saveur
Les températures fraîches sont responsables de l’exacerbation des arômes et des
saveurs. L’amertume des pomelos, l’acidité des oranges et des mandarines sont plus
prononcées sous climat méditerranéen et moins développées sous climat tropical.
Ces différentes raisons ont conduit à une spécialisation des zones de production : les
régions à saison fraîche comme la Méditerranée, la Californie, le Japon, l’Afrique du
Sud, l’Australie, l’Argentine et l’Uruguay et les zones tropicales d’altitude produisent
des fruits colorés à saveur plus marquée, destinés préférentiellement au marché du
fruit frais. Ces régions sont souvent proches des grands centres de consommation.
L’industrie de transformation est, en revanche, localisée principalement en zone semi-
tropicale (Brésil, sud de la Floride), car l’aspect des fruits est secondaire.
● La culture
934
Les plantes comestibles 5 1
● La pépinière
En pépinière, l’utilisation de marcottes est déconseillée (transmission de maladies de
dégénérescence, sensibilité au phytophthora). Les variétés polyembryonnées sont
rarement (sauf la lime mexicaine) multipliées par semis (plants épineux sensibles au
phytopthora). En revanche, c’est la technique de multiplication employée pour pro-
pager les porte-greffes sans transmission de viroses.
935
5 Agriculture spéciale
Nature du porte-greffe Big Volk Lim Cit Pon Cit Cit Man
rang mac trifo carri melo cléo
Caractéristiques du sol
Sableux = + + + - - - =
Lourd = - - = + = = =
Calcaire = = = + -- - - ++
Présence de chlorure = = + + -- - - ++
Sec = + + + - - - =
Ravageurs et maladies du sol
Phytophtora + - - + + + + -
Charançon (Diaprepes sp.) - - - + - - - -
Maladies d’association
Blight = - - - - = = =
Tristeza -- + + - + + + +
Tatter leaf + ? + ? - - - +
Exocortis + + -- + -- - - +
Effet sur l’association
Vigueur = ++ ++ ++ - = = -
Résistance au froid = - - - + = = =
Qualité des oranges et mandarines + - - - ++ + + +
Qualité des citrons et limes + + = = - - - +
Compatibilité avec les citronniers + + + + -- -- -- +
Big = bigaradier ; Volk = Citrus volkamériana ; Cit mac = Citrus macrophylla ; Lim rang = Lime Rang pur ; Pon trifo = Poncirus trifoliata ; Cit carri = citrange
carrizo ; Cit melo = citrumelo 4475 ; Man cléo = Mandarine Cléopâtre.
Les méthodes de greffage les plus courantes pour des jeunes plants sont l’écussonnage
et la greffe en copeau (chip-budding), très économe en greffons. La greffe est réalisée
à 30 cm de hauteur sur des plants semi-lignifiés, bien en sève, ayant un diamètre d’en-
viron 0,8 cm. Les greffons doivent être d’origine garantie, indemnes de maladies
transmissibles.
● La plantation
Les plants sont installés, six mois à un an après le greffage, sur un terrain préalable-
ment aménagé pour éviter toute inondation temporaire (nivellement et fossés de
drainage) et pour assurer une protection contre les vents dominants (brise-vent). Le
travail du sol avec des outils à dents permet de casser les horizons indurés sans rema-
nier les couches superficielles.
En l’absence de mécanisation, des fosses de 0,8 x 0,8 x 0,8 m sont ouvertes deux à trois
mois avant plantation. Les amendements et fumures de fond y sont incorporés suivant
les recommandations, basées si possible sur des analyses de sol. Il est préférable de
planter sur butte pour maintenir une zone saine autour du collet, de tasser puis d’ar-
roser le sol à proximité du plant, juste après la plantation.
936
Les plantes comestibles 5 1
937
5 Agriculture spéciale
Le besoin en eau
Il est de :
– 0,5 etp pour un verger adulte (400 arbres/ha), en sol nu irrigué en goutte à goutte ;
– 0,65 etp pour un verger adulte (400 arbres/ha), en sol nu irrigué par aspersion sous frondaison ;
– 0,75 à 0,9 etp pour un verger adulte (250 à 400 arbres/ha), sur un sol enherbé irrigué par aspersion.
La fumure doit compenser les exportations minérales par les fruits et tenir compte des
pertes par lixivation et volatilisation (azote principalement). À titre d’exemple, en
Floride, une tonne d’orange exporte 1,4 kg de N ; 0,5 kg de P2O5 ; 2,2 kg de K2O. Les
fumures azotées optimales par arbre vont de 250 g de N/an pour des orangers adultes
(dix ans et plus) non irrigués au Brésil, à 500 g de N/an sous climat méditerranéen
avec irrigation. La potasse est souvent apportée dans la même proportion que l’azote
et le phosphore au quart de la dose. Des amendements calco-magnésiens corrigent
d’éventuels déséquilibres (en fonction des analyses de sol). Les carences en oligo-élé-
ments se corrigent le plus souvent par pulvérisations foliaires sur jeunes feuilles non
matures (zinc, manganèse, molybdène, bore) ou par apports de chélate au sol (fer). Le
suivi nutritionnel des vergers, basé sur les résultats des analyses minérales de sol et de
feuilles, permet un conseil adapté.
938
Les plantes comestibles 5 1
Un comptage régulier du nombre de thrips présents sur les jeunes fruits sert au
déclenchement du traitement si 4 % des fruits sont occupés.
Les mouches des fruits s’attaquent aux fruits quand ceux-ci commencent à se colorer.
L’utilisation d’un système de pièges permet de suivre l’évolution de la population de
mouches dans le verger. Pour une infestation moyenne (vingt cinq mouches par piège
par semaine), le traitement par tache avec un attractif (hydrolisat de protéines) et
un insecticide permet de ne traiter que des secteurs sans fruit. Pour une infestation
massive (plus de cent vingt mouches par piège par semaine), la totalité de la frondai-
son est traitée (fenthion, malathion, trichlorfon).
Les acariens (tétranyques sur feuilles, phytoptes et tarsonèmes sur fruits) nécessitent
une réaction très rapide en raison de la rapidité de la pullulation : amitraze, cyhexatin...
● Les maladies
Le phytophtora sur tronc (écoulement de gomme), charpentières et racines, détecté à
temps, se traite avec un fongicide systémique (phoséthyl d’aluminium) en pulvérisa-
tion foliaire pendant la période de croissance active. Le traitement bloque l’évolution
de l’attaque. Le respect des recommandations (plantation sur butte, plant greffé à
30 cm, collet protégé de l’eau, insertion des branches à différents niveaux) permet fré-
quemment d’éviter les infestations.
Les champignons sur fruits (penicillium, phytophtora...) se développent sur fruits
matures, au champ, dans les situations chaudes et humides. Uniquement dans ces cas,
des traitements préventifs (benomyl, cuivre + manèbe + zinèbe...) peuvent en limiter
l’apparition avant récolte et le développement après récolte.
Le chancre citrique (xanthomonas anoxopodis pv citri) est freiné dans son expression par
les pulvérisations cupriques. Son élimination par destruction des foyers est pratique-
ment impossible dès que la contamination a atteint un certain seuil.
Le scab (Elsinoe fawcetti), en conditions très humides, développe des pustules sur
rameaux et feuilles et des verrues liégeuses sur fruits. Les applications préventives de
fongicides cupriques, de methyl thiophanate ou de benomyl permettent un bon
contrôle du champignon.
● La récolte
Les fruits sont récoltés avec une teneur en jus optimale de 45 % ou plus pour les
oranges, limes et mandarines, de 40 % ou plus pour les pomelo et 35 % ou plus pour
les citrons. Le rapport teneur en extrait sec soluble (degré Brix) sur l’acidité devra être
égal ou supérieur à 7 pour les oranges et les mandarines. Les fruits sont récoltés secs
avec l’attache pédonculaire et entreposés à l’ombre, au frais, dans des caisses propres,
avant acheminement vers les stations de conditionnement ou les marchés. L’opération
de cueillette ne doit pas blesser le fruit ni permettre son contact avec le sol.
939
5 Agriculture spéciale
● La recherche
Le thème majeur abordé par la recherche est l’amélioration génétique pour obtenir
une meilleure résistance aux contraintes biotiques et abiotiques. La maîtrise de la
fusion somatique autorise des recombinaisons génétiques précédemment impossibles
avec les techniques traditionnelles d’hybridation. Les études d’épidémiologie et de
dynamique des populations des ravageurs sont à la base de la définition de nouvelles
approches de lutte plus respectueuses de l’environnement. Les études sur le milieu, la
physiologie et l’amélioration des plantes, la défense des cultures se rejoignent pour
la mise au point de nouveaux itinéraires techniques dans le cadre des systèmes de
production intégrés. Il s’agit du défi à relever dans les prochaines décennies pour pro-
duire, autant et à moindre coût, des produits de qualité.
940
Les plantes comestibles 5 1
L’ANACARDIER
Anacardium occidentale L.
Anglais : cashew
Espagnol : marañón, cajuil, anacardo
Portugais : cajueiro
Famille des Anacardiaceae
● La plante
L’anacardier est un arbre à racine pivotante, originaire du Brésil. Les panicules flo-
raux portent deux types de fleurs : les unes sont mâles et les autres hermaphrodites.
Toutes sont composées de cinq sépales, cinq pétales, une grande étamine et six à qua-
torze staminodes (en général huit ou neuf), un ovaire simple, atrophié chez les fleurs
staminées.
Après fécondation, le vrai fruit ou noix de cajou se développe en premier lieu.
Lorsqu’il a atteint son volume maximum, au bout de trente à trente-cinq jours, le
pédoncule, qui jusque-là était normal, se développe considérablement et très rapide-
ment. Il devient la pomme cajou, tandis que la noix perd de l’humidité, diminue de
volume et durcit.
La durée du cycle végétatif est de vingt à trente ans. La phase de floraison commence
vers l’âge de deux ou trois ans. La pleine floraison se situe vers la septième année. Les
arbres âgés ont une faible productivité mais ils peuvent être régénérés par recépage.
941
5 Agriculture spéciale
● L’écologie de l’anacardier
L’anacardier peut vivre dans des zones présentant des conditions climatiques et pédo-
logiques très variées. Néanmoins, les principales régions de production sont situées
entre les parallèles 15° Nord et 15° Sud. Elles ont des pluviométries annuelles com-
prises entre 500 et 1 500 mm, avec une saison sèche bien marquée d’au moins quatre
mois. Il est bon que la récolte ait lieu en saison sèche. Une température moyenne de
25 à 27°C est favorable en période de floraison. L’altitude est variable, généralement
proche du niveau de la mer en Afrique de l’Ouest, à Madagascar ou au Kenya, et infé-
rieure à 500 m au Mozambique. S’il se contente de sols pauvres, l’anacardier se déve-
loppe mieux sur les sol sablonneux ou sablo-argileux bien drainants. Toutefois, s’il est
planté sur de grandes épaisseurs de sables grossiers, il ne peut atteindre les réserves
en eau du sol en saison sèche et il dépérit.
● La culture
942
Les plantes comestibles 5 1
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5 Agriculture spéciale
Tableau 2. Fumure recommandée (en grammes d’élément nutritif par arbre) au Brésil
Ces données ont inspiré les recommandations faites aux producteurs de plusieurs
pays africains.
● L’entretien et le travail du sol
Comme la plupart des arbres fruitiers, l’anacardier émet la plus grande partie de ses
racines dans les 60 cm supérieurs du sol. En conséquence, il est bon de favoriser la
croissance des racines absorbantes dans cet horizon superficiel en pratiquant le sous-
solage lorsqu’on dispose des moyens mécaniques nécessaires ou en creusant des trous
de plantation suffisamment larges et profonds. En revanche, on évite ensuite des
labours profonds susceptibles de sectionner les racines superficielles.
Dans de nombreuses zones, le feu est le principal ennemi des anacardiers. On doit évi-
ter l’accumulation de matières végétales à la surface du sol au début de la saison sèche.
Dans les jeunes vergers, une technique économique consiste à pratiquer des cultures
intercalaires en saison pluvieuse. Dans les vergers adultes, on se contente de légères
façons culturales en saison des pluies et d’un binage à l’entrée de la période sèche. Les
plantes de couverture améliorantes ne sont utilisables que lorsque le risque de feu
peut être maîtrisé.
● Les maladies et les ennemis
Dans de nombreuses régions, les mammifères sont de dangereux ennemis des ana-
cardiers : rats, singes, phacochères et animaux domestiques, en particulier les bœufs
qui piétinent les jeunes plants et consomment les faux fruits des arbres adultes en ava-
lant ainsi les noix. La clôture des vergers permet de limiter ces dégâts.
Les principaux insectes nuisibles sont les thrips et surtout les punaises du genre
Helopeltis sp. qui piquent les jeunes rameaux et les fruits. Dans certaines zones, les
borers provoquent de gros dégâts aux plantations. Les maladies fongiques les plus
nocives sont l’anthracnose et surtout l’oïdium, qui sévit dans les zones d’altitude ou de
latitude élevée. On peut lutter contre cette dernière à l’aide de soufre, ce qui entraîne
des conséquences néfastes sur l’environnement ou avec des fongicides de synthèse, en
particulier le pyrazophos.
● La récolte
Les fruits ne doivent pas être cueillis mais ramassés sur le sol quand ils sont mûrs et
se détachent de l’arbre spontanément. On sépare la noix du faux fruit par torsion. Les
noix ne doivent pas séjourner longtemps sur la terre humide avant d’être ramassées.
On les fait ensuite sécher dans un lieu bien aéré.
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Les plantes comestibles 5 1
Il ne faut pas les stocker dans des sacs en matière plastique, surtout si elles ne sont pas
très sèches. En revanche, si l’on souhaite utiliser les pommes, il faut les cueillir sur
l’arbre et les traiter rapidement avant qu’elles ne fermentent.
La qualité des noix est liée à un faible taux de défectuosités, à la taille de l’amande (les
plus recherchées pèsent environ deux grammes) et à un bon rendement au décorti-
cage (poids d’amandes blanches entières par kilogramme de noix brutes).
L’ANANAS
Ananas comosus
Anglais : pineapple
Espagnol : piña
Portugais : abacaxi
Famille des Bromeliaceae
● La plante
Le genre Ananas, originaire d’Amérique du Sud, comprend plusieurs espèces : A. ana -
nassoïdes, A. bracteatus, A. erectifolius, A. lucidus, A. nanus, A. parguazensis, A. comosus. De
cette dernière sont issues toutes les variétés cultivées : Cayenne, Queen, Spanish,
Perola ou Pernambuco, Perolera ou Mordilona.
Cayenne Quelques épines 1,5 à 2,5 kg, unique grande peu de bulbilles, sensible export en frais et
à l’extrémité, vert cylindrique, orangé, peu de cayeux transformation
foncé, taille moyenne chair jaune pâle, sucre
et acidité élevés
Singapore Longues, très à peu 1 à 1,5 kg, cylindrique, souvent assez nombreux plus transformation
Spanish épineuses, vert foncé rouge orangé, chair multiples résistant
jaune vif, sucre et que
acidité faibles Cayenne
Queen Courtes, épineuses, 0,5 à 1,2 kg, jaune, peu assez nombreux moins export en frais
chair dorée, sucre développée sensible
élevé, acidité faible, que
arôme agréable Cayenne
Red Spanish Longues épineuses 1,2 à 2 kg, cylindrique, souvent nombreuses peu sensible export en frais
chair blanche, sucrée multiples bulbilles
peu acide
Perola ou Longues épineuses 0,9 à 1,5 kg, conique, souvent nombreuses peu sensible marché local
Abacaxi vert à jaune pâle, multiples bulbilles au wilt
très sucré, peu acide,
arôme agréable
Perolera ou Feuille inerme à 1,5 à 3 kg, cylindrique, souvent nombreuses peu sensible local et export
Mordilona liseré argenté jaune à orange, chair multiples bulbilles résistant au
pâle, ferme, sucre Fusarium
moyen
L’ananas est une plante herbacée pérenne à enracinement superficiel. La tige, à entre
noeuds très courts, porte des feuilles épaisses en forme de gouttières, groupées en
rosette, d’où émerge l’inflorescence portée par un pédoncule. Les racines sont très fra-
giles et très sensibles à l’asphyxie.
L’ananas est autostérile et se multiplie par voie végétative. Des graines sont obtenues
par hybridations artificielles entre variétés. Le fruit est formé par le développement
parthénocarpique de l’ovaire, de la bractée et des sépales de chacune des nombreuses
fleurs portées par un axe constituant le cœur. Au-dessus du fruit le bourgeon terminal
se développe en couronne. La multiplication végétative est assurée par des rejets :
cayeux à la base de la tige, hapas à la jonction de la tige et du pédoncule et bulbilles
sur celui-ci.
946
Les plantes comestibles 5 1
● L’écologie de l’ananas
La température est le principal facteur qui agit sur le développement de l’ananas.
L’idéal est une température moyenne de 25°C avec des amplitudes journalières de
12°C. Si la température est trop basse, le développement de la plante est faible, la chair
du fruit brunit et présente un goût amer (affection constatée aussi à certaines époques
de l’année sur les fruits stockés au froid). Si la température est trop élevée (supérieure
à 35° C), les fruits deviennent fragiles et translucides (ils sont dits jaunes).
L’ananas est peu exigeant en eau. Les besoins théoriques sont de 3 à 4 mm/jour, soit
1 200 à 1 500 mm bien répartis au long de l’année. L’ananas peut s’adapter à des
conditions sèches en adoptant, moyennant une réduction de croissance, un métabo-
lisme carboné de type crassulacéen.
L’éclairement a une action sur les rendements, la coloration de la peau et les caracté-
ristiques organoleptiques de la chair. Mille cent heures d’insolation sont considérées
comme un minimum. L’ananas est une plante fleurissant préférentiellement en condi-
tions de jours courts. Son cycle est d’autant plus long que les températures moyennes
sont basses. En culture, la différenciation florale est le plus souvent contrôlée par des
substances florigènes appliquées par le cultivateur.
À partir d’un rejet qu’on laisse se développer sur une plante déjà récoltée on peut
obtenir un deuxième fruit sans replantation. L’ananas exige des terres meubles,
légères, bien aérées et perméables à réaction acide (pH optimum 5,5). Il est sensible
aux carences en azote et en potasse, secondairement en magnésium et en phosphore.
● La culture
● L’itinéraire technique
● La mise en place
Tous les types de rejets peuvent être plantés. Ils doivent être triés pour avoir un poids
homogène. Les rejets les plus utilisés sont les cayeux de 350 à 500 g. Lorsqu’elles sont
disponibles les couronnes constituent un matériel de plantation homogène. Le parage
des rejets (élimination des petites feuilles de la base) doit se faire juste avant la plan-
tation. Il n’est pratiqué habituellement qu’en saison sèche. Il est conseillé de traiter les
rejets en les trempant verticalement dans une solution insecticide (cochenilles) et fon-
gicide en cas de risque de pourritures à Phytophtora.
En culture motorisée, la préparation du terrain comprend l’installation du réseau rou-
tier (transports, traitements) puis un labour de 35 à 45 cm, éventuellement un drai-
nage à 60 cm et un sous-solage de 60-80 cm de profondeur.
947
5 Agriculture spéciale
Des traitements contre les nématodes, les fourmis et les symphyles sont souvent néces-
saires. La fumure de fond est à base de N, K et P, et éventuellement de Mg.
La plantation se fait en rangées de deux à trois lignes, espacées de 90 cm. Les deux
lignes sont espacées de 30 à 40 cm et les plants sur la ligne de 20 à 30 cm. Ces combi-
naisons correspondent à des densités de 44 000 à 77 000 plants/ha. Les densités les
plus faibles sont réservées pour les plantations usine. Une couverture du sol par film
de polyéthylène noir de 3 à 4/100ème de mm débordant de chaque côté des lignes
jumelées facilite la lutte contre les adventices, économise l’eau et limite la lixiviation.
● L’entretien et la fumure
La lutte contre les adventices (Imperata cylindrica, Cynodon dactylon, Panicum repens,
Agropyrum repens,Digitaria sp) se fait à la préparation du terrain (herbicides totaux :
aminotriazole, paraquat, glyphosate, dalapon, bromacile), à la plantation et en culture
(herbicides de pré-levée : diuron, amétryne, bromacile). Certains de ces produits peu-
vent être interdits localement.
Tableau 4. Seuils de calcul des fumures en fonction des analyses foliaires et de l’analyse du sol
On pratique couramment des fumures très élevées, jusqu’aux doses suivantes par
pied :
> N : 4 à 14 g ;
> K2O : 10 à 20 g ;
> P2 O 5 : 5 g ;
> MgO : 5 g.
Les apports sont réalisés partiellement avant plantation sous polyéthylène et en cours
de végétation. Ils sont d’autant plus efficaces qu’ils sont fractionnés. La meilleure tech-
nique d’application est la pulvérisation sur le feuillage d’engrais solubles, dilués pour
éviter tout risque de brûlure. Si les produits ne sont pas incompatibles, on peut rajou-
ter aux engrais des insecticides mélangés au dernier moment.
Les produits pouvant être pulvérisés sont :
> l’urée (46 % de N) : concentration maximale en pulvérisation 3 à 5 % ;
> le nitrate de potassium (13 % de N + 44 % de K2O) ;
> le nitrate d’ammoniaque (35 % de N) ;
> le phosphate d’ammoniaque (20 % de N + 45 % de P2O5) ;
> le sulfate de potassium (50 % de K2O) ;
> éventuellement le chlorure de potassium (60 % de K2O) ;
> le sulfate de magnésium (14 à 16 % de MgO).
948
Les plantes comestibles 5 1
L’application des engrais peut également être réalisée sous forme solide, à l’aisselle des
feuilles de la base à l’aide d’une cuillère. L’efficacité de tels apports est liée à la plu-
viométrie. Les engrais binaires et ternaires commercialisés habituellement ne sont pas
bien adaptés à l’ananas, sauf ceux spécifiquement mis au point comme le mélange
8-4-20-4. Le potassium joue un rôle majeur pour la qualité des fruits (teneur en sucres
et acidité).
● Le contrôle de la floraison
Le contrôle de la floraison permet d’obtenir des fruits de poids désiré (le poids du
fruit croit avec le développement de la plante au moment de sa floraison), à l’époque
de l’année souhaitée (adaptation de la production à la demande) et, en groupant la
production d’une même parcelle, diminue les frais de récolte.
Les produits employés peuvent être :
> l’acétylène, par application au cœur de la rosette d’une petite pincée de poudre de
carbure de calcium, imbibée de gas-oil pour freiner la libération de l’acétylène et
limiter l’échauffement. Il est préférable cependant d’appliquer, au cœur de la
rosette, 50 à 100 ml d’une solution obtenue en mélangeant 200 à 240 g de carbure
avec 75 l d’eau la plus fraîche possible (gaz plus soluble à basse température) dans
un récipient de 100 litres. Aucun des récipients utilisés ne doit contenir de cuivre
(danger d’explosion). L’application se fait de préférence de nuit en faisant attention
aux risques d’explosion (flammes, cigarettes à proscrire) ;
> l’éthylène, par pulvérisation d’une solution contenant un adsorbant (charbon actif
pulvérulent) et saturée de gaz ;
> l’éthephon, produit qui libère de l’éthylène, surtout si de l’urée est rajoutée à la solu-
tion. Ce produit est moins efficace que les précédents en conditions peu favorables
à la floraison (température élevée, forte croissance).
Pour une variété donnée l’intervalle traitement de floraison-récolte est fonction de la
température et de l’ensoleillement. Pour Cayenne Lisse, il est généralement compris
entre cinq et six mois.
● La défense des cultures
Maladies physiologiques : on peut constater différentes carences (en N, K, Mg ou Ca)
ainsi que certaines affections de la chair du fruit dues à des températures trop basses
(brunissement interne) ou trop élevées (fruits dits jaunes).
949
5 Agriculture spéciale
Tableau 6. Temps de travaux en culture essentiellement manuelle, pour exportation en frais, en jours de travail/ha
Préparation sol 3
Préparation matériel végétal 60 à 115
Plantation 30
Fumure 10 à 20
Traitements 10 à 20
Désherbages 40 à 80
Réduction des couronnes 30
Protection coups de soleil 35
Récolte emballage 135
950
Les plantes comestibles 5 1
● La production actuelle
Tableau 7. Evolution de la production mondiale d’ananas de 1980 à 2000 (milliers de tonnes)
C’est sur le continent américain que la production a le plus fortement progressé entre
1980 et 2000. Les principaux pays producteurs en 2000 sont la Thaïlande
(2287000t), les Philippines (1 524 000 t), la Chine (1 328 000 t), le Brésil (1 293 000 t)
et l’Inde (1 006 000 t).
951
5 Agriculture spéciale
L’AVOCATIER
Persea americana Miller et Persea nubigena L. Williams
Anglais : avocado
Espagnol : aguacate
Portugais : abacate
Famille des Lauraceae
● La plante
● La classification botanique
Persea americana Miller (synonyme P. gratissima Gaertn) est subdivisé en deux sous-
espèces : P. americana Miller var. americana, qui serait le type originel de la race antillaise
(West Indian Avocado), et P. americana Miller var. drymifolia (Schlecht et Cham.), qui
serait le type originel de la race mexicaine (Mexican Avocado). Ces deux Persea ont
leur habitat naturel entre 1700 et 2000 m dans les Chiapas du Mexique et du
Guatemala et en Equateur.
Persea nubigena L. Williams est également subdivisé en deux sous-espèces : P. nubigena
L. Williams var. nubigena, qui est le type spontané de la race guatémaltèque découvert
par Popenoe dans les Chiapas du Mexique, et P. nubigena L. Williams var. guatemalensis
qui est le type sélectionné de la race guatémaltèque.
952
Les plantes comestibles 5 1
Théoriquement, d’après ces principes de biologie florale, un arbre isolé ou une plan-
tation monoclonale ne peuvent être fécondés et donc fructifier, ce qui impliquerait
nécessairement, au niveau d’un verger, de prévoir au minimum deux variétés de
groupes complémentaires ayant leur floraison à la même période.
Morphologie Feuilles petites, Feuilles grandes, sans odeur Grandes feuilles vert pâle,
à odeur d’anis. d’anis sans odeur d’anis
Fruits petits (50-250 g) ; Volume des fruits variable ; Fruits de 400 à 900 g ; peau mince lisse,
peau mince et lisse ; peau épaisse, très dure et luisante, vert tendre ou jaune ou
noyau gros et libre verruqueuse ; noyau adhérent rougeatre à maturité ; pulpe aqueuse ;
noyau libre gros à surface ± côtelée
Teneur en huile élévée moyenne (10 à 20 %) Faible
Ecart floraison/récolte 7 à 9 mois 10 à 12 mois 5 à 7 mois
Températures Adaptée aux températures Intérressante pour zone Sensible au froid et à l’aridité
Sensibilité au froid basses ou élévées marginales Résiste à 0°C
Résiste à – 6°C Résiste à – 2°C
Climat Semi-tropical à méditerranéen Subtropical Tropical
Tolérance à la salinité Sensible Faible Tolérante
Avantages Intérêt pour les régions Race la plus cultivée Résistance aux sols salés
froides
Utilisation en porte-greffe
Tolérance au Phytophtora Légèrement tolérante Sensible Très sensible
953
5 Agriculture spéciale
Variétés Groupe Race Forme Poids (g) Ecorce Couleur Chair Teneur
en huile
➤ Figure 1 : Calendrier des variétés et pays d’origine des avocats consommés en Europe
● L’écologie de l’avocat
L’avocat est susceptible d’être cultivée sous des climats très différents, de l’équateur
jusqu’à 43° degrés de latitude, et du niveau de la mer jusqu’à 2 500 m d’altitude au
Mexique, au Guatemala et au Rwanda. Grâce à l’existence de trois races issues proba-
blement d’une très ancienne sélection, ayant eu pour objet une adaptation à certains
954
Les plantes comestibles 5 1
types de climats, les avocatiers offrent une gamme de variétés adaptées à des condi-
tions climatiques très variées. De nombreuses régions sont donc favorables à leur cul-
ture. Mais, compte tenu de cette diversité, la réussite d’une plantation d’avocatiers
dépend en grande partie du choix judicieux des variétés et des porte-greffes en fonc-
tion de leurs exigences climatiques.
Les trois races ont en commun deux exigences climatiques :
> une saison sèche marquée durant laquelle se produit la floraison. Des chutes de
pluies abondantes à l’époque de la floraison sont en relation étroite avec la prolon-
gation de la durée du phénomène en climat tropical humide ;
> des températures minimales ne s’abaissant pas au-dessous de 7°C et des tempéra-
tures maximales atteignant au moins 19 et 20°C à l’époque de la floraison, pour que
le phénomène de dichogamie, entre les variétés des groupes A et B, se produise sans
perturbation.
● La température
Les races mexicaine et guatémaltèque, ainsi que certains hybrides, ont une bonne
résistance au froid. Elles se développent correctement dans les climats caractérisés par
des températures moyennes modérées ou faibles et la maturation de leur fruit n’exige
pas beaucoup de chaleur.
Au contraire, les variétés antillaises sont typiquement des variétés de climat tropical à
saison sèche marquée. L’ordre de grandeur des températures critiques est : - 5 à - 7°C
pour les variétés de race mexicaine ; - 2 à - 4°C pour les variétés de race guatémal-
tèque; 0 à - 2°C pour les variétés de race antillaise. Parmi les variétés commerciales :
Bacon, Duke, Fuerte, Topa Topa, Zutano ont une bonne résistance au froid, Edranol,
Hass, Nabal, Taylor sont sensibles (- 2°C), Anaheim, Booth 7 et 8, Choquette, Hickson,
Lula, Peterson, Pollock et Waldin sont très sensibles (- l°C).
Les effets du froid dépendent cependant, pour une même variété, de nombreux fac-
teurs, en particulier de l’âge de l’arbre, de sa vigueur, du stade végétatif et de son état
sanitaire, de la durée des basses températures et de leur fréquence, ainsi que du pas-
sage plus ou moins rapide des températures positives aux températures négatives.
Les variétés des pays froids poussent bien en climat tropical humide mais ne produi-
sent pas. Des températures trop élevées et prolongées, supérieures à 36°C, peuvent
aussi avoir des effets néfastes sur le feuillage (flétrissement), sur la fécondation (des-
siccation du pollen et des pièces florales), sur la nouaison (chute des fruits par abais-
sement excessif de l’humidité de l’air).
Les vents chauds et secs sont aussi préjudiciables. Ils peuvent faire avorter les fleurs et
faire tomber les jeunes fruits. La chair des fruits est altérée au-dessus de 45°C et, au
Cameroun, la qualité des fruits (saveur, teneur en huile) s’améliore, pour une même
variété, avec l’altitude et donc avec l’abaissement des températures.
● La pluviosité et l’hygrométrie
La pluviosité des aires d’origine de l’avocatier est très variable en quantité annuelle et
en répartition. Apparemment, l’avocatier aurait une grande souplesse d’adaptation à
la pluviosité. D’une manière générale, l’avocatier exige une quantité d’eau de l’ordre
de 1 200 à 1 600 mm/an, bien répartie. Les besoins en eau sont relativement faibles
pour la race mexicaine, moyens pour les races guatémaltèque et antillaise.
955
5 Agriculture spéciale
Ils sont variables en fonction des stades végétatifs : un déficit hydrique de courte durée
(deux mois) favorise l’initiation florale, notamment sous certains climats tropicaux
caractérisés par des abaissements de température insuffisants pour entraîner un arrêt
complet de végétation. Une pluviosité excessive au moment de la floraison provoque
des phénomènes de coulure pouvant entraîner une chute de production importante.
Des précipitations trop fréquentes nuisent également à l’efficacité des traitements fon-
gicides et gênent les travaux de cueillette, dans les pays où la récolte a lieu en saison
des pluies. Enfin, une pluviosité annuelle élevée (> 1 800 mm), avec des mois très plu-
vieux (> 300 mm), augmente les risques de développement du Phytophtora. Lorsque
les sols ne drainent pas parfaitement, il est souvent préférable d’établir les vergers
dans des régions moins humides (800 à 1 200 mm/an) et d’irriguer en saison sèche.
L’avocatier exige une humidité suffisamment élevée au moment de la floraison (70 à
80 %), puis plus modérée pendant la phase de grossissement des fruits. Un degré
hygrométrique trop élevé est favorable au développement de maladies et de certains
ravageurs tant sur les feuilles que sur les fruits (en particulier Cercosporiose, Scab,
Anthracnose, Thrips et Cochenilles).
● Le vent
Comme la majorité des arbres fruitiers, l’avocatier est sensible à tous les vents et pas
seulement aux vents violents qui brisent les branches ou déracinent les arbres et font
chuter les fleurs et les fruits. Les fleurs peuvent être détruites par les vents secs et, par
son action mécanique, le vent peut provoquer indirectement des blessures sur les
fruits par frottement (en particulier sur les variétés fructifiant en grappes telles que
Peterson, Booth 7 et 8, Lula) ou par transport de grains de sable. Les vents secs sont
préjudiciables à la plante (forte augmentation de l’évapotranspiration), surtout en
période de floraison. Enfin, l’avocatier est sensible aux embruns salés qui provoquent
des nécroses marginales sur les feuilles.
● La luminosité
L’avocatier est une plante héliophile et les besoins en ensoleillement, élevés, sont de
2 300 à 2 500 heures par an. Cependant, un rayonnement trop intense peut occa-
sionner des brûlures sur les branches, les troncs ou les fruits. On peut protéger les
arbres des brûlures par blanchiment des charpentières et des troncs, par un badigeon
de lait de chaux ou, dans le cas des jeunes arbres, par une protection avec des petites
ombrières.
● Les sols
Le premier facteur à prendre en compte est l’état de drainage du terrain. Davantage
encore que les agrumes, l’avocatier est extrêmement sensible à l’hydromorphie du sol,
même lorsque celle-ci est faible et temporaire. Cette sensibilité tient à l’existence d’un
champignon du genre Phytophtora qui s’attaque aux racines et à la base du tronc. Dans
les régions tropicales, les sols à texture sableuse sont ceux qui conviennent générale-
ment le mieux à la culture de l’avocatier car ces sols ont une perméabilité élevée et se
ressuient rapidement après une pluie. On préfère les terrains situés en milieu et haut
de versant ou sur un plateau plutôt que ceux situés en bas de versant ou dans une
dépression. Les zones inondables sont impropres à la culture de l’avocat.
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Les plantes comestibles 5 1
● La culture
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5 Agriculture spéciale
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Les plantes comestibles 5 1
Pour assurer la meilleure reprise possible, il est préférable de mettre en place les
plants au début de la saison des pluies.
● L’entretien du verger
● Les soins après plantation
Des arrosages (20 à 40 l/d’eau par plant et par semaine) peuvent être nécessaires pen-
dant la phase de reprise. Le paillage de la cuvette autour du tronc du jeune arbre est
souvent appliqué pour limiter l’évaporation et la pousse des mauvaises herbes. C’est
une pratique coûteuse en temps de travail, souvent difficilement envisageable avec
une main d’œuvre salariée. L’approvisionnement en paille suppose, par ailleurs,
d’avoir des parcelles en végétation naturelle ou en jachère à proximité du verger.
Le jeune avocatier est sensible aux coups de soleil et aux vents desséchants. Aussi est-
il parfois recommandé de procéder à un léger ombrage des plants pendant quelques
mois : utilisation de palmes ou de graminées disposées sur des piquets, blanchissage
du tronc avec un lait de chaux ou protection du tronc par un cylindre en carton de
couleur claire. Contre le vent, on peut utiliser soit des brise-vent individuels (toiles ou
claies) en demi-cercles orientés face aux vents dominants, soit des brise-vent en ligne
(toiles ou culture de maïs, sorgho, ou pois d’Angole). Il est souvent nécessaire
de tuteurer les jeunes arbres. Enfin, dans les régions où les risques d’attaques de
rongeurs sont élevés, il est recommandé de protéger la base du tronc des jeunes plants
par des cylindres en polyéthylène ou en grillage.
● Les besoins en eau
La phase juvénile va de la plantation jusqu’à l’entrée en pleine production des arbres,
soit jusqu’à la sixième ou huitième année. Elle est caractérisée par une augmentation
importante et continue du couvert végétal et des besoins en eau.
L’irrigation est nécessaire un peu avant que l’arbre ne manifeste des signes de flétris-
sement qui persistent après la nuit. Une teinte plombée du feuillage, un léger enrou-
lement des limbes constaté en début de matinée, indiquent le besoin en eau. Avec un
peu d’habitude, un arboriculteur reconnaît ces symptômes. La phase adulte corres-
pond à des arbres en production, âgés de plus de six à huit ans, dont les frondaisons
sont proches ou se touchent sur les lignes.
En première approximation, les besoins en eau peuvent être estimés à 70 % de l’éva-
potranspiration potentielle. Cette estimation peut servir de base, dans un premier
temps, au praticien pour irriguer, mais il convient ensuite d’adapter les irrigations aux
conditions particulières : microclimat, stade végétatif du verger. L’observation de l’état
hydrique du feuillage est, là encore, un critère important d’appréciation des besoins
en eau. Les quantités d’eau apportées doivent permettre de mouiller le sol sur 1 m à
1,2 m de profondeur. Vingt-quatre heures après l’irrigation, le sol doit être parfaite-
ment ressuyé.
● La fertilisation
À l’exception de la plantation où des amendements organiques divers peuvent être
apportés, la fertilisation de l’avocatier se fait sous forme d’engrais minéraux.
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5 Agriculture spéciale
● La production actuelle
Le Mexique est de loin le premier producteur et exportateur mondial d’avocats. Les
Etats-Unis, la Colombie et l’Indonésie sont les autres grands pays producteurs. Le
Chili, Israël, l’Espagne et l’Afrique du Sud sont les autres principaux pays exporta-
teurs.
LES BANANIERS
Genre Musa
Français : banane, plantain
Anglais : banana, plantain, cooking banana
Espagnol : banano
Portugais : banana
Famille des Musaceae
● La classification botanique
La classification botanique des bananiers est assez complexe. Monocotylédones, de
l’ordre des Scitaminales, de la famille des Musaceae, de la sous-famille des Musoïdeae,
ils comprennent plusieurs genres dont :
> le genre Ensete (ancien Musa ensete), qui est présent en Asie, Afrique et Amérique
latine, mais n’est cultivé qu’en Ethiopie (consommation du rhizome fermenté et
surtout de la pulpe du pseudotronc). Il ne rejetonne pas naturellement ;
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Les plantes comestibles 5 1
> le genre Musa, qui se divise en espèces séminifères à fruits non comestibles et varié-
tés à fruits charnus sans graines (parthénocarpiques). Les espèces à graines se
répartissent en cinq sections : Australimusa (dont M. textilis, espèce à fibre),
Callimusa (dont M. coccinea, espèce ornementale), Rhodochlamys (dont M. ornata,
espèce ornementale), Ingentimusa (dont M. ingens, bananier sauvage géant) et
Eumusa. Dans la section Eumusa, se trouvent Musa acuminata (symbole de génome:
A) et Musa balbisiana (symbole de génome : B), espèces qui sont à l’origine des varié-
tés cultivées.
Tableau 10. Variétés classées selon leur niveau de ploïdie et leur constitution génétique
Les tétraploïdes naturels sont très rares, mais l’amélioration génétique actuelle
propose de plus en plus de nouveaux hybrides tétraploïdes (issus de diploïdes et
triploïdes améliorés ou sélectionnés pour leurs caractères de résistance à diverses
maladies).
● La plante
● L’origine et la diversification
Les variétés actuelles proviennent des bananiers sauvages à graines présents en Asie
du Sud-Est (de l’Inde à l’ouest aux Philippines à l’est, de la Malaisie au nord à
l’Australie au sud), où se situent la plus grande diversité ainsi que le centre primaire
de diversification du genre.
Les variétés se sont répandues dans toutes les zones intertropicales humides et
chaudes, des plaines jusqu’à 2 000 m d’altitude, débordant parfois dans certaines
zones subtropicales. Des centres de diversification secondaire existent en Afrique de
l’Ouest et centrale (bananiers plantains) et sur les hauts plateaux d’Afrique de l’Est
(bananes à cuire et à bière).
● La morphologie et la croissance
Les bananiers sont des plantes herbacées. La taille du pseudo tronc varie de 1,50 à 8 m
de hauteur selon les espèces et les variétés. D’une souche souterraine vivace, globu-
leuse (0,30 à 0,60 m de diamètre) appelée aussi rhizome ou bulbe, naissent d’abord de
longues feuilles de dimensions croissantes.
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5 Agriculture spéciale
Le régime qui est constitué de l’ensemble des mains de bananes et de l’axe (hampe)
porteur est généralement récolté avant maturité. Le régime vert peut être conservé et
transporté en conditions réfrigérées et suffisamment humides.
La plante, qui ne peut donner qu’un seul régime par cycle, est coupée à sa base ; sinon
elle fane progressivement. La souche produit durant la croissance de la tige principale
assez de rejets latéraux enterrés pour assurer la succession végétative, un seul rejet
étant alors conservé pour mener le cycle suivant.
Une tige possède une durée de vie de six à dix-huit mois. Grâce à la succession végé-
tative, une bananeraie peut durer des dizaines d’années.
● L’écologie du bananier
Le bananier est une plante exigeante en eau, sensible aux basses températures et aux
vents. Les sols doivent être sains, aérés et riches en azote et potasse.
● L’eau
Le sol doit être suffisamment pourvu en eau, les racines n’absorbant aisément que le
tiers de la tranche dite habituellement utile. En climat chaud et humide, on considère
généralement que les besoins sont couverts avec 125 à 150 mm par mois. Mais l’éva-
potranspiration maximale peut être plus élevée et dépasser 200 mm. Les besoins sont
plus élevés en régions sèches et chaudes ou en situations très ventées.
Les bananiers se défendent contre des déficits momentanés en repliant les demi-
limbes des feuilles, mais ils résistent mal aux sécheresses de plus d’un mois. Le pseudo
tronc peut alors casser. Il existe une certaine variabilité entre groupes et sous-groupes
de bananiers vis-à-vis de la tolérance à la sécheresse.
● La température
L’optimum est voisin de 28°C (température interne). Au-delà de 35-40°C des anoma-
lies surviennent. En dessous de 24°C, la vitesse de croissance baisse pratiquement de
façon linéaire avec la température jusqu’à 15-16°C. Elle s’annule complètement vers
10-11°C. Les feuilles jaunissent à des températures de 4 à 6°C, certains cultivars résis-
tant un peu mieux que d’autres. La souche ne meurt que par gel.
Sous les 12°C, les bananes sont déformées et se nécrosent. Les fruits subissent aussi des
dommages dans le péricarpe, qui présente des tirets noirs en coupe longitudinale (fri-
sure, ou pigmentation). Les échanges gazeux sont ralentis et la maturation est difficile.
Le phénomène se produit au champ, mais aussi en cours de transport.
● La lumière
Le bananier supporte de fortes insolations, si l’approvisionnement hydrique est satis-
faisant. La nébulosité ralentit la végétation et augmente la taille des rejets. 1500 à
1 800 heures d’insolation est un seuil limite et 2 000 à 2 400 heures sont favorables.
Une insolation brutale avec un déficit hydrique provoque un palissement des limbes
puis des nécroses (brûlures), notamment sur les jeunes bananiers.
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Les plantes comestibles 5 1
● Le vent
Les vents permanents peuvent réduire les rendements, les vents violents interdire la
culture : chutes, cassures des pseudo troncs. Les vents provoquent également des lacé-
rations de limbes.
● Les sols
Les racines étant peu pénétrantes, le sol doit être meuble, bien aéré. Le manque de
structure, le mauvais drainage, la compacité sont des défauts graves pour la culture.
Les sols ayant un horizon durci ou gravillonnaire, et ceux dont la nappe phréatique
est trop superficielle sont impropres à la culture du bananier. La nappe doit se trou-
ver au moins à 80 cm de profondeur.
Le bananier supporte des pH de 3,5 à 8 mais, en général, on tente de l’amener entre
5,5 et 7,5 par des amendements. Le bananier a des besoins importants en azote
(immobilisations : 250 kg/ha ; exportations : 80 kg pour 40 t/ha de régimes) et en
potassium (immobilisations : 1 000 kg/ha ; exportations : 240 kg pour 40 t/ha). Les
besoins en Mg sont non négligeables, ceux en P et Ca relativement faibles.
Les apports d’azote sont indispensables, sauf pour certains sols très organiques. Il en
est de même pour le potassium quand les teneurs du sol sont inférieures à 1 à
2 meq/100 g. Le bananier peut supporter une légère salinité des eaux d’irrigation et
du sol : jusqu’à 300 mg/1 de NaCl, 1 500 ppm de sels totaux, conductivité électrique
< 0,5 millimohs/cm.
● La culture
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5 Agriculture spéciale
● La récolte
La partie mâle du régime (dite popotte) est supprimée quinze à vingt jours après la flo-
raison (2 à 5 % de gain de poids du régime) tandis que les vestiges de fleurs à l’apex
des fruits (en culture intensive) peuvent être supprimés vers cinq à huit jours (épis-
tillage). Cette opération cependant est plus souvent faite après la récolte.
En culture intensive, les régimes récemment émis sont protégés par une gaine plas-
tique (polyéthylène de trois à huit centièmes de mm d’épaisseur) transparente et par-
fois colorée : protection contre certains parasites (Thrips) et contre le froid (gain de
poids de 5 %).
L’intervalle entre émission florale et récolte est, dans les conditions optimales de tem-
pérature, de 80 à 90 jours : il s’allonge par temps sec ou frais (120 jours). En climat
avec une saison froide (Israël, Canaries, altitude en zone tropicale), il peut atteindre
150 jours.
Le point de coupe commercial pour l’exportation est défini par le grossissement du
fruit (grade). Il varie pour les bananes du sous-groupe Cavendish de 32 à 36 mm, dia-
mètre du fruit à mi-longueur.
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Les plantes comestibles 5 1
Le grade est la norme qui remplace les anciennes classes de trois quarts léger, trois
quarts plein. Les fruits doivent être exempts de blessures, grattages de peau, atteintes
fongiques, nécroses, etc.
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5 Agriculture spéciale
● Le stockage et la maturation
Le stockage des fruits, pour le transport ou la conservation, se fait à température diri-
gée de l’ordre de 13,5 à 14°C. Les fruits verts peuvent ainsi être conservés de deux à
quatre semaines selon les variétés. En dessous de 13°C, les fruits vont présenter une
altération par le froid, appelée frisure, dont la manifestation sera d’autant plus vio-
lente que la température sera basse.
Pour les fruits destinés à être consommés mûrs, un traitement à l’éthylène permet
d’initier l’entrée en maturation des fruits. Ce traitement est réalisé en chambre
étanche et humide (au moins 90 % d’humidité) en mûrisserie de type industriel. Pour
les fruits de la variété Cavendish, il est d’usage d’appliquer une concentration de 1
pour 1 000 d’éthylène (Azethyl), pour un temps de contact de l’ordre de deux jours,
à 17 ou 18°C). La concentration en éthylène, le temps de contact et la température
peuvent être adaptés au cas par cas, selon les variétés et les conditions de mise en mar-
ché. Les fruits, stockés ensuite en vue de leur commercialisation, évolueront plus ou
moins vite en maturation selon la température des chambres (16 à 20°C pour les cul-
tivars de la variété Cavendish).
Les bananes peuvent alors être livrées aux distributeurs. Selon la technique de matu-
ration, la variété et l’époque de l’année leur durée de vie à l’étalage est de l’ordre de
quatre à six jours.
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LE LITCHI ET LE RAMBOUTAN
Litchi chiniensis Sonnerat (litchi) et Nephelium Lappaceum L (ramboutan)
Le litchi
Anglais : lychee ou litchi
Espagnol : litchi
Portugais : lichia
Famille des Sapindaceae
Le ramboutan
Anglais : rambutan
Espagnol : rambutan
Portugais : rambutan
● La plante
Le litchi est originaire de la Chine méridionale, probablement de la zone de Canton.
Le ramboutan ou litchi chevelu est originaire de Malaisie. Le litchi s’est répandu dans
toute l’Asie, l’Afrique de l’Est et du Sud, Madagascar, la Floride, Hawaï et l’Australie.
Le litchi est un arbre de 5 à 6 m de haut, pouvant parfois dépasser 10 m. Le tronc est
fortement ramifié à la base. Le feuillage abondant est toujours vert et persistant et les
feuilles sont de couleur vert foncé et luisantes sur la face supérieure, gris vert et pâles
sur la face inférieure.
Le ramboutan, espèce essentiellement tropicale, se rencontre dans les zones tropicales
des pays où le litchi a été introduit. C’est un arbre de plus de 20 m de haut, au tronc
assez droit, bien dégagé, la couronne est dense, très branchue. Les feuilles alternes,
pétiolées, brusquement pennées ou dépareillées possèdent deux ou quatre paires de
folioles pubescentes à l’état jeune. Les folioles elliptiques sont vert jaunâtre, vert foncé
ou glauque, peu ou légèrement luisantes sur la face supérieure, vert jaunâtre ou
glauque, sombre sur la face inférieure.
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5 Agriculture spéciale
Les deux espèces sont monoïques. Les fleurs peuvent être mâles, femelles ou bien her-
maphrodites. Les grappes, lâches et pendantes, portent de deux à vingt fruits. De
forme ovoïde, les fruits du litchi ont une peau dure et cassante, de couleur rouge et
composée de nombreuses parties écailleuses. Le fruit du ramboutan est globuleux,
ovoïde, de couleur allant du jaune au rose et au rouge. Le péricarpe est garni d’ex-
croissances se terminant par une épine molle. La partie comestible des fruits est consti-
tuée par une pulpe blanche, translucide, juteuse et sucrée : c’est l’arille qui recouvre
entièrement une grosse graine lisse et brunâtre.
Le litchi est habituellement reproduit par marcottage aérien d’arbres repérés pour la
qualité de leur production ou par greffage de ces arbres sur des plants de semis. Selon
la disponibilité en matériel végétal, on préférera les plants greffés qui bénéficient de
l’enracinement puissant du porte-greffe (issu de semis de litchi à petites feuilles), assu-
rant un bon ancrage dans le sol et une meilleure alimentation du plant tout en per-
mettant, comme la marcotte, une mise à fruit précoce. La greffe en fente à l’anglaise
compliquée est réalisée durant la saison chaude et humide, méthode recommandée
également pour le ramboutan qui supporte mal le marcottage aérien.
Les variétés
Que ce soit pour le litchi ou le ramboutan, il existe un grand nombre de variétés. Les plus connues
sont:
– litchi : Kwai May, Kwai May Pink, Groff, Bengal, Brewster, Muzaffarpur, Salathiel, Wai Chee, Haak
Yip;
– ramboutan : Peng Th’ng Bee (R3), Ya Tow (R4), Khaw Tow Bak (R156), Sibabat.
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Les plantes comestibles 5 1
● La culture
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5 Agriculture spéciale
● La taille de formation
Comme pour les autres espèces fruitières, on cherche à former l’arbre sur un tronc
unique d’où partent des charpentières étagées et réparties régulièrement.
● L’entretien du sol
Pendant les premières années, le sol doit être nu sous les frondaisons. La végétation
spontanée des interlignes doit être maintenue rase. Eventuellement, des cultures
intercalaires à cycle court et à faible développement peuvent y être implantées pen-
dant les trois premières années, si elles sont conduites de façon à ne pas gêner les
arbres.
● La fertilisation
Il est nécessaire de permettre une bonne poussée végétative après la récolte et de
répondre aux besoins liés au grossissement et à la maturation des fruits. Après la
période de croissance végétative active qui dure environ quatre mois, ces espèces ont
besoin d’une courte période de stress (nutritionnel, hydrique, thermique ou autre)
pour permettre l’induction florale.
1 an 50 10 40 15
2 ans 80 10 60 20
3 ans 140 30 105 40
4 ans 210 45 160 55
5 ans 230 65 265 80
6 ans 380 85 345 105
7 ans 470 105 430 125
8 ans 570 125 520 155
9 ans 670 150 610 180
10 ans et + 920 210 840 240
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Les plantes comestibles 5 1
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5 Agriculture spéciale
LE MANGUIER
Mangifera indica L.
Anglais : mango
Espagnol : mango
Portugais : mangeira
Famille des Anacardiaceae
● La plante
● Son origine et son écologie
Les manguiers sont originaires de la région indo-birmane et se seraient diversifiés
dans deux zones d’Asie du Sud-Est :
> l’une en Inde, dans des régions plus sèches et fraîches, en donnant des variétés
monoembryonnées à épiderme plus ou moins coloré, sensibles à l’anthracnose ;
> l’autre en Birmanie, Thaïlande, Indonésie et dans le sud de la péninsule indochi-
noise, régions plus chaudes et humides, en donnant des variétés polyembryonnées,
à épiderme verdâtre peu coloré, présentant une relative résistance à l’anthracnose.
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Les plantes comestibles 5 1
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5 Agriculture spéciale
Alphonso Inde Fruit de 225 à 325 g, jaune, oblong, monoembryonné, parfumé sans fibre,
production alternante
Amélie Afrique de l’Ouest Fruit de 300 à 600 g, arrondi, fruit vert-jaune à maturité, monoembryonné, chair
fondante très savoureuse, sans fibre
Améliorée du Semis de Hindi Be Fruit de 250 à 300 g, jaune verdâtre, allongé à base arrondie, polyembryonné,
Cameroun Sennar d’Egypte chair fondante fruitée, sans fibre, assez bonne adaptation aux climats tropicaux
humides des zones côtières
Beneshan Inde Fruit jaune, ovale oblique, gros sans fibre, monoembryonné, doux et bonne qualité,
bonne productivité
Cambodiana Vietnam Fruit de 220 à 340 g, vert jaunâtre, oblong, polyembryonné, légèrement fibreux,
sucré à arôme plaisant
Carabao Philippines Fruit de 270 à 440 g, verdâtre, allongé et mince, polyembryonné, sans fibre,
excellente qualité gustative. Possède une bonne résistance à la maladie des
taches noire au Queensland, production alternante qui peut être régularisée avec
le nitrate de potasse
Dashehari Inde du nord Fruit jaune oblong, monoembryonné, sans fibre, excellente qualité gustative,
production importante et régulière
Haden Floride Une des premières sélections Floridiennes, 510 à 680 g, ovale à base arrondie,
monoembryonné, bonne qualité mais fibreux, production irrégulière
Irwin Floride Fruit jaune taché de rouge, 340 à 450 g, ovale à base arrondie, sans fibre bonne
qualité gustative, monoembryonné, production importante et régulièr e
Julie Antilles Fruit jaune verdâtre, arrondi, 200 à 325 g, bonne qualité appréciée aux Antilles,
monoembryonné, production régulière mais faible
Keitt Floride Fruit jaune verdâtre taché de rouge, ovale à base arrondie, 510 à 2000 g, peu
fibreux, excellente qualité gustative, monoembryonné, production importante
Kent Floride Fruit jaune verdâtre taché de rouge, 600 à 750 g, ovale à base arrondie, peu fibreux,
excellente qualité gustative, monoembryonné, alternant, mieux adapté au climat aride
Nam Doc Mai Thaïlande Fruit vert jaunâtre, 340 à 580 g, allongé, mince et sigmoïde, non fibreux, excellente
qualité, polyembryonné, produit régulièrement et parfois plusieurs fois par saison
Neelum Inde Fruit jaune clair, 230 à 300 g, ovale avec base aplatie ou arrondie, chair douce et
juteuse sans fibre, monoembryonné, forte production régulière
Tommy Atkins Floride Fruit jaune orangé taché de rouge, ovale à oblong à base arrondie, 450 à 700 g,
chair ferme moyennement juteuse, peu fibreux, monoembryonné, qualité gustative
moyenne, productive
Palmer Floride Fruit jaune orangé taché de rouge, 510 à 850 g, oblong à base arrondie, chair ferme,
bonne qualité, monoembryonné, production régulière
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Les plantes comestibles 5 1
● La culture
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5 Agriculture spéciale
Les premières années de plantation, une fumure est régulièrement épandue sous la
frondaison en quatre ou cinq apports sous forme d’engrais équilibré NPK. Avec l’en-
trée en fructification, la proportion de potasse est augmentée et celle de phosphore
diminuée dans des proportions (N = 1 - P2O5 = 0,5 - K2O = 1,5). La quantité de
fumure augmente progressivement chaque année pour atteindre un niveau de 200 kg
de N par ha à dix ans. Sur un verger adulte, elle est épandue en trois fois : après la
récolte, avant la floraison, au début du grossissement du fruit (jamais en fin).
Les manguiers sont souvent cultivés en sec. L’irrigation, utilisée dans certaines zones
sèches de culture plus intensive, est souvent à l’origine d’une augmentation sensible
des rendements. Dans la pratique, il convient de maintenir un stress hydrique de deux
à trois mois avant la floraison. Les apports d’eau ne reprennent, si nécessaire, qu’en
fin de floraison et jusqu’au début de la récolte. Pour un verger adulte désherbé, les
apports se font à un niveau variant entre 0,5 et 0,6 ETP.
Le verger peut être enherbé ou désherbé chimiquement dans les situations les plus
sèches. En Asie tropicale, l’induction florale artificielle est obtenue par des pulvérisa-
tions foliaires de nitrate de potasse (2 à 4 %) sur rameaux matures en repos végétatif.
● La protection sanitaire
La maladie des taches noires ou bactériose du manguier (Xanthomonas campestris pv.
mangiferaeindicae) est classée maladie de quarantaine. Toute introduction à partir
d’une zone infestée (Asie, Océan Indien, Australie, Brésil...) est proscrite.
Le fruit est récolté avec un pédoncule suffisamment long pour éviter l’exsudation de
latex sur l’épiderme. Le pédoncule est arasé quelques minutes plus tard et les fruits
mis en caisse, cicatrice orientée vers le bas.
Les fruits conservés à température ambiante seront rapidement dirigés vers les mar-
chés de proximité. Dans le cas d’une exportation hors zone de production, les fruits
seront conservés à température plus basse, rarement inférieure à 11-13°C (suivant les
variétés). C’est lors du passage dans les stations de conditionnement que sont réalisées
les opérations de traitements contre l’anthracnose et les mouches des fruits (traitement
à l’eau chaude, bains de fongicides...).
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5 Agriculture spéciale
LE PALMIER DATTIER
Phœnix dactylifera L.
Anglais : date palm
Espagnol : palmera datilera
Portugais :tamareira
Monocotylédone - Famille des Arecaceae (anciennement Palmaceae)
986
Les plantes comestibles 5 1
● L’aire de répartition
Le palmier dattier est souvent associé au milieu désertique. Il est considéré comme le
végétal typique du paysage saharien classique. Cependant, on ne le rencontre que là
où des ressources hydriques permanentes existent (oasis et bordure d’oued par
exemple). De plus, sa localisation n’est pas exclusivement limitée aux zones déser-
tiques puisqu’on le rencontre dans des zones à climat plus froid et plus humide,
comme l’Afrique de l’Ouest ou l’Europe méridionale.
L’aptitude de ce végétal à se développer dans une gamme de climats comprise entre
le méditerranéen et le désertique a conduit à une progression régulière de son aire de
répartition puis de sa culture.
À l’heure actuelle, l’aire de distribution du palmier dattier se présente sous deux
formes : une aire principale couvrant le pourtour méditerranéen, l’Afrique du Nord
avec une extension jusqu’au sud du Sahara en zone intertropicale et la péninsule ara-
bique, et des sites dispersés dans le monde, le plus souvent caractérisés par des sujets
isolés ou des petits peuplements (par exemple, en Californie et en Australie).
● La description botanique
● Le tronc (ou stipe)
Le dattier est un arbre monopodial à ramification souterraine. Le tronc est vertical,
cylindrique, quelquefois tronconique. Le diamètre et la taille du tronc varient suivant
les conditions culturales et le cultivar. Le diamètre peut atteindre 100 cm et la hauteur
35 m. Un dattier adulte moyen a un tronc de 60 cm de diamètre et de 8 m de hau-
teur. La durée de vie d’un dattier est estimée à cent ans.
Chez les sujets jeunes, le tronc est couvert par les bases des pétioles des anciennes
palmes et la bourre fibreuse qui leur est associée. Cependant, ces repères disparaissent
avec le vieillissement. Chez les sujets âgés, le tronc est nu et la bourre fibreuse n’est
visible que dans la partie terminale.
La croissance d’un tronc de dattier est assurée par un unique méristème terminal dont
l’activité végétative est indéfinie. Il émet à sa base des rejets qui servent à le multiplier
végétativement. Chez certains dattiers, des bourgeons axillaires situés le long du tronc
peuvent évoluer vers la production de ramifications aériennes (gourmands).
● Le système foliaire
Le palmier produit trois types de feuilles au cours de sa vie : les feuilles juvéniles, les
feuilles semi-juvéniles et les feuilles adultes ou palmes. Les palmes (feuilles composées
pennées) apparaissent, suivant l’âge et les conditions de milieu, avec une fréquence
variant de dix à vingt par an, parfois trente. Elles peuvent rester actives entre trois et
sept années. Un palmier adulte possède trente à cent quarante palmes actives. La taille
des palmes varie suivant la vigueur de la variété et les conditions de culture. Elles peu-
vent atteindre 6 m. Elles développent à leur base une gaine fibreuse (ou fibrillum) qui
entoure le tronc du palmier.
987
5 Agriculture spéciale
988
Les plantes comestibles 5 1
Lorsque la pollinisation n’a pas eu lieu, les carpelles peuvent cependant se développer
et donner des fruits parthénocarpiques sans graines. La forme de ces dattes diffère de
celle du fruit normal (elles sont généralement plus courtes et plus fines), et elles n’ar-
rivent que très rarement à maturité. Le nombre de dattes et de régimes produits serait
en relation avec le nombre de palmes actives.
● La floraison et la fructification
En zone saharo-méditerranéenne, la floraison du dattier ne se déclenche qu’une fois
par an. Le début et la durée de la floraison sont liés à la température ainsi qu’aux cul-
tivars. D’une manière générale, plus la température hivernale est basse, plus la florai-
son est tardive et échelonnée dans le temps. En Afrique du Nord, la période de flo-
raison se situe pendant les mois de février, mars et avril.
En zone sahélienne, la floraison peut, dans certaines conditions, se déclencher deux
fois par an. Le cycle supplémentaire s’observe après la saison des pluies et le second
cycle, qui intéresse la majorité du peuplement, s’observe pendant la saison fraîche.
Cette double floraison confère un intérêt pour le développement de cette culture en
zone intertropicale car il garantit deux récoltes annuelles de dattes.
La durée de la fructification varie suivant les cultivars et les conditions climatiques du
site. Comprise entre 120 et 240 jours, cette période est d’autant plus courte que la
température est élevée et que l’hygrométrie est basse. Dans les palmeraies d’Afrique
du Nord, la durée de la fructification est en moyenne de 180 jours. Dans les palme-
raies sahéliennes, cette durée peut atteindre 240 jours.
989
5 Agriculture spéciale
● Le modèle oasien
Le modèle oasien se définit, d’une manière générale, comme une forme d’occupation
de l’espace en milieu désertique et semi-désertique qui se caractérise par une mobili-
sation ponctuelle de ressources en eau et par la formation d’écosystèmes particuliers
résultant de l’activité de l’homme. Les oasis qui s’étendent de l’Arabie au Sahara sont
façonnées autour d’une colonisation végétale spécifique, celle du palmier dattier. Elles
ont souvent servi de modèle pour la mise en valeur, par des palmeraies, de sites dis-
posant de ressources hydriques permanentes et accessibles.
990
Les plantes comestibles 5 1
991
5 Agriculture spéciale
● La fumure
Pendant les six premières années, on épand 250 g d’azote sous la couronne des jeunes
palmiers.
992
Les plantes comestibles 5 1
● La récolte et le stockage
Il existe deux modes de récolte : le grapillage, au fur et à mesure de leur maturité, et
la récolte dite totale où le régime est coupé à la base de la hampe fructifère. Un pal-
mier bien entretenu peut produire 60 kg de dattes par récolte.
Pour conserver les dattes dans de bonnes conditions, il faut les entreposer à l’abri,
dans un endroit sec, aéré et sain, sur des claies puis en cagettes. Une pièce au sol
cimenté avec des moustiquaires aux ouvertures fait parfaitement l’affaire. Pour lutter
contre les déprédations aviaires et empêcher les dattes d’être en contact direct avec la
pluie, les phœniciculteurs ont recours à la protection des régimes en utilisant des
nattes, des sacs de polyéthylène, etc.
993
5 Agriculture spéciale
● La production actuelle
La production mondiale s’élève à plus de cinq millions de tonnes et les plus gros pays
producteurs sont l’Egypte (1Mt), l’Iran (900 000 t) et l’Arabie Saoudite (700 000 t). Les
échanges internationaux concernent le dixième de la production mondiale et les prin-
cipaux pays exportateurs sont les Emirats Arabes Unis (195 000 t), l’Iran (108 000 t)
et le Pakistan (79 000 t).
LE PAPAYER
Carica papaya
Anglais : papaw-tree
Espagnol : papaya
Portugais : mamoeiro
Famille des Caricaceae
● La morphologie
C’est un arbre généralement non ramifié dont le tronc, non ligneux et fortement mar-
qué par les cicatrices foliaires, atteint 3 à 9 m de haut. Il se termine par une couronne
de grandes feuilles à sept lobes, longuement pétiolées.
Le papayer est un arbre dioïque, polygame, avec trois types sexuels :
> les plants mâles (fleurs avec étamines), qui ne portent pas de fruits comestibles ;
> les plants femelles (fleurs avec pistils), portant des fruits subsphériques générale-
ment exportables ;
> les plants hermaphrodites, bisexués. Les fruits piriformes sont les plus demandés
par les marchés d’importation.
994
Les plantes comestibles 5 1
● L’écologie du papayer
Le papayer est une plante de climat chaud à pluviométrie abondante. La température
optimum est de 26 à 30°C. Le papayer craint le froid (des températures trop basses
retardent la maturité des fruits et peuvent entraver la fécondation), la chaleur (tem-
pératures supérieures à 32°C) l’inondation et le vent. Très sensible aux vents, la plan-
tation doit être protégée éventuellement par des brise-vent pour éviter le bris des
plants et la contamination par des parasites. Sa culture nécessite une pluviométrie
abondante et bien répartie, de 1 800 à 2 000 mm par an. Au cours des mois de saison
sèche, on doit, si nécessaire, irriguer pour obtenir un total de 150 à 200 mm d’eau par
mois. Le sol doit être humifère et aéré et drainer parfaitement. Il ne faut pas planter
sur des sols lourds et restant humides.
● La culture
Il faut placer le plant en motte, débarrassé de son sachet plastique, dans une légère
cavité creusée au sommet de l’ados, dans le cas d’une préparation mécanique, ou de
la butte issue du rebouchage, dans le cas de la trouaison manuelle. Ensuite, on chausse
la motte avec de la terre de surface prélevée dans les interlignes sans dépasser le
niveau de la terre de la motte, en tassant modérément. On arrose abondamment après
plantation.
● L’entretien de la plantation
● L’irrigation
Les besoins du papayer sont de l’ordre de 150 à 200 mm/mois. Durant la saison sèche,
il est indispensable d’irriguer pour maintenir le potentiel fleur-fruit. Le micro-jet ou
le goutte-à-goutte sont des systèmes intéressants. Il faut veiller à ne mouiller ni le
tronc ni le feuillage. Dans certaines zones, l’irrigation par aspersion sur frondaison
donne de bons résultats du fait de la sécheresse de l’air.
● Le désherbage
Le papayer étant sensible aux herbicides tant que les plants sont jeunes, il faut désher-
ber à la main autour des plants et utiliser un cache pour appliquer les herbicides
(paraquat au début et ensuite, dès que les plants ont six mois, glyphosate à 8 à 10 ml
de produit commercial à 360 g/l pour 10 l d’eau). Ces traitements sont réalisés par
temps calme en absence de vent.
● La fumure
Les épandages sont mensuels. Autour de chaque plant, on épand mensuellement 50
g de 15-5-30 S entre 1 et 6 mois, puis 100 g de 15-5-30 S à partir de sept mois (soit
1 800 kg de 15-5-30 S par hectare pour un an).
La fumure peut être adaptée suivant les résultats des analyses de sol.
1 mois 50
2 mois 75 40
4 mois 100 40
6 mois 100 70
8 mois 100 70
10 mois 125 80 125
12 mois 1 000
14 mois 150 100 125
16 mois 150 100
18 mois 150 100 125
996
Les plantes comestibles 5 1
● La protection phytosanitaire
● Les ravageurs
On reconnaît les nématodes (Meloidogyne Goeldi, Rotylenchulus reniformis) à l’apparition
de proliférations locales de tissus qui ont l’aspect d’un nœud ou d’une galle. La crois-
sance des plants est ralentie et la production fortement réduite. Le traitement consiste
en la rotation des cultures, la désinfection des sols deux mois avant plantation et l’ap-
plication de nématicides en cours de végétation.
De très petite taille, les acariens (Polyphagotarsonemus latus, Tetranychus sp.) sont trans-
portés par le vent et s’installent sur les jeunes feuilles au sommet. Ils détruisent le
bourgeon terminal et peuvent entraîner la mort du papayer. La déformation et la
décoloration des feuilles parasitées sont les symptômes les plus frappants.
La lutte préventive consiste en une protection efficace contre le vent. Dès l’apparition
des premiers symptômes de déformation, on peut réaliser des traitements à deux
jours d’intervalle avec une des matières actives mentionnées dans le tableau 20.
● Les maladies fongiques
L’oïdium (Oïdium caricae) est dû à un champignon qui se développe sur la face infé-
rieure des feuilles en y formant des taches de moisissure blanche. On lutte en enlevant
les vieilles feuilles qui sont attaquées et en traitant tous les quinze jours (voir tableau
20).
Les fruits attaqués par l’anthracnose (Colletotrichum gloeosporioides) présentent des
taches, le plus souvent en cours de maturation. Ces taches sont rondes, légèrement
déprimées, d’un vert plus foncé que le reste du fruit ; elles s’agrandissent et prennent
un aspect cratériforme. L’attaque concerne aussi les pétioles des feuilles sur le point de
faner. Les matières actives efficaces sont mentionnées dans le tableau 20.
Les pourritures des racines, du collet et du tronc sont des affections graves dues à
Phytophthora et au Pythium ; elles entraînent souvent la mort des arbres. Les symptômes
sont :
> les feuilles jaunissent et meurent prématurément,
> les pétioles des feuilles restent courts,
> les fleurs nouent difficilement,
> les fruits formés demeurent petits et ne mûrissent pas. À un stade plus avancé, il ne
reste plus qu’un petit bouquet de feuilles à l’apex de la tige ;
> au niveau du sol, la base du tronc est ramollie et pourrie et les arbres malades tom-
bent facilement.
La prévention passe par la culture du papayer sur des terrains sains non inondables.
Il faut arracher et détruire par le feu les arbres atteints au tronc ou aux racines. En
cas d’attaques foliaires, des traitements à base de Phoséthyl-Al peuvent enrayer la
maladie.
997
5 Agriculture spéciale
● Les viroses
Le papayer est sensible à un grand nombre de viroses dont les plus fréquentes sont :
> le bunchy top, transmis par Empoasca papaya,
> la frisolée jaune ou yellow erinotole, transmise par Orosius argentatus,
> la mosaïque taches annulaires (Ringspot), transmise par les pucerons (Aphis gossy -
pii,...)
> le TSWV, transmis par un thrips.
● La récolte et le rendement
La récolte peut se faire lorsque la coloration entre les carpelles vire au jaune (point
jaune). La récolte débute entre les huitième et dixième mois après la plantation et se
déroule de manière continue jusqu’à vingt ou vingt-deux mois. La récolte se pratique
fruit par fruit. Ceux-ci sont déposés dans des bacs en plastique à une couche afin d’évi-
ter les coulures de latex sur les autres fruits.
Un plant peut donner jusqu’à 35 ou 40 kg de fruits, ce qui représente un rendement
de l’ordre de 60 à 80 t/ha sur vingt-deux mois.
● La production actuelle
La consommation de papaye augmente en Europe, mais très faiblement par rapport
à celle d’autres fruits tropicaux. Les exigences de la distribution en matière de qualité
ne sont pas toujours compatibles avec les caractéristiques du produit : fermeté, délai
de conservation, résistance en rayon… Le marché européen est approvisionné par
deux principales origines : le Brésil et la Côte d’Ivoire.
998
Les plantes comestibles 5 1
● Les annones
Famille des Annonaceae
Nom de l’arbre Nom du fruit Nom anglais Nom espagnol Nom latin
Les annones sont des fruits très appréciés. La chérimole est même considérée comme
l’un des meilleurs fruits du monde. Elles sont généralement consommées à l’état frais,
hormis le corossol qui est transformé en jus ou sorbet. Leur saveur douce s’explique
par des teneurs en sucre élevées, jusqu’à 30 mg/100 g de pulpe pour la pomme can-
nelle. Les fruits sont aussi riches en calcium et en vitamine C. Les feuilles et les fruits
verts sont astringents, ce qui leur confère des vertus médicinales.
Les annones sont originaires des terres basses d’Amérique centrale tropicale, hormis
le chérimolier, qui vient des hauts plateaux et vallées inter-andines du Pérou.
999
5 Agriculture spéciale
● Le babaco
Carica heilbornii-badillo cv. Pentagona
Français, anglais et espagnol : babaco
Famille des Caricaceae
Le fruit du babaco est juteux, acidulé et légèrement parfumé. Il est essentiellement
transformé en jus, sorbets ou en pâtes de fruit. Le babaco est un hybride naturel pro-
venant probablement de la fécondation entre Carica stipulata et C. pubescens (papayer
des montagnes).
C’est une espèce subtropicale (arrêt de croissance à 5°C) donnant de petits « arbres »
qui ne dépassent guère 3 m. Les densités de plantation sont serrées, entre 3 000 et
5 000 pieds/ha. La croissance est relativement rapide et un recépage régulier (tous les
trois ou quatre ans) est nécessaire. La maturation des fruits est lente (huit à dix mois).
1000
Les plantes comestibles 5 1
Nom français de l’arbre Nom du fruit Nom anglais Nom espagnol Nom latin
Hormis la figue de Barbarie, les autres fruits de cactus sont peu connus. Ils ont en
commun une chair rafraîchissante parsemée de petites graines. La saveur dépend de
l’espèce. La figue de Barbarie est épineuse (certaines sélections le sont moins ou sont
totalement inermes) ; elle doit être pelée précautionneusement avant d’être consom-
mée. La couleur du fruit (pulpe et épiderme) varie en fonction de la variété, de jaune
à rouge rosé. Les tiges de certaines espèces d’Opuntia sont également de bons four-
rages pour les animaux.
Les pitahayas (genre Hylocereus) donnent de gros fruits (400 à 800 g), inermes, à
écailles foliacées, de couleur rose ou rouge violacé. La pulpe, parsemée de très petites
graines noires, est blanche (H. undatus) ou rouge (H. purpusii, H. costariscensis) suivant
les espèces. Une autre espèce (Selenicereus megalanthus) porte des fruits épineux à épi-
derme jaune et pulpe blanche ; les épines tombent lorsque le fruit est mûr. Les fruits
du cierge (Cereus) sont parfaitement lisses et globuleux (300 à 400 g). La couleur de
l’épiderme varie (rouge, rose ou jaune) ; la pulpe est blanche, à saveur plus ou moins
prononcée d’abricot.
Tous ces fruits de cactus sont consommés frais ou transformés en jus ou en sorbets. Les
cactus sont généralement rustiques et s’adaptent particulièrement bien aux climats
chauds et secs, voire désertiques pour certaines espèces (Opuntia). Ils supportent
même de petites gelées. Leur multiplication s’effectue par boutures de fragments de
tiges. Elles peuvent être effectuées directement en place, à des distances qui dépen-
dent de l’espèce : tous les mètres pour Opuntia, tous les 2 ou 3 m pour Hylocereus et
Selenicereus (ces espèces sont grimpantes et nécessitent donc un tuteur), tous les 2 ou
3 m également pour Cereus.
1001
5 Agriculture spéciale
S’ils sont irrigués leur croissance peut être rapide et la phase juvénile courte (deux
ans). Les cactus sont peu affectés par les ravageurs et maladies.
Aux densités précédemment citées, les rendements oscillent entre dix et vingt tonnes
de fruits par hectare. Le rendement et la qualité des fruits des Hylocereus peuvent être
améliorés par une pollinisation manuelle des fleurs. Les fruits possèdent générale-
ment de bonnes aptitudes à la conservation (plusieurs semaines à 7-10°C) ; ils sont
attrayants par leur forme et leur couleur originales (Hylocereus et Selenicereus) et appré-
ciés car rafraîchissants ; mis à part les figues de barbarie, les fruits de cactus sont mani-
festement sous-valorisés.
1002
Les plantes comestibles 5 1
Nom français de l’arbre Nom du fruit Nom anglais Nom espagnol Nom latin Famille
Le cerisier de Cayenne Cerise à côte Surinam cherry Pitanga Eugenia uniflora L. Myrtaceae
Le cerisier du Brésil Brasilian cherry Grumichama Eugenia brasiliensis Lam. Myrtaceae
Le cerisier des Antilles Acerola Barbados cherry Cereza Colorada Malpighia punicifolia L. Malpighiaceae
Comme les véritables cerises, ces fruits sont extrêmement fragiles après la récolte. Les
saveurs sont très différentes d’une espèce à l’autre. La cerise du Brésil, au goût agréa-
blement sucré-acidulé, rappelle celui de la cerise des régions tempérées (Prunus
avium). Tandis que la saveur de la cerise de Cayenne est à la fois acidulée, aromatique
et épicée. Enfin, la pulpe de la cerise des Antilles est plutôt aigrelette. Ces cerises sont
consommées à l’état frais, bien mûres et sont souvent transformées (gelées, sorbets,
boissons). La cerise des Antilles est un des fruits les plus riches en vitamines C (entre
2 000 et 2 800 mg pour 100 g de pulpe ; à titre indicatif le citron n’en contient que
60 mg). Cette qualité lui offre d’ailleurs de réelles perspectives en pharmacopée.
Originaires de l’Amérique tropicale, ces espèces affectionnent particulièrement les
climats chauds et humides. Cependant le cerisier des Antilles peut supporter ponc-
tuellement de faibles températures (5°C). Ces arbres sont peu exigeants quant à la
nature du sol, pourvus qu’il draine bien.
Les cerisiers sont généralement multipliés par semis. Les variétés sélectionnées sont
par contre greffées ou bouturées. Le cerisier des Antilles compte deux groupes de cul-
tivars, l’un acide (Maunawili, Beaumont), l’autre doux (Manoa sweet, Tropical ruby). Les
densités de plantation varient en fonction de l’espèce. Le cerisier du Brésil a un type
de croissance plutôt arborescent : 5 à 7 m entre les arbres sont donc préconisés. Les
cerisiers de Cayenne et des Antilles sont arbustifs et peuvent être conduits en haie frui-
tière de 2 x 5 m. À ces densités, les rendements oscillent entre dix et vingt tonnes de
fruits par hectare.
Ces cerisiers sont peu affectés par les maladies et ravageurs, et ceux-ci ne pas spéci-
fiques à ces espèces. Cependant, en Floride, il existe de sérieux problèmes liés aux
nématodes (Meloidogyne incognita).
1003
5 Agriculture spéciale
Les fruits sont très fragiles et demandent, dès la récolte, un conditionnement spéci-
fique pour éviter des pertes trop importantes. La teneur en vitamine C des cerises des
Antilles diminue avec l’avancement de la maturation du fruit ; elle est à son maximum
quinze jours après la nouaison. Ces cerisiers produisent des fruits de qualité, malheu-
reusement difficiles à valoriser en frais en dehors des zones de production. Seule la
transformation permet une réelle valorisation de ces espèces.
● Le durian
Durio zibethinus Murray
Anglais : durian
Famille des Bombacaceae
Le durian est un gros fruit pouvant peser jusqu’à 5 kg. Son odeur est forte et persis-
tante ; son goût est plus encourageant, entre le caramel et la vanille. Ce fruit est prin-
cipalement mangé frais et les Asiatiques le considèrent comme le roi des fruits tropi-
caux (le mangoustan étant leur reine). La culture du durian mais aussi sa
consommation ne se cantonnent d’ailleurs qu’à cette zone géographique (la
Thaïlande, l’Indonésie et la Malaisie sont les principaux pays producteurs).
Le durian affectionne les climats chauds (> 22°C) et humides (> 1500 mm d’eau/an).
Les variétés sont nombreuses et multipliées par greffage sur des plants issus de semis
(pouvoir germinatif faible, entre trois et huit jours). Les arbres doivent être espacés
d’au moins 8 m compte tenu de leur fort développement. La phase juvénile des arbres
est longue (sept à douze ans).
1004
Les plantes comestibles 5 1
1005
5 Agriculture spéciale
Elle se multiplie facilement par boutures. Une taille régulière des arbres est nécessaire
pour sa conduite en buisson et pour favoriser le démarrage de nouvelles branches qui
porteront la fructification de l’année. Les figuiers sont attaqués par quelques mala-
dies : le pourridié et le Cercospora sont notamment à craindre.
Nom français de l’arbre Nom du fruit Nom anglais Nom espagnol Nom latin
Tous les fruits de la passion sont consommés crus. Dans les grands pays producteurs,
leur transformation en jus est cependant quasi généralisée. Ce dernier est conservé
concentré et congelé et sert à la préparation de gelées, de sorbets, de glaces et de cock-
tails. Les feuilles de passiflores ont des vertus émétiques4, tandis que les graines sont
aussi riches en huile que celles de tournesol. Les différentes espèces et variétés de
fruits de la passion se reconnaissent facilement par leur couleur, leur forme et leur
saveur.
On distingue deux types de Passiflora edulis : l’un à épiderme violet, l’autre à épiderme
jaune avec des lenticelles blanches (P.edulis cv. Flavicarpa). Ce dernier, plus gros et plus
acide, convient généralement mieux à la transformation. La barbadine ressemble
quant à elle plus à une cucurbitacée qu’à un fruit de la passion. Elle est de grande
taille, l’intérieur est cependant identique aux passiflores (pulpe sucrée et acidulée
contenant de petites et nombreuses graines). La curuba ressemble extérieurement à
une petite banane, l’arille est de saveur subacide et très parfumée (ce fruit est essen-
tiellement transformé en jus). La saveur de la grenadille est beaucoup moins acide que
celle de ses cousines précédemment décrites ; son arille est très parfumé et très sucré.
Les régions d’origine des différentes espèces conditionnent étroitement les possibilités
d’adaptation écologique de ces dernières. Ainsi, P. ligularis et P. mollissima se plairont
plutôt en zones subtropicales, la curuba supportant même de petites gelées (- 2°C) tan-
dis que P. edulis cv flavicarpa et P. quadrangularis affectionnent les climats chauds et plus
ou moins humides. La variété à épiderme violet de P. edulis est beaucoup plus rustique
et s’acclimate aussi bien à des écologies chaudes que fraîches.
Différentes techniques de multiplication sont utilisées : semis, bouturage ou greffage.
Pour les variétés sélectionnées de P. edulis, le greffage est préféré et réalisé sur P. edu -
lis cv. Flavicarpa de semis, plus tolérant aux pathogènes de la maladie du collet. La cul-
ture des fruits de la passion nécessite un palissage. Les densités de plantation varient
de 300 à 1 000 plants par hectare.
1006
Les plantes comestibles 5 1
Les sols riches, profonds et surtout drainant bien sont à privilégier. En culture, une
taille d’entretien et de fructification est indispensable afin de favoriser le développe-
ment de rameaux de l’année d’où sortiront les boutons floraux.
Les premiers fruits apparaissent six à neuf mois après la plantation. Les récoltes
deviennent régulières à douze ou seize mois. Les rendements varient beaucoup en
fonction de l’espèce et de la variété : en moyenne de 10 à 20 t/ha. Certaines variétés,
par leurs caractéristiques florales et un manque de pollinisateurs efficaces, nécessitent
de pratiquer une pollinisation manuelle pour augmenter leur rentabilité (P. quadran -
gularis et P. edulis cv. Flavicarpa et hybride de cette dernière avec P. edulis à épiderme
violet). Il suffit pour cela de prélever les étamines des fleurs et de les appliquer sur les
trois stigmates (de la même fleur ou d’une fleur voisine, selon les variétés) pour les
féconder.
Des maladies cryptogamiques (Phytophthora spp, Fusarium) et virales (woodiness
disease) sont à craindre. De nombreux ravageurs causent également des dégâts
(nématodes, acariens, cochenilles, charançons, pucerons…).
Les différentes espèces de passiflores présentent de nombreux avantages : rentabilité,
phase juvénile courte, conservation des fruits facile, valorisation industrielle… Seules
les contraintes phytosanitaires importantes en écologies très humides peuvent freiner
leur développement.
● Les goyaviers
Ffamille des Myrtaceae
Le goyavier (fruit : goyave)
Psidium guajava L.
Anglais : guava
Espagnol : guayaba
Le goyavier-fraise
Psidium cattleianum Sabine
Anglais : cattley guava
Espagnol : guayaba de fresa
La fragilité des fruits des différentes espèces de goyaviers limite bien souvent leur
consommation en frais aux lieux de production. Par contre, une industrie de trans-
formation active existe, notamment pour la goyave. Toutes sortes de produits sont
confectionnés, jus pur ou en mélange, nectars, sirops, gelées, pâtes de fruit, etc. La
goyave a généralement une saveur douce, musquée et très aromatique tandis que celle
de la goyave-fraise est sub-acidulée mais toujours très aromatique. Si le goyavier-fraise
est encore très peu cultivé, le goyavier est une espèce fruitière très populaire dans de
nombreux pays (sub)tropicaux ; notamment en Amérique (centrale et du Sud), en
Inde et en Thaïlande.
Il existe de nombreuses variétés de goyaves : environ 150 sont dénombrées à travers
le monde. Elles sont principalement d’origines brésilienne, hawaïenne et américaine).
Certaines sont piriformes, d’autres plus rondes. Leur peau est généralement de cou-
leur jaune à maturité et la pulpe peut être de couleur blanche, rose, rouge ou jaune
1007
5 Agriculture spéciale
clair. Les goyaves sont riches en vitamines C (200 à 250 mg suivant les cultivars, l’en-
vironnement et les techniques culturales). Deux variétés de goyave-fraise sont connue ;
elles se distinguent par la couleur de leur épiderme ; l’une est rouge, l’autre est jaune.
La reproduction facile par graines des goyaviers a très largement contribué à la diver-
sité variétale actuelle (seulement 70 % des plants issus d’un semis retransmettent fidè-
lement les caractéristiques du pied mère). Afin de garantir les qualités des variétés
sélectionnées, la multiplication végétative est donc obligatoire (le bouturage est pré-
féré au greffage).
Les goyaviers prospèrent sous des climats variés, tropicaux, subtropicaux et méditer-
ranéens. Ils sont indifférents à la nature du sol tant que celui-ci est humide et bien
drainé. Ils s’accommodent des zones où la pluviométrie oscille entre 1 000 et 4 000
mm/an (1 500 mm/an étant l’optimal) et où les températures sont comprises entre 15
et 32°C (les jeunes arbres gèlent à - 2°C). Cette rusticité contribue à la naturalisation
de ces espèces dans les régions où elles sont introduites.
Les densités de plantation dépendent de la variété, mais aussi de l’écologie. Elles sont
de l’ordre de 150 à 250 arbres par hectare pour le goyavier mais beaucoup plus ser-
rées pour le goyavier-fraise (1,5 x 4 m, sous forme de haies fruitières). La fructifica-
tion commence trois à quatre ans après le semis, plus tôt si les plants sont issus de bou-
tures. Les goyaviers ont une durée de vie courte (quinze à vingt-cinq ans). La taille des
goyaviers a pour objectif de limiter le développement des arbres afin de faciliter les
autres opérations culturales. La réaction du goyavier à la taille se traduit bien souvent
par une émission de pousses florifères. Les floraisons peuvent être déclenchées par
des apports d’azote, ce qui permet de prévoir plus facilement les récoltes (délais flo-
raison-récolte de cent à deux cent vingt jours en fonction des écologies). Les goyaviers
sont sensibles à de nombreux parasites ; ils ne lui sont généralement pas spécifiques.
Les différentes mouches des fruits causent d’importants dégâts dans certaines régions.
Les rendements peuvent atteindre 20 à 40 t/ha pour le goyavier et 10 t/ha pour le
goyavier-fraise. Les fruits ne se conservent que quelques jours à 8-10°C. Cette durée
peut être allongée grâce à des emballages adaptés en polyéthylène (deux semaines).
Les goyaviers produisent des fruits de qualité (de grande valeur nutritionnelle) mais
malheureusement hautement périssables, ce qui les rend difficiles à valoriser en
dehors des zones de production, du moins en fruits frais.
1008
Les plantes comestibles 5 1
● Le jamblong
Syzygium cumini (L.) Skeels
Anglais : jambolan
Famille des Myrtaceae
Le jamblong est consommé à l’état mûr et frais ou après trempage dans l’eau salée. Au
fur et à mesure que la maturité avance, l’astringence du fruit disparaît. En Inde, il est
utilisé pour la préparation de vin et de vinaigre. Les graines ont un usage médicinal.
L’arbre, de grand développement (20-30 m), est résistant aux vents (utilisation en
brise-vent) et est parfois associé au caféier (arbre d’ombrage). Cette espèce affectionne
les climats chauds et moyennement humides (1 000-2 000 mm/an). Elle se multiplie
généralement par semis, plus rarement par marcottage (ou greffage).
1009
5 Agriculture spéciale
Même s’il existe une grande diversité liée aux populations d’arbres de semis, peu de
variétés sélectionnées sont connues. Des distances de plantation de 8 à 10 m entre
arbres doivent être respectées. Un jamblong adulte (sept à huit ans pour les francs)
peut porter jusqu’à 100 kg de fruit. Hormis les mouches des fruits, peu de maladies
ou ravageurs affectent cette espèce.
Le jamblong est très populaire dans les régions de production ; son fruit fait parfois
l’objet d’une commercialisation sur les marchés. Ce dernier est cependant très fragile
et hautement périssable. La transformation semble être le seul créneau de valorisation
potentiel (jus ou vin).
1010
Les plantes comestibles 5 1
Le longanier est moins exigeant que le litchi sur le plan climatique ; il résiste mieux à
la sécheresse et aux températures basses. Deux à trois mois à 15-22°C lui sont
d’ailleurs nécessaires pour induire une bonne floraison. De nombreuses variétés amé-
liorées existent ; elles sont multipliées par greffage ou par marcottage. Elles sont sélec-
tionnées principalement sur le pourcentage de partie comestible du fruit.
Les porte-greffes sont issus de graines, lesquelles ont un pouvoir germinatif très court
(sept à dix jours). Selon les écologies, des distances minimales de plantation de 7 à 10
m entre arbres doivent être respectées. À dix ans, un arbre peut porter jusqu’à 190 kg
de fruit. Ce fruit est encore peu connu en dehors de sa zone de production ; sa courte
durée de vie après récolte l’empêche d’être mieux valorisé en fruit frais.
● Le naranjille
Solanum quitoense Lam
Anglais : Escador’s naranjille
Espagnol : lullo
Famille des Solanaceae
Le fruit, orange vif ou jaune d’or, est recouvert de petits poils. La pulpe du fruit est
translucide, juteuse et de couleur verdâtre. Elle est très aromatique (entre la fraise et
l’ananas) et de saveur douce acidulée. Des boissons, des confitures et des pâtisseries
peuvent être confectionnées à partir de cette pulpe.
1011
5 Agriculture spéciale
C’est un arbuste semi-herbacé pouvant atteindre 2,50 m de hauteur. Ses feuilles sont
caractéristiques, de couleur verte avec des nervures violacées dessus et de couleur
blanche ou violacée dessous. Deux groupes de variétés existent, l’un adapté à des
climats subtropicaux (S. quitoense var. septentrionale) et l’autre à des zones plus chaudes
(S. quitoense var. quitoense).
La multiplication se fait par graines, par boutures ou par greffage. Celui-ci est réalisé
sur S. torvum ou S. macranthum, espèces réputées résistantes aux nématodes (la naran-
jille y est très sensible). La plantation peut être réalisée à haute densité (2 m x 1,70 m).
Des rendements de 3 à 5 kg de fruits par arbre peuvent être obtenus (9 à 15 t/ha).
Hormis les nématodes et les aleurodes, peu de ravageurs sont encore répertoriés.
Cette espèce est manifestement méconnue, seuls quelques pays sud-américains s’y
intéressent véritablement. La transformation industrielle en jus devrait lui assurer un
bon avenir.
1012
Les plantes comestibles 5 1
Le noyer du Queensland Queensland nut Nuez de macadamia Macadamia ternifolia F. Muell Proteaceae
Macadamia
Le noyer du Brésil Para nut Nuez de Brasil Bertholletia excelsa Humb. & Lecythidaceae
Noix du Brésil Bonpl.
Le pacanier Pecan Pacana Carya illinoinensis (Wangenh) Juglandaceae
Noix pacane C.Koch
Le badamier Tropica ou India Almendron Terminalia catappa L. Combretaceae
Amande des Antilles
Les différentes espèces de noix tropicales sont caractérisées par des teneurs en matière
grasse élevées. C’est la noix du Queensland qui en contient le plus (78 %).
Le badamier
Le fruit du badamier (Terminalia catappa) a une peau tendre et une fine couche de
chair comestible au goût sub-acide (vert, ce fruit peut être utilisé comme un corni-
chon). En dessous, une coque épaisse à l’aspect de liège contient l’amande des Antilles,
difficile à extraire. Elle est de saveur douce et agréable rappelant la noisette. Cette
amande donne une huile de qualité présentant l’avantage de ne pas rancir.
Le macadamia
La coquille entourant l’amande du macadamia (Macadamia ternifolia) est extrêmement
dure et épaisse, difficile à casser. L’amande, de saveur douce et fine, a une très grande
valeur nutritive (huile, calcium, phosphore et vitamine B1) et contient 9 % de pro-
téines et d’hydrates de carbone. Elle est généralement consommée telle quelle.
Certaines confiseries américaines la valorisent en l’enrobant de chocolat. Le noyer de
Queensland est aujourd’hui cultivé à grande échelle dans de nombreux pays
(Australie, Hawaii, Afrique du Sud…).
La noix du Brésil
L’amande de la noix du Brésil (Bertholletia excelsa) a le goût de la noix de coco sans
avoir une saveur aussi marquée. Elle est riche en énergie, en matière grasse (65 %), en
phosphore et en acides aminés soufrés. Elle rancit facilement. Les amandes sont enfer-
mées dans une coque triangulaire, marron, coriace. Ces coques sont elles-mêmes
logées au nombre de vingt-cinq à quarante au sein d’un gros fruit de 2 à 3 kg, indé-
hiscent, à paroi très épaisse et dure. Ce noyer est un des plus grands arbres de la forêt
vierge de l’Amérique du Sud tropicale. Le Brésil est le principal pays producteur et
exportateur de noix du Brésil.
Le pacanier
Le fruit du pacanier (Carya illinoinensis) est allongé, de 3 à 4 cm de long. Il renferme
une noix lisse, brune, recouverte d’une coque mince qui se casse facilement entre les
doigts. Cette noix contient une amande, de saveur douce et agréable, rappelant la
noix d’Europe. Elle est consommée crue, séchée ou utilisée en confiserie.
1013
5 Agriculture spéciale
Elle est très digeste. Le pacanier fait l’objet d’une culture intensive dans certains pays,
notamment aux Etats Unis.
Le badamier et le noyer du Brésil sont des espèces purement tropicales, les arbres ont
généralement un grand développement, certains sujets pouvant dépasser 50 m de
haut. Le badamier n’est généralement pas cultivé pour son fruit, ce dernier étant sous-
valorisé. Sa valeur ornementale (arbre d’ombrage) et son bois contribuent à sa diffu-
sion. Le noyer du Queensland s’adapte à de nombreuses écologies, aussi bien tropi-
cales que subtropicales (des températures inférieures à 18 °C sont cependant
nécessaires pour l’induction florale). Les exigences du pacanier sont strictement celles
d’une espèce de climat subtropical. Les références agronomiques sur le badamier et le
noyer du Brésil étant quasi inexistantes, nous n’aborderons que les techniques de cul-
ture du pacanier et du noyer du Queensland.
La multiplication par semis de ces espèces est à réserver à la production de porte-
greffes. De très nombreuses variétés existent aussi bien pour le pacanier que le maca-
damier ; elles sont multipliées par greffage (fente simple ou à l’anglaise compliquée).
Même en conditions optimales, la croissance du pacanier est lente : phase juvénile
entre six et huit ans pour des arbres greffés, au-delà de dix ou douze ans pour des
arbres de semis. Le noyer du Queensland a une croissance plus rapide : des premières
fructifications à l’âge de quatre ans peuvent être obtenues. Les distances de plantation
entre arbres dépendent de la climatologique mais aussi des variétés (les ports des
arbres varient beaucoup). Des espacements de 10 m sont communs ; les macadamiers
peuvent être cependant plantés plus serrés (5 x 7 m). Des tailles régulières sont abso-
lument nécessaires pour limiter le développement des arbres en hauteur et augmen-
tent leur productivité.
Les maladies et ravageurs du macadamier sont nombreux : près de cent cinquante ont
été dénombrés dans les pays producteurs. Ils s’attaquent à toutes les parties de la
plante mais aucun ne semble être incurable. Les fruits sont généralement ramassés à
terre, manuellement ou mécaniquement. L’exploitation des noix du Queensland
nécessite une industrialisation, la coque étant trop dure pour une vente telle quelle.
La noix de pacane n’a pas cet inconvénient. Ces espèces ont une très bonne valeur
commerciale, et le marché international des noix est loin d’être saturé.
● Le palmier pêche
Guilielma gasipaes Bailey
Anglais : peach-palm
Espagnol : pejibaye
Famille des Arecaceae
Le palmier pêche est intéressant pour plusieurs raisons : d’une part, les fruits et le
cœur sont comestibles et, d’autre part, c’est un palmier multipliant : la coupe d’un des
troncs pour exploiter le cœur n’entraîne pas la mort entière de l’arbre (à la différence
d’autres palmiers cultivés pour leur cœur). Le fruit, très énergétique, se consomme
cuit dans de l’eau salée. Sa saveur rappelle celle de la châtaigne. L’amande est consom-
mée crue ou cuite (goût de noix de coco). Cette espèce est surtout connue pour son
excellent cœur de palmier, le palmito. L’exploitation industrielle de ce dernier est très
importante dans certains pays, comme le Costa Rica.
1014
Les plantes comestibles 5 1
1015
5 Agriculture spéciale
Le jamalac ne porte ses fruits qu’au bout de sept ans, plus tôt si le plant est issu d’une
marcotte. Les distances de plantation doivent être lâches compte tenu du développe-
ment important de l’arbre (8 m x 10 m). Des rendements de 20 à 85 kg de fruits par
arbre sont rapportés en Asie. Cette espèce, populaire mais jusqu’ici peu étudiée, ne
semble avoir d’intérêt qu’en tant qu’arbre de jardin dont les fruits sont parfois vendus
sur les marchés locaux.
● La pomme-rose ou jambrosade
Syzygium jambos (L.) Alston
Anglais : roseapple
Espagnol : pomarosa
Famille des Myrtaceae
Le jambrosade donne des fruits sucrés, avec un goût de rose très prononcé. Les fruits
peuvent servir à la confection d’eau de vie à odeur de rose surprenante. L’écorce de
cet arbre passe pour être astringente ; quelques vertus médicinales lui sont attribuées
(tonique, diurétique). C’est une espèce mellifère.
Le jambrosade préfère les climats chauds et humides ; il peut néanmoins s’adapter à
des climats plus secs mais aussi plus frais (subtropicaux). C’est un arbre de taille
moyenne, atteignant 10 m de hauteur. Il se multiplie aisément. Tombées au sol, ses
graines germent facilement et la souche produit de nombreux rejets. L’humus qu’il
produit possède des propriétés inhibitrices empêchant la régénération des plantes
indigènes (dans les contrées où il a été introduit, le jambrosade est souvent considéré
comme une peste végétale). Les espacements de plantation doivent être compris entre
5 et 6 m. Les arbres de semis commencent à produire vers quatre ou cinq ans. Ils pro-
duisent a priori peu (une seule référence : 2 kg/arbre/an en Inde).
Le fruit est très fragile et ne se conserve que quelques jours. Ces caractéristiques sem-
blent limiter les possibilités de valorisation de cette espèce, du moins en fruit frais.
1016
Les plantes comestibles 5 1
Les trois espèces ont un fort développement ; certains arbres peuvent dépasser 25 m
de haut, dans des conditions optimales de croissance (climat chaud et humide). Ce
caractère gêne considérablement les opérations de récolte. Un étêtage permet de limi-
ter la hauteur des arbres tout en favorisant le développement de branches latérales.
Une variété naine de pommier de Cythère existe : les arbres n’atteignent guère les
deux mètres à l’âge adulte mais les fruits sont plus petits (- 30 % par rapport aux
autres variétés). Les différentes variétés de pommier de Cythère sont généralement
multipliées par semis, le caractère nain étant stable. Les pruniers peuvent aussi être
multipliés par semis. Cependant les graines de certaines variétés de S. purpurea sont
stériles et les meilleures variétés sont greffées ou bouturées.
1017
5 Agriculture spéciale
Cette espèce affectionne les climats chauds à pluviométrie assez bien répartie. Il résiste
bien au vent et tolère les embruns. Les jeunes arbres ont besoin d’un arrosage abon-
dant durant la saison sèche. Deux groupes de variétés existent selon la forme ronde
ou ovale du fruit. Les nombreuses sélections indonésiennes ou australiennes sont mul-
tipliées par marcotte ou par greffage (porte-greffes issus de semis). Pour le greffage,
les jeunes plants doivent être conditionnés en incisant l’écorce juste au-dessus de l’en-
droit où la greffe sera effectuée, de manière à laisser s’écouler le latex avant l’opéra-
tion. La croissance de l’arbre est assez lente ; les marcottes et les plants greffés com-
mencent à produire vers cinq ans.
Les très bonnes qualités organoleptiques de ce fruit pourraient offrir à cette espèce de
réelles perspectives de développement. Seule sa méconnaissance est aujourd’hui un
frein.
1018
Les plantes comestibles 5 1
C’est une espèce rustique qui s’adapte à de nombreuses écologies. Les climats subtro-
picaux lui conviennent cependant mieux (des températures nocturnes basses influent
directement sur la qualité des fruits). Le feuillage gèle à - 3°C. C’est une espèce qui
nécessite des sols légers et bien drainés.
L’arbre à tomate est le plus souvent multiplié par semis. Cependant, les variétés sélec-
tionnées le sont par bouturage. Les arbustes obtenus forment des buissons de 3 à 5 m
et fructifient après un an et demi. Leur durée de vie n’excède pas dix ans. Les densi-
tés de plantation sont comprises entre 1 000 et 1 700 plants/ha (1,5-2 m x 4-5 m).
Quelques ravageurs (nématodes, pucerons…) et maladies (Phytophthora, Pseudomonas
syringae, mosaïques virales…) affectent cette espèce. Les maladies virales sont particu-
lièrement importantes compte tenu du mode de multiplication de l’espèce.
Les rendements peuvent atteindre rapidement 20 t/ha. Les fruits ne se conservent que
quelques jours à température ambiante mais deux à trois mois à 3,5-4,5 °C.
1019
5 Agriculture spéciale
L’ananas
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1021
5 1 6 Les légumes
À partir des contributions de A. Caburet, P. Daly (CIRAD),
H. de Bon (CIRAD), J. Huat (CIRAD), C. Langlais (CIRAD),
J.P. Lyannaz (CIRAD), P. Ryckewaert (CIRAD)
1023
5 Agriculture spéciale
1024
Les plantes comestibles 5 1
Nom de la culture Poids du Nombre Longévité Durée Profondeur Cycle Poids de Rendement
litre de de graines moyenne germination du semis (jours) semences de (kg/are)
graines (g) dans 1 g en ans (1) (jours) (mm) culture (g/are)
(2)
Arachide 400 2-3 1 5-6 100-140 600 15-30
Aubergine 500 250 6 8-15 12 140-160 3P 150-400
Betterave 250 50 6 6-8 5-10 90-120 100-150 100-250
Carotte 350 900 4-5 4-6 12 65-90 40-60 100-300
Céleri 480 2500 8 20 2-3 150-190 1-3 P 200-500
Chicorée 340 600 10 2 12 80-120 2-10 P 80-200
Choux cabus 700 300-375 5 3-6 6-12 100-150 15-30 P 100-400
Concombre 500 35 10
«des Antilles» 550 130 6 3-6 12-20 80-120 20-30 100-200
Courge 400-425 3-6 6 4-8 18 130 20-30 100-200
Courgette 400-425 3-6 6 4-8 18 130 20-30 200-500
Cresson Alénois 730 450 5 2 surface 120-300 100
Cresson de fontaine 580 4000 4 6-8 100-200 par coupe
Cumin de Malte 350 250 1
Fève 620-750 0,4-0,5 6 4-5 30-40 90 3 000 400-500 (gousses)
20-30 (graines)
Gesce 750 4 5 120-250
Gombo 620 15-18 5 8 20 80-100 30-40 40-80
Haricot 625-850 0,75-0,80 3 2-3 20-30 75 (vert) 1000 20-70 (vert)
120 (sec) 10-20 (sec)
Dolique 770 500-650 3
Laitue 430 800 5 2-5 6-12 60-90 5-10 P 80-200
Lentille large 790 14 4 6-10 1000 10-15
Mâche d’Italie 280 1000 4 6-8 surface 60-80 50
Maïs sucré 640 4-5 2 6-8 25 60-90 300 100
Melon 360 35 5 5-8 12-20 110-150 20-30 60-150
Melon d’eau 460 5-6 6 6-8 20 10-30 200-400
(pastèque)
Navet 670 450-700 5 2-3 12 50-80 25-40 100-200
Oignon 500 250 2 7-15 10 110-130 40-60 P 200-300
Oseille 650 1000 4 5-6 8-10 15 P 200 par coupe
Pak Choï 700 300 5 3-4 65-85 30 P
Persil 500 600 3 15 6-12 65-85 40-60 200-250
Pe Tsaï 700 300 5 3-4 400-600
Pissenlit 270 1200/1500 2 8-10 2P 200-250
Poireau 550 400 3 5-15 12 120-150 60 P 100-300
Pois 700-800 2-6 5-8 35-50 105-120 2000 100 l(cosses)
135 (sec) 20/30 kg (sec)
Pois chiche 780 3 7-15 30-40 2000
Poivron 450 150 4 8-10 12 125-150 3-10 P 50-200
Pourpier 610 2500 7 4-5 500-600 150-250
Radis rose 700 120 5 2 12 18-25 250-500 150-300
Radis gris 6 12 50-105 150 200-700
Salsifis 250 100 2 8 12 170-200 100-120 100-200
Scorsonère 260 90 2 15 12 170-200 100-150 150-200
Soja 725 78 2 6-7 90-95 750-1000 20-30
Tétragone 225 10-12 5 8-15 160-180 30-50 200
Tomate 300 300-400 4 4-6 6-12 110-160 3-5 P 60-300
(1) En condition de conservation normale, sous climat chaud et humide, les graines stockées perdent rapidement (en quelques mois) leur faculté
germinative.
(2) Quantités approximatives variables suivant les densités et le système de culture adoptés, nécessaires pour semer un are ou pour produire en
pépinière (P) les plants nécessaires à la plantation d’un are.
1025
5 Agriculture spéciale
L’AIL
Allium sativum L.
Anglais : garlic
Espagnol : ajo
Portugais : alho
Famille des Liliaceae
● La plante
L’ail est un condiment originaire d’Asie centrale qui doit sa saveur à la présence d’al-
licine, substance bactéricide, fongicide et nématicide encore peu exploitée. Ces pro-
priétés ne résistent pas à la cuisson, sauf l’action insecticide. On le cultive sur tous les
continents.
C’est une espèce vivace dont le bulbe se compose de six à dix caïeux, séparés les uns
des autres par des tuniques sèches (résidus des gaines foliaires). La hampe florale peut
se développer ou non, mais elle ne fleurit pas (les fleurs avortent). On la coupe en
général pour favoriser le développement du bulbe.
Les variétés tempérées ont besoin, pour renfler leurs bulbes, de jours longs (quatorze-
quinze heures) précédés d’une période froide. Chez les variétés tropicales, ces exi-
gences sont moins accusées. On peut les classer en trois groupes principaux :
> variétés traditionnelles d’Afrique de l’Est (ramification tropicale de l’ail rose espa-
gnol à hampes florales), très aromatiques, caïeux rouge vineux, bulbes très petits ;
> variétés tropicales de montagne (Mexique, Pérou, Thaïlande) à gros caïeux
mauves ou violets, ayant conservé un léger besoin de froid (altitude optimale 1 000-
2 000 m) ;
> variétés sud méditerranéennes et tropicales de plaine, à besoin de froid faible ou
nul, à bulbes composés de nombreux petits caïeux. Une variété de ce type d’origine
égyptienne, Ramsès, est multipliée en France pour l’exportation de bulbes de
semences.
La croissance de l’ail est optimale vers 12-16°C. Il supporte mal des températures noc-
turnes supérieures à 17-18°C. Les climats propices se situent à des latitudes de
20-25°C ou au-dessus de 900 m plus près de l’Equateur.
● La culture
On plante les caïeux tuniqués, la pointe en l’air, affleurant à la surface du sol (environ
10 kg par hectare). Des caïeux conservés au froid (0 à 5°C) peuvent donner une pro-
duction à bulbes éclatés. À l’inverse des caïeux conservés à une température élevée
peuvent donner une récolte de bulbes peu remplis. La dormance des caïeux peut être
rompue par un passage de vingt cinq jours à 5-10°C. Les caïeux doivent être
désinfectés (fongicide et insecticide) avant la plantation. Les distances conseillées sont
de 8 sur 25 cm en milieu tropical et 10 sur 40 cm en milieu tempéré.
La fumure préconisée pour un hectare à la Réunion est de 100 P2O5 et 240 K2O avant
la plantation et 100 N à la levée des plantes ou une tonne de 10-20-20 avant la plan-
tation.
1026
Les plantes comestibles 5 1
Le cycle végétatif, sous les tropiques, est de cent vingt à cent soixante jours, selon les
variétés et les températures (il s’allonge lorsque la température descend).
La culture doit être désherbée, de préférence avec des herbicides, pour ne pas abîmer
les plants.
L’ail est sensible, comme l’oignon et l’échalote, à l’alternariose du feuillage et à la mala-
die des racines roses. Les variétés traditionnelles sont infectées en totalité par plu-
sieurs virus dont le plus grave est l’OYDV. Son élimination par culture de méristèmes
permet d’obtenir des clones dont le rendement est amélioré de 50 à 100 %.
La maturité est atteinte quand les feuilles se dessèchent. Les bulbes sont séchés au
soleil après l’arrachage. Les rendements sont de 10 t/ha à 800 m d’altitude à la
Réunion.
LES AMARANTES
Amaranthus spp.
Anglais : amaranth
Espagnol : amaranto
Portugais : bredo, carurú
Famille des Amaranthaceae
● La plante
L’amarante est une plante herbacée vivace d’origine tropicale, utilisée comme épi-
nard.Cette plante ne fait pas l’objet d’échanges internationaux, mais tient une place
importante dans l’alimentation des peuples des zones côtières du golfe de Guinée
(Bénin, Nigéria, Congo, République démocratique du Congo).
Il en existe de nombreuses formes sauvages et différents types d’amarante sont culti-
vés : le type indien (Tampala spinach, A. tricolor), le type africain (A. hybridus) et le type
antillais (A. viridis L., A. dubius Mart.). L’amarante africaine a de grandes feuilles lisses
et des inflorescences ramifiées vertes ou rouges. Les graines sont très petites.
Les amarantes sont adaptées au climat tropical et peuvent être cultivées jusqu’à
1 500m d’altitude. Peu exigeantes quant au sol, elles préfèrent cependant les sols
légers.
Les amarantes sont plus riches en matière sèche que la baselle (B. alba). Comme celle-
ci, elles ont une photosynthèse de type C4, qui engendre une forte production de
matière sèche et de protéines par unité de surface.
1027
5 Agriculture spéciale
● La culture
● La plantation et l’entretien
La multiplication se fait par semis en pépinière (2g/m2) légèrement ombragée. Les
graines doivent avoir plus de quinze jours. Les plants restent deux à trois semaines en
pépinière, jusqu’à ce qu’ils atteignent 5 cm de haut. La densité de plantation dépend
de la date de récolte prévue :
> pour une récolte vingt jours après le repiquage, les plants sont espacés de 10 cm
(100 plants/m2) ;
> pour des récoltes échelonnées (première récolte à vingt jours, puis deux récoltes à
quinze jours d’intervalle), ils sont repiqués à une distance de 20 cm ;
> pour des récoltes plus tardives, les plants sont plantés à 20 cm sur des lignes espa-
cées de 40 cm.
Un léger ombrage peut s’avérer nécessaire les deux premiers jours.
Il est fortement recommandé d’apporter une fumure organique avant la plantation
(20 à 50 kg de fumier/m2 au Bénin), la plante valorisant bien les apports d’engrais. On
peut également apporter 100 g de 12–12–24/m2. Une fertilisation azotée en cours de
croissance favorise la formation du feuillage.
Un apport d’eau régulier est nécessaire (arrosage deux fois/jour).
Les tiges d’amarante sont très sensibles aux pourritures (Pithium, Choanephora).
L’espèce A. dubius est moins sensible que A. hybridus. Il est important de récolter par
temps ensoleillé pour que les sections de tige puissent sécher. Le feuillage des ama-
rantes est fréquemment colonisé par des chenilles. Les racines sont résistantes aux
nématodes à galles.
● La récolte
La récolte a lieu trois à six semaines après le repiquage. À la récolte, les plants sont
arrachés, lavés et conservés dans l’eau jusqu’à la commercialisation (dans les deux
jours). Les rendements peuvent atteindre 25 t/ha pour une seule récolte à vingt jours,
50 t/ha pour plusieurs récoltes en cinquante jours.
1028
Les plantes comestibles 5 1
L’AUBERGINE
Solanum melongena L., S. aethiopicum, S. macrocarpon L.
Anglais : eggplant
Espagnol : berenjena
Portugais : berinjela
Famille des Solanaceae
● La culture
Il faut environ 8 g de semences pour mille plants. Le semis se pratique en terrine ou
en motte. Le séjour en pépinière est relativement long et la mise en place se pratique
de quatre feuilles à la première floraison. Le greffage sur porte-greffe résistant est pra-
tiqué si nécessaire : aubergine ou S. aethiopicum résistants à R. Solanacearum, ou S.
torvum (arbuste sauvage).
La pratique de la rotation (avec le maïs ou une céréale à paille) est conseillée. Les pré-
cédents solanaceae et cucurbitaceae sont à proscrire. Le sol doit être meuble sur une
profondeur suffisante et drainant. La parcelle peut être cultivée à plat ou profilée en
billons (sols lourds, culture de saison des pluies).
La densité au repiquage est de 1,5 à 2 plants au m2. La fertilisation est basée sur les
exportations. Pour 30 à 50 t de fruits, elles sont de 180 à 300 kg de N, 30 à 75 kg de
P2 O5, 180 à 375 kg de K2O, 20 à 40 kg de MgO. La taille n’est généralement pas pra-
tiquée ; le tuteurage ou le palissage sont plus fréquents.
La lutte contre les adventices est le plus souvent manuelle mais certains herbicides
peuvent être utilisés. Les maladies telluriques sont le flétrissement bactérien, les galles
dues aux nématodes et le Sclerotium rolfsii en plaine, la verticilliose et la sclérotiniose
en altitude. Les maladies des organes aériens sont l’oïdium (Leveillula taurica), les
pourritures des fruits dues à l’anthracnose (cultiver des variétés résistantes) ou aux
Phytophtora (éviter le contact des fruits avec la terre).
Les virus et mycoplasmes sont moins fréquents que sur la tomate. Les catalogues à
orientation tropicale proposent des variétés ou hybrides résistants au flétrissement
bactérien et/ou à l’anthracnose des fruits.
1029
5 Agriculture spéciale
Les ravageurs sont nombreux : aleurodes, thrips, pucerons, araignées rouges, tarso-
nèmes, mouches mineuses, mouches des fruits, pyrale, punaises (dont le tigre de l’au-
bergine), coléoptères (dont doryphore et altises), chenilles.
Le fruit est récolté avant sa maturité physiologique ; il doit être ferme, bien coloré et
brillant. La qualité optimale est atteinte lorsque le calice commence à se fendre.
● La production actuelle
La production mondiale serait de 5,6 millions de tonnes (source FAO), soit le neuvième
rang parmi les légumes. Cette plante fait l’objet de très peu d’échanges internationaux
et alimente en priorité les marchés de proximité et nationaux.
LA BASELLE
Basella alba L. - Syn. : B. rubra L., B. cordifolia Lam., B. rubra var. alba
Anglais : Ceylon spinach, Malabar spinach
Espagnol : espinaca de Ceilan, espinaca de Malabar
Portugais : bertalha
Famille des Basellaceae
● La plante
C’est une plante herbacée vivace utilisée comme épinard. Elle est originaire d’Asie
(Inde ou Chine) et répandue actuellement dans de nombreuses régions tropicales :
Caraïbes, Afrique de l’Ouest, etc. On rencontre trois cultivars : la baselle verte, la
baselle rouge et la baselle verte à feuilles cordiformes.
La tige est grimpante et peut atteindre 4 à 6 m de long. Les feuilles sont charnues. Les
fleurs, petites, sont disposées en grappe à l’aisselle des feuilles et produisent des fruits
globuleux trilobés, contenant une graine, brune, de 3 mm de diamètre (30 graines/g).
La baselle est une plante de jours courts : elle ne fleurit pas si la longueur du jour
excède treize heures. C’est une plante qui demande chaleur et humidité. Certains cul-
tivars tolèrent une légère sécheresse. La baselle s’adapte à différents types de sols mais
ils doivent être bien fumés. Sous léger ombrage, elle développe des feuilles plus larges.
● La culture
La multiplication se fait par semis en pépinière ou par bouturage (Asie). Le semis
direct avec suppression à quinze jours de deux tiers des plantules, pour obtenir 100
plants/m2 , est également possible. La germination a lieu en cinq à six jours.
En cas de repiquage, les jeunes plants sont transplantés lorsqu’ils ont 10 à 12 cm de
haut, à des distances de 40 à 50 cm ou sur des lignes espacées de 60 à 70 cm à des dis-
tances de 25 à 30 cm sur la ligne. À la plantation, on conseille 400 kg de compost à
l’are et 100 g de 15-8-8 au m2. Une fertilisation azotée est bénéfique dans les premiers
mois.
La baselle est très peu sensible aux parasites, excepté les nématodes des racines. Une
culture sur une courte période permet d’éviter leur prolifération.
1030
Les plantes comestibles 5 1
LA CHAYOTTE
Sechium edule (Jacq.) Swartz.
Français : chayotte, chouchoute, christophine
Anglais : chayote
Espagnol : chayote
Portugais : chuchu
Famille des Cucurbitaceae
● La plante
C’est une plante grimpante monoïque vivace, dont on consomme le fruit, une baie en
forme de poire pesant de 100 à 500 g et contenant un graine. Dans certains pays, on
consomme les feuilles. Les racines deviennent parfois tubéreuses dans les zones
fraîches ; elles sont alors comestibles. Originaire du Costa Rica, elle est cultivée dans
toutes les zones tropicales et en France méridionale.
On distingue quatre groupes de cultivars : à fruits verts et épineux, à fruits verts non
épineux, à fruits blancs et épineux, à fruits blancs non épineux. Les variétés à fruits
blancs semblent mieux adaptées aux zones de faible altitude.
La chayotte est cultivée de préférence entre 500 et 2 000 m d’altitude en climat tropi-
cal. Elle souffre des températures élevées et connaît un repos végétatif si la tempéra-
ture nocturne monte au-dessus de 22°C. L’optimum de température se situe vers 25°C.
En dessous de 20°C, elle se développe mal. L’exposition de la plantation doit tenir
compte de ces contraintes thermiques. Les lieux trop ventés sont à éviter. Les sols doi-
vent être bien drainés.
● La culture
On plante le fruit entier qui a commencé à germer dans le sens de la longueur, en l’en-
terrant à moitié. Les distances de plantation varient de 1 m sur 1 m à 5 m sur 5 m.
Les plants doivent être conduits sur un support (treillis, tuteurs, ficelle). L’utilisation
de tonnelles de 4 à 6 m de large sur 2 m de haut, couvertes de grillage ou d’un
palissage de bois, est fréquente et particulièrement adaptée. Un apport de matière
organique à la plantation, puis tous les deux ou trois mois, est recommandé. Un com-
plément minéral de 2 t/ha/an de 10-10-20 est parfois préconisé.
1031
5 Agriculture spéciale
Les premières fleurs apparaissent deux mois après la plantation. La pollinisation est
assurée par les insectes. Les racines sont très sensibles aux nématodes à galles
(Meloidogyne). La chayotte est victime d’un Oïdium et de Mycosphaerella melonis (entraî-
nant des lésions des fruits). Les rats et les chauves-souris peuvent causer des dégâts.
La récolte débute trois à quatre mois après la plantation et dure quatre à six mois. Il
arrive que les fruits commencent à germer tout en restant sur la tige. Les rendements
peuvent atteindre 100 t/ha, mais se situent en moyenne entre 30 et 60 t/ha. Le fruit
peut être conservé trois semaines à un mois à 10°C, à une humidité de 85 à 90 %.
● La plante et sa culture
Brassica oleracea existe à l’état sauvage en Europe tempérée (var. sylvestris). En zone tro-
picale, toutes les variétés de choux peuvent être cultivées en altitude. En zones basses
et humides, le chou de Bruxelles et le chou de Milan ne se développent pas.
1032
Les plantes comestibles 5 1
Seuls le chou pommé, le chou vert, le chou-fleur, le brocoli et le chou rave peuvent y
être cultivés. Des variétés ont été sélectionnées pour la culture en conditions tropi-
cales. Une pluviosité trop importante est néfaste au développement des choux (au-
dessus de 200 mm/mois en Martinique).
Les choux doivent être si possible semés en couches stérilisées, du fait de la vulnéra-
bilité des semis à certains champignons : Pythium et Rhizoctone brun. Les plants sont
également sensibles à Phoma linguam, contre lequel les fongicides systémiques sont effi-
caces. La fusariose se développe à des températures de 25 à 30°C. La plupart des
variétés modernes américaines et japonaises y sont résistantes. Une bactérie,
Xanthomonas campestris, attaque le feuillage. Les mélanges zinèbe-cuivre peuvent être
utilisés sur pépinière et plants repiqués, mais leur efficacité n’est pas totale. La tolé-
rance variétale est un autre moyen de lutte.
Parmi les ravageurs, les chenilles sont les plus dévastatrices. La lutte à l’aide de Bacillus
thuringiensis est en général efficace contre Plutella xylostella. Les traitements insecticides
doivent être faits avec des mouillants qui augmentent l’adhérence de la bouillie sur les
feuilles.
En pépinière, on sème en lignes distantes de 10 cm des graines tous les 2 cm, afin
d’obtenir quarante plants par mètre linéaire. Les plants sont repiqués au stade trois
feuilles (après vingt ou vingt-cinq jours de pépinière), à des distances de 40 à 60 cm.
Comme tous les légumes, le chou valorise bien des apports de matière organique
(avant la mise en place). Il est exigeant en azote et potasse. Les apports sont fraction-
nés en trois fois pour l’azote et deux fois pour la potasse. Le sol doit être maintenu
propre jusqu’à sa couverture par les feuilles.
● Le chou-fleur
Brassica oleracea subsp. Botrytis var. botrytis
Il est en général moins adapté que le chou pommé ou le chou rave aux conditions tro-
picales. Des variétés convenables ont toutefois été sélectionnées, dont Tropical snowball
et Early Patna. Les brocolis sont plus tolérants à la chaleur que les choux-fleurs véri-
tables. La partie comestible est l’inflorescence. La récolte a lieu au bout de six mois.
● Le chou pommé
Brassica oleracea capitata var. capitata
Variétés : choux cabus blancs, choux cabus rouges, choux de Milan.
Le chou pommé pomme moins bien en région tropicale qu’en zone tempérée. Depuis
une vingtaine d’années, les catalogues à orientation tropicale proposent des choux
pommés tolérant mieux la chaleur et X. campestris, résistants à la fusariose, dont le pre-
mier a été l’hybride F1 K.K. cross.
Les besoins en eau doivent être satisfaits essentiellement pendant le stade de la pom-
maison. La récolte a lieu soixante à soixante-quinze jours après le repiquage et les ren-
dements varient de 20 à 30 t/ha.
1033
5 Agriculture spéciale
● Le chou vert
Brassica oleracea subsp. acephala (DC) Alef var. sabellica L.
Il ne se développe bien qu’au-dessus de 500 m en climat tropical. La récolte a lieu cin-
quante à quatre vingt-cinq jours après le repiquage et les rendements moyens sont de
20 t/ha.
LE CHOU PALMISTE
Anglais : cabbage tree ou cabbage palm
Famille des Palmaceae ou Arecaceae
Le chou palmiste est le bourgeon terminal de certains palmiers, dont on a retiré les
enveloppes extérieures. Les jeunes feuilles, blanches, sont consommées en salade.
L’ablation de ce bourgeon entraîne la mort de l’arbre. Il est prélevé sur la plupart des
palmiers, mais le plus apprécié est le bourgeon d’Oreodoxa oleracea (palmier royal des
Antilles).
L’ÉCHALOTE
Allium cepa var. aggregatum - Synonyme : A. cepa var. ascalonicum
Anglais : shallot
Espagnol : ascalonia, chalote, escaluna
Famille des Liliaceae
● La plante
C’est une plante vivace à feuilles creuses et tubulaires, cultivée pour son bulbe utilisé
comme condiment. Originaire d’Asie, c’est initialement une plante de climat
tempéré. Un bulbe replanté donne chez l’oignon une majorité de hampes florales et,
chez l’échalote, une majorité de nouveaux bulbes. L’échalote fleurit rarement. Elle est
donc traditionnellement cultivée là où la production de graines d’oignons est difficile
ou impossible, comme en Asie du Sud-Est (Indonésie, Thaïlande, Philippines) et en
Afrique équatoriale (pays du golfe de Guinée, Congo, République démocratique du
Congo…). Il est possible qu’elle y soit concurrencée à l’avenir par des oignons pro-
duits avec des graines importées.
L’échalote, comme l’oignon, supporte des températures plus élevées que l’ail ou le poi-
reau (optimum entre 16 et 18°C). Une température nocturne supérieure à 22°C lui
est néfaste. C’est une plante photopériodique de jours longs. Il existe des variétés
adaptées aux climats tropicaux, les variétés tempérées ne produisant pas de bulbe en
climat tropical (problème de photopériodisme). Les variétés locales des régions
chaudes ont en général un cycle court, permettant plusieurs récoltes par an. La durée
du cycle varie en fonction de la température et de la longueur du jour. L’échalote ne
fleurit pas lorsque la température moyenne est trop élevée (saison chaude aux
Antilles).
1034
Les plantes comestibles 5 1
● La culture
On plante les bulbes la pointe vers le haut. Les densités préconisées sont de 12 cm x
12 cm ou en lignes espacées de 20 cm avec une distance de 8 à 10 cm sur la ligne. La
durée germinative des bulbes est de deux ans. L’échalote ne supporte pas le paillage
qui fait pourrir les bulbes. Les maladies sont les mêmes que celles de l’oignon.
Chaque bulbe produit une touffe de tiges qui donneront chacune un nouveau bulbe.
La récolte commence en enlevant quelques bulbes à chaque souche pour favoriser le
développement des autres. La totalité des bulbes est arrachée lorsque le feuillage jau-
nit, par temps sec pour éviter les risques de pourriture. Les bulbes sont séchés au soleil
puis stockés sur des clayettes, une fois les feuilles et racines coupées. La conservation
des bulbes est identique à ceux de l’oignon (cf. plus loin).
Là où une trop grande agressivité des maladies rend difficile même la culture de
l’échalote, on peut développer celle d’Allium fistulosum, espèce beaucoup plus résis-
tante. On l’appelle ciboule ou cive (variétés à fort tallage). L’échalote indonésienne
Sumenep, qui ne fleurit jamais, est un hybride A. cepa x A. fistulosum.
LE GOMBO
Abelmoschus esculentus (ancien nom : Hibiscus esculentus)
Anglais : lady’s finger, okra
Espagnol : ocra
Portugais : quiabo
Famille des Malvaceae
● La plante
D’origine incertaine (Inde ou Afrique de l’Est), les gombos sont en Afrique de l’Ouest
la deuxième production légumière après les tomates. Ce légume fruit est utilisé
comme liant dans les sauces. Cuit, il peut être consommé en salade. Il est très voisin
de la roselle (Hibiscus sabdariffa).
Il s’agit d’une plante annuelle, dont les fruits (capsules) sont récoltés immatures, trois
à cinq jours après la floraison. Elle peut atteindre 1 à 2 m de haut. Les tiges sont
fibreuses. Les fleurs sont jaunes et la couleur du fruit varie : blanc crémeux, rouge vio-
lacé, vert clair ou vert foncé.
La température mensuelle moyenne optimale est de 20° à 30°C. Le gombo se déve-
loppe bien dans les régions basses, ne dépassant pas 1 000 à 1 500 m d’altitude en cli-
mat tropical ou équatorial. Il n’est pas photopériodique et demande des sols bien drai-
nés et riches en matière organique.
On trouve, en Afrique de l’Ouest, une très grande diversité de cultivars locaux. Les
variétés sélectionnées les plus répandues sont :
> Clemson Spineless. Sélectionnée aux Etats-Unis et très cultivée en Afrique de l’Ouest,
elle est très sensible aux virus et nématodes et bien adaptée aux climats méditerra-
néens et tropical sec ;
> Pusa Sawani (Inde) et Perkins Long Green.
1035
5 Agriculture spéciale
Les principaux critères de sélection actuels sont la recherche de plantes de petite taille,
avec des fruits lisses, de forme et de couleur attractives, atteignant rapidement 5 à 8cm
de long.
● La culture
En Afrique de l’Ouest, le gombo est semé en début de saison des pluies. Les distances
de plantation sont de 20 à 40 cm sur la ligne, pour des lignes espacées de 50 à 60 cm
(semis de trois à quatre graines par poquet, soit 7 à 10 kg de semences par hectare).
Parmi les ravageurs, citons les nématodes, pucerons et aleurodes. Oïdium et cerco-
sporiose sont les maladies fongiques importantes. Un virus (Okra Mosaïc) attaque éga-
lement le gombo.
La plante commence à fleurir un à deux mois après le semis. Le fruit a une croissance
très rapide : il a parfois 5 cm trois jours après la floraison. Il est récolté entre 5 et 8 cm
de longueur. Les fruits récoltés trop tard sont fibreux. Les rendements moyens sont
de 10 t/ha et peuvent atteindre 20 à 30 t/ha pour la variété Pusa Sawani.
LA LAITUE
Lactuca sativa
Anglais : lettuce
Espagnol : lechuga
Portugais : alface
Famille des Compositae
1036
Les plantes comestibles 5 1
Dans les régions tropicales, il convient d’utiliser des variétés peu sensibles au tip burn
et dont la pommaison est peu liée à la température et à l’éclairement. Les feuilles doi-
vent être suffisamment épaisses pour résister à une forte pluie, comme celles des varié-
tés du type batavia. La variété américaine Minetto, de type batavia, est celle qui ren-
contre le plus grand succès en conditions de plaine tropicale humide. En conditions
plus sèches, on peut adopter les batavia convenant à l’été méditerranéen : Cybèle,
Carmen, de Verano. Les laitues à couper, qui ne pomment pas, et les laitues grasses sont
également adaptées.
● La culture
La laitue demande un sol présentant une structure grumeleuse et ne supporte pas
l’asphyxie des racines et le sel. Le pH doit être voisin de 7. Les fluctuations de l’hu-
midité du sol sont mal supportées en fin de cycle. La fumure doit être apportée de
préférence sur la culture précédant la laitue dans la succession. Des apports de
matière organique peuvent toutefois être réalisés avant plantation, en évitant les déjec-
tions animales. La laitue craint les fumures azotées excessives.
La multiplication se fait en pépinières : les plants germent en quatre à cinq jours. Les
plants peuvent être en mottes ou en planches. Ils sont repiqués à quatre ou cinq
feuilles, à une distance de 25 cm ou sur billons espacés de 30 ou 40 cm, à 30 cm de
distance sur le billon. Un léger ombrage est maintenu en permanence et les plants
sont irrigués fréquemment. Les ennemis et maladies les plus graves en conditions tro-
picales sont les nématodes à galles (Meloidogyne) et, sur le feuillage, la septoriose (uti-
liser des semences saines) et la cercosporiose.
La récolte a lieu deux mois après le semis pour les laitues pommées et vingt à trente
jours après le semis pour les laitues à couper. Des pertes par pourriture peuvent sur-
venir si l’on récolte en période pluvieuse. Les rendements varient de 5 à 15 t/ha, selon
le cultivar et le climat. Avant consommation, il est recommandé de tremper les salades
au permanganate puis de les rincer.
L’OIGNON
Allium cepa L.
Anglais : onion
Espagnol : cebolla
Portugais : cebola
Monocotylédone. Famille des Liliaceae
1037
5 Agriculture spéciale
● La plante
Elle est bisannuelle : elle forme un bulbe la première année, puis, après une période
de repos et une vernalisation, elle émet une ou plusieurs inflorescences. Aux latitudes
inférieures à 10°, en conditions humides, la production locale de graines est difficile.
On utilise alors des graines importées. Cette production de graines est, par contre, tra-
ditionnelle en Afrique de l’Ouest par exemple
L’oignon est photopériodique : la formation du bulbe ne peut se faire que si la lon-
gueur du jour dépasse un certain seuil. Le début de la maturation du bulbe est signalé
par l’affaissement des limbes des feuilles les plus anciennes : la tombaison. Son système
radiculaire est faible. Sa multiplication est assurée par de vraies graines noires et angu-
leuses. Il y a environ deux cents graines par gramme. L’oignon est parfois multiplié
végétativement par des petits bulbes (souvent appelés bulbilles), obtenus par semis tar-
dif à forte densité.
Le cycle de culture de l’oignon comprend donc généralement quatre phases, corres-
pondant à la première année du cycle bisannuel :
> de la germination au stade quatre-cinq feuilles ;
> une phase de croissance en hauteur et en largeur ;
> le grossissement du bulbe ;
> la maturation du bulbe, qui commence à la tombaison.
● L’écologie de l’oignon
L’oignon est cultivé du 60e parallèle à l’équateur. Sa production est largement répan-
due sous les tropiques, particulièrement dans les climats secs. En zone tropicale, on
utilise des variétés dites de jours courts produisant des bulbes sous des durées de jour
de dix à douze heures ou des variétés de jours intermédiaires produisant des bulbes
sous des durées de jour de treize à quatorze heures. Le bulbe nécessitant une période
sèche pour achever sa maturation, la production de bulbes secs d’oignon est
particulièrement adaptée aux régions sahéliennes. Les hautes températures (supé-
rieures à 35, 40°C) raccourcissent le cycle de culture et hâtent la bulbification. La faible
luminosité la limite. La forte humidité favorise le développement des maladies et des
pourritures.
L’oignon est cultivé dans tous les sols, mais il craint l’acidité excessive : les pH les plus
favorables sont situés entre 5,5 et 7,5.
1038
Les plantes comestibles 5 1
● La culture
1039
5 Agriculture spéciale
● La fertilisation
Les apports minéraux pratiqués sont, en général, de 120 à 180 unités N, 80 à 120 uni-
tés P2O5 et 150 à 250 unités K2O. Le fractionnement est recommandé pour l’azote et
le potassium. Cependant, les apports excessifs et tardifs d’azote allongent le cycle et
diminuent l’aptitude à la conservation des bulbes. Calcium, magnésium et soufre sont
également des éléments importants dans la croissance de la plante.
● L’alimentation en eau
Les besoins en eau sont importants de la croissance des feuilles jusqu’au grossissement
du bulbe. Le coefficient cultural est égal à 0,6 jusqu’au stade quatre à cinq feuilles, puis
à 1 jusqu’à la maturation du bulbe et enfin à 0,7 pendant la maturation. En zone sou-
dano-sahélienne, pour un cycle de quatre mois, les besoins en eau sont estimés entre
5 000 et 7 000 m3/ha.
● L’entretien de la culture et la maîtrise des ravageurs et maladies
Les désherbants chimiques utilisables sont le propachlore et le chlorthal en pré-levée
de la culture et pré-levée des adventices, et la pendiméthaline et l’ioxynil en post-levée
des adventices à partir du stade trois feuilles. En l’absence d’herbicides spécifiques, les
sarclages sont indispensables.
Maladies Insectes
● La récolte et le stockage
La récolte peut se faire avant la maturation, avec les feuilles en vert au début de bul-
bification, ou à maturité pour la production de bulbes de conservation. Pour une
longue conservation (deux à six mois), la récolte doit être faite à maturité complète des
bulbes, après le dessèchement des feuilles d’au moins la moitié des plantes. Un
séchage pendant plusieurs jours, au champ ou sur une aire abritée, accroît significati-
vement la durée de conservation. Si la récolte est faite par temps humide, un séchage
artificiel est impératif.
Le stockage se fait dans des abris bien ventilés, à température constante supérieur à
28°C ou comprise entre 4 et 7°C.
1040
Les plantes comestibles 5 1
● La production actuelle
La production d’oignon s’est développée de façon continue en zone tropicale depuis
plus de quarante ans. Cependant, l’Afrique sub-saharienne reste importatrice nette
d’oignons bulbes. S’appuyant sur des climats favorables et des réseaux marchands
dynamiques, la création de variétés plus productives et de meilleure conservation per-
mettra de relever le défi de la substitution aux importations. La diversification des
produits (oignon vert, échalotes, oignon séché) est en cours, incluant également les
espèces d’alliums voisines comme l’ail, le poireau, la cive, la ciboulette.
LES PIMENTS
Capsicum frutescens L. et Capsicum chinense Jacq.
Anglais : hot pepper, chili, bird chili
Espagnol : guindilla, chile picante
Portugais : pimenta
Famille des Solanaceae
● La plante
C’est une plante vivace originaire d’Amérique centrale, de 1 à 1,5 m de haut, à
feuillage fin, aux fruits de forme carrée, rectangulaire ou conique.
Les deux types les plus connus sont tabasco (fruits allongés) et piment z’oiseaux (fruits
très petits extrêmement piquants). Ceux de C. chinense, petits eux aussi, sont en forme
de poivron, de lanterne ou de tomate côtelée, rouges et jaunes. Certaines variétés à
petits fruits piquants de C. annuum sont appelées piments (voir le poivron). Capsicum
frutescens est plus adapté au climat tropical que Capsicum annuum et apparaît souvent à
l’état subspontané. Les principales banques de gènes sont aux Etats-Unis, au Costa-
Rica et à Taiwan.
Le piment est une espèce thermophile, plus exigeante en température que la tomate.
Des températures moyennes inférieures à 18°C contrarient la croissance de la plante.
Des températures de l’ordre de 28°C le jour et 18°C la nuit sont optimales pour la
plante. Les exigences en eau du piment concernent principalement la régularité des
apports; son système racinaire est en effet assez réduit. Le piment est plus sensible à
la salinité que la tomate ou l’aubergine.
● La culture
Le semis s’effectue sur couche stérilisée ou en pots de 10 cm. La germination se fait
entre quatre à huit jours à 20-25°C. Les plants sont repiqués au bout de soixante-dix
à quatre-vingt jours, sous ombrage partiel, sauf la dernière semaine avant plantation.
La densité de plantation est de 45 000 plants/ha. Les accidents physiologiques sont fré-
quents. Aussi certaines règles doivent-elles être respectées : utilisation d’un sol sain et
de plants jeunes peu endurcis, fertilisation azotée réduite avant la première mise à
fruit puis fertilisation soutenue en liaison avec la charge en fruits par la suite, apports
d’eau réguliers et sans excès.
1041
5 Agriculture spéciale
LE POIREAU
Allium ampeloprasum var. porrum (autrefois A. porrum)
Anglais : leek
Espagnol : puerro
Portugais : alho poro
Famille des Liliaceae
● La plante
Le poireau est une plante bisannuelle, cultivée pour ses feuilles et pour sa fausse tige
constituée par les gaines foliaires. Ses feuilles sont étalées au sommet et engainantes à
la base.
Le poireau étant une culture de climat tempéré, sa température optimale de déve-
loppement est de 12 à 16°C. Il supporte le gel. En climat équatorial, sa culture n’est
envisageable qu’au-dessus de 1 000 m. En plaine, un légume analogue au poireau
peut être obtenu avec les variétés de fort calibre d’Allium fistulosum (type Nebuka des
catalogues japonais) ou l’hybride cepa x fistulosum Beltsville bunching onion. On peut le
cultiver avec irrigation en saison sèche si la température moyenne ne dépasse pas 17
à 18°C. Le poireau préfère les sols meubles et riches.
Il existe aux Antilles françaises un poireau qui émet des pousses axillaires pouvant
être détachées et replantées : le poireau perpétuel. C’est une variété chétive, multipliée
de cette manière et non par graines.
● La culture
Le poireau est généralement multiplié par graines, avec un passage en pépinière pen-
dant deux mois environ (400 graines/g). Trois mètres de semis sont nécessaires pour
obtenir 150 plants. Les graines sont disposées dans des sillons de 3 cm de profondeur,
distants de 15 cm. La levée a lieu dix à quinze jours après le semis.
1042
Les plantes comestibles 5 1
Les plants sont repiqués au champ lorsqu’ils atteignent la taille d’un crayon (plants
habillés : feuillage raccourci, racines coupées à 1 cm). Les écartements de plantation
sont de 30 à 40 cm entre lignes, 10 à 15 cm sur la ligne. Les jeunes poireaux plantés
au champ doivent être ombragés et arrosés régulièrement jusqu’à la reprise.
Il est conseillé d’apporter du compost et une fumure minérale. Le buttage est prati-
qué sur 10 cm de haut ; il permet d’obtenir le maximum de blanc sur les feuilles. Les
plantations doivent être désherbées régulièrement. L’alternariose est la maladie la plus
répandue (taches pourpres sur les feuilles) contre laquelle l’iprodione est efficace. On
rencontre également un Phytophtora sur les feuilles. La récolte débute après quatre
mois et peut atteindre 50 t/ha dans des conditions favorables.
LE POIVRON
Capsicum annuum
Anglais : sweet pepper
Espagnol : ají, chile dulce, pimentón
Portugais : pimentão, pimenta-de-bugre
Famille des Solanaceae
Capsicum annuum comprend des variétés à fruits doux (sweet peppers, en anglais) et des
variétés à fruits piquants. Toutes les variétés de capsicum à fruits piquants sont appe-
lées piments (hot peppers, en anglais). Les principaux producteurs mondiaux sont la
Chine, suivie du Mexique, de la Turquie et de l’Espagne. Le poivron se présente sous
la forme d’un petit buisson de 1 m à 1,5 m de haut, à feuilles brillantes, lancéolées. Les
fleurs sont blanches, insérées à l’aisselle des feuilles.
Le poivron est une des plantes maraîchères les plus exigeantes en température, mais
est moins exigeant sur l’ensoleillement que la tomate. Son développement optimal
s’observe sous des températures variant entre 16° et 26°C, et pour des éclairements de
l’ordre de 50 à 60 % du rayonnement solaire tropical, surtout pour les jeunes plants.
Le zéro végétatif est de 14°C. Sous les tropiques, une altitude de 400 à 800 m lui est
favorable, ainsi que la saison sèche des climats sahéliens ou sud chinois vers 25° Nord
de latitude. Sa culture se développe de plus en plus en savane durant la saison sèche
pour exporter en contre-saison en Europe. C’est une plante qui demande un sol riche
en humus, peu humide.
Parmi les variétés de poivron doux, il convient de citer les poivrons américains
(California wonder, Yolo wonder), italiens (Quadrato giallo d’Asti), espagnols (Largo
Valentiano) et français (Bastidon, Doux des Landes à chaire mince). Pour la conserverie,
on utilise des poivrons plus petits, du type Antibois. Les poivrons piquants présentent
une très grande variété de formes et colorations, en particulier au Mexique. En
France, on trouve la variété Sucette. Certaines variétés cumulent d’intéressantes résis-
tances aux maladies, comme la variété précoce Milord (CMV, virus Y, phytophtora) ;
deux types de variétés tardives sont intéressantes de ce point de vue : Florida VR2
(résistance au virus Y) et Narval (résistance au flétrissement bactérien).
1043
5 Agriculture spéciale
Le poivron se multiplie en pépinière. Les graines sont prélevées sur des fruits
récoltés à maturité. La levée a lieu au bout de trois semaines.
Les plants peuvent être repiqués au bout de quarante à cinquante jours, à écar-
tement de 60 x 60 cm. Un léger ombrage peut être nécessaire. Deux apports
d’engrais sont conseillés en cours de végétation. La durée de végétation est de
cinq à huit mois, et le poivron doux est récolté soit immature (vert), soit à matu-
rité (jaune ou rouge).
1044
Les plantes comestibles 5 1
LE RADIS
Raphanus sativus L.
Anglais : radish
Espagnol : rábano
Portugais : rabanete
Famille des crucifères
Le radis est originaire des zones tempérées. C’est une herbacée annuelle à croissance
rapide et à racine tubérisée. La racine est consommée crue ou cuite. Les feuilles de
certaines variétés sont consommables comme légumes. Les radis européens se divisent
en radis d’été, petits, récoltables un mois après semis en conditions tropicales, et radis
d’hiver, beaucoup plus gros (300 à 500 g) et de cycle plus long. Dans les zones tropi-
cales, les radis japonais (appelés aussi radis chinois ou navet chinois), blancs et de
forme allongée, sont particulièrement adaptés.
LA TOMATE
Lycopersicon esculentum
Anglais : tomato
Espagnol : tomate
Portugais : tomate
Famille des Solanaceae
● La plante
Plante herbacée annuelle originaire des zones tropicales d’altitude d’Amérique du
Sud, la tomate est cultivée dans l’ensemble de la zone intertropicale. La multiplication
se fait par graines (environ 300 graines par gramme). La plantule produit de sept à
quatorze feuilles composées avant de produire sa première inflorescence ou bouquet,
cinquante à soixante-cinq jours après le semis. Ensuite les variétés à croissance indé-
terminée produisent un bouquet toutes les trois feuilles durant toute la vie de la
plante.
Chez les variétés à croissance déterminée, un bouquet terminal apparaît après deux à
quatre inflorescences et plusieurs bourgeons axillaires se développent alors. La florai-
son est concentrée sur une période limitée, suivie d’une période de croissance des
fruits. De 45 à 55 jours séparent l’épanouissement de la fleur de la récolte du fruit, en
1045
5 Agriculture spéciale
● L’écologie de la tomate
La température optimale se situe entre 10 et 30°C, avec une croissance maximale vers
25°C. La tomate est peu sensible au photopériodisme, mais est exigeante en énergie
lumineuse. Un faible rayonnement lumineux réduit le nombre de fleurs par bouquet
et affecte la fécondation. Combiné à de fortes températures diurnes et à des nuits
tièdes (écart jour/nuit < 10°C), il conduit à l’avortement des fleurs et des fruits.
Les périodes sèches et fraîches sont plus favorables à la production que les saisons plu-
vieuses et chaudes.
● La culture
1046
Les plantes comestibles 5 1
Des variétés créées par l’AVRDC adaptées aux fortes températures et tolérantes au flé-
trissement bactérien sont utilisées en Asie sous différents noms.
● La mise en place de la culture
Le semis se fait en pépinière, soit sur terreau avec éventuellement un repiquage avant
plantation, soit en mottes de terreau compressé. Il faut 100 à 500 m2 de pépinière
pour planter un hectare. La plantation se fait quand la tige à le diamètre d’un crayon,
soit trente à quarante jours après le semis. La densité à l’hectare varie de 18 000 plants
en saison humide à 25 000 plants en saison sèche, voire 35 000 plants pour les varié-
tés de conserve.
● Le tuteurage et la taille
Les variétés indéterminées sont conduites sur un ou deux bras en éliminant tous les
rameaux secondaires. En saison chaude et humide, les variétés déterminées sont
conduites sur grillage ou palissées entre deux rangées de deux fils, avec un égour-
mandage des deux ou trois premiers rameaux latéraux. Les variétés de conserve ne
sont ni taillées ni tuteurées.
● La maîtrise des mauvaises herbes
Elle peut être réalisée par binage, par voie chimique et par paillage. Des herbicides de
pré-plantation sont utilisables : flurochloridone, métribuzine ou pendiméthaline. En
cours de culture, la métribuzine ou des herbicides spécifiques antigraminées peuvent
être employés. Les interlignes peuvent être entretenus avec un herbicide total appli-
qué avec un cache.
● Les besoins en eau et l’irrigation
Kc 0,8 1,2 1
L’irrigation peut aussi se gérer par mesure de la tension d’eau dans le sol. Dans ce cas,
il faut chercher à obtenir une tension variant entre 150 et 250 mbar.
● La fertilisation
Les exportations (fruits, tiges et feuilles), pour une récolte de 50 t, correspondent à
130 unités N, 50 unités P2O5, 250 unités K2O, 200 unités CaO et 35 unités MgO.
Il est préférable de fractionner les apports d’engrais de la manière suivante :
> apport avant plantation de la totalité du phosphore, du calcium et du magnésium,
plus 50 kg/ha d’azote et 100 kg/ha de potassium ;
> apports en cours de culture, tous les quinze jours, du complément en azote et potas-
sium.
1047
5 Agriculture spéciale
Le développement rapide des villes dans le Sud et les changements d’habitudes ali-
mentaires induisent une demande en forte augmentation pour la tomate. En Asie, la
production a doublé au cours des dix dernières années.
1049
5 1 7 Les plantes stimulantes
À partir des contributions de M. Barrel (CIRAD), J.L. Battini (CIRAD),
D. Duris (CIRAD), C. Hekimian Lethève, O. Trocmé (CIRAD)
LE CACAOYER
Theobroma cacao L.
Anglais : cocoa
Espagnol : cacao
Portugais : cacau
Famille des Sterculiaceae
● La plante
1051
5 Agriculture spéciale
1052
Les plantes comestibles 5 1
L’auto-incompatibilité est de règle chez les Forastero hauts amazoniens (qui par
ailleurs peuvent être compatibles entre eux), mais rare chez les autres ;
> les Trinitario sont des hybrides issus des deux premiers groupes et sont cultivés dans
tous les pays producteurs. Ils fournissent environ 20 % de la production mondiale
de cacao.
On estime que le quart seulement des cacaoyers cultivés seraient des variétés hybrides
sélectionnées, souvent issues de croisements inter-groupes, et 5 % des variétés clo-
nales. Les 70 % restant seraient des populations peu ou pas sélectionnées. Les critères
de sélection sont la productivité, la résistance aux maladies, la résistance aux ravageurs
et la qualité.
● L’écologie du cacaoyer
L’écologie du cacaoyer est celle des forêts au climat chaud et humide, sans saison sèche
prolongée :
> la température moyenne annuelle optimale est 25°C. Le minimum absolu est de
10°C ;
> la pluviométrie optimale est de 1 500 à 2 500 mm. Les périodes sèches ne
doivent pas excéder trois mois. Le taux d’humidité relative de l’air doit être élevé
(optimum : 85 %) ;
> le jeune cacaoyer a besoin d’être protégé d’un éclairement trop intense pendant les
trois premières années. Cependant, dans les régions où l’éclairement incident est
inférieur à 1 800 heures/an, le plein potentiel productif du cacaoyer est obtenu en
plein soleil, sous condition d’apports rigoureux et réguliers d’intrants afin d’entre-
tenir la fertilité des sols et de protéger les arbres d’une pression parasitaire très
intense au soleil. Si le recours aux intrants n’est pas assuré, il est généralement pré-
férable de procéder à l’installation (ou au maintien) d’un ombrage permanent
interceptant entre 20 et 40 % du rayonnement ;
> les propriétés physiques du sol importent tout autant que ses propriétés chimiques.
Le sol doit assurer une bonne rétention de l’eau mais les racines ne doivent pas être
asphyxiées. Le sol doit être légèrement acide et sa teneur en matière organique éle-
vée dans l’horizon supérieur ;
> le cacaoyer peut pousser jusqu’à 1 000 m d’altitude sous l’équateur. À la latitude de
20° Nord ou Sud, seul le niveau de la mer lui convient.
1053
5 Agriculture spéciale
● La culture
1054
Les plantes comestibles 5 1
1055
5 Agriculture spéciale
Si l’on plante des bananiers plantains, ceux-ci seront installés au cours de l’année pré-
cédant la plantation des cacaoyers, à raison d’un bananier par cacaoyer dans l’inter-
ligne de plantation, pour un espacement des cacaoyers de 3 m x 2,50 m, ou dans la
ligne de plantation pour un espacement de 3 m x 3 m.
Dans les régions à saison sèche marquée, il est recommandé de pailler les jeunes
cacaoyers avec des résidus végétaux ou avec un film de polyéthylène noir d’un mètre
de largeur et de 70 µm d’épaisseur.
● L’entretien
Le remplacement des manquants (10 à 20 % sur deux ans suivant les conditions de
milieu) doit être fait le plus vite possible et régulièrement pendant les deux premières
années. Le réglage de l’ombrage constitue un des travaux d’entretien les plus impor-
tants d’une jeune plantation. Le désherbage, ou rabattage du recrû, doit être effectué
régulièrement le long des lignes de plantation sur une largeur de 1 m, ou en détou-
rage sur un rayon de 50 cm autour du pied. Il peut être assuré par des herbicides. En
plantation adulte, la fermeture des frondaisons et l’abondance de la litière de feuilles
limite très fortement la croissance des adventives.
La protection phytosanitaire des jeunes plants (surtout insecticide) doit être effectuée
régulièrement en respectant les dates et rythmes d’application (protection du bour-
geon terminal jusqu’à la formation de la couronne).
● La taille
La taille de formation : tant que le bourgeon terminal continue sa croissance, seuls les
égourmandages (élimination des rejets à la base) sont nécessaires. Si la couronne se
forme en dessous de 1,20 m, on conserve un gourmand qu’on laisse se développer au-
dessus de la première couronne (baïonnette). Ce gourmand formera une nouvelle
couronne à bonne hauteur. La première couronne, étant ombragée, dépérira et sera
supprimée.
La taille d’entretien : des égourmandages réguliers sont faits tous les deux mois, sur
jeunes plants ; puis tous les trois à quatre mois après entrée en production. La cou-
ronne doit être maintenue dans son intégrité (cinq branches principales) et les fron-
daisons ne sont taillées que si il y a un enchevêtrement trop important des ramifica-
tions secondaires de cacaoyers voisins. Cela facilite une meilleure ventilation de la
cacaoyère. Là où elle est nécessaire, cette taille d’entretien est complétée par une taille
phytosanitaire (élimination des parties atteintes).
● La fumure
L’utilisation des engrais est encore peu courante en cacaoculture. Son effet sur la pro-
duction dépend beaucoup des conditions de culture. Il est faible sous ombrage per-
manent. La fertilisation s’avère, en revanche, très intéressante sur des cacaoyers
hybrides à forte productivité, convenablement entretenus et déparasités, cultivés en
plein soleil ou sous ombrage diffus régulé.
1056
Les plantes comestibles 5 1
La méthode du «diagnostic-sol »
Mise au point par le CIRAD en Côte d’Ivoire, cette méthode permet de calculer les besoins en engrais
d’une cacaoyère, sur la base des déséquilibres chimiques constatés dans l’horizon superficiel du sol
et de la compensation des exportations en éléments minéraux dues à la production (une tonne de
cacao marchand correspond en moyenne à l’exportation de 45 kg de N, 13 kg de P2O5, 65 kg de K2O,
10 kg de CaO et 13 kg de MgO). En utilisant cette méthode, la production a pu être augmentée de 40 %
en Côte d’Ivoire ou au Togo sur des cacaoyères conduites de manière intensive. En Afrique de l’Ouest,
la fertilisation azotée a généralement un effet dépressif sur le rendement. Par contre, le phosphore
augmente significativement la floraison et donc la production de cabosses. Le potassium améliore
quant à lui le taux de nouaison.
On peut donner l’exemple suivant de fertilisation en Côte d’Ivoire (par pied/an) : 140 g de TSP + 280 g
de KCl + 160 g de MgSO4.
1057
5 Agriculture spéciale
Les techniques de lutte présentent un certaine efficacité mais ont toutes l’inconvénient
d’être lourdes et onéreuses.
Les maladies cryptogamiques et virales
La présence de Phytophthora sp est relevée dans tous les pays où le cacaoyer est cultivé.
Ce champignon provoque une pourriture des cabosses dénommée pourriture brune
(black pod en anglais). L’infection, née de la pénétration d’une zoospore dans le péri-
carpe, est visible après deux à trois jours sous l’aspect d’une tache brune qui va porter
des sporocystes quatre à cinq jours plus tard. Matures en quelques heures en atmo-
sphère humide, ceux-ci libèrent leurs zoospores, qui sont dispersées par les fortes pluies.
L’espèce P. palmivora est la plus répandue. L’espèce P. megakarya est beaucoup plus viru-
lente. Elle n’existe qu’en Afrique et en particulier au Cameroun, au Nigeria, au Ghana
et au Togo. Des pratiques culturales sanitaires rigoureuses (taille, réduction de l’om-
brage et récolte des cabosses malades) sont généralement insuffisantes pour un
contrôle effectif de la maladie. Elles doivent être complétées par une protection pré-
ventive chimique. L’oxyde cuivreux ou le sulfate de cuivre (à 0,5g de ma/l) peuvent
être pulvérisés ou atomisés.
La maladie des balais de sorcière est causée par un Basidiomycète Crinipellis perniciosa
qui pénètre les tissus très jeunes et entraîne la formation d’excroissances végétatives
anarchiques. Sur coussinets floraux, la maladie entraîne la formation de fleurs hyper-
trophiées et de fruits stériles. Les attaques sur cabosses sont graves quand celles-ci ont
moins de douze semaines. Dans la cabosse jaunie et nécrosée, les fèves sont agglomé-
rées, mal développées et solidaires de la coque. L’enlèvement régulier des balais sur le
tronc et les rameaux peut aboutir à une certaine protection.
La moniliose est due à l’agent pathogène Moniliophthora roreri dont l’incubation est
longue. Il déforme les cabosses avant de provoquer une pourriture brune puis
blanche. Les récoltes sanitaires hebdomadaires sont actuellement la seule méthode de
lutte économique. À l’inverse des cabosses atteintes de pourriture brune, celles
atteintes de moniliose peuvent être laissées dans la plantation car le champignon perd
rapidement son pouvoir infectieux.
Le swollen shoot, ou gonflement des rameaux, est une maladie de nature virale qu’on
ne sait contrôler que par l’arrachage des arbres malades. Elle est présente au Ghana
et au Togo. Le vascular streak disease est provoqué par le Basidiomycète Oncobasidium
theobromae. Les premiers symptômes sont le jaunissement et la chute des feuilles vertes
formées avant la dernière poussée foliaire. La sélection génétique a permis de sur-
monter cette maladie (clones résistants).
Les autres parasites
Les rats et les écureuils rongent les cabosses et peuvent entraîner des pertes de plus
de la moitié de la récolte. Les singes sont également friands des cabosses mûres.
1058
Les plantes comestibles 5 1
Tableau 1. Temps de travaux sur une pépinière de cacaoyer (80 m2 pour 2 000 pieds)
Construction de l’ombrière 4
Etablissement des plates-bandes 2
Approvisionnement en terre (5 à 6 m 3) 6
Remplissage des sachets (300/jour) 7
Semis des graines 2
Entretien - arrosages 25
Total 46
Délimitation 3
Abattage du sous-bois 13 à 20
Abattage tronçonneuse 50
Extraction des souches et andainage 60
Brûlis des andains 10
Piquetage pour cacaoyers : coupe et piquetage (200/jour) 21
Piquetage pour ombrage provisoire x
Bananiers plantain 14
GIiricidia 18
Piquetage pour ombrage définitif (si nécessaire) 11
Trouaison (40 cm au cube) 25 à 35
Rebouchage des trous 7
Réalignement des piquets 7
Total 239 à 256
Bananiers
Désherbage préalable 2à8
Transport des rejets 10
Plantation 25
Nématicide 3
Contrôle et remplacements 5
Gliricidias (plantation réalisée au moment du piquetage) 0
Total 45 à 61
1059
5 Agriculture spéciale
Pour chacune des trois premières années Pour chaque année suivante (plantation fermée)
Opération Temps de travail Opération Temps de travail
(jours) (jours)
Tableau 7. Estimation du temps de travail pour la préparation d’une tonne de cacao marchand
● La récolte
La récolte se fait manuellement, à l’aide de sécateurs, de machettes ou d’émondoirs.
Il ne faut pas blesser le coussinet floral où est attachée la cabosse car il porte les
récoltes à venir. Il est important de ne récolter que des cabosses à bonne maturité, en
pratiquant plusieurs passages.
● L’écabossage
C’est l’opération qui permet d’ouvrir les cabosses et d’en extraire les graines de cacao.
Elle est faite soit directement au champ, soit sur les lieux du traitement post-récolte
après transport des cabosses. Dans le premier cas, les débris de cabosse (cortex) sont
laissés au champ (avec des risques de contamination fongique).
1060
Les plantes comestibles 5 1
Dans le second cas, se pose le problème de l’évacuation des débris de cabosse et de leur
valorisation (les débris représentent 70 % du poids de la cabosse).
L’utilisation d’instruments tranchants (couteaux, machettes), qui peuvent blesser les
graines est à proscrire. Des gourdins sont préférables. La séparation des fèves entre
elles et l’élimination des débris favorisent une bonne fermentation.
● La fermentation
La fermentation du cacao est l’étape la plus importante de la première transforma-
tion. Elle a pour but d’éliminer une grande partie de la pulpe qui entoure les graines,
de supprimer leur pouvoir germinatif et de développer les précurseurs de l’arôme.
L’absence de fermentation conduit à des fèves sans potentiel aromatique, de couleur
ardoisée après séchage. Elle constitue un défaut majeur du cacao.
Les graines sont mises en tas sur des feuilles de bananier ou dans des paniers ou
encore dans des caisses de bois (charge de 100 à 1 000 kg). La fermentation dure de
deux à huit jours, suivant les types de cacao (criollo < trinitario < forastero) et les condi-
tions climatiques (elle est plus longue en période froide). Des brassages d’aération sont
effectués à intervalles réguliers (séquence recommandée : 24h - 48h - 96 h).
Les fermentations vraies se déroulent dans la pulpe, pendant que dans les cotylédons
de la graine se produisent des transformations biochimiques importantes pour
l’arôme. Au bout d’une à deux jours, la réaction dégage de la chaleur et la tempéra-
ture peut atteindre 50°C. Il faut veiller à arrêter la fermentation à temps pour éviter
la formation de goûts indésirables. À ce stade, les fèves sont devenues brun violacé,
elles ont gonflé et l’intérieur s’est craquelé.
● Le séchage
Le but du séchage est d’arrêter la fermentation, de diminuer la teneur en eau des
fèves fermentées de 55 % à 7 % pour assurer leur bonne conservation et d’éliminer
une partie de l’acide acétique formé pendant la fermentation (environ 40 %). Un mau-
vais séchage conduit à des fèves moisies, autre défaut majeur du cacao.
Le séchage solaire sur aire cimentée ou sur claie est le plus employé. Il dure entre une
et trois semaines et demande des surfaces de séchage importantes (40 m2 par tonne
de cacao fermenté) et une main-d’œuvre nombreuse (pour brasser le cacao quatre fois
par jour et pour l’abriter la nuit et en cas de pluie). En région très humide, les aires
de séchage doivent être protégées par des aménagements (tente ventilée par
exemple).
Si les quantités à sécher sont élevées, le séchage artificiel sous air chaud est nécessaire.
Un tel séchage dure de quinze à quarante-huit heures. Son inconvénient majeur est
de bloquer une grande partie de l’acide acétique dans la fève et de disperser beaucoup
de calories dans l’atmosphère. Il est impératif d’utiliser un échangeur de chaleur pour
éviter la fixation d’odeurs étrangères sur les fèves. Le cacao est sec quand il croustille
si on le presse dans la main.
● Le stockage
Le cacao est un produit très difficile à conserver en climat équatorial. Le risque de
reprise d’humidité est important, avec des conséquences néfastes pour la qualité.
1061
5 Agriculture spéciale
Il faut toujours conserver les sacs de cacao dans des lieux correctement aérés, à l’abri
des rongeurs et loin de sources d’odeurs étrangères (fumées, fuel).
● La recherche
1062
Les plantes comestibles 5 1
LE CAFÉIER
Coffea canephora et Coffea arabica
Anglais : coffee tree
Espagnol : cafe
Portugais : café
Famille des Rubiaceae
1063
5 Agriculture spéciale
● La plante
Tous les caféiers sont originaires d’Afrique. Ils appartiennent au genre Coffea de la
famille des Rubiacées, qui compte plus 6 000 espèces regroupées dans 500 genres dif-
férents. Les deux espèces cultivées de café, bien qu’originaires de la zone intertropi-
cale humide, ont des caractéristiques très différentes et des aires de culture bien indi-
vidualisées. Dans leur habitat naturel, les caféiers se rencontrent dans des zones
ombragées à semi-ombragées.
Origine Zones équatoriales chaudes et humides de Hauts plateaux éthiopiens à saison sèche
de basse altitude du bassin du Congo marquée et température fraîche
et du Golfe de Guinée
Caractéristiques diploïde (2n = 22) allotétraploïde (4n = 2x = 44)
allogame (ou autostérile) autogame (ou autofertile)
caféine 2,0 % à 3,5 % caféine 1,1 % à 1,6 %
boisson à arôme faible mais corsée boisson à arôme marqué mais faiblement corsée
Exigences climatiques Températures : Températures :
entre 24°C et 26°C (min 10°C - max 35°C) entre 20°C et 25°C (min 5°C - max 30°C)
Pluviosité : Pluviosité :
1 500 mm à 3 000 mm par an 1 300 mm à 1 800 mm par an
saison sèche de 2 à 3 mois saison sèche de 2 à 4 mois
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Les plantes comestibles 5 1
Les autres peuvent donner spontanément ou non des rameaux fructifères secondaires
qui eux-mêmes porteront des rameaux fructifères tertiaires. Un ou plusieurs rameaux
secondaires ou tertiaires peuvent partir d’un même nœud.
La fructification, dite centrifuge, se fait exclusivement sur le bois d’un an des ramifi-
cations plagiotropes. De ce fait, la zone fructifère s’élève par rapport au sol et s’éloigne
progressivement du tronc, ce qui entraîne une moins bonne alimentation hydrique et
minérale des fruits. Bien que la croissance des plagiotropes soit continue, il arrive
assez fréquemment que les primaires basses meurent, le tronc se dégarnissant peu à
peu. L’architecture de l’arbuste se dégrade. Ces caractéristiques morphologiques ont
une grande importance :
> pour la propagation du caféier, on se sert de sa capacité à émettre un grand nombre
de tiges orthotropes pour la multiplication végétative par bouturage ;
> pour la conduite du caféier pour la production, différents systèmes de taille sont
possibles.
● Les ressources génétiques et l’amélioration variétale
Coffea arabica et les hybrides interspécifiques tétraploïdes
Les caféiers sylvestres de l’espèce ont été récoltés au cours de plusieurs missions de
prospection en Ethiopie et au Kenya. Au total, 714 génotypes différents de Coffea
arabica ont été collectés. À partir de ces prospections ont été constituées les collections
de caféiers arabica, la plus grande étant en Ethiopie. D’autres collections importantes
se trouvent au Kenya, en Tanzanie, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Inde, au Costa
Rica, au Brésil et en Colombie.
Outre ces prospections majeures, deux autres missions ont permis de collecter des
génotypes qui ont été à l’origine des variétés Dalle, Dilla et Gimma, Rume Sudan et
Barbuk Sudan. Au Timor et en Nouvelle-Calédonie, on a trouvé des hybrides inter-
spécifiques naturels (C. arabica x C. canephora) fertiles. Ces hybrides présentent une
bonne résistance à la rouille orangée et donc une potentialité utilisable en améliora-
tion génétique pour lutter contre cette maladie.
Les plantations d’arabica ont été faites à partir de quelques plants provenant du
Yémen. Il en résulte, du fait de l’autogamie, une grande homogénéité dans les popu-
lations d’arabica cultivé. Cependant, quelques variétés comme Bourbon, Typica,
Magarogype, Blue Mountain, Mbirizi et Kent ont été développées. Au sein de ces
variétés sont apparus des mutants comme la variété naine Caturra (mutant de
Bourbon). Quelques hybrides comme Mundo Novo (Typica x Bourbon) ou Catuai
(Mundo Novo x Caturra) ont été créés. L’analyse par marqueurs moléculaires (RAPD)
de la structure génétique des populations cultivées ne montre pas de différence à l’in-
térieur des groupes Typica et Bourbon.
Avec l’apparition de la rouille orangée, des croisements entre les variétés cultivées et
l’hybride de Timor (HdT) ont donné toute une série de lignées résistantes à la
rouille : Catimor (Caturra x HdT), Sarchimor (Sarchi x HdT), Variété Columbia, etc.
Les variétés Icatu du Brésil ont été faites à partir d’un croisement entre un arabica et
un robusta dont le nombre de chromosomes a été doublé à la colchicine. La variété
Ruiru 11 du Kenya est un Catimor ayant en plus des gènes de résistance à l’anthrac-
nose des baies.
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5 Agriculture spéciale
Au Brésil et au Costa Rica, des hybrides F1 entre variétés cultivées et caféiers sauvages
éthiopiens sont en cours d’évaluation. Les parents éthiopiens ont été choisis en fonc-
tion de leur résistance aux maladies (rouille et anthracnose) et au parasitisme tellu-
rique (nématodes) et de leurs qualités organoleptiques.
Coffea canephora et les autres espèces diploïdes
De nombreuses prospections entre 1960 et 1989 ont permis de rassembler tout le
matériel diploïde du genre Coffea dont C. canephora qui regroupe les variétés Robusta,
Niaouli, Kouilou. On citera en particulier les prospections en Côte d’Ivoire, en
Afrique centrale, au Cameroun, au Congo et en Guinée pour les Coffea canephora. Les
autres prospections concernent les autres espèces du genre Coffea (C. eugenoïdes, C.
congensis, C. liberica, C. humilis, C. stenophylla, etc.).
La plus importante collection de caféiers diploïdes se trouve en Côte d’Ivoire sur la
station de recherche du CNRA à Divo. Des collections sont installées dans la plupart des
pays producteurs. Chaque pays où a eu lieu une prospection en possède une conte-
nant, au minimum, la totalité des génotypes récoltés localement.
Les premiers programmes de sélection chez le robusta ont été basés soit sur une sélec-
tion massale d’individus performants multipliés ensuite par voie végétative (clones),
soit par sélection généalogique d’hybrides multipliés par voie générative dans des
champs semenciers bi ou polyclonaux.
Par électrophorèse enzymatique, il a été démontré que l’espèce C. canephora se subdi-
vise en deux groupes distincts : le groupe des guinéens et le groupe des congolais. L a
plupart des variétés cultivées sont en fait des hybrides entre ces deux groupes. Ce
résultat est à la base d’un programme de sélection récurrente réciproque. Les
hybrides obtenus entre ces deux groupes ont un potentiel de production plus élevé
que les clones et hybrides sélectionnés diffusés aujourd’hui.
● La multiplication
La multiplication par voie générative
Chez l’arabica, espèce autogame, la plupart des variétés commerciales sont fixées. Ceci
signifie qu’il est possible d’utiliser les graines de ces variétés comme semences. Par
contre, les hybrides F1 ainsi que de nombreuses lignées de Catimor ou de variétés
similaires ne peuvent être reproduits à l’identique que dans des champs semenciers
où les parents sont parfaitement connus. Du fait de l’autogamie, ils ne peuvent l’être
que par fécondation artificielle ou dans des champs semenciers dont l’un des géniteurs
est mâle stérile.
Chez le robusta, espèce allogame, il n’est pas possible d’obtenir des variétés fixées ou
stables. Tous les hybrides sélectionnés et diffusés chez les agriculteurs doivent obliga-
toirement provenir de champs semenciers connus.
En conséquence, le vulgarisateur devra veiller à ne faire semer que des semences
d’origine parfaitement connue, aussi bien pour les hybrides d’arabica et les Catimors
que pour le robusta. Dans le cas du Catimor, le manque de rigueur peut se traduire
par la diffusion de matériel végétal ayant perdu ses caractères de résistance à la
rouille. Seuls les centres de recherche ou les centres officiels de production de maté-
riel végétal sont habilités à certifier la stabilité d’une variété.
Le semis se fait en germoir ou directement dans les sachets de polyéthylène.
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Les plantes comestibles 5 1
1067
5 Agriculture spéciale
semaines après la floraison pour éviter l’avortement des fruits. En zone équatoriale
stricte (2° Nord ou Sud), le régime pluviométrique entraîne deux périodes de florai-
son et une récolte étalée sur sept à huit mois.
L’humidité de l’air joue un rôle important pour les deux espèces, C. canephora étant
plus exigeant que C. arabica. Dans certaines régions très sèches, comme le Yémen,
l’humidité nocturne apporte des quantités d’eau non négligeables (précipitations
occultes) permettant aux caféiers de se développer.
● La température
La température est également un facteur limitant important. En ce qui concerne l’ara-
bica, les effets de l’altitude compense la latitude : il est possible de cultiver l’arabica à
des altitudes faibles dans les régions proches des tropiques. Dans les zones gélives, un
ombrage des caféiers est indispensable.
● Le vent
Le vent agit de façon mécanique en provoquant le bris des troncs et des branches et
la chute des feuilles lorsque sa vitesse atteint 70 à 80 km/heure. Les vents secs et
chauds entraînent un flétrissement des feuilles et des jeunes rameaux encore verts.
● L’éclairement
L’éclairement joue un rôle important dans la fructification. Dans son habitat naturel,
le caféier se rencontre dans des zones ombragées et porte peu de fruits. Considérée
comme plante héliophobe, le caféier a longtemps été cultivé sous ombrage. En plein
soleil, il peut avoir une production très élevée mais ce mode de culture nécessite d’uti-
liser des intrants (engrais et pesticides) et de pratiquer une taille régulière.
Aujourd’hui les deux modes de culture sont couramment pratiqués : le choix dépend
du niveau souhaité d’intensification, de la technicité des agriculteurs et également des
contraintes de coût des intrants et de protection de l’environnement. Les systèmes
agroforestiers à base de café se développent dans les pays où la main-d’œuvre est
encore peu onéreuse. Par contre au Brésil, à Hawaï, en Australie, la caféiculture se
pratique en plein soleil pour pouvoir mécaniser la récolte.
● Les sols
Les sols à pH compris entre 4,2 et 6,5 conviennent généralement bien au caféier qui
n’a pas d’exigences particulières. La texture joue un rôle peu important dans la
mesure où les déficits hydriques ne sont pas trop importants.
● La culture
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5 Agriculture spéciale
● L’entretien
Les caféières installées sur des jachères jeunes ou après des cultures annuelles sont
rapidement envahies par les adventices. En effet, les cultures vivrières exigent le plein
soleil et favorisent donc la pousse de mauvaises herbes dont le système racinaire entre
en compétition hydrique et minérale avec celui du caféier. Les jeunes plants de
caféiers doivent donc être détourés soigneusement et les interlignes fauchés très ras.
Des résidus végétaux sont placés autour des plants afin de couvrir le sol et limiter
l’évaporation (mulch).
Il est déconseillé d’installer des caféiers sur des sols couverts d’adventices traçantes et
envahissantes comme Imperata cylindrica et Chromolena odorata car il est très difficile de
les maîtriser manuellement. Le désherbage chimique est efficace mais coûteux pour
les petits producteurs. Les herbicides les plus couramment utilisés sont le glyphosate
et le paraquat.
Les caféières installées sous ombrage naturel ou implanté sont moins sujettes à la
concurrence de la flore adventice qui est alors surtout composée de dicotylédones.
L’envahissement d’une jeune caféière par les mauvaises herbes se traduit par un jau-
nissement des feuilles, la disparition des primaires basses et une mortalité des jeunes
caféiers en saison sèche. Adultes, les caféiers bien entretenus couvrent bien le sol, ce
qui limite la croissance des adventices.
● La taille
Il existe de nombreux systèmes de taille, tous découlant des caractéristiques morpho-
logiques du caféier.
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Les plantes comestibles 5 1
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5 Agriculture spéciale
La taille et l’entretien des plantations sont les deux techniques de base que le produc-
teur doit appliquer s’il veut obtenir un minimum de 500 kg de café marchand par hec-
tare.
● La fumure
De nombreux auteurs ont calculé les quantités d’éléments minéraux exportés par une
tonne de café. Les valeurs trouvées varient en fonction de l’espèce et des variétés au
sein d’une même espèce, de l’âge des caféiers et des conditions de culture.
L’azote et le potassium sont les éléments dominants dans la nutrition du caféier en
production. Sur des sols riches, on peut se contenter d’une fertilisation azotée au
moins pendant les cinq premières années. Ensuite, il est préférable d’apporter une
formule NK ou une formule NKMg.
L’apport de phosphore, élément coûteux, est conseillé uniquement sur les sols défi-
cients en P2O5 ou sur les sols basaltiques de type andosol, qui fixent le phosphore.
Dans ce cas, il est préférable de fractionner les apports.
Sur les sols désaturés, on a montré que l’azote seul peut avoir un effet dépressif. On
conseille donc d’apporter un engrais complet NPK ou de réaliser un amendement
calco-magnésien au préalable. La présence de fougères en végétation naturelle sug-
gère que le sol est désaturé et acide.
Il existe autant de recommandations pour la nutrition minérale que de pays produc-
teurs. Seuls les besoins extrêmes sont donnés ci-dessous, la formule optimale devant
être établie après des analyses de sol et de feuilles.
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Les plantes comestibles 5 1
à étendre l’arsenal des moyens de lutte dans le cadre d’une gestion intégrée des popu-
lations de scolytes.
La rouille orangée est une maladie qui ravage les plantations d’arabica en provoquant
la défoliation des caféiers et leur disparition lorsque les attaques sont très fortes et
continues. Les moyens de lutte sont chimiques et génétiques. De nouvelles variétés ont
été créées en croisant les arabicas avec l’Hybride de Timor (Casimirs, Icatu,
Sarchimors, etc). Des travaux récents ont montré qu’une bonne gestion agronomique
des caféières (ombrage, fertilisation) peut réduire l’incidence de la maladie.
Les autres maladies importantes
L’anthracnose des baies, causée par Colletotrichum kahawae est responsable de pertes sur
arabica pouvant atteindre 80 % de la récolte dans les cas les plus graves. Cette mala-
die sévit en Afrique de l’Est et au Cameroun. Hormis la variété résistante kenyane
Ruiru 11, le seul moyen de lutte est le contrôle chimique.
La trachéomycose due à Fusarium xylaroïdes a dévasté les plantations en Afrique de
l’Ouest. Après avoir pratiquement disparu, elle est réapparue récemment en Afrique
de l’Est.
Citons enfin la cercosporiose qui apparaît lorsqu’il y a une mauvaise nutrition azotée
et trop de lumière, la maladie de la tache américaine (Mycena versicolor), et la fumagine
qui est en fait une maladie secondaire liée à la présence de cochenilles.
Les autres ravageurs importants
La punaise bigarrée (Antestiopsis orbitalis) cause d’importants dégâts en attaquant les
fruits de l’arabica en Afrique de l’Est et au Cameroun. Les nématodes (genres
Pratylenchus et Meloïdogyne) sont responsables de la mort de plantations d’arabica en
Amérique centrale. La lutte chimique est peu efficace et polluante. Grâce au greffage
hypocotyle sur des porte-greffes robusta, il est possible d’installer des arabicas dans les
zones infestées. Les cochenilles attaquent les parties aériennes ou les racines. Elles sont
souvent associées aux fourmis et sont responsables de l’apparition de fumagine. Les
foreurs des troncs (Xyleborus sp.), le scolyte des branchettes et les termites, sont des
ravageurs secondaires qui peuvent occasionnellement faire des dégâts importants.
Pour être efficace et la moins polluante possible, la lutte chimique doit obligatoirement
respecter les doses et dates d’application préconisées par les fabricants et les régle-
mentations nationales. Le café biologique attirant de plus en plus de consommateurs,
le contrôle biologique des maladies et ravageurs du caféier est un secteur de recherche
en plein développement.
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5 Agriculture spéciale
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Les plantes comestibles 5 1
● La qualité du café
Schématiquement, la qualité du café se définit suivant deux types de critères :
> une qualité loyale et marchande qui signifie que le produit vendu est conforme à la des-
cription qui en est faite. À l’intérieur de cette définition, on classe les cafés en fonc-
tion d’un certain nombre de catégories correspondant à des taux maximaux d’im-
perfections pour chacune d’entre elles. Les cafés les plus cotés ne contiennent pas
de fèves noires, fermentées, puantes, blanches, perforées, etc., ni de corps étrangers
(bois, pierres, résidus de la transformation) ;
> une qualité organoleptique qui caractérise le café en fonction de son arôme, son aci-
dité, son amertume, son astringence, son corps, mais aussi les goûts indésirables
(fermenté, puant, pomme de terre, etc.). Certains goûts, comme le goût rioté ou des
goûts fruités peuvent être appréciés ou non selon la clientèle. Les facteurs de varia-
tions, outre le traitement post-récolte, sont nombreux : la variété, les pratiques cul-
turales, l’altitude, le sol, l’ombrage interviennent dans la valeur d’un café.
Tableau 11. Production moyenne de café dans le monde sur 14 ans (1986-1987/1999-2000)
Robusta Arabica
Volume Tendance Volume Tendance
Continents/Pays (milliers de sacs 60 kg) (milliers de sacs 60 kg)
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5 Agriculture spéciale
LE GUARANA
Paullinia cupana
Anglais, espagnol et portugais : guarana
Famille des Sapindaceae
Le guarana apprécie les températures constantes avec une moyenne annuelle de 28°C,
la température minimale tolérée étant de 12°C. Il pousse sur des sols de gley ou laté-
ritiques dystrophiques, dont la fertilité est faible, le pH très acide (3,5 à 4,5) avec une
grande concentration en aluminium.
● La culture
La graine perd son pouvoir germinatif après 3 jours si elle n’est pas placée dans des
conditions de germination. La germination peut prendre plus de cent jours.
L’espacement des plantes est d’environ 4 m sur 5 m. Aucune fertilisation n’est néces-
saire. On réalise, dès la deuxième année, une taille des branches malades et de celles
qui ont fleuri la première année. Une taille de formation permet de diriger les
branches sur des supports.
La récolte des grappes intervient lorsque les fruits éclatent et laissent apparaître les
graines noires. Le péricarpe est enlevé de façon manuelle. La graine et l’arille sont mis
à tremper. On peut les torréfier pendant 40 mn, ce qui entraîne l’éclatement des enve-
loppes et le tri des amandes : les plus belles sont utilisées dans la fabrication des bâtons
de guarana, les autres dans la préparation de boissons.
Une autre méthode consiste à décortiquer, laver puis torréfier les graines pendant six
heures, puis à les placer dans des sacs et à les secouer jusqu’à ce que l’enveloppe
externe se détache. Elles sont ensuite broyées jusqu’à l’obtention d’une fine poudre
qui est mélangée avec de l’eau et transformée en pâte. Cette pâte est roulée en petits
cylindres et laissée sécher au soleil ou sur un feu jusqu’à ce qu’elle durcisse.
Le traitement industriel existe également et permet d’obtenir un sirop avec lequel on
fabrique, au Brésil, des boissons gazeuses.
LE KOLATIER
Famille des Sterculiaceae
Le genre Cola comprend une quarantaine d’espèces en Afrique de l’Ouest. Cola nitida
et Cola acuminata sont les plus importantes.
Cola acuminata
Français : kolatier sauvage :
Anglais : kola nut, abata cola
Espagnol : colatero
Portugais : coleira
Cola nitida
Français : kolatier
Anglais : kola, bitter cola
Espagnol : colatero
Croquées ou râpées pour lutter contre la fatigue, le sommeil et la faim, les noix de cola
sont caractérisées par une grande amertume. C. nitida est la noix commercialisée alors
que C. acuminata a une grande importance sociale (comme cadeau de bienvenue, pour
les demandes en mariage, etc.). Les graines sont utilisées pour leurs caractéristiques
appétantes et stimulantes. Elles contiennent de la caféine et entrent dans la composi-
tion d’une boisson. On prête également des vertus magiques à certaines noix de cou-
leur ou de taille exceptionnelle. En Europe, aux Etats-Unis et au Nigeria, la noix de
cola entre actuellement dans la fabrication de médicaments, vins ou liqueurs.
Il existe une grande variabilité entre les kolatiers. Ce sont des arbres touffus, d’une
dizaine de mètres de hauteur, à fleurs jaunes et à feuilles persistantes, longues de 15
à 20 cm, oblongues, coriaces et pointues aux deux extrémités. La couleur des fruits
mûrs est proche de celle des feuilles. C. nitida possède deux cotylédons alors que C.
acuminata en possède au moins six.
Le kolatier donne successivement, dans l’année, des fleurs mâles puis des fleurs her-
maphrodites puis à nouveau, en fin de floraison, des fleurs mâles. Le nombre de fleurs
hermaphrodites est positivement corrélé au rendement. La principale période de flo-
raison dure trois mois. Entre la pollinisation et la maturité du fruit il s’écoule de
120 à 135 jours. Les graines sont dans des capsules ligneuses coriaces oblongues d’en-
viron 8 cm de long. Il est difficile de récolter tous les fruits qui se dissimulent parmi
les feuilles dont ils ont la couleur. La récolte est donc souvent incomplète. Les cotylé-
dons sont séparés et séchés. Ils ont une taille de 2,5 à 5 cm lorsqu’ils sont vendus.
● La culture
La propagation s’effectue soit par graines, soit de façon végétative (greffage, boutu-
rage, marcottage). La germination est de bonne qualité et d’autant plus rapide que la
noix de cola a atteint sa totale maturité. C. nitida germe plus lentement que C. acumi -
nata. Chez C. acuminata, ce sont les noix roses qui germent le plus rapidement, alors
que chez C. nitida, ce sont les noix blanches. La température optimale de germination
est de 30°C pour C nitida, et de 30°C à 35°C pour C. acuminata. Les noix germées sont
plantées dans des sachets de polyéthylène.
Le kolatier pousse de préférence près des côtes ou dans les plaines de faible altitude.
Il se développe sur des sols sableux à argilo-sableux, avec une faible capacité de réten-
tion d’eau et peu de nutriments. Les arbres sont plantés à des écartements de 7 à 9 m.
La croissance des plants est meilleure dans des zones ombragées, où on obtient des
feuilles plus grandes.
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Les plantes comestibles 5 1
LE MATÉ
Ilex Paraguayensis
Français : maté, herbe maté, thé du Paraguay
Anglais : mate, Bresilian tea, Paraguay tea
Espagnol : maté, yerba maté, té de los jesuitas
Portugais : congonha, erva maté
Famille des Aquifoliaceae
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5 Agriculture spéciale
LE TABAC
Nicotiana tabacum
Anglais : common tobacco
Espagnol : tabaco
Portugais : tobaco
Famille des Solanaceae, genre : Nicotiana, trois sous-genre, soixante sept espèces dont
Nicotiana tabacum qui représente 90 % des tabacs cultivés dans le monde.
● La plante
C’est une espèce annuelle, à tige unique, droite, de hauteur variable selon les variétés.
Les feuilles sont simples, sessiles et alternes. Le limbe est entier et les nervures sont
apparentes. Les feuilles sont souvent couvertes de poils qui sécrètent des gommes et
des résines. La dimension des feuilles varie de 40 à 80 cm de long sur 20 à 45 cm de
large. Les plus grandes feuilles se situent à la base du plant et les plus petites au som-
met. Les fleurs hermaphrodites sont de couleur rose, blanche ou jaunâtre. De nom-
breuses variétés sélectionnées ne produisent plus de pollen. Le fruit est une capsule
ovoïde qui contient jusqu’à 3 000 graines dont le diamètre est inférieur à 1 mm. On
compte de 4 000 à 13 000 graines par gramme et un pied de tabac peut produire de
10 à 20 g de graines.
Le pied de tabac émet dans des conditions normales de vingt à vingt-huit feuilles avant
l’apparition du bouton floral. Si un froid et une diminution de l’éclairement inter-
viennent pendant une dizaine de jours, alors l’apex risque de se transformer préco-
cement en bouton floral au stade treize ou dix-huit feuilles.
La nicotine est synthétisée dans les racines, puis transportée dans les feuilles (princi-
palement dans les extrémités du limbe). Une partie de la nicotine disparaît au cours
du séchage. Les caractéristiques physiques et chimiques de la feuille varient en fonc-
tion de son niveau d’insertion sur la tige et ce gradient est accentué par l’écimage.
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Les plantes comestibles 5 1
La récolte est donc divisée en groupes de feuilles de même étage foliaire, utilisés par
les industriels de façon spécifique.
Le tabac se développe dans de nombreux milieux entre 60° Nord et 40° Sud. Il pré-
fère les sols profonds, francs ou légers, bien pourvus en matière organique et qui se
réchauffent facilement, de pH acide (< 6). La température agit sur la durée du cycle
végétatif. Le tabac n’aime pas les températures inférieures à 13°C. L’humidité de l’air
favorise la production de feuilles fines et dépourvues de gommes tandis que sous un
climat sec, les tabacs sont gommeux, corsés, aromatiques et ont des feuilles étroites et
épaisses.
● La culture
La durée de végétation sur le champ varie considérablement selon les variétés (50 à
150 jours). On la divise en quatre phases :
> phase de germination épigée. La levée a lieu huit à dix jours après le semis (douze à
quinze jours en période froide) ;
> phase de croissance : les cotylédons verdissent et s’élargissent en forme de feuilles. Le
stade trois à quatre feuilles est atteint après 20 à 30 jours, le stade six à sept feuilles
après 50 à 90 jours (10 à 12 cm de hauteur). Les plants peuvent alors être repiqués.
Pendant le mois qui suit la transplantation, la croissance est ralentie ;
> phase de floraison : l’inflorescence apparaît après 130 à 170 jours ;
> phase de maturation : les feuilles jaunissent de la base vers le haut. La maturation
s’étale sur un mois.
● La plantation et l’entretien
La capacité germinative des graines est maintenue par une conservation dans des
lieux secs à l’abri de la lumière et des variations brusques de température. Le semis
direct n’est pas possible en raison de la petitesse des graines. Le semis se fait en pépi-
nière à une densité de 0,15 à 0,18 g/m2. Lorsque les températures sont basses, pour
stocker les plants en début de saison de culture, on peut utiliser des mini-serres ou des
films de polyéthylène. L’enrobage des graines en facilite le maniement, notamment
l’utilisation de semoirs et de techniques de culture hors sol (semis flottants) par les gros
producteurs.
1081
5 Agriculture spéciale
La densité de repiquage varie selon le type de tabac cultivé (voir tableau 12).
L’écimage vise à augmenter le rendement (jusqu’à + 35 %) et la teneur en nicotine
dans les feuilles. La floraison des tabacs se produit deux mois après leur transplanta-
tion et les plantes sont alors écimées : on coupe le sommet de la tige qui comprend
l’inflorescence et les feuilles les plus jeunes dont on supprime la dominance apicale.
Après cette opération, la croissance des racines est accélérée, la synthèse de la nicotine
augmente ainsi que la teneur en alcaloïdes des feuilles. On peut aussi utiliser des
régulateurs de croissance pour empêcher la croissance des bourgeons axillaires et
favoriser l’accumulation de matière sèche dans les feuilles.
● Le séchage et la fermentation
Le séchage (curing) est une des principales opérations qui a lieu après la récolte. Il
entraîne la révélation d’arômes spécifiques et de couleurs caractéristiques de chaque
variété de tabac. En effet, les substances aromatiques ne sont pas présentes dans le
tabac vert mais apparaissent au cours des transformations de la feuille (dessiccation,
fermentation), à partir de substances précurseurs d’arômes déjà présentes dans les
feuilles. Après le séchage, le tabac brun subit une fermentation. Puis les tabacs sont
triés (ce qui est exigeant en main-d’œuvre) et vieillis lors du stockage.
La fermentation concerne surtout le tabac brun. Elle permet d’assurer la conservation
et d’améliorer les caractéristiques organoleptiques du tabac. Elle a lieu après le
séchage et peut se faire soit naturellement en mettant les feuilles en tas, soit en salle
conditionnée humide et parfois sous presse. Lors de la fermentation en tas, un échauf-
fement spontané se produit dans les jours qui suivent la mise en tas et la température
s’élève progressivement pour atteindre un palier entre 50 et 60°C. Dès que la tempé-
rature diminue (au bout d’un mois), on retourne le tas. Cette opération peut être
répétée deux à quatre fois.
On distingue les tabacs blonds, doux, destinés principalement aux manufactures de
cigarettes et les tabacs bruns plus forts et destinés à tous les usages. On peut affiner et
définir cinq catégories principales qui tiennent compte du séchage, de la variété et de
l’utilisation.
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Les plantes comestibles 5 1
Sols optimaux Sols légers et acides, Tabac de coupe : sols Lourds et riches Sols légers, Types aromatiques :
limons sableux ou lourds et riches en Bonne réponse à la limono-sableux zones de montagne
sables argileux matière organique fumure animale ou sablo-argileux ou collines sur sols de
Exigence particulière Tabac de cape : sols faible fertilité
en azote en début plus légers et bien Types ordinaires :
de culture drainés plaines plus fertiles
Climats Temp.: 24°C à 32°C Très variables, souvent Pluies abondantes Nécessité de Climat méditéranéen
optimaux le jour et 15°C à 18°C tropicaux et maritimes et régulières ; températures plus Nécessité d’une
la nuit. Temp. : 21 à 33°C. sinon irrigation élevées que les période fortement
Pluies abondantes Pluies abondantes autres tabacs ensoleillée longue
et régulières, sinon et régulières, sinon Pas d’irrigation
irrigation irrigation
Ecimage Tabac très aromatique : Ecimage tardif et haut Ecimage au début Pas d’écimage :
écimage précoce de la floraison et en tabacs légers et faible
(stade 15 à 18 feuilles) laissant plus de feuilles teneur en alcaloïdes
En Europe, écimage que pour le Virginie
juste après floraison
Récolte Tardive (2 à 3 mois) Tabac de coupe : après Récolte de la plante Récolte précoce Récolte débutant 6 à
Par groupe de 2 à 50 jours environ, récolte entière quand les quand les feuilles 8 semaines après la
3 feuilles en commen- de la tige feuillées feuilles basses sont sont vert sombre plantation par groupes
çant par le bas Tabac de cape : surmatures (jaunes) de 3 à 5 feuilles en
récolte des feuilles pour ne pas perdre partant du bas
une par une de feuilles de la plante
Type de séchage À l’air chaud À l’air naturel À l’air naturel Au feu de bois Au soleil
parfois ventilé parfois ventilé
Durée du Une dizaine de jours Deux mois environ Deux mois environ Trois à huit jours De 1 à 3 semaines
séchage à la fumée de bois,
puis à l’air libre
Détails du Système de répartition Trois phases : jaunissesement, brunissement, La tendance est à Guirlandes fixées sur
séchage de l’air chaud, puis réduction des côtes.Pendant les deux une réduction du des cadres de bois
homogénéisation de dernières phases, l’humidité de l’air doit être temps d’exposition exposés au soleil
l’humidité. réduite.Utilisation de séchoirs en briques ou à la fumée
Jaunissement (2 jours), en bois, bien aérés, avec divers systèmes
fixation de la couleur d’accrochage des tabacs. Température et
(3 jours), réduction humidité de l’air régulées par des ventilateurs
des côtes (2 jours), Tabac de cape : il est séché en feuilles
réhumidification
des tabacs
Objectifs du Les pigments verts Hydrolyse totale des sucres en même temps Comme pour les Préserver les sucres
séchage sont détruits que pigments bruns (plus faiblement pour deux précédents + et les composants
alors que les jaunes le tabac Burley) importance de la aromatiques
sont révélés. Eviter le fumée de bois pour spécifiques issus des
brunissement qui fait donner un goût huiles essentielles
disparaitre les sucres de fumé des feuilles
1 Tabac destiné à la fabrication de cigarettes, de tabac pour pipes.
2 Tabac au parenchyme fin, résistant et de bel aspect, dont les découpes servent d’enveloppe extérieure aux cigares.
1083
5 Agriculture spéciale
● La production
La production mondiale de tabac atteignait 6,7 millions de tonnes de feuilles sèches
en 2000. Elle a doublé durant les cinquante dernières années. Trente millions de per-
sonnes sont employées à cette culture et certains pays ont une économie très liée à
cette production. On cultive du tabac presque partout dans le monde (110 pays pro-
ducteurs), mais la production est inégalement répartie : dix pays concentrent 80 % de
la production. L’Asie représente 61 % de la production, les Amériques 22 %, l’Europe
10 % et l’Afrique 7 %.
L’évolution de la production mondiale est caractérisée par le développement marqué
de la production des tabacs flue-cured (60 % de la production), l’augmentation des
tabacs Burley (12 %), la stagnation de la production des tabacs bruns et assimilés et la
baisse de la production des tabacs orientaux.
1084
Les plantes comestibles 5 1
LE THÉIER
Camelia sinensis
Anglais : tea
Espagnol : té
Portugais : chá
Famille des Theaceae
● La plante
1085
5 Agriculture spéciale
● L’écologie du théier
> la pluviométrie doit être comprise entre 1 500 et 2 500 mm par an, avec une bonne
répartition mensuelle et moins de trois mois secs (< 50 mm/mois). Au-delà de 200
mm et en-dessous de 100 mm mensuels, le rendement baisse ;
> la température optimale est comprise entre 18°C et 25°C. Le zéro végétatif est de
12°C et la température létale à - 5°C. Au-dessus de 30°C, le rendement diminue ;
> l’optimum d’ensoleillement est de cinq heures par jour ;
> l’hygrométrie optimale est comprise entre 70 et 90 %. Il faut éviter les vents dessé-
chants. Les brise-vents et un ombrage permanent favorisent le maintien d’une
humidité suffisante ;
> la grêle, par son effet mécanique, peut entraîner des pertes importantes de
récolte ;
> les sols doivent avoir un pH inférieur à 5,5, être bien drainés et riches en matière
organique.
● La culture
1086
Les plantes comestibles 5 1
Hormis le cas où la production est traitée de façon artisanale, l’usinage du thé est fait
dans de petites unités traitant au moins la production de 100 à 200 ha. Ceci suppose
un regroupement des exploitations dans un rayon d’une dizaine de kilomètres car les
feuilles doivent être traitées au plus tard six heures après la récolte.
Compte tenu des besoins en main-d’œuvre, il est probable que la production familiale
va se développer.
● La taille
La taille de formation consiste à former la charpente du théier en favorisant la pousse
de rameaux secondaires et tertiaires. Cette opération se pratique en trois fois, avec
une année entre chaque intervention et sans cueillette afin d’éviter l’épuisement de
l’arbuste. La dernière taille ou tipping sert à former la table de cueillette sur laquelle
seront faites les récoltes. Le tipping doit être parallèle au sol. Un bon tipping couvre
parfaitement le sol et limite la pousse des adventices.
La taille de production se pratique tous les deux à six ans et son but est d’abaisser la
table de cueillette qui s’élève de 5 à 10 cm/an selon le type de cueillette. Cette taille éli-
mine les brindilles et branches surnuméraires, tout en conservant le maximum de
feuilles pour assurer la constitution des réserves.
La taille de régénération se pratique lorsque la table devient trop haute pour prati-
quer une taille de production. Le théier est rabattu à 0,35 m du sol et on procède
ensuite à une taille de formation.
● La fumure
Une tonne de thé sec exporte 40 à 50 kg de N ; 7 à 9 kg de P2O5 et 20 à 25 kg de K2O.
On a montré expérimentalement qu’1 kg d’azote augmente la production de 4 à 8 kg
de thé sec. Dans la pratique, on apporte 100 à 250 kg d’azote par ha soit sous forme
d’urée, soit avec un complexe NPK (25-5-5 ou 28-5-14 ou 10-2-4). L’apport de matière
organique se fait en laissant les émondes de taille sur le terrain.
● La cueillette
Un cycle de cueillette dure de six à quatorze jours selon la saison. On ne cueille que
les pousses adultes constituées du pekoe plus deux ou trois feuilles (P+2 ou P+3). Un
gain de production de 25 % est obtenu en cueillant à P+3 au lieu de P+2. Il est aussi
conseillé de cueillir le banji plus une feuille afin de faire débourrer les bourgeons axil-
laires. La cueillette se fait sur fish leaf ou sur janam, c’est-à-dire au niveau des pré-
feuilles. Le choix des pousses à récolter est dicté par le chef d’usine, en fonction de la
qualité recherchée.
1087
5 Agriculture spéciale
● Le contrôle sanitaire
Les rendements peuvent être affectés par l’état sanitaire des plantations. Parmi les
maladies ayant une réelle incidence économique, on citera les pourridiés 2 qui nécessi-
tent un arrachage et une mise en jachère du sol avant de replanter. Seule une mala-
die des feuilles, la cloqué provoquée par Exobasidium vexans, est dangereuse pour le
théier. Le traitement se fait avec un fongicide à base de cuivre. Les insectes peuvent
localement constituer un danger sérieux mais, en règle générale, les populations sont
stables et en équilibre.
1088
Les plantes comestibles 5 1
Bibliographie
Le cacaoyer
DE Lattre-GASQUET M., DESPREAUX D., BAREL M., Prospective de la filière du cacao in Marchés tropicaux
et méditerranéens- N°2788 ; 16 avril 1999.
PONTILLON J. (coordonnateur), Cacao et Chocolat, Collection sciences et techniques agroalimentaires
- Tec & doc Lavoisier, Paris 1997.
Le caféier
CAMBRONY, H.R. Le Caféier. Collection Le Technicien d’agriculture tropicale, Maisonneuve & Larose,
CTA, 1989.
WILLSON, K.C., Coffee, Cocoa and Tea. Collection Crop Production Science in Horticulture, CABI
Publishing, 1999.
Le tabac
AKEHURST B.C. , Tobacco, Tropical Agriculture Series, 1981, 764 p.
PITIÉ B., SCHILTZ P., Le tabac, Que sais-je ? Le point des connaissances actuelles, PUF, 127 p, 1999.
Le théier
BONHEUR D., Le Théier, Collection Le technicien d’agriculture tropicale, Ed. Maisonneuve & Larose,
CTA, 1989
EDEN T., 1976, Tea, 3 ème éd., Longmans, 1976.
1089
5 1 8 Les plantes à épices
À partir des contributions de A. Caburet et C. Hekimian Lethève
1091
5 Agriculture spéciale
LE CANNELIER
Cinnamomum verum Presl. - Syn. : C. Zeylanicum
Anglais : cinnamon
Espagnol : canela
Portugais : canela
Famille des Lauraceae
Le cannelier, originaire du Sri Lanka, est cultivé pour son écorce utilisée en pâtisse-
rie, en confiserie, dans certaines boissons et en cuisine. On extrait également de l’huile
essentielle de ses feuilles, utilisée en parfumerie. Les principaux producteurs sont
l’Indonésie, la Chine et Sri Lanka.
C. verum est la véritable cannelle ; d’autres arbres portent l’appellation cannelle, mais
leur écorce est de moins bonne qualité : C. cassia (cannelle de Chine), la plus répan-
due, C. burmanii (de Birmanie), C. loureiri (de Saïgon).
Le cannelier est un arbre à feuillage persistant, de 10 à 12 m de haut et à l’écorce rou-
geâtre. Les feuilles sont opposées, trinervées, coriaces, luisantes, pétiolées, de forme
lancéolée. Les inflorescences sont des cymes à petites fleurs blanc jaunâtre, produisant
des drupes globuleuses de 1,5 à 2 cm de long. Le cannelier demande une pluviosité
annuelle de 2 000 à 2 500 mm.
Le cannelier est surtout cultivé en pur et mené en taillis. Il est multiplié par boutures,
marcottes, éclats de souche enracinés ou par graines. La production de plants en pépi-
nière à partir des graines (lavées au préalable et séchées à l’ombre) est assez longue :
huit à neuf mois.
Les plants âgés de deux à trois ans sont rabattus légèrement au-dessus du sol, puis
buttés afin de favoriser la formation de rejets. On garde jusqu’à une dizaine de tiges.
Ces tiges sont élaguées régulièrement, pour qu’elles poussent bien droit. L’arbre ne
reçoit que rarement une fumure.
Les rares maladies observées sont les suivantes :
> Phytophtora cinnamomi, qui attaque le tronc et les branches des jeunes plants, en ter-
rain mal drainé ;
> des pourritures des racines ;
> une rouille sur les organes aériens (Aecidium cinnamomi).
La première récolte a lieu vers trois à quatre ans (pour C. verum), les récoltes ulté-
rieures ayant lieu tous les deux ans. La production commence à diminuer vers la
dixième année. La récolte doit avoir lieu en saison humide car l’écorce est plus facile
à extraire. Les rendements moyens sont de l’ordre de 180 à 220 kg/ha d’écorce de
premier choix (quills) et 60 à 65 kg/ha d’écorce de second choix. L’écorce est séchée au
soleil pendant trois à cinq jours ou dans des hangars chauffés artificiellement.
1092
Les plantes comestibles 5 1
LA CARDAMOME
Elletaria cardamomum (L.) Maton
Anglais : cardamom
Espagnol : cardamomo
Portugais : cardamomo
Famille des Zingiberaceae
Originaire de l’Inde et du Sri Lanka, cette plante herbacée pérenne est cultivée pour
ses fruits, utilisés comme épice en cuisine, en pâtisserie ou dans le café (pays arabes).
Elle figure dans la pharmacopée de certains pays. La cardamome est vendue sous
forme de fruit séché. Le Guatemala est le plus gros producteur, suivi de l’Inde. C’est
l’épice la plus chère après le safran.
La plante peut atteindre 2 m de haut ; elle possède un rhizome, des feuilles longues
et lancéolées, insérées sur des tiges foliaires ; les fleurs, en panicules, sont insérées sur
des tiges dépourvues de feuilles. Les fruits sont des capsules à trois loges, déhiscentes,
ovoïdes (1 cm de diamètre), contenant cinq à sept graines par loge. Ce sont elles qui
contiennent les substances aromatiques. Il existe une forme sauvage de cardamome,
moins aromatique que la forme cultivée.
La cardamome est cultivée dans les forêts des zones tropicales humides, jusqu’à
1 500 m au Sri Lanka. Elle exige une certaine altitude et de l’humidité (environ 3 000
mm d’eau par an). Elle a besoin d’un léger ombrage et ne produit pas de graines dans
des zones à température trop élevée (moyenne annuelle au-dessus de 24°C). Elle se
développe bien dans les sols lourds et riches en humus et supporte des terrains légè-
rement marécageux.
Elle se multiplie soit par graines, soit par fragments de rhizome. Les plants issus de
graines produisent au bout de cinq ans, ceux issus de rhizomes au bout de trois ans.
Les graines doivent être plantées le plus tôt possible (forte baisse du pouvoir germi-
natif au bout d’une semaine).
La plantation se fait dans des trous enrichis en matière organique en milieu forestier
éclairci. Les trous sont distants de 1,5 à 2,5 m. Les plants doivent être sarclés réguliè-
rement et paillés. La cardamome peut être atteinte par une mosaïque et les principaux
parasites animaux sont les thrips. La récolte est faite manuellement avec des ciseaux,
lorsque la couleur des capsules passe du vert au jaune (avant qu’elles ne soient déhis-
centes). Les graines doivent être brun foncé ou noires.
Les fruits sont séchés au soleil ou dans des séchoirs à air chaud, ce qui les blanchit légè-
rement. Les pédoncules sont enlevés après le séchage. Les rendements les plus élevés
sont atteints vers dix à quinze ans. Ils varient entre 200 et 1 200 kg/ha de capsules
fraîches. Des travaux de sélection ont été entrepris en Inde ; les deux groupes de cul-
tivars les plus répandus sont le groupe Malabar (petite cardamome) et le groupe
Mysore (grande cardamome). La multiplication par culture de tissus in vitro est pos-
sible.
1093
5 Agriculture spéciale
LE GINGEMBRE
Zingiber officinale
Anglais : ginger
Espagnol : gingibre
Portugais : gengibre
Famille des Zingiberaceae
Cette plante, qui regroupe 85 espèces, est cultivée pour son rhizome, utilisé comme
épice. Le gingembre sert dans des préparations culinaires, des boissons, des confise-
ries et en pharmacie. L’origine géographique la plus probable du gingembre serait
l’Inde. Il n’existe pas à l’état spontané.
C’est une plante herbacée vivace, à feuilles lancéolées, alternes, certaines tiges étant
stériles et d’autres florifères. Le gingembre est une plante de climat tropical humide,
qui supporte des températures moyennes annuelles de l’ordre de 22° C.
1094
Les plantes comestibles 5 1
Il est cultivé comme un plante annuelle. Il ne se développe correctement que dans des
sols pas trop lourds et sans éléments grossiers.
La multiplication se fait par éclats de rhizome portant au moins un œil. Le sol doit être
labouré soigneusement, puis préparé en planches ou en billons (un apport de fumier
au moment du labour est conseillé). Le paillage, pratiqué traditionnellement, est très
bénéfique à la culture. Le gingembre réagit bien à des apports d’azote (doses opti-
males de 200 à 300 kg de N/ha, selon des essais réalisés en Australie).
La première récolte a lieu sept à dix mois après la plantation. Les rendements sont
très variables : de 9 à 11 t/ha en Inde, 23 t/ha au Brésil, de 36 à 45 t/ha en Afrique du
Sud, 95 t/ha en essais en Australie (en poids frais). Le gingembre frais se conserve
deux à trois mois ; il peut être séché de différentes manières ou mis en conserve. Il
perd 75 à 80 % de son poids au séchage.
LE GIROFLIER
Syzygium aromaticum (L.) Merrill & Perry - Syn. Eugenia caryophyllus - Syn. Jambosa caryo -
phyllus
Anglais : clove tree
Espagnol : árbol del clavo
Portugais : cravinho, cravo-da-índia
Famille des Myrtaceae
● La plante
Le giroflier est un arbre à feuillage persistant, à silhouette élancée, de 12 à 15 m de
haut. Les feuilles sont coriaces et d’un vert luisant, au limbe lancéolé de 8 à 12 cm de
long. Les inflorescences sont des cymes terminales comportant vingt à quarante fleurs.
1095
5 Agriculture spéciale
Les fleurs sont formées d’un calice tubulaire rose terminé par quatre sépales charnus,
de quatre pétales blanc rosé, de nombreuses étamines et d’un ovaire à deux loges. Le
clou de girofle est le bouton floral au début de son développement : calice rouge vif,
corolle encore présente. Le fruit est une drupe violacée, ellipsoïde, qui comporte une
seule graine d’environ 1,5 cm de long.
La plupart des variétés se trouvent en Indonésie ; il existe des variétés sauvages, moins
riches en essences. Du fait de la localisation de la majeure partie de la production dans
un seul pays et du faible prix des clous sur le marché mondial, peu de recherches sont
en cours actuellement sur le giroflier. De nombreux travaux de recherche ont été
menés à Madagascar entre 1960 et 1970 (sélection, greffage, multiplication végétative,
modes de plantation, entretien, fertilisation, taille, distillation…).
Le giroflier se développe bien dans les zones relativement humides (1 800 à 2 000 mm
par an), à saison sèche marquée (la saison sèche favorise la floraison), mais ne supporte
pas les stress hydriques. Une courte saison sèche lui est donc favorable. Il demande
une humidité de l’air voisine de 80 %. L’altitude maximale pour avoir une production
correcte est 400 m. Le giroflier est très sensible au vent (bois fragile). Il demande la
pleine lumière et un fort ensoleillement.
Son enracinement est superficiel. Il est peu exigeant en ce qui concerne les sols.
Néanmoins, un pH supérieur à 5,5 est recommandé. Il ne craint que les sols sablon-
neux et les sols marécageux. Cependant, dans les régions à saison sèche marquée, afin
de limiter les risques de stress hydrique, on choisira de préférence des sols à bonne
capacité de rétention en eau.
● La culture
Le giroflier se multiplie par graine, en pépinière. Il se multiplie également par mar-
cottage, mais la durée de production des plants est alors plus longue. La culture de
tissus in vitro n’a pas encore donné de résultats.
Les graines doivent être semées rapidement car leur pouvoir germinatif disparaît en
quelques semaines. La meilleure technique consiste à semer deux à trois graines dans
un sac de polyéthylène. Les graines germent après environ cinq semaines. Les plants
sont installés en terre au plus tôt au bout de neuf à douze mois, mais les plants sont
alors encore sensibles aux intempéries ; il est recommandé de les laisser en pépinière
dix-huit à vingt-quatre mois (taille de 50 à 70 cm).
Les trous de plantation peuvent être enrichis avec du fumier et de la matière orga-
nique à décomposition lente un mois avant la plantation. La distance entre les arbres
en culture pure est de 4 à 5 m à Madagascar, 6 à 9 m en Tanzanie, 8 à 11 m en
Indonésie. Sur les pentes aménagées, le giroflier peut être planté en haie, à des fins
d’extraction de l’essence des feuilles. Les lignes seront alors espacées de 3 m, les arbres
étant plantés à une distance de 0,75 m sur la ligne.
Un léger ombrage est nécessaire à la croissance des jeunes arbres et les jeunes planta-
tions doivent être désherbées fréquemment. Une plantation adulte peut supporter
une culture intercalaire ou une légumineuse de couverture comme Centrosema pubes -
cens ; seuls les pieds de giroflier doivent rester dégagés. Le paillage peut également
être pratiqué. À Madagascar, on rencontre des associations culturales avec le cacaoyer
et le caféier ; à Zanzibar et aux Comores, le giroflier peut être cultivé sous cocotiers ou
avec des bananiers ou du manioc.
1096
Les plantes comestibles 5 1
Le giroflier supporte très mal la taille. À l’état adulte, il ne reçoit que rarement une
fumure, sauf dans certaines plantations industrielles. En effet les cours des clous et de
l’essence sont en général trop bas pour rentabiliser une application d’engrais.
Le giroflier est très peu sensible aux maladies. Une anthracnose, le die back
(Cryptosporella eugeniae), attaque les branches : le feuillage flétrit en partant de la cime,
les branches atteintes doivent être coupées et la section de coupe traitée avec un pro-
duit fongicide.
Le giroflier a été atteint par une maladie foudroyante à Zanzibar (Sudden death) qui
ressemble fort à une maladie persistant en Indonésie actuellement, la maladie de
Sumatra. Son origine est une bactérie : Pseudomonas syzygii. On peut injecter dans les
vaisseaux du bois un antibiotique, l’oxytétracycline, afin de limiter les dégâts. Une
autre maladie, due aux champignons Phyllosticta syzygium et Guigordia hevea, est fré-
quente en Indonésie. Parmi les maladies mineures, citons la lèpre (taches brunes sur
les feuilles) due à une algue, des fumagines et la maladie des taches rouges (sur les
feuilles) due à un champignon. Le giroflier peut être victime d’attaques d’insectes,
mais c’est très rare. Une chenille, Chrysotypus mabilianum, a fait des dégâts importants
à Madagascar (elle creuse des galeries dans le tronc et les branches).
● La récolte
Le giroflier commence à produire vers quatre ans ; les récoltes élevées sont obtenues
à partir de vingt ans et l’arbre peut vivre cinquante à soixante-quinze ans. La pro-
duction des feuilles pour la distillation est plus épuisante pour le sol que la récolte des
clous.
Les clous doivent être récoltés à un stade très précis (calice rouge vif et présence des
pétales) pour obtenir une qualité optimale : trois à quatre passages dans la plantation
peuvent être nécessaires. La récolte est faite à l’aide d’échelles et il est très important
de ne pas arracher les branches et rameaux pour ne pas compromettre les récoltes
futures. Un ouvrier peut récolter 30 à 40 kg d’inflorescences par jour, soit 25 à 30 kg
de clous frais par jour.
Les boutons floraux sont séparés manuellement des pédoncules (griffes) ; les clous
frais sont séchés au soleil, sur une aire cimentée (sur des nattes en général). La des-
siccation du clou est achevée lorsqu’il ne contient plus que 12 à 16 % d’eau.
Les rendements moyens sont de 6 à 16 kg/ha/an de clous frais. Un bon rendement est
de l’ordre de 10 kg de clous secs par arbre et par an. Si les boutons floraux ne sont
pas récoltés, les fruits sont murs trois mois plus tard. À une année de bonne récolte
succèdent généralement deux à trois ans de récolte médiocre. Ce phénomène serait
lié à des problèmes d’architecture des rameaux susceptibles de porter les inflores-
cences.
La récolte des clous est incompatible avec la récolte des feuilles pour la distillation.
Pour récolter les feuilles, on coupe les extrémités de branches à 30 ou 40 cm de long.
Un arbre donne 80 kg de jeunes feuilles et il faut attendre quatre ans avant de recou-
per à nouveau.
1097
5 Agriculture spéciale
LA MUSCADE ET LE MACIS
Myristica fragans Houtt.
Anglais : nutmeg and mace
Espagnol : nuez muscada sy macis
Portugais : noz-moscada e macis
Famille des Myristicaceae
Le muscadier est cultivé pour sa graine, la noix de muscade, utilisée comme condi-
ment. On utilise aussi à cet effet l’arille du fruit, appelé macis. La graine sert dans des
préparations culinaires, comme ingrédient de liqueurs, et dans la parfumerie (extrac-
tion d’une huile essentielle contenant de la myristicine). On n’extrait pas d’huile
essentielle du macis.
Originaire d’Indonésie (Moluques, Banda), le muscadier est cultivé actuellement dans
de nombreux pays tropicaux et plus particulièrement en Asie du Sud-Est et à
Grenade. L’Indonésie fournit 60 % de la production mondiale, Grenade 30 %. Cette
production est en moyenne de 17 000 t de noix et 3 000 t de macis.
Le muscadier est un arbre à feuillage persistant, dioïque, de moins de 20 m de haut.
Les feuilles sont coriaces, vert foncé, à face dorsale blanchâtre. Les fleurs, jaune pâle,
sont individuelles ou groupées par trois. Les fruits sont ovoïdes, de 6 à 9 cm sur 5 à
8 cm, monospermes, charnus. La graine mesure 2 à 4 cm de long sur 2 cm de large ;
elle est recouverte d’un tégument brun foncé luisant, lui-même recouvert par un arille
charnu, de couleur rouge orangé (le macis).
Le muscadier apprécie les sols frais et bien drainés. Il nécessite une pluviométrie
annuelle de 2 000 à 2 500 mm et un climat chaud. Il préfère la basse altitude. Les mus-
cadiers sont toujours menés en culture pure. Ils peuvent être multipliés par marcot-
tage ou par semis. Les arbres étant dioïques, la technique du marcottage permet de
choisir le sexe du plant.
Les graines doivent être plantées dans les deux jours après la récolte. Elles germent
en quatre à six semaines et les plants restent en moyenne six mois en pépinière. Ils
doivent être protégés du soleil une fois au champ. L’arbre adulte tolère un léger
ombrage.
L’entretien d’une plantation de muscadiers est très limité. Aucune taille n’est prati-
quée. Les plantations peuvent être de type industriel (à Grenade en particulier). On
conserve en général un taux de pieds mâles de l’ordre de 10 %.
Les premières floraisons ont lieu quatre à huit ans après la plantation et l’arbre peut
vivre cinquante à cent ans. Les fruits peuvent être récoltés une fois tombés à terre
(comme à Grenade) ou sur l’arbre. L’arille est séparé de la graine et séché au soleil ;
les noix sont séchées à l’ombre ou au soleil. Le rendement d’un bon arbre peut être
estimé entre 1 500 et 2 000 noix par an, ce qui représente 3,5 kg de noix et 450 g de
macis.
1098
Les plantes comestibles 5 1
LE POIVRIER
Piper nigrum
Anglais : pepper plant, black pepper
Espagnol : pimentero
Portugais : pimenta do reino
Famille des Piperaceae
● La plante
C’est une espèce pérenne, ligneuse et grimpante, atteignant 10 m de hauteur. En
conditions cultivées, les plantes adultes croissent sur des supports. Le système raci-
naire est composé de cinq à vingt racines principales qui peuvent atteindre 4 m de
profondeur. Les racines nourricières sont dans les 60 premiers centimètres du sol et
forment un tapis dense. Les tiges orthotropes grimpent et restent végétatives. Elles
adhèrent au support avec de petites racines adventives qui se forment au niveau des
nœuds. Les branches plagiotropes sont sans racine adventive, avec des entre-nœuds
de 4 à 6 cm de long et de 1 à 1,5 cm de diamètre. Elles produisent d’autres branches
et des inflorescences.
Les feuilles sont alternes, simples, glabres, coriaces et pétiolées de 8 à 20 cm de long
et de 4 à 12 cm de large, entières et obliques à enroulées à leur base. Elles sont noir
sombre sur le dessus et pâles et glanduleuses sur le dessous. L’inflorescence en épi
apparaît opposée à la feuille sur les rameaux plagiotropes. Elle mesure de 3 à 15 cm
de long et porte de cinquante à cent cinquante fleurs. À l’état sauvage, P. nigrum est
dioïque et morphologiquement variable. Les cultivars sont par contre habituellement
bisexués (plus de 90 % de fleurs bisexuées). Le parfum piquant caractéristique du
poivre vient de la piperine. Le poivre noir en contient de 4,9 à 7,7 % et le poivre blanc
de 5,6 à 5,9 %.
Des graines mûres séchées à l’ombre, sans mésocarpe, germent en deux à trois
semaines. Mais la propagation pour la production commerciale se fait par bouturage.
Le développement végétatif des plantes produites par bouturage s’effectue par la
formation de plusieurs pieds orthotropes à partir des bourgeons axiliaires.
1099
5 Agriculture spéciale
Quand la croissance vigoureuse est stimulée, la croissance régulière des tiges ortho-
tropes et le développement des branches plagiotropes entraînent la formation d’un
grand nombre d’épis dès le début des pluies.
La floraison s’étend sur trois mois. La pollinisation est autogame : elle résulte du
transfert de pollen entre les différentes fleurs d’un même individu. L’autopollinisation
par le vent est rare. De fortes pluies, des orages et des journées de soleil réduisent la
fécondation, alors que de légères pluies intermittentes favorisent la mise en place du
fruit.
Après la fécondation, l’ovaire se transforme en fruit pendant huit à neuf mois. Le
développement du fruit est accéléré par des pluies régulières bien distribuées et la
présence des minéraux K et Mg. Un plant de poivre peut produire de façon abondante
pendant trente ans. Si on utilise la reproduction par stolons, les épis mettent deux ans
de plus à se former car l’apparition de rameaux latéraux sur les rameaux orthotropes
est retardée.
Le climat le plus approprié pour le poivre est un climat tropical humide avec des pré-
cipitations annuelles de 2 000 mm à 4 000 mm bien distribuées sur l’année, associées
à des températures moyennes de 25 à 30°C et une humidité relative comprise entre
65 % et 95 %. Une période de deux ou trois mois plus sèche (précipitations de 60 à
80 mm) n’est pas nuisible. La plante se développe à des altitudes inférieures à 500 m
au niveau de l’équateur mais peut être cultivée à plus de 1500 mètres. Le sol le plus
favorable est un sol profond, bien drainé ; toutefois, la plante se développe sur de
nombreux types de sols.
● La culture
● La plantation et l’entretien
La plupart des cultivars sont propagés par bouturage. En début de saison sèche, des
tronçons de tige de 5 à 7 cm de long sont prélevés sur des rameaux orthotropes de
plantes vigoureuses de douze à trente mois. Les boutures sont installées en pépinière,
à l’ombre et dans un sol maintenu humide pour développer des racines. De nom-
breuses racines apparaissent après deux mois. Des boutures de taille plus importante
(50 cm) peuvent aussi être plantées directement dans un champ. Bien que s’enraci-
nant plus facilement, les stolons fructifient plus tardivement (trois ans après la planta-
tion).
Avant de planter, le terrain est nettoyé, labouré et biné. Des poteaux en bois durs de
3,60 m servant de support sont placés à des écartements de 2 à 4 m x 2 à 4 m. Dans
des sols pauvres, la couche superficielle est ramenée sur le pied des supports. Dans les
sols riches, les plantations se font directement dans le sol ameubli. Dans de nombreux
pays, le poivrier est planté comme culture intercalaire dans des plantations de coco-
tiers et de caféiers.
L’entretien de la culture consiste, dans les champs intensifs non ombragés de poivre,
à désherber, faire les buttes, écimer les pousses, tailler pour obtenir une forme régu-
lière et contrôler les maladies et amendements. Les buttes sont maintenues pour four-
nir un volume de développement du réseau racinaire. Pendant la période de crois-
sance rapide, les tiges sont attachées aux poteaux, selon un rythme hebdomadaire. La
taille permet de maximiser la production de rameaux fructifiants.
1100
Les plantes comestibles 5 1
Habituellement trois tiges sont laissées pour grimper sur le poteau. Après trois mois,
les plantes mesurent 2,5 m ; elles ont une apparence buissonnante avec un nombre
maximum de branches principales et une canopée dense. Les plantes sont alors consi-
dérées comme ayant atteint leur taille adulte et fleurissent avec le début des pluies.
Pour achever l’aspect buissonnant, les pousses sont autorisées à grimper librement en
haut des poteaux; les tiges sont alors ramenées vers le bas et enroulées autour du
poteau et les nœuds supérieurs sont attachés au support.
● Les maladies
La maladie destructive la plus importante des cultivars de Malaisie et d’Indonésie est
la pourriture des racines causée par un champignon (Phytophtora palmivora); qui se
développe dans des conditions chaudes et humides. La maladie infecte les feuilles et
les racines, les tiges en dessous du sol et le collet des racines. Elle se déclare après les
pluies. Les feuilles situées sur le bas de la plante sont infectées par les éclaboussures,
ce qui entraîne la formation de taches de nécrose noires, avec des bords frangés carac-
téristiques. Avant l’infection de la tige, les feuilles infectées tombent sur le sol, contri-
buant ainsi à la création d’un inoculum sur le sol. Les plantes infectées meurent après
quelques semaines. Il n’y a pas de mesure de contrôle adaptée aux petits producteurs
actuellement, mais l’on conseille d’éliminer rapidement les feuilles infectées. On
recherche actuellement une variété résistante.
En Asie du Sud-Est, la jaunisse constitue la seconde maladie importante. Ses symp-
tômes comprennent un flétrissement lent, associé au jaunissement et à la chute des
feuilles. Les troubles sont identifiés comme la combinaison d’un manque de minéraux
et l’invasion racinaire par des nématodes Radopholus. Le déclin de la plante peut être
empêché par un apport de minéraux, par chaulage et paillage.
● La récolte et la préparation
En Asie du Sud-Est, la récolte s’étale d’avril-juin à août-septembre et coïncide avec le
début de la saison sèche (temps sec et ensoleillé).
● Le poivre noir
Pour préparer du poivre noir, les grappes de fruits sont ramassées entières quand le
fruit a atteint sa taille normale et sa maturité, mais est encore vert jaune. Les grappes
sont laissées en tas pendant une nuit pour une brève fermentation.
1101
5 Agriculture spéciale
Le matin suivant, les grappes sont étalées sur des nattes de bambous ou sur le sol et
régulièrement retournées pour sécher au soleil. Les fruits se séparent du rachis pen-
dant le ratissage. Après quatre à cinq jours, les graines de poivre sont sèches, noires,
et montrent leur apparence caractéristique ridée.
● Le poivre blanc
Pour préparer du poivre blanc, les grappes sont ramassées quand les fruits sont deve-
nus rouges ou jaunes. Les grappes de fruits sont ramassées à la main, à l’aide d’un
escabeau. La récolte a lieu toutes les deux semaines soit six à huit fois pendant la sai-
son. Les fruits fraîchement cueillis sont généralement traités chez l’exploitant.
Les graines sont légèrement écrasées, mises dans un sac de toile et immergées pendant
sept à dix jours, de préférence dans une eau légèrement courante. Puis les graines
sont écrasées, détachées de la grappe, séparées par lavage et tamisées. Les graines
lavées sont séchées au soleil pendant trois à quatre jours, au cours desquels la couleur
blanc-crème se développe. Les graines séchées contiennent alors de 10 à 14 % d’hu-
midité. Elles sont mises en sachet et stockées. Le rapport de poids entre graines de
poivre blanc et fruit frais est de 26 %. Pour le poivre noir, ce rapport est de 33 %.
Entre 1988 et 1993, les exportations ont varié de 172 000 à 242 000 t/an. Les princi-
paux pays exportateurs sont Singapour, l’Indonésie, le Vietnam, le Brésil, l’Inde et la
Malaisie. Singapour sert principalement d’entrepôt pour l’Asie du Sud-Est. Les
importateurs principaux sont les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon.
La demande mondiale en poivre est très peu élastique, mais elle tend à augmenter
d’environ 4 à 5 % par an. La production de poivre offre donc des perspectives attrac-
tives et représente une source de revenus intéressants pour les petits producteurs.
Cependant, suite aux dégâts causés par la pourriture (Phytophtora), les agriculteurs
dont les sols sont infectés cessent cette production.
1102
Les plantes comestibles 5 1
LE VANILLIER
Vanilla Fragans (Salisb) Ames - Syn. : Vanilla planifolia H.C. Andrews.
Anglais : vanilla
Espagnol : vanilla
Portugais : baunilha
Famille des Orchidaceae
● La plante
Il existe trois espèces cultivées de vanille :
> Vanilla fragrans appelée vanille Bourbon, la plus cultivée ;
> V. tahitensis, moins riche en vanilline, à gousse non déhiscente à maturité, plus fra-
gile que V. fragrans ;
> V. pompona ou vanillon, cultivée aux Antilles, moins riche en vanilline que la vanille
Bourbon ; les gousses sont plus courtes que celles de V. fragrans.
Les espèces sauvages sont très nombreuses (une centaine identifiée). Une collection de
cultivars existe au Costa Rica (CATIE).
La tige est succulente, cylindrique, charnue, vert foncé ; elle peut grimper jusqu’à
15m de haut. Les feuilles sont alternes, coriaces, brièvement pétiolées. Des racines
adventives aériennes, opposées aux feuilles, servent de crampons et sont capables
d’absorber l’eau. Les racines souterraines sont superficielles.
L’inflorescence prend naissance à l’aisselle d’une feuille. Les fleurs sont insérées en épi
à l’aspect d’une grappe. Elles sont constituées de trois sépales lancéolés et de trois
pétales dont deux ressemblent aux sépales ; le troisième, le labelle, est un cornet dont
les bords sont soudés. Elles comportent une seule étamine, le filet d’anthère étant
soudé au style. L’ovaire, infère, forme un faux pédoncule floral et commence son déve-
loppement avant la fécondation. Hors de la zone d’origine du vanillier, la fécondation
ne se fait pas naturellement ; elle doit être réalisée manuellement. Au Mexique, les
fleurs peuvent être fécondées par une petite abeille locale ou par des oiseaux
mouches. Les fleurs de V. fragrans sont verdâtres, celles de V. pompona sont jaunes, plus
grandes que celles de V. fragrans. La floraison est échelonnée.
1103
5 Agriculture spéciale
Le fruit est une capsule trigone, déhiscente, longue et étroite, dont la taille varie sui-
vant les variétés : 21 cm de long sur 4 cm de large pour V. fragrans et 13 cm de long
sur 4 cm de large pour V. pompona. Les graines sont très nombreuses, noires, de 0,3
mm de diamètre. La graine ne peut germer que si un champignon microscopique est
présent, car il pénètre dans la graine et provoque le développement de l’embryon.
Le vanillier se développe bien dans les régions tropicales humides, avec une saison
sèche marquée qui favorise la floraison. La température annuelle moyenne doit être
comprise entre 26 et 30°C. Le vanillier pousse jusqu’à 700 m d’altitude et demande
un sol léger et bien drainé. En conditions sèches, l’irrigation peut être envisagée.
● La culture
La durée de vie d’une vanilleraie est environ de dix ans, le maximum de vigueur étant
atteint la cinquième année. La liane ne produit que la troisième année après la plan-
tation. La croissance du vanillier est optimale avec un léger ombrage. Il est le plus sou-
vent cultivé en culture pure, sauf à la Réunion (associé à la canne à sucre) et aux
Comores (système agroforestier sous cocotier).
● Plantation et entretien
Le vanillier se multiplie par plantation de boutures de tige, de 1,5 à 2 m de long. Il
est préférable de prélever les boutures en fin de saison sèche. Les feuilles des quatre
à cinq nœuds inférieurs sont enlevées et la bouture est entreposée deux à trois
semaines à l’ombre, roulée en couronne. La bouture est plantée dans un sillon de 10
cm de large, de 40 cm de long, à faible profondeur (4,5 à 10 cm), au début de la sai-
son des pluies. Les distances entre lianes recommandées à Madagascar sont de 2 m sur
3 m.
Le vanillier nécessite un tuteur, mort ou vivant ; il s’agit le plus souvent d’un tuteur
vivant. Les plus fréquemment employés sont Jatropha curcas, Gliricidia maculata,
Casuarina sp., Pandanus utilis et le caféier en Indonésie. Jatropha curcas peut être planté
en même temps que la liane. L’ombrage peut être fourni par le tuteur ou par des
arbres d’ombrage : cocotiers, fruitiers…
Le système radiculaire du vanillier étant superficiel, il est conseillé de pailler dès la
plantation le pied de chaque liane, afin d’optimiser l’alimentation en eau de celle-ci,
sauf dans certaines conditions particulières d’humidité. L’apport de matière organique
est également très bénéfique. Il est recommandé d’utiliser en partie des légumineuses
(Pueraria phaseolides par exemple). Dans le meilleur des cas, les boutures sont enraci-
nées deux semaines après la plantation.
La croissance du vanillier est de 0,60 à 1,20 m par mois environ. La plantation doit
être nettoyée régulièrement, l’herbe pouvant être utilisée, après séchage sur place,
pour pailler les pieds des lianes. Six à huit mois avant la floraison, il est bénéfique pour
celle-ci de pincer (couper) l’extrémité des rameaux à 10 ou 15 cm. La technique du
bouclage favorise aussi la floraison : il s’agit de faire retomber les rameaux au niveau
du sol, le mouvement de sève induit semblant à l’origine d’un plus grand nombre de
fleurs. En milieu trop humide, il faut éviter de mettre la liane retombante au contact
du sol en raison des risques de pourriture.
1104
Les plantes comestibles 5 1
En milieu modérément humide, la partie retombante peut toucher le sol, ce qui pro-
voquera la formation de nouvelles racines et améliorera donc l’alimentation de la
liane. Les lianes abîmées peuvent être marcottées (on enterre un tronçon de 25 à 30
cm de liane après en avoir coupé les feuilles) : c’est le provignage.
Le vanillier réagit très bien à des apports de matière organique, qui peuvent venir du
paillage. La question de la fumure minérale est controversée : des essais à Madagascar
ont montré l’intérêt d’un apport de sulfate d’ammoniaque, à partir de la troisième
année de plantation, pendant quatre ans ; à la Réunion, les plants ne reçoivent pas
d’engrais chimiques.
La fécondation doit être réalisée par la main de l’homme. Il est recommandé de ne
pas fertiliser toutes les fleurs, mais seulement celles qui se trouvent à la base du balai
(épi), afin de ne pas affaiblir la liane. Il est nécessaire de polliniser davantage de fleurs
que ce qu’on espère obtenir de gousses, ce qui permet d’effectuer une sélection (on
cherche à récolter des gousses non recourbées). À Madagascar, on laisse huit gousses
par balai pour obtenir de la vanille de premier choix. Une liane de quatre à cinq ans
ne doit pas porter plus de cent à cent cinquante fleurs.
● Les maladies
La principale maladie est une pourriture des racines et du collet (Vanilla root-rot),
causée par Fusarium oxysporum f-vanillae et Phytophtora sp., qui résiste aux traitements
fongicides. La seule espèce résistante identifiée est V. phoeantha Rochb.f. Des recherches
ont été entreprises à Madagascar pour créer des variétés résistantes par hybridation
avec V. phoeantha, V. tahitensis et V. pompona. Elles n’ont pas abouti et ont été arrêtées en
1974. De nouvelles perspectives d’amélioration apparaissent avec le développement
des biotechnologies.
Le mildiou (Phytophtora sp) peut attaquer toutes les parties de la plante ; son dévelop-
pement est favorisé par une forte humidité. Il n’y a pas de moyen de lutte. Les plants
arrachés doivent être brûlés. Une anthracnose (Glomerella vanillae) attaque les parties
aériennes ; elle apparaît dans les plantations trop ombragées et humides. Le vanillier
ne fait pas l’objet d’attaques d’insectes sérieuses à ce jour.
● La récolte et la préparation
La récolte a lieu lorsque l’extrémité libre des gousses, vert brillant, jaunit légèrement;
la maturité se traduit aussi par un aspect plus mat et l’apparition de très fines stries.
Elle a lieu environ sept à neuf mois après la fécondation. Il faut éviter la cueillette par
temps de pluie. Les gousses ne doivent pas être déhiscentes. La période de récolte
dure deux à trois mois.
Les lianes sont taillées après la récolte, afin de favoriser le développement de nou-
veaux arçons et d’obtenir une touffe trapue. Il faut 20 000 à 25 000 lianes pour pro-
duire une tonne de vanille marchande, soit 4 à 5 ha de culture pure. Un kilogramme
de vanille verte contient 80 gousses ; un kilogramme de vanille préparée contient 300
gousses.
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5 Agriculture spéciale
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Les plantes comestibles 5 1
1107
5 1 9 Les cultures sucrières
À partir des contributions de E. Hainzelin (CIRAD)
et C. Hekimian Lethève
LA CANNE À SUCRE
Saccharum spp.
Anglais : sugarcane ou sugar cane
Espagnol : caña de azúcar
Portugais : cana de açúcar
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5 Agriculture spéciale
● La plante
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Les plantes comestibles 5 1
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5 Agriculture spéciale
● Le cycle de culture
De la plantation à la récolte, le cycle comporte les étapes suivantes :
> germination des boutures (levée) ;
> tallage, c’est-à-dire formation de la touffe de tiges par germination des bourgeons
axillaires ;
> croissance (initiation des feuilles, élongation des entre-nœuds, croissance des
racines) ;
> éventuellement floraison ;
> maturation avec arrêt de la croissance et accumulation de saccharose dans les tiges.
Entre la plantation des boutures et la première récolte ou coupe, il peut s’écouler de
dix à vingt-quatre mois : on parle de canne vierge. Après la coupe, les yeux souterrains
de la souche donnent de nouvelles tiges et un nouveau couvert, la repousse. La durée
entre deux coupes est généralement de douze mois mais peut varier en fonction du
climat, de la courbe de richesse des variétés, des exigences de l’usine ou même de la
décision de reporter la récolte d’un an. Au delà de douze mois, dans les milieux auto-
risant une croissance continue, la biomasse obtenue et l’enchevêtrement des cannes
peuvent rendre la récolte difficile.
Le nombre de repousses successives dépend du lieu, de l’état cultural, de la fumure,
du parasitisme et des variétés. En exploitation industrielle, la canne est donc une cul-
ture pluriannuelle dont le cycle total dure de quatre à plus de dix années. La décision
de replanter est essentiellement basée sur le suivi des rendements qui décroissent avec
les années.
Le choix du cycle de culture est particulièrement important dans le cas de la canne à
sucre car il permet d’équilibrer la culture, c’est-à-dire de retrouver chaque année les
mêmes charges de travail (plantation, entretien et récolte). Ce choix dépend princi-
palement du climat mais également du sol et des options techniques retenues, dont la
durée de la campagne de coupe. L’approvisionnement de l’usine de transformation
doit être régulier et étalé sur la plus longue période possible, lorsque les cannes pré-
sentent une teneur en sucre élevée. Pour cela, on peut jouer sur le statut variétal, un
programme de replantation tirant le meilleur parti des contraintes climatiques et,
lorsque c’est possible, une gestion adaptée de l’irrigation et l’utilisation de matura-
teurs.
Pour un cycle tropical pluvial classique à une saison des pluies, la récolte ou campagne
a toujours lieu pendant la saison sèche et fraîche et se termine à la reprise des pluies.
Les replantations peuvent alors se faire soit dès le début des pluies pour des cannes
qui seront récoltées en vierge à moins de douze mois en fin de campagne de l’année
suivante (cannes dites de printemps ou de petite culture), soit au cours ou en fin de
saison des pluies, en intercampagne, pour des cannes qui seront récoltées à seize ou
dix-huit mois au début de la campagne suivante (cannes dites d’automne ou de grande
culture).
Dans le premier cas, il y aura autant de coupes que d’années de cycle. Dans le second
cas, la vierge et les repousses seront récoltées en début de campagne et il y aura une
coupe de moins que d’années dans le cycle. Un choix variétal raisonné, en fonction de
ces cycles de culture, permet d’optimiser les richesses tout au long de la campagne.
1112
Les plantes comestibles 5 1
En culture irriguée, on adopte, en général, le cycle le plus intensif, avec une coupe par
an, afin de mieux rentabiliser la culture. L’irrigation permet de planter pendant la sai-
son sèche, d’accélérer la croissance et de mieux maîtriser la maturation.
● Les modes de reproduction
La reproduction de la canne se fait principalement par boutures mais la reproduction
par graines est possible, ce qui permet l’amélioration variétale par croisement. Le
développement de la culture au siècle dernier, basé sur une seule variété de canne
noble (S. officinarum), a entraîné de fortes attaques de maladies et de parasites. La maî-
trise de l’hybridation en 1880 a permis de récupérer dans S. robustum, S. spontaneum et
S. barberi des gènes de rusticité, d’adaptation, de rendement et de tenue en repousses,
et de créer des variétés modernes plus productives.
La mise au point d’une nouvelle variété comprend deux phases :
> la création sensu stricto avec l’hybridation entre deux géniteurs en serre contrôlée
sous des lanternes de gaze suivie de la récolte, du séchage et du traitement des
graines ou fuzz ;
> la sélection qui va s’appliquer sur les génotypes du stade seedling (plantules issues
des fuzz et repiquées) jusqu’aux stades ultimes et qui suppose des dispositifs à répé-
titions, de préférence multilocaux, un suivi en repousses et des confrontations à des
témoins.
Les critères généraux de sélection sont la vigueur végétative, liée au rendement, la
richesse en sucre et la résistance aux maladies et aux parasites. Les sélectionneurs uti-
lisent également des critères plus spécifiques, liés aux conditions de culture pour les-
quelles ils travaillent : le cycle, le diamètre des tiges, l’effeuillage, l’aptitude à la récolte
mécanique et à l’usinage, etc.
Ce processus est long : il faut de neuf à quinze ans pour passer de quelques centaines
de milliers de génotypes (les graines), à une ou deux variétés élites. Il suppose la dis-
position d’une collection de travail, parfois d’équipements de photopériode pour pro-
voquer la floraison, de dispositifs fiables d’inoculation de maladies, etc.
De très nombreux organismes créent des variétés de canne à sucre. Les variétés sont
baptisées conventionnellement avec un préfixe d’une ou deux lettres indiquant le nom
de la station d’hybridation et d’un numéro d’ordre comprenant parfois l’année de
création (FR80-1043). Lorsque deux stations sont impliquées dans la création (hybri-
dation dans un lieu et sélection dans un autre), les deux sigles apparaissent (NCO 310).
1113
5 Agriculture spéciale
Le temps où les variétés étaient largement diffusées gratuitement est révolu. Les
obtenteurs demandent de plus en plus une rétribution de leur travail, soit par le paie-
ment de royalties, soit par un échange avec un autre obtenteur. Cette tendance pose
un problème pour les régions ne disposant pas de moyens de recherche.
Les variétés modernes, qui possèdent entre cent et cent vingt chromosomes, sont en
fait basées sur un faible nombre de croisements originels et leur base génétique est
donc réduite. L’exploration du génome complexe de la canne, et en particulier la
meilleure compréhension de la part respective des différentes espèces impliquées dans
les clones modernes, permettra de mieux utiliser les grands gisements inexploités de
variabilité génétique dans les programmes de création variétale. Les progrès des
cartes génétiques établies grâce aux nouveaux outils moléculaires, la localisation de
certains gènes, la meilleure compréhension de leur fonctionnement, les possibilités de
la transgénèse, laissent encore espérer aux sélectionneurs d’importants gains d’effica-
cité.
1114
Les plantes comestibles 5 1
Pour un bon fonctionnement du couvert, il est préférable que les sols aient une bonne
profondeur, une bonne aération et une absence de sels toxiques (aluminium, sodium,
etc.). Avec la mécanisation de la récolte et du transport, il faut soigneusement consi-
dérer la portance des sols et leur dégradation sous engins lourds. Pour la coupe méca-
nique, la pente maximale varie de 15 à 30 % suivant les machines et pour le charge-
ment mécanique frontal, de 10 à 15 %.
● L’eau
Si la canne est exigeante en eau, c’est une culture qui la valorise très bien et qui justi-
fie l’irrigation dans de nombreuses situations (on compte généralement 15 mm d’eau
par tonne de canne produite). En période végétative, les besoins vont de 100 à 170
mm par mois, soit 1 000 à 1 700 m3/ha.
● La culture
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5 Agriculture spéciale
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Les plantes comestibles 5 1
Des herbicides totaux, comme le glyphosate, sont employés en préparation des sols en
cas d’infestation par des espèces vivaces comme Imperata cylindrica, Cyperus rotundus ou
Cynodon dactylon.
Le travail par des griffes en interligne des repousses peut également être utile pour
améliorer la structure du sol. Il peut être couplé avec l’apport de la fumure d’entre-
tien. Dans certains cas, une intervention sur la paille peut être justifiée après la coupe,
soit pour la valoriser (pressage en balles) soit pour favoriser la levée (dégagement de
la ligne de canne).
● La fumure
La fumure doit être basée sur les exportations de la culture en éléments majeurs.
Celles-ci varient avec le sol, la fertilisation apportée, l’état végétatif de la culture, le
mode de récolte (brûlage ou non, bouts blancs exportés ou non) et, dans une moindre
mesure, la variété.
N P2O5 K2O Ca Mg S
Bien souvent les sous-produits des usines peuvent être valorisés pour la fertilisation,
en particulier pour la fumure de fond avant plantation :
> écumes de défécation : 25 t apportent 5 kg d’azote, 125 kg de P2O5, 25 kg de K2O et
750 kg de chaux ;
> vinasses de distilleries : 100 m 3 apportent 150 kg d’azote et 1000 kg de potasse ;
> mélasses : lorsqu’elles ne sont pas valorisées autrement (vente ou élevage), elles peu-
vent compléter un apport en K2O.
Maladies bactériennes
Gommose (Gumming) Raies jaunes sur feuilles se desséchant Désinfection couteaux Mascareignes
Variétés résistantes Afrique, Cuba
Echaudures des feuilles Raies blanches, fines et longues Roguing. Pépinières. Monde
(Leaf scald) sur feuilles et gaines-ailerons Désinfection couteaux
Thermothérapie longue
(3h, 50°C)
Variétés résistantes
Rabougrissement des Aucun – parfois décolorations Traitement long des boutures : Monde
repousses (Ratoon stunting rouges en virgules dans les 2h à 50°C
disease ou RSD) noeuds Désinfection couteaux
Pépinières
Maladies à virus
Mosaïque (SCMV) Marbrure des feuilles jeunes Roguing. Pépinières Monde
Variétés résistantes
Maladie de Fidji Déformation du sommet Variétés résistantes Australie
Tumeurs jaunes étroites d’environ Philippines
1 cm de long, en relief sur la face Thaïlande
inférieure des jeunes feuilles
Maladies cryptogamiques
Charbon (Smut) Fouet charbonneux, tiges Thermothérapie courte Monde
allongées et fines (25 mn à 54°C)
Variétés résistantes
Roguing dans pépinières
Mildiou (Downy mildew) Stries pâles allongées, duvet Roguing dans pépinières Asie
blanc face inférieure feuilles Labour Australie
Variétés résistantes
Fusarioses (Pokkah Boeng, Pourriture du sommet de la tige, Variétés résistantes Monde
Stem rot, Wilt) de la bouture. Choix des boutures
Déformation, dessèchement feuilles
Morve rouge (Red rot) Nervures des feuilles rougies ; Variétés résistantes Monde
intérieur rougi des tiges et boutures Choix des boutures
Maladie de l’ananas Pourriture rouge puis noire des Variétés résistantes Monde
boutures, odeur d’ananas Traitement fongicide des boutures
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Les plantes comestibles 5 1
1119
5 Agriculture spéciale
Coupe des pépinières 3 t/8 heures Coupe des pépinières 3 t/8 heures
Epaillage des cannes 2 t/8 heures Mise en place des cannes 0,4 ha/8 heures
Coupe des boutures (avec tri) 1,5 t/8 heures Coupe des boutures dans sillons 1,0 ha/8 heures
Trempage des boutures 1 t/8 heures Epandage des engrais 1,0 ha/8 heures
Mise en place des boutures 0,2 ha/8 heures Recouvrement 0,3 ha/8 heures
Epandage engrais dans sillons 1 ha/8 heures
Recouvrement manuel 0,3 ha/8 heures
Total 25 jours/ha Total 10 jours/ha
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Les plantes comestibles 5 1
● La coupe
Manuelle Mécanique
Cannes en paille 1,5 à 2,5 t/jour Tronçonneuse-chargeuse 30 t par heure effective, soit 135 t par jour de 10 heures
Cannes brûlées 3,0 à 6,0 t/jour Andaineuse 40 t par heure effective, 180 t par jour de 10 heures
Cannes attachées en fagot 1,0 à 1,5 t/jour
● Le chargement
> manuel : 8 t/jour en paquets et 5 t/jour en vrac ;
> mécanique : 25 à 40 t par heure effective, soit 300 à 500 t par jour de 24 heures.
1121
5 Agriculture spéciale
LE PALMIER À SUCRE
Borassus flabellifer
Anglais : sugar palm
Espagnol : boraso
Famille des Palmaceae ou Arecaceae
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Les plantes comestibles 5 1
C’est un arbre plastique, qui s’adapte aussi bien à la sécheresse qu’à l’humidité et à dif-
férents types de sol. Il est abondant sur sols alluvionnaires ou sur matériaux d’origine
éolienne. Il se développe sous des climats à pluviosité annuelle inférieure à 1 500 mm
où la saison sèche est bien marquée (cinq mois minimum).
Le développement du palmier s’effectue en trois phases distinctes :
> la graine met un mois pour germer. Elle donne une racine qui s’enfonce dans la
terre alors qu’une feuille sort de terre. Le tronc se développe dans le sol pendant
les premières années ;
> à partir de six à huit ans, le tronc sort du sol et s’élève en hauteur ;
> à partir de vingt à trente ans, les feuilles réparties tout le long du stipe tombent et
il ne reste qu’un bouquet de feuilles au sommet. Apparaissent alors les fleurs et les
fruits qui permettent de distinguer les pieds mâles des pieds femelles.
Le palmier à sucre est généralement cultivé le long des limites de champs, notamment
sur les diguettes des rizières. Il crée un microclimat favorable à la croissance du riz, en
jouant le rôle de barrière contre les vents secs et en limitant les risques de verse.
● La récolte
Pour la récolte du jus, les inflorescences sont attachées, secouées et découpées cinq à
huit jours avant la collecte. Les incisions sont effectuées tous les deux ou trois jours
pendant la période de production. Celle-ci s’étale sur cinq à six mois. La collecte du
jus s’effectue deux fois par jour.
En vue d’éviter la fermentation (rapide pendant la saison sèche), on stérilise les bou-
teilles qui servent à la collecte du suc : utilisation de bouteilles en plastique (plus faciles
à nettoyer et stériliser), enfumage des récipients avec des feuilles de palmier brûlées
ou stérilisation avec de l’eau bouillante. Malgré ces précautions, le risque de contami-
nation du jus est élevé. Les producteurs mettent donc un morceau d’écorce de Shorea
cochinchinensis ou de l’hydroxyde de calcium dans les réceptacles pour bloquer la fer-
mentation.
Les feuilles sont récoltées deux fois par an sur des arbres dont on ne prend pas le suc,
car la récolte des feuilles aurait une influence négative sur le rendement du suc.
La production quotidienne de sève varie de 3 à 20 l par arbre et la durée d’exploita-
tion est de deux à cinq mois. La teneur de la sève en saccharose varie de 9 à 16,5 %.
La production annuelle de sucre par arbre est de l’ordre de 40 à 100 kg.
1123
5 Agriculture spéciale
Bibliographie
La canne à sucre
CHARRIER A. édit., JACQUOT M. édit., HAMON S. édit., NICOLAS D. édit., L’amélioration des plantes tropi -
cales Montpellier, CIRAD ; Montpellier, ORSTOM ; 1997.
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FAUCONNIER R. La canne à sucre, Maisonneuve & Larose, Paris, 1991.
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1124
5 2 Les cultures
fourragères
5.2.1 Les caractéristiques générales
5.2.2 Les espèces fourragères
5 2 1 Les caractéristiques
générales
À partir des contributions de A.Bigot (CIRAD), J. Huguenin (CIRAD),
H.D. Klein (CIRAD), G. Rippstein (CIRAD), G. Roberge (CIRAD),
B. Toutain (CIRAD)
1127
5 Agriculture spéciale
1128
Les cultures fourragères 5 2
1129
5 Agriculture spéciale
● Le semis
Pour une amélioration de parcours, un semis à la volée suivi d’un piétinement des ani-
maux peut s’avérer suffisant en milieu humide. Dans le cas d’une création de prairie
temporaire ou pérenne, un travail du sol conduisant à un lit de semence peut s’avé-
rer indispensable.
Le taux de germination des graines doit être vérifié. Les doses de semis varient avec
la taille des graines : 4 kg/ha pour Stylosanthes, plus de 20 kg pour Vigna unguiculata,
moins d’1 kg/ha pour Panicum maximum, toutes ces valeurs correspondant à un taux
de germination de 100 %. Les doses varient aussi avec le mode de semis choisi : sur
un terrain nu mais bien préparé, les doses doivent être deux fois plus élevées si les
graines sont semées à la volée que si elles sont semées en ligne.
● Le bouturage
Le bouturage est une technique permettant de couper les tiges à trois ou quatre
nœuds de longueur et de les implanter directement en terre.
1130
Les cultures fourragères 5 2
Cette technique est bien adaptée à des plantes telles que les Brachiaria, les Cynodon ou
les Pennisetum, qui ne produisent pas beaucoup de semences.
1131
5 Agriculture spéciale
● La fertilisation
On peut parfois cultiver les prairies sans fertiliser, mais de multiples expériences mon-
trent que faute d’un apport minéral ou organique, le sol s’épuise après seulement
quelques années de gestion de la prairie. Il faut alors une longue période de repos ou
des apports de fertilisants pour retrouver la richesse initiale du sol.
Tableau 2. Exportations de Stylosanthes guianensis fertilisé sans irrigation à Tombokro (Côte d’Ivoire, environ
1 300mm de pluie par an, sol ferralitique) en kg/ha et par tonne de matière sèche produite
Tableau 3. Exportations de Panicum maximum fertilisé sans irrigation à Tombokro (Côte d’Ivoire) en kg/ha et par tonne
de matière sèche produite
Ces niveaux d’exportations sont élevés. Les niveaux sont plus faibles lorsque la pro-
duction est moins élevée et lorsque la prairie est pâturée et non fauchée comme dans
l’exemple ci-dessus : les animaux restituent au sol une partie importante des éléments
minéraux absorbés, notamment K, à condition de répartir les bouses sur la prairie
(ébousage).
Les apports de fumure de redressement sur les prairies doivent être raisonnés de la
même manière que sur les autres cultures. La fumure d’entretien doit surtout tenir
compte des exportations des plantes qui dépendent de la gestion de la prairie : coupe
ou pâturage direct.
L’azote est un accélérateur de croissance qui selon son apport permet à l’éleveur
d’adapter la pousse des prairies aux besoins du troupeau. Le phosphore, même à des
doses faibles (10 à 20 kg de P2O5), reste indispensable à l’entretien de la plante, parti-
culièrement des légumineuses. La potasse a un effet direct sur la production de la
prairie. Il existe une interaction positive avec l’azote et également avec le phosphore.
En cas d’apports trop importants ou de fortes réserves du sol, on constate parfois une
surconsommation de K par la plante.
1132
Les cultures fourragères 5 2
● L’apomixie
C’est un mode de reproduction asexuée par graines. De nombreuses graminées
(andropogonées, panicoidées) sont apomictiques. C’est notamment le cas de Cenchrus
ciliaris, de Brachiaria decumbens ou de Panicum maximum. La plupart des espèces sont
pseudogames : bien que l’embryon ne soit pas issu de fécondation, le pollen est néces-
saire pour induire sa formation (par simple contact entre le pollen et le stigmate). Les
ovules doublent alors le nombre de leurs chromosomes et se reproduisent identique-
ment à leurs mères (clones).
● L’autogamie
C’est un mode de reproduction très courant chez les légumineuses : Macroptilium atro -
purpureum, Macroptilium lathyroides, Neotonia wightii… Les pièces sexuelles restent
internes à la fleur et s’auto-fécondent. Chez d’autres espèces, l’autogamie est faculta-
tive. La majorité des fécondations se réalise à partir de pollen provenant de la source
la plus proche, de la même fleur ou d’une fleur voisine.
● L’allogamie
Divers mécanismes diminuent le taux de fécondation d’une seule plante ou l’annulent.
Il peut y avoir notamment décalage entre l’apparition des pièces mâles et femelles sur
une même plante.
1133
5 Agriculture spéciale
● La xénogamie
Elle existe chez les espèces au sein desquelles les sexes sont séparés, et chez les espèces
hermaphrodites pour lesquelles un processus d’incompatibilité interdit à l’autopollen
la fécondation de l’ovule.
● La fertilisation et le semis
La fertilisation doit être définie avec plus de précision que pour une prairie ordinaire.
Une bonne connaissance de l’état physique et chimique du sol sont donc indispen-
sables. Les carences du sol doivent être connues et prévenues. Pour une graminée
type Brachiaria ou Panicum, l’azote joue un rôle très important en début de cycle végé-
tatif, mais il faut limiter les apports en fin de cycle végétal (à la dernière coupe) pour
réduire la quantité de matière verte (feuilles, tiges) au moment de la récolte des
graines. En cours de végétation et en fin de cycle, la potasse joue un rôle essentiel. Le
phosphore joue un rôle important dans le remplissage des graines.
Pour les légumineuses, une bonne nodulation est indispensable. Si le rhizobium n’est
pas présent dans le sol, il faut inoculer les graines avant le semis avec le rhizobium spé-
cifique. La chaux favorise la nodulation sur les sols acides.
Pendant la période végétative, on peut exploiter (coupe ou pâture) la prairie sans la
fatiguer. On peut très bien ne pas l’exploiter en première année, c’est-à-dire la semer
à une date précise pour obtenir directement la floraison et la mise à graine. Ceci néces-
site une bonne connaissance de la physiologie de la plante, qui varie avec les condi-
tions climatiques du pays et aussi d’un cultivar à l’autre. Dans le cas où il y a plusieurs
exploitations, la date de la dernière exploitation est particulièrement importante.
En général les doses de semis sont plus faibles pour l’installation des prairies porte-
graines que pour les prairies ordinaires. Il s’agit de diminuer la quantité de matière
verte, de favoriser la grenaison et la récolte en assurant une meilleure pénétration de
la lumière. On peut jouer également sur l’écartement des plantes sur la ligne et entre
les lignes. C’est en première ou deuxième année qu’on obtient les meilleurs rende-
ments en graines chez la majorité des plantes.
● La récolte
La récolte peut être manuelle ou mécanisée. Certaines plantes dont la maturité est
hétérogène et dont les graines tombent facilement (Panicum) donnent de meilleurs
rendements en récolte manuelle (ensachage des inflorescences).
1134
Les cultures fourragères 5 2
1 Colonne INRA.
2 Par exemple entre trois et six mois pour Panicum maximum.
1135
5 Agriculture spéciale
Ce dernier système est utilisé sous les tropiques dans des pâturages à base de forma-
tions naturelles qui possèdent une grande diversité botanique et structurale (herba-
cées, ligneux).
Les banques fourragères ou jardins fourragers sont des cultures fourragères intégrées
dans un système fourrager extensif. Elles apportent une complémentation aux ani-
maux exploitant un pâturage naturel. Elles peuvent être constituées de légumineuses
pour une complémentation protéique ou d’une association graminées et légumineuses
pour une complémentation plus énergétique.
● Le foin
Il s’agit de couper une plante fourragère verte et de la sécher naturellement ou arti-
ficiellement pour la conserver. Pour un séchage naturel, il faut une période sèche d’au
moins trois jours. Le stade optimal de coupe est le stade végétatif ou début de mon-
taison pour les graminées, bourgeonnement à début floraison pour les légumineuses.
Il est conseillé de procéder en début de saison sèche, le foin pouvant difficilement se
réaliser pendant la ou les saisons des pluies.
Il faut retourner l’herbe une à deux fois par jour (faner pendant le séchage au sol)
pendant trois jours puis mettre en andains pour faciliter le ramassage, botteler en cas
de motorisation, ramasser le foin séché sur une charrette et le mettre dans un abri
protégé s’il est bien sec (environ 80 % de MS). S’il est encore un peu humide, il faut le
ranger par couche de 40 à 50 cm d’épaisseur et saler chaque couche, le sel (NaCl) est
hygrophile et absorbera l’eau qui reste dans les parois.
1136
Les cultures fourragères 5 2
● L’ensilage
C’est un mode de conservation des fourrages sous forme humide à l’abri de l’air, sous
plastique et en silo, grâce au développement de fermentations acidifiantes anaérobies,
à partir des glucides solubles. Les céréales immatures tels que le maïs, le sorgho, le mil
sont les plus riches en sucres et peuvent donc être ensilées sans conservateur. Les
essais d’ensilage à travers le monde montrent l’aptitude de certaines graminées tropi-
cales telles que Panicum maximum, Pennisetum purpureum, Digitaria sp, à être ensilées
moyennant l’addition de conservateurs et le recours au préfanage. Les tubercules et
fruits amylacés s’ensilent très bien à condition pour les premiers d’être débarrassés de
la terre.
L’ensilage est peu pratiqué en milieu tropical car il nécessite une mécanisation impor-
tante. Les critères de réussite de l’ensilage3 sont peu compatibles avec les contraintes
des exploitations africaines et malgaches qui reposent sur des techniques manuelles ou
de culture attelée.
● Les différents modes d’ensilage
L’ensilage direct se fait généralement à partir de 18 à 20 % de MS : la plante est mise
en silo sitôt coupée et hachée. Le chantier est rapide mais les fermentations ne sont
pas toujours bien orientées et il y a des jus qui entraînent les substances solubles de la
plante. Pour l’ensilage préfané (ou mi-fané), on laisse sécher le fourrage jusqu’à 30 à
40 % de MS sur le sol après l’avoir coupé avec une faucheuse. Il faut un à deux jours
sans pluies. Le haylage est un ensilage relativement sec : le fourrage dépasse 40 % de
MS.
L’ensilage en balles rondes est une technique récente venant d’Europe du Nord qui
permet d’ensiler les fourrages avec un large spectre de MS : de 30 à 60 %. Il nécessite
un outillage spécifique et coûteux : la presse enrubanneuse.
3 Rapidité de remplissage du silo, finesse du hachage, importance du tassement, fermeture hermétique du silo.
1137
5 Agriculture spéciale
Classe de qualité Acide acétique Acide butyrique Azote ammoniacal Azote soluble
(en g/kg MS) (en g/kg MS) (en % de l’azote total) (en % de l’azote total)
Excellent 20 0 5-7 50
Bon 20-40 <5 7-10 50-60
Médiocre 40-55 >5 10-15 60-65
Mauvais 55-75 >5 15-20 65-75
Très mauvais > 75 >5 > 20 > 75
1138
Les cultures fourragères 5 2
LES MALADIES
Le choix des plantes fourragères, le plus souvent issues de pâturages naturels, s’effec-
tue en général sur plusieurs années et prend en compte l’absence de pathologie ou la
résistance aux parasites et ravageurs. Cependant certaines maladies peuvent causer
d’importants dégâts, comme :
> l’anthracnose sur Stylosanthes humilis et S. guianensis, causée par le champignon
Colletotrichum gleosporioides (Penz.) Penz. et Sacc ;
> les salivaires ou cingirrhinas, qui peuvent détruire au Brésil des prairies entières de
Brachiaria ruziziensis ou decumbens. Ce sont des insectes appartenant aux genres
Zulia, Deois, Aeneomalia et Mahanarva ;
> le psylle ou Heteropsylla cubana, insecte qui s’attaque à l’arbuste fourrager Leucaena
leucocephala.
La lutte chimique est possible mais généralement non rentable. La lutte biologique est
préférable. Des organismes de recherche internationaux ou nationaux4 travaillent à la
mise au point de cultivars résistants. En attendant les résultats de ces travaux, il faut
utiliser des espèces résistantes comme Stylosanthes hamata pour l’anthracnose,
Brachiaria humidicola ou B. brizantha cv Marandu pour les salivaires, Leucaena diversifo -
lia ou L. pallida pour le psylle.
1139
5 Agriculture spéciale
Bibliographie
BOUDET G., 1984. Manuel sur les pâturages tropicaux et les cultures fourragères. CIRAD-EMVT,
Ministère de la Coopération. 266 p.
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tection des plantes N°2. Rome. 666 p.
T’MANNETJE L. and JONES R.M. (Ed). 1992. Plant Ressources of South East Asia. Forages N° 4. PUDOC
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TOUTAIN B.,1973. Principales plantes fourragères tropicales cultivées. Synthèse IEMVT N°3. (2ème
édition 1979). 201 p.
1140
5 2 2 Les espèces fourragères
À partir des contributions de A. Bigot (CIRAD), J. Huguenin (CIRAD),
H.D. Klein (CIRAD), G. Rippstein (CIRAD), G. Roberge (CIRAD),
B. Toutain (CIRAD)
AESCHYNOMENE HISTRIX
Aeschynomene histrix Poiret
Espagnol : naguapatillo
Famille des Fabaceae
● La culture
L’installation par semis ne présente pas de difficulté particulière. Cependant la très
petite taille des graines nécessite de préparer un lit de semence soigné. La levée est
rapide (une à deux semaines) et le taux de germination est généralement élevé.
L’inoculation par des rhizobium n’est pas nécessaire. L’exploitation par fauche est pos-
sible, cependant la hauteur de coupe doit être relativement haute (environ 0,5 m). Le
port dressé de cette légumineuse est comparable à celui de Macroptilium lathyroides et
laisse supposer un comportement semblable sous pâture.
1141
5 Agriculture spéciale
● La production
Au Sénégal, la production a été de 2 à 6 t de MS/ha et par an, pendant la saison des
pluies avec des repousses de deux à trois mois. Au Nigéria, la production est de 4 à 7t
de MS/ha en quatre mois, en saison des pluies. La production et la récolte de semences
ne présentent pas de difficultés particulières car la plante graine abondamment. La
floraison-grenaison est étalée dans le temps (plusieurs semaines). Pourtant l’espèce ne
semble pas très agressive par ses resemis naturels1.
ANDROPOGON GAYANUS
Andropogon gayanus Kunth - Synonymes : Andropogon bisquamulatus Hochst, Andropogon
squamulatus Hochst, Andropogon tridentatus Hochst
Anglais : gamba grass
Famille des Poaceae
● La culture
La préparation du sol comprend généralement un labour, un disquage et un hersage.
Le semis nécessite 0,75 à 1,25 kg/ha de graines germant à 100 %, ce qui correspond à
10-15 kg de graines commerciales de qualité moyenne. Les graines, de petite taille,
doivent être mélangées à du sable sec, d’autant plus qu’elles sont légères et plumeuses.
On peut également planter l’andropogon par éclats de souches avec un écartement
de 40 cm x 40 cm (62 500 pieds par ha). On peut l’associer à de nombreuses légu-
mineuses pérennes : Stylosanthes hamata, Macroptilium atropurpureum, ou Centrosema
pubescens. On l’exploite en général par pâture mais la fauche est possible, si elle n’est
pas trop rase.
1142
Les cultures fourragères 5 2
● La production
Les rendements sont variables et dépendent de la pluviométrie et de la fertilisation :
de 5 à 15 t de MS par ha et par an. La valeur fourragère sur des repousses de 45 à 60
jours est de 0,60 UFL2 et 55 g de MAD 3/kg de MS. C’est un bon producteur de
semences avec un potentiel de production de 350 kg /ha. Cependant toutes les graines
ne sont pas fertiles ; la meilleure méthode de récolte est le ramassage au sol (96 % de
germination).
L’ARACHIDE FOURRAGÈRE
Arachis pintoi Krapovickas & Gregory, nom.nud.
Anglais : pinto peanut
Espagnol : mani forragero perenne
Famille des Fabaceae
● La culture
La préparation du sol peut être légère : disquage ou tillage suivi ou non d’un hersage.
Le travail du sol peut rester peu profond (10 cm) et sans affinage poussé du fait de la
taille des graines. Pour le semis, plus de 50 kg de graines sont nécessaires pour un hec-
tare. Cependant Arachis pintoi s’implante facilement par bouturage mécanique ou
manuel. En cas de semis, il faut prévoir un écartement de 50 cm entre les lignes et 30
à 40 cm sur la ligne. Arachis s’implante lentement, aussi des sarclages sont nécessaires.
L’inoculation est préconisée mais n’est pas indispensable.
● La production
Le rendement peut atteindre 7 t de MS en une saison des pluies, d’un fourrage de
bonne qualité (19 % de matière azotée totale et 73 % de digestibilité).
1143
5 Agriculture spéciale
Arachis peut être coupé ou pâturé. La dernière coupe devrait s’effectuer 70 à 80 jours
avant l’arrivée présumée de la sécheresse. On peut l’associer à des graminées : le CIAT
signale une bonne association avec Brachiaria dictyoneura.
Arachis semble fleurir toute l’année avec plus ou moins d’intensité. Pour la production
de semences, il semble logique de cibler les périodes de plus forte floraison. On peut
les favoriser par une coupe basse. Il faut aussi rechercher une période de récolte en
saison sèche. On peut sécher les graines au soleil sur une aire propre. Les graines ont
une certaine teneur en huile, c’est pourquoi un séchage artificiel à 40°C maximum
pendant deux semaines permet une meilleure conservation et lève la dormance. Les
rendements sont très variables et peuvent dépasser 1 700 kg/ha.
● La culture
Connu pour son utilisation comme plante de couverture, comme engrais vert ou légu-
mineuse pionnière en raison de ses faibles exigences du point de vue du sol, le
Calopogonium peut être aussi pâturé. Cependant il est peu apprécié par le bétail. On
peut l’installer en association avec d’autres espèces prairiales notamment des grami-
nées stolonifères ou cespiteuses.
La préparation du sol peut être soignée pour la culture pure et plus grossière pour
l’installation d’un pâturage. On peut l’installer par boutures de tiges, car celles-ci s’en-
racinent facilement aux nœuds, mais son installation par graines est la plus fréquente.
La dose de semis recommandée est de 1 à 3 kg/ha à une profondeur de 1 à 2 cm. Il
est souhaitable de recouvrir le semis par un hersage-roulage. Un certain nombre de
graines dures peuvent exister après la récolte. Il est conseillé un traitement physique
ou chimique pour un semis immédiat.
Le Calopogonium nodule naturellement. La croissance vigoureuse de la plante permet
d’obtenir un couvert fermé en quatre ou cinq mois. Un ou deux sarclages seulement
sont nécessaires pour son installation.
En pâture, le pâturage tournant est conseillé avec des temps de repos de l’ordre de
huit à douze semaines. Dans ces conditions les rendements sont de l’ordre de 4 à 6 t
de MS/ha/an. Le rendement en semence est évalué à 200-300 kg/ha.
1144
Les cultures fourragères 5 2
CHAMAECRISTA ROTUNDIFOLIA
Chamaecrista rotundifolia (Persoon) Greene - Synonyme : Cassia rotundifolia Persoon
Anglais : roundleaf cassia, round leafed cassia
Famille des Fabaceae
● La culture
La germination doit être contrôlée avant le semis pour s’assurer que le taux de graines
dures ne soit pas excessif. La dose de semis recommandée est de 2 à 4 kg par ha sur
un sol légèrement préparé. La plante nodule naturellement avec des rhizobium de
type niébé, et l’on ne connaît pas d’échec de nodulation.
Le cassia est utilisé pour la pâture et résiste bien à diverses pressions de pâturage. Les
gousses sont mangées par le bétail et des taux de une à trois graines par fécès facili-
tent la dissémination naturelle de l’espèce.
Les rendements peuvent atteindre 5 t de MS/ha en culture pure. Les rendements
annuels sont plus faibles en culture mixte (avec une graminée). Les rendements en
graines s’échelonnent de 200 à 800 kg/ha. Le cassia peut être récolté manuellement
ou mécaniquement.
LE DOLIQUE
Lablab purpureus (L.) Sweet, Dolichos lablab L.
Français : dolique, pois dolique, pois d’Egypte
Anglais : lab-lab bean
Famille des Fabaceae
1145
5 Agriculture spéciale
● La culture
En culture pure, la préparation du sol comprend généralement un labour, un dis-
quage et un hersage. La plantation peut se faire sur sol plat ou sur billons espacés de
80 à 100 cm. Le semis peut se faire en lignes ou en poquets. On sème 10 à 20 kg de
graines par ha, germant à 100 %, à des espacements de 40 cm sur la ligne et entre les
lignes. Les graines sont assez grosses et il faut veiller à bien les enterrer (2 cm au
moins). Deux binages, l’un deux semaines après la levée et le second deux semaines
plus tard sont nécessaires.
La plante nodule naturellement avec des rhizobium de type niébé. Cependant, certains
auteurs préconisent une inoculation spécifique sur les terres où des légumineuses
n’ont pas déjà été cultivées ou un mélange avec de la terre ayant déjà reçu du niébé.
● La production
Les rendements sont de 5 à 8 t de MS/ha en trois à quatre coupes pendant la saison
des pluies et de 6 t de MS en une coupe pour du foin. La dolique peut être pâturée,
sauf pendant la floraison en raison de l’odeur de savon des fleurs. En revanche, la plante
donne un excellent foin très appété. La dolique s’associe facilement avec des plantes
vivrières et est très prisée pour cette raison. Sa valeur fourragère est de 0,62 UF/kg de
MS et 93 à 110 g de MAD/kg de MS.
L’HERBE DE GUINÉE
Panicum maximum Jacq.
Anglais : Guinea grass
Famille des Poaceae
1146
Les cultures fourragères 5 2
● La culture
Il faut préparer un lit de semence fin : labour, disquage et hersage semblent indis-
pensables en culture mécanisée. La dose de semis varie de 2 à 4 kg/ha de graines ger-
mant à 100 %. Il faut les mélanger à du sable sec car les graines sont très petites. On
réalise un semis en continu sur la ligne, avec un espacement des lignes de 40 cm. On
peut aussi multiplier par éclats de souches à trois brins, plantés verticalement à 40 x
40 cm (62 500 pieds par ha), après coupe des racines et des feuilles à environ 15 cm.
Le Panicum peut être associé à des légumineuses pérennes comme Stylosanthes hamata,
Macroptilium atropurpureum et Centrosema spp. Sa pérennité est longue : il peut se main-
tenir plus de quinze ans avec une fertilisation appropriée. Il n’est pas envahi par les
adventices sauf en cas de surpâturage fort ou de mauvaise protection à l’installation.
● La production
L’herbe de Guinée peut être exploitée par pâturage, en affouragement à l’auge, en
foin avec des variétés à feuilles fines, plus difficilement en ensilage (avec additif). Le
Panicum est très apprécié du bétail à condition que les repousses soient jeunes : 21 à
35 jours pour la pâture, environ 35 jours pour la fauche, en saison de croissance. En
saison des pluies, on obtient 10 à 15 t de MS/ha. On peut obtenir 20 à 30 t de MS en
irrigué (10 à 12 exploitations). Les valeurs fourragères varient en fonction du temps
de repousse et de la saison. En saison des pluies, on peut obtenir à 28 jours de
repousse des valeurs de 0,67 UFL/kg de MS et 90 g de MAT/kg de MS.
La production de semences est réalisée manuellement par ensachage des panicules
aux premières chutes de graines et en pliant les hampes florales, ou mécaniquement
à la moissonneuse-batteuse. Dans ce cas, l’égrenage est plus important et la fertilité des
graines est moindre. Le rendement espéré peut être de 350 kg/ha en récolte
manuelle, plus faible en récolte mécanisée. La récolte semble plus importante en pre-
mière année, avec un semis ou un bouturage en début de saison des pluies.
L’HERBE DE PARA
Brachiaria mutica (Forssk.) stapf
Anglais : para grass
Famille des Poaceae
1147
5 Agriculture spéciale
● La culture
La préparation du sol est un labour ou un disquage, soit à plat soit en formant des
billons écartés de 50 à 60 cm. Le bouturage se pratique avec des boutures de tiges à
trois nœuds, plantées obliquement avec deux nœuds dans le sol et un nœud à l’air.
L’écartement préconisé est de 40 x 40 cm. D’autres méthodes sont utilisées : planta-
tion de boutures dans les sillons de labour (même écartement que précédemment)
puis recouvrement manuel ou mécanique (disques) ; couverture du sol avec des tiges
puis disquage mécanisé pour enfouir les boutures (Thaïlande, Sénégal). Les graines
récoltées ne sont généralement pas fertiles et le semis est donc impossible.
Deux à trois binages sont nécessaires après l’installation, à deux semaines d’intervalle.
La vigueur et la couverture du sol de cette plante empêchent les invasions par les
adventices. Sa pérennité est assurée par sa capacité d’enracinement des tiges ram-
pantes et une prairie bien entretenue peut durer plus de quinze années (Sénégal).
● La production
Le Brachiaria est essentiellement pâturé, mais peut être coupé pour l’affouragement à
l’auge ou pour la fabrication de foin. Le rendement en matière sèche est évalué de 10
à 12 t/ha pendant la saison des pluies. En culture irriguée et fertilisée au Sénégal, des
rendements de 20 à 25 t de MS par hectare et par an ont été obtenus.
C’est une plante très appréciée du bétail. Sa valeur fourragère est de 0,60 à 0,65 UFL
et 60 g de MAD/kg de MS. C’est une des graminées tropicales les plus riches en MS
(supérieure à 20 %).
L’HERBE DE RHODES
Chloris gayana Kunth
Anglais : Rhodes grass
Famille des Poaceae
● La culture
La préparation du sol peut se réaliser par labour, disquage, hersage. La plantation
peut être établie végétativement par éclats de souches ou par stolons plantés à 40 cm
x 40 cm. Mais on sème plus fréquemment entre 0,5 et 1 kg/ha de graines germant à
100 %. À l’implantation, deux à trois binages sont souvent nécessaires à deux semaines
d’intervalle. Une fois installée, la plante est vigoureuse et étouffe les adventices.
1148
Les cultures fourragères 5 2
L’exploitation se fait par pâture ou par fauche. C’est une des meilleures graminée tro-
picale pour le foin, en raison en particulier de la finesse de ses tiges. Malgré sa vigueur,
on peut associer Chloris à des légumineuses (Stylosanthes ou Macroptilium). La pérennité
de la prairie peut dépasser cinq ans (Île de la Réunion). Le rendement moyen, sous
pluie, est estimé à 7 à 15 t de MS/ha. En irrigué et avec une fertilisation, on peut
dépasser les 20 t de MS. La valeur fourragère est de 0.63 UFL et 55 g de MAD/kg de
MS.
● La culture
En sol léger, une préparation du sol par simple disquage suffit. Dans un sol plus lourd,
la préparation en culture mécanisée comprend, en général, un labour, un disquage et
un hersage. Les doses de semis recommandées sont de 2 à 4 kg de graines décorti-
quées (sans enveloppes) germant à plus de 80 % ; le semis est fait en ligne ou à la volée.
On préconise deux à trois sarclages à deux semaines d’intervalle, la plante étant ins-
tallée. Des désherbages chimiques sont possibles, mais ne sont recommandés que pour
une récolte de graines.
L’inoculation par des rhizobium n’est pas nécessaire et il est possible d’associer le sty-
losanthes avec des graminées de taille moyenne : Panicum maximum cv C1, Chloris
gayana, Brachiaria brizantha, Brachiaria humidicola, Cenchrus ciliaris.
● La production
L’exploitation par fauche est possible, mais la hauteur de coupe doit se situer au-des-
sus de la lignification. Le rendement sous pluie est de l’ordre de 4 à 7 t de MS/ha et
de 8 à 10 t de MS/ha et par an en irrigué. La valeur fourragère pour des repousses de
45 à 60 jours est de 0,60 à 0,80 UFL et 150 à 160 g de MAD pour de jeunes feuilles ;
elle est de 60 à 71 g de MAD pour les tiges vertes.
Pour la production de semences, le Stylosanthes fleurit toute l’année avec un pic en fin
de saison des pluies.
1149
5 Agriculture spéciale
La date la plus propice pour la récolte est novembre ou décembre dans l’hémisphère
Nord. La récolte peut se faire manuellement ou mécaniquement et les rendements
sont de l’ordre de 10 à 20 kg/ha.
LE NIÉBÉ4
Vigna unguiculata L. Walp.
Anglais : cowpea
Famille des Fabaceae
● La culture
Sur sols sableux, on peut faire une préparation du sol minimale (simple disquage). Sur
des sols plus lourds, une préparation complète est nécessaire : labour, disquage, her-
sage. Le semis est réalisé à la dose de 20 à 40 kg /ha. La densité optimale pour la
culture fourragère est de 200 000 pieds/ha et de 100 000 pieds/ha pour la production
de semences (besoin de lumière et entretien plus facile). Le niébé nodule naturelle-
ment. Deux à trois sarclages sont nécessaires jusqu’à une couverture complète du sol.
● La production
Le niébé peut-être pâturé ou coupé pour le foin. Les rendements sont de 4 à 5 t de
MS/ha en une saison des pluies. Le foin doit être récolté en début de floraison. La
valeur fourragère est alors de 0,55 UFLet de 110 g de MAD, la digestibilité est de 57 %
et l’ingestibilité de 90 g/kg de poids métabolique.
La production de semences doit être réalisée en début de saison sèche et la date de
semis doit donc être calculée en conséquence. La récolte est manuelle et trois passages
sont nécessaires. Les rendements sont en moyenne, de 750 kg /ha, mais on peut
atteindre 1 500 kg avec certaines variétés. Le niébé apporte 60 à 80 kg d’azote après
chaque culture.
1150
Les cultures fourragères 5 2
LE POIS D’ANGOLE5
Cajanus cajan (L.) Millsp.
Français : pois d’Angole, ambrevade
Anglais : pigeon pea
Famille des Fabaceae
● La culture
Sur sols sableux, la préparation du sol peut être minimale (disquage, hersage). Sur sols
plus lourds, un labour est nécessaire. Le semis nécessite de 5 à 10 kg de graines par
ha. Il est réalisé en ligne, par poquet de deux à quatre graines, avec des écartements
de 100 cm entre les lignes et de 50 cm sur la ligne. L’inoculation n’est pas nécessaire.
Le sarclage est indispensable et commence quinze jours après le semis. Il est ensuite
fait à la demande jusqu’à l’installation de la prairie. Le pois d’Angole peut être asso-
cié avec des cultures vivrières (sorgho ou maïs par exemple).
● La production
La plante peut être exploitée en pâture ou par émondage tous les deux ou trois mois
dès qu’elle est adulte. La productivité est de 1,5 à 3,5 t MS/ha par coupe et la valeur
azotée est de 100 à 120 g MAD/kg de MS.
La récolte des semences se réalise en début de saison sèche. Elle est effectuée manuel-
lement et plusieurs passages sont nécessaires (environ trois). Les rendements en
semence sont de l’ordre de 750 kg/ha mais peuvent atteindre 1500 kg avec certains
cultivars. La fixation d’azote dans le sol peut s’élever à 60-80 kg de N fixé par ha et
par an.
1151
5 Agriculture spéciale
LE SORGHO FOURRAGER6
Sorghum bicolor L. Moensh
Anglais : sorghum
Famille des Poaceae
● La culture
En culture pure mécanisée, la préparation du sol comprend, en général, un labour,
un disquage et un hersage. Pour le semis, 30 à 40 kg de graines suffisent. Les écarte-
ments diffèrent selon la destination de la culture : pour un sorgho destiné à l’ensilage
les écartements sont de 0,80 m entre les lignes et 0,30 m sur la ligne ; pour un sorgho
destiné à l’affouragement en vert les écartements seront de 0,50 m entre les lignes et
0,20 sur la ligne. En principe, le sorgho ne se bouture pas. Deux sarclages sont néces-
saires après plantation et un après chaque coupe. Le sorgho fourrager peut être asso-
cié avec le niébé et Centrosema spp.
● La production
L’exploitation peut être réalisée par coupe pour l’alimentation en vert des animaux ou
pour l’ensilage. L’épaisseur des tiges rend difficile la fabrication de foin. Le pâturage
est possible mais la présence d’une substance toxique pendant la croissance des jeunes
repousses interdit son utilisation avant 60 cm de hauteur. Les rendements peuvent
atteindre en irrigué 15 à 20 t de MS/ha avec huit à neuf exploitations par an. En sai-
son des pluies, on peut espérer sans irrigation 10 t de MS/ha en trois ou quatre exploi-
tations.
La valeur fourragère varie en fonction de l’âge de la repousse. On peut obtenir
0,80UF et 68 g de MAD/kg de MS après six à huit semaines de repousse. Pour la pro-
duction de semences, la densité est inférieure à 200 000 pieds par ha. Pour la récolte,
on coupe les panicules, on les fait sécher puis on les bat. On conserve les grains à l’abri
de l’humidité. La récolte est possible à la moissonneuse-batteuse. Les rendements sont
de l’ordre de 5 t/ha. Il ne faut pas utiliser comme semence les graines produites par
des hybrides.
1152
Les cultures fourragères 5 2
Bibliographie
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les régions tropicales. Les presses agronomiques de Gembloux. 171 p.
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Ministère de la Coopération. 266 p.
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Scientific Publishers, Wageningen. 301 p.
TOUTAIN B.,1973. Principales plantes fourragères tropicales cultivées. Synthèse IEMVT N°3. (2ème
édition 1979). 201 p.
1153
5 3 Les plantes
à autres usages
5.3.1 Les plantes textiles
5.3.2 Les plantes à caoutchouc
5.3.3 Les plantes insecticides
5.3.4 Les plantes médicinales,
cosmétiques, à parfum et à huiles
5.3.5 Les plantes tannifères
et tinctoriales
5 3 1 Les plantes textiles
À partir des contributions de M. Cretenet (CIRAD),
J.C Follin (CIRAD), B. Hau (CIRAD), C. Hekimian Lethève,
E. Jallas (C IRAD), A. Renou (CIRAD)
1157
5 Agriculture spéciale
Cependant, pour une classification plus commode, on utilise habituellement deux cri-
tères : la partie du végétal qui donne naissance aux fibres et leur utilisation pratique.
1158
Les plantes à autres usages 5 3
> finesse ou numéro métrique (Nm) : c’est le rapport de la longueur sur le poids. Plus il
est élevé plus la fibre est fine ;
> longueur de rupture : longueur d’une fibre ou d’un fil supposé indéfini qui se rom-
prait sous son propre poids. Plus le chiffre est élevé, plus la fibre est résistante.
L’ABACA
Musa textilis Nee
Français : abaca, chanvre de manille
Anglais : manila hemp
Espagnol : abaca
Famille des Musaceae
● La culture
La plante se présente sous la forme d’une touffe de dix à vingt pseudo-troncs pouvant
atteindre 4 à 7 m.
1159
5 Agriculture spéciale
De nombreuses variétés existent et sont choisies selon que l’on privilégie la produc-
tion, le pourcentage de fibres, la précocité où la facilité d’extraction des lanières.
La plante se propage par bouturage de racines ou par la plantation de rejets.
L’exploitation commence après trois à quatre ans de culture : les pseudo-troncs arri-
vés à maturité sont coupés, débarrassés des feuilles et laissés à fermenter quelques
jours. Les fibres sont obtenues par division des gaines en lanières et élimination du
parenchyme par raclage manuel au couteau. Les opérations de défibrage sont géné-
ralement mécanisées, au moins partiellement. L’exploitation dure de sept à quinze
ans, suivant les conditions et les variétés.
Aux Philippines, la plante est sensible à une mosaïque transmise par les pucerons et à
la fusariose du bananier (Fusarium oxysporum var. cubense). En Amérique latine, les
nématodes libres (Pratylenchus musicola) causent des dégâts. Le ravageur principal,
dans toutes les zones de culture, est un insecte foreur de tige, Cosmopolites sordidus.
La production mondiale de chanvre de Manille est en décroissance lente, elle était en
1998 de 90 000 dont 65 000 t pour les Philippines et 23 000 t pour l’Equateur où la
production, à l’inverse de la tendance générale, est en croissance régulière depuis
1970.
LE COTONNIER
Espèces : G. herbaceum, G. arboreum, G. hirsutum, G. barbadense
Anglais : cotton
Espagnol : algodon
Portugais : algodao
Famille des Malvaceae, Tribu : hibisceae, Genre : Gossypium
1160
Les plantes à autres usages 5 3
● La plante
● L’origine et la diversification des espèces
Les cotonniers appartiennent au genre botanique Gossypium L. qui comprend une
quarantaine d’espèces diploïdes (2n = 2x = 26) et six espèces tétraploïdes (2n = 4x =
52). À partir d’études cytologiques et botaniques, les espèces diploïdes ont été regrou-
pées en sept classes génomiques, baptisées de A à G. Ces espèces sont en général inféo-
dées à des écosystèmes tropicaux arides ou semi-arides. Seules quatre espèces ont été
domestiquées et sont cultivées pour leur fibre : deux diploïdes de génome A, G. her -
baceum et G. arboreum, et deux tétraploïdes de génomes AD, G. hirsutum et G. barbadense.
G. hirsutum assure 90 % de la production mondiale de coton. G. barbadense, cotonnier
à qualité de fibre supérieure (soies longues et fines) assure un peu plus de 5 % de la
production. Les deux espèces diploïdes G. herbaceum et G. arboreum représentent
ensemble moins de 5 % de la production et leur fibre, courte et épaisse, n’est utilisée
qu’artisanalement.
Les centres de diversification des espèces de cotonnier sont la presqu’île du Yucatan
(Mexique et Guatemala) pour G. hirsutum, les contreforts andins de l’Equateur et du
Pérou pour G. barbadense, et le Sud de l’Afrique pour G. herbaceum, cette espèce ayant
été domestiquée probablement dans le Sud de l’Arabie. G. arboreum serait apparu au
moment de l’extension de G. herbaceum vers l’Inde. Les origines géographiques de ces
espèces ont valu les dénominations de cotonniers de l’ancien monde aux types diploïdes
et cotonniers du nouveau monde aux tétraploïdes.
Les premiers cotonniers cultivés étaient photopériodiques et conduits de façon
pérenne. Le développement des formes modernes, annuelles et insensibles à la pho-
topériode, a permis l’extension de la culture dans des zones plus septentrionales.
● La morphologie
Le cotonnier est une plante arbustive. Sa partie aérienne est constituée d’une tige
principale à croissance continue (monopodiale) qui émet deux types de rameaux : à la
base de la plante, des branches végétatives, à croissance monopodiale, qui ne portent
pas directement de capsules mais émettent des rameaux secondaires fructifères ; au-
dessus, des branches fructifères à croissance discontinue (sympodiale), qui portent des
capsules. Suivant les espèces, les variétés et les conditions d’environnement, la part de
la production de coton-graine portée par ces deux types de branches est variable.
● La croissance et le développement
Le cotonnier est une plante à croissance indéterminée, c’est-à-dire qu’il installe des
fruits (capsules) en même temps qu’il assure sa croissance végétative. Il en résulte une
compétition au cours de la croissance pour l’allocation des produits de la photosyn-
thèse entre le développement reproducteur et le développement végétatif. Au fur et à
mesure que la plante avance en âge, les organes reproducteurs mobilisent de plus en
1161
5 Agriculture spéciale
1162
Les plantes à autres usages 5 3
Bien que le développement du cotonnier soit par nature de type indéterminé, les
Américains distinguent les variétés à cycle déterminé qui marquent une pause de
croissance nette au moment du cut out (DP50, DP20, DP51), des variétés à cycle indé-
terminé qui marquent une pause moins perceptible (Mac Nair 220, Mac Nair 235,
DP5415, DP90). En Europe, des variétés très précoces ont été créées : Pavlikeni73, Beli
Izvor.
En Afrique de l’Ouest et du Centre, les variétés sont pileuses, de type tardif, à cycle
indéterminé, avec des branches végétatives relativement développées (STAM 18,
STAM 42, F 135, IRMA BLT-PF, NTA 88-6). Utilisant le même germplasme africain,
des sélections en Amérique du Sud ont abouti à des types moins végétatifs et plus pré-
coces (GUAZUNCHO 2, CHACO 520, LAN 338, CD 401, CA 222, CA 223, CA 331) et
d’autres en Asie du Sud-Est à des variétés supportant le manque d’ensoleillement
(SSR60 en Thaïlande).
Certains caractères particuliers ont été introduits dans des variétés cultivées, tels les
caractères Okra (feuilles très découpées) en Australie (Si Okra L22, Si Okra L23), necta -
riless aux Etats-Unis (Ston 825, Ston 907) ou glandless en Afrique (GL7).
Depuis 1996, des variétés transgéniques confèrent de nouvelles propriétés de résis-
tance à des insectes ou des herbicides (Bollgard®, Roundup Ready® de Monsanto, BXN®
de Calgene). La sélection moderne vise aujourd’hui à créer des cotonniers à cycle plus
court et à meilleur indice de récolte (pourcentage du poids de coton graine rapporté
au poids de la biomasse).
Les variétés cultivées de G. barbadense
Elles fournissent les plus beaux cotons. Ceux-ci sont généralement destinés à des
usages particuliers (bonneterie, produits de luxe). Elles se distinguent de G. hirsutum
par un cycle plus long (180 à 230 jours), des feuilles plus grandes aux lobes plus
échancrés, des pétales jaunes possédant une macule rouge à leur base et des graines
nues (sans linter).
Les variétés Sea Island des Barbades sont celles qui produisent la fibre la plus longue
(supérieure à 40 mm). Les variétés de type Egyptien (GIZA 75), cultivées avec irriga-
tion dans les zones désertiques, fournissent une fibre classée extra longue et très fine.
Les types Tanguis cultivés au Pérou possèdent des fibres longues associées à de fortes
maturités et de faibles finesses. Les types Pima, sélectionnés aux Etats-Unis en intro-
gressant G. barbadense avec des variétés de G. hirsutum ont permis de raccourcir le cycle
(PIMA S6 type précoce). Dans le Nordeste du Brésil, les cotonniers Moco, cultivés de
façon pérenne, sont probablement issus aussi d’hybridations interspécifiques natu-
relles avec des types Marie Galante de G. hirsutum.
Les variétés cultivées des espèces diploïdes G. herbaceum et G. arboreum
Elles fournissent une fibre courte (20 à 23mm) et épaisse. Elles ont fait l’objet de peu
de travaux de sélection et résultent souvent de germplasmes conservés par les agri-
culteurs eux-mêmes (types Boumi pour G. herbaceum, types Desi pour G. arboreum). Une
sélection sur G. arboreum en Inde a produit de nouveaux cultivars parvenant au niveau
des G. hirsutum les plus courts.
1163
5 Agriculture spéciale
● L’écologie du cotonnier
● La température
La croissance végétative et le développement des organes reproducteurs sont forte-
ment influencés par la température. Le rythme d’apparition des organes est généra-
lement exprimé suivant une échelle de somme de températures au cours du cycle de
production. On peut ainsi définir les besoins moyens en somme de températures pour
que le cotonnier accomplisse son cycle.
Le cotonnier aime la chaleur mais il peut être acclimaté partout où le nombre de jours
sans gelée est supérieur à 200 et où la somme de températures en été est suffisante.
On le trouve ainsi dans la zone tropicale (Amérique du Sud et Centrale, Afrique, Inde,
Pakistan, Asie du Sud-Est), dans les zones désertiques où une irrigation peut être
apportée (Moyen Orient, Asie centrale), et jusque dans les zones tempérées (Etats-
Unis, Chine, Europe). Il est ainsi cultivé sur une très vaste zone allant du 47ème degré
de latitude Nord (Sin-Kiang en Chine) au 32ème degré de latitude Sud en Australie.
● L’eau
L’alimentation en eau est un facteur important de la croissance du cotonnier. Les
besoins en eau du cotonnier sont d’au moins 500 mm durant la saison de culture. Le
déficit hydrique perturbe moins le développement reproducteur et la croissance des
capsules que l’expansion foliaire, la rétention des organes reproducteurs et la crois-
sance végétative. Il peut avoir une influence négative sur la qualité de la fibre.
Le cotonnier est très sensible à l’anoxie et un excès d’humidité peut être particulière-
ment néfaste. Des périodes trop longues d’humidité relative supérieure à 90 % peu-
vent affecter la fécondation et provoquer d’importantes chutes de rendement. Un
mauvais drainage ou l’inondation des parcelles sont à éviter.
● L’ensoleillement
L’ensoleillement est un facteur primordial de développement de la culture, surtout au
cours de la phase de développement du système reproducteur : une réduction même
légère de l’ensoleillement a un effet défavorable sur la croissance et la rétention
des organes reproducteurs. L’activité photosynthétique maximale correspond à
30 MJ/m2/jour, alors que les valeurs enregistrées par exemple au Mali en août-
septembre sont de l’ordre de 20 à 22 MJ/m2/jour.
1164
Les plantes à autres usages 5 3
● Le sol
Le cotonnier préfère les sols homogènes, profonds, perméables et riches en éléments
minéraux majeurs et secondaires (S, Mg) et en oligoéléments (B, Zn). Le pH optimum
des sols se situe entre 6 et 7 et ne doit pas être inférieur à 5. Le cotonnier s’accom-
mode des sols salins, surtout G. barbadense. Cependant au-delà d’une concentration en
sel de 2/1000 le rendement est affecté.
● La culture du cotonnier
1165
5 Agriculture spéciale
1166
Les plantes à autres usages 5 3
Le semis est manuel ou mécanique, sur billon ou à plat, en poquets ou en ligne conti-
nue. Le semis mécanique suppose une graine débarrassée de son linter (semence
délintée). Les quantités de semences peuvent varier de 25-30 kg/ha (semis manuel,
graines non délintées) à 10-12 kg/ha (semis mécanique, graines délintées). La plupart
des semis sont réalisés sur un sol nu, bien préparé (labour avec enfouissement des
adventices et herbicidage en pré ou post-semis), mais certains semis se réalisent sur
couvert végétal préalablement traité avec un herbicide.
Les densités sont très variables selon la variété, la richesse du sol et les conditions de
culture (de 30 000 à 100 000 plants à l’hectare en culture cotonnière classique). Pour
faciliter les opérations d’entretien, la culture est généralement semée en lignes espa-
cées de 0,70 à 1 m. En semis manuel, le cotonnier est semé en poquets espacés de 20
à 25 cm. En semis mécanique, les graines sont semées avec un espacement de 10 à 15
cm sur la ligne. Le resemis après la levée est une pratique très répandue en culture
manuelle.
Les systèmes narrow row cotton et ultra narrow row cotton pratiqués expérimentalement
aux Etats-Unis correspondent à des densités de semis supérieures à 250 000 plants/ha.
Ils sont pratiqués dans le cadre d’une agriculture très mécanisée (semis à la volée,
récolte à la barre de coupe), dans le but de réduire les coûts de production en contrai-
gnant la plante à réduire la durée de son cycle (pas d’urée, application de régulateurs
de croissance). Le faible développement de chaque plante est compensé par le nombre
de plants à l’hectare.
● L’entretien
La concurrence des adventices est particulièrement néfaste pendant les six premières
semaines de végétation. Deux à trois sarclages sont nécessaires avant que la canopée
du cotonnier ne recouvre entièrement le sol et empêche naturellement le développe-
ment des adventices. L’utilisation d’herbicides, le plus souvent de post-semis et pré-
levée, mais parfois de pré-semis et pré-levée, est une pratique qui progresse chez les
petits producteurs.
En culture manuelle, on procède trois semaines après levée (stade quatre vraies
feuilles) à un démariage des poquets pour n’y laisser que deux plants. Les semis réa-
lisés mécaniquement peuvent également être éclaircis manuellement ou par un pas-
sage avec une herse perpendiculaire à la ligne de semis dans le cas où la densité sur la
ligne est trop forte.
● La fertilisation
Les apports d’azote sous forme d’engrais minéraux varient de 40 à 100 kg N/ha, ils
doivent être raisonnés en fonction de la richesse organique du sol et de l’objectif de
production. Ces apports sont en général fractionnés : un apport lors de la préparation
du sol, un apport peu avant la floraison. L’azote favorise le développement des
organes végétatifs de la plante, supports ultérieurs de la fructification. Un apport trop
tardif peut contrarier la mise à fruit et provoquer un allongement du cycle.
La plupart des sols des savanes cotonnières d’Afrique sont naturellement carencés en
P, que le soufre y est très souvent bloqué sous forme organique lors de leur mise en
culture et que les conséquences d’une déficience en bore sont trop importantes pour
prendre le risque de ne pas introduire ces éléments dans les apports minéraux.
1167
5 Agriculture spéciale
Aussi les engrais coton sont généralement riches en P2O5 et ils contiennent très souvent
du soufre et du bore.
Les exportations minérales (récoltes et résidus de culture) du cotonnier et des cultures
en rotation sont en général bien supérieures aux apports de la fertilisation. Aussi, les
anciennes zones de production cotonnière présentent bien souvent des symptômes de
déficiences minérales (K, Mg, Ca…). Pour le potassium, ces symptômes sont très carac-
téristiques : feuilles desséchées et pendantes restant accrochées par leurs pétioles,
comme des chauve-souris au repos, petites capsules dites momifiées, qui s’ouvrent incom-
plètement. La définition d’apports minéraux optimaux ne peut se faire qu’au niveau
de la parcelle, en fonction du système de culture pratiqué et des objectifs de produc-
tion.
La fertilisation organique est importante : apports d’azote et de potassium, équilibre
biologique et maintien de la structure des sols. Elle correspond essentiellement à des
apports de fumier, de compost ou de terre de parc. Les engrais verts et les cultures
améliorantes ne sont que rarement pratiquées.
● L’irrigation
L’eau est apportée au cotonnier par gravité, par un système de bassins (65 % des sur-
faces irriguées de par le monde) ou de canaux (29 %), ou par aspersion (5 %). Le
goutte à goutte concerne encore moins de 1 % des surfaces irriguées.
● La défense des cultures
C’est l’un des facteurs qui conditionne la réussite de la culture, tant le cotonnier est
l’objet d’attaques parasitaires. Un certain nombre d’échecs de la culture cotonnière
(en Amérique centrale et dans certains pays du Sud-Est asiatique en particulier) sont
liés à une maîtrise insuffisante ou trop coûteuse des attaques parasitaires.
Les principales maladies et les groupes d’arthropodes dont l’incidence est significative
sur la production figurent dans les tableaux suivants.
Rhizoctonia, Pythium, Macrophomina Fonte des semis Enrobage des graines avec un fongicide
Bactériose (Xanthomonas malvacearum) Taches anguleuses foliaires, Résistance variétale
nécroses sur tiges et capsules
Ramulose (Colletotrichum sp.) Taches jaunes sur feuilles, rameau Résistance variétale
(Amérique du Sud) terminal en «balai de sorcières »
Maladies virales (Mosaïque, Maladie Mosaïques, déformation des feuilles Résistance variétale
bleue, Virescence…) (frisolée) ou des fleurs (phyllodie)
Maladies vasculaires(Fusariose, Jaunissement du feuillage, puis Résistance variétale, rotations culturales
Verticilliose) flétrissement du plant, brunissement
et obturation des tissus conducteurs
1168
Les plantes à autres usages 5 3
Lépidoptères Helicoverpa (Heliothis), Pectinophora, Destruction totale ou partielle Chimique pour l’essentiel
Earias, Diparopsis, Cryptophlebia des organes fructifères Transgénèse
Lépidoptères Spodoptera, Trichoplusia, Anomis, Réduction de la surface Chimique et biologique
Alabama, Syllepta foliaire
Homoptères Aphis gossypii, Bemisia tabaci Prélèvements de sève, Culturale
transmission de viroses
et production de miellats
Homoptères Jassides : Empoasca sp., Orosius sp. Prélèvements de sève Résistance variétale
Hetéroptères Mirides (Lygus sp.) Chute d’organes et pourritures Chimique
et punaises (Dysdercus sp.) de capsules
Coléoptères Anthonomus Destruction des organes Culturale
fructifères
Coléoptères Eutinobothrus, Conotrachelus Mineurs de la tige Chimique
On a longtemps pensé que la lutte chimique permettrait, à elle seule, de tenir en échec
le complexe parasitaire. Du fait des problèmes actuels (coût de la protection, destruc-
tion de l’entomofaune utile, apparition de résistances aux pesticides, problèmes de
pollution et de santé humaine), tous les spécialistes reconnaissent aujourd’hui que la
culture cotonnière doit être conduite selon les principes de la protection intégrée.
Il faut ainsi :
> prévenir les dommages, en échappant au parasitisme par le choix de la date de
semis, en raccourcissant le cycle de fructification du cotonnier, en supprimant les
cultures relais ou refuge des principales espèces nuisibles, en introduisant dans les
cultivars des caractères de résistance aux ravageurs dominants. On doit également
encourager toutes les pratiques qui, au travers d’actions sur le micro-climat ou la
biodiversité, encouragent le développement d’entomophages et d’agents patho-
gènes des ravageurs ;
> estimer le caractère menaçant des populations de ravageurs présentes dans la cul-
ture, ce qui suppose des méthodes d’échantillonnage fiables et une estimation des
seuils au delà desquels surviennent les pertes de récolte ;
> intervenir en fonction de ces seuils, en prenant garde à maintenir la durabilité du
système (prévention de la résistance aux pesticides, respect des équilibres entre
espèces nuisibles et entomofaune utile).
Le principe de la lutte étagée ciblée sur la culture de cotonnier est présenté dans le
chapitre 436.
● La récolte
Dans de très nombreux pays, la récolte du coton-graine reste manuelle. Les quantités
récoltées par individu varient de 20 à 50 kg par jour. Une attention particulière doit
être apportée au moyen de collecte (panier, sac), en évitant en particulier les sources
de contamination par des fibres synthétiques (polypropylène des sacs d’engrais par
exemple).
1169
5 Agriculture spéciale
Tableau 4. Temps de travaux sur cotonnier dans les petites exploitations agricoles africaines (en jours/ha)
● La fibre de coton
1170
Les plantes à autres usages 5 3
● L’égrenage et le classement
L’égrenage consiste à séparer la fibre des graines qui les portent. Cette opération met
en œuvre une série d’opérations réalisées par des machines différentes : nettoyeur de
coton-graine, tour de séchage, humidificateur, égreneuse (sépare la fibre de la graine),
nettoyeur de fibre, presse à balle (pour compacter la matière sous forme de balle d’en-
viron 225 kg).
Il existe deux types d’égreneuses :
> égreneuse à rouleau : réservée aux fibres longues à extra-longues ;
> égreneuses à scies : elles sont plus productives et sont utilisées pour tous les autres
cotons.
Lors du pressage des balles, des échantillons de fibres sont prélevés, pour une carac-
térisation de leur qualité dans des laboratoires d’analyse, afin de regrouper les balles
de qualité comparable par lots. Chacun des lots est susceptible de recevoir des primes
ou des décotes financières, en fonction de sa qualité lors de sa mise en vente sur le
marché.
● La recherche
Les questions qui se posent à la recherche aujourd’hui sont de permettre une culture
de cotonnier la plus rentable possible, d’élaborer des recommandations compatibles
1171
5 Agriculture spéciale
avec les contraintes des paysans et soucieuses du respect des équilibres écologiques.
Pour atteindre ces objectifs, les chercheurs ont à leur disposition des outils nouveaux :
biotechnologies, logiciels de modélisation du développement de la plante, gestion
phytosanitaire intégrée, interdisciplinarité, nouveaux moyens de diffusion de l’infor-
mation, etc.
Tous les pays qui ont une production de coton significative ont leur propre structure
de recherche cotonnière. Il n’y a pas d’organisme international chargé de la recherche
cotonnière.
LE JUTE
Corhorus capsularis L. et Corchorus olitorius L.
Anglais : jute
Espagnol : yute
Famille des Tiliaceae
1172
Les plantes à autres usages 5 3
● La culture
Compte tenu du photopériodisme, la culture doit être implantée le plus tôt possible,
c’est-à-dire en mai dans l’hémisphère Nord. La densité recommandée pour la fibre est
de 400 à 500 000 pieds à l’hectare, de 150 à 200 000 pour la production de graines.
La récolte pour la fibre se fait en début de floraison : les tiges sont coupées puis soit
mises en botte dans un point d’eau soit laissées sur le champ lorsqu’il est inondé. Ce
rouissage dure une quinzaine de jours. La pratique de rouissage au champ présente
l’avantage de restituer au sol la majeure partie des éléments du végétal (feuilles et tiges
à l’exception des fibres corticales). Les rendements en fibre sont de 1,5 à 2,5 t/ha ; ils
peuvent dans de bonnes conditions atteindre 4 t/ha. Pour la semence, ils sont de
l’ordre de 5 à 600 kg/ha.
Les maladies principales sont les fontes de semis et les chancres de tige dûs à
Macrophomona phaseoli (Maubl.) Ashby et à Colletotrichum capsici (syd.) Butl. et Busby.
Les ravageurs les plus dommageables sont un lépidoptère (Lapygama exigua Hbn.) qui
attaque les jeunes plants et un coléoptère (Apion corchori Marshall) qui provoque des
annellations et des ruptures de tiges, ainsi que des destructions du bourgeon apical.
Des dégâts de cochenilles (Pseudococcus filamentosus Ckll. et Ferrisia virgata Ckll.) peu-
vent aussi intervenir.
La culture du jute est très exigeante en main-d’œuvre, en particulier pour la récolte,
le rouissage et le nettoyage des fibres. Elle n’est mécanisable, de manière rentable, que
pour la production de semences. C’est une culture pratiquée par de petites exploita-
tions, sur quelques ares dans chacune d’entre elles. Deux pays produisent 94 % de la
production mondiale (2 535 000 t en 2000) : il s’agit de l’Inde (1 666 000 t) et du
Bangladesh (711 000 t). La production est stable (2 780 000 t en 1990) malgré la
concurrence des fibres synthétiques et constitue un élément important de l’économie
du Bangladesh, où une grande partie de la production est transformée localement.
LE KAPOKIER
Ceiba et Bombax
Français : kapokier et fromager
Anglais : silk cotton tree
Espagnol : capoc
Famille des Bombacaceae
1173
5 Agriculture spéciale
● La culture
Le Ceiba prospère dans les zones présentant une pluviosité de 1000 à 1500 mm, avec
une saison sèche marquée nécessaire à une bonne floraison. Le Bombax est moins exi-
geant et 800 mm peuvent suffire. Une température d’au moins 20°C est nécessaire à
la pollinisation. Les terres doivent être bien drainées. La multiplication peut se faire
par semis pour les plants tout-venant, mais généralement on utilise le bouturage de
rameaux orthotropes ou le greffage sur des plants de six à huit mois. La densité de
plants varie de 204 plants/ha (7 x 7 m) à 100 plants/ha (10 x 10 m), suivant la fertilité
du sol.
Les branches basses horizontales sont les plus productives et les plants sont conduits
en multicaulie sur trois tiges après étêtage à 1,60 m (sauf pour certains types de taille
modérée). Durant les deux ou trois premières années, des cultures annuelles associées
sont possibles à condition de laisser une bande de 2 m le long de la ligne d’arbres. Des
plantes de couvertures sont conseillées s’il y a des risques d’érosion.
La récolte est exigeante en main-d’œuvre et se fait par ramassage des fruits si la déhis-
cence est faible ou nulle, par gaulage dans les autres cas. Les capsules sont décorti-
quées, les bourres et les graines sont séparées puis passées à l’égreneuse pour isoler la
fibre qui est ensuite pressée en balles. Le rendement en fibre est de l’ordre de 200 à
500 kg/ha. Cependant avec les hybrides de Madagascar des rendements de 800 à 1500
kg/ha sont rapportés.
Les plantations bien entretenues sont peu parasitées. Les jeunes plants peuvent tou-
tefois être dévorés par des coléoptères phyllophages et les plants adultes sont des
refuges pour des punaises (Dysdercus et Anoplocnemis), ravageurs importants pour
d’autres plantes cultivées, en particulier le cotonnier.
1174
Les plantes à autres usages 5 3
LE KENAF
Hibiscus cannabinus L.
Anglais : brown indianhemp, deccan hemp, mesta, java jute, bimli jute...
Portugais : papoula de Sao Francisco
Famille des Malvaceae
● La culture
La plante est à dominante autogame et photopériodique, avec une forte variabilité. La
floraison se produit en jours décroissants à partir d’une durée qui va de treize heures
pour les variétés très précoces à douze heures pour les tardives. Ceci conditionne le
choix de la variété suivant la latitude et les facteurs climatiques, la durée du cycle
devant être adaptée à la pluviométrie de la zone (qui approximativement doit être de
125 mm par mois de végétation). Pour la fibre, les densités recommandées sont de
l’ordre de 600 000 plants/ha (20 à 25 kg de graines). Pour la production de graines,
on admet des densités plus faibles et, en combinant des dates de semis plus tardives
avec un écimage précoce, on obtient des plants de taille courte dont la récolte est faci-
lement mécanisable.
Le kénaf est très sensible aux nématodes galligènes (Meloidogyne spp.) et à l’anthrac-
nose (Colletotricum hibisci Poll.) qui attaque le bourgeon apical. Pour cette maladie, il
existe des variétés résistantes. Les altises (Podagrica spp.) peuvent causer des dégâts
aux jeunes plants.
1175
5 Agriculture spéciale
LA RAMIE
Boehmeria nivea (L.) Gaudish et Boehmeria nivea var. tenacissima Miq.
Anglais : China grass
Espagnol : ramio
Famille des Urticaceae
La ramie est la plus longue et la plus résistante des fibres végétales. En outre elle pos -
sède une finesse et un aspect soyeux qui en fait une fibre très recherchée pour la
confection de tissus de luxe (tissus d’ameublement et vêtements). Elle appartient à la
catégorie des fibres longues non lignifiées (fibres douces) d’origine libérienne. Son
extraction de l’écorce est difficile. Elle se fait traditionnellement à la main ou demande
un traitement chimique en usine (dégommage), ce qui limite sa production et réduit
ses usages.
Deux variétés concourent à sa production : Boehmeria nivea (L.) Gaudish et B. nivea var.
tenacissima Miq. (= B. utilis Hort.). La première (ramie blanche) est adaptée aux régions
subtropicales et tempérées et donne une fibre de haute qualité ; c’est la plus cultivée.
La seconde (ramie verte) est plus spécifique des régions tropicales ; elle est plus pro-
ductive mais donne une fibre de moins bonne qualité. À maturité, la plante mesure de
1,5 à 2 m et à un aspect d’ortie géante. Les fleurs monoïques sont groupées en pani-
cules au sommet des plants. La ramie est une herbe pérenne. Sa survie est assurée par
des rhizomes et des racines tubéreuses. B. nivea demande des températures supé-
rieures à 25°C au moins deux mois dans l’année et une pluviosité supérieure à
1 000 mm. B. nivea var. tenacissima exige une température moyenne supérieure à 25°C
toute l’année et au minimum 1 200 mm de pluie.
● La culture
L’installation de la culture se fait au printemps dans les pays tempérés et au début de
la saison des pluies dans les pays tropicaux, par division et replantation des racines de
plants d’au moins trois ans. Le coefficient de multiplication est alors de l’ordre de 80
ha pour un hectare. L’espacement est habituellement de 1 m sur 0,50 m, ce qui donne
la première année de 20 à 30 000 tiges/ha et près de 200 000 après deux à trois ans
de culture. Les tiges sont récoltées à partir de la deuxième année de plantation sur
1176
Les plantes à autres usages 5 3
une cadence moyenne de trois coupes par an. Toutes ces opérations sont mécani-
sables. La durée de plantation est de quatre à neuf ans suivant la richesse du sol en
matière organique. Ensuite il est nécessaire de rajeunir la plantation par un travail du
sol et un épandage de doses élevées de fertilisants et parfois de chaux.
Les tiges récoltées sont soumises à trois traitements : le décorticage, le dépelliculage
(élimination de l’épiderme ligneux des lanières) et le dégommage qui consiste à dis-
soudre chimiquement les matières pectiques soudant les fibres entre elles. Les feuilles
et le sommet des tiges sont parfois utilisés comme aliment du bétail.
Les maladies et les ravageurs sont peu importants. En ce qui concerne les maladies,
on observe parfois des dégâts sur les racines et les plantules de Rosellinia necatrix (Prill.)
Berl. et de Rhizoctonia solani kuhn, ainsi que des chancres de tige causés par Phoma
boehmeria Henn. Les insectes ravageurs sont des lépidoptères (Sylepta silicalis Guenée
et Cocytodes coerulea Guen.) sur feuilles, et un coléoptère, Agrotis sp., sur les jeunes
plants.
La production mondiale de ramie est en progression lente mais constante : 56 000 t
en 1980, 93 000 en 1985, 105 000 en 1990 et 130 000 en 2000. Hors de la Chine qui
produit 96,2 % de la production mondiale, il ne reste plus qu’une production rési-
duelle au Brésil, au Laos et aux Philippines.
LE RAPHIA
Raphia hookeri et R. farinifera
Anglais : raffia palm, raphia
Espagnol : rafia
Famille des Arecaceae
Le genre raphia est originaire d’Afrique centrale (bassin du Congo) ainsi que
d’Afrique de l’Ouest. Sa culture s’est développée dans la zone intertropicale, notam-
ment en Asie du Sud Est, en Amérique du Sud et en Amérique centrale.
Avec les feuilles entières, on fabrique des enclos et des barrières et on couvre les
constructions. Le rachis est utilisé dans la construction d’habitation et la fabrication de
meubles, nattes, ficelles et cordes. Les folioles constituent la fibre de raphia. Avec la
sève, on prépare du vin de raphia. Les fruits sont réputés toxiques et la pulpe est rare-
ment utilisée pour fabriquer de l’huile alimentaire (Congo).
Les raphias sont des palmiers ramifiés à la base et qui forment des touffes de tiges. Le
stipe, de diamètre variable, mesure de 3 à 10 m (R. hookeri). Il est couvert de lanières
noirâtres issues de la décomposition des gaines foliaires. Les feuilles, de 10 à 20 m de
longueur et de 1 à 3 m de largeur, ont des folioles de plus de 1 m de long. Le raphia
est un palmier dioïque. Chaque stipe ne fleurit qu’une fois dans sa vie puis meurt. Il
porte plusieurs inflorescences. Les fruits sont des baies de 5 à 15 cm de long et 3 à
6 cm de diamètre, couvertes d’écailles vernissées qui protègent une pulpe graisseuse
jaune orangé. La graine, très dure, est enveloppée d’une membrane.
Le raphia se développe plutôt dans les milieux humides inondés d’eau douce, bien
que l’écologie des différentes espèces soit très variable : Raphia hookeri, vinifera,
laurentii et sese vivent plutôt dans des lieux marécageux ; Raphia palma pinus supporte
1177
5 Agriculture spéciale
l’eau salée des lagunes d’Afrique de l’Ouest ; Raphia regalis pousse sur les sols drainés
des collines d’Afrique centrale.
Pour faire germer les graines, on les place sur le sol dans une zone où l’eau affleure,
en les recouvrant de palmes de raphia. La germination dure 20 à 60 jours avec un
taux de réussite variable (25 à 85 %). La phase juvénile dure deux à trois ans pour
C. hookeri, puis le stipe s’élève au-dessus du marécage en cinq ou six ans jusqu’à 8 m
de hauteur.
Pour obtenir de la fibre, on récolte les folioles non épanouies dont on arrache l’épi-
derme inférieur et le sclérenchyme sous-jacent. Toutes les espèces ne se prêtent pas à
ce type d’utilisation. Les fibres sont séchées à l’ombre pour leur donner de la résis-
tance.
Pour la sève, la récolte s’effectue sur les tiges : les feuilles sont rabattues juste avant
l’apparition des inflorescences et une incision est pratiquée sur le cœur du palmier. La
sève qui s’écoule est récoltée deux fois par jour jusqu’à la mort du stipe.
LE RÔNIER
Borassus aethiopum
Anglais : Palmyra palm
Famille des Palmaceae
Originaire des plateaux éthiopiens, il est cultivé en Afrique soudanienne et soudano-
sahélienne, du Sénégal à la Gambie, jusqu’à l’Afrique orientale et australe.
Ses usages sont multiples : les racines fournissent un anti-asthmatique ; avec les
feuilles, on confectionne des nattes, chapeaux et paniers et on couvre les construc-
tions ; les pétioles sont utilisés pour les clôtures, en corderie ou comme bois de feu ; la
sève permet de préparer du sucre ou du vin de palme (un palmier produit environ
50 kg de sucre par an) ; les fruits sont comestibles avant maturité et mûrs ; les graines
germées fournissent un embryon et un axe hypocotyle consommables ; le stipe consti-
tue un bois d’œuvre pour la construction des toits, piliers de ponts, charpentes,
fenêtres ; le bourgeon terminal est un chou palmiste prélevé sur les arbustes de trois
à quatre ans.
C’est un palmier typique qui peut atteindre jusqu’à 20 m de hauteur, aux feuilles lon-
guement pétiolées de 3 à 6 m de longueur. Le tronc lisse et droit, à l’écorce grise, peut
atteindre 60 cm de diamètre et est surmonté d’une couronne de feuilles en éventail.
Le système racinaire est peu développé. C’est une espèce dioïque à croissance lente
(30 à 40 cm/an), dont le bois n’est exploitable qu’après 40 ans. Un renflement se forme
près de la couronne après 25 ans, puis un second après 90 à 120 ans. Les fruits sphé-
riques, oranges à bruns, se présentent en régimes pendants de 25 à 50 kg. La pulpe
est blanchâtre, fibreuse, huileuse et contient plusieurs nucules blanches qui donnent
à maturité des graines ligneuses brunes de 5 à 8 cm de grosseur. Le Borassus ne pro-
duit des fruits qu’après huit ans.
C’est un palmier héliophile qui a besoin d’eau à faible profondeur. On le rencontre
dans les galeries forestières au bord de dépressions inondées périodiquement. Il
s’accommode de sols pauvres et on le trouve fréquemment sur des sols ferrugineux
tropicaux rouges, généralement sablo-limoneux ou sableux. Il se développe entre les
1178
Les plantes à autres usages 5 3
isohyètes 500 mm et 1300 mm, dans des zones caractérisées par une saison sèche de
six à huit mois et des températures de 25 à 35°C.
Le rônier est facile à multiplier par semis. La germination s’opère après un mois. L’axe
hypocotyle s’enfonce à 40 cm dans le sol et une feuille se forme. Jusqu’à l’âge de six à
huit ans le tronc est enfoncé dans le sol. Ensuite le tronc sort du sol et s’élève en hau-
teur ; la croissance dépend du sol. Il faut dix ans environ pour qu’une couronne se
forme. Les feuilles jusque là réparties tout le long du stipe tombent et il ne reste qu’un
bouquet de feuilles au sommet. Apparaissent alors les fleurs et les fruits qui permet-
tent de distinguer les pieds mâles des pieds femelles.
Le rônier est l’élément dominant de la strate arborée de la savane. Il est souvent asso-
cié avec d’autres arbres tels que le palmier à huile (Elaeis guineensis), le tamarix du
Sénégal (Tamarix senegalensis) et le seyal (Acacia stenocarpa). Sur les sols sableux, on le
trouve associé à Faidherbia albida et au dattier sauvage du désert (Balanites aegyptiaca).
LA ROSELLE
Hibiscus sabdariffa L.
Français : roselle, oseille de guinée, jute du Siam
Anglais : roselle
Espagnol : agria ou agrio de Guinea
Portugais : azeda de Guiné
Famille des Malvaceae
1179
5 Agriculture spéciale
Pour la fibre, les densités recommandées sont de l’ordre de 600000 plants/ha (15 à 20
kg de graines). Pour la production de graines, on admet des densités plus faibles et en
combinant des dates de semis plus tardives avec un écimage précoce on obtient des
plants de taille courte dont la récolte est facilement mécanisable.
La plante est résistante aux nématodes galligènes du genre Meloïdogyne mais des
dégâts dus à des nématodes libres du genre Heterodera ont été signalés sur la forme
comestible. La maladie la plus grave est liée à Phytophthora parasitica Dast.qui provoque
un chancre du collet. Les altises (Podagrica spp.) causent souvent des dégâts impor-
tants aux plantules.
La récolte de la fibre se fait en début de floraison. Celle-ci, d’origine libérienne, s’ob-
tient après rouissage dans l’eau des tiges ou des écorces après décorticage au champ.
La production est en moyenne de 0,8 à 2 t de fibres sèches à l’hectare.
La fibre est vendue sous le nom générique de kénaf qui regroupe la production de
roselle et de kenaf proprement dit (H. cannabinus L.). La roselle représente environ
70 % de la production mondiale des fibres d’Hibiscus (643 000 t en 1998 dont 240 000
pour la Chine, 200 000 pour l’Inde et 100 000 pour la Thaïlande). La production est
en baisse constante depuis l’avènement des sacs en matière synthétique et le transport
en vrac. Cependant la forme comestible semble prendre de l’importance pour la
confection de boissons, de gelée et de colorants naturels.
LES ROTINS
Anglais : rattans canes
Espagnol : junquillo, caña de la India, Rotén
Portugais : rota
Monocotylédones, Famille des Palmaceae (= Arecaceae), sous-famille des Calamoideae.
Il existe treize genres, représentant environ 600 espèces. Quatre genres existent en
Afrique : Calamus, Eremospatha, Laccosperma et Oncocalamus.
Plantes fibreuses utilisées traditionnellement pour la fabrication de nattes, tapis,
paniers, artisanat, cordage, les rotins se trouvent à l’état sauvage en Indonésie, en
Malaisie et aux Philippines. Ils ont été diffusés dans les zones les plus sèches de l’Asie
du Sud Est et introduits récemment en Chine et dans quelques pays du Pacifique sud
pour des essais. Les espèces exploitées appartiennent au genre Calamus (C. ceasius
notamment).
Ce sont des palmiers lianescents, au tronc mince, plus ou moins épineux, de faible
diamètre (inférieur à quelques centimètres), flexible, dont les tiges peuvent atteindre
plusieurs dizaines de mètres. Les feuilles, longues de 60 à 80 cm, sont souvent termi-
nées par un fouet épineux servant à l’accrochage de la liane sur son support. La plu-
part des rotins sont dioïques. Les inflorescences de quelques centimètres à quelques
mètres portent un nombre important de fleurs voyantes et de fruits arrondis, en géné-
ral de petite taille (1 mm à 4 cm de diamètre) et couverts de squames brillantes de cou-
leur rouge-brun.
1180
Les plantes à autres usages 5 3
Nécessitant beaucoup d’eau, Calamus caesius se trouve dans les plaines alluviales plates,
surtout sur des bourrelets de berge saisonnièrement inondés ou dans des forêts maré-
cageuses, mais il ne se développe pas dans les marais permanents. Le rotin nécessite
un équilibre entre la lumière nécessaire à la photosynthèse et l’ombre. Le rapport
idéal ombrage/éclairement varie selon les espèces. Le rotin a besoin d’une végétation
arborée haute, qui lui sert de tuteur et fournit l’ombre. Il est cultivé dans les anciennes
plantations d’hévéas ou de fruitiers. Les graines sont semées à 1 cm de profondeur,
sur un lit de semence sablo-argileux ou argileux recouvert de 2 cm de sciure pour gar-
der l’humidité et régulièrement arrosé. Quand les pousses atteignent 4 à 5 cm, elles
sont repiquées dans des sachets de polyéthylène. Les plants sont prêts à être plantés
en plein champ lorsqu’ils atteignent 40 à 50 cm de hauteur. Dans la pépinière, les
maladies sont rares si l’hygiène est stricte.
La croissance d’une canne est de 2,5 m par an. La sélection des cannes mûres com-
mence la 8e année. Elles sont coupées 30 cm au-dessus de la base, puis tirées au sol et
nettoyées de leur gaine par torsion et frottement autour d’un tronc d’arbre. Elles sont
ensuite coupées en morceaux de 6 m, liés en paquets de cent. Pour une population de
500 plants par hectare, le rendement moyen est de 1,5 à 3 t/ha. Une tonne correspond
à 36 000 m de canne sèche.
Après la récolte, les cannes sont lavées et les gaines restantes éliminées. Le séchage et
la fumigation au sulfure préviennent les attaques de ravageurs. Les cannes doivent
être rapidement traitées après la récolte pour maintenir leur qualité.
L’Indonésie est le plus grand producteur, mais cette culture devient également très
importante en Malaisie. Des interdictions d’exporter les produits bruts ont été mises
en place dans les principaux pays producteurs, favorisant l’industrie locale du rotin et
l’exportation de produits transformés. Bien que les rotins existent également en
Afrique, ils n’y sont pratiquement pas exploités.
LE SISAL
Agave spp.
Anglais : sisal hemp
Espagnol : sisal, henequen (sisal du Yucatan)
Famille des Agavaceae
1181
5 Agriculture spéciale
Les agaves produisent tous des fibres utilisables en corderie mais seulement deux
d’entre eux concourent significativement à la production mondiale : Le henequen
(Agave fourcroydes Lem.) cultivé au Mexique et surtout le sisal (A. Sisalana Perr.),
cultivé principalement en Chine, en Afrique de l’Est et au Brésil. Deux agaves sont
connus pour la production d’alcool : le maguey (A. Atrovirens Karw.) et le mezcal (A.
Tequilana Weber). Tous les agaves sont originaires d’Amérique et certains sont cultivés
depuis 9 000 ans dans le Yucatan. Plusieurs espèces de deux genres voisins : Furcraea
(Amaryllidaceae) et Phormium (Lilliaceae) sont parfois encore cultivées, dont le fique
(Furcraea macrophylla (Hook.) Baker) en Colombie.
A. Sisalana est une plante herbacée dont les tiges présentent des entre-noeuds très
courts portant des feuilles épaisses, terminées par une épine aiguë, groupées en
rosette d’où émerge en fin de végétation, après 6-8 ans, une hampe pouvant atteindre
6 m de haut et qui porte des fleurs. La plante émet des stolons souterrains donnant
des rejets. Des bulbilles apparaissent au point d’insertion des fleurs lorsque celles-ci
tombent.
La polyploïdie est commune chez les agaves. Le sisal est pentaploïde et les fleurs sont
normalement stériles. Cependant une mutilation de la hampe florale fait apparaître
sur la plaie des rejets qui sont susceptibles de donner des fleurs fertiles utilisables pour
l’amélioration génétique. Cette dernière a toutefois été peu pratiquée, sauf au Kenya
dans les années 30-40 où des hybrides très productifs et sans épines d’A. Sisalana avec
A. Angustifolia Haw. ont été obtenus et largement cultivés ultérieurement en Afrique
de l’Est.
Le sisal est très plastique et s’accommode de climats très secs et de sols très pauvres.
Cependant il est nécessaire pour une production rentable de le cultiver dans des zones
avec une pluviosité comprise entre 800 et 2 000 mm, bien répartie pour obtenir une
bonne régularité de la sortie des feuilles. Le sisal pousse bien dans des sols légers, à
pH voisin de 6 et bien drainés. Durant le cycle d’exploitation (six à huit ans) la plante
produit de 200 à 250 feuilles exploitables, contenant 3 à 3,5 % de fibres.
● La culture
Les fibres de sisal commercialisées proviennent uniquement de grandes plantations,
composées de parcelles de culture entourant une usine de défibrage, de façon à limi-
ter les transports de feuilles. Un point d’eau est nécessaire pour le défibrage.
Le premier stade de la culture est la mise en pépinière de bulbilles. Après six à douze
mois, les jeunes plants sont transplantés au champ à la densité de 6 à 10 000 plants/ha
(par exemple en deux lignes jumelées à 0,75 m, distantes de 3 m, avec 0,75 m entre
les plants sur une même ligne). Les sarclages se font dans le jeune âge. Après la coupe
des feuilles, un apport d’engrais minéraux est nécessaire si la restitution des déchets
de défibrage n’est pas effectuée. Une culture intercalaire est possible la première
année mais elle n’est pas conseillée.
Les maladies et les ravageurs du sisal sont rares et de peu d’importance : seul un cha-
rançon (Schyphophorus acupunctatus Gyll.) est signalé sur les jeunes plants et, en Afrique
de l’Est, une pourriture du coeur due à Phytophthora parasitica Dast. a limité l’emploi
des hybrides sisalana x angustifolia.
1182
Les plantes à autres usages 5 3
1183
5 Agriculture spéciale
1184
5 3 2 Les plantes à caoutchouc
À partir des contributions de M. Delabarre (CIRAD)
et J.M. Eschbach (CIRAD)
LE GUAYULE
Parthenium argentatum
Anglais : guayule
Espagnol : guayule
Famille des asteraceae
Seul Parthenium argentatum, variété Gray, contient des quantités suffisantes de caout-
chouc pour avoir une importance économique.
● La plante
Le guayule est une plante buissonnante spontanée se développant sur les plateaux du
Nord du Mexique et du Sud des Etats-Unis. À l’état sauvage, sa croissance est lente
par suite des conditions climatiques où il se trouve placé. Son intérêt économique pro-
vient du caoutchouc qu’il contient dans ses cellules. À l’âge adulte, la plante se pré-
sente sous la forme d’un arbuste de 50 à 60 cm de haut.
Son développement racinaire est très important : jusqu’à six mètres de profondeur et
trois mètres de rayon, ce qui lui permet d’absorber l’humidité dans un grand volume
de sol désertique. Sa floraison débute très tôt (trois à quatre mois) et a lieu trois à
quatre fois par an.
Le contenu en caoutchouc peut varier de quelques pour cent à 15 % du poids sec. Les
deux tiers du caoutchouc sont situés dans la partie aérienne et le tiers dans les racines.
Ce caoutchouc est réparti dans des cellules isolées de toute la plante, principalement
dans le parenchyme cortical.
● L’écologie du guayule
Le guayule a besoin d’un sol calcaire léger, drainant bien, avec un pH de 6,5 à 8,4.
Dans son aire d’origine, la plante est soumise à un climat aride. En conditions de cul-
ture industrielle, une pluviométrie de l’ordre de 450 mm/an est souhaitable pour une
exploitation sur quatre ans. Le cycle peut être réduit à trois ou même deux ans s’il y
a possibilité d’irrigation.
1185
5 Agriculture spéciale
On apporte alors 750 à 1 000 mm/an, en ménageant des périodes arrosées et des
périodes sèches pour favoriser la formation de caoutchouc. Une altitude comprise
entre 600 et 2 000 m peut convenir à la culture.
● La culture
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Les plantes à autres usages 5 3
L’HÉVÉA
Hevea brasiliensis
Anglais : rubber tree ou Para rubber tree
Espagnol : hule ou árbol de caucho
Portugais : borracha
Classification botanique : ordre des Euphorbiales - famille des Euphorbiaceae
Espèce monoïque, fleurs mâles et femelles disposées conjointement sur des racèmes
mixtes.
Feuilles à trois folioles, long pédoncule.
Fruits : capsules à trois lobes et trois graines oléagineuses, de la dimension d’une noix.
1187
5 Agriculture spéciale
● La plante
● L’écologie de l’hévéa
● Le climat
Une température annuelle moyenne de 25°C est optimum pour l’hévéa, avec des
minima supérieurs à 15°C. L’effet de l’altitude sur la croissance de l’hévéa semble lié à
l’abaissement de la température. La hauteur d’eau recommandée varie de 1 500 mm
à 3 000 mm par an. La capacité de rétention en eau du sol joue un rôle important
pour réduire ou aggraver les effets de la saison sèche. Les pluies matinales gênent ou
empêchent la saignée, qui s’effectue le matin. On situe à environ 1 650 heures les
besoins en ensoleillement de l’hévéa. Les situations géographiques où les cyclones sont
fréquents (vents de plus de 90 km/h) sont à exclure pour l’hévéaculture.
● Les sols
Il est recommandé de planter en courbes de niveau lorsque la pente excède 4-5 %. On
évite de planter sur des pentes supérieures à 25 %.Le développement racinaire de
l’arbre est optimum dans des sols meubles, dont la profondeur est de 1 à 1,5 m, avec
un taux d’éléments grossiers inférieur à 30 % et sans hydromorphie à moins d’un
mètre de profondeur. Il est préférable que le sol contienne au minimum 20 % d’argile
près de la surface et 25 % en profondeur. Enfin l’hévéa est acidophile : la zone de pH
optimale se trouve entre 4,5 et 5,5.
● La culture
1189
5 Agriculture spéciale
D’autres systèmes de culture fondés sur la valorisation de l’interligne par des associa-
tions de cultures permanentes sont à l’étude mais restent encore à développer à
grande échelle.
1190
Les plantes à autres usages 5 3
Le jardin à bois de greffe est constitué par une collection de clones, spécialement
conduits en vue de fournir les bourgeons qui seront greffés sur les plants en pépinière.
Une souche en jardin à bois donne un an après sa mise en place 1 mètre de bois de
greffe et 2 à 3 mètres les années suivantes. Un mètre de bois de greffe fournit dix gref-
fons utilisables.
L’âge du greffage dépend de la technique de plantation (greffe en vert : porte-greffe
de quatre à six mois ; greffe en aoûté : porte-greffe > six mois) ; la greffe se fait en
écusson à œil dormant.
Pour un hectare de plantation à partir d’une pépinière en sacs, il faut 625 plants gref-
fés plantables (600 plantés et 25 de remplacement), soit 1 039 plants greffables, soit
1 164 plants en sac, soit 2400 graines et 110 mètres de bois de greffe, soit 35 à 110
souches en jardin à bois.
En conditions villageoises, la plantation se fait souvent sur vieille défriche, dont il faut
éliminer la végétation indésirable. Afin de réduire les risques d’érosion, la mise en
place d’une plante de couverture est recommandée, si le planteur ne cultive pas de
culture intercalaire de la première à la troisième année.
La plantation se fait en lignes espacées de 6 à 8 mètres, avec un espacement de 2,8 à
3 mètres sur la ligne, au début de la saison des pluies, et à une densité variant de 500
à 600 arbres/ha pour en avoir environ 400 à la mise en saignée.
● Les soins spécifiques des jeunes cultures
L’ébourgeonnage permet d’éliminer tout bourgeon se différenciant sur l’axe primaire,
de façon à ce que le tronc de l’arbre soit droit et lisse et que le premier branchement
soit suffisamment haut (2,50 à 2,80 mètres). On gère l’enherbement sur la ligne de
plantation (un mètre de part et d’autre du plant) par sarclage à la main la première
année puis, ensuite, au moyen d’herbicides (glyphosate, paraquat etc.). L’interligne est
périodiquement rabattu ou nettoyé par applications d’herbicides adaptés à la flore
dominante.
● La fumure
Au cours de la phase non productive (cinq à six ans), l’hévéa utilise une large quantité
d’éléments nutritifs pour construire sa charpente, ce qui nécessite une fumure abon-
dante. Au cours des deux premières années, l’épandage s’effectue à la volée dans la
zone comprise entre le pied de l’arbre et l’aplomb de la couronne. Par la suite, l’épan-
dage s’effectue sur toute la largeur de l’interligne.
Après cinq ou six ans, une grande quantité de ces éléments sont recyclés par l’arbre
lui-même (chute des feuilles et émondage naturel). En général, l’analyse de la crois-
sance de la production et l’aspect des couronnes permettent d’avoir une idée assez
précise de l’état nutritionnel des arbres. Enfin la connaissance des relations sol-plante
grâce aux essais d’engrais permet d’établir, pour une situation donnée, les valeurs seuil
permettant de raisonner les apports.
1191
5 Agriculture spéciale
Tableau 1. Doses d’engrais appliquées dans le sud-est de la Côte d’Ivoire en plantation d’hévéa
(en grammes d’éléments fertilisants par emplacement)
N P K
Année 0 50 50 100
Année 1 50 50 50
Année 2 70 70 50
Année 3 selon état de développement
Année 4 selon état de développement
1192
Les plantes à autres usages 5 3
> Corynespora cassiicola : le champignon attaque de préférence les jeunes feuilles mais
il se développe également sur feuilles adultes. Certains clones comme le RRIC 103
sont particulièrement sensibles à cette maladie et ne doivent pas être plantés en
zone à risque.
-2 10 à 15
-1 40 à 45 80 à 101
0 90 à 100 90 à 110
1 30 à 35 68 à 81
2 20 à 25 42 à 65
3 20 à 25 23 à 29
4 20 à 25 16 à 21
5 20 à 25 15 à 90
6 45 à 50 120 à 180
7 60 à 65 120 à 180
8 et suivantes 70 à 75
1193
5 Agriculture spéciale
1194
Les plantes à autres usages 5 3
Tableau 3. Les surfaces plantées en hévéa et les productions 1998 dans les principaux pays producteurs
L’Asie produit 92 % des sept millions de tonnes de caoutchouc naturel utilisé actuelle-
ment dans le monde, l’Afrique 7 %, l’Amérique latine le reste.
1195
5 Agriculture spéciale
1196
Les plantes à autres usages 5 3
Bibliographie
BONNER J. ; The history of rubber. (USA) : U SDA, 1991, p. 1-16.
COMPAGNON P., Le caoutchouc naturel. Maisonneuve et Larose. 1986.
DELABARRE M. and BEGNINO D., Rubber. A pictorial technical guide for smallholders. CIRAD. 1994.
DELABARRE M. et SERIER J.B., L’hévéa. Le technicien d’agriculture tropicale. Maisonneuve et Larose.
1995.
MILTHORPE P.; PATERSON JONES J.C. ; WHITWIRTH J.W.; ABEL G.; MILLER W.P. Case histories of guayule
production in Australia, South Africa and The United States. 1991 p. 367-421.
WEBSTER C.C. and BAULKWILL W.J. ; Rubber. Tropical Agriculture Series. Longman Scientific and
Technical. 1989.
1197
5 3 3 Les plantes insecticides
À partir d’une contribution de A. Caburet
DERRIS ELLIPTICA
Derris elliptica (Sweet) Bentham
Français : derris
Anglais : derris, tuba root
Famille des Fabaceae
C’est une liane pérenne, lignifiée, cultivée pour ses racines qui contiennent de la roté-
none, un insecticide non toxique pour l’homme et les mammifères. Sa biodégradabi-
lité est rapide. Elle contient également d’autres substances toxiques, dont la tephro-
sine.
Cette légumineuse, originaire d’Inde, est cultivée dans toutes les zones tropicales. Les
principaux producteurs sont la Malaisie, l’Indonésie et les Philippines. En Asie du
Sud-Est, elle est très répandue à l’état sauvage, mais la teneur en roténone des varié-
tés sauvages est très faible ; certaines ont des propriétés insecticides liées à d’autres
composants.
Cette liane peut atteindre 16 m de long. Elle porte des feuilles composées de sept à
quinze folioles elliptiques. L’inflorescence en racème porte des fleurs rosées de 1,5 cm
de long. Les gousses, oblongues et aplaties, contiennent une à trois graines. La racine,
d’environ 2 cm de diamètre, peut atteindre 2 m de long. Différents cultivars sont uti-
lisés, qui diffèrent par la forme des folioles, la teneur en roténone, le niveau de récolte
et la sensibilité aux maladies.
D. elliptica se développe en climat tropical humide (pluviométrie annelle de 2 000 à
5 000 mm). C’est une plante de pleine lumière, qu’on trouve à l’état sauvage en lisière
forestière. Il est préférable de la planter dans des sols pas trop argileux afin d’en
extraire facilement les racines.
Elle se multiplie par boutures de tige d’environ 50 cm de long, portant au minimum
trois bourgeons. Les boutures peuvent être plantées directement au champ ou en
pépinière. Dans ce cas, les boutures sont plantées au champ au bout de deux à trois
mois, à environ 1 m de distance.
La plante n’est pas sujette à des attaques d’insectes sérieuses. Une rouille peut causer
des dégâts importants. Les racines sont récoltées au bout de deux ans, lavées et
séchées. Sur les petites exploitations, le plant reste parfois en terre en vue d’une future
récolte ; dans ce cas, on ne prélève pas les racines à la base du plant. Sur les grandes
plantations, on récolte tout et on replante.
1199
5 Agriculture spéciale
Les rendements moyens sont de 1 200 kg/ha de racines séchées. La teneur en roté-
none varie selon le cultivar et la taille de la racine : les plus petites (diamètre de 2 à
10 mm) en contiennent 8 à 12 %, les plus grosses environ 5 %. Les produits vendus
sont les racines séchées emballées de manière étanche, ou de la poudre de racine ;
celle-ci doit être conditionnée à l’abri de l’air, du soleil et des moisissures.
LE NEEM
Azadirachta indica A. Juss. Syn. : Melia azadirachta L. et Melia indica Brandis
Anglais : neem
Espagnol : nim, neem
Portugais : nim
Famille des Méliaceae
Le neem est un arbre originaire d’Inde et de Birmanie cultivé sous les tropiques, dans
les régions arides et semi-arides. C’est un arbre à croissance rapide, planté comme
arbre d’ombrage et d’ornement (le long des routes, dans les cours…). Le neem est
également utilisé pour reconstituer des sols agricoles dégradés. Le bois est utilisé
comme combustible et pour la construction, les poteaux, l’ébénisterie ; il résiste bien
aux insectes xylophages.
Les graines et les feuilles broyées en poudre sont utilisées comme insecticide pour la
conservation des récoltes (grains), en particulier contre les bruchidés des légumi-
neuses. Elles contiennent en effet une substance insecticide, l’azadirachtine. Des
graines on peut extraire une huile, utilisée en savonnerie, en mécanique, pour l’éclai -
rage, en pharmacie et dans les produits cosmétiques.
Toutes les parties de l’arbre ont un usage en médecine traditionnelle. Les feuilles peu-
vent servir de fourrage pour les chèvres et les chameaux (malgré une légère amer-
tume) ; elles contiennent 15 % de protéines. En Asie, les feuilles et brindilles sont uti-
lisées comme paillis sur les cultures. Le résidu de l’extraction de l’huile des graines est
utilisé comme engrais.
L’arbre, sempervirent sauf en cas d’extrême sécheresse, mesure 10 à 15 m de haut. Les
branches sont très étalées. Les feuilles portent sept à dix sept folioles, lancéolés, acu-
minés, de 6 à 8 cm de long. Ses racines peuvent descendre jusqu’à 15 m de profon-
deur. Les fleurs disposées en panicules axillaires, blanchâtres, ont une odeur de miel.
Le fruit est une drupe ellipsoïdale avec une graine, jaune vert à maturité, longue de
1 à 1,8 cm.
Cet arbre résiste bien à la sécheresse : il se développe correctement avec 450 à
1 150 mm de pluviosité annuelle, mais résiste à 150 mm. La température optimale de
développement est d’environ 26°C. Les jeunes plants ne supportent pas le gel. Il se
développe sur des sols très pauvres (sables lessivés) et tolère une légère salinité. Le pH
optimal est de 5 à 6,8. Il ne tolère pas l’hydromorphie.
On plante les graines séchées à l’air, puis stockées dans du sable humide (leur durée
de vie est d’un mois). On peut pratiquer le semis direct ou le bouturage. Des essais de
multiplication in vitro ont été menés. Les jeunes plants doivent pousser de préférence
avec un léger ombrage. Ils sont sensibles au feu.
1200
Les plantes à autres usages 5 3
LE PYRÈTHRE
Chrysanthemum
Français : pyrèthre
Espagnol : pelitre
Famille des Compositae
● La plante
Le pyrèthre est une plante herbacée vivace cultivée pour ses fleurs qui contiennent
une substance insecticide, la pyréthrine. Les tiges et les feuilles ne contiennent que
très peu de pyréthrine. Plusieurs espèces de Chrysanthemum contiennent de la pyré-
thrine : C. cinerariaefolium, C. roseum et C. marshalli.
La pyréthrine, inoffensive pour l’homme et les animaux à sang chaud, détruit immé-
diatement par contact de nombreux insectes rampants et volants. Elle est très utilisée
à l’intérieur des bâtiments d’habitation ou de stockage de denrées alimentaires, mais
également pour la protection des cultures. Elle se dégrade rapidement.
La culture du pyrèthre s’est surtout développée au Congo démocratique et au Kenya,
mais elle est actuellement l’objet d’un regain d’intérêt : essais récents d’implantation
aux Etats-Unis (culture irriguée en zone semi-aride) et recherches en cours pour son
implantation dans la zone méditerranéenne.
Le pyrèthre est une plante d’altitude : on le trouve au-dessus de 1900 m en Afrique
équatoriale, à 1800 m en Europe méridionale. Il demande une forte insolation. Il
s’adapte à différents types de sols.
Le pyrèthre possède une racine pivotante. Les plants forment des touffes. Les fleurs
portent deux types de fleurons : à la périphérie des fleurons blancs et stériles et au
centre des fleurons à organes mâles et femelles, mais à fécondation croisée car les éta-
mines arrivent à maturité avant le pistil.
● La culture
La multiplication se fait par éclats de souches ou par semis en pépinière (6 mois).
La préparation du sol doit être soignée car la culture ne supporte pas la concurrence
herbacée et l’hydromorphie et elle ne protège pas le sol contre l’érosion. Il est donc
conseillé de planter sur billons en terrain accidenté et sur planches en terrain plat
dans les zones à forte pluviométrie.
Pour une plantation sur billons, les distances sont de 60 à 80 cm entre billons et 30 à
50 cm sur la ligne, soit une densité de 20 000 à 40 000 pieds/ha. Un kilogramme de
semences donne 60 000 plants.
Si la mise en place est réalisée avec des éclats de souche, les plants fleurissent en géné-
ral quatre mois après la plantation ; la production maximum a lieu en deuxième ou
troisième année.
1201
5 Agriculture spéciale
LE TEPHROSIA
Tephrosia vogelii Hook.
Famille des Fabaceae
Toutes les parties du tephrosia contiennent de la téphrosine et de la roténone, sub-
stances insecticides. Pour les extraire, la plante est pilée. Le tephrosia est tradition-
nellement utilisé pour capturer les poissons qui s’empoisonnent mais restent comes-
tibles. Il est également utilisé comme haie vive ou comme ombrage provisoire pour les
caféiers. Son feuillage peut servir d’engrais vert.
C’est un arbuste robuste, à port buissonnant, de 2 à 3 m de haut, existant à l’état sau-
vage. Les feuilles, d’une vingtaine de centimètres de long, portent huit à quinze
folioles de forme elliptique. Les tiges et les pétioles sont recouverts d’une pilosité rous-
sâtre. Les fleurs, violacées, sont disposées en épi terminal. La gousse est poilue et
plate, de 15 cm de long sur 1,5 cm de large. L’enracinement de T. vogelii est profond,
ce qui permet une bonne résistance à la sécheresse.
Des essais réalisés au Zaïre ont démontré la bonne capacité d’adaptation de cette
plante à des terrains acides, riches en alumine libre, où la nodulation n’est pas per-
turbée, contrairement à celle de Leucena leucocephala.
Bibliographie
AHMED S., GRAINGE, M., 1986, Potential of the neem tree (Azadirachta indica) for pest control and rural
development in Economic Botany (USA), 1986. - vol. 40, n. 2, pp. 201-209.
CARRARA A., VIAROUGE N., LE BOURGEOIS T., MARNOTTE P., 1998, Détermination pratique de quelques
espèces du genre Tephrosia, mauvaises herbes en Afrique de l’Ouest et du Centre in Agriculture
et développement (FRA), 1998. - n. 17, pp. 51-59.
CHATTERJEE S. K. (ed.), 1988, Fifth international symposium on medicinal, aromatic and spice plants in
Acta Horticulturae (NLD), Calcutta (IND) : I SHS, 1988. - n. 188 A, 212 p.
RATNADASS A., C ISSÉ B., D IARRA D., T HIÉRO C.A.T., 1997, Utilisation de substances dérivées de plantes
pour la protection insecticide du sorgho contre les foreurs des tiges et les ravageurs des pani -
cules. Rapport d’essais, Bamako (MLI) : CIRAD-CA, 1997/01. - 33 p.
SCHMUTTERER H., ASCHER K.R.S., 1987, Natural pesticides from the neem tree and other tropical plants,
Schriftenreihe der GTZ, Eschborn (DEU) : G TZ, 1987. - n. 206, 703 p.
SUTTER E., BELLEFONTAINE R., 1989, Données botaniques, sylvicoles et technologiques relatives à
Azadirachta indica, Nogent-sur-Marne (FRA) : CIRAD-CTFT, 1989. - 18 p.
1202
5 3 4 Les plantes médicinales,
cosmétiques, à parfum
et à huiles
À partir des contributions de A. Caburet,
J.C. Follin (CIRAD), C. Hekimian Lethève
L’ALEURITE
Famille des Euphorbiaceae
Aleurites moluccana
Anglais : candlenut (oil) tree, lumbang tree, indian walnut
Espagnol : camirio, calumbán, lumbán
Portugais : noz da india
Famille des Euphorbiaceae
Aleurites fordii
Français : abrasin
Anglais : tung-oil tree
Espagnol : tunga, abrasín
Aleurites montana
Anglais : wood oil tree, mu oil tree
Aleurites cordata
Français : aleurite du Japon
Anglais : japanese tung oil tree
Espagnol : abrasín del Japon
Aleurites trisperma
Anglais : soft lumbang tree, balucanag nut, Philippine tung
1203
5 Agriculture spéciale
Les aleurites produisent une huile siccative qui sert à la fabrication de vernis, pein-
ture, savons, papier résistant à l’eau, isolant, laques, linoléum, toiles cirées, résines,
cuir artificiel. À l’origine, elles servaient à la fabrication de bougies et de médicaments.
Aleurites Moluccana, originaire de Malaisie, Chine, Philippines, est cultivée au Sri
Lanka, dans le sud de l’Inde, au Bangladesh et aux Etats-Unis. Aleurites Montana,
originaire du sud de la Chine est cultivée en Birmanie, en Indochine, au Malawi, au
Congo, en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud.
Aleurites Moluccana peut atteindre 20 m de haut, ses feuilles palmées ont 30 cm de
large. Aleurites Montana, en revanche, ne dépasse pas 5 m de hauteur, ses feuilles sont
simples, de 12 cm de long et 10 cm de large, parfois trilobées.
Les aleurites se reproduisent par bouture ou par graine. Il faut compter trois à quatre
mois de germination pour Aleurites Moluccana et deux à trois mois pour Aleurites
Montana qui se repique à un an.
Aleurites Moluccana pousse dans les milieux humides, jusqu’à 1 200 m d’altitude, béné-
ficiant d’une pluviosité de 640 à 4 300 mm. La température moyenne annuelle doit
être de 18 à 27°C. Le pH optimum est de 6,4.
Aleurites Montana préfère les régions subtropicales ou d’altitude avec pluies modérées,
avec une pluviosité de 870 à 2 000 mm et une température moyenne annuelle de 15
à 26°C. Elle pousse bien dans les sols alluviaux, avec un pH de 5,5 à 8.
La production annuelle d’Aleurites Moluccana est de 30 à 80 kg de noix/arbre. Aleurites
Montana commence à produire entre trois et six ans, la production est maximale à dix
ans et elle produit jusqu’à quarante ans de 45 à 70 kg de noix/arbre/an.
L’huile représente 57 à 80 % du poids de la graine et 15 à 20 % du poids de la noix
chez Aleurites Moluccana. La graine d’AleuritesMontana produit 50 à 60 % d’huile.
L’ARBRE À ENCENS
Boswellia carteri Birdw., B. frereana Birdw., B. sacra Flueck, B. papyrifera
Anglais : east african frankincense
Famille des Burseraceae
L’encens est obtenu à partir de la résine des espèces du genre Boswellia, qui forme des
larmes arrondies de couleur jaune. Les espèces de Boswellia les plus importantes sont :
> B. carteri Birdw. et B. frereana Birdw., qui font l’objet d’une exploitation en Somalie ;
> B. sacra Flueck., rencontré au Yémen ( en voie d’extinction) et dans le nord de la
Somalie ;
> B. papyrifera, rencontré à Djibouti, en Ethiopie, au Soudan et en Centrafrique.
Ces arbres sont originaires de la Corne de l’Afrique (Somalie, Djibouti) et du sud
Yémen, où ils sont exploités par les populations nomades depuis très longtemps : la
route de l’encens existe depuis 3 000 ans. En Somalie, la collecte de l’encens constitue
encore une activité économique majeure (celui-ci est exporté). L’encens industriel,
produit en Inde sous forme de bâtonnets, concurrence fortement l’encens naturel.
C’est un arbre qui demande un ensoleillement très fort. Les plantations sont réalisées
à l’aide de boutures, plantées tous les 3 à 5 m ; la taille optimale de celles-ci est de
50 cm de long et 3 à 4 cm de diamètre.
1204
Les plantes à autres usages 5 3
L’arbre a encens a fait l’objet de peu de recherches, aussi nous disposons de peu de
données agronomiques sur cette plante. Des techniques nouvelles de saignée (par
operculation et scarification) ont été étudiées en Somalie et à Djibouti. La quantité
d’encens récoltée varie, selon les collecteurs, entre 0,25 et 10 kg par arbre et par an.
Un hectare produirait en moyenne 400 kg/an.
LE BENJOIN
Styrax benzoin et Styrax tonkinense
Anglais : styrax benzoin
Famille des Styracaceae
Le benjoin est un baume extrait du Styrax, arbre dont la hauteur dépasse fréquem-
ment 10 m et dont on entaille le tronc pour récolter la résine. Chaque arbre donne
environ 1,5 kg de résine. Le Styrax est principalement cultivé en Asie du Sud-Est. Le
baume, de couleur jaune, brunit avec l’âge. Les baumes diffèrent des résines par la
présence d’acide benzoïque ou cinnamique, à l’origine d’une odeur balsamique parti-
culièrement perceptible lorsqu’ils sont chauffés.
LE CAMPHRIER
Cinnamomum camphora
Anglais : camphor tree ou China bark tree
Espagnol : alcanforero
Portugais : Àrvore da camphora
Famille des Lauraceae
Le camphrier est originaire d’Asie du Sud Est. Il peut être cultivé dans les régions sub-
tropicales. Il a été introduit en Inde, au Sri Lanka, en Egypte, à Formose, à
Madagascar, dans les Iles Canaries, au sud de l’Europe, en Californie, en Floride et en
Argentine. Il est utilisé pour la production d’huile essentielle, pour la fabrication de
vernis et de celluloïd. Le bois de camphre est un bois léger et imputrescible utilisé
comme bois d’œuvre pour la fabrication de meubles et de boîtes d’entomologie. En
effet, l’essence contenue dans le bois permet de le protéger de l’attaque des mites et
des vers.
C’est un arbre sempervirent de grande taille (25 à 35 m de hauteur et jusqu’à 2 m de
diamètre), aux feuilles de 12 cm de longueur. Les fleurs blanches sont disposées en
bouquets et les baies sont rouges. Il existe deux types d’exploitation du camphrier :
> coupe de l’arbre puis débit du tronc, des racines et des branches en petits mor-
ceaux. La production de camphre est plus importante sur des arbres anciens (à par-
tir de 50 ans) ;
> extraction à partir des feuilles ou des branches anciennes, ce qui permet de main-
tenir la plante en vie. Les feuilles et les branches peuvent être récoltées régulière-
ment dès cinq ans. Les arbres sont alors taillés et maintenus sous forme buisson-
nante. Ce type de culture est pratiqué en Chine.
1205
5 Agriculture spéciale
LA CITRONNELLE
Cymbopogon nardus et Cymbopogon winterianus
Anglais : citronella grass
Espagnol : cidronela
Portugais : citronella
Famille des Poaceae
● La plante
C. winterianus est appelée citronnelle de Java et C. nardus citronnelle de Ceylan. Ces
deux graminées sont parfois considérées comme une même espèce, bien que présen-
tant de légères différences morphologiques. Leurs feuilles contiennent deux compo-
sés aromatiques, le géraniol et le citronellal, extraits par distillation à la vapeur, et uti-
lisés en savonnerie essentiellement. C. winterianus a une importance économique
nettement supérieure. L’essence extraite est en effet de meilleure qualité. Elle est pro-
bablement originaire du sud de l’Inde ou du Sri Lanka, et sa culture s’est d’abord
développée à Java. Actuellement, on la cultive partout sous les tropiques.
C. nardus est cultivée au Sri Lanka, car elle s’adapte mieux que C. winterianus à des sols
pauvres et à des périodes de sécheresse. Son essence n’est pratiquement pas exportée.
Les deux plantes sont formées de touffes épaisses, à feuilles très étroites, à bords cou-
pants. Les feuilles de C. winterianus sont un peu plus larges, plus courtes et moins
rugueuses que celles de C. nardus. Les tiges de C. winterianus peuvent atteindre 2,5 m
de haut ; les feuilles sont engainantes.
Ces graminées demandent un climat chaud et humide : 2 000 à 2 500 mm de pluvio-
sité annuelle moyenne, régulièrement répartie. L’irrigation est pratiquée lorsque le cli-
mat présente une saison sèche. La température moyenne optimale est de 22 à 27°C.
● La culture
C. winterianus est multipliée par éclats de souches, ce qui est plus rapide et plus sûr que
la plantation de graines. Les plants, disposés en carrés, sont distants de 60 à 90 cm ;
un faible écartement limite la présence de mauvaises herbes. La première récolte a
lieu six à douze mois après la plantation et ensuite trois ou quatre fois dans l’année.
Les cultures sont remplacées au bout de cinq à six ans en moyenne. Les rendements
moyens de C. winterianus vont de 10 à 30 t/ha. La teneur en huile varie fortement selon
les régions et les saisons : de 0,3 % à 1,8 %.
1206
Les plantes à autres usages 5 3
L’EUCALYPTUS CITRIODORA
Eucalyptus citriodora Syn. : Corymbia citriodora
Anglais : lemon-scented gum
Espagnol : eucalypto
Portugais : eucalipto
Famille des Myrtaceae
Cet arbre est cultivé pour l’essence que l’on extrait des feuilles par distillation, pour
son bois (fût bien droit), et en tant qu’ornement. Le principal composant de l’essence
est le citronellal que l’on extrait également de la citronnelle. Un produit dérivé, l’hy-
droxycitronellal, est très utilisé en parfumerie. L’essence brute d’ E. citriodora entre
dans la composition de parfums bon marché, de savons et produits désinfectants.
Originaire d’Australie, Eucalyptus citriodora a été planté à des fins commerciales dans
beaucoup de pays, notamment au Brésil, en Chine, en Inde, au Sri Lanka et en
Afrique. Les trois principaux pays producteurs d’essence sont la Chine, le Brésil et
l’Inde. E. citriodora est un arbre pouvant atteindre 50 m de haut. La faible aptitude de
cette espèce à lutter contre la concurrence herbacée due à son couvert léger et au port
pendant de ses feuilles, limite son emploi en zone tropicale humide. Il se développe
au mieux avec une pluviosité annuelle de 650 à 1 200 mm et une température
moyenne annuelle de 17 à 28°C.
L’eucalyptus est multiplié par semis en pépinière, directement en pots ; la transplan-
tation à racines nues est en effet délicate. Les risques de maladies et parasites sont
essentiellement la fonte des semis et les attaques des jeunes plants par les chenilles. Les
plants sont installés définitivement lorsqu’ils atteignent 40 à 50 cm. La densité de plan-
tation recommandée pour la production d’essence est de 2 222 plants/ha (3 m sur
1,5m). Le semis direct a été réalisé avec succès dans des conditions optimales de pré-
paration du sol.
L’EUCALYPTUS GLOBULUS
Eucalyptus globulus Labill
Anglais : blue gum
Espagnol : eucalypto
Portugais : eucalipto
Famille des Myrtaceae
Cet arbre est cultivé essentiellement pour la production de bois d’œuvre, de bois de
service, et de pâte. On extrait par distillation des feuilles (occasionnellement des
rameaux) une essence riche en cinéole, produit à note camphrée, utilisé en pharma-
cie et en parfumerie : il donne du tonus aux parfums. L’essence extraite est appelée
essence d’eucalyptus médicinale, terme qui s’applique également à une essence riche en
cinéole extraite d’une espèce de camphrier.
L’espèce comprend quatre sous-espèces : subsp. maidenii, subsp. pseudoglobulus, subsp.
bicostata, subsp. globulus. Cette dernière est la plus répandue en dehors de son aire
d’origine, du fait de sa grande faculté d’adaptation.
1207
5 Agriculture spéciale
Elle est plantée en régions tropicales d’altitude en Afrique de l’Est (jusqu’à 3 000 m),
ainsi que la sous-espèce maidenii. La sous-espèce bicosta contiendrait, selon des
recherches menées en Inde, davantage de cinéole que la sous-espèce globulus. Les
principaux producteurs d’essence de cinéole sont la Chine, le Portugal et l’Espagne,
l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Australie et l’Inde.
LE GÉRANIUM
Pelargonium l’Herit. var. Rosat
Anglais : rose geranium
Espagnol : gerania
Portugais : gerânio
Famille des Geraniaceae
● La plante
Le géranium est une plante vivace. Ses feuilles produisent une huile essentielle dont
l’odeur ressemble à celle de la rose. Ce parfum est dû à la présence de citronellol et
de géraniol. L’essence de géranium entre dans la composition d’eaux de toilette haut
de gamme et de divers produits cosmétiques. Le prix de vente de cette essence
dépend de la qualité : la Réunion produit une essence de qualité supérieure (géra-
nium Bourbon), la Chine vend de l’essence d’une qualité moindre.
Le géranium est originaire d’Afrique du Sud. Les principaux producteurs d’essence
de géranium sont la Chine, l’Egypte, le Maroc et la Réunion ; les autres producteurs
importants sont l’Algérie, l’Inde et certains pays de la CEI. Le cultivar le plus répandu
à la Réunion est un hybride entre P. capitatum et P. radens. D’autres cultivars sont issus
d’hybridations entre P. graveolens, P. radens et P. capitatum.
C’est une plante qui peut atteindre 1 m de haut. Les rameaux lignifient au bout de
cinq à six mois ; les fleurs sont rose clair tirant au mauve. Les conditions climatiques
influencent beaucoup la teneur en huiles essentielles (qualité et quantité). La tempé-
rature optimale de croissance est de 20-25°C ; le zéro de croissance est à 6°C, et la tem-
pérature maximale supportée de 42°C. La pluviosité annuelle moyenne souhaitable
est de 1000 à 1500 mm. Le géranium a besoin de beaucoup de lumière. Il est très sen-
sible au vent. Les sols doivent être bien drainés et leur pH compris entre 5,5 et 8.
● La culture
La durée de vie d’une plantation peut atteindre dix ans. La multiplication se fait par
bouturage, à des écartements de 1,2 m à 1,8 m entre lignes et de 0,25 m à 0,50 m sur
la ligne (densités de 12 000 à 16 000 plants/ha). La bouture est plantée profondément
dans le sol, de manière inclinée. Un désherbage régulier est nécessaire car le géra-
nium est très sensible à la concurrence.
Le géranium conduit en sec résiste mieux aux maladies qu’en culture irriguée.
Les principales maladies sont fongiques (anthracnose, alternariose, cercosporiose,
fusariose, rouille…). Certaines variétés sont résistantes à l’anthracnose. Des champi-
gnons du sol peuvent contaminer les plants en cas de forte humidité du sol.
1208
Les plantes à autres usages 5 3
La récolte des feuilles a lieu deux à trois fois par an, la première se situant sept à huit
mois après la plantation. Il faut éviter de récolter par temps humide ou après des
pluies importantes (diminution de la teneur en huiles essentielles). Les plants sont
coupés, manuellement ou mécaniquement, entre 12 et 20 cm au-dessus du sol. Le ren-
dement moyen à la Réunion est de 18 t/ha de matière verte. En Tunisie, le rendement
en culture non irriguée est de 20 à 25 t/ha et en irrigué il atteint 30 t/ha.
LE JOJOBA
Simmondsia chinensis (link) Schneider
Anglais : jojoba
Espagnol : jojoba
Portugais : jojoba
Famille des Buxaceae (ou Simmondsiaceae)
1209
5 Agriculture spéciale
Des températures froides sont nécessaires pour initier la fructification, mais des tem-
pératures négatives affectent la plante jusqu’à la détruire à partir de - 4°C. Enfin, les
jeunes plants sont très sensibles à la compétition des mauvaises herbes.
● La culture
La plantation se fait en double densité avec éclaircissage lorsque les sexes sont identi-
fiables. On laisse alors de 5 à 10 % de plants mâles. Les densités recommandées vont
de 1 000 à 2 000 pieds/ha. Dans les premiers stades, les interlignes doivent être grif-
fés et maintenus très propres.
La récolte se fait à la main ou à la machine, en ramassant par aspiration les graines
tombées sur le sol. Les rendements en Australie sont de 1 à 2 t/ha, ce qui rend pro-
blématique la rentabilité de la culture. Cependant des rendements de 3 à 4 tonnes sont
rapportés dans certaines publications. Compte tenu de la faiblesse des travaux de
recherche sur cette culture, d’importantes améliorations sont vraisemblablement pos-
sibles.
LE KARITÉ
Butyrospermum (syn. Bassia) parkii
Anglais : Shea butter tree
Espagnol : Arbol mantequeiro
Famille des Sapotaceae
1210
Les plantes à autres usages 5 3
1211
5 Agriculture spéciale
LE LEMONGRASS
Cymbopogon citratus et Cymbopogon flexuosus
Anglais : malabar orcochin grass
Espagnol : herba limón
Portugais : capim limão
Famille des Poaceae
Ces deux graminées pérennes sont cultivées pour la production d’essences issues de
la distillation des feuilles. Parmi les composants extraits le citral (75 % de la composi-
tion) donne une odeur citronnée, à laquelle d’autres composants ajoutent une odeur
herbacée. Le citral est utilisé tel quel en parfumerie, mais peut également être trans-
formé en composés dotés d’une odeur de violette (ionones), également utilisés en par-
fumerie. L’essence de lemongrass est surtout utilisée actuellement pour parfumer des
produits à usage ménager, aux Etats-Unis et en Europe.
Cymbopogon flexuosus est spontané en Inde et Asie du sud-est ; il est cultivé de manière
importante en Inde, Indonésie et à Madagascar. On le trouve dans les jardins de toute
la zone tropicale ; on l’appelle lemongrass des Indes Orientales.
Cymbopogon citratus est cultivé en Asie du Sud et du sud-est depuis très longtemps ; sa
culture s’est ensuite développée à large échelle en Amérique du Sud et centrale, dans
l’Océan Indien et en Afrique. La base des feuilles est utilisée dans les plats cuisinés en
Asie du sud-est.
Ces graminées produisent de grosses touffes de feuilles, qui peuvent atteindre 1 m de
diamètre. Les tiges atteignent parfois 2 à 3 m de haut. Elles se développent à des tem-
pératures moyennes de 23 à 30°C, dans un climat sans saison sèche marquée, avec
2 500 à 3000 mm de pluviosité annuelle. Elles demandent un fort ensoleillement. Les
sols doivent être bien drainés.
C. citratus fleurissant rarement, il est multiplié par éclats de souches. C. flexuosus est
généralement multiplié par graines, la multiplication par éclats de souche étant plus
aléatoire. Si les plants sont produits en pépinière, il faut 10 kg de graines par hectare
de culture ; si on pratique le semis direct, 35 kg de semences sont nécessaires. Un léger
apport d’engrais azoté à la plantation et après chaque récolte est généralement prati-
qué.
Les plantations doivent être désherbées deux à trois fois avant la récolte ; celle-ci a lieu
six à huit mois après la plantation ; des coupes sont pratiquées toutes les six à sept
semaines, pendant trois à quatre mois. La récolte est faite par temps sec, les feuilles
sont coupées à 10-20 cm au-dessus du sol. La teneur en huiles est plus forte si la
récolte a lieu en saison sèche : elle varie entre 0,25 et 0,6 %. Les rendements moyens
en Inde sont de 15 à 20 t/ha de feuilles avec C. flexuosus et de 30-50 t/ha de feuilles
avec C. citratus.
1212
Les plantes à autres usages 5 3
LA MYRRHE
Commiphora spp.
Anglais : myrrh
Famille des Burseraceae
La myrrhe est avec l’encens la plus ancienne substance aromatique utilisée comme
parfum. Elle est obtenue à partir de la résine s’écoulant du tronc des espèces du genre
Commiphora. Il existe de nombreuses espèces de Commiphora, la plupart ayant des ver-
tus médicinales : C. abyssinica, C. africana, C. erythraea, C. molmol, C. mukul, C. myrrha, en
voie d’extinction.
La myrrhe du Sénégal est obtenue avec la résine de C. africana (A. Rich.) ou
Balsamodendron africanum Arn. C’est un petit arbre à feuilles caduques, qui pousse dans
toute l’Afrique tropicale sèche. Il donne de petites fleurs rouges, de très petits fruits
ronds ou elliptiques, rouges à maturité. Il se reproduit facilement par boutures et on
l’utilise pour fabriquer des haies vives.
LE PATCHOULI
Pogostemon sp.
Anglais : patchouli
Espagnol : pachuli
Portugais : patchouli
Famille des Labiaceae
C’est une plante vivace cultivée pour ses feuilles, dont on extrait une essence.
La taxonomie des différents cultivars n’est pas bien connue (quatre familles identifiées
actuellement). Les deux espèces de Pogostemon productrices d’essences sont P. cablin
(Blanco) Benth. et P. heyneanus Benth.
La culture du patchouli est très répandue en Asie du Sud et du sud-est et jusqu’en
Chine ; elle a été introduite dans toutes les régions tropicales et subtropicales. Les
principaux producteurs d’essence sont Sumatra (80 % de la production mondiale),
puis la Chine, le Brésil, la Malaisie et les Seychelles.
P. cablin et heyneanus s’adaptent à différentes conditions climatiques. On les rencontre
sous les tropiques jusqu’à 2 000 m d’altitude. En-dessous de 1 500 mm de pluviosité
annuelle l’irrigation est nécessaire. P. cablin s’accomode de sols peu fertiles.
La multiplication se fait par boutures ou graines pour P. heyneanus, par boutures pour
P. cablin. Les boutures sont plantées soit en pépinières, soit directement au champ. Les
écartements au champ sont de 60 x 60 cm. La première récolte a lieu six à huit mois
après l’installation de la culture, puis tous les trois à cinq mois, en saison humide si
possible. La qualité de l’huile diminue au bout de trois ans. Le rendement moyen est
de 40 à 60 kg d’essence par hectare en Indonésie.
1213
5 Agriculture spéciale
LA PERVENCHE DE MADAGASCAR
Catharantus roseus
Anglais : Madagascar periwinkle, periwinkle
Espagnol : vicaria
Portugais : pervinca
Famille des Apocynaceae
Originaire de Madagascar et des Indes, la culture de la pervenche de Madagascar a
été propagée dans les régions chaudes.
La plante contient environ 70 alcaloïdes qui ont la particularité de faire diminuer le
taux de sucre dans le sang, de baisser la pression sanguine et de stopper les hémorra-
gies. Elle est utilisée entre autres dans le traitement du diabète et pour diminuer l’ef-
fet des piqûres de guêpe. Elle contient également deux molécules qui ont des pro-
priétés anti-mitotiques, utilisées dans la lutte contre le cancer.
C’est une plante pérenne, sempervirente, de 30 à 60 cm de haut environ. La propa-
gation de la plante par semis est possible mais entraîne un retard de la floraison. La
reproduction par bouturage est conseillée car elle permet une floraison rapide. La
plante a une croissance de 25 cm/an.
Elle se développe aussi bien dans un environnement herbacée ensoleillé que dans un
milieu ligneux ombragé. Elle tolère la chaleur, la sécheresse et les sols pauvres (sables
littoraux dunaires), mais préfère les sols humides bien drainés avec une fertilité
moyenne.
LE QUINQUINA
Genre Cinchona, espèces ledgeriana et succirubra (il existe une quarantaine d’espèces de
quinquina)
Anglais : ledger bark tree
Espagnol : cascarilla verde
Portugais : quinino
Quinquina rouge officinal : Cinchona succirubra
Famille des Rubiaceae.
C. succirubra est plus vigoureux et exigeant que C. ledgeriana. C. succirubra fournit des
porte-greffes pour la culture de C. ledgeriana.
1214
Les plantes à autres usages 5 3
Au XIXè siècle, les graines de certaines variétés de quinquina ont été exportées sur l’île
de Java par les Hollandais et à Ceylan par les Anglais qui souhaitaient produire de la
quinine en grande quantité.
Originaire des Andes où il pousse naturellement, le quinquina est cultivé dans de
nombreux pays tropicaux. Le Congo démocratique est le principal producteur
d’écorce aujourd’hui, suivi par le Burundi, le Cameroun et le Kenya. L’arbre pousse
entre 1 500 et 3 000 m d’altitude dans des conditions d’humidité et de température
élevées. Il a peu de problèmes de parasites.
Le quinquina est un arbre pouvant atteindre 10 à 20 m de haut, à feuilles persistantes
semblables aux feuilles du laurier. La floraison a lieu 3 à 4 ans après la plantation. Le
fruit est une capsule de 1 à 3 cm de long. La quinine est concentrée dans les racines,
le tronc et les branches.
● La culture et la récolte
Le quinquina peut être reproduit par semis, bouturage et greffage. Les graines sont
plantées à l’ombre dans un sol sableux humide, jusqu’à ce que les plants mesurent
5 cm. Ils sont alors éclaircis. Lorsqu’ils ont 23 cm, ils sont plantés à un écartement de
60 cm x 60 cm.
Après dix ans, quand la teneur en quinine est maximale, on procède à la récolte de
l’écorce : les troncs sont raclés avec des bâtons et l’écorce épluchée est enlevée.
L’écorce se régénère partiellement et est à nouveau enlevée. Après plusieurs cycles
d’écorçage l’arbre est déraciné. La concentration de quinine augmente dans l’écorce
à mesure de l’écorçage.
Actuellement, les plantations de quinquina reprennent en raison d’une demande en
quinidine pour la thérapie cardiaque. 300 à 500 t de quinine sont extraites chaque
année de 5 000 à 10 000 t d’écorce. La moitié de la récolte est destinée à l’industrie
agro-alimentaire. 30 à 50 % sont transformés en quinidine pour l’industrie pharma-
ceutique.
LE RICIN
Ricinus communis
Anglais : castor bean, castor oil plant
Espagnol : ricino comun, higuerillo
Portugais : rícino
Famille des Euphorbiaceae
1215
5 Agriculture spéciale
● La plante
C’est une plante annuelle dans les climats tempérés à gelées assez fortes, pérenne et
arborescente dans les pays tropicaux. Sa taille varie selon les variétés et les conditions
du milieu (80 cm à 8 m). Elle possède une racine pivotante et des racines latérales qui
se développent à la surface du sol. Les tiges sont ramifiées, parfois dès la base, de cou-
leur rouge pourpre ou vert. Les feuilles alternes sont munies d’un pétiole de 20 à 40
cm de longueur. Le limbe est palmé et son diamètre mesure de 20 à 40 cm. Les fleurs
sont groupées en grappes de couleur gris blanc ou rouge marron. Les inflorescences
sont terminales ou axillaires et dressées, pyramidales ou arrondies, plus ou moins
denses. Chez certaines variétés, les fleurs femelles se trouvent dans la partie haute de
l’inflorescence et les fleurs mâles dans la partie basse. Après fécondation, les fleurs
mâles se détachent de la grappe.
Chaque grappe porte de quinze à quatre-vingt fruits. Le fruit est une capsule verte ou
rouge, couverte de poils plus ou moins coriaces. Certaines variétés possèdent des fruits
déhiscents s’ouvrant en six valves qui libèrent trois graines. D’autres variétés sont
indéhiscentes et leurs capsules doivent être brisées pour séparer les graines. Ces varié-
tés sont utilisées pour la culture mécanisée.
La graine est constituée d’un tégument externe cassant et épais, sous lequel se trouve
une membrane d’aspect soyeux mince qui adhère à la graine. Les graines de ricin peu-
vent contenir de 35 à 55 % d’huile. Les graines, les feuilles et les tiges contiennent des
protéines toxiques pour l’homme et les animaux. Les animaux doivent être maintenus
à l’écart de cette plante (25 g de graines de ricin sont létaux pour un cheval). Le ricin
se propage par graines. Le polymorphisme des ricins est important, ce qui engendre
une grande confusion dans leur classification (voir le tableau 1).
Selon la classification de Larroque, il existerait quatre espèces de ricin : R. communis
minor, R. communis major, R. persicus et R. zanzibarensis. D’autres classifications
(Eberhardt et Dubard) considèrent qu’il n’existe qu’une espèce (R. communis) et six
variétés. Celles-ci coïncident dans leur description avec les espèces R. communis minor,
R. communis major, R. zanzibarensis décrites par Larroque mais diffèrent pour les trois
autres espèces. Eberhardt présente les variétés suivantes : R communis var viridis, R.
communis var inermis et R. communis var sanguineus qui sont considérées par Larroque
comme étant des variétés de R. communis Minor (R communis var sanguineus et inermis)
et de R. persicus (R. persicus var inermis).
1216
Les plantes à autres usages 5 3
● La culture
Le ricin peut être exploité comme culture annuelle jusqu’à 52° de latitude Nord.
Comme culture pérenne il ne dépasse pas 40° de latitude Nord. C’est une plante sen-
sible au gel, héliophile, dont la durée de croissance est comprise entre cent quarante
et cent quatre-vingts jours pendant lesquels la température doit rester élevée. Il néces-
site des précipitations annuelles comprises entre 700 et 1 200 mm, bien réparties en
cinq à six mois pendant le début de la croissance, suivies d’une longue saison sèche qui
permet aux graines de mûrir. En climat très humide et chaud, la plante a un déve-
loppement végétatif trop important qui se réalise au détriment de la fructification. Il
faut alors effectuer une taille qui permet une production correcte de fruits. Le ricin
préfère des sols limoneux voire argileux, profonds. Il peut également se développer
sur des sols alcalins ou acides dans la mesure où le sol est perméable et bien drainé. Il
nécessite des sols riches en acide phosphorique et potasse.
1217
5 Agriculture spéciale
Comme cette culture peut épuiser le sol, on cherche à préserver sa fertilité par le
maintien des résidus de culture sur le champ, l’apport d’engrais organiques et miné-
raux et une succession culturale caractérisée par la présence du ricin une fois tous les
quatre ans.
Pour des plantations industrielles, il est recommandé de semer à des densités élevées
(9 à 12 kg/ha). Le semis est réalisé entre 3 et 7 cm de profondeur, quand la tempéra-
ture du sol est d’au moins 10°C et que le sol est humide. Le traitement des graines avec
un fongicide est recommandé dans les zones où les températures sont faibles et où
l’humidité du sol est élevée au moment du semis.
Pour une culture annuelle, l’interligne est de 70 à 80 cm avec 10 à 15 cm entre chaque
pied. En culture pérenne, l’interligne peut varier de 1 à 2 m voire plus. On sème deux
à trois graines par poquet. La germination est lente et nécessite un sol humide. Les
plantules sortent dix à vingt-et-un jours après le semis. Quand elles atteignent 10 à 15
cm de hauteur, on procède au démariage en laissant seulement un pied par poquet.
Le ricin croît lentement : il faut donc veiller au contrôle des adventices. La maturité a
lieu quatre à six mois après le semis.
Un écimage peut avoir lieu en culture annuelle si le développement végétatif est trop
important. Pour la culture pérenne, l’écimage est obligatoire après la récolte pour
limiter la taille de la plante.
Le ricin attire les insectes du fait de l’humidité et de la fraîcheur qu’offrent ses feuilles.
Les principaux ravageurs sont des lépidoptères (Noctua melicerta, Phycita diaphana)
dont les chenilles se nourrissent des feuilles. On trouve également quelques coléo-
ptères et des hyménoptères.
Les principales maladies sont dues à Botrytis cinera (pourriture grise), Melanpsorella
ricini (rouille qui entraîne la chute des feuilles) ainsi qu’à des Cercospora et des
Phytophtora.
1218
Les plantes à autres usages 5 3
LE VÉTIVER
Vetiveria zizanioides - Syn. : Andropogon muricatus
Anglais : vetiver grass
Espagnol : espicanardo
Portugais : vetiver
Famille des Poaceae
L’essence de vétiver est obtenue par distillation à la vapeur des racines de cette plante.
Les dérivés de l’essence de vétiver (dont le vétiverol) ne sont utilisés qu’en parfumerie.
Le vétiver est une graminée originaire d’Inde où on la trouve à l’état sauvage. Elle est
cultivée partout dans les zones tropicales et subtropicales. Elle est utilisée pour la pro-
duction d’essence mais également comme barrière contre l’érosion. Les principaux
producteurs d’essence sont Haïti et l’Indonésie (Java). C’est une graminée pérenne à
gros rhizomes ; les chaumes sont cespiteux, glabres, luisants, assez fermes, formant des
touffes denses pouvant atteindre 2 m de haut.
Le vétiver résiste bien au froid et même au gel. L’optimum de croissance a lieu à une
température comprise entre 25 et 35°C. Il supporte des périodes de sécheresse et
s’adapte à une pluviométrie allant de 300 à 3 000 mm annuels. Il se multiplie par
éclats de souche, les feuilles étant coupées à 15-20 cm de long. Pour la production d’es-
sence, les écartements au champ sont de 50 à 60 cm entre lignes et 20 à 30 cm sur la
ligne.
La récolte a lieu 15 à 18 mois après la plantation ; l’arrachage est facilité par l’humi-
dification du sol. Les racines sont nettoyées à l’eau et séchées au champ pendant
quelques jours, puis séchées à l’ombre. Le rendement moyen est de 1,5 à 2 t/ha de
racines séchées à l’air (soit environ 20 kg d’essence). Avant d’être distillés, les frag-
ments de racines trempent dans l’eau dix à vingt heures. Au cours de la distillation on
recueille différentes fractions. La qualité de l’essence s’améliore lors de son stockage.
1219
5 Agriculture spéciale
L’YLANG-YLANG
Cananga odorata (Lamk) Hook.f. & Thomson
Anglais : ylang-ylang
Espagnol : ylang-ylang
Portugais : ylang-ylang
Famille des Annonaceae
Cananga odorata est cultivé pour ses fleurs au parfum très fort. Leur usage principal
est la distillation qui permet d’extraire une huile essentielle destinée à la parfumerie.
Il en existe deux variétés :
> C. odorata var. genuina (ylang ylang)
> C. odorata var. macrophylla (cananga)
La première produit une huile utilisée dans des parfums de premier choix, la seconde
est davantage utilisée pour la fabrication de savons et produits de toilette pour
hommes. Cet arbre, originaire des Moluques, a été introduit sur tous les continents.
Les principaux producteurs d’huile d’ylang-ylang sont l’Indonésie, les Comores et
Madagascar (Nosy-Bé).
L’arbre peut atteindre 10 à 15 m de haut mais il est taillé à 3 m en conditions d’ex-
ploitation. Il demande une température annuelle moyenne de 21 à 27°C ; la pluvio-
métrie annuelle optimale est de 1 500 à 2 000 mm. Il préfère les sols profonds, bien
drainés, et craint le vent. On le trouve cultivé à plus de 1 000 m. On peut le semer soit
directement soit en pépinière. Le taux de germination est meilleur avec des graines
âgées de six à douze mois, traitées à l’eau bouillante. Les plants élevés en pépinière
sont repiqués lorsqu’ils atteignent 30 à 40 cm de haut. Les distances de plantation sont
de 6 m x 6 m. Les arbres sont écimés à 2 m au bout de deux à trois ans afin de favo-
riser la formation de branches basses retombantes, permettant une cueillette aisée des
fleurs.
La première floraison importante intervient au bout de quatre à cinq ans dans les
conditions optimales de culture. La durée de production d’un arbre est de 50 ans,
mais celle-ci n’est intéressante que pendant 20 ans. Un arbre de C. odorata var. macro -
phylla peut produire 30 à 100 kg de fleurs/an ; la variété genuina produit au maximum
20 kg/arbre/an (avec écimage).
L’extraction de l’huile s’effectue par distillation à la vapeur d’eau dans des alambics de
cuivre étamé. Pour C. odorata genuina, on utilise des solvants volatils permettant la pro-
duction de concrètes et on recueille, en fonction du stade de la distillation, différentes
qualités d’huiles : l’huile extra sort la première, puis la première, la deuxième et la troisième.
1220
Les plantes à autres usages 5 3
1221
5 Agriculture spéciale
1222
5 3 5 Les plantes tannifères
et tinctoriales
À partir d’une contribution de C. Hekimian Lethève
ACACIA DECURRENS
Acacia decurrens var. dealbata
Français : acacia blanc
Anglais : silver wattle
Espagnol : mimosa
Portugais : acácia da Australia
Acacia decurrens var. mollis ou acacia mearnsii
Français : acacia noir
Anglais : black wattle
Espagnol : acacia negra
Portugais : acacia negra
Famille des Mimosaceae
1223
5 Agriculture spéciale
Il tolère des précipitations annuelles comprises entre 250 et 1000 mm et supporte des
températures diurnes de plus de 50°C, mais pas le gel.
● La culture
Pour faciliter la germination, les graines sont recouvertes d’eau bouillante. Ceci per-
met de fissurer leur enveloppe. Elles peuvent être semées en pépinière et les plants
sont alors repiqués après trois à six mois. Les arbustes sont alors espacés de 2 m. Des
cultures intercalaires peuvent être plantées la première année. Les arbres produisent
une écorce exploitable cinq à dix ans après le semis.
Les tannins sont extraits des gousses vertes et de l’écorce. L’écorce est déroulée à par-
tir du bas de l’arbre, ensuite l’arbre est coupé. Le tronc et l’écorce sont coupés en mor-
ceaux d’un mètre de long. L’efficacité du tannin augmente lorsque l’écorce est bien
conservée. Un arbre de sept ans produit environ 3 à 5 kg d’écorce séchée.
Les plantations d’Afrique du Sud, du Zimbabwe, de Tanzanie, du Kenya et du Brésil
fournissent 38 % de la demande mondiale de tannin. L’Afrique du Sud est le plus
grand producteur.
LE BOIS DE SANTAL
Pterocarpus santalinus
Français : bois de santal, sandal rouge
Anglais : red sanders ou saunders
Famille des Fabaceae
Originaire de Madras et de Ceylan, le bois de santal est cultivé en Inde, au Pakistan,
et à Sri Lanka pour le colorant rouge extrait du bois et utilisé pour teindre les vête-
ments. C’est un arbre de petite taille (6 à 7 m de hauteur). Le diamètre du tronc est
de 15 cm vers dix-huit ans et de 1 m à soixante-dix ans. Les racines et la partie sou-
terraine des tiges possèdent des suçoirs qui permettent à la plante de parasiter les
racines des autres arbres. Les branches sont opposées et retombantes, les feuilles sont
opposées et les fleurs jaunes sont disposées en grappes. Le fruit est une gousse com-
primée ovale. Le tronc est couvert d’une écorce lisse ou rugueuse. Les arbres qui pos-
sèdent une écorce lisse ont un cœur peu coloré et une sève non colorée en rouge.
Ceux qui possèdent une écorce rugueuse ont un cœur noir, et possèdent une sève de
couleur rouge. Le cœur du bois peut être rouge, jaune marron, pourpre marron à
jaune. La formation du pigment a lieu entre quinze et cinquante ans. Ce pigment est
insoluble dans l’eau et soluble dans l’éther et l’alcool.
Le santal ne se développe pas dans les forêts denses et doit être cultivé sous abri. La
propagation s’effectue par graines. Le bois de santal est cultivé dans des zones tem-
pérées et tropicales sur des sols siliceux drainés, sur des versants de collines élevées
(de 200 à 700 m).
L’arbre est coupé et laissé sur place de façon à ce que son écorce (sans valeur) soit
consommée par les insectes. Il est exporté sous forme de billots ou de bûches, de
couleur rouge ou marron à l’extérieur et rouge sang à l’intérieur. Le bois est utilisé en
poudre et sert de colorant pour les textiles et d’autres bois.
1224
Les plantes à autres usages 5 3
LE CAMPÊCHE
Heamatoxylon campechianum ou Erytroxylum campechianum
Anglais : logwood
Espagnol : palo de campeche, palo de tinte
Portugais : campeche
Famille des Fabaceae
LE HENNÉ
Lawsonia alba ou Lawsonia inermis
Anglais : henna plant
Espagnol : Alheña, alcana
Portugais : Alfeneiro
Famille des Lythraceae
Plante originaire d’Afrique du Nord, d’Asie tropicale et d’Australie, le henné est cul-
tivé en Egypte, en Inde, au Kurdistan, en Perse et en Syrie. Les parties de la plante
utilisées sont les fleurs, les feuilles (en poudre) et les fruits. La poudre de feuilles est
utilisée en cosmétique pour teindre la peau (tatouage non-permanent) et les cheveux
(donne des reflets roux aux cheveux bruns). C’est une teinture de couleur rouge
jaune. Le henné est également utilisé localement contre les affections de la peau et
comme substance antihémorragique et astringente.
C’est un arbuste de 2 à 3 m en général, pouvant atteindre 6 m, à petites fleurs
blanches, roses ou rouges parfumées. Le fruit est une capsule polysperme. La pollini-
sation est entomophile et s’effectue par l’intervention d’hyménoptères, de diptères et
de lépidoptères. L’arbuste se développe à des températures moyennes annuelles com-
prises entre 19 et 27°C et des précipitations annuelles comprises entre 200 mm et
4 200 mm. Le sol peut avoir un pH variant de 4,3 à 8.
1225
5 Agriculture spéciale
L’INDIGOTIER
Indigofera tinctoria, I. arrecta, I. suffriticosa
Anglais : true indigo plant
Espagnol : indigo, añil
Famille des Mimosaceae
● La culture
La propagation de l’indigotier s’effectue par les graines sauf pour I. suffriticosa qui se
propage préférentiellement par bouturage. Les graines d’I. arrecta doivent être scari-
fiées. Le semis peut se faire dans une pépinière ou directement en plein champ : trois
à quatre graines par trou, 60 cm entre les trous et 45 à 60 cm entre les rangs. La ger-
mination dure quatre jours. Si on utilise une pépinière, les plants doivent être trans-
plantés après quatre semaines. On réalise un désherbage et un buttage un mois après
la plantation, puis encore un mois après.
Les branches sont récoltées tôt le matin, dès que la plante a quatre à cinq mois. Quand
la plante est bien fournie, trois à quatre mois après la première récolte, une seconde
récolte est réalisée. La plante peut ainsi être récoltée trois fois par an. En général, la
durée de vie de l’arbuste est de deux à trois ans en plein champ et d’un à deux ans en
plante de couverture.
Les rendements sont très variables selon les espèces : 10 à 13 t par an pour I. tinctoria,
22 à 100 t par an pour I. arrecta, principale espèce fournisseuse d’indigo.
1226
Les plantes à autres usages 5 3
L’indigo est produit par la fermentation des feuilles mélangées à de la soude caustique
ou de l’hydrosulfate de sodium.
La période allant du XVIe siècle à la fin du XIXe siècle a été l’âge d’or de l’indigo.
L’utilisation d’indigo synthétique dans l’industrie a remis en cause l’intérêt de la cul-
ture au XXe siècle. On assiste cependant actuellement à un renouveau de la produc-
tion, en raison du regain d’intérêt pour les teintures naturelles.
LE PALÉTUVIER
Rhizophora mucronata Poiret
Anglais : red mangrove, mangrove cutch
Famille des Rhizophoraceae
Cultivé sur le littoral de l’Afrique de l’Est et à Madagascar, ce palétuvier produit un
bois utilisé en ébénisterie, comme bois d’œuvre (mobilier, piliers, poteaux, construc-
tion navale) et pour la production de tannin pour tanner le cuir et durcir les lignes,
les cordes et les filets des pêcheurs. Le tannin de Rhizophora mucronata est associé à une
substance qui noircit graduellement. C’est un colorant marron foncé à noir. L’écorce
produit un adhésif qui entre dans la fabrication du contreplaqué et de panneaux à
particules.
C’est un arbre haut de 5 à 30 m, à feuilles opposées persistantes, au tronc de 50 à 70
cm de diamètre. La racine pivotante avorte généralement et laisse place à des racines
latérales nombreuses qui se développent en cerceau à la base du tronc (racines
échasses). Des racines aériennes sont parfois produites par les branches. L’écorce est
grise ou marron gris, lisse et mince. L’arbre tolère de nombreuses maladies, les
insectes, le sel et l’excès d’eau. Une graine se développe par fruit et commence à ger-
mer quand le fruit est encore attaché à l’arbre. Ensuite la plantule sort du fruit et
tombe dans la boue où elle se fixe et croît. Les plantules gardent leur vitalité plusieurs
mois.
Le palétuvier se développe dans des criques, estuaires et côtes où la marée est impor-
tante et quotidienne, sur les boues saumâtres et salines des rivages. Il apprécie de
fortes précipitations annuelles (de 1400 à 2300 mm d’eau), des températures
moyennes annuelles comprises entre 21 et 25°C et des sols aux pH de 6 à 8,5. Il pré-
fère les sols boueux, profonds et riches en humus avec une salinité appropriée.
Il est utilisé en plantation pour stabiliser les bancs des enclos d’aquaculture. C’est un
arbre à croissance lente qui met trente-cinq à quarante ans pour atteindre 20 cm de
diamètre. Il est possible de le multiplier végétativement par croissance horizontale des
branches les plus basses. Les jeunes plantules sont utilisables pour une plantation.
Pour la production de tannin, l’écorce est récoltée sur les arbres vivants. Pour le
charbon, le mobilier et le bois de feu, on utilise les arbres à peine tombés. L’écorce
récoltée sur le tronc doit être maintenue humide. La teneur en tanin varie de 8 à 40 %
dans l’écorce séchée. R. mucronata est l’espèce la plus rentable dans la production de
tannin. L’écorçage tue l’arbre et la production d’écorce est souvent combinée avec celle
de bois de chauffage ou de charbon. Une collecte trop intense provoque des risques
de destruction de la mangrove.
1227
5 Agriculture spéciale
LE ROCOUYER
Bixa orellana
Français : rocouyer, roucouyer
Anglais : annato tree, lipstick tree
Espagnol : achiote, anato, achote, bija
Portugais : annatto, ruka, uruku, uruka
Famille des Bixaceae
● La culture et l’extraction
Les graines mûres issues des fruits frais germent rapidement, en sept ou dix jours
dans des conditions humides. Elles ont une viabilité élevée la première année, mais
celle-ci chute rapidement ensuite. La propagation se fait par graines ou par boutu-
rage.
Les graines sont plantées en plein champ, en poquets de deux à cinq graines, au début
de la saison des pluies. Après germination, seul un plant est conservé par poquet. Les
graines peuvent aussi être élevées en pépinière pendant trois à quatre mois avant
transplantation.
1228
Les plantes à autres usages 5 3
La propagation végétative à partir des racines permet une transplantation après trois
mois. Elle est facile et permet de sélectionner les plants ayant la meilleure production
et la teneur en bixine la plus élevée. Pour des productions commerciales, les arbres
peuvent être plantés en lignes, à 3 à 4 m de distance les uns des autres.
Les plants issus de graines fleurissent plus lentement et produisent moins, ils sont plus
petits et présentent une grande variabilité. La production après quatre ans peut
dépasser 2 t/ha avec de 0,9 % à 6,9 % de bixine dans la graine. Un arbre moyen pro-
duit 250 à 300 kg de graines. Les fruits de forme longue semblent avoir un taux de
bixine plus important que ceux de forme ovoïde. La capsule peut être récoltée dès
qu’elle commence à être marron et avant qu’elle ne se fende.
Un kilo de graine donne 20 à 50 g de colorant. La teinture est extraite par trempage
des graines dans de l’eau et pressage, ce qui produit une solution trouble cristallisable
par chauffage-refroidissement ou par fermentation. Le colorant concentré au fond du
récipient peut être séparé et séché sous forme de pâte. Un autre type d’extraction
consiste à bouillir les graines dans une solution de carbohydrate de sodium, filtrer et
acidifier le filtrat. Puis le colorant est coagulé par ébullition avec du sel, pressé, filtré,
lavé et séché.
1229
5 4 Glossaire
Glossaire 5 4
1233
5 Agriculture spéciale
1234
Glossaire 5 4
Monoécie : coexistence de fleurs femelles et de fleurs mâles sur une même plante,
mais non dans une même fleur.
Monoembryonné : qui contient un embryon unique.
Monopodial : où les bourgeons des rameaux latéraux ne se substituent pas au bour-
geon de l’axe directeur.
Montaison : phase de croissance qui correspond à l’allongement des tiges et à la mon-
tée de l’épi à l’intérieur de la gaine.
Multicaulie : mode de conduite favorisant le développement de plusieurs tiges.
Multifide : divisé en nombreuses lanières fines.
Noeud : zone renflée au niveau d’insertion d’une tige et d’une feuille.
Nouer : passer de l’état de fleur à l’état de fruit.
Nouaison : transformation de l’ovaire de la fleur en fruit.
Nucelle : tissu de l’ovaire dans lequel se développe le sac embryonnaire.
Nucule : fruit indéhiscent dont la paroi est sclérifiée.
Ombelle : inflorescence à forme globuleuse dans laquelle les pédoncules sont fixés en
un même point sur la tige.
Orthotrope : droit et prolongeant l’axe qui le porte.
Ovaire : base renflée d’un carpelle qui renferme les ovules.
Panicule : inflorescence de forme dérivée de l’épi, à épillets pédonculés.
Parenchyme : tissu de remplissage, constituant souvent un tissu de réserve.
Parthénocarpie : formation du fruit sans fécondation de l’ovule, aboutissant à l’ab-
sence de graine.
Pédicelle : petit pédoncule, support d’une fleur ou des cellules sécrétrices d’un poil.
Péricarpe : dans un fruit, ancienne paroi de l’ovaire qui entoure la graine.
Phyllotaxie : disposition des feuilles sur la tige.
Pinnule : ramification d’une feuille.
Plagiotrope : se dit d’une tige dont la direction est oblique.
Polyembryonné : qui contient plusieurs embryons.
Polymorphisme : faculté de se présenter sous différentes formes.
Procombant : qui repose sur le sol, mais sans s’y enraciner ; prostré.
Protandrie : maturation des organes mâles avant celle des organes femelles.
Pubescent : recouvert d’un tissu fin et serré.
Racème : inflorescence en forme de grappe simple sur un axe principal.
Rachis : partie axiale, axe de soutien.
Rouissage : traitement des fibres végétales par trempage dans l’eau.
Sclérenchyme : tissu de soutien constitué de cellules mortes lignifiées.
Sciaphile : qui apprécie l’ombre.
Sessile : qui ne possède pas de pédoncule ou de pétiole.
Stipe : tige dressée et sans ramification.
1235
5 Agriculture spéciale
1236
6 L’ÉLEVAGE
6.1 Le diagnostic des systèmes
d’élevage
6.2 Le diagnostic des systèmes
d’alimentation
6.3 Les produits animaux
6.4 L’élevage et l’environnement
6.5 La gestion des animaux
et des troupeaux
6.6 La santé animale
6 1 Le diagnostic des systèmes
d’élevage
À partir des contributions V. Alary (CIRAD) et de P. Lhoste (CIRAD)1
1239
6 L’élevage
● Leurs caractéristiques
Les systèmes pastoraux5 se caractérisent par un recours important (sinon exclusif) aux
parcours naturels comme source d’alimentation des animaux. Ils concernent essen-
tiellement les herbivores domestiques (bovins, ovins, caprins). On trouve aussi, à la
marge, des animaux utilisés le plus souvent comme monture ou pour le transport de
marchandises : ânes, chevaux et dromadaires. Ces trois dernières espèces sont aussi
parfois utilisées pour la culture ou le transport attelés. En effet, les sociétés pastorales,
tout en restant fidèles à leurs traditions et à leurs pratiques d’élevage extensif, sont
souvent amenées à cultiver de petites parcelles de cultures vivrières.
3 Dans une tentative de classification des systèmes d’élevage dans le monde (STEINFELD H. and MAKI-HOKKONEN, 1995),
la FAO retenait trois critères principaux : le degré d’intégration de l’élevage avec les cultures, la relation des animaux à
l’espace et la zone agro-écologique.
4 D’autant plus que les concepts intensif/extensif ne sont souvent utilisés dans ces classements que du point de vue des
niveaux relatifs des facteurs de production (intrants) et du facteur travail par rapport au facteur terre.
5 Certains auteurs rapprochent les systèmes pastoraux et les systèmes herbagers extensifs tels que les ranches sud-améri-
cains. Si l’utilisation presque exclusive de la ressource pâturée est effectivement une caractéristique commune, d’autres
critères (structure de production, organisation, économie) limitent l’intérêt de ce rapprochement.
1240
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
Ces systèmes ont parfois été caractérisés par la mobilité des troupeaux, mais ce critère
ne nous paraît pas suffisant pour les décrire car si les systèmes transhumants et
nomades sont typiquement pastoraux, il existe également des systèmes sédentaires de
type pastoral. La part du revenu de la famille qui provient des animaux est importante
dans ces systèmes et souvent une proportion élevée de produits animaux (viande, lait,
sang) est auto-consommée par la famille. Enfin, ces systèmes sont pratiqués dans des
sociétés où les valeurs sociales et culturelles traditionnelles restent très présentes.
● Leurs atouts
Ce sont essentiellement :
> un coût minime de l’alimentation sur parcours ;
> une opportunité de valoriser les ressources renouvelables de zones défavorables
pour la culture, enclavées ou marginales : zones arides et sub-arides, sols pauvres,
terrains accidentés...
> une aptitude des animaux à se déplacer et donc à se rapprocher, à faible coût, des
marchés ou des zones de consommation.
Pour les cultures, l’importance du troupeau permet en regard des surfaces cultivées
(souvent limitées) un transfert significatif de fertilité, notamment par le parcage des
animaux.
1241
6 L’élevage
● Les atouts
Les interactions sont importantes et positives dans ces systèmes mixtes :
> les animaux fournissent aux systèmes de culture, énergie (traction animale) et élé-
ments fertilisants (déjections, fumier...) ;
> les animaux bénéficient d’apports alimentaires de l’espace cultivé : résidus de cul-
ture, adventices, sous-produits des produits vivriers (son de céréales, épluchures de
tubercules etc.), végétation des jachères. À un stade d’intensification supérieur, les
cultures fourragères peuvent rentrer dans l’assolement, apportant aux animaux
des compléments alimentaires de qualité. Les nouveaux systèmes de culture en
semis direct sur couverture végétale (SCV) offrent aussi des possibilités d’améliora-
tion des systèmes d’alimentation des herbivores ;
> à ces flux énergétiques (travail) ou de matière organique (fourrages, fumier), il faut
ajouter les complémentarités économiques essentielles entre culture et élevage. Le
produit financier de la culture est souvent la source de financement des animaux,
mais ces derniers peuvent se reproduire et dégager de nouveaux revenus ; ils
seront exploités en fonction des besoins de la famille soit pour de l’autoconsomma-
tion soit par la vente. La diversité des espèces animales (animaux de basse-cour,
petits ruminants, animaux de trait, bovins d’embouche ou d’élevage) confère une
réelle souplesse à ce système.
facteur d’intensification : les effets pervers de telles pratiques peuvent être importants
et nuire à la durabilité des systèmes mixtes. La valorisation de la fumure animale est
souvent loin d’être optimisée. Les problèmes de transport se posent fréquemment
avec acuité, limitant l’introduction de certaines innovations techniques.
6 Cette conjoncture économique s’est améliorée dans les pays de la zone franc où les laits importés sont devenus moins
compétitifs, suite à la dévaluation du franc CFA, dans les années 1990.
1243
6 L’élevage
si le prix de vente est effectivement favorable, ce qui n’est pas toujours le cas, la sur-
production étant parfois difficile à éviter.
7 Certaines formes d’intégration de ces élevages entre eux sont à mentionner spécialement, comme, par exemple, les asso-
ciations porcs-poissons ou aviculture-poissons.
1244
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
dans le cas des agro-éleveurs ou à de petits animaux, que le facteur temps, difficile-
ment schématisable, ne doit pas être oublié puisqu’il est une composante importante
dans l’évolution du troupeau.
Si l’éleveur reste le pôle décisionnel des systèmes d’élevage, le pôle territoire-
ressources naturelles et le pôle troupeau constituent la base et la matière, en quelque
sorte, de son action. Ils doivent être considérés en eux-mêmes mais aussi dans leurs
différentes interfaces.
1245
6 L’élevage
● Les enquêtes
Les enquêtes permettent d’aborder la réalité dans des délais courts :
> les enquêtes zootechniques sont centrées sur l’animal, le troupeau et sa productivité ;
nous y reviendrons dans la partie «analyse zootechnique» ;
> les enquêtes systémiques sont davantage centrées sur l’acteur, ses pratiques, ses modes
d’organisation.
1246
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
Celles-ci nous renseignent sur les projets et les contraintes des familles concernées ;
elles font en général l’objet d’entretiens avec les éleveurs autour de trois groupes de
questions :
> comment faites-vous ou quelles sont vos pratiques (sanitaires, alimentaires, de logement
des animaux, d’utilisation et de gestion des ressources, de valorisation des produits,
etc.) ? Il s’agit de repérer les modalités des pratiques.
> pourquoi faites-vous ainsi ? On essaie alors notamment de faire expliquer par l’éle-
veur les différences observées entre ses propres pratiques et celles d’autres acteurs.
Il s’agit de comprendre les déterminants des pratiques ou leur opportunité.
> quels sont les effets de ces pratiques ? Contrairement aux deux précédents, cet aspect est
plus difficile à traiter uniquement par enquête ; son étude justifie parfois des dis-
positifs d’observations plus lourds : expérimentation, suivis. C’est l’efficience ou
l’efficacité des pratiques (ou, plus souvent, des combinaisons de pratiques) que l’on
cherche à mettre en évidence.
1247
6 L’élevage
1248
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
Des facteurs culturels peuvent jouer à ce niveau : interdits ou craintes liées par
exemple à l’imposition sur le cheptel en Afrique (de nos jours souvent abandonnée)
provoquent encore couramment des réticences pour communiquer à un enquêteur
l’effectif du troupeau.
Pour améliorer la connaissance des troupeaux et des systèmes d’élevage, il est apparu
nécessaire de développer d’autres outils : les suivis d’élevage.
Ces suivis sont fondés sur l’identification et l’observation individuelle des animaux et
prennent en compte le temps grâce à des passages réguliers (étude diachronique).
Cela permet de positionner clairement les événements de diverses natures
(reproduction, santé, alimentation, ventes, mortalités...) et de mettre en évidence des
effets saisonniers et inter-annuels, qui peuvent être très importants en milieu tropical.
On peut distinguer deux types de variations temporelles pour l’étude de l’élevage :
> le temps rond illustre le cycle des saisons : cette représentation traduit bien les varia-
tions saisonnières de la production fourragère et des mouvements de troupeaux
mais ne permet pas de représenter les effets inter-annuels ;
> le temps long illustre la succession des années : il permet d’aborder les effets inter-
annuels ou des pas de temps plus longs tels que la carrière des femelles bovines ou
le progrès génétique au fil des générations.
Les suivis nécessitent une forte adhésion de l’éleveur, qui doit coopérer pendant un
certain temps avec l’observateur. Il est souvent difficile de maintenir l’intérêt des éle-
veurs lors d’un suivi d’élevage de longue durée, et parfois nécessaire de soutenir la
motivation des partenaires par certaines incitations, même si elles sont ponctuelles et
symboliques, et malgré les biais qu’elles peuvent entraîner.
1249
6 L’élevage
Tableau 2. Essais de complémentation en milieu éleveur: paramètres zootechniques et productivités des caprins
de la région Nord Sénégal/Sud Mauritanie. Les résultats de ces essais sont comparés aux moyennes
obtenues en Moyenne Vallée et dans la région de Louga.
Trois remarques peuvent être rappelées en conclusion de cette présentation des outils
de base du diagnostic sur les systèmes d’élevage :
> la flexibilité : le dispositif à mettre en place pour le diagnostic, l’étude et l’amélio-
ration d’un système d’élevage doit être adapté à un contexte local et tenir compte
des objectifs, des moyens, des délais, etc. Il a pour finalité de produire le type de
résultat attendu de la façon la plus efficace et la plus rapide possible ;
> la nécessité de hiérarchiser et de synthétiser les principales contraintes et les pro-
blèmes qui en résultent pour les éleveurs, afin de pouvoir rechercher avec eux des
solutions ;
> la participation des acteurs (agriculteurs, éleveurs, agents des filières...) est un point
auquel il faut être attentif aux différentes phases de l’opération. Cette participation
active des partenaires du terrain peut parfois paraître contraignante, mais elle est
la garantie pour la recherche-développement de rester pratique, finalisée et bien
comprise des bénéficiaires.
● L’analyse zootechnique
L’analyse zootechnique est centrale dans l’étude des systèmes d’élevage. Elle a pour
objectifs :
La caractérisation quantifiée et l’évaluation chiffrée des performances
animales
Cela suppose donc de définir les paramètres adéquats, de savoir les mesurer, les enre-
gistrer et les traiter statistiquement.
La connaissance des facteurs de variation de ces performances
Il s’agit d’identifier les principaux facteurs qui influencent la production animale
(race, se xe, mode d’élevage, système d’alimentation, etc.). L’identification de ces fac-
teurs passe par des enquêtes et suivis d’élevage.
L’estimation des effets de ces facteurs
Des dispositifs adaptés (expérimentation en milieu éleveur par exemple) sont souvent
nécessaires pour atteindre cet objectif. Compte tenu du nombre de facteurs suscep-
tibles d’influencer la production animale (facteurs génétiques, nutritionnels, sani-
taires, saisonniers, pratiques des éleveurs...), il faut parfois des dispositifs assez lourds
en termes de nombre d’animaux, de durée des observations, etc.
L’analyse zootechnique est donc nécessaire pour maîtriser et évaluer des pro-
grammes d’amélioration de l’élevage.
1251
6 L’élevage
Elle suppose souvent des dispositifs de contrôle des performances animales, des enre-
gistrements et la gestion de bases de données, des programmes d’analyses et des inter-
prétations des résultats. L’ensemble de la démarche peut être appliqué à divers types
d’intervention en milieu éleveur dans des domaines tels que l’amélioration génétique,
l’alimentation, les complémentations, la gestion des ressources fourragères, les essais
vétérinaires et la prophylaxie, etc.
1252
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
➤ Figure 1 : Distribution schématique des performances (gain moyen quotidien, par exemple)
pour deux populations A (Taurins Baoulé) et B (Zébus)
1253
6 L’élevage
Tableau 3. Eléments de classification des variables utilisées pour les analyses zootechniques et démographiques
1254
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
1255
6 L’élevage
1256
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
La composition de troupeau est une structure simplifiée qui peut rendre service sur
le terrain quand il est difficile d’obtenir des âges précis. Elle utilise par exemple les
catégories suivantes pour les bovins :
> veau/velle : jusqu’à douze mois ;
> taurillon/bouvillon/génisse : de un à trois ans ;
> taureau/vache : de quatre à dix ans ;
> vache hors d’âge : onze ans et plus ;
> bœuf de travail : trois à huit ans.
● Les performances de reproduction
Il existe dans ce domaine de nombreuses aptitudes biologiques dont il faut préciser les
définitions et les formules avant de les utiliser. Il est utile de se référer aux définitions
couramment admises ou, sinon, de bien définir sa propre formule de calcul.
La fécondité est l’aptitude d’une femelle à donner la vie (nombre d’animaux vivants
auxquels une femelle a donné naissance par an ou au cours de sa carrière). C’est une
caractéristique globale, qui dépend de :
> la fertilité ou aptitude à la reproduction. C’est l’aptitude d’une femelle à être fécondée.
Au niveau collectif, c’est le nombre de femelles fécondées pour cent femelles mises
à la reproduction. C’est un critère difficile à estimer chez les éleveurs, car les avor-
tements précoces passent inaperçus ;
> la prolificité ou nombre de produits nés vivants par mise bas. C’est un caractère génétique,
qui dépend de l’espèce et aussi de la race ;
> la précocité sexuelle ou âge à la puberté : six mois à un an chez les ovins et les caprins,
deux à quatre ans chez les bovins en régions chaudes. En raison de la facilité d’ob-
servation et d’enregistrement, on utilisera souvent, sur le terrain, le critère de l’âge
à la première mise bas comme indicateur de la précocité.
Les caractéristiques de reproduction dépendent beaucoup de l’alimentation et de
l’état sanitaire du troupeau : de mauvaises conditions retardent l’âge de la puberté,
diminuent la prolificité, entraînent de nombreux avortements, et donc contribuent à
abaisser la fécondité.
Les principaux paramètres de reproduction sont présentés dans les tableaux 4 et 5.
Ces performances de reproduction se combinent avec la viabilité pour déterminer la
productivité numérique, comme cela est présenté au tableau 4. La productivité numé-
rique considérée comme une aptitude biologique est surtout pertinente à la naissance
(il s’agit alors du taux de fécondité) ou au sevrage ; en effet, la productivité numérique
au sevrage combine la fertilité et la prolificité des mères avec la viabilité des produits
(avant leur sevrage). C’est donc un bon indicateur de productivité car, en général, peu
de prélèvements sont effectués par l’éleveur avant le sevrage des jeunes.
1257
6 L’élevage
1258
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
Tableau 6. Exemple schématique de trois cas très différents avec un même taux d’exploitation
Cas Effectif initial N Morts Ventes* Naissances EN* Effectif final Nf Croît RN
I 100 -7 - 10 + 20 10 103 +3 + 13
II 100 - 15 - 10 + 15 10 90 - 10 0
III 100 -5 - 10 + 25 10 110 + 10 + 20
* Ventes annuelles et donc exploitations numériques constantes.
EN = taux d’exploitation numérique – RN = rendement numérique.
Le cas I correspond à une situation «normale» avec une exploitation moyenne (10%), un croît modéré (+ 3%) et un rendement
numérique moyen (+13).
Le cas II est celui d’un troupeau dont l’effectif baisse, où l’éleveur maintient un taux d’exploitation de 10 % malgré un croît négatif
(- 10%) et un rendement numérique nul.
Le cas III illustre un troupeau en expansion, avec une exploitation moyenne (10 %), un croît élevé (+ 10 %) et un rendement numérique
fort (+ 20).
1259
6 L’élevage
● L’analyse socio-économique
● Un objet complexe
L’élevage constitue un objet d’étude original et complexe. Un certain nombre de
caractéristiques doivent être considérées dans l’analyse économique des systèmes
d’élevage :
> la place interactive de l’élevage entre le pôle humain, le pôle animal et le pôle res-
sources ;
> les fonctions multiples du cheptel : capital productif de biens et services comme le
lait, le fumier, le combustible, le travail, la laine ou les poils ; forme d’épargne ou
d’accumulation ; élément indispensable pour certains événements familiaux (dots,
funérailles, sacrifices, abattages rituels, etc.) ; dotation pour le démarrage des acti-
vités des jeunes ; occupation d’espaces impropres à l’agriculture ; création ou main-
tien d’emploi ; gestion du risque ; enfin obtention de viande, de cuir ou de peaux
après abattage ;
> la forte valorisation des produits et des sous-produits au sein de l’exploitation et du
ménage (apport nutritionnel, énergie pour la cuisson, fumure, force de traction) ;
> la périodicité des productions et la gestion du risque à différentes échelles de temps
et d’espace (cycles réguliers ou non, prévus ou imprévus, à pas de temps variés :
sécheresse, maladies, lactation, calendrier agraire) ;
> la valorisation des ressources : ressources végétales spontanées ou cultivées, res-
sources communes (terre, eau), ressources dérivées d’autres productions (résidus
de culture) ou du ménage (déchets de cuisine) ;
> la multiplicité des intervenants : dans de nombreuses sociétés rurales, la traite est
une opération attribuée à un membre particulier de la famille, alors que l’alimen-
tation est bien souvent gérée indifféremment sur l’exploitation ; en Afrique subsa-
harienne, les femmes et les fils aînés peuvent hériter de têtes de bétail à l’intérieur
du troupeau ;
> la possibilité de création de valeur ajoutée à la ferme sans investissement important,
par la transformation en beurre ou en fromage par exemple. Dans certaines situa-
tions toutefois les produits laitiers sont moins valorisés sur le marché que le lait
frais.
Les productions connexes à un élevage, comme l’embouche pour les animaux de trait,
la traction pour les vaches laitières, la fumure dans les systèmes agropastoraux, peu-
vent s’avérer importantes dans des situations critiques afin d’éviter la décapitalisation,
mais aussi en participant au maintien d’un équilibre naturel fragile.
Il faut noter que l’utilisation de la fumure organique est principalement réservée au
système agropastoral intégré. Cette utilisation se fait soit par la mise en place d’enclos
fixe, puis recueil des excréments, soit par «parcage» des animaux sur les champs.
Dans un contexte de cherté des engrais chimiques ou d’infertilité croissante des sols,
la fumure organique peut être l’objet d’âpres négociations et donc entrer dans un cir-
cuit marchand.
1260
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
1261
6 L’élevage
Tableau 7. Quelques ensembles permettant de classer les indicateurs et les analyses à effectuer pour réaliser un
diagnostic économique des systèmes d’élevage
Esembles à analyser Indicateurs – Outils d’analyse et de diagnostic
Mode de Coutumes, règles, stratégies sociales et pratiques collectives: accès aux ressources communes
fonctionnement et type d’organisation de la production sur un territoire donné ;
Fonctions assignées à l’élevage et produits attendus et prélevés ;
Nature et hiérarchisation des flux d’animaux et de leurs produits ;
Modes de collecte, d’utilisation, de valorisation, de transformation, de stockage, de transport,
de commercialisation des produits animaux; périodicité de prélèvement ;
Degré d’intégration des activités d’élevage et de culture (culture attelée, valorisation de la fumure,
utilisation des sous-produits de récolte, concurrence pour l’utilisation des ressources etc.).
Approche quantitative Productivité en viande ou lait: kilos de viande ou litres de lait par animal, par hectare, par travailleur ;
des performances Traction animale : surface travaillée par heure selon les différents travaux (labour, semis)
animales et végétales et l’attelage ou nombre de jours de travail dans la saison (animaux, temps mis à contribution)
associées Fumure : type de fumure (fumier, poudrette, lisier), surface fumée, niveau d’apport ;
accroissement des rendements agricoles lié aux apports organiques évalué au prix du marché des
produits agricoles obtenus; estimation des économies d’achat d’engrais chimiques.
Viabilité du système Couverture des besoins du ménage en termes nutritionnels et monétaires ;
Points de blocage Goulet d’étranglement au niveau des ressources (terre, eau), du capital (cheptel, matériel, crédit)
etpossibilités de ou du travail pendant une période de l’année; forme de contournement de ces facteurs limitants
reproduction pour maintenir ou accroître la production ;
Formation des revenus du paysan soit directement (viande, lait) soit indirectement (travail et service)
Bilan économique: valeur ajoutée brute et nette, valeur ajoutée par animal et par hectare des surfaces
consacrées aux animaux, marge totale, trésorerie, revenus, etc.
Rôle ou mode d’utilisation de l’épargne dégagée des produits de la vente avec fructification ;
Evaluation des atouts et contraintes du système d’élevage, identification des pratiques mises en œuvre
pour pallier les contraintes, marges de progrès, capacité du système à se reproduire ;
Contribution du cheptel à la capitalisation de l’exploitation sur le long terme.
Environnement Degré d’enclavement ou d’isolement ;
économique Relations (formes de contrat ou de coordination) entre producteurs, acheteurs, collecteurs,
transformateurs, fournisseurs de services (vétérinaire, banquier) ou de biens (aliments bétail) ;
Présence et rôle d’organisations de producteurs dans l’approvisionnement en intrants et la
commercialisation des productions ;
Existence d’une concurrence proche ou lointaine, avec ou sans subvention, qui déstabilise ou modifie
les conditions du marché local ;
Politique de protection ou non du marché intérieur (tarification douanière, forme de discrimination
des produits) ;
Tendance de prix sur les marchés locaux, régionaux ou internationaux.
1262
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
Les performances économiques d’un élevage sont en pratique évaluées par une esti-
mation de la valeur ajoutée (VA), au niveau de l’exploitation et au niveau de l’atelier
élevage envisagé (lait, embouche, traction).
La valeur ajoutée globale d’exploitation permet une approche économique de l’en-
semble de l’activité agricole de l’exploitation. Elle intègre tous les produits liés aux
activités d’élevage ou de culture, et les variations d’inventaires de la campagne. Les
produits liés à l’élevage sont très variés et l’évaluation monétaire des produits est déli-
cate quand ces biens ou services ne sont pas échangés sur des marchés, ce qui est fré-
quemment le cas dans les pays en développement. Il est alors nécessaire de trouver un
équivalent monétaire qui peut être la valeur des biens échangés sur le marché qui
remplissent un rôle similaire (la fumure peut être évaluée au prix des éléments NPK
des engrais chimiques proposés sur le marché), à l’accroissement des produits liés à
l’utilisation des intrants d’origine animale (valeur au prix du marché de l’accroisse-
ment de production des céréales lié au recours à la traction animale ou à la fumure
d’origine animale). De l’ensemble des produits sont déduites les consommations inter-
médiaires supportées par l’exploitation.
À la différence de la valeur ajoutée de l’exploitation, la valeur ajoutée d’un élevage
permet une approche de l’atelier de production et de ses relations avec la conduite du
troupeau. En gestion agricole, la valeur ajoutée brute d’un atelier d’élevage (VA) sur
un exercice t s’écrit : VAt = Pt - CIt - AMt.
La production de l’activité, Pt, se compose des ventes nettes des animaux de l’atelier
auxquelles s’ajoutent :
> les ventes nettes de produits animaux effectuées pendant l’exercice ;
> les prélèvements pour la famille ou la rémunération en nature de salariés ;
> les cessions internes positives (c’est-à-dire les productions animales cédées à une
autre activité de l’exploitation comme la fumure cédée à la culture des céréales)
> la variation de stock (stock final - stock initial) ;
> tous les produits anne xes associés à cette activité.
Les consommations intermédiaires de l’activité (CIt) et les amortissements (AMt) sont
détaillés dans le tableau 8. Les cessions internes telles que les matières reçues par l’ate-
lier animal de référence sont valorisées au prix du marché (sous-produits de culture
venus d’une autre activité et cédés à l’activité d’élevage considérée). Les frais fixes
(notamment d’équipement) associés à 100 % à cette activité sont incorporés au niveau
du calcul de la valeur ajoutée nette par le retrait de la valeur correspondant à leur
amortissement et à leur entretien.
Pour certaines exploitations, il est parfois extrêmement difficile d’avoir accès aux
informations détaillées qui permettent d’attribuer des produits et des charges à une
étape de la construction des valeurs ajoutées. Généralement les difficultés liées au cal-
cul de la valeur ajoutée brute d’un atelier sont de deux ordres :
> une forte imbrication des différents ateliers d’élevage dans une exploitation ; dès
lors la VA d’une activité est très dépendante des VA des autres activités ;
> une place ou une fonction du cheptel vif comme capital productif et/ou produit.
1263
6 L’élevage
Les variations de la valeur du cheptel entre le début et la fin de l’exercice sont comp-
tées dans la production de l’atelier ou de l’exploitation (y compris dans les situations
où le bétail perd de la valeur au cours de sa présence sur la ferme : cas d’une vache
laitière ou d’un bœuf de travail ; cette valeur perdue sera déduite de la valeur de la
production de l’atelier). Dans le cas d’un atelier où les animaux ne sont pas produits
par l’exploitation, un calcul d’amortissement se justifie. Le résultat en terme de valeur
ajoutée nette sera identique. Le choix de la méthode de calcul dépend surtout du
mode d’exploitation du troupeau par l’éleveur.
La valeur ajoutée nette est très sensible aux effets de structure, à la technicité du chef
d’exploitation, à la qualité et la quantité des facteurs de production. Il est donc par-
fois difficile d’interpréter la valeur ajoutée nette (VAN) de façon pertinente.
La dernière étape d’un calcul économique à l’échelle de l’exploitation est le calcul du
revenu. Le revenu est obtenu en déduisant de la VAN les montants correspondant aux
charges communes aux différents ateliers (amortissement et entretien des bâti-
ments/matériels non spécifiques), à la rémunération des facteurs de production non
possédés par l’agriculteur (location de terre ou fermage, frais financiers), à la rému-
nération de la main-d’œuvre extérieure et éventuellement aux impôts dont doit s’ac-
quitter l’exploitant. Il permet d’approcher la marge de manœuvre de l’exploitant
pour faire face aux besoins essentiels de sa famille, mais aussi assurer le renouvelle-
ment et la pérennité de son appareil de production.
La VAN et le revenu sont ensuite analysés en référence aux moyens mobilisés pour
produire, à la taille de l’exploitation (valorisation de la main d’œuvre active, couver-
ture des besoins nutritionnels de la famille) mais aussi en référence au mode de
conduite (coût de l’alimentation achetée, autonomie de l’exploitation en matière de
stocks, valorisation du foncier par rapport aux cultures, etc.). Le développement
d’une production animale dépend de la rentabilité socioéconomique de l’activité par
rapport aux autres opportunités dans la zone. Dès lors le choix du ratio pour expri-
mer un indicateur de performance (VAN par unité) dépend de la situation de l’ex-
ploitation c’est-à-dire de ses facteurs limitants propres. On réalise ainsi le calcul :
> à la vache présente, s’il s’agit d’un éleveur ayant une installation fixe qu’il ne peut pas
modifier, voire une quantité fixe de travail à consacrer au troupeau ;
> à l’hectare de surface fourragère, si l’éleveur a une forte contrainte foncière ou si le ter-
roir est saturé ;
> à l’unité de main-d’œuvre mobilisée, pour les petites exploitations familiales. On peut
être amené à se focaliser sur certaines périodes où sont cumulées activités agricoles
et d’élevage ;
> par rapport au capital disponible, lorsque peu de crédits sont disponibles dans la zone,
si le cheptel est cher, etc.
> à l’unité de produit (kilo de lait ou de viande).
1264
Le diagnostic des systèmes d’élevage 6 1
Tableau 8. Récapitulatif des éléments de calcul pour un atelier de production animale et une exploitation agricole
1265
6 L’élevage
Bibliographie
Cahiers de la recherche-développement, CIRAD, numéros spéciaux « Relations agriculture-élevage »
n°7, 1985 et n° 9-10, 1986.
DELGADO C. et al., 1999. L’élevage d’ici 2020 : la prochaine révolution alimentaire. IFPRI, FAO, ILRI, 82 p.
DFID, N RI, 1999. Decisions tools for sustainable development. The University of Greenwich. 267 p.
LHOSTE PH., 1986. L’association agriculture-élevage : évolution du système agropastoral au Sine-
Saloum, Sénégal. Thèse INA-PG, Paris. Maisons-Alfort, France, Etudes et synthèses de l’IEMVT, 21,
314 p.
LHOSTE PH., DOLLÉ V., ROUSSEAU J., SOLTNER D., 1993. Zootechnie des régions chaudes : les systèmes
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ROELEVELD A.C.W., VAN DEN BROEK A. (Eds), 1996. Focusing livestock systems research. Royal Tropical
Institute, The Netherlands, 151 p.
STEINFELD H. and MAKI-HOKKONEN, 1995. A classification of livestock production systems. World Animal
Review, 84/85 1995 / 3-4, 83-94.
1266
6 2 Le diagnostic des systèmes
d’alimentation
À partir des contributions de D. Bastianelli (CIRAD),
V. Blanfort (CIRAD), H. Guerin (CIRAD)1, J. Huguenin (CIRAD),
A. Ickowicz (CIRAD), H.D. Klein (CIRAD), P. Lecomte (CIRAD),
P. Lhoste (CIRAD), G. Rippstein (CIRAD)
1267
6 L’élevage
ruminants. Leur importance relative, leur mode de gestion, leurs interactions avec le
milieu et avec les autres composantes des systèmes de production sont les éléments de
description du système fourrager.
On peut ainsi distinguer les élevages sur parcours utilisant plusieurs types de res-
sources sur des espaces ouverts, souvent gérés collectivement dénommés ici systèmes
agro-sylvo-pastoraux et les élevages sur prairies, le plus souvent cultivées et clôturées,
qualifiés de systèmes prairiaux ou herbagers. Dans le cas des ruminants, les SPAI inter-
viennent principalement pour la complémentation du système fourrager ; dans les sys-
tèmes les plus intensifs, ils peuvent toutefois participer à un véritable rationnement et
constituer alors jusqu’à 50 à 60 % des rations ingérées en stabulation. En revanche, les
rations des monogastriques sont composées quasi exclusivement de SPAI.
Les démarches de diagnostic proposées ici ont pour objectif la gestion des systèmes ali-
mentaires. Il est donc essentiel qu’elles soient appliquées à des échelles correspondant
à des unités de gestion et des centres de décision qu’il convient d’identifier.
• surpâturage des plantes herbacées des bas-fonds, •appétit non satisfait : quête permanente •déplacement des animaux
des graminées pérennes d’aliment durant le temps de séjour au • déstockage d’urgence (lié
•surbroutage de certaines espèces ligneuses pâturage aussi aux besoins monétaires)
ou élagages abusifs •pica • acquisition d’aliments de survie
•épuisement des stocks de fourrage de réserve •état corporel des animaux : variations
en saison sèche suivant calendrier fourrager et saisons
entraînant des effets sur la mortalité (des
jeunes en particulier), sur l’état sanitair e
et sur les productions (croissance, lait,
travail)
1 Sur la base du calendrier d’utilisation des ressources par le cheptel.
VÉGÉTAL ANIMAL
Quantité Qualité Besoins globaux liés Besoins spécifiques
Evaluation des biomasses Valeur alimentaire à la charge globale par types d’animaux
I - Estimation des productions I - D’après la connaissance I - Charge globale en UBT I - Suivant la répartition
et évaluation de l’accessibilité : des catégories de fourrage en distinguant au minimum du cheptel par espèces,
– surfaces cultivées en céréales, et – animaux sédentaires/ catégories, classes d’âge
en légumineuses, etc. – pour les herbes, d’après stabulés et d’après les productions
– jachères, leurs dominantes – transhumants/mobiles (reproduction, lait,
– pâturages naturels de plateaux, botaniques (graminées, embouche, travail)
de bas-fonds, légumineuses…)
• par cartographie des unités – pour les ligneux, les
topographiques et de végétation, proportions des espèces
• par estimation des surfaces
et des rendements, en distinguant
herbes et ligneux.
II - Analyse des pratiques de récolte II - Pour chaque groupe : II- Variations II - Suivant les variations
et de stockage et évaluation des – appétibilité saisonnières saisonnières des besoins
quantités de fourrage récoltées : – valeur énergétique des effectifs individuels de chaque groupe
herbes (en vert, en foin), pailles de – valeur azotée
céréales, fanes de légumineuses, – valeur minérale
rameaux de ligneux, gousses
III - Analyse des exportations de III - Variations saisonnières
fourrage : fanes, gousses, pailles, etc. de ces critères
IV - Description du calendrier fourrager
● Le diagnostic systémique
Il comprend deux éléments : l’analyse structurelle du cheptel et des ressources ; et
l’analyse du fonctionnement du système d’alimentation.
1269
6 L’élevage
● L’analyse structurelle
Ce premier niveau d’analyse s’intéresse aux effectifs et à la structure du troupeau,
ainsi qu’à la répartition spatiale et saisonnière des principaux types d’aliments. Il
permet de déterminer les principaux paramètres de pression animale sur le milieu et
sur les ressources : surface disponible par unité de bétail, biomasse végétale moyenne
théoriquement disponible par unité de bétail. Ces paramètres comparés à des réfé-
rences régionales ou issues de régions agro-climatiques équivalentes, permettent de
caractériser sommairement la tension sur les ressources. De même, l’évaluation des
sous produits d’une agro-industrie ou d’une production agricole destinée à l’élevage
permet d’estimer le potentiel de complémentation. Ces indicateurs n’ont pas de por-
tée opérationnelle : ils permettent seulement de situer les éléments du système d’ali-
mentation dont il sera nécessaire de diagnostiquer le fonctionnement.
1270
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
> l’accumulation au sein des exploitations se réalise sur un pas de temps pluriannuel,
rythmé par les évolutions climatiques. Les dynamiques démographiques et fon-
cières influent sur de nombreux éléments des systèmes d’alimentation et évoluent
sur le même pas de temps, abordable par des enquêtes sur les trajectoires d’évolu-
tion des exploitations, qui permettent également de caractériser les dynamiques
d’intensification ou d’extensification.
Ces démarches de diagnostic peuvent utilement faire appel aux systèmes d’informa-
tion géographique (SIG).
2 Le nomadisme est ici distingué de la transhumance par le caractère plus aléatoire des déplacements. Le transhumant a
un calendrier et des itinéraires réguliers déterminés par les cycles de disponibilité des ressources sur des territoires pré-
déterminés. Il peut y conduire d’autres activités, notamment agricoles, sur des terrains pour lesquels il détient un droit
d’usage stable. Le nomade décide de ses déplacements en fonction des opportunités de pâturage, ses activités annexes sont
soumises à l’accueil des populations sédentaires.
1271
6 L’élevage
● Le pays
À l’échelle d’un pays, on peut distinguer des espaces sylvo-pastoraux à dominante éle-
vage, des régions agricoles irriguées ou non, des zones urbanisées. Les indicateurs qui
permettent de décrire ces grands ensembles sont d’ordre climatique (pluviosité, durée
de saison sèche), topographique (altitude), édaphique (nature et fertilité du sol),
démographique (densités humaines et animales), de risque sanitaire, etc. Il est utile de
caractériser les gradients au niveau régional pour adapter les recommandations. Ces
ensembles de quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres de rayon permet-
tent de caractériser des équilibres interrégionaux. Ils servent aussi de base à des géné-
ralisations ou des transferts de références obtenues à d’autres échelles. Un système
d’élevage peut utiliser un seul de ces ensembles ou plusieurs s’il pratique une trans-
humance ou un nomadisme de grande amplitude.
● La région
L’unité régionale agro-éco-climatique, est le niveau correspondant :
> soit à un ensemble homogène de ressources exploitées par un ou plusieurs sys-
tèmes d’élevage : par exemple un ensemble de terroirs agro-sylvo-pastoraux dont
les ressources en eau et en fourrages sont suffisamment abondantes et constantes
pour que le cheptel y soit maintenu à longueur d’année ;
> soit à la juxtaposition de plusieurs ensembles territoriaux distincts participant à
l’alimentation d’un ou plusieurs systèmes d’élevage : c’est le cas dans les régions de
front pionnier agricole, dans les régions d’élevage centrées sur des systèmes irri-
gués ou de décrue, sur les axes de transhumance correspondant à des gradients
pluviométriques ou encore en zone montagneuse où les gradients altitudinaux
déterminent les déplacements d’une partie des troupeaux ainsi que les types d’éle-
vage (espèces, niveau d’intensification).
Les dimensions de ces ensembles peuvent, comme la zonation nationale, être de
quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres mais elles se distinguent des
premières par le fait qu’elles représentent des unités d’exploitation ou de gestion de
groupes humains homogènes ou organisés.
● Le terroir
Cette échelle détermine le calendrier fourrager d’un ensemble de troupeaux qui l’ex-
ploitent en permanence ou de façon saisonnière. C’est aussi à cette échelle que se
constitue la ration journalière du cheptel, somme de repas constitués sur les diffé-
rentes catégories de ressources. Tout comme à l’échelle régionale, le terroir est un lieu
de compétition entre surfaces cultivées, terres en jachères et parcours sylvo-pastoraux,
au détriment de ces derniers, jusqu’aux limites d’extension possible des surfaces cul-
tivées. Cette compétition concerne également l’utilisation agricole ou pastorale des
bas-fonds humides.
1272
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
● L’exploitation
L’échelle de l’exploitation ne correspond pas forcément à une unité de gestion des
animaux et il vaut mieux se référer à celle du troupeau qui peut regrouper les ani-
maux de plusieurs propriétaires. Elle bénéficie d’une homogénéité de gestion même
si certains groupes d’animaux (de traction, en lactation, en embouche, jeunes etc.) font
l’objet d’une alimentation particulière. Quand l’exploitation agricole coïncide avec
l’unité de gestion du cheptel, il est possible de réserver au troupeau tout ou partie de
la production fourragère issue des activités agricoles. L’échelle de gestion des res-
sources fourragères est alors le parcellaire de l’exploitation : utilisation des résidus de
récolte des produits vivriers, petites soles fourragères.
1273
6 L’élevage
● Au niveau du terroir
La nécessité d’organiser la gestion des ressources fourragères s’accentue lorsque la
pression foncière devient plus contraignante. Elle est parfois traditionnelle comme
dans certains villages du Fouta Djallon en Guinée, où le terroir est divisé en deux par-
ties alternativement cultivées ou en jachère pâturée. Certains projets ont parfois sus-
cité des décisions collectives de mise en défens de parcours de bas-fonds menacés de
dégradation (au Sénégal oriental par exemple), des règles d’accueil des transhumants,
etc.
Les réformes administratives pour décentraliser au niveau des autorités locales la
réglementation foncière et le développement des groupements d’éleveurs devraient
faciliter la responsabilisation et la concertation entre acteurs sur l’accès au pâturage, la
gestion des résidus de culture, etc. Ces mesures et le suivi de leur impact peuvent être
facilitées par un diagnostic préalable du système fourrager à l’échelle du terroir.
1274
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
1275
6 L’élevage
Conclusion
Le tableau suivant résume les principales échelles du diagnostic et les types de propositions corres-
pondantes.
exploitation pâturage réservé des résidus de récolte pour le troupeau de l’exploitation exploitant agro-éleveur
stockage des résidus de récolte
cultures fourragères
aménagement agroforestier
terroir calendrier de pâturage gestion collective
mises en défens des ressources
organisation de jachères
accueil transhumant
gestion des points d’abreuvement
au niveau régional hydraulique pastorale administration
mesures sanitaires et organisation
appui à l’organisation des marchés à bétail de producteurs
> des systèmes extensifs à base de parcours naturels, généralement clôturés en périphé-
rie pour délimiter la propriété et sans division interne (exemple : la pampa en
Argentine).
● La composition floristique
La composition floristique est un indicateur d’évolution qui intègre les pratiques des
éleveurs et les conditions écologiques. Ses variations s’observent sur un pas de temps
annuel et permettent d’apprécier la dynamique des ressources fourragères (pérennité
du pâturage). C’est une donnée qui tient compte de la présence et de l’abondance
relative des espèces, et elle obtenue par la combinaison de l’approche phytosociolo-
gique et de l’approche agro-écologique.
1277
6 L’élevage
1278
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
Ce biovolume (exprimé par exemple en m 3 par vache) traduit, par des mesures com-
modes, la quantité d’herbe sur pied d’avance. C’est un indicateur pratique de la
conduite du pâturage, dans le sens où la quantité disponible par animal fluctue en
fonction du taux d’utilisation de la biomasse.
Cet indicateur, complémentaire de la notion de charge animale, permet d’apprécier
quantitativement l’équilibre entre la demande en fourrage du troupeau et l’offre de
l’ensemble des parcelles. L’ajustement de l’offre à la demande passe ensuite par des
décisions d’ajout ou de retrait de parcelle de la surface en pâturage, lorsque les seuils
de déséquilibre au niveau parcellaire sont atteints. Cela permet d’éviter de se retrou-
ver en situation d’excès ou de pénurie d’herbe. Ces indicateurs permettent également
de piloter la fertilisation en fonction des besoins en herbe et la distribution d’une com-
plémentation.
L’analyse minérale d’un échantillon représentatif de la biomasse aérienne constitue un
outil efficace de diagnostic de la fertilité à l’échelle de la parcelle. Il permet également
de piloter la fertilisation en fonction d’objectifs de production d’herbe quantitatifs et
qualitatifs. Le niveau de fertilisation (azotée en particulier) est, en effet, le facteur
essentiel de la quantité de biomasse produite ; il permet de régulariser la production
d’herbe sur des saisons contrastées.
1279
6 L’élevage
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Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
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6 L’élevage
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Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
RAISONNER LA COMPLÉMENTATION
Complémenter ou supplémenter3 les animaux consiste à leur fournir un apport ali-
mentaire qui améliore quantitativement ou qualitativement une ration de base consti-
tuée généralement de fourrages.
1283
6 L’élevage
● L’analyse de la complémentation
Cette analyse mobilise des informations concernant le cheptel, les ressources du sys-
tème fourrager et leur mode d’utilisation, les stocks ou l’approvisionnement en ali-
ments complémentaires, leur efficacité technique et économique.
Le diagnostic peut porter sur une pratique paysanne, sur une innovation diffusée par
le développement ou sur un projet à valider ex ante. Dans les trois cas, le diagnostic
doit prendre en compte les ressources fourragères qui constituent la ration de base,
les aliments de complément accessibles, les modalités d’utilisation de ces aliments, les
objectifs zootechniques et leur réalisation, ainsi que le calcul économique.
L’objectif zootechnique se situe entre la contrainte observée et sa levée complète (par
exemple : mortalité des veaux sous la mère, inaptitude au travail) ou entre le niveau
de performance actuel et le potentiel génétique de l’animal (par exemple : le gain quo-
tidien moyen, la production laitière). L’impact zootechnique de la complémentation
doit donc être examiné par rapport à des résultats attendus :
> à court terme, dans le cas de l’exploitation programmée d’animaux pour la viande.
Dans ce cas l’évaluation technico-économique de la complémentation s’appuie sur
le coût des aliments de compléments, le travail supplémentaire, la valeur des pro-
duits animaux supplémentaires ou sauvegardés ;
> à moyen terme, par exemple dans le cadre du raisonnement pluriannuel de la crois-
sance (engraissement d’animaux destinés à la boucherie). Dans les régions à saison
sèche marquée, la croissance des animaux est irrégulière. Certaines pratiques de
complémentation visent à compenser la faible qualité des fourrages en saison sèche.
Le gain de poids supplémentaire, en général significatif en fin de saison sèche, s’es-
tompe voire s’annule dès la saison des pluies suivante. En effet, la croissance com-
pensatrice, qui apparaît lorsque les conditions alimentaires de la ration fourragère
de base s’améliorent, est nettement plus forte pour les animaux qui n’ont pas ou
peu été complémentés en période sèche.
> à long terme, dans le cadre, par exemple, de la gestion de la carrière de reproduc-
tion des femelles. En région tropicale, la carence en phosphore des fourrages est
quasi systématique : les besoins des femelles en cet élément pour la gestation et la
lactation sont importants et concurrents. Elles puisent donc dans leur squelette
pour assurer la croissance du fœtus et surtout du jeune allaité. Après quelques
cycles, les naissances s’espacent, les jeunes sont plus fragiles, les femelles elles-
mêmes sont atteintes de troubles de la locomotion, ce qui compromet leur aptitude
au travail. L’efficacité de la complémentation par le phosphore doit dans ce cas être
examinée à l’échelle de la carrière des femelles et donc sur le long terme.
Les contraintes et les objectifs zootechniques étant définis, le diagnostic doit porter sur
la ration fourragère de base ingérée au pâturage ou sur parcours. Ce diagnostic est
celui du système fourrager. Il doit préciser les déficits quantitatifs et qualitatifs à com-
bler pour atteindre les objectifs zootechniques et les marges de progrès dans l’utilisa-
tion des fourrages et autres aliments accessibles.
1284
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
Tableau 4. Teneurs en matières azotées totales des fourrages disponibles en saison sèche
FOURRAGE MATIÈRESAZOTÉESTOTALES
EN G/KGDEMATIÈRESÈCHE
pailles sur pied des parcours naturels et des jachères à dominance de graminées 30-50
pailles sur pied des parcours naturels et des jachères à dominance de légumineuses 60-90
repousses de graminées pérennes 60-150
pailles de céréales 30-40
feuilles de céréales 40-60
fanes de légumineuses 90-120
folioles de légumineuses 100-130
feuilles et fruits des ligneux fourragers 80-200
Le diagnostic doit alors établir le profit qui est fait de cette diversité et le progrès qui
peut être attendu d’une meilleure gestion des ressources intégrant par exemple la
mise en réserve des aliments les plus riches pour quelques animaux cibles (gousses
d’acacia pour les femelles laitières par exemple), la conduite du troupeau sur des
zones de parcours portant les ressources les plus nobles (exploitation par des camelins
de parcours éloignés de légumineuses au Sahel), le stockage de fanes de légumineuses
et le pâturage raisonné des bas-fonds.
Ces solutions mobilisent du travail supplémentaire, de l’organisation, assez souvent de
la trésorerie : achat de fanes de légumineuses, droit de pacage, etc. L’achat de sous-
produits agro-industriels (SPAI) ou artisanaux ne sera envisagé qu’après avoir épuisé
les solutions qui ne demandent que du travail et de l’organisation. Le diagnostic doit
alors porter sur leur disponibilité effective à l’échelle de l’exploitation, en général en
faible quantité, ou sur le marché des aliments du bétail.
Le choix des animaux bénéficiaires est bien sûr d’autant plus ciblé que la disponibilité
en SPAI est faible ; leur coût élevé conduit à les réserver aux animaux susceptibles de
générer un profit à court terme (femelles laitières, moutons de Tabaski, bovins à l’en-
grais ou de traction). Il faut alors évaluer la disponibilité effective aux périodes d’uti-
lisation prévues, l’organisation, la sécurisation et le coût des approvisionnements, les
possibilités de stockage, la qualité de ces produits. La valeur nutritive est très variable,
elle peut aller du simple au double, et les effets zootechniques varient en conséquence.
1285
6 L’élevage
Tableau 5. Variabilité de la valeur nutritive de quelques sous-produits agro-industriels utilisés pour la complémen-
tation et gains de productivité potentiels (compléments distribués à raison de 5 à 10 % des rations)
1286
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
4 Stabulation vient du mot étable et veut dire à l’origine : « mise à l’étable » ; par extension l’entretien à l’écurie des équi-
dés ou en bergerie des ovins relève de la même logique et peut être envisagé sous le terme générique de stabulation.
5 Spécialisation pour le lait ou pour l’embouche, par exemple.
6 Des animaux non stabulés ne sont cependant pas nécessairement en divagation : ils peuvent être gardiennés (c’est-à-dire
au pâturage sous surveillance), au piquet (c’est-à-dire attachés sur des zones ouvertes de pâturage) ou dans des parcelles
clôturées.
1287
6 L’élevage
Elle permet aussi, selon l’équipement, de protéger plus ou moins bien les animaux des
intempéries : pluie, vent, soleil, chaleu, etc
L’alimentation peut également être mieux contrôlée, soit individuellement si les ani-
maux sont entravés, soit collectivement en stabulation libre. Les animaux dépensent
également moins d’énergie pour leurs déplacements et la valorisation de la ration7 est
meilleure, car les refus et le gaspillage sont moindres qu’au pâturage. Globalement la
stabulation permet donc de mieux maîtriser et contrôler l’alimentation distribuée et la
consommation des animaux, en fonction des objectifs de production de l’éleveur.
Elle permet aussi, en principe, une meilleure valorisation des déchets d’élevage8, avec
la fabrication de fumier, de lisier, de compost, de biogaz, etc. Enfin, la stabulation per-
met un contrôle et un suivi des animaux beaucoup plus faciles et plus stricts, qu’il
s’agisse des soins, de la reproduction, de la traite, etc. Elle s’inscrit donc dans une
logique d’amélioration de la production animale.
7 Formulé autrement, on peut dire que le système d’alimentation en stabulation améliore le «coefficient d’utilisation» des
ressources.
8 En cas de forte concentration d’élevages intensifs, ces effluents peuvent occasionner des problèmes de pollution, comme
sur l’île de la Réunion.
9 D’où l’intérêt des systèmes mixtes évoqués ci-dessus, où des vaches laitières peuvent par exemple prendre l’essentiel de
leur ration de base de jour au pâturage et être stabulées du soir au matin pour la traite, les soins et une éventuelle com-
plémentation alimentaire. Ce type de raisonnement peut s’appliquer également à des animaux de trait qui peuvent être
mis au piquet ou au pâturage le jour, lorsqu’ils ne travaillent pas, et stabulés la nuit.
10 Au Sud Bénin, la vente à des horticulteurs du fumier produit grâce à l’installation d’une aire de nuit bétonnée peut
rapporter aux éleveurs bovins (troupeau mixte de race locale produisant viande et lait) un produit brut du même ordre
de grandeur que celui de la viande commercialisée.
1288
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
11 C’est ainsi que les éléments encombrants, tels que les fourrages, sont souvent produits sur place dans une exploitation
mixte, et donc plus économiques que les aliments concentrés, mais dans certaines situations urbaines ou péri-urbaines, les
rapports de prix peuvent se modifier fortement.
1289
6 L’élevage
● L’organisation du diagnostic
Comme déjà évoqué deux situations peuvent se présenter :
> en stabulation permanente, il est possible de contrôler l’ensemble de l’alimentation dis-
tribuée à chaque individu ou à un groupe d’animaux ;
> en système mixte, avec des périodes alternées de pâturage et de stabulation, il est pos-
sible de bien contrôler la part de la ration distribuée à l’auge, mais ce n’est pas le
cas du prélèvement sur le pâturage pour lequel les méthodes évoquées plus haut
sont pertinentes.
La ration alimentaire distribuée doit être abordée du point de vue qualitatif et quan-
titatif, nutritionnel et économique :
> diversité et qualité de chaque aliment utilisé dans le rationnement ;
> valeur alimentaire et coût 12 de ces différents constituants de la ration ;
> quantités distribuées/consommées : il s’agit d’une démarche plus spécifique à la stabula-
tion qui consiste à estimer les quantités consommées à partir de la mesure des quan-
tités distribuées diminuées des «refus». Deux problèmes principaux se posent pour
déterminer ces quantités consommées et la qualité de l’ingéré : l’estimation des
quantités consommées individuellement est facile en stabulation entravée mais plus
complexe en stabulation libre, car la moyenne n’est pas pertinente si les animaux
n’ont pas le même poids et si des comportements dominants se traduisent par des
consommations individuelles plus fortes de certains individus. L’autre difficulté est
relative à la qualité des refus, qui peut être différente de celle de l’aliment distribué
car les animaux sont susceptibles de faire des tris13. Il est souhaitable de limiter à 10
ou 20 % les refus sur un fourrage grossier distribué (paille ou foin par exemple).
Ces refus ne sont pas complètement des pertes pour deux raisons : d’abord les ani-
maux ont peut-être utilisé le plus appétent et le plus énergétique ; ensuite les refus,
incorporés à la litière, contribuent à la fabrication de fumier.
Les conditions de distribution de ces rations sont aussi des éléments à examiner atten-
tivement :
> le nombre, les dimensions, la nature et la qualité des mangeoires et des râteliers
doivent non seulement permettre à tous les animaux d’un lot de consommer dans
de bonnes conditions d’ingestion et de bien-être, sans compétition entre eux, mais
ils doivent également limiter le gaspillage. Les équipements doivent être adaptés au
format des animaux et au type d’aliment utilisé14.
> les conditions et les modes de distribution des aliments sont également étudiés :
horaires, rythme, conditions hygiéniques (état de conservation des aliments, qualité
de l’eau), etc.
12 Dans ce type d’estimation, il faut être attentif au fait qu’un aliment produit sur l’exploitation a aussi un coût ; en effet,
plutôt que de produire, transporter, stocker et utiliser un fourrage, l’éleveur aurait parfois la possibilité de le vendre (s’il
existe un marché local pour ces fourrages) ou de produire autre chose (coût d’opportunité).
13 Un e xemple est celui des résidus de culture (fanes de légumineuses ou pailles de céréales) pour lesquels les animaux,
s’ils le peuvent, choisissent préférentiellement certains éléments comme les feuilles au détriment des tiges.
14 On doit être particulièrement attentif à disposer d’équipements adaptés pour des aliments particuliers, comme les ali-
ments concentrés pulvérulents (farines) ou liquides (mélasse).
1290
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
15 On conseille par exemple d’éviter un excès d’humidité au sol grâce à un paillage, à un bon drainage des aires expo-
sées à la pluie, etc. On recommande aussi des planchers surélevés ou des caillebotis pour les chèvres ; de beaux exemples
de constructions traditionnelles adaptées peuvent être observés au Sénégal.
1291
6 L’élevage
● Des indicateurs-clé
Il est possible de résumer un certain nombre d’indicateurs-clés par niveau d’observa-
tion :
> individu : état corporel, état sanitaire, performances et niveau de production ;
> atelier : installations, espace, abreuvement, mangeoires, râteliers, effluents, valorisa-
tion des déjections ;
> lot d’animaux : objectifs, comportement, compétition, bien-être ;
> exploitation : bilan fourrager pour l’ensemble des ateliers, stocks fourragers (quan-
tité, qualité), approvisionnement et stockage des aliments achetés.
Pour l’éleveur, l’important est que la stabulation s’intègre dans son système de pro-
duction, lui permettant d’atteindre ses objectifs de production animale, soit en com-
binaison avec d’autres modes d’entretien, soit en stabulation permanente. Il est donc
amené à raisonner ses choix de production et d’équipement d’élevage en fonction de
ses capacités de production de fourrage et d’approvisionnement en aliments.
16 C’est ici qu’au-delà des niveaux individuels et de lot, on retrouve le niveau exploitation, notamment pour mettre en
cohérence les différents besoins de fourrages de l’exploitation.
17 Cet aspect amont (approvisionnement en aliments) est important et doit être maîtrisé ; en effet, certains échecs (d’em-
bouche bovine par exemple) ont pu être attribués à un manque de maîtrise de l’approvisionnement en aliments. Il est
essentiel d’avoir des alternatives en cas de rupture de stock ; ainsi, si certains SPAI (sons de céréales ou tourteaux par
exemple) manquent, il faut trouver une solution de remplacement comme l’achat de céréales ou de fourrage.
1292
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
sait qu’il offre des ressources intéressantes. Les porcs ont plus de facilité à s’alimenter
seuls car ils peuvent valoriser une gamme d’aliment plus étendue. Mais leur divaga-
tion pose d’autres problèmes (sanitaires, de dégâts…) qui la rend peu recomman-
dable.
Dans le cas particulier de l’élevage porcin, on peut proposer aux animaux une ali-
mentation pondéreuse mais peu nutritive ou déséquilibrée (son de céréales, aliments
fibreux ou riches en eau, etc.) et procéder à une complémentation dont le principe est
le même que chez les ruminants. À partir d’une estimation des besoins des animaux
et des apports par la «ration de base», on déduit la composition et la quantité d’ali-
ment complémentaire à fournir. Dans les faits, les systèmes d’alimentation utilisant ce
principe partent souvent d’une évaluation empirique des besoins et apports. La com-
plémentation se limite donc à la fourniture d’une quantité de complément, en géné-
ral issu de l’exploitation (son de riz, épluchures de racines et tubercules), parfois asso-
cié à un aliment acheté (tourteau par exemple).
La grande majorité des systèmes d’alimentation des espèces non herbivores se pra-
tique toutefois «hors sol» et sur la base d’aliments concentrés. Ces systèmes sont plus
efficaces car ils permettent de coller de très près aux besoins des animaux et d’exté-
rioriser leur potentiel. Il y a une grande variété de modalités d’application de ces sys-
tèmes. Nous allons en détailler les aspects les plus importants, d’une part parce que ce
sont les systèmes qui se développent le plus dans le monde actuellement, et d’autre
part parce que les éléments de raisonnement ou de fonctionnement qu’ils mettent en
œuvre permettent également d’améliorer des systèmes moins intensifs.
Le système d’alimentation intensif étant défini par l’aliment lui-même, nous allons
considérer les différents aspects de sa fabrication : aspects techniques, mais également
économiques et industriels, puisque cette activité peut se faire à différentes échelles
(éleveur, artisan, industrie). Une constante de ce type d’élevage est l’utilisation d’ani-
maux à fort potentiel génétique de production, forcément exigeants pour leur ali-
mentation.
1293
6 L’élevage
1294
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
Dans cette optique, plusieurs stratégies complémentaires peuvent être mises en œuvre :
> considérer comme des matières premières différentes des produits ayant une ori-
gine géographique distincte (maïs importé/maïs local…) ou issus de technologies
différentes (son de moulin artisanal/industriel…) ;
> ne pas se fier à une donnée de composition unique ou à une seule table, mais com-
parer les sources d’information disponibles ;
> contrôler, lorsque cela est possible, la composition exacte des matières premières, et
en premier lieu leur humidité qui est souvent le premier facteur de variation de la
composition. Cette information doit être sauvegardée pour affiner les connais-
sances au fil du temps ;
> ne pas utiliser en trop grande quantité les matières premières les plus variables, afin
qu’une erreur d’estimation de leur valeur ait des conséquences limitées.
1295
6 L’élevage
1296
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
● Le contrôle de la qualité
La constance de la qualité des aliments nécessite un contrôle fréquent des matières
premières utilisées et des produits. Ce contrôle permet de s’assurer de la pertinence
des valeurs de la table de composition utilisée, et au besoin de les rectifier. Les risques
du défaut de qualité sont évidents (moindre performance des animaux, donc perte de
confiance des éleveurs) mais la sur-qualité (valeurs réelles supérieures aux valeurs
annoncées) doit également être évitée car elle a un coût. Enfin, l’aliment étant bien
souvent le premier facteur incriminé lors de problèmes d’élevage, le contrôle peut être
un argument pour montrer objectivement la qualité des produits. Certains paramètres
comme la matière sèche peuvent parfois être mesurés directement par le fabricant,
mais généralement les analyses chimiques (protéines, matières grasses, fibres…) sont
réalisées dans un laboratoire extérieur dont la plus grande taille permet des écono-
mies d’échelle.
Certains contrats de fourniture de premix incluent des analyses non payantes, ce qui
permet de faire réaliser ces mesures dans un grand laboratoire, avec une bonne fiabi-
lité des résultats. Si on ne bénéficie pas de ce type d’avantage, on peut se reporter sur
un laboratoire local ou international. Les critères de choix portent essentiellement sur
la fiabilité des résultats et sur les délais demandés. Le prix peut être considéré comme
secondaire : si l’on considère qu’en moyenne une analyse permettant de calculer la
valeur alimentaire coûte l’équivalent de 200 kg (analyse de base) à 500 kg (analyse
complète) d’aliment, on voit que réaliser une mesure toutes les 200 tonnes d’aliment
ne revient qu’à 0,1 % du prix du produit, coût qui peut être compensé par les écono-
mies issues d’une meilleure formulation, sans compter l’aspect assurance et l’argument
commercial que constitue cette surveillance.
1297
6 L’élevage
Toutefois, les matériels utilisés par un éleveur sont différents de ceux utilisés par une
industrie. La répartition du marché entre ces différents modes de production se fait
selon le contexte local (accès aux matières premières, présence d’industriels), et selon
l’élevage concerné : s’il est relativement aisé de fabriquer à la ferme un aliment pour
les porcs ou pour un élevage modeste de poules pondeuses, il est plus difficile d’obte-
nir un aliment satisfaisant pour des poulets de chair ou de jeunes porcelets.
● La fabrication artisanale
Les formules doivent être réactualisées périodiquement pour tenir compte de l’évolu-
tion des matières premières ou de leur prix. Ce travail de formulation peut être effec-
tué par le fabricant lui-même s’il dispose des outils et du savoir-faire nécessaires, ou
par un fournisseur de services (souvent les fournisseurs de pré-mélanges minéraux et
vitaminiques assurent ce service gratuitement).
L’approvisionnement se fait en quantités plus importantes et le stockage doit être
convenablement organisé. Un ou plusieurs broyeurs préparent les matières pre-
mières. Le mélange, le conditionnement et le stockage ne sont pas des opérations dif-
ficiles à gérer mais nécessitent de l’attention.
Le contrôle de la qualité des produits peut rarement être réalisé par le fabricant lui-
même et il est bien souvent négligé. Il s’agit pourtant d’un outil de «pilotage» de l’ac-
tivité qui permet d’améliorer la qualité de ses produits et sert également d’argument
commercial vis-à-vis des clients.
● La fabrication industrielle
Les principes sont les mêmes. L’approvisionnement en grande quantité est parfois dif-
ficile mais peut permettre d’accéder à des prix plus avantageux ou à une qualité plus
stable. L’équipement industriel est plus important et le broyage est parfois suivi de la
granulation pour certaines productions, ce qui donne un avantage comparatif. Les
capacités et la gestion du stockage sont primordiales.
La précision de la formulation est augmentée par le nombre plus important de for-
mules à mettre en œuvre : un industriel travaille forcément sur plusieurs types d’ali-
ments et doit donc optimiser l’achat et l’emploi des matières premières d’une façon
beaucoup plus fine. Fabriquant également de l’aliment pour des animaux sensibles
(jeune), il doit bien connaître les matières premières. La sanction d’une erreur n’est
pour lui pas technique mais économique. Il doit donc pouvoir surveiller (laboratoire
interne ou externe) et garantir la qualité de ses produits.
1298
Le diagnostic des systèmes d’alimentation 6 2
● Le problème du stockage
À toute échelle de production, il faut pouvoir stocker des matières premières ou de
l’aliment pour assurer aux animaux un approvisionnement régulier. La stratégie
adoptée est le fruit de deux tendances contradictoires :
> stocker beaucoup pour réduire les soucis d’approvisionnement et être assuré d’une
disponibilité constante, de prix d’achat plus avantageux, etc;
> stocker moins pour diminuer les contraintes et le coût du stockage et l’immobilisa-
tion financière qui en résulte.
L’équilibre entre ces deux tendances est propre à chaque opérateur. Toutefois les
modalités techniques du stockage restent un problème :
> les matières premières et aliments attirent rongeurs et insectes contre lesquels il
faut lutter. Cette lutte peut se faire par la nature des installations, par l’emploi de
répulsifs chimiques ou produits de traitement, qui ne doivent pas être nocifs pour
les animaux ;
> la conservation de certaines matières premières est difficile : une teneur en eau éle-
vée favorise la prolifération de moisissures qui, outre la diminution de la valeur ali-
mentaire des matières premières, peuvent produire des toxines très dangereuses
pour l’animal et même le consommateur (aflatoxine, zéaralénone, etc.). Une forte
teneur en matières grasses peut également poser des problèmes de rancissement
(son de riz, tourteaux artisanaux…), qui limitent la valeur alimentaire et l’appé-
tence des produits. Les matières grasses favorisent également la prolifération des
moisissures.
Il n’y a pas de solution miracle à la question du stockage. En climat très difficile
(chaud, humide), il faut un lieu de stockage bien ventilé, un roulement assez rapide et
des produits sains à l’origine (le moins humide possible). Pour des matières premières
particulières, l’addition d’insecticides, d’antioxydants ou d’antifongiques peut devenir
nécessaire. Dans des climats un peu moins défavorables, il faut veiller aux variations
de températures : une élévation de température pendant la journée et un refroidisse-
ment la nuit peuvent provoquer une forte condensation et favoriser les moisissures.
Un local thermiquement bien isolé mais également bien ventilé est souhaitable. Les
matières premières sensibles (tourteaux riches en huile, farines animales, sons gras,
etc.) doivent être surveillées et éventuellement traitées. Les traitements préventifs sont
toujours plus efficaces que les traitements curatifs.
1299
6 L’élevage
Chez les volailles, le poulet de chair en règle générale ne doit pas être rationné quan-
titativement. Au contraire, tout est mis en œuvre pour le faire consommer au maxi-
mum : éclairage nocturne, aliment concentré et si possible granulé. On effectue
parfois un rationnement avant et pendant les heures les plus chaudes de la journée
pour aider l’animal à lutter contre la chaleur et éviter ainsi la mortalité liée aux coups
de chaleur, mais il ne s’agit pas de limiter sa consommation globale.
En revanche, chez la poule pondeuse, on cherche à apporter à l’animal exactement ce
qu’il lui faut d’aliment pour ses besoins d’entretien et de production. Toute quantité
supplémentaire serait une perte économique, et nuirait même à la production
(engraissement des volailles). La quantité à apporter dépend de la souche, du climat,
de la production, et bien entendu de la concentration en nutriments du régime. En
élevage au sol, le rationnement permet également de faire en sorte que les animaux
vident les mangeoires (et donc d’éviter l’accumulation d’aliment délaissé par les ani-
maux).
1300
6 3 Les produits animaux
À partir d’une contribution de B. Faye (CIRAD)
1301
6 L’élevage
● L’inspection ante-mortem
En principe, tout animal doit être soumis avant l’abattage à un examen clinique
rapide mais systématique afin de vérifier :
> le comportement et l’état général ;
> l’état des muqueuses et des phanères ;
> l’état des grandes fonctions : respiration, rythme cardiaque, appareil digestif, appa-
reil uro-génital, mamelles ;
> éventuellement la situation en regard des mesures prophylactiques (vaccinations).
Les animaux atteints de maladies infectieuses appartenant au groupe des maladies
réputées légalement contagieuses doivent être abattus séparément des autres
bestiaux, en principe dans un local spécifique (abattoir sanitaire). En règle générale,
il n’est pas possible de refuser un animal à l’abattoir mais, en cas de besoin, l’abattage
peut être différé sur avis explicite du vétérinaire inspecteur.
1302
Les produits animaux 6 3
Il est très important de former et d’informer le personnel d’abattoir sur les maladies
transmissibles à l’homme.
1303
6 L’élevage
Avant la saignée, les animaux peuvent être étourdis par différentes méthodes élec-
triques ou mécaniques. Mais dans la plupart des pays du Sud, les abattages rituels
demeurent prépondérants. L’égorgement rituel est généralement confié à des per-
sonnes expérimentées munies d’instruments efficaces. Dans le cas d’abattages particu-
liers ou dans des tueries de village, les règles d’hygiène à l’abattage sont rarement res-
pectées. Pourtant quelques règles de base simples peuvent être suggérées :
> les animaux à abattre doivent être propres ;
> éviter l’usage abusif de l’eau au cours du dépeçage de l’animal pour limiter les
sources de contamination surtout dans les pays chauds ;
> éviter la contamination des carcasses par les éléments du secteur souillé (déjections,
peau, souillures de toute sorte) ;
> éviter les manœuvres contraires à l’hygiène : l’essuyage des carcasses avec des chif-
fons humides, le contact direct entre la viande et le sol, l’utilisation d’instruments
non nettoyés ;
> veiller à ce qu’aucun matériel inutile n’encombre les locaux de travail.
● L’inspection post-mortem
L’inspection après l’abattage doit se faire dès que la carcasse est prête. Elle permet
d’écarter les viandes impropres à la consommation en éliminant, en totalité ou en par-
tie, des carcasses ou des abats qui pourraient nuire à la santé des consommateurs et
des manipulateurs. Cette inspection s’appuie en pratique sur un examen macrosco-
pique permettant d’identifier les lésions caractéristiques de certaines maladies
infectieuses (lésions tuberculeuses etc.) ou parasitaires (douve du foie, larves de ténia
ou d’échinocoques, etc.).
La technique générale consiste à examiner successivement :
> le sang (couleur, aptitude à la coagulation) ;
> la tête avec l’ensemble des organes, notamment la langue, site privilégié des larves
de ténia ;
> l’ensemble poumon-cœur (identification des lésions pulmonaires et cardiaques) et
les ganglions afférents ;
> le diaphragme (présence de péritonite) ;
> le foie et la vésicule biliaire ;
> le tractus gastro-intestinal et les ganglions lymphatiques afférents ;
> la rate, la plèvre et le péritoine ;
> les organes génitaux ;
> la mamelle et ses ganglions lymphatiques ;
> la région ombilicale et les articulations chez les jeunes ;
> les surfaces de fente de la colonne vertébrale, du sternum et du plancher du bassin.
1304
Les produits animaux 6 3
Des précautions particulières doivent être prises pour les abattages d’urgence. Des
examens complémentaires faisant appel au laboratoire peuvent être proposés par le
vétérinaire inspecteur (recherche de bactéries pathogènes, de xénobiotiques, d’hor-
mones, d’antibiotiques, de certains parasites). Une carcasse propre à la consommation
est en principe estampillée. Toute viande ou abat saisi peut être séquestré (en atten-
dant les résultats d’analyses complémentaires), dénaturé (traitement ultérieur dans
des centres d’équarrissage) ou détruit (viande présentant un danger pour l’homme).
Après l’abattage, la préparation de la carcasse et l’inspection vétérinaire, les carcasses
sont placées en chambre froide (entre 5 et 10°C) pour subir une période de ressuage
de 24 à 48 h rendant la viande plus tendre. Les principes de la réfrigération sont les
suivants : elle doit s’appliquer à des produits sains, être précoce (deux heures au maxi-
mum après l’abattage) et continue jusqu’à la consommation. Dans beaucoup de pays
du Sud, l’inexistence de chaîne du froid implique un raccourcissement de la chaîne
abattage-commercialisation-consommation. Il est fréquent dans ces conditions qu’un
animal abattu tôt le matin soit mis sur le marché dans la journée et consommé dans
les heures qui suivent.
1305
6 L’élevage
● Le devenir du lait
Il existe de nombreuses formes de produits laitiers, mais globalement les types de pro-
duits obtenus relèvent de processus biologiques communs (cf. figure 2). En Afrique, le
lait est souvent consommé sous forme acidifiée ou caillée afin d’en faciliter la conser-
vation dans un contexte où la chaîne du froid est rarement disponible. Dans ce cas, le
beurre et le babeurre sont directement obtenus à partir du lait acidifié et non à partir
de la crème. Après clarification (par chauffage), le beurre est transformé en huile de
beurre, appelée ghee. Quant au babeurre, après coagulation, il peut être transformé
en fromage maigre et en lactosérum.
Le lait caillé s’obtient par fermentation naturelle (il est appelé leben en Afrique du
Nord ou dahi en Inde). Après égouttage et séchage, il prend une consistance de fro-
mage qui peut se conserver plusieurs jours (par exemple le hayb en Ethiopie). En
Afrique, il existe également des fromages traditionnels fabriqués à partir de la fer-
mentation provoquée du lait par de la présure de chevreau ou de cabri (par exemple
le tchoukou, le fromage des touaregs), voire par des produits coagulants naturels
comme le latex de Calotropis procera (Tchad, Cameroun, Bénin).
1306
Les produits animaux 6 3
● L’hygiène du lait
Produire un lait et des produits laitiers transformés susceptibles de se conserver et
indemnes d’agents pathogènes ou toxiques implique de respecter de quelques règles
simples lors de la collecte à la ferme ou au campement :
> se laver soigneusement les mains à l’eau et au savon ;
> laver voire désinfecter le récipient destiné à la collecte (préférer un récipient métal-
lique ou en plastique facilement nettoyable à la calebasse traditionnelle ou au
panier à traire) ;
> nettoyer les trayons des femelles laitières ;
> chez les vaches, attacher la queue car le toupet peut contaminer le lait lors de la
traite (les autres espèces laitières ont le plus souvent une queue courte) ;
> attacher les membres postérieurs de l’animal qui a tendance à bouger et attacher le
veau à la mère pour l’empêcher de perturber la traite et rassurer la femelle.
Compte tenu de la faiblesse des quantités produites et des difficultés d’accès, la collecte
par camion réfrigéré est rare. Mais des collecteurs utilisent souvent des bidons métal-
liques ou plastiques pour acheminer le lait soit en deux-roues, soit en voiture dans des
centres de collecte où il est réfrigéré. Dans ce type de transport, le lait est à tempéra-
ture ambiante, mais plusieurs modes de conservation sont possibles.
Traditionnellement, le lait peut être fumé ou bouilli avant transport, mais le lavage soi-
gné ou la désinfection des récipients de transport, le filtrage du lait collecté avant son
transfert dans les récipients de collecte, la protection des bidons par un couvercle her-
métique sont autant de pratiques relativement simples qui peuvent diminuer les
risques de contamination. L’activation de la lactoperoxydase par 0,25 mM de thyocya-
nate et 0,25 mM de peroxyde d’oxygène par litre de lait permet de prolonger la
conservation pendant plusieurs heures à température ambiante.
Dans la laiterie, les technologies utilisables pour la conservation du lait sont :
> la pasteurisation basse (chauffage de 30 min. à 63-65°C) ou haute (15 sec. à 72°C).
À noter que les phosphatases habituellement utilisées comme marqueurs de la pas-
teurisation ne sont pas inactivées à ces températures dans le lait de chamelle.
D’autres marqueurs comme la Gamma Glutamyl Transferase sont utilisables ;
> la stérilisation qui consiste à chauffer le lait à 110-120°C pendant 15 à 30 min. ou à
135-140°C pendant 2 à 4 secondes (lait UHT) ;
> la transformation en lait concentré sucré ou non ;
> la transformation en lait en poudre.
À l’arrivée dans la laiterie, le lait est contrôlé par des tests simples (bleu de méthylène,
résazurine).
1307
6 L’élevage
Le matériel de laiterie doit être désinfecté quotidiennement par des produits adaptés
(soude, ammonium,…) et le personnel doit porter des vêtements de travail réservés à
cet usage.
Compte tenu de ce qui précède les risques de contamination du lait prévalent depuis
la collecte jusqu’à la transformation. À la ferme, le risque est d’abord hygiénique :
> contamination fécale (E. coli, Salmonella, Clostridium) lors de la traite (mains du
trayeur, queue de l’animal) ;
> contamination par les germes de l’environnement (Listeria, Pseudomonas, enterobac-
téries, moisissures) quand le lait est laissé à l’air libre au cours de la traite ;
> multiplication des bactéries dans le matériel de traite (E. coli) si le nettoyage du
matériel est défectueux ;
> contamination par la flore pathogène du lait (Staphylococcus aureus, Streptococcus sp.,
Listeria sp., Brucella sp., bacille tuberculeux) due aux animaux porteurs sains, aux
laits de mammites ou à des contaminations humaines (NB : l’infection mammaire
ou mammite est la principale maladie des animaux laitiers) ;
> contamination par des résidus chimiques ou médicamenteux, due à un non-respect
des temps d’attente des spécialités vétérinaires.
Mais le risque peut aussi être commercial :
> lipolyse et rancissement du lait cru dus à des transferts répétés d’un récipient à
l’autre ;
> protéolyse due à la collecte trop importante de laits de mammites ;
> inhibition de la fermentation lactique liée aux laits contenant des résidus d’antibio-
tiques.
Pendant le transport, des délais d’acheminement trop longs et une température trop
élevée favorisent la multiplication des bactéries. Le mauvais nettoyage des bidons et
un séchage insuffisant des matériels favorisent leur contamination et la transmission
au produit transporté. La multiplication des manipulations augmente les risques de
contamination par des germes fécaux. L’utilisation d’eau non bouillie pour le rinçage
des ustensiles favorise certains germes de l’environnement comme les leptospires. Des
délais de conservation trop long (supérieurs à trois jours) et des températures de
conservation supérieures à 4°C provoquent le développement d’une flore psychro-
trophe (germes capables de se développer à basse température), agent de la protéo-
lyse. L’absence de tank réfrigéré est favorable à la multiplication de la flore coliforme.
Dans la laiterie, des risques de contamination croisée sont relevés lorsque les tests de
mesure de la qualité bactériologique ne sont pas réalisés systématiquement. Des recon-
taminations par les germes de l’environnement sont possibles lorsque l’ensacheuse
n’est pas hermétique.
Chez le consommateur, les risques de toxi-infection alimentaire sont plus fréquents en
cas de consommation de lait cru ou en présence de toxines dans le lait.
1308
Les produits animaux 6 3
● Le sang
La consommation du sang est souvent interdite ou réservée à des usages rituels. Il
existe cependant quelques préparations culinaires intégrant le sang des animaux
égorgés. Par ailleurs, les populations pastorales de la Corne de l’Afrique ont coutume
de consommer le sang frais prélevé sur des animaux vivants par saignée déplétive.
Le sang représente surtout un sous-produit d’abattoir. Il subit alors divers traitements
pour pouvoir le conserver ou le préparer à divers usages (alimentation animale, phar-
macie, engrais, agroalimentaire). Pour éviter la coagulation du sang, celui-ci est défi-
briné par battage. Il peut aussi être additionné d’anticoagulants minéraux. Il est
stocké sous forme réfrigérée, congelée ou liquide. Les traitements subis sont l’hydro-
lyse, la séparation du plasma, la déshydratation pour l’obtention de poudres.
1309
6 L’élevage
● Les œufs
Les œufs les plus consommés au monde sont les œufs de poule, mais la quasi-totalité
des œufs d’oiseaux sont comestibles. Il est possible de trouver sur les marchés des pays
du Sud, des œufs de cane, de pintade, de caille, voire d’autruche. L’œuf est un aliment
très riche par sa composition protéique qui inclut de nombreux acides aminés essen-
tiels. Pondu par un volatile sain, l’œuf ne contient pas de germes pathogènes. Il est
donc indispensable de maintenir cet état bactériologique sain le plus longtemps pos-
sible par l’intégrité de la coquille et la limitation des manipulations. Les risques de
contamination augmentent avec l’âge de l’œuf, car la coquille n’est pas étanche.
Pour déterminer l’ancienneté de l’œuf, on peut pratiquer une mesure de densité
(l’œuf frais coule dans une solution saline alors qu’après quelques jours il flotte) ou le
mirer (observation au travers d’une source de lumière) : l’œuf apparaît transparent s’il
est frais, plus ou moins rouge s’il vieillit ou s’il est fécondé. La taille de la chambre à
air augmente avec l’âge : moins de 4 mm de hauteur dans les œufs extra-frais, 6 mm
chez les œufs frais et au-delà dans les œufs de plus de six jours.
Les œufs fêlés, cassés, souillés représentent une part non négligeable de la production.
Ils sont une source de contamination fréquente ; la salmonellose est le risque le plus
commun et sans doute le plus grave.
Pour assurer l’intégrité de la coquille et conserver les œufs, plusieurs procédés ont été
imaginés : immersion des œufs dans du lait de chaux ou un mélange de silicate de
soude et de silicate de potasse, stockage en atmosphère réfrigérée (de - 2°C à - 1°C)
enrichie en gaz carbonique. La conservation des œufs sans coquille (ovoproduits)
nécessite une technologie industrielle (casserie) permettant de traiter les blancs et les
jaunes séparément ou les deux simultanément. Les produits terminaux sont soit des
liquides réfrigérés (appelés coule fraîche), soit des ovoproduits congelés, soit des ovo-
produits en poudre. Ces produits sont généralement utilisés dans l’industrie agroali-
mentaire (biscuiterie, pâtisserie, pâtes alimentaires). Ces pratiques industrielles sont
peu fréquentes dans les pays du Sud.
1310
Les produits animaux 6 3
La gelée royale
C’est un aliment concentré très riche en protéines (30 %), destiné à l’alimentation des
reines dans la ruche. Il se conserve pendant 6 mois à la température de + 4°C.
La cire
Elle ne présente pas de contrainte de conservation. La plus grande partie de la pro-
duction africaine est exportée.
L’hydromel
C’est une boisson fermentée fabriquée à partir du miel, appréciée dans plusieurs pays
africains. En Ethiopie, il en existe deux sortes : le berz (non alcoolisé) et le tedj qui titre
environ 10° et dont la fermentation est acquise par l’addition d’une plante (le guesho).
Du fait de l’apport d’eau, l’hydromel est un produit transformé de conservation déli-
cate. Il faut veiller particulièrement à la qualité de l’eau utilisée.
● La laine
La laine est le poil de différents animaux : majoritairement mouton, mais aussi chèvre
(races Angora ou Mohair, Kashmir), petits camélidés (alpaga, vigogne et lama) et
grands camélidés (dromadaire et chameau). Dans les zones tropicales, les races ovines
sont faiblement lainées ou possèdent une toison de qualité médiocre. Il existe
quelques races réputées (mouton du Menz en Ethiopie par exemple), mais leur qua-
lité lainière reste inférieure aux races européennes. En maints endroits, des projets de
croisement avec des races amélioratrices comme le mérinos ont permis de répondre à
la demande artisanale locale. À partir de la toison issue de la tonte, la laine subit un
certain nombre de traitements pour la rendre propre à l’usage textile :
> lavage répété à l’eau froide pour débarrasser la toison des impuretés et du suint
(plus de 30 % des impuretés) ;
> triage des mèches en fonction de leur qualité (dépendante de leur emplacement sur
la peau) ;
> cardage ou peignage (ce sont deux techniques différentes) pour isoler les fibres les
unes des autres ;
> filage pour obtenir un fil non coloré («laine de pays») ou teint ;
> foulage ou foulonnage à l’eau chaude pour la fabrication de feutre.
La qualité du produit dépend essentiellement des caractéristiques de finesse et de lon-
gueur des brins (cf. tableau 3). Cependant la propreté de la laine est également un
atout pour sa qualité. Sur le plan hygiénique, la laine en tant que produit inerte (la
kératine n’est pas un bon support microbiologique) ne présente pas de danger, sauf si
elle véhicule des impuretés à caractère pathogène comme les spores charbonneuses
(cf. le charbon respiratoire due à l’inhalation des Bacillus anthracis chez les cardeurs de
laine).
1311
6 L’élevage
Parmi les fibres animales, les fibres de laine de camélidés se rapprochent du cachemire
par la finesse des brins, mais elles sont moins bien filables que la laine de mouton, car
beaucoup plus lisses. Parmi les petits camélidés, la production lainière de l’alpaga est
la plus importante et la plus recherchée pour la longueur de ses brins.
1312
6 4 L’élevage et l’environnement
À partir d’une contribution de F. Besse (CIRAD)
et de B. Toutain (CIRAD)
➤ Figure 1 : Accroissement de la demande mondiale en produits alimentaires entre 1990 et 2020. Source IFPRI
1313
6 L’élevage
1314
L’élevage et l’environnement 6 4
> la dégradation des terres par le surpâturage dans les régions sub-arides. On constate les
méfaits du surpâturage sur la végétation et le sol en Afrique tropicale (Sahel,
Afrique australe), en Afrique du Nord (Maghreb), au Moyen-Orient, dans les par-
ties sèches de la péninsule indienne, en Asie centrale ;
> la déforestation : Amérique tropicale humide (Amérique centrale, Amazonie) ;
> la pollution des sols et de l’eau par les excès de nutriments résultant de l’épandage des
déchets animaux. Cela touche certaines régions localisées de l’Amérique du Nord,
de l’Europe occidentale, de l’Asie tempérée (Chine, Japon, Corée) et de l’Asie du
Sud-Est.
● Le sol
Les animaux interviennent physiquement sur le sol par le piétinement, et chimique-
ment par leurs déjections. Les effets indirects proviennent des modifications du cou-
vert végétal par le pâturage, de l’emploi d’engrais pour la culture de fourrages ou
d’aliments, de l’emploi de minéraux lourds en complément alimentaire qui se trou-
vent finalement incorporés au sol avec les lisiers. Les risques de dégradation ou, au
contraire, les avantages écologiques concernent :
> les caractéristiques physiques : ce sont la dégradation de la structure du sol, la baisse de
stabilité structurale, le tassement superficiel (diminution de la porosité et de la
vitesse d’infiltration de l’eau), l’érosion éolienne et hydrique ;
> les caractéristiques chimiques : le pH, la capacité d’échange des cations, le taux de satu-
ration du complexe, les teneurs en éléments minéraux tels que l’azote, le phos-
phore, le calcium, les oligo-éléments et les minéraux lourds ;
> les propriétés hydriques et la capacité de rétention en eau, liées à l’état de la structure, à la
teneur en matière organique et aux conditions de drainage ;
> l’activité biologique, elle-même liée à la teneur organique et aux autres propriétés du
sol. L’activité de la microflore et de la macrofaune du sol, généralement favorisée
par l’élevage des ruminants, participe aux processus biochimiques de minéralisa-
tion.
1315
6 L’élevage
● L’atmosphère
Elle est concernée par les émissions de gaz produits par l’élevage, essentiellement le
dioxyde de carbone, le méthane et l’oxyde d’azote. Ces émissions résultent de la res-
piration (CO 2) ou de la digestion (CH4) des animaux, de la combustion de la savane
ou de la forêt pour l’aménagement du pâturage (CO2), de la combustion d’énergie fos-
sile (CO2) pour la fabrication d’aliments et pour le transport, de la fermentation d’ef-
fluents d’élevage et de l’épandage d’engrais sur les prairies (N2O).
● La biodiversité
La dégradation de la végétation prend différentes formes :
> diminution du couvert végétal, avec des conséquences liées à l’exposition du sol au
soleil, à l’évaporation et à l’érosion ;
> appauvrissement floristique des peuplements végétaux et disparition d’espèces
rares ;
> expansion de plantes envahissantes.
Cette dégradation est une composante de la désertification dans les zones semi-arides.
Indirectement, la déforestation de certaines régions tropicales humides s’y rapporte
aussi.
En ce qui concerne la faune, les activités humaines comme l’élevage modifient les habi-
tats des animaux, vertébrés et invertébrés, et peuvent entraîner des changements de
leur comportement ou de leur capacité de reproduction. Il faut noter que la concur-
rence entre ruminants domestiques et sauvages est souvent moins forte qu’on ne le
croit généralement.
L’évolution de l’élevage et notamment son intensification met en péril l’existence de
certaines races locales et même de certaines espèces adaptées à des milieux particu-
liers.
1316
L’élevage et l’environnement 6 4
Tableau 1. Répartition de la production de viande dans le monde selon les différents systèmes de production
1317
6 L’élevage
1318
L’élevage et l’environnement 6 4
Mais cette forme d’élevage permet également une valorisation économique de vastes
espaces naturels et contribue à leur entretien et à leur sauvegarde, au même titre que
la foresterie. Le bétail permet certaines formes de gestion de la végétation herbacée,
qui contribuent parfois à la préservation de la biodiversité, tant de la flore que de la
faune. Elevage extensif et faune cohabitent généralement assez bien, même s’il existe
certains conflits liés à la prédation par les fauves, à la transmission de maladies, à la
compétition pour le fourrage, à la chasse etc.
Les orientations susceptibles de réduire les dégradations différent selon les systèmes
pastoraux.
● Systèmes pastoraux en milieux arides et semi-arides
> ne pas favoriser l’intensification des systèmes de production animale ;
> renforcer la mobilité (transhumance) et favoriser la flexibilité des systèmes pasto-
raux en développant les projets d’hydraulique pastorale, en favorisant l’usage et la
sélection des races locales adaptées, en améliorant les infrastructures (routes et
marchés) pour faciliter l’écoulement des produits, en régénérant les pâturages
(ménager des périodes de repos, sursemer des espèces fourragères) ;
> créer ou renforcer les institutions pastorales capables de gérer les ressources en
décentralisant les pouvoirs de décision, en renforçant les droits coutumiers des uti-
lisateurs des ressources, en appuyant les mécanismes de résolution des conflits ;
> concevoir des plans d’urgence en cas de sécheresse et mettre en place des disposi-
tifs de gestion des sécheresses ;
> développer des politiques incitatives pour l’exploitation durable des ressources en
instaurant éventuellement des droits d’accès payants aux ressources communes et
en recouvrant les coûts réels des services (eau, soins vétérinaires) ;
> développer la recherche en proposant des indicateurs de suivi des ressources, en
étudiant en profondeur les institutions pastorales, les motivations réelles des éle-
vages et les blocages.
● Systèmes pastoraux en milieu tropical sub-humide
Les orientations précédentes peuvent être complétées par les suivantes :
> impliquer les communautés dans la gestion des ressources cynégétiques et des aires
protégées ;
> choisir des méthodes écologiques de contrôle des vecteurs de maladies (mouches,
tiques) ;
> développer les cultures fourragères.
● Systèmes pastoraux en régions de forêts tropicales humides
> décourager la construction de routes ;
> établir des zones protégées ;
> fiscaliser les terres de pâturage pour décourager la déforestation ;
> encourager les élevages d’espèces animales non conventionnelles adaptées.
1319
6 L’élevage
1320
L’élevage et l’environnement 6 4
Cette situation aboutit à terme à la pollution des terres et des eaux par les déjections
et déchets de l’élevage. Cette situation se développe surtout pour les systèmes indus-
triels.
Voici quelques options environnementales proposées :
> introduire des mesures réduisant les excédents d’éléments minéraux dans les sols :
taxer les engrais chimiques, l’importation d’aliments pour animaux, créer des inci-
tations aux pratiques équilibrant les activités d’agriculture et d’élevage, instaurer
des quotas de fumier à épandre sur les terres agricoles ;
> améliorer les techniques de production, les formules d’aliments, les races animales,
développer les cultures fourragères associant graminées et légumineuses, associer
plusieurs espèces animales sur les pâturages ;
> réduire les causes de pollution en améliorant le stockage et la manipulation du
fumier.
L’augmentation de la pression démographique conduit dans certains cas à la diminu-
tion de la taille des exploitations agricoles et des disponibilités fourragères, au point
que l’équilibre apporté par l’élevage, tant environnemental qu’économique, disparaît.
Cette situation survient en particulier dans les zones d’altitude des régions tropicales.
1321
6 L’élevage
1322
L’élevage et l’environnement 6 4
1323
6 L’élevage
Bibliographie
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DE HAAN C., STEINFELD H., BLACKBURN H., 1997. Elevage et environnement. À la recherche d’un équilibre,
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Animal production and health paper N° 127. FAO, Rome.
STEINFELD H., DE HAAN C., BLACKBURN H., 1997. Interactions entre l’élevage et l’environnement.
Problématiques et propositions, 56 p. [Commission européenne, FAO et Secrétariat d’Etat à la
Coopération pour la version française].
1324
6 5 La gestion des animaux
et des troupeaux
À partir d’une contribution de D. Richard (CIRAD)
Zébu Gobra 1-2 ans GMQ sur l’année conduite traditionnelle sur parcours 200 - 300 g
complément alimentaire 350 - 500 g
apport en aliments complets équilibrés 700 - 900 g
Zébu Taux de fertilité conduite traditionnelle sur parcours 45 - 55 %
complément alimentaire 70 - 80 %
Ovins djallonké 0-6 mois Taux de mortalité conduite traditionnelle sur parcours 20 - 40 %
vaccination PPR anthelmintique 10 - 15 %
vaccination PPR anthelmintique; conduite
sur parcelle et complément alimentaire 2–5%
GMQ : gain moyen quotidien (voir chapitre 61)
1325
6 L’élevage
comme le montrent par exemple les recommandations en santé faites pour les petits
ruminants dans trois régions du Sénégal, où les actions médicales ont été différenciées
selon les principaux types d’élevage et les zones climatiques. À l’échelle d’une petite
région de production, les recommandations peuvent être ciblées de façon plus précise
sur des groupes d’éleveurs identifiés par les typologies, comme ce qui a été proposé
dans une communauté rurale du Sénégal avec des actions définies en fonction des
effectifs ovins et des objectifs des éleveurs. Il s’agit donc, après analyse des pratiques,
d’établir des conseils, propres à un type d’élevage, sur le mode de conduite et de ges-
tion du troupeau.
L’amélioration de la productivité des troupeaux doit correspondre à un objectif zoo-
technique clairement identifié résultant d’un diagnostic. Cet objectif peut être d’aug-
menter la productivité numérique (par une diminution de la mortalité ou une amé-
lioration des performances de reproduction), d’augmenter les performances de
croissance, de production laitière, etc. Plusieurs objectifs peuvent être associés, par
exemple une meilleure reproduction et une meilleure croissance des jeunes.
À chaque objectif de production doivent correspondre des propositions techniques
concernant la santé ou l’alimentation ou la génétique, etc.
Pour chaque aspect technique, il faut aussi considérer les facteurs socio-économiques :
évaluation du coût et du bénéfice pour le producteur, prise en compte des implica-
tions en termes d’organisation des marchés et d’appui éventuel à des organisations
d’éleveurs.
● La santé
Un animal doit être en bonne santé pour extérioriser ses performances. Toute mala-
die atteint l’intégrité de l’organisme et perturbe plus ou moins les capacités de pro-
duction.
Les maladies, généralement classées en trois grands types (infectieuses, parasitaires et
métaboliques), sont connues et le plus souvent bien analysées dans leurs causes et
manifestations. Elles peuvent être facilement identifiées, ce qui est le cas des maladies
infectieuses causées par un virus (peste des petits ruminants, peste porcine, etc.), une
bactérie (charbon bactéridien, etc.), de certaines maladies parasitaires (trypanoso-
moses, etc.), plus rarement des maladies métaboliques (à l’exception des carences
importantes en oligo-éléments).
Mais certaines affections peuvent être très difficiles à diagnostiquer, soit par un
manque de symptômes caractéristiques, soit par des causes multiples qui en se conju-
guant entraînent une pathologie difficile à attribuer à une cause précise. Les maladies
parasitaires sont souvent peu caractéristiques dans leur symptomatologie, entraînant
une dégradation de l’état général qui limite les performances de reproduction. Les
maladies respiratoires des petits ruminants sont souvent d’origine complexe, avec une
succession d’infections en elles-mêmes peu graves qui peuvent faire le lit d’une forme
pathologique plus importante lorsque l’état général de l’animal est diminué. Ces affec-
tions délicates à diagnostiquer doivent faire l’objet d’enquêtes qui prennent en compte
les pratiques des éleveurs, comme le mode de logement nocturne des caprins qui les
protège plus ou moins des effets du vent et du froid.
1326
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
Pour toutes ces maladies, savoir poser un bon diagnostic est nécessaire afin d’identi-
fier les moyens utiles avant d’intervenir sur un animal ou, dans le cas d’un foyer, de
prendre les mesures médicales et sanitaires adéquates.
Il existe bon nombre de moyens pour améliorer la santé des animaux. En régions
chaudes, la voie principale pour protéger les animaux est la prévention, du fait de la
capacité financière limitée des éleveurs. Les grandes campagnes de vaccination per-
mettent de protéger suffisamment d’animaux pour limiter les foyers et, à terme,
d’aboutir à éliminer la maladie comme cela a été le cas pour la peste bovine en Afrique
de l’Ouest. Ce sont principalement les maladies infectieuses qui font l’objet de cam-
pagnes de prophylaxie.
La prévention peut s’appliquer à d’autres maladies. L’utilisation d’insecticides et d’aca-
ricides peut protéger les animaux en limitant les populations d’insectes piqueurs, de
tiques et les risques de transmission. Dans certains cas, l’administration d’un médica-
ment peut parfois protéger les animaux de manière temporaire : certains éleveurs
font ainsi administrer des trypanocides lorsqu’ils conduisent leurs troupeaux au pâtu-
rage dans des zones qu’ils savent infestées de glossines et où le risque trypanosomien
est élevé.
Les autres moyens de lutter contre les affections sont d’ordre curatif. Il s’agit d’admi-
nistrer à l’animal malade un médicament qui va lutter contre l’agent responsable de
l’affection. C’est la principale voie de lutte contre les maladies parasitaires. C’est éga-
lement le cas pour un certain nombre de maladies infectieuses telles les mammites
dans les élevages laitiers intensifs, ou les inflammations et abcès des pieds chez les ani-
maux de trait. Au- delà du soin curatif et individuel, ce type d’intervention doit faire
l’objet d’une prévention par une amélioration de l’hygiène générale de la traite et du
logement et par des interventions telles que la taille des sabots. Cette prise en compte
de l’hygiène est de plus en plus souvent nécessaire.
Prévention et traitement curatif peuvent aller de pair comme cela se fait pour les para-
sitoses gastro-intestinales lorsque les animaux sont traités en début d’infestation, alors
qu’ils n’extériorisent pas de symptôme. L’objectif est de donner un médicament qui va
éliminer les nouveaux parasites et éviter le développement d’une pathologie. Il faut
alors bien choisir les époques de traitement pour être efficace.
● L’alimentation
Le respect des besoins énergétiques, azotés, minéraux et vitaminiques des animaux
permet d’obtenir des performances optimales. Ces besoins correspondent aux
dépenses physiologiques indispensables pour l’entretien et les productions (crois-
sance, engraissement, lait, travail).
La quantité et la qualité des aliments conditionnent en grande partie les productions
animales. Les aliments apportent, en effet, une part plus ou moins importante d’éner-
gie, de matières azotées et de minéraux nécessaires aux animaux. Selon l’importance
de ces apports, l’animal satisfait dans un premier temps ses besoins d’entretien et dans
un second temps ses besoins de production (lait, croissance, engraissement, force de
travail).
Quel que soit le mode de production, extensif ou intensif, il est nécessaire de raison-
ner soit les apports de la végétation naturelle avec ou sans complémentation, soit des
1327
6 L’élevage
➤ Figure 1 : Relations entre l’animal et les aliments, et correspondances entre besoins et apports
Les besoins correspondent aux dépenses faites par l’animal. Ils varient selon les pro-
ductions demandées par l’éleveur à ses animaux. Lorsqu’une brebis ou un animal de
trait est au repos, sans gagner ni perdre de poids, ce qui correspond à l’entretien, les
besoins sont minimaux. À l’opposé, au pic de lactation ou en période intensive de tra-
vail, ils sont maximaux. Ces variations sont évaluées par le niveau de production qui
est le rapport entre les besoins totaux et les besoins d’entretien.
Deux niveaux de besoins doivent donc être toujours distingués :
> les dépenses d’entretien, qui correspondent au fonctionnement métabolique minimal
pour maintenir l’organisme en état, c’est-à-dire à poids constant, que ce soit en sys-
tème extensif sur parcours ou en système intensif en stabulation. Cela comprend les
dépenses pour le métabolisme de base, pour la consommation et la digestion des
aliments et pour les déplacements ou la stabulation ;
> les dépenses de production qui correspondent à la production de lait pour une brebis
en lactation, à la synthèse des tissus du foetus lors de la gestation, à la croissance
musculaire chez les agneaux, aux dépôts de graisse chez les animaux adultes, au
travail fourni lors des travaux agricoles pour un bœuf ou un cheval.
Il y a donc des besoins d’entretien et de production, les seconds s’ajoutant aux pre-
miers. L’entretien est une fonction vitale pour l’animal. Si l’éleveur demande plus que
l’entretien, l’animal peut assurer cette production :
> soit par un surplus d’énergie, de matières azotées, etc. apporté par les aliments ;
> soit en utilisant ses réserves (graisses essentiellement) si les apports de la ration sont
insuffisants. Dans ce cas, l’animal maigrira, ce qui n’est pas recommandable sauf
stratégie particulière.
Dans les régions chaudes, la consommation de matière sèche peut être un des princi-
paux facteurs limitants de l’alimentation des ruminants. C’est un point essentiel de
l’alimentation souvent sous-estimé dans les zones méditerranéennes et tropicales.
1328
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
Les fourrages disponibles dans les régions intertropicales sont riches en parois ou
fibres du fait de leur nature et de leurs conditions de croissance (chaleur, humidité).
Ces fortes teneurs en constituants pariétaux (cellulose, hémicellulose, lignine) vont
limiter la consommation des animaux et en conséquence la production permise par
ces fourrages.
En zone tropicale, les insuffisances d’apports alimentaires sont fréquentes et condui-
sent parfois à des carences entraînant une pathologie. Les fourrages sont souvent
insuffisants en énergie, en azote et en phosphore.
● Le rationnement
Le rationnement consiste à établir des rations par calcul des quantités d’aliments de
valeurs nutritives connues (extraites de tables des aliments) qui permettent d’assurer
les besoins des animaux pour une production donnée, besoins connus à partir de
tableaux de recommandations. Le but est d’obtenir une ration équilibrée qui satisfasse
les besoins des animaux.
Le rationnement se fait en général à partir d’une ration de base, faite de fourrage ou
d’un aliment de lest, qui couvre l’entretien et un minimum de production. La ration
de base doit être complétée par un complément simple ou composé qui équilibre l’en-
semble de la ration par rapport aux besoins de l’animal. Avec deux aliments, le calcul
de la ration est simple. Au-delà de deux aliments, il faut fixer une quantité de l’un
d’eux ou de plusieurs, avant de calculer la composition du complément. Il existe
aujourd’hui des logiciels qui permettent de calculer les rations à partir d’un grand
nombre d’aliments. Toutefois, même avec ce type d’outil, il est indispensable de
connaître les bases du rationnement et de savoir raisonner les différents apports et les
différentes teneurs en énergie et en matières azotées des aliments.
Les calculs se font toujours pour l’énergie et les matières azotées. Il est alors vérifié si
l’animal peut consommer la quantité de matière sèche résultant des calculs. Les
apports en minéraux sont ensuite ajustés ; leur encombrement est faible et l’apport
supplémentaire en matière sèche pourra être consommé par l’animal.
Il est toujours plus facile de faire les calculs de ration par rapport à la matière sèche.
En fin de calcul, les quantités d’aliments sont calculées par rapport aux poids bruts qui
seront distribués dans la réalité.
À partir des besoins calculés pour l’énergie et l’azote, il peut être utile de calculer la
concentration moyenne nécessaire soit pour la ration, soit pour le complément en
MAD/UFL, soit en PDI/UFL1. Cela permet de savoir quel type d’aliment et donc de
complément est le plus proche de ce rapport et peut être incorporé.
1 MAD : matière azotée digestible ; PDI : protéines digestibles dans l’intestin ; UFL : unité fourragère lait.
1329
6 L’élevage
1330
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
1331
6 L’élevage
Même si les éleveurs ont une connaissance empirique des modalités de la reproduc-
tion, une sensibilisation et une formation à la détection des chaleurs est indispensable.
Il faut aussi veiller à assurer une bonne alimentation en période de reproduction. Les
animaux doivent être déparasités et vaccinés, et les stress sont à éviter en période d’in-
sémination. L’éleveur doit également savoir choisir les animaux qu’il fera inséminer :
des femelles ni trop jeunes, ni trop vieilles, ni trop proches de leur dernier vêlage, ni
trop peu fertiles (si le nombre d’échecs d’inséminations est élevé ou si la mise bas pré-
cédente est très éloignée, un examen est nécessaire pour éventuellement éliminer
l’animal de la reproduction).
Il s’agit également d’avoir des inséminateurs bien formés tant en physiologie de la
reproduction qu’en anatomie des voies génitales. Le lieu de dépôt de la semence qui
varie avec l’espèce doit être bien connu et maîtrisé : dans le corps utérin (vache), dans
ou à l’entrée du col utérin (brebis et chèvre, truie).
L’insémination artificielle demande la mise en place d’une organisation technique
importante, qui va de la collecte de la semence à l’insémination chez l’éleveur.
L’ensemble constitue une chaîne dont les principaux éléments sont représentés dans
la figure suivante et dans laquelle le technicien et l’éleveur ont des rôles essentiels.
1332
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
Chez les ovins, la semence conservée à + 15°C est la plus utilisée. Il faut alors la mettre
en place dans les 8 à 10 heures (15 heures au maximum).
Chez les porcins, le volume plus important entraîne la conservation dans des flacons,
et ce à + 16°C et à l’abri de la lumière. La mise en place doit être faite dans les 24
heures (pour 3 milliards de spermatozoïdes par dose) ou dans les 3 jours (pour 6 mil-
liards de spermatozoïdes par dose).
Il faut également disposer d’un système de communication efficace et fiable qui assure
des contacts réguliers entre les acteurs et une très bonne organisation des rendez-vous
avec l’inséminateur. Si l’organisation de l’insémination est assez simple dans les pays
où les éleveurs sont équipés de téléphone, il en va autrement ailleurs.
Divers modes d’organisation peuvent être mis en place en milieu tropical pour
résoudre ce problème de communication quand il existe : campagnes d’inséminations,
tournées et visites fixes, insémination en ferme, centre de regroupement, insémina-
teur résident, insémination par les éleveurs.
Le développement de cette technique doit être accompagné et soutenu autant que
possible par des organisations d’éleveurs tant pour la sélection et l’élevage des géni-
teurs que pour le maintien des structures et des équipes d’insémination. Par cette voie,
il est possible d’assurer une forte sensibilisation des éleveurs et de les responsabiliser.
L’enjeu économique du développement de l’insémination artificielle est un volet
important de cette technique d’amélioration génétique, qui doit faire l’objet d’une
étude préalable et de suivi des coûts des interventions et des résultats. Les opérations
d’insémination sont souvent coûteuses et, s’il n’y a pas de subvention, l’éleveur doit
retirer un bénéfice important de cette intervention. Ses frais correspondent au prix
des semences, aux équipements qu’il doit acquérir (une installation de contention
peut être nécessaire), et aux dépenses en intrants nécessaires pour valoriser au mieux
les produits de l’insémination artificielle : bonne couverture sanitaire, alimentation
adéquate pour extérioriser le potentiel génétique.
Il est également nécessaire de rentabiliser ou au minimum de couvrir les frais des ser-
vices techniques. Il faut entretenir les centres de collecte de semences, la conservation
des prélèvements et tout le personnel technique, qui doit être compétent et entraîné,
ce qui demande des formations et un bon encadrement.
Enfin, il faut savoir que les résultats de fertilité sont souvent inférieurs à ceux de la
monte naturelle et qu’il est souvent nécessaire d’inséminer deux fois les femelles pour
aboutir à une gestation.
Malgré ses nombreux avantages, la technique est finalement encore assez peu utilisée
en pays tropicaux. Elle s’adresse aux éleveurs qui sont en train d’intensifier leur éle-
vage. Elle n’est pas applicable dans les élevages extensifs du fait de l’absence de
contrôle des géniteurs et de la difficulté de détecter les chaleurs.
● Le transfert embryonnaire
Le transfert embryonnaire consiste à prélever un ou des embryons dans l’appareil
génital d’une femelle donneuse et à le(s) transplanter dans l’appareil génital d’une ou
plusieurs femelles receveuses. Alors que l’insémination artificielle permet à un mâle de
valeur d’avoir de très nombreux descendants, le transfert permet aux femelles de
valeur d’avoir plus de descendants. Le progrès génétique en est accéléré.
1333
6 L’élevage
Il facilite également les échanges internationaux : l’embryon est plus facile à trans-
porter que des animaux vivants et avec moins de risques sanitaires.
Mais, c’est une opération très coûteuse qui ne se justifie que pour des animaux à forte
valeur génétique. Sur le plan technique, la production des embryons est souvent le
facteur le plus limitant. Le nombre d’embryons collectés est souvent faible et très
variable. Le choix des femelles donneuses est important. Le traitement utilise de nom-
breuses injections d’hormones : FSH, PMSG (ECG), oestradiol, GnRH, prostaglan-
dines.
● La maîtrise des métabolismes hormonaux
Les biotechnologies qui contournent les modes naturels de reproduction nécessitent
d’intervenir sur le métabolisme hormonal de la reproduction et font appel à des
méthodes de synchronisation et d’induction des chaleurs.
La synchronisation des chaleurs permet de regrouper les chaleurs et les mises bas sur
une période courte. Les chaleurs sont alors mieux observées. Une ou deux insémina-
tions artificielles à horaire fixe (sans détection des chaleurs) peuvent aussi être prati-
quées. Les lots d’animaux obtenus seront plus homogènes. Les naissances peuvent
avoir lieu à une période de l’année plus intéressante du point de vue climatique, ali-
mentaire, pathologique, commercial (vente de lait et des jeunes) ou de l’organisation
des travaux.
Il existe différentes techniques de synchronisation et d’induction.
L’observation de la cyclicité
Il est utile de déterminer le taux de femelles cyclées dans un troupeau pour guider le
choix de la méthode de synchro/induction des chaleurs à utiliser. Pour cela, il est pos-
sible d’observer régulièrement le comportement de chaleur des femelles, mais cela est
très contraignant. Le dosage de progestérone sur deux séries de prélèvement de sang
ou de lait effectués chez les bovins à 10 jours d’intervalle permet de distinguer le pour-
centage de femelles non cyclées (les deux niveaux sont très bas), les autres étant soit
cyclées soit en gestation.
L’injection de prostaglandines à 9-13 jours d’intervalle (bovins, caprins,
ovins)
La prostaglandine F2 alpha (ou un équivalent), injectée entre le 5ème et le 17ème jour
du cycle, entraîne la lyse du corps jaune, suivie de l’apparition d’oestrus. Si l’injection
est répétée 9 ou 10 jours après, toutes les vaches cyclées au départ se trouveront entre
le 5ème et le 17ème jour du cycle à la deuxième injection. Leurs chaleurs seront syn-
chronisées. La méthode n’est intéressante que lorsque le pourcentage de femelles
cyclées dans le troupeau à traiter est très important.
La pose d’implants de progestagènes sous la peau de l’oreille
Ils bloquent le cycle pendant le temps de leur pose en empêchant la décharge hor-
monale responsable de l’ovulation. À leur retrait, un nouveau cycle démarre. Si le
retrait a lieu au même moment sur un groupe de femelles cyclées, leurs chaleurs sont
synchronisées. Une injection d’œstradiol à la pose empêche la formation d’un corps
jaune au début du cycle et raccourcit la durée de vie du corps jaune en milieu de cycle.
1334
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
● La génétique
1335
6 L’élevage
Caractère Héritabilité
● La sélection
Un schéma de sélection peut être mis en place à partir de l’observation, du suivi et de
l’analyse des productions d’un nombre élevé d’individus de même race et grâce à la
connaissance des héritabilités et d’autres paramètres génétiques (variabilité des carac-
tères, corrélations entre caractères, etc.). Ce schéma a un but économique, notamment
l’amélioration du revenu des éleveurs.
Dans une opération d’amélioration génétique, la première étape consiste à choisir un
objectif de sélection. Dans un contexte d’élevage extensif, l’obtention d’objectifs
stables et bien définis est souvent difficile compte tenu de l’absence de bases de réfé-
rences fiables dans le domaine animal et du manque de structures de concertation
entre éleveurs permettant d’obtenir un consensus sur des objectifs. La situation de
départ est mal connue et la demande réelle est souvent mal déterminée. La définition
de l’objectif à atteindre est alors la première difficulté rencontrée.
Dans des systèmes d’élevage intensif, les objectifs de sélection sont plus aisés à fixer
(amélioration de la vitesse de croissance, augmentation des masses musculaires, de la
quantité de lait produit par lactation moyenne, etc.). Le caractère que l’on cherche à
améliorer par sélection doit être mesuré sur les candidats à la sélection et sur les indi-
vidus qui leur sont apparentés.
1336
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
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6 L’élevage
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La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
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6 L’élevage
● Le logement
Les logements des animaux sont très divers. Ils correspondent à la nécessité de gar-
der les animaux, de les mettre à l’abri de prédateurs, de les protéger contre les intem-
péries, de les garder en stabulation ou d’organiser une production intensive. Ils doi-
vent correspondre à la taille moyenne des individus et à l’importance du troupeau. Ils
peuvent donc aller, dans le cas des bovins, du parc d’épineux à des étables avec équi-
pements complets pour l’attache des vaches et la distribution d’aliments. Dans le cas
des volailles, la variabilité des poulaillers est également très grande selon le mode de
production et les moyens mis en œuvre.
Dans le cas des élevages extensifs, la mise en place d’abris se justifie dans des lieux
proches de l’eau et des ressources fourragères, et pour une durée de séjour minimale.
Ce logement sommaire est principalement destiné à garder le bétail la nuit. Il peut
être plus ou moins efficace dans cette protection et il peut être amélioré dans certains
cas pour mieux protéger les animaux des vents dominants. Il doit se situer si possible
sur une petite hauteur. En zones sub-humides et humides, il doit faire l’objet d’un
minimum d’entretien pour que les animaux ne soient pas dans la boue. Le plus sou-
vent, les éleveurs changent les emplacements à intervalle régulier pour limiter les
infestations parasitaires.
Un logement plus élaboré va de pair avec la sédentarisation. On le rencontre souvent
dans les systèmes de production associant l’agriculture et l’élevage. Ce sera donc le cas
pour les animaux en étable (fumière ou pas) : boeufs de trait, vaches laitières, bovins
ou moutons en engraissement. Au-delà de l’abri plus ou moins élaboré, mais au mini-
mum couvert, il s’agit d’approvisionner les animaux en fourrages et en sous-produits
pour les nourrir, mais aussi leur assurer une litière, et de prévoir un équipement pour
abreuver les animaux s’ils sont en permanence dans l’étable.
Ce type de logement est souvent fait avec des matériaux locaux et demande un inves-
tissement limité. Les animaux peuvent être à l’attache ou en stabulation libre (cf. cha-
pitre 62).
Plus élaborées et plus coûteuses sont les étables ou bergeries ou écuries des élevages
intensifs. Ce sont de véritables bâtiments organisés pour faciliter les travaux et les
déplacements des animaux. Elles doivent être construites en tenant compte des condi-
tions climatiques (vent, pluie, humidité, soleil), du sol, de la conduite aisée de l’ex-
ploitation, et de l’environnement proche. Dans les régions chaudes, il est essentiel que
les bâtiments soient bien aérés pour éviter une chaleur excessive et un air confiné nui-
sible à toutes les espèces élevées en conditions intensives. Par ailleurs, au-delà des
locaux pour les animaux, l’exploitation doit avoir des dépendances pour stocker les
aliments et isoler les animaux malades. Dans ce type de logement, une attention par-
ticulière doit être portée à l’hygiène.
1340
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
● L’abreuvement
L’eau est indispensable pour l’entretien et la production des animaux ; ils doivent être
abreuvés régulièrement. L’eau doit être fournie en quantité suffisante, en particulier
pour les animaux laitiers et les bêtes de trait, et ne doit pas causer de troubles directes
ou indirects.
Pour cela, il est nécessaire de puiser l’eau dans de bonnes conditions et de ne pas la
souiller. Des aménagements peuvent être mis en place autour des puits ou des forages
pour faciliter l’abreuvement et assurer la conservation de la bonne qualité de l’eau.
Au-delà de l’abreuvement même, l’environnement des points d’eau doit être aménagé
pour éviter les conditions de développement de certains parasites internes qui ont un
besoin impératif d’humidité pour assurer leur cycle et réinfester les animaux.
● L’hygiène2
L’hygiène représente un ensemble d’actions préventives pour limiter les risques sani-
taires et assurer de bonnes conditions d’entretien et de production des animaux. Elle
peut s’appliquer sous différentes formes et à tous les modes d’élevage. Plus le système
d’élevage est intensif, plus les règles d’hygiène doivent être respectées.
Dans les élevages extensifs, l’hygiène porte sur les conditions de parcage de nuit des
animaux, sur la protection des jeunes animaux et sur un minimum de précautions
autour de la traite et de la conservation du lait.
L’hygiène pour les animaux de trait est importante et porte tant sur l’entretien des ani-
maux que sur les conditions de travail et le harnachement. Il s’agira donc de veiller
aux apports alimentaires qui doivent être adaptés à l’effort demandé ainsi qu’au maté-
riel de travail qui ne doit pas blesser et être entretenu pour ne pas favoriser la trans-
mission de certaines maladies.
D’une manière générale, il est recommandé d’assurer un minimum d’hygiène autour
des mises-bas, pour la mère comme pour le jeune. Dans les élevages laitiers, une atten-
tion particulière doit être portée sur l’hygiène de la traite tant pour l’animal que pour
le lait destiné au consommateur. Il faut, par une désinfection avant et après la traite,
éviter une contamination de la mamelle et assurer une bonne pratique de la traite
manuelle ou mécanique.
Dans les élevages en voie d’intensification ou intensifs de monogastriques, avec sou-
vent une forte densité animale, de nombreuses mesures doivent être prises pour limi-
ter au maximum l’entrée de germes susceptibles d’entraîner des pathologies. C’est
indispensable vis-à-vis de certaines maladies pour lesquelles les moyens de lutte sont
limités, comme la peste porcine africaine qui ne peut être évitée qu’en isolant parfai-
tement les porcheries. Dans les élevages avicoles, il est nécessaire d’assurer une désin-
fection des poulaillers entre deux bandes, quelle que soit la taille de l’élevage.
1341
6 L’élevage
1342
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
Ces produits vétérinaires doivent être disponibles pour les éleveurs tout au long de
l’année et leur distribution doit être organisée. Les groupements d’éleveurs peuvent
contribuer à assurer cette disponibilité. Les éleveurs doivent être formés au bon usage
de ces médicaments : respect des doses, règles d’hygiène lors de la manipulation d’in-
secticides.
Actuellement les interventions publiques diminuent fortement dans le domaine de la
santé animale ; la réalisation des actes vétérinaires est transférée à des agents privés et
les éleveurs sont conduits à prendre en charge le coût des interventions et soins. Il est
dans ce contexte indispensable de leur montrer le bien fondé économique des traite-
ments ou des vaccinations.
Les interventions peuvent être menées sur toutes les espèces animales domestiques.
Dans la cas du petit élevage, la vaccination des poules et pintades contre la maladie de
Newcastle en milieu villageois permet d’augmenter très rapidement la productivité
numérique des petits troupeaux familiaux. Cette mise en place de prophylaxie avec
l’usage de vaccins par des aides vétérinaires demande une formation des vaccinateurs,
la sensibilisation des producteurs et la mise en place de circuits de distribution des vac-
cins efficaces et peu onéreux car le coût de l’opération par poulet doit être le plus bas
possible. De telles interventions sont de plus en plus souvent menées dans les villages
avec une organisation de l’encadrement, de la formation et de la distribution à
l’échelle de petites régions.
Les pratiques des éleveurs influencent les conditions sanitaires des troupeaux. Des
liens étroits ont ainsi été mis en évidence entre les conditions de logement et la pré-
valence des affections respiratoires des petits ruminants. Cette pathologie est certes
due à différents agents infectieux, mais les conditions de milieu jouent un rôle impor-
tant. Le logement des ovins la nuit est notamment un facteur discriminant de cette
pathologie majeure chez les petits ruminants. Les pratiques de confection des parcs de
nuit peuvent être modifiées par des conseils techniques simples qui permettent de
mieux protéger les animaux des vents. Les aménagements de poulaillers vont dans le
même sens, en protégeant les volailles à la fois des mauvaises conditions atmosphé-
riques et des prédateurs.
1343
6 L’élevage
Dans le cas des ovins, la complémentation ne doit pas être réservée aux béliers. Il
existe des pratiques traditionnelles de distribution de compléments aux brebis allai-
tantes ou traites. D’autre part, l’apport d’aliments riches en énergie ou en azote per-
met d’améliorer les performances de reproduction et de diminuer la mortalité des
agneaux : une brebis recevant un complément autour de la mise-bas et en début de
lactation assure une meilleure lactation ; en conséquence, le jeune présente un
meilleur état général. La complémentation des brebis permet également d’influer sur
les périodes de mises-bas, souvent très saisonnées du fait des variations alimentaires
des parcours. La complémentation peut être faite par exemple pour favoriser les
fécondations avant la saison des pluies, période plus favorable pour la lactation.
Dans les modes extensifs de conduite des troupeaux, les prélèvements de fourrages
par les animaux se font lors des déplacements sur des espaces collectifs. Ces prélève-
ments varient avec la densité des animaux. Une densité e xcessive conduit à un surpâ-
turage qui modifie la flore au détriment des espèces les plus appétées et entraîne la
multiplication de plantes non ou peu consommées par les animaux.
1344
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
Il s’agit alors de proposer aux éleveurs des modes de conduite qui évitent l’évolution
des pâturages vers une valeur alimentaire nulle : gestion collective des parcours par
un contrôle du nombre de troupeaux et organisation de rotations sur des espaces défi-
nis par les communautés.
L’autre ressource essentielle est l’eau. Elle est complémentaire des ressources fourra-
gères, et sa présence conditionne bien souvent l’usage des pâturages. L’aménagement
des points d’abreuvement permet de gérer les surfaces pâturées et peut assurer de
meilleures conditions sanitaires aux troupeaux en limitant la prolifération des para-
sites. Aménager et gérer les points d’eau va de pair avec un appui à la mise en place
de groupements d’éleveurs.
1345
6 L’élevage
Pour ces systèmes d’élevage, le concept de santé est intégré comme facteur de réussite
et l’éleveur ou l’agro-pasteur sait qu’une dépense pour l’achat d’un médicament est
une pratique utile. Les soins individuels sont nécessaires dans certains cas, comme le
soin d’une plaie de harnachement, d’une boiterie ou d’une mammite. L’éleveur doit
donc pouvoir obtenir des conseils, acheter des médicaments et éventuellement
demander une intervention. Ces soins et intrants vétérinaires demandent une
réflexion sur l’approvisionnement en médicaments, leur distribution et sur leur admi-
nistration.
Dans ce mode de conduite en voie d’intensification, la notion de santé doit être élar-
gie et porter sur les conditions globales d’entretien des animaux. Ce sont des pratiques
de logement, de soins et d’hygiène qui doivent être mises en œuvre pour les animaux
de trait (entretien des harnachements, soins des pieds), pour les vaches ou chèvres
laitières (hygiène des étables et de la traite), pour les volailles (poulailler propre avec
recouvrement des murs, traitement insecticide).
De telles opérations sont courantes avec les boeufs de trait qui, après plusieurs années
de travail, sont «finis» avant d’être vendus pour la boucherie. Il faut savoir conseiller
les éleveurs dans ces techniques de complémentation (choix des sous-produits, quan-
tités à distribuer). Il est également essentiel que les approvisionnements en sous-pro-
duits soient organisés et réguliers. Il y a souvent un gros effort à faire pour assurer la
distribution des sous-produits à des prix permettant de rentabiliser ces complémenta-
tions.
1346
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
Un autre type d’action pour améliorer l’alimentation des ruminants peut être la mise
en place de cultures fourragères dans les systèmes agro-pastoraux. L’intégration de ces
fourrages peut être envisagée en liaison avec les problèmes de fertilité des terres et
s’intégrer dans le cycle de régénération des sols par la méthode largement répandue
des jachères. Il existe de nombreux essais intégrant des graminées ou des légumi-
neuses herbacées ou arbustives dans les jachères. Une telle intégration demande un
minimum de gestion de l’espace et une certaine maîtrise des charges animales. Il faut
savoir protéger les parcelles fourragères et cultivées, ce qui nécessite des clôtures le
plus souvent, et savoir assurer une utilisation soit en pâturage direct soit en fauche,
compatible avec une bonne croissance des plantes. Ce type d’apport de fourrages cul-
tivés se développe dans les zones sub-humides et humides sous le nom de banques four -
ragères à base de légumineuses herbacées ou arbustives pour l’alimentation des petits
ruminants. Pour les animaux de trait ou les vaches laitières, des cultures de graminées
peuvent être mises en place sur des parcelles protégées.
Dans le cas des volailles, un élevage semi-intensif demande une complémentation par
des céréales ou des aliments complémentaires fabriqués dans des unités qui peuvent
être de taille modeste.
Quelle que soit l’espèce élevée, ces systèmes semi-intensifs exigent que les éleveurs
sachent gérer des stocks de fourrages, de sous-produits, de grains. Il est essentiel que
des techniques de stockage soient diffusées par l’encadrement technique et que les éle-
veurs pratiquent des méthodes de conservation. Une rupture du stock alimentaire est
toujours préjudiciable pour les performances des animaux et, en prolongeant la durée
de la production, elle réduit la rentabilité de l’élevage.
Ces systèmes demandent aussi la mise en place d’organisations de producteurs pour
assurer une certaine maîtrise de l’écoulement des produits finis.
1347
6 L’élevage
L’exécution pratique d’un tel plan peut se dérouler ainsi en élevage ovin :
1- Dans les troupeaux villageois, on choisit de jeunes mâles d’après leurs propres performances,
généralement le GMQà un âge-type (30, 90, 180 jours, etc.) – sélection individuelle – et celles de leurs
parents (principalement les brebis, les géniteurs mâles étant le plus souvent inconnus au début d’une
sélection en milieu villageois), à partir de critères variés : production laitière, GMQ, robustesse etc.
(sélection sur l’ascendance.
2 - Ces jeunes mâles sont placés dans une station où l’on suit leur croissance et autres performances.
3 - Puis on utilise la semence des meilleurs mâles en diffusion de géniteurs de façon temporaire ou en
insémination artificielle sur des femelles de troupeaux villageois bien suivis.
4 - On mesure les performances de leur descendance, ce qui permet de déceler le ou les mâles de la
station qui ont donné les meilleurs descendants (sélection sur la descendance ou « testage».
5 - Le ou les béliers testés favorablement sont utilisés alors sur des troupeaux villageois ou sur le trou-
peau de femelles de la station.
6 - Parmi les descendants du ou des béliers testés favorablement, on choisit des mâles pour un nou-
veau testage et des femelles pour remplacer celles du troupeau reproducteur de la station.
8 - Dans la descendance de ce troupeau de reproducteurs de la station, on choisit les meilleurs mâles
pour les mettre également en testage.
Des schémas très voisins ont été mis en place dans plusieurs pays (Bénin, Côte-d’Ivoire, Togo) pour
l’amélioration génétique des ovins et se poursuivent avec succès.
Des améliorations génétiques peuvent être envisagées sur toutes les espèces. Pour la
production laitière, des schémas de sélection peuvent être mis en place. Souvent, pour
aller vite, les éleveurs préfèrent faire des croisements avec des races exotiques. Il est
important de choisir des races qui peuvent s’adapter aux climats des régions chaudes.
Dans le cas des volailles, il est rare que les races locales fassent l’objet d’une sélection.
Ce sont des croisements avec des races exotiques choisies pour développer le format
qui sont essentiellement mis en œuvre, avec, par exemple, la diffusion de coqs «amé-
liorateurs».
1348
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
● La santé et l’hygiène
La santé doit être contrôlée par des opérations de prophylaxie obligatoires. L’éleveur
doit être informé et respecter un calendrier de prophylaxie vis-à-vis des maladies
infectieuses et parasitaires. Malgré cette condition impérative de prévention, des pra-
tiques très variées sont observées quant à l’application des programmes de prophy-
laxie et ont des répercussions économiques plus ou moins favorables lors du bilan.
Cela a été observé dans les élevages avicoles péri-urbains où la productivité varie de 1
à 3 selon les pratiques d’hygiène : absence ou présence de litières, entretien de la
litière, personnel peu qualifié ou affecté à un ou plusieurs poulaillers, accès restreint
aux bâtiments, etc.
L’attention sur la santé doit aussi porter sur les individus notamment pour les rumi-
nants. Une observation quotidienne attentive doit permettre de détecter rapidement
un malade et d’intervenir.
Au-delà de ces éléments médicaux, ce sont des principes d’hygiène qui doivent être
appliqués. L’hygiène doit aller au-delà de l’entretien des animaux et doit porter aussi
sur la collecte et la conservation des produits. Lors de la traite, par exemple, il est
important de limiter les risques de contamination par les germes présents sur la
mamelle et dans le matériel de collecte et de conservation. Cela limite les contamina-
tions du lait et assure une meilleure conservation, utile autant pour le producteur que
pour le consommateur.
● L’alimentation
Les rations distribuées font obligatoirement appel à divers aliments. Une partie des
aliments peut être produite sur l’exploitation.
1349
6 L’élevage
Cette production propre porte généralement sur les fourrages pour les élevages de
ruminants, éventuellement sur les céréales pour les monogastriques. Il est en effet
exceptionnel que la production d’aliments puisse être assurée de façon autonome.
L’approvisionnement à partir de l’extérieur porte sur des matières premières telles
que les tourteaux, les sons de céréales et les minéraux, ou des aliments complémen-
taires (pour le lait ou l’engraissement) ou complets (volailles essentiellement) formu-
lés et fabriqués dans des usines d’aliments.
Les rations distribuées sont fonction du cycle de production des animaux : aliments
démarrage pour les volailles, compléments de production pour les vaches laitières au
cours des premiers mois de lactation, aliments de finition pour des ovins ou des porcs
en fin de croissance ou d’engraissement. Il est essentiel que l’éleveur respecte les
apports en fonction des besoins établis pour un objectif de production.
Dans le cas de production de lait, les apports alimentaires sont essentiels pour assurer
un bon début de lactation et une persistance de celle-ci. La production par une vache
d’un kilogramme de lait représente des coûts énergétiques (> 0,45 UFL) et azotés
(60 g MAD) importants qu’il est indispensable de satisfaire pour que l’animal ne mai-
grisse pas et puisse assurer un cycle de reproduction limitant à 12-15 mois l’intervalle
entre deux vêlages. Les coûts de production sont variables selon les espèces ; chez une
brebis, le coût énergétique du lait (0,65 à 0,7 UFL/kg de lait) est beaucoup plus élevé
que chez la vache, car le lait de brebis est plus riche en matières grasses.
La production intensive demande un suivi des animaux. Les béliers ayant une faible
croissance doivent par exemple être éliminés en cours de croissance-engraissement
pour ne pas pénaliser la performance globale des lots. Les vaches ayant une chute de
production doivent faire l’objet d’un suivi sanitaire rapproché. Tout comme il faut
s’interroger sur une chute de courbe de ponte dans un poulailler.
1350
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
● La génétique
La sélection massale reste une méthode essentielle pour mettre en place un dévelop-
pement des productions animales par la voie génétique. Le type de caractères à sélec-
tionner doit être bien précisé par rapport au contexte dans lequel le plan de génétique
sera appliqué et doit correspondre à des enjeux économiques.
En milieu villageois, un modèle de sélection similaire à celui présenté précédemment
pour l’organisation d’un plan de génétique peut être mis en place. Il est impératif de
considérer que les animaux doivent rester adaptés à leur milieu ; il faut donc prendre
garde à la conservation de certains caractères d’adaptation (résistance à certaines
maladies, etc.).
À l’échelle d’une région ou d’un pays, il est nécessaire d’avoir une organisation des éle-
veurs qui permette la mise en place du suivi des animaux, la sélection de reproduc-
teurs et la diffusion des gènes améliorateurs. L’organisation des éleveurs et leur
adhésion à des objectifs de sélection est un préalable essentiel à l’amélioration géné-
tique. Cela doit être structuré entre groupements d’éleveurs, organismes d’appui
technique établissant des règles de suivi adaptées et des restitutions, et un niveau d’or-
ganisation administratif, réglementaire et régulateur.
Des croisements entre une race indigène et une race exotique sont souvent envisagés.
Le choix des reproducteurs doit être raisonné par rapport à un objectif de production
et à un ou deux caractères recherchés. Ces croisements permettent d’envisager les
complémentarités entre deux races (rusticité-lait, prolificité-viande). Ils posent néan-
moins de nombreuses questions pour leur application, qui demande un contrôle sani-
taire des reproducteurs, un renouvellement régulier des femelles de race pure, un
contrôle des saillies, un enregistrement des filiations, etc.
Il peut aussi être fait appel à des races exotiques qui sont élevées sans croisement,
comme c’est souvent le cas pour les volailles.
● La reproduction
L’intensification de la production demande un certain contrôle pour assurer une
bonne hygiène des reproducteurs et maîtriser les cycles de reproduction, afin de
constituer des lots d’animaux homogènes dans leur état physiologique, plus faciles à
conduire. La maîtrise de la reproduction est également nécessaire pour assurer des
programmes de génétique. Les différentes modalités ont été exposées plus haut.
● Le logement
Le logement des animaux doit être adapté pour fournir des conditions favorables
d’alimentation, de repos, et doit constituer un environnement sanitaire convenable.
L’hygiène conditionne en grande partie l’état des animaux et est important pour la
qualité des produits.
1351
6 L’élevage
1352
La gestion des animaux et des troupeaux 6 5
Tableau 3. Effets des interventions techniques et des pratiques selon les systèmes d’élevage
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1353
6 6 La santé animale
À partir des contributions de P. Bonnet (CIRAD), E. Camus (CIRAD)1,
P. Hendrikx (CIRAD), R. Lancelot (CIRAD)
LE DIAGNOSTIC SANITAIRE
● Les prélèvements à faire
Si les animaux présentent des lésions à l’autopsie, il faut bien entendu prélever les
organes ou les tissus atteints. Par exemple :
> un fragment de poumon, dans les pneumonies ;
> du liquide pleural, dans les pleurésies ;
> un fragment de muscle lésé, dans les tumeurs musculaires ;
> du pus, si l’on observe des abcès ;
> des fèces, dans les entérites.
Si les animaux ne présentent pas de lésions localisées, il y a lieu d’envoyer au labora-
toire les prélèvements suivants, effectués de façon systématique :
> plusieurs frottis de sang sur lame ;
> du sang, prélevé de préférence à la période agonique sur anticoagulant ;
> un fragment de rate ;
> des ganglions lymphatiques non incisés ;
> un os long, de préférence le canon (métacarpe ou métatarse), qui est désarticulé,
soigneusement décharné, puis enveloppé à sec dans de la gaze.
Pour les examens sérologiques, le sérum sanguin, recueilli après coagulation du sang
et rétraction du caillot peut être envoyé au laboratoire. Si l’on dispose de flacons
stériles, il est commode d’envoyer du sang total prélevé à la seringue et sans anti-
coagulant.
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6 L’élevage
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La santé animale 6 6
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6 L’élevage
● Définition
L’épidémiosurveillance est une méthode fondée sur des enregistrements en continu
permettant de suivre l’état de santé ou les facteurs de risque d’une population définie,
en particulier de déceler l’apparition de processus pathologiques et d’en étudier le
développement dans le temps et dans l’espace, en vue de l’adoption de mesures
appropriées de lutte.
Elle fait exclusivement partie de l’épidémiologie descriptive, son rôle est donc de
décrire et non pas d’expliquer un phénomène. Tout au plus elle permet de bâtir des
hypothèses que l’on vérifiera ensuite par la mise en place de protocoles d’enquête
d’épidémiologie analytique.
C’est un système qui fonctionne en continu, conçu pour être permanent. Il se diffé-
rencie en cela des enquêtes transversales ou longitudinales limitées dans le temps.
L’épidémiosurveillance s’intéresse à une population, pas à un individu. Ses objectifs
doivent donc être d’intérêt collectif. Cette population peut être humaine, animale ou
végétale.
Il faut faire la distinction entre épidémiosurveillance et lutte contre les maladies. La
première se contente de donner des informations sur la maladie qui vont aider la
lutte. Vaccination, abattage, plan d’intervention d’urgence n’en font donc pas partie.
● L’épidémiovigilance et l’épidémiosurveillance
Un réseau d’épidémiovigilance a pour objectif la surveillance de la réapparition d’une
maladie exotique (qui n’existe pas ou plus dans le pays). Il s’applique donc à la popu-
lation totale d’un pays (par exemple, l’épidémiovigilance de la peste bovine au
Sénégal).
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La santé animale 6 6
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6 L’élevage
1360
La santé animale 6 6
La vache gestante joue le rôle de l’hôte intermédiaire, et le veau qui s’infeste chez sa
mère est donc l’hôte définitif. Le symptôme principal est un mauvais état général mais
il arrive fréquemment que des vers adultes se prennent en pelote dans l’intestin, pro-
voquant une occlusion mortelle. Le diagnostic est facile : les œufs de Toxocara sont
caractérisés par une coque brune, épaisse, granuleuse, facile à reconnaître à la copro-
scopie ; par ailleurs on trouve très souvent dans les fèces des vers adultes expulsés.
Une prophylaxie médicale systématique est recommandée chez les veaux de trois à
quatre semaines (Tétramisole, Thiabendazole, Ivermectine, etc.).
● Le téniasis des ruminants
C’est une helminthose cosmopolite très fréquente, provoquée par la présence dans
l’intestin de longs vers blancs, plats, en forme de ruban segmenté, cestodes anoplocé-
phalidés pouvant atteindre plusieurs mètres de long. Le genre Moniezia est le plus fré-
quent et le plus pathogène. Chez les animaux adultes, le téniasis ne provoque géné-
ralement qu’une faiblesse générale alors que chez les jeunes animaux fortement
parasités l’évolution peut être grave avec anémie et convulsions, et même être mor-
telle. Le diagnostic est aisé car les œufs de forme pyramidale sont très caractéristiques
à la coproscopie et il est également facile de reconnaître dans les fèces ou à l’autopsie
les anneaux blancs caractéristiques des cestodes. Il est recommandé de traiter les trou-
peaux dès l’apparition d’un cas confirmé de téniasis (Niclosamide, Fenbendazole,
Albendazole, etc.).
● La strongylose gastro-intestinale
La strongylose gastro-intestinale est l’helminthose la plus fréquente du bétail. En effet,
elle touche, avec plus ou moins de sévérité, tous les pays du monde, aussi bien en zone
tempérée qu’en zone tropicale où son incidence est cependant plus marquée en rai-
son de facteurs favorables à sa prolifération tels que la chaleur et l’humidité. La stron-
gylose est provoquée par la présence en grand nombre dans le tube digestif de petits
nématodes communément appelés strongles, dont les genres plus fréquents sont :
Bunostomum, Gaigeria (intestin grêle), Oesophagostomum, Chabertia (gros intestin),
Haemonchus, Ostertagia, Cooperia, Trichostrongylus (intestin grêle, sauf Haemonchus et
Ostertagi, parasites hématophages de la caillette). Chabertia et Ostertagia sont confinés
aux régions d’altitude d’Afrique de l’Est.
L’étude épidémiologique de la strongylose est indispensable pour établir un plan de
prophylaxie efficace. Ainsi en zone sahélienne, marquée par une alternance annuelle
rigoureuse saison sèche/saison des pluies, les infestations ne se font qu’en période
humide, période recommandée pour le traitement car il n’y a pas d’infestation en sai-
son sèche. En zone équatoriale, les infestations sont permanentes et des traitements
réguliers sont nécessaires pendant toute l’année.
Les symptômes de la strongylose sont essentiellement la diarrhée suivie d’amaigrisse-
ment, anémie et cachexie, puis de la mort des animaux les plus affaiblis ou des plus
jeunes victimes d’une primo-infestation en début de saison des pluies dans les zones
arides. Les lésions sont celles d’une gastro-entérite sauf dans le cas particulier de
l’oesophagostomose nodulaire larvaire (présence de nodules blanchâtres de 3 à 5 cm sur
l’intestin).
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6 L’élevage
Le diagnostic est basé sur l’observation des œufs à la coproscopie. Ces œufs très sem-
blables entre eux sont caractéristiques du type strongle : elliptique à coque fine avec
une morula noirâtre, de longueur inférieure à 100 microns. La distinction des genres
ne peut cependant se faire que sur des larves L3 obtenues par coproculture. Les
adultes, petits vers blancs très fins, sont facilement reconnaissables à l’autopsie.
Haemonchus, rougeâtre car hématophage, mesure 10 à 20 mm. La prophylaxie par
traitements anthelminthiques (Thiabendazole, Tartrate de Morantel, Fenbendazole,
Albendazole, Ivermectine, Doramectine, etc.) est basée sur la connaissance des données épi-
démiologiques.
À cette pathologie strongylienne sont la plupart du temps associées deux autres para-
sitoses : la strongyloïdose (petits nématodes microscopiques de l’intestin qui n’affectent
que les jeunes animaux : Strongyloides papillosus) et la coccidiose (Coccidies, Eimeriidae,
Protozoaires parasites de l’épithélium intestinal). La coccidiose est rapportée ici en rai-
son de sa localisation intestinale et de sa symptomatologie digestive marquée par une
entérite hémorragique. Comme la strongyloïdose, la coccidiose est surtout grave pour
les très jeunes animaux chez qui ces deux affections, en association avec les strongy-
loses, constituent une affection poly-parasitaire très pathogène. Dès les premiers
signes (diarrhée), un traitement rigoureux doit être instauré en associant aux anthel-
minthiques un anticoccidien efficace (Mépacrine, Amprol, préparations à base de sulfa-
mides : Coccicid ND, Cozurone ND, etc).
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La santé animale 6 6
● Conclusion
Bien que parfaitement identifiables, les helminthoses sont le plus souvent associées
entre elles, voire à d’autres endoparasites. L’ensemble constitue un polyparasitisme
d’autant plus grave qu’il y a de parasites associés. Dans le tube digestif des jeunes ani-
maux, l’association strongles-strongyloïdes-coccidies est la plus fréquente. S’ajoutent plus
tard à cette première grille ténias et douves en zone humide. Outre le parasitisme
cutané (gales), cavitaire (oestre), des hémoparasites graves (trypanosomes, piro-
plasmes, rickettsies, etc.) viennent souvent aggraver le tableau parasitologique. Un
bon diagnostic différentiel est nécessaire pour orienter l’intervention vers la parasitose
dominante, sans toutefois négliger les autres. Les mesures prophylactiques et théra-
peutiques recommandées ne suffisent pas. Il faut aussi prendre des mesures pour
améliorer l’alimentation qui joue un rôle essentiel dans l’équilibre hôte-parasite.
● L’anaplasmose
L’anaplasmose affecte essentiellement les bovins. Elle est due à une rickettsie parasite
des hématies (globules rouges du sang) et est transmise par des tiques (Boophilus) et
des mouches piqueuses (taons, stomoxes). Il existe une forme bénigne, due à
Anaplasma centrale, et une forme grave, due à A. marginale, caractérisée par de l’hy-
perthermie, une anémie intense, de l’ictère sans hémoglobinurie. L’anaplasmose est
souvent associée à une piroplasmose ou une theilériose.
● Le traitement
Tétracyclines ou imidocarbe
● La prophylaxie
> Lutte contre les tiques ;
> contrôle des mouches piqueuses (souvent difficile) ;
> prémunition par inoculation d’une souche peu virulente d’A. centrale.
● Babésioses (piroplasmoses)
Les babésioses affectent les mammifères et les oiseaux. Elles sont provoquées par la
multiplication dans les hématies de protozoaires microscopiques. La transmission s’ef-
fectue par l’intermédiaire de tiques (Boophilus chez les bovins, Rhipicephalus chez les
moutons, Dermacentor, Hyalomma et Rhipicephalus chez le cheval).
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La santé animale 6 6
● Theilérioses
Les theilérioses sont dues à la multiplication, dans les hématies et les cellules du sys-
tème réticulo-endothélial des bovins, de protozoaires microscopiques, transmis par
des tiques.
Deux formes graves sont décrites :
> la theilériose afrotropicale (fièvre de la côte orientale : East Coast Fever), due à Th.
parva, transmise par la tique Rhipicephalus appendiculatus. Il s’agit d’une affection des
pâturages de savanes d’altitude (800 à 2 000 m) d’Afrique orientale et australe ;
> la theilériose méditerranéenne et moyen-orientale des steppes, due à Th. annulata,
transmise par des tiques du genre Hyalomma.
Une forme bénigne existe également, due à Th. mutans.
Les symptômes des formes graves sont les suivants : hyperthermie, anémie profonde,
adénite des ganglions superficiels, mortalité élevée.
● Le traitement
> Parvaquone (Clexon) : en intramusculaire 10 mg/kg x 2 à 48 heures ;
> Halofuginone (Sténorol) : par voie orale 0,6 mg/kg x 2 à 48 heures.
● La prophylaxie
> Lutte contre les tiques ;
> vaccins (infection-traitement pour Th. parva, vaccin atténué pour Th. annulata).
● Trypanosomoses
Elles affectent l’homme et les animaux domestiques ou sauvages. Elles sont provo-
quées par la multiplication dans le plasma sanguin de protozoaires flagellés, les
trypanosomes. La transmission est assurée par des insectes piqueurs (taons, stomoxes),
et surtout glossines (mouches tsé-tsé), à l’exception de la dourine, maladie des che-
vaux transmise par le coït.
1365
6 L’élevage
Les symptômes sont ceux de maladies chroniques à évolution lente : anémie, amai-
grissement, cachexie, œdèmes sous-cutanés, troubles nerveux, kératites ulcératives,
mort.
● Le traitement
> Diminazène (Bérénil) : injection sous-cutanée ou intramusculaire (solution à 7 %) :
bovins, ovins, caprins : 3,5 mg/kg de poids ;
> Chlorure d’isométamidium (Trypamidium) : injection intramusculaire, 0,25 à 1 mg/kg. À
la dose de 0,5 à 2 mg/kg, la protection peut durer 3 à 8 mois.
● Cowdriose (Heartwater)
La cowdriose est une maladie grave affectant les ruminants, transmise par certaines
espèces de tiques (genre Amblyomma), due à une rickettsie spécifique (Ehrlichia rumi -
nantium) et caractérisée par une évolution fébrile courte et une issue le plus souvent
fatale, précédée de signes nerveux : grincements de dents, chute sur le sol, mouve-
ments prolongés de galop en position couchée. La lésion la plus caractéristique est la
présence d’un exsudat inflammatoire abondant dans le péricarde (d’où le nom anglais
de Heartwater).
La mortalité est toujours plus élevée chez les petits ruminants et chez les bovins de
race exotique.
● Le traitement
Antibiotiques du groupe tétracycline, à fortes doses et très précocement ; leur effica-
cité est illusoire si les signes nerveux sont apparus.
● La prophylaxie
Essentiellement par la lutte contre les tiques (voir bains et aspersions ixodicides). En
Afrique du Sud, on utilise, pour les moutons mérinos par exemple, une méthode de
prémunition (infection/traitement) ; elle ne peut être pratiquée que par des techni-
ciens spécialisés et sur des troupeaux surveillés.
● Les vecteurs
Les principaux vecteurs de maladies animales sont les tiques et les diptères piqueurs
incluant les glossines :
> les tiques transmettent d’importantes maladies du bétail, hémoparasitoses pour la
plupart : l’anaplasmose, les babésioses, les theilérioses, mais également la cow-
driose. Les tiques sont également associées à la dermatophilose aiguë ;
> les glossines ou mouches tsé-tsé transmettent les trypanosomes (maladie du sommeil)
aux animaux et aux hommes en Afrique ;
> les autres mouches piqueuses transmettent de nombreuses maladies au bétail : anaplas-
mose, trypanosomoses, bactéries et virus. Les principales mouches piqueuses sont
les taons, les stomoxes, les haematobia.
1366
La santé animale 6 6
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6 L’élevage
Lors d’une application directe d’insecticide sur les animaux, des précautions doivent
être prises pour éviter les accidents :
> ne pas traiter les veaux de moins de deux mois, les femelles en fin de gestation, les
animaux porteurs de plaies ou fatigués ;
> laisser les animaux au repos plusieurs heures avant de les traiter et les abreuver ;
> traiter de préférence le matin en évitant le grand soleil.
1368
La santé animale 6 6
Le dépistage des troupeaux atteints peut facilement s’effectuer par le moyen du test
de l’anneau pratiqué sur des échantillons de lait ou de l’agglutination rapide sur lame
avec l’antigène coloré tamponné acidifié (dit au Rose Bengale).
Les locaux où ont lieu des avortements sont à désinfecter soigneusement.
L’application des mesures sanitaires efficaces est impossible en élevage extensif.
La vaccination par la souche vivante B. abortus 19 (voie sous-cutanée) est depuis long-
temps la principale solution : elle est à réserver surtout aux jeunes femelles impubères
(génisses de 4 à 6 mois) et, dans ces conditions, interfère peu sur le dépistage ; la séro-
conversion post-vaccinale disparaît en effet à l’âge de 18 mois. Les vaches adultes peu-
vent être vaccinées lorsqu’elles sont non gestantes (voie conjonctivale).
Pour les petits ruminants, la vaccination par la sonde Rev1 peut être pratiquée sur des
jeunes femelles de trois à neuf mois, soit par voie sous-cutanée (interférence sérolo-
gique disparaissant à l’âge de 18 mois chez les ovins, un an chez les caprins), soit par
voie conjonctivale. Chez les adultes, il faut éviter la période de gestation et de lacta-
tion ou utiliser le vaccin administrable par voie conjonctivale.
1369
6 L’élevage
● Le traitement
Pénicilline associée aux injections de sérum anti-charbon symptomatique (ou à défaut
de sérum anti-gangreneux polyvalent).
● La prophylaxie
Dans les zones d’enzootie, la vaccination annuelle est nécessaire. On emploie un vac-
cin tué (anaculture formolée) qui donne d’excellents résultats.
● Fièvre aphteuse
Maladie très contagieuse des ruminants et des suidés, due à un virus spécifique (dont
il existe sept types immunogéniques), elle est caractérisée par un syndrome fébrile
aigu, suivi d’un exanthème vésiculeux de la muqueuse buccale, des espaces interdigi-
tés et de la mamelle.
En Afrique, la maladie se présente généralement sous forme bénigne, évoluant en une
à deux semaines et ne laissant généralement aucune séquelle. En revanche, elle se
révèle très grave en Amérique du Sud. Seuls les veaux courent le risque de subir une
évolution mortelle.
● Le traitement
Aucune médication spécifique connue.
1370
La santé animale 6 6
● La prophylaxie
La prophylaxie médicale utilise des vaccins inactivés surtout pour les reproducteurs
importés, les troupeaux des stations zootechniques, les vaches d’unités laitières, etc.
Son coût est un facteur limitant sérieux ; les vaccins sont toujours choisis en fonction
des types immunogéniques responsables de l’épizootie.
● Peste bovine
Maladie infectieuse, contagieuse, due à un virus spécifique, elle atteint essentiellement
les bovidés (taurins, zébus, buffles, antilopes), parfois les suidés.
Elle est caractérisée cliniquement par un syndrome fébrile aigu (parfois subaigu) suivi
assez rapidement par un catarrhe hémorragique sévère de toutes les muqueuses de
l’organisme, visible surtout sur le tractus digestif (diarrhée muqueuse et hémorra-
gique). Il s’y associe des lésions ulcératives, souvent recouvertes de fausses membranes
d’allure croupale (très visible sur la muqueuse gingivale).
1371
6 L’élevage
La mortalité est très élevée : 90 à 100 % sur les troupeaux des régions jusqu’alors
indemnes. La maladie, qui passe par vagues épizootiques sur du cheptel neuf, a ten-
dance à devenir enzootique et plus discrète dans les régions où elle sévit depuis long-
temps.
Son diagnostic peut être rendu difficile s’il existe dans une même région peste bovine
et diarrhée bovine à virus (maladie des muqueuses).
● Le traitement
Il ne peut être que symptomatique car il n’existe aucune thérapie spécifique efficace.
● La prophylaxie
Toutes les mesures sanitaires applicables aux grandes maladies contagieuses (isole-
ment des malades, quarantaine pour les suspects, interdiction des marchés et des
déplacements d’animaux, etc.) sont ici de règle.
La vaccination, efficace, est absolument nécessaire en zone d’enzootie. Le vaccin est
préparé à l’aide d’un virus atténué. Une seule injection assure une protection pour 5
ans au moins. Pour garantir l’efficacité du vaccin, la chaîne du froid doit impérative-
ment être respectée jusqu’au lieu de vaccination : – 20°C pour le vaccin lyophilisé et
reconstitution dans du sérum physiologique ou une solution molaire de sulfate de
magnésium refroidie.
● Peste équine
Maladie infectieuse due à un virus spécifique, elle atteint e xclusivement les équidés et
est transmise par des insectes (culicoïdes, stomoxes, taons). Sévissant surtout pendant
la saison des pluies, elle est caractérisée par un syndrome fébrile aigu ou subaigu, des
œdèmes du poumon et du tissu sous-cutané, des exsudats dans les séreuses et des phé-
nomènes hémorragiques dans divers tissus.
C’est une maladie toujours mortelle pour le cheval non vacciné. Les mulets et les ânes,
plus résistants, sont souvent atteints de formes frustes ou occultes de la maladie.
● Le traitement
Il n’existe aucune thérapie efficace.
1372
La santé animale 6 6
● La prophylaxie
> Lutte contre les insectes (bains ou aspersions insecticides) ;
> vaccination : c’est la méthode la plus efficace (fortement conseillée en zone d’en-
zootie). Les vaccins sont préparés seulement par quelques laboratoires spécialisés :
comme le virus de la peste équine comporte de nombreux types immunologiques,
il est indispensable que les vaccins destinés à une région donnée soient préparés
avec des types du virus rencontrés dans cette région.
1373
6 L’élevage
● La prophylaxie
> Mesures sanitaires strictes : l’abattage des malades et des contaminés est fortement
recommandé (sinon prescrit par la loi) ;
> vaccination des effectifs sains par des vaccins vivants : on dispose aujourd’hui de
souches vaccinales qui n’ont plus de pouvoir pathogène résiduel.
● Rage
Maladie très grave de l’homme et des animaux domestiques due au virus rabique, elle
est caractérisée par un syndrome nerveux se terminant inéluctablement par une para-
lysie envahissante mortelle.
Les signes de suspicion de la rage sont :
> les anomalies du comportement (changement de caractère) ;
> l’agressivité et les crises de fureur ;
> l’alternance de périodes d’e xcitation et de périodes de torpeur ou d’hébétude ;
> l’ingestion d’objets divers ;
> le changement du timbre de la voix (qui devient voilée ou plus rauque) ;
> l’impossibilité de déglutir même des liquides ;
> l’hydrophobie ou peur de l’eau : classique chez l’homme et rare chez les animaux ;
> l’apparition de troubles moteurs (démarche ébrieuse ou ataxique, parésie du train
postérieur, mâchoire inférieure pendante).
Le diagnostic doit être assuré par un laboratoire spécialisé.
● Le traitement
Aucun.
1374
La santé animale 6 6
● La prophylaxie
La prévention de la rage animale et la protection des humains qui ont été contaminés
par morsure ou par simple contact avec des animaux enragés, sont assurées par un
certain nombre de mesures décidées par les services vétérinaires ou médicaux, dès
qu’il existe une suspicion de rage (a fortiori, lorsqu’un diagnostic certain est effectué).
Dans les pays où la maladie existe, la mort d’un mammifère familier (chat, chien,
civette, singe, etc.) ayant présenté des signes d’hébétude et de paralysie doit faire pen-
ser à la rage.
Il ne faut jamais abattre (sauf impossibilité totale) un animal suspect de rage : le cap-
turer ou l’enfermer en le mettant hors d’état de nuire (période d’observation obliga-
toire), et prévenir immédiatement le vétérinaire ou le médecin du lieu, qui prendra
toutes mesures utiles et effectuera l’examen clinique et les prélèvements nécessaires.
Les gens mordus doivent sans délai s’adresser à leur médecin.
La prophylaxie médicale de masse n’est possible que chez le chien et chez les bovins :
chez ces derniers, la vaccination peut être effectuée au moyen de vaccins inactivés ou
de vaccins vivants.
Dans les pays où la rage est transmise par les vampires (Amérique tropicale), indé-
pendamment de la vaccination, il est recommandé d’abriter les animaux pour la nuit
dans des étables à portes et fenêtres grillagées.
● Tuberculose
C’est une maladie contagieuse, à évolution le plus souvent chronique, due au bacille
tuberculeux ou bacille de Koch dont il existe plusieurs types : humain (Mycobactium
tuberculosis), bovin (M. bovis) et aviaire (M. avium). Tous les mammifères et les oiseaux
domestiques peuvent être atteints et la contamination homme-bovin ou bovin-homme
est fréquente.
Les lésions tuberculeuses ont des caractères très particuliers, qui les rendent facile-
ment reconnaissables dans la majorité des cas (tubercules, grains, processus de caséi-
fication, atteinte constante des ganglions lymphatiques) mais leurs localisations sont
très diverses. Les formes cliniques les plus fréquentes et les plus dangereuses au titre
de la contagion sont la forme pleuro-pulmonaire, la forme digestive ou intestinale, la
forme génitale et la mammite tuberculaire.
Les animaux parvenus à un stade lésionnel très avancé ne sont pas obligatoirement en
mauvais état général : ils peuvent présenter tous les signes apparents d’une bonne
santé. Le diagnostic clinique doit toujours être confirmé par un test tuberculinique
positif.
● Le traitement
À n’entreprendre en aucun cas sur les animaux car ses résultats sont des plus aléa-
toires et son prix de revient fort onéreux. En outre, on risque de conserver des por-
teurs de germes.
1375
6 L’élevage
● La prophylaxie
La tuberculose est l’objet d’une législation sanitaire très approfondie dans tous les
pays qui essaient de l’éliminer. Les règles générales suivantes sont préconisées :
> abattage sans délai des animaux malades ;
> surveillance du cheptel par des tests tuberculiniques réguliers ;
> envoi à la boucherie des animaux réagissant positivement à la tuberculination ;
> reconstitution de troupeaux indemnes, avec des noyaux d’animaux sains.
● Définition et concepts
Par définition, les maladies multifactorielles sont des pathologies dont l’apparition et
l’expression sont contrôlées par un ensemble complexe de facteurs ou de marqueurs
de risque. Les formes cliniques sont souvent frustes et variables d’un individu à
l’autre. Elles incriminent rarement des germes pathogènes majeurs et, en tout état de
cause, il est impossible de déterminer un agent particulier responsable de ces affec-
tions : les analyses de laboratoires révèlent dans la plupart des cas une association de
plusieurs germes, variable d’un individu à l’autre et d’un élevage à l’autre. Ces mala-
dies ne vérifient donc pas le postulat de Koch déterminant les conditions nécessaires
et suffisantes pour établir une relation de causalité entre un germe pathogène et une
maladie.
Postulat de Koch
Une relation causale entre un agent pathogène et une maladie peut être acceptée si :
– cet agent peut être isolé en culture pure pour tout cas de la maladie ;
– il n’est pas retrouvé dans des cas d’autres maladies ;
– il reproduit la maladie chez des animaux d’expériences ;
– il est isolé chez ces animaux d’expériences.
Ces syndromes sont plutôt caractérisés par leur allure épidémiologique. Ils touchent
en général des espèces et des systèmes d’élevage bien définis, et surviennent dans une
forte proportion des élevages d’une région donnée. La morbidité est forte, mais la
mortalité est faible sur une courte période (elle peut être considérable quand on la
cumule sur une année). Les variations saisonnières de l’incidence sont marquées, mais
la maladie se répète régulièrement d’une année sur l’autre. Enfin, ces pathologies ont
toujours un coût économique élevé, même si leur forme épidémiologique diffuse leur
donne un aspect moins spectaculaire que les grandes endémies.
Ces maladies ont d’abord été décrites dans les systèmes d’élevage intensifs des pays
industrialisés et ont parfois été qualifiées de technopathies. Elles sont, en effet, considé-
rées comme révélatrices d’une inadéquation entre les besoins des animaux et les
conditions d’élevage : logement, hygiène et microbisme, alimentation, intensité de la
production, etc.
1376
La santé animale 6 6
À la notion classique de cause (un germe, une maladie) se substitue donc la notion de
facteur de risque (un système déséquilibré, une plus grande fréquence des problèmes
sanitaires). Les maladies multifactorielles sont de plus en plus étudiées dans les pays
tropicaux.
● Méthode d’investigation
L’analyse de ces situations de déséquilibre doit prendre en compte les caractéristiques
de ces systèmes, notamment leur complexité. Elle doit porter sur l’ensemble des fac-
teurs et de leurs interactions, considérés simultanément (analyse globale) et dans la
durée (analyse longitudinale). Ces contraintes excluent, dans un premier temps, le
recours aux expériences en milieu contrôlé et imposent de travailler en situation
réelle, c’est-à-dire directement dans les élevages concernés par les problèmes de
pathologie multifactorielle.
Le rétablissement d’une solution sanitairement et économiquement acceptable pour
l’éleveur et le consommateur repose sur la mise en place d’un plan de lutte et de pré-
vention intégré, faisant appel à des modifications des pratiques d’élevage (logement,
alimentation, etc.) plus qu’à des schémas de prophylaxie médicale (vaccination, ver-
mifugation…). L’ensemble de ces particularités a entraîné la naissance d’une branche
de l’épidémiologie, dénommée écopathologie, où le préfixe éco dénote autant l’aspect
écologique (analyse d’un système complexe) qu’économique (impact de la pathologie
et nécessité de rétablir une situation plus favorable à l’éleveur).
Exemples
Dans les élevages intensifs des pays industrialisés, sont bien connues certaines formes de mammite
des vaches laitières, de boiterie des taurillons dans les ateliers d’embouche, de pneumopathie enzoo-
tique des porcs charcutiers, etc.
Malgré des conditions d’élevage beaucoup moins intensives, les pathologies multifactorielles sont
également présentes dans les systèmes tropicaux. On peut citer les pneumopathies enzootiques des
petits ruminants, trop souvent et improprement appelées pasteurellose. Si des isolements de
Pasteurella spp (notamment P. haemolytica) sont toujours positifs sur les lésions pulmonaires obser-
vées à l’autopsie, la maladie n’est pas reproduite expérimentalement par injection ou inhalation de
colonies pures de Pasteurella. De plus les vaccinations effectuées avec divers sérotypes de P. hae -
molytica, souvent combinés, sont remarquablement inefficaces. D’autres exemples où une étiologie
multifactorielle a été démontrée ou suspectée sont la diarrhée du chamelon au Maroc, les avorte-
ments des chèvres dans le Nordeste brésilien ou la mortalité des chevreaux au Zimbabwe.
1377
6 L’élevage
➤ Figure 3 : Evolution de la prévalence instantanée du jetage nasal dans une population d’ovins djallonké (Kolda, Sénégal)
suite à la mise en place d’une campagne de vaccination contre la PPR (source : R. Lancelot, ISRA -LNERV / CIRAD-EMVT,
Dakar, Sénégal, 2000)
1378
La santé animale 6 6
● Par l’environnement
Des infections parasitaires peuvent être contractées par ingestion d’œufs de parasites
présents sur le sol (aliments souillés) dans le cas de l’échinococcose alvéolaire (ver
parasite du chien, larve pouvant s’enkyster dans le foie de l’homme) ou par des baies
sauvages dans le cas de l’échinococcose multiloculaire (ver parasite du renard, larve
entraînant une atteinte hépatique grave de l’homme).
● Par contact
Plusieurs maladies peuvent être transmises de l’animal à l’homme par simple contact :
> brucellose par contact de la peau avec des produits d’avortement (écoulements uté-
rins) ;
> yersiniose (maladie du lapin) par contact avec un animal atteint ;
> tuberculose par voie respiratoire en cas de contact étroit avec les animaux (étable) ;
> fièvre de la Vallée du Rift par contact avec des produits d’avortement ou abattage
d’animaux malades ;
> charbon bactéridien par contact de la peau avec du sang, de la viande ou du cuir
d’animaux morts.
● Par vecteurs
Un grand nombre de maladies des animaux sont transmises par des vecteurs tels que
des moustiques (arboviroses), des tiques ou des mouches (glossines). Un certain
nombre de ces vecteurs peuvent également transmettre la même maladie à l’homme.
C’est le cas des moustiques pour la transmission de :
> la fièvre de la Vallée du Rift, pouvant se manifester chez l’homme sous la forme
d’une fièvre hémorragique ;
> d’encéphalites équines (de l’Est, de l’Ouest, vénézuélienne, japonaise...), provo-
quant souvent des formes d’encéphalite graves chez l’homme.
La prévention de ce mode de transmission peut être basée sur la surveillance de la
maladie chez l’animal et la lutte contre les vecteurs.
● Par morsure
La rage est une maladie animale transmise le plus souvent par morsure (chiens, cha-
cals, renards) ou par contact avec la salive de l’animal enragé (vaches, petits rumi-
nants). La rage est entretenue dans les villes par les chiens et chats errants et dans la
nature par les renards, les chacals et les chiroptères.
1379
6 L’élevage
La maladie est toujours mortelle dès que les symptômes sont déclarés. La prévention
chez l’homme se fait par vaccination. En cas de morsure, il faut laver la plaie et vacci-
ner d’urgence. La meilleure action préventive reste la vaccination des chiens errants.
1380
La santé animale 6 6
● Résidus médicamenteux
Le non-respect des délais d’attente des médicaments (période pendant laquelle les
produits des animaux traités ne doivent pas être consommés) peut avoir plusieurs
types d’impact sur le consommateur :
> allergies, chocs anaphylactiques : pénicillines, iode ;
> intoxications : antiparasitaires organochlorés tels que le lindane ;
> développement de flores microbiennes résistantes aux antibiotiques par ingestion
régulière de faibles quantités d’antibiotiques.
Le respect du délai d’attente (toujours mentionné sur les médicaments), des voies
d’administration et des doses ainsi que l’utilisation uniquement de médicaments
agréés par les autorités nationales compétentes permet d’éviter ces conséquences.
1381
6 L’élevage
L’HYGIÈNE ET LA PROPHYLAXIE
● L’hygiène
Trois formules
A. Soude caustique (paillettes : l00 g) + alkylate de sodium pur (Teepol : 10 g ou 10 ml) + chaux éteinte
industrielle module 20 (2 kg) + eau (10 l) ;
B. Même formule que A sans chaux ;
C. Même formule que A sans soude.
1382
La santé animale 6 6
● Les instruments
Une excellente stérilisation des petits instruments, des seringues et des aiguilles peut
être effectuée dans une «cocotte-minute» de ménage ou dans un four pasteur.
1383
6 L’élevage
● La prophylaxie
Par définition, une maladie transmissible va passer plus ou moins rapidement d’un
troupeau à un autre et seule une action concertée et collective peut permettre de
contrôler ou éliminer cette maladie. Cette lutte collective peut être facultative ou obli-
gatoire.
Plusieurs stratégies sont disponibles et leur mise en place dépend notamment des
caractéristiques épidémiologiques de la maladie.
● La prophylaxie sanitaire
Elle comprend les actions qui visent à l’élimination de l’agent pathogène et à la pro-
tection des individus sains. Les trois étapes principales de cette prophylaxie sont :
> le dépistage des élevages infectés ;
> l’assainissement ;
> la protection.
Cette stratégie comprend des mesures offensives qui consistent en la détection des ani-
maux ou des troupeaux porteurs de l’infection (sérologie, tests allergiques, détection
clinique) et en leur élimination partielle ou totale par abattage (avec généralement une
indemnisation). Les mesures défensives consistent à éviter l’introduction de l’agent
pathogène dans les élevages (contrôle des introductions, quarantaines).
Pour des raisons de coût et d’acceptabilité, les mesures offensives ne sont appliquées
que lorsque la prévalence de la maladie est faible.
● La prophylaxie médicale
Elle comprend les actions de traitement, de chimioprévention et d’immunisation.
Les traitements sont peu utilisés pour la lutte contre les maladies animales conta-
gieuses, voire interdits (traitements contre la tuberculose ou la PPCB). La chimiopré-
vention est parfois utilisée dans le cas de maladies pour lesquelles il n’existe pas de vac-
cin (chimioprévention des bœufs de labours par produits trypanocides à longue action
dans les zones à glossines).
La vaccination demeure la méthode de prophylaxie médicale la plus commune. Son
principe repose sur la loi de Charles Nicolle qui veut qu’une maladie contagieuse ne
peut plus se propager dans une population animale dont 75 % des individus sont pro-
tégés. Elle a donc pour but de stopper les manifestations épizootiques d’une maladie.
Pour cela, il est nécessaire de connaître l’efficacité du vaccin utilisé, la durée de l’im-
munité conférée et la possibilité pratique de sa réalisation (coût, logistique). La lutte
vaccinale est généralement préférée pour les maladies à forte prévalence.
● La prophylaxie médico-sanitaire
Il est rare que des mesures médicales ne soient pas associées à des mesures sanitaires
(vaccination de masse associée à un abattage des troupeaux faisant l’objet de flambées
épizootiques de la maladie).
1384
La santé animale 6 6
● La gestion de l’éradication
Après l’éradication, la stratégie de lutte repose sur les activités suivantes :
> vérification de la situation sanitaire du pays ;
> reconnaissance officielle du statut du pays ;
> protection du territoire contre la réintroduction de la maladie ;
> préparation à l’intervention d’urgence.
● La vérification de la situation sanitaire
Elle se fait par la mise en place d’un réseau d’épidémiosurveillance efficace capable de
détecter toute manifestation clinique de la maladie (exemple de la fièvre aphteuse en
Europe : arrêt de la vaccination en 1991, mise en place d’un système national de sur-
veillance épidémiologique). Des enquêtes transversales sur des échantillons représen-
tatifs de troupeaux du pays permettent de déterminer objectivement l’absence de cir-
culation de l’agent pathogène (enquêtes cliniques ou enquêtes sérologiques).
● La reconnaissance officielle du statut
Les organisations internationales (OIE) adoptent des normes fixant pour les pays les
procédures à suivre pour être reconnus indemnes de certaines maladies. Une telle
procédure existe par exemple pour la peste bovine et peut être accomplie en six ans :
> arrêt et interdiction de la vaccination, déclaration de pays provisoirement indemne;
> enquêtes cliniques transversales sur des échantillons représentatifs de troupeaux
pendant trois ans pour obtenir le statut de pays indemne de maladie ;
> enquêtes sérologiques transversales sur des échantillons représentatifs de trou-
peaux pendant trois ans pour obtenir le statut de pays indemne d’infection.
● La protection du territoire
Elle passe par le contrôle des frontières et la maîtrise des mouvements commerciaux
et de transhumance.
1385
6 L’élevage
1386
La santé animale 6 6
1387
6 L’élevage
Il peut aussi s’agir de mettre en place des audits médicaux pour contrôler la bonne
qualité des soins délivrés et des pratiques (éviter l’abus d’antibiotiques et l’apparition
de résistances), ou allouer des fonds à la recherche vétérinaire sur un domaine parti-
culier (recherche vaccinale), guider la répartition des centres de santé et des praticiens
en établissant des règles d’allocation géographique, allouer des fonds à la mise en
place et au fonctionnement de laboratoires de diagnostic locaux ou régionaux (assu-
rer le contrôle de la localisation de la technologie médicale et des services de réfé-
rence).
1388
La santé animale 6 6
Tableau 1. Comparaison des méthodes analyse coût-efficacité ACE et analyse coût-bénéfice ACB
Analyse Tous les flux de coûts sont exprimés en unités Tous les bénéfices sont L’effet est exprimé sur
coût-efficacité monétaires constantes et sont actualisés au exprimés pour un seul critère un critère le plus souvent
ACE temps de référence. La somme de ces valeurs en unités physiques naturelles unique (une mesure par
actualisées fait état des coûts. établies dans la nomenclature option), l’effet est réalisé
Les prix des intrants nécessaires à l’action (jours de travail gagnés ou à des degrés divers selon
sanitaire doivent représenter le mieux possible mortalité évitée ou quantité les options de lutte.
les coûts d’opportunité de ces intrants du point de lait gagnée). L’effet est pris en compte
de vue des agents économiques qui mettent en quand il est commun aux
œuvre le programme. Si les prix de marché diverses options et exprimé
constatés ne reflètent pas les coûts en unité commune pour la
d’opportunité réels, on peut ainsi effectuer les rendre comparable
calculs à partir de prix artificiels dits prix de (par exemple réduction de
référence. C’est en particulier le cas si le la mortalité).
programme est fortement importateur d’intrants
payables en devises et si le facteur travail est
artificiellement trop bien rémunéré dans un projet.
Ces deux facteurs doivent alors être corrigés.
Analyse Unité monétaire. Unité monétaire. Plusieurs effets sont
coût-bénéfice Les conditions énumérées pour l’ACE Les conditions énumérées possibles et donc plusieurs
ACB s’appliquent pour l’ACE s’appliquent, mais critères sont utilisés, mais
on prend en compte tous les ils ne sont pas forcément
effets mesurables et on les communs aux diverses
transforme. options et sont donc
comparés seulement quand
ils ont été agrégés en
valeur dans une mesure
unique.
Tableau des analyses globales comparant à la fois les inputs et outputs d’un programme et plusieurs options d’un même programme.
1389
6 L’élevage
> dans le même temps, établir à quel moment par rapport au début de la mise en
route du programme ces ressources seront consommées ou créées ;
> établir le temps de référence de l’évaluation (le moment auquel on mesurera, qui
n’est pas forcément le début du programme) et la durée choisie pour l’analyse des
flux (qui peut aller au delà de l’exécution du programme), qui dépend des indica-
teurs retenus et du type de projet ;
> calculer le détail des coûts et bénéfices sur la même base mais en termes monétaires.
Utiliser des valeurs de référence qui respectent l’inflation (évolution des prix) et la
valeur des ressources ;
> actualiser les flux de coûts et bénéfices ;
> comparer les indicateurs liés aux coûts et bénéfices entre les options sur la base du
critère de prise de décision préétabli ;
> procéder à une analyse de sensibilité des calculs et inclure cette analyse lors de la
présentation des résultats ;
> présenter et transférer les résultats de l’étude et fournir les explications techniques
sur les limites de l’étude, mais aussi sur ses forces, de manière à mieux répondre à
la demande des décideurs. Éventuellement, face à un manque de consensus évi-
dent, reprendre l’étude à partir des données disponibles mais en incluant une
nomenclature et des techniques de calcul qui soient mieux reconnues ou acceptées.
Bibliographie
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1390
7 ZOOTECHNIE SPÉCIALE
7.1 L’élevage des herbivores
7.2 L’élevage des monogastriques
non herbivores
7.3 La pisciculture et les élevages
non conventionnels
7 1 L’élevage des
herbivores
7.1.1 Généralités sur les ruminants
7.1.2 L’ élevage bovin
7.1.3 Les élevages ovins, caprins
et camélins
7.1.4 L’ élevage des autres herbivores
7 1 1 Généralités
sur les ruminants
À partir des contributions de H.Guérin (CIRAD),
P. Lecomte (CIRAD), P. Lhoste (CIRAD) et C. Meyer (CIRAD)
1395
7 Zootechnie spéciale
Espèce : elle est caractérisée par la possibilité pour les individus qui en font partie de
se reproduire entre eux et par l’impossibilité ou la grande difficulté à se reproduire
entre espèces différentes. Mayr Ernst a défini l’espèce comme des «groupes de popula -
tions naturelles effectivement ou potentiellement interféconds qui sont reproductivement isolés des
autres groupes de même nature ». L’isolement reproducteur peut être dû au comporte-
ment de la parade sexuelle aussi bien qu’à un isolement géographique.
Race : elle peut être définie comme une collection d’individus de même espèce qui ont
entre eux une histoire d’élevage commune et des caractères communs et qui les trans-
mettent à leurs descendants. Les caractères communs peuvent être extérieurs ou non
visibles de l’extérieur. La détermination de la race d’un animal n’est pas toujours aisée.
Elle se trouve facilitée lorsqu’on peut examiner plusieurs animaux de la même race,
lorsqu’on connaît le lieu où ces animaux vivent et qu’on peut la différencier d’autres
races se trouvant dans la même région. La race n’est pas fixe : elle est le résultat d’une
histoire durant laquelle sont intervenus de nombreux facteurs : migrations d’ani-
maux, mutations de gènes, modifications du contexte économique et politique.
Autrefois, les races étaient peu spécialisées en France. Les populations animales se dif-
férenciaient en types régionaux plus ou moins homogènes, adaptés à un milieu cli-
matique et géographique et à un mode d’élevage. Puis une sélection a été effectuée
selon le modèle anglais, ce qui suppose :
> un réseau d’éleveurs organisés ;
> l’identification de leurs animaux à un patron standardisé ;
> une image de marque d’aptitudes spécifiques ;
> un profit à la clé pour les éleveurs sélectionnant leurs animaux.
La base humaine et sociale de la race est donc clairement établie.
La limite entre une race et une variété (sous-race) n’est pas nettement tranchée. C’est
souvent l’usage qui le détermine, et il peut être remis en cause. Ainsi, malgré des dif-
férences locales, la race bovine N’Dama et la race ovine Djallonké portent partout le
même nom. En revanche, on distingue la Baoulé, la Somba, la Muturu, races ou varié-
tés fortement apparentées.
On ne peut pas toujours parler de races en Afrique par exemple, mais plutôt de popu -
lations. Il s’agit souvent de types génétiques dus à la volonté de l’homme, séparés par
leur origine (moutons à longues ou courtes pattes) ou leur voie d’arrivée.
La race pure ou population animale sélectionnée (PAS) est un ensemble d’individus soumis
à un même programme de sélection ou de conservation reconnu. On peut conseiller
d’utiliser le nom de population pour un sous-ensemble d’une race dans une région
donnée (par exemple la N’Dama dans un pays particulier où elle peut présenter des
particularités) ou pour une race imparfaitement fixée.
Les souches (ovins, lapins) et les lignées (volailles, bovins, équins, porcins) sont des pro-
duits de sélection issus d’un petit groupe d’individus d’une race donnée. Ils permet-
tent d’obtenir des caractères reproductibles avec peu de variabilité.
On élève aussi des produits de croisements entre races ou lignées (croisement, ou métis -
sage) ou même entre espèces différentes (hybridation) : le mulet résulte du croisement
de l’âne et de la jument, le mulard résulte du croisement entre le canard de Barbarie
et le canard domestique. On parle aussi de races ou de lignées composites ou synthétiques.
1396
L’élevage des herbivores 7 1
1397
7 Zootechnie spéciale
Souvent une bonne solution consiste à débuter par le croisement entre race locale et
race exotique. La race locale apporte la rusticité et la race exotique une meilleure pro-
duction. De plus, on bénéficie au début de l’effet d’hétérosis. L’amélioration est plus
rapide que par la simple sélection de la race locale qu’il convient de conserver. Cette
solution est souvent adoptée dans les projets d’amélioration de l’élevage laitier.
Au-delà de la première génération d’animaux croisés (F1) se pose la question de la
poursuite de la sélection : on peut chercher à obtenir un niveau situé entre 50 et 75 %
de sang exotique, ou bien opter pour un croisement alternatif ou encore pour un croi-
sement d’absorption. Le choix dépend du niveau d’intensification possible.
● Les fourrages
Les fourrages, constitués par l’appareil aérien (tiges, feuilles, fruits) des plantes natu-
relles ou cultivées appétées par les animaux, sont plus ou moins riches en parois végé-
tales. Celles-ci sont fermentées dans le rumen. Les fourrages, en général accessibles à
faible coût, constituent la base de la ration alimentaire des ruminants.
● Les pâturages en zones sèches
Dans les systèmes pastoraux transhumants en zones sèches, ce sont les espèces herba-
cées annuelles qui contribuent à la constitution d’un pâturage de composition bota-
nique très diverse selon le rythme des pluies, la nature du sol, la situation topogra-
phique et la pression de pâturage. Ces facteurs déterminent la germination et
l’installation des espèces dont les semences sont présentes dans le sol : la part des gra-
minées peut ainsi varier d’une année sur l’autre, pour un même site, de 20 à 80 %, la
part des dicotylédones (dont les légumineuses) variant dans des proportions inverses.
Le régime des animaux sur ces parcours dominés par des espèces annuelles change
donc beaucoup selon les ressources disponibles (figure 1). Les troupeaux exploitent
généralement plusieurs types de végétation au cours d’une même journée, ce qui
valorise la complémentarité nutritionnelle des fourrages ingérés. L’aptitude à valori-
ser la diversité des ressources est plus grande chez les petits ruminants que chez les
bovins.
1398
L’élevage des herbivores 7 1
➤ Figure 1 : Contribution spécifique des graminées dans le régime des bovins et des ovins en fonction
de leur importance dans le pâturage sur des parcours sahéliens (Guerin et al., 1991)
1399
7 Zootechnie spéciale
Sans gestion de la charge, le disponible fourrager est en excès en saison des pluies. Le
bétail se concentre alors sur certaines zones pour disposer en permanence de jeunes
repousses. En conditions de surpâturage, les bonnes espèces fourragères s’épuisent,
tandis que les espèces indésirables envahissent le pâturage. Une gestion rationnelle
doit permettre de pérenniser ou de réinstaller les bonnes espèces et d’améliorer la
valeur alimentaire des repousses.
La gestion raisonnée consiste à ajuster la charge instantanée de la surface dévolue aux
animaux à sa productivité, en évitant que le bétail ne se laisse dépasser par la pousse
et ne crée un sous-ensemble de parcelles surpâturées. La biomasse produite est alors
plus faible qu’en laissant la plante accomplir son cycle, mais elle est presque totalement
consommable.
C’est le rapport des quantités de repousses produites entre les saisons sèches et
humides qui détermine les surfaces à utiliser ou à mettre en défens, pour un troupeau
donné, à chaque saison. L’évolution de la qualité des repousses et le vieillissement de
l’herbe déterminent quant à eux la périodicité des feux.
● Les fourrages ligneux
Dans les systèmes sylvopastoraux, les ligneux peuvent constituer une part non négli-
geable de l’apport fourrager sur parcours. Leur utilisation spontanée, très variable
suivant les disponibilités en d’autres fourrages, peut atteindre 30 % de la ration des
bovins, 50 % de celle des ovins, 80 % de celle des caprins et camelins. La présence
d’arbres et d’arbustes, fourragers ou non, dépend des types de végétation : au Sahel
par exemple, le couvert ligneux est compris entre 2 % de la surface des parcours sur
steppes herbeuses (moins de 50 tiges à l’hectare) et 15 à 20 % sur steppe boisée (400
à 600 tiges à l’hectare).
Dans les zones à pluviométrie suffisante (aux environs de 1 000 mm), plusieurs
arbustes sont cultivés pour leur feuillage : on peut citer Leucaena leucocephala, Gliricidia
sepium et Calliandra calothyrsus.
1400
L’élevage des herbivores 7 1
Le rôle fourrager des ligneux dépend de leur valeur alimentaire et de plusieurs autres
facteurs : appétabilité, stade phénologique, accessibilité, pratiques éventuelles de
récolte et de commercialisation.
En élevage agropastoral, les ligneux servent principalement de complément pour les
petits ruminants, les animaux de trait et les bonnes vaches laitières ; la ration de base
est assurée par des fourrages de bonne qualité ou des sous-produits agro-industriels.
Ce complément peut procurer un apport intéressant en azote. Néanmoins, si la teneur
en matières azotées des ligneux est souvent élevée, leur digestibilité est très variable
(des facteurs antinutritionnels peuvent être présents. La productivité fourragère des
ligneux est évaluée sur la base des densités de peuplement, de la taille des arbres et
arbustes, du cycle phénologique et du cycle de croissance foliaire.
Pour la production de feuilles, on peut distinguer :
> la biomasse maximale mesurée en fin de saison des pluies ou évaluée par des relations
d’allométrie ;
> la biomasse saisonnière calculée en fonction de la biomasse maximale et du cycle de
feuillaison ;
> la biomasse utile, fraction accessible aux animaux en fonction de sa répartition spa-
tiale : accessible en hauteur (disponible), accessible en profondeur de houppier (fonc-
tion de la densité des branchages et des épines).
● Les cultures fourragères 2
Les fourrages cultivés peuvent constituer la base alimentaire en systèmes herbagers ou
participer à la complémentation au cours des périodes déficitaires dans les systèmes
agropastoraux.
De nombreux facteurs favorisent l’adoption des cultures fourragères ; on peut citer
notamment les réformes foncières, la production de plantes fourragères à double
usage (sorgho, mil, etc.), les techniques d’amélioration des jachères, la mise au point
de nouveaux systèmes de culture avec par exemple le semis direct sous couverture
végétale, l’intensification de certaines filières d’élevage (production laitière, petits
ruminants).
Les cultures fourragères se développent rapidement en Amérique du Sud et dans les
départements et territoires français d’outremer ; elles progressent en revanche plus
lentement dans les systèmes de production africains. Les raisons sont nombreuses :
absence de tradition de culture pour l’alimentation du bétail, manque de terre,
inadaptation des règles d’utilisation des parcours, coût des semences et des clôtures et
valorisation économique moindre des intrants (eau et engrais) par rapport aux cul-
tures vivrières ou de rente.
La culture fourragère représente un investissement (terre, main-d’œuvre, intrants)
dont la valeur et la rentabilité doivent être appréciées avant de lancer un programme
de vulgarisation des techniques de culture, de récolte et de conservation des
fourrages.
1401
7 Zootechnie spéciale
1402
L’élevage des herbivores 7 1
1403
7 Zootechnie spéciale
● La digestion
De par son anatomie digestive, le ruminant transforme d’abord les aliments qu’il
ingère. Il absorbe ensuite des nutriments qui ne résultent pas de la simple dégrada-
tion des aliments consommés. Les systèmes d’évaluation de la valeur alimentaire tien-
nent compte du rôle très particulier et essentiel des fermentations microbiennes dans
le système de digestion en deux étapes des ruminants.
Le rumen contient une importante population microbienne (bactéries, protozoaires)
qui, en association avec l’activité de mastication, dégrade et fermente une fraction de
l’aliment, produit des métabolites et se multiplie en consommant une partie de ceux-ci.
La dégradation de la cellulose, de l’amidon et des sucres génère de l’énergie disper-
sée sous forme de chaleur, réutilisée par les microbes sous forme d’ATP, et, principa-
lement d’acides gras volatils (AGV) absorbés à travers la paroi du rumen. Les AGV
sont ensuite métabolisés au niveau des organes (foie, muscle, mamelle) comme pré-
curseurs d’autres molécules et comme fournisseurs d’énergie. Ils contribuent surtout
à apporter l’énergie nécessaire à la prolifération de la population microbienne.
Les protéines dégradées en peptides et acides aminés génèrent de l’ammoniaque,
principale source d’azote dans les synthèses microbiennes. Les composés azotés dégra-
dés dans le rumen entrent dans les voies de la synthèse microbienne au prorata des
quantités d’énergie disponibles pour cette synthèse. Un déficit en énergie ou en azote
limite la synthèse. Il faut donc un minimum de matières organiques et de matières
azotées fermentescibles pour assurer une bonne dégradation des aliments, ce qui n’est
pas toujours le cas avec des régimes à base de fourrages grossiers tropicaux. À l’op-
posé, un e xcès d’azote dégradable aboutit à un gaspillage d’azote par l’animal ; l’am-
moniaque en excès est en effet alors absorbé dans le rumen et en grande partie éva-
cué par le système urinaire. Cette interdépendance entre l’énergie et l’azote est à la
base de la construction des tables de valeur alimentaire actuellement utilisées. Au-delà
de la valeur alimentaire des apports, ce système permet également d’estimer les rejets
d’azote par l’animal.
Les matières alimentaires non dégradées ne peuvent pas être absorbées au niveau du
rumen. Le contenu de ce dernier est continuellement transféré vers la caillette puis
l’intestin où prend place une digestion de type monogastrique, à caractère enzyma-
tique. Les fractions énergétiques et protéiques des digesta parvenant dans l’intestin
grêle sont constituées d’un mélange de matières alimentaires non dégradées et de
matières microbiennes ; ces dernières possèdent un profil en acides aminés essentiels
différent de celui des végétaux de l’aliment. Les acides aminés d’origine alimentaire ou
microbienne permettent de couvrir les besoins métaboliques des ruminants.
1404
L’élevage des herbivores 7 1
Ces derniers sont capables de tirer parti d’un aliment au profil en acides aminés peu
équilibré en le transformant en protéines de haute valeur biologique.
1405
7 Zootechnie spéciale
1406
L’élevage des herbivores 7 1
● L’ingestion
Chez les monogastriques, l’ingestion est principalement contrôlée par le niveau des
métabolites circulant dans le sang. Chez les ruminants, elle est d’abord liée à la capa-
cité du rumen et au temps qu’il faut pour réduire l’aliment en particules de taille suf-
fisamment petite pour qu’elles transitent vers les compartiments suivants.
L’ingestion peut être envisagée selon deux aspects :
> la capacité d’ingestion de l’animal, variable selon l’espèce, la taille corporelle et l’état physio -
logique de l’animal. La matière sèche volontairement ingérée par l’animal augmente
avec son poids vif de façon presque linéaire. L’augmentation de la capacité d’inges -
tion est liée à celle des besoins énergétiques dont une grande part est consacrée à
l’entretien ; elle est permise par l’accroissement de la capacité du rumen.
Rapportée au poids vif, la matière sèche volontairement ingérée diminue ; elle reste
à peu près constante si on la rapporte à une puissance du poids vif. Dans la plupart
des systèmes, on admet une puissance de 0,75 dans l’expression de ce que l’on qua-
lifie alors de poids métabolique de l’animal (P0,75). Ceci permet, à l’intérieur d’une caté-
gorie ou d’une espèce animale, l’expression uniforme de l’ingestibilité ou de la
capacité d’ingestion en termes de gramme de matière sèche par kilo de poids méta-
bolique ;
> l’ingestibilité de l’aliment, c’est-à-dire son aptitude à être ingéré en plus ou moins grande quan -
tité par l’animal. Pour les fourrages naturels, ce paramètre varie selon l’appétibilité
(attrait exercé sur l’animal, caractéristiques organoleptiques) et, pour une large
part, selon la digestibilité et la teneur en azote. On admet généralement que 70 %
des variations d’ingestibilité peuvent être attribués à des variations de composition
chimique et de digestibilité. Des fourrages âgés, à teneur élevée en fibres et lignine,
et à teneur faible en protéines, séjournent plus longtemps dans le rumen. La limi-
tation des quantités d’azote dégradable et d’énergie fermentescible ralentit d’autant
le développement de la population bactérienne cellulolytique. Le transit et la
reprise de l’ingestion se font moins rapidement que pour des fourrages plus jeunes.
La notion d’ingestibilité est importante à retenir, car elle change beaucoup selon les
fourrages, en particulier en zone tropicale : elle varie de 45 à 80 g de MS par kg de
poids métabolique pour les fourrages soudano-sahéliens.
1407
7 Zootechnie spéciale
Pour les fourrages tropicaux, tout comme pour les fourrages tempérés, la digestibilité
est le facteur de variation le plus important de la valeur énergétique. Elle varie selon
les espèces et diminue au cours de la croissance de la plante. Les valeurs de digestibi-
lité de la matière sèche d’échantillons d’espèces tropicales, présentent une plage de
variation allant de 30 à 75 %. Les espèces tempérées évoluent entre 45 et 85 %, avec
une valeur moyenne supérieure de 12,5 % à celle des espèces tropicales.
L’activité et le rendement photosynthétique des cultures fourragères sont liés à la tem-
pérature ambiante et aux disponibilités en eau. En conditions de température et de
nutrition hydrique optimales, la vitesse de croissance augmente et la graminée élabore
davantage de produits de structure (hémicellulose, cellulose). Elle se lignifie alors plus
rapidement et perd de sa digestibilité. Avec l’âge également, la graminée devient
moins digestible et la valeur énergétique diminue.
Tableau 2. Evolution de la valeur alimentaire de Pennisetum pedicellatum en début de saison sèche dans la zone
soudano-sahélienne
1408
L’élevage des herbivores 7 1
Dans la conception d’un système d’alimentation amélioré, après avoir inventorié les
disponibilités, il faut apprécier la qualité alimentaire des ressources autres que l’herbe
et rechercher un équilibre économiquement rentable entre les besoins en énergie et
en azote, selon l’objectif de production et la distribution des différentes ressources.
À la diversité des ressources correspond une grande diversité de valeurs alimentaires.
La figure 4 compare l’amplitude de variation de ces valeurs et illustre la complémen-
tarité entre les produits fourragers, peu coûteux, disponibles en grandes quantités et
les sous-produits de l’agriculture et de l’industrie, utilisables en quantités limitées
pour combler les déficits en énergie ou en azote de la ration quotidienne.
1409
7 Zootechnie spéciale
● Le rationnement
➤ Figure 5 : Schéma des facteurs à prendre en compte pour une adéquation entre les besoins de l’animal et la valeur
alimentaire de la ration consommée.
1410
L’élevage des herbivores 7 1
Pour illustrer la conception d’une ration, nous prendrons l’exemple d’une vache lai-
tière, exemple le plus technique et où les systèmes d’élevage peuvent être très divers.
Le rationnement se conçoit à partir d’une ration de base, composée de fourrage ou
d’un aliment de lest, qui couvre l’entretien et un minimum de production. En zone
tempérée, la production varie de 20 à 25 kg de lait par jour avec un excellent four-
rage (herbe feuillue de valeur nutritive >0,90 UFL et environ 100 g PDI /kg MS) à
5 kg de lait par jour avec une ration de faible valeur alimentaire. En zone tropicale, la
ration de base permet rarement de produire plus de 8 kg de lait.
La ration de base doit être combinée avec un complément qui équilibre la ration en
fonction des besoins de l’animal. Avec deux aliments, le calcul de la ration est simple.
Au-delà de deux aliments, il faut fixer la quantité de l’un d’eux ou de plusieurs avant
de calculer la composition du complément. Il existe aujourd’hui des logiciels qui per-
mettent de calculer les rations. Toutefois, même avec ce type d’outil, il est indispen-
sable de bien caractériser les aliments disponibles, de connaître les bases du
rationnement et de raisonner les différents apports et les différentes teneurs en éner-
gie et en matières azotées des aliments.
Il est toujours recommandé de faire les calculs de ration par rapport à la matière
sèche. C’est d’autant plus important que les animaux reçoivent des fourrages dont la
teneur en eau est très variable. Au terme des calculs, les quantités d’aliments sont rap-
portées aux poids bruts effectivement distribués, en tenant compte des refus.
Tableau 4.Besoins alimentaires quotidiens des bovins (vache laitière ou bovin à viande)
Les calculs se font toujours pour l’énergie et les matières azotées. Il faut ensuite véri-
fier si l’animal a la capacité de consommer la quantité de matière sèche proposée
(tableau 5). Les apports en minéraux sont ensuite ajustés ; leur encombrement est
faible et l’apport supplémentaire en matière sèche n’a pas d’effet significatif sur la
capacité d’ingestion de l’animal.
1411
7 Zootechnie spéciale
Tableau 5. Consommation journalière estimée de matières sèche (en kg) par vache
Sur le plan théorique, le calcul est simple : il revient à résoudre deux équations du
premier degré à autant d’inconnues qu’il y a d’aliments à incorporer. Une équation
est posée pour l’énergie, une seconde pour les MAD ou les PDI selon les références
dont on dispose. La quantité moyenne d’eau bue est indiquée au tableau 6.
Tableau 6. Quantité d’eau bue en fonction de la ration de base (en litres/kg MS ingérée)
3 On garde dans ce premier exemple l’expression ancienne en MAD qui reste toujours d’actualité pour les animaux à pro-
duction limitée.
1412
L’élevage des herbivores 7 1
La ration de base doit être fixée : dans ce cas, on estime (tableau 5) que la vache
consomme 4,5 kg de MS de paille de riz soit un apport de 2,3 UFL et 13,5 g de MAD.
Le déficit par rapport aux besoins est de 2,9 UFL et 427 g de MAD.
La recherche d’un complément adéquat
La quatrième étape porte sur l’analyse du déficit, l’appréciation des aliments dispo-
nibles et le calcul du complément. Dans l’exemple décrit ci-dessus, le déficit est impor-
tant pour l’énergie et les MAD. Pour le combler facilement, il faudrait distribuer 3,4
kg de MS d’un aliment d’une teneur de 1 UFL et de 147 g de MAD/kg. Le tourteau
d’arachide permettrait un apport facile en MAD, mais serait insuffisant en UFL. Un
premier choix peut porter sur un complément fait de tourteau d’arachide (TA) et de
son fort de riz (SFR) industriel. La lecture des teneurs en UFL et MAD dans les tables
des aliments permet de poser les équations suivantes :
1,11 X (TA) + 0,58 Y (SFR) = 2,9 UFL
467 X (TA) + 40 Y (SFR) = 427 g MAD
Les calculs aboutissent à la distribution de 0,58 kg de tourteau et de 3,9 kg de son fort
de riz, soit un total de 4,5 kg de MS. Cette matière sèche ajoutée aux 4,5 kg de paille
ferait un total de 9 kg de MS pour la ration avec une concentration énergétique de
0,58 UFL/kg. Cette quantité de MS serait excessive pour la vache et en conséquence
non consommée en totalité (tableau 5). Il faut donc rechercher la formulation d’un
autre complément.
Le choix peut se porter alors sur le tourteau d’arachide (TA) et la farine basse de riz
(FBR). Les équations deviennent alors :
1,11 X (TA) + 1,10 Y (FBR) = 2,9 UFL
467 X (TA) + 99 Y (FBR) = 427 g MAD
La résolution de ces deux équations aboutit à la distribution de 0,46 kg de tourteau
d’arachide et de 2,15 kg de farine basse de riz, soit 2,61 kg de MS. Avec la paille de
riz consommée, la MS totale ingérée est de 7,1 kg, ce que l’animal peut consommer.
Les compléments minéraux nécessaires
Suite à ces calculs, il faut établir un bilan des apports des aliments en minéraux (cf.
tableau 7).
Calcium Phosphore
Ce total doit être comparé aux besoins qui sont de 33,1 g de calcium et de 19,5 g de
phosphore. Ce dernier est largement excédentaire alors que le calcium est insuffisant.
Il sera nécessaire d’apporter un complément minéral, à la vache, par exemple sous
forme de poudre de coquillage à raison de 100 g par jour. Du sel devra être distribué
également : 50 g/jour.
1413
7 Zootechnie spéciale
1414
L’élevage des herbivores 7 1
Considérons en première approche une ration de base couvrant 8 kg de lait (8,5 UFL,
755 g PDI) avec la distribution de 7 kg de Panicum et 2 kg de niébé : apports de 6,1
UFL, 415 g PDI N, 406 g de PDIE. Le déficit est de 2,4 UFL, 340 g PDIN, 349 g PDI E.
Le calcul au niveau des PDI doit être fait pour la catégorie de PDI la plus déficitaire,
en l’occurrence les PDIN ; toutefois, dans le cas présent, cette différence est faible.
Le déficit permet de calculer la valeur moyenne du complément : il doit avoir une
teneur proche de 142 g de PDIN ou PDIE/UFL. Parmi les aliments disponibles, la lec-
ture des tables montre que les drêches et le son sont plus riches en PDIN qu’en PDIE,
la mélasse en PDI E qu’en PDIN. Pour les drêches et la mélasse, les calculs sont les sui-
vants :
223 DB + 32 M = 340 PDIN
189 DB + 68 M = 349 PDIE
Ceci conduit à recommander l’incorporation de 1,3 kg de drêches et 1,6 kg de mélasse
pour un équilibre azoté. L’apport en énergie de 2,7 UFL est très légèrement supérieur
au déficit (2,4), ce qui est peu important.
La ration de base couvrant 8 kg de lait est donc de 7 kg MS de Panicum, 2 kg MS de
niébé, 1,6 kg MS de mélasse, 1,3 kg MS de drêche, soit 11,9 kg de MS.
Le calcul du complément
Il reste à couvrir 22 kg de lait avec un concentré équilibré, soit un apport de 9,7 UFL,
1 080 g PDI et normalement un reliquat de 8,2 kg de MS consommable. Ceci conduit
à une concentration du kg de MS de 1,18 UFL et 132 g PDI. La concentration éner-
gétique visée ne sera possible à obtenir qu’avec l’incorporation d’une céréale et la
recherche d’un aliment non inventorié dans un premier temps. Le choix se portera
sur le maïs (Ma), complémenté par le tourteau d’arachide (TA). Le calcul se fait par
kg de concentré :
345 TA + 82 Ma = 132 PDIN
192 TA + 120 Ma = 132 PDIE
soit 0,2 kg de tourteau et 0,8 kg de maïs (toujours sur la base de la MS).
Le bilan en énergie est de 1,24 UFL soit un léger excès. Le maïs peut être remplacé
par le sorgho, moins riche en énergie :
345 TA + 91 S = 132 PDIN
192 TA + 117 S = 132 PDIE
La proportion du mélange est de 15 % de tourteau et 85 % de sorgho. L’énergie conte-
nue est de 1,17 UFL/kg MS.
Le choix entre le maïs et le sorgho est alors principalement d’ordre économique.
1416
L’élevage des herbivores 7 1
La ration de base est déficitaire en phosphore ; elle doit être complémentée par un
phosphate ne contenant pas de calcium, comme par exemple du phosphate disodique
ou dipotassique.
Le complément est au contraire déficitaire en calcium. Il faut choisir un carbonate ou
de la poudre de coquillage légèrement complémenté par un phosphate tricalcique
(éventuellement de la farine d’os calciné).
LA REPRODUCTION
● La vie sexuelle des femelles
● Le cycle œstral
Le tableau 9 indique la durée moyenne du cycle œstral normal. Des cycles anormaux
plus longs (corps jaune persistant par exemple) ou plus courts (nymphomanie, etc.)
peuvent se produire.
Les problèmes de reproduction se posent avec acuité pour les races importées : les races
bovines laitières introduites dans les pays tropicaux souffrent pendant les périodes
chaudes, surtout si l’hygrométrie est élevée et si elles sont en lactation. Elles souffrent
aussi de pathologies et des variations de disponibilité des aliments. La maturité
sexuelle en est retardée. Un raccourcissement de la durée de l’œstrus, une augmen-
tation des œstrus sans ovulation, un allongement du cycle œstral, une modification du
taux de progestérone dans le sang sont souvent constatés en périodes chaudes. Le
taux de mortalité embryonnaire précoce est plus élevé. Tout cela aboutit à une ferti-
lité réduite chez les animaux importés.
1417
7 Zootechnie spéciale
Tableau 9. Résumé des caractéristiques de la vie sexuelle des femelles selon les espèces et races
Espèces et races Type sexuel Epoque de Durée du Durée de Durée de Involution utérine
saillies cycle oestral (j) l’oestrus (h) gestation (j) normale (j)
1418
L’élevage des herbivores 7 1
● L’oestrus
En pays tempéré, la durée moyenne de l’œstrus est de 18-19 h chez la vache et de 14 h
chez la génisse. En pays tropicaux, cette durée est plus courte. Ainsi, chez les taurins
N’Dama et Baoulé, les chaleurs durent en moyenne 9 à 12 h. Elles ne sont pas tou-
jours très nettes et sont parfois entrecoupées. Chez ces races, les signes anatomiques
(utérus ferme à la palpation et oedème de la vulve) sont inconstants et sont détectés
respectivement sur moins de 20 % et de 50 % des chaleurs. Néanmoins des essais ont
montré en Côte d’Ivoire qu’en observant le comportement pendant une demi heure,
deux fois par jour à 7 h et à 15 h, il est possible de détecter des chaleurs deux fois sur
trois.
Tableau 10. Résumé des performances moyennes de reproduction des femelles selon les espèces et races
Espèces et races Puberté femelle Première mise Intervalle entre Fertilité Prolificité Retour des chaleurs
(mois) bas (mois) mises bas (mois) (%) petits/portée) après mise bas (j)
Vache
Pays tempéré 6-12 80-90 1,03 40-56 (race lait ou viande)
N’Dama 12 à 33 (60 % PAd) 22,5 à 55 12 à 25 50 à 85 34-140
Baoulé 14 à 26 (57-64% PAd) 25,5 à 42,5 14 à 18,6 41-101,5
Zébu 19 à 26 43 à 45 36 à 85,5 107
Brebis
Pays tempéré 6-8 (60-65 % PAd) 1-3 ou 1,5-2,5 40-60 (+ effet mâle)
Djallonké 6-8 11,5-19,5 8 (7-11) 40 à 85
Chèvre
Alpine 6-10 11-15 1-3 ou 1,5-2,5
Djallonké 8-10 14,5-17,5 6-8 souvent 2 voire + (+ effet mâle)
Créole 8-14 17,2 ± 3,1 8,5 82-95 1,75 à 2,1
(Guadeloupe)
Truie 6 (4-10) attendre 8-9 10,5-12 5-5,5 80-90 10,7-11,3 30-60 (dont lactation 3-4
semaines)
Jument
Pays tempéré 12-24 64-85
Anesse 12 à 15 (2-22)
Pays tempéré 2-3 ans 4,5 ans (4-5 ans) 43 avort. fréquent
Anesse africaine 18 (1-2 ans) 2 ans environ si jumeaux
Dromadaire 2 à 4 ans 3,5 à 7 ans 2 ans (15-36 mois) 30 à 47 1,01 à 1,04 1 à 10 mois
Lapine 4 à 6 (3-8) 4-9 2-3 (50-90 j) 7 à 8 (3-10) 10
110-130 = écart des valeurs 30 à 36 = écart des moyennes PAd = Poids adulte avort. = avortement
1419
7 Zootechnie spéciale
Tableau 11. Résumé des principales caractéristiques de reproduction des mâles selon les espèces et races
Espèces et races Puberté mâle Volume du Spz mobiles Concentration Nombre de spz Nombre de femelles
(mois) sperme (ml) (%) du sperme totaux (109) par par mâle
(1.000 spz/mm3) éjaculat
Taureau
Pays tempéré 11-12 5 (2-10) 70 à 80 1 200 (700-2 500) 7 (lait) 4 (viande) 30-50
N’Dama 4 51,5 930
Baoulé 17,5 (61 % PAd) 2,4 (2-3) 80 1 000
Zébu 20-22 3,4 80 1 800
Buffle 4 60 4
Bélier
Pays tempéré 5-7 ou 12-15 selon 1 (0,5-2) 75 3 000 (2 000- 3 70-80
la sais. de 5 000)
naissance
Djallonké 5,8 ± 1
Bouc
Alpine 5-10 (40-50 % PAd) 1 (0,5-2,5) 80 3 000 (1 000- 2-3 70-80
5 000)
Boer 1,34 88 2 700 3,6
Verrat 8 (4-10) 300 (150-500) 60 300 (25-350) 45 30-40
Etalon
Pays tempéré 12-18 50 à 100 (20- 70-80 150 (30-800) 8,4 à 9 50-80
300)
Ane
Pays tempéré 3 ans 45 (10-130) 75 200 (50-400) 8 à 10 (3-20) 70-80
Dromadaire 4-5 ans 7,7 à 8,5 (4-12) 55 à 80 (40-80) 500 (140-760) 4 70
Lapin 6 (3-8) 0,6 (0,5-6) 80 50-350 0,03 10
110-130 = écart des valeurs. spz = spermatozoïde. Pad = Poids adulte.
30 à 36 = écart des moyennes. sais. = saison.
● La gestation
Chez la vache, la durée moyenne de gestation varie légèrement selon la race. En pays
tempérés, elle est de 276 à 290 j ; elle est par exemple de 279 j en race Jersiaise et de
290 j en race Charolaise. Chez les zébus, cette durée varie entre 260 et 310 jours ; la
moyenne avoisine les 280-290 jours.
En dessous de la durée moyenne de gestation, on parle de mise bas prématurée. Chez la
vache, à moins de 240 jours de gestation, le fœtus n’est en général pas viable et il y a
avortement. Avant 42 j de gestation, on parle de mortalité embryonnaire.
Chez la vache, le diagnostic de gestation est basé sur la cessation des chaleurs, sur la
palpation transrectale, sur le dosage de la progestérone dans le sang ou dans le lait
prélevé 21 à 24 jours après le service (saillie naturelle ou insémination artificielle), sur
le dosage de la PSPB (Pregnancy spécific protein B) ou de la PSG 60 (Protéine sérique de
gestation) plus de 70 jours après le vêlage ou enfin sur un examen échographique.
1420
L’élevage des herbivores 7 1
Chez la chèvre, le prélèvement de sang ou de lait est réalisé le 21ème ou 22ème jour
après le service pour doser la progestérone. Chez la brebis, il est pratiqué entre le
17ème et le 20ème jour. Chez la chèvre, le sulfate d’oestrone peut être dosé dans le sang,
le lait ou l’urine après le 60ème jour de préférence.
● La fertilité
Le taux de femelles gravides varie beaucoup selon les conditions d’élevage pour une
même race. Dans des conditions extensives d’élevage, ce taux n’est souvent que de
l’ordre de 50 % pour les races bovines tropicales ; il peut s’améliorer fortement avec
l’amélioration de l’alimentation (voir ci-dessous). Ainsi, en race Baoulé, la fertilité est
proche de 40-50 % en milieu villageois et de 85 % en élevage amélioré en ranch ou en
station en Côte d’Ivoire.
● La prolificité
Chez les bovins, l’obtention de jumeaux est assez rare (environ 2 %). En général, ceux-
ci ne sont d’ailleurs pas souhaitables, car ils compliquent la gestion de l’élevage et peu-
vent nécessiter l’adoption d’un des jumeaux par une autre mère. Lorsque les deux
jumeaux sont de sexes différents, la femelle est presque toujours stérile.
Chez les ovins et les caprins, la prolificité (nombre de produits par mise bas), très
variable selon les races, peut être beaucoup plus élevée que chez les bovins. Les bre-
bis africaines ont souvent une prolificité assez faible (1,2 à 1,5), celle des chèvres est
souvent supérieure (1, 5 à 2).
4 Cf tableau 10.
1421
7 Zootechnie spéciale
● Le mâle et la reproduction5
● La puberté
En milieu tropical, la puberté est souvent tardive chez les races locales. Pour cette rai-
son, comme chez la femelle, il est important de considérer non seulement l’âge, mais
aussi le poids à la puberté pour éviter de solliciter des reproducteurs trop légers et
immatures.
Chez les bovins de pays tempérés introduits en pays chauds, la puberté est retardée et
la spermatogenèse est affectée. La croissance des bovins européens est ralentie à une
température supérieure à 24 °C. La chaleur sèche est mieux supportée que la chaleur
humide.
En race taurine Baoulé, au Burkina, la puberté mâle apparaît en moyenne à 17,5 mois
à un poids moyen de 155 kg, soit 61 % du poids adulte. Chez les taurins créoles et les
zébus, elle est un peu plus tardive : 20 à 22 mois en moyenne.
● Le sperme
Il n’existe aucun rapport entre l’intensité de la libido (ardeur sexuelle) et la qualité du
sperme. Les caractéristiques du sperme (spermogramme) des taureaux sont soit com-
parables, soit inférieures en termes de volume et donc aussi de nombre de spermato-
zoïdes totaux chez les races locales en pays tropicaux par rapport aux taureaux en
pays tempérés.
Chez les bovins de pays tempérés introduits en pays chauds, la motilité du sperme
chute, puis le nombre de spermatozoïdes (volume et concentration). Mais l’effet
dépressif dû au climat est moins prononcé que chez les femelles. La sensibilité à la cha-
leur varie d’un taureau à l’autre. Les fils de taureaux résistants se comportent mieux
que les autres.
5 Cf tableau 11.
1422
L’élevage des herbivores 7 1
● L’alimentation
La fertilité dépend surtout de l’état corporel et du niveau d’alimentation des repro-
ducteurs. Les carences doivent être évitées (vitamines A et E, sélénium). La fertilité
dépend de l’exécution d’un flushing (alimentation plus poussée avant et après le ser-
vice), de la note d’état corporel6, de l’évolution du poids au moment du service (un
poids en augmentation est favorable).
Il est donc possible d’intervenir à court terme sur l’amélioration de l’alimentation
pour agir sur la fertilité du troupeau.
● Le climat et la saison
La fertilité dépend du climat et de la saison, de la température ambiante au moment
de l’insémination et du début de la gestation (elle ne doit pas être trop élevée) et de la
luminosité des locaux. Le climat agit de façon directe et aussi indirecte par le biais des
variations du disponible alimentaire et des pratiques d’élevage.
● Les pathologies
La fertilité dépend des maladies ou des affections de la vache7, du taureau 8, du trou-
peau9, et de l’hygiène de l’exploitation10.
● L’insémination artificielle
Lorsqu’on utilise l’insémination artificielle (IA), la fertilité des femelles inséminées
peut dépendre aussi de l’inséminateur ; en régions chaudes il faut en particulier
veiller à éviter les rayons de soleil sur la semence et les chocs thermiques, ne jamais
être brutal, déposer la semence en avant du col de l’utérus de la femelle, etc. La ferti-
lité dépend aussi du moment de l’insémination par rapport au début des chaleurs ou
du type de traitement de maîtrise des chaleurs si l’insémination a lieu à heure fixe, de
la technique utilisée (semence fraîche ou congelée), du taureau (certains taureaux ont
des semences meilleures que d’autres) et de sa race (la fertilité est meilleure si le tau-
reau est de race différente de la vache). Ces problèmes et notamment la détection pré-
cise des chaleurs sont plus difficiles à maîtriser en régions chaudes.
6 À la Réunion, l’insémination première a trois fois plus de chances de réussir lorsque le gain d’état corporel augmente
de 1 point dans le mois qui encadre l’insémination.
7 Anœstrus, métrites, kystes ovariens folliculaires ou lutéaux, sclérose de l’ovaire, hypogonadisme gonadique, anomalies
chromosomiques, troubles locomoteurs, mammites, dystocies et suites de vêlage par exemple.
8 Hypogonadisme, orchite, épididymite.
9 Maladies abortives, maladies contagieuses telles que la brucellose, etc.
10 Isolement des vaches avant, pendant et après la mise bas, etc.
1423
7 Zootechnie spéciale
1424
L’élevage des herbivores 7 1
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Les performances de reproduction en élevage laitier. In : BLANFORT V. HASSOUN P., MANDRET G.
PAILLAT J.M., T ILLARD E., ed CIRAD/INRA/Région Réunion, CAH : 527-292.
Logement
LOBRY M., VANDENBUSSCHE J., PONTHUS B., PELLETIER M., 1977. Manuel de construction des bâtiments
pour l’élevage en zone tropicale. Paris, ministère de la Coopération ; Maisons-Alfort, IEMVT, coll.
Manuels et précis d’élevage, 3, 218 p.
1425
7 1 2 L’élevage bovin
À partir des contributions de P. Lecomte (CIRAD),
P. Lhoste (CIRAD), C. Meyer (CIRAD) et E. Vall (CIRAD)
1 Urbanisation induisant la nécessité d’un approvisionnement régulier des centres urbains en protéines animales, amé-
lioration du niveau de vie, modification des comportements alimentaires, intégration économique des filières animales.
2 Aliments du bétail, santé animale, potentiel génétique des vaches.
1427
7 Zootechnie spéciale
Groupe I : zébus classiques zébus d’Afrique de l’Ouest à cornes courtes ou moyennes (zébus sahéliens)
zébus d’Afrique de l’Ouest à cornes en lyre ou longues (zébus peuls)
zébus d’Afrique de l’Est à cornes courtes
zébu de Madagascar
autres zébus importés
Groupe II : sangas (à bosse cervico-thoracique,
cornes longues ou géantes) et sangas x zébus
en Afrique de l’Est et du Sud
Groupe III : taurins (bovins sans bosse) taurins d’Afrique de l’Ouest à cornes longues (N’Dama et Kouri)
taurins d’Afrique de l’Ouest à cornes courtes
– type de savane (Baoulé, Muturu, Somba, Bakosi)
– type nain (Lagunaire, Bakweri, Namchi, Kapsiki)
taurins d’Ethiopie à cornes courtes
taurins d’Afrique du Nord à cornes courtes
Groupe IV : métis zébu x taurin d’Afrique de l’Ouest
zébu Malgache x taurin
taurin exotique x zébu
taurin exotique x taurin local
Groupe V: taurins exotiques purs
Groupe VI: autres Bovidés
(buffle domestique, oryx, éland et impala)
1428
L’élevage des herbivores 7 1
● Les buffles
Le buffle domestique produit une quantité de lait assez faible, mais ce lait est très riche
en matières grasses. Les races laitières sont d’origine indienne ou pakistanaise.
1429
7 Zootechnie spéciale
Tableau 2. Production de lait totale de quelques races en pays tropicaux (chiffres arrondis)
Races Production de lait Production maximale Durée de lactation Production de lait Taux butyreux
par lactation (kg) signalée (kg) (mois) (l/jour) (%)
Zébus
Maure 600–800 1 200 6-7 3-5 -
Azaouack 800-1 000 1 460 7-8 6-8 (début) -
du Sokoto 500-1 600 2 000 - - 5,8-6,5
Arabe 500-1 000 1 500 7-9 3-4 -
Goudali 600-1 200 2 275 7-10 - -
Gobra 500-600 - 6-7 - -
Peul du Soudan 500-650 750 7-8 2-3 -
White Fulani 600-1 000 1 500 8 - -
Barca 700 1 840 6 - 3,7
Abyssin 450-700 - 6 2-2,8 -
Boran 400-850 1 800 5-10 - 4,1-6,8
Somali - - - 2,3-2,7 5,5
Angoni 630-800 8-9 - 5,7
Malgache 200-350 - 6 2-5 -
Guzerat (Kankrej) 600-2 500 (Inde) 5 400 10 - -
id. 900-1 500 (Sénégal) - - - -
Red Shindi 700-2 300 (Inde) 5 500 9-16 - 4,0-5,0
id. 1 300 (Tunisie) - 10 - -
Gir 1 200-2 300 (Inde) 5 300 8-12 - 4,5
Sangas
Ankolé 600-650 1 500 7-8 4-5 -
Nilotique 750-900 - - 2-6 6,5
Tuni (Jiddu) 650-1 000 > 2 000 8 - -
Taurins africains
Kouri 1 200 2 440 6-10 3-8 3-3,5
N’Dama 300-600 1 150 5-8 2-3 (*) 4,75
Baoulé 200-600 - 7-9 1,5-2,5 (*) -
Lagunaire 125-300 - 5-9 - -
Bovins croisés
Sahiwal 1 100-3 175 4 500 10-16 - 4,0-6,0
id. 1 800-2 000 (Kenya) - 10 6-7 -
N’Damance 1 400 (750-2 100) 2 700 9 5-9,8 -
Jersiais x N’Dama 1 300 (1 000- 2 100) 2 700 8,5 5-7 5,55
Frison x zébus 2 000-2 400 (Ethiopie) - - 5-6,5 -
Austr. milking zebu 1 450-2 650 5 000 10 - 4,8-4,9
Holstein x local 3 100-3 450 (Vietnam)
Bovins européens
Montbéliard 2 700 (Sénégal) 3 560 - 8-11 3,85
Holstein 4 570 (Egypte) 6 000 (Vietnam) 10 (Egypte) - 3,7 (Egypte)
Jersiaise 3 200 (Sénégal) - 10 - 5,85
Tarine (Tarentaise) > 2 400 (Maroc) - 9 - 3,6
Buffle domestique 1 200-1 800 3 000 8-10 - 7,0-8,0
(*) 0,4-0,9 litres prélevés par jour.
● La reproduction
Physiologiquement, les bovins tropicaux ont souvent des chaleurs plus courtes et plus
frustes que ceux des pays tempérés : 10 à 12 heures pour les taurins N’Dama et
Baoulé, au lieu de 18 heures pour les taurins européens.
1430
L’élevage des herbivores 7 1
● Les productions
1431
7 Zootechnie spéciale
1432
L’élevage des herbivores 7 1
● La gestion du troupeau
Le but d’une bonne gestion est d’obtenir un maximum de temps productif pendant la
vie de la vache et une production aussi élevée que possible pour le moindre coût.
● La gestion de la reproduction
Sans vêlage, il n’y a pas de lactation chez la vache. La génisse peut être mise à la repro-
duction quand elle atteint près des deux tiers du poids d’une vache adulte de même
race. Le retard à la puberté peut être lié à l’alimentation ou être congénital. En éle-
vage intensifié, voire mixte, il faut :
> tenir un planning de fécondité et carrière par femelle reproductrice et une fiche
récapitulative ;
> observer les manifestations des chaleurs et noter leurs dates ;
> faire inséminer au bon moment (deuxième moitié des chaleurs et peu après la fin
des chaleurs), en respectant les règles d’hygiène ;
> faire effectuer une palpation transrectale et éventuellement un traitement par
l’agent d’élevage en cas de problème : anœstrus, nymphomanie, repeat-breeding,
métrites ;
> après le vêlage, nettoyer la vulve à l’eau et au savon ; vérifier que le placenta a été
éliminé au plus tard dans les douze heures. Le technicien ou le vétérinaire procède
alors à l’extraction du placenta et à la désinfection des cornes utérines. Cela réduit
fortement le risque de métrite et donc de stérilité de la vache.
Tout avortement nécessite la venue du vétérinaire. Il vaut mieux réformer les vaches
difficiles à féconder.
Pour provoquer le tarissement d’une bonne laitière, il faut séparer son veau si cela
n’est pas déjà fait, la séparer du troupeau, la laisser sans aliment et sans eau 24 heures,
lui donner seulement de la paille les 24 heures qui suivent, puis la réalimenter pro-
gressivement en trois jours. Il faut aussi introduire un antibiotique dans chaque quar-
tier de la mamelle à la dernière traite et cesser de traire. Pendant cette période de
tarissement, les vaches se reconstituent des réserves.
● La gestion sanitaire
La vache laitière est fragile. Les maladies ont des conséquences sur la lactation et aussi
sur la fécondité. L’hygiène doit être respectée à tout moment. L’enclos des animaux
malades doit être nettoyé et désinfecté régulièrement, plus fréquemment que les
autres. Les mesures de prévention systématique des grandes maladies infectieuses, les
vaccinations, les traitements contre les parasites et les traitements prophylactiques doi-
vent être appliqués. Les mammites sont particulièrement suivies. Il est très important
de tenir compte des délais d’attente des antibiotiques et des produits antiparasitaires.
Pour chaque produit, une période minimale après un traitement a été fixée pendant
laquelle le lait ne doit pas être consommé par l’homme.
1433
7 Zootechnie spéciale
Ces délais sont très variables et sont indiqués dans la documentation des produits. Les
résidus antibiotiques sont dommageables car ils peuvent entraîner l’apparition de
souches résistantes aux antibiotiques et des allergies pouvant être mortelles chez les
consommateurs. Ils sont dommageables également dans la fabrication des fromages.
Si le délai d’attente est assez court, des antibiotiques peuvent être utilisés sans dom-
mage pendant la période de tarissement. En dehors de ces cas, le lait contenant des
résidus doit être jeté.
Les maladies et les traitements peuvent être répertoriés sur une fiche individuelle.
● La lactation et la traite
Le but de la traite est d’extraire un lait de qualité sans nuire à la santé de la vache.
L’exploitant doit disposer d’eau propre sur place ou à proximité. Pour évaluer la pro-
duction laitière au cours de la lactation, il convient de la mesurer tous les 15 jours ou
au moins tous les mois (traite du matin et traite du soir) en collectant le lait dans un
récipient gradué, et de reporter les valeurs sur une fiche individuelle, ce qui permet
de pouvoir tracer la courbe de lactation et de l’analyser.
● La mise en condition de la vache
En Afrique, les vaches (par exemple zébus ou N’Dama utilisables pour produire des
laitières croisées) doivent être mises en présence de leur veau pour se laisser traire.
Celui-ci amorce la traite en tétant dix à trente secondes. Le trayeur laisse ensuite le
veau au contact ou en vue de sa mère. Plus la race est laitière, moins la présence du
veau est indispensable. En cas de stress la vache retient son lait. Pour éviter les stress,
il faut éviter de changer de trayeur et de faire courir la vache. Il faut agir au calme et
traire à heure fixe, si possible dans le même local.
● Le local de traite
Il est plus facile d’effectuer la traite dans un local. Les opérations peuvent y être ratio-
nalisées et sont plus hygiéniques. En élevage transhumant, une aire en terre battue,
légèrement surélevée et propre, installée près d’un point d’eau, est conseillée. En éle-
vage sédentaire, une stabulation libre, annexée à une salle de traite construite en dur,
convient. Le local doit être facile à nettoyer. Portes, barres de protections, mangeoires
sont de préférence en métal facile à entretenir. L’équipement de ramassage et de stoc-
kage (bidons et cuves) est si possible en acier inoxydable, plus facile à nettoyer et désin-
fecter que les récipients en bois ou en plastique. La salle de traite sert aussi à alimen-
ter les animaux, en particulier pour la ration de complément.
● La laiterie
Le lait y est refroidi puis conservé après la traite. Si la production est importante, le
local sera séparé en deux parties : une zone de stockage du lait et une zone de net-
toyage et de stockage des ustensiles.
● Les techniques de traite
Après avoir, si nécessaire, laissé le veau téter quelques secondes, on masse vigoureu-
sement la mamelle et les trayons en lavant la mamelle avec une lavette ou un linge
imprégné de désinfectant ; on laisse égoutter et sécher puis on élimine les premiers
jets de lait, riches en microbes. Ces opérations doivent être rapides.
1434
L’élevage des herbivores 7 1
La traite proprement dite peut être manuelle ou mécanique. Une traite complète doit
durer 7 à 10 minutes. À la fin, il faut tremper les trayons dans une solution désinfec-
tante car le conduit reste ouvert quelques minutes. En cas d’allaitement restreint, le
veau est laissé à la mère à la fin de la traite.
1435
7 Zootechnie spéciale
Les métrites sont des inflammations de l’utérus dues à une infection. Elles sont consé-
cutives à des problèmes lors de la mise bas ou à des rétentions placentaires (non-déli-
vrances) non ou mal traitées. Elles sont caractérisées par un écoulement de pus au
niveau de la vulve. La vache ne peut pas être fécondée. Les métrites sont traitées par
instillation locale d’antibiotiques ou de sulfamides.
L’infertilité a de fortes répercussions économiques. L’anœstrus, frigidité ou anaphrodi-
sie est fréquent. Les chaleurs ne sont pas visibles pendant une période plus ou moins
longue. Anatomiquement les ovaires sont inactifs, ou un corps jaune persistant est pré-
sent. L’alimentation doit être surveillée. Une injection d’analogue de prostaglandines
peut lyser le corps jaune. Il y a repeat breeding lorsque plusieurs services sont néces-
saires pour féconder la vache. Les causes en sont multiples : insémination à un mau-
vais moment, non-fécondation, mortalité embryonnaire, etc.
Les avortements, expulsions du fœtus avant la fin de la gestation, ont des causes variées,
dont la brucellose, encore fréquente dans certains pays.
1436
L’élevage des herbivores 7 1
● La reproduction
En élevage extensif, la fécondité des races locales tourne souvent autour de 50 % (un
veau vivant par vache tous les deux ans). Elle peut être fortement améliorée avec une
meilleure alimentation comme cela est expliqué dans le chapitre 711.
● La production de viande
● Définitions
Poids vif : poids de l’animal sur pied (le matin, théoriquement à jeun depuis la veille,
ce qui n’est pas toujours possible). L’animal est pesé à la bascule ou son poids peut être
évalué par barymétrie 4.
Poids vif vide : c’est le poids vif moins le poids du contenu du tube digestif et de la ves-
sie au moment de l’éviscération. Il est calculé après l’abattage.
Carcasse : c’est ce qui reste de l’animal après l’abattage, la saignée, le dépouillement,
l’éviscération et l’enlèvement de la tête, des pieds, de la saignée (partie de muscles
entourant le trou de saignée), des mamelles et des organes génitaux. Elle est consti-
tuée par l’ensemble du squelette (moins la tête et les extrémités) et des muscles ; les
reins, la bosse (chez le zébu et le dromadaire), la hampe, l’onglet (diaphragme) et la
queue restent adhérents à la carcasse.
Poids de carcasse : il est déduit en général de la pesée de la carcasse faite à chaud après
l’abattage. On parle aussi de carcasse ressuyée, après 24 h. en chambre froide. On
enlève classiquement 2 % chez les bovins, les ovins et les caprins et 2,5 % chez les porcs
pour estimer le poids de la carcasse ressuyée ou à froid. En réalité, les pertes varient
entre 1,5 et 4 %.
4 Estimation du poids à partir des mensurations qui sont, comme le périmètre thoracique, bien corrélées avec le poids vif.
1437
7 Zootechnie spéciale
Tableau 3. Proportions des différentes parties du bovin de boucherie par rapport au poids vif
Carcasse 45 à 60 %
● Le rendement pondéral
On distingue différents indicateurs de rendement : les premiers concernent
l’abattage : les rendements brut et net ; le suivant est le rendement au désossage.
> Le rendement brut à l’abattage ou le rendement boucher : 100 x poids de carcasse/poids
vif. Ce rendement brut varie beaucoup, selon l’espèce, la race, et surtout l’état des
animaux.
Tableau 4. Exemples de rendements bruts de bétail zébu (bœufs de boucherie, carcasse chaude)
Le tableau 5 donne des rendements observés dans diverses races tropicales et euro-
péennes. La fourchette varie entre 40 et 70 %. Les races les plus spécialisées pour la
viande présentent les meilleurs rendements.
1438
L’élevage des herbivores 7 1
Tableau 5. Exemples de performances bouchères selon la race (mâles) en pays tropicaux et en Europe
Races Poids à la Poids adulte GMQ présevrage Age au sevrage Poids à 12 mois Rendement (%)
naissance (kg) (kg) (g/j) (mois) (kg)
En Afrique
taurin Baoulé 12-16 200-250 200-600 9 93 48-60
taurin N’Dama 15-25 220-420 380 8-9 130 40-60
taurin Kouri 25 400-700 635 7-8 - 50
zébu Azaouak 21 300-422 443 - 125 48-50
zébu Red Fulani 15 300-520 500-700 - - 40-45
zébu White Fulani 20-25 250-350 500-1 000 - 150 50-52
zébu Boran 25 320-680 640 8 - 54-57
sanga Ankolé 17-25 350-500 - - 135 / 165 45-55
sanga Africander 28 450-900 - - - 59-64
Jersiais x N’Dama - 400 440 6 145 58
Abondance x N’Dama 26 > 450 - - 245 -
Autres pays tropicaux
Bali - 350-400 - - - 50-58
Romano-Sinuano (Amér.) 30 600-800 - - - 58-60
Brahmane américain 25-30 750-1 000 - - 209 60
En Europe
Bovins laitiers
Montbéliarde 55 1 100 - 2 - 57
Prim’Holstein - 1 100 - - - 60
Bovins mixtes 38
Brune des Alpes - 850-1 000 1 038 7 - 60
Salers - 800-1 200 - - - 50-60
Tarine 700-1 000 - - 300 < 50
Bovins à viande
Limousin 38 1 050 1000 8 400-550 70
Charolais 48 1 150 1200 8 550 50-70
> Le rendement net : 100 x poids de carcasse/poids vif vide (sans le contenu du tube
digestif) ;
> Le rendement au désossage : c’est la production réelle de viande comestible soit 100 x
poids viande / poids de carcasse (le plus souvent).
On peut aussi établir des indicateurs complémentaires :
> la proportion d’os dans la carcasse : 100 x poids d’os / poids de carcasse ;
> la proportion de gras dans la carcasse : 100 x poids gras et déchets / poids de carcasse.
Ces taux varient beaucoup selon l’état corporel des animaux au moment de l’abattage;
cet état est lié aux variations saisonnières et au type d’alimentation et de conduite. Ils
sont nettement améliorés si l’animal a été correctement engraissé avant l’abattage.
Le rendement au désossage varie de 65 à 70 % pour des zébus sahéliens. Les os repré-
sentent 18 à 30 % de la carcasse, et le gras et les déchets 7 à 15 %.
1439
7 Zootechnie spéciale
● L’évaluation du poids
● La barymétrie
C’est une méthode d’estimation du poids vif à partir de mensurations prises sur l’ani-
mal vivant. Trois formules sont possibles : la formule de Crevat, la formule logarith-
mique et la formule linéaire, la plus simple et la plus utilisée actuellement.
Formule de Crevat
P = a x Pth3, avec :
P = poids en kg ; Pth = périmètre thoracique en mètre ; a = coefficient dépendant
de l’animal.
Formule logarithmique
Le poids (P) en kg est fonction du périmètre thoracique (Pth) en cm.
Prim’Holstein P = 0,00036 Pth 2,68
Normande P = 0,00034 Pth 2,71
Pie rouge de l’Est P = 0,00049 Pth 2,60
1440
L’élevage des herbivores 7 1
● Le prix de vente
Prix au kg vif : prix de l’animal vivant divisé par son poids vif.
Prix au kg net : prix de l’animal vivant divisé par le poids de la carcasse.
Le prix de vente du kilo de carcasse peut être inférieur au prix au kilo net. Il tient
compte de la valorisation du cinquième quartier, des frais d’abattage, de la marge de
l’abatteur et de la conjoncture commerciale.
1441
7 Zootechnie spéciale
● La mortalité
Les suivis d’élevage permettent de préciser les indicateurs de mortalité (taux annuels
de mortalité pour les différentes classes d’âge), alors que les enquêtes donnent des
résultats plus imprécis car liés à la déclaration et à la mémoire de l’interlocuteur.
Les taux annuels de mortalité se situent aux environs de 10-20 % chez les jeunes de 0
à 1 an (ils peuvent atteindre 30 à 40 % chez les veaux dans des troupeaux bovins expo-
sés à des situations sanitaires particulièrement difficiles) et de 4 à 5 % chez les adultes.
Dans les enquêtes ponctuelles, ces taux de mortalité sont généralement sous-estimés.
● La productivité
Divers indicateurs peuvent être retenus pour caractériser la productivité numérique.
Le taux de fécondité (nombre de veaux nés vivants par femelle et par an) est sans
doute l’un des plus fondamentaux. On utilise aussi classiquement un indicateur qui
intègre d’autres phases d’élevage : le nombre de veaux sevrés par femelle et par an. Il
est relativement aisé à obtenir chez l’éleveur. Cet indicateur de productivité numé-
rique combiné avec le poids moyen des veaux permet d’établir des indicateurs de la
productivité pondérale, en poids de veau (de 6 mois, au sevrage, ou d’un an…) par
vache et par an.
1442
L’élevage des herbivores 7 1
● L’embouche
● La définition
Par embouche, on entend l’engraissement et la mise en condition de certains types de
bétail pour la boucherie. La rentabilité dépend de nombreux facteurs, dont les plus
importants sont :
> l’efficacité de l’atelier d’embouche (indices de consommation, croissances pondé-
rales, durée, etc.) ;
> l’écart entre le prix de l’animal maigre et celui de l’animal engraissé.
● Les objectifs
Les objectifs visés par les éleveurs sont doubles :
> améliorer le rendement des carcasses et la qualité de la viande ;
> valoriser des produits agricoles et des sous-produits agro-industriels.
Au niveau des Etats, favoriser l’embouche permet :
> d’augmenter la production de viande ;
> de créer une nouvelle activité dans le secteur agricole ;
> de diminuer la charge des pâturages par déstockage des parcours traditionnels.
1443
7 Zootechnie spéciale
Pays Types d’animaux Durée Ration de base Complémentation GMQ IC Poids final
d’embouche (g/j) (kg)
Madagascar Zébus Malgaches 6 mois Coques de coton Tourteau de c. 2 kg 686 8,36 356,7 ± 59
castrés Tourteau de c. 800 g 637 7,97 349,5 ± 54
+ urée 200 g
+ mélasse 800 g
Cameroun Zébus Gudali 84 j Coques d’arachide Farine + son 948 6,84
+ graines de coton
Farine + son 1 054 6,67
+ tourteau de coton
Madagascar Zébus Malgaches 6 mois Fourrage vert à l’auge Maïs + tourteau d’arach. 593 13,7 361 ± 116
3 pr. mois (Trypsacum + Pennisetum) 751 -
Madagascar Métis Malgaches 5,5 mois Fourrage vert à l’auge Maïs + tourteau 910 8,7
x Brahman (Trypsacum + Pennisetum)
Côte d’Ivoire Métis zébu 55 j Panicum (auge) Manioc 6 kg 750 9,3
x N’Dama + graine de coton 2 kg
+ farine de riz 3 kg
Pâturage Stylosanthes Farine de riz 311 -
Côte d’Ivoire Métis zébu 82 j Panicum (auge) Manioc 6 kg 593 11,4
x N’Dama + graine de coton 2 kg
+ farine de riz 3 kg
Pâturage Stylosanthes Farine de riz 206 -
Sénégal Zébu Gobra 4 mois Coques d’arachide Concentré 1 1 080 6,2 384
+ mélasse (tourteau 10 %)
Coques d’arachide Concentré 2 585 10,3 325
+ mélasse (tourteau 3 % + urée)
Tchad Zébu arabe 5 à 8 mois Pennisetum purpureum Graine de coton 320 à 600 7 à 11 320 à 380
irrigué à l’auge ou (1 à 2,2 kg) - Natron
au pâturage
1444
L’élevage des herbivores 7 1
● Les résultats5
L’ensemble des essais conduits mettent en évidence :
> la supériorité des mâles, qu’ils soient entiers ou castrés ;
> le rôle fondamental de la durée de l’embouche ;
> le rôle de l’âge sur l’aptitude à l’embouche ;
> l’aptitude de certaines races à l’embouche.
● La gestion de l’embouche
Les systèmes d’embouche varient selon l’intensification de l’alimentation, la durée, etc.
Les choix stratégiques dépendent de facteurs techniques, liés aux caractéristiques des
animaux et des ressources alimentaires disponibles, et de facteurs économiques
comme les prix saisonniers du bétail maigre et du bétail gras, la disponibilité et le prix
des aliments, etc.
Les races bovines locales africaines peuvent donner des rendements satisfaisants en
embouche courte : 600 à 1 000 g/j de GMQ pendant trois à six mois. Ensuite, elles font
vite de la graisse et l’efficacité alimentaire diminue, ainsi que la rentabilité.
L’amélioration du rendement est possible. L’engraissement augmente non seulement
le poids de l’animal, mais aussi les rendements à la boucherie et au désossage.
5 Cf. tableau 9.
1445
7 Zootechnie spéciale
1446
L’élevage des herbivores 7 1
Tableau 10. Poids vif adulte, hauteur au garrot et aptitude au travail de quelques races de bovins africains et indiens
Races Poids vif adulte Poids vif adulte Hauteur au garrot Aptitude au travail
du mâle (kg) de la femelle (kg) du mâle (cm)
Les buffles d’Asie (Bubalus bubalus) sont très largement employés pour le travail en Asie
du Sud-Est, notamment dans les rizières et pour le charroi. Il sont plus forts que les
bovins mais en général plus lents. Ces animaux sont très dociles et familiers. Le mode
de vie semi-aquatique du buffle des marais exige des bains de boue fréquents (mode
d’évacuation de l’extra-chaleur de travail). Les mâles, comme les femelles, peuvent
travailler 5 h par jour à raison de 70 à 150 j/an. Ce sont également d’excellents ani-
maux de transport par charrette et portage (100 à 150 kg sur une distance de 25 km).
1447
7 Zootechnie spéciale
Les yacks (Bos grunniens), utilisés essentiellement pour le bât, vivent entre 3 000 et
6 000 m d’altitude au Tibet, au Népal, en Mongolie, en Chine et dans diverses régions
d’Asie centrale. Le poids vif moyen des adultes est compris entre 250 kg (femelles) et
550 kg (mâles). Ils peuvent transporter des charges de 120 à 160 kg sur des parcours
montagneux à une vitesse voisine de 2,5 à 3 km/h.
● La production de travail
Tableau 12. Estimations de la capacité de trait de plusieurs espèces tirant des instruments à des vitesses faibles
et moyennes
1448
L’élevage des herbivores 7 1
Tableau 13. Estimations des capacités de portage pour des durées supérieures à 6h par jour
1449
7 Zootechnie spéciale
Tableau 14. Besoins en énergie et en matières azotées digestibles d’un bovin de trait
Des minéraux doivent être fournis aux animaux. En climat chaud, la perte d’éléments
minéraux dans la sueur peut être très importante en cas d’effort intense et de travail
de longue durée. Les apports supplémentaires par rapport à l’entretien concernent
essentiellement le calcium, le phosphore et le sodium (cf. tableau 15).
L’attention doit porter sur le phosphore et le sodium dont la teneur est toujours faible
dans les pâturages tropicaux. Pour les autres minéraux, les recommandations (en g/kg
MS ingérée) sont les suivantes : magnésium : 1,5 ; potassium : 5,0 ; cuivre : 0,01 ;
zinc : 0,05.
La complémentation en minéraux se fait le plus souvent au moyen de blocs à lécher.
En milieu paysan, une pierre à lécher peut être fabriquée avec de la poudre d’os (riche
en phosphore), du sel et des oligo-éléments (CMV). Le liant peut être du ciment ou
de la mélasse. La fabrication peut être faite artisanalement avec : 500 g de poudre
d’os; 350 g de sel ; 100 g de son de céréale ; 50 g de ciment.
Tableau 15. Recommandations en calcium, phosphore et sodium pour les bovins à l’entretien ou au travail
(en g/kg MS ingérée)
À l’entretien Au travail
Ca P Na Ca P Na
● La consommation d’aliments
Le travail ne modifie pas la capacité d’ingestion des bovins. En revanche, lorsqu’il y a
un apport de concentré, en diminuant l’encombrement de la ration améliorée (base +
concentré), on augmente l’ingestibilité de la ration. L’ingestion de matière sèche aug-
mente avec la valeur énergétique de la ration (cf. chapitre 711).
1450
L’élevage des herbivores 7 1
Il est nécessaire de fournir au moins 10 % de plus par rapport aux quantités calculées
(refus et tri). En période de travail, il faut veiller au temps d’ingestion ; si l’animal dis-
pose de peu de temps avec des rations contenant une forte proportion de fourrages
grossiers, l’ingestion diminue. Il convient de fractionner les apports durant la jour-
née :
> matin avant le travail : apport des concentrés et service d’eau ;
> mi journée : pâturage et chaume ;
> fin de journée et nuit : pâturage et service de nuit de fourrage et d’eau.
● La consommation d’eau
La consommation d’eau dépend des conditions climatiques, de la ration ingérée (taux
de matière sèche) et des productions (activité physique, etc.). L’eau contenue dans les
aliments peut être importante (80 % du poids frais des jeunes fourrages verts). Elle
constitue un apport élevé à certaines périodes de l’année (jusqu’à 80 % des apports).
En saison sèche, l’eau nécessaire provient principalement de l’eau de boisson. Les
quantités d’eau bues varient de façon importante : de deux à cinq litres par kg de MS
ingérée. Des recommandations sont données dans le tableau 16. Les limites sont larges
pour chaque classe, car les données sont peu nombreuses et proposent des écarts
importants.
Tableau 16. Quantités d’eau consommée (l/100 kg PV) en fonction de la saison de travail
● La gestion du troupeau
● Le dressage
C’est un ensemble d’apprentissages successifs, basé sur la répétition des ordres et des
contraintes imposées aux animaux, visant à obtenir un comportement docile et volon -
taire à la fois, pour l’exécution des travaux. De la qualité du dressage dépend l’effica-
cité et le rendement au travail des animaux durant toute leur carrière. Un bon dres-
seur doit être patient, calme et ferme.
La durée du dressage, malheureusement souvent écourtée, devrait être d’environ un
mois. Elle dépend des qualités du dresseur et du caractère des animaux. Le dressage
peut commencer à trois ou quatre ans, voire sans brusquer les animaux vers deux ans.
La meilleure époque est la fin de la saison sèche, ce qui permet de parfaire le dressage
au moment des premiers labours. Un attelage devient parfaitement opérationnel
après deux à trois campagnes agricoles.
1451
7 Zootechnie spéciale
Trois méthodes de dressage sont employées pour les bovins. La première consiste à
dresser deux nouveaux jeunes taurillons sous le même joug. C’est la plus courante,
mais la plus difficile. La seconde, dite du parrain, consiste à éduquer un jeune en com-
pagnie d’un animal expérimenté. Deux jeunes sont ensuite réunis sous le même joug.
La troisième, dite sandwich, se pratique avec un joug de trois places ; le candidat au
dressage est placé au milieu d’une paire expérimentée. Cette méthode est courante en
Afrique du sud-est.
L’utilisateur de l’attelage doit effectuer lui même le dressage de son attelage ou au
moins y participer activement. Il est nécessaire de parler aux animaux. Il faut donner
un nom bref à l’animal (deux syllabes). Il faut accoutumer l’animal à réagir aux ordres
suivants : avancer, arrêter, tourner à gauche, à droite, reculer. Chaque ordre doit être
accompagné d’une sollicitation effective.
Des moyens de contrainte doivent être utilisés immédiatement après un ordre non
exécuté, mais sans brutalité. Il faut les arrêter aussitôt l’ordre exécuté. Les bâtons de
bois, le cas échéant, doivent être minces et souples. Autrefois, en Europe, on estimait
qu’un bon charretier ne se servait pratiquement jamais de son fouet. Bien utilisé, l’ai-
guillon électrique permet d’éviter les blessures ; mais il ne faut surtout pas en abuser.
Le dressage comprend plusieurs étapes d’une semaine chacune environ :
> l’accoutumance à l’homme permet d’approcher et de toucher l’animal sans provoquer
son inquiétude. Le perçage de la cloison nasale à l’aide d’une pince spéciale et le
rognage des cornes (3 à 5 cm aux extrémités) peuvent aider le dressage ;
> la pose et la tolérance du joug : les animaux sont attachés par les cornes à la barre hori-
zontale du travail pour les habituer l’un à l’autre et les familiariser avec les activités
humaines proches ;
> l’entraînement à la marche requiert souvent la présence de trois personnes (une en
tête, deux sur les côtés). Il permet au bouvier d’introduire le commandement à la
voix. Au départ, les animaux sont tenus de près (au besoin au moyen de cordages).
À la fin, l’attelage marche seul sans la présence de l’aide et obéit à la voix et aux
guides ;
> le développement d’un effort de traction consiste à habituer l’attelage à tracter une
charge dont on augmente progressivement le poids (tronc d’arbre). Les séquences
de traction sont entrecoupées de nombreux repos (par exemple 10 minutes de tra-
vail et 30 minutes de repos) ;
> enfin la traction d’outils agricoles consiste à habituer l’attelage à effectuer un travail
agricole sur une parcelle.
● La castration
La castration rend l’animal plus doux et plus docile. L’âge auquel castrer l’animal est
sujet à controverse, l’optimum pouvant être situé entre deux et trois ans. Si l’opéra-
tion est pratiquée après trois ans, le caractère du taureau est déjà bien affirmé et l’ef-
fet est faible. Si elle est pratiquée avant deux ans, elle risque de limiter le développe-
ment musculaire de l’animal. D’autre part la castration doit être effectuée quatre
semaines au moins avant le début du dressage, de façon à ce que le choc opératoire se
soit estompé. Un vétérinaire ou un technicien compétent peuvent être appelés pour
réaliser la castration. Les pinces à castrer de type Burdizzo sont bien adaptées.
1452
L’élevage des herbivores 7 1
7 Elle peut même chuter si, à la réforme, l’animal paraît vieux, épuisé, etc.
1453
7 Zootechnie spéciale
8 Périodes de travail coupées par des phases de repos, reconnaissance des signes de fatigue.
1454
L’élevage des herbivores 7 1
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1455
7 1 3 Les élevages ovins, caprins
et camélins
À partir des contributions de B. Faye (CIRAD),
C. Meyer (CIRAD) et D. Richard (CIRAD)
L’ÉLEVAGE OVIN
● Les phénotypes
Les races ovines sont très nombreuses en zones tropicales. En Afrique, plusieurs
ensembles peuvent être distingués : les grands moutons des zones désertiques et nord-
sahéliennes, les moutons de format moyen des zones sahéliennes et sahélo-souda-
niennes, les moutons à queue grasse des zones arides d’Afrique de l’Est, et les ovins de
petit format des zones humides. Il faut aussi mentionner les croisements dans les
zones d’interface de ces ensembles, qui constituent des populations en général peu
fixées sur le plan génétique.
● La reproduction
La durée du cycle sexuel est assez caractéristique de l’espèce. La durée moyenne est
de 17 jours (14 à 19 jours). Il existe des variations importantes. Celles-ci peuvent être
liées à la race, au poids des animaux, à leur état physiologique, ou à des facteurs cli-
matiques, éventuellement à des pathologies.
En élevage traditionnel extensif, il n’existe en général aucune séparation des sexes et
toute femelle en âge de se reproduire doit donc être considérée comme mise à la
reproduction. Il convient alors de déterminer à partir de quel âge une femelle entre
dans la catégorie des reproductrices. Le nombre de femelles en âge de reproduire, qui
sert de base au calcul des différentes variables, est un effectif moyen annuel. En éle-
vage intensif, les animaux sont conduits par lots, les accouplements sont contrôlés ou
programmés par traitement hormonal. Les fluctuations du nombre de reproductrices
sont très faibles. Le tableau 1 illustre ces éléments par quelques résultats qui montrent
la diversité des performances selon les milieux et les systèmes de production.
Tableau 1. Performances de reproduction des ovins subsahariens de races sahéliennes et soudano- guinéennes
(Touabire du Sénégal et Peul-Foulbé du Cameroun, Peul-Peul du Sénégal et Mossi du Burkina Faso,
Djallonké du Sénégal)
Age à la première mise bas (en mois) Prolificité (pour 100) Fécondité (pour 100) Mortalité avant un an (pour 100)
1457
7 Zootechnie spéciale
Bien que les comparaisons inter-races soient délicates, les races soudano-guinéennes
sont globalement plus précoces (un à deux mois) et plus prolifiques (10 à 20 %) que
les races sahéliennes lorsqu’elles sont élevées dans des conditions alimentaires non
extrêmes.
● Les productions
● La production laitière
Le lait de brebis présente quelques spécificités. Il est riche en matière sèche (190 g/kg)
et en matières grasses (60 à 80 g/kg), comparativement aux laits des autres ruminants
domestiques. Sa composition évolue au cours de la lactation (diminution de la teneur
en matières grasses avec le temps). Les teneurs en matières azotées (entre 50 et 60
g/kg), en calcium (2 g/l) et en phosphore (1,5 g/l) sont également plus élevées que dans
les laits de vache et de chèvre.
Cette composition donne une valeur énergétique élevée du kg de lait (> 1 000 kcal),
et des besoins énergétiques et azotés importants au cours de la lactation (>0,6 UFL/kg
de lait, à comparer à 0,43 UFL/kg de lait de vache). Pour une production de lait d’un
litre par jour, les besoins d’une brebis de 30 kg sont de 1,1 UFL, soit plus du double
des besoins d’entretien (0,42 UFL).
La mesure de la production laitière de brebis allaitantes pose des problèmes de
méthode. Elle peut être étudiée par la croissance des agneaux. Des observations ont
permis de mettre en liaison les quantités bues par les agneaux et leur croissance : c’est
l’indice de transformation (gramme de lait bu par gramme de croissance de l’agneau).
Différentes mesures faites en zone tropicale ont permis d’établir une courbe de lacta-
tion classique, avec un pic vers la quatrième semaine, une bonne persistance pendant
les deuxième et troisième mois, puis une diminution assez rapide jusqu’au cinquième
ou sixième mois. La production journalière peut dépasser 1,5 kg en pic de lactation.
Les données disponibles reflètent d’importantes variations : des brebis Djallonké du
Togo ont produit 57 à 86 kg en trois mois et demi, des brebis Peul au Sénégal 155 kg
en cinq mois, des brebis métis Vogan 120 à 180 kg en cinq mois et demi. Globalement,
en conditions alimentaires non limitantes, on observe une production laitière supé-
rieure pour les races sahéliennes, qui induit aussi une croissance plus rapide avant
sevrage chez ces races.
1458
L’élevage des herbivores 7 1
● La croissance
Le poids vif évolue en fonction de l’âge des animaux selon une courbe sigmoïde clas-
sique dans la plupart des espèces :
> une phase initiale de croissance accélérée correspond à la période d’allaitement
(quatre à six mois) ;
> la croissance est soutenue du sevrage à dix-huit mois ;
> puis la croissance est lente de dix-huit mois à cinq ans et tend progressivement vers
zéro lorsque l’animal arrive à maturité.
Cette évolution dépend bien sûr du potentiel génétique et du contexte alimentaire. Le
croît exprimé en kilo de poids vif résulte de plusieurs phénomènes : l’évolution des
contenus digestifs liée notamment au changement de régime, l’augmentation de la
capacité d’ingestion avec l’âge, la composition du gain net qui comprend de plus en
plus de gras et de moins en moins de muscle lorsque l’âge augmente.
Tableau 2.Gains moyens quotidiens (g) de quelques races ovines sahéliennes et soudaniennes au Tchad
(d’après Dumas, 1980)
Races sahéliennes
Mouton Peul Oudah
Mâle 129 60 8
Femelle 127 45 6
Mouton Arabe
Mâle 108 47 9
Femelle 110 35 7
Races soudaniennes
Mouton Mayo-Kebbi 87 28 6
Mouton Kirdi 47 29 2
La croissance n’est pas régulière avant le sevrage : très rapide le premier mois, elle
peut décliner rapidement suivant l’état nutritionnel de la mère et le contexte alimen-
taire.
1459
7 Zootechnie spéciale
Une malnutrition de la mère pendant cette période se traduit par une réduction de la
taille et du poids des agneaux à la naissance de 30 à 50 % par rapport à la normale.
Après la naissance, la vitesse de croissance de l’agneau dépend essentiellement de la
production laitière de la mère ; lorsque celle-ci est suffisante, le taux de croissance
maximal est atteint dans les premières semaines de la vie, alors que si cet apport est
insuffisant, la vitesse de croissance optimale est atteinte seulement à partir de la cin-
quième semaine, c’est-à-dire lorsque l’animal peut consommer et métaboliser des ali-
ments solides.
Après le sevrage, l’amélioration de l’alimentation par la complémentation ou par l’em-
ploi de rations intensives (cf. chapitre 65), provoque une croissance accélérée avec des
gains journaliers atteignant 150 g par jour (le plus souvent entre 75 et 125 g/j). Les
agneaux peuvent ainsi atteindre plus rapidement leur poids adulte, par exemple à
neuf ou dix mois, et les moutons de dix-huit mois ou plus peuvent être engraissés en
deux à trois mois.
L’effet du sex e
Les performances de croissance des mâles sont supérieures à celle des femelles. Pour
le gain moyen quotidien, l’avantage lié au sexe mâle s’exprime essentiellement après
le troisième mois.
L’effet du mode de naissance
Les agneaux nés simples sont plus lourds que les doublons à tous les âges considérés,
et ils atteignent plus précocement le poids adulte. Cette différence s’explique par
l’écart de poids à la naissance entre agneaux nés simples et doublons, mais aussi par
la concurrence alimentaire entre les jumeaux durant l’allaitement. En effet, les diffé-
rences de GMQ entre les deux catégories ne sont significatives que durant l’allaite-
ment. Après le sevrage, il n’y a plus aucune différence entre les GMQ, ce qui montre
qu’il n’y a pas de croissance compensatrice chez les doublons, qui restent ainsi handi-
capés durant toute leur croissance par rapport aux agneaux nés simples.
L’effet de la saison
La saison intervient surtout par la disponibilité en pâturage et la température. En
milieu sahélien, les agneaux nés en fin de saison de pluie ont une croissance plus
rapide que ceux nés en milieu de saison sèche, en raison notamment de la malnutri-
tion des mères en gestation par manque de pâturage.
1460
L’élevage des herbivores 7 1
Cela s’apprécie par une note qui va de zéro pour un animal très maigre à cinq pour
une brebis très grasse. Ces notations se font par observation et palpation de la région
lombaire. L’état des réserves corporelles influe sur le niveau de consommation de
matière sèche : pour un même poids vif, des ovins maigres consomment plus d’ali-
ments que des animaux gras. Des mesures ont montré une différence de consomma-
tion de 10 % entre des animaux dont la note d’état était respectivement de 1,5 et de
2,5.
Tableau 3. Recommandations pour les brebis en stabulation, avec une valeur énergétique moyenne du lait
de 0,68 UFL/kg et une teneur en protéines de 60 g/kg
Poids vif (kg) Performances UFL MAD (g) PDI (g) Ca (g) P (g)
Poids vif (kg) GMQ (g) UFL MAD (g) PDI (g) Ca (g) P (g)
Sur parcours, les besoins d’entretien doivent être augmentés pour les brebis et les
béliers dans les proportions présentées dans le tableau 5.
1461
7 Zootechnie spéciale
Tableau 5. Augmentation des besoins d’entretien sur parcours (en % des besoins évalués en stabulation)
● La gestion du troupeau
Les principes de gestion dépendent des systèmes de production et des conditions
agro-écologiques.
En système traditionnel extensif
La gestion des animaux est le plus souvent opportuniste. Il faut attirer l’attention des
éleveurs sur la prévention sanitaire, notamment par le contrôle des maladies infec-
tieuses, sur une bonne adaptation des logements de nuit à une protection des animaux
contre le froid et les vents, et si possible sur un contrôle des reproducteurs. La repro-
duction est plus saisonnée dans les zones arides que dans les zones humides, ce qui
tient aux variations importantes des ressources alimentaires dans les régions sèches.
La complémentation par des sous-produits permet de moduler ce saisonnement.
Dans les élevages intensifs
La gestion se fait par allotement des brebis, sélection des béliers, conduite raisonnée
de l’alimentation et protection sanitaire appropriée aux conditions climatiques.
L’application des techniques de synchronisation de la reproduction par traitement
hormonal ne doit intervenir que quand les conditions ci-dessus sont déjà maîtrisées.
1462
L’élevage des herbivores 7 1
● Les produits
Le principal produit est la viande, le plus souvent autoconsommée. Parmi les autres
productions, il faut signaler la laine, mais de nombreuses races des zones tropicales
portent des poils. Le lait est utilisé par certains éleveurs, rarement en produit pur. Il
est peu transformé en fromages purs, mais le plus souvent mélangé avec des laits
d’autres espèces.
L’ÉLEVAGE CAPRIN
● Différentes races et groupes de chèvres
La chèvre (Capra aegagrus hircus) a été domestiquée pendant le néolithique au Moyen-
Orient, plus de 7 000 ans avant J.-C, près de 1 500 ans après le mouton.
En Afrique de l’Ouest, deux groupes de chèvres sont distingués. Au nord, les chèvres
du Sahel1 sont de grande taille, le corps allongé, les membres longs et fins, le poil ras.
Le profil de la tête, la longueur et le port des oreilles, les cornes et la couleur de la
robe varient selon le lieu. Ces chèvres sont sensibles à la trypanosomose. Les chèvres
naines du Sud2 sont de taille petite ou moyenne, le profil de la tête est rectiligne ou
légèrement concave, le corps trapu, les membres courts et musclés, le poil ras. Elles
tolèrent généralement la trypanosomose et peuvent vivre plus au sud dans des zones
humides et infestées de glossines.
Dans le centre et l’est de l’Afrique, on peut distinguer les chèvres de savane3, les
chèvres naines 4 et les chèvres croisées. Parmi les chèvres d’Afrique du Nord, on peut
distinguer une chèvre de type sahélien5, de petites chèvres de savane6, des chèvres
nubiennes7 et des chèvres syriennes 8.
1463
7 Zootechnie spéciale
Dans toute l’Afrique, on rencontre aussi des chèvres d’origine européenne de race
pure ou croisées : Alpine, Saanen et Poitevine élevées pour le lait, chèvre angora ori-
ginaire de Turquie exploitée pour ses poils (mohair). Les races européennes intro-
duites en zones tropicales, en particulier les laitières, s’adaptent mieux en altitude où
le contexte climatique, sanitaire et alimentaire est moins sévère.
● La reproduction
L’âge à la première mise bas varie entre onze et seize mois suivant les races. Les
caprins sont en général plus précoces que les ovins (cf. tableau 6). Les intervalles entre
mise bas sont compris entre huit et neuf mois, ce qui indique une faible saisonnalité.
Les variations saisonnières du contexte alimentaire jouent un rôle important : la sai-
son de pluies entraîne un pic de fécondations qui provoque un pic de naissances en
début de saison sèche (jusqu’à 70 % des naissances de décembre à mars, saison sèche
fraîche en zone sahélienne).
Les taux de fertilité (80 à 180 %) et de fécondité sont en général, dans un milieu
donné, supérieurs de 20 à 30 % chez les caprins par rapport aux taux des ovins (cf.
tableau 6).
Les races européennes introduites en zone tropicale restent saisonnées, mais le sont
moins, et présentent des anomalies, avec des cycles sans ovulation.
Ovins Caprins
● Les productions
Les caprins sont élevés surtout pour la viande et le lait. Le lait de chèvre est moins
riche en matière grasse et en protéines que le lait de brebis : respectivement 35 et 30 g
par kg). Il peut être utilisé pour fabriquer des fromages frais ou de type feta ou bien
à pâte pressée.
Les caprins fournissent aussi des peaux et des poils. La peau de chèvre représente un
sous-produit important dans de nombreux pays. Plusieurs pays africains (Maroc,
Somalie, Ouganda, Nigeria) et asiatiques (Inde, Pakistan) en exportent ainsi des quan-
tités importantes. Cette peau donne diverses qualités de cuir dont le glazed kid, de pre-
mière qualité. La chèvre de Maradi, originaire du Niger, est réputée pour sa peau.
Fine et serrée, elle est recherchée sous le nom de peau de Sokoto pour la maroquinerie
de luxe, la ganterie, le vêtement façon daim, le glacé et le velours pour chaussure.
Le poil de chèvres ordinaires peut servir à faire des feutres bon marché ou des tapis.
Le mohair, produit par la chèvre Angora, est un poil long d’une blancheur éclatante.
1464
L’élevage des herbivores 7 1
Après filature, il sert à fabriquer des velours, des tapis, des doublures, des peluches,
des fourrures artificielles, etc. De Turquie, la chèvre Angora a été introduite en
Afrique du Sud, au Kenya, à Madagascar et au Maroc entre autres. Le cachemire est
une autre fibre très réputée issue de la chèvre, venant surtout de la Chine et de l’Inde
et achetée surtout par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon. Il sert à confec-
tionner des vêtements féminins, des pulls, des écharpes, des pardessus, etc.
● La production laitière
La production de lait de chèvre représente 1,6 % de la production globale de lait dans
le monde. Le tableau 7 donne des indications sur la production en viande et en lait de
quelques races africaines.
Races Poids de Poids vif adulte (kg) Rendement Production Durée de lactation
naissance (kg) Femelle Mâle en viande (%) de lait (kg) (mois)
En zone tropicale, les productions laitières se situent le plus souvent en dessous de 100
litres par lactation, et sont très inférieures à celles des races de zone tempérée dans
leur milieu (500 à 800 litres en sept mois).
En Afrique, la conduite de la traite par l’éleveur est souvent raisonnée en fonction de
ses besoins domestiques et non pas en prévision des besoins des jeunes, indépendam-
ment en particulier de la taille de la portée. Au Sahel tchadien, par exemple, le pré-
lèvement moyen est de 0,3 litre par jour et de 34 litres par lactation.
1465
7 Zootechnie spéciale
● La gestion du troupeau
Les caprins sont souvent laissés libres de divaguer. Ils se nourrissent d’herbes des
bords des chemins, de résidus de culture laissés dans les champs et de ligneux. Quand
la pression démographique augmente et que les cultures sont plus importantes, les
chèvres sont attachées au piquet ou même confinées. Cela a souvent pour effet de
dégrader l’état des animaux. Bien conduits, notamment en zéro-pâturage, les caprins
peuvent faciliter une meilleure intégration de l’agriculture et de l’élevage, en valori-
sant les fourrages ligneux et les résidus de culture, tout en produisant de la viande et
du fumier pour fertiliser les cultures. Quand ils sont productifs, ces élevages permet-
tent de diversifier les revenus, en particulier ceux des femmes, et de sécuriser l’éco-
nomie des petites exploitations.
Dans le cas de système avec divagation, si les animaux reviennent régulièrement près
de la concession, on peut inciter les éleveurs à fournir un abreuvement régulier, une
complémentation alimentaire en saison sèche à partir de produits locaux9 et une com-
plémentation minérale (pierres à lécher). Pour les caprins mis à l’attache, il est impor-
tant de placer les chèvres à l’ombre, de leur laisser une surface pâturable suffisante10
et de les complémenter. Pour ceux qui sont en claustration permanente, la conception
et l’entretien du logement sont essentiels.
1466
L’élevage des herbivores 7 1
L’ÉLEVAGE CAMÉLIN
Les camélidés regroupent les grands camélidés de l’Ancien Monde12 et les petits camé-
lidés des Andes 13. Seul le dromadaire14 occupe le continent africain. Les effectifs sont
mal connus, mais on estime officiellement la population mondiale de dromadaires à
20 millions de têtes dont plus de 80 % en Afrique. Il est vraisemblable que cet effectif
soit largement sous-estimé, notamment en Afrique.
Adapté aux régions arides et semi-arides, le dromadaire vit essentiellement dans les
pays d’Afrique du Nord (Maghreb et Mashreq) ainsi que les pays sahéliens depuis le
Sénégal jusqu’au Kenya. Près de 60 % de la population caméline africaine est concen-
trée dans les pays de la Corne de l’Afrique : Somalie, Soudan, Ethiopie, Kenya,
Djibouti.
1467
7 Zootechnie spéciale
Dans ce contexte, les troupeaux sont généralement de plus faible taille et une com-
plémentation alimentaire est assurée, notamment au moment des travaux agricoles.
Dans les systèmes oasiens, les échanges avec le système pastoral nomade peuvent être
importants et une partie du troupeau des sédentaires (en particulier les jeunes ani-
maux) est susceptible de partager la vie pastorale avant d’être utilisée à des fins agri-
coles. La force, l’endurance, un caractère calme étant les principales qualités recher-
chées pour les activités agricoles, les systèmes agro-pastoraux ont plutôt sélectionné
des animaux médiolignes ou brévilignes, reconnaissables à leur robustesse et à leur
placidité.
● La reproduction
L’ovulation de la chamelle est provoquée par l’accouplement. Le mâle présente une
saison sexuelle (rut) pendant laquelle il manifeste un comportement particulier : pro-
trusion du voile du palais, sécrétion des glandes occipitales, perte d’appétit, blatère-
ment, agressivité. La castration peut être pratiquée à partir de trois ans.
L’insémination artificielle et le transfert d’embryons sont possibles, mais avec des résul-
tats inférieurs à ceux obtenus chez les bovins. Ces techniques sont surtout utilisées
dans les pays du golfe arabique.
1469
7 Zootechnie spéciale
● L’élevage du jeune
Le taux de survie du jeune apparaît faible (en moyenne 70 % à six mois), notamment
dans les systèmes pastoraux. La diarrhée du chamelon est la principale cause de mor-
talité. Le sevrage est peu stressant pour l’animal et peut débuter dès trois mois. En
milieu traditionnel, un sevrage tardif (10-12 mois) est fréquent. La croissance varie
selon les systèmes de production : 190 à 310 g/j de gain moyen quotidien en milieu
traditionnel ; jusqu’à 750 g/j dans des systèmes intensifs. Le colostrum de la chamelle
est particulièrement riche en antimicrobiens (lactoferrine, lysozyme) et en immuno-
globulines. Il doit donc impérativement être donné au jeune. La présence du chame-
lon facilite la traite et augmente la production laitière (jusqu’à 65 %).
● Les productions
Avec des productions laitières moyennes de 650 à 3 000 litres par an, la chamelle pré-
sente une productivité supérieure à la vache dans les mêmes conditions climatiques.
La part prélevée par le chamelon est de l’ordre de 55 %. Le lait de chamelle est en
moyenne plus faible en matières grasses que le lait de vache mais le taux de matières
azotées est comparable. Cependant, les globules gras du lait de chamelle sont de très
petite taille (1,2 à 4,2 µ de diamètre) et restent en suspension même après 24 h au
repos, d’où la difficulté à baratter le lait de chamelle pour en extraire le beurre. Sa
richesse en vitamine C (25 à 100 mg/kg) et en acides gras polyinsaturés lui confère des
vertus diététiques reconnues. Mais sa transformation en fromage reste difficile.
Peu utilisée pour l’autoconsommation, la viande de dromadaire fait l’objet d’un mar-
ché actif des zones sahéliennes (Mali, Niger, Tchad, Soudan, Ethiopie, Somalie) vers
les pays côtiers (Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, pays de la péninsule arabique), susci-
tant des bassins d’embouche caméline. Le rendement carcasse est comparable à celui
des bovins mais, à cause de la concentration du gras dans la bosse, les qualités diété-
tiques de la viande de dromadaire sont supérieures.
Le dromadaire est le prototype de l’animal multi-usage. Outre la production de lait et
de viande, il procure sa force de travail aussi bien pour le transport des hommes (selle)
et des marchandises (bât) que pour les activités agricoles (labour, noria). Il s’avère aussi
puissant que le cheval et aussi endurant que le bœuf. Les meilleurs animaux de course
sont capables d’atteindre des vitesses moyennes de 40 km/h.
Le dromadaire est aussi utilisé pour sa laine (environ 5 kg par animal par an) et, dans
la Corne de l’Afrique, pour son sang prélevé par saignée sur l’animal vivant. À cela
s’ajoutent les cuirs, les peaux et le fumier (les excréments peuvent aussi être utilisés
comme combustible).
● L’alimentation du dromadaire
Animal des zones arides et semi-arides, le dromadaire est adapté à une alimentation à
base de fourrages pauvres, qu’il valorise mieux que les autres herbivores grâce à des
mécanismes physiologiques adaptés (recyclage de l’urée, métabolisme énergétique
proche des monogastriques, stockage des minéraux). La digestibilité comparée d’une
paille de brousse est supérieure de 5 points chez le dromadaire par rapport au mou-
ton. Cet écart augmente encore en cas de déshydratation.
1470
L’élevage des herbivores 7 1
● La santé du dromadaire
Le dromadaire présente souvent une symptomatologie frustre et le diagnostic des
maladies s’en trouve malaisé. Le recours à des analyses de laboratoire est donc sou-
vent utile, bien que difficile dans les conditions de terrain. Par ailleurs, du fait de par-
ticularités métaboliques déjà évoquées, il importe d’être prudent sur l’usage des médi-
caments par simple extension des recommandations pour d’autres ruminants.
Le dromadaire apparaît peu sensible à un ensemble de grandes maladies infectieuses
du bétail comme la peste bovine, la fièvre aphteuse ou la pasteurellose. En revanche,
les maladies charbonneuses, la fièvre de la Vallée du Rift, la tuberculose ou la brucel-
lose peuvent affecter épisodiquement les troupeaux de dromadaires.
Le dromadaire est par ailleurs sensible à de nombreuses autres maladies bactériennes,
virales, parasitaires et nutritionnelles. Quatre grandes maladies dominent, tant par les
taux de mortalité ou morbidité consécutifs que par les impacts sur la production. Il
s’agit :
> d’une maladie hémoparasitaire, la trypanosomose (plus connue sous le nom traditionnel
de surra par les pasteurs) due à Trypanosoma evansi, parasite transmis par des insectes
piqueurs tels les stomoxes ;
> d’une maladie ectoparasitaire, la gale, due à Sarcoptes scabiei, acarien non spécifique qui
dégrade la qualité de la peau et réduit sa valeur économique (100 % des animaux
peuvent être affectés dans certains troupeaux confinés des systèmes périurbains) ;
> du parasitisme gastro-intestinal, essentiellement dû à Haemonchus longistipes (une étude
réalisée en Ethiopie a montré que 92 % des animaux étaient affectés) ;
> d’une maladie virale à tropisme cutané, la variole caméline due au camelpox virus mais
pour laquelle il existe désormais plusieurs vaccins.
1471
7 Zootechnie spéciale
Bibliographie
Les ovins
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LANCELOT R., FAYE B., JUANÈS X., NDIAYE M., PÉROCHON L., TILLARD E.,1998. La base de données Baobab :
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BOUCHEL D., KOUSSOU M 1999, in CORAF/WECARD, CIRAD 1999 - Projet régional de recherche sur les petits
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ABOUBAKAR NJOYA IRAD, Cameroun - VOUNPARET ZEUH, LRVZ FARCHA, Tchad, DIDIER BOUCHEL, CIRAD-
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BOURZAT D., WILSON T.R., 1989. Principaux aspects zootechniques de la production des petits rumi -
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Les camélins
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1472
7 1 4 L’élevage des autres
herbivores
À partir d’une contribution de D. Richard (CIRAD)
1473
7 Zootechnie spéciale
● La reproduction
Le cycle sexuel de la jument dure en moyenne 21 jours. Il existe des variations impor-
tantes liées au poids des animaux, à leur état physiologique, ou à des facteurs clima-
tiques, éventuellement à des pathologies. La période de reproduction a tendance à
être saisonnée : fin de saison sèche, saison des pluies, début de saison sèche. La gesta-
tion de la jument dure onze mois en moyenne, un an chez l’ânesse. Une jument peut
être saillie à l’âge de deux ans, mais il est préférable d’attendre trois ans. Elle peut sup-
porter deux gestations successives (saillie possible dans le mois suivant la mise bas).
Dans la pratique, cela semble rarement le cas. Soit l’éleveur contrôle la reproduction
(contrôle des étalons, remise en état de la jument), soit la jument rencontre des pro-
blèmes physiologiques (état médiocre de l’animal, maladies). Les rares données sur la
fertilité des juments indiquent un taux supérieur à 50 %.
Les mâles ne sont pas castrés dans les élevages traditionnels. Ceci peut rendre difficile
une amélioration génétique.
● La production laitière
Le lait de jument possède une teneur moyenne en matière sèche de 110g/kg. Il est
peu riche en matières grasses (15 g/ kg) et en matières azotées (20 g/kg). En revanche,
il est très riche en lactose (60 g/kg). Le lait d’ânesse est proche de celui de la jument.
Cette composition a pour conséquence une valeur énergétique peu élevée du lait (475
kcal/l : 0,22 UFC/l). Les besoins énergétiques et azotés sont néanmoins importants car
la jument assure une production élevée de lait.
Le lait est destiné aux poulains, aucune tradition de traite des juments n’étant rap-
portée en zone tropicale. Les poulains sont souvent sevrés à l’âge de six mois.
● Le travail
Le cheval développe une force moyenne estimée au septième de son poids durant
quatre à six heures. Il est capable d’effectuer un travail plus important que le bœuf, à
une vitesse plus élevée (entre 3 et 4 km/h pour les travaux agricoles) et peut fournir
de gros efforts au démarrage. C’est un animal privilégié sur les sols légers en zone
sèche car il permet d’effectuer des semis rapides après les premières pluies.
Le dressage débute à l’âge de deux ans. Pour les animaux destinés uniquement à la
selle, le dressage est souvent pratiqué dès un an.
1474
L’élevage des herbivores 7 1
Tableau 2. Recommandations en minéraux pour le cheval à l’entretien et au travail (en g/kg MS distribuée)
Les rares études sur l’alimentation de l’âne montrent une physiologie digestive avec
une meilleure dégradation des constituants membranaires, donc une meilleure utili-
sation et adaptation aux fourrages grossiers.
1475
7 Zootechnie spéciale
● La consommation d’aliments
Les quantités d’aliments consommés au repos ou au travail dépendent des aliments
proposés, de l’intensité du travail et des conditions de milieu. Un cheval de 300 kg
consomme 6 à 7,5 kg de matière sèche d’un fourrage vert, soit près de 30 kg d’un
fourrage jeune d’une teneur en matière sèche autour de 20 %, alors qu’il consomme
seulement 3,5 à 5 kg de paille de céréales. Lorsque la ration comprend un concentré,
la quantité de fourrage ingéré diminue, mais la quantité totale de matière sèche aug-
mente. Un cheval de 300 kg consomme autour de 7,5 kg de MS d’une ration com-
prenant 30 % de concentré.
Les aliments doivent être distribués plusieurs fois par jour, si possible en trois fois. Le
fourrage doit être donné en plus grande quantité le soir, alors que le concentré peut
être distribué en quantité constante. Trop de fourrages avant une période de travail
demande une digestion longue qui peut gêner le cheval. L’alimentation doit être rai-
sonnée en fonction du stade physiologique.
● L’abreuvement
La consommation d’eau dépend des conditions climatiques, de la teneur en matière
sèche ingérée (plus les aliments consommés sont secs, plus les besoins en eau sont éle-
vés) et des productions. En période de travail, les animaux doivent être abreuvés plu-
sieurs fois par jour, au moins trois fois. À l’entretien, un cheval boit un volume proche
de 3,5 litres d’eau par kg de matière sèche ingérée. Lorsqu’il travaille, cette quantité
augmente d’un litre. Pour un cheval de 300 kg recevant une ration à base d’aliments
secs (fourrages de saison sèche ou conservés, céréales ou sous-produits), la quantité
d’eau bue est de 18 litres par jour pour l’entretien et monte à 33 litres en période de
travail intensif.
1476
L’élevage des herbivores 7 1
1477
7 Zootechnie spéciale
● La reproduction
Même si leur comportement sexuel est précoce, les mâles peuvent être utilisés comme
reproducteurs à partir de 4,5 à 5 mois en moyenne, avec des variations dues aux races
et aux conditions d’élevage, notamment à l’alimentation.
Les lapines peuvent débuter leur carrière de reproductrice entre quatre et cinq mois.
Il faut éviter d’accoupler une lapine avant cet âge, même si physiologiquement une
croissance rapide lors des premiers mois permettrait de le faire.
Contrairement à la plupart des mammifères domestiques, la lapine n’a pas de cycle
œstral régulier. Elle est en oestrus plus ou moins permanent et fait partie des espèces
dites à ovulation provoquée : l’ovulation se produit environ douze heures après l’ac-
couplement, suite aux stimuli nerveux qui déclenchent les processus hormonaux
entraînant la maturation des follicules. La lapine présente cependant des périodes où
elle n’accepte pas l’accouplement, mais sur des temps irréguliers et non prévisibles.
Elle a également la particularité d’accepter l’accouplement lors de la gestation et d’être
fécondable à nouveau dès le lendemain d’une mise bas. Le diagnostic de gestation
peut s’effectuer deux semaines après l’accouplement par palpation abdominale.
Le nombre d’ovules pondus varie généralement de quatre à treize. La gestation est de
31 jours et la taille des portées de trois à dix, les moyennes des élevages de bon niveau
se situant entre sept et neuf lapereaux par mise bas. La prolificité est liée à la taille
adulte. Les fortes chaleurs peuvent avoir un effet négatif sur les performances de
reproduction. Dans les jours précédant la mise bas, la lapine prépare le plus souvent
un nid avec ses poils et des petits matériaux.
1478
L’élevage des herbivores 7 1
Dans les élevages industriels, la technique de l’insémination artificielle peut être utili-
sée. Malgré son intérêt pour un progrès génétique rapide, elle n’est rentable qu’à la
condition d’avoir une très bonne technicité.
Avec cette physiologie particulière des femelles, les systèmes de reproduction peuvent
être régis de diverses manières allant d’un système intensif (accouplement dans les
jours suivant la mise bas avec sevrage à quatre semaines) à un mode extensif (saillie
après un sevrage à cinq-six semaines), avec un système intermédiaire qui correspond
à un accouplement dix à vingt jours après la mise bas. En production intensive, l’ali-
mentation doit être très suivie et correspondre aux besoins des lapines ; elle peut être
conduite plus souplement dans le mode extensif.
● La croissance
Le lait de la lapine est concentré (la teneur en matière sèche est le double de celle de
la vache) et très riche en matières grasses. La lapine allaite une seule fois par jour. S’il
n’y a pas de saillie rapidement après la mise bas, la lactation est de cinq à six semaines.
Elle diminue cependant à partir du 21ème jour.
Les lapereaux commencent à consommer des aliments autres que le lait à partir de la
troisième semaine. Cette consommation augmente rapidement. Le sevrage s’effectue
lorsqu’ils sont âgés de quatre à six semaines.
Les croissances des jeunes, en bonnes conditions d’élevage et pour des animaux de
races couramment utilisées en élevage industriel, s’établissent autour de 30 g/jour
entre quatre et douze semaines. Dans ces conditions, l’abattage peut se faire entre 80
et 90 jours, avec des lapins d’un poids vif compris entre 1,7 et 2,4 kg selon les modes
d’élevage et la demande des consommateurs, ce qui correspond à des poids carcasse
de 1 à 1,4 kg.
Il faut considérer ces performances comme optimales. Elles sont intéressantes sur le
plan économique si l’élevage est bien géré et l’alimentation bien adaptée et d’un coût
peu élevé. Les performances observées sont cependant souvent inférieures en zone
tropicale.
● Le logement
Le lapin domestique a un comportement assez proche de celui du lapin de garenne
dont il est issu. L’éleveur devra donc faire attention aux points suivants :
> permettre aux animaux d’avoir un refuge, car le lapin est sensible à tout changement.
Dans un groupe, il existe un système d’alerte entre les animaux qui les conduit à se
cacher. Il faut donc que les lapins puissent avoir un refuge ou qu’ils soient dans des
conditions de tranquillité telles qu’ils n’en aient pas besoin. Il faut aussi laisser les
animaux dans leur propre cage et limiter les changements ;
> isoler chaque adulte pour éviter les agressions entre adultes et jeunes ;
> gérer, pour l’accouplement, les mouvements des femelles vers le mâle et non l’inverse ;
> permettre à la lapine d’isoler sa portée ;
> protéger les animaux des températures élevées.
1479
7 Zootechnie spéciale
Dans les élevages industriels, il faut veiller à l’hygrométrie et assurer une certaine ven-
tilation. De nombreuses variantes de cages existent et diverses modalités d’adaptation
aux climats tropicaux ont été réalisées, tant pour en limiter les coûts que pour prendre
en compte les conditions de milieu. L’éleveur et le technicien doivent être bien infor-
més avant d’installer un élevage petit ou grand.
● La génétique
Lors de la mise en place d’un petit élevage, il est conseillé d’utiliser des animaux de
race locale accoutumés au climat et possédant une certaine rusticité. Des races amé-
liorées sont utilisées lorsque l’éleveur a acquis une technicité suffisante pour valoriser
au mieux les capacités de croissance des animaux croisés ou des races pures impor-
tées.
Les principales races d’élevage sont différenciées en trois groupes : les races lourdes
(adulte d’un poids supérieur à 5 kg), les moyennes qui sont les plus courantes en
Europe (adulte entre 3,5 et 4,5 kg), et les légères (adulte entre 2,5 et 3 kg). Au-delà de
la robe, chaque race est caractérisée par sa croissance et sa fécondité. En région tropi-
cale où les programmes de sélection ont été rares, les croisements entre races locales
et importées ont été les principales actions menées en génétique.
1480
L’élevage des herbivores 7 1
Tableau 3. Composition recommandée des aliments pour différentes stades de production des lapins en système
intensif. La composition est donnée en g/kg MS et en kcal/kg MS
Protéines
Brutes 200 190 180 145
Digestibles 150 140 130 105
Energie digestible (kcal) 3 000 2 900 2 800 2 450
Rapport PBD/ED (g/1000 kcal) 51 48 45 43
Teneurs recommandées
en cellulose brute 135 160 160 175
dont C.B. indigestible 83 135 135 145
Teneurs en minéraux
Calcium 13,5 12,4 4,5 4,5
Phosphore 5,6 6,7 3,4 3,4
1481
7 Zootechnie spéciale
1482
L’élevage des herbivores 7 1
Bibliographie
Les équidés
FIELDING D., PEARSON. Ed. 1991. Donkeys, mules and horses in tropical agricultural development.
University of Edinburgh, CTVM, 336 p.
LHOSTE PH. 1986 - L’association agriculture-élevage. Evolution du système agro-pastoral au Sine-
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MARTIN-ROSSET W. Ed. 1990. L’alimentation des chevaux. INRA, Paris, 232 p.
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et Larose, Paris, 144 p.
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Rome, 227 p.
1483
7 2 L’élevage des
monogastriques
non herbivores
7.2.1 L’élevage porcin
7.2.2 L’aviculture
7 2 1 L’élevage porcin
À partir des contributions de D. Bastianelli (CIRAD),
L. Derail (CIRAD) et S. Klotz (CIRAD)
Lorsqu’il est mené dans des systèmes extensifs en divagation, l’élevage porcin pose de
nombreux problèmes : difficulté de maîtrise des conditions sanitaires des animaux,
transmission de zoonoses, contrôle impossible de la reproduction et de l’amélioration
génétique, pollution des zones de parcours par les déjections, destruction de cultures,
etc. L’élevage en systèmes clos permet de s’affranchir de ces contraintes si les condi-
tions d’élevage sont bonnes, et s’il est possible de récupérer les effluents d’élevage ser-
vant d’amendement organique de bonne qualité.
Ce chapitre est volontairement axé sur les techniques d’élevage dans des systèmes
hors-sol semi-intensifs ou intensifs, avec séparation de différents stades physiologiques.
Même si les techniques à mettre en œuvre sont différentes dans des élevages de
dimension plus modeste, la majorité des principes énoncés restent valables. La der-
nière partie de ce chapitre comporte en outre des informations spécifiques à l’élevage
porcin de type traditionnel.
1487
7 Zootechnie spéciale
● Les croisements
La production porcine fait largement appel aux croisements entre races diffé-
rentes afin de bénéficier de l’effet d’hétérosis, notamment sur les performances de
reproduction : amélioration de la productivité des truies (taille de portée, rythme de
reproduction, obtention de porcelets plus résistants entre la naissance et le sevrage,
etc.). On distingue plusieurs types de croisements.
Exemples de croisement avec une truie croisée Large White et Landrace (LW x LR)
Utilisation d’un verrat de retour LW ou LR : le produit terminal sera (LW x LR) x LW, soit 75 % LW et
25% LR ou (LW x LR) x LR, soit 25 % LW et 75 % LR. Ce type de croisement donne de bons résultats
pour les performances de reproduction et d’engraissement et des résultats moyens en qualité de car-
casse en l’absence de lignée mâle spécialisée.
Utilisation d’un verrat d’une troisième race : la race du verrat est différente de celle de la truie croi-
sée et apporte de la conformation. On utilise particulièrement le LR belge, le Piétrain, le Hampshire. Le
produit terminal sera, en cas d’utilisation du Piétrain (P) : (LW x LR) x P, soit 25 % LW, 25 % LR et 50 %P.
Ce type de croisement donne d’excellents porcs charcutiers.
Utilisation d’un verrat croisé: ce type de croisement (croisement à quatre voies) est actuellement très
répandu. On peut utiliser des verrats qui n’interviennent pas dans la constitution de la truie
(Hampshire x Piétrain, Duroc x Piétrain) ou qui y interviennent (LW x P) ou encore qui sont issus de
lignées composites.
1488
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
LES PERFORMANCES
Les performances dépendent bien entendu des races ou des croisements utilisés. Il
n’existe pas de standard général pour les races locales, nombreuses et variées, mais on
peut donner des chiffres pour les croisements industriels. (cf. tableau 1). Ces chiffres
obtenus dans des conditions optimales d’environnement et d’alimentation, doivent servir seule -
ment de repères et d’objectifs pour l’amélioration.
Pour l’activité naisseur, les résultats annuels dépendent fortement des intervalles entre
les mises bas, et donc de la durée d’allaitement et de l’ISSF (intervalle sevrage/saillie
fécondante). L’âge au sevrage est souvent supérieur (35 voire 42 jours) dans des condi-
tions difficiles ou si un aliment post sevrage de très bonne qualité n’est pas disponible.
L’ISSF constitue une des principales composantes de la productivité numérique.
1489
7 Zootechnie spéciale
En production porcine, les investissements pour les bâtiments sont souvent coûteux.
Les besoins doivent donc être précisément mesurés selon le type de production
envisagé, la taille de l’élevage et le niveau de spécialisation. Un surdimensionnement
des locaux ou du matériel non adapté rendent inévitablement l’élevage moins
rentable.
1490
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
L’engraissement
Cette phase ne pose pas de problèmes particuliers en zone tropicale. Cependant, les
performances diminuent si la densité d’animaux est trop forte : on recommande envi-
ron 1 m 2/porc en fin de croissance mais la densité doit être diminuée dans des condi-
tions climatiques sévères (forte chaleur ou chaleur humide). Il faut :
> éviter les parties non couvertes et les zones ensoleillées dans les loges pendant les
heures chaudes de la journée ;
> une hauteur de toit de 2,50 m minimum, avec un système d’évacuation d’air chaud
en milieu de toiture ;
> une séparation entre loges en barreaux métalliques pour le passage de l’air ;
> un sol en caillebotis (recommandé).
L’attente de la saillie, la verraterie
Le sol doit être propre, sec et non glissant dans le local saillie. Les loges des verrats
doivent être sécurisées pour éviter les bagarres entre mâles.
Les gestantes
Les conditions sont identiques à celles de la salle d’attente de la saillie. Il faut prévoir
une surface de 3 à 4 m2 par animal pour les truies en groupe.
● Les matériaux
Le bois
De faible prix et facile à utiliser, il présente néanmoins des inconvénients : il est diffi-
cile à nettoyer en profondeur, il constitue un réservoir pour les divers micro-orga-
nismes et les parasites et il peut être traumatisant : échardes et aspérités à haut pou-
voir de pénétration dans la peau.
Le ciment
Il est souvent utilisé pour la confection des sols. Il présente de grands avantages pour
le nettoyage ; toutefois une surface de mauvaise qualité peut entraîner :
> des problèmes dermatologiques et des arthrites chez les porcelets lorsque la texture
est abrasive ;
> des chutes lorsque le revêtement devient glissant avec l’eau et les déjections.
1491
7 Zootechnie spéciale
Cependant, on peut évaluer très globalement la quantité d’effluents produits dans un élevage à l’aide
de la formule suivante :
Quantité d’effluent produite (litres/jour) = quantité de lisier (urine + fécès) + quantité d’eau utilisée
pour le lavage
Avec : quantité de lisier (litres/jour) = nombre d’animaux x poids vif moyen (en kg) x 0,05.
Le coefficient 0,05 correspond à la production totale de lisier (fèces : 0,02 et urines : 0,03). On compte
en général un poids vif moyen de 55 kg/animal pour un élevage naisseur-engraisseur.
La quantité d’eau de lavage utilisée peut être estimée par : débit du tuyau x temps de lavage (le débit
du tuyau est facilement estimé en mesurant le temps de remplissage d’un récipient de contenance
connue).
● La composition
Pour bien gérer l’utilisation du lisier, il faut en connaître la valeur fertilisante. Le pre-
mier facteur à connaître est la teneur en matière sèche qui conditionne fortement la
concentration en minéraux. On voit dans le tableau 2 que le mode de production et de
stockage des effluents influe sur leur composition. Il en est de même pour l’éventuelle
dilution par des eaux de ruissellement.
% MS N P2O5 K2O
Lisier brut
Lisier mixte (fosse de stockage) 4,9 4,3 3,8 2,6
Lisier porc engraissement (porcherie) 9,3 9,6 4,0 6,4
Fumier âgé de 4 mois
Litière raclée en engraissement 27,8 9,1 10,9 11,2
Litière accumulée en engraissement 21,0 7,9 7,6 12,7
Litière accumulée en post sevrage 29,2 9,9 7,4 10,5
Fumier composté âgé d’un an
Litière raclée en engraissement 41,0 14,0 24,8 21,6
Litière accumulée en engraissement 41,6 13,1 17,7 25,0
1492
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
L’ALIMENTATION
L’alimentation des porcs varie avec les différents stades physiologiques des animaux :
gestation et allaitement des truies, porcelets, porcs à l’engrais, cochettes et verrats.
On présente ici les élevages de races améliorées ou de croisements. Les objectifs de
performances des races locales sont différents, et il faut donc adapter les recomman-
dations alimentaires selon leur poids vif, leur vitesse de croissance et la composition
de leur carcasse.
1493
7 Zootechnie spéciale
> de protéines, avec un besoin global en MAT mais surtout un besoin en chacun des
acides aminés essentiels : lysine, acides aminés soufrés (méthionine et cystéine), par-
fois thréonine et tryptophane. Pour être plus proche des besoins réels des animaux,
on raisonne souvent en acides aminés digestibles au lieu des acides aminés totaux,
mais ce mode d’expression n’a d’intérêt que si on a des données fiables sur toutes
les matières premières employées ;
> de minéraux : calcium, phosphore et oligo-éléments, dont les besoins dépendent très
largement du stade physiologique ;
> d’autres nutriments : les fibres sont indispensables pour réguler le transit, notamment
chez la truie ; l’équilibre de l’aliment en acides gras détermine en partie la qualité
du gras de la carcasse (trop d’acides gras insaturés dans l’aliment rendent le gras
animal mou), etc.
Le tableau 3 donne des valeurs indicatives pour les besoins des animaux, sachant que
ces besoins doivent ensuite être adaptés aux animaux et aux ressources disponibles.
1494
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Tableau 5. Table d’alimentation avec les valeurs d’énergie digestible pour les porcs et les volailles.
Composition en g/kg brut
1495
7 Zootechnie spéciale
LYS MET MET+CYS TRY THR GLY+SER LEU ILEU VAL HIS ARG PHE+TYR
Maïs 2,9 2,1 4,5 0,7 3,5 8,6 12,3 3,6 4,9 2,9 4,5 8,4
Mil 3,5 2,6 5,9 1,8 4,0 8,0 9,8 4,8 5,4 2,7 5,0 8,2
Sorgho 2,4 1,7 3,6 1,0 3,4 8,3 13,6 4,2 5,1 2,3 3,9 9,0
Niébé 7,1 1,6 2,8 0,8 3,7 9,2 7,1 3,5 4,2 2,9 6,1 8,4
Sous produits du blé 4,2 1,6 3,7 1,4 3,4 9,3 6,1 3,3 4,8 2,7 6,7 6,3
Sous produits du riz 4,7 2,3 4,3 1,1 3,8 10,4 7,3 3,8 6,0 2,8 8,2 8,4
Soja (1) 6,2 1,4 2,9 1,3 3,9 9,2 7,5 4,8 4,9 2,6 7,5 8,4
Arachide (1) 3,4 1,0 2,3 1,0 2,6 10,2 6,2 3,4 4,1 2,3 11,4 8,3
Coton (1) 4,0 1,5 3,2 1,2 3,3 8,2 5,8 3,3 4,6 2,7 10,6 7,8
Coprah (1) 3,1 1,5 3,0 0,7 3,1 8,4 6,2 3,5 5,5 2,2 12,2 7,0
Palmiste (1) 3,6 1,7 3,8 1,0 3,3 9,5 6,3 3,7 5,4 2,6 13,8 6,2
Farine de viande 5,1 1,3 2,4 0,6 3,2 17,0 5,9 2,9 4,2 1,9 6,8 5,6
Farine de sang 9,2 1,1 2,1 1,3 4,6 9,4 13,1 1,1 8,7 6,2 4,3 9,9
Farine de poisson 7,5 2,8 3,7 1,0 4,2 10,5 7,3 4,4 5,1 2,4 5,9 6,9
(1) Et sous produits.
La formulation des régimes pour les porcs peut se faire simplement à l’aide d’un
tableur ou d’un logiciel spécialisé, dès lors que l’on dispose de données adaptées sur les
matières premières et sur les besoins des animaux. On peut également formuler un
complémentaire à partir d’un régime de base constitué par exemple de manioc, de son,
de bananes, etc., on peut calculer quelle doit être la composition d’un aliment complé-
mentaire qui apporte les éléments que l’animal n’a pas trouvé dans la ration de base.
Tableau 7. Exemple : porc en croissance alimenté avec manioc (1,3 kg/j) + complémentaire (porc de 50 kg, objectif
de GMQ1 (750 g/j, consommant en priorité le complémentaire (0,7 kg)
Cet aliment complémentaire est relativement facile à fabriquer avec des tourteaux et
de la farine de poisson par exemple. Il faut utiliser des acides aminés de synthèse pour
équilibrer le régime.
Attention dans ce type de calcul à bien calculer les quantités de complément minéral et vitaminique
(CMV) nécessaires. Par exemple ici, le CMV est prévu pour couvrir les besoins de l’animal en étant
incorporé à 1 % du régime complet distribué ; il devra donc représenter 1 % de 1,9 kg (1,2 kg de manioc
et 0,7 kg de complément) soit 19 g. Comme le manioc n’en contient pas, il convient de l’incorporer à
un taux de 19/700 = 2,71 % dans le complémentaire.
1496
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● Le rationnement
Les femelles peuvent généralement être alimentées à volonté, elle ne risquent pas un
engraissement trop fort. Le rationnement des mâles castrés dépend des objectifs de
croissance et des caractéristiques de carcasse recherchées ; le porc castré a en effet ten-
dance à surconsommer et à engraisser plus rapidement. Ce phénomène justifie un éle-
vage séparé des sexes quand celà est possible. Pour les femelles, on peut distribuer
l’aliment croissance à volontét, tandis que pour les mâles castrés, on a généralement
intérêt à faire un rationnement (de 10 à 15 % inférieur à l’ingéré à volonté) afin de
minimiser l’indice de consommation et de maximiser le taux de muscle. Pour les croi-
sement les plus performants, cette précaution est moins nécessaire car la propension
à l’engraissement est moins marquée.
● Les additifs
Les minéraux et vitamines sont apportés par le CMV (complément minéral et vitami-
nique) aussi appelé prémélange ou prémix. Un certain nombre d’autres substances peu-
vent être incorporées dans l’aliment.
Les facteurs de croissance, généralement des antibiotiques à faibles dose, sont utiles
notamment dans les aliments pour porcelets (amélioration de GMQ et IC de 5 à 10 %).
Ils sont souvent particulièrement efficaces en conditions difficiles. Ils agissent notam-
ment par un rôle de barrière antibactérienne aidant à maintenir l’équilibre de la flore
intestinale. L’utilisation des facteurs de croissance est réglementée, avec des règles dif-
férentes selon les pays. L’utilisation des antibiotiques à des teneurs plus élevées (par-
fois pratiquée dans des aliments pour porcelets) relève de la médecine vétérinaire.
Les probiotiques peuvent se substituer dans certains cas aux antibiotiques. Ils agissent
par une inhibition des germes pathogènes en favorisant les germes non pathogènes.
Les acidifiants baissent le pH gastrique et favorisent l’action des enzymes digestifs en
même temps qu’ils constituent une barrière contre certains microbres pathogènes (sal-
monelles par exemple). Ils sont surtout utilisés dans les aliments de sevrage. Ils per-
mettent, dans une certaine mesure, de limiter les problèmes digestifs et contribuent à
une meilleure utilisation digestive de l’énergie.
Certaines argiles et certains charbons de bois (activés = à faible granulométrie) peu-
vent avoir une action de régulation du transit. Ils jouent également un rôle de
pansements digestifs qui aident à lutter contre des infections ou ulcères. Ils ont toute-
fois un rôle d’absorption de certaines substances toxiques qui ne sont ainsi pas absor-
bées par l’organisme. Ce phénomène peut être particulièrement intéressant dans le
cas de toxines telles que les mycotoxines (aflatoxine).
1497
7 Zootechnie spéciale
Une possibilité alternative chez le porc en croissance est la distribution sous forme de
soupe : l’aliment est mouillé avec de l’eau dans une proportion de 2 à 3 litres d’eau par
kg d’aliment. Les performances se situent à mi-chemin entre celles de la farine et du
granulé. Si le mélange est bien fait, l’homogénéité peut être meilleure qu’avec la
farine. Il faut néanmoins prendre un certain nombre de précautions :
> ne pas trop diluer (la MS du mélange doit rester supérieure à 20 %) ;
> limiter les refus (en ajustant les quantités distribuées), afin d’éviter une fermenta-
tion de l’aliment particulièrement rapide en climat chaud ;
> effectuer un nettoyage soigneux ;
> éviter d’alimenter les porcelets en soupe avant 15-20 kg de poids vif.
Dans des conditions artisanales d’exploitation (distribution manuelle d’aliment), la
distribution en sec est nettement préférable.
● La distribution de l’aliment
● La distribution sèche
Elle peut être réalisée avec les systèmes suivants :
> nourrisseurs : alimentation à volonté, remplissage manuel ou par des systèmes de
transfert. Il faut compter une place à l’auge pour deux à trois porcs ;
> nourrisoupe : nourrisseur monoplace avec tétine incorporée, qui réduit le gaspillage
de l’eau. Il en faut un pour douze porcs charcutiers ou quinze porcelets ; il est
essentiellement utilisé pour l’alimentation en libre service (à volonté) ;
> « turbomat» (porcs charcutiers) : distribution programmée de trois ou quatre repas
d’une à deux heures chacun. Un appareil pour vingt à vingt-cinq porcs.
● La distribution en soupe
La machine à soupe permet la préparation, le transport et l’alimentation dans les
auges. Les quantités d’eau, d’aliment ou de matières premières entrant dans le
mélange sont déterminées par pesée.
● L’eau
Le porc doit disposer librement d’eau propre et, si possible, fraîche. La présence d’eau
favorise la consommation, notamment chez le jeune au moment du sevrage. Les
besoins quotidiens en eau de boisson représentent environ 10 % du poids vif, soit :
> 12 à 17 litres pour une truie en attente de saillie ;
> 15 à 20 litres pour une truie gestante ;
> 20 à 35 litres pour une truie allaitante ;
> 0,2 à 0,4 litre pour un porcelet sous la mère ;
> 1 à 6 litres pour un porcelet en post-sevrage ;
> 4 à 12 litres (6 litres en soupe) pour un porc charcutier.
1498
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Les besoins augmentent avec la chaleur. Les animaux ne doivent jamais manquer
d’eau : cela risque d’entraîner une sous consommation d’aliments, des problèmes uri-
naires ou rénaux, etc.
La distribution peut :
> être manuelle dans les auges (seau, tuyau) ;
> utiliser une auge avec niveau constant (dispositif de chasse d’eau) ;
> utiliser un abreuvoir automatique ;
> fonctionner de façon simultanée : aliment + eau (machine à soupe).
En général, il ne faut pas dépasser dix-huit animaux par abreuvoir (utilisation de bols)
ou dix animaux (utilisation de sucettes), sachant que dans tous les cas il faut au moins
deux points d’eau (pour le cas où l’un tomberait en panne).
1499
7 Zootechnie spéciale
4 En quarantaine pour les futurs reproducteurs, deux fois par an chez les truies et verrats, en fonction de la clinique et
des examens coprologiques pour les porcs charcutiers.
5 Parvovirose et rouget pour les cochettes et reproducteurs.
6 Rhinite atrophique, colibacillose.
7 Grippe, peste porcine classique, maladie d’Aujeszky, etc.
1500
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
1501
7 Zootechnie spéciale
J1 Température : 30°C
Désinfection rapide du cordon
ombilical, le raccourcir
Couper queue (dernières
vertèbres coccygiennes) et
pointes des canines
Répartir les porcelets en
surnombre sous d’autres truies
ayant récemment mis bas
J3 Prévention de l’anémie Injecter sels de fer
ferriprive Dextran (150 – 200 mg/tête)
ou administrer fer buvable.
J 10 Parasitisme précoce Produits antiparasitaires Pâtes orales
(Strongyloïdés) spécifiques
J 10 à 15 Castration des mâles si nécessaire
J 14 Alimentation : distribuer aliment
porcelet au sol sur papier ou sur
planche
J 14 Vitamine E Porcelets Piétrain et
Landrace belge
particulièrement
J 17 Introduire l’aliment dans des Anémie Injection fer
augettes accessibles Troubles gastro- Vaccination conforme aux
intestinaux au sevrage identifications des
ou pneumopathies sérotypes des germes déjà
d’allure contagieuse isolés
Supplémentations adaptées
J X : Sevrage Température du local : 1ère Maladies du sevrage Aliment porcelet en Eventuellement
semaine 26° C - 2ème semaine granulés, supplémenté rationnement des
24°C puis diminution aux antibiotiques (suivant porcelets pendant 10 à
progressive jusqu’à 19-20°C à antibiogramme). 15 jours. Aliment
20 kg/poids vif. supplémenté pendant
Constituer des lots homogènes 15 jours.
– Veiller à l’aération des salles
– Surveiller la qualité
bactériologique et chimique de
de l’eau de boisson
JX+4 Vermifugation Produit antiparasitaire
interne (Ascaris et
strongles)
8 – 9 semaines Si porcelets sur flat decks, ne
pas les garder au-dessus de
25 kg (problèmes d’aplombs)
1502
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Tableau 10. Plan sanitaire d’élevage - mesures de base pour les verrats
Tableau 11. Plan sanitaire d’élevage - mesures de base pour porcs à l’engrais
1503
7 Zootechnie spéciale
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
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7 Zootechnie spéciale
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
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7 Zootechnie spéciale
● La conduite de la reproduction
1518
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Tous les futurs reproducteurs introduits dans l’élevage doivent subir une période de
quarantaine. En cas d’auto-renouvellement des reproducteurs, il s’agit de créer un
troupeau de multiplication annexe.
● La saillie
Les spermatozoïdes disposent d’une durée de vie de trente à quarante heures dans le
tractus génital de la femelle. La ponte ovulaire commence trente à quarante heures
après le début de l’immobilité au verrat. La pratique de la double saillie est recom-
mandée pour obtenir des bons résultats de fécondité et prolificité. Deux solutions peu-
vent être envisagées :
Première solution
> première saillie dès que la truie accepte le verrat ;
> seconde saillie au maximum vingt-quatre heures plus tard.
Seconde solution
> première saillie au plus tard douze heures après l’immobilité au verrat ;
> deuxième saillie douze heures après la première ;
> une troisième saillie peut être effectuée si la truie est toujours en chaleur 12 heures
après.
Le contrôle de la gestation ou des retours (non gestation) doit être effectué trois à six
semaines après la saillie à l’aide du verrat ou par échographie (vers cinq semaines).
● La gestation
La gestation de la truie dure environ 114 jours (trois mois + trois semaines + trois
jours). Le premier mois de gestation est critique car c’est le moment de plus grande
mortalité embryonnaire. Il faut donc éviter de transporter les truies durant cette
période.
● La mise bas
Deux semaines avant la mise bas, on effectue deux vermifugations à deux semaines
d’intervalle avant l’entrée en maternité. Une semaine avant la mise bas, on réalise un
lavage des truies et un déparasitage externe juste avant l’entrée en maternité. Il est
nécessaire de réduire progressivement la ration alimentaire et de surveiller l’abreuve-
ment des truies pour éviter les problèmes de constipation.
Une mise bas normale dure trois à quatre heures. Il est indispensable de la surveiller
discrètement car la présence de l’homme l’allonge très souvent. S’il y a interruption
lors de la mise bas, il faut injecter 1 ml d’ocytocine en intra-musculaire.
1519
7 Zootechnie spéciale
● La gestion technico-économique
Améliorer la productivité, limiter les coûts de production et assurer la rentabilité des
élevages de porcs nécessite une gestion précise et soigneuse. Cette gestion est possible
par des procédures d’enregistrement de données. Elles sont basées sur deux types de
suivi d’élevage : la gestion technique des troupeaux de truies (GTTT ou G3T) et la
gestion technico-économique (GTE). La G3T est une technique de suivi des perfor-
mances, applicable aux élevages pratiquant la reproduction (naisseurs, naisseur-
engraisseurs). La GTE est applicable à l’ensemble des types d’élevages.
Avant de mettre en œuvre ces techniques, il convient d’identifier les animaux et d’en-
registrer les évènements majeurs au sein du troupeau sur des supports papier ou
informatiques.
1520
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● Les races
Les races locales couvrent une variété importante de porcs présentant une grande
hétérogénéité de performances : format, prolificité, vitesse de croissance, etc. Les
traits communs à tous ces animaux sont leur grande rusticité et leur importante capa-
cité d’adaptation à des conditions alimentaires et climatiques souvent difficiles. La
plupart des porcs d’Amérique du Sud et centrale, des Caraïbes et d’Afrique sont des
animaux de petit format issus du porc ibérique, alors que les porcs asiatiques dérivent
des suidés sauvages (sanglier d’Asie) et présentent des formats parfois plus importants.
Si les races demeurent le plus souvent de type local, l’élevage traditionnel n’exclut pas
les races exotiques, notamment à proximité d’élevages plus intensifs qui favorisent
leur dissémination. Parfois on assiste à une absorption locale des races autochtones par
les races importées. Ainsi, même traditionnels, les élevages sont de plus en plus mar-
qués par l’introduction de races améliorées européennes et nord-américaines, pures
ou, le plus souvent, croisées avec des races locales.
La persistance des races locales reflète néanmoins leur adéquation avec la majorité des
élevages traditionnels, où nombre d’éleveurs ne peuvent satisfaire aux exigences ali-
mentaires et sanitaires plus élevées des porcs améliorés ; elle est également due au fait
que ces animaux coûtent moins cher à l’achat et qu’un format d’animaux plus réduit
est parfois avantageux.
1521
7 Zootechnie spéciale
● L’alimentation
Les arguments pour améliorer les pratiques alimentaires doivent être avant tout éco-
nomiques, même s’ils sont exprimés par l’amélioration de paramètres techniques. Le
passage par l’expérimentation ou la démonstration est souvent indispensable pour
corriger l’équilibre de la ration.
Les efforts doivent prioritairement porter sur l’alimentation de la truie en période de
lactation car la couverture de ses besoins réduit sa perte de poids, améliore sa pro-
duction laitière, le poids des porcelets au sevrage et la venue des chaleurs après le
sevrage. L’alimentation des porcs en croissance est directement (et visiblement) liée
aux performances, aussi est-elle souvent mieux gérée par les éleveurs. Les apports
doivent être réguliers sur le plan qualitatif et quantitatif. Enfin, les rations préconisées
doivent être simples, exprimées à l’aide des unités qui conviennent le mieux (nombre
de boites de conserve, de seaux, etc.).
Des équivalences/substitutions à partir de la ration de base doivent être proposées
pour éviter une pratique des modifications fantaisistes de formules (aliment saison-
nier, augmentation du prix, etc.). Les équivalences approximatives (par exemple « 1
kg de tourteau d’arachide = 1 kg de tourteau de coton = 2,5 kg de tourteau de
coprah») permettent de faire des substitutions dans une ration déjà calculée sans en
compromettre gravement l’équilibre.
● L’utilisation des ressources locales
En règle générale, le porc peut être alimenté avec une stratégie opportuniste selon les
disponibilités en produits agricoles ou sous-produits agro-industriels. Certaines pro-
ductions ont cependant un intérêt pour l’alimentation humaine beaucoup trop fort
pour pouvoir entrer dans l’alimentation des animaux : mil, soja, maïs, etc.
1522
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Lorsqu’il existe une possibilité de stockage, les producteurs ont souvent intérêt à s’or-
ganiser pour acheter des quantités importantes d’aliments afin d’obtenir des prix de
gros intéressants. Cependant le stockage présente des risques (dégradation, vol) et il
faut mettre en relation ces risques et le bénéfice attendu de l’opération.
Il faut avoir une approche intégrée des systèmes de production pour trouver de nou-
velles sources alimentaires.
● L’équilibre de l’alimentation
Les ressources étant locales, on ne peut pas faire de recommandations générales sur
la formulation des aliments. On peut néanmoins souligner les points clés de la
démarche d’alimentation :
> la précision des calculs à réaliser est proportionnelle au niveau de production atteint : alors
qu’il suffit de raisonner en terme de quantité de matière sèche ingérée pour un éle-
vage très extensif, on doit réfléchir à la teneur en protéines et en énergie (voire en
acides aminés) des différents constituants de la ration pour des élevages tradition-
nels plus performants dans lesquels une alimentation abondante est distribuée ;
> pour la correction des carences, il faut trouver des formes de complémentation (farine
de poisson, compléments végétaux, etc.), identifier leur disponibilité saisonnière et
les expérimenter (intérêt technico-économique) ;
> les rations doivent être ajustées aux besoins des animaux selon les différents stades de pro-
duction ;
> il faut établir un équilibre entre les concentrations en énergie et en protéines ;
> il convient de promouvoir des compléments adaptés pour les minéraux et vitamines, faute de
quoi les efforts faits sur le reste de la ration ne sont pas valorisés à leur optimum ;
> enfin, les besoins en eau d’abreuvement des porcs sont élevés. Une eau de bonne qualité
doit être fournie sans limitation.
1523
7 Zootechnie spéciale
● L’amélioration génétique
Deux démarches sont possibles pour l’amélioration génétique :
> une sélection peut être réalisée à partir des animaux disponibles localement en vue d’améliorer
les performances de production et de reproduction. Par exemple pour les performances
de reproduction, on sélectionne les plus beaux porcelets de portées de taille impor-
tante plutôt que de plus gros porcelets issus de portées de petite taille (héritabilité
importante du caractère) ;
> de nouveaux gènes peuvent être introduits par l’utilisation d’animaux en race pure ou en croi -
sement. En milieu traditionnel, ce moyen d’amélioration génétique doit tenir compte
des principales contraintes, alimentaires et sanitaires, afin de ne pas s’orienter vers
des animaux à fort potentiel mais inadaptés au système d’élevage pratiqué.
1524
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Elevage des truies choix des porcelets pour la reproduction âge/poids à la première saillie
et reproduction détection des chaleurs et mise à la reproduction intervalle sevrage - saillie fécondante
alimentation et abreuvement des truies pendant (ISSF) ou intervalle entre mises bas
la période de lactation nombre de portées/truie/an
calendrier des traitements antiparasitaires
Soins aux porcelets soins à la naissance : nombre de porcelets/portée :
avant le sevrage désinfection du cordon ombilical nés vivants et mort-nés
accès de tous les porcelets au colostrum taux de mortalité naissance-sevrage,
taille des canines (selon les races) détermination des causes
Jusqu’au sevrage : productivité numérique: nombre de
fréquence des tétées et répartition des porcelets porcelets sevrés/truie/an
sous la mère âge/poids au sevrage
injection de Fer (3 jours puis 3 semaines après la
naissance) ou mise à disposition de latérite de
profondeur
castration des mâles à 3 semaines
choix des porcelets pour l’engraissement ou la
reproduction
démarrage de l’alimentation des porcelets
traitement antiparasitaire au sevrage
Engraissement choix des porcelets/prix d’achat gain moyen quotidien (GMQ)
traitement antiparasitaire à 4 mois taux de mortalité et causes
équilibre des rations, niveau durée d’engraissement
énergétique de l’alimentation âge et poids à la vente
limitation des gaspillages d’aliments périodes de vente
surveillance de la croissance des animaux calculs économiques simples
suivi des prix des principaux aliments (dépenses/recettes)
période et prix de vente des animaux engraissés
adéquation par rapport à la demande
● Les bâtiments
Laisser les porcs divaguer les expose à des problèmes sanitaires, aux vols, à la préda-
tion, etc. et n’est pas toujours possible (règlements, cohabitation avec les agriculteurs,
etc.). L’élevage porcin s’oriente de plus en plus vers un système en claustration
permanente pour lequel la qualité du logement est essentielle. La construction d’une
porcherie doit être la plus économique possible, tout en satisfaisant à des exigences
minimales d’hygiène et de confort des animaux.
1525
7 Zootechnie spéciale
Quelques principes :
> porcherie de type ouvert, construite perpendiculairement au vent dominant (aéra-
tion) ; eau à proximité ;
> toitures basses et à deux pentes (ventilation au sol et non à hauteur d’homme), en
chaume (épaisseur 10 cm) ou en aluminium poli, dépassant largement l’aplomb des
murs (protection contre le soleil et les pluies) ;
> sol de préférence en béton ou empierré et solidement jointoyé, avec une pente suf-
fisante pour favoriser l’évacuation des déjections dans un canal de drainage et leur
récupération pour la fertilisation des cultures ;
> séparations verticales d’une hauteur minimale de 1,10 m, en bois à claire-voie avec
planches clouées du côté intérieur, ou en briques ou bien agglomérés enduits d’une
épaisseur de 15 cm, ou bien en béton d’une épaisseur de 10 cm ;
> cases collectives pour les porcs en engraissement : 3 m2 par porc ; cases indivi-
duelles : 10 m2 par truie allaitante avec un nid paillé pour protéger les porcelets,
3 m2 par truie gestante ;
> mangeoire et abreuvoir fixes de préférence, sans angles vifs, avec une possible éva-
cuation des eaux de rinçage (trou cylindrique en partie basse bouchable de l’exté-
rieur). Les mangeoires et abreuvoirs en bois sont facilement amovibles, en V et sta-
bilisés sur les côtés ou creusés dans un tronc d’arbre.
1526
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● La commercialisation et la qualité
L’étude des cours du porc sur le marché permet d’optimiser les périodes d’élevage. La
demande en porc est variable dans l’année et les cycles de production peuvent être cal-
culés de manière à vendre aux périodes où les prix sont plus intéressants.
Cependant la résistance aux tendances générales est possible seulement pour des éle-
veurs aisés, qui peuvent bénéficier des périodes d’élevage propices dans les cycles du
marché du porc. En élevage traditionnel, il reste souvent plus intéressant de faire
coïncider les périodes d’engraissement ou de lactation des animaux avec celles où la
trésorerie familiale est disponible ou avec celles de forte disponibilité en ressources ali-
mentaires à coût pratiquement nul.
L’adéquation de l’offre par rapport au marché est primordiale. Les consommateurs
sont demandeurs de viande de qualité, ce qui pousse les éleveur traditionnels à pré-
senter un produit s’alignant sur les unités de production plus importantes. La qualité
hygiénique est garantie par un élevage en claustration avec le respect des normes sani-
taires de base.
Enfin, une meilleure organisation des éleveurs pour la commercialisation sur des mar-
chés éloignés peut permettre d’obtenir des prix plus rémunérateurs : suppression des
intermédiaires, moyens de transports communs, etc.
Bibliographie
INRA 1989, L’alimentation des animaux monogastriques : porc, lapin, volaille. Paris, Versailles, Ed. INRA
250 p.
ITP 2000, Mémento de l’éleveur de porc édition 2000 - Paris, Institut technique du porc, 374 p.
MARTINEAU G.P., 1997. Maladies d’élevage des porcs. Manuel pratique. Paris, Ed. France agricole,
480 p.
1527
7 2 2 L’aviculture
À partir des contributions de D. Bastianelli (CIRAD),
C.E. Bebay (V SF), E. Cardinale (C IRAD)
Nous présentons d’abord l’aviculture de type intensif, menée à partir de souches sélec-
tionnées de poules pondeuses et de poulets de chair, avant d’aborder les techniques
d’amélioration de l’aviculture traditionnelle. Quelques éléments sur l’élevage des
autres espèces avicoles (pintades, canards, oies et dindons) clôturent ce chapitre.
1529
7 Zootechnie spéciale
Hubbard - ISAa (F) ISA 15, 20, 30 Isabrown Isawhite – Babcock B300
JA 57 (label), P6N (noir)
Shavera (F, Can) Redbro, Starbro, Minibro Shaver 577, 579 Shaver White, Shaver 2000
Lohmann (D) Lohmann meat LB Classic, Tradition, Lite LSL (Lohmann selected Leghorn)
Classic, Extra, Lite
Hy-line (USA) Hy-line Brown, Silver Brown Hy-line W36, W77, W98
Hisex (NL) Hybro N, Hybro G Hisex rousse Hisex blanche
Peterson Farms (USA) Peterson Meat
Arbor Acres Farm (USA) b AA broilers
Ross Breeders b Broilers 208, 308, 508, PM3
Cobb (GB) Cobb 500, 600
Kabir chicks (Israël) K88, K99, K105, K277, K666 Kabir White, K28
Sasso (F) Spécialiste production label (souches rustiques à croissance lente)
a Hubbard-ISA et Shaver (ainsi que BUT pour les dindons) font partie du même groupe.
b Arbor Acres et Ross font partie du groupe AVIAGEN.
Le choix d’une souche de poulets de chair dépend du marché (vente du poulet vivant
ou mort, entier ou à la découpe, critères de qualité, etc.), et des facteurs d’élevage : les
animaux les plus performants sont aussi les plus exigeants en aliment et en soins, tan-
dis que des animaux plus légers peuvent être plus résistants à des conditions subopti-
males.
Le choix d’une souche de pondeuse se base sur les performances attendues, les condi-
tions d’élevage, la résistance des animaux, et le choix proposé par les couvoirs. On dis-
tingue les souches suivantes :
> les souches à plumage blanc et œufs blancs (type Leghorn) disposent d’un bon potentiel
génétique et ont une faible consommation alimentaire. Ces animaux de petit for-
mat sont assez nerveux. Ils résistent bien à la chaleur mais ils ont une valeur
médiocre à la réforme ;
> les souches à plumage rouge et à œufs bruns sont de format un peu plus important. Les
animaux sont plus calmes. La consommation alimentaire est un peu plus élevée
mais la valorisation à la réforme est meilleure ;
> les souches à plumage noir (et œufs bruns) sont plus rustiques mais leur potentiel de pro-
duction reste convenable. Elles peuvent être intéressantes dans des contextes de
production difficiles.
● Les performances
Les performances des animaux dépendent largement des souches utilisées, des pra-
tiques d’élevage, de l’alimentation, de l’environnement climatique et sanitaire, etc.
Toutefois, des élevages très performants existent en milieu tropical, et les données des
tableaux 2 et 3, recueillies dans des conditions optimales, peuvent servir de référence.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
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7 Zootechnie spéciale
Terrain Plat, perméable, non inondable, sans nuisances (sonores par exemple)
Abords propres et si possible végétation
Si possible arbres d’ombrage à proximité (ne nuisant pas à l’aération)
Loin d’un autre élevage (si possible 500 m)
Concession Isolée des intrusions (voleurs, prédateurs, animaux en divagation) par une clôture efficace
Facilement accessible à l’éleveur et aux fournisseurs
Approvisionnement en eau de qualité
Si possible raccordement électrique (éclairage nocturne, ventilation, etc.)
Distance entre bâtiments Sujets du même âge: deux à trois fois la largeur du bâtiment
Sujets d’âge différent ou espèces différentes: 100 m minimum
Orientation Perpendiculaire aux vents dominants pour bénéficier de l’aération maximale
De préférence orientation Est-Ouest pour minimiser l’incidence du soleil
Organisation Stockage des fientes/du fumier loin des bâtiments d’élevage
● La construction
La lutte contre la chaleur peut être menée efficacement à partir de bâtiments fermés
en ventilation dynamique. Mais cette technique nécessite de forts investissements en
matériel et s’avère généralement très coûteuse en énergie (électrique). Les bâtiments
sont donc généralement très ouverts : grillage sur les deux faces principales, exposées
aux vents dominants. Le grillage commence le plus bas possible, à 30 cm de hauteur
au maximum.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
➤ Figure 1. Exemple d’un bâtiment de type ouvert avec toit à deux pentes
1533
7 Zootechnie spéciale
● Le sol
Le sol est en terre battue ou de préférence en béton, couvert d’une couche épaisse de
litière, qui peut être composée de copeaux de bois (non traité), de balles de riz (pas
chez les jeunes animaux), de paille hachée, etc. Dans le cas de pondeuses au sol, il est
très avantageux d’avoir au moins une partie du bâtiment en caillebotis. Cela permet
une meilleure hygiène, ainsi qu’une augmentation de la densité des animaux. Cette
pratique est moins intéressante et plus difficile à gérer chez les poulets de chair.
● Le toit
La conception du toit modifie la température dans le poulailler. Dans un bâtiment de
type fermé, il faut absolument une isolation efficace du toit, avec par exemple de la
laine de roche ou de la mousse de polyuréthane. Dans un bâtiment ouvert, la nature
du toit est également importante car un toit trop chaud réchauffe l’ambiance.
La tôle nue, qui constitue le matériau de couverture le plus fréquent, peut contribuer
à un réchauffement important de l’air, notamment lorsqu’elle est rouillée ou sale (et
donc plus foncée). Les solutions à mettre en œuvre dépendent des conditions tech-
niques et économiques de l’exploitation. On peut citer :
> le nettoyage du toit et l’utilisation d’un revêtement clair ou réfléchissant. Le simple badi-
geonnage à la chaux peut abaisser la température de plusieurs degrés ;
> l’arrosage périodique du toit avec de l’eau. L’évaporation refroidit le toit ;
> la couverture du toit en tôle par une couche de paille, de feuilles, de palmes, etc. permettant
d’éviter l’incidence directe du soleil sur la tôle ;
> l’utilisation d’autres matériaux de toiture comme des tuiles en terre disponibles dans
certaines régions.
● La ventilation
Dans les bâtiments de type ouvert, la ventilation se fait en partie naturellement, d’où
l’importance de l’orientation des bâtiments. Dans la plupart des cas, il est nécessaire
de compléter cette ventilation par des brasseurs d’air. La solution la plus commune est
celle de brasseurs longitudinaux qui assurent un bon renouvellement de l’air et une
augmentation de sa vitesse de circulation.
En climat sec, la ventilation peut être complétée par la brumisation : de l’eau sous
pression est vaporisée dans l’air. Le processus d’évaporation qui s’ensuit permet de
rafraîchir l’ambiance de plusieurs degrés. Cette technique ne fonctionne pas dans une
atmosphère déjà saturée en eau.
Dans les bâtiments de type fermé, la ventilation doit être étudiée avec précision afin
de garantir un renouvellement et une vitesse d’air suffisante pour les animaux. En
climat sec, on peut associer la ventilation dynamique du bâtiment à la brumisation ou
à l’utilisation du pad-cooling : l’air entrant dans le bâtiment passe au travers de larges
panneaux imprégnés d’eau et il est ainsi refroidi.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● Le matériel
Le matériel utilisé dépend en partie de la taille de l’élevage. Les matériels les plus
sophistiqués et automatisés se justifient seulement dans de grandes unités de produc-
tion.
Les mangeoires peuvent être de simples trémies en métal galvanisé ou en plastique, ali-
mentées manuellement. Il est intéressant que ces trémies soient suspendues (limitation
du gaspillage, accès difficile aux rongeurs). Elles sont progressivement élevées, au fur
et à mesure de la croissance des animaux. À titre indicatif, leur hauteur doit corres-
pondre à celle du dos de l’animal. On utilise des chaînes d’alimentation seulement
dans de grands élevages, car si elles diminuent la manutention des aliments, elles pré-
sentent également des contraintes fortes au point de vue de l’investissement, de la
maintenance, des pannes d’électricité et des coûts d’utilisation.
Les abreuvoirs les plus simples (abreuvoirs siphoïdes) peuvent être utilisés dans les plus
petits élevages et même construits avec des matériaux de récupération. Il faut cepen-
dant veiller à ce qu’ils permettent la mise à disposition d’une eau de qualité en per-
manence. Pour cette raison, on a tout intérêt à utiliser des abreuvoirs semi-automatiques
en cloche à suspendre et qui se remplissent d’eau neuve au fur et à mesure de la
consommation. Ces abreuvoirs en matière plastique doivent être très faciles à nettoyer,
car cette opération est quotidienne. Des systèmes entièrement automatiques d’abreu-
vement peuvent également être prévus pour les unités les plus importantes. Les
pipettes par exemple permettent la mise à disposition d’eau toujours neuve puis-
qu’elle ne stagne pas dans un récipient avant d’être consommée. Il n’y a pas de
mélange possible avec des résidus d’aliments ou des poussières. Dans tous les cas il est
essentiel :
> de veiller à la disponibilité permanente d’eau propre et pas trop chaude (éviter les
réservoirs au soleil ou les protéger) ;
> de limiter le gaspillage d’eau par le bon positionnement des abreuvoirs, afin de ne
pas salir la litière. Dans le cas d’élevage sur caillebotis, les abreuvoirs sont placés
dans cette zone.
Dans le cas d’élevages de pondeuses au sol, il est nécessaire de prévoir des pondoirs.
Ceux-ci doivent être suffisamment nombreux pour éviter un engorgement aux heures
de ponte. Les pondoirs collectifs sont généralement déconseillés, car ils peuvent pro-
voquer des bousculades (dérangement des pondeuses, œufs cassés, œufs sales) ; de
plus, ils rendent difficile la détection des poules couveuses. On opte donc plutôt pour
des pondoirs individuels. Ceux-ci peuvent être fabriqués artisanalement. On prévoit
un nid individuel pour cinq poules, ou à défaut 1 m2 de pondoir collectif pour cent
poules. Les nids de ponte doivent être nettoyés fréquemment.
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7 Zootechnie spéciale
● L’alimentation
En élevage intensif, la production avicole dépend largement de la satisfaction alimen-
taire des animaux. Tout problème de qualité de l’aliment agit négativement sur l’IC
(indice de consommation = aliment consommé/poids vif ou œufs produits). De plus,
l’alimentation étant de loin le poste de dépense le plus important (70-80 % des coûts
de production), une mauvaise alimentation compromet la rentabilité de l’activité.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Ce type de calcul doit absolument être réalisé pour adapter les normes de besoins des
animaux aux conditions réelles rencontrées. Il est indispensable, pour le taux de pro-
téines, mais surtout d’acides aminés, de minéraux majeurs (Ca, P) et de CMV.
1537
7 Zootechnie spéciale
Tableau 6. Besoins quotidiens des animaux - Apports minimaux à conseiller, dans le cas d’un aliment présenté
en farine
Quantité sur la période (g) 250–00 750–900 1500–1800 1200-1400 Selon durée 2700-2900
Concentration en EM 2900 3000 3000 3100 3100 2750 320 (2)
mini (Kcal/kg)
Protéines (MAT) (g/kg) 220 210 200 190 170 170 170
Lysine (g/kg) 12,5 12,0 11,0 10,0 9,0 7,5 7,8
Méthionine (g/kg) 5,2 5,0 4,7 4,5 4,1 3,4 4,0
Méthio. + cystéine (g/kg) 9,2 9,0 8,8 8,2 7,8 6,2 6,8
Ca (g/kg) 10,5 10,5 10 9,5 8,5 10,5 (1) 38
P total (g/kg) 9,0 8,1 8,0 7,2 7,2 7,0 (1) 5,4
P disponible (g/kg) 5,0 4,5 4,3 4,0 4,0 3,8 (1) 3,1
(1) en période de préponte (de 16 semaines à 2 % de ponte) le régime est enrichi en Ca et P notamment, pour s’approcher des besoins de ponte.
(2) EM par jour à 20°C. Le besoin en énergie dépend notamment des conditions de température. On pourra retenir que le besoin baisse de 3,5 Kcal/jour/°C
soit une valeur de 284 Kcal/jour à 30°C. Pour un aliment à 2 750 Kcal/kg ces besoins en EM correspondent à 116 g d’aliment par jour (20°C) ou 103 g
d’aliment/jour (30°C).
(3) Une partie du calcium peut être apportée séparément de l’aliment.Les poules le consomment en focntion de leur appétit et de leurs besoins
spécifiques.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● Les additifs
Outre les vitamines et les minéraux indispensables dans le régime, plusieurs types de
substances peuvent être incorporées dans l’aliment :
> des médicaments utilisés à titre préventif : anticoccidiens notamment. Les réglementa-
tions dépendent des pays mais ils doivent toutefois être retirés de l’aliment
quelques jours avant la commercialisation des poulets pour éviter la présence de
résidus dans les produits. Ils sont déconseillés pour les pondeuses pour la même
raison ;
> des facteurs de croissance. Classiquement, on utilise des substances antibiotiques à très
faible dose pour optimiser les processus digestifs. La croissance des animaux est
accélérée et l’homogénéité des lots est meilleure. D’autres facteurs de croissance
permettant de réguler la flore intestinale peuvent être utilisés lorsque les antibio-
tiques sont interdits ;
> des enzymes, qui permettent une meilleure utilisation digestive des rations, grâce
notamment à une action sur les fibres alimentaires ou le phosphore phytique. On
peut ainsi mieux valoriser des matières premières comme l’orge dont l’emploi est
difficile sans ces additifs.
● La forme de présentation
La composition des aliments est primordiale, mais chez les volailles, la forme de pré-
sentation des aliments joue un rôle important. La granulation des aliments favorise
ainsi la consommation et permet de limiter le gaspillage et le tri des aliments. De plus,
elle permet de mieux valoriser les matières premières, notamment dans le cas de
rations peu concentrées en énergie. Toutefois, cette opération de fabrication nécessite
un matériel coûteux et beaucoup d’énergie électrique, ce qui la rend souvent inacces-
sible.
Dans ces conditions, il faut privilégier un broyage grossier des aliments : les volailles
n’aiment pas les particules fines et tendent à les délaisser. Les grosses particules, voire
une certaine proportion de graines entières, sont au contraire très bien valorisées. À
titre indicatif, il faut éviter d’avoir plus de 20 % de particules fines (< 1 mm) et sur-
tout éviter au maximum les particules très fines. On peut parfois agglomérer ces der-
nières par l’ajout d’un peu d’huile ou de mélasse en fin de fabrication.
Outre la forme de présentation, un autre facteur important de la fabrication est la
qualité du mélange : il faut s’assurer de la bonne homogénéité de l’aliment, notam-
ment en raison des additifs ajoutés en faible quantité (CMV, acides aminés) qui doi-
vent impérativement se retrouver distribués également entre tous les animaux.
● L’eau
La qualité et la régularité de l’approvisionnement en eau sont importantes. Il s’agit
d’un élément essentiel et l’eau constitue un moyen important de lutte contre la cha-
leur chez la volaille (évaporation respiratoire). Il faut donc proposer une eau propre
et fraîche, dans la mesure du possible. Ceci peut être obtenu en évitant un stockage
au soleil, en provoquant des effets de chasse d’eau périodiques dans les canalisations, en
utilisant des canalisations enterrées, etc. L’utilisation d’abreuvoirs semi-automatiques
(type cloche) permet une meilleure gestion de l’eau que les abreuvoirs siphoïdes.
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7 Zootechnie spéciale
L’appréciation de la qualité de l’eau doit se faire sur plusieurs critères et surtout être
suivie dans la durée. Le tableau 7 donne des ordres de grandeur.
Agent pathogène (virus, bactérie ou parasite) Affection suraiguë Déterminer l’origine du problème
Toxine (issue de champignons ou de bactéries) ou aiguë ou chronique (sources, réservoirs, cycle, ...)
Produit toxique (aliment, eau, environnement) Identifier le mode de transmission
Carence ou déséquilibre nutritionnel Trouver le moyen de rendre les volailles
Elément de l’ambiance (température, non réceptives ou non affectées (protection
aération, humidité) immunitaire, sanitaire et médicale; règles d’hygiène)
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7 Zootechnie spéciale
● La prévention
● Prophylaxie sanitaire
Les barrières sanitaires dans le temps
Ce sont des mesures de limitation du développement des germes :
> élevage en bande unique : une seule production, une seule origine et un seul âge
par élevage, au moins par groupe de bâtiments ;
> nettoyage et désinfection en fin de bande (voir la description) ;
> maintien des conditions d’élevage : propreté, ambiance, alimentation, abreuve-
ment.
Les barrières sanitaires dans l’espace
Ce sont des mesures d’isolement afin d’empêcher l’introduction de contaminants par
les vecteurs inanimés ou animés. Elles sont présentées dans le tableau 13.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
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7 Zootechnie spéciale
Pour les coccidioses, il existe peu de solutions vraiment efficaces. La chaleur (flamme
ou vapeur d’eau sous pression), bien qu’efficace, est difficile à mettre en œuvre. Les
produits chimiques actifs contre les ookystes de coccidies tels le bromure de méthyle,
l’ammoniaque et le sulfure de carbone sont toxiques, donc difficiles à utiliser de façon
courante. L’Oo-cideND, fabriqué par le laboratoire Antec International, est actif contre
les coccidies, les bactéries, les virus et les champignons.
La désinfection du matériel
Pour le matériel, une méthode simple et efficace de désinfection consiste à procéder à
un nettoyage puis à un trempage de ce matériel dans une solution désinfectante pen-
dant un temps suffisamment long (10 à 15 minutes avec un produit à base d’iode par
exemple) et de laisser ensuite sécher sans rincer. Le désinfectant utilisé ne doit pas lais-
ser de résidus sur le matériel, surtout pour les abreuvoirs. Il faut utiliser des désin-
fectants pour l’eau de boisson comme les produits à base d’iode ou de peroxyde de
chlore par e xemple. Une fois désinfecté et séché, le matériel doit être stocké dans un
endroit propre et lui aussi désinfecté afin d’éviter les recontaminations.
La désinfection des annexes
Circuit et réservoir d’eau sont désinfectés avec les produits préconisés pour le maté-
riel et pour le bâtiment de stockage des aliments. La procédure est identique pour le
bâtiment d’élevage (il ne faut pas oublier les abords du poulailler). Les boites à pous-
sins et tous les résidus de litière, plumes ou autres doivent être balayés et brûlés. On
peut alors pulvériser du crésyl ou du formol à 10 % sur une largeur de deux à trois
mètres autour du bâtiment.
Cinquième étape : période de vide sanitaire
C’est seulement après cette première désinfection que commence le vide sanitaire pro-
prement dit. Pendant cette période, le désinfectant prolonge son action qui est ren-
forcée par un bon assèchement du sol et du bâtiment. L’humidité résiduelle dans le
bâtiment est un facteur de développement des microbes accentué par la chaleur des
régions tropicales. La durée moyenne d’un bon vide sanitaire est de quinze à vingt
jours (temps de séchage complet du bâtiment).
Pendant ce laps de temps, il faut éviter une recontamination du poulailler qui détrui-
rait tout le travail effectué. Il est donc nécessaire de mettre en place des pédiluves et
de prévoir des bottes et des vêtements propres réservés aux employés et servant uni-
quement au travail effectué dans les poulaillers. Il faut aussi penser à mener une lutte
contre les rongeurs. Ce n’est pas parce que le bâtiment est vide qu’il ne faut pas en
protéger l’accès.
Sixième étape : seconde désinfection
Après la mise en place de la litière et du matériel, il est souhaitable de procéder à une
seconde désinfection par fumigation ou thermonébulisation ; durant cette opération,
le bâtiment est fermé de la façon la plus étanche possible.
En conclusion, comme les jeunes volailles sont particulièrement réceptives aux mala-
dies tant qu’elles ne sont pas immunisées, la désinfection est obligatoire pour assurer
un bon démarrage. Son complément indispensable est la méthode d’élevage en âge
unique et en bande unique. En effet, la présence d’autres volailles, surtout d’âge dif-
férent, peut entraîner une recontamination rapide des bâtiments d’élevage, même
parfaitement désinfectés.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Contre les insectes Sols, murs, outils, pondoirs Insecticide une fois par semaine
Contre les microbes Abreuvoirs Désinfecter et rincer une fois par semaine
Pédiluves Renouveler le contenu du bac au moins une fois par semaine et deux fois en
cas d’encrassement important. Un pédiluve sale est inefficace voire dangereux
Lieu de stockage des œufs et du matériel d’élevage Désinfecter tous les jours après la fin du travail
Bottes Désinfecter tous les jours après le nettoyage à la fin du travail
Actif sur les virus Actif sur les bactéries Actifs sur les œufs Utilisation dans le pédiluve
et larves de parasites
Eau de javel Lavages, brossages, 10 % dans l’eau Actif sur des surfaces propres - corrosif pour le
pulvérisations matériel métallique - activité diminuée en présence de savon
Crésyl Lavages, brossages 4 % dans l’eau Action renforcée par la chaleur et l’humidité
Fumigations 5 g/m 3, porter à ébullition
Phénol Lavages, brossages, 1 à 3 % dans l’eau Très caustique dès la concentration de 20 g/l d’eau
pulvérisations
Soude caustique Lavages, épandages 1 à 3 % dans l’eau Très caustique et dangereux pour l’homme et le matériel :
au sol, brossages utiliser des gants et bottes de caoutchouc, des lunettes et un
arrosoir en plastique, rincer le matériel à l’eau clair très vite
après usage.
Composés iodés Lavages, brossages, 1,5 à 2 % dans l’eau Inactifs en présence de saleté, poussière (mauvais lavage
pulvérisations du bâtiment). Très corrosif pour les métaux, employer des
matières plastiques.
Formol Lavages, brossages, 3 à 5 % dans l’eau
du commerce pulvérisations
Fumigations 40 cc formol + 40 cc eau Fumigation dangereuse pour les voies respiratoires.
+ 20 g de permanganate Actif si bâtiment clos pendant 12 heures, température 25°C,
de potassium/m 3 hygrométrie 80 %. Légèrement caustique pour les mains
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7 Zootechnie spéciale
● La prophylaxie médicale
Les vaccins contre les maladies virales
Il existe deux types de vaccins :
> des vaccins vivants très fragiles administrés en eau de boisson (vaccination de
groupe) ou par trempage du bec ou instillation oculaire (vaccination individuelle),
voire en nébulisation sur les animaux ;
> des vaccins tués injectables.
Il importe de respecter certaines règles pour assurer une vaccination efficace : bonne
conservation du vaccin (entre +2°C et +8°C, à l’obscurité) ; utilisation d’eau de
reconstitution potable sans antiseptique (attention à l’eau chlorée des réseaux publics)
; administration vaccinale rapide (moins de deux heures après reconstitution) ; utili-
sation de matériel propre. Lors de vaccination en eau de boisson, il faut assoiffer les
animaux, utiliser des abreuvoirs en plastique propres mais sans trace de détergent ou
d’antiseptique, et enfin vérifier que le nombre d’abreuvoirs est suffisant pour le
nombre d’animaux.
Les programmes de vaccination doivent être établis en fonction de la situation
épidémiologique et il n’existe pas de protocole à toutes épreuves. Les programmes
appliqués au Sénégal des tableaux 18, 19 et 20 sont donnés à titre indicatif.
Chimioprévention des maladies parasitaires
> le contrôle des coccidioses : il est préférable d’utiliser un aliment contenant déjà un
anticoccidien à faible dose plutôt que de procéder à des traitements systématiques.
Le but est de limiter la présence excessive d’ookystes sans les éradiquer complète-
ment, ce qui permet de maintenir l’immunité chez l’animal ;
> le contrôle des vers : le citrate de pipérazine est utilisé contre les ascaris en alternance
avec du lévamisole contre les nématodes digestifs et respiratoires.
Chimioprévention des maladies bactériennes
Il n’y a pas de chimioprévention si ce n’est au moment de la mise en place des pous-
sins pour limiter les infections de démarrage, particulièrement liées au stress.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
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7 Zootechnie spéciale
Maladie de Newcastle
– Vaccination par injection d’un vaccin inactivé huileux à l’entrée en ponte
– Contrôle de la protection vaccinale par analyses au laboratoire de prises de sang effectuées 4 à 6 semaines après la vaccination
– En début de période à haut risque de contamination par le virus (vers décembre ou janvier au Sénégal), vérifier que la protection
vaccinale est suffisante par envoi au laboratoire de prises de sang pour analyses sérologiques
– Rappel Newcastle par injection ou administration de vaccin dans l’eau de boisson (La Sota ou Clone 30) à 70 semaines si les poules
sont gardées en production
Coccidioses
– Ne jamais faire de traitements anticoccidiens pendant la ponte sans diagnostic de laboratoire
Traitement vermifuge des pondeuses dans l’eau de boisson en fonction du poids vif
– Traitement des poules systématique toutes les 6 à 8 semaines
– Choisir un produit vermifuge et connaître sa posologie en quantité de produit par unité de poids vif : en général, gramme de
produit/kg de poids vif
– Déterminer la quantité de produit nécessaire = posologie x poids total du troupeau (nombre de sujets x poids vif moyen)
– Déterminer la quantité d’eau consommée en 8 à 12 heures, attention, la consommation d’eau peut varier considérablement en
fonction de la température (de 250 à 600 ml/poule/jour)
– Faire une première distribution de vermifuge en début de matinée (vers 7-8 heures) : la moitié de la dose calculée; puis une
deuxième distribution de l’autre moitié de la dose en début d’après-midi quand l’eau médicamenteuse du matin est terminée
● Le poulet de chair
Le guide d’élevage de la souche utilisée donne à l’éleveur beaucoup d’indications géné-
rales et spécifiques à la souche. Il convient de franchir successivement les étapes sui-
vantes :
> préparation des bâtiments ;
> réception, vérification et tri des animaux ;
> démarrage dans une zone restreinte et chauffée : même en milieu tropical, les
jeunes animaux peuvent souffrir du froid. L’éleveuse est généralement à gaz. La
chaleur doit être contrôlée ainsi que la position des poussins : s’ils sont groupés sous
le radiant ils peuvent avoir trop froid ; s’ils sont éloignés du radiant ils peuvent
avoir trop chaud ; si la répartition est asymétrique ils risquent les courants d’air ou
un mauvaise installation ;
> vérification au moins quotidienne du bon fonctionnement et nettoyage des abreu-
voirs ; approvisionnement en eau et aliment, ramassage quotidien des cadavres ;
> cahier d’élevage avec tous les événements et pesée hebdomadaire d’un échantillon
de 100 animaux ; enregistrement sur une courbe et calcul de l’IC ;
> vente des animaux ;
> nettoyage et désinfection, vide sanitaire.
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L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● La pondeuse
Des éléments importants sont à prendre en considération :
> démarrage des animaux comme les poulets de chair, en respectant au mieux une
courbe de croissance «objectif» afin que la maturité sexuelle des animaux arrive à
un poids corporel convenable. Il convient pour cela de se référer au guide d’élevage
de la souche ;
> pesée des animaux. La pesée se fait à heure fixe. La pesée individuelle d’une cen-
taine d’animaux permet d’obtenir des données fiables. On peut par exemple réali-
ser un petit parc amovible en grillage, le positionner au milieu du parquet d’ani-
maux, et peser l’ensemble des volailles ainsi encerclées. Outre le suivi du poids
moyen, on contrôle l’homogénéité du lot : 80 % des poids enregistrés doivent se
situer dans une fourchette maximale de variation de 10 % par rapport la moyenne ;
> tri des animaux faibles ou malades ;
> débecquage de sept à neuf semaines : un simple épointage à huit ou dix jours n’est
pas suffisant ; s’il est trop sévère, il représente une cause d’affaiblissement des ani-
maux et d’hétérogénéité des lots. Le débecquage est particulièrement indispensable
dans des poulaillers ouverts (très lumineux) et pour des animaux nerveux (type
Leghorn) afin d’éviter au maximum le picage et le gaspillage d’aliments ;
> respect des programmes d’éclairement conseillés dans les guides d’élevage de
la souche. De manière générale, si le poids des animaux est satisfaisant, on peut
suggérer une stimulation lumineuse d’une durée de deux à quatre heures le matin
à partir de l’âge de dix neuf semaines. Si la croissance est trop lente, il vaut mieux
retarder le début de la ponte, en évitant absolument de faire une stimulation lumi-
neuse ;
> tenue d’un cahier de ponte bien documenté, avec les quantités d’aliment consom-
mées et d’œufs produits. Des tels indicateurs permettent de déceler assez précoce-
ment des problèmes d’élevage, d’alimentation, etc. Ils permettent aussi d’optimiser
la gestion technico-économique de l’activité et de réformer les lots au moment le
plus opportun ;
> réforme des animaux, planifiée pour que les animaux partent dans un laps de
temps assez court et laissent un vide sanitaire suffisant avant l’arrivée de la nouvelle
bande.
● La gestion technico-économique
Quelques indices techniques permettent de piloter l’élevage et d’effectuer des compa-
raisons (d’une bande à l’autre, entre élevages, avec les performances théoriques) :
> taux de mortalité total et par tranche d’âge ;
> durée du cycle (production + vide sanitaire) ;
> poids et âge moyen à l’abattage ; poids à âge-type (35 jours, 42 jours, etc.) ;
> GMQ = gain moyen quotidien, instantané (semaine par semaine) et cumulé sur la
bande ;
> IC = indice de consommation, instantané et cumulé, pour les jeunes et les pon-
deuses ;
> productions (nombre d’œufs, poids moyen des œufs) pour les pondeuses.
1553
7 Zootechnie spéciale
● Le bilan économique
Il peut être très simplement réalisé en comparant les dépenses correspondant aux
consommations intermédiaires et les recettes provenant de la vente des produits. Il
s’agit de n’oublier aucun poste, et d’employer toujours le même mode de calcul pour
comparer des bandes entre elles ou par rapport à une référence.
Tableau 21. Exemple de calcul de bilan économique simplifié en pondeuse (en francs CFA)
Dépenses
Poussins 1 000 550 550 000
Aliment démarrage 4 kg/poussin, 1 000 poussins 180 720 000
Aliment poulette 6 kg/poulette, 950 poulettes 150 855 000
Aliment pondeuse 45 kg/animal, 900 pondeuses 170 6 885 000
Litière Estimation forfaitaire 10 000
Vaccins/médicaments Total 337 500
Alvéoles 9 000 50 450 000
Divers consommables, eau, électricité Estimation forfaitaire 400 000
Total dépenses 10 207 500
Recettes
Total œufs 270 œufs/poule départ 45 11 542 500
Ventes réformes 900 1 500 1 350 000
Total recettes 12 892 500
Marge brute Hors amortissement et MO 2 685 000
Par poule départ (= par place) 2 826
Par œuf 10,5
1554
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
L’AVICULTURE TRADITIONNELLE
L’aviculture traditionnelle ou villageoise a pour objectif la production de volailles et
d’œufs, dans le cadre d’une exploitation familiale, avec les caractéristiques suivantes :
> un effectif restreint (généralement moins de 150 animaux par famille) ;
> un mode d’élevage de type extensif recourant à un minimum d’intrants (pas
d’achat de poussins notamment) ;
> une production souvent mixte (les mêmes animaux produisent œufs et chair). La
production d’œufs est cependant moins fréquente que celle de volailles de chair.
À ces trois caractéristiques peut s’ajouter une quatrième qui est l’utilisation quasi-
exclusive des races locales. Certains paysans pratiquent cependant l’aviculture villa-
geoise en utilisant des métisses issus de croisements entre les races locales et les races
améliorées (Leghorn, Rhode Island etc.).
Dans les zones urbaines ou périurbaines se développe une aviculture proche de l’avi-
culture intensive des pays du Nord, malgré des effectifs plus réduits et une adaptation
de certaines normes au contexte local. Il ne s’agit donc pas d’un modèle intermédiaire
entre aviculture intensive et aviculture traditionnelle. Les besoins de ce type de pro-
duction sont proches de ceux présentés dans le chapitre 721.
En aviculture villageoise, il s’agit de proposer des améliorations techniques qui per-
mettent d’optimiser les résultats et d’éviter de calquer la logique de production déve-
loppée dans la filière industrielle.
Les programmes d’amélioration de l’aviculture villageoise visent la formation des pay-
sans, l’organisation des campagnes de vaccination contre les maladies majeures et la
sensibilisation à l’utilisation des produits antiparasitaires.
1555
7 Zootechnie spéciale
1556
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● L’amélioration du logement
Parfois, la volaille traditionnelle ne dispose pas de logement particulier. Les animaux
passent la nuit sur les arbres, sous les greniers, dans la pièce qui sert de cuisine.
Lorsqu’un local leur est consacré, il s’agit souvent d’une petite case attenante aux loge-
ments humains dont les dimensions ne sont propices ni au confort des animaux, ni au
travail humain.
Les essais d’amélioration de l’aviculture villageoise ont consisté, entre autres, à l’amé-
lioration du logement par la mise en place de poulaillers améliorés, dont le concept
reste encore peu partagé. Ils représentent pourtant une voie efficace d’amélioration
du système d’élevage.
En effet, ce type de poulailler :
> protège les animaux contre les intempéries (vents, pluies, soleil) ;
> évite l’entrée des agents pathogènes et des prédateurs ;
> diminue les pertes de jeunes entre 0 et 3 mois ;
> permet de contrôler les effectifs ;
> facilite le travail humain et rend notamment possible le ramassage et le stockage du
fumier.
La construction d’un poulailler amélioré pour l’élevage traditionnel doit répondre
aux exigences minimales de densité, de sécurité pour les animaux (notamment pour
les jeunes, contre le froid et les prédateurs) et d’aisance de travail pour le paysan afin
d’en faciliter l’hygiène.
● Le choix de l’emplacement
Le poulailler est situé dans un endroit calme et sec, de préférence sous les arbres afin
de limiter les effets de la chaleur. De même, il est orienté contre les vents dominants
pour profiter d’une ventilation naturelle sauf dans les régions de vents forts.
1557
7 Zootechnie spéciale
Pour le toit, la paille est préférable à cause de soncaractère isolant. Il faut la changer
tous les trois à quatre ans. Dans les régions où ce matériau est rare, on peut excep-
tionnellement utiliser la tôle. Il faut alors impérativement construire le poulailler à
l’ombre.
Enfin, il est nécessaire d’aménager une clôture en grillage ou en matériaux locaux
(osiers, claustras en bois, murs pleins en terre battue) pour contenir les animaux afin
d’éviter le vol, les prédateurs et la divagation des animaux.
1558
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● L’aménagement du local
Le sol du poulailler est dur, damé et recouvert d’une litière à base de copeaux de bois
non traité, d’écorces d’arachide, de paille hachée ou de balle de riz.
Les nids sont disposés de manière à être décalés par rapport à la porte d’entrée et
contre le jour afin de procurer une bonne ambiance aux couveuses. Il faut prévoir un
nid pour trois poules adultes. La forme et la disposition des pondoirs sont variables.
Les dimensions à respecter sont d’environ 30 cm de haut et de long et de 40 cm de
profondeur. Afin de faciliter l’isolement de la poule couveuse, l’ouverture du nid est
d’environ 25 cm. Dans tous les cas, les nids sont tapissés d’une litière.
On veille à mettre en place un bac de poudrage aux dimensions d’un nid à l’extérieur
du poulailler dans lequel sont placés de la cendre et un produit antiparasitaire. En sai-
son de pluies, le bac de poudrage est à l’intérieur du poulailler.
Les mangeoires sont également fabriquées en matériaux locaux (bois ou matériaux de
récupération), protégées par une barre supérieure afin d’éviter que les animaux ne
marchent à l’intérieur.
Les abreuvoirs sont de type siphoïde, ou de fabrication locale. Ils sont placés de préfé-
rence à l’extérieur du poulailler et à l’ombre. L’eau est changée quotidiennement et si
possible deux fois par jour.
Les perchoirs, obligatoirement de section rectangulaire et en bois, sont placés à l’inté-
rieur du poulailler. Il faut prévoir environ un mètre pour dix animaux et ils sont situés
à cinquante centimètres du sol.
Adultes Poussins
● La valorisation du fumier
L’aménagement d’un poulailler amélioré permet la récupération des fientes qui sont
ensuite utilisées comme engrais par le paysan, ou bien vendues. Les fientes sont
conservées dans des sacs de jute dans un endroit sec. Dans ces conditions, les pertes
sont limitées : 10 à 20 % contre plus de 50 % à l’air libre et sous la pluie. Ainsi conser-
vés, les éléments fertilisants subissent très peu de volatilisation, de lessivage et de réor-
ganisation. Le fumier de volailles est environ cinq fois plus riche en azote que celui des
petits ruminants ou des bovins.
1559
7 Zootechnie spéciale
● La désinfection
Elle a pour objectif de diminuer la pression microbienne, virale et parasitaire liée à la
présence des animaux et au milieu favorable de développement que représente la
litière. En pratique, elle est réalisée après le retrait de la litière et en l’absence des ani-
maux. Dans les conditions d’élevage traditionnel, le crésyl (facile à trouver et bon mar-
ché) semble le produit le plus indiqué car il est actif sur les virus, les bactéries et de
nombreux parasites. Le produit dilué à 4 % est utilisé pour nettoyer les murs, le sol,
les nids, les perchoirs, le matériel d’élevage (abreuvoirs, mangeoires) à une fréquence
variable (cf. tableau 8). Pour le matériel d’élevage servant à l’alimentation, un rinçage
à l’eau propre et un séchage au soleil sont préconisés après la désinfection.
● La désinsectisation
Elle consiste à diminuer la pression des insectes (notamment les poux, les puces) et des
tiques, dont la présence dans les nids nuit fortement à une bonne couvaison, au
confort et à la santé des animaux. Le bac de poudrage évoqué plus haut est une solu-
tion mais un traitement régulier du poulailler contre ces parasites à l’aide d’un insec-
ticide et d’un acaricide est également conseillé.
● L’alimentation
La plupart des aliments destinés à l’élevage villageois sont produits par les paysans.
Tout achat important et régulier d’aliments serait difficilement rentable sur le plan
économique. Dans ces conditions, les quantités recommandées (cf. partie aviculture
intensive) le sont pour mémoire et il faut envisager une valorisation optimale des res-
sources disponibles et les compléter éventuellement à moindre coût.
L’entretien et la production de chair et d’œufs chez les adultes, la croissance chez les
poussins nécessitent en effet des rations si possible équilibrées et suffisamment éner-
gétiques, comme dans le cas de l’aviculture industrielle. La présentation des aliments
distribués peut toujours être améliorée par un broyage grossier.
D’une manière générale, l’aviculture traditionnelle est favorisée lorsque la région est
excédentaire en céréales, en raison de la compétition homme - animal. Dans les
régions où la production de céréales est insuffisante, les tubercules (manioc, patate
douce) peuvent être utilisés en complément.
Dans tous les cas, il faut veiller à un apport en protéines. Les termites sont utilisés
comme source de protéines dans certaines régions. Quelques espèces de termites seu-
lement sont comestibles, en particulier les termites xylophages de la classe des
ouvrières. Les termites humivores sont à éviter. La forme des termitières ainsi que la
morphologie des termites permettent de les différencier.
1560
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
La quantité de termites distribuée varie entre 50 et 100 grammes par jour, ce qui four-
nit à l’animal une dizaine à une vingtaine de grammes de protéines quotidiennes. Il
faut éviter les rations à plus de 80 % de termites, même en période de démarrage des
poussins.
D’autres sources de protéines, comme les larves de mouches ou encore les vers de
terre, peuvent être utilisées.
Le rythme de distribution des aliments doit respecter la physiologie alimentaire des ani-
maux, et parallèlement celui de la disponibilité de la main-d’œuvre familiale. Les ali-
ments sont ainsi distribués tôt le matin dans les mangeoires, dès l’ouverture du pou-
lailler. Une deuxième distribution est effectuée en fin d’après-midi, avant la tombée de
la nuit, ce qui correspond à la rentrée des animaux au poulailler.
Tableau 23. Paramètres de reproduction des poulets en milieu villageois (région Kara, Nord-Togo)
Paramètre Valeur
Effectif moyen 38
Nombre d’œufs moyen par couvée 17
Taux d’incubation 70 %
Taux d’éclosion 83 %
Taux de mortalité des poussins 20 %
Taux de mortalité des adultes 5%
Durée moyenne de ponte (jours) 18
Période d’incubation (jours) 21
Nombre de couvées annuelles par poule 5
Nombre moyen d’œufs par an par poule 85
1561
7 Zootechnie spéciale
Tableau 24. Quelques propositions pour une bonne gestion des effectifs
La conduite d’élevage des poussins dans la poussinière permet de les séparer préco-
cement de leur mère, dès la fin de la quatrième semaine, permettant ainsi aux repro-
ductrices de recommencer plus vite à pondre.
Une attention particulière doit être portée pendant une dizaine de jours aux jeunes
séparés de leur mère. Il faut habituer les poussins à divaguer dans la cour du pou-
lailler, à la recherche de leur propre nourriture.
Il est conseillé de pratiquer l’adoption lorsque de nombreuses éclosions ont lieu au
même moment. Le principe est de confier à une mère-poule les poussins des autres
poules. L’objectif est double : avoir un minimum d’adultes dans la poussinière et per-
mettre aux autres poules de rentrer plus tôt en ponte. Dans tous les cas, il faut une
trentaine de poussins par mère au maximum.
Les variations d’effectifs, en dehors des mortalités liées aux pathologies, au vol et aux
disparitions causées par les prédateurs, sont le résultat des achats de nouveaux sujets,
des naissances, des dons et des prélèvements.
1562
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Les prélèvements effectués par les paysans répondent généralement à trois types de
besoins : l’autoconsommation, les dons et la vente. L’importance relative de chacun des
modes de prélèvement dépend de plusieurs facteurs locaux : importance des échanges
commerciaux, facteurs sociaux, stratégie du paysan. Les dons sont souvent importants
pendant les périodes de fêtes : fin d’année, cérémonies rituelles. Au centre et au nord
du Togo, on a ainsi estimé qu’environ la moitié de la production est vendue, que le
tiers (ou un peu plus) est consommé et que le reste (10 à 20 %) est donné.
Le tableau 25 récapitule les tâches à effectuer et leur fréquence pour conduire un éle-
vage de volailles en suivant les recommandations fournies précédemment.
Tous les jours Toutes les Tous les mois Tous les Tous les Tous les ans
semaines trimestres semestres
1563
7 Zootechnie spéciale
● La valorisation de la production
La volaille traditionnelle est souvent le porte-monnaie du paysan. Dans ces conditions,
la logique de valorisation de la production est particulière. Les ventes se font en fonc-
tion des besoins. Les conséquences de ce type de gestion sont nombreuses :
> le circuit vif (vente d’animaux vivants) est quasiment exclusif ;
> les lieux de vente sont nombreux (chez le paysan, sur le bord de la route, au
marché) ;
> les effectifs vendus sont faibles (de quelques sujets à une dizaine).
Il n’existe pratiquement pas de relations commerciales établies et durables entre le
producteur et les nombreuses catégories d’acheteurs (petits revendeurs, grossistes,
spéculateurs, consommateurs). Cependant, les améliorations apportées par quelques
dispositifs d’appui à l’aviculture traditionnelle ont fait émerger une catégorie de pay-
sans qui approvisionnent quelques revendeurs avec une certaine fidélité.
Comme ailleurs, il est important d’estimer la part de la marge qui revient au producteur.
Différentes expériences ont montré que le paysan empoche la majeure partie de la
marge réalisée, souvent plus de la moitié (60 à 65 % dans le Nord-Togo). Si cette pro-
portion diminue, pour pérenniser les améliorations apportées, il est important d’en-
visager des formes d’organisation des paysans pour la commercialisation de leur pro-
duction (cf. chapitre 221).
1564
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
Cette approche reste fortement critiquée mais il faut bien constaterqu’aucune alter-
native n’a été proposée jusqu’à présent. Les principales limites de la formation d’auxi-
liaires sont liées au décalage qui existe entre l’offre qu’ils représentent (connaissances
techniques très ciblées et donc limitées) et la demande qu’ils sont censés satisfaire en
quantité et en qualité. Le contenu des programmes de formation des auxiliaires et le
niveau scolaire requis dépendent des régions, des besoins et des ressources humaines
disponibles.
Il n’est pas question de rentrer ici dans les débats qui accompagnent la mise en place
de cette stratégie d’offre de services aux paysans. Les questions soulevées tournent
régulièrement autour des compétences attribuées, des risques d’une dérive de ces
compétences, du danger de limiter la formation aux auxiliaires et de léser ainsi les pay-
sans. Il est important de garder à l’esprit que l’objectif est bien la formation des pay-
sans et non celle des auxiliaires.
Enfin, le dernier point du débat est la question (essentielle) du financement des acti-
vités des services d’appui à l’élevage traditionnel : vaccinations, conseils techniques,
etc. Après une longue période de prise en charge par le budget des Etats puis une
période de privatisation des services d’appui à l’élevage, l’heure est au bilan et à la
recherche de formules appropriées à la diversité des situations rencontrées.
1565
7 Zootechnie spéciale
La multiplication des points de chaleur, la quantité des braises contenues dans le pot
ou alors le niveau d’éclairement de la lampe permettent de régler la température du
local.
La ration alimentaire peut être identique à celle des poussins dans les conditions d’éle-
vage villageois. Le pintadeau a cependant un rythme de croissance plus lent que le
poussin.
Les pathologies majeures sont essentiellement parasitaires et virales. La pintade est moins
sensible à la maladie de Newcastle mais constitue cependant un réservoir important
de virus. Pour cela, il est conseillé de lui appliquer le même schéma vaccinal que le
poulet.
Le pintadeau est particulièrement sensible aux parasitoses internes : trichomonose et
syngamose essentiellement. L’administration régulière de vermifuges, principalement
entre 0 et 90 jours, permet de réduire considérablement la mortalité des jeunes.
1566
L’élevage des monogastriques non herbivores 7 2
● L’élevage de dindons
L’élevage du dindon (Meleagris gallopavo) ou dinde domestique est encore mal maîtrisé
dans les conditions villageoises. On rencontre généralement trois races : la Norfolk
Black dont le poids à l’âge adulte varie entre sept et huit kilos pour les mâles et envi-
ron cinq kilos pour les femelles, la Mammouth Bronze dont les mâles peuvent atteindre
25 kilos (20 kilos pour les femelles) et enfin le dindon bronzé sélectionné à partir de la
race Mammouth Bronze. De nombreux produits de croisement ont été obtenus et diffu-
sés à partir de ces trois races.
L’âge d’entrée en ponte est d’environ six mois et les animaux pondent en moyenne
soixante à soixante-dix œufs par an. La ponte dure environ deux semaines. En pra-
tique, il est conseillé de ne pas dépasser vingt dindonneaux par couvée en élevage tra-
ditionnel amélioré. La couvaison dure environ un mois.
Il faut compter environ dix dindonneaux par mètre carré jusqu’à l’âge de deux mois.
Comme le pintadeau, le dindonneau est très fragile et les conditions d’élevage (froid,
parasites internes et externes) sont à l’origine de fortes mortalités pendant les pre-
miers mois. Le local est donc aménagé en conséquence (voir poulet).
La période d’élevage du dindon est très longue (en moyenne vingt-cinq semaines) et les
exigences alimentaires découragent de nombreux paysans. L’alimentation doit être
très riche en protéines pendant les quatre premières semaines. L’usage des termites
est particulièrement indiqué dans ce type d’élevage. En raison de son poids élevé à
l’âge adulte, le dindonneau est particulièrement sensible aux déficits en sels miné-
raux; Ca et P sont apportés grâce aux techniques décrites plus haut. Une attention
particulière doit être portée aux animaux pendant les quinze premiers jours car à cet
âge l’animal est particulièrement peu éveillé, à la différence des poussins (vue faible,
mouvements lents).
Bibliographie
ITAVI, AFSSA, CIRAD, 1999. La production de poulets de chair en climat chaud. Ed. ITAVI, 112 p.
ITAVI, AFSSA, CIRAD, 2002. La production d’œufs en climat chaud. Ed. ITAVI, 120 p.
INRA, 1991. Nutrition et alimentation des volailles. Ed. I NRA, 340 p.
VILLATE, D., 1997. Maladies des volailles. Ed. France agricole, 399 p.
Guide d’élevage des souches avicoles, HUBBARD - ISA, COBB, ROSS.
1567
7 3 La pisciculture et
les élevages non
conventionnels
7.3.1 La pisciculture
7.3.2 Les élevages non conventionnels
7 3 1 La pisciculture
À partir de la contribution de L. Dabbadie (CIRAD),
J. Lazard (CIRAD) et M. Oswald (APDRAF)
L’aquaculture d’eau douce est sans conteste la plus ancienne activité de production de
ressources aquatiques ; ses premières traces connues remontent à 2 500 ans. Le pois-
son en est le principal produitet l’étang de terre est à la fois le mode de production le
plus ancien et le plus employé, puisque sa contribution à la production aquacole d’eau
douce représente 80 à 85 % de la totalité.
L’aquaculture d’eau douce diffère des autres systèmes aquacoles par un certain
nombre de caractéristiques. Elle permet, à différents niveaux, une forte intégration
aux systèmes de production agricoles (agriculture et élevage) grâce à l’utilisation de
l’eau, au recyclage des déchets comme fertilisants des étangs de pisciculture, ou à l’uti-
lisation de sous-produits agricoles comme aliments pour le poisson. La production
aquacole d’eau douce repose principalement sur des espèces à chaîne alimentaire
courte (carpes, tilapias) et se distingue ainsi nettement de l’élevage d’espèces marines
basé principalement sur des poissons carnivores (saumon, sériole). L’aquaculture
d’eau douce est surtout mise en œuvre à travers des systèmes de production aquacoles
extensifs et semi-intensifs dans lesquels la polyculture, la fertilisation et l’alimentation
complémentaire constituent les points essentiels à maîtriser.
Ces dernières décennies, des innovations biotechniques majeures ont eu un impact
important sur le développement de l’aquaculture d’eau douce : maîtrise de la repro-
duction artificielle de nombreuses espèces piscicoles, utilisation d’aliments complé-
mentaires ou artificiels, amélioration génétique, introduction d’espèces exotiques dans
de nombreux pays. Pourtant, malgré tous les travaux de recherche menés dans ce
domaine, l’étang, en tant qu’environnement d’élevage, demeure une véritable boîte
noire dans laquelle les poissons se nourrissent à différents niveaux du réseau tro-
phique et où les espèces interagissent activement. Les progrès des pratiques d’élevage
ont été obtenus davantage grâce à des processus d’essai-erreur qu’à travers une
démarche scientifique planifiée.
1571
7 Zootechnie spéciale
1572
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
1573
7 Zootechnie spéciale
Tableau 2. Densité d’empoissonnement du tilapia du Nil en cages de différentes tailles dans les lacs naturels des
Philippines et modalités d’exploitation
Taille de la cage* (m 2) Nombre de poisson/m 2 Nombre de poisson par cage modalités d’exploitation
Une autre typologie des systèmes de production piscicole peut être proposée, basée
sur une différenciation entre :
> les systèmes où l’aliment a pour origine essentielle (ou unique) l’écosystème (cas de
l’écosystème étang), systèmes appelés piscicultures de production,
> et les systèmes où l’aliment est entièrement exogène et où le poisson se nourrit
entièrement grâce à des aliments artificiels, généralement sous forme de granulés
et comportant une proportion parfois très élevée de farine de poisson2, systèmes
appelés piscicultures de transformation.
La gestion du premier type fait appel à la fertilisation ou à l’alimentation complé-
mentaire, ainsi qu’à la mise en oeuvre de la polyculture.
1574
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Tableau 3. Caractéristiques des deux principaux types de pisciculture vis-à-vis des différents facteurs de production.
Foncier + –
Eau débit surface
Impact environnement – +
Capital/fonds de roulement – +
Force de travail (par kg de poisson produit) + +
«Aliment » – +
Technicité – –
Risque – +
Coût de production – +
Rendement + –
Plasticité (ex : production d’alevins) – +
Le signe – indique que le facteur de production constitue une contrainte pour la mise en œuvre du type de pisciculture concerné; le signe + un atout.
1575
7 Zootechnie spéciale
Les étangs de pisciculture ont en général un faible impact négatif sur l’environne-
ment. Ils peuvent être utilisés pour recycler différents types de déchets comme les
effluents (domestiques ou d’élevage), directement dans des milieux empoissonnés ou
indirectement via des bassins de stabilisation et de maturation (lagunageoù le poisson
constitue le maillon ultime.
L’investissement en capital nécessaire à la construction des étangs peut être substitué
par la capacité de travail du pisciculteur, ce qui n’est pas le cas pour les cages, enclos
ou bacs qui requièrent du matériel devant être acheté, voire importé.
L’approvisionnement en intrants des systèmes basés sur l’emploi d’un aliment de
haute qualité nécessite un fonds de roulement élevé, ce qui n’est généralement pas le
cas des systèmes semi-intensifs utilisant des intrants peu coûteux comme les sous-pro-
duits agricoles ou les déchets d’élevage ou agricoles.
Exprimée en hommes-jours par unité de poisson récoltée, la quantité de travail
requise pour la gestion des systèmes d’élevage est supérieure avec les étangs (princi-
palement pour la maintenance des infrastructures, le nettoyage, la fertilisation et la
récolte) qu’avec les cages ou les autres systèmes de production intensive de poisson.
L’étang constitue une infrastructure d’élevage du poisson multi-usages, qui peut être
utilisée pour le stockage de géniteurs et la maturation, pour la reproduction en utili-
sant diverses méthodes (naturelle, semi-naturelle et artificielle), l’élevage larvaire et le
grossissement. De plus, la production d’alevins peut être réalisée dans des structures
comme les hapas utilisés pour le tilapia, structures placées elles-mêmes au sein des
étangs. Au contraire, les infrastructures de type intensif sont habituellement spéciali-
sées dans la production de poissons de taille marchande.
● La carpe herbivore
La carpe herbivore peuple naturellement les rivières avec plaines d’inondation de
Chine ainsi que les sections moyennes et inférieures du fleuve Amour en Russie. Elle
a été introduite dans plus de cinquante pays du monde depuis le début du XXe siècle.
1576
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Le principal objectif, outre son élevage, était très souvent le contrôle biologique de la
prolifération des végétaux aquatiques dans les cours d’eau naturels, les lacs, les rete-
nues et les canaux d’irrigation. La carpe herbivore possède en effet des dents pha-
ryngiennes dont la structure permet de râper la végétation aquatique. Les adultes
sont capables de mastiquer les feuilles de plantes terrestres comme les graminées. Le
rapport entre la longueur de l’intestin et la longueur standard varie entre 1,6 et 2,7
chez les adultes (0,5 pour les larves). La digestion des fibres par les carpes herbivores
est incomplète ; environ la moitié de la biomasse alimentaire ingérée est rejetée sous
formes de fèces qui sont censées permettre directement ou indirectement le dévelop-
pement d’une biomasse importante d’autres espèces de poissons.
L’alimentation naturelle des alevins est constituée en priorité de protozoaires, rotifères
et nauplii, puis de cladocères, copépodes et d’algues benthiques lorsque la larve atteint
20-25 mm de long. Ensuite, le régime alimentaire naturel s’oriente vers le phyto-
plancton et, pour les poissons de plus de 30 mm, les macrophytes. Les végétaux
consommés varient selon les régions du monde, mais il s’agit généralement de :
Wolffia, Lemna, Spirodela, Hydrilla, Najas, Ceratophyllum, Potamogeton, Vallisneria et
Myriophyllum. En élevage, la carpe herbivore est souvent alimentée avec des produits
comme les céréales, les tourteaux, les pupes de ver à soie ou les déchets de cuisine.
En milieu naturel, la carpe herbivore atteint un poids compris entre 200 et 650 g à la
fin de la première année ; après quatre ans, elle peut peser 4 à 5 kg. Dans le Yangtze,
des poissons dont le poids dépassait 20 kg ont été capturés. En élevage, la croissance
est le résultat de nombreux facteurs : densité d’empoissonnement, qualité de l’ali-
mentation, compétition avec d’autres espèces en cas de polyculture etc. La croissance
journalière moyenne varie entre 2,8 et 9,8 g/j selon les conditions d’élevage et l’envi-
ronnement climatique.
L’âge auquel elle atteint sa maturité varie fortement selon le climat et surtout selon la
température : de un à deux ans en Asie tropicale, jusqu’à huit à dix ans dans des pays
froids (Russie). Sa fécondité relative est comprise entre 80 000 et 120 000 œufs par kg
de poids de la femelle (tableau 4).
Tableau 4. Fécondité relative (nombre d’ovules par kg de poids vif de femelle) des principales carpes d’élevage
Dans son environnement d’origine, cette carpe se reproduit durant les mois de mous-
son, en rivière, mais elle ne semble pas pondre spontanément en eau stagnante
d’étang ou en bacs. Dans ces conditions, une ponte induite doit être provoquée.
1577
7 Zootechnie spéciale
● La carpe argentée
La carpe argentée occupe naturellement les bassins des rivières Yangtze, West River,
Kwangsi et Kwangtung en Chine centrale et du Sud, et le bassin de l’Amour en Russie.
L’espèce a été introduite dans de nombreux pays à des fins d’aquaculture.
Son régime alimentaire repose principalement sur le zooplancton, les rotifères et les
nauplii de copépodes aux jeunes stades, puis s’étend aux copépodes, cladocères et au
phytoplancton lorsque le poisson grossit. Les alevins de grande taille et les adultes se
nourrissent principalement de phytoplancton (Flagellata, Dinoflagellata, Myxophycea...).
Cette espèce possède des adaptations anatomiques et morphologiques corrélées à son
régime alimentaire essentiellement phytoplanctivore. L’intestin est quinze fois plus
long que le corps. Les branchies de la carpe argentée possèdent un réseau complexe
de branchiospines abondants et serrés, permettant au poisson de filtrer des cellules
algales de petite taille (jusqu’à 30 µm de diamètre).
En élevage, la carpe argentée peut atteindre 1,8 kg au bout de deux ans, 4,6 kg après
trois ans ; généralement la croissance commence à décroître à partir de la quatrième
année. Le taux de croissance moyen est de 6,3 g.j-1 durant les trois premières années
d’élevage.
Comme pour la carpe herbivore, l’âge de première maturité de la carpe argentée
dépend essentiellement de la température. Par exemple, en Chine du Nord, la matu-
rité sexuelle est atteinte après cinq ou six ans (poids : 2-5 kg) alors qu’en Chine du
Sud, la maturité est obtenue après seulement deux ou trois ans (même poids indivi-
duel).
La fécondité relative moyenne de la carpe argentée est légèrement supérieure à celle
de la carpe herbivore. Le poisson se reproduit dans le milieu naturel entre avril et
juillet dans les eaux courantes de son habitat d’origine, les rivières de Chine, mais elle
ne se reproduit pas spontanément en étangs ou en bacs où la reproduction induite est
nécessaire.
● La carpe marbrée
L’habitat d’origine de cette carpe est le même que celui de la carpe argentée ; elle a
également été introduite dans de nombreux pays. Les larves de carpe marbrée se
nourrissent de différents organismes planctoniques unicellulaires, de nauplii et de
rotifères. Les alevins de grande taille et les adultes se nourrissent principalement de
plancton animal ; leur tube digestif est bien plus court que celui de la carpe argentée.
Les habitudes alimentaires de la carpe marbrée sont très proches de celles des carpes
majeures indiennes. Aussi la compétition pour l’alimentation entre ces deux groupes
est-elle très forte lorsqu’ils sont élevés en polyculture dans le même étang.
Dans des conditions d’élevage favorables, les taux de croissance des fingerlings peu-
vent atteindre 6,3 g/j et celui des adultes 14,7 g/j alors que le poids individuel de la
carpe marbrée atteint dans ces conditions 3,2 kg après deux ans d’élevage et 10,7 kg
après trois ans.
L’âge de première maturité de la carpe marbrée est de trois ou quatre ans en Chine
du Sud (poids : 5-10 kg) et de six ou sept ans en Chine du Nord (même poids). Le
poisson pond durant la mousson dans son habitat d’origine mais il ne se reproduit pas
spontanément en captivité.
1578
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
1579
7 Zootechnie spéciale
● La carpe commune
La carpe commune comprend quatre sous espèces et de nombreuses variétés et
souches. Parmi ce grand nombre de races, les plus fréquentes sont : la Big Belly des
fleuves Kwantung et Kwangsi de Chine, la carpe orange indonésienne (Cyprinus carpio
var. Flavipinnis C.V.) et la carpe miroir (Cyprinus carpio var. Specularis), avec ses varié-
tés Aischgrunder (Allemagne) et Royale (France).
Les postlarves de carpe commune commencent à s’alimenter à partir de petit zoo-
plancton (Moina, rotifères, Cyclops, nauplii). Les ostracodes et les insectes, y compris les
larves de chironome, s’ajoutent à ce régime lorsque les alevins atteignent 20 à 100 mm
de long.
Les carpes communes dépassant 10 cm de long se nourrissent de matière végétale en
décomposition contenant des organismes benthiques, principalement des tubificidés,
des mollusques, des chironomidés, éphéméridés et trichoptères. La carpe commune
creuse et fouille les digues et le fond des étangs, à la recherche de matière organique.
Pour cela, le poisson prélève la boue qu’il tamise afin de retenir la matière digestible
et rejette le reste. Cette habitude alimentaire aboutit souvent à une détérioration des
digues de l’étang et à une augmentation de la turbidité de l’eau.
Le taux de croissance de la carpe commune, fonction de ses conditions d’élevage, est
d’environ 2 g/j en moyenne.
L’âge de la première maturité varie entre un an (voire six mois) dans les pays d’Asie
tropicale (Inde, Indonésie, Thaïlande, Malaisie) et en Israël, et trois ou quatre ans en
Europe. Le poids moyen à maturité varie respectivement entre quelques centaines de
gramme et 1,5 à 2,5 kg. La saison de reproduction peut durer toute l’année (pays tro-
picaux) ou seulement pendant une période définie (mai-juin en Europe, mars-août en
Israël, mars-juin dans le sud des États-Unis), dépendant principalement de la tempé-
rature de l’eau avant et pendant la période de reproduction. La carpe commune se
reproduit naturellement dans son habitat naturel ainsi qu’en étangs et bacs. Les œufs
sont adhésifs et le poisson a besoin d’un substrat pour pondre et fixer ses œufs.La
fécondité relative de la carpe commune varie entre 90 000 et 300 000 œufs par kilo-
gramme de poids vif de femelle.
1580
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● Les tilapias
Les tilapias appartiennent à la sous-famille des Tilapiinés, un groupe de poissons
exclusivement africain, et à la famille des Cichlidés. Antérieurement considérés
comme membres d’un seul genre, Tilapia, trois genres principaux sont aujourd’hui
reconnus depuis la dernière révision taxonomique (1983). Outre des caractéristiques
anatomiques, le critère pour la distinction des genres est basé sur la biologie repro-
ductive : Oreochromis (incubation buccale maternelle), Sarotherodon (incubation buccale
paternelle ou bi-parentale) et Tilapia (pondeurs sur substrat). Une centaine d’espèces
piscicoles sont désignées par le nom commun tilapia, mais trois espèces seulement sont
utilisées aujourd’hui de façon significative en aquaculture : Oreochromis niloticus, O.
mossambicus et O. aureus.
Pratiquement tous les tilapias de grande taille appartiennent au genre Oreochromis ; au
sein de cet ensemble, le tilapia du Nil, Oreochromis niloticus, représente l’espèce la plus
importante non seulement pour son taux de croissance élevé ou son adaptabilité à une
grande diversité de conditions d’élevage, mais aussi en raison de la demande élevée
des consommateurs pour ce poisson. Ces quarante dernières années, il a été introduit
dans plus d’une centaine de pays. Il est devenu le pilier de la pisciculture du tilapia à
travers de nombreux systèmes de production, à tous les niveaux d’intensification,
depuis la production de subsistance jusqu’aux piscicultures les plus intensives.
Tous ces transferts, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique, ainsi que l’hybridation lar-
gement utilisée en aquaculture, ont conduit à une certaine confusion sur l’origine et
la pureté de certaines souches commerciales de tilapia. Il est donc important de
connaître la constitution génétique exacte des souches employées à des fins commer-
ciales. De nombreuses techniques biochimiques et biomoléculaires ont été développées
pour cette caractérisation génétique.
● Un comportement reproducteur spécifique
Les problèmes associés à l’élevage du tilapia ont souvent pour origine le mode de
reproduction inhabituel des espèces du genre Oreochromis. En plus d’être un incuba-
teur buccal, il atteint sa maturité sexuelle très précocement (vers six mois et à un poids
qui peut être inférieur à 40 g). Ce détournement de l’énergie de la croissance vers la
reproduction devient une réelle contrainte en conditions d’élevage. Une fois matures,
les femelles de tilapia se reproduisent à fréquence élevée, l’incubation buccale de
chaque lot étant suivie d’une courte période de récupération avant qu’une nouvelle
ponte n’intervienne. Chaque cycle reproductif dure 1 à 1,5 mois. En moyenne, O. nilo -
ticus produit de quelques centaines à 3 000 œufs par femelle, et peut se reproduire jus-
qu’à dix fois par an.
En aquaculture, ce comportement reproducteur génère deux problèmes principaux :
> les pontes d’Oreochromis ne sont pas synchronisées entre les femelles, si bien qu’une
population de géniteurs produit continuellement des alevins, en relativement
faibles quantités, ce qui induit un problème réel de gestion au niveau des écloseries
de tilapia. À cela s’ajoute le cannibalisme exercé sur les jeunes par les alevins plus
âgés, qui constitue une autre cause majeure de la réduction de la quantité d’alevins
produite dans les étangs de reproduction ;
> la reproduction précoce et continue des tilapias conduit rapidement à une surpo-
pulation et au nanisme en structures d’élevage fermées (étangs, bacs, etc).
1581
7 Zootechnie spéciale
● Le contrôle de la reproduction
Le principal enjeu de la gestion du stock de géniteurs de tilapia est de développer des
systèmes de conditionnement des géniteurs et de reproduction, ainsi qu’un prélève-
ment régulier des alevins des milieux de reproduction, afin d’accroître la production
d’alevins par unité de surface.
Tableau 5. Données biotechniques sur la production d’alevins de Oreochromis niloticus en étangs selon différentes
méthodes en Asie et en Afrique
Superficie (m2) 4 500 350 200 200 100 1 à quelques 1,65 x 1,65
m2 x 1,20
Densité de géniteurs 0,16 0,7 4 0,6 0,6 1 à 10 1,5
(ind.m-2)
Poids moyen 62-356 100 (femelles) 80-100 100-150 100-150 60 - 80 100-150
des géniteurs (g) 240 (mâles)
Sex-ratio 3:1 3:1 3:1 3:1 3:1 1:1 3:1
(femelles : mâles)
Durée d’élevage (jours) 250 120 45-60 75 62 30 62
Première récolte d’alevins 60 35 14 11 à 13 11 à 13 10 - 12 dès apparition
(jours après mise en charge) des alevins
Intervalle entre 30 * 15* 6 fois/jour 4 à 6 fois 4 à 6 fois 1 cycles
deux récoltes (jours) à partir de par jour par jour** successifs
7hà2h aux heures aux heures
d’intervalle** les plus les plus
chaudes** chaudes
Alimentation/ fertilisation 50 % SR + fertilisation son de riz son de riz 75 % SR + aucune
fertilisation organique 50 % TA organique + (1,5 % de la (1,5 % de la 25 % FP
+minérale SR (75 %) + biomasse)* biomasse)#
FP (25 %)
Nombre d’alevins 8,0 45,4 200 – 250 350 375 300 - 600 475
produits (ind./m2/mois1)
Poids moyen 4,3 g 0,7 g quelques mg 10 (±1) mm 10 (±1) mm quelques mg 7,6 (±1,5) mm
des alevinsproduits à 0,1 g
Pays Philippines Niger, Philippines Niger Niger Philippines Niger
Côte d’Ivoire
SR : son de riz. * pêche à la senne. ** pêche à l’épuisette à mailles fines.
TA : tourteau d’arachide. # les géniteurs sont nourris, avant mise en place dans les structures de reproduction, avec un aliment composé
FP : farine de poisson. de TA (50 %) +SR (50 %) ou SR (80 %) + FP (20 %) à raison de 1,5% de la biomasse.
1582
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Cette dernière est désormais considérée comme la technique la plus efficace pour la
production de lots entièrement mâles sur un plan commercial mais elle n’est pas sans
poser problème : niveau de technicité nécessaire pour obtenir des populations 100 %
mâles, impact sur l’environnement aquatique de l’utilisation à grande échelle d’hor-
mones stéroïdes synthétiques artificielles.
En termes de régime alimentaire, les tilapias du genre Oreochromis, et particulièrement
Oreochromis niloticus, sont généralement considérés comme des poissons phytoplancto-
nophages, capables d’ingérer et de digérer de grandes quantités d’algues phytoplanc-
toniques et de cyanobactéries. Selon différents auteurs les tilapias seraient même le
seul véritable poisson herbivore, en raison de leur structure intestinale : longueur
égale à quatorze fois la longueur totale du poisson ; pH stomacal très acide, de l’ordre
de 1,5, permettant la destruction des parois cellulaires végétales. En élevage dans des
étangs fertilisés, Oreochromis niloticus se nourrit de rotifères, copépodes, cladocères,
larves de chironome, diatomées, algues vertes, cyanobactéries, matière organique
végétale en décomposition, nanoplancton mais il intègre également vase, argile et
sable.
Il semble par conséquent avoir un régime alimentaire relativement opportuniste, plus
omnivore-détritivore que strictement microphytophage. La fraction détritique de l’ali-
ment ingéré par Oreochromis niloticus semble être particulièrement importante et a été
sous-estimée pendant longtemps. Le poisson est capable d’adapter sa morphologie et
son comportement alimentaire pour digérer la composante détritique de l’aliment :
sélection de la fraction organique de l’aliment et hydrolyse grâce à de nombreuses
petites dents pharyngiennes, digestion grâce au pH très acide de l’estomac et enfin
faculté d’assimiler les acides aminés sur l’intégralité de l’intestin.
● Les stratégies alimentaires
Les jeunes Oreochromis niloticus se nourrissent principalement de microzooplancton et
de crustacés alors que les poissons de plus grande taille ont un spectre alimentaire plus
large.
Oreochromis se nourrit sur la colonne d’eau, sur le fond et sur des substrats en suivant
trois voies principales d’ingestion : succion par création d’un flux d’eau dirigés vers sa
bouche, filtration à travers ses branchiospines et broutage sur des substrats et sur le
fond des étangs. Des études récentes ont montré que le broutage semble être la stra-
tégie alimentaire la plus avantageuse pour les tilapias Oreochromis sur le plan énergé-
tique.
Les habitudes alimentaires des principales espèces piscicoles d’eau douce ainsi que des
espèces présentant un intérêt potentiel pour l’aquaculture tropicale sont données
dans le tableau 6.
1583
7 Zootechnie spéciale
Tableau 6. Niches trophiques et spatiales des principales espèces piscicoles d’eau douce utilisées en pisciculture.
● La stimulation hormonale
Les systèmes nerveux et endocrinien des poissons agissent de concert pour coordon-
ner la reproduction.
1584
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● Le choix de l’hormone
Le choix de l’hormone dépend de nombreux facteurs, notamment de l’espèce à
reproduire, de son coût et de sa disponibilité, de la formation technique et des instal-
lations disponibles pour l’incubation des œufs et l’élevage larvaire. Les pisciculteurs
utilisent en général soit une gonadotropine, soit un analogue de GnRH, avec ou sans
antagoniste de la dopamine.
L’hypophysation, injection d’extraits hypophysaires bruts prélevés sur d’autres pois-
sons, est utilisée depuis les années 1930. Elle présente des avantages, notamment éco-
nomiques, et des inconvénients car les extraits sont impurs et contiennent des hor-
mones accessoires qui peuvent stimuler certains poissons et en inhiber d’autres.
1585
7 Zootechnie spéciale
Tableau 7 Comparaison des performances de reproduction de carpes indiennes femelles après administration de
préparations d’hypophyses de carpe (HC) et d’Ovaprim (10 mg dompéridone et 20 µg sGnRH/ml)
(Billard, 1995)
1586
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
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7 Zootechnie spéciale
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La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
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7 Zootechnie spéciale
Tableau 8. Aliments pour poissons d’eau douce en élevage intensif (g/kg) (Guillaume et al., 1999)
6 FCR, Food Conversion Ratio, rapport entre la quantité d’aliment distribuée et le gain de poids des poissons.
1590
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Leur impact sur la production piscicole est majeur, non seulement en raison de leur
valeur alimentaire mais également à cause des modifications qu’ils induisent sur la
qualité de l’eau (oxygénation, pH). La contribution des aliments naturels au rende-
ment piscicole est essentielle, même dans des systèmes basés sur l’utilisation d’aliments
artificiels.
Le tableau 9 montre les contributions respectives pour la croissance des poissons d’ali-
ments granulés et d’aliments naturels, obtenues en employant des méthodes basées
sur le traçage isotopique utilisant deux isotopes stables du carbone 12C et 13C. Le
tableau 9 montre clairement que, dans un tel étang, l’essentiel de la croissance pro-
vient des aliments naturels (> 50 % pour les carpes et > 60 % pour les tilapias).
Tableau 9. Évaluation des proportions des différentes sources alimentaires ayant contribué à la croissance de
poissons élevés en étangs à faibles densités (cf. tableau 10) nourris avec un aliment composé équilibré
(25 % protéines; 3 à 4 % de la biomasse par jour) selon la méthode du traçage isotopique (∆C)
(D’après Schroeder, 1983)
1591
7 Zootechnie spéciale
● La voie autotrophe
Tous les transferts d’énergie ayant pour origine la production primaire peuvent être
appelés voie autotrophe. Les microalgues planctoniques se développent suite à l’activité
photosynthétique. Elles sont ensuite consommées par les poissons phytoplanctono-
phages (tels que le tilapia) ou filtrées par le zooplancton qui est lui-même consommé
par les poissons. En réalité, la voie autotrophe est beaucoup plus complexe, car les
transferts d’énergie ne sont absolument pas linéaires.
● La voie hétérotrophe
D’autres relations existent, qui n’ont pas pour origine la production primaire. Il s’agit
de la voie hétérotrophe, identifiée en utilisant des méthodes basées sur la mesure du rap-
port 12C/13C dans la chair du poisson et dans ses aliments potentiels. De nombreux tra-
vaux ont confirmé sa contribution significative au rendement piscicole. La matière
organique fournit une source de carbone pour les organismes hétérotrophes qui pro-
fitent ensuite au rendement piscicole. Le tableau 10 présente les contributions res-
pectives des voies autotrophe et hétérotrophe à la croissance de poissons et crevettes
d’eau douce en étangs de terre recevant une abondante fertilisation organique.
Si la croissance de la carpe argentée, espèce phytoplanctonophage, repose exclusive-
ment sur la voie autotrophe, ce n’est pas le cas des espèces omnivores comme le tila-
pia et la carpe commune, dont la moitié de la croissance repose sur la voie hétéro-
trophe. Il se peut pourtant qu’elle passe totalement inaperçue lorsque toutes les
conditions sont réunies pour que la voie autotrophe exprime pleinement son poten-
tiel : ensoleillement, environnement riche en carbonates et minéraux. De plus, de
nombreuses algues autotrophes peuvent avoir une nutrition hétérotrophe et la majo-
rité des organismes planctoniques ont une alimentation très diversifiée. Les méca-
nismes biologiques qui contribuent aux voies autotrophes et hétérotrophes sont donc
étroitement enchevêtrés et encore peu connus.
1592
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Tableau 10. Contributions relatives des voies autotrophe et hétérotrophe à la croissance de poissons (3 000 Cyprinus
carpio/ha, 1 000 carpes argentées/ha, 450 carpes herbivores/ha et 7000 tilapias/ha) et de crevettes
d’eau douce (5 000-15 000 Macrobrachium rosenbergii /ha) en étangs de terre recevant une abondante
fertilisation organique: 50-200 kg/ha/jour (D’après Schroeder, 1983).
Origine de la croissance en %
Densité (par m 2) Voie hétérotrophe Voie autotrophe
1593
7 Zootechnie spéciale
➤ Figure 1.Relation entre le taux de croissance (g/j) et le poids moyen de carpes communes, déterminée par des
échantillonnages bi-hebdomadaires pour quatre traitements : (1) ni fertilisation ni nourrissage (triangles noirs) ;
(2) fertilisation sans nourrissage (triangles vides) ; (3) alimentation à base de sorgho (cercle noir) ; (4) alimentation riche
en protéines (cercles vides). Chaque point est une valeur moyenne déterminée à partir de quatre étangs répliqués
(d’après Hepher, 1988, redessiné)
● La fertilisation minérale
Les engrais minéraux utilisés en aquaculture sont classés en deux catégories : engrais
azotés et engrais phosphorés. En aquaculture, les fertilisants riches en potasse ne sont
pas pris en compte, car leur impact fertilisant semble généralement inexistant.
Différents fertilisants azotés sont disponibles sur le marché : urée, nitrate d’ammo-
nium, sulfate d’ammonium, nitrate de sodium, cyanamide de calcium. Ceux conte-
nant de l’urée ou de l’ammoniaque ont un effet acidifiant sur le milieu, effet qui peut
être neutralisé par l’emploi de chaux. L’impact des engrais est meilleur lorsqu’ils sont
distribués fréquemment à faible dose plutôt que peu fréquemment à haute dose. Les
quantités généralement recommandées sont comprises entre 5 et 10 kg N/ha toutes les
deux semaines.
Différents engrais phosphatés sont disponibles sur le marché. L’épandage d’un engrais
riche en phosphore aboutit à la libération de phosphates dans l’eau. Ces derniers peu-
vent précipiter lorsque l’eau est riche en calcium ou que le pH est élevé. Les phos-
phates établissent alors des liaisons fortes avec le sédiment, ce qui les rend indispo-
nibles pour le réseau trophique. Pour cette raison, il est généralement recommandé
de dissoudre ces fertilisants avant de les épandre. Les quantités recommandées sont
comprises entre 8,75 et 17,5 kg de P2O5/ha toutes les deux semaines.
L’utilisation d’engrais minéraux est parfois limitée par les risques de toxicité de cer-
tains composés. La toxicité de l’azote est élevée lorsque les nitrites ou l’ammoniac non-
ionisé sont abondants. La forme toxique NH3 de l’ammoniac devient de plus en plus
abondante lorsque le pH augmente.
L’épandage d’engrais déséquilibrés peut aussi favoriser le développement de certaines
cyanobactéries, qui sont fréquemment dommageables à la pisciculture : diminution de
1594
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Tableau 11. Composition chimique de quelques engrais organiques (d’après Delincé, 1992)
Animaux Ratio déjection : urine Humidité Azote (%) Phosphore (% P 2O5) Potassium (% K2O)
Des essais ont été conduits pour apprécier les impacts respectifs des engrais orga-
niques (litière de poulailler et fumier de bovin laitier) et d’engrais chimiques (urée +
superphosphate triple) sur la production de tilapia du Nil en étangs de terre. Les
résultats montrent clairement que les meilleurs rendements sont obtenus en utilisant
les déjections de poulet (11,7 kg/ha/jour) ou le fumier de bovin (8,6 kg/ha/jour).
La supériorité de certains fertilisants organiques est confirmée par d’autres expé-
riences. En Chine, la comparaison entre la litière de poulailler, le lisier de porc et la
fumier de bovin a montré que les meilleurs rendements étaient obtenus avec le lisier
de porc et la litière de poulailler (respectivement 5,2 et 5,1 fois le témoin non fertilisé)
et les moins bons avec le fumier de bovin (3,9 fois le témoin non fertilisé).
D’un autre côté, leur rapport entre contenu minéral et matière sèche est vingt à trente
fois plus faible que celui des engrais minéraux. Ainsi, une tonne d’engrais organique
possède une valeur fertilisante équivalente à environ 200 kg d’engrais minéral 10-5-10.
Une manière simple de fertiliser les étangs consiste à élever d’autres animaux sur (ou
à proximité) des étangs. Le problème est ensuite de déterminer le stock animal
nécessaire pour fertiliser correctement l’étang.
1595
7 Zootechnie spéciale
Tableau 12. Exemples d’élevages terrestres associés à la pisciculture et rendements piscicoles obtenus (t/ha/an)
Canard
Chine 2 500 3,4
Côte d’Ivoire 1 000 – 1 500 3,8 – 4,5
Philippines 750 – 1 250 2,2 – 4,5
Porc
Chine 30 – 45 2–3
Philippines 40 – 140 4,7 – 8,7
Côte d’Ivoire 50 – 100 7,7 – 10,2
Poulet
Côte d’Ivoire 2 500 5,4
Afrique du Sud 6 000 6,3
1596
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● La polyculture et la monoculture
La fertilisation peut s’avérer peu efficace si l’empoissonnement n’est pas réalisé cor-
rectement. Le contrôle de la population de poisson doit être total, ce qui implique de
limiter l’introduction d’espèces sauvages (grille à l’arrivée d’eau) et de contrôler la
reproduction à l’intérieur de l’étang : élevage monosexe ou polyculture avec un pois-
son prédateur dans le cas des tilapias.
La polyculture consiste à associer une espèce piscicole ayant un régime alimentaire
complémentaire de l’espèce principale, afin d’accroître la biomasse produite dans
l’étang et, si possible, de bénéficier d’effets synergiques entre les différentes espèces
piscicoles. Il s’agit d’une situation intermédiaire entre la monoculture, où le flux
d’énergie est concentré sur une seule espèce et un écosystème naturel en équilibre où
les bénéficiaires du flux sont très diversifiés en termes d’espèces.
Si la polyculture est originaire d’Asie, elle est désormais pratiquée sur tous les conti-
nents. Les Chinois emploient deux méthodes. La première consiste à réaliser le cycle
de production dans une série d’étangs contenant des poissons de tailles différentes.
Dans l’autre, l’élevage est conduit dans le même étang, jusqu’à ce que la taille com-
merciale soit atteinte. Le poisson est alors récolté dès qu’il atteint cette taille commer-
ciale et il est remplacé par des jeunes, qui y demeurent pendant une durée d’au moins
un an. Les espèces et les ratios employés sont présentés dans le tableau 13.
Tableau 13. Densité de stockage concernant diverses formes de polyculture en étang (Chine), exprimée
en pourcentage des différentes espèces (Billard, 1980)
Nourriture dominante
Macrophytes Mollusques Phytoplancton
Hypophthalmichthys molitrix 16 12 65
Aristichthys nobilis 10 7,4 10
Ctenopharyngodon idella 55 24,2 12
Cyprinus carpio
Cirrhinus molitorella 3 6
Milopharyngodon piceus 42
Divers 19 10 8
1597
7 Zootechnie spéciale
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La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
> la qualité de l’eau est améliorée. En étang, la présence de carpe argentée ou de tilapia
permet d’améliorer l’oxygénation de l’eau. Les carpes argentées consomment les
algues sénescentes en e xcès, qui autrement pourraient créer un déséquilibre entre
la production et la consommation d’oxygène. Les tilapias améliorent aussi l’oxygé-
nation en consommant la matière organique du fond qui, sinon, aurait été minéra-
lisée par les bactéries consommatrices d’oxygène ;
> les organismes indésirables sont mieux contrôlés. Le contrôle des mollusques est possible
en étangs de pisciculture en utilisant 75 à 100 carpes noires ou 200 Heterotis niloti -
cus/ha-1, alors que les proliférations des petits poissons sauvages ou des crevettes
peuvent être contrôlées en utilisant 200 à 600 poissons carnivores/ha-1.
Les inconvénients de la polyculture
Ils surviennent surtout lorsqu’un déséquilibre apparaît suite à une compétition entre
les espèces élevées. Par exemple, la polyculture de Colossoma macropomum avec Piaractus
brachypomus ou Brycon sp. conduit à de faibles taux de croissance, probablement à cause
d’une compétition alimentaire entre les différentes espèces.
De plus, lorsque la densité d’empoissonnement est très élevée, le rôle de la producti-
vité naturelle de l’étang dans l’alimentation des poissons diminue, puisque les res-
sources trophiques naturelles doivent être réparties entre tous les individus. Le gain
obtenu par la pratique de la polyculture est relativement limité, alors que le travail
occasionné par le tri des différentes espèces au moment de la récolte devient une
réelle contrainte.
La monoculture est donc la seule méthode d’élevage utilisée dans les systèmes inten-
sifs où l’apport des aliments naturels est très limité. En étang, des densités d’empois-
sonnement élevées ne sont pas courantes, car l’oxygénation et l’accumulation de sub-
stances toxiques (NH 3, NO2, etc.) deviennent vite un facteur limitant.
1599
7 Zootechnie spéciale
À partir de K, les effets liés à la densité de la population sont tels que la croissance
cesse et la biomasse reste stable. Il est cependant possible d’augmenter la densité d’em-
poissonnement, ce qui permet d’accroître le rendement, tant que le taux d’augmen-
tation de la densité d’empoissonnement reste supérieur à la diminution du taux de
croissance individuel. Mais à partir du moment où la diminution du taux de croissance
devient supérieure à l’augmentation de densité, le rendement chute, ainsi que cela
apparaît sur la figure 2.
Densité d’empoissonnement
➤ Figure 2.Présentation schématique des relations entre la densité d’empoissonnement, le taux de croissance instantané
(G), et le rendement instantané par unité de surface (Y), avec (pointillé) et sans (trait plein) alimentation complémentaire
(d’après Hepher, 1988, redessiné)
Si les poissons sont placés dans des étangs à faible densité et que les aliments naturels
sont abondants, ils grossissent à la vitesse maximale permise par la température.
L’apport d’aliment complémentaire est inutile à ce stade et n’apporte rien de plus car
l’aliment n’est pas un facteur limitant. En revanche, lorsque le stock élevé atteint la
CSC, l’aliment devient limitant. La croissance diminue donc, sauf si la gestion de l’éle-
vage est intensifiée.
Si la production d’aliment naturel peut être accrue par fertilisation, la croissance
maximale est de nouveau relancée, jusqu’à ce qu’une nouvelle CSC soit atteinte à
un niveau supérieur.
1600
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
1601
7 Zootechnie spéciale
● L’étang de dérivation
L’eau est dérivée à partir d’un cours d’eau permanent à l’aide d’un canal d’alimenta-
tion qui suit à peu près la courbe de niveau avec une pente variant de 0 à 1 o/oo. Elle
peut ensuite alimenter un étang dont les parties les moins profondes mesurent
60 cm ; une pente de 1 à 2 % sur l’assiette assure une bonne vidange vers un tuyau
1602
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
d’évacuation, souvent équipé d’un moine et dont l’ouverture est située dans la partie
la plus basse de l’étang.
Le dénivelé minimum nécessaire pour un étang de 30 m de long est de 1,3 m. Il
correspond à b + c + e (voir figure 4). Des ouvrages (batardeaux, microbarrages) édi-
fiés sur le cours d’eau peuvent faciliter le remplissage de l’étang.
● L’étang de barrage
Une digue en travers de la vallée permet de retenir l’eau. Cette retenue devient un
bon outil pour la pisciculture, à condition que le cours d’eau qui s’écoule normale-
ment dans la vallée soit dévié de la retenue par un fossé de dérivation (appelé parfois
canal de contournement), et que la retenue puisse être complètement vidée.
La gestion des crues est particulièrement délicate sur ces aménagements et nécessite
la réalisation de trop-pleins correctement dimensionnés. Ces ouvrages sont plus faciles
à réaliser s’ils se situent en tête de bas-fonds.
● Un continuum possible
Une complémentarité dans l’espace s’établit, de fait, entre les étangs de barrage situés
dans le lit des rivières et les étangs de dérivation situés sur les coteaux (voir figure 5).
Les conceptions de ce genre permettent, pour une même surface, de construire moins
de digues, certaines servant pour plusieurs étangs à la fois. Elles constituent aussi un
moyen d’économiser l’eau qui peut être réutilisée plusieurs fois.
1603
7 Zootechnie spéciale
● Economiser l’eau
Les étangs ne doivent pas être implantés de façon à rentrer en concurrence avec
d’autres aménagements quant à l’utilisation de l’eau. La plus grande complémentarité
possible dans l’utilisation de l’eau avec les autres utilisations (riz, maraîchage par
exemple) doit être recherchée, c’est l’une des conditions d’une entraide sociale.
1604
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
La façon dont seront placées les digues permet souvent d’économiser l’eau. Le rem-
plissage d’un étang s’accompagne de l’établissement d’une nappe sous-jacente qui
constitue un élément important de l’aptitude de l’étang à garder l’eau ; mieux vaut
chercher un positionnement de l’étang qui freine la circulation de la nappe vers l’aval,
plutôt qu’un positionnement qui aurait tendance à drainer la nappe existante.
Si, dans son trajet, l’eau rencontre une nappe phréatique située plus bas, l’eau située
dans le sous-sol de l’étang est en équilibre avec la nappe puisqu’elle perd sa pression :
dans ce cas favorable, il n’y a plus d’infiltration une fois que le sol sous les étangs est
saturé en eau.
1 : sable
2 : argile
1605
7 Zootechnie spéciale
● En conclusion
Les décisions prises sont fréquemment des compromis, par exemple entre la taille de
l’aménagement souhaitée par le pisciculteur, sa capacité d’investissement et ses objec-
tifs de rentabilité.
Dans les régions où le développement de la pisciculture paraît embryonnaire, la
recherche d’un aménagement convenant à la plupart des espèces élevées constitue un
gage de durabilité de l’investissement. La réalisation de bassins annexes (étangs de
service) pouvant servir au stockage des poissons lors des vidanges, à l’isolement de cer-
tains poissons, ou à leur reproduction, est généralement une nécessité.
La conception des étangs constitue un exercice complexe dans des bas-fonds très
enherbés ! Cet exercice paraît impossible à résoudre sans l’emploi d’un niveau de
chantier avec trépieds et d’une mire donnant une bonne vision d’ensemble du bas-
fond. La matérialisation soignée du plan avec des piquets permet aux producteurs de
bénéficier d’une conception réfléchie.
1606
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● L’influence du climat
Le climat a une incidence importante sur la conception des étangs : plus la saison
sèche est longue, plus le risque d’une évaporation cumulée est fort ; les étangs doivent
donc avoir une hauteur d’eau importante afin de garder l’eau de façon continue et les
terrains doivent être imperméables. La construction d’étangs représente un travail
d’autant plus important que la saison sèche est longue.
Les régions qui ont une bonne répartition des pluies tout au long de l’année dispo-
sent bien évidemment d’un avantage important pour la pisciculture. Dans les zones à
longue saison sèche (Niger, versants secs de Sulawesi par exemple), les aménagements
piscicoles les plus accessibles aux paysans sont des puits qui permettent aux poissons
de se réfugier et de maintenir un potentiel reproducteur en attendant le retour des
eaux à la saison des pluies. La réalisation d’un étang classique n’est généralement pas
accessible aux paysans de ces régions.
1607
7 Zootechnie spéciale
En zone sèche, la construction d’étangs ne peut se faire qu’avec des sols argileux et
nécessite un cours d’eau permanent. En revanche, l’utilisation de nappes temporaires
qui s’établissent lors de la saison des pluies et la valorisation de terrain sableux sont
possibles dans des milieux humides.
Les techniques de construction sont également variables et dépendent de l’environ-
nement : alors qu’il est généralement recommandé d’arroser et de compacter l’argile
lors de la construction des digues, l’installation d’un noyau étanche au sein des digues
est parfois suffisant. En zone tropicale humide, le simple empilement de terre meuble
suffit à l’édification de digues correctes à la condition que les matériaux organiques
importants (bois, terres végétales des bas-fonds) soient soigneusement retirés.
1608
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Cet exemple souligne la nécessité d’établir une démarche régionale d’aménagement prenant en
compte à la fois les contraintes environnementales11 et les contraintes socio-économiques12, les stra-
tégies d’investissement et d’acquisition de connaissances développées par les producteurs. Une défi-
nition soignée de la démarche permet en retour de l’évaluer et de l’améliorer.
Tableau 14. Compte d’exploitation d’une rizipisciculture de 1 000 mètres carrés (deux récoltes) aux Philippines,
en 1990 (en P, 1 US$ # 30 P)
1. Coûts
a) Coûts variables
Semences de riz (6 P/kg) 60
Fingerlings de O. niloticus (1 000 individus de 15g à 0,25 P/individu) 250
Engrais 305
Pesticides/produits chimiques 245
Main d’œuvre 1 620
Matériaux 30
Sous-total 2 510
b) Coûts fixes
Intérêt sur emprunt 90
Amortissement 116
Taxes 57
Frais d’irrigation 88
Sous- total 351
Total coûts 2 861
2. Recettes
Riz paddy (250 P/sac de 50 kg) 3 750
Poisson marchand (30 P/kg) 900
Total recettes 4 650
3. Bénéfice net 1 789
1609
7 Zootechnie spéciale
Tableau 15. Compte d’exploitation semestriel d’une pisciculture en étangs de terre de 1 000 mètres carrés associée à
un élevage d’engraissement de porc en 1990 (en P, 1 US$ # 30 P)
4. Investissements
Construction de l’étang (terrassement et ouvrages hydrauliques) 7 500
Porcherie 9 000
Total Investissements 16 500
5. Coûts
a) Coûts variables
Porcelets (10-12 kg à 800 P/tête) 8 000
Fingerlings 4 000 individus à 0,20 P/individu 800
Aliments 13 320
Main d’œuvre 5 520
Produits vétérinaires 666
Réparations et maintenance 25
Divers 500
Sous-total 29 631
b) Coûts Fixes
Amortissement porcherie 675
Total coûts 30 306
6. Recettes
Porcs 28 050
Poissons Tilapia 10 140
Carpes 1 575
Total recettes 39 765
7. Bénéfice Net 9 459
Tableau 16. Compte d’exploitation d’une ferme de production de tilapia en cages flottantes aux Philippines
(en P, 1 US$ # 30 P)
1. Investissement
10 cages y compris poches en filet et abris de gardien 300 000
Balance 8 000
Caisses plastique 20 000
Equipement de transport 300 000
Total 628 000
2. Coût de production Coût/kg
Alevin 120 000 alevins à 0,25 P/individu P 30 000 1,70
Aliment (10 P/kg; FCR =2) 300 000 11,90
Main-d’œuvre
Gardien 25 000 0,99
Ouvriers (nettoyage et entretien des cages) 15 750 0,62
Récolte (main d’œuvre temporaire) 10 500 0,42
Chauffeur 15 750 0,62
Glace 12 500 0,50
Amortissement équipements (5 ans) 65 600 2,60
Amortissement cages (2 ans) 150 000 5,95
Carburant 15 000 0,60
Total P 640 000 P25,40
3. Recettes
25 200 kg x 35 P/kg P 882 000
4. Bénéfice net P 242 000
Données de production
Densité de mise en charge = 12 000 alevins/cage. Taux de survie= 70 %.
Poids moyen final = 300 g. Production 2 520 kg/cage x 10 cages = 25 200 kg.
1610
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Tableau 17. Taux de retour sur investissement pour différentes productions (Philippines, 1990)
Riz 33 %
Rizipiciculture 42 %
Monoculture de tilapia 48 %
Elevage de porc 53 %
Pisciculture associée à un élevage de porc 63 %
Tableau 18. Compte d’exploitation d’une cage flottante d’élevage de tilapia de 20 m3 sur le fleuve Niger
(Afrique de l’Ouest) en 1995 (en francs CFA, 1 US$ # 600 FCFA)
Coûts
Coûts fixes 29 500 67,5 11,0
Amortissement de la cage (7 ans) 28 000 64,0 10,5
Amortissement de l’équipement (3 ans) 1 500 3,0 0,5
Coûts variables 243 000 558,5 89,0
Entretien de la cage 5 000 11,5 2,0
Alevins : 2.200 x 45 CFA 99 000 227,5 36,0
Aliment : 363 x 3 x 100 CFA 109 000 250,5 40,0
Transport (alevins, aliment et poisson marchand) 30 000 69,0 11,0
Total coûts 272 500 626,0 100,0
Recettes : 435 kg x 850 F CFA 369 750 850,0
Bénéfice net 97 250 224,0
1611
7 Zootechnie spéciale
Tableau 19. Ratios de rentabilité financière de différents modèles de pisciculture développés en Côte d’Ivoire
(Koffi et al., 1996)
1612
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
1613
7 Zootechnie spéciale
Ces espèces seront élevées de plus en plus dans des systèmes de polyculture efficaces
et respectueux de l’environnement, moins exigeants en intrants et largement intégrés
dans les systèmes de production agricoles. Cette forme d’aquaculture continuera à
fournir des quantités substantielles de protéines d’origine aquatique à une grande
partie de la population des pays en développement et constituera, très probablement,
le principal pôle de développement des productions à faible coût.
En termes de biodiversité piscicole utilisée à des fins d’aquaculture, le nombre d’es-
pèces élevées a augmenté de 34 % entre 1984 et 1994. Cependant, la production de
la pisciculture d’eau douce reste largement dominée par neuf espèces qui représen-
tent 78 % de la production totale. Toutes ces espèces sont herbivores ou omnivores et
se caractérisent par une chaîne alimentaire courte. En Amérique latine, dans les pays
appartenant au bassin de l’Amazone, le nombre d’espèces autochtones élevées est très
faible, en dépit de l’existence d’un énorme potentiel de ressources génétiques. Deux
tendances semblent émerger au début du troisième millénaire : la recherche d’une
diversification des espèces élevées et le besoin d’amélioration génétique des animaux
aquatiques domestiqués, qui sont encore fréquemment très proches de leurs formes
sauvages.
Quelles seront les priorités dans le futur : l’accent sera-t-il mis sur l’amélioration géné-
tique des espèces déjà élevées et pour lesquelles les technologies d’élevage sont déjà
maîtrisées ou portera-t-il sur la domestication de nouvelles espèces d’intérêt aquacole
parmi les 25 000 espèces de poissons peuplant le milieu naturel ? À moins que les deux
orientations ne soient toutes les deux mises en œuvre.
La communauté scientifique qui travaille sur la question de l’aquaculture est limitée
et doit choisir ses priorités, sachant que chacune des deux options est susceptible
d’avoir des impacts négatifs :
> l’amélioration génétique par le moyen de la modification du génome est perçue
comme présentant un haut degré de risque pour les espèces sauvages, l’environne-
ment global et les consommateurs ;
> l’émergence d’espèces nouvellement domestiquées peut conduire à augmenter les
introductions en dehors des aires d’origine, vers des pays souhaitant diversifier leur
production, ce qui n’est pas sans risque pour les écosystèmes où sont réalisées les
introductions.
Pour l’alimentation des poissons, la plupart des aliments disponibles dans le com-
merce pour les systèmes de production en étangs extensifs ou semi-intensifs sont sur-
formulés, car ils ne prennent pas en compte le potentiel des aliments naturels dispo-
nibles. Aussi un travail de recherche très important doit-il être conduit pour
comprendre les mécanismes biologiques qui aboutissent à la production piscicole au
sein du réseau trophique, pour mieux définir les interactions entre les différents pois-
sons de la polyculture et pour déterminer de manière plus précise la densité d’em-
poissonnement. Ceci devrait permettre d’optimiser les apports d’intrants, de limiter
les pertes d’aliment et l’impact sur l’environnement, de réduire les coûts de produc-
tion et de maximiser les profits.
1614
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Sur le plan du développement durable, l’effort doit porter dans le futur sur les sys-
tèmes de production qui peuvent contribuer positivement à l’amélioration et à la pré-
servation de l’environnement. Différents systèmes de production intégrés permettent
le recyclage des éléments minéraux et des matières organiques ainsi que de différents
types de déchets. Ils sont connus depuis longtemps pour leur respect de l’environne-
ment. La rizipisciculture peut par exemple contribuer à réduire l’utilisation de pesti-
cides dangereux pour l’environnement, et la pisciculture d’eau douce fertilisée par
des eaux usées peut permettre de piéger les sels nutritifs produits en excès par les
déjections d’élevage, les excréments, sous-produits agricoles ou autres déchets.
L’aquaculture d’eau douce contribue de cette façon à réduire les risques d’eutrophi-
sation et de pollution, d’autant que les effets négatifs de l’aquaculture sur l’environ-
nement ont surtout été associés à des systèmes intensifs à haut niveau d’intrants et à
haut niveau de production.
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1615
7 3 2 Les élevages non
conventionnels
À partir des contributions de F. Brescia (CIRAD), P. Chardonnet
(CIRAD), M. de Garine-Wichatitsky (CIRAD) et F. Jori (CIRAD)
QUELQUES REPÈRES
● Le potentiel
Seulement 11 % des terres émergées sont favorables à la production agraire et 24 %
à la production de pâturages et à l’élevage. Le restant (65 %) est constitué de zones
arides, de forêts ou de zones inondées inaptes à l’élevage conventionnel.
1617
7 Zootechnie spéciale
La faune sauvage qui vit dans les milieux peu anthropisés, peut représenter une
forme de production de protéines et permettre de valoriser ces zones dites marginales.
Dans la ration alimentaire des peuples forestiers, les protéines proviennent souvent à
plus de 80 % de la chasse et de la pêche. Malgré un exode rural marqué, ces habitudes
alimentaires restent souvent ancrées dans les traditions populaires et alimentent une
demande importante de gibier en ville, où il atteint souvent une valeur marchande
considérable.
● La domestication
Tous les animaux domestiques trouvent leur origine chez des espèces sauvages.
L’adaptation des animaux sauvages à des conditions de captivité et à un manque de
stimulation du milieu se traduit par une situation d’intolérance passagère souvent
appelée le stress d’adaptation. Celui-ci est plus important chez les espèces proies comme
les oiseaux, les rongeurs ou les ongulés, et peut parfois se manifester par des tenta-
tives de fuite contre les parois des enclos, des traumatismes, de l’anorexie et une plus
grande sensibilité aux infections.
Les animaux ayant un comportement grégaire et pouvant s’élever en groupe sont plus
faciles à domestiquer, puisque les rapports psychosociaux et une plus grande activité
sexuelle facilitent leur adaptation à la captivité.
On peut définir une espèce domestique comme un animal qui :
> se reproduit sous contrôle de l’homme ;
> tolère bien la présence humaine ;
> a subi une phase de sélection génétique depuis plusieurs générations.
Il est important de ne pas confondre domestication et apprivoisement. Il existe dans
les deux catégories d’animaux, sauvages et domestiques, des animaux farouches et
dociles. Un taureau élevé en régime extensif sur des grandes surfaces est un animal
domestique mais farouche qui peut être aussi dangereux qu’un lion apprivoisé.
Cependant, la notion de docilité est une condition importante qui facilite la domesti-
cation en permettant une gestion facile des animaux.
1618
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
1619
7 Zootechnie spéciale
1620
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
La commercialisation dans des milieux où la faune est encore abondante est difficile à
cause de la concurrence avec le gibier chassé.
1621
7 Zootechnie spéciale
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La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
1623
7 Zootechnie spéciale
● Les clôtures
Le type de clôture utilisé devra être adapté aux espèces présentes. Les clôtures à bétail
classiques (barbelées ou non) limitent les mouvements de quelques rares espèces d’an-
tilopes, mais la plupart les franchissent aisément. Certaines espèces sont capables de
franchir des obstacles de plus de trois mètres de haut (impala, éland du Cap) ou de
détruire les clôtures si elles ne sont pas protégés par des fils électriques (buffles, rhi-
nocéros). En pratique, la clôture présentée en figure 1 peut servir de modèle de base.
➤ Figure 1. Clôture pour élevage extensif (source : Fritz, Msellati et Chardonnet, 1998)
● Le boma3
Si des animaux sont réintroduits dans la zone, il doivent passer par un enclos d’accli-
matation. Leur séjour dans le boma ( cf. figure 2) doit leur permettre :
> de récupérer du stress lié à la capture et au transport (nourriture et eau sont dis-
posés en quantité suffisante pour ne pas les déranger pendant quatre jours) ;
> de se familiariser avec leur nouvel environnement (le chaume qui opacifie les murs
de l’enclos est progressivement enlevé) et avec la présence humaine (entrée pro-
gressive). La durée totale du séjour dans le boma dépend des espèces et du savoir-
faire de l’éleveur.
1624
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
1625
7 Zootechnie spéciale
● La chasse sportive
C’est l’activité la plus rentable, surtout lorsqu’elle s’adresse à des clients étrangers et
lorsque le ranch peut offrir des espèces prestigieuses d’un point de vue cynégétique.
Elle nécessite des investissements, des coûts de fonctionnement et une logistique rela-
tivement importants, ainsi qu’un personnel qualifié.
● La vente d’animaux vivants
Elle peut, dans certaines circonstances, atteindre une rentabilité équivalente à la
chasse sportive avec des investissements plus limités (absences d’infrastructures de
safari). Les marchés les plus lucratifs sont cependant limités à quelques espèces très
recherchées (espèces localement rares) ou à des individus ayant un statut particulier
(ex. buffles indemnes de fièvre aphteuse) ; les marchés sont donc très étroits et sus-
ceptibles d’être rapidement saturés.
● La vente de venaison
C’est en général une activité secondaire, mais elle peut être développée lorsque des
marchés locaux existent (circuits de restauration ou forte demande locale) ; elle permet
de valoriser des infrastructures existantes pour le bétail (salle d’abattage, boucherie).
● Le tourisme
Ce secteur d’activité est en général peu développé dans les exploitations existantes.
Potentiellement intéressant, il est fondé sur un marché concurrentiel par rapport
auquel il doit faire valoir son originalité (exemple : parcs nationaux), et fait appel à un
personnel et à des démarches particulières (marketing, etc.).
1626
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
LE MINI-ÉLEVAGE
On comprend par ce terme l’élevage d’espèces sauvages de petite taille, tant inverté-
brés (annélides, mollusques, insectes, chenilles, papillons) que vertébrés (oiseaux, ron-
geurs, grenouilles, reptiles), qui sont d’usage commun pour l’alimentation humaine
ou animale ou comme source de revenus, et dont le potentiel n’est pas encore totale-
ment exploité.
On présente ci-dessous, deux espèces de mini-élevage les mieux maîtrisées en Afrique :
les escargots africains et l’aulacode, rongeur préféré dans toute l’Afrique francophone.
● La reproduction et la croissance
Bien que l’escargot soit hermaphrodite, l’accouplement est nécessaire à la reproduc-
tion, l’animal fonctionnant alternativement comme mâle ou femelle. Les escargots se
reproduisent au moyen d’œufs à coquille calcaire dure. Ils pondent leurs œufs dans
un nid creusé, mais parfois à même le sol. Le jeune escargot, déjà muni d’une coquille
et à peine plus grand que l’œuf dont il provient, séjourne quelques jours dans le nid
avant d’aller vivre à l’extérieur.
4 Achatiniculture.
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7 Zootechnie spéciale
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La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● L’entretien
Dans le système intensif, l’entretien est composé de l’arrosage quotidien, du retrait des
aliments en voie de décomposition, du lavage des abreuvoirs et des mangeoires et de
leur approvisionnement. Pour maintenir les fosses saines, des vers de terreau (Eisenia
fetida ou Eudrilus eugeniae) peuvent être incorporés au substrat d’élevage. Leur pré-
sence semble cependant nuire à l’incubation des œufs sur les sites de ponte.
Dans le cas des escargots au pâturage, la végétation du parc procure aux animaux un
microclimat humide en dehors des heures d’ensoleillement et un abri efficace durant
les heures chaudes de la journée. Ainsi, il n’est pas indispensable d’arroser quotidien-
nement les enclos, sauf à deux occasions : pendant les premières semaines après l’in-
troduction des géniteurs dans le parc et lorsque les pluies naturelles ne permettent pas
une croissance végétale adaptée à la demande des escargots. L’arrosage vise à garder
le sol humide, mais pas trempé.
● L’approvisionnement en reproducteurs
Pour développer un élevage, il faut éviter d’acheter des géniteurs sur le marché. Il est
plus sage de démarrer avec des individus sains et si possible adultes qui peuvent être
trouvés directement dans la nature ou auprès d’un éleveur ou un centre spécialisé.
Lors de la capture, il ne faut retenir que les individus en bon état, et s’assurer qu’ils
ne présentent pas d’anomalies coquillières graves. Il est préférable de les prendre tous
de la même espèce et de la même taille. L’approvisionnement doit se faire de la
manière la moins stressante possible. Les géniteurs doivent être introduits dans l’es-
cargotière en début de soirée et être arrosés légèrement. Au lever du jour, il faut
veiller à abriter les escargots qui ne le feraient pas spontanément.
● Les principales contraintes en élevage
> La gestion de la croissance : des troubles de la croissance existent, même chez les ani-
maux correctement nourris. Les escargots soumis à des conditions d’élevage stres-
santes présentent une production coquillière lente et de mauvaise qualité, ainsi que
des anomalies de la reproduction. En élevage, en plus d’une alimentation adéquate,
il est préconisé de limiter le stress des animaux (réduire la manipulation des ani-
maux, contrôler les densités d’élevage). C’est la taille à la maturité sexuelle ou la
taille à l’apparition de la bordure coquillière qui sert de point de repère pour véri-
fier la qualité de l’élevage.
> L’incubation des œufs : les incubations sont possibles sur le site de ponte ou sur des
pots d’incubation éloignés de celui-ci. Les œufs doivent être placés en ambiance
humide, dans du terreau à 60-65 % de teneur en eau ou entre du film de papier
absorbant imbibé d’eau garnissant le fond d’une boîte de Pétri close. Il est impor-
tant de permettre aux géniteurs d’enfouir leurs œufs dans le substrat d’élevage afin
d’éviter toute déshydratation au contact de l’air non saturé en eau. Il est recom-
mandé d’éviter le contact entre géniteurs et œufs en incubation, ainsi que leur
manipulation. Retirer les premiers éclos des pontes permet de maintenir de bons
taux d’éclosion.
> La pathologie : la connaissance des maladies infectieuses et parasitaires des escargots
géants africains est actuellement faible. Il est donc recommandé de respecter les
règles élémentaires d’hygiène dans les élevages.
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7 Zootechnie spéciale
● L’élevage de l’aulacode 5
Il existe une grande diversité de rongeurs, très prisés par leur viande tant en Afrique
que sur le continent américain. Parmi les rongeurs consommés en Afrique, l’aulacode
est sans doute l’espèce préférée. Il s’agit d’un rongeur hystricomorphe de la même
famille que le cobaye. On connaît deux espèces de ce rongeur : le grand aulacode
(Thryonomys swinderianus) et le petit aulacode (T. gregorianus). Cependant, la totalité des
recherches et activités d’élevage se sont développés avec T. swinderianus. Appelé agouti
en Afrique de l’Ouest et hérisson en Afrique centrale, son aire de distribution com-
prend toute l’Afrique sub-saharienne au delà du 15° Nord jusqu’à la Zambie et la par-
tie est de l’Afrique du Sud.
5 Thryonomys swinderianus.
1630
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Les matériaux utilisables sont variés mais ils doivent pouvoir résister aux dents des
aulacodes. L’armature peut être en bois ou en acier. Dans le cas du bois, l’intérieur doit
être protégé avec du grillage ou de la tôle. De même, le grillage utilisé doit avoir une
maille carrée d’un minimum de 2,5 cm de côté et un fil de 1,8 mm de diamètre.
● Les batteries de cages
Elles sont utiles pour mieux profiter de l’espace d’élevage disponible. Cependant, elles
rendent plus difficile la surveillance des animaux et se dégradent facilement. Elles
peuvent comprendre jusqu’à trois niveaux, séparés par des plaques inclinées en bois
ou en tôle pour récupérer les déjections.
● Les enclos hors-sol
Ils sont de forme rectangulaire et doivent avoir une surface de 3 m2 pour pouvoir
loger un groupe polygame ou plusieurs jeunes. La hauteur des côtés doit être supé-
rieure à un mètre avec un rebord intérieur de 25 cm pour éviter les fuites. Les enclos
sont conçus pour loger des animaux, soit un groupe polygame (un mâle et huit
femelles), soit jusqu’à vingt quatre animaux subadultes, soit un groupe de femelles
avec leurs petits. Ils peuvent être construits avec du ciment, de l’argile ou des maté-
riaux locaux. Ils sont moins coûteux que les cages et plus faciles à construire, mais en
revanche les risques d’infestation et d’infection sont plus élevés.
Largeur 35 cm 55 cm 40 cm 65 cm
Longueur 55 cm 70 cm 70 cm 100 cm
Hauteur 25 cm 30 cm 30 cm 35-40 cm
Répartition des animaux – un adulte seul – deux animaux subadultes - un mâle avec deux femelles
– une mère avec maximum 2 petits en lactation – une mère avec plus de 2 petits en lactation.
● L’alimentation
La formule dentaire de l’aulacode est la même que celle d’autres rongeurs hystrico-
morphes : 1I + OC + 2 M / 1I + OC + 2M. C’est un très bon convertisseur de fibre
en protéine qui, comme le lapin, pratique la coprophagie. L’anatomie particulière de
l’appareil digestif permet de réaliser dans le caecum une digestion microbienne com-
parable à celle des ruminants, grâce à sa grande capacité et à sa grande surface de fer-
mentation et d’absorption.
La ration alimentaire se base à 80 % sur du fourrage vert de graminées sauvages ou
cultivées comme Pennisetum purpureum, Panicum maximum, Brachiaria spp., Hyparrhenia
diplandra ou Imperata cylindrica. Le restant peut être constitué par une vaste gamme de
produits dérivés de l’industrie agricole ou alimentaire, comme le son de blé, la drêche
de brasserie, les restes de boulangerie, les céréales, les feuilles d’ananas ou le riz cru.
1631
7 Zootechnie spéciale
● La croissance
Avec un poids moyen de 130 g, les jeunes naissent avec toutes leurs dents, des poils et
consomment de l’aliment solide dès les premiers jours de vie. La croissance est plus
importante chez les mâles que les femelles ; la différence de poids entre les sexes
s’avère supérieure à un kilo pour des animaux du même âge. La castration des mâles
ne favorise pas une meilleure croissance. Avec une bonne alimentation, les mâles attei-
gnent en moyenne à un an plus de 3 kg de poids vif.
● La reproduction
● Le sexage
Les testicules des mâles sont facilement reconnaissables à partir de quatre mois par un
noircissement du scrotum. Avant cet âge, le sexe des aulacodeaux peut être déterminé
en mesurant la distance ano-génitale entre l’orifice urétral et l’anus. Celle-ci est plus
de deux fois plus longue chez les mâles que chez les femelles. La femelle atteint la
maturité sexuelle à l’âge de quatre mois et le mâle à cinq ou six mois. Les animaux
peuvent se reproduire pendant toute l’année et la libido est constante chez le mâle.
● Le cycle sexuel
Chez la femelle, on distingue une période de repos sexuel ou anoestrus et une phase
d’activité avec trois phases différentes dont l’intensité varie en fonction des individus :
le prœstrus, le metaœstrus et le postœstrus. L’apparition de l’œstrus est principale-
ment déclenchée par des facteurs d’environnement et de conduite de l’élevage, et par
la cour du mâle qui est accompagnée d’une certaine agressivité. Il convient donc de
surveiller les accouplements pour éviter des blessures graves. La saillie ne peut avoir
lieu qu’à ce moment-là. Au cas où elle n’a pas lieu, la femelle évolue vers un autre oes-
trus ou l’anoestrus.
● L’accouplement
Pour réussir une bonne saillie, on recommande que le poids du mâle soit supérieur à
celui de la femelle. Un mâle un peu agressif donne souvent de bons résultats de fécon-
dité. Cependant, il convient de surveiller les accouplements pour éviter des excès
d’agressivité. Le premier accouplement est recommandé à 1 500 g chez les femelles et
à 1 600 g chez les mâles. Dans des groupes polygames, un mâle peut s’accoupler avec
sept ou huit femelles. Afin d’éviter des bagarres au moment de la constitution de nou-
veaux groupes il convient de respecter certaines normes :
> emmener toujours le mâle chez les femelles ;
> déplacer de préférence les animaux d’origines différentes dans un enclos neutre ;
> en cas de maintien de groupes stables de femelles, déplacer toujours le groupe le
plus nombreux dans les installations d’un groupe moins nombreux.
1632
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● La gestation
Elle dure 152 jours en moyenne. Elle peut être facilement identifiée six semaines
après la conception, par l’introduction d’un coton tige dans la vulve, après déchirure
de la membrane vaginale. L’observation d’un mucus rouge, marron ou jaune est indi-
catif de gestation dans 80 % des cas. L’observation d’un mucus blanc n’est par contre
pas toujours indicatif de non gestation. Il convient donc de retester les femelles sus-
ceptibles de concevoir tous les dix jours, cinq semaines après la mise au mâle.
● La conduite de l’élevage
Il est fortement recommandé de commencer une activité d’élevage d’aulacodes à par-
tir d’un cheptel d’animaux déjà adaptés à la captivité. Le démarrage avec des animaux
d’origine sauvage est difficile en raison du stress d’adaptation à la vie captive. Dans
tous les cas, les animaux jeunes s’adaptent mieux à la captivité que les animaux
adultes. Les opérations de routine dans un élevage d’aulacodes sont les suivantes :
> inspection et contrôle du cheptel : cette activité est réalisée chaque matin et consiste à
observer attentivement le cheptel afin de repérer des anomalies éventuelles. Il faut
séparer les animaux malades du groupe dans une cage de quarantaine, afin de pré-
venir les contagions possibles et d’effectuer le traitement. Les cadavres doivent être
soumis à une autopsie ou brûlés ;
> changement de la litière : on recommande cette activité tous les jours ;
> désinfection du matériel d’élevage : pour réduire la charge microbienne dans le bâti-
ment et les matériaux, on recommande la désinfection au moins deux fois par
mois ;
> distribution de l’aliment : la distribution du fourrage doit se faire tôt le matin et si pos-
sible à la même heure. Afin de limiter le gaspillage du granulé ou du concentré, la
distribution est recommandée après la consommation du fourrage. Une seconde
distribution est souhaitable en fin de journée ;
> l’enregistrement et le suivi des performances zootechniques : les pesées des animaux peu-
vent se faire tous les mois à l’aide d’une cage de contention.
1633
7 Zootechnie spéciale
Le marquage des animaux permet de mieux gérer le cheptel d’un point de vue géné-
tique et reproductif. Celui-ci peut se faire avec des boucles d’oreilles utilisées pour les
animaux de laboratoire. Une méthode plus adaptée au contexte local est de faire des
encoches sur les oreilles avec une pince perforatrice.
À partir du sevrage, qui se fait à huit semaines, on peut constituer des lots de mâles et
de femelles du même âge qui peuvent être élevés ensemble en cage ou en enclos (feed -
lots). Les lots peuvent constituer de futurs lots de femelles reproductrices pour le trou-
peau ou pour la vente de géniteurs à l’extérieur. À partir de la puberté, les mâles ne
peuvent plus rester ensemble s’ils ne sont pas castrés.
Les aulacodes sont très facilement commercialisés en Afrique de l’Ouest et centrale.
Souvent les consommateurs viennent acheter des animaux vivants directement chez
l’éleveur. Il est préférable d’égorger les animaux sur le lieu d’élevage afin d’éviter la
perte de poids produite par le stress du transport. Le rendement en carcasse est au
moins de 65 % du poids vif.
● La pathologie
La principale cause de mortalité non infectieuse chez l’aulacode est le stress qu’il faut
essayer de minimiser. Une cachette dans les enclos ou les cages permet aux animaux
de se sentir davantage en sécurité. Dans des cas extrêmes, les neuroleptiques comme
l’halopéridol 0,4 mg/kg (Haldol®) ou le chlorhydrate de pipothiazine à 25 mg/kg
(Piportil Depot®) permettent de réduire l’anxiété et la panique et peuvent être utiles
pour réduire le stress et la mortalité pendant le transport et l’adaptation d’animaux à
un nouvel environnement. Lors de leur utilisation, aucun effet résiduel n’a pu être
constaté sur l’homme.
Les pathologies respiratoires et les septicémies sont des causes importantes de morta-
lité infectieuse, surtout chez les animaux jeunes pendant les jours ou semaines qui sui-
vent le sevrage. Il peut être utile de distribuer des vitamines et des antibiotiques à
doses préventives dans l’eau de boisson pendant cette période.
Les pathologies digestives sont marquées par des problèmes dentaires et des entéro-
toxémies. Les premiers peuvent se résoudre facilement en ajoutant des bois durs ou
des os de grande taille dans les enclos ou les cages, afin que les animaux puissent ron-
ger. Les entérotoxémies, accompagnées de diarrhée et mort subite, peuvent provo-
quer des mortalités importantes. On recommande de faire sécher le fourrage pendant
24 heures avant sa distribution et de faire des analyses bactériologiques qui permet-
tent ensuite d’identifier et de traiter efficacement l’agent infectieux.
● Le programme prophylactique
L’aulacode est un animal rustique qui présente peu de problèmes pathologiques une
fois qu’il est bien adapté à son milieu de production et que les conditions d’hygiène et
d’alimentation sont respectées.
● La prophylaxie sanitaire
Elle est identique à celle des autres productions animales intensives : entretenir un
environnement sain, avec une bonne ventilation et une désinfection fréquente
(par exemple tous les dix jours). Une quarantaine de trois à quatre semaines est
recommandée pour les animaux de nouvelle acquisition, avant de les introduire dans
1634
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● La manipulation et la contention
Les cages de contention permettent de faire de petites manipulations : pesées, traite-
ments, transports entre cages ou enclos. Elles doivent être de forme sécurisante, tant
pour l’animal que pour le manipulateur. Les cages peuvent se construire en grillage
ou à l’aide de matériaux recyclables. Elles sont conçues pour empêcher l’aulacode de
se retourner, et les dimensions s’adaptent aux différentes tailles des animaux.
L’utilisation d’une cage trop grande, permettant à l’animal de se retourner, peut lui
occasionner des blessures graves de la colonne vertébrale. Les dimensions des cages
de contention sont données au tableau 4.
> 5 kilos 14 cm x 14 cm x 38 cm
Entre 3 et 5 kilos 13 cm x 13 cm x 32 cm
Entre 1 et 3 kilos 10 cm x 10 cm x 30 cm
Source : SCHRAGE & YEWADAN, 1995.
1635
7 Zootechnie spéciale
Le succès d’un tel projet ne dépend pas uniquement des aspects techniques, mais éga-
lement de la qualité du transfert de technologie et des conditions socio-économiques
de la région choisie.
● L’élevage de crocodiles
L’élevage de crocodiles n’est plus véritablement non conventionnel. Il devient de plus en
plus commun dans le monde et ces reptiles sont élevés sur les cinq continents. La
classe Crocodilia est divisée en crocodiles, caïmans, alligators et gavials. On retrouve au
total vingt trois espèces de crocodiles, dont trois sur le continent africain : le crocodile
du Nil (Crocodylus niloticus), le faux gavial (Crocodylus tetraspis) et le crocodile nain
(Osteolaemus tetraspis). Biologiquement, ce sont des reptiles très bien adaptés à la vie
aquatique. Le trait le plus caractéristique de leur anatomie est une peau cuirassée
constituée dans sa partie dorsale de plaques ossifiées appelées ostéodermes. Le croco-
dile du Nil est l’espèce dont l’élevage est le plus répandu en Afrique. Les mâles peu-
vent mesurer plus de 3 m et les femelles entre 2,4 et 2,8 m.
1636
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Les éleveurs pratiquant le ranching doivent obtenir auprès des services de protection
de la faune l’autorisation de prélever des œufs sur le stock sauvage, généralement
situé dans une aire protégée. Ils s’engagent à replacer dans le parc un certain nombre
de crocodiles, à un âge auquel on considère qu’ils sont à l’abri de la plupart des causes
de mortalité (maladies et prédateurs). Ces réintroductions représentent généralement
un effectif plus important de crocodiles que celui qui aurait survécu dans le milieu
naturel. L’élevage extensif de crocodiles représente donc un moyen de protection et
de repeuplement efficace pour les populations sauvages ; il permet non seulement de
maintenir les effectifs, mais même de les accroître.
● L’élevage intensif ou farming
Les animaux sont élevés dans des enclos, qui contiennent d’une part une aire de ponte
et d’autre part un espace aquatique. Ce dernier peut consister soit en un plan d’eau
naturel, soit en un bassin artificiel. Le sex-ratio des reproducteurs est de sept à dix
femelles pour un mâle. Les mâles étant territoriaux, chacun d’eux doit disposer d’un
enclos et d’un bassin.
Les femelles doivent disposer d’une aire de ponte sablonneuse. Celle-ci peut être
unique et étendue, ou divisée en autant de cases qu’il y a de femelles par des murets
de 50 cm de hauteur sur trois côtés. Ces cases individuelles font environ 200 x 75 cm.
Les enclos sont constitués d’un grillage de 2 m de hauteur et s’enfoncent à une pro-
fondeur de 1 m pour éviter des fuites. Ils doivent impérativement disposer à la fois
d’une aire ensoleillée et d’une aire ombragée.
Les formes et les dimensions des bassins sont très variables, mais un type de bassin
pour géniteurs se rencontre de plus en plus souvent dans les élevages nouvellement
construits. C’est un bassin en béton, rectangulaire au niveau du sol, d’environ 6 m x
8 m, avec un faux plat d’environ 75 cm de large permettant aux crocodiles de s’y repo-
ser, ce faux plat est suivi d’une pente. La profondeur du bassin est d’environ 2,5 m. Il
est entouré d’une surface en terre d’environ 40 m2 .
Le farming implique que les animaux élevés soient issus d’animaux géniteurs mainte-
nus en captivité. Généralement, les éleveurs commencent par faire du ranching et
constituent progressivement leur stock de géniteurs. Souvent, les deux systèmes sont
utilisés en parallèle, le stock de géniteurs ne fournissant alors qu’une partie des jeunes
élevés.
● L’alimentation et la croissance
L’eau du bassin est changée une ou deux fois par an. Les jeunes animaux se nourris-
sent essentiellement d’insectes. Au fur et à mesure qu’ils grandissent, ils consomment
des vertébrés (des déchets d’abattoir ou des viandes de rebut). La distribution de la
viande se fait le soir et les restes non consommés doivent être récupérés le matin. Les
animaux adultes ont besoin de manger seulement une fois tous les quinze jours, les
subadultes une fois par semaine et les jeunes de moins d’un an deux fois par semaine.
La croissance est généralement lente. Le tableau 5 donne une idée de la taille en fonc-
tion de l’âge.
1637
7 Zootechnie spéciale
Âge Longueur
3 mois 55 cm
6 mois 85 cm
1 an 110 cm
En conditions naturelles, la maturité sexuelle est acquise entre vingt et trente-cinq ans
d’âge. Au Zimbabwe, les crocodiles sont abattus à deux ou trois ans (1,5 m) et entre
dix et quatorze mois en Afrique de l’Est. Les abattages se font par balle dans la tête ou
par section de l’épine dorsale.
● La manipulation
La manipulation des crocodiles doit se faire avec une grande précaution, car même les
jeunes animaux peuvent provoquer des morsures graves qui s’infectent facilement. Il
ne faut jamais manipuler seul les animaux.
Pour éviter les blessures et le stress lors de la manipulation, il convient d’immobiliser
les mâchoires en position fermée. Une fois l’animal capturé et drogué, trois ou quatre
tours de bande adhésive plastique suffisent pour bloquer les mâchoires. L’opération
est plus facile si on couvre les yeux de l’animal avec une couverture. Il est très impor-
tant de garder les narines de l’animal dégagées afin d’éviter sa mort par étouffement.
L’immobilisation chimique des crocodiles peut se faire avec de la Gallamine (Flaxedil®,
40 mg/ml), un agent bloquant de la plaque neuromusculaire qui immobilise l’animal
mais n’a pas d’effet analgésique. Le produit est uniquement recommandé pour la cap-
ture, le transport et les manipulations, mais en aucun cas pour des manipulations dou-
loureuses. Pour des petites interventions (nettoyage de plaies, amputation de doigts),
on peut utiliser un anesthésique local comme la lidocaïne.
Une dose moyenne de 1 mg/kg de Gallamine peut être utilisée. La neostigmine
(Prostigmine® , 2,5 mg/ml) est l’antidote de la Gallamine ; elle produit ses effets au
bout de dix à vingt minutes avec une dose moyenne de 0,06 mg/kg pour les petits indi-
vidus et 0,03 mg/kg pour les grands.
● Les maladies
Il existe peu de troubles pathologiques chez les animaux adultes. La plupart des pro-
blèmes apparaissent chez les jeunes qui sont sensibles à une grande variété de mala-
dies. La qualité de l’eau est un élément essentiel pour la santé des animaux.
L’environnement des élevages est particulièrement favorable à la propagation d’agents
bactériens comme les salmonelles et les entérobactéries. Des foyers d’origine virale
(adenovirus ou poxvirus) ainsi que des chlamydioses ont été signalés.
Les maladies non infectieuses incluent les blessures provoquées par des agressions
intraspécifiques, les altérations provoquées par le stress et l’ostéodystrophie provo-
quée par une carence en calcium ou en vitamine D3. L’anorexie est fréquente chez les
reptiles en captivité. L’appétit des animaux anorexiques peut être stimulé par une
injection de vitamine B12.
1638
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
● L’élevage de l’autruche
Comme tous les ratites, l’autruche est un oiseau de grande taille, à ailes réduites et
dont le sternum est dépourvu de bréchet. En Afrique, on distingue quatre sous-
espèces d’autruche : Struthio camelus camelus en Afrique de l’Ouest, S. c. molybdophanes
en Somalie, S. c. masaicus en Afrique de l’Est et S. c. australis en Afrique australe.
L’intérêt de l’homme pour cet oiseau remonte au moins à l’antiquité, avec notamment
l’utilisation des plumes pour confectionner des parures luxueuses.
1639
7 Zootechnie spéciale
● Les installations
L’autruche est un animal grégaire qui dépend du groupe pour développer plusieurs
de ses activités biologiques. Il panique facilement devant un mouvement subit ou un
bruit soudain, avec une tendance à fuir contre les grillages et à se blesser. Il faut donc
éviter les morceaux de grillage qui dépassent, les pointes, les boucles, les coins avec
lesquels des autruches risquent de se blesser. La hauteur du grillage doit être de 1,5 m
avec des poteaux de séparation tous les 4 m. Le diamètre du grillage doit être au
moins de 1,5 mm.
Les autruches, et en particulier les autruchons, sont très sensibles au froid et à l’hu-
midité. Des abris contre le soleil et la pluie sont indispensables, tant en élevage exten-
sif qu’intensif. L’espace réservé aux autruchons doit être réchauffé par des convecteurs
électriques ou des lampes infrarouges. La température au niveau des oiseaux doit être
de 25-28°C. L’air doit cependant pouvoir circuler facilement. Les murs et le plancher
doivent être construits en béton pour faciliter le nettoyage. Les surfaces recomman-
dées sont mentionnées au tableau 6.
● L’alimentation
● L’apprentissage des autruchons
Jusqu’à deux mois, l’alimentation est délicate et nécessite une attention constante. Les
oiseaux naissent avec une réserve de vitellus qui dure sept à dix jours. Pendant cette
période, ils doivent subir un apprentissage pour se nourrir et boire avant dix jours,
faute de quoi ils meurent. Ce n’est pas toujours facile, mais plusieurs méthodes exis-
tent pour résoudre le problème :
> l’adoption : les autruchons peuvent apprendre par imitation des adultes (adoption).
Pour cela il faut installer une paire d’adultes dans une installation de 50 x 100 m et
les laisser pondre et incuber jusqu’à une semaine avant éclosion. Au fur et à mesure
que les œufs sont pondus, ils sont remplacés par des œufs incubés artificiellement.
Ce système permet de donner aux parents une trentaine d’œufs. Les parents adop-
tifs apprendront aux poussins à manger et boire. Au cours de cette période, un
aliment sec mélangé à de la luzerne fraîche finement coupée est distribué dans
des mangeoires peu profondes réparties dans l’enclos à raison de une pour 2 m2,
car les poussins marchent sans cesse et ne s’habituent pas à un lieu unique de
distribution ;
> l’appâtage : une autre méthode utilisée dans des systèmes plus intensifs est celle de
parsemer la ration avec de la luzerne broyée, de la laitue ou de l’œuf dur sur l’eau
et la nourriture afin d’en stimuler la consommation.
1640
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Les rations protéiques des autruches varient avec l’âge et les ressources alimentaires
disponibles. Le tableau 7 peut servir de guide.
● La reproduction
● Le sexage
Les autruches ne montrent aucun dimorphisme sexuel jusqu’à l’âge de 12-14 mois.
L’examen du cloaque est nécessaire pour laisser apparaître les organes reproducteurs
et distinguer les mâles des femelles avant ce stade, mais il faut travailler avec douceur
sous peine de provoquer une irritation de la muqueuse et un prolapsus. Le pénis est
rouge et deux fois plus grand que le clitoris des femelles du même âge.
Tableau 8. Taille des organes sexuels en fonction du poids (source : Campodonico et Masson, 1992)
● La ponte
La puberté est atteinte vers trois ou quatre ans chez le mâle, et la femelle pond à par-
tir de trois ans. En début de saison de reproduction, le mâle, agressif, quitte le trou-
peau avec deux ou trois femelles. La femelle commence à déposer un œuf tous les
deux jours, cinq à quinze jours après accouplement. Plusieurs femelles pondent dans
le même nid six à seize œufs chacune. Environ deux semaines se passent entre la
ponte et le début de la couvaison, qui dure en moyenne 41 jours ; elle est assurée par
1641
7 Zootechnie spéciale
la femelle dominante le jour et par le mâle la nuit. Les conditions de couvaison sont
de 30°C avec 32 à 52 % d’humidité relative.
● L’incubation
Si les œufs sont retirés du nid, les femelles continuent à pondre plus longtemps. Une
production de quarante œufs par femelle et par saison est déjà honorable. Compte-
tenu d’une fertilité de 50 % et d’un taux d’éclosion de 70 %, on peut espérer obtenir
quinze poussins par femelle et par saison.
En attendant leur mise en couveuse, les œufs sont stockés au maximum sept jours à
15°C par 70 % d’humidité relative. Au-delà de ce délai, le taux d’éclosion chute de
façon importante. Dès leur récolte, les œufs sont marqués et désinfectés par brossage
puis par fumigation au formaldéhyde. Les couveuses doivent être thermostatées à 35-
36°C et l’hygrométrie adaptée afin que les œufs perdent 15 % de leur poids de départ
avant l’éclosion. Les œufs sont retournés au moins trois fois par jour, jusqu’à 48 heures
de l’éclosion. Le taux d’éclosion augmente avec la fréquence de retournement des
œufs. Un faisceau étroit de 1 000 watts permet de mirer les œufs dès le vingtième jour
d’incubation et en cas de non-éclosion, l’éleveur peut provoquer celle-ci ou l’aider.
Après 38 jours d’incubation, les œufs sont placés en chambre d’éclosion à la même
température. Les poussins y restent 12 à 24 heures pour sécher et sont ensuite placés
dans des locaux à 28°C sans transition. Peu avant l’éclosion, du vitellus passe dans l’ab-
domen du poussin, qui ensuite n’aura pas faim pendant 24 à 72 heures.
L’élevage naturel en petits enclos par les parents donne des résultats comparables à
ceux des méthodes intensifiées. En effet, en conditions naturelles, le nombre d’œufs
est inférieur, mais le succès de l’éclosion et de l’élevage est supérieur. En revanche, le
système naturel implique l’entretien d’un grand nombre d’adultes et la construction
de petits enclos coûteux.
● La croissance
Deux options se présentent pour l’élevage des jeunes :
> l’adoption des jeunes par un couple : un couple d’autruches accepte d’adopter des
autruchons dans la mesure où ceux-ci sont plus jeunes que leurs propres poussins.
Dans un élevage, les œufs des meilleures pondeuses sont mis en couveuse, tandis
que les autres femelles couvent leurs propres œufs. Des poussins issus de la cou-
veuse sont ensuite confiés, par lots de cinq, à des parents qui s’en occupent jusqu’à
l’âge de trois ou quatre mois. À cet âge, les jeunes sont retirés aux parents et
regroupés en lots. Un couple peut élever soixante-dix à cent poussins par saison.
Seules des autruches élevées par des adultes peuvent être relâchées dans la nature ;
> l’élevage sans parents : l’élevage artificiel de quelques autruches est relativement
simple, mais son intensification requiert une haute technicité.
Les jeunes déjà robustes sont transférés soit en feedlots, soit en grands enclos. En ali-
mentation totalement artificielle, la surface optimale par animal n’est pas clairement
établie. À l’opposé, en élevage sur parcours naturel non complémenté, il faut compter
l’équivalent d’un adulte pour cinq hectares de bon pâturage, et un pour dix hectares
en moyenne. La présence d’abris est indispensable.
La taille adulte est atteinte vers le neuvième mois mais le cuir, production souvent la
plus recherchée, est utilisable en tannerie seulement à partir de quatorze mois.
1642
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
Une ration d’entretien doit donc être distribuée durant six mois sans qu’aucune crois-
sance n’en résulte. En moyenne, l’autruche parvenue à un poids de 100 kg en qua-
torze mois a ingéré 700 kg d’aliment.
● L’amélioration génétique
L’élevage de l’autruche représente un secteur très en vogue actuellement et la sélec-
tion de génotypes favorables est très souvent pratiquée. La sélection se fait essentiel-
lement sur la taille pour les mâles et sur les performances reproductrices pour les
femelles. Il est recommandé que la moitié des autruchons issus des œufs prélevés soit
retournés à leur territoire d’origine.
● La manipulation et la contention
Les autruches peuvent être dangereuses pour l’homme, en particulier à cause de leurs
coups de pattes qui peuvent produire des blessures importantes, leurs ongles étant
particulièrement tranchants. Il est important de s’en méfier, surtout des mâles en
période de reproduction.
Un manche de trois mètres avec un crochet au bout, que l’on place derrière le cou de
l’animal, permet de l’immobiliser et l’empêche de donner des coups de pattes. Il faut
alors en profiter pour mettre un capuchon sur la tête, qui immobilise définitivement
l’oiseau. Il ne faut jamais tordre le bâton afin d’éviter de disloquer les vertèbres. Il faut
éviter les poursuites d’animaux qui durent longtemps et leur immobilisation sous des
températures élevées.
● Les maladies
L’ingestion de corps étrangers est commune chez l’autruche et peut souvent débou-
cher sur d’autres troubles digestifs (occlusion, entérite, péritonite). Le diagnostic
d’une occlusion du gésier peut se faire par palpation ou par radiographie. Le traite-
ment est souvent peu efficace, mais un diagnostic précoce du problème peut per-
mettre une chirurgie extractive du corps étranger.
L’autruche est très sensible aux températures extérieures. Son plumage ne permet pas
une bonne imperméabilité ni une thermo-isolation. Ainsi les autruchons mouillés sont
très sensibles au froid, surtout les plus jeunes. Ils sont aussi sensibles aux coups de cha-
leur, facilement détectables par une respiration agitée, l’ouverture des ailes et l’érec-
tion des plumes. L’aspersion avec de l’eau fraîche est une façon efficace de soulager ces
symptômes. Les parasites de l’autruche (internes et externes) peuvent être traités avec
les produits présentés au tableau 9.
1643
7 Zootechnie spéciale
● Les productions
● Les plumes
Elles présentent une souplesse caractéristique. Au cours de la croissance de l’animal,
le plumage subit plusieurs mues, la dernière ayant lieu entre dix-huit et vingt-quatre
mois. Il subit aussi des changements saisonniers : il est plus beau et plus coloré en
période de reproduction. Pennes, rémiges et rectrices peuvent être régulièrement
récoltées selon différentes méthodes, un animal fournissant un à trois kilos de plumes
par coupe. Une autruche peut être plumée tous les neuf mois pendant vingt à trente
ans. La tendance actuelle est à l’exploitation unique lors de l’abattage (quatorze à seize
mois).
● La viande
Elle représente le dixième de la valeur globale et plus du tiers du poids vif. Les cuisses
représentent 38 % du poids de la carcasse, soit en moyenne 28 kg. Un animal fournit
17 kg de viande désossée de premier choix, dont 3,5 kg de filets et 4,5 kg de steaks.
En Afrique australe, les meilleurs morceaux sont vendus comme viande de luxe, ou
sous forme de biltong (lanières de viande séchée). Pour éviter le stress du transport, les
animaux sont souvent abattus et plumés sur la ferme, puis immédiatement transpor-
tés en camion à l’abattoir où a lieu la suite du traitement des carcasses.
● La peau
Elle est actuellement la partie la mieux valorisée de cet oiseau. Sa valeur augmente
avec l’âge de l’animal, mais la tendance actuelle à l’intensification conduit à la mise sur
le marché d’un produit assez uniforme : le cuir d’autruche de quatorze à seize mois.
Dès que l’animal est dépecé, sa peau est salée, roulée et placée dans un sac en paille
maintenu humide et frais. Tant qu’elle n’est pas acheminée à la tannerie, elle doit être
déroulée, lavée, salée et ré-enroulée toutes les semaines.
● Les autres productions
> les os ou les pieds, façonnés ou sculptés, servent à faire divers objets (cendriers,
etc.). La peau des pattes est aussi utilisée en tannerie ;
> les œufs, pesant 750 à 1 500 g, sont très appréciés en cuisine et leur coquille non
cassée peut être vendue en artisanat ;
> les graisses sont recherchées pour leurs vertus médicinales, en particulier la moelle
osseuse des os du tarse, dont la récupération est le but principal du braconnage des
autruches dans la nature ;
> les animaux vivants sont parfois vendus à d’autres fermes ou diverses institutions ;
> les fermes de démonstration, organisées pour recevoir des visiteurs afin de leur
expliquer les stades de l’élevage, avec magasin artisanal et restaurant, peuvent
constituer une source importante de revenus.
1644
La pisciculture et les élevages non conventionnels 7 3
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1645
7 Zootechnie spéciale
1646
ANNEXES
1 Formulaires
2 Adresses utiles
3 Index
4 Sommaire des cédéroms
Annexe 1. Formulaires
1649
Annexes
A B C D
LONGUEURS
0,394 Inch (1 in) centimètre 2,54
3,281 Foot (1ft) mètre 0,308
1,094 Yard (1yd) mètre 0,914
0,612 Mile (statute) kilomètre 1,60864
69,17 Mile (statute) degré de longitude 0,014
0,540 Mile (nautical) kilomètre 1,85327
SURFACES
0,155 Square (Sq in) centimètre carré 6,452
10,764 Square foot (Sq ft) mètre carré 0,0929
1,196 Square yard (Sq yd) mètre carré 0,836
2,471 Acre hectare 0,4046
0,386 Square mile kilomètre carré 2,59
VOLUMES
0,061 Cubic inch centimètre cube 16,387
35,315 Cubic foot mètre cube 0,0283
1,308 Cubic yard mètre cube 0,764
VOLUMES LIQUIDES
0,88 Impérial quart litre 1,136
1,057 US quart litre 0,946
0,22 Imp. Gal (1,201 US gal) litre 4,546
0,264 US gal (0,833 Imp. gal) litre 3,785
2,750 Imp. Bushel (1,032 Imp. bu) hectolitre 0,3634
2,838 US bushel (0,969 Imp. bu) hectolitre 0,3523
2,1 Pint (1/8 de gal) litre "0,473 (USA)
0,568 (G-B)"
1651
Mémento de l’agronome
A B C D
°C = 5/9 ( °F – 32)
1652
Annexes
1653
Mémento de l’agronome
Substance kg/m3
Matériaux divers
1654
Annexes
Substance kg/m3
Palmier à huile :
– noix de palme 790 - 800
– palmiste (5 % humidité) 550
– régimes frais 500 - 650
– fruits stérilisés 600 - 700"
Poivre sec :
– noir 450 - 480
– blanc 620 - 680
Pomme de terre 620 - 780
Riz :
– gerbes 80 - 120
– paddy 500 - 630
– cargo 700 - 750
– riz blanchi 800 - 850
Soja (graines) 750 - 800
Sorgho (graines) 670 - 700
Tabac (graines) 450
Note : la pente métrique est très fréquemment exprimée en pour cent ou pour mille ; par exemple une pente de 8 % correspond à une
pente métrique de 0,080 et donc à 4,574°.
1655
Mémento de l’agronome
1656
Annexes
1657
Mémento de l’agronome
1658
Annexes
1659
Mémento de l’agronome
1660
Annexe 2. Adresses utiles
Politiques de coopération et Institutions internationales
financement du développement BAD
Banque africaine de développement
Institutions publiques françaises Rue Joseph Anoma - 01 BP 1387 Abidjan 01
AFD Côte d’Ivoire
Agence française de développement www.afdb.org
5, rue Roland Barthes - 75598 Paris cedex 12 Banque mondiale
www.afd.fr Headquarters - General Inquiries
FFEM The World Bank
Fonds français pour l’environnement mondial 1818 H Street, N W,
hébergé par l’AFD Washington, DC 20433 Etats Unis.
www.ffem.net www.worldbank.org
HCCI BasD
Haut Conseil de la Coopération Internationale Banque asiatique de développement
3 avenue de Lowendal - 75007 Paris P.O. Box 789, 0980 Manila, Philippines
courrier électronique : www.adb.org/
hcci@cooperation - internationale.gouv.fr CNUCED
www.hcci.gouv.fr Conférence des Nations Unies sur le Commerce
MAAPAR et le Développement
Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, Palais des Nations
de la Pêche et des Affaires rurales 8-14, Av. de la Paix , 1211 Geneva 10 - Suisse
78 rue de Varenne - 75349 Paris 07 SP www.unctad.org
www.agriculture.gouv.fr Commission européenne
MAE Direction générale du Développement
Ministère des Affaires étrangères B-1049 Bruxelles, Belgique
Direction générale de la Coopération htpp://europa.eu.int/comm/development
internationale et du Développement (DGCID) CTA
Direction du Développement Centre technique de coopération
et de la Coopération technique agricole et rurale ACP-UE
Sous direction du développement économique Siège : Agro Business Park 2
et de l’environnement (DCT/E) 6708 PW Wageningen, Pays-Bas
20 rue Monsieur - 75007 Paris Adresse postale :
www.diplomatie.fr Postbus 380, 6700 AJ Wageningen, Pays-Bas
MENV www.agricta.org ou www.cta.nl
Ministère de l’Ecologie et du Développement FAO
durable Organisation des Nations Unies
20 avenue de Ségur - 75302 Paris 07 SP pour l’alimentation et l’agriculture
www.environnement.gouv.fr Viale delle Terme di Caracalla, 00100 Rome, Italie
Ministère de l'Outre-Mer www.fao.org
27 rue Oudinot, 75358 Paris 07 SP FIDA
International Fund for Agricultural Development
Via del Serafico, 107, 00142 Rome, Italie
www.ifad.org
1661
Mémento de l’agronome
GEF FRAO
The United Nations Development Programme Fondation rurale de l’Afrique de l’Ouest
(UNDP) Allée Seydou Nourou Tall - CP 13 - Dakar Fann -
Global Environment Facility Unit (UNDP-GEF) Dakar Sénégal
304 East 45th Street, 10th Floor www.frao.org
New York, NY 10017 – Etats-Unis INADES
www.undp.org/gef Institut africain pour le développement
OCDE économique et social
Organisation de Coopération et de 15, avenue Jean Mermoz - Cocody - 08 B.P 8
Développement Economique Abidjan 08 - Côte d’Ivoire
2, rue André Pascal, www.inades.ci.refer.org
F - 75775 Paris Cedex 16 - France ROPPA
www.oecd.org Réseau des organisations paysannes
OMC et de producteurs d’Afrique de l’Ouest
Organisation mondiale du Commerce ROPPA c/o CNCR Boulevard de l’Est x Rue 2,
Centre William Rappard, Rue de Lausanne 154, Point E - Dakar - Sénégal
CH - 1211 Genève 21, Suisse. www.cncr.org/roppa
www.wto.org
Amérique latine et Caraïbes
PAM
Programme Alimentaire Mondial CAMAREN
Via C.G.Viola 68, Parco dei Medici Consortium pour la formation et la gestion
00148 - Rome - Italy durable des ressources en zone andine
www.wfp.org Av. Amazonesy Eloy
Alfara Edif – MAG7 mo piso, Quito - Ecuador
PNUD www.camaren.org
Programme des Nations Unies
pour le développement Grupo CHORLAVI
One United Nations, Plaza New York Groupe de systématisation et d’échanges
NY 10017 - États-Unis en analyse comparative, méthodes et outils
Fax : 212 906 53 64 de développement rural en Amérique centrale
www.undp.org et Caraïbes
C/o RIMISP, Casilla 228, Correo 22, Santiago, Chili
PNUE www.grupochorlavi.org
United Nations Environment Programme
United Nations Avenue, Gigiri, PO Box 30552, RIMISP
Nairobi, Kenya Réseau interaméricain sur les méthodes
Tél : 254 2 621 234 - Fax : 254 2 624 489/90 de recherches en système de production
Casilla 228, Correo 22, Santiago, Chili
OIF rimisp@rimisp.cl - www.rimisp.org
Organisation internationale de la Francophonie
28, rue de Bourgogne RURALTER
75007 Paris - France Programme régional de capitalisation
Tél : +33 1 44 11 12 50- Fax : +33 44 11 12 76 d’expériences et diffusion de méthodologies
courrier électronique : oif@francophonie.org pour la formation des acteurs du développement
www.francophonie.org rural en région andine
c/o CICDA, Edificio Turismundial 3ème Piso
Ramirez Davalos 117 y Amazonas, Quito, Ecuador
Associations et ONG régionales www.ruralter.org
Afrique
ENDA
Environnement et développement
du Tiers Monde
4 et 5, rue Kléber BP 3370, Dakar, Sénégal
www.enda.sn
1662
Annexes
1663
Mémento de l’agronome
1664
Annexe 3. Index
A – ruminant . . . . . . . . . . . . . . .1271, 1346, 1398
abaca (Musa textilis) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1159 – système (d') . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1267
abattage (animal) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1302 alimentation hydrique. . . . . . . . . . . . . . . 493, 584
abattis-brûlis . . . . . . . . . . 334, 411, 412, 414, 608 allèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 568
Abelmoschus esculentus (gombo) . . . . . . . . . 1035 allélopathie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 548, 670
ablation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 562 allicine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1026
abrasin (Aleurites fordii) . . . . . . . . . . . . . . . . . 1203 Allium ampeloprasum (poireau) . . . . . . . . . . . 1042
abreuvement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1341 Allium cepa (échalote). . . . . . . . . . . . . . . . . . 1034
abricotier des Antilles (Mammea americana) . 999 Allium cepa (oignon). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1037
acacia (Acacia decurrens) . . . . . . . . . . . . . . . 1223 Allium sativum (ail) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1026
Acacia decurrens (acacia). . . . . . . . . . . . . . . 1223 allogame . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1233
accès allogamie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 568, 1133
– à la terre . . . . . . . . . . . . . .202, 210, 214, 349 amarante (Amaranthus) . . . . . . . . . . . . . . . . . 1027
– au crédit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .401
– au foncier . . . . . . . . . . . . . .55, 202, 335, 401 Amaranthus (amarante). . . . . . . . . . . . . . . . . 1027
– aux ressources renouvelables . . . . . . . .210 aménagement
Achatina (escargot). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1627 – anti-érosif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .239, 251
acide – coût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .297
– cyanhydrique . . . . . . . . . .737, 816, 848, 874 – de bas-fond . . . . . . . . . . . . . . . . . . .297, 300
• conception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .308
– ricinoléique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1215 • exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .304
acidité (du sol) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 607 • techniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .311
activité non agricole. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 – enjeu foncier (de l') . . . . . . . . . . . . . . . . .219
acuminé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1233 – observation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51, 53
ados . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245 amendement
adventice voir aussi mauvaise herbe . . . . 413, 543 – calcique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .623
– définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .663 – inorganique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .635
adventif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1233 – organique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .634
aérogénérateur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 769 amortissement économique . . . . . . . . . . . . . 370
Aeschynomene histrix (poiret) . . . . . . . . . . . . 1141 amphidiploïde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 570
Agave (sisal). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1181 anacardier (Anacardium occidentale) . . . . . . . 941
agent Anacardium occidentale (anacardier) . . . . . . . 941
– de développement . . . . . . . . . . . . . . . . . .393 analyse
– de vulgarisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .191
– économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1251
agouti voir aulacode – statistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .341, 524
agrégat du sol. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 454 – végétale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .603
agriculteur-expérimentateur. . . . . . . . . . . . . 529 – zootechnique . . . . . . . . . . . . . . . .1251, 1254
agriculture familiale voir exploitation agricole ananas (Ananas comosus) . . . . . . . . . . . . . . . . 945
agroforesterie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 636 Ananas comosus (ananas). . . . . . . . . . . . . . . . 945
agroforêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414 anaplasmose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1364
aide à la décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403 Andropogon gayanus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1142
ail (Allium sativum) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1026
Andropogon muricatus voir vétiver
albédo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434
albumen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 719, 1233 anémie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1445
Aleurites cordata (aleurites du Japon) . . . . . 1203 anémogame. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1233
Aleurites fordii (abrasin). . . . . . . . . . . . . . . . . 1203 anémophile voir anémogame
Aleurites moluccana (noyer de Bancoul) . . . 1203 animal
aliment concentré voir aussi – de trait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .751
sous-produit agroindustriel . . . 1294, 1403 – de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1448
– domestique . . . . . . . . . . . . . . . . . .1395, 1618
alimentation animale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1327 – espèce non conventionnelle (ENC) . . .1617
– monogastrique (porc et volaille) . . . . . . .1292
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1293, 1493 – sauvage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1618
– poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1589 anis étoilé (Illicium verum) . . . . . . . . . . . . . . . 1091
1665
Mémento de l’agronome
1666
Annexes
1667
Mémento de l’agronome
1668
Annexes
1671
Mémento de l’agronome
1672
Annexes
1673
Mémento de l’agronome
1675
Mémento de l’agronome
O parasitoïde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 687
oasis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421, 990 parc arboré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 418, 636
œuf (conservation) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1310 parcage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416, 421
offre et demande fourragère. . . . . . . . . . . . . 361 parcours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260
oie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1566 – alimentation (sur) . . . . . . . . . . . . .1344, 1398
oignon (Allium cepa) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1037 – amélioration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1130
oligo-élément. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 608, 620 – élevage (sur) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1268
voir aussi système pastoral et agrosylvopastoral
ombelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1235
– fourrage ligneux . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1400
ombrage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 545, 637, 1054 – gestion des . . . . . . . . . . . . . . . . . . .260, 1345
opération culturale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 594 – graminée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1399
OPR voir organisation paysanne parenchyme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1235
oranger (Citrus sinensis). . . . . . . . . . . . . . . . . . 932 partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Oreochromis voir aussi tilapia . . . . . . . . . . . . . . 1581 – définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .117
organisation paysanne. . . . . . . . . . . . . . 111, 167 Parthenium argentatum (guayule). . . . . . . . . . 1185
– crédit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .167 parthénocarpie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1235
– démarche de collaboration . . . . . . . . . .119 Paspalum scrobiculatum (millet indigène). . . . 826
– diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .119
• grille (pour le) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .120 pastoralisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260
– formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .131 patate douce (Ipomoea batatas) . . . . . . . . . . . 850
– partenariat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115, 116 patchouli (Pogostemon) . . . . . . . . . . . . . . . . . 1213
– programme d'appui . . . . . . . . .114, 118, 123 pâte de fruits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 744
– regroupement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .113 patrimoine héréditaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 1335
organisation professionnelle . . . . . . . . . . . . . . . 402 pâturage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213, 1135
organisation professionnelle agricole (OPA). . . . 190 – conduite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1282
organisme génétiquement modifié (OGM) . 570, 686 – fertilisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1282
organisme nuisible. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 687 – gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1282
orthotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1235 – périurbain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1286
Oryza glaberrima (riz) . . . . . . . . . . . . . . . . 423, 799
– pression (de) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1275
– zéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1136, 1276
Oryza sativa (riz) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 799
pâturage (ressource végétale) . . . . . . . . . . . 415
oseille de guinée voir roselle
Paullinia cupana (guanara). . . . . . . . . . . . . . . 1076
outil de travail du sol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
paysage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
ovaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1235 – coupe (de) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60
– diagramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60
P – lecture (du) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47
pacanier (Carya illinoinensis) . . . . . . . . . . . . . 1013 – sol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .448
paillage du sol. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673 – unité (de) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49, 53, 54
paillis voir mulch paysans-relais. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378, 399
palétuvier (Rhizophora mucronata). . . . . . . . . 1227 PDI (protéine digestible dans l'intestin) . 1329, 1406
palmeraie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554 pédicelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1235
palmier à huile (Elaeis guineensis) . . . . . . . . . 906 pédotubule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467
– huile de palmiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . .906 pejibaye voir palmier pêche
palmier à sucre (Borassus flabellifer) . . . . . . 1122 Pelargonium (géranium). . . . . . . . . . . . . . . . . 1208
palmier dattier (Phœnix dactylifera). . . . . . . . . 986 Pennisetum glaucum (mil). . . . . . . . . . . . . . . . . 793
palmier pêche (Guilielma gasipaes) . . . . . . . . 1014 performance
pamplemoussier (Citrus grandis) . . . . . . . . . . . 933 – bouchère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1438
panic (Echinochloa crus-galli) . . . . . . . . . . . . . . 827 – de reproduction . . . . . . . . . . . . . .1421, 1489
panicule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1235 – zootechnique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1252
Panicum maximum (herbe de Guinée). . . . . . 1146 péricarpe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 719, 1235
Panicum miliaceum (millet commun). . . . . . . . 826 périmètre irrigué. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
papayer (Carica papaya) . . . . . . . . . . . . . . . . . 994 – conception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .284
paramètre voir aussi performance – entretien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .280
– de reproduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1257 – gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .278
– zootechnique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1256 – impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .284
paramphistomose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1360 péripneumonie contagieuse . . . . . . . . . . . . 1371
parasite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 687 peroxyde d’azote. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1321
Persea americana (avocatier) . . . . . . . . . . . . . 952
1676
Annexes
1677
Mémento de l’agronome
1680
Annexes
1682
Annexe 4. Sommaire des cédéroms
Deux cédéroms complètent le livre. Le cédérom principal contient, en plus d’une version numé-
rique du livre, des diaporamas, des fiches techniques et textes complémentaires. Quant au
second cédérom, il est conçu comme une bibliothèque virtuelle et rassemble une série
d’ouvrages utiles.
LE CÉDÉROM PRINCIPAL
● Les diaporamas
Les diaporamas sont conçus pour être consultés à l’écran. Ils proposent environ 1 000 pages-écrans
de textes originaux, courts et largement illustrés.
Agriculture générale
> L’évolution des arbres d’un terroir. 40 années au village de Dolékaha, au nord de la Côte d’Ivoire.
> L’enclosure des terres. Exemple de l’Afrique de l’Ouest.
> Les arbres hors-forêt.
> Influence du karité sur les rendements agricoles.
> L’arbre dans les systèmes agricoles. Exemples de pratiques agroforestières.
> Quelques espèces agroforestières non africaines.
> L’interprétation de la solidité des agrégats.
> L’interprétation des traits pédologiques.
> L’interprétation des vides du sol.
1683
Mémento de l’agronome
Agriculture spéciale
> La production de matériel sain et conforme, une garantie pour les professionnels. Le cas des
agrumes.
> L’usinage du riz.
> Récolte et conditionnement des fruits.
Elevage
> Le lait, source de richesse. Enjeux techniques et socio-économiques de la valorisation du lait en
Afrique subsaharienne.
> L’aire d’abattage, un abattoir de petits ruminants à Obock (Djibouti).
> La filière viande bovine en Ethiopie. Abattage de quartier et abattage municipal à Bila.
> Nomades et dromadaires au Niger. C AMELAC, une laiterie pour le lait de chamelle.
> La filière lait dans le bassin de M’Barara en Ouganda. De la conduite des élevages à la collecte
du lait.
> Manipulation et contention des animaux.
> Gestion intégrée des ressources fourragères naturelles et de l’élevage bovin dans la savane gui-
néenne de basse altitude en Afrique.
> Lutte contre la tique Amblyomma variegatum par traitement ciblé à l’aide d’un pédiluve.
> La fièvre catarrhale du mouton (blue tongue). Deux années d’observation en Corse (2000-2001).
> Epidémiosurveillance de la peste bovine. Gestion des risques sanitaires et des systèmes d’alerte
en agriculture et élevage (continent africain).
> Santé animale : formation des acteurs du réseau d’épidémiosurveillance.
Zootechnie spéciale
> La contention des bovins : nœuds et cordage.
> Visites de porcheries : avantages, inconvénients.
> Maîtrise des pollutions d’élevage. Problèmes et solutions. Exemple de l’élevage porcin martini-
quais.
> La production de poulets différenciés en France. Marché, aspects organisationnels et réglemen-
taires.
1684
Annexes
Agriculture générale
> Changements climatiques et effet de serre : quelles contraintes pour les agricultures du Sud ?
> Réchauffement climatique : l’agriculture et la forêt contre l’effet de serre.
> Fiches sur les prairies tropicales humides. L’implantation et la gestion durable des prairies en
Guyane.
> Echanges entre agriculteurs-expérimentateurs : exemples en Amérique centrale.
> Expérimentation paysanne, expérimentation en milieu paysan et consolidation de l’organisation
paysanne : un exemple au Costa Rica.
> L’expérimentation paysanne au Guatemala.
> L’agroforesterie : concept, définition, avantages et inconvénients.
> L’agroforesterie : exemples de systèmes agroforestiers.
> L’agroforesterie : quelques espèces utiles africaines.
> L’agroforesterie : ressources bibliographiques générales et ressources électroniques.
> Quelques données sur la composition minérale et organique des sols et sur l’alimentation miné-
rale des plantes.
> L’évolution des équipements de semis direct en traction animale.
1685
Mémento de l’agronome
Agriculture spéciale
> Analyse de la filière riz à Madagascar.
> Le sorgho repiqué au Nord-Cameroun : dynamique paysanne et évolution du système de culture.
L’appui aux producteurs de sorgho muskuwaari, en accompagnement d’une dynamique paysanne.
> Paysans et chercheurs : un partenariat pour améliorer les riz inondés et pluviaux. Trois années
du projet ICAR-IRRI-CIRAD de sélection participative du riz en Inde de l’Est.
> Plantes fourragères : graminées herbacées, légumineuses herbacées, ligneuses, liste des
producteurs semenciers
Elevage
> L’élevage bovin laitier : la filière dans le bassin laitier de M’Barara en Ouganda. Application de la
démarche de diagnostic.
> Les principales espèces domestiques.
> La qualité des produits animaux (poisson et viande).
> La conservation par le froid du poisson et des produits de la mer : réfrigération et congélation.
> La conservation par le marinage du poisson et des produits de la mer.
> Les tests de qualité du lait.
> Le lait de vache.
> Les problèmes pratiques de rationnement.
> Lexique à propos des ressources pastorales et fourragères : des notions générales aux mots spé-
cialisés. Définition en français, traduction des mots en anglais.
> Quelques principes sur le logement des animaux.
> 15 fiches sur la traction animale en régions chaudes.
> L’épandage pour tirer parti de l’intérêt agronomique des matières organiques. Exemple de l’île de
la Réunion.
> Démarche d’évaluation et de conception d’un programme de complémentation de l’élevage tra-
ditionnel (bovin, ovin, caprin, équin).
> Quelques aliments et matières premières utilisés en alimentation des animaux dans les zones tro-
picales.
> La croissance des animaux d’élevage.
> Gestion des risques sanitaires et des systèmes d’alerte en agriculture et élevage.
Epidémiosurveillance de la peste bovine sur le contient africain.
> La fièvre catarrhale ovine (blue tongue). Le cas de l’infection en Corse.
> Méthodes d’acquisition de données techniques sur l’élevage du porc et sur l’utilisation de diffé-
rentes races en régions tropicales.
1686
Annexes
Zootechnie spéciale
> Races d’animaux d’élevage en Afrique intertropicale et méditerranéenne : les bovins ; les came-
lins ; les caprins ; les chevaux ; les porcs ; les volailles ; les ovins.
> Logement et matériel d’élevage en aviculture.
> Une étude de cas : l’élevage traditionnel de porcs au sud du Bénin (Afrique de l’Ouest).
> Etat corporel et production chez les bovins.
> L’élevage de grenouilles en milieu tropical.
> L’élevage du rongeur capybara en Amérique du Sud.
> L’exploitation des iguanes au Nicaragua et au Costa Rica.
> Le bulime, ou escargot terrestre de l’Ile des pins (Nouvelle Calédonie).
> Techniques de pisciculture : gestion technico-économique des étangs.
> Techniques de pisciculture : l’aménagement des étangs piscicoles.
> Les filières crevettes en régions chaudes.
1687
Mémento de l’agronome
1688
Annexes
Agriculture générale
> Paraquat, diuron et atrazine pour renouveler le désherbage chimique au Nord-Cameroun (CIRAD,
1996).
> Semis direct et désherbage chimique en zone cotonnière du Cameroun (CIRAD, 1996).
> La maîtrise de I’enherbement des cultures de céréales en Côte d’Ivoire (CIRAD, 1995).
> Utilisation des herbicides : contraintes et perspectives (C IRAD, 1995).
> La gestion de l’enherbement et l’emploi des herbicides dans les systèmes de culture en zone sou-
dano-sahélienne en Afrique de l’Ouest et du Centre (CIRAD-CA, GEC, AMATROP, 2000).
> Maîtrise de l’enherbement pour les cultures de Muskuwaari au Nord-Cameroun (CIRAD, 2000).
> L’enherbement des sols à Muskuwaari au Nord-Cameroun (CIRAD, 2000).
> Fiches (5) sur les ravageurs du bananier (INIBAP).
> Fiches (8) sur les maladies du bananier (INIBAP).
> Insectes nuisibles aux cultures vivrières d’Afrique, de Madagascar et des Mascareignes (CIRAD,
1985).
> Aspects techniques de protection des végétaux pour la garantie des échanges de matériel végé-
tal arachide (ICRISAT, CIRAD, ISRA, 2001).
> Evolution des sols sous irrigation (PSI/CORAF, 2000).
> Atelier de formation-échange. Dossier technique sur les normes de production, stockage, distri-
bution des semences d’arachide en milieu paysannal (GGP, 2001).
> La gestion d’une banque de semences (ICRISAT, CIRAD, ISRA, 1998).
> La motorisation dans les cultures tropicales (Ministère de la Coopération, CIRAD, ACTA, 1998).
> Système de culture à base de couverture végétale et semis direct en zones tropicales. Synthèse
bibliographique (CNEARC, 2002).
> Agroforesterie pratique à l’usage des agents de terrain en Afrique tropicale sèche (Ministère de
la Coopération, 1994).
> Guide d’aide à la décision en agroforesterie. Tome 2. Fiches techniques (GRET, CTA, Ministère de
la Coopération, 1995).
> Haies et bocages en milieu tropical d’altitude (GRET, Ministère des Affaires étrangères, 2002).
> Propriété sur le vivant et accès aux ressources génétiques : peut-on concilier éthique et effica-
cité économique (CIRAD, 2002).
> La sélection participative : impliquer les utilisateurs dans l’amélioration des plantes (CIRAD, 2001).
> Manuel d’agronomie tropicale appliquée à l’agriculture haïtienne (GRET, FAMV, 1990).
> Physiologie post-récolte (CIRAD).
> L’amélioration de la fumure organique en Afrique soudano-sahélienne, hors série (CIRAD, 1996).
> Pour une gestion raisonnée des résidus des cotonniers au Cameroun (CIRAD, 1996).
> Séminaire : Diversification des productions (PSI, 2000).
Agriculture spéciale
> Manuel du producteur de semences de maïs en milieu tropical (CIRAD, 1988).
> La production de semences d’arachide en Afrique de l’Ouest (CIRAD, 1997).
> L’oignon dans la vallée du Fleuve Sénégal (PSI/CORAF, 2000).
> La tomate industrielle au Sénégal. Performances de la production et enjeux pour la filière
(PSI/CORAF , 2000).
> Le photopériodisme des sorghos africains (CIRAD, 1996).
> Conduite des champs de riz pluvial chez les agriculteurs d’un village de République de Côte
d’Ivoire (région Ouest) (A GRIDOC, GRET, Ministère des Affaires étrangères, 2002).
1689
Mémento de l’agronome
Elevage
> Santé animale. 15 fiches techniques d’élevage tropical (CIRAD-EMVT, Ministère de la Coopération
et du Développement).
> Ressources alimentaires. 9 fiches techniques d’élevage tropical (CIRAD-EMVT, Ministère de la
Coopération et du Développement).
> Productions animales. 15 fiches techniques d’élevage tropical (CIRAD-EMVT, Ministère de la
Coopération et du Développement).
> Reconnaître la peste des petits ruminants. Manuel de terrain (FAO, 2000).
> Extrait du «Manuel vétérinaire des agents techniques de l’élevage tropical» (EMVT, 1971).
> Apport des systèmes d’information géographique pour l’étude de l’épidémiologie des trypanoso-
moses animales (CIRAD-EMVT).
> Étude économique de la production bovine villageoise dans une région du nord de la Côte d’lvoire
infestée par les glossines (CIRAD, 1994).
> Glossines et trypanosomes (CIRAD, 2001).
> La fièvre de la vallée du Rift (OMS, 1998).
> La pleuropneumonie contagieuse caprine (CIRAD).
> La résistance génétique à la dermatophilose bovine (CIRAD).
> Lutte contre les tsé-tsé (CIRAD, 1999).
> Maladies des ovins (CIRAD-AUPELF/UREF).
> La formation des auxiliaires d’élevage au Tchad : principes et application (AGRIDOC, 2002).
> Analyse économique des projets agricoles. Annexes. Projections concernant les troupeaux
(1985).
> Créer et gérer un point d’eau pour les troupeaux de son village (CIRAD, CTA, 2000) .
> Association agriculture et élevage en zone de savanes (Côte d’Ivoire, CIDT), 3ème partie : éléments
d’un référentiel technique (CIRAD-EMVT, I RAM, 1996).
> Compétitivité des productions animales en Afrique subsaharienne et à Madagascar. Extraits
(Ministère des Affaires étrangères, CIRAD, 2000 ).
> Agriculture africaine et traction animale (CIRAD, , 1996).
> Dossier : systèmes d’élevage (CIRAD, 1986).
> Relations agriculture-élevage (CIRAD, 1992).
1690
Annexes
Zootechnie spéciale
> Races porcines (FAO, 2002).
> Races porcines (A NSI, 2002).
> Guide d’élevage des volailles au Sénégal (CIRAD-EMVT, 1997).
> Etat corporel et rationnement de l’âne au travail (CIRAD).
> Engraissement du porc charcutier à base de bananes vertes (CIRAD, 2002).
> Etude sur les bâtiments d’élevage utilisés en production porcine en zone tropicale (CIRAD-EMVT,
1994).
> Complémentation des ovins en croissance sur des parcours pastoraux et agropastoraux
d’Afrique tropicale sèche (CIRAD-EMVT).
> Les animaux de trait au Nord-Cameroun : zébu, âne et cheval (CIRAD-EMVT, IRZV 1996).
> Traitements des effluents de porcherie en zone Caraïbe (BDPA, CIRAD-EMVT, F ERT-FERTILE, 1996).
> Zootechnie et bâtiments (B DPA, CIRAD-EMVT, FERT-FERTILE, 1996).
> La peste porcine à Madagascar : épizootie émergente ou maladie ancienne ? (CIRAD-EMVT, 1999).
1691
Réalisation technique du Mémento de l’agronome
Index
Chantale Mazzela-Second, C MS documentation – gestion de l’information, Montpellier, France.
mazzela@wanadoo.fr
Crédit photos
Couverture : marché indonésien, Alain Rival, CIRAD.
Intérieur : toutes les photos sont de Marie-Agnès Leplaideur, IciLàBas sauf :
p. 22, 407, 565 et 1125 : Pierre Barrot, IciLàBas ;
p. 199, 773, 1391, 1485 : Bertrand Wybrecht ;
p. 319, 1155 : Christian Castellanet, GRET ;
p. 1231 : Souleymane Ouattara, Jade Burkina.
Impression
Société Jouve, France, www.jouve.fr
Diffusion
Librairie du C IRAD, librairie@cirad.fr, www.cirad.fr
Librairie du G RET, librairie@gret.org, www.gret.org
ISBN
2-86844-129-7
2-87614-522-7
Copyright
Editions du GRET, Editions du C IRAD, Ministère français des Affaires étrangères.
Tous droits d’adaptation, de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
Cet ouvrage ne peut être reproduit, même partiellement et sous quelque forme que ce soit
(photocopie, décalque, duplicateur ou tout autre procédé) sans une autorisation écrite de l’éditeur.