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Initiation à la poétique

Objet du cours : Donner aux étudiants de première année, les bases théoriques de la
poétique, puis essayer de l’appliquer à un texte poétique.

I. La poétique : de l’étymologie à la théorie de la création littéraire

1.1 Aristote et la poétique

Aristote est le fondateur de la poétique. Le terme de poétique dérive du radical poiein


signifiant « faire, construire, composer ». Le poète (en grec poiètes) est donc avant tout
« celui qui fait, celui qui compose » et « la poésie (poièsis) l’art de la composition. 1».
Aristote s’attache à définir le fonctionnement de la littérature ainsi qu’à déterminer ses lois.
La notion de poétique équivaut aussi à l’étude des formes particulières de poésie dont le sens
dépasse l’entendement que nous en avons aujourd’hui.
Dans son traité, le philosophe n’avait pas pour objet de fonder une théorie, au sens
moderne du terme, « mais de proposer une méthode de création artistique. Le mot grec qui
traduit ici « méthode » est tekhnè, qui est défini dans sa métaphysique comme « une
connaissance que l’on dégage d’une série d’expériences » (…). Il s’agit donc de
synthétiser, par exemple sous la forme de règles de composition, les procédures que l’on
pense être opératoires pour constituer un ensemble quelconque d’objets 2».
Selon Michel Jarrety, l’œuvre d’Aristote a consisté en l’établissement de la cartographie de la
littérature de son temps. Il écrit :
« Aristote (…) étudie et cartographie si l’on veut la littérature de son temps, et s’il lui arrive
de formuler des règles que le poète doive respecter, sa démarche est moins normative
qu’analytique et descriptive 3».
On en déduit alors qu’à ses débuts, la poétique avait une visée descriptive et analytique.
Désormais, « pratiquer un genre, c’est connaître les règles » inhérentes à son essence.
Or, pour Aristote, l’une des règles de la poétique est que cette dernière doit être
fondamentalement régie par la mimèsis : la poétique est constituée de l’épopée, de la poésie
tragique, de la comédie et de l’art du dithyrambe. Mais qu’est-ce que la mimèsis ?
Aux dires de Jean-Michel Gouvard :
« (…) pour qu’il y ait mimèsis, il faut tout d’abord qu’il y ait représentation de la réalité, mais l’image de cette
réalité ne doit pas être simplement un calque ou un reflet à l’identique : il s’agit de composer des formes

1
Jean Michel Gouvard, L’Analyse de la poésie, Paris, PUF, 2001 (QSJ), p. 6.
2
Id. ibid., p. 9.
3
Michel Jarrety, La Poétique, Paris, PUF, 2003, p. 7.
1
« soignées » qui, tout en ressemblant à la réalité, s’en démarquent du fait même qu’elles résultent d’un travail de
compositeur 4».

La mimèsis apparait donc comme l’idéal vers lequel tout créateur d’épopée, de poésie
tragique, de comédie ou de dithyrambe devra tendre. L’essence de la poétique en dépend.
Désormais, la question relative aux genres fait partie intégrante des préoccupations
essentielles de la poétique5. La pratique d’un genre impose donc d’en connaître les règles
constitutives6.

1.2 La poétique : un concept au cœur de l’essence de la littérature


La poétique est une notion polysémique. Elle renvoie premièrement à toute théorie interne
de la littérature. Selon Tzvetan Todorov, la poétique se définit en ces termes :
« Le terme de « poétique », tel qu’il nous a été transmis par la tradition, désigne,
premièrement, toute théorie interne de la littérature. 7» Todorov précise sa pensée en ces
termes :
« La poétique ainsi entendue se propose d’élaborer des catégories qui permettent de saisir à la fois l’unité et
la variété de toutes les œuvres littéraires. L’œuvre individuelle sera l’illustration de ces catégories, elle aura un
statut d’exemple, non de terme ultime8 ».
Il ajoute :
« Cette option première définit l’ambition scientifique de la poétique : l’objet d’une science n’est pas le fait
particulier mais les lois qui permettent d’en rendre compte. (…) La première question à laquelle la poétique doit
fournir une réponse est : qu’est-ce que la littérature ?... En d’autres termes, elle doit essayer de ramener ce
phénomène sociologique qui a été appelé « littérature » à une entité interne et théorique (ou démontrer
l’absence d’une telle entité) ; ou encore, elle doit définir le discours littéraire par rapport aux autres types de
discours, se donnant ainsi un objet de connaissance, produit d’un travail théorique et, partant, décalé des
faits d’observation. La réponse à cette question sera à la fois point de départ et point d’arrivée : tout, dans le
travail du « poéticien », doit contribuer à son élucidation par définition jamais achevée. 9»
On s’attachera à déterminer les lois de composition interne de ce qu’on entend par le
concept de « littérature ». C’est-à-dire les lois qui président à l’identité de l’œuvre littéraire.
Une œuvre littéraire, qu’est-ce que c’est ? Quels sont ses constituants ? Quel inventaire peut-
on faire de ces constituants ? La réponse à ces questions permettra de spécifier ce qu’on
entend par le mot « littérature ». Et c’est la détermination de cette « substance littéraire » qui
renvoie à la notion de poétique. Cette conception rejoint l’idée première d’Aristote. Celui-ci
ayant dégagé les principes devant régir la « poétique », c’est-à-dire la composition d’une
œuvre obéissant à la mimèsis, définit globalement les lois qui permettent de cerner ce qu’on
entend par l’œuvre littéraire, c’est-à-dire la substance du « poétique ». En d’autres termes,

4
Id., ibid., p. 8.
5
Id., ibid., p. 58.
6
Id., ibid., p. 66.
7
Tzvetan Todorov et Oswald Ducrot, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, p. 106.
8
Id., ibid., p. 106.
9
Id., ibid., p. 106-107.
2
puisque Aristote présente les grandes articulations de ce que doivent être une épopée, une
poésie tragique, une comédie ou un dithyrambe, la poétique relèvera de ce point de vue d’une
réalité abstraite à laquelle s’identifieront concrètement toutes les productions jugées
« poétiques ». Exemple : il fut une époque où le roman se définissait comme un genre
caractérisé par des personnages évoluant dans des espaces et suivant un itinéraire. L’histoire
racontée, très linéaire et fruit de l’imagination, se devait d’entretenir avec la réalité des
rapports étroits : les personnages et les espaces devaient être décrits afin de leur donner une
épaisseur proche de la réalité et en vue de renforcer cette impression de réalité que doit
dégager le texte. Par la suite, le Nouveau roman n’a plus eu pour ambition de décrire le
personnage de cette manière, l’histoire n’est plus linéaire : on assiste à une déconstruction du
personnage, des lieux et de l’histoire racontée. Cependant, le Nouveau roman est considéré
comme faisant parti du genre romanesque parce que ses constituants élémentaires n’en ont pas
fait un autre genre. Ils sont demeurés en théorie dans le roman. Nous pouvons appliquer cet
exemple à la poésie, au théâtre, etc. Celui qui écrit une œuvre littéraire devra s’inscrire dans
cette perspective interne de la poétique, sinon de la littérature. Toutes les œuvres littéraires
produites n’épuisent pas l’essence de la poétique, c’est-à-dire qu’il faut adhérer aux lois qui
permettent de constituer l’identité, au plan théorique et pratique, de ce qu’on entend par le
terme de « littérature » ou de « poétique ». De ce point de vue, la poétique perçue comme
théorie interne de la littérature ne peut être achevée, ni épuisée. Elle est infinie. La poétique
apparaît de ce point de vue comme une nébuleuse.
Pour Zadi Zaourou cette dimension générale de la poétique ressortit à la beauté. La
poétique comme théorie interne de la littérature obéit à la recherche d’une beauté idéale :
« Pour tenir un discours plus scientifique, je dirai que la poétique comme donnée universelle répond à la question
« comment naît le beau poétique ? », « Avec quels moyens prend forme le langage au point de pouvoir créer le
Beau poétique ? »10 »

Il s’agit des lois qui président à la naissance de l’œuvre littéraire sinon du Beau. On pourra
alors recenser dans cette catégorie les lois de création d’une œuvre littéraire donnée, d’un
genre particulier. Ces lois relèvent du concret, de l’abstrait et de l’infini. Chaque genre donné,
chaque œuvre littéraire actualise certaines d’entre elles sans avoir la prétention de les épuiser.
Sous cet angle, la poétique répond aux questions suivantes : « quelles sont les lois qui
régissent le fait littéraire ? », « Qu’est-ce qu’un roman, un poème, une pièce théâtrale, un
conte ?... ». La détermination de l’identité de ces réalités, réalisées ou à venir, différencie ces

10
Kouadio Kobenan N’guettia, De l’expressivité au sens dans la poésie ivoirienne d’expression française. Thèse
unique de doctorat soutenue à l’université de Savoie, dir. Jean Derive, Chambéry, 2005. Dans cette thèse, Zadi a
accordé une interview à N’guettia dans laquelle ils ont débattu de la poétique, p. 377.
3
créations littéraires des autres créations non littéraires. Même la somme de toutes les
productions littéraires ne permet pas d’épuiser l’essence de la poétique (c’est-à-dire de la
littérarité). Celle-ci est une donnée asymptotique qu’on n’atteint jamais, même si les œuvres
réalisées permettent de l’approcher.
Au premier versant de la poétique, d’essence théorique, abstraite, et qui caractérise au plan
théorique l’œuvre littéraire à créer, fait suite l’autre versant, d’ordre concret. Il relève de
l’analyse, sinon de l’interprétation. Pour Tzvetan Todorov :
« Deux attitudes sont à distinguer dès l’abord. La première voit dans le texte littéraire lui-même un objet de
connaissance suffisant ; selon la seconde, chaque texte particulier est considéré comme la manifestation d’une
structure abstraite11 ».
Pour ce théoricien, la poétique déterminera sa voix à partir de deux extrêmes : le particulier
et le général. Le particulier étant la réalisation partielle d’un aspect du général. Cet aspect de
la poétique rend compte du fonctionnement de la littérarité. Les lois présidant à l’essence de
la littérature sont en acte dans une œuvre donnée. Elles ont une structure abstraite. L’analyse
se doit de les actualiser à partir de l’interprétation de l’œuvre littéraire.
Pour paraphraser Tzvetan Todorov, nous pouvons dire que la poétique est une approche
« abstraite » et « interne » de la littérature12, d’une part, et d’autre part, elle peut fournir des
instruments pour décrire le fonctionnement d’un texte littérature. 

II. La poétique : théorie d’interprétation de la littérature ?


Si nous tenons compte de ce qui caractérise le deuxième versant de la poétique, nous
pouvons convenir avec Tzvetan Todorov qui affirme que : « (…) le terme de poétique aura
fait entre-temps l’objet d’un renversement capital et sera passé du versant de l’écriture et de la
création à celui de la lecture et de l’interprétation 13».
2.1 Roman Jakobson, les formalistes russes et les structuralistes
En 1919, roman Jakobson définit les traits de la poétique : la littérarité. Todorov en rend
explicitement compte en ces termes :
« Instituant la poétique en discipline autonome dont la littérature en tant que telle est l’objet, on postule
l’autonomie de cet objet : si celle-ci n’était pas suffisante, elle ne permettrait pas d’établir la spécificité de la
poétique. Jakobson jetait en 1919 cette formule devenue célèbre : « l’objet de la science littéraire n’est pas la
littérature mais la littérarité, c’est-à-dire ce qui fait d’une œuvre donnée une œuvre littéraire. » Ce sont les
aspects spécifiquement littéraires de la littérature, ceux qu’elle est la seule à posséder, qui forment l’objet de la
poétique. L’autonomie de la poétique est suspendue à celle de la littérature14 ».
Pour Jakobson, il y a lieu de fonder une science de la littérature dont l’objet est l’étude des
traits pertinents qui accordent à l’œuvre littéraire son statut d’œuvre littéraire. En dégageant

11
Tzvetan Todorov, Qu’est-ce que le structuralisme ? 2. Poétique, p. 15.
12
Id., ibid., p. 19.
13
Michel Jarrety, Op. cit. p. 6.
14
Tzvetan Todorov, op., cit., p. 106.
4
dans une œuvre les traits pertinents de la littérarité, c’est rendre compte à partir du particulier
de l’essence d’une donnée générale et théorique : la littérarité.
Par ailleurs, les structuralistes proposent une autre approche de la poétique. Todorov est
très explicite :
« Deuxièmement [la poétique] s’applique au choix fait par un auteur parmi tous les
possibles (dans l’ordre de la thématique, de la composition, du style, etc.) littéraires : la
poétique de Hugo. 15».
Il ajoute :
« La poétique doit fournir, en second lieu, des instruments pour la description d’un texte littéraire : distinguer les
niveaux de sens, identifier les unités qui les constituent, décrire les relations auxquelles celles-ci participent. A
l’aide de ces catégories premières, on abordera l’étude de certaines configurations plus ou moins stables de
catégories, autrement dit l’étude des types, ou des genres (…) celle aussi des lois de succession, c’est-à-dire
l’histoire de la littérature 16».
Les structuralistes proposent une théorie du fonctionnement de l’œuvre littéraire. La
description et l’analyse de ce fonctionnement doivent aboutir à la proposition d’un sens. Il est
question ici de construire une intelligibilité de l’œuvre à partir de l’analyse de ses
constituants : on parlera alors d’étude immanente.
« Le but de cette étude n’est plus d’articuler une paraphrase, un résumé raisonné de l’œuvre concrète, mais de
proposer une théorie de la structure et du fonctionnement du discours littéraire, une théorie qui présente un
tableau des possibles littéraires, tel que les œuvres littéraires existantes apparaissent comme des cas particuliers
réalisés. L’œuvre se trouvera alors projetée sur autre chose qu’elle-même, comme dans le cas de la critique
psychologique ou sociologique ; cette autre chose ne sera plus cependant une structure hétérogène mais la
structure du discours littéraire lui-même. Le texte particulier ne sera qu’une instance qui permet de décrire les
propriétés de la littérature.17 »
Chez les structuralistes, les éléments constitutifs du discours littéraire dont procède la
poétique forment un système. Leur description doit aboutir à la détermination des lois de leur
fonctionnement. L’interdépendance de ceux-ci (éléments) est à la base du système dont ils
sont porteurs. Toute cette dynamique est régie par l’interprétation :
« L’interprétation précède et suit à la fois la poétique : les notions de celles-ci sont forgées suivant les nécessités
de l’analyse concrète, qui à son tour ne peut avancer qu’en utilisant les instruments élaborés par la doctrine.
Aucune des deux activités n’est première par rapport à l’autre : elles sont toutes deux « secondaires » »
Il est question d’analyser, à partir du matériau linguistique toute la dimension de l’œuvre
littéraire pour essayer de comprendre ses lois, celles pouvant permettre d’en saisir le
fonctionnement et la signification.
La poétique s’applique aussi à l’histoire littéraire. Selon Tynianov : « L’étude de la genèse
des phénomènes littéraires et l’étude de la variabilité littéraire, c’est-à-dire de l’évolution de la
série »18.
15
Tzvetan Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, op. cit, p. 106.
16
Id., ibid., p. 107.
17
Tzvetan Todorov, QQLP ?, p. 20.
18
Tzvetan Todorov et Oswald Ducrot, op. cit., p. 92.
5
La poétique aura pour tâche d’étudier comment un phénomène littéraire est né et
s’attachera à expliquer les liens de causalité existant entre plusieurs phénomènes. Exemple :
On pourra expliquer les conditions de naissance de la négro-renaissance américaine et ses
conséquences sur la négritude. En d’autres termes, on essaiera de montrer les principes ayant
présidé à la naissance de la négro-renaissance et comment la négritude prolonge et dépasse ce
mouvement ; tout ceci doit déboucher sur la construction d’un sens. Pour Henri Meschonnic,
la poétique inclut cette variabilité, la subjectivation et le sens.
2.3 Henri Meschonnic, le néo-structuralisme et la problématique de la forme-sens

Pour Henri Meschonnic, la poétique consiste en l’étude des œuvres littéraires. Elle vise
l’étude de la forme dans ses rapports avec le sens. La poétique est donc conscience de
langage :
« la poétique est essentiellement liée à la pratique de l’écriture. De même que cette pratique
est conscience du langage, la poétique est conscience de cette conscience »19
Pour lui, la poétique dans ses manifestations actuelles est supérieure à l’ancienne pensée
d’Aristote relative à la littérature parce qu’elle prend l’écrit au sérieux. De ce fait, elle
modifie et actualise l’écriture et le genre. Elle décrit les éléments du langage littéraire pour
essayer de rendre compte de leur fonctionnement, c’est-à-dire ce qu’ils apportent comme
valeur au niveau de la forme et du sens du texte.
Il fait des recommandations en ces termes :
« Le principe de travail qui de plus en plus se dégage des recherches, (…) est, partir de
l’œuvre tout entière comme système générateur de formes profondes, fermeture et
ouverture »20. « La poétique n’est donc pas enfermée dans une œuvre. Elle est la pensée des
formes dans une œuvres 21».
Pour Meschonnic, le style est l’œuvre même. Or, l’œuvre est un système. Le système est
constitué de l’interdépendance des éléments constitutifs de cette œuvre. Il faut alors analyser
ces éléments dans le but de dégager la valeur :
« dans le message littéraire, et non linguistique, le contenu notionnel (le message au sens
courant) ne peut se séparer de la valeur, significative du système -, on ne peut étudier le
message hors du système, ni le système sans son message (c’est l’erreur de ceux qui
définissent aujourd’hui la poésie au seul niveau syntagmatique). Tout cela pose le problème

19
Henri Meschonnic, Pour la poétique
20
Id., ibid., p. 20.
21
Op. cit.
6
du mode d’existence de la valeur dans le code (de l’œuvre dans, disons le « genre ») et de son
abord 22».

Conclusion
La poétique est une science complexe. Perçue dès les origines comme la science de la
création de l’œuvre littéraire, cette notion a conservé cette ambivalence, à savoir qu’elle est
l’ensemble des traits qui permettent de définir ce qu’est une œuvre littéraire, d’une part ; elle
est d’autre part la science qui interprète l’œuvre littéraire à partir du matériau de la langue
pour dégager, à partir des éléments actualisés par le texte, le fonctionnement particulier de ce
dernier. En d’autres termes, la description et l’interprétation des éléments constitutifs du texte
en vue de rendre compte de son fonctionnement permettent d’apprécier la valeur du texte,
donc sa dimension littéraire. Or, c’est cette dimension du « littéraire » qui renvoie à la
poétique.

III. Application

JOAL
Joal !
Je me rappelle.

Je me rappelle les signares à l’ombre verte des vérandas


Les signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève.

22
Id., ibid., p. 25.
7
Je me rappelle les fastes du Couchant
Où Koumba N’Dofène voulait tailler son manteau royal.

Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des troupeaux égorgés


Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots.

Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum Ergo


Et les processions et les palmes et les arcs de triomphe.
Je me rappelle la danse des filles nubiles
Les chœurs de lutte – oh ! la danse finale des jeunes hommes, buste
Penché élancé, et le pur cri d’amour – Kor Siga !

Je me rappelle, je me rappelle…
Ma tête rythmant
Quelle marche lasse le long des jours d’Europe où parfois
Apparaît un jazz orphelin qui sanglote sanglote sanglote.

Léopold Sédar Senghor, Chants d’ombre, in Œuvre poétique, Paris, Points, 2006.

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