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présenté par
Sarper HIRA
sous la direction de
Juin, 2014
Sommaire
Extrait…………………………………………………………………………………………i
Table des tableaux……………………………………………………………………………ii
1. Introduction……………………………………………………………………………….1
4. Conclusion ........................................................................................................................... 44
Bibliographie………………………………………………………………………………...46
Extrait
Abstract
Currently, the principal means of production capitalist system is urban space. As a good
which is commercialized, urban space is very precious for the capital and we are being talked
about the competition either between global cities in order to attract the capital, or between
social classes in the city. This process of competition for reproduction of urban space is
reflected in the cities like urban transformation. The cities are progressing and transforming
rapidly in this process; the periphery of cities are no longer sufficient for capitalists and under
cover of natural disaster risks, housing conditions and particularities of neighborhoods
introduced as danger for citizens, the residents of neighborhoods situated downtown are
expelled by force and this conduces to social inequalities and gentrification in the city.
Finally, we examine in this context urban rights of citizens.
Table des tableaux
Actuellement, Istanbul a une apparence d’un chantier géant. Il est très probable que nous
croisons à la construction des logements de luxe, des grandes stations de transport en
commun, des hôtels et des centres commerciales partout où nous visitons à Istanbul. Nous
pouvons multiplier les exemples mais ce dont nous devons être conscients, c’est que la ville
s’élargisse vers l’extérieur sans cesse. Non seulement spatialement, mais aussi
démographiquement, il s’agit d’une croissance énorme dans la ville. D’un côté, les nouvelles
zones résidentielles émergent à la périphérie ; d’un autre côté, dans le centre-ville les vieux
quartiers sont réhabilités par les projets de transformation. Par conséquent, rien ne reste
inchangé, ni le tissu urbain, ni les rapports sociaux. La ville se transforme de jour en jour avec
l’ensemble des acteurs qui en font partie. Par exemple, actuellement il y a environ 19 projets
de transformation urbaine seulement à Istanbul. Dans les quartiers situés au centre-ville
comme Sulukule, Derbent, Fener, Balat et Maltepe les logements existant sont démolis et
réhabilités. Quant à la périphérie de la ville, il s’agit de la construction des nouveaux
logements sociaux et des sites de luxe et protégés.
Les acteurs faisant partie de la ville, pour eux la ville est-elle seulement une entité dans
laquelle ils survivent, subviennent à leurs besoins ou bien un phénomène à reproduire et à
transformer selon leur désir ? Commençant par la mise en question du rôle du citadin dans le
fonctionnement urbain, ce travail vise en principe à mettre en cause les changements
économiques et sociaux réalisés dans la Turquie contemporaine et à mettre en lumière
comment ces changements se reflètent dans l’espace urbain en étant basé sur le cas d’Istanbul
en particulier. En plus, nous avons pour l’objectif de chercher quels types d’effets ont-elles la
transformation spatiale et la reproduction de l’espace sur la société et les relations entre les
différentes couches sociales. Nous allons parler aussi de la croissance de la ville suite aux
projets de transformation et à la mise en valeur des ressources urbaines par les acteurs internes
et externes d’une manière économique. Finalement nous essayerons de comprendre pourquoi
Istanbul est-elle tellement transformée par l’Etat.
Dans les dernières années, plusieurs études et recherches concernant la transformation urbaine
sont mis au jour par les chercheurs, les académiciens et les étudiants. Une certaine majorité de
ces travaux consistent à traiter le sujet en se concentrant sur les projets. A la différence de ce
type de travaux, comme méthode, nous allons d’abord aborder les théories de différents
courants et puis nous allons examiner le concept de « transformation urbaine » d’une manière
générale en associant les théories avec le cas d’Istanbul.
2. LA VILLE COMME UN PHENOMENE SOCIOLOGIQUE
La ville, dans l’expression la plus simple, peut être définie comme une unité d’hébergement
organisée composée de l'environnement naturel, de l’homme y résidant et ses activités
économiques et socio-culturelles. Selon l’historien français, Fernand Braudel, une ville
qu’elle soit grande ou petite, est non seulement la totale des maisons, des monuments ou des
rues qu’elle comprend ; non plus une centre d’économie, de commerce, ou d’industrie. En tant
que la projection des relations sociales, la ville nous apparait comme là où le réseau des
frontières qui distinguent ce qui est temporel de ce qui est divin, le travail de l’amusement, le
public du privé, les hommes des femmes et la famille de tout ce qui lui est étranger,
s’entrecoupe en soi et également comme une espace qui sert de base à ce réseau.1 Pour cette
raison, la ville fait l’objet des disciplines scientifiques comme la sociologie, l’architecture, la
géographie, la psychologie, l’anthropologie et l’économie. Autrement dit, la ville apparait
comme l’œuvre des hommes par opposition à la campagne qui se manifeste pour une bonne
part comme une donnée de la nature. La ville se présente ainsi, comme le reflet dans le temps
et dans l’espace des systèmes économiques, culturels et politiques.2 Néanmoins, en ce qui
concerne sa délimitation, la ville est difficile à définir avec précision et fait appel à des
critères démographiques, administratifs et économiques. La population semble l'indicateur le
plus commode pour définir une ville. Pourtant, le critère de la population urbaine agglomérée
est très variable selon les pays : il y a ville lorsqu'une agglomération dépasse 250 habitants au
Danemark, 2 000 en France, 11 000 en Égypte, 30 000 au Japon.3 Quant en Turquie, nous
verrons que la ville la plus populeuse dépasse 14 millions d'habitants alors qu’il y a des villes
de 75000 d’habitants. Alors, bien que la population reste un facteur considérable pour la
délimitation des villes, nous en avons besoin plus que les chiffres démographiques.
Quant à la notion de sociologie urbaine, il est possible de la définir comme une branche de la
sociologie qui tend à comprendre les rapports d'interaction et de transformation qui existent
entre les formes d'organisation de la société et les formes d'aménagement des villes.4 L’intérêt
1
Braudel, F. , Akdeniz: Mekân ve Tarih, (Çev: Necati Erkurt), Istanbul, Metis, 1990.
2
Laborde, P. , Les espaces urbains dans le monde, 2. éd. , Paris, Nathan, 2000.
3
Fijalkow Y. , Sociologie des villes, 4e éd., Paris, La Découverte « Repères », 2013.
4
Frey, P. J. , Prolégomènes à une histoire des concepts de morphologie sociale et de morphologie urbaine,
Montréal, 2003.
de la sociologie à la ville et à l’urbanisation commence par l’industrialisation et l’apparition
de la ville et de la société d’industrie.5
Les fondateurs de la sociologie considèrent les collectivités urbaines comme une dimension
d’analyse essentielle de leur discipline. Karl Marx, Max Weber, Georg Simmel ou Emile
Durkheim écrivent tous spécifiquement sur les villes d’alors, ou intègrent la ville et
l’urbanisation dans leurs analyses de la société industrielle en lui donnant une place centrale.
Dans le monde occidental, ils sont suivis dès le début du 20ème siècle par de nombreux auteurs
qui donnent corps à la sociologie urbaine. Commençant par l’Ecole de Chicago et héritée par
Manuel Castells, Henri Lefebvre etc. la sociologie urbaine est encore une tendance forte de la
sociologie contemporaine.
Qu’il s’agisse de Karl Marx, d’Emile Durkheim, de Max Weber ou encore de Georg Simmel,
tous ces pionniers de la sociologie voit dans la grande ville le lieu même de la modernité.
Pour Marx, la ville est l’espace où les luttes sociales peuvent conduire à la libération des plus
démunis ; elle permet de s’émanciper « de la stupidité de la vie rurale ». Pour Durkheim,
même si elle pose des problèmes d’intégration, la ville rassemble toutes les conditions pour le
déploiement de la densité morale, laquelle permet à l’individu de gagner en liberté et de
devenir une valeur de référence. Pour Weber, c’est en ville que le capitalisme a vu le jour,
parallèlement à la rationalisation du monde. Enfin, pour Simmel, la métropole moderne est le
théâtre de l’objectivation de la culture : le temps mesuré, les institutions et les règles y
deviennent si impersonnels qu’ils finissent par créer un nouveau type de « personnalité
urbaine ». Chacun à leur manière, ces auteurs fondamentaux de la discipline connait une
certaine postérité dans le champ de la sociologie urbaine. Donc, il faut bien détailler ces
premiers pas de la sociologie urbaine pour mieux comprendre les approches contemporaines
et la ville d’aujourd’hui.
5
Gordon Marshall, Sosyoloji Sözlüğü (çev. Osman Akınhay, Derya Kömürcü), Bilim ve Sanat Yayınları, Ankara,
1999.
2.1.1. L’approche socio-historique de Max Weber
Le propos de Weber est intéressant à plus d’un titre. Il présente la ville moderne médiévale
comme le lieu d’expression de la rationalité formelle corrélative de la création d’instruments
de mesure et de contrôle au service d’un traitement égalitaire mais impersonnel. Aussi la ville
permet au processus de rationalisation de se développer et à la domination légale rationnelle
(non plus traditionnelle et charismatique) de s’imposer : la ville médiévale est donc aussi le
lieu de naissance de l’Etat moderne selon Weber. Ce faisant, Weber nous montre qu’il est
possible de constituer des modèles de production sociale de l’espace urbain à partir du
système de relations et des objectif de ceux qui y concourent.
Jean Yves Authier a par exemple rendu visibles des « effets de quartier » à partir d’une
importante enquête par questionnaire concernant cinq quartiers situés en contexte urbain. En
fonction des possibilités relatives aux activités du temps libre, à la fréquentation des bars ou
des commerces, les habitants sont plus ou moins enclins à s’impliquer dans leur quartier.
Mais, plus encore, il semble que la composition sociale du lieu joue ici un rôle important. En
effet, l’investissement local des individus est pour partie déterminé par le profil des
populations qui vivent au sein du quartier et qui s’autorisent, pour certaines d’entre elles, à en
donner le ton. Pour l’auteur, le quartier est donc plus qu’un simple décor. Sa configuration ou
sa morphologie ont un impact sur le rapport que les individus entretiennent avec leur lieu de
vie.
Pierre Bourdieu reprend également à son compte les acquis de l’approche morphologique
lorsqu’il insiste dans La Misère du monde sur les « effets de lieu » en vue de souligner
l’importance des structures spatiales dans l’incorporation des distances sociales. La
« naturalisation » de ces dernières est d’autant plus forte qu’elles sont cristallisées au sein de
l’environnement physique. Dès lors, comprendre les habitus des individus, c’est aussi saisir
les processus de construction politique de l’espace débouchant sur une homogénéisation
sociale à base spatiale.
2.1.3. L’Ecole de Chicago
Petite bourgade de 5000 habitants en 1840, Chicago en compte plus de 1 million en 1890.
L’immigration y est massive et concerne des groupes d’origines culturelles fortes différentes
regroupées dans des quartiers si homogènes qu’ils finissent par former de véritables ghettos.
Cette ville en pleine expansion, regroupant de multiples ethnies et donnant l’impression d’un
grand désordre, devient logiquement l’objet d’analyse des sociologues qui y travaillent. Ceux-
ci produisent, entre 1915 et 1933 notamment, de nombreux travaux ethnographiques à partir
de méthodes aussi diverses que l’observation, l’entretien, l’analyse de récits
autobiographiques, de témoignages, de documents épistolaires. Les recherches réalisées à
l’Université de Chicago veulent s’approcher directement de l’expérience vécue par chacun
des groupes observés, dans le but de pouvoir penser le meilleur développement possible de la
ville. Les groupes sociaux qui ont le plus intéressé ces chercheurs furent les immigrants, les
jeunes et les délinquants.
L’École de Chicago découvre pour la première fois que l’organisation de la ville a des
conséquences directes sur l’organisation sociale et la vie de ses habitants. Les villes se
développent en strates concentriques, depuis le centre jusqu’aux quartiers périphériques. Au
centre, se trouvent les bureaux, les banques, les commerces importants. Un peu plus loin,
apparaissent les classes moyennes et plus loin encore, les classes les plus élevées. Entre ces
divers cercles, des interstices apparaissent qui sont en fait les quartiers défavorisés. Ce sont
des fractures dans la continuité du développement urbain et de la structure de l’organisation
sociale. Ce sont les ceintures de pauvreté : urbanisme détérioré, changements fréquents de
population, désorganisation ou inexistence de services publics, logements précaires.
Les apports de l’Ecole de Chicago à la sociologie urbaine doivent d’abord être compris en les
rapportant aux travaux de Simmel sur la grande métropole, nombre de chercheurs de cette
Ecole ayant en effet influencés par ce penseur allemand contemporain de Weber et de
Durkheim. D’une manière générale, Simmel montre les effets contradictoires de la grande
ville sur la personnalité des citadins. En produisant un élargissement de la vie personnelle, la
vie urbaine rend à la fois davantage libre et aliéné. Libre dans la mesure où le citadin se
trouve à l’intersection de nombreux cercles sociaux si bien qu’il échappe de plus en plus
individuelle, davantage secrète. Aliéné dans le sens où le citadin a peu d’emprise sur un
monde qui évolue et qui peut se passer de lui.6 La vie urbaine est donc à la fois plus
personnelle et impersonnelle. Simmel formalise cette tension structurelle à travers la figure
conceptuelle de l’étranger. Ce dernier tente effectivement d’importer des caractéristiques qui
lui sont propres dans un monde qui lui restera en tout état de cause extérieur.
Ces ambivalences de la vie urbaine sont reprises par Robert Ezra Park. Ex-journaliste et
militant antiraciste, il s’intéresse à la figure du marginal, celui-ci étant, comme l’étranger de
Simmel, à la fois socialisé et désocialisé : dans et hors de la société. L’homme « en marge »,
typiquement le migrant de deuxième génération, est celui qui vit une double appartenance. Un
type de marginaux retient plus particulièrement l’attention des sociologues urbains de
Chicago : le hobo. Ce dernier est un travailleur mobile, occasionnel, sans attaches sociales. Il
vit sans horizon sans précis. Le hobo est en transit et le reste à jamais comme si la mobilité
devenait son ultime raison d’être.
Cette figure de la vie urbaine est intéressante à étudier car elle révèle une forme de sociabilité
propre à la ville. Dans ce sens, il est possible de définir une personnalité spécifiquement
urbaine caractérisée par son opacité, la segmentation de son identité et sa capacité à jouer de
la distance et de la proximité dans ses relations. Louis Wirth prolonge cette réflexion et rédige
en 1938 un article resté célèbre sur le phénomène urbain comme mode de vie « éclaté ». La
multiplication des rôles, l’anonymat et la superficialité des contacts, entre autres,
représenteraient les invariants d’une mentalité typiquement urbaine et de la condition du
citadin.
Les travaux de l’Ecole de Chicago se distinguent également par leur recours à la métaphore
écologique développé notamment dans The City, ouvrage central signé en 1925 par Ernest
Burgess, Roderick Mckenzie et Robert Ezra Park aux Presses universitaires de Chicago. La
6
Boudes, P. , « Simmel et l’approche sociologique de l’environnement », Emulations, 2008.
ville de Chicago, qualifiée de « laboratoire social », y est analysée sous l’angle de la
répartition dans l’espace de communautés ethniques différentes. Le livre développe la
métaphore du milieu naturel, au sens écologique du terme, que les vagues successives de
migrants transforment pour mieux s’y adapter. L’écologie urbaine, à l’instar de l’écologie
animale théorisée par Darwin, consiste à penser les relations entre communautés en termes de
compétition, de dominance, de conflit ou de symbiose. Dès lors, il s’agit de dresser un
panorama des différentes « aires urbaines » qui structurent la morphologie de Chicago et qui
sont à l’origine de ce que les sociologues urbains de cette ville perçoivent comme un ordre
écologique. Penser la ville en ces termes revient à identifier les communautés urbaines
attachées à certaines modèles culturels ou moraux qui dans leur ensemble finissent par former
une constellation de zones urbaines. La ville peut ainsi être conceptualisée comme une
mosaïque de sous-communautés vivant dans des limites spatiales précises.
Dans son livre Le Ghetto, Wirth s’intéresse à l’une de ces aires urbaines : le quartier juif de
Chicago. Il insiste plus particulièrement sur la place occupée par différentes figures (le
marieur, le circonciseur) et institutions (la synagogue, entre autres) dans le maintien de la
cohésion sociale au sein de la communauté. Le quartier est si fortement structuré et replié sur
lui-même qu’il ressemble de près à ces quartiers fermés de l’époque médiévale : les ghettos
juifs des villes européennes. Cependant, le ghetto de Chicago, aux murs invisibles mais
pourtant bien réels sur un plan symbolique, est une aire de transition. Il n’est qu’une étape
dans le processus d’intégration à la société américaine. Les Juifs de deuxième génération
quittent en effet le quartier pour gagner des « aires de deuxième résidence » où ils seront en
contact direct avec le monde cosmopolite de la grande ville américaine. Wirth, dans le sillage
de Simmel, insiste alors sur le fait que ces Juifs déracinés se retrouvent entre deux mondes,
n’appartenant ni à l’un ni à l’autre. Quitter son aire culturelle d’origine n’est donc pas sans
risque. S’en émanciper, c’est éloigner de cette vie sociale rythmée par le marché et ses
marchandes qui vendent le poisson et les volailles pour le jour du Sabbat ; c’est se priver de
cette vie familiale intense et affective organisée autour de pratiques religieuses séculaires et
de discussions relatives aux écrits talmudiques. Le quartier représente un « état d’esprit », un
petit monde cohérent structuré par ses édifices, ses institutions et son code moral.
A partir d’une perspective plus large, Burgess propose un modèle écologique de structure
urbaine articulée autour de cinq zones concentriques. Au centre, le Central Business District,
dans lequel sont concentrés les commerces, les bureaux, les transports et la vie sociales et
civile. Autour de ce noyau central, nous trouvons la « zone de transition » occupée par les
nouveaux arrivants – les immigrés juifs observés par Wirth – équipée de quelques commerces
et marquée par la pauvreté et crime. Un troisième cercle concentrique est dominé, quant à lui,
par des travailleurs qui désirent sortir de cette deuxième zone de relégation tout en restant à
proximité de leur emploi. Il s’agit souvent de populations appartenant à la deuxième
génération d’immigrants. Les classes moyennes occupent la quatrième zone concentrique.
Au-delà, Burgess situe les « zones dortoirs », points d’arrivée et de départ des migrations
pendulaires. Ces zones ne sont pas pensées en termes statiques, des changements pouvant
intervenir au gré de l’évolution globale de la ville et des trajectoires individuelles. En
s’appuyant sur cette lecture dynamique de la ville, Isaac Joseph nous invite effectivement à
penser la ville en mouvement, en recomposition permanente. Ici, contrairement à l’approche
morphologique, le citadin est moins un résident « accroché » à un territoire qu’un passant.
Enfin, les sociologues de cette « tradition sociologique » définissent la ville comme un ordre
naturel. Par-là, ils veulent souligner que les différentes aires constitutives du tissu urbain ont
leur propre logique. L’ordre qu’elles déploient n’est pas le résultat d’un projet politique,
planificateur et unificateur. La complexité de la vie urbaine, ses réseaux relationnels et ses
multiples univers sociaux ne se réduisent pas à l’action d’un régulateur global. La ville ne se
fige pas dans un ordre institué, dans une morphologie héritée ; elle est en mouvement continu
et se compose de multiples processus d’interaction : c’est une mécanique sans mécanicien.
Les formes de la vie urbaine échappent donc en grande partie, selon cette perspective, à
l’emprise d’un ordre décisionnel ou d’un groupe hégémonique marquant de son empreinte
d’espace. La naturalisation des logiques urbaines revêt un enjeu important, dans la mesure où
elle est destinée à se dégager d’une vision politique et institutionnelle de la ville. Mais ce
refus de rechercher une causalité extérieure au donné urbain ne revient-il pas à occulter les
enjeux de pouvoir, les rapports sociaux conflictuels, les dispositifs de gestion des populations
et, plus largement, les processus sociohistoriques qui président, d’une manière ou d’une autre,
à l’évolution des villes ?
2.1.4. L’approche marxiste :
D’une manière générale, il est difficile de trouver chez Marx et Engels une approche
théorique qui traite la ville comme un objet de recherche ou qui l’analyse systématiquement.
Néanmoins, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, écrit par Engels à partir de ses
observations dans les villes de Salford et Manchester, est l’un des plus complètes études
même en comparaison avec les études contemporaines.
Marx s’intéresse carrément à la croissance extrêmement rapide des villes industrielles avec
l’industrialisation. Il défend le fait que l’industrialisation provoque l’immigration de la
population rurale aux villes et qu’avec les changements spatiaux et les nouvelles formes de
vie, le comportement humain se transforme aussi. Il s’agit donc de la formation de la culture
prolétaire. Selon Marx, les villes ne sont pas de raison des processus sociaux capitalistes ;
elles ne sont que l’espace où ces processus se réalisent. 7 Autrement dit, l’espace où les
processus de changements sociaux se manifestent.
Loin de penser la ville comme un ordre naturel, les tenants de l’approche marxiste la
définissent plutôt comme un simple lieu de réalisation des politiques étatiques. L’urbain leur
apparait comme un support passif de la reproduction du capital et de son pouvoir politique.
L’un des mérites de cette orientation théorique est de rendre visibles les logiques politiques et
institutionnelles qui tentent de structurer l’espace urbain. Là où les sociologues de Chicago
constatent des processus naturels, la sociologue urbaine d’inspiration marxiste y voit un ordre
social imposé par l’Etat.
Dès lors, l’urbanisme est considéré dans cette perspective comme un acte politique
reproduisant, à travers ses choix imposés d’en haut, les divisions sociales. La rationalité
urbanistique est d’autant plus dénoncée et critiquée qu’elle est jugée coupable d’avoir
défiguré la ville et confondu urbanité et fonctionnalité. Cette approche prend donc
logiquement le contre-pied de l’urbanisme opérationnel. C’est notamment Henri Lefebvre qui
a le plus insisté sur cette dimension en dénonçant l’annihilation de la sociabilité urbaine par le
découpage technocratique de la ville.
En bref, chez Marx il ne s’agit pas d’une analyse urbaine théorisée et systématisée.
Cependant, même si Marx analyse la notion d’urbain avec une approche d’économie
7
Urry, J. , Mekânları Tüketmek, Ayrıntı, Istanbul, 1999.
politique, ses idées inspirent bien les sociologues urbains et l’apparition d’une approche
marxiste dans sociologie urbaine.8
Au milieu des années soixante, la théorie urbaine critique dont Henri Lefebvre, Manuel
Castells et David Harvey se mettent à l’avant-garde, conceptualise l’évolution urbaine et ses
étapes avec une perspective critique. Cette approche critique en premier lieu l’idéologie
d’universalité de l’urbanisation. Au centre de cette critique, il se trouve l’Ecole de Chicago
qui ignore que l’urbain est fondée par la production capitaliste et sociale ; et encore qui essaye
de décrire l’espace urbain par le moyen de l’analogie biologique.
Dès lors, il s’agit de l’influence et de la domination des théoriciens marxistes qui mettent en
avant que c’est fondamentalement les relations de pouvoir, les facteurs économiques et les
modes de production qui forment l’espace urbain. Malgré la contribution considérable de
Friedrich Engels, l’analyse systématique de l’espace aux termes de marxisme se lance dans le
vrai sens avec ces penseurs contemporains. A cette époque-là, Lefebvre, Castells et Harvey
contribuent avec leurs propres études urbaines à la théorie marxiste urbaine et l’analyse de
l’espace.
8
Preteceille E. , Briquet J-L. , Les marxistes et la question urbaine. In: Politix. Vol. 2, N°7-8. Octobre-décembre
1989. pp. 24-29.
2.2. Les approches contemporaines
Henri Lefebvre, sociologue français, est l’un des premiers ceux qui font « espace » l’objet de
l’analyse sociale, de la philosophie marxiste et de la politique gauche. Analysant et théorisant
l’espace et l’urbain, il contribue à la sociologie urbaine en produisant de nouveaux concepts
comme « droit à la ville » et « révolution urbaine ».
Chez Lefebvre, nous voyons l’espace comme une production sociale. Il accuse la planification
urbaine classique d’être idéologique puisqu’elle considère l’espace comme un objet d’étude
pur, apolitique, scientifique et innocent. Selon Lefebvre, l’espace n’est pas un objet
scientifique purifié de l’idéologie ni de la politique. Contrairement, il est toujours un objet
politique et idéologique. Ce qu’il faut faire attention chez la sociologie de Lefebvre, c’est que
les activités sociales, l’espace et l’interaction sont interdépendants et que l’espace est utilisée
pour l’interaction sociale mais c’est également l’interaction sociale qui produit l’espace.
Comme l’a souvent discuté Lefebvre, le capitalisme se rend durable en s’installant dans
l’espace et en la produisant.9 A ce propos, il faut selon lui comprendre le rôle actif des
relations de propriété dans la durabilité du système capitaliste et aussi confirmer la liaison
directe entre la vie quotidienne et la transformation radicale de l’espace. Ce qui importe, c’est
la façon de production de l’espace dans la société capitaliste et l’analyse des contradictions
apparaissant dans ce processus de production. Lefebvre prétend que les rapports de
production capitalistes et les contradictions entre les forces de production atteint une nouvelle
dimension dans l’espace urbaine. En ce sens, l’espace n’est plus géographique et passive, elle
gagne une fonctionnalité. D’après Lefebvre, le capitalisme se transforme d’une étape où les
biens sont produits dans l’espace, en un système dans lequel l’espace lui-même est produit
comme une ressource rare. Donc, la production capitaliste de l’espace est désormais une
commodité assurant l’acquisition de la plus-value et du profit. 10
Selon Lefebvre, l’urbain se définit par trois concepts interdépendants : l’espace, la vie
quotidienne et la reproduction des rapports sociaux capitalistes. En ce sens, la ville est
considérée comme un contexte spatial universel que les hommes reproduisent par la pratique
9
Lefebvre, H. , The Production of Space, Blackwell Publishing, United Kingdom, 1991.
10
Lefebvre, H. , Kentsel Devrim, Sel, Istanbul, 2013.
de leur vie quotidienne. Les rapports sociaux capitalistes sont reproduits au sein de
l’utilisation quotidienne de l’espace. Lefebvre dit que les capitalistes se débarrassent de crises
produites par le capitalisme lui-même en profitant de l’espace. Il met l’accent sur comment la
bourgeoisie a utilisé l’espace effectivement et comment ce dernier a assuré la continuation du
capitalisme. « Même si le capitalisme n’arrive pas à résoudre ses propres contradictions, il a
pu les alléger et donc dans moment passé depuis que Marx a écrit Le Capital il a subi une
certaine croissance. (Lefebvre, 1976, s. 21)
En plus, ce qui est important pour le capitalisme, ce n’est pas la valeur d’usage mais la valeur
d’usage abstraite ; c’est-à-dire la valeur d’échange. Le concept de « espace concret » est celui
sur lequel nous mettons notre vie quotidienne en pratique, nous subvenons à nos besoins et
celui ayant une valeur d’usage. Quant au concept de « espace abstrait », il ne considère pas
l’espace comme une parcelle physique mais comme un moyen dont il peut tirer bénéfice et
rente. La production historique de l’espace, son utilisation ou les valeurs sociales qu’il
représente n’importe rien tout seul. Ces derniers sont importants dans la mesure où elles
contribuent à la valeur d’échange de l’espace. D’une autre part, comme la découverte et
l’utilisation de l’espace par les capitalistes, les socialistes sont chargés aussi d’une tâche
similaire. Parce que la condition préalable de la fondation d’une société socialiste est que la
bataille se maintienne non seulement au champ de production mais aussi dans la reproduction.
Le Droit à la ville
Publié en 1968, Le droit à la ville est un écrit offensif, reprenant très certainement des cours
donnés aux universités de Strasbourg et de Nanterre ce qui explique en partie la vivacité du
style, moins analytique que celui des recherches sociologiques ou historiques. Dans son
avertissement, Lefebvre donne une autre raison de ce caractère offensif, le but de son livre
n’est pas seulement d’étudier et de critiquer l’idéologie et les pratiques urbanistiques, mais
aussi de faire entrer la problématique urbaine dans le champ politique en proposant des
éléments de stratégie urbaine alternative.
La revendication d’un droit à la ville pour obtenir un accès général aux ressources et services
urbains, n’est pas juridique, mais pointe la légitimité d’une économie politique constituante
11
Harvey. D, The Right to the City, New Left Review, 53, 2008, p.23-40.
susceptible de réunir de multiples acteurs urbains dans une forme de coopération durable. En
même temps, le droit à la ville convoque la vision d’un développement urbain alternatif, juste
et émancipateur. Les utopies urbaines ne se contentent pas d’esquisser une matrice pour un
meilleur développement pour mettre à l’épreuve les projets concrets qui sont en cours, tant sur
le plan économique d’une redistribution des richesses en faveur des groupes marginalisés ou
discriminés que culturel pour la reconnaissance des différences dans les modes de vie. Sa
dimension politique, enfin, vise une co-production du développement urbain par l’ensemble
des groupes qui partagent la ville.
Selon Lefebvre, changer la vie, c’est à la fois changer l’espace. Le changement des relations
socioculturelles est également une production spatiale nouvelle et libéralisée. Donc le concept
de « droit à la ville » est présenté par Lefebvre comme un paradigme radical qui fait face à la
restructuration politique et sociale émergeante au 20ème siècle.
Pour David Harvey, le droit à la ville est plutôt le droit de changer ce qui existe que le droit
d’y avoir l’accès. Harvey exprime cette différence comme le suivant : ‘ Si en réfléchissant et
en expérimentant, nous trouvons notre vie stressant, aliénant ou dérangeant et insatisfaisant,
nous avons le droit de recréer nous-même et de changer l’errements par la construction d’une
ville différente. Il faut attirer l’attention sur les points spatiale et sociale aussi de ce
changement.12 Ce changement vise d’une part à remplacer les dynamiques structurelles qui
produisent l’espace urbain et d’autre part doit se réaliser en provoquant les transformations
sociales.13
En plus, un autre objectif du droit à la ville, c’est de prendre le contrôle de l’espace de l’Etat
et du capital et de le transmettre aux citadins. De cette manière, il est possible de restructurer
les rapports de force qui servent de base à l’espace urbain. Pour cette raison, Lefebvre met
l’accent sur la capacité des individus de faire des manifestations collectives pour faire face à
l’ordre social, économique et politique produit par la classe dominante et dans ce contexte il
définit le droit à la ville comme un appel et une exigence.
12
Harvey, D. , The Right to the city, Scholar, R. (der) Divided Cities, Oxford University Press, Oxford, 2006, p.
83-103
13
Holm A. , Urbanisme néolibéral ou droit à la ville , Multitudes, 2010/4 n° 43, p. 86-91.
participation à toute activité, et le droit à l’appropriation qui est bien distinct du droit à la
propriété comme avoir le temps et l’espace en sa possession.
a) Le droit de participation est celui qui donne un rôle central aux citadins par l’Etat, le
capital ou une autre institution intéressée dans les processus de décision en ce qui
concerne la production de l‘espace urbain. Il faut que les citadins aient le droit de
parole dans la formation des espaces où ils vivent afin qu’ils déterminent les
conditions de leur propre vie quotidienne.
b) Le droit à l’appropriation est expliqué par Lefebvre comme l’utilisation complète de
l’espace urbain dans la vie quotidienne des citadins. En tant qu’avoir le temps et
l’espace en sa possession, le droit à l’appropriation est de vivre, de travailler, de jouer,
d’être représenté dans l’espace urbain et même le définir et occuper. En faisant
référence à la valeur d’usage et celle d’échange chez Marx, Purcell définit le droit à
l’appropriation comme augmenter la valeur d’usage même au-dessus de la valeur
d’échange et la maximiser.14
Les droits à l’œuvre et à l’appropriation sont pour le rôle actif des citadins dans l’usage et la
production de l’espace urbain et la détermination du futur de la ville par les citadins. Quant à
Don Mitchell, il explique les dimensions de participation et d’appropriation du droit à la ville
d’une manière suivante :
a) L’urbain est public : c’est là où les hommes font des échanges et l’interaction sociale.
Le caractère public demande l’hétérogénéité et l’espace urbain assure donc la base de
l’hétérogénéité en garantissant la diversité. Divers personnes ont divers projets pour
l’urbain et elles accèdent au droit de citoyenneté en parvenant à un accord sur la
formation de l’urbain. En tant qu’un œuvre, l’urbain est composé de différents projets
et permet ainsi les divers modes d’habitation de diverses personnes.
b) Le droit à la ville, ceci veut dire le droit d’user les espaces urbains, autrement dit le
droit d’habiter dans la ville. Pour assurer le droit à la ville, il faut en priorité donner
aux citadins le droit d’hébergement et le droit de possession. Le droit d’hébergement
et de possession sont différents de celui de propriété car le droit de propriété permet à
l’individu de couper l’accès des personnes indésirables. Donc, l’existence du droit
14
Purcell, M. , ‘’Citizenship and the Right to the Global City: Reimaging the Capitalist World Order’’,
International Journal of Urban and Regional Research: 27/3, 2003, p. 564-590.
d’avoir l’espace urbain en sa possession est très important dans le monde
contemporain où la majorité n’a pas de propriété. C’est un droit pour tous et ce n’est
pas exclusif. Donc, il faut bien distinguer le droit d’appropriation et le droit de
propriété.15
15
Mitchell, D. , The Right to the city: Social Injustice and the Fight for Public Spare, Guilford Press, New York,
2003.
Table 2. La comparaison entre « le droit à la ville » de Henri Lefebvre et les droits
urbains de l’homme dans les contrats
Selon cette comparaison, nous voyons que le droit à la ville contient des exigences plus
radicales. Cependant, il n’est pas assez clair concernant la réalisation de ces exigences.
Contrairement aux différences entre les deux, la suppression de l’injustice sociale est un point
commun. Avant tout, pour supprimer l’injustice sociale et la richesse inégale, il faut que le
droit à la ville soit institutionnalisé et même légalisé par les Etats.
2.2.2. David Harvey : L’urbain comme accumulation du capital
Le modèle d’urbanisation proposé par Harvey est basé sur les mouvements et les crises de
l’accumulation de capital. Au processus de l’accumulation de capital, la reproduction urbaine
qui assure la reproduction du travail, provoque les conflits sociaux. C’est un processus
commençant par attirer la population rurale en tant que travail sous payé aux régions
industrielles en développement. L’affluence de la classe ouvrière dans les villes devient un
conflit en raison des coûts de l’urbanisation. Au sein de ce conflit, les difficultés de subvenir
les besoins urbains comme hébergement de la classe ouvrière créent une autre source de
conflit. Dans ce processus-là, deux paramètres sont considérables. Le premier ; c’est la
concurrence au sein de la classe capitaliste. Notamment l’industrie de la construction occupe
une place importante dans cette concurrence. Dans les sociétés capitalistes, le processus de
l’accumulation de capital et l’urbanisation sont bien interdépendants vu que le capitalisme
désire intrinsèquement créer de la plus-value. Cette création de la plus-value se réalise par
prolonger les temps de travail ou par investir dans les moyens de production. Par contre, il en
résulte des fois par la suraccumulation et le déclin des taux de profit. Harvey indique que
comme solution à la crise de production, la classe ouvrière reproduit soi-même par les
investissements dans l’espace urbaine : les usines, les bureaux, les gratte-ciels, les logements
de luxe et les centres commerciales.
Harvey met en cause que dans le processus de production capitaliste, les entreprises
commencent à investir le capital dans l’espace urbain et les immobiliers au lieu de l’investir
dans les machines ou les matières premières. En ce sens, l’urbanisme est l’environnement
physique et social le plus important qui est produit comme un bien et qui détermine la valeur
de production et de consommation de l’espace urbain. Les investissements urbains
restructurent l’environnement de la ville. Le capital dépasse les crises en reconstruisant les
espaces urbains comme un moyen de rente et d’investissement. Par conséquent, grâce à la
direction du capital à l’urbain, le marché d’immobiliers se remonte et le capital échappe de la
crise.
En ce qui concerne les problèmes urbains, Harvey met l’accent sur le rôle de l’environnement
urbain au processus de circulation du capital et avec cette approche il essaye de comprendre la
contradiction urbaine. Selon lui, dans les villes contemporaines il s’agit de la reproduction
permanente de l’espace. L’espace reproduit représente un objectif idéologique dans la ville
moderne, reflète en partie l’idéologie en vigueur de la classe et les institutions dominantes en
société et il est formé également par ces dernières. En ce sens, l’urbanisme est encore dirigé
par les besoins du capitalisme industriel.
16
Mangeot P. et al., « Marx & the city » Entretien avec David Harvey, Vacarme, 2012/2 N° 59, p. 218-249.
logements luxueux et de bonne qualité de vie en apparence sont à côté des zones de
dépression. Comme le dit Harvey, ‘Le populisme de libre marché installe les classes
moyennes dans les centres commerciaux entourés et protégés mais quant aux classes pauvres
de la ville, elles sont éjectées au milieu d’une pauvreté postmoderne.
A ce point-là, selon Harvey, les politiques urbains ne sont que des applications
d’encouragement à consommer la vie urbaine. Quant au droit à la ville chez Harvey, il
consiste à protéger les intérêts des citadins et à les développer. Ce droit contient la définition
des activités urbaines, l’utilisation des logements habitables, des espaces verts et des autres
services. Les citadins ont le droit de connaitre leurs droits à la ville et de prendre la décision
concernant leurs droits.
3. LA TRANSFORMATION URBAINE OU LA GENTRIFICATION ? :
LE CAS D’ISTANBUL
17
Stébé J-M. , Marchal, H. , La sociologie urbaine, P.U.F. « Que sais-je ? », 2010 (2e éd.), p. 3-16.
besoin avant tout de définir le concept de « ville mondiale » et ses caractéristiques et puis
d’analyser cette ville en grande croissance.
Au processus de globalisation, sans doute, l’humanité subit un grand changement et les villes
semblent être le centre de transformation spatiale et mentale de ce processus. Actuellement, il
y a même des villes plus connu à l’échelle universelle que le pays dont elles font partie. Bien
plus, tout en étant un fait discutable, cela montre que dans le monde contemporain, l’Etat
nation est désormais une organisation insuffisante et que les villes semblent être les espaces
de direction du futur. Avec ce changement-là, dans la circulation de capital, de bien, de
service et d’information, les Etats nations perdent de plus en plus leur place et sont remplacés
par les villes. De nos jours, il s’agit des villes qui dirigent cette circulation comme Londres,
New York et Tokyo. Les décisions prises dans ces villes influence dans le vrai sens
l’économie mondial et la sphère politique.
Actuellement, il est possible de dire que ce ne soient pas les villes qui prennent leur puissance
de leur pays ; mais ce soient les pays qui prennent leur force de leurs villes. Les villes dont la
capacité de production est améliorée et qui a la possibilité de faire le commerce avec les
autres centres de production dans leur région, peuvent augmenter leur capacité de concurrence
et leur puissance économique. Nous pouvons citer parmi les facteurs qui renforcent
l’économie urbaine, restructuration économique globale, la décentralisation économique et
politique et la concurrence croissante entre les villes à l’échelle mondiale.
a) Les points de jonction pour les divers marchés et les activités de production
b) Les centres où le capital international s’est concentré
c) Les espaces de concentration des marchés économiques globales et des activités de
transport et de communication
d) Les centres principaux auxquels les flux migratoires internes et externes visent.18
Selon Saskia Sassen, sociologue néerlandaise qui est l’un des pionniers exprimant sur le
concept de « ville globale », la ville globale, en soi, n’aide pas à faire de l’économie nationale
18
SHORT, J. R. , Globalization And The City, Longman, Newyork, 1999.
un espace réparti.19 Elle absorbe une grande partie du dynamisme économique d'un pays. Le
monde semble être le suivant : deux ou trois villes deviennent dominantes et jouent un rôle
global majeur. Pour Sassen, l’Etat n’est pas une entité en déclin. Ce qui est en déclin c’est le
projet d’un Etat-Nation. Il est remplacé par la ville globale.
La ville globale et ses réseaux est un espace à la fois géographiquement centré, en ce qu’il est
partie intégrante de lieux stratégiques bien particuliers, et transterritorial parce qu’il met en
relation des sites géographiquement lointains mais intensément liés les uns aux autres. Si l’on
considère que les villes globales concentrent les secteurs dominants du capital global mais
aussi une partie grandissante de populations défavorisées – les immigrants, les femmes en
situation précaire, les « personnes de couleur » et, dans les mégapoles des pays en
développement, les habitants de bidonvilles – il devient évident que ces villes sont un lieu
stratégique pour toute une série de conflits et de contradictions. Il est dès lors possible
d’appréhender les villes comme un des sites de concentration du capital global et des groupes
défavorisés, même si l’on sait qu’une ville ne peut se réduire à une dynamique unique.
En outre, plusieurs grandes villes dans le monde se transforment de plus en plus selon les
besoins de l’économie néolibérale. Avec la dynamisation du capital à l’échelle mondiale en
tant que les industries de haute technologie, les nouveaux modes d’emploi, les événements
internationaux et le tourisme, plusieurs villes entrent en concurrence et à un processus de
restructuration afin d’attirer ce capital dynamique. Les villes d’une part mettent l’accent sur
les investissements d’infrastructure pour subvenir aux besoins de haute technologie du secteur
tertiaire ; d’une autre part, elles sont en concurrence de produire des espaces urbaines à
l’usage des gestionnaires travaillants au secteur tertiaire et d’autres travailleurs au salaire
élevé. Pour cette raison, les notions comme la ville entrepreneuse et la commercialisation de
la ville jouent désormais un rôle signifiant dans la détermination des stratégies de
l’administration urbaine. Alors, la transformation urbaine que l’on entend souvent apparait
comme une sorte d’intervention urbaine visant à vendre la ville comme une marchandise.
19
Godechot O. , « Financiarisation et fractures socio-spatiales », L'Année sociologique 2013/1 (Vol. 63).
construction des résidences luxueuse dans les régions déclarées zone de dépression, mais
aussi l’organisation des événements lucratifs comme des festivals, des biennales, des
compétitions de sport. Ces derniers sont considérés comme l’indicateur d’une ville globale,
attirante et prospère.20
De plus, nous assistons assez fréquemment à l’exclusion des citadins de leurs logements et
quartiers, ainsi que les propriétés privés sont saisi par l’expropriation. Alors qu’un côté de la
ville est développé selon les besoins des professionnels bien formés et des cadres supérieures,
l’autre côté de la ville abrite les segments exclue et marginalisée par le nouveau système
économique. Cette transformation produite au sein de la ville contribue à aggraver l’inégalité
spatiale et socio-économique et aussi à créer une société polarisée. Bien plus, cette
fragmentation spatiale provoque aussi le problème d’accéder aux possibilités et ressources
offertes par la ville. Il s’agit d’une injustice dont l’un côté est un groupe de revenu supérieur
qui a un rôle dans la formation de la ville et qui a accès illimité à toute possibilité de la ville ;
et l’autre côté comprenant les classes pauvres qui n’ont aucun rôle dans la transformation de
la ville et qui paye le prix fort de cette transformation en quittant leurs logements, en perdant
leurs lien sociaux et en étant exclus du centre-ville.
Aujourd’hui la septième ville que le plus de touristes étrangers visitent et dans laquelle le plus
de réunion et congrès internationales sont réalisés ; également la cinquième ville où vivent le
plus de milliardaires en dollars. De plus, selon les données du Ministère de l’Economie datés
de la fin de 2013, il y a 36950 entreprises à capitaux étrangers dont plus de la moitié
s’installent et investissent à Istanbul.21 Il est possible d’en citer plus ce que nous montre ces
statistiques est que Istanbul maintient son développement en voie de devenir une ville
mondiale et que dans la carte des villes mondiales, elle trouve sa place en tant qu’un centre
mondial d’attraction soit pour les gens soit pour le capital. 22 Comme l’a déclaré, le premier
ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan dans la cérémonie d'ouverture officielle de
‘Istanbul, Capitale européenne de la culture’ : ‘Avec les centres de congrès, les installations
sportives et les centres d’art contemporain que nous construisons, nous préparons cette belle
ville au futur, nous reconstruisons un avenir moderne sur le tissu historique. Nous maintenons
20
Sadri, S. Z. , Kentsel Dönüşüm ve Kentte İnsan Hakları, Bilgi Üniversitesi Yayınları, İstanbul, 2013, p. 1-16
21
T.C. Ekonomi Bakanlığı Uluslararası Doğrudan Yatırım Verileri Bülteni, Şubat 2014,
http://www.ekonomi.gov.tr/upload/504EF31B-950F-65AA-7B6F134096F65B6A/Nisan2014web.pdf
22
Adanalı, Y. A. , Neoliberal ütopya olarak mekânsız mekânlar: Soylulaştırılan İstiklal Caddesi ve ticarileştirilen
kent mekânları, Red Thread / Arşiv / Sayı 3, 2011.
également nos investissements afin de rendre Istanbul le centre économique et culturel du
monde.’.
L’intention de globaliser Istanbul en Turquie n’est pas un fait nouveau. Le grand changement
dans les villes de la Turquie commence par les décisions du 24 Janvier étant un tournant pour
le pays. Préparées par Turgut Özal nommé le sous-secrétaire de premier ministre par
Süleyman Demirel, elles visent fondamentalement à la transition du pays à l’économie de
libre marché et à l’intégration avec le capital international. Avec ce changement économique,
le rôle des investissements publics est diminué et remplacé par le secteur privé. De plus,
l’intervention de l’Etat au marché est bien supprimée. Donc, il est possible de considérer le 24
Janvier 1980 comme la date où le capitalisme fait son entrée en Turquie. L’influence du
capital étranger augmente surtout dans les années quatre-vingt-dix en Turquie par les
demandes de l’OCDE et de la Banque Mondiale. Le système capitaliste est un organisme
développant et survivant en profitant des acteurs qui y sont intégrés. Donc, le système a
besoin de plus d’acteurs pour le maintien de l’ordre. Pour cela, dans le rapport de la banque
mondiale en 1995, il est bien indiqué que la Turquie doit métropoliser un ou deux de ses villes
pour intégrer à l’économie mondiale. Il est nécessaire parce que les grandes villes ou disons
les métropoles sont désormais une source de travailleur pour le secteur tertiaire et bien plus
elles sont des espaces de marché dans lesquels la consommation peut être bien organisée.23 En
conséquence, il s’agit d’une transformation sociale, spatiale liée à la transition aux politiques
économiques néolibérales et comme indiqué au-dessus, l’espace urbain est là où ces
changements et leurs effets se manifestent le plus.
23
Azem, İ. , Ekümenopolis, 2011.
24
Erdoğan, Ö., 2009. Neoliberal Kent Politikaları ve Tarlabaşı’nda Kentsel
de rente urbains fait accélérer la restructuration néolibérale à Istanbul. Dans les années quatre-
vingt-dix, il s’agit d’une transition d’une période populiste concernant l’administration de
l’espace urbain, à une période néolibérale qui permet aux acteurs de marché capitaliste à
s’élargir dans les espaces complètement commercialisés. Dans cette période-là les projets qui
rend possible les interventions radicales aux caractères socio-économiques des villes. Ces
projets sont les mécanismes les plus efficaces pour la propagation du néolibéralisme à l’urbain
parce qu’ils changent les mécanismes de marché, les rapports de propriété et les mécanismes
de décision urbaine selon le fonctionnement du néolibéralisme.25
Au milieu du 19ème siècle, Istanbul est une ville chaotique, surpeuplée et mal dirigée dans
laquelle les systèmes d’égout et de transport y sont presque absents. Dans un siècle, avec les
grands boulevards, l’architecture moderne d’après-guerre et les pâtés de maison qui
remplacent le tissu traditionnel des rues, Istanbul se transforme en métropole et sa forme
urbaine change.
Même si dans les premières années de la nouvelle Turquie moderne, Istanbul est négligée
puisque Ankara est le capital de la République ; dans les années suivantes l’Etat change son
attitude et démarre la laïcisation et la modernisation d’Istanbul conformément à l’idéologie
officielle de l’Etat. Cette tache de moderniser la ville est donné à un architecte urbaniste
français, Henri Prost. Henri Prost explique son service et objectif pour Istanbul comme
« transformer une ancienne capitale où la transformation sociale ne se produit jamais, en ville
Yenileme, Yüksek Lisans Tezi, Yıldız Teknik Üniversitesi, Fen Bilimleri Enstitüsü, İstanbul.
25
Kuyucu, T. ve Ö. Ünsal., 2011.“Neoliberal Kent Rejimiyle Mücadele: Başıbüyük
ve Tarlabaşı’nda Kentsel Dönüşüm ve Direniş”, İstanbul Nereye? Küresel Kent,
Kültür, Avrupa, Metis Yayınları, İstanbul.
26
Gül, M. , Modern İstanbul’un Doğuşu: Bir Şehrin Dönüşümü ve Modernizasyonu, Sel, 2013.
où les conditions de vie sont changées ».27 Cependant, les difficultés économiques avant et
pendant la deuxième guerre mondiale ne permettent pas à la mise en œuvre de la majorité des
projets de Prost.
La deuxième période entre 1980 et 2000 est la période où les grandes villes entrent au champ
d’influence de l’économie de libre marché et celui de la globalisation. A partir de 1980, nous
assistons au déplacement de l’industrie aux petites villes comme Adapazarı et Kocaeli situant
à côté d’Istanbul et à l’émergence du secteur tertiaire au lieu de la production industrielle.28
De plus, jusqu’aux années quatre-vingt l’occupation de terrains publiques par les travailleurs
ne concerne ni l’Etat ni les classes qui possèdent le capital. Voire, cette situation est bien pour
l’employeur puisqu’il n’est pas responsable de l’hébergement des travailleurs et qu’il leur
paye moins. Donc, il y a une convenance entre l’industrialisation et l’occupation des terrains
par les taudis. Quant aux gouvernements ; ils ferment les yeux sur cette urbanisation
désordonnée de crainte de perdre de vote. Partout où se trouve un usine, est occupé par des
taudis. Dans les années soixante-dix, les régions de taudis comme Zeytinburnu, Haliç, İstinye,
Beykoz, Mecidiyeköy, Gültepe, Seyrantepe, Maltepe, Kartal, Tuzla, Pendik et Fikirtepe sont
27
BILSEL, C. , Les Transformations d’Istanbul”: Henri Prost’s planning of Istanbul (1936-1951), VOL: 8, NO:1,
100-116, 2011.
28
Osmay, S. , Ataöv, A. , Türkiye’de Kentsel Dönüşüme Yöntemsel Bir Yaklaşım, 2007.
aujourd’hui très importants quartiers d’Istanbul. Même certains font actuellement partie de la
transformation urbaine à Istanbul.
Dans la croissance et la transformation urbaine à Istanbul, il faut que nous parlions aussi de
deux ponts sur le Bosphore. En situant sur le détroit qui sépare l’Asie et l’Europe et en
couvrant à la fois les rives asiatiques et européennes du Bosphore, l’autoroute qui assure la
liaison entre les parties européennes et asiatiques de la ville ainsi qu'avec le reste du pays est
indispensable. Donc, le premier pont sur le Bosphore est construit en 1973. Comme une
conséquence naturelle, autour du pont les espaces verts sont occupés par les logements et sont
de plus en plus transformés en quartiers résidentiels. Avant la construction des ponts, Istanbul
est installée dans une bande de 30 kilomètres entre la mer noire et la mer de Marmara dont la
population est concentrée au tiers. Les deux tiers qui restent sont des ressources naturelles qui
nourrissent la ville. Néanmoins, avec le premier et le deuxième pont et les autoroutes qui leur
sont liés, les deux tiers de la bande est urbanisée. Les ponts, tous les deux ont grande
influence sur Istanbul d’une manière démographique et spatiale. Selon la planification
urbaine, si l’on construit une autoroute, elle y appel l’urbanisation. Par exemple, entre les
années 1985 – 1990 où le deuxième pont est construit, les deux quartiers où la population
augmente la plus à Istanbul sont Kağıthane et Ümraniye. Le point commun de ces deux
quartiers est que tous les deux se situent à côté de deux sorties du deuxième pont.
année / population en
milliers Kağıthane Ümraniye
1985 120996 143118
1990 269042 303434
2000 345239 605855
2007 418229 897260
Source : Azem, I., Ekümenopolis, 2011.
En plus, avec l’exclusion de l’industrie de la ville, comme indiqué par D. Harvey, dans le
processus de production capitaliste, les entreprises commencent à investir le capital dans
l’espace urbain et les immobiliers. Istanbul commence à subir ce processus. Les terrains
occupés par les travailleurs, les immigrés attirent l’intérêt du capital. Sous le nom de la
transformation urbaine, dans ces régions anciennes où s’installent les classes pauvres, il est
possible d’une transformation mais pas très fort. Nous pouvons observer et analyser mieux le
phénomène de transformation urbaine à Istanbul à partir du milieu des années 2000.
Quant en 2012, nous assistons à l’adoption d’une autre loi n°6306 nommée ‘La loi de
transformation des zones sous le risque de catastrophe naturelle’, connue plutôt comme la loi
de transformation urbaine.31 Depuis le tremblement de terre de 1999 dans lequel près de
17000 personnes sont mortes et plus de 300000 logements et lieux de travail subissent un
dommage. A Istanbul, il y a encore 600000 logements qui pourront être détruits dans un très
possible tremblement de terre selon les données de la Ministère de l’Environnement et de
l’Urbanisme. Par contre, dès l’entrée en vigueur de la loi de transformation urbaine en 2012,
25000 logements sont réhabilités à Istanbul. Si nous mettons en cause le contenu de la loi,
nous voyons qu’en principe la loi est très similaire à la loi datée de 2005 sauf le supplément
29
http://www.mevzuat.gov.tr/MevzuatMetin/1.5.5366.pdf
30
İngin, A. K. , İslam, T. , The Reordering of a Romany Neighborhood, 2011.
31
http://www.csb.gov.tr/gm/altyapi/index.php?Sayfa=sayfa&Tur=banner&Id=114
des catastrophes naturelles comme une raison de la transformation urbaine. Cependant, il
existe dans la société une opposition très forte contre la loi. Une certaine partie de la société y
est opposée en raison des points incompatibles avec la constitution et les droits de l’homme. Il
est possible de les aligner d’une manière suivante :
En bref, le point sur lequel l’opposition générale met l’accent est que le risque de catastrophe
naturelle est mis en avant comme un prétexte pour accélérer les projets de transformation
urbaine et pour les légitimer aux yeux des citadins. En plus, l’expulsion de force, la
gentrification à l’urbain, la violation de droit font l’objet de l’opposition sociale contre la
transformation urbaine. A ce point-là, en citant les deux de plusieurs cas de transformation
urbaine comme exemple, nous pouvons analyser et mettre en évidence les avantages et les
inconvénients pour les citadins et l’ensemble de la société.
32
Adanalı, Y. A. , Kentsel Dönüşüm ve Afet Yasası: Afet Bahane Reklam Şahane,
http://www.tr.boell.org/web/103-1537.html
3.2.1. Le cas de Sulukule
Sulukule est une aire de logement historique qui prend place dans la liste patrimoine mondiale
établie par le comité du patrimoine mondial de l'organisation des Nations unies pour
l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Même si la majorité des habitants de Sulukule
sont des familles rom, le quartier abrite aussi des familles d’autres origines ethniques. Jusqu’à
des années quatre-vingt-dix, la principale activité économique est « les maisons de
divertissement » ayant une texture culturelle propre. Les maisons de divertissement sont là où
les clients mangent et boivent un coup accompagné de la musique et la danse rom. Cependant,
dans les années quatre-vingt-dix, les habitants du quartier subissent un grand effondrement
économique à cause de la fermeture des maisons de divertissement par la police.33
Sulukule contient des structures soit formel soit informelle mais ce n’est pas une zone de
taudis. Une grande majorité des logements sont construits légalement et une partie des titres
de propriété sont hérités de l’époque de l’Empire Ottoman. Il est possible de citer trois
dimensions de la structure informelle à Sulukule et ils sont présentés par la municipalité
comme très grands problèmes. Ces trois dimensions sont la mode de vie des Roms, les
particularités économiques et spatiales du quartier. Bien plus, le projet de transformation est
lancé comme un moyen de réparation de cette informalité.
La mode de vie propre aux habitants de Sulukule est la première raison de la municipalité
pour déclarer le quartier la zone de réhabilitation. Dans le texte de la municipalité concernant
le projet de réhabilitation, « la culture des Roms » est présentée carrément comme un
problème. Selon la municipalité le quartier est une « zone occupée par les groupes à faible
revenu et culture » et le projet est nécessaire pour « empêcher le quartier d’être décomposé du
reste de la ville ». Ce type de déclarations montre que le tissu historique et social de Sulukule
est considéré par la municipalité et l’Etat comme un problème à réparer au lieu d’une richesse
culturel dont on peut profiter. Plus important encore, le texte en question parle de certains
groupes occupant le quartier : ‘locataires, squatters et groupes marginaux’. Selon la solidarité
de Sulukule fondée par les habitants pour une opposition organisée contre la transformation
du quartier, la catégorisation des locataires ayant une place importante dans le marché
immobilier avec les groupes marginaux est une grande faute. Les locataires qui habitent dans
la région depuis des décennies représentent environ la moitié de la population de Sulukule et
culturellement ils sont une partie importante du quartier. Une minorité des habitants habitent
33
İngin, A. K. , İslam, T. , p. 3
dans leur logement sans payer de loyer ou en payant le moindre possible puisqu’ils ont un
accord à long termes avec les propriétaires des logements où ils habitent. Cet accord est lancé
par la municipalité comme occupation des logements et les habitants pense que la
municipalité prend prétexte de cette situation.
‘’Sulukule a une apparence d’une zone résidentielle primitive, sans qualité, négligée et
dépourvue de l’électricité, de l’eau, du chauffage et des conditions de vie saines. ‘’
34
Yeşil kart: La carte verte est un titre donné par l’Etat aux citoyens ayant besoin de l’aide et qui n’ont pas
d’assurance sociale pour qu’ils profitent des services sanitaires gratuitement.
35
UNESCO 2008, Report on the joint World Heritage Centre/ICOMOS mission to the Historic Areas of Istanbul,
http://whc.unesco.org/en/list/356/documents
‘’Le quartier apparait comme une ville médiévale qui se composent des baraques délabrées et
des bâtiments minables.’’36
Cette langage montre bien que les particularités culturelles et spatiales de Sulukule sont prises
en considération comme primitives et démodées par les autorités locales.
Le projet offert aux habitants dont les logements sont démolis, deux options : acheter un
logement au sein du projet ou aliéner leur droit à la municipalité. S’ils veulent rester dans leur
quartier, en plus de montant d’expropriation, ils sont obligés aussi de payer environ 500 livres
par mois pour une durée de 15 ans. Par contre, au cas où ils ne peuvent pas payer le montant
de deux mois successifs, ils perdent leur droit ou le logement est saisi. Donc, les habitants qui
veulent rester dans le quartier sont obligés de s’endetter mais en comparaison avec leur
revenu, ce n’est pas possible pour la majorité d’acheter un logement dans ce nouveau quartier
qui leur est étranger. A propos, une troisième option est apparue pour les habitants. Les
spéculateurs commencent à acheter des logements et ils offrent aux habitants plus que la
municipalité. De cette manière, la majorité de 620 propriétaires vendent leur droit aux
spéculateurs et investisseurs.
36
http://www.fatih.bel.tr/icerik/1155/neslisah-ve-hatice-sultan-sulukule-mahalleleri-yenileme-projesi/
que les familles soutiennent leur vie 40 kilomètres loin de ces facilités et de leur lieu de
naissance. 337 familles obligés de s’installer dans les logements sociaux à Taşoluk rentrent
autour de leur vieux quartier. Il y en a seulement une famille qui habite toujours à Taşoluk.37
Dans le cas de Sulukule, nous observons l’expulsion d’une partie de la société de leur région
et le bouleversement de leur vie par la main de l’Etat. Comme précédemment indiqué, sous le
nom de transformation urbaine, les régions où les classes pauvres de la société sont
concentrées sont déclarées la zone de risque ou de dépression. Suite à l’expulsion des
habitants, de nouveaux logements de luxe, des hôtels et des centres de commerce sont
construits soit par l’Etat soit par les entreprises auxquels la ministère ou TOKI adjugent le
projet. En ce sens, nous assistons au projet de réhabilitation comme un reflet de la
reproduction de l’espace urbaine par le capital.
Tarlabaşı est un quartier situé au nord de Beyoğlu étant un centre touristique, commercial,
économique et culturel d’Istanbul. En ce qui concerne l’histoire de Tarlabaşı ; dans les années
soixante, l’un des choix de la population immigré du rural à Istanbul est Tarlabaşı puisqu’il y
a pas mal de logements vides et que les loyers ne sont pas chers.38
Dans les années soixante-dix, le renversement spatial et social commence dans la région étant
donné que les classes moyennes et supérieures déménagent de Beyoğlu avec le
développement économique dans les quartiers comme Beşiktaş, Şişli et Nişantaşı.39 De plus,
une autre raison du renversement est l’augmentation des petits ateliers et des manufactures à
Beyoğlu alors que le reste de la ville connait une croissance orientée à l’industrie. Dans ces
ateliers, ceux qui travaillent sont majoritairement les nouveaux immigrés de la région. Cela
provoque aussi le changement de la couche sociale à Beyoğlu et à Tarlabaşı qui en fait
37
Azem, İ. , Ekümenopolis, 2011.
38
Dinçer, İ. ve Enlil, Z. M. ,“Eski Kent Merkezinde Yeni Yoksullar: Tarlabaşı –
İstanbul,” Yoksulluk Kent Yoksulluğu ve Planlama konulu Dünya Şehircilik Günü 26.
Kolokyumu Yoksulluğu ve Planlama Bildiri Kitabı, TMMOB Yayınları, Ankara, 2002.
39
Osmay, S. , “1923’ten Bugüne Kent Merkezlerinin Dönüşümü”, 75 Yılda
Değişen Kent ve Mimarlık, Tarih Vakfı Yurt Yayınları, İstanbul, 1998.
partie.40 Dans la région qui perde son importance culturelle et économique, le renversement
socio-spatial est accéléré. En attendant, Tarlabaşı continue à être le refuge pour les immigrés.
Quant aux années quatre-vingt, les démarches radicaux visant à rendre Istanbul une ville
mondiale provoquent des grands changements à Beyoğlu et à Tarlabaşı. Les interventions
pour ranimer Beyoğlu entraine l’augmentation des divergences socio-économiques dans la
région. A ce point-là il faut citer le projet d’élargissement de l’avenue de Tarlabaşı qui
détermine la structure socio-spatiale actuelle de Tarlabaşı. Selon le plan de restauration de
Beyoğlu, pour l’élargissement de l’avenue de Tarlabaşı, 368 bâtiments dont 167 sont
exemples architecturaux de qualité sont démolis et le tissu historique de la région est
perturbé.41
De nos jours, Tarlabaşı est sans doute une zone de dépression. En particularité, avec les
politiques néolibérales réalisées après 1980, Beyoğlu est rendu à nouveau le centre de culture
et la vitrine de la ville ; au contraire, Tarlabaşı est arraché de Beyoğlu et laissé à abandon par
la municipalité et l’Etat.
40
Akın, O. , İstanbul Kentinin Değişim Öyküsü, Mimar.ist, Mimarlar Odası İstanbul
Büyükkent Şubesi Yayınları, İstanbul, No. 45, s. 46-59, 2012.
41
Ekinci, O. , İstanbul’u Sarsan On Yıl, Anahtar Yayınları, İstanbul, 1994.
42
Sakızlıoğlu, N. B., 2007. Impacts of Urban Renewal Policies: The Case of Tarlabasi-İstanbul,
Yüksek Lisans Tezi, Orta Doğu Technical University, The Graduate School of
Social Sciences, Ankara.
A Tarlabaşı, les données de 2006 nous montrent qu’il y a 36000 habitants dans le quartier.
Pourtant, puisqu’il y a beaucoup d’immigrés illégaux, on croit qu’il y en a encore plus. 43 Le
quartier est le domicile des immigrés depuis la vague d’immigration des années soixante. De
plus, s’installent aussi les citoyens immigrés des villes occidentales et les immigrés illégaux
venant des pays d’Afrique et du Moyen Orient. Selon les données de 2000, 51% de la
population s’installent dans le quartier avant les quatre-vingt-dix et ils sont connus comme
« vieux immigrés ». 27% viennent au quartier après les quatre-vingt-dix et ils sont appelés
« nouveaux immigrés ». Et 18% des habitants sont les immigrés illégaux, les travailleuses de
sexe et les personnes LGBT.44
La pauvreté est l’un des plus grands problèmes du quartier. Le taux de chômage est très élevé
et ceux qui travaillent n’ont pas un revenu suffisant. De plus, travailler dans les travaux
temporaires est assez répandu et l’une des raisons principales de la pauvreté dans le quartier.
La majorité des habitants du quartier travaillent aux niveaux inférieurs du secteur tertiaire et
sans assurance sociale. La principale raison est la proximité du quartier à Beyoğlu qui est le
centre du secteur du divertissement offrant des possibilités de travailler à bas salaires. En plus,
dans la région il existe des activités économiques comme l’épicerie, les balayeurs et les
marchands ambulants. En plus de l’immigration et de la pauvreté, un autre grand problème
dans le quartier est le taux élevé de criminalité. La criminalité apparait comme une
conséquence de la pauvreté.
Au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi n°5366 en 2005, Tarlabaşı est déclaré la zone de
réhabilitation en 2006. Le projet de réhabilitation de Tarlabaşı est basé sur cette loi. Selon la
loi, l’objectif du projet est de protéger le patrimoine culturel immobilier situé dans le quartier,
de prendre des mesures contre les catastrophes naturelles et de construire des logements, des
centres de commerce et les installations sociales. Donc le pouvoir local vise à transformer
Tarlabaşı en centre considérable de culture, de tourisme et d’art.45 52% du projet est réservé
aux logements, 12% aux centres de commerce, 17% au tourisme et 14% aux offices et
bureaux.
43
Sakızlıoğlu, N. B., 2007. Impacts of Urban Renewal Policies: The Case of Tarlabasi-İstanbul,
Yüksek Lisans Tezi, Orta Doğu Technical University, The Graduate School of
Social Sciences, Ankara.
44
Dinçer, İ. ve Enlil, Z. M.
45
Sakızlıoğlu, N. B.,
Etant un peu différent de la définition citée dans la loi, l’objectif du projet de Tarlabaşı est
exprimé comme l’arrêt du renversement avec la réhabilitation, la transformation du quartier
en zone vivable, saine, en toute sécurité, intégrée à la ville et finalement de créer un nouveau
centre de vie à Tarlabaşı.46
De plus, le consultant du projet, Prof. Dr. Murat Güvenç déclare dans la conférence nommée
‘La Réhabilitation et la Transformation à Tarlabaşı’ que c’est un projet de gentrification. Les
raisons de ce que Tarlabaşı est un quartier séduisant pour la gentrification sont qu’il est une
zone reculée dans la ville, qu’il contient pas mal de logements, qu’il se situe proche de
Taksim qu’il a un caractère multiculturel. En bref, il s’agit d’une transformation visant au
développement économique et à l’obtention de la plus-value de la rente en rendant la région
centre de culture et de tourisme mais sans prendre en considération les particularités sociales,
historiques et culturelles.
46
Erdoğan, Ö., 2009. Neoliberal Kent Politikaları ve Tarlabaşı’nda Kentsel
Yenileme, Yüksek Lisans Tezi, Yıldız Teknik Üniversitesi,
Fen Bilimleri Enstitüsü, İstanbul.
47
İslam, T., 2003. Galata’da Soylulaştırma: Soylulaştırıcıların Demografik ve
Kültürel Özellikleri Üzerine Bir Çalışma. TMMOB Şehir Plancıları Odası
Kentsel Dönüşüm Sempozyumu 11-13 Haziran 2003. İstanbul: YTÜ
Yayınları: 159-172.
4. CONCLUSION
En plus, les classes pauvres n’ont aucune place dans le processus de décision urbaine. Ils sont
expulsés de leur quartier et sont obligés de s’installer dans la périphérie. L’expulsion des
classes pauvres et le déplacement des classes supérieures dans leur vieux quartier augmente
les divergences sociaux entre les classes et provoque les conflits. De jour en jour, l’interaction
entre les couches sociales disparait et les projets de transformation urbaine ne consistent qu’à
entrainer la gentrification au sein de la ville. Comme le dit Marx, ‘L’urbain est le lieu de
l’exploitation ouvrière donnant ainsi naissance à une sociologie urbaine marxiste qui remet en
cause l’idéologie urbaine comme explication des inégalités sociales.’
Pourtant, dans cette époque présente où les citoyens ne peuvent pas garder leur droit de
propriété et le droit au logement, nous avons mettre en question aussi la possibilité d’avoir le
droit à la ville. Autrement dit, si le processus d’urbanisation est désormais l’un des moyens
principaux de la production de la plus-value, le droit à la ville est de fonder une direction
démocratique sur l’utilisation de cette plus-value. Le droit à la ville est, au-delà des libertés
personnelles comme avoir l’accès aux ressources de la ville, un droit de déterminer notre
futur et de changer nous-même en transformant l’urbain. Ce n’est pas un droit personnel mais
collectif. Néanmoins, ce droit de changer soi-même en changeant la ville appartient à une
petite partie élite de la société et il faut le regagner.
En particularité d’Istanbul, le seul objectif n’est pas la gentrification de la ville. Depuis des
années quatre-vingt, l’Etat n’arrête jamais d’investir à Istanbul pour que la ville devienne une
ville mondiale économiquement et culturellement. Est-ce qu’on peut planifier une ville
mondiale ? Bien sûr qu’on peut la planifier mais est-ce que c’est possible de la planifier en
l’arrachant de l’ensemble du pays. A ce point-là, nous croisons à un problème. Puisque les
investissements ne sont pas dispersés dans toutes les parties du pays, nous ne pouvons pas
empêcher l’immigration interne. Et ce n’est pas possible de planifier une Istanbul qui attirant
tellement d’immigrés, ni de résoudre les problèmes d’origine de la surpopulation.
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