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Johanna Chaumont 07/12/2010

Olivier Rigaud

Rapport : Doléances d'étudiants de


Lettres et Sciences Humaines
de niveau Master
à propos de leur horizon professionnel

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Notre démarche est avant tout un acte citoyen. Il s'agit d' une sorte de cahier de doléances

dans lequel nous souhaitons exprimer nos inquiétudes et nos craintes quant à notre avenir. Ce court

document se veut l’écho d’une frange de la jeunesse diplômée française arrivant sur un marché du

travail bien préoccupant et incertain. Je vous remercie d’avance de bien vouloir prêter l’oreille à une

situation inquiétante qui frappe de nombreux jeunes gens. Les étudiants titulaires du niveau Master

dans les facultés de Lettres et de Sciences Humaines s'inquiètent en raison de leur avenir

professionnel. En effet, beaucoup d'entre nous se retrouvent après l'obtention de leur diplôme à

cheval entre deux réformes ; celles-ci apportent une nouvelle dimension au sein de l'université par

rapport à l'orientation professionnelle avec pour but d'éviter le cumul des échecs dans ses cursus, et

cela dès la licence. Mais après plusieurs années de longues études, nous sommes confrontés à la

réduction du nombre de postes proposés aux concours de la fonction publique et aux perspectives

peu encourageantes de l'emploi dans le secteur privé.

Nous avons grandi avec deux chimères, véhiculées à la fois par l'Education Nationale et par

notre entourage : celle des diplômes, tout d'abord, qui seraient des sésames pour notre avenir et

celle, ensuite, du départ en retraite de la génération de « baby-boomer » qui nous libérerait le

marché de l'emploi. C'est en suivant de telles perspectives et en cherchant à nous réaliser

professionnellement que nous avons opté pour ces études. Lorsque l'on atteint le niveau Master en

Université, nous n'en sommes plus à nous demander ce que l'on veut faire, car nous faisons déjà ce

qui nous intéresse.

Se réorienter après un long cursus universitaire n'est pas un choix aisé, ni une chose facile.

Pourtant cela devient quasiment une obligation tant l'ouverture au marché du travail pour les

diplômés de Lettres et de Sciences Humaines est devenu extrêmement difficile. Les entreprises

françaises ne font pas confiance à ces diplômes, pourtant nous avons des compétences

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professionnelles à proposer, nous sommes des personnes très polyvalentes qui avons développé un

sens de la curiosité et de l'adaptation. Choses relativement bien comprises dans le monde anglo-

saxon et outre-Rhin, où l'accès au marché du travail n'est pas un problème pour les étudiants ayant

suivi des cursus comme le nôtre. En France, nous souffrons beaucoup de cette image de milieu

contestataire et doux-rêveur, qui ne représente en fait qu'une minorité d'agitateurs, loin de la réalité

d'étudiants motivés et travailleurs.

Ce que nous tentons d'exprimer ici ce sont nos craintes et nos peurs quant à notre avenir qui

se fait de plus en plus incertain. Bien que notre propos s'appuie essentiellement sur le témoignage et

le vécu des étudiants d'Histoire-Géographie, ces doléances peuvent également s'étendre aux autres

cursus de Lettres et Sciences Humaines qui n'en sont pas moins polyvalents.

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I - Vers les métiers de l'enseignement

Le cursus d'Histoire-Géographie a comme principal débouché les métiers de l'enseignement,

la « masterisation » indique clairement cette orientation « professionnalisante ». Seulement avec la

nouvelle réforme en cours, la formation des futurs enseignants est laissée aux bons soins de

l'Université. Sans nous permettre de juger le principe des réformes, ni leur contenu, elles nous

suggèrent néanmoins quelques remarques : Comme à chaque changement important, un lapse de

temps est nécessaire avant que la machine se mette en marche, ce qui de fait crée des difficultés

pour les personnes à la charnière entre l’ancien système et le nouveau ; ce qui est le cas de nombre

d’entre nous. De plus nous voyons s'accumuler toute une série de réformes qui semblent s'empiler

comme un mille-feuille. Cette impression n'est pas seulement perceptible dans l'enseignement ou le

milieu universitaire, mais paraît s'étendre à l'ensemble du secteur public à l'image des gouvernances

territoriales ; une accumulation de services dédoublés ayant les mêmes objectifs et drainant

d'importants budgets et personnels. Si l'on devait prendre une image symbolique, le système

français serait un peu comme sa personnification, Marianne, dont la chevelure couverte du bonnet

phrygien n'aurait pas vu l'ombre d'un peigne depuis des décennies. Imaginons un instant le résultat,

cela donnerait un paquet de noeuds que l'on tenterait de démêler mais à chaque fois on se

retrouverait avec encore plus de noeuds.

La « masterisation » s'applique logiquement pour les étudiants qui en sont au début de leur

cursus, mais pour ceux qui ont été formés dans l'ancien système, nous assistons à un cumul de

diplômes et de formations qui sont démodés avant même que l'étudiant devienne un actif ; ainsi,

nous possédons un Deug, qui n'a plus de valeur depuis le passage au système LMD et un Master

« Recherche » au moment où les exigences actuelles imposent un Master « Enseignement ». Les

universités doivent donc « bricoler » pour s'adapter à ces changements, comme pour les modalités

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d'inscriptions de la session 2010-2011 au Capes d'Histoire-Géographie : Les titulaires d'un Master

ne peuvent dorénavant plus s'inscrire en préparation Capes (comme cela était possible lorsque la

préparation s'effectuait dans le cadre des IUFM), Ces étudiants titulaires doivent alors s'inscrire en

préparation Agrégation, pour avoir une inscription administrative, donc une couverture sociale, et

pour pouvoir suivre les cours de Master préparant au Capes. D'autre part, l'application de la réforme

actuelle, fixant à Bac + 5 le niveau pour enseigner, a mis sur le côté des titulaires de Licences

travaillant déjà comme vacataires. Puisqu'ils ne sont pas à niveau, ils doivent ainsi reprendre leurs

études, un choix qui peut s'avèrer difficile financièrement.

Les enseignements universitaires en Histoire-Géographie ne sont pas non plus adaptés à la

« professionnalisation », certains éléments du programme ne sont pas abordés durant tout le cursus,

à l'image de l'empire des « Han » en Chine, de la dynastie des « Gupta » en Indes ou encore des

empires africains précédents la période coloniale. Pourtant ces enseignements sont obligatoires dans

les programmes du secondaire. Durant notre formation aux concours, il nous est spécifié qu'un

enseignant ne doit pas consacré plus de quatre heures à la préparation d'une heure de cours, mais

lorsque nous somme totalement ignorant sur un sujet, l'acquisition des bases ne peut se faire

qu'après l'étude d'au moins un manuel, qui dépasse très largement ce temps de préparation.

L'aspect intellectuel de la formation d'enseignant n'est qu'une partie des compétences qu'il

doit développer, d'autant que depuis une vingtaine d'années le problème récurrent rencontré dans ce

métier est le problème de la discipline des élèves et de l'autorité de l'enseignant face à des classes de

plus en plus difficiles, tout milieu social confondu. Les professeurs réclament des « moyens

supplémentaires », un terme qui est souvent interprété par les différents interlocuteurs comme un

chèque de plus versé au budget. Ces « moyens » ne sont-ils pas d'ordre humain? A savoir le moyen

de redonner de l'autorité à l'enseignant. Dans ce cas, il s'agit d'un lourd combat à mener dans une

société où l'individualisme ambiant rechigne à la moindre autorité. Ce métier semble avoir perdu de

sa splendeur, l'enseignant n'est plus perçu comme une autorité morale fédératrice mais comme un

« poilu » de 1916 qu'on lance à l'assaut d'un nid de mitrailleuse. L'enseignant est pris dans un stress

multiscalaire, écrasé entre le marteau et l'enclume ; il est broyé à la fois, par une hiérarchie

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soucieuse de faire de meilleurs résultats en faisant le moins de vagues possible. Il se retrouve

ensuite concassé par des parents d'élèves très exigeants qui reportent leur propre ego sur des enfants

qu'ils ont couvés comme des rois. Il se retrouve, enfin, achevé par des élèves à l'égocentrisme

exacerbé, victimes de leurs différents familiaux ou clients d'un consumérisme superficiel, les

rendant allergiques à toutes critiques ou à tous sens des responsabilités. « Agir en fonctionnaire

éthique et responsable », selon l'intitulé de la nouvelle question du Capes, ne peut pas être possible

sans le soutien tacite des différents acteurs du milieu éducatif. L'enseignant devient alors la cible de

tous ces conflits d'intérêts auquel il n'est nullement préparé. Cet aspect « chair » à canon est,

probablement, l'un des principaux facteurs de la démotivation des enseignants et des candidats aux

métiers de l'enseignement. D'autre part, le sentiment d'abandon du jeune enseignant stagiaire

nouvelle formule, qui devait bénéficier d'un soutien tutoriel dès la rentrée 2010-2011, pris dans le

blocage administratif habituel entre la réforme qui le lâche sur le terrain quasi sans expérience et ses

collègues vétérans le laissant de côté au nom de la contestation à la dite réforme1.

La « masterisation » semble également laisser de côté, un autre aspect professionnalisant,

celui des Masters « Recherches » dont nous sommes tous titulaires. Ceux-ci avaient la vertu d'être

très formateur, comme le constate un étudiant issus d'un cursus professionnel ; le Master

« Recherche » lui a permis d'améliorer son aisance à l'écrit tout en développant sa curiosité ; des

compétences qui lui sont grandement utiles dans la préparation des concours. Son parcours

professionnel atypique, lui confère également une expérience qu'il pourra sans doute partager avec

certains de ses élèves dont l'avenir paraît assombri par des résultats scolaires chaotiques. Les

qualités de l'étudiant en master lui confèrent des points forts qui pourraient séduire des recruteurs

sur le marché du travail : un esprit d'analyse et de synthèse, une bonne compréhensions des

données, informations et problématiques, une autonomie intellectuelle, une méthodologie efficace,

un esprit critique, une bonne expression écrite et orale de la polyvalence, etc. Tout un bagage

intellectuel qui fait l’atout majeur des formations du cursus Lettres et Science Humaines, mais qui

1 « Je n'ai pas la moindre idée de la réalité d'une classe » Le Monde.fr du 02/09/2010. Recueil de témoignage de
jeunes enseignants.

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est malheureusement trop peu mis en valeur est reconnu. L'adaptabilité étant peut-être la plus

importante des compétences car l'étudiant en Histoire-Géographie à l'habitude de s'intéresser à de

nombreux domaines, à la fois politiques, culturels et économiques. En bref, il cumule toutes les

qualités du chercheur avec des compétences modulables.

II – Vers la voie de la recherche.

La tendance actuelle est censée rapprocher les entreprises de l'université et des laboratoires

de recherches, en cela certaines filières universitaires sont plus favorisées que d'autres. Dans le

cadre d'une économie de marché basée sur la libre concurrence, les entreprises ont besoin d'être à la

pointe de la recherche. L'autonomie des universités dont il était question avec la loi LRU va dans

cet objectif, ce qui est très respectable, néanmoins, les facultés de Lettres et de Sciences humaines

ne possèdent pas cet aspect stratégique, les notions de connaissances de l'Homme, de sa culture où

de son identité paraissent à mille lieux des intérêts économiques. Et pourtant, à l'heure de la

globalisation, les stratégies économiques poussent les entreprises à adopter une vision

internationale, à ouvrir des filiales dans de nombreux pays. Cette globalisation aurait tendance à

uniformiser les différents acteurs et les intégrer dans un même costard sans prendre en compte les

différences culturelles de ces pays. Est-ce qu'une entreprise peut s'exporter n'importe où sans avoir

pris connaissance du terrain? En ce moment les entreprises françaises convoitent d'importants

marchés en Irak, or la population de ce pays est en proie à des tensions multiethniques qui

favorisent un sentiment identitaire exacerbé. Méconnaître ces facteurs serait dangereux pour toute

entreprise commerciale. Au travers de cet exemple, l'Université française pourrait intervenir comme

consultante auprès de ces firmes transnationales. Les facultés créditées du sérieux de leurs équipes

de recherches, deviendraient des prestataires intégrées au monde de l'entreprise, favorisant ainsi des

débouchés pour des étudiants dont l'avenir n'est destiné qu'aux métiers de l'enseignement. Bien

entendu, toutes les universités ne peuvent avoir un rayonnement suffisant pour se faire ainsi

connaître, mais dans le cadre de l'autonomie des Universités, chacune aurait la responsabilité de se

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spécialiser dans des domaines spécifiques susceptibles d'intéresser les entreprises. Cela

revaloriserait l'image des Lettres et Sciences Humaines, à la fois auprès des entreprises, mais aussi

du public. En effet, l'idée (très fortement répandue) selon laquelle les étudiants de ces filières ne

savent rien faire et sont inutiles est inadmissible et totalement infondée. Il faut absolument faire

changer ces préjugés.

Cette coopération existe peut-être déjà, mais l'image de marque de l'Université n'est pas la

même partout. En effet, il y a concurrence interne au sein de l'Université française. Un étudiant

sortant d'une « grande école » aura plus de facilités à s'insérer sur le marché du travail qu'un

étudiant sortant de la faculté. En effet, la faculté est le parent pauvre du « supérieur ». Il y a donc

une concurrence déloyale des « grandes écoles » à l'encontre de la faculté. Ces dernières, même si

elles forment de très bons étudiants et là n'est pas la question, possèdent surtout des moyens

supérieurs à l'université et bénéficient d'une image hautement valorisée. Sans compter qu'un certain

corporatisme entretient cette image. Pour faire simple : les étudiants sortant d'une grande école sont

considérés comme une élite, alors que ceux de la faculté sont perçus comme des bons à rien. La

caricature est facile, mais la réalité n'est pas si éloignée, tout du moins dans l'esprit de nombreux

employeurs. Il y a donc une université à deux vitesses : une garantissant des débouchés et l'autre un

ticket pour la précarité.

III - Les orientations alternatives

Pour l'heure, les étudiants en fin de cursus universitaire semblent n'avoir d'autres alternatives

que les concours. Si l'on tient compte des chiffres de la session 2009-2010, des 5 000 candidats

inscrits, 3 500 se présentèrent aux épreuves écrits, 1472 furent admissibles et 620 ont obtenus leur

Capes. Du fait de la réforme qui avance le calendrier de l'écrit au mois de novembre les chiffres

cette année devraient être plus faibles, tandis que le taux d'admissibilité devrait être sensiblement le

même (toutefois légèrement inférieur). Il reste, néanmoins une incertitude pour les années

suivantes, que se passera-t-il si les effectifs repartent à la hausse alors que le nombre de postes

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pourraient encore diminuer?

Les huit cent et quelques recalés de la session 2009-2010 sont tout de même avantagés par

rapport aux nouveaux arrivants. Les chances d'obtenir le Capes en deux fois restent malgré tout

importantes, mais en cas d'une réduction continue des postes le niveau d'échec augmentera, et dans

ce cas le problème de réinsertion de ces étudiants sera plus criant. Quant à l'agrégation, inutile de

s'attarder dessus, plus de la moitié des reçus sont issus des Écoles Normales Supérieures de Paris ou

de Lyon. Face à des étudiants qui ont consacrés nombres d'années pour atteindre un tel niveau,

quelles sont les alternatives aux concours?

De nombreuses solutions nous ont été rapportées, ainsi ceux qui ne sont pas trop avancés en

âge se permettent de gagner du temps en préparant un doctorat, alors que ce diplôme de niveau

bac+8 n'a aucune valeur en dehors de l'université. Dès la licence des professeurs nous ont d'ailleurs

conseillé de choisir une voix « alimentaire », celle qui nous fera gagner notre pain quotidien, mais

c'est l'alternative des concours. Alors, les titulaires des doctorats se retrouvent à courir des petits

contrats dans les différents laboratoires, bénéficiant d'une reconnaissance tardive où servant de

« nègres » à leurs directeurs de recherche2. De ce fait ils rejoignent les cohortes « d'intello

précaires »3 qui mettent leur savoir et leur énergie pour la recherche nationale sans être reconnu à

leur juste valeur.

En cas d'échec à un concours, certains vont tenter d'autres concours, ils vont s'inscrire dans

une autre formation et perdre encore un an voir plus à essayer de décrocher un sésame dans la

fonction publique. Les années s'écoulant, les malheureux candidats n'ont plus qu'à descendre les

échelons, passant à des concours de catégories A, puis B, et C....et on pourrait ainsi parcourir toute

une liste « alphachaotique » symbolisant un véritable déclassement social. Les concours de

catégories ne sont même plus conseillés, les candidats sont orientés vers les catégories inférieures,

avec des promesses, tout sourire, d'évoluer en interne ; une option qui se révèle difficile pour ceux

qui seront alors chargés d'une famille.

2 COMENGE, Yannick, « Harcèlement, précarité et solitude : les affres d'un chercheur », Rue 89 du 17/02/2009.
3 ARTUS, Hubert, « Les galères des intellos précaires, prolos du savoir », Rue 89 du 14/04/2009.

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Pour ceux qui ne peuvent continuer, c'est le marché de l'emploi qui les attend mais que vaut

réellement le diplôme de Master d'Histoire-Géographie? Ils se retrouvent dans la nature, avec un

diplôme intellectuel qui n'est pas réellement reconnu par les employeurs, il ne leur reste plus qu'à

faire comme nombre de diplômés du supérieurs, en falsifiant la réalité sur leur C.V., allant jusqu'à

omettre de mentionner le Master pour favoriser leur recrutement pour des emplois d'intérimaires,

afin qu'on ne se sente pas obligé de les rémunérés au-delà de toutes prétentions. Pour eux c'est le

choix d'une précarité, temporaire ou prolongées.

D'autres, choisissent la reconversion par des Master plus flatteurs, ayant de meilleurs

débouchés. Cette option est une réorientation complète qui met l'étudiant à rude épreuve, en outre

ça lui permet de faire valoir ses propres polyvalences. Certaines de ces formations commencent à

être un vivier de transfuges des Sciences Humaines.

Le fait de choisir une voie professionnelle et se réorienter par la suite est devenu chose

banale de nos jours. La réorientation est favorisée par des formations de type AFPA, mais

nombreuses sont les formations privées proposant le même type de services moyennant finance ;

chose souvent inaccessibles pour un jeune en reconversion fraîchement diplômé. Il manque peut-

être à l'Université française, un service actif qui pourrait venir en aide aux étudiants de ces filières

afin de faciliter les reconversions, par des Masters de reconversion par exemple, tournés vers

l'entreprise ou autres... Pourquoi ne pas aussi faciliter les ponts entre certaines filières, vers le droit

et la gestion par exemple. Un étudiant de formation littéraire pouvant faire prévaloir des

compétences (par des matières optionnelles hors de son cursus initial) juridiques ou autres lors d'un

entretien d'embauche pourrait ainsi être avantagé. Ce système se rapproche un peu d'un système à

« l'américaine » où les matières prisent séparément comptent autant que le cursus en lui-même.

Dans tous les cas il faut trouver des moyens de valoriser les facultés en général et surtout la filière

Lettres et Sciences Humaines.

D'autre part, la France s’est souvent distinguée par son patrimoine et par sa culture. Notre

image de marque réside, en grande partie, dans cet aspect de notre société.

Le chercheur en histoire, ou autre discipline tout aussi valorisante, est un moteur essentiel pour

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développer cette culture, que beaucoup de pays nous envie. Le patrimoine et l'histoire sont liés

ensemble comme deux siamois. Ce secteur est un aboutissement logique des études d'Histoire, mais

ce choix d'orientation s'opère en Licence généralement. De plus pourquoi ne pas plus orienté les

étudiants en Histoire (par exemple) vers des métiers de mise en valeur du patrimoine, c’est-à-dire

relier patrimoine/Histoire et tourisme. La France est l’un des pays les plus visités du monde,

pourquoi ne pas faire des Historiens et Géographes le fer de lance d’une culture patrimoniale à la

fois tournée vers la recherche, mais aussi par une mise en valeur touristique de notre patrimoine et

de notre culture. Il y a la matière à réfléchir, dans un monde ou la manne touristique devient un

atout de croissance économique. Pourquoi ne pas former les Historiens et Géographes à de

nouvelles matières, comme du marketing par exemple, en complément de leurs matières

traditionnelles. Ces nouvelles matières leur permettant de valoriser « économiquement » leur

domaine de recherche et d’étude.

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Nous avons parcouru un ensemble de situations exprimant un malaise au sein d'une

génération d'étudiants qui se sent un peu comme des laissés-pour-compte, une génération teste qui

expérimente régulièrement de nombreuses modifications dans le cursus, sans que cela n'améliore

leur situation. D'un côté, ceux qui choisissent la voie de l'enseignement, et dont beaucoup accèdent

à un métier auxquels ils ne sont nullement préparés et de l'autre ceux qui cumulent les échecs sans

un soutien réel de leur université.

C'est un choc psychologique de ce dire que nous n'avons peut-être pas fait les bons choix.

Devons-nous culpabiliser de s'être orienté sur une voie de garage (qui au demeurant ne l'est pas)?

Ne pouvons-nous nous en prendre qu'à nous même si nous avons eu la naïveté de croire qu'on nous

donnerai un emploi automatiquement grâce à l'obtention d'un diplôme. C'est justement la valeur

même du diplôme qui nous maintient à flot, nous sommes tout de même titulaire d'un niveau bac +

5. Il y a trente ans, un tel Curriculum Vitae aurait été perçu comme valorisant. L'obtention d'un

diplôme de ce niveau est récompensée par tout un cérémonial aux États-Unis. En France, on reçoit

ce papier plusieurs mois plus tard et par voie postale, comme un vulgaire prospectus. A notre

niveau, nous voilà rattrapé par la dévaluation des diplômes. Depuis des années le baccalauréat ne

vaut plus rien, alors qu'on lui accole très facilement cette image de cadeau. Aujourd'hui ce sont les

diplômes supérieurs qui sont touchés, à commencer par les moins « rentable » sur le marché de

l'emploi.

Alors que nous reste-il pour retrouver notre fierté? Partir à l'étranger? C'est pourtant ce qui

se passe avec la fuite des « cerveaux ». C'est un comble pour une nation qui avait la réputation

séculaire de rechigner au départ. Seulement devant le manque de considération, nombre de

« cerveaux » choisissent l'option internationale, vers les États-Unis, vers la Grande-Bretagne,

l'Allemagne et même la péninsule arabique.

Nous sommes ainsi confronté à un malaise symptomatique fait de craintes pour notre avenir,

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car à 25 ans passés nous avons tous des espoirs et des rêves dont la réalisation semble de plus en

plus compromise. Peut-être que la précarité deviendra la norme pour ceux qui ne sont pas bien nés

ou qui n'ont pas la chance de bénéficier de réseaux pour les faire évoluer.

Près de 220 ans se sont écoulés depuis l'abolition des privilèges, en ce temps des hommes

avaient rêvés d'un idéal de liberté, d'égalité et de fraternité. Deux siècles de combats, de luttes, de

frictions, de sacrifices pour en arriver à ce point, pourtant ces mots sont encore d'actualité, notre

époque revendique toujours une certaine égalité des chances, d'ascenseur social...ce peut-il que ce

ne soit encore qu'un mirage? Doit-on cesser de rêver tout en lisant en toutes lettres les vertus de la

République sur le fronton des bâtiments officiels?

Si notre inquiétude est légitime pour notre propre sort, nous ne pouvons que constater une

généralisation de ce sentiment, on en vient à angoisser pour le destin de notre pays. L'Histoire nous

a appris que l'équilibre des nations et des États pouvait souvent basculer à cause des peurs. Nous

vivons dans une société où les failles paraissent de plus en plus nombreuses, où la méritocratie

recule face au népotisme ; une société où la souveraineté de l'État semble s'effriter. Qu'adviendra-t-

il de notre pays, confronté à des générations de citoyens perdus, d'un recul constant de l'autorité de

l'État, dans un monde où l'on ne sait même plus à quel saint se vouer? Les angoisses de la

population, font naître des peurs, et ces peurs ne sont-elles pas les plus dangereuses pour la sécurité

de tous? L'histoire ne nous a-t-elle pas appris les risques qu'encourent les nations à la dérives?

En espérant que ce court texte vous aura éclairé sur la situation de nombreux jeunes gens,

dont l’avenir semble incertain et qui ne voient que la précarité comme seule issue. Nos craintes sont

entre vos mains, il s’agit ici non pas d'un cri de révolte, mais d’un cri de désespoir d’une génération

abandonnée à elle-même.

Avec tous nos remerciements,

Veuillez recevoir nos salutations les plus respectueuses.

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