ARABES
Parmi les lettres, les lettres non pointées ont la préférence sur les autres et,
même, aux lettres pointées on s’abstient souvent de mettre les points diacritiques
:
les talismans ainsi écrits sont, dans nos pays, réputés avoir plus de valeur. C’est
sans doute à cause de leur caractère peu compréhensible que ces lettres sont plus
estimées en magie et elles forment ainsi la transition entre les caractères
mystérieux comme les seb’a khouâtim et les lettres pointées. Peut-être aussi
doit-on penser que, les points diacritiques ayant été tardivement introduits dans
l’alphabet arabe, leur usage est une preuve nouvelle de ce conservatisme de la
magie que nous avons déjà signalé à mainte reprise. Ce qui corroborerait cette
opinion, c’est que les traités de magie n’emploient que les lettres dites el
h’ouroûf el mou’djama, c’est-à-dire placées non dans l’ordre alphabétique
habituel, mais dans l’ordre spécial dit aboudjed. On sait que dans l’aboudjed les
lettres sont placées suivant l’ordre de leur valeur numérique :
(alif = a = 1 ; bâ = b = 2 ; djîm = dj = 3, etc.). Or les grammairiens s’accordent à
penser que cet ordre, spécialement employé par les magiciens, est plus ancien
que l’autre. Les lettres sont en rapport avec l’univers entier. El Boûni nous
donne les correspondances des lettres avec les quatre éléments, avec les sphères
célestes et les planètes, avec les signes du zodiaque. Étant au nombre de 28,
les lettres sont aussi en rapport avec les mansions lunisolaires. La science des
lettres est donc une science de l’univers : cette conception nous reporte à des
âges lointains; c’est ainsi que les anciens Romains par le mot litteroe, les
peuples du Nord par le mot « runes » entendaient tout l’ensemble des
connaissances humaines. Plus près des arabes, dans le monde sémitique, le
Talmud expose que les lettres sont l’essence des choses : Dieu créa le monde au
moyen de deux lettres ; Moïse montant au ciel trouva Dieu occupé à tresser des
couronnes aux lettres.
Ibn Khaldoûn expose longuement des doctrines analogues et donne une théorie
des talismans écrits :
les lettres qui les composent étant formées des mêmes éléments qui forment la
totalité des êtres ont la faculté d’agir sur ceux-ci. C’est la base de la sîmiâ ou
science des lettres et des mots.
Il y a une catégorie de lettres dont la vertu magique a des origines religieuses et
qui sont par conséquent caractéristiques de la magie musulmane. Ce sont les
lettres qui se trouvent au commencement de certaines sourates du Coran et dont
1a signifi cation est totalement Inconnue: ainsi la sourate II commence par alif,
lam, mîm, la sourate III, par alif, lam, mîm, la sourate VII, par alif, lam, mîm,
çâd’, etc. … L’orthodoxie musulmane appelle ces lettres moutachâbih et
déclare, que leur sens est impénétrable à l’intelligence humaine dès lors rien
d’étonnant à ce que la magie s’en empare. El Boûni les nomme el h’ouroûf en
noûrâniya : elles sont au nombre de quatorze, juste la moitié du nombre des
mansions lunaires, sur quoi il échafaude de nouvelles spéculations.
Chacune d’elles, remarque-t-il encore, commence un des noms de Dieu. Deux
de ces groupes de lettres, où celles-ci sont au nombres de cinq, ont surtout attiré
l’attention des magiciens : ce sont k h i ‘ ç (kâf, hâ, yâ,’aïn, çâd) et h’ m’ s q
(h’â, mîm,’aïn, sîn, qâf), qui se trouvent en tête des sourates XIX et XLII. Des
vertus extraordinaires leurs sont attribuées et d’innombrable h’erz sont
confectionnés avec eux.
Du moment que les lettres ont une valeur magique, on augmentera la valeur
magique des mots en écrivant les lettres séparément : on sait, en effet, que dans
l’écriture arabe les lettres isolées ont une forme plus complète que lorsqu’elles
sont liées ensemble. Par exemple, el moqtadir
« le Puissant », s’écrira :
par ex.: ,
pour :
aura : etc.
… C’est l’opération du bast’ : les lettres ainsi obtenues,
toutes tirés de l’alîf, pourront fournir des indications
sur les vertus magiques de cette lettre. Résumons
toutes ces opérations :
Si l’on compte les lettres contenues dans ce tableau
d’istint’âq de l’alîf, on en trouve 51 : or ce nombre représente
précisément la valeur numérique (1 + 10 + 10
+ 30) des
lettres
que
nous avons déjà signalée comme étant au dire d’El Boûni
la terminaison caractéristique des noms d’anges : l’alîf
a donc un caractère sacré tout à fait accentué puisqu’il,
contient le radical commun à tout ces êtres sacrés.
Si maintenant nous reprenons le nombre 111,
somme des valeurs numériques des lettres du mot alîf, nous pouvons remarquer que 111 est
égal à deux
fois 40, plus une fois 10, une fois 20 et une unité. Or 40
est
le