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1. Définition et champ interne, la nature et le dosage des ciments utilisés. Ils peuvent en
outre accueillir un réseau d’armatures en acier (béton armé) de
d’application des bétons façon à améliorer la résistance aux sollicitations mécaniques. Dans
ces conditions, l’emploi d’un béton spécial au lieu d’un béton ordi-
spéciaux de protection naire semble essentiellement motivé par la nécessité de réduire
l’épaisseur des ouvrages pour un taux de protection comparable. Le
surcoût consenti peut en outre résulter de l’avantage procuré par un
Dans l’industrie nucléaire, les bétons spéciaux désignent un constituant spécial vis-à-vis d’une propriété secondaire importante
ensemble de matériaux variés permettant l’arrêt ou l’atténuation de (comportement en température le plus souvent). À travers les diffé-
différents types de rayonnements en vue d’assurer une protection rents exemples d’utilisations rappelés au tableau 1, on constate
biologique ou d’éviter la criticité. Ces matériaux, directement déri- que, en l’absence de contraintes techniques, le béton ordinaire
vés des bétons ordinaires, se caractérisent par la présence d’un ou constitue toujours une solution de référence pour une majorité de
plusieurs ingrédients spécifiques selon la protection souhaitée. Les configurations.
produits utilisés viennent en substitution ou en addition aux ingré-
dients classiques et concernent, le plus souvent, le constituant
majoritaire du béton, c’est-à-dire le granulat.
Deux grandes familles de bétons se rencontrent, correspondant
2. Évolution des concepts
aux deux fonctions primaires recherchées : et des technologies
— les bétons lourds, utilisés pour la protection contre les rayon-
nements photoniques de type X et γ, nécessitant une densité
élevée ;
— les bétons neutrophages, utilisés pour la protection contre les 2.1 Durabilité des ouvrages
neutrons et le risque de criticité, nécessitant une forte proportion
d’éléments légers.
Lors de l’élaboration des premiers bétons de protection, dès le
Dans le cas de rayonnements mixtes gammas + neutrons (réac- début des activités nucléaires, les efforts des ingénieurs se sont por-
teurs), on utilise des bétons hybrides comportant simultanément tés successivement sur :
des éléments lourds et légers. Quant à la protection contre les parti-
— l’identification de substances efficaces vis-à-vis de l’arrêt des
cules chargées, parfois recherchée (accélérateurs), elle revient à
rayonnements (optimisation coût-efficacité) ;
résoudre un problème de protection contre les rayonnements X ou
— la formulation de nouveaux bétons incorporant les substances
les neutrons émis secondairement, l’arrêt des particules initiales
sélectionnées (faisabilité) ;
s’effectuant sur une très courte distance.
— la caractérisation de ces nouveaux matériaux en terme de per-
Les bétons spéciaux de protection ne diffèrent pas fondamentale- formances intrinsèques (propriétés thermomécaniques pour
ment des bétons ordinaires, en particulier par leur architecture l’essentiel).
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(0)
Tableau 1 – Principales utilisations des bétons spéciaux et ordinaires pour la protection contre les rayonnements
Ouvrage Destination Matériau Fonction
Écrans démontables, blocs Radioprotection délimitée Béton lourd Atténuation γ, X
et briques préfabriqués ou provisoire
Alvéoles Entreposage produits fissiles Béton neutrophage Anticriticité
Cellules et chaînes blindées Manipulation de sources, Béton lourd Atténuation γ, X
de combustibles
La notion de durabilité était à l’époque (1945-1965) d’autant moins La prévision de la compacité des mélanges granulaires par le
présente dans cette démarche qu’elle n’était pas encore apparue modèle de suspension solide, développé au Laboratoire Central des
dans le domaine du génie civil et que les ouvrages réalisés, à carac- Ponts et Chaussées dès le début des années 1990 [1], permet
tère expérimental pour bon nombre d’entre eux, n’avaient pas voca- d’atteindre beaucoup plus rapidement la composition optimale d’un
tion à durer au-delà de quelques décennies. Bien que très répandu béton en s’appuyant sur les notions d’encombrement de grains soli-
dans les années 1980, le thème de la durabilité n’a pas vraiment eu des et de viscosité relative. Connaissant la nature des constituants
d’impact sur le domaine des bétons spéciaux et l’on peut considérer de base d’un béton spécial, il est désormais possible de prédire avec
que la plupart des constructions en béton de protection a été réali- un minimum d’essais si le matériau atteint la densité requise.
sée, jusqu’à très récemment, selon les règles de l’art d’origine.
Depuis 1996 environ, la conjonction de trois facteurs contribue à
prendre en compte la durabilité dans la conception des nouveaux
ouvrages en bétons spéciaux : 2.3 Nouveaux adjuvants
— l’exigence d’un niveau de qualité plus élevé ;
— le souhait d’augmenter la durée de vie de certaines installa-
tions au-delà de 50 ans (réacteurs électrogènes), voire au-delà du La découverte de nouvelles molécules organiques, permettant la
siècle (sites d’entreposage) ; défloculation des fines particules (ciment, fillers, ultrafines), consti-
— les possibilités techniques offertes par les nouveaux produits tue une véritable révolution tant dans le domaine de la formulation
de l’industrie cimentière (liants et superplastifiants), par les condi- que dans celui de la durabilité. Au fil des ans, les adjuvants à base
tions modernes de fabrication et de mise en œuvre, ainsi que par de polymères solubles autorisent en effet la réalisation de bétons de
l’aboutissement des méthodes d’optimisation granulaire. plus en plus compacts, tout en leur conservant une excellente
Le concepteur d’ouvrages en béton de protection peut, en outre, maniabilité. Intéressant dans la technologie des bétons lourds, ce
s’appuyer sur un référentiel de connaissances plus complet, en par- gain de compacité est associé à une importante réduction d’eau ce
ticulier concernant le comportement du béton en température (le qui entraîne l’augmentation des résistances mécaniques et une
comportement sous irradiation demeure en comparaison moins meilleure résistance aux agressions chimiques.
bien connu). Ces connaissances, en ayant des conséquences sur le Après les produits des premières générations (lignosulfonate puis
choix des constituants ou la protection du béton, permettent non naphtalène sulfonate et mélamine sulfonate) aux effets secondaires
seulement d’atteindre les performances instantanées visées, mais parfois indésirables (entraînement d’air, ségrégation), les derniers
contribuent aussi à les maintenir le plus longtemps possible. adjuvants de la famille des polycarboxylates se révèlent particulière-
ment performants, y compris vis-à-vis des liants alumineux. Le
champ des possibilités s’avère donc très ouvert pour le formulateur.
2.2 Techniques de formulation
De nombreuses méthodes empiriques ont été proposées pour 2.4 Évolution du marché
aboutir aux compositions de béton les plus compactes possibles à
partir des propriétés granulaires des constituants (Faury, Dreux-
Gorisse) ou à partir d’essais de maniabilité (Baron-Lesage). Appli- Si les évolutions précédentes s’avèrent déterminantes dans
quées aux bétons spéciaux, elles donnent des résultats satisfaisants l’amélioration des bétons spéciaux, l’évolution du marché n’en
à condition de procéder à un grand nombre d’expériences et de véri- influence pas moins le développement et se traduit par plusieurs
fications. tendances lourdes :
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Parmi les différents éléments conduisant à l’identification du Tableau 3 – Zones de travail et seuils inférieurs d’exposition
béton de protection le plus approprié, le zonage des différentes par- associés (radioprotection des personnes)
ties de l’ouvrage, les caractéristiques du rayonnement et les princi-
pales contraintes d’exploitation suffisent généralement à
Débit
restreindre les choix en terme de nature de matériau et de dimen-
d’équivalent Débit de dose*
sionnement. Le volume 3 de l’« Engineering Compendium on Radia- Zones Observations
de dose (Gy/s)
tion Shielding » [3], référence ancienne mais toujours intéressante,
(mSv/h)
donne sur le sujet un bon aperçu de la spécificité des installations
nucléaires dans toute leur diversité.
Zone contrôlée
Zone 1 (verte) 7,5 × 10−3 2,083 × 10−9
Conformément aux normes de radioprotection (décret no 66-450 simple
du 20 juin 1966 modifié par le décret no 88-521 du 18 avril 1988 rela-
tif aux principes généraux de protection contre les rayonnements Zone 2 (jaune) Accès 2,5 × 10−2 6,944 × 10−9
ionisants), le tableau 3 rappelle les valeurs seuils de débit d’équiva- réglementé
lent de dose définissant les zones de travail par rapport auxquelles Accès
les limites d’exposition du personnel doivent être respectées (en Zone 3 (orange) réglementé 2 5,555 × 10−7
particulier équivalent de dose inférieur à 50 mSv pour l’organisme
entier et pour 12 mois consécutifs). Suite aux directives européen- Zone 4 (rouge) Accès interdit 100 2,277 × 10−5
nes de 1996, le passage à 20 mSv devrait prochainement entraîner
l’abaissement des seuils relatifs aux zones 1 et 2. * déduit du débit d’équivalent de dose pour un facteur de qualité Q = 1.
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S Σ
Figure 1 – Atténuation du rayonnement d’une source ponctuelle φú = -------------2- exp Ð x -----a-
4π d D
isotrope par un écran d’épaisseur x
avec Σa section efficace macroscopique d’absorption ou
de capture (cm−1),
Compton et la création de paires e+, e−) et traduit de façon globale la D coefficient de diffusion des neutrons thermiques
diminution du nombre de photons ; (cm).
— B(µix), de nature semi-empirique, traduit le renforcement de la Les calculs sont en réalité très complexes car le ralentissement
dose imputable aux photons diffusés dans l’épaisseur de la protec- des neutrons rapides induit la génération de neutrons lents au
tion. Il dépend non seulement de l’énergie des photons incidents et comportement distinct. En présence de sources neutroniques, les
du numéro atomique équivalent (Zeq) du matériau traversé, mais méthodes manuelles de calcul s’avèrent en fait peu probantes et le
aussi du nombre de libres parcours moyens (µx) dans le matériau, et recours aux codes de calcul est recommandé dès l’étape du prédi-
de la géométrie de la source (ponctuelle, étendue). Dans les calculs mensionnement. L’article [B 3 075] Activation et protection permet
simplifiés, on utilise des expressions exponentielles ou polynomia- d’acquérir sur ce sujet les notions essentielles. Parmi les nombreux
les dont les paramètres, fonctions de E et Zeq, peuvent être accessi- codes de calcul traitant le transport du rayonnement, la détermina-
bles à partir de différents ouvrages [3], [4] : tion des flux et des débits de dose, le code TRIPOLI (CEA) est un des
B(E, µx) = A exp (−αµx) + (1 − A) exp (−βµx) (Taylor) plus performants (MCNP est son homologue aux États-Unis). Utilisé
indifféremment pour les neutrons et les photons gamma, il résout
B(E, µx) = 1 + a(µx) + b(µx)2 + c(µx)3 l’équation de Boltzmann (description rigoureuse de la propagation
Les facteurs d’accumulation s’interpolant aisément en fonction de des particules neutres) en géométrie 3D par la méthode de Monte-
Z, il est utile de connaître le numéro atomique équivalent du maté- Carlo [5].
riau composite que constitue le béton. Sa valeur est calculée à partir Pratiquement, on constate que l’application des seules règles de
de la composition chimique élémentaire à l’aide de la relation sui- radioprotection pour les sources de rayonnement les plus intenses
vante [5] : conduit rarement à des épaisseurs de béton supérieures à 2,50 m.
Au-delà de cette valeur, il est économiquement préférable d’enterrer
1
pi ------------- les installations, les terrains encaissants assurant la radioprotection.
∑ ----- Z in n Ð 1
i Ai
Z eq = ---------------------
-
pi
∑ ----- Z i 3.5 Critères mécaniques
i Ai
avec n = 4,35 pour E < 0,5 MeV, Diverses sollicitations sont prises en compte dans le dimension-
nement des ouvrages de protection. Il s’agit des charges mécanique
n = 2,95 pour 0,5 < E < 1,022 MeV, et thermique affectant normalement la structure en condition de ser-
n=2 pour E > 1,022 MeV, vice et des contraintes de cisaillement liées à un séisme éventuel.
Vis-à-vis de ces contraintes, même modérées, la réglementation en
Zi numéro atomique de l’élément i, vigueur (règles BAEL 91 [6]) rend obligatoire la présence d’armatu-
Ai masse atomique de l’élément i, res en acier dans le béton dans la mesure où la résistance en trac-
tion de ce dernier est considérée comme négligeable. Le rôle du
pi proportion massique de l’élément i. réseau de ferraillage consiste à reprendre les efforts en traction ou
Dans le cas du béton ordinaire, Zeq est très voisin de 13 (alumi- cisaillants, à mieux répartir les fissures dans le béton ainsi qu’à aug-
nium). menter la rigidité de la structure.
À l’instar des photons, l’atténuation des neutrons résulte de phé- Pour le dimensionnement d’une structure en béton armé, deux
nomènes d’absorption et de diffusion, mais avec des modalités très états limites sont pris en considération dans les règles BAEL :
différentes ce qui complique sensiblement le problème. Il convient — l’état limite de service (ELS), garantissant une fissuration non
de distinguer très schématiquement : préjudiciable vis-à-vis de la corrosion des aciers en conditions de
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Utilisation de la grenaille
quant un coefficient de sécurité approprié, on vérifie en particulier e/c = 0,3
que les déformations subies par le béton et par l’acier demeurent 8 000
respectivement inférieures à 3 500 µm/m en compression et à
10 000 µm/m en traction. 7 000
Dans le cas du béton ordinaire constituant le puits de cuve d’un
réacteur électrogène P4 (radioprotection et supportage du réacteur), 6 000
le chargement thermique et le risque sismique aboutissent par
exemple à augmenter simultanément : 5 000
Plomb
— la densité de ferraillage (80 kg de ferraille/m3 de béton) ;
— l’épaisseur du voile de béton (2 à 2,40 m). 4 000
Acier
La radioprotection n’apparaît plus dans ce cas comme le critère
dimensionnant. 3 000
Hématite
Barytine
Silico-calcaire
2 000
Limonite
4. Formulation des bétons 1 000
spéciaux 0
0 2 4 6 8 10 12
Densité du granulat
4.1 Principes généraux
Figure 2 – Masse volumique maximale atteinte par les bétons
de protection en fonction de la nature du granulat pour trois rapports
L’étape de la conception (§ 3) aboutit à définir un cahier des char- eau/ciment (CPA)
ges assez précis en terme de dimensionnement, de densité de fer-
raillage, de masse volumique et de caractéristiques thermo-
mécaniques du béton. Si cette étape ne va pas jusqu’à imposer un Ce genre de calcul préliminaire peut être effectué avant même
type de granulat ou de ciment, elle laisse le formulateur libre de d’avoir défini complètement la composition du béton, de façon à
choisir les ingrédients les plus appropriés et, en tout cas, d’en opti- tester différentes hypothèses de formulation. La figure 2, établie à
miser le mélange. l’aide de la relation précédente, indique par ailleurs le domaine
En raison du rôle principal du granulat et de sa proportion majori- d’utilisation de divers granulats dans le cas d’un dosage standard
taire au sein du béton, l’étape de la formulation commence de fait du ciment à 350 kg/m3 et pour trois valeurs du rapport e/c.
par l’optimisation du squelette granulaire. Celle-ci concerne :
La définition complète de la composition du béton bénéficie
— la nature des granulats, choisie sur la base des critères radio- actuellement du développement par le LCPC de logiciels d’aide à la
logique, mécanique et thermique ; formulation. BETONLAB (version 3.5), basé sur la simulation, per-
— la taille maximale des granulats, conditionnée par la densité met ainsi de trouver une composition optimale en fonction de critè-
de ferraillage et la compacité du béton ; res aussi variés que le coût au mètre cube, la consistance du béton
— la répartition granulométrique, calculée d’après la taille maxi- frais (affaissement au cône d’Abrams) et sa teneur en air occlus, la
male et les tailles inférieures effectivement disponibles. porosité du béton durci ainsi que sa résistance en compression et
La pâte de ciment, comblant les vides intergranulaires, est ensuite son module élastique à 28 jours.
l’objet d’une optimisation couplée avec le granulat : Le logiciel BETONLAB-PRO, plus élaboré, passe à l’optimisation
— la nature du ciment est choisie sur la base de critères environ- automatique en intégrant les calculs de compacité granulaire et de
nementaux (température, caractère chimiquement agressif du viscosité relative (cf. § 4.2.3). L’intérêt d’un tel logiciel est de con-
milieu), neutronique (eau fixée) et mécanique (classe de résis- duire rapidement à une plage de compositions en évitant la réalisa-
tance) ; tion fastidieuse d’un grand nombre d’essais de vérification (ex-
— le dosage du ciment est conditionné par le diamètre maximal démarche de Baron-Lesage). Il rend aussi obsolètes les méthodes
et la répartition granulométrique du granulat, et, pour partie, par la graphiques et semi-empiriques usuelles de Faury ou Dreux-Gorisse.
classe de résistance du béton ; Les paramètres d’entrée étant étroitement associés au choix ini-
— le dosage en eau détermine alors, à travers la valeur du rap- tial du couple granulat-ciment, ce dernier constitue en conséquence
port massique eau/ciment (e/c), la classe de résistance et, pour par- une étape fondamentale dans la stratégie de formulation et néces-
tie, la consistance du béton ; site une certaine anticipation vis-à-vis du comportement attendu.
— le dosage en adjuvant intervient enfin pour régler la consis- Selon la destination de l’ouvrage, la nature des rayonnements et le
tance du béton frais et sa maniabilité. niveau de température rencontrés conduisent à prendre trois cas de
Dans la pratique, la démarche consistant à fixer le dosage en figure en considération.
ciment pour 1 m3, Mc, et le rapport massique e/c, connaissant les
masses volumiques du ciment ρc et du granulat ρg, permet d’esti- ■ Atténuation γ, X à température ambiante
mer la masse volumique maximale ρbéton (en kg · m−3) atteinte par L’augmentation de la densité est le seul but poursuivi, principale-
le béton pour un granulat donné : ment par l’introduction d’éléments lourds, insuffisamment repré-
sentés dans le béton ordinaire. Le choix du liant est plus indifférent.
e ρg ρg Les qualités les plus ordinaires sont les moins coûteuses, cepen-
ρ béton = ρ g + M c 1 Ð --- --------- Ð 1 Ð ------ dant, selon l’épaisseur requise, les liants à faible chaleur d’hydrata-
c 10 3 ρc
tion doivent être retenus de façon à limiter l’échauffement.
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(0)
Tableau 4 – Principaux produits minéraux et métalliques entrant dans la composition des bétons de protection
(propriétés à 25 ˚C)
Capacité Dilatation Module
Masse Conductivité
thermique thermique d’élasticité en Coût global
Désignation Composition volumique Dureté Mohs thermique
massique linéique compression (F/kg)
(kg/m3) (W · m−1 · K−1)
(J · kg−1 · K−1) (en 10−6 K−1) (GPa)
Colémanite [CaB3O4(OH)3 ·
2 410 à 2 430 4 à 4,5 1 577 4,0
H2O]2
Serpentine Mg3Si2O5(OH)4 2 550 à 2 650 3à4 2,61 1 267 27 0,12
Calcaire CaCO3 2 350 à 2 580 3 2,3 837 6 62 0,06
Silex, chert SiO2 2 650 7 3 739 11,8 77 0,08
■ Atténuation γ, X à température élevée (T > 50 ˚C) les à obtenir, peuvent parfois faire défaut pour certains minéraux
(barytine).
Parmi les granulats aptes à augmenter la densité du béton, une
sélection sévère doit être effectuée pour minimiser toutes les
contraintes d’origine thermique. La stabilité minéralogique du gra-
4.2.1 Granulats lourds (protection γ )
nulat en température est nécessaire mais non suffisante ; il faut de
plus combiner un faible coefficient de dilatation thermique et une
conductivité thermique élevée. Les fortes épaisseurs conduisent à ■ Barytine : minerai de baryum (Ba > 53 % en masse) plus particu-
choisir des liants à faible chaleur d’hydratation dont la finesse évite lièrement indiqué pour la réalisation de bétons lourds en forte
par ailleurs au béton un séchage trop important. Au-delà de 90 ˚C, le épaisseur sans sollicitations thermiques ou mécaniques. La barytine
ciment alumineux peut être retenu en raison de la stabilité thermi- naturelle est en effet tendre, fragile et présente une importante dila-
que et hydrique de ses phases hydratées. tation thermique. Sa tendance à l’attrition conduit à la production de
fines (lors du malaxage) diminuant d’autant plus l’adhérence pâte-
■ Atténuation n + γ, X à température élevée granulat que certaines impuretés peuvent y être associées : argile,
silice réactive (calcédoine).
L’existence des neutrons est généralement associée à celle de la
chaleur de sorte que l’emploi de ciment alumineux est fréquent ■ Corindon : oxyde réfractaire d’aluminium spécialement indiqué
dans cette configuration. L’atténuation des neutrons rapides et des pour les applications de radioprotection à haute température (asso-
photons est obtenue à l’aide des granulats lourds déjà retenus dans ciation obligatoire avec un ciment alumineux) du fait d’excellentes
le cas précédent à l’exclusion de ceux comportant des éléments acti- propriétés thermomécaniques. Le produit naturel se présente géné-
vables (tungstène proscrit). L’atténuation des neutrons lents et ther- ralement sous la forme d’un sable brun, relativement rare et coû-
miques est au contraire obtenue par l’introduction significative teux. Pour les gros calibres, on utilise de l’alumine tabulaire
d’éléments absorbants (bore) et de corps hydrogénés (eau), respec- artificielle, assez coûteuse elle aussi.
tivement absents et en quantité insuffisante au sein du béton ordi-
naire. Le nombre élevé de spécifications sur les constituants rend ■ Ilménite : oxyde mixte de fer et de titane (Fe > 33 % en masse),
cette configuration particulièrement difficile à optimiser. surtout utilisé en fine granulométrie dans les bétons lourds. Les
applications sont identiques à celles de l’hématite et de la magné-
tite, mais avec des performances moindres, voire des limitations
(minerai cassant).
4.2 Granulats ■ Hématite : minerai de fer (Fe > 63 % en masse), le plus intéres-
sant. L’hématite présente d’excellentes caractéristiques thermomé-
caniques, en particulier une conductivité thermique et une ténacité
Les caractéristiques des principaux produits minéraux et métalli- deux fois supérieures à celles de la magnétite. Son emploi dans les
ques entrant dans la composition des bétons de protection sont pré- bétons lourds est donc particulièrement recommandé si la tempéra-
sentées au tableau 4. Elles sont issues de diverses compilations ture de service est élevée. Il contribue même à diminuer significati-
dont celles du volume K4 du traité « constantes physico-chimiques » vement l’échauffement et les gradients thermiques transitoires lors
de notre Collection et celles de la référence [7]. D’origine naturelle de la prise du béton. L’hématite offre un très bon compromis entre
ou artificielle, la taille maximale des granulats résultant des diffé- propriétés d’atténuation, coût et disponibilité dans diverses tailles ;
rents procédés de tri ou de fabrication excède rarement 25 mm, ce elle est de plus chimiquement inerte au sein du béton et sous irra-
qui convient parfaitement pour la réalisation de bétons au dosage diation. Selon l’origine, il convient de sélectionner les minerais les
standard en ciment de 350 kg/m3. Les calibres les plus gros, diffici- plus riches en évitant les variétés poreuses ou écailleuses. Le gise-
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ment de Sishen (Afrique du Sud) produit une hématite massive 4.2.2 Granulats légers (protection n)
d’excellente qualité. Une particularité de l’hématite est de produire
une poussière rouge très fine et très collante par frottement sur elle-
■ Colémanite : borate naturel de calcium parmi les moins solubles,
même. Les granulats inférieurs à 1 mm doivent en être débarrassés
associant éléments neutrophage (B > 12 % en masse) et ralentisseur
par lavage de façon à ne pas surestimer leur proportion massique
(H > 1,8 % en masse), utilisable jusqu’à 250 ˚C environ grâce à son
réelle dans le béton. En revanche, il est préférable de conserver la
eau de constitution. La capture des neutrons résulte de la réaction
poussière (taille des particules ≈ 2 µm) sur les calibres supérieurs
nucléaire :
car cette dernière contribue à augmenter la ductilité du béton au voi-
sinage de la limite de rupture, propriété remarquable. 10B + n → 7Li (0,82 MeV) + 4He (1,49 MeV) + γ (0,48 MeV)
■ Magnétite : très proche de l’hématite par sa teneur en fer (Fe > Celle-ci induit une activité alpha instantanée sans conséquence
65 % en masse). Les applications sont similaires à température radiologique, ce qui n’est pas le cas pour l’émission gamma. Du fait
ambiante et les performances voisines, quoique inférieures. L’utili- de sa légère solubilité, ce minerai doit être utilisé sous forme de
sation à température élevée est déconseillée en raison du risque sable et de gravier mais non en poudre car cette dernière peut forte-
d’oxydation en hématite avec augmentation volumique de 2,27 % : ment inhiber le durcissement du béton, surtout en présence de
2 Fe3O4 + 1/2 O2 → 3 Fe2O3 ciment à base Portland. Les substituts artificiels tel que le borate de
calcium dihydraté sont à éviter car ils diminuent trop sévèrement les
Les bétons de magnétite sont plus faciles à mettre en œuvre en résistances mécaniques.
raison du faciès arrondi des granulats, mais le caractère magnétique
de ces derniers peut être incompatible avec l’introduction de riblons ■ Serpentine : roche massive silico-magnésienne intéressante pour
d’acier pour la confection de bétons superlourds. Le magnétisme du son eau de constitution stable jusqu’à 500 ˚C environ (H > 0,6 % en
béton obtenu peut lui-même être incompatible avec certaines utili- masse). Ce matériau est préférentiellement utilisé sous forme de
sations (accélérateurs de particules, instrumentations à proximité). sable afin de mieux répartir les contraintes liées à sa forte dilatation
thermique jusqu’à 150 ˚C. Au-delà de cette température existe un
■ Limonite : terme générique désignant des oxydes de fer (Fe3+ > domaine de contraction suivi à nouveau par un domaine de faible
45 % en masse) hydratés, souvent en mélange. Ce minerai n’est pas dilatation (α = 5 × 10−6 K−1 entre 260 et 370 ˚C) où l’emploi du granu-
à proprement parler un granulat lourd et s’avère peu intéressant lat est pleinement justifié. Il convient d’éviter les variétés fibreuses
pour la confection de bétons denses. Son eau de constitution pré- ou schisteuses détériorant la liaison mécanique avec la matrice
sente en revanche un intérêt dans le cadre d’une protection combi- cimentaire.
née n,γ (H < 0,6 % en masse), en particulier à température élevée
(perte de l’eau au-delà de 200 ˚C). La limonite est très poussiéreuse
et souvent associée à des impuretés siliceuses et argileuses. Ces 4.2.3 Optimisation du squelette granulaire
impuretés peuvent être à l’origine de cratères (pop out) observés
sur la surface interne de certains bunkers de radioprotection. Elles Les granulats pour bétons, qu’ils soient non métalliques ou métal-
sont en tout état de cause responsables de retraits importants pour liques, sont généralement subdivisés et commercialisés en trois
le béton et doivent être éliminées. Plutôt poreuse, la limonite doit catégories de taille :
être préférentiellement employée sous forme de sable. La goethite
est un oxyde hydraté très proche et plus pur. — sables et grenailles : .............................................. 0 < d < 5 mm ;
— petits gravillons et riblons : .............................. 5 < d < 12,5 mm ;
■ Acier : utilisé sous forme de riblons ou de grenaille pour la — gros gravillons et riblons : .............................. 12,5 < d < 25 mm.
confection de bétons superlourds (jusqu’à 6 000 kg/m3 environ).
Disponibles en toute taille, ces granulats artificiels sont deux à qua- L’optimisation de leur mélange en vue d’atteindre la compacité
tre fois plus onéreux que les granulats naturels. Ils procurent toute- maximale s’appuie désormais sur un modèle développé au LCPC et
fois un avantage décisif en terme de réduction d’épaisseur du béton intégré au nouveau logiciel BETONLAB-PRO dont les bases sont
et de propriétés thermomécaniques. Les riblons sont essentielle- explicitées dans la référence [8]. Dans le principe, le squelette gra-
ment constitués de débouchures de tôles métalliques ou de déchets nulaire du béton est assimilé à une suspension solide dont la com-
d’estampage de l’industrie de transformation. Pour les grenailles, la pacité réelle (mesurable expérimentalement) varie avec la viscosité.
fonte peut éventuellement remplacer l’acier, à condition de ne pas Le mélange aboutissant à un empilement aléatoire des grains, la
descendre en dessous de 94 % en fer. En cas de mélange avec un viscosité est très élevée lorsque ces derniers sont serrés au maxi-
granulat de densité inférieure, la granulométrie et la mise en œuvre mum, mais reste toujours finie, contrairement à ce que l’on obtien-
doivent être spécialement étudiées de façon à éviter la ségrégation. drait dans le cas d’un empilement ordonné. Admettant pour ce
Le métal doit être aussi propre que possible, sans trace d’hydrocar- dernier une compacité maximale virtuelle (inaccessible à l’expé-
bures (rouille autorisée). rience), on définit alors pour un niveau de serrage donné une visco-
sité relative de référence telle que :
■ Plomb : excellent pour ses propriétés d’atténuation gamma
( Z = 82), le plomb incorporé sous forme de grenaille de diverses
granulométries est assez onéreux. Ses caractéristiques thermomé-
n
caniques médiocres (métal mou à forte dilatation thermique) et les 2 ,5 y i
difficultés de sa mise en œuvre (forte ségrégation) le relèguent à la η r* = exp ∑ ----------------
1 1
fabrication de mortiers très denses au sein de protections de faibles i = 1 --- Ð ------
g g *
dimensions, ou bien à celle d’éléments préfabriqués. L’alliage à 4 % i
d’antimoine est préférable pour sa résistance mécanique supé-
rieure. L’utilisation de protections à base de plomb pour un rayonne-
ment à composante β est absolument à éviter (risque d’irradiation avec n nombre de classes granulométriques de taille di,
grave dû au rayonnement X de freinage). yi proportion volumique de la classe i (par rapport
au volume solide total),
Le plomb est un très mauvais matériau de protection contre g i* compacité virtuelle du mélange à classe i
les neutrons. En revanche, la contribution du fer au ralentisse- dominante,
ment des neutrons rapides d’énergie supérieure à 0,85 MeV est g compacité réelle du mélange pour un serrage de
notable grâce à sa section efficace de diffusion inélastique. référence.
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trales, serré au maximum, donne ainsi : Tableau 5 – Liants conseillés pour les bétons spéciaux
Tservice Résistance
Épaisseur Protection Ciments NF
2 ,5 mécanique
η r* = exp ----------------------------- ≈ 132 063
1 3 2 ordinaire γ CPJ-CEM II/A 42,5
------------ Ð -----------
0 ,64 π < 80 ˚C γ CPA-CEM I 52,5
haute
performance n, γ CA + granulat
< 0,50 m conducteur
La compacité virtuelle du mélange est calculée pour sa part à
l’aide de la fonction suivante (cas de granulats de même nature) : γ CPA-CEM I 52,5
haute
> 80 ˚C performance CA + granulat
n, γ
g * = inf ( g i* ) conducteur
γ CLC-CEM V/A 32,5
1 > 0,50 m ∀T ordinaire CPA-CEM I 42,5
avec : g i* = ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- n, γ + granulat
iÐ1 di n y
1 j dj conducteur
∑ yj 1 + ---β- Ð 1 ---- d
- + ∑ ---- -----
β d
j=1 j j j=i j i
où βj est la compacité propre virtuelle de la classe de taille dj. Le premier critère apparaît prépondérant car il se réfère aux
conditions thermiques auxquelles le béton peut être initialement
di dj exposé, dès la période de prise, à un moment critique de sa structu-
Dans cette relation, les termes ----- et ----- expriment respective- ration. Au très jeune âge, les réactions d’hydratation du ciment sont
dj di en effet responsables d’un échauffement d’autant plus important
ment le desserrement des grains j au voisinage des grains i (effet de que le liant est riche en composés réactifs et que le volume de maté-
paroi) et le desserrement des grains i par les grains j (effet d’interfé- riau mis en place est élevé. Sans précautions particulières, les
conséquences se traduisent par des variations dimensionnelles et
rence), lorsque la classe i est dominante. Ce modèle a été validé
une déperdition d’eau excessives, à l’origine de contraintes différen-
pour des granulats ordinaires de tailles et de formes diverses avec
tielles et de fissurations. La durabilité de l’ouvrage s’en trouve alors
des écarts généralement inférieurs à 1 % par rapport aux résultats hypothéquée, ce dernier pouvant même être immédiatement
expérimentaux [1]. Son application aux granulats spéciaux ne pose dégradé :
aucune difficulté sauf dans le cas où coexistent deux constituants de
densités très différentes (béton de colémanite avec riblons d’acier — pour les voiles de béton excédant l’épaisseur critique de
par exemple). 0,50 m, l’utilisation de liants à faible chaleur d’hydratation et faible
résistance s’impose donc d’autant plus naturellement que le maté-
Dans le cas traditionnel du mélange de trois catégories granulo- riau devient peu sollicité mécaniquement ;
métriques de même nature, le calcul de la compacité optimale pour — pour les épaisseurs réduites à moins de 0,50 m, le niveau de
une consistance donnée est d’autant plus précis qu’il s’appuie sur : compacité nécessaire pour une protection efficace conduit implicite-
ment à la notion de haute performance, de même que des tempéra-
— une analyse granulométrique détaillée ; tures supérieures à 80 ˚C en condition de service. Le choix de liants
— une détermination soigneuse de la compacité propre d’au développant des résistances plus élevées est alors requis dans la
moins trois classes dans chaque catégorie. mesure où leur exothermicité plus importante reste compatible
avec l’évacuation de la chaleur.
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(0)
— ciment Portland composé (CPJ-CEM II) ; retrait important (> 1 000 µm/m) représente un risque de fissuration,
— ciment de haut-fourneau (CHF- ou CLK-CEM III) ; indépendamment d’une teneur en chlorure indésirable.
— ciment pouzzolanique (CPZ-CEM IV) ; Dans les bétons de protection, le dosage en ciment c résulte le
— ciment au laitier et aux cendres (CLC-CEM V). plus souvent de l’optimisation entre compacité et maniabilité. Pour
Chaque type comporte plusieurs variétés permettant de préciser : cela, il doit respecter une fourchette qui est fonction de la taille du
— la classe de résistance : 32,5 ; 42,5 ; 52,5 (MPa) ; plus gros granulat D. Dans la pratique, on retiendra (c en kg/m3 avec
— le développement rapide de la résistance : R ;
D en mm) :
— la compatibilité à l’eau de mer : PM ; 680 ± 90
— la compatibilité avec les eaux sulfatées : ES. c = -----------------------
5 D
Globalement, la résistance normale (à 28 jours) augmente avec la
teneur en clinker (constituant le plus réactif du ciment), tandis que la Pour autant, le dosage doit permettre d’atteindre la résistance
résistance au jeune âge (à 2 jours) augmente avec la teneur en alu- cible souhaitée, estimée avec la relation de Bolomey :
minate tricalcique (constituant le plus réactif du clinker) et la finesse
de mouture. La compatibilité « eau de mer » et « sulfate » est par c
contre obtenue pour les teneurs en aluminate tricalcique les plus fai- f c = k b f mc ------------- Ð 0 ,5
e+V
bles. L’aluminate tricalcique étant à l’origine d’une forte exothermi-
cité et d’un retrait endogène élevé [10], on recherchera d’une façon avec fc résistance du béton (MPa),
générale des liants en comportant très peu, c’est-à-dire sans la kb coefficient relatif au squelette granulaire (de 0,5 à 0,6),
caractéristique « R », mais au contraire avec le label « PM-ES », y
compris pour la réalisation de bétons d’épaisseur inférieure à fmc résistance normale (NF EN 196-1) du ciment (MPa),
0,50 m. Parmi ces liants, on évitera pourtant les CLK-CEM III dont le c dosage en ciment (kg/m3),
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4.6 Adjuvants
Afin de ne pas provoquer de ségrégation, il convient pour
cette raison d’éviter la vibration prolongée et la coulée avec
Dans le domaine des bétons spéciaux, les adjuvants utilisés sont chute en hauteur, spécialement dans le cas des bétons lourds.
essentiellement des superplastifiants (ou fluidifiants) et éventuelle-
ment des retardateurs. Les premiers sont censés augmenter la
maniabilité du matériau frais (malaxage, transport, mise en place).
Les seconds complètent l’action des premiers en prolongeant la
4.7 Compositions types de bétons
durée pratique d’utilisation. Les compacités et masses volumiques spéciaux
des bétons de protection gamma actuels, par définition élevées, ne
permettent que très rarement une mise en œuvre sans superplasti-
fiant. Les bétons formulés avant l’apparition de ces produits com- Le champ de composition des bétons spéciaux est potentielle-
portent de fait des teneurs en eau plus élevées, ce qui peut ment très étendu et l’on peut estimer à plusieurs centaines le nom-
apparaître comme un contresens. bre de variétés existant de par le monde (protection gamma
essentiellement). Il n’est pas question d’en dresser ici l’inventaire
Les superplastifiants sont des polymères organiques à caractère d’autant que nombre de ces matériaux apparaissent aujourd’hui
polaire. Leurs chaînes moléculaires, en recouvrant la surface des dépassés, trop spécifiques, voire non reproductibles. On en trou-
grains de ciment, présentent vers l’extérieur des charges négatives vera de nombreux exemples dans [13]. Il convient de remarquer
à l’origine de répulsions interparticulaires. À l’échelle microstructu- que, au sein de cet ensemble, les formules comportant des granu-
rale, ceci se traduit par une défloculation des grains et une réparti- lats à base de fer occupent une position prépondérante.
tion homogène au sein de la pâte qui en conserve le bénéfice après
durcissement (augmentation des résistances, diminution de la per- Actuellement, deux facteurs contribuent à restreindre la gamme
méabilité). À l’échelle du béton, suspension solide assimilable à un des matériaux de protection :
corps de Bingham, l’action des superplastifiants consiste surtout à — les nouvelles techniques de formulation : en permettant de
abaisser le seuil de cisaillement τ0, la viscosité plastique µ étant converger vers les compositions optimales, elles réduisent de fait la
pour sa part moins affectée. L’affaissement du béton frais mesuré au variabilité des bétons produits ;
cône d’Abrams (slump) est étroitement corrélé à ce seuil de cisaille- — la standardisation des procédés : elle tend à s’appuyer sur des
ment lorsque µ < 300 Pa · s et permet de comparer l’efficacité des compositions de référence bénéficiant d’un bon niveau de caractéri-
différents produits [12]. Dans cette gamme de consistance, on vérifie sation, évitant ainsi la qualification coûteuse de matériaux sur
par ailleurs que µbéton est proportionnel à µpâte. mesure.
Plusieurs générations de polymères ont successivement été
mises au point :
4.7.1 Mortiers spéciaux
— les lignosulfonates, maintenant abandonnés ;
— les naphtalènesulfonates, plus efficaces et encore utilisés ; Les mortiers et microbétons désignent des matériaux dont la
— les mélaminesulfonates, d’efficacité comparable. taille maximale du granulat est inférieure à 10 mm. Ils trouvent leur
Ces produits cèdent le pas vers le milieu des années 1990 à de application dans les joints des massifs de béton de protection et
nouvelles molécules très performantes (tableau 8) : plus généralement dans le remplissage de tout vide de dimensions
limitées ou d’accès difficile. Censés assurer au minimum les mêmes
— les polycarboxylates ; propriétés que celles des bétons encaissants, ils leur empruntent
— les polyglycols. souvent les mêmes constituants (tableau 9).
(0)
(0)
Tableau 8 – Superplastifiants pour bétons
Tableau 9 – Mortiers spéciaux pour protection gamma
Marque Ciments Coût
Famille Efficacité et neutronique
(exemples) compatibles (F/L)
Naphtalène Pozzolith® Mortier
400 N Portland ++ 11 Mortier Mortier Mortier
sulfonate Constituants de
de d’hématite de
ou caractéristiques barytine
Castament® Portland +++ + plomb
corindon + acier colémanite
Polyglycol 28
FS 10 + alumineux ++
Poly- Portland +++ Ciment ....... (kg/m3) CA 450 CA 450 CPA 490 CA 450
carboxylate Glenium® 27 + alumineux +++ 11
Eau ............ (kg/m3) 225 180 257 290
Grenaille (1) . (kg/m3) 6 190 580
Généralement utilisés en solution aqueuse comportant 40 % en (6,5/9) (0/0,3)
masse de principe actif, ces nouveaux superplastifiants sont incor- Sable (1) ....... (kg/m3) 335 2 750 2 570 1 400
porés au moment du malaxage à raison de 0,5 à quelques pour-cent (0/0,5) (0/3) (0/3) (0,3/3)
de la masse de ciment. La fluidification est très nette et s’accompa-
gne moins des effets secondaires constatés avec les générations Rapport e/c 0,5 0,4 0,524 0,644
antérieures (entraînement d’air, ségrégation, ressuage...). L’avancée Masse
volumique ... (kg/m3) 7 200 3 200 3 750 2 140
technologique est d’autant plus appréciable qu’elle permet
maintenant :
Dalle Joints
— la réduction d’eau et l’augmentation de fluidité simultanément ; Écran
Application Super réfrac- Joints de criticité
— la fluidification des liants alumineux. Phenix taires
Au moment de leur coulée, les bétons avec adjuvant présentent CA ciment alumineux
pour la plupart un caractère thixotrope accentué : au repos, les CPA ciment Portland artificiel
bétons semblent figés tandis que quelques chocs ou vibrations (1) Tailles de granulats (en mm) indiquées entre parenthèses
entraînent leur « liquéfaction ». sous les quantités utilisées.
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La mise en place s’effectue de façon conventionnelle ou par injec- 4.7.2 Bétons de protection
tion de mortier fin dans un squelette granulaire introduit en premier.
Cette dernière méthode (prepacked concrete), utilisée pour la pro- La sélection de compositions présentées aux tableaux 10 et 11
tection biologique des caissons de la dalle de Super Phénix, pré- comporte à la fois des exemples anciens, typiques ou remarqua-
sente deux avantages : bles, et une référence plus moderne tel que le béton d’hématite qui
tend à se généraliser pour la protection gamma. La liste, non limita-
— éviter la ségrégation des granulats lourds de gros calibre ; tive, propose par ailleurs un béton standard, base de comparaison
indispensable pour toutes caractéristiques confondues et lui-même
— empêcher le blocage du matériau complet en cours d’injection. matériau de protection. Il s’avère difficile de considérer chacune de
ces compositions comme un véritable standard. En effet, chaque
Selon leur température de service, certains joints exigent une ouvrage ayant sa spécificité propre, la variété des contraintes de
grande stabilité dimensionnelle, voire un caractère réfractaire. Ces mise en œuvre et la diversité des provenances pour les liants et les
propriétés sont obtenues par association de sable de corindon avec granulats font en sorte que les bétons mis en place sont toujours dif-
du ciment alumineux. férents, même lorsque leur composition est identique.
(0)
Ciment ................... (kg/m3) CPA 350 CPA 350 CA 400 CPA 350 CPJ 350 CPJ 350 CPA 350 CPA 350
Eau ......................... (kg/m3) 100 150 140 140 175 128 110 150
Superplastifiant .... (kg/m3) 1,75 5,25 4,25 1,75 5,25 1,75 1,75 1,75
Sable 1 (1) .............. (kg/m3) 990 990 200 1 280 580 750
(0/1) (0/1) (0/1) (0/7) (0/3) (0/4)
Gravillons (1) ........ (kg/m3) 1 680 1 680 2 450 1 800 1 800 780
(6/20) (6/20) (5/25) (5/20) (7/30) (8/20)
Rapport e/c ......................... 0,286 0,429 0,35 0,4 0,5 0,366 0,314 0,429
Masse volumique . (kg/m3) 6 300 4 044 4 076 4 720 3 500 3 550 4 920 2 381
Conductivité à 25 ˚C : 6,15
thermique ........ [W/(m · K)] 15,25 à 80 ˚C : 5,65 6,23 11,7 3,37 1,36 11,14 2,26
Coefficient de dilatation
linéique ...................... (K−1) 11,6 × 10−6 8 × 10−6 8,5 × 10−6 9,5 × 10−6 8,9 × 10−6 19,9 × 10−6 16,3 × 10−6 10 × 10−6
Retrait 28 jours ...... (µm/m) 190 270 140 130 300 225 120 175
Résistance à la compres- exp : 76,0 exp : 50,2 exp : 35
sion 28 j .................... (MPa) calc : 148 80 76 calc : 95 44 36 calc : 99 63
Résistance à la traction exp : 6,4 exp : 4,7 exp : 2,7
28 j ............................ (MPa) calc : 7,1 5,2 5 calc : 5,5 3,6 3,3 calc : 5,7 4,4
Module d’élasticité exp : 61,5 exp : 40,3 exp : 19 exp : 38
statique 28 j .............. (GPa) calc : 118 82 81 calc : 93,5 42 calc : 41,6 calc : 83 44
Bouchon Protection X Blocs Dalle
Protection puits Cellules Cellules alvéole de
Exemple d’application ....... réacteur Synchrotron de stockage de freinage blindées blindées amovibles stockage de
de recherche Grenoble de déchets (accéléra- Marcoule Saclay accéléra-
teurs) teur Saclay produits de
vitrifiés fission
CA ciment alumineux CPA ciment Portland artificiel CPJ ciment Portland composé
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Tableau 12 – Composition chimique de deux bétons et détermination des coefficients massiques et linéiques
d’atténuation pour des photons de 1 MeV
Béton standard Béton d’hématite 1
µ/ρ des éléments
Élément µ/ρ partiel µ/ρ partiel
(cm2/g) fraction massique fi fraction massique fi
(cm2/g) (cm2/g)
H 1,263 × 10−1 7,015 × 10−3 8,860 × 10−4 4,296 × 10−3 5,425 × 10−4
C 6,361 × 10−2 4,520 × 10−2 2,875 × 10−3 2,893 × 10−4 1,840 × 10−5
O 6,372 × 10−2 5,085 × 10−1 3,240 × 10−2 3,282 × 10−1 2,091 × 10−2
Na 6,100 × 10−2 3,843 × 10−4 2,344 × 10−5 8,879 × 10−5 5,416 × 10−6
Mg 6,296 × 10−2 1,979 × 10−3 1,246 × 10−4 4,382 × 10−4 2,759 × 10−5
Al 6,146 × 10−2 3,632 × 10−3 2,233 × 10−4 1,217 × 10−3 7,480 × 10−5
Si 6,361 × 10−2 2,068 × 10−1 1,315 × 10−2 9,107 × 10−3 5,793 × 10−4
P 6,182 × 10−2 2,083 × 10−4 1,287 × 10−5
S 6,376 × 10−2 1,391 × 10−3 8,868 × 10−5 7,755 × 10−4 4,944 × 10−5
K 6,216 × 10−2 8,787 × 10−4 5,462 × 10−5 1,703 × 10−4 1,059 × 10−5
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(0)
0,02 15,35 6,447 1,048 1,068 1,107 1,135 1,174 1,194 1,204
0,05 1,313 0,5516 1,632 2,013 2,748 3,636 4,958 5,997 6,742
0,1 0,4560 0,1915 2,620 4,188 9,392 20,29 50,33 89,95 136,8
0,2 0,3024 0,1270 2,657 4,824 14,55 43,89 169,9 415,0 813,8
0,5 0,2076 0,0872 2,247 3,965 11,82 34,99 124,5 276,5 494,2
(0)
0,02 86,81 21,47 1,014 1,014 1,029 1,033 1,043 1,043 1,053
0,05 6,459 1,597 1,155 1,215 1,318 1,421 1,539 1,612 1,653
0,1 1,265 0,3128 1,550 1,884 2,646 3,621 5,084 6,253 7,142
0,2 0,5499 0,1360 2,001 2,941 6,049 12,29 27,84 46,57 67,59
0,5 0,3380 0,0836 2,046 3,284 8,413 21,81 66,50 133,9 224,6
Pour les bétons ordinaires seulement, il est intéressant de savoir bétons spéciaux peuvent être trouvés dans les références [2], [3] et
que les coefficients massiques µ/ρ à une énergie donnée varient très [13].
peu avec les compositions, en dépit d’une disparité notable de ces
dernières. Les écarts notés sont inférieurs à 1,5 % jusqu’à 5 MeV et
inférieurs à 6 % au-delà [13]. Dans ces conditions, la masse volumi- 5.1.1.2 Coefficient massique d’absorption d’énergie
que apparaît principalement influencer la valeur du coefficient
d’atténuation µ (les écarts notés sur ce dernier vont jusqu’à 15 %
environ). Ce type de coefficient intervient dans l’évaluation de la dose
déposée dans le matériau de protection. Il se calcule pour les diffé-
Les coefficients d’atténuation massiques et linéiques du béton
standard et du béton d’hématite 1 ont été calculés pour différentes rentes énergies à partir des coefficients des éléments constitutifs du
énergies (tableaux 13 et 14). La comparaison de leur évolution en béton [14] et s’exprime en cm2/g :
fonction de E (figure 3) montre que, au voisinage de 1 MeV, l’écart
est le plus faible (47 %), conséquence de la prédominance de la dif-
µ en µ en
f i --------- ( E )
fusion Compton par rapport aux interactions rayonnement-matière
----------
ρ béton
- (E) = ∑ ρ i
de type « absorption ». Les coefficients d’atténuation de divers i
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1
Hématite 1 000
Facteur d'accumulation B
5
2
Standard
5 0,5 MeV
0,1
5
2
2
0,01 100
0,01 2 5 0,1 2 5 1 2 5 10 1 MeV
Énergie des photons (MeV)
5
Figure 3 – Évolution comparée du coefficient d’atténuation linéique
du béton standard et du béton à l’hématite 1 2 MeV
2
(0)
10
Tableau 15 – Coefficients massiques d'absorption d'énergie 5 MeV
pour le béton standard, le béton d’hématite 1
et deux milieux de référence dosimétrique 5
Facteur d'accumulation B
1 000
0,5 3,001 × 10−2 2,950 × 10−2 3,299 × 10−2 2,966 × 10−2
1 2,805 × 10−2 2,688 × 10−2 3,103 × 10−2 2,789 × 10−2 5 0,5 MeV
2 2,364 × 10−2 2,267 × 10−2 2,608 × 10−2 2,345 × 10−2
5 1,846 × 10−2 1,914 × 10−2 1,915 × 10−2 1,740 × 10−2 2
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Facteur d'atténuation B exp (– µx )
BÉTONS SPÉCIAUX DE PROTECTION
10–1 10–1
10–2 10–2
10–3 10–3
10–4 10–4
101
0M
Me
eVV
10–5 10–5
55
MM
eeV
10–6 10–6
0,02,2M
0,05,5
0,02,2M
0,05,5M
11M
101
22M
11M
10–7
55M
10–7
M
2M
Mee
MeeV
0M
MeeV
Mee
MeeV
MeeV
MeeV
Mee
Mee
VV
VV
V
V
eV
VV
VV
V
V
V
10– 8 10– 8
0 50 100 150 200 250 0 50 100 150 200 250
Épaisseur (cm) Épaisseur (cm)
Figure 6 – Facteurs d’atténuation du béton standard en fonction Figure 7 – Facteurs d’atténuation du béton lourd à l’hématite 1
de l’épaisseur en fonction de l’épaisseur
L’évolution de φ/φ0 en fonction de l’épaisseur et pour différentes le facteur d’accumulation d’absorption d’énergie (energy deposition
énergies est présentée aux figures 6 et 7, respectivement pour le buildup) est alors égal à (voir à ce propos l’article [B 3 075] Activa-
béton standard et le béton d’hématite 1. L’échelle d’atténuation tradi- tion et protection) :
tionnellement retenue (huit ordres de grandeur) couvre la majorité
des problèmes de radioprotection gamma. L’hypothèse d’un débit D ′ ( x, E 0 )
de dose maximal de 104 Gy/h devant être ramené au niveau de B a ( µx, E 0 ) = ---------------------------
0,1 mGy/h après atténuation (valeur usuelle en zone 2), en donne D 0′ ( x, E 0 )
par exemple la justification. Comme on peut le constater, une épais-
avec φ0 flux incident normal à l’écran (cm−2 · s−1),
seur de béton standard d’au moins 150 cm est requise pour réduire
d’un facteur 108 l’intensité d’une irradiation gamma produite par des E0 énergie du rayonnement incident (MeV),
photons de 1 MeV. En comparaison, une épaisseur de béton à E énergie des rayonnements diffusés et induits
l’hématite de 92 cm est nécessaire pour obtenir le même effet. La (MeV).
réduction d’épaisseur associée à l’emploi du béton lourd est donc
voisine de 39 %, ce qui n’est pas négligeable. Le terme D’(x, E0) ne peut être calculé qu’au moyen d’un code de
type « Monte-Carlo ».
À masse volumique égale, les bétons de protection à base de
magnétite ou d’ilménite présentent des propriétés d’atténuation très Pour une énergie donnée, Ba(µx) présente une évolution similaire
proches de celles du béton d’hématite en raison d’un numéro atomi- à celle de B(µx), mais avec des valeurs légèrement plus élevées, et
que équivalent assez voisin (Zéq ≈ 18). Les bétons à base de barytine peut être mis sous la forme :
ne peuvent en revanche leur être comparés car leur numéro atomi-
que équivalent est significativement plus élevé, indépendamment Ba(µx) = 1 + a µx + b (µx)2 + c (µx)3 + ...
de la masse volumique (Zéq ≈ 27). Dans un autre ordre d’idée, il con-
vient de rappeler que le béton de colémanite, exclusivement neutro-
phage, ne présente aucun intérêt pour la protection gamma. 5.1.2 Atténuation des neutrons
5.1.1.4 Facteurs d’accumulation d’absorption d’énergie
Par rapport aux photons, les neutrons présentent des interactions
Ils concernent le dépôt d’énergie au sein du matériau lui-même et avec la matière éminemment variables selon leur énergie et la
peuvent être utilisés, par exemple, pour calculer l’échauffement nature du milieu de propagation. En particulier pour l’absorption,
dans l’épaisseur des protections irradiées (cf. § 5.2.3). l’existence de singularités (résonances) dans les sections efficaces
Si l’on définit respectivement les débits de dose induits par le flux ou le fait que ces dernières ne suivent pas systématiquement une loi
direct et par le flux total à la profondeur x de l’écran par : en 1/E, limitent l’utilisation de sections efficaces macroscopiques
d’absorption pouvant être moyennées selon l’énergie du rayonne-
µ en ment ou la composition du béton. Pour les neutrons rapides, on
D 0′ ( x, E 0 ) = φ 0 exp ( Ð µx ) E 0 --------- ( E0 ) observe globalement une atténuation exponentielle mais la dégra-
ρ écran
dation du flux en énergie rend tout aussi difficile l’utilisation de coef-
et ficients analogues à ceux caractérisant le transport des photons.
∞
Dans ces conditions, l’efficacité de différents bétons vis-à-vis de
µ en
∫ φ ( x, E ) E ---------
l’atténuation des neutrons ne peut être évaluée que sur la base de
D ′ ( x, E 0 ) = (E) dE paramètres spécifiques à ces particules, respectivement dans le
0
ρ écran
domaine thermique ou rapide.
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5.1.2.1 Section efficace macroscopique d’absorption près, à condition de respecter une fraction massique d’eau
f eau > 0 ,02 (ΣR en cm−1) :
Elle concerne typiquement les neutrons thermiques et intervient
simultanément sur leur propagation et l’émission de rayonnements Σ R = 0 ,0383 + 0 ,0159 ρ béton + 0 ,18 f eau
de capture (gamma surtout). À l’énergie E = 0,0253 eV, très en deçà Sur la base des caractéristiques précédentes, le tableau 17 per-
du domaine des résonances, la section efficace macroscopique Σa met de comparer différents bétons quant à leur efficacité vis-à-vis
(en cm−1) du béton peut être calculée à partir des sections efficaces des neutrons thermiques ou rapides considérés isolément. En terme
microscopiques σai des éléments constitutifs, disponibles dans les de protection, cette comparaison n’est pas très réaliste car elle ne
tables ENDF diffusées par l’Agence Internationale de l’Énergie Ato- tient pas compte des photons gamma de capture, la dose due à ces
mique (IAEA) : derniers pouvant être jusqu’à 104 fois supérieure à celle des neu-
1 trons incidents d’énergie E < 1 MeV (le phénomène s’intensifie
Σ a = ρ béton ∑ f i σ ai -----
Ai
avec l’épaisseur). La comparaison illustrée par les figures 8 et 9
i repose en revanche sur la réponse globale n + γ, calculée en terme
avec 1=6,0221367×1023 (nombre d’Avogadro), d’équivalent de dose relatif pour deux configurations représen-
tatives :
Ai masse atomique de l’élément i.
— spectre de fission (neutrons lents à rapides) ;
Pour le béton standard, le calcul de Σa est détaillé au tableau 16, — spectre de fusion D + T (neutrons rapides ≈ 14 MeV).
les valeurs caractérisant les autres bétons étant indiquées au
Les calculs effectués avec le code MCNP v. 4B [17] considèrent un
tableau 17.
écran de béton semi infini avec une source n ponctuelle isotrope et
un point dose situés au contact du matériau. Le facteur d’atténua-
5.1.2.2 Coefficient de diffusion et longueur de diffusion tion est défini par :
L’atténuation des neutrons thermiques est décrite par la théorie de Hn + Hγ
la diffusion. Dans ce cadre, le coefficient d’atténuation du béton est T = --------------------
l’inverse de la longueur de diffusion L (en cm), celle-ci étant définie H n0
par : avec Hn0 équivalent de dose neutron sans écran (Sv),
D Hn équivalent de dose neutron derrière écran (Sv),
L = ------
Σa Hγ équivalent de dose gamma derrière écran (Sv).
Les équivalents de dose ambiants sont estimés sous 10 mm de
avec D coefficient de diffusion du béton (cm), calculé tissus, conformément à la CIPR 74 [18].
d’après sa composition isotopique (code de
calcul APOLLO). Le spectre de fission retenu est celui du 244Cm, radioélément con-
tribuant majoritairement à l’équivalent de dose neutrons dans un
Les valeurs de D et L−1 pour différents bétons sont indiquées au combustible mixte UO2 − PuO2 (MOX) irradié puis refroidi plus de
tableau 17. trois ans. La répartition en énergie est décrite avec une précision
suffisante jusqu’à 18 MeV par la formule de Cranberg :
5.1.2.3 Section efficace macroscopique de déplacement
2 A3 / 2
Cette section efficace (ΣR : effective neutron-removal cross-sec- ϕ ( E ) = ----------------------------------- exp ( Ð AE ) sh ( BE ) [Σϕ(E) = 1]
B
tion) traduit la probabilité par centimètre parcouru qu’un neutron π B exp --------
rapide quitte son groupe d’énergie initial ou sa direction de propa- 4A
gation initiale suite à un choc élastique sur l’hydrogène, un choc iné- avec A = 1,10375 et B = 3,848 pour 244Cm.
lastique sur un noyau lourd ou une absorption. Assimilé à un
Le spectre de fusion D + T utilisé, gaussien et centré sur 14,1 MeV
coefficient linéaire d’absorption (au sens large), ΣR trouve surtout un
est disponible dans la bibliothèque du code MCNP.
intérêt pratique dans l’évaluation sommaire de l’atténuation de dif-
férents bétons. Par analogie au coefficient d’atténuation µ, ΣR est Vis-à-vis des neutrons de fission, le niveau de protection n, γ pro-
calculé à partir des coefficients massiques ΣR /ρ des différents élé- curé par les bétons est nettement corrélé à l’action spécifique des
ments constitutifs du béton, excepté l’hydrogène pour lequel ΣR (en ingrédients, avec par ordre croissant d’efficacité (et de coût) :
cm−1) est remplacé par Σt (section efficace totale) : — limonite ou serpentine : apport de H (modération n) ;
— colémanite : apport de H et B (absorption nthermique) ;
— riblons + colémanite : apport de H, B et Fe (atténuation γ).
Σ t ΣR
Σ R = ρ béton f H ----- + ∑ f i ------
Dans cette configuration, il convient de souligner qu’un béton à
ρ H i ρ i
l’hématite serait à peine plus performant qu’un béton standard, ce
dernier requerrant environ une épaisseur double de celle du béton
En toute rigueur, les sections efficaces dépendent de l’énergie, en de riblons boré. À l’exception du mortier de colémanite, le change-
particulier celle de l’hydrogène décrite à 2 % près entre 1,5 et ment de pente observé pour les différents bétons correspond globa-
20 MeV par la relation empirique (en cm−2/g) suivante (cf. article lement aux domaines successifs de capture neutronique et
[B 3 010] Physique des neutrons et interaction rayonnements d’atténuation du rayonnement γ induit.
matière) :
Vis-à-vis des neutrons rapides de fusion, la réponse des bétons
Σ t 6 ,555 est beaucoup moins différenciée (le rapport d’épaisseurs entre
- ( E ) = ----------------------
----
ρH E + 1 ,66
béton standard et béton de riblons boré n’est plus que de 1,6). Les
compositions intermédiaires peuvent même présenter des compor-
Par commodité, ΣR est souvent calculé pour une énergie de tements assez proches (limonite et colémanite) ce qui souligne
9 MeV, la valeur de ΣR évoluant assez peu pour un béton donné l’intérêt potentiel de divers bétons combinant le fer et le bore
entre 2 et 12 MeV. À cette énergie, ΣR est approximativement égale (hématite + carbure de bore par exemple). Si le béton de riblons
à 2/3 de la section efficace totale du béton. Le tableau 16 présente le boré demeure de fait le matériau le plus performant, l’obtention
détail du calcul de ΣR pour le béton standard d’après les données de d’une protection comparable à celle prévue pour un spectre de fis-
[15]. Pour les bétons ordinaires de teneurs en eau voisines, le coef- sion nécessite cependant une augmentation d’épaisseur d’environ
ficient massique ΣR /ρ varie assez peu. Pour les bétons ordinaires de 70 %. Dans ce cas, l’optimisation consistant à découpler les fonc-
composition quelconque, le coefficient linéaire ΣR dépend en revan- tions de ralentissement, de capture puis d’atténuation gamma au
che de la masse volumique et de la teneur en eau ; une relation issue sein d’une succession de bétons spécifiques est une solution à envi-
de données expérimentales [16] en donne une estimation à 10 % sager.
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(0)
Mg 1,979 × 10−3 1,683 × 10−1 6,660 × 10−3 2,252 × 10−3 9,320 × 10−4
Al 3,632 × 10−3 3,563 × 10−2 4,486 × 10−2 3,598 × 10−2 1,523 × 10−2
Si 2,068 × 10−1 1,350 × 10−1 1,564 × 10−2 7,065 × 10−2 2,805 × 10−3
P 2,083 × 10−4 7,082 × 10−4 1,822 × 10−4 1,839 × 10−3 6,421 × 10−5
S 1,391 × 10−3 1,282 × 10−4 5,602 × 10−4 1,028 × 10−3 1,034 × 10−4
K 8,787 × 10−4 2,553 × 10−3 2,599 × 10−4 4,440 × 10−4 9,160 × 10−5
Ca 2,165 × 10−1 4,367 × 10−2 1,711 × 10−1 4,765 × 10−2 3,291 × 10−2
Ti 1,553 × 10−4 2,591 × 10−3 3,078 × 10−3 8,185 × 10−5 1,085 × 10−3
Cr 6,839 × 10−6 6,337 × 10−4 1,428 × 10−4 ................................... 5,033 × 10−5
Mn 1,925 × 10−4 5,898 × 10−4 7,275 × 10−5 1,471 × 10−3 2,564 × 10−5
Fe 7,188 × 10−3 7,606 × 10−2 2,566 × 10−2 3,939 × 10−1 8,320 × 10−1
Neutrons thermiques (0,0253 eV)
Σa .................. (cm−1) 9,239 × 10−2 1,907 × 10−1 7,056 × 10 4,521 × 10−1 2,404 × 10
D ....................... (cm) 0,782 0,386 0,037 0,360 0,103
L−1 ................. (cm−1) 3,436 × 10−1 7,032 × 10−1 4,377 × 10 1,121 1,528 × 10
Neutrons rapides (9 MeV)
ΣR .................. (cm−1) 9,133 × 10−2 1,125 × 10−1 1,059 × 10−1 1,181 × 10−1 1,369 × 10−1
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Facteur d'atténuation T
1
béton réellement mis en place étant un B35. Cependant, du fait de
l’emploi de superplastifiants réducteurs d’eau, ces qualités ordinai-
res peuvent se trouver facilement dépassées puisqu’on peut obtenir
10–1
des bétons de radioprotection de haute performance (BHP) dont la
résistance en compression est supérieure à 60 MPa à 28 jours.
10–2 Même si cette caractéristique n’est pas nécessairement recherchée,
il est frappant de constater que certains granulats spéciaux contri-
buent aussi à l’atteindre. L’acier, l’hématite, le corindon, matériaux
10–3 Bé de grande dureté, peuvent transformer ainsi un béton ordinaire en
Btoé
ntons BHP. Des températures de service jusqu’au voisinage de 100 ˚C peu-
Bé tsatan vent par ailleurs contribuer à augmenter la résistance initiale, le gain
Bé tBoén ndda
Bé
10–4 toB todn arrd dû à l’activation des réactions d’hydratation étant supérieur à la
ént edel
ton
odn
ed imlimo perte due au séchage. Au-delà de 150 ˚C, une diminution est le plus
Bdé
see onniit souvent constatée avec une amplitude très variable selon le type de
srep te
etonr
10–5 rpe granulat et le confinement du béton. La résistance en traction est
enn
odbe
ttiin
Bé
ne beaucoup plus sensible aux effets de la température et de l’irradia-
lorin
t
tion car elle intègre complètement la qualité de la liaison granulat-
oBné
blso
10–6
tod
matrice cimentaire.
n+
ne
s c+
dce
ocloé
ocloé
10–7 5.2.1.2 Élasticité
lm
lm
ém
éma
aan
anni
niitt
Pour un béton sollicité à moins de 60 % de sa résistance, les
e
ittee
10– 8 déformations instantanées sont réversibles. Ce comportement élas-
tique est une caractéristique intrinsèque du matériau, très impor-
0 25 50 75 100 125 150
tante pour le comportement des structures.
Épaisseur de protection (cm)
Le module d’élasticité du béton peut être calculé selon le modèle
Figure 8 – Facteurs d’atténuation en terme d’équivalent de dose trisphère [10], connaissant les modules de la pâte de ciment Ep et du
n + γ de différents bétons en fonction de l’épaisseur (spectre
granulat Eg :
de fission 244Cm)
E g2 Ð E p2
E béton = E p 1 + 2 g ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Facteur d'atténuation T
1
( g * Ð g ) Eg + 2 ( 2 Ð g * ) Eg Ep + ( g * + g ) Ep
2 2
Bé
10–1
to avec g* concentration granulaire virtuelle maximale,
nB
déet g concentration réelle du granulat,
orn
odb
10–2 el
d 0 ,22
g * = 1 Ð 0 ,39 ----
orinb
ls
on Bé pour les granulats roulés,
+s Bé Bto énto
c+o nsts
D
cloé t oBén atann
10–3 tod ddaa
lm d 0 ,19
g * = 1 Ð 0 ,45 ----
ém ne rrd
aan dse d pour les granulats concassés.
n iitte esre D
prep
10–4 ennt
tiinn À un âge donné, la pâte de ciment présente pour sa part un
e
module d’élasticité et une résistance en compression directement
10–5 proportionnels [10] :
Béton dede
Béton colémanite
colémanite
KR cj
Béton dedelimonite
Béton limonite
E pj = k p -------------------------------------
-
10–6 ρ c e 2 ,4
1 + -------- - ---
10 3 c
10–7
avec kp = 220 et K = 8 constantes expérimentales,
Rcj résistance normalisée du ciment à
10– 8 l’échéance j (NF EN 196-1).
0 25 50 75 100 125 150
Épaisseur de protection (cm) Cette relation conduit à calculer pour la matrice du béton stan-
dard, ou celle très voisine du béton d’hématite 1, un module de
Figure 9 – Facteurs d’atténuation en terme d’équivalent de dose 14 100 MPa à 28 jours. L’application du modèle trisphère permet de
n + γ de différents bétons en fonction de l’épaisseur (spectre juger de l’influence considérable du module du granulat et de la
de fusion D + T) compacité sur le module du béton, résultat retrouvé expérimentale-
ment.
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5.2.2.2 Capacité thermique massique D’une façon générale, les bétons comportant des granulats de
coefficients inférieurs à celui de la pâte de ciment (αpâte ≈ 10−5 K−1)
Dans les conditions standard (25 ˚C, 101 325Pa), la valeur de ce maintiennent un niveau de résistance mécanique satisfaisant
paramètre (en J · kg−1 · K−1) est calculable à partir des capacités des jusqu’à 250 ˚C (hématite, corindon, magnétite, calcaire pur). En
oxydes simples constitutifs du béton (H2O, CaO, SiO2, Fe2O3, etc.) : revanche, les granulats siliceux doivent être évités en raison de leur
Cp = Σ fiCpi dilatation supérieure à celle de la pâte.
Pour les bétons à base Portland, 150 ˚C constitue un seuil thermi-
avec fi fraction massique du constituant i de capacité Cpi. que à partir duquel la matrice de ciment se rétracte tandis que les
Exemple : on peut retenir les valeurs suivantes pour trois composi- granulats poursuivent leur expansion. Ces variations volumiques
tions issues des tableaux 10 et 11 : contraires sont heureusement partiellement compensées par le
fluage de la matrice lors de la montée en température. Par contre, au
— béton standard ........................................ Cp = 975 J · kg−1 · K−1 ;
refroidissement, le retrait des granulats n’est plus accompagné par
— béton de colémanite ................................ Cp = 880 J · kg−1 · K−1 ;
la matrice et il y a une désolidarisation à l’interface d’autant plus
— béton d’hématite 1 ................................... Cp = 794 J · kg−1 · K−1.
prononcée que αgranulat est élevé.
La présence de métal (granulat, armature), contribue à diminuer
ces valeurs tandis que la teneur en eau tend à les augmenter très 5.2.3 Distribution de température
significativement, conséquence de la forte capacité thermique mas-
dans les protections
sique de H2O (4 184 J · kg−1 · K−1). Lorsque la température aug-
mente, l’évolution de la capacité thermique massique du béton est Dans plusieurs configurations (réacteur, entreposage à sec de
essentiellement gouvernée par l’eau. Cp croît d’abord avec le déve- combustibles irradiés ou de déchets radioactifs de type C), les struc-
loppement de la phase vapeur (facteur 2 à 3 au voisinage de 90 ˚C), tures en béton reçoivent de la chaleur par convection et rayonne-
puis diminue lorsque l’eau a été éliminée par séchage. ment thermique. Il convient d’y ajouter la chaleur résultant de
l’absorption des radiations nucléaires (photons γ et neutrons), phé-
5.2.2.3 Coefficient de dilatation thermique nomène fortement dépendant de la profondeur x puisque l’essentiel
de la dose est déposée dans les premières dizaines de centimètres.
Souvent négligé pour des conditions de service à température Dans ce processus, l’accumulation de dose dans le béton a une part
ambiante, ce paramètre devient d’autant plus prépondérant que le d’autant moins négligeable que ce dernier présente un faible coeffi-
béton subit un échauffement ∆T important, en particulier au-delà de cient d’atténuation (figure 10).
la température de 150 ˚C.
La quantité de chaleur générée in situ par le rayonnement gamma
Il existe une très forte corrélation entre le coefficient de dilatation (en W/cm3) est donnée par :
thermique du granulat et celui du béton (α suit la loi des mélanges).
On peut donc considérer que les granulats présentant les coeffi- H(x) = C ∑ Ei µen ( Ei ) φ0 ( Ei ) Ba ( µx ) exp [ е ( Ei ) x ]
cients α les plus élevés conduisent aux bétons les plus expansifs, ce i
qui est susceptible d’entraîner la ruine des matériaux sous certaines avec µen(Ei) et µ(Ei) coefficients d’absorption d’énergie et
conditions. d’atténuation pour l’énergie Ei (cm−1),
Exemple : pour des bétons barytés, après un traitement de 6 mois φ 0 (E i ) flux de photons incidents d’énergie
à 250 ˚C, le granulat et sa matrice sont complètement fracturés [3]. Ei, sans atténuation (cm−2 · s−1),
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Température (°C)
60
d’énergie,
55 Béton standard
Béton standard
Ei énergie des photons i (MeV),
50
C = 1,60218 × 10−13 J/MeV. 45
La relation est voisine pour les neutrons [13] [H(x) en W/cm3] : 40
35
H(x) = C ∑ E B Σ t ( E i ) φ ( x, E i ) 30
i 25
20
avec EB ≈ 8 MeV énergie de liaison libérée par capture, 0 25 50 75 100 125 150
Σ t (E i ) section efficace macroscopique de capture pour Épaisseur de protection (cm)
l’énergie Ei (cm−1).
Température (°C)
En régime stationnaire, la distribution de température dans un 60
écran plan de protection, exposé à un faisceau parallèle (non coli- 55 Béton
Béton hématite
d'hématite
maté) et normalement incident de photons γ d’énergie E peut être 50
estimée à partir de l’équation : 45
40
d2 T 35
λ ---------- = Ð C E µ en φ 0 B a ( µx ) exp ( Ð µx )
d x2 30
25
avec λ conductivité thermique du béton (W · cm−1 · K−1).
20
Lorsque l’épaisseur h de béton est suffisamment grande devant le 0 25 50 75 100 125 150
libre parcours moyen 1/µ, la résolution de l’équation précédente Épaisseur de protection (cm)
fournit la solution approchée (souvent décrite sans buildup, c’est-à-
dire sans le terme Ba [13] [19]) : Figure 11 – Profils de température obtenus en régime stationnaire
dans des protections en béton standard et béton d’hématite
x C E µ en φ 0 de différentes épaisseurs sous un flux parallèle normalement
T ( x ) ≈ T 1 + --- ( T 2 Ð T 1 ) + ------------------------------ 1 Ð --- f ( 0 ) Ð exp ( Ð µ x ) f ( x )
x
incident de 2,24 × 1010 γ /cm2 (E = 1 MeV) avec Tinterne = 45 ˚C
h λµ 2 h et Texterne = 20 ˚C
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(0)
Contrainte (MPa)
Présents en trace dans la plupart des bétons, les deux isoto- 6.2 Radiolyse du béton
pes naturels de l’europium induisent de même une activité rési-
duelle de l’ordre de 1 Bq/g dans les dix premiers centimètres de
protection dont il convient de tenir compte lors du démantèle- Au sein du liquide interstitiel, l’eau du béton subit le phénomène
ment. de radiolyse, conséquence physico-chimique des ionisations et exci-
tations électroniques sur la molécule H2O sous irradiation gamma
Dans le cas d’une machine de fusion D + T, des neutrons de ou neutronique. Facilement décelable par l’apparition d’hydrogène
14,1 MeV sont émis et l’activation s’avère jusqu’à quatre fois plus moléculaire, la décomposition de l’eau constitue pourtant une
efficace par rapport à celle des neutrons de fission (2 MeV en forme minoritaire de la dégradation de l’énergie rayonnée, plus de
moyenne). La réaction « n, p » sur 16O (réaction à seuil de 11 MeV) 90 % de cette dernière étant transformée sous forme de chaleur.
induit par ailleurs une dose importante (mais à très court terme) du En raison du risque « hydrogène » (atteinte de propriétés explosi-
fait de l’abondance de cet isotope et de la grande dureté des pho- ves au-delà de 4 %, en volume, de H2 dans l’air), la radiolyse pose
tons γ émis. plus un problème de sûreté vis-à-vis des installations qu’un réel pro-
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blème de durabilité pour le béton de protection. Au sein de locaux Au sein du milieu riche en calcium que constitue le béton, l’ion
confinés, il convient d’estimer correctement les quantités de H2 pro- peroxyde et ses dérivés ( O 22– , HO 2– , H2O2) réagissent ensuite pour
duites afin de prévoir une ventilation ou une extraction suffisantes. former un peroxyde de calcium métastable mais très peu soluble :
Le taux maximal de production de H2 est relatif au rendement pri- HO 2– + CaOH + + 7 H 2 O → CaO 2 ⋅ 8 H 2 O
maire G, c’est-à-dire au nombre de moles formées par unité d’éner-
gie absorbée dans l’eau. Ce rendement est caractéristique du type Dans ce contexte, la radiolyse ne donne jamais lieu à la produc-
de rayonnement [20] : tion de O2, à moins que le matériau soit complètement carbonaté ou
— rayonnement gamma .................... Gγ(H2) = 4,403 x 10−8 mol/J ; qu’il reçoive un débit de dose supérieur à 3 Gy/s [22].
— neutrons rapides .......................... Gn(H2) = 1,0049 x 10−7 mol/J.
Pour un béton dont la fraction massique en eau libre est f eau ,
avec une masse volumique ρbéton, le taux maximal de production 6.3 Transformations minéralogiques
de H2 (en mol · s−1 · m−3) est :
′ f eau ρ béton
Q ( H 2 ) = G ( H 2 ) D eau 6.3.1 Transformations liées à l'irradiation
Avec un béton de ciment Portland comportant une masse d’eau Les bétons présentent dans l’ensemble une bonne tenue aux
de gâchage et une masse de ciment au mètre cube respectivement rayonnements pour des doses cumulées allant au minimum jusqu’à
égales à Me et Mc , la quantité d’eau libre (en kg/m3) généralement 1010 Gy (photons gamma) ou des fluences de 1019 n/cm2 (neutrons
retenue est la suivante : rapides) [2]. Au maximum, ces valeurs sont portées respectivement
à 1011 Gy et 1021 n/cm2. Sauf exception, il n’y a pas d’évolution
f eau ρ béton = M e Ð 0 ,225 M c minéralogique due à l’irradiation seule dans les bétons constitués
de ciments Portland ou alumineux.
Pour un rayonnement monoénergétique, D eau ′ est le débit de
dose moyen délivré à l’eau du béton (en Gy/s) compte tenu de l’atté- 6.3.1.1 Matrice cimentaire
nuation sur une épaisseur x et du débit de dose D 0′ air mesuré dans
l’air à la surface de la protection. Il est égal à : Dans le cas particulier des liants riches en laitier (types CHF ou
CLK) et en présence d’air, les produits oxygénés de la radiolyse con-
µ en tribuent à oxyder les polysulfures du laitier ( S n2– ) en sulfate, ce qui
--------
ρ eau 1
- x peut entraîner la formation d’ettringite secondaire gonflante. Obser-
′ = D 0′ air
D eau ---------------------- ---
µ en
--------- air
x ∫B
0
a ( µx ) exp ( Ð µx ) d x vée consécutivement à l’irradiation γ intense (8,7 × 107 Gy à raison
de 2,78 Gy/s) d’une pâte composée de 75 % de laitier et 25 % de clin-
ρ ker (e/c = 0,36), cette évolution minéralogique est la seule identifiée
[23]. Il convient de souligner que, du fait du débit de dose très élevé,
avec (µen /ρ)eau, (µen /ρ)air coefficients massiques d’absorption une augmentation notable de température est associée à ce phéno-
d’énergie, respectivement dans l’eau mène (T = 50˚ C).
et l’air (cm2/g),
Ba(µx) facteur d’accumulation d’absorption Les liants de type CLK et CHF-CEM III sont en conséquence à
d’énergie dans le béton, éviter pour les bétons de protection sous flux élevés.
µ coefficient d’atténuation linéique du
béton (cm−1). Le silicate de calcium hydraté (C-S-H) est le principal hydrate des
Avec un rayonnement gamma d’énergie E = 1 MeV générant un pâtes de ciment Portland. Il ne subit pas d’évolution chimique sous
débit de dose dans l’air de 10−1 Gy/s, la production totale de H2 par irradiation, en particulier le rapport Ca/Si reste inchangé, mais sem-
un voile de béton standard de 150 cm d’épaisseur est estimée à ble affecté par une nouvelle répartition de sa porosité, constante au
5,35 × 10−7 mol · s−1 · m−3. À supposer que le dégazage s’effectue demeurant. Cette réorganisation évoque d’autant plus une variété
par une seule face, la production journalière est de l’ordre de 1,5 L/m2. de fluage que l’hydrate incriminé est amorphe, donc enclin à ce
Ce taux enveloppe est en réalité très surestimé car il néglige l’impor- comportement. Les conséquences macroscopiques paraissent très
tante fraction de H2 recombiné par la radiolyse avant expulsion du limitées car d’amplitude très inférieure à celle des autres types de
béton. Il demeure suffisamment limité pour ne pas induire de désor- fluage, en particulier celui lié au départ de l’eau (cf. § 6.4.3).
dre dans la matrice cimentaire (mise en pression du réseau poreux
par exemple), mais souligne la nécessité de ventiler. 6.3.1.2 Granulats
La présence de superplastifiant à base aromatique (naphtalène L’effet de l’irradiation est surtout sensible avec les neutrons et
surtout), de carbonate (granulats calcaires) ou de fer ferrique (gra- s’accompagne d’une déformation des réseaux cristallins pouvant
nulats d’hématite) diminue sensiblement la production d’hydrogène aller jusqu’à l’amorphisation, en particulier chez certains minéraux à
radiolytique, en particulier sous irradiation gamma. Le phénomène liaisons covalentes. Pour le quartz, un gonflement associé très
– , abondam-
est dû à la réaction de ces produits avec le radical e aq important (∆V/V ≈ 15 %) est observé lorsque la fluence atteint
ment formé par ce type d’irradiation et participant normalement à la 2 × 1020 n/cm2 [24]. La serpentine présente une dilatation volumique
production de H2. Dans le cas du carbonate et du fer ferrique, l’effet du même ordre de grandeur pour une fluence voisine en neutrons
est durable pendant toute l’irradiation, ce qui n’est pas le cas avec rapides [25].
les adjuvants organiques qui finissent par se décomposer.
L’irradiation des bétons, quelle que soit leur nature, conduit rapi-
dement à un milieu anoxique du fait de la réduction de l’oxygène 6.3.2 Transformations liées à la température
moléculaire (une forte diminution du potentiel d’oxydo-réduction du
liquide interstitiel est associée à ce phénomène) [21] : Les effets de la température l’emportent largement sur ceux de
l’irradiation et c’est au niveau de la pâte, élément faible du béton,
– → O – puis O – + e – → O 2– que se situent les principaux dommages. On considère en général
O 2 + e aq ← 2 2 aq ← 2
que les bétons ordinaires supportent, en condition de service, des
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températures allant jusqu’à 90 ˚C s’ils sont bien protégés (confine- 6.4 Séchage, retrait, fluage
ment hydrique et calorifugeage). Au-delà, le comportement devient
complexe et difficile à prévoir en raison de nombreux couplages
matériau-structure.
6.4.1 Séchage
Différents seuils physico-chimiques peuvent être franchis selon la
température atteinte (tableau 19) et le confinement du béton. L’eau de la matrice cimentaire est susceptible d’être évacuée lors-
que apparaît un gradient d’humidité relative (HR) avec le milieu
Il convient de souligner que, après chauffage accidentel au-delà extérieur, indépendamment de la température. La tension de vapeur
de 400 ˚C, le refroidissement d’un béton à base « Portland » en pré- des hydrates de ciment Portland correspondant à une HR de 75 %
sence de vapeur d’eau peut s’accompagner d’une destruction de la environ à pression et température standard, le béton sèche d’autant
matrice par croissance, très expansive, de Ca(OH)2. plus rapidement que HR est inférieure à cette valeur. Au-delà, la
porosité capillaire du matériau absorbe de l’eau, jusqu’à saturation
Macroscopiquement, l’action combinée de l’irradiation et de la si HR ≈ 100 % [26].
température aboutit toujours à une perte de ductilité du béton a
minima. Afin de prévenir toute évolution plus conséquente, les Étant gouvernée par la diffusion de la vapeur d’eau dans la poro-
recommandations générales figurant dans la référence [3] sité, la cinétique de séchage augmente avec la température T et le
devraient être prises en compte dès l’étape de conception des rapport e/c du béton ; elle suit globalement une loi du type [10] :
ouvrages en béton (tableau 20).
t Ð ts
Sauf cas particulier (ciment et granulats spécialement étudiés), on H 2 O = H 2 O ∞ ----------------------------
-
retiendra par ailleurs des températures de service maximales de ah 02 + t Ð t s
l’ordre de :
avec H2 O∞ quantité d’eau maximale évacuée à terme,
— 90 ˚C (protection neutron) ;
— 150 ˚C (protection gamma). h0 épaisseur moyenne du voile de béton,
(0)
a coefficient dépendant du béton (e/c) et de T,
t et ts âge total du béton et âge en début de séchage.
Tableau 19 – Seuils physico-chimiques affectant la matrice
des bétons en fonction de la température Cette relation rend compte du fait que la fraction d’eau éliminée à
une échéance donnée est d’autant plus importante que le séchage
Température Seuil physico-chimique débute au jeune âge et que l’épaisseur du béton est faible.
Ciment Portland Généralement utilisés en forte épaisseur, les bétons de protection
0 à 105 ˚C .................. départ de l’eau libre mettent théoriquement un temps très long pour sécher. Ils connais-
sent cependant deux conditions de service fréquentes et
105 à 600 ˚C .............. déshydratation des hydrates de type C-S-H aggravantes : la chaleur et la ventilation (puits de cuve de réacteur,
400 à 600 ˚C .............. déshydratation de Ca(OH)2 chaîne blindée, casemate d’entreposage). En zone nucléaire,
l’extraction de l’air effectuée pour maintenir les locaux en dépres-
Ciment alumineux sion contribue ainsi à faire sécher le béton assez rapidement, mais
0 à 105 ˚C .................. départ de l’eau libre superficiellement, en l’absence de revêtement étanche (peau métal-
lique, peinture époxy).
275 ˚C ........................ déshydratation de Al2(OH)6
Des conséquences majeures sont associées au départ de l’eau :
300 à 500 ˚C .............. déshydratation des hydrogrenats
> 500 ˚C ..................... apparition de liaisons céramiques — le retrait de dessiccation et le fluage de dessiccation, phéno-
mènes à l’origine de fissurations et de déformations différées ;
— la diminution de la teneur en hydrogène, affectant d’autant
plus sévèrement l’atténuation des neutrons que les bétons sont
(0)
dépourvus de bore et pauvres en eau de constitution (l’impact sur
Tableau 20 – Recommandations générales relatives l’atténuation gamma est par contre assez faible).
aux conditions de service des bétons Pour les conditions de service les plus sévères, les bétons de pro-
Flux énergétique maximal .......... 4 x 1010 MeV · cm−2 · s−1 tection à base de ciment alumineux, préchauffés, apportent vis-à-vis
(soit 6,4 mW · cm−2) de ces problèmes les meilleures garanties de stabilité.
Taux maximal d’échauffement
interne .......................................... 1 mW · cm−3
6.4.2 Retrait de dessiccation
∆T maximal lié à l’échauffement
interne .......................................... 6 ˚C
Gradient de température Les retraits thermiques et endogènes, respectivement associés au
maximal ....................................... 1 ˚C · cm−1 refroidissement après prise et au degré d’hydratation (contraction
Le Châtelier), ne sont pas abordés ici. On en trouvera une descrip-
tion dans l’article [C 2 235] Prise et durcissement des bétons. Les
effets thermomécaniques du traité Construction. Ces phénomènes
ne sont pas à négliger pour autant avec des voiles de béton de forte
Pour la plupart des bétons, les cyclages thermiques consti- épaisseur, car la fissuration induite au jeune âge peut s’y avérer pro-
tuent enfin un facteur d’endommagement très important. Ils blématique. Il convient de rappeler sur ce point que les reprises de
doivent être limités à la fois en nombre et en amplitude, voire bétonnage doivent être absolument évitées, étant à l’origine de fis-
même évités (béton de serpentine). sures traversantes verticales.
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Le retrait de dessiccation (ou hydraulique) suit pour sa part une loi — l’élévation de température est fréquente.
cinétique analogue à celle du séchage auquel il est génériquement
lié [10] :
Vis-à-vis du problème de fluage de dessiccation, il convient
dès la conception des ouvrages :
t Ð ts
r = r ∞ ----------------------------------------
- — d’éviter les dalles en béton de grande envergure, quelle
0 ,035 h 02 + t Ð t s que soit la densité d’armature ;
— d’empêcher le séchage du béton au moyen de revête-
avec r ∞ retrait maximal observé à terme. ments agréés sous rayonnement ;
— de promouvoir l’utilisation de bétons de ciment alumi-
À l’aide de cette relation établie pour un béton ordinaire, où t est neux, peu sujets au séchage et aux déformations différées après
exprimé en jours et h en millimètres, on constate qu’il existe un effet préchauffage.
d’échelle important pour les voiles de béton de forte épaisseur. Ainsi
au bout de 100 ans, un voile de 1,50 m séchant par ses deux faces
présente un retrait dont l’amplitude n’est que de 56 % du retrait
final. 6.5 Corrosion des armatures
Le retrait n’étant pas uniforme au sein du béton, il apparaît rapide-
ment un gradient de contraintes tel que le cœur du voile se trouve Une accélération de la corrosion des aciers au carbone (de type
en compression tandis que les peaux interne et externe sont en trac- généralisée) se produit sous irradiation gamma lorsque le débit de
tion. Ces dernières présentent donc normalement une fissuration dose est supérieur à 10 Gy/h en solution neutre, eau de mer (milieux
superficielle à partir de déformations relatives de l’ordre de non passivants), eau granitique (pH 9,4) [27]. Dans le béton, la cor-
150 × 10−6 (0,15 mm/m). rosion sous irradiation n’a été mise en évidence qu’en présence
d’additifs spécifiques de la mise en œuvre (CaCl2) ou de la capture
La proportionnalité entre perte de masse et retrait n’est pas la
neutronique (CdSO4) introduits à hauteur de 2 % du dosage en
même lorsqu’il reste de l’eau dans les capillaires et lorsque ces der-
ciment [3].
niers sont vides (l’eau des hydrates commence alors à être sollici-
tée). De ce fait, les prévisions à long terme doivent s’appuyer sur de Bien qu’aucun signe macroscopique de corrosion liée à l’irradia-
nouveaux paramètres rendant compte d’une cinétique plus lente. tion n’ait été relevé dans les bétons armés de différentes installa-
tions nucléaires, plusieurs mécanismes potentiels sont pourtant
envisageables, en y associant le rôle essentiel de l’élévation de tem-
pérature et du pH (> 13) :
6.4.3 Fluage de dessiccation
— attaque par les produits oxydants de la radiolyse (radicaux OH
et O−) ;
Le fluage traduit l’aptitude du béton à se déformer de façon irré- — atteinte du domaine de corrosion basique du fer par diminu-
versible sous contrainte et associe deux composantes : le fluage tion du potentiel de l’acier sous irradiation (production d’ions
propre et le fluage de dessiccation. Trois configurations permettent HFeO 2– ) ;
de mieux comprendre le lien entre l’existence du fluage et l’humi- — effet direct du rayonnement sur la couche passive d’oxyde
dité interne du béton : (création de défauts et fragilisation) ;
— effet de pile par existence de gradients de débit de dose et de
— un béton préséché ne flue pas ; température au sein des voiles de béton (figure 10).
— un béton isolé (confinement hydrique) a son fluage propre ; Dans ce dernier cas, spécifique aux voiles de béton de forte épais-
— un béton en cours de séchage présente un fluage très supé- seur, on suppose que la composition du liquide interstitiel (électro-
rieur au précédent (fluage propre + fluage de dessiccation). lyte) est modifiée par l’irradiation et la température. Sa variation
avec la profondeur induit une corrosion galvanique si le réseau
Un parallèle existe donc entre retrait endogène et fluage propre, d’armature (électrode) est intégralement liaisonné. L’absence de
d’une part, et retrait de dessiccation et fluage de dessiccation, revêtement constituerait alors un facteur aggravant, le séchage
d’autre part. Plus précisément, le fluage de dessiccation représente favorisant la modification de l’électrolyte et d’une façon générale
un surplus de déformation équivalent au retrait de dessiccation. Le l’accès de l’oxygène.
fait que la fissuration de peau n’apparaisse plus dans une pièce de
Une cinétique lente, la capacité de la pâte de ciment à absorber
béton comprimée en cours de séchage vient conforter cette hypo-
une partie du gonflement et le fait que les aciers ne soient pas direc-
thèse.
tement observables, pourraient expliquer la non-détection du phé-
Dans la mesure où les chargements mécanique et thermique nomène pendant plusieurs décennies. Pour autant, ce point devra
favorisent les deux types de fluage, tant en intensité qu’en cinétique être examiné attentivement dans la mesure où la durabilité des
de développement, les bétons de protection peuvent apparaître plu- ouvrages à long terme dépend étroitement du comportement des
tôt pénalisés puisque : armatures.
En ce qui concerne la corrosion classique (séquence « séchage –
— les masses mises en jeu sont très importantes ; carbonatation – abaissement du pH – dépassivation »), le lecteur se
— la densité élevée des bétons lourds concentre l’effet du poids ; reportera à l’ouvrage de synthèse [28]).
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