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ISSN 0035-0907

Collection «  Études Biblique  » cent dix-septième année N° 3 juillet 2010


*
(Nouvelle série n° 61)

Évangile selon marc publiée par

j uillet  2010
L’École Biblique et archéologique française
Établie au couvent dominicain saint-Étienne de JÉrusalem
par
Dom Benoît standaert, O.S.B. SOMMAIRE
Pages
Un ensemble de trois volumes de 1.238 pages .................... € 156 M. Richelle. – Élie et Élisée, Auriges en Israël  : Une Métaphore militaire oubliée en
2 R 2,12 et 13,14......................................................................................................  321
B.A. Levine. – On the social aspects of sacrifice  : A paradigm from the Hebrew Bible..  337
Collection «  Cahier de la Revue Biblique  » É. Nodet. – Prières de Manassé (2 CH 33,13*  ; TSK 1.144*  ; 4 Q 381............................  345
T. Murcia. – Le statère trouvé dans la bouche d’un poisson (Matthieu 17,24-27)...........  361
L. Devillers. – Le papyrus Bodmer II, Aujourd’hui comme hier  : Fragments de correspon-
(N° 73) dance entre Victor Martin et Marie-Émile Boismard..............................................  389
E. Friedheim - S. Dar. – Some historical and archaeological notes about Paganism in
Byzantine Palestine...................................................................................................  397
avant que se leve R. Beeri - D. Ben-Yosef. – Gaming Dice and Dice for prognostication in the Ancient East
in light of the finds from Mount Ebal......................................................................  410
l’etoile du matin Notes philologique. – Le meurtre de Zacharie fils de Barachie (É. Nodet)......................  430
Recensions  : Michaël Langlois, Le premier manuscrit du Livre d’Hénoch. Étude épi
graphique et philologique des fragments araméens de 4Q201 à Qumrân. (É. Puech).  435

R evue biblique
Gérard N. Amzallag, The Copper Revolution Smelters from Canaan and the
Beginning of Civilization. (É. Nodet).......................................................................  439
par Frédéric Alpi, La route royale: Sévère d’Antioche et les Églises d’Orient (512-
518) (J. Taylor).........................................................................................................  452
P. GARUTI Bulletin.................................................................................................................................  456
Livres reçus.........................................................................................................................  477
Un volume de 184 pages . ....................................................... € 46
Publiée avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique
et du Centre National du Livre

(N° 74)

samaritains, juifs, temples

par
É nodet
Pendé – LibraIrie lecoffre
Un volume de 117 pages . ....................................................... € 38 J. Gabalda et Cie, Éditeurs
*
Rue du Petit Pendé, 69
france
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RB. 2010 - T. 117-3 (pp.ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL
321-336). 321

ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL∞∞:


UNE MÉTAPHORE MILITAIRE OUBLIÉE
EN 2 R 2,12 ET 13,14
PAR
Matthieu RICHELLE
26, av. du Maréchal Joffre
F-78250 MEULAN
matt_richelle@yahoo.fr

SOMMAIRE
Dans le texte massorétique, une formule identique apparaît en 2 R 2,12 et
13,14∞∞: ‫ָרשׁיו‬
ָ ָ‫ָראל וּפ‬
ֵ ‫שׂ‬ְ ִ ‫ֶרכב י‬
ֶ . Généralement, les commentateurs y voient la de-
scription d’une troupe militaire (traduite par exemple «∞∞chars d’Israël et sa
cavalerie∞∞») et une image appliquée à Élie puis à son disciple. On montre ici
que l’ancienne Septante, reflétée par la Vetus Latina, lisait en 2 R 2,12 une
leçon courte vocalisée ‫ָראל‬ ֵ ‫שׂ‬
ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ et en 2 R 13,14 l’expression ‫ָראל‬
ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ
$ ‫וּפָרשׁו‬
ָ . On obtient alors une nouvelle interprétation, plus naturelle∞∞: dans les
deux cas, il s’agit d’un titre militaire qualifiant métaphoriquement l’homme de
Dieu.

SUMMARY
In the Masoretic Text, 2 Kgs 2,12 and 3,14 contain the same expression∞∞:
‫ָרשׁיו‬
ָ ָ‫ָראל וּפ‬
ֵ ‫שׂ‬
ְ ִ ‫ֶרכב י‬
ֶ . Commentators generally assess this as a description of an
army (translated e.g. “∞∞chariots of Israel and its cavalry∞∞”), an image applied to
Elijah and his disciple. This study shows that the ancient Septuagint, reflected
in the Vetus Latina, found in 2 Kgs 2,12 a short reading vocalized ‫ָראל‬ ֵ ‫שׂ‬
ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ
and in 2 Kgs 13,14 the expression $ ‫ָראל וּפָָרשׁו‬
ֵ ‫שׂ‬ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ . One obtains a new, more
natural interpretation∞∞: in both cases, the text makes use of a military title,
metaphorically characterising the man of God.

On rencontre à deux reprises, dans les livres des Rois, l’expression


‫ָראל וּפָָרשָׁיו‬
ֵ ‫שׂ‬ְ ִ ‫ֶרכב י‬
ֶ . La première fois, elle figure dans la bouche d’Élisée

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322 MATTHIEU RICHELLE

lors de la montée au ciel de son maître∞∞:


Or, comme ils marchaient en conversant, voici qu’un char de feu et des
chevaux de feu se mirent entre eux deux, et Élie monta au ciel dans un tour-
billon. Élisée voyait et criait∞∞: «∞∞Mon père∞∞! Mon père∞∞! Char d’Israël et son
attelage (‫ָרשׁיו‬
ָ ָ‫ֵראל וּפ‬
ֵ ‫שׂ‬ְ ִ ‫ֶרכב י‬
ֶ )∞∞!∞∞» puis il ne le vit plus et, saisissant ses vête-
ments, il les déchira en deux. (2 R 2,11-12 BJ1).
La seconde occurrence apparaît lors d’un épisode précédant de peu la
mort du disciple du Tishbite. Élisée entend le roi Joas employer à son
endroit la même formule (2 R 13,14), mais sans qu’il soit question
d’une apparition analogue, la scène se passant vraisemblablement dans
la maison du prophète2∞∞:
Quand Élisée fut frappé de la maladie dont il devait mourir, Joas, le roi
d’Israël, descendit vers lui, pleura sur son visage et dit∞∞: «∞∞Mon père∞∞! Mon
père∞∞! Char d’Israël et son attelage (‫ָרשׁיו‬
ָ ָ‫ָראל וּפ‬
ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ֶרכב י‬
ֶ )∞∞!∞∞» (2 R 13,14 BJ).
Quoique mobilisant des substantifs très courants, ce syntagme a été
diversement compris et traduit∞∞; toutes les pistes n’ont cependant pas été
explorées3.

I — TEXTE MASSORÉTIQUE
Traductions possibles
Considérons d’abord la formule dans le texte massorétique. Elle se
montre ambiguë, dans la mesure où trois choix, au moins, gouvernent sa
traduction. D’abord, ‫ רכב‬peut désigner aussi bien un char qu’une
charrerie (sens collectif)∞∞; ainsi le Targum et la traduction syriaque pro-
posent deux pluriels∞∞:
 
 

 (Peshitta)∞∞: chars d’Israël et ses cavaliers

1 Nous utilisons dans cet article les sigles suivants pour certaines traductions de la

Bible∞∞: BJ pour Bible de Jérusalem 1998, TOB pour Traduction Œcuménique de la


Bible, NBS pour Nouvelle Bible Segond, NIV pour New International Version, NLT
pour New Living Translation, BFC pour Bible en Français courant, BS pour Bible du
Semeur. «∞∞Traduction Bayard∞∞» désigne La Bible – nouvelle traduction, Paris, Bayard,
2001.
2 Le roi «∞∞descend∞∞» vers Élie (2 R 13,14), et durant leur entretien il est question

d’ouvrir une fenêtre (v.17).


3
 Je tiens à remercier le professeur Christophe Rico (ÉBAF) pour son aide dans la
rédaction de cet article, ainsi que le Père Adrian Schenker (Université de Fribourg) pour
ses précieuses remarques. Cet article a par ailleurs été écrit lors d’un séjour à l’École
archéologique française rendu possible grâce à une bourse de l’Académie des Inscrip-
tions et Belles-lettres.

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ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL 323
‫( דטב ליה לישׁראל בצלותיה מרתכין ופרשׁין‬Tg. Jon.) dont les prières sont
meilleures pour Israël que chars et cavaliers
Ensuite, ‫ פרשׁ‬peut signifier «∞∞cavalier∞∞» ou «∞∞cheval∞∞»4. On ne peut
exclure que de manière exceptionnelle il vise un conducteur de char,
mais cette proposition nous paraît hypothétique5 et nous lui consacre-
rons un traitement à part. Le suffixe personnel porté par ‫ פרשׁ‬peut enfin
renvoyer à ‫ רכב‬comme à ‫ישׂראל‬. Dans le premier cas, on pourra com-
prendre que ‫ פרשׁ‬renvoie à un ou des attelages, ou encore à un conduc-
teur de char∞∞; dans le second, qu’il désigne la cavalerie ou les chevaux/
attelages du pays. Il en résulte théoriquement huit possibilités principa-
les de traduction, classées dans le tableau qui suit∞∞:

cavaliers chevaux
char (1) suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞: (5) suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞:
 • char d’Israël et ses cavaliers [i.  • char d’Israël et son attelage
e. les cavaliers du char] (BJ)
 • Du Wagen Israels und sein
(2) suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞: Gespann (Luther, version
 • char d’Israël et sa cavalerie révisée 1984)
(Darby, Segond, Segond Révisée  • Wagen Israels und sein Gespann
1979, Osty) (Revidierte Elberferder, 1993)
 • char d’Israël et ses cavaliers
(Crampon, Pléïade, Chouraqui, (6) suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞:
traduction Bayard)  • char d’Israël et son attelage
chars/ (3)suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞: (7) suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞:
charrerie  • chars d’Israël et leurs cavaliers  • chars d’Israël et leurs attelages
(4)suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞:
 • chars et cavalerie d’Israël (8) suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞:
(TOB)  • chars et attelages d’Israël
 • the chariots and horsemen of (NBS)
Israel (NIV)

4
 L. KOEHLER et W. BAUMGARTNER, The Hebrew and Aramaic Lexicon of the Old
Testament (abrégé en HALOT par la suite), vol. 3, Leiden, New York, Köln, Brill, 1996,
p. 977s.
5 Le dictionnaire de Koehler et Baumgartner conjecture ce sens (HALOT 3, p. 178),

car en certains passages le contexte pourrait s’en accommoder, comme Gn 50,9 où la BJ


traduit ainsi. Cependant, dans la plupart des occurrences où le contexte permet de préci-
ser le référent, par exemple parce que l’on voit un nombre de ‫ פרשׁים‬bien supérieur à
celui des ‫( רכב‬e. g. 2 S 10,18), on a manifestement affaire à des cavaliers. Nous avons
trouvé au moins un endroit où le sens de «∞∞conducteur de char∞∞» semble s’imposer∞∞: Na
2,4∞∞; la Vulgate y propose agitatores là où la Septante traduit ïppe⁄v et suppose donc
probablement une Vorlage ‫פרשׁים‬, au lieu du TM ‫( ברשׁים‬corrigé par la BJ).

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324 MATTHIEU RICHELLE

Certaines options semblent inexploitées dans les traductions moder-


nes, notamment celles qui rapportent le suffixe ‫( יו‬avec un référent
singulier) à ‫ֶרכב‬ ֶ pris comme nom (masculin) singulier collectif∞∞:
«∞∞charrerie d’Israël et ses conducteurs (à elle)∞∞», c’est-à-dire «∞∞chars
d’Israël et leurs conducteurs∞∞» (3), et «∞∞charrerie d’Israël et ses attelages
(à elle)∞∞», autrement dit «∞∞chars d’Israël et leurs attelages∞∞» (7). Un col-
lectif peut certes être repris par un pronom personnel pluriel6, mais ce
n’est pas systématique7. En outre, on pourrait également comprendre∞∞:
«∞∞char d’Israël et son attelage∞∞» (6). Quant à la possibilité de traduire
‫ פרשׁ‬par «∞∞conducteur de char∞∞», dont le tableau ne tient pas compte, elle
conduit à la proposition de la NLT∞∞: «∞∞I see the chariots and charioteers
of Israel∞∞».

Pour autant, certaines traductions se révèlent moins fondées que


d’autres. Ainsi, la solution (1) doit être écartée car un char ne comporte
qu’un conducteur. Les options (2), (4), (6) et (8) présentent l’avantage
de correspondre à une construction syntaxique bien attestée que retient
pour ce texte la grammaire de Joüon-Muraoka8. Elle consiste à éviter la
lourdeur d’une expression comme ‫ רכב ישׂראל ופרשׁי ישׂראל‬tout en préve-
nant l’incorrection ‫( רכב ופרשׁי ישׂראל‬séparation du nomen rectum et du
nomen regens). À cet effet, la deuxième référence à ‫ישׂראל‬, dans cette
construction, est obtenue à l’aide d’un pronom suffixe (d’où ‫רכב ישׂראל‬
‫ )ופרשׁיו‬plutôt que d’un état construit.

Interprétations
Nous venons d’examiner le texte massorétique sous son aspect
grammatical. Il convient maintenant de déterminer s’il est possible de
trouver un sens cohérent, parmi l’éventail des traductions considérées,
pour chacune des deux occurrences de l’expression (2 R 2,12 et 13,14).
Commençons par 2 R 2,12, où c’est Élisée qui emploie la formule en
voyant Élie d’une part, des «∞∞char(s) de feu et chevaux de feu∞∞» de
l’autre. Supposons d’abord que notre expression désigne directement
6
 P. JOÜON et T. MURAOKA, A Grammar of Biblical Hebrew∞∞: translated and revised,
Subsidia Biblica 27, Roma, Editrice Pontificio Istituto Biblico, 2006, §149a.
7 Par exemple en Ex 5,4 on lit∞∞: ‫שׂיו‬ ָ ‫ע‬
ֲ ‫מּ‬
ַ ִ‫עם מ‬
ָ ‫ה‬-‫ת‬
ָ ֶ‫פִריעוּ א‬
ְ ַ‫ן תּ‬$‫הר‬
ֲ ‫א‬
ַ ְ ‫שֶׁה ו‬$‫מּה מ‬
ָ ‫ל‬
ָ .
8 P. JOÜON et T. MURAOKA, A Grammar of Biblical Hebrew, op. cit., §129a. Ajou-

tons qu’on trouve une construction très proche de la nôtre en Ex 14,9∞: ‫סוּס ֶרכֶב‬-‫כּל‬ ָ
‫חי לוֹ‬
ֵ ְ ‫ֵרשׁיו ו‬
ָ ָ‫ה וּפ‬$‫פְּרע‬
ַ (tous les chevaux, les chars de Pharaon, ses cavaliers et son armée).
Ici la présence du même suffixe accolé au mot «∞∞armée∞∞» conduit à comprendre que le
référent des deux suffixes est le Pharaon.

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ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL 325

cette unité militaire, plutôt qu’Élie (par figure de style). Ce serait soit
une interpellation des attelages, soit une exclamation les désignant à
l’adresse de son maître. Mais dans le premier cas, comment compren-
dre, après la double apostrophe∞∞: «∞∞Mon père∞∞! Mon père∞∞!∞∞», qu’Élisée
puisse poursuivre en s’adressant à cet ensemble∞∞? Rien n’indique un tel
changement d’interlocuteur, et on s’explique mal pourquoi le prophète
parlerait à des véhicules et à des animaux. Voudrait-il plutôt dire à Élie,
par exemple∞∞: «∞∞ce sont les chars d’Israël et ses attelages∞∞»∞∞? La formule
serait alors bien elliptique. Quant à la proposition de la NLT∞∞: «∞∞I see
the chariots and charioteers of Israel∞∞», plus proche d’une glose que
d’une traduction, elle sollicite le texte∞∞; du reste, Élisée voit des chevaux
enflammés (v.11), pas des conducteurs de char.
L’expression ne saurait donc directement désigner le(s) char(s) et les
chevaux contemplés par Élisée, et il faudrait par conséquent la compren-
dre comme une figure appliquée au Tishbite. On pourrait penser à une
métaphore ∞ : c’est la proposition de la traduction révisée de Luther
(«∞∞Du Wagen…∞∞») et du dictionnaire de Brown, Driver et Briggs9. Mais
l’image est incongrue, quelle que soit la traduction (un homme assimilé
à un ou des chars, des cavaliers ou des chevaux…). Il faudrait plutôt
supposer d’une part que l’expression «∞∞charrerie et cavalerie∞∞» était de-
venue une formule figée suffisante à elle seule pour désigner une armée
saisie comme unité (et non les éléments qui la composent), et d’autre
part qu’Élie se voyait assimilé à l’armée d’Israël. Ces deux hypothèses
manquent cependant de soutien dans les textes10. En outre, le propre
d’une métaphore est de confondre deux termes, qui seraient ici Élie
d’une part, l’unité militaire de l’autre. Or le v.11, où cet ensemble appa-
raît à côté d’Élie, montre que les deux termes en question sont à la fois
présents dans la scène et nettement distingués∞∞: il semble donc difficile
d’y lire une métaphore.
S’agirait-il plutôt d’une comparaison∞∞? C’est ce que suggère la BS∞∞:
«∞∞toi qui étais comme les chars d’Israël et ses équipages∞∞». À première
vue, cette figure de style s’accommoderait mieux de la présence dans ce
verset du comparant (char(s) et chevaux de feu) et du comparé (Élie).
Mais dans la situation concrète dont il est question, Élisée voit son maî-
9 F. BROWN, S. DRIVER et C. A. BRIGGS, A Hebrew and English Lexicon of the Old

Testament with an appendix containing the Biblical Aramaic, Oxford, Clarendon Press,
1966, p. 832.
10
 On rencontre souvent les mots ‫ רכב‬et ‫ פרשׁ‬dans les versets évoquant une armée, y
compris dans la stèle de Dan (datée de la fin du 9e s. av. J.-C.), mais il s’agit alors géné-
ralement d’une description des éléments composant la troupe, avec souvent une indica-
tion des quantités de chaque catégorie, plutôt que d’un syntagme figé.

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326 MATTHIEU RICHELLE

tre monter au ciel en présence de char(s) et de chevaux au sein d’un


tourbillon∞∞: quel serait l’intérêt d’une telle comparaison∞∞? Pis, le texte
hébreu ne portant aucune trace de comparatif, la traduction doit suppléer
les mots «∞∞tu étais comme∞∞». De toute manière, la comparaison entre un
homme et un ensemble militaire composé de chars et de chevaux n’offre
pas plus de sens qu’une métaphore, à moins de vouloir dire∞∞: «∞∞tu valais
tous les chars et les chevaux d’Israël∞∞» (BFC), ce qui revient à solliciter
le texte et suppose en réalité de comprendre∞∞: «∞∞tu valais l’armée
d’Israël∞∞» en faisant appel, encore une fois, à une caractérisation d’Élie
sans grand appui dans les livres des Rois.
En somme, les interprétations de notre expression fondées sur le
texte massorétique ne semblent pas offrir un sens adapté au contexte de
2 R 2,12.

Dans le passage de 2 R 13,14, c’est le roi Joas qui emploie cette ex-
pression à l’endroit d’Élisée. Reprenons les trois analyses possibles de
la formule∞∞: désignation directe de char(s) et de chevaux, métaphore et
comparaison. Par rapport au précédent, la différence principale de ce
verset est l’absence de chars et de chevaux dans la scène. Cette circons-
tance, qui rend la première option (désignation directe) absurde, permet
en revanche d’envisager les deux autres. La difficulté n’en est pas tota-
lement levée pour autant. Une figure rapprochant un homme de cet as-
semblage disparate de char(s) et de chevaux paraît peu naturelle, et il
faudrait à nouveau émettre la double hypothèse que «∞∞charrerie et cava-
lerie∞∞» constitue une expression figée désignant l’armée et qu’Élisée se
voit assimilé ou comparé à la force militaire israélite. Le rôle de ce per-
sonnage dans l’épisode de 2 R 6,8-23 (il informe le roi d’Israël des
plans des Araméens et lui livre une troupe ennemie), à une époque où le
pays était sans doute très affaibli militairement, pourrait peut-être justi-
fier sur le fond une telle manière de voir Élisée. Il n’en reste pas moins
que cela suppose sur la forme une façon très elliptique de s’adresser à
quelqu’un («∞∞Mon père∞∞! Mon père∞∞! Armée d’Israël∞∞!∞∞»), si tant est
qu’il faille comprendre ainsi sa seconde partie.
En fait, un autre passage du cycle d’Élisée (2 R 6,8-23) témoigne plutôt
d’une représentation de l’homme de Dieu entouré d’une armée de feu∞∞:
‫ישׁע‬
ָ ‫ל‬ִ ֱ‫ת א‬$‫ביב‬
ִ ְ‫כב אֵשׁ ס‬
ֶ ‫לא סוּסִים ו ְֶר‬
ֵ ָ‫הר מ‬
ָ ‫ה‬
ָ la montagne était remplie de chevaux
et chars de feu autour d’Élisée(2 R 6,17)
Le parallélisme avec la scène de 2 Rois 2 est manifeste∞∞: il souligne le
caractère traditionnel, plutôt qu’occasionnel, d’une telle représentation

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ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL 327

pour le Tishbite et son disciple. Entre le personnage et l’armée qui l’ac-


compagne, il y donc association, plutôt qu’assimilation par une méta-
phore ou une comparaison.
Bref, quelle que soit la manière dont on comprend le texte masso-
rétique, des difficultés surgissent. Partant, il est permis de se demander
s’il n’existe pas une meilleure piste de lecture que celles suggérées par
cette tradition textuelle et sa vocalisation. Considérons donc maintenant
les principales versions anciennes.

II — SEPTANTE ET VULGATE
La Septante et la Vulgate supposent toutes deux une Vorlage ‫פרשׁו‬
(lue avec suffixe singulier), en 2 R 2,12 comme en 13,14∞∞:
†rma Israjl kaì ïppeùv aûtoÕ (LXX)∞∞: char d’Israël et son cavalier
currus Israhel et auriga eius (Vulgate)∞∞: char11 d’Israël et son conducteur
Le texte de la Vulgate trouve un correspondant moderne dans la tra-
duction allemande Einheitübersetzung (1980), qui propose∞∞: Wagen
Israels und sein Lenker. L’image obtenue est celle d’un ensemble cons-
titué d’un char et de son conducteur, ce qui reflète peut-être un souci de
cohérence et d’unité, mais ne suffit pas à produire une métaphore qui
puisse s’appliquer proprement à un individu. La leçon de la Septante
semble encore moins appropriée. Parler du «∞∞cavalier∞∞» d’un char n’a
guère de sens∞∞: un cavalier chevauche une monture, un conducteur de
char tient les rênes. L’expression signifierait plutôt «∞∞char et cavalier
d’Israël∞∞», ensemble peu homogène puisqu’il est question d’un véhicule
de guerre et du conducteur d’un autre moyen de locomotion.

III — VETUS LATINA∞∞: UNE PISTE ANCIENNE OUBLIÉE


Le témoignage de la Vetus Latina, jusqu’ici négligé par les traduc-
teurs et les commentateurs modernes, mérite d’être versé au dossier. La
valeur de ce reflet indirect de la Septante pour la critique textuelle des
livres des Rois est de plus en plus reconnue, en particulier quand il s’ac-
corde avec le texte antiochien. Bien plus, comme ce dernier a fait l’objet
ici et là d’harmonisations avec d’autres traditions manuscrites, «∞∞dans
certains cas, [la Vetus Latina] permettra même de reconstituer la version
11
 Le mot currus peut être aussi bien au singulier qu’au pluriel∞∞; dans ce dernier cas,
eius se rapporterait à Israhel et on verrait dans le «∞∞conducteur∞∞» une sorte de «∞∞guide∞∞»
du pays∞∞; mais le mot auriga convient mal à cette idée.

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328 MATTHIEU RICHELLE

la plus ancienne de la Bible grecque disparue des témoins dont nous dis-
posons∞∞»12.
Considérons les différents documents dont nous disposons pour éta-
blir le texte de cette version. En ce qui concerne 2 R 2,12 il s’agit des
sources suivantes∞∞:
– une citation de Lucifer de Cagliari (De Athanasio I, XX, l. 17)13∞∞:
pater, pater, agitator Israel∞∞;
– une citation d’Ambroise (De Nabuthae 15,64)14∞∞: pater, pater, agitator
Istrahel et eques ipsius∞∞;
– une citation du Pseudo-Augustin (Sermones a Caillau e codicibus
Cassinensis et Florentinis collecti 124,72)15∞∞: pater mi, pater mi,
currus Israel et auriga eius (cf. la Vulgate)∞∞;
– une citation d’Origène (Commentarius in Matthaeum 13,2)16∞∞: pater,
pater, agitator Israel∞∞;
– les gloses marginales de manuscrits espagnols de la Vulgate17∞∞: pater,
pater, agitator Israel.
Pour 2 R 13,14 on dispose∞∞:
– du Palimpsestus Vindobonensis18∞∞: rector Israel et eques eius∞∞;
– des gloses marginales des Vulgates espagnoles19∞∞: agitator Israel et
dux eius.
Deux premières remarques s’imposent∞∞: d’une part, tous les vocables
rencontrés (agitator, rector, eques, dux) évoquent l’activité d’une per-

12
 P. HUGO, «∞∞Le Grec ancien des livres des Règnes. Une histoire et un bilan de la
recherche∞∞», dans Y. A. P. GOLDMAN, A. VAN DER KOOIJ et R. D. WEIS (ed.), Sôfer
Mahîr. Essays in Honour of Adrian Schenker Offered by Editors of Biblia Hebraica
Quinta, VTSup 110, Leiden/Boston, Brill, 2006, p. 139s. Cf. aussi J. TREBOLLE
BARRERA, «∞∞The Textcritical Value of the Old Latin in Postqumranic Textual Criticism
(1 Kgs 18∞∞:26-29.36-37)∞∞», dans F. GARCIA MARTINEZ, A. STEUDEL et E. TIGCHELAAR
(ed.), From 4QMMT to Resurrection. Mélanges qumraniens en hommage à Émile Puech,
StTDJ 61, Leiden/Boston, Brill, 2006, p. 313-331.
13 G. F. DIERCKS, Luciferi Calaritani opera quae supersunt, Corpus Christianorum,

Series Latina 8, Turnhout, Brepols, 1978, p. 36.


14
 C. SCHENKL, Sancti Ambrosii opera – Pars altera, Corpus Scriptorum Ecclesia-
sticorum Latinorum 32/2, 1897, p. 508.
15
 Cf. A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina en las
Biblias Vulgatas Españolas. 1-2 Reyes, Textos y Estudios «∞∞Cardenal Cisneros∞∞» de la
Biblia Políglota Matritense 49, Madrid, Instituto de Filología des CSIC, 1992, p. 123.
16 Ibidem.
17
 Ibidem.
18
 B. FISCHER, «∞∞Palimpsestus Vindobonensis∞∞: A Revised Edition of L 115 for
Samuel-Kings∞∞», BIOSCS 16, 1983, p. 85.
19
 A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina, op.cit., p. 136.

93723_01_Richelle 328 06-29-2010, 10:55


ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL 329

sonne et conviennent donc parfaitement comme désignation métaphori-


que d’Élie ou d’Élisée. D’autre part, il est frappant de constater que bien
des témoins de 2 R 2,12 offrent une formule courte, tandis que ceux de
2 R 13,14 présentent tous une expression double. Il convient de distin-
guer entre les deux passages, d’identifier pour chacun le texte latin
d’origine, enfin de tenter de remonter au grec puis à l’hébreu.

Etablissement des textes latins d’origine, puis des Vorlagen grecques


et hébraïques
2 R 2,12
En 2 R 2,12, la formule brève agitator Israel, bien attestée, constitue
probablement le texte latin originel. En effet, l’expression citée par le
Pseudo-Augustin, identique à celle de la Vulgate, relève sans doute
d’une harmonisation. De même, le texte rapporté par Ambroise pourrait
provenir d’une adaptation sur le modèle de la Septante∞∞: et eques ipsius
correspond à kaì ïppeùv aûtoÕ (ipsius procède manifestement d’un
léger développement interprétatif). Le fait que les deux manuscrits pré-
sentant une formulation longue diffèrent l’un de l’autre dans la seconde
partie de l’expression (et auriga eius∞∞; et eques ipsius) témoigne en
faveur d’un latin primitif court qui aurait subi ici et là des tentatives di-
verses d’harmonisation avec d’autres traditions manuscrites. Du reste,
du point de vue de certains copistes latins, les suppléments de la Vulgate
et de la Septante produisaient sans doute un texte meilleur, quoique
selon des lignes d’interprétation différentes. D’une part, introduire et
auriga eius permet de faire de l’exclamation d’Élisée une description
englobante de ce qu’il a sous les yeux∞∞: non seulement un char mais
également son conducteur. Malgré la maladresse que nous avons relevée
plus haut en évoquant la Vulgate, on peut comprendre qu’un copiste ait
procédé à cette adjonction. D’autre part, le mot agitator désigne celui
qui conduit des animaux, en particulier les chevaux attelés à un char20.
Ajouter et eques ipsius établit donc une correspondance entre la qualifi-
cation d’Élie par l’expression double d’un côté, et les deux moyens de
locomotion évoqués par le v.11 de l’autre∞∞: des chars (cf. agitator) et
des chevaux (cf. eques). En somme, on ne lisait sans doute dans le texte
latin originel que le syntagme agitator Israel.
Quelle en était la Vorlage grecque∞∞? Le vocable agitator apparaît
dans nos deux passages là où la Septante porte †rma, mais il est évident
20 P. G. W. GLARE, Oxford Latin Dictionary, Londres, Clarendon Press, 1988, p. 85.

93723_01_Richelle 329 06-29-2010, 10:55


330 MATTHIEU RICHELLE

que ce mot (désignant un char)21 ne peut être traduit par agitator (qui
vise le conducteur). Le substrat grec serait plutôt ärmatjlátjv ou
™níoxov, qui signifient tous deux «∞∞conducteur de char∞∞», ou encore
êpibátjv, qui désigne avant tout une personne montant sur un véhicule,
parfois un combattant se trouvant sur un char, voire son conducteur22.
Dans les livres historiques, ärmatjlátjv est très rare∞∞: on peut citer la
recension lucianique en 1 S 8,11, qui traduit ainsi l’hébreu ‫בתּוֹ‬ְ ‫ְרכּ‬
ַ ‫מ‬ֶ ‫בּ‬
ְ («∞∞il
les mettra sur ses chars∞∞»), et l’Alexandrinus en 2 M 9,4. De son côté,
™níoxov apparaît dans la Septante (tous manuscrits confondus) en 1 R
22,34 et 2 Ch 18,33 pour rendre ‫ַרכּב‬ ָ («∞∞conducteur de char∞∞» de Jéhu).
Quant à êpibátjv, il est aussi employé par la LXX à plusieurs reprises.
En 2 R 9,17-19, il traduit ‫ַרכּב‬ ָ (trois occurrences, tous manuscrits con-
fondus, sauf chez Lucien qui écrit ânabátjn ÿppou au v.19). En 2 R
7,14, il apparaît là où le TM porte ‫ֶרכב‬ ֶ (sauf dans la recension
lucianique, ânabátav ÿppwn)∞∞: les traducteurs grecs ont dû comprendre
‫ַרכּב‬
ָ . En 2 R 9,18 il désigne plutôt un cavalier (êpibátjv ÿppou pour
‫כֵב הַסּוּס‬$‫)ר‬, de même qu’en 2 R 18,23 d’après le contexte (et son pluriel
y correspond à ‫בים‬ ִ ְ‫כ‬$‫)ר‬. Il semble clair que la Vorlage grecque devait
être ™níoxov ou êpibátjv.
L’expression grecque ™níoxov / êpibátjv Israjl, lectio brevior
qui représente le texte le plus éloigné du TM parmi les témoins de la
LXX, a toutes les chances de refléter ici l’ancienne Septante. Or, nous
l’avons vu, les substantifs ™níoxov et êpibátjv pointent tous deux vers
un hébreu ‫רכב‬, à vocaliser ‫ַרכּב‬ ָ (ou même ‫כֵב‬$‫)ר‬. Nous retenons donc
comme leçon hébraïque attestée par la Vetus Latina (indirectement) et
sans doute par l’ancienne Septante∞∞: ‫רכב ישׂראל‬. Remarquons que ce
texte (consonantique) est identique au début de la formule dans le TM et
sans doute dans l’hébreu sous-jacent à la Vulgate et aux manuscrits
grecs de la Septante. Mais ce syntagme, avec la vocalisation attestée in-
directement par la Vieille Latine, offre en 2,12 une image parfaitement
cohérente∞∞: un char de feu apparaît avec son attelage23, Élie monte au
ciel, vraisemblablement dessus, et Élisée témoin de la scène l’interpelle

21
 Par exemple, dans la recension lucianique de 1-2 Sam, 1-2 R, et 1-2 Ch, †rma ne
sert à traduire que ‫ְרכּב‬
ָ ֶ‫מ‬, ‫בה‬ ָ ‫ְרכּ‬
ָ ֶ‫מ‬, ‫ֶרכב‬
ֶ , et ‫ֶרכשׁ‬
ֶ (N. FERNANDEZ MARCOS, M.V. SPOTTORNO
DíAZ -CARO et J. M. CANAS REíLLO , Índice griego-hebreo del texto antioqueno en los
libros históricos, Vol. I∞∞: Índice general, Textos y Estudios “∞∞Cardenal Cisneros∞∞” de la
Biblia Políglota Matritense 75, Madrid, Instituto de Filologia des CSIC, 2005, p. 61).
22
 H. G. LIDDELL, R. SCOTT, H. S. JONES et R. MCKENZIE, A Greek-English Lexicon.
With a Supplement, Londres, Clarendon Press, 19689, p. 625.
23
 L’expression ‫אשׁ וסוסי אשׁ‬-‫ רכב‬au verset précédent peut désigner un char unique
avec ses chevaux d’attelage.

93723_01_Richelle 330 06-29-2010, 10:55


ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL 331

tout naturellement comme son conducteur∞∞: «∞∞Père∞∞! Père∞∞! Aurige24


d’Israël∞∞!∞ ».
2 R 13,14
En 2 R 13,14 apparaissent deux termes∞∞: rector/agitator et eques/dux.
Le terme rector désigne le cavalier ou le conducteur qui contrôle des
animaux, et par extension un guide, un gouverneur ou un chef25. On
peut donc considérer que rector recoupe le sens d’agitator, mais aussi
qu’il en constitue un développement interprétatif∞∞: le titre d’«∞∞aurige
d’Israël∞∞» décerné par le roi est proche d’une reconnaissance d’un rôle
de guide ou de chef de l’armée. Un copiste latin a probablement voulu
jouer sur la polyvalence sémantique de rector en lieu et place
d’agitator. À l’inverse, un passage de rector à agitator affaiblit le titre
et semble difficile à expliquer.
Le mot dux vise celui qui conduit, en particulier un char ou un trou-
peau, celui qui montre le chemin, et par extension un commandant mili-
taire26. Dans la Vetus Latina des Règnes, on le rencontre au moins deux
autres fois, dans le titre dux militiae∞∞: en 1 R 2,527, où la Septante porte
to⁄v dusìn ãrxousin t¬n dunámewn (Alexandrinus) ou ârxistrá-
tjgon (recension lucianique28), et dans un supplément à 1 R 4,3 égale-
ment présent chez Lucien29 sous la formeˆEliáb uïòv ˆIwab êpì t±v
strati¢v. Le mot dux semble donc utilisé par les traducteurs de la
Vetus Latina pour désigner un commandant (militaire). Dès lors, il nous
paraît secondaire en 2 R 13,14 par rapport à eques∞∞: on comprend mal
pourquoi l’on aurait affaibli un titre de commandant (dux) en une simple
fonction de cavalier (eques), tandis que l’inverse s’explique facilement∞∞:
qualifié de «∞∞cavalier d’Israël∞∞» par le roi, Élisée apparaît en quelque

24
 La BJ emploie parfois le terme «∞∞charrier∞∞» (e.g. en Jr 51,21). Le dictionnaire
d’ancien français de F. Godefroy en signale un emploi du 14e siècle∞∞: «∞∞officier préposé
au service des chars∞∞». Mais en français moderne, il désigne tout autre chose∞∞: «∞∞drap de
grosse toile sur lequel, dans la lessive, est placée la charrée∞∞», cette dernière étant la
«∞∞cendre qui reste sur la cuvée, après que la lessive est coulée∞∞» (Littré). Le terme
«∞∞aurige∞∞», qui désigne un «∞∞conducteur de char, dans les courses∞∞» (Petit Robert), nous
semble préférable.
25
 P. G. W. GLARE, Oxford Latin Dictionary, op. cit., p. 1586.
26 Ibid., p. 582.
27 A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina, op.cit., p. 98

(verset numéroté 1 R 2,22).


28
 N. FERNANDEZ MARCOS et J. R. BUSTO SAIZ, El texto antioqueno de la Biblia
Griega, II, 1-2 Reyes, Textos y Estudios “∞∞Cardenal Cisneros∞∞” de la Biblia Políglota
Matritense 53, Madrid, Instituto de Filologia des CSIC, 1992, p. 5 (verset numéroté
1,22).
29 Ibid., p. 11 (verset numéroté 4,6).

93723_01_Richelle 331 06-29-2010, 10:55


332 MATTHIEU RICHELLE

sorte comme le chevalier par excellence de l’armée nationale, et donc


comme un chef militaire.
Par conséquent, le texte latin original de ce verset semble être
agitator Israel et eques eius∞∞; au cours de la transmission manuscrite
latine, des copistes ont sans doute utilisé des termes proches (rector,
dux) plus adaptés à la désignation de titres militaires qu’agitator et
eques. Nous avons vu plus haut qu’agitator traduisait ©níoxov / êpi-
bátjv∞∞; étant donné qu’eques rend clairement ïppeúv (e. g. 1 R 4,26 et
10,26 dans la Vetus Latina30), la Vorlage grecque serait ©níoxov/
êpibátjv Israjl kaì ïppeùv aûtoÕ. A son tour, l’hébreu sous-jacent
se reconstruit aisément sous la forme ‫רכב ישׂראל ופרשׁו‬.
Ce texte consonantique est identique à l’hébreu traduit par la Septante
et la Vulgate. Mais la Vetus Latina nous a mis sur la piste d’une autre
vocalisation possible∞∞: $ ‫ֵראל וּפֵָרשׁו‬
ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ 31. Cette expression est suscepti-
ble de recevoir plusieurs interprétations, puisque selon la nature du
moyen de locomotion le terme ‫∞∞«( רכב‬chevaucheur∞∞») peut désigner un
cavalier ou un conducteur de char32. D’abord, on peut comprendre
«∞∞aurige et cavalier∞∞», double qualification métaphorique. Ensuite, il est
possible de voir ici un hendiadys, «∞∞cavalier et chevalier∞∞». Enfin, on ne
saurait exclure totalement, comme nous l’avons vu plus haut33, que ‫פרשׁ‬
puisse signifier à l’occasion «∞∞conducteur de char∞∞», auquel cas on aurait
affaire à une autre forme d’hendiadys, «∞∞conducteur de char et aurige∞∞».

Résumons. La Vetus Latina apporte deux éléments importants à notre


étude. D’une part, elle atteste en 2 R 2,12 une leçon courte ‫רכב ישׂראל‬
qui devait être le modèle hébraïque de l’ancienne Septante, lu avec la
vocalisation ‫ָראל‬
ֵ ‫שׂ‬
ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ . D’autre part, la Vetus Latina appuie en 13,14
une leçon déjà solidement attestée par les manuscrits grecs de la Sep-
tante et par la Vulgate, et montre qu’à date ancienne certains la lisaient
avec la vocalisation $ ‫ָראל וּפָָרשׁו‬
ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ . Il serait tentant, mais méthodo-
logiquement téméraire, d’émettre l’hypothèse d’un texte primitif sem-
blable (court34 ou long) dans les deux passages∞∞: en critique textuelle,
une dissemblance a plus de chances d’être originelle qu’une identité.
30 A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina, op.cit., p. 101

(verset numéroté 4,26) et p. 107 (verset numéroté 10,26).


31
 Ou encore $ ‫ֵראל וּפֵָרשׁו‬ ֵ ‫שׂ‬
ְ ִ ‫כֵב י‬$‫ר‬. Par commodité nous retenons dans la suite ‫ַרכּב‬
ָ .
32
 Comme le montre par exemple Jér 51,21∞∞:
‫כְבוֹ‬$‫תּי בְָך סוּס ו ְר‬ ִ ‫צ‬
ְ ‫פּ‬ ַ ִ ְ‫ ונ‬avec toi j’ai martelé le cheval et son conducteur,
‫כְבוֹ‬$‫כב ו ְר‬
ֶ } ‫תּי בְָך ֶר‬
ִ ‫צ‬ְ ‫פּ‬ ַ ִ ְ‫ ונ‬avec toi j’ai martelé le char et son conducteur.
33 Cf. la note 5.
34
 Remarquons que sans offrir une citation du texte au sens strict, Flavius Josèphe

93723_01_Richelle 332 06-29-2010, 10:55


ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL 333

Comparaison de la Vorlage de l’ancienne Septante avec le texte


massorétique
Comparons maintenant en détail ces expressions hébraïques au texte
massorétique, qui porte aux deux endroits la formule ‫רכב ישׂראל ופרשׁיו‬.
En 2,12, on peut voir à l’origine de l’expression longue du TM un
copiste comprenant qu’Élisée décrit une armée qui vient de faire son
apparition au verset précédent∞∞: un ou des char(s) et des chevaux. L’ajout
de ‫ ופרשׁיו‬était d’autant plus facile que le couple de mots ‫פרשׁיו‬/‫רכב‬
se révèle très fréquent dans les descriptions militaires. On peut aussi
supposer qu’il y a eu une harmonisation de 2,12 sur le modèle de 13,14
(où tous les témoins attestent une leçon longue). En effet, quelles que
soient les leçons retenues, les situations des chapitres 2 et 13 sont analo-
gues (disparition imminente du maître spirituel), et les deux «∞∞disci-
ples∞∞» que sont Élisée et le roi expriment leur vénération en recourant à
une formule honorifique au minimum très proche. Une harmonisation
aurait permis qu’il s’agisse exactement de la même formule. Ici encore,
il est méthodologiquement préférable de tenir une dissemblance entre
deux textes pour plus originelle qu’une identité. Les manuscrits grecs
conservés de la Septante ont manifestement subi une recension sur
le TM qui explique leur leçon à présent longue. Du reste, l’hypothèse
inverse d’une chute de ‫ ופרשׁיו‬au niveau de la Vorlage de la Septante
ancienne serait difficile à expliquer.
Dans ces conditions, la vocalisation ‫ָראל‬ֵ ‫שׂ‬ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ indirectement suggé-
rée par la Vetus Latina apparaît comme largement préférable. Loin de
désigner Élie par le terme de «∞∞charrerie∞∞», Élisée le qualifie d’«∞∞aurige∞∞»
au moment où il le voit s’élever dans le ciel sur un char∞∞: scène d’une
cohérence parfaite.
En 2 R 13,14, la différence consonantique entre le TM d’une part, et
l’hébreu indirectement attesté par la Septante et la Vulgate de l’autre, se
résume à un ‫ י‬supplémentaire dans le TM au niveau du suffixe du der-
nier mot. L’ajout d’un simple ‫ י‬s’expliquerait aisément par une contami-
nation due à la fréquence du couple de mots ‫ופרשׁיו‬/‫רכב‬. Mais les textes
épigraphiques en paléo-hébreu témoignent précisément d’un flottement

présente néanmoins une allusion à l’épisode de 2 R 13 lorsqu’il rapporte que «∞∞Joas se


mit à pleurer sous ses yeux et à l’implorer en l’appelant ‘père’ et ‘arme’ (ºplon)∞∞».
Après l’appellation «∞∞père∞∞», il ne fait donc état que d’un seul titre (on peut penser qu’il
traduit ainsi l’hébreu ‫ רכב‬pour éviter à ses lecteurs l’incongruité de la métaphore du
char appliquée à Élisée). Cf. A.J. 9,179-180, (Flavius Josèphe∞∞: Les Antiquités Juives,
vol. IV∞∞: Livres VIII et IX, Établissement du texte, traduction et notes par Étienne
NODET, Paris, Cerf, 2005, p. 178).

93723_01_Richelle 333 06-29-2010, 10:55


334 MATTHIEU RICHELLE

entre ‫ יו‬et ‫ ו‬dans le suffixe personnel de la troisième personne (au mas-


culin singulier) attaché à un nom pluriel35. Par suite, même si l’on esti-
mait que la leçon originelle portait un suffixe sans ‫י‬, on pourrait imagi-
ner que son auteur se référait à un antécédent pluriel. En tout état de
cause, il semble délicat de s’appuyer ici sur cette variation orthographi-
que dont l’origine est difficile à dater pour faire un choix textuel. C’est
plutôt le contexte et le sens qui s’avèrent ici déterminants. Ils nous con-
duisent encore à opter pour la lecture suggérée par la Vetus Latina. Nous
avons noté plus haut les difficultés que pose le TM, que l’on comprend
au mieux comme assimilant Élisée à l’armée israélite. De plus, puis-
qu’en 2 R 2,12 ‫ רכב‬signifie certainement «∞∞aurige∞∞», il semblerait
étrange de le traduire par «∞∞charrerie∞∞» en 13,14, alors que les contextes
sont similaires et les formules très proches, la seconde étant vraisembla-
blement une allusion à la première. A l’inverse, l’expression ‫ֵראל‬ ֵ ‫שׂ‬
ְ ִ ‫ַרכּב י‬
ָ
$ ‫וּפֵרשׁו‬
ָ produit un sens pleinement satisfaisant∞∞: le roi marque sa révé-
rence envers Élisée à l’aide d’un titre militaire honorifique, en reprenant
celui que l’homme de Dieu avait utilisé par le passé et en l’étendant∞∞:
«∞∞aurige et cavalier∞∞», ou «∞∞cavalier et chevalier∞∞», voire «∞∞aurige et
conducteur de char∞∞». Façon pour le souverain israélite de reconnaître
en Élisée le véritable défenseur du pays, au moment même où il entre-
voit les conséquences de sa disparition36. L’état construit «∞∞aurige et/ou
cavalier d’Israël∞∞» évoque en effet une dimension «∞∞nationale∞∞» et
conviendrait bien à une désignation du chef de l’armée. Cette attribution
d’une fonction militaire sied bien mieux à une personne que l’assimila-
tion à l’armée elle-même. Plus encore, alors que Joas qualifie Élisée
d’aurige et/ou de cavalier, l’homme de Dieu fait du roi, en retour, un
archer. Il lui demande en effet de se procurer un arc et des flèches, puis
le fait tirer à travers une fenêtre ouverte (v.15ss)37. En lui attribuant ainsi
35
 S. L. GOGEL, A Grammar of Epigraphic Hebrew, SBL Resources for Biblical
Study 23, Atlanta, Scholars Press, 1998, p. 155-160∞∞; voir aussi P. JOÜON et T.
MURAOKA, A Grammar of Biblical Hebrew, op. cit., §94d, note 2.
36 Il est remarquable que S. EPHREM discerne dans le cri lancé lors du départ des

deux prophètes le signe de la fin d’une période de protection d’Israël, et plus précisé-
ment dans l’expression «∞∞chars et cavaliers d’Israël∞∞» une façon de dire que «∞∞la paix du
royaume et les victoires d’Israël dépendent de sa prière et son gouvernement∞∞» (nous
soulignons) (Sur le second livre des Rois, cité dans M. CONTI (ed.), Ancient Christian
Commentary on Scripture, Old Testament V. 1-2 Kings, 1-2 Chronicles, Ezra, Nehe-
miah, Esther, Downers Grove, InterVarsity Press, 2008, p. 197).
37
 Ce sont bien la posture et le geste d’un archer qu’Élisée exige de la part de Joas au
v.17, quelle que soit la technique d’interprétation du résultat par l’homme de Dieu∞∞:
divination ou de bélomancie par exemple (sur ce sujet voir par exemple B. C OUROYER,
«∞∞A propos de II Rois XIII, 14-19∞∞», Liber Annuus 30, 1980, p. 177-196, ou encore
É. PUECH, «∞∞Les pointes de flèches inscrites de la fin du IIème millénaire en Phénicie et

93723_01_Richelle 334 06-29-2010, 10:55


ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL 335

une autre fonction guerrière, Élisée «∞∞rebondit∞∞» ironiquement sur le


propos de Joas – ce que suggère également un jeu de mot sur la racine
‫ רכב‬dans l’ordre d’ajuster l’arc au v.16, formulé de manière surprenante
et unique dans l’AT (‫שׁת‬ ֶ ‫הֶקּ‬-‫ל‬
ַ ַ‫ְרכּב י ְֵדָך ע‬
ֵ ‫ה‬ַ ∞∞; litt.∞∞: «∞∞fais chevaucher ta
38
main sur l’arc∞∞») .
Du reste, l’évocation d’Élisée comme «∞∞cavalier∞∞» peut se prévaloir
d’une postérité probable dans le Talmud39, où Élisée se révèle à Rabbi
Shimi bar Ashi sous une telle apparence (‫∞∞« ;∞∞אידמי ליה כפרשׁ‬il lui appa-
rut tel un cavalier∞∞»). On sait d’ailleurs que la tradition juive attendait
le retour d’Élie40, et que des textes évangéliques l’ont identifié à Jean-
Baptiste41, tandis qu’on y dépeint le Christ sous des traits le rapprochant
d’un nouvel Élisée42. Trouverait-on en Ap 19,11ss un écho de la même
représentation des prophètes, ces dispensateurs de la Parole de Dieu∞∞?
Un être appelé «∞∞la Parole de Dieu∞∞» y apparaît en effet sous forme de
cavalier emmenant derrière lui son «∞∞armée du ciel∞∞». L’image de
«∞∞conducteur de char∞∞» nous paraît tout aussi féconde. Si en 13,14 il fal-
lait traduire de la sorte le mot ‫רכב‬, nous verrions volontiers dans le texte
une allusion à l’équipage d’un char, constitué d’un conducteur et d’(au
moins) un archer43.
Puisque seule la vocalisation distingue cette solution de celles déjà
connues par le texte consonantique sous-jacent à plusieurs versions (té-
moins directs de la Septante, Vulgate), cette lecture aurait déjà pu être
proposée à titre de conjecture. Il nous semble qu’un examen de la Vetus
Latina la fait à présent accéder au rang de leçon antique, quoiqu’attestée
de manière indirecte.

en Canaan∞∞», dans M. E. AUBET-SEMMLER et M. BARTHÉLEMY (éd.), Actas del IV


Congreso Internacional de Estudios Fenicios y Púnicos, vol. 1, Cádiz, 2000, p. 260-262).
38 Peut-être faudrait-il en rapprocher Gn 21,20, si l’on admet avec A. PINKER, «∞∞On

the Meaning of ‫ רבה קשׁת‬in Gen 21∞∞: 20∞∞», RB 114, 2007, p. 321-332 que le syntagme
qualifiant Ismaël était originellement ‫רכב הקשׁת‬.
39
 Traité Shabbat, 109b.
40
 Ml 3,23.
41 Mt 3,4∞∞; 11,14∞∞; 17,12∞∞; Lc 1,17.
42 Par exemple, il est le successeur de Jean-Baptiste et la scène du baptême dans le

Jourdain, avec la réception de l’Esprit Saint, rappelle la succession Élie/Élisée au Jour-


dain (avec obtention d’une double part de l’Esprit)∞∞; la liste de miracles de Mt 11,4s
montre que Jésus reproduit les mêmes miracles qu’Élisée.
43
 Cf. M. A. LITTAUER et J. H. CROUWEL, Wheeled Vehicles and Ridden Animals in
the Ancient Near East, Leiden/Köln, Brill, 1979, p. 128-130, qui décrit la situation pour
l’armée assyrienne aux 9e-8e s. (avec des illustrations iconographiques, e. g. fig. 53, 57-
58), situation qui devait être très proche de celle de l’armée de Samarie, étant donné
leurs contacts∞∞: cf. S. DALLEY, «∞∞Foreign Chariotry and Cavalry in the Armies of
Tiglath-Pileser III and Sargon II∞∞», Iraq 47, 1985, p. 31-48. Voir aussi A. LEMAIRE,
«∞∞Chars et cavaliers dans l’ancien Israël∞∞», Transeuphratène 15, 1998, p. 165-182.

93723_01_Richelle 335 06-29-2010, 10:55


336 MATTHIEU RICHELLE

Au-delà d’une élucidation des deux formules, notre lecture verse des
éléments nouveaux au dossier de la place primitive de 2 R 13,14-20.
Dans la Vetus Latina, cette péricope figure à la suite de 2 R 10,30 et
concerne donc Jéhu plutôt que Joas. J. Trebolle Barrera44 invoque plu-
sieurs arguments en faveur d’un ordre originel différent de celui du texte
massorétique, dont l’agencement actuel résulterait d’une transposition45.
Sans nous prononcer ici sur cette question difficile, nous remarquons
simplement qu’au plan narratif, le jeu sur les rôles d’aurige et d’archer
que nous venons d’évoquer résonne de manière significative à l’empla-
cement que lui confère la Vetus Latina, c’est-à-dire au sein de la section
concernant Jéhu. Ce dernier se déplace en char46, surtout pour exercer
son zèle meurtrier47, et il tue Joram en le transperçant d’une flèche de-
puis son char48. Un tel arrière-plan donne une profondeur accrue au récit
de l’entrevue avec Élisée. Sur les lèvres de Jéhu, qui se posait en
conducteur fougueux et fanatique de Yahvé, le titre prestigieux d’«∞∞aurige
d’Israël∞∞» accordé au prophète revêt une valeur éloquente. La «∞∞leçon de
tir à l’arc∞∞» que l’homme de Dieu lui prodigue en réponse constitue,
elle, un écho malicieux aux talents d’archer de Jéhu, voire à son régi-
cide…49

Jérusalem, École biblique, avril 2009

44
 J. TREBOLLE BARRERA, Centena in libros Samuelis et Regum. Variantes textuales y
composición literaria en los libros de Samuel y Reyes, Textos y estudios «∞∞Cardenal
Cisneros∞∞» de la Biblia Políglota Matritense 47, Madrid, Instituto de Filología des CSIC,
1989, p. 177-183∞∞; Id. «∞∞Histoire du texte des livres historiques et histoire de la compo-
sition et de la rédaction deutéronomiste avec une publication préliminaire de 4Q481A,
‘Apocryphe d’Élisée’∞∞», dans J. E MERTON (ed.), Congress Volume Paris 1992, VTSup 61,
Leiden/New York/Köln, Brill, 1995, p. 339-341.
45
 Pour la thèse d’une antériorité en 1-2 Rois de la Vorlage de la plus ancienne
Septante (que la Vetus Latina semble refléter souvent) sur le texte massorétique, voir
A. SCHENKER, Älteste Textgeschichte der Königsbücher. Der hebraïsche Vorlage der
ursprünglichen Septuaginta als älteste Textform der Königsbücher, OBO 199, Fribourg,
Academic Press Fribourg/Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2004.
46
 2 R 9,16∞∞; 10,16.
47
 2 R 10,16.
48
 2 R 9,24-25.
49 Il reste à savoir si ces effets littéraires correspondent à un état très ancien du texte

conservé par la Vetus Latina (avec les questions historiques que cela soulèverait) ou au
contraire à une réorganisation de la matière narrative opérée pour créer ces effets. Mais
c’est une autre histoire…

93723_01_Richelle 336 06-29-2010, 10:55


ON337-344).
RB. 2010 - T. 117-3 (pp. THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE 337

ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE:


A PARADIGM FROM THE HEBREW BIBLE
BY
Baruch A. LEVINE
Emeritus, New York University

SUMMARY
In most cultures, participation in the cult is an index of status as a member
of the religious community. Rather than being regarded as an onerous duty it
was a most welcome activity, and families would be motivated to qualify for it.
This was certainly true of ancient Israel, as an examination of the Pesah code in
Exodus demonstrates

SOMMAIRE
Dans la plupart des civilisations, la participation au culte est un indice du
statut comme membre de la communauté religieuse. Plutôt que d’être perçue
comme une tâche onéreuse, elle était une activité bienvenue, et les familles se
sentaient motivées pour se porter candidates. Cela était certainement vrai de
l’ancien Israël, comme l’examen du Code pascal, en Exode, le montre.

The Hebrew Bible provides valuable paradigms for the study of sacri-
fice in ancient cultures. We find codes of ritual practice- of sacrifice and
purification, of festival celebration and commemoration that are excep-
tional in their detail. These biblical texts resemble, in content and com-
position, those of similar provenience from the major, ancient Near
Eastern societies- Egyptian, Syro-Mesopotamian and Anatolian. When
correlated with the external evidence provided by archeological discov-
ery and by epigraphic sources, limited as they are, the biblical texts in-
form us about both the shared culture of ancient Near Eastern peoples,
and about distinctive features of Israelite religion.

93723_02_Levine 337 06-29-2010, 10:56


338 BARUCH A. LEVINE

A few preliminary observations are in order before examining a se-


lected biblical paradigm of animal sacrifice. It bears mention, first of all,
that studying the social aspects of sacrifice is only one of several ap-
proaches, and it cannot account for all of the functions and forms of sac-
rifice. Nor is the social focus intended to negate, or diminish the rel-
evance of other dimensions of sacrificial activity. It is merely to
emphasize that ritual celebration requires community; that the indi-
vidual worshiper is not acting alone, but as a member of a social organ-
ism. It follows that the investigator should seek to decode the social
model on which the ritual provisions are based.
Then, too, any inquiry into the functions of sacrifice should include a
discussion of phenomenology, the meaning and purpose of sacrifice, as
well as its forms. In my own education, the work of the great historian
of religion, G. van der Leeuw, Religion in Essence and Manifestation
(1938), introduced me to the phenomenology of religion, and directed
my thinking to power concepts. In a chapter entitled: “The Given and
the Possible” (chapter 23), he has this to say:
The sacredness of life is a matter of either What is given, or Possibility…
The first of the two asserts that, together with life itself, and as such, Power
is given. The expansion and expression of life are the development of
power: potencies lie in the given life itself.
But this by no means implies that man has ever accepted life simply as sa-
cred…. For apart from some criticism of life no religion whatever is con-
ceivable. (van der Leeuw 1938: 206, with deletions; italics original).
It follows that the most reasonable theory of sacrifice in ancient Near
Eastern societies sees a sacrificial offering as a gift to powerful deities
in an effort to enhance human power by sharing in divine power. Sacri-
ficing is an effective means to the end of achieving communion, a bond-
ing with divine powers. It is this objective which accounts for the erec-
tion of temples and shrines, for the designation of sacred space, and
much more. The common notion of sacrifice as renunciation, of “giving
up” something of value has some limited validity, but more generally
characteristic of the sacrificial act is the offer of hospitality; the wel-
coming, or attraction of divinities to the human community. Once the
relevant divinity is perceived to be present, the challenge is to retain that
presence.
This cultic objective is a response to what was the central fear of an-
cient humans, especially at times of crisis – divine abandonment. In the
Hebrew Bible this concern was encapsulated in the query: “Is Yahweh
present in our midst, or not?” (Exodus 17: 7), and in the fervent desire

93723_02_Levine 338 06-29-2010, 10:56


ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE 339

for the nearness of the divine: “May Yahweh walk among us!” (Exodus
34:9). The prophet, Jeremiah, offers a reassuring response: “You are,
indeed, in our midst, Yahweh!” (Jer 14:9) (Levine 1970).
Finally, when speaking of the social aspects of sacrifice in the ancient
Near East, and more specifically, in ancient Israel, we can approach the
subject from two, functional perspectives. We can view cultic perform-
ance as a duty incumbent on members of the religious community,
whether clan, tribe, city, nation or empire; to put it another way, as a
requirement for being in good standing. Or, we can view cultic perform-
ance as the exercise of a right, or privilege restricted to those who be-
long to the community, however defined, and who are in good standing.
This latter perspective was characteristic of the ancients, who regarded
sacrifice as an act of legitimation more than as a burden. They feared
exclusion from participation in the cult, which would signify the loss of
social belonging, the loss of community. As has often been said, in dif-
ferent ways: Without community, there is no religion!

The pesah Sacrifice: A Biblical Paradigm of Communality


I have selected the rites of the pesaÌ “paschal sacrifice,” prescribed
in Exodus, chapters 12-13, as a paradigm for investigating the social as-
pects of sacrifice in ancient Israel. This sacrifice was to be performed
annually, in the spring of the year, in the early evening of the fourteenth
day of Nissan, registered as the first month. Exodus 12-13 presents a
composite of ritual practices, combining both early texts, most likely of
northern Israelite origin, and later statements of priestly law. The sec-
tion that is of immediate interest is Exodus 12: 43-48, taken from the
priestly component. The view taken here is that the priestly source
within Torah literature derives from the post-exilic, Achemenid period,
although it preserves older material The paradigmatic text reads as
follows
Then Yahweh spoke to Moses and Aaron: This is the statute for the paschal
sacrifice: No foreign-born person (ben nekar) may partake of it. And as re-
gards any person’s slave, purchased for silver (cebed `îs miqnat kesep) – only
when you circumcise him, may he then partake of it. A resident wage earner
(tôsab wesakîr) may not partake of it. It shall be eaten in a single house; you
may not take any of the meat outside the house, and you may not break any
bone of it. The entire Israelite community (cedah) shall perform it. And if an
alien resident (ger) should sojourn in your midst and wish to perform the
paschal sacrifice, let every male of his (family) be circumcised. Only then
may he approach to perform it and be accepted as a native of the land

93723_02_Levine 339 06-29-2010, 10:56


340 BARUCH A. LEVINE

(`ezraÌ ha`areÒ). No uncircumcised man may partake of it. There shall be a


single instruction for the native and the alien resident who sojourns in your
midst.
The definitive terms of reference, in Hebrew and in translation, pro-
vide a key to understanding the pesaÌ ritual. The rules require that all
who partake of the paschal sacrifice, whose preparation and perform-
ance are mandated in Exodus 12-13, must either be members of the
cedah “community,” namely, Israelites, or circumcised non-Israelites

who are attached to the community on a legitimate, long term basis.


This restriction accounts for the blanket statement “No uncircumcised
man may partake of it.” The Hebrew term cedah is distinctive to priestly
literature, where it serves to designate the Israelites either as an entire
community, or as a representative assembly of the people. It is adminis-
trative in derivation, and is comparable in meaning to Akkadian puÌru,
literally,“ a group assembled.” As such, it differs from kinship terms
such as Hebrew cam “clan, people,” or the traditional designation benê
Yisra’el, usually rendered “children of Israel, “ but is more accurately
translated “Israelites.”
Perhaps this is the place to engage the nature of the cedah, of which
we have been speaking. If the assignment of the priestly component of
Torah literature to the Achemenid period is correct (and there is increas-
ing evidence that it is), then we should look for contemporary historical
and political indicators in order to clarify the type of community desig-
nated as the cedah. The analysis by Mary Douglas (1993: 42-60), who
defines the post-exilic Israelite-Jewish communities in the homeland
and in Babylonia, as “enclaves,” has much to recommend itself. Doug-
las was interested primarily in defilement, not in sacrifice, as such, but
her discussion of the mechanisms characteristic of the enclave is reveal-
ing. It helps to explain how a minority network of enclaves living under
Persian imperial rule, and administered by a priestly hierarchy, would
act so as to preserve its distinct, religious identity. It might start by
specifying who may, and who may not participate in the sacrificial cult.
Returning to the pesaÌ sacrifice, in the manner prescribed in Exodus
12-13, we note that it was highly unusual because there is no recourse to
an altar or a priest. The sacrificial lamb is to be barbecued whole, over
an open fire – this rite is to be performed annually as a domestic offer-
ing at the domicile of the household, in the early evening. This unusual
scheduling undoubtedly symbolizes the nocturnal Exodus march. The
venue is also exceptional, of course, as is the prohibition against remov-
ing any of the meat from the household domain. The pesaÌ offering was

93723_02_Levine 340 06-29-2010, 10:56


ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE 341

of the zebah type, which is to say, a sacred meal to be consumed in large


part by the participants. And yet, it differs from most examples of the
zebaÌ, in that none of it is cooked. It celebrated the Exodus from Egypt
in a dramatization of collective memory. In her recent commentary on
Exodus, Carol Meyers presents a sensitive discussion of the impressive
significance of this annual occasion. Inter alia, she has this to say:
No festival of the Hebrew Bible better epitomizes the ritualization of the
past in order to shape and preserve group identity than does the Passover to
the memory of exodus (Meyers 2005:203).

A central issue with respect to the social aspects of sacrifice is the


policy of excluding non-Israelites from cultic participation, and the re-
sultant need to accommodate resident non-Israelites of varying status,
who were attached to Israelite households, and who “belonged” in that
sense. This is the flip-side of communality. Excluded, and with no rem-
edy, is ben nekar “foreign born person”. It is not entirely clear that this
term refers consistently to those who come from foreign lands, but in
the text under discussion, and most everywhere else, this is its probable
meaning. It would be reasonable to conclude that the unconditional ex-
clusion of ben nekar is due to the fact that such persons were not at-
tached to any Israelite household, and for that reason the community
bore no collective responsibility toward them.

Also denied a remedy is the “resident wage earner” (tôsab wesakîr).


Reference is to non-Israelite laborers, employed by Israelite households,
or by urban manufacturers. The status of the hired laborer differed from
that of the ger in that such persons were not permanent residents, but
perhaps seasonal workers, employed at harvest time, for example. (We
might compare this status to the current designation “guest worker”).
The direct opposite of “foreign born person” is `ezraÌ (ha’areÒ)
“native born (of the land),” one of the ways of classifying Israelites.
The personal status most often contrasted with that of the `ezrah is that
of the ger “alien resident” The etymology of Hebrew `ezraÌ is botani-
cal, conveying the sense of “home grown, rooted.” (see the Hebrew of
Psalm 37:35), and is similar in meaning to “autochthonous,” a term of
Greek derivation that is also applied to native flora. So we have two
poles: the unconditionally excluded foreigner, and the native Israelite,
who enjoys unassailable belonging.
Two classes of non-Israelites were allowed to participate in the cult,
conditional on circumcision. Defining the role of circumcision in the

93723_02_Levine 341 06-29-2010, 10:56


342 BARUCH A. LEVINE

priestly view is a complex enterprise, but for the sake of simplicity, we


can say that it is not perceived here as a rite of conversion. The insist-
ence on circumcision functions in a number of situations as a mecha-
nism for eliminating an impurity that would be regarded as offensive,
especially so in religious rites. The two, non-Israelite groups under dis-
cussion are:
(1) cebed `îs miqnat kesep “ a person’s slave purchased for silver.”
In the priestly scheme of things, Israelites can never be slaves with the
status of property (Leviticus 25: 39-43, 55), which means that reference
is necessarily to a non-Israelite slave, owned by an Israelite household.
It is significant that according to priestly law as stated in Genesis 17:10-
14, such slaves of Israelite households and their offspring had to be cir-
cumcised; it was not optional. In the present context, circumcision is
presented as a procedure aimed at permitting slaves to join in with the
family and the entire community. Exodus 12:43-48 express the
inclusionary policy of the Israelite community toward slaves, who were
granted certain rights in consideration of the fact that the Israelites had
once been slaves, themselves. As an example, non-Israelite slaves must
be allowed to rest on the Sabbath, as guaranteed in the Decalogue (Exo-
dus 20: 10, Deuteronomy 5: 14-15).
(2) ger “alien resident. ” The Hebrew term ger is derived from the
verb gûr “to reside, sojourn” – we might say: “to immigrate.” The only
thing that is certain about the status of the ger is that he is not regarded
as part of the in-group of the locale where he now resides. As in the
present case, the ger is often the object of special legislation aimed at
securing equitable treatment. It is interesting that in Leviticus 17, a prin-
cipal priestly statement governing proper sacrificial worship, the words
“and from the ger who sojourns in their midst” were thrice repeated in
order to cover such non-Israelite residents alongside Israelites.
There has been abundant discussion of the ger, and quite clearly, the
meaning of this term was fluid. A ger had the status of a permanent resi-
dent, a non-Israelite from outside the enclave, or from outside the coun-
try, who enjoyed a special legal status because of long-term involve-
ment with the community. It is perspective that determines usage, so
that the Israelites, themselves, were designated “sojourners” in the land
of Egypt, and Abraham could represent himself as “a resident.alien” to
a local ruler in Canaan (Genesis 23:3).
What we find in Exodus 12:43-48 is the interaction of personal status
with the makeup of the Israelite household as a socio-economic unit.

93723_02_Levine 342 06-29-2010, 10:56


ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE 343

The pesaÌ sacrifice as mandated overall in Exodus 12 –13,.was to be


performed within the lap of the patrilineal clan and the household ( Exo-
dus 12:3). After all, the Israelites left Egypt clan by clan, and had
awaited the command to depart inside their homes. The household,
which included slaves and alien residents, celebrated the sacrifice en-
semble. By the time Exodus 12: 43-48 were added to the earlier pesaÌ
instructions preserved in Exodus 12-13, Israelites had come to regard
themselves as the true natives of the Promised Land, and to regard non-
Israelites -as the actual sojourners!
It strikes the modern reader that the ritual prescriptions of Exodus
12:43-48 are addressed solely to the male members of the community.
In fact, Exodus 12 -13 refer to all of the persons of the household as par-
ticipants who partake of the sacrifice, employing the Hebrew term
nepes, “person, living being” ( Exodus 12: 4, 14), a term which is not
gender specific. By the way, this same term is used elsewhere in ritual
law (e.g. Levticus 4-5, 7). Generally speaking, responsibility for observ-
ance of ritual law rested on the head of the patrilineal household, and his
status determined that of his wife and children. It is true that women did
not officiate at sacrificial offerings as prescribed in the Hebrew Bible,
but they are not excluded from participating in such celebrations, and in
certain cases, where specifically womenly issues were involved, they
were obligated to do so. This would be true of the new mother after
childbirth, as an example (Leviticus 12). When speaking of the unique
domestic sacrifice discussed here, it would be surprising, indeed, if
women had no role in the preparations associated with the pesaÌ.

Conclusion
A full consideration of the social aspects of sacrifice in ancient Israel
would be based on the analysis of scores of paradigmatic texts, such as
the one examined here. Whether we are reading a ritual-legal text, or a
prophetic oration, or a narrative chronicle, the recommended method is
the same: We begin with philology, and move to larger textual units,
building our empirical model of the religious community as we go.

REFERENCES

DOUGLAS, Mary
1993 In the Wilderness: The Doctrine of Defilement in the Book of Num-
bers, JSOT Suppl.158, Sheffield: JSOT Press.

93723_02_Levine 343 06-29-2010, 10:56


344 BARUCH A. LEVINE

LEVINE, Baruch A.
1970 “The Presence of the Lord in Biblical Religion,” in Religions in
Antiquity: Essays in Memory of Erwin Ramsdell Goudenough, ed.
J. Neusner, Leiden: E.J.Brill, 71-87.
MEYERS, Carol
2005 Exodus, New Cambridge Bible Commentary, Cambridge: Cambridge
University Press.
VAN DER LEEUW, G.
1938 Religion in Essence and Manifestation, trans. J.E. Turner, London,
George Allen & Unwin.

93723_02_Levine 344 06-29-2010, 10:56


PRIÈRES DE MANASSÉ
RB. 2010 - T. 117-3 (pp. 345-360). 345

PRIÈRES DE MANASSÉ
(2 CH 33,13*∞∞; TSK 1.144*∞∞; 4 Q 381)
PAR
Étienne NODET, o. p.
École biblique, POB 19053 Jérusalem-IL
nodet@ebaf.edu

RÉSUMÉ
Flavius Josèphe a connu une forme de 2 Ch 33,13s qui incluait la Prière
du roi Manassé. Elle s’est conservée ailleurs sous diverses formes, en grec, en
syriaque et en hébreu.

SUMMARY
Josephus Flavius used a version of 2 Ch 33∞∞:13f including the Prayer of
King Manasseh, which is known from other sources in Greek, Syriac and
Hebrew.

I
Selon 2 Ch 33∞∞:11-17, le roi Manassé, fils d’Ézéchias, connut l’exil
en réponse à sa perversité (rapportée parallèlement en 2 R 21,1-16 et
2 Ch 33,1-10). Dans sa détresse il pria Dieu, qui l’exauça∞∞; renvoyé à
Jérusalem, il ôta les idoles qu’il avait faites puis mena ensuite une vie
exemplaire. Les v. 18-19 indiquent que sa prière, qui n’est pas citée fut
conservée dans les archives royales et chez certains prophètes. Par
ailleurs, il existe une Prière de Manassé, réputée canonique dans le
monde orthodoxe, qui figure aussi dans un recueil d’hymnes annexé à la
LXX. Ses plus anciens témoins connus sont des ouvrages chrétiens pos-
térieurs au IIe siècle.
Elle passe pour une composition tardive destinée à combler la lacune
de 2 Ch. L’objet de cette note est de montrer qu’il s’agit d’une œuvre

93723_03_Nodet 345 06-29-2010, 10:57


346 ÉTIENNE NODET

juive, et de plus qu’elle figurait dans la forme hébraïque des Chroniques


qu’a connue Flavius Josèphe.

II
Le plus ancien témoin de la Prière est la Didascalie des Apôtres,
composée en grec, mais conservée seulement dans une traduction syria-
que du IVe siècle et par des fragments latins. Dans le cadre d’une exhor-
tation aux évêques, l’auteur prend l’exemple du roi Manassé, le criminel
repenti. Il en raconte toute l’histoire, d’après 2 R 21,1-18 et 2 Ch 33,1-
20, cités expressément, et il insère la prière après «∞∞et il le pria∞∞» de
2 Ch 33,13. Toute l’exhortation est reprise dans les Constitutions Apos-
toliques 2.22.3-18, ouvrage en grec daté du IVe siècle et bien conservé1.
La Prière est un psaume de repentance prononcé par le pire des rois de
Juda∞∞; elle prend sens en considérant d’abord ses méfaits, puis son com-
portement après sa conversion, ce qui explique la présentation de la
Didascalie, qui donne le contexte narratif.
Le texte grec2 de la Prière, sans récit englobant, est donné avec de
menues variantes par divers mss de la LXX, parmi d’autres hymnes3
(cf. Rahlfs, II∞∞:180-181 «∞∞Ode 12∞∞», ci-après PM, avec sa division en
versets). On peut la décrire en quatre parties, ou quatre moments.
a) PM 1-5, une invocation au «∞∞Seigneur, Dieu de nos pères, d’Abra-
ham, Isaac, Jacob et de leur juste postérité∞∞», qui est aussi l’auteur d’une
Création somptueuse devant qui tout tremble.

1
 Les textes sont donnés par F.-Xavier FUNK, Didascalia et Constitutiones Aposto-
lorum, Torino, Bodega d’Erasmo, 1979 (original 1905), I∞∞:81-89, qui signale d’autres
attestations anciennes. Pour les légendes relatives à Manassé, cf. Louis GINZBERG, The
Legends of the Jews, Philadelphia, 1909-1938, IV∞∞:277-281 et VI∞∞:370-376. Une discus-
sion du sens des récits est donnée par Innocent HIMBAZA, Le roi Manassé. Héritage et
conflit du pardon (Essais bibliques, 40), Genève, Labor et Fides, 2006.
2
 Diverses versions sont signalées par Albert-M. DENIS, Introduction aux Pseud-
épigraphes grecs de l’Ancien testament, Leiden, Brill, 1970, p. 177-181.
3 Une présentation et une double traduction (littéraire et littérale) sont données par

James H. CHARLESWORTH, «∞∞Prayer of Manasseh∞∞», dans∞∞: James H. CHARLESWORTH


(Ed.), The Old Testament Pseudepigrapha, New York, Doubleday, 1985, II∞∞:725-638.
Eva OSWALD, «∞∞Das Gebet Manasses∞∞», dans∞∞: Werner G. KÜMMEL, Poetische Schriften
(Jüdische Schriften aus Hellenistisch-römischer Zeit, IV/1-3), Gütersloh, Gerd Mohn,
1974-1983, p. 15-28, donne aussi une présentation critique et une traduction. L’un et
l’autre se fondent sur le syriaque de la Didascalie comme étant le plus ancien∞∞; il con-
serve des traces de sémitismes. C’est cependant une traduction du grec, ce qui atténue
l’argument. Les écarts entre les différentes versions n’affectent ni le sens général ni les
détails thématiques∞∞; outre de menues nuances, il y a des ajouts ou omissions de stiques
entiers∞∞: la Prière est redondante et rythmée, il s’agit de répétitions (ajoutées ou omises),
probablement dues à un usage liturgique.

93723_03_Nodet 346 06-29-2010, 10:57


PRIÈRES DE MANASSÉ 347

b) PM 6-8, une louange de l’infinie miséricorde divine envers qui-


conque se repent. Dieu met une «∞∞invitation à la conversion, au repen-
tir∞∞» (metánoia) comme salut pour les pécheurs, c’est-à-dire une
épreuve salutaire. Dieu n’a pas fixé de «∞∞repentir∞∞» pour les justes (oûk
∂qou metánoian dikaíoiv), comme Abraham, Isaac et Jacob, qui n’ont
pas péché, mais il en mis un à Manassé. Le sens de metánoia ici se
retrouve en Sg 12,19 ou Si 44,16∞∞; il faut soupçonner un hébraïsme
(cf. §V ci-après). Dans le NT, le terme désigne le repentir proprement
dit (Mt 3,6∞∞; Lc 5,32∞∞; 24,47∞∞; Rm 2,4), et non une invitation externe.
CA §12 et la Didascalie ajoutent deux phrases, qui sont peut-être un
doublet∞∞: «∞∞Car toi, Dieu, selon la bienveillance de ta bonté, tu as promis
une “∞∞remise de conversion∞∞” (metanoíav ãfesin) aux pécheurs. Et
dans l’immensité de tes compassions tu as fixé un “∞∞repentir∞∞” (metá-
noian) aux pécheurs pour le salut.∞∞»
c) PM 9-13, Manassé, lié par une «∞∞multitude de chaînes de fer∞∞», et
sans force «∞∞pour relever la tête∞∞», reconnaît le sens de son épreuve et
confesse longuement son péché d’idolâtrie (où il a entraîné le peuple). Il
supplie Dieu de lui pardonner, avec des expressions typiques∞∞: «∞∞Ne me
détruis pas avec mes péchés∞∞», «∞∞Ne me bannis pas aux profondeurs de
la terre∞∞». Les «∞∞chaînes de fer∞∞» désignent à la fois l’emprisonnement et
par métaphore l’oppression morale. Dans la finale «∞∞car tu es, Seigneur,
le Dieu des repentants (metanooúntwn)∞∞», la metánoia reprend le sens
usuel dans le NT∞∞; c’est peut-être une glose.
d) PM 11 présente une expression remarquable klínw gónu kardíav
(mou) «∞∞j’incline le genou de mon cœur∞∞». La métaphore est forcée,
mais en hébreu elle est naturelle avec le verbe ‫∞∞« כנע‬se prosterner, flé-
chir le genou∞∞» (1 R 21,29∞∞; 2 R 22,19∞∞; neuf fois dans les 1-2Ch∞∞; 1 QS
10∞∞:26). En particulier, il se trouve en 2 Ch 33,12.19 pour caractériser
l’humilité de Manassé (LXX v. 11 seul êtapeinÉqj). On aurait ici un
hébreu ‫ אכנע נפשי‬ou ‫ אכנע לבי‬traduit mécaniquement.
e) PM 14, certain d’être entendu («∞∞en moi tu manifesteras ta bonté∞∞»),
Manassé s’engage à la louange perpétuelle «∞∞tous les jours de sa vie∞∞»,
en union avec le chœur céleste.
On a relevé que la Prière a le style de la LXX et qu’elle est constellée
d’allusions bibliques, non sans contacts avec l’apocalyptique tardive.
Rien ne s’oppose a priori à ce qu’elle ait d’abord été composée en hé-
breu, d’autant plus qu’on a relevé des traces d’hébraïsmes. La thémati-
que est juive, sans allusion proprement chrétienne4∞∞: le «∞∞Dieu de nos

4 La revue la plus récente des opinions est donnée par Reimund LEICHT, «∞∞The

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348 ÉTIENNE NODET

pères et de leur juste postérité∞∞»∞∞; le seul péché majeur est l’idolâtrie (les
patriarches n’ont pas péché)∞∞; la damnation comme disparition dans lles
«∞∞profondeurs de la terre∞∞» (cf. Tb 13,2∞∞; Ps 139,5).
Cependant, on ne peut entièrement exclure que ce soit une composi-
tion chrétienne finement intégrée au contexte de 2 Ch, faite par un bon
connaisseur de la LXX5. Quant aux thèmes développés, on peut obser-
ver que Clément de Rome parle de «∞∞notre père Abraham∞∞» (31∞∞:2) et
identifie l’Église avec l’Israël biblique (29∞∞:1-3).
Pour avancer, il faut considérer le contexte le plus ancien dans lequel
la Prière a été transmise. Elle figure isolée dans des listes d’hymnes
apparentées à la LXX, comme bien d’autres pièces bibliques poétiques,
mais cela ne prouve pas qu’elle ait été composée isolément.

III
Le récit encadrant la prière combine 2 R 21,1-18 et 2 Ch 33,1-20 lors-
qu’ils sont parallèles, et juxtapose les parties propres∞∞; certains détails
ne sont pas bibliques, et quelques singularités textuelles méritent exa-
men. Voici l’essentiel de ces écarts.
a) CA §4-8a reprend les récits parallèles 2 R 21∞∞:1-10 et 2 Ch 33,1-
10, sur la chronologie et les méfaits de Manassé∞∞: les détails divergents
des deux sources sont additionnés, ce qui donne des effets de doublets.
Le texte suit la LXX, avec de menues différences∞∞:
– 2 R 21,1 uïòv dÉdeka êt¬n Manass±v, CA uïòv Manass±v…
dwdekaetßv «∞∞le fils Manassé avait 12 ans∞∞»∞∞; le sémitisme n’est
pas perçu, mais le v. précédent a mentionné Ézéchias, père de Ma-
nassé, et on peut comprendre qu’il s’agit ici de son fils. La Didas-
calie ne commet pas l’erreur (filius erat duodecim annorum
Manasses).
– Ibid. Eciba Hephçiba, mère de Manassé, LXX Oc(e)iba, Aciba,
Ofsiba, Luc. Eciba.
– 2 R 21,4 et 2 Ch 33,4 «∞∞Et il construisit des autels dans la maison
de Yhwh, où (lit. “∞∞que∞∞”) Yhwh avait dit∞∞: À Jérusalem je mettrai

Prayer of Manasseh∞∞», dans∞∞: Pieter W. VAN DER HORST & Judith H. NEWMAN, Early
Jewish Prayers in Greek, Berlin – New York, Walter de Gruyter, 2008, p. 145-180∞∞; les
plus anciens commentateurs ont cru que la Prière avait été composée par l’auteur de la
Didascalie.
5
 Telle est la prudence de James R. DAVILA, «∞∞Is the Prayer of Manasseh a Jewish
Work∞∞?∞∞», dans∞∞: Lynn LIDONNICI & Andrea LIBER (Ed.), Heavenly Tablets (JSJ Suppl.,
119), Leiden, Brill, 2007, p. 75-85.

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PRIÈRES DE MANASSÉ 349

(2 Ch “∞∞sera∞∞”) mon nom (2 Ch + “∞∞pour toujours∞∞” ‫לעולם‬, LXX


eîv tòn aî¬na)∞∞». 2 R LXX rend «∞∞Et il construisit… comme (Üv)
il dit∞∞: À Jérusalem je mettrai mon nom∞∞», de sens ambigu. CA
comprend, en fusionnant des versets∞∞: «∞∞Manassé construisit des
autels à Baal (t±Ç Baal) et dit∞∞: Mon nom sera pour toujours∞∞; en
fait, cette phrase est un doublet, car elle est ajoutée après la traduc-
tion plus précise de 2 Ch.
– 2 R 21,6a et 2 Ch 33,6a «∞∞et il fit passer ses fils (2 R TM
“∞∞son fils∞∞”) au feu∞∞»∞∞; 2 Ch ajoute «∞∞dans la vallée de Ben-Hinnom
(‫בגי בן הנם‬, LXX ên Ge-bane-ennom, de ‘‫ב‘ בני ה‬, cf. de même
23,10 TM)∞∞». CA met Ge Benennom, dépendant d’un sing. comme
le TM ici, contre la LXX.
– Ibid. «∞∞et il fit des instruments de nécromancie et de divination
(‫»∞∞)אוב וידעונים‬. La LXX rend différemment ces termes en 2 R et
2 Ch. CA additionne le tout et ajoute kaì qerafein (ou -feim),
transcription de ‫ ;∞∞ותרפים‬le terme figure dans la liste très semblable
des activités idolâtriques que Josias abolit ensuite (2 R 23,24).
On discerne donc des traces de diverses phases de transmission, soit,
en remontant dans le temps∞∞: un état ultime, proprement grec, avec
l’erreur sur «∞∞fils∞∞» ainsi que de menues retouches stylistiques∞∞; aupara-
vant, il y eut une fusion des formes grecques de 2 R et 2 Ch∞∞; enfin,
ces formes paraissent avoir gardé des traces d’un hébreu distinct du
TM, soit de 2 R, soit de 2 Ch.
b) Oracle des prophètes. CA §8b-9 suit 2 R 21∞∞:11-16, sans parallèle
dans 2 Ch, avec quelques écarts par rapports à la LXX.
– 2 R 21∞∞:12 «∞∞C’est pourquoi (‫לכן‬, LXX oûx oÀtwv “∞∞pas ainsi∞∞”,
de ‫לא כן‬, cf. Gn 48,18) ainsi parle Yhwh∞∞». La confusion entre ‫לכן‬
et ‫ )לאכן( לאכן‬n’est pas rare, et peut donner un sens étrange (cf. Gn
4,15 LXX, etc.). C’est le cas ici, et CA a simplement omis les mots
oûx oÀtwv, ce qui indique une dépendance de la LXX∞∞; une déri-
vation de l’hébreu aurait donné dià toÕto, comme Aq. et Sym. (cf.
aussi Jg 10,13 etc.).
– 2 R 21∞∞:13 «∞∞je nettoierai Jérusalem comme on nettoie un plat
(‫ימחה את הצלחת‬, LXX âlábastrov âpaleifómenov “∞∞vase es-
suyé, effacé∞∞”, Orig. puzíon “∞∞tablette∞∞”, cf. Is 30,8)∞∞». Le mot rare
‫ צלחת‬paraît désigner un ustensile (récipient), et se combine mal
avec ‫∞∞« מחה‬abolir, effacer∞∞». CA met puzíon comme Orig., ce qui
donne un sens, mais la Didascalie met alabastrus, conforme à la
LXX∞∞; il s’agit donc d’un aménagement du grec.

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350 ÉTIENNE NODET

– 2 R 21∞∞:14 «∞∞Et je rejetterai (‫ונטשתי‬, LXX âpÉsomai) le reste de


mon héritage, je les livrerai (‫ונתתים‬, LXX paradÉsw)∞∞». Pour le
premier verbe, CA met âpodÉsomai, plus usuel et de sens analo-
gue∞∞; il y a peut-être une influence du second, qui est rendu comme
dans la LXX.
– 2 R 21∞∞:14 «∞∞leurs pères sont sortis d’Égypte∞∞». La Didascalie rend
de même, mais CA met «∞∞de terre d’Égypte∞∞», formule usuelle.
Ces différences sont infime. Il s’agit de petites altérations de la LXX,
dues surtout à des copistes postérieurs à l’exemplaire utilisé par la Di-
dascalie. Ils ne concernent que 2 R.
c) CA §10a suit 2 Ch 33,11 sans parallèle dans 2 R∞∞: «∞∞Et Yhwh fit
venir contre eux les chefs de l’armée du roi d’Assur et ils capturèrent
Manassé avec des crocs (‫בחחים‬, LXX ên desmo⁄v), le lièrent par des
entraves de bronze (‫בנחשתים‬, LXX ên pédaiv “∞∞dans des entraves∞∞”) et
l’emmenèrent à Babylone∞∞».
À côté de menues différences purement grammaticales, on note un
écart significatif∞∞: pour ‫בנחשתים‬, CA met ên pédaiv xalka⁄v, ce qui ne
correspond ni à 2 Ch ici, ni à 2 R 25,7, mais bien à la traduction qu’on
rencontre ailleurs (Jg 16,21) et même au voisinage (2 Ch 36,6). Le pas-
sage correspond largement à la LXX, mais il reste une trace de traduc-
tion indépendante de l’hébreu de 2 Ch.
d) CA §10b ajoute à ce point un verset∞∞: «∞∞Et il était lié et bardé de
fer (katasesidjrwménov), seul dans la maison de garde, et du pain fait
de son (êk pitúrwn ãrtov) lui était donné en petite mesure, et de l’eau
avec vinaigre en petite quantité, pour qu’il vive, et il était opprimé et
très affligé.∞∞» Le verbe katasidjr¬ est rare. Son sens militaire est
«∞∞renforcer, garnir de fer∞∞» (Diodore, Bibl. histor. 13.54.7∞∞; Biton, Ma-
chines de siège §4). En Test. Salomon 9∞∞:10 il est employé pour décrire
l’arraisonnement par le démon Samaël. Il s’agit d’un développement sur
les «∞∞chaînes de fer∞∞» de PM 9, en omettant le sens métaphorique. Il faut
observer que selon le Martyre d’Isaïe §1 c’est le démon Samaël qui dès
la mort d’Ézéchias s’établit sur Manassé∞∞; barder de fer Manassé revien-
drait donc à en faire autant à Samaël.
Le style et le vocabulaire de ce verset ne se rattachent ni à la Bible, ni
à Josèphe∞∞; la mention de vinaigre dans l’eau ne suggère que de loin une
réminiscence de Ps 69,22, mais non de Rt 2,14 («∞∞trempe ton pain dans
le vinaigre∞∞»). En outre, il y a une tension entre les «∞∞entraves de
bronze∞∞» et le «∞∞bardage de fer∞∞». Il faut donc considérer que la phrase
est un développement annexe, en écho de PM 10 «∞∞enchaîné de fer∞∞».

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PRIÈRES DE MANASSÉ 351

e) CA §11a reprend 2 Ch 33,12 avec un écart∞∞: «∞∞Et comme il était


opprimé (‫וכהצר לו‬, LXX kaì Üv êqlíbj, CA + biaíwv “∞∞violem-
ment∞∞”)∞∞». L’expression biaíwv qlíbw et ses dérivés, inconnus de la
Bible, se rencontrent dans des textes médicaux anciens pour désigner
une forte oppression physique. Ici, il faut supposer une simple ornemen-
tation littéraire, de la même veine que l’ajout précédent (l’oppression du
fer).
f) 2 Ch 33∞∞:13a «∞∞Et il le pria et cela lui fut accordé (‫ )ויעתר לו‬et il
exauça sa supplication (‫תחנתו‬, LXX bo±v) et il le ramena à Jérusalem
dans son royaume∞∞». CA présente deux modifications majeures et une
plus modeste.
– Après «∞∞et il pria∞∞» CA §12-14 ajoute «∞∞le Seigneur Dieu, disant∞∞»,
puis vient la prière (§II ci-dessus).
– Après la prière, CA §15a rend différemment 2 Ch 33∞∞:13a∞∞: «∞∞Et le
Seigneur exauça sa voix (fwn±v) et le prit en pitié (Öçkteí-
rjsen)∞∞». CA et 2 Ch LXX paraissent traduire indépendamment
‫תחנתו‬, mais ont peut-être lu ‫ ;∞∞קולו‬de plus, le verbe Öçkteírjsen,
en hébreu ‫חנן‬, garde peut-être un écho de ‫תחנתו‬, auquel cas il s’agi-
rait d’une double traduction issue d’une glose. Il y a donc ici un
autre petit indice que CA reflète une traduction d’un hébreu de 2
Ch légèrement différent du TM.
– Ensuite (avant «∞∞et il le ramena∞∞»), CA ajoute un récit de miracle∞∞:
«∞∞Et il y eut autour de lui une flamme de feu, et tous les fers autour
de lui fondirent, et le Seigneur guérit Manassé de son oppres-
sion.∞∞» L’épisode est a rattacher à l’addition sur les conditions de
détentions de Manassé (bardé de fer).
g) CA §16 reprend 2 Ch 33,13b («∞∞Et Manassé sut que Yhwh est
Dieu∞∞») puis ajoute «∞∞et il révéra le seul Seigneur Dieu de tout son
cœur et de toute son âme, tous les jours de sa vie, et il fut considéré
comme juste (êlogísqj díkaiov)∞∞». Il y a une allusion transparente au
Shema Israël (Dt 6,4) ainsi qu’à une réputation posthume. La Didasca-
lie omet la suite (v. 14-19) et conclut avec 2 Ch 33,20 sur la mort de
Manassé.
Ici, le détail significatif est que dans sa paraphrase biblique, Josèphe
dit aussi, mais avec une réticence manifeste, que Manassé fut considéré
comme juste. Ce point est examiné plus loin. (§IV).
h) Ensuite, CA §17-18 reprend 2 Ch 33,15-16.20, c’est-à-dire omet
les v. 14 (travaux publics de Manassé), 17 (sur le maintien des hauts
lieux, mais dédiés à Yhwh) et 18-19 (archives incluant les actes de

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352 ÉTIENNE NODET

Manassé et sa prière). Le texte est conforme à la LXX, sauf sur deux


points∞∞:
– 2 Ch 33,15 «∞∞Et il ôta… tous les autels qu’il avait construits sur la
montagne de la maison de Yhwh et à Jérusalem et il jeta (‫וישלך‬,
LXX om., Luc. êzébalen) hors de la ville∞∞». La LXX dit que
Manassé avait bâti des autels hors de Jérusalem∞∞; c’est cohérent
avec la suite, car selon le v. 17 le peuple continue à fréquenter les
hauts lieux, mais c’est Yhwh qu’il y adore. Ici, CA lit comme TM
(ou Luc.).
– Il faut noter que le récit s’achève sur la mort de Manassé et l’intro-
nisation de son fils Amôn, sans mention des archives∞∞; cela pour-
rait être une omission délibérée, puisque la Prière est citée.
Le résultat d’ensemble de cet examen est que la fusion de 2 R et 2 Ch
s’est faite selon un processus précis∞∞: il y avait d’abord un ensemble
formé de la prière encadrée d’un récit analogue à 2 Ch, mais dérivant
d’un hébreu légèrement différent∞∞; ensuite furent ajoutés, certainement
en grec, les éléments sur le bardage de fer et le miracle, qui sont liés à la
prière et à 2 Ch∞∞; enfin, le tout fut consolidé par l’introduction du récit
parallèle de 2 R LXX. Cette dernière opération peut être attribuée à
l’auteur de la Didascalie, et peut-être aussi la précédente, mais il faut
considérer que l’ensemble formé du récit de 2 Ch et de la prière lui est
antérieur. À ce stade, on ne peut conclure si la forme de 2 Ch utilisée
incluait la Prière ou si celle-ci provenait d’un document annexe.

IV
Dans sa paraphrase biblique, Josèphe rapporte les méfaits de Manassé
et l’intervention des prophètes, puis sa capture, sa supplication, son re-
tour et sa vie exemplaire ensuite (AJ 10∞∞:37-46). Selon sa manière un
peu approximative, il combine manifestement 2 R 21,1-18 et 2 Ch 33,1-
20, mais avec quelques additions.
a) La plus caractéristique est la conclusion, après les réformes à Jéru-
salem (§45)∞∞:
Dans tous ces aspects, il fut vraiment transformé (metabol±Ç xrjsámenov)
et passa ainsi le reste de sa vie, au point d’être considéré (logihómenov)
comme bienheureux (makaristóv) et envié (hjlwtóv) à partir du moment
où il commença à révérer Dieu.
Josèphe a composé un discours d’adieu de Moïse aux Israélites, où il
les exhorte à la fidélité∞∞; ils seront alors «∞∞bienheureux et enviés de

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PRIÈRES DE MANASSÉ 353

tous∞∞» (makaristoì kaì hjlwtoì p¢sin, AJ 4∞∞:180). Dans le récit fleuri


de la conversion au judaïsme du roi Izatès d’Adiabène (vers 45), Josè-
phe met aussi ces adjectifs pour qualifier la conduite exemplaire du roi
(AJ 20∞∞:49). Ici, on voit Josèphe un peu gêné d’une telle qualification
globale pour un roi qui a mal commencé. On voit ailleurs qu’il opère
des censures∞∞; par exemple, en AJ 10∞∞:25, il a omis le moment d’orgueil
d’Ézéchias (2 Ch 32∞∞:24-29), puisque c’est un bon roi. Il est donc lié ici
par une source∞∞: ce ne peut être que le complément de 2 Ch 33,13 donné
en CA §16 «∞∞et il fut considéré comme juste∞∞».
Josèphe a donc eu accès au contexte de la Prière tel que rapporté par
CA (forme différente de 2 Ch).
b) Ce contact établi, d’autres détails sur l’attitude de Manassé pren-
nent sens (§42-43)∞∞:
Revenu à Jérusalem, il s’efforça d’ôter de son esprit, si c’était possible, le
souvenir de ses anciennes fautes envers Dieu∞∞; il voulait s’en repentir
(metabouleúein) et lui manifester la plus grande révérence (daiside-
moníaç). Il sanctifia le temple et purifia la ville, et ensuite il ne voulut plus
que rendre grâce (xárin) à Dieu pour son salut (swtjríav) et obtenir sa
faveur pour toute sa vie. Il enseigna au peuple à faire de même, ayant com-
pris à quel point l’attitude opposée avait failli l’entraîner à la catastrophe
On retrouve un autre écho du complément de 2 Ch 33,13 selon
CA §16 «∞∞et il révéra le seul Seigneur […] tous les jours de sa vie∞∞». La
volonté de le faire est exprimée dans la Prière (PM 14). Le «∞∞souvenir
des anciennes fautes∞∞», difficile à ôter, est un écho de PM 9, où Ma-
nassé, écrasé par son péché, se voit lié par des «∞∞chaînes de fer∞∞», en un
sens métaphorique. Enfin, la «∞∞découverte∞∞» des conséquences de l’im-
piété correspond aux «∞∞épreuves salutaires∞∞» (metánoia) de PM 8, dont
Abraham, Isaac et Jacob n’ont pas eu besoin.
Si l’on remarque que Josèphe ne rapporte jamais directement les priè-
res bibliques (peu auparavant, en AJ 10∞∞:16, il a omis la longue prière
d’Ézéchias de 2 R 19∞∞:14-19, adressée au Dieu créateur), on peut con-
clure fermement qu’il a connu non seulement le contexte de la Prière,
mais aussi son contenu. Cela formait donc un ensemble analogue à ce
que donnent la Didascalie et CA, mais on ne trouve aucune analogie de
vocabulaire grec. Il y a quelques indices qu’il n’a pas connu l’affaire
du bardage de fer. On ne peut encore savoir s’il utilisait un document
séparé ou si telle était la forme de 2 Ch qu’il lisait.
La question de la langue d’un tel document reste à préciser, mais on a
discerné des indices d’hébraïsmes, et il faut souligner que dans sa narra-
tion proprement biblique (livres 1-10) Josèphe utilise exclusivement des

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354 ÉTIENNE NODET

sources hébraïques, comme il le dit lui-même (AJ 1∞∞:5, 9∞∞:208, 10∞∞:218,


CAp 1∞∞:54). L’examen de son texte permet de le vérifier, en particulier
pour les noms propres∞∞; l’hébreu qu’il suit, distinct du TM, a par ailleurs
des contacts nets avec la source de la LXX6. Voici un échantillon, pris
au voisinage du passage étudié (en suivant l’ordre des Antiquités).
– 2 R 9,13 ‫ ארץ כבול‬terre de Kabul, LXX-Luc. ºrion frontière (de ‫)גבול‬, AJ
8∞∞:142 XabalÑn g± terre des Kabulites.
– 2 Ch 11,17 ‫שוכו‬, LXX-Luc. Sokxwq, Soko (en Juda, cf. Jos 15∞∞:35)∞∞; AJ
8∞∞:241 SwxÉ.
– 2 R 11,1+ et 2 Ch 22,11+ ‫עתליהו‬, ‫עתליה‬, LXX et Luc. Goqolia, Athalie
(reine)∞∞; AJ 9∞∞:140+ ‘Oqlía.
– Na 2,9 ‫ עמדו עמדו‬Restez, restez∞∞! LXX oûk ∂stjsan et ils ne restèrent
pas (de ‫ ;∞∞)לא עמדו‬AJ 9∞∞:239 st±te kaì meínate restez et demeurez.
– 2 R 21∞∞:1 (et 2 Ch 33∞∞:1) ‫( מלך בירושלים ושם אמו חפצי בה‬Manassé) régna à
Jérusalem et le nom de sa mère était Hephçiba∞∞; AJ 10∞∞:37 sa mère, nom-
mée Hephçiba, était native de la ville (Jérusalem)∞∞: Josèphe, s’attendant à
trouver comme ailleurs le lieu de naissance, a lu ‫ושם‬ ָ , d’où∞∞: …à Jérusa-
lem, et là était sa mère.
– 2 Ch 34,6 Qer. ‫( בחרבתיהם‬Josias purifia le pays en tout lieu) et dans leurs
ruines, Ket. ‫ בחר בתיהם‬il choisit leurs maisons (∞∞?), LXX kaì to⁄v tópoiv
aût¬n de ‫ ;∞∞ברחבתיהם‬AJ 10∞∞:69 il perquisitionna leurs maisons∞∞: Josèphe
a lu comme Ket., peut-être avec une altération ‫ ברר‬pour ‫בחר‬.
– Josèphe suit la forme longue de Jr (TM)∞∞; AJ 10∞∞:18 donne un décompte
des déportés (Jr 52,28 TM).
– Jr 38[45],7 ‫עבד מלך‬, LXX Abdemelex (le Kushite) Ebed-Melek∞∞; AJ
10∞∞:122 serviteur du roi (sans transcription).
– Jr 41[48],7 ‫ בור‬citerne, LXX fréar puits (de ‫ ;∞∞)באר‬AJ 10∞∞:170 lákkov
citerne.
La possibilité que Josèphe ait connu la Prière en hébreu renouvelle
l’évaluation des fragments hébreux qui ont été recueillis au Caire et à
Qumrân.

V
Parmi les trouvailles de la geniza du Caire, on a retrouvé trois frag-
ments d’un recueil de prières et autres textes magiques (TSK 1.144,
1.95.T et 21.95.P, regroupés sous le sigle TSK 1.144*), parmi lesquels
figure la Prière en hébreu7, de la page 2b ligne 18 à 3a l. 2 (ci-après
6
 Cf. Étienne NODET, «∞∞Josephus and the Pentateuch∞∞», JSJ 28 (1997), p. 154-194∞∞;
ID. «∞∞Josephus and the Books of Samuel∞∞», dans∞∞: Shaye J. D. COHEN & Joshua
SCHWARTZ (ED.), Studies in Josephus and the Varieties of Ancient Judaism. Louis H.
Feldman Jubilee Volume (AGAJU, 67), Leiden, Brill, 2007, p. 141-167.
7
 Peter SCHAFER & Shaul SHAKED, Magische Texte aus der Kairoer Geniza, Tübin-
gen, Mohr-Siebeck, 1997, II∞∞:32 et 51-53.

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PRIÈRES DE MANASSÉ 355

«∞∞TSK page∞∞: ligne∞∞»). Elle est précédée d’un titre «∞∞Prière de Manassé
(‫ )תפלת מנשה‬roi de Juda, au temps où il fit retour (‫»∞∞)עשה תשובה‬, avec le
sens rabbinique usuel de ‫תשובה‬. Le recueil est analogue aux séries
d’hymnes des mss de la LXX∞∞: ce sont des pièces détachées de leur con-
texte d’origine. Sauf la seconde partie de deux lignes successives, le
texte de la Prière est lisible ou aisé à rétablir.
Il s’agit d’une variante de la Prière telle qu’on la lit en grec ou en
syriaque∞∞; les écarts ne sont pas plus importants que les différences entre
PM et l’hymne rattaché à la LXX∞∞: stiques redondants ajoutés ou retran-
chés, variations de vocabulaire, ajustements sur le TM. Le sens général
est analogue, mais quelques détails méritent d’être relevés.
– PM 6 «∞∞infinie et immense est la miséricorde de ta promesse
(êpaggeleíav)∞∞» TSK 2b∞∞:4 met ‫∞∞« צדקותיך‬de tes justices∞∞», puis
ajoute ‫∞∞« לישרי לב‬pour les cœurs droits∞∞» (cf. Ps 36,11), et ensuite
omet les deux lignes qui ne figurent que dans les CA et la Didas-
calie.
– PM 7 metano¬n êpì kakíaiv ânqrÉpwn «∞∞tu te repens (= lèves
une condamnation) pour les péchés des hommes∞∞»∞∞; TSK 2b∞∞:5-6
met ‫∞∞« )תינחם עלר (עת העם‬le mal du peuple∞∞», de sens plus res-
treint.
– PM 8 à l’expression oûk ∂qou metánoian dikaíoiv «∞∞tu n’a pas
mis de “∞∞repentir∞∞” aux justes (Abraham etc.)∞∞» correspond ‫ולא‬
‫∞∞« תינחם על טוב הצדיקים‬et tu ne te repens pas (= ne reviens pas sur
une condamnation) pour le bien des justes∞∞», de sens plus naturel.
Dans la suite, cependant, TSK 2b∞∞:7 met comme PM ‫ושמתה תשובה‬
‫∞∞« לי החוטא‬tu as mis un “∞∞repentir∞∞” à moi le pécheur∞∞», avec ‫תשובה‬
de même sens que metánoian, puis il ignore les deux phrases addi-
tionnelles de CA.
– PM 10 «∞∞(J’ai fait le mal) en dressant des idoles et des abomina-
tions∞∞»∞ ; TSK remplace par des généralités sur le péché, coupant
ainsi tout lien avec l’histoire de Manassé, centrée sur l’idolâtrie.
– PM 13e «∞∞Ne me bannis pas aux profondeurs (katwtátoiv, ‫)תהום‬
de la terre∞∞»∞ ; TSK 2b∞∞:17 ajoute «∞∞n’apporte pas devant moi mes
péchés pour le Monde qui vient (‫»∞∞)לעולם הבא‬. C’est un dédouble-
ment, avec une allusion au débat rabbinique sur le destin de Ma-
nassé (cf. ci-après §VI).
– PM 13f «∞∞(Car tu es, Seigneur, le Dieu) des repentants∞∞»∞∞; TSK
2b∞∞:18 met ‫∞∞« לבני אדם שיתחרטו ממעשיהם הרעים‬des hommes qui re-
grettent leurs actes mauvais∞∞», ce qui maintient ‫ תשובה‬de la l. 7 au
sens «∞∞invitation au repentir∞∞» (différent du sens dans le titre).

93723_03_Nodet 355 06-29-2010, 10:57


356 ÉTIENNE NODET

En résumé, il est certain que la Prière a connu diverses formes, sur-


tout une fois détachée de tout contexte biblique. Ici, le titre est secon-
daire∞∞: il omet la captivité de Manassé et ‫ תשובה‬a le sens ordinaire∞∞; de
plus, le contenu peut s’adapter à n’importe quel pénitent. R. Leicht, dans
une étude détaillée8, montre que cette version hébraïque peut largement
s’expliquer comme rétroversion du grec ou du syriaque. C’est certaine-
ment vrai, par exemple, de l’adresse initiale, où est invoqué Yhwh «∞∞qui
règne sur son monde∞∞» (‫השליט בעולמו‬, TSK 2a∞∞:19), expression inhabi-
tuelle, face à pantokrátor (voc.) de CA et PM 1 (absent du syriaque)∞∞;
en effet, l’équivalent biblique normal est ‫צבאות‬, terme qu’on retrouve en
TSK 3a∞∞:2 pour désigner «∞∞l’armée des cieux∞∞», correspondant à
dúnamiv t¬n oûran¬n de PM 15. On peut aussi détecter d’autres amé-
nagements. Par exemple, face à PM 11 «∞∞j’incline le genou de mon
cœur∞∞», TSK 2b∞∞:14 met une circonlocution double∞∞: ‫ולבי עזבני על כן‬
‫∞∞« נטיתי לבי לפניך‬mon cœur m’a abandonné, c’est pourquoi je tourne
mon cœur vers toi∞∞»∞ ; plutôt qu’une rétroversion, c’est probablement
une restitution au jugé, inspirée de locutions tirées de Ps 40,13 et
119,112.
Cependant, il est difficile de croire que rétroversion et évolution litté-
raire soient parties de rien, s’il n’y avait pas au départ une tradition juive
donnant au moins un fragment, d’autant plus qu’il s’agit d’un texte issu
d’une synagogue qaraïte, c’est-à-dire d’un milieu réformateur prônant
un retour à l’Écriture et qui avait pu bénéficier de documents recueillis
chez les «∞∞troglodytes∞∞» de Qumrân avant 8009. Il a été montré que les
fragments du Siracide issus de la même geniza en provenaient, qu’ils
avaient été complétés par rétroversion du syriaque, mais aussi qu’ils of-
fraient un texte très altéré10.

VI
Or, il se trouve que la grotte IV de Qumrân a livré les restes d’un
recueil d’hymnes non canoniques qui inclut une Prière de Manassé11
8
 Reimund LEICHT, «∞∞A Newly Discovered Hebrew Version of the Apocryphal
“∞∞Prayer of Manasseh∞∞”∞∞», JSQ 3 (1996), p. 359-373.
9 Cf. Dominique BARTHÉLEMY, «∞∞Notes en marge de publications récentes sur les

manuscrits de Qumrân∞∞», RB 59 (1952), p. 199-203.


10 Cf. Conleth KEARNS, «∞∞Ecclesiasticus∞∞», dans∞∞: A New Catholic Commentary on

Holy Scripture, London, Nelson, 1969, p. 541-562 (§441-443). L’étude classique reste
celle de Rudolf SMEND, Die Weisheit des Jesus Sirach, Berlin, Vlg G. Reimer, 1906.
11
 Eileen SCHULLER, «∞∞4QNon-Canonical Psalms B∞∞», dans∞∞: Qumran Cave 4 – VI
(DJD XI), Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 87-172 (fr. 33+35 p. 123-126, et fr. 45
p. 132-134).

93723_03_Nodet 356 06-29-2010, 10:57


PRIÈRES DE MANASSÉ 357

(4 Q 381, fr. 33+35 joints). Ce fragment contient la fin d’un psaume,


puis le titre «∞∞Prière de Manassé (‫ )תפלה למנשה‬roi de Juda lorsque le roi
d’Assur le fit prisonnier12∞ » (cf. 2 Ch 33,31), qui introduit un autre
psaume. Il apparaît au premier abord que la langue de ces passages est
très biblique, et n’offre guère de trait commun avec TSK 1.144*.
Le premier psaume, dont la partie conservée est brève (six lignes), est
une prière pénitentielle dont le début manque. Il commence par une
louange, suivie de l’aveu de grandes fautes, puis d’une supplication et
de la promesse d’une louange dans la certitude d’être sauvé. C’est une
prière individuelle, sans indication de circonstances, mais les thèmes
sont ceux de la Prière, avec quelques détails intéressants∞∞:
– l. 3∞∞: «∞∞Nous louons ta puissance, car il n’y a pas de mesure (‫כי אין‬
‫ ]…[ )חקר‬tu m’as mis∞∞; que ton reproche devienne pour moi une
joie éternelle∞∞». Le contexte suppose que la lacune en milieu de li-
gne mentionnait la miséricorde divine. L’expression tronquée est
biblique (Ps 154,3∞∞; Is 40,28), mais non rabbinique∞∞; elle rappelle
TSK 2b∞∞:4 ‫∞∞« ובלא חקר חסדיך‬et sans mesure ta miséricorde∞∞» et de
même PM 6 âmétrjton tò ∂leov soÕ.
– l. 4∞∞: «∞∞Car mes crimes sont trop nombreux pour moi (‫;∞∞»∞∞)רבו ממני‬
comme dans la Prière, l’orant se voit condamné.
– l. 5∞∞: «∞∞Je crierai de joie, je me réjouirai en toi devant ceux qui te
craignent∞∞»∞ ; c’est un engagement à la louange, et plus loin figure
le mot «∞∞sauver∞∞» (entre deux lacunes).
Ainsi ce psaume pourrait être un fragment d’une prière de Manassé,
sous une forme courte et assez éloignée, mais il n’est pas question de
faute proprement cultuelle (idolâtrie explicite), ce qui constitue un trait
commun avec la version de la geniza.
Le second psaume, séparé du premier par une ligne blanche, est pré-
cédé du titre indiqué∞∞; seules quatre lignes ont survécu. Il commence de
manière abrupte (l. 8)∞∞: «∞∞Mon Dieu, […] proche est mon salut devant
tes yeux∞∞». La suite peut évoquer Manassé∞∞:
– l. 9-10∞∞: «∞∞j’espère dans le salut de ta face, et je renie devant toi
mes péchés, car tu as agrand[i ta miséricorde], alors que je multi-
pliais la culpabilité, et ainsi me séparais / de la joie éternelle et
mon âme ne verrait plus le bien.∞∞»
– l. 10-11∞∞: «∞∞il m’a exalté plus haut qu’une nation [… / alors que je
ne me souvenais plus de toi dans le lieu de ta sainteté, que je ne te
servais [pas…].∞∞» Il s’agit donc bien de fautes cultuelles.

93723_03_Nodet 357 06-29-2010, 10:57


358 ÉTIENNE NODET

Le passage ne se rattache à la Prière que par le contenu, mais non par


le vocabulaire∞∞: risque de perdition éternelle, fautes cultuelles. Si l’on
additionne ce psaume au précédent, on a une meilleure consistance,
comme si le titre «∞∞prière de Manassé∞∞» avait été déplacé, ou répété par
erreur.
Le même recueil inclut quatre lignes d’un autre psaume de lamenta-
tion individuelle (4 Q 381, fr. 45). Malgré la disparition du début et de
la fin, il offre des analogies avec la Prière et avec son contexte∞∞:
– l. 1∞∞: «∞∞Et je comprends, et j’instruis celui qui ne comprend pas
[…∞∞»∞ ; l’orant se donne en exemple.
– l. 1-2∞∞: «∞∞…]et je te crains et je me purifie / je me suis séparé des
abominations (‫ מתעבות הכרתי‬avec ‫ הכרתי‬de ‫כרת‬, ou peut-être
“∞∞des abominations que je connais∞∞”, de ‫נכר‬, avec une tournure aty-
pique)∞∞». En dehors de Manassé (2 Ch 33,15), l’élimination des
idoles peut se rattacher aux rois Asa (1 R 15,13), Ézéchias (2 R
18,4) ou Josias (2 R 23,14).
– l. 2∞∞: «∞∞et je laisse mon âme se prosterner devant toi (‫ואתן נפשי‬
‫»∞∞)להכנע מלפניך‬. Cette dernière expression prend ‫∞∞« כנע‬se proster-
ner∞∞» dans le sens métaphorique fréquent signalé à propos de PM
11 («∞∞fléchir le genou du cœur∞∞»).
– l. 2-3 «∞∞…] ont multiplié son péché (“∞∞à elle∞∞”, ‫)פשעה‬. Contre moi
on a comploté (ou “∞∞osé∞∞” ‫ )יזמו‬/ de me capturer, mais moi, je me
confie à toi∞∞». À cause de la lacune, on ignore qui est la péche-
resse, et il faut peut-être lire ‫פשעיי‬, ce que la photo du fragment
n’exclut pas entièrement∞∞; on obtiendrait «∞∞mes péchés se sont
multipliés∞∞». En tout cas, l’invocation convient à un prisonnier qui
découvre qu’il subit une juste punition, ce que confirme la ligne
suivante.
– l. 4 «∞∞et ne me mets pas en jugement avec toi, mon Dieu∞∞». La
suite a disparu.
Les témoins hébraïques retrouvés à Qumrân et au Caire sont très dif-
férents, sans dépendance directe. Il faut donc considérer au moins deux
versions, et c’est bien ce que suggère 2 Ch 33,18-19, qui signale que la
prière est conservée dans deux recueils distincts∞∞: elle figure avec les
actes de Manassé dans les archives des rois d’Israël (cf. 2 R 21,17),
mais sans la réponse de Dieu, et elle est aussi dans «∞∞les paroles de
Hozaï (‫חוזי‬, LXX “∞∞des voyants∞∞”, de ‫ »∞∞)חוזים‬avec la réponse favorable
de Dieu ainsi que le détail des fautes cultuelles. Le premier cas peut
se rapprocher des fragments de Qumrân, sans contexte, et le second

93723_03_Nodet 358 06-29-2010, 10:57


PRIÈRES DE MANASSÉ 359

convient mieux à la version du Caire, à condition de la voir comme déri-


vant d’un original où elle était insérée dans un récit des méfaits de
Manassé et de sa transformation ultérieure. On retrouve la présentation
de la Didascalie et de CA.

VII
Les conclusions précédentes ne seraient que des hypothèses invérifia-
bles s’il n’y avait le témoignage de Josèphe∞∞: il a connu la Prière dans
son contexte narratif, et très probablement en hébreu, puisqu’on y a re-
levé des hébraïsmes.
On peut alors se demander s’il l’a tirée d’un document annexe, ou si
elle figurait tout simplement dans son exemplaire des Chroniques. La
seconde hypothèse est manifestement la plus simple. La même question
se pose d’ailleurs pour la Didascalie, qui affirme citer 4 Règnes et
2 Paralipomènes, mais qui en fait cite 2 Ch et l’orne avec 2 R LXX13.
Le problème implicite est celui de la formation finale et de l’autorité
du livre hébreu des Chroniques. Trois observations peuvent être avan-
cées à ce propos.
a) Josèphe dispose d’une documentation plus vaste que ce qu’on
lit dans 1-2 Ch. Par exemple, la liste qu’il donne des dix-huit grands
prêtres, de Sadoq à l’exil (AJ 10∞∞:152-153, cf. 20∞∞:231), est bien plus
longue – et moins invraisemblable – que celles de 1 Ch 5∞∞:30-41 et
Esd 7,1-5.
b) La Mishna déclare que trois rois d’Israël sont condamnés∞∞: ils
n’ont pas part au «∞∞Monde qui vient∞∞» (‫העולם הבא‬, Royaume, résurrec-

12 William M. SCHNIEDEWIN, «∞∞A Qumran Fragment of the Ancient “∞∞Prayer of

Manasseh∞∞”∞∞», ZAW 108 (1996), p. 105-107, a voulu y voir le reste d’un document pré-
exilique. C’est plus qu’improbable, car la mention «∞∞Assur∞∞» fait allusion au récit de
2 Ch, et celui-ci présente des signes proprement légendaires∞∞: 1. rien n’est dit de l’expé-
dition assyrienne, ni des conditions de retour de Manassé (Josèphe recrée tout un
récit militaire)∞∞; 2. la captivité à Babylone est un anachronisme, puisque la capitale
assyrienne était Ninive. Apparemment, le récit est né de la longévité scandaleuse d’un
roi impie, qui régna 50 ans, alors que son père, le pieux Ézéchias, ne régna que 29 ans
(2 R 18,2)∞∞; de même, confronté à la stupidité de la mort de Josias, le grand réformateur,
2 Ch 35,20-25 explique qu’il a désobéi à Dieu.
13
 À la suite de raisonnements complexes, Henry H. HOWORTH, «∞∞Some Uncon-
ventional Views on the Text of the Bible. VIII – The Prayer of Manasseh and the Book
of Esther∞∞», Proceedings of the Society of Biblical Archæology 31 (1909), p. 89-99,
concluait qu’il s’agit de la véritable LXX, traduite de l’araméen original, le TM étant
une traduction rabbinique censurée au IIe s., traduite ensuite en grec. Dans les conclu-
sions présentées ici, la «∞∞véritable LXX∞∞», attestée par la Didascalie, ne serait autre que
la traduction de l’hébreu qu’à connu Josèphe (antérieur au TM).

93723_03_Nodet 359 06-29-2010, 10:57


360 ÉTIENNE NODET

tion). Ce sont Jéroboam, Achab et Manassé (m.Sanh 10∞∞:2). Un maître


objecte que Manassé ne peut être exclu du Royaume, puisque le récit de
2 Ch 33,11-13 dit qu’il fut puni d’exil et qu’en prison il s’adressa à Dieu
et fut exaucé. L’objection est donc sérieuse, mais elle est écartée som-
mairement par un compromis14. Le cas n’est pas unique∞∞: selon b.Meg
3b-4a un maître réputé déclare que Josué a bâti Lod et Ono, deux villes,
et rejette l’objection que selon 1 Ch 8,12 elles sont dues à un certain
Shamer. Il y a donc, encore au IIIe siècle, un débat implicite sur l’autorité
des Chroniques (avec ou sans la prière).
c) Plus généralement, des considérations historiques peuvent être
avancées. Les fouilles récentes au mont Garizim ont révélé un vaste
sanctuaire remontant au Ve siècle au moins. De plus, avant sa destruction
finale par Jean Hyrcan vers 111, cet établissement israélite faisait une
grave concurrence au temple de Jérusalem, spécialement au moment de
la crise maccabéenne et ensuite. Pour la formation ultime des Chroni-
ques, où l’accent est mis sur la centralité du culte à Jérusalem pour tout
Israël, il est naturel de penser à une date postérieure15, lorsque la Judée
asmonéenne finit par s’étendre à «∞∞tout Israël∞∞».
Jérusalem, juin 2009 Étienne NODET, o. p.

14
 Le compromis tombe ensuite, car la discussion se conclut dans la Tosefta avec la
référence aux «∞∞paroles de Hozeh (ou “∞∞du voyant∞∞” ‫ »∞∞)חוזה‬de 2 Ch 33,19 (t.Sanh
12∞∞:11). Cf. b.Sanh 102b-103a, où le débat porte la possibilité du repentir pour l’Israélite
devenu idolâtre∞∞: Agadat Bershit 9∞∞:23 et 2 Baruch §64 affirment que non (Manassé
n’était pas sincère). Il est possible que la prière ait été retirée de 2 Ch (tout en restant
signalée deux fois) pour alléger cette controverse.
15
 Cf. Étienne NODET, «∞∞Samaritains, Sichem, Temple∞∞», RB (à paraître).

93723_03_Nodet 360 06-29-2010, 10:57


RB. 2010 - T.LE STATÈRE
117-3 TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON
(pp. 361-388). 361

LE STATÈRE TROUVÉ
DANS LA BOUCHE D'UN POISSON
(MATTHIEU 17,24-27)
PAR
Thierry MURCIA
Université de Provence-CNRS (UMR 6125)

SOMMAIRE
Cet article présente une analyse de la péricope matthéenne (Matthieu 17, 24-
27) relative à l’impôt du didrachme et au miracle du statère qui lui est directe-
ment attaché. Après avoir discuté la pertinence des différentes explications
savantes proposées jusqu’ici de l’épisode et du miracle, l’auteur arrive à la
conclusion que les consignes données à Pierre par Jésus sont certainement
métaphoriques et qu’elles s’intègrent manifestement dans une période anté-
rieure à la destruction du Temple (70 apr. J.-C.). Il montre également que pour
être mieux compris, les textes du Nouveau Testament doivent être confrontés
avec d’autres sources antiques et, en particulier, avec la littérature talmudique.

SUMMARY
This study presents an analysis of Matthew 17, 24-27 concerning the tribute
for the temple and the miracle of the stater. I discuss the pertinence of the dif-
ferent scholarly explanations proposed about the episode and the miracle and
arrive at the conclusion that the instructions given to Peter by Jesus are cer-
tainly metaphorical and that we have here the situation before 70 A.D. I also
show that to be better understood, the texts of the New Testament have to be
confronted with others ancient sources, particularly with talmudic literature.

Matthieu est le seul, des quatre évangélistes, à rapporter cet épisode


insolite∞∞:
«∞∞Comme ils étaient venus à Capharnaüm, les collecteurs du didrachme
s’approchèrent de Pierre et lui dirent∞∞: “∞∞Est-ce que votre maître ne paie pas

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362 THIERRY MURCIA

le didrachme∞∞?∞∞” – “∞∞Mais si∞∞”, dit-il. Quand il fut arrivé à la maison, Jésus


devança ses paroles en lui disant∞∞: “∞∞Qu’en penses-tu, Simon∞∞? Les rois de la
terre, de qui perçoivent-ils taxes ou impôts∞∞? De leurs fils ou des étran-
gers∞∞?∞∞” Et comme il répondait∞∞: “∞∞Des étrangers∞∞”, Jésus lui dit∞∞: “∞∞Par con-
séquent, les fils sont exempts. Cependant, pour ne pas les scandaliser, va à la
mer, jette l’hameçon, saisis le premier poisson qui montera, et ouvre-lui la
bouche∞∞: tu y trouveras un statère∞∞; prends-le et donne-le-leur, pour moi et
pour toi.∞∞”∞∞» (Matthieu 17, 24-27)1.
Cet épisode étonnant (nous l’appellerons récit b) a fait l’objet de plu-
sieurs interprétations que l’on peut classer en trois grands groupes∞∞:
1. Approche littérale∞∞: l’événement s’est historiquement déroulé tel qu’il est
relaté (deux sous-groupes∞∞: 1a et 1b).
2. Approche comparatiste∞∞: l’épisode s’inspire d’autres récits folkloriques
du même genre.
3. Approche figurative∞∞: l’épisode est à prendre au second degré (deux sous-
groupes∞∞: 3a et 3b).
Nous proposons nous-même dans la présente étude une interprétation
nouvelle qui appartient au 3e groupe mais s’en singularise assez forte-
ment. C’est la raison pour laquelle nous l’avons intitulée approche figu-
rative alternative (3c).

1. – APPROCHE LITTÉRALE.
a. Approche littérale traditionnelle.
Cette approche est censée reposer sur une lecture littérale du texte. Il
s’agit en réalité d’une impression car l’approche littérale a elle aussi
grandement recours à l’interprétation. Elle postule que l’épisode est un
récit de miracle. Le lecteur peut y croire ou ne pas y croire. Selon La-
grange∞∞: «∞∞Ce qui suit est un miracle, raconté comme tel, miracle à tout
le moins de science qui fait connaître à Jésus qu’un poisson a avalé une
pièce de monnaie, et qu’il se laissera prendre.∞∞»2 Selon Pirot, «∞∞le mira-
cle consiste dans la réalisation d’une prophétie particulièrement circons-
tanciée. On sait que les poissons goulus avalent tout ce qu’ils rencon-
trent∞∞: celui-là aurait avalé un statère qu’il ne pouvait pas rejeter.∞∞»3 On
1 La traduction est celle de la BJ. La numérotation des chapitres de la Mishna corres-

pond à celle de J. NEUSNER, The Mishnah a new translation, New Haven/London, 1988.
Idem pour la Tosefta∞∞: J. NEUSNER, The Tosefta translated from the Hebrew with a new
Introduction, Massachusetts, 2002.
2
 M.-J. LAGRANGE, Évangile selon Saint Matthieu, Paris, 19416, p. 342.
3 L. PIROT (dir.), La Sainte Bible. Texte latin et traduction française d’après les tex-

tes originaux avec un commentaire exégétique et théologique, t. 9, Paris, 1935, p. 233.

93723_04_Murcia 362 06-29-2010, 10:57


LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 363

pourrait aisément multiplier les citations en ce sens. Elles émanent tou-


tes de croyants sincères et sont autant de confessions de foi. On peut
certes décider d’y croire, mais nous allons cependant voir que, contrai-
rement aux apparences, cette lecture du texte est bien loin de s’imposer.

b. Approche littérale alternative.


Louis Pirot renvoie à la thèse du P. Cré, missionnaire d’Afrique, qui
complète ainsi l’interprétation précédente∞∞: «∞∞l’Hemichromis sacra, en
arabe le chien (kelb) ou le petit chien (kleib), vulgairement le poisson de
S. Pierre, loge sa progéniture dans sa cavité buccale […] Quand le pro-
grès des alevins les rend trop encombrants, le poisson les expulse en
mettant dans sa bouche un caillou qui prend toute la place∞∞: le poisson
de l’Évangile y aurait mis un statère au lieu d’un simple caillou.∞∞»4 Le
P. Prat donne du miracle la même explication∞∞: «∞∞La mer de Galilée
nourrit un singulier poisson dont les naturalistes, qui l’ont observé de
près, racontent des prodiges. Il prend dans sa bouche des œufs pondus
par la femelle […] et, quand ils sont éclos, y garde les alevins jusqu’à ce
qu’ils puissent se suffire. Alors sa gueule démesurément enflée reste
toujours béante et peut engloutir des objets plus volumineux qu’une
simple pièce de monnaie. En souvenir du miracle évangélique, on l’ap-
pelle maintenant, à tort ou à raison, le poisson de Pierre.∞∞»5

Ce poisson singulier a fait l’objet d’une description précise par le


docteur Louis Charles Émile Lortet, un éminent savant de la fin du XIXe
siècle∞∞: le Chromis paterfamilias «∞∞protège jusqu’à 200 alevins dans la
gueule et les branchies […] Le 29 avril 1875, j’ai pêché cette intéres-
sante espèce à l’épervier, dans une eau peu profonde, au milieu des ro-
seaux, au bord du lac de Tibériade, à la localité appelée Ain-Tin, l’an-
cien Capharnaüm […] C’est dans ces eaux que vivent les Chromis.∞∞»6
Ce poisson, signalé par plusieurs chercheurs7, est une espèce endémique
au lac de Tibériade. Il porte différents noms savants dont Tristramella
sacra (Günther, 1864) est le plus officiel. H. Van Der Loos qui, dans sa
4
 Pirot, 1935, p. 233. Ce poisson ne doit pas être confondu avec son homonyme, que
l’on rencontre en Méditerranée, le saint-pierre encore appelé poule de mer, zée ou zéide.
5 Jésus-Christ, sa doctrine, son œuvre, t. I, Paris, 1932, p. 452-455 (cité par

M. GOGUEL, Jésus, Paris, 19502, p. 142-143).


6
 L. C. E. LORTET, «∞∞Le Chromis pater-familias du lac de Tibériade∞∞», dans La
Nature. Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie 136, 1876,
p. 81-82.
7
 Voir H. VAN DER LOOS, The Miracles of Jesus, Leyde, 1965, p. 685.

93723_04_Murcia 363 06-29-2010, 10:57


364 THIERRY MURCIA

volumineuse monographie sur les miracles de Jésus consacre huit pages


au miracle du statère, signale dans une note de bas de page qu’un em-
ployé du Département de l’agriculture et de la pêche qui a bien observé
le Chromis pendant la période de frai est convaincu qu’une pièce peut
effectivement être trouvée dans sa bouche8.
Le miracle se ramènerait en somme à une forme d’omniscience. Cette
explication, quoique séduisante, suppose déjà une série de coïncidences
peu probables∞∞: Jésus aurait su à l’avance qu’un poisson bien précis
avait dans sa bouche – et non dans ses entrailles – une pièce de monnaie
bien déterminée (un statère), que Pierre allait prendre aussitôt ce poisson
à l’hameçon, que ledit poisson n’aurait pas encore avalé ni recraché la
pièce engloutie.
Admettons qu’un Chromis (Tristramella sacra) ait effectivement
avalé une pièce de monnaie. Il devient alors difficile d’imaginer qu’il ait
pu mordre à l’hameçon sans la rejeter. Il s’agit, de plus, d’un poisson de
petite taille∞∞: sa longueur varie entre 4,5 et 20,2 centimètres9 et sa hau-
teur n’excède pas quelques centimètres10. Vu sa taille et celle de l’objet
(2 à 3 cm de diamètre pour un poids de 20 g environ), il lui aurait fallu
mordre à l’hameçon avec une bouche déjà pleine11. Qui plus est, si le
Chromis est contraint d’avaler un caillou pour se débarrasser de son en-
combrante progéniture, c’est qu’il se trouve être, en période de frai du
moins, dans l’incapacité totale de refermer la bouche, y compris sur un
hameçon. Notons enfin qu’au début du printemps (mars-avril), époque à
laquelle avait lieu en Judée et en Galilée la perception du didrachme, le
Chromis se nourrit quasi-exclusivement (à hauteur de 99%) de phyto-
plancton, particulièrement abondant dans le lac à cette période de l’an-
née12. Des études scientifiques menées pendant 2 ans et portant sur 126
spécimens13 ont en outre montré que l’alimentation du Chromis était
exclusivement composée de particules organiques en suspension, de
phytoplancton et de zooplancton. Les seules proies qu’il absorbe sont
microscopiques∞∞: c’est la raison pour laquelle cette espèce si particulière
ne peut être pêchée qu’au filet ou au moyen d’une senne.
8
 Van Der Loos, 1965, p. 686, note 2.
9
 P. SPATARU, M. GOPHEN, «∞∞Food composition of Tristramella sacra (Günther,
1864) (Cichlidae) in Lake Kinneret (Israel)∞∞», dans Israel Journal of Zoology 34, 1986-
1987, p. 183∞∞: sur un total de 126 spécimens pêchés entre Mai 1973 et Avril 1975, aucun
ne dépassait 20, 2 centimètres.
10
 Lortet, 1876, p. 82∞∞: «∞∞Le Chromis pater-familias est long de 18 centimètres, haut
de 4 1⁄2 centimètres.∞∞»
11
 Voir aussi Van Der Loos, 1965, p. 686.
12 Spataru, Gophen, 1986-1987, p. 184.
13 Spataru, Gophen, 1986-1987, p. 183-189.

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LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 365

L’utilisation d’une ligne paraît donc totalement exclue pour au moins


trois raisons liées essentiellement à l’espèce envisagée∞∞: bouche déjà
complètement occupée (par la pièce), impossibilité circonstancielle de la
refermer, désintérêt complet pour un hameçon et ce qu’on pourrait y ac-
crocher. En somme, si Pierre avait utilisé un filet l’hypothèse du
Chromis aurait peut-être pu être retenue. Mais il est bien précisé que
Pierre s’est servi d’un hameçon. Si Pierre avait tout simplement trouvé
la pièce dans les entrailles de l’animal, n’importe quel poisson aurait
alors pu faire l’affaire. Mais il est clairement spécifié que l’objet a été
trouvé dans sa bouche. En somme, ce qui aurait peut-être permis d’ex-
pliquer le miracle d’un côté (présence d’une pièce de monnaie dans la
bouche du poisson) est donc précisément ce qui, de l’autre, fait obstacle
à sa réalisation (utilisation d’un hameçon).

Quoique littérale, cette explication qui fait intervenir une espèce par-
ticulière de poisson se veut néanmoins rationalisante. Elle est certes in-
génieuse et on comprend qu’elle ait pu séduire. Mais elle produit l’effet
d’un deus ex machina∞∞: trop d’obstacles doivent être surmontés et trop
de conditions réunies pour parvenir au résultat attendu. L’approche litté-
rale, qu’elle soit traditionnelle ou alternative, pose en réalité plus de pro-
blèmes qu’elle n’en résout.

2. – APPROCHE COMPARATISTE.
Plusieurs critiques ont noté que les histoires d’objets perdus (ou non)
et retrouvés dans un poisson ne sont pas rares dans l’Antiquité14. Héro-
dote raconte l’aventure bien connue survenue à Polycrate, tyran de Sa-
mos, qui passait pour particulièrement chanceux. Ce dernier décida un
jour de sacrifier son anneau, une bague en or sertie d’une émeraude, qui
était aussi son plus beau bijou. Il partit au large pour accomplir son vœu
et le jeta à la mer∞∞:
Récit a∞∞: «∞∞Quatre ou cinq jours après […] un pêcheur prit un énorme
et superbe poisson qu’il jugea digne d’être offert à Polycrate […] Les
serviteurs trouvèrent dans son ventre l’anneau de Polycrate […] et, tout
joyeux, l’apportèrent à Polycrate.∞∞»15

14
 Trois des récits recensés ici ont déjà été signalés par les critiques pour l’étude de
cette question∞∞: a, 2, 3 (Van der Loos, 1965, p. 682-683). P. SAINTYVES, Essais de folk-
lore biblique. Magie, mythes et miracles dans l’Ancien et le Nouveau Testament, Paris,
1923, p. 374-375, propose une version sabéenne du récit no 1.
15
 Hérodote, Histoires III, 42.

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366 THIERRY MURCIA

Cet épisode est le plus souvent cité. Mais on trouve dans la littérature
rabbinique et chez les conteurs arabes une histoire assez semblable dont
il existe de nombreuses versions.
Récit no 1∞∞: On raconte que Salomon possédait un anneau magique
sur lequel était gravé le Nom sacré. Asmodée s’en empare, le jette dans
la mer où un poisson l’avale. Mais la femme du roi récupère l’anneau
dans les entrailles d’un poisson acheté sur le marché16.
Récit no 2∞∞: Un non-Juif très riche vend tous ses biens, achète une
pierre précieuse et la place dans son chapeau. Le chapeau s’envole et un
poisson avale la pierre. Le poisson est pêché et vendu à un Juif qui
trouve l’objet dans le ventre du poisson et fait ainsi fortune17.
Récit no 3∞∞: Un couturier juif achète un poisson aux enchères. Il
l’ouvre et y découvre une pierre précieuse dont il tire subsistance le res-
tant de ses jours18.
Récit no 4∞∞: Le fils de Joseph b. Joezer offre un poisson à sa femme
qui vient d’accoucher. En l’ouvrant il y trouve une perle19.
Récit no 5∞∞: Un homme jette chaque jour du pain à la mer. Il achète
un poisson et découvre dans ses entrailles un objet précieux (sima, ‫סימא‬,
littéralement∞∞: «∞∞trésor∞∞»)20.
Le thème de la pierre précieuse ou de l’anneau perdu et retrouvé dans
un poisson se rencontre jusqu’en Inde21. Il s’agit d’un topos, d’un lieu
commun, dont le récit, légendaire ou non, rapporté par Hérodote, sem-
ble être à l’origine. Ces histoires, qui reposent sur une observation faite
depuis longtemps, à savoir l’attirance des poissons pour ce qui est
brillant, ne sont pas nécessairement toutes imaginaires22. Si les récits
no 1 à 5 dépendent sans aucun doute plus ou moins directement de a, le
récit de Matthieu (récit b) est quant à lui le seul à s’en démarquer nette-
ment∞∞:
– Le poisson est pêché à la ligne (seul cas).
– L’objet n’est pas retrouvé dans les entrailles mais dans sa bouche
(seul cas).
– L’objet n’est pas un bijou mais une pièce de monnaie (seul cas).

16
 Voir L’Ecclésiaste et son double araméen, Ch. MOPSIK (traducteur), 1990, p. 127-
129. Le Coran XXXVIII, 33-34, fait allusion à cette légende dont il existe de nombreuses
variantes.
17 B. Shabbat 119a.
18
 Genèse Rabba XI, 4.
19
 B. Baba Batra 133b.
20
 Qohélet Rabba XI, 1.
21
 Saintyves, 1923, p. 401-402.
22 Cf. Augustin, Cité de Dieu XXII, VIII.

93723_04_Murcia 366 06-29-2010, 10:57


LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 367

– L’objet ne revient pas à son légitime propriétaire (différent de a et


de 1).
– L’épisode est annoncé comme devant survenir (seul cas).

Ce dernier aspect est déterminant∞∞: dans aucun des récits la décou-


verte n’est annoncée à l’avance. Les textes sont essentiellement narra-
tifs. Ils racontent tous un événement passé∞∞: la découverte a déjà été
faite. Chez Matthieu seulement elle reste à venir. Le texte est injonctif et
prédictif. Il n’est pas réellement narratif. À aucun moment il n’est pré-
cisé que la prédiction a été suivie d’effet. Ces détails sont beaucoup plus
importants qu’il n’y paraît à première vue. À ce titre, ce «∞∞récit de mira-
cle∞∞» est particulièrement singulier. Il se distingue de tous les autres
récits de miracles qui sont toujours présentés comme des événements
déjà survenus23.

Dans son enquête intitulée L’anneau de Polycrate et le Statère dans


la bouche du poisson24, Pierre Saintyves cite ou signale une quarantaine
de récits plus ou moins apparentés à celui de Matthieu. Au terme de son
analyse comparatiste, il conclut que «∞∞l’anecdote évangélique n’est elle-
même vraisemblablement qu’une sorte d’emprunt littéraire imité de
quelque conte syrien.∞∞»25 La plupart des documents qu’il propose à
l’étude ne sont cependant guère exploitables. Il s’agit dans la grande
majorité des cas de récits médiévaux, voire plus tardifs encore26. L’intri-
gue est toujours la même. Un personnage jette à l’eau un objet qui lui
est cher∞∞: un anneau ou une clé27 et finit toujours par le retrouver, soit
dans les entrailles d’un poisson pêché28, soit c’est l’animal lui-même
(poisson, grenouille ou autre) qui ramène spontanément le précieux ob-
jet. À chaque fois, l’objet retourne à son légitime propriétaire. Dans ces
récits folkloriques où le miraculeux côtoie le féerique on perçoit surtout
la forte influence de a29 (1- anneau, 2- jeté volontairement à l’eau,
23 À l’exception de la finale apocryphe de Marc (Mc 16, 17-18) dont le protagoniste

n’est pas censé être Jésus.


24
 Saintyves, 1923, p. 365-404.
25
 Ibid., p. 404.
26
 Hormis le récit a (Polycrate) et une variante sabéenne du no 1 (Salomon).
27 Cette substitution n’a rien d’étonnant car, précise Pierre Saintyves (p. 370, note 1)∞∞:

«∞∞les anciens employaient des anneaux à clefs∞∞». Exceptionnellement, l’objet est diffé-
rent∞∞: un peigne, un joli soulier (p. 400-401).
28
 Exceptionnellement dans la bouche (deux cas) voire dans les ouïes (un seul cas).
29
 Plus rarement c’est l’influence directe de b qui se fait sentir∞∞: «∞∞ Dans un conte
portugais, le parrain est saint Antoine et parmi les tâches […] imposées il faut aller reti-
rer l’anneau du fond de la mer. Saint Antoine dit au page d’aller pêcher∞∞; le premier

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368 THIERRY MURCIA

3- récupéré dans les entrailles d’un poisson, 4- qui revient à son proprié-
taire initial). On notera également que l’objet égaré n’est jamais une
pièce de monnaie∞∞: il doit avoir, pour les nécessités de l’intrigue, des
caractères spécifiques qui permettent de l’identifier immédiatement et
avec certitude. Il s’agit toujours d’un objet personnel. Une pièce de
monnaie n’offre, de ce point de vue, aucun intérêt.
On conviendra donc aisément que l’approche comparatiste n’apporte
pas de solution réelle. En réalité, les différences entre les divers docu-
ments proposés (par nous-même ou par d’autres) l’emportent largement
sur les points communs. Le récit de Matthieu ne semble dépendre
d’aucun autre récit connu jusqu’ici et il n’y a en conséquence aucune
raison de penser qu’une légende vaguement similaire se soit glissée
dans le texte matthéen30. Il est clair en revanche que les récits d’Héro-
dote (a) et de Matthieu (b) en ont influencé beaucoup d’autres. Mais ce
sont deux récits archétypaux qui s’ignorent.

3. – APPROCHE FIGURATIVE.
Ph.-H. Menoud résume assez bien la situation∞∞: «∞∞Il est difficile de
trouver à ce miracle la signification des autres miracles des évangiles
malgré les explications proposées∞∞»31. Il en conclut que «∞∞le plus simple
est d’admettre que nous avons, à la base de la péricope, une parole pro-
noncée par Jésus et transformée en récit par la tradition, et par une tradi-
tion qui avait du miracle une notion différente de celle qui apparaît en
général dans les évangiles.∞∞»32 C’est aussi plus ou moins l’opinion de
H. Van Der Loos qui renvoie d’ailleurs à Menoud. Le miracle du statère,
en effet, diffère sur trois points de tous les autres miracles rapportés
dans les évangiles33∞ : tout d’abord, Jésus paraît ici réaliser un miracle

poisson qu’il prendra, il l’ouvrira, et l’anneau sera dedans.∞∞» (Saintyves, 1923, p. 382).
Comme dans a l’objet est un anneau, il est retrouvé dans les entrailles d’un poisson et
retourne à son propriétaire. Comme dans b le pêcheur doit suivre des consignes préci-
ses∞∞: il doit prendre sa ligne∞∞; l’objet se trouvera dans le premier poisson qu’il prendra.
On a ici une influence croisée des deux récits archétypaux a et b.
30
 Le comparatisme fait encore des adeptes. Cf. P. DE BEAUMONT, Le Nouveau Testa-
ment, Paris, 1973, p. 76∞∞: «∞∞On peut penser que l’image du poisson est reprise d’une
légende populaire qui ne nous est pas parvenue.∞∞» On reste, bien sûr, libre de le penser,
mais il faut bien considérer qu’il ne s’agit là que d’une pure hypothèse qu’aucun élé-
ment ne vient étayer.
31
 Ph.-H. MENOUD, «∞∞La signification du miracle selon le Nouveau Testament∞∞»,
dans Revue d’histoire et de philosophie religieuses 28-29, 1948-1949, p. 188.
32
 Menoud, 1948-1949, p. 189.
33
 Van Der Loos, 1965, p. 686-687.

93723_04_Murcia 368 06-29-2010, 10:57


LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 369

pour son propre profit (apparition providentielle d’argent pour s’acquit-


ter de l’impôt) ce qu’on ne trouve jamais ailleurs∞∞: «∞∞Nous n’avons pas
d’autres miracles de ce genre dans le Nouveau Testament, où Jésus ne
met jamais le pouvoir divin à son service personnel∞∞»34. De plus, la rai-
son d’être du miracle consiste uniquement à ne pas «∞∞scandaliser∞∞» les
Juifs, ce qui constitue encore un cas unique. Enfin, ainsi que l’avons
déjà fait remarquer, il n’est jamais dit que le miracle annoncé a effecti-
vement eu lieu. Matthieu ne le dit pas clairement et aucun des autres
évangélistes ne rapporte ni l’événement, ni même sa prédiction35.
Tout ceci nous amène à penser que toute la péricope – et non pas seu-
lement la première partie – est à prendre au second degré et que si le
miracle ne s’est jamais produit c’est qu’il ne devait tout simplement pas
avoir lieu. Aucun miracle n’a jamais été annoncé, Jésus s’est contenté
de donner à Pierre des consignes précises mais imagées pour acquitter
l’impôt dû au Temple. Cette opinion est partagée par de nombreux criti-
ques et, à ce jour, deux explications principales ont été apportées. Nous
en proposerons une troisième.

a. Approche figurative «∞∞spirituelle∞∞».


Selon la première interprétation, qui est aussi la dernière en date
(P. P. Levertoff et H. L. Goude), il ne faudrait voir dans les propos de
Jésus qu’une plaisante allusion à la profession de Pierre (pêcheur) et
peut-être aussi une allusion ironique à la soif des Juifs pour les miracles
frappants36. Le fait que le miracle annoncé n’est pas rapporté conforte-
rait cette idée∞∞: Jésus ne parlait pas sérieusement. Certes les jeux de
mots ne sont pas absents des évangiles et on pourrait en donner plu-
sieurs exemples bien frappés (si l’on veut bien faire l’effort de remonter,
dans les discours du moins, à l’hébreu ou à l’araméen sous-jacent37).
34
 Menoud, 1948-1948, p. 188.
35
 Cl. TRESMONTANT, Évangile de Matthieu, Paris, 19962, p. 400∞∞: «∞∞Luc et Marc ne
rapportent pas cet épisode du prélèvement de l’impôt pour le Temple. Cela se comprend
aisément. Les Évangiles de Luc et de Marc sont composés et traduits pour une part en
fonction des frères qui viennent du paganisme. Il était difficile de leur expliquer pour-
quoi le Rabbi pensait qu’au fond il en était dispensé. Une indication de plus que les
Évangiles de Luc et de Marc sont postérieurs à celui de Matthieu.∞∞» Il y aurait plutôt lieu
de penser que si la péricope matthéenne ne figure ni chez Luc, ni chez Marc, c’est tout
simplement parce qu’ils n’en ont pas saisi le sens. Ils ont légitimement pu s’interroger
sur l’utilité de rapporter un miracle dont le Christ ne sortait pas particulièrement grandi.
Bien évidemment, dans le cas où la péricope serait une pure création de la communauté
matthéenne, il serait également logique que Luc, et surtout Marc, l’aient ignorée.
36
 Van Der Loos, 1965, p. 686.
37
 Le plus souvent cité est sans doute le fameux∞∞: «∞∞Dieu peut, des pierres (‫– אבנים‬

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370 THIERRY MURCIA

Quant à l’humour proprement dit, en revanche, nous n’en avons point


trouvé trace dans les évangiles. Cette explication ne paraît pas donc pas
très sérieuse elle non plus …

b. Approche figurative conventionnelle.


L’autre explication, en revanche, est déjà ancienne (K. H. Venturini,
H. E. G. Paulus, D. F. Strauss, F. Barth, E. Klostermann). Elle a,
moyennant de nombreuses variantes, pratiquement fait l’unanimité et
c’est celle à laquelle se rallie finalement Van Der Loos au terme de son
analyse38. M. Goguel, qui semble toutefois ne pas y adhérer, la résume
ainsi∞∞: «∞∞Le miracle du statère n’a été raconté que par la suite d’un
malentendu. Jésus avait seulement dit à Pierre d’aller à la pêche et de
vendre le poisson qu’il prendrait pour se procurer de quoi acquitter l’im-
pôt du Temple.∞∞»39 Partisan de la lecture littérale, Louis Pirot la rejette
catégoriquement∞∞: «∞∞Je pense qu’il n’est pas un exégète aujourd’hui qui
ne sente le ridicule de l’ancienne explication rationaliste d’après
laquelle Pierre aurait été invité tout bonnement à vendre un statère, sur
le marché, le premier poisson qu’il aurait pris à la ligne…∞∞»40
L’explication est pourtant ingénieuse. On serait en présence d’un
épisode historique qui aurait, par la suite, été «∞∞déformé∞∞». On peut
même admettre, comme F. Barth, que le discours de Jésus était méta-
phorique dès le départ41. Il n’aurait pas été déformé mais tout simple-
ment mal interprété. L’explication se heurte toutefois à quelques diffi-
cultés. On peut en effet objecter qu’un statère (quatre drachmes)
représente une somme importante pour un seul poisson42. Une drachme
(un denier) correspondait alors au salaire journalier d’un ouvrier agri-

abhanim) que voici, faire surgir des enfants/fils (‫ – בנים‬banim) à Abraham∞∞» (Mt 3, 8).
On peut même ajouter qu’il s’agit ici d’une réponse du Baptiste aux pharisiens et aux
sadducéens qui disent∞∞: «∞∞Nous avons Abraham pour père (‫ – אבינו‬abhinou)∞∞». Il faut
bien sûr garder à l’esprit que toute proposition de rétroversion demeure conjecturale.
38
 Van Der Loos, 1965, p. 687. Van Der Loos publie ses travaux en 1965. Il convient
de noter que la tendance actuelle est plutôt de considérer que tout ou partie de l’épisode
est directement issu de la communauté matthéenne et que, par conséquent, la probabilité
qu’il soit historique est faible. Voir P. BENOIT, M.-E. BOISMARD, Synopse des quatre
évangiles, Paris, 19962, t. II, p. 261-262.
39 M. Goguel, Jésus, Paris, 19502, p. 142.
40
 Pirot, 1935, p. 233.
41
 Van Der Loos, 1965, p. 686.
42
 On peut toutefois voir que du temps d’Augustin (Cité de Dieu XXII, VIII) un très
gros poisson pouvait se vendre 300 oboles, soit 50 drachmes ou 25 didrachmes, autre-
ment dit 12,5 statères. 1 statère (= 1 sicle) pour un beau poisson du temps de Jésus ne
paraît donc pas être un prix exagéré.

93723_04_Murcia 370 06-29-2010, 10:57


LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 371

cole (Mt 20, 2)43. On peut toutefois admettre, avec Strauss44 que Pierre
avait en fait pour mission de vendre sur le marché autant de poissons
qu’il pourrait jusqu’à obtenir un statère ou bien un seul poisson valant
cette somme.
Cette explication est, selon nous, la meilleure qui ait été proposée jus-
qu’ici. Nous n’en retenons que le principe directeur∞∞: la péricope
matthéenne ne doit pas faire l’objet d’une lecture au premier degré. Il
s’agit d’une parabole qu’il nous appartient donc de décrypter45.

c. Approche figurative alternative.


Très souvent les évangélistes se sont trouvés dans l’obligation d’ex-
pliquer ou d’interpréter (à tort ou à raison) certains gestes ou paroles de
Jésus dont ils sentaient que le sens aurait facilement pu échapper à leurs
lecteurs. Dans quelques cas, ils ne l’ont pas fait. Leur signification pro-
fonde leur a parfois échappé et ils ne voyaient pas comment les inter-
préter. Ceci apparaît clairement dans l’Évangile∞∞: à plusieurs reprises les
disciples ne comprennent pas les paroles et les gestes de Jésus qui ne
manque d’ailleurs pas de leur en faire le reproche46. Les évangélistes
précisent même que les disciples, qui ne comprenaient pas, «∞∞crai-
gnaient de l’interroger∞∞»47. Ceci pourrait être une raison suffisante pour
expliquer pourquoi cet épisode insolite ne figure que chez Matthieu. Son
sens aurait échappé aux autres évangélistes qui auraient pris le parti ne
pas le reproduire. Reste que ces paroles pourraient très bien être directe-
ment issues de la communauté matthéenne. Il s’agirait alors de consi-
gnes précises données sous l’autorité du Maître par le rédacteur évangé-
lique à tous les Juifs-chrétiens qui s’interrogent pour savoir s’ils doivent
ou non s’acquitter de l’impôt au Temple. Reprenons donc notre péricope
point par point∞∞:

43 À titre de comparaison∞∞: une miche de pain valait entre 1/96e et 1/48e de sicle

(M. Eroubhin VII, 10 et VIII, 2), un manteau entre 3 et 6 sicles (M. Meila 6, 4), une
paire de bœufs de labour 50 sicles (M. Baba Batra V, 1). À l’époque talmudique, un
sicle (quatre drachmes) correspondait au salaire d’un ouvrier (B. Baba Metsia 76a).
44
 Van Der Loos, 1965, p. 684.
45 Tresmontant, 19962, p. 400∞∞: «∞∞Pourquoi ce détour par le poisson∞∞? Probablement

un mâschâl [i.e. une parabole] que nous, les païens de la fin du XXe siècle, nous ne
savons plus déchiffrer.∞∞»
46
 Mc 4, 13∞∞; 7, 18∞∞; 8, 17, 18, 21. Cf. Mt 15, 16-17∞∞; 16, 9, 11∞∞; 19, 11∞∞; Mc 4, 10∞∞;
Lc 9, 45∞∞; 18, 34.
47
 Mc 9, 32∞∞; Lc 9, 45. Il n’y a aucune raison de douter de l’authenticité de ces préci-
sions.

93723_04_Murcia 371 06-29-2010, 10:57


372 THIERRY MURCIA

«∞∞Comme ils étaient venus à Capharnaüm, les collecteurs du didrachme


s’approchèrent de Pierre et lui dirent∞∞: “∞∞Est-ce que votre maître ne paie pas
le didrachme∞∞?∞∞” – “∞∞Mais si∞∞”, dit-il.∞∞» (Mt 17, 24-25a)
Le fameux «∞∞didrachme∞∞», cet impôt légal par tête (capitation) de la
valeur de deux drachmes était payé annuellement par tous les Juifs de
sexe masculin – y compris ceux établis à l’étranger –, à partir de vingt
ans pour l’entretien du Temple de Jérusalem48. La publication officielle
de la collecte avait lieu le 1er Adar49. Sa perception commençait le 15
Adar hors de la Ville sainte et le 25 à Jérusalem. Elle s’achevait le 1er
Nisan, une quinzaine de jours avant la Pâque. Tous les Israélites, les
Lévites, les prosélytes, les esclaves affranchis y étaient astreints. Les
femmes, les mineurs, les esclaves en étaient exemptés mais pouvaient,
tout comme les prêtres, offrir cette taxe s’ils le désiraient50. Nous igno-
rons en fait si les prêtres y étaient également astreints mais ce ne fut
probablement jamais le cas51. Depuis la défaite juive de 70 et la destruc-
tion du Temple, ce didrachme fut versé tous les ans au temple de Jupiter
Capitolin au titre de fiscus judaïcus52. Au témoignage de Suétone, l’ap-
plication de cette mesure fut particulièrement renforcée du temps de
Domitien53.
«∞∞Quand il fut arrivé à la maison, Jésus devança ses paroles en lui disant∞∞:
“∞∞Qu’en penses-tu, Simon∞∞? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils taxes
ou impôts∞∞? De leurs fils ou des étrangers∞∞?∞∞” Et comme il répondait∞∞: “∞∞Des
étrangers∞∞”, Jésus lui dit∞∞: “∞∞Par conséquent, les fils sont exempts.∞∞» (Mt 17,
25b-26)
Selon l’exégèse traditionnelle, Jésus «∞∞déclare qu’en droit il serait
exempt de l’impôt parce qu’il est le fils de celui [Dieu] au profit de qui
l’argent est recueilli∞∞»54. On estime que «∞∞Jésus aurait pu, pour justifier
48
 E. BEURLIER, «∞∞Didrachme∞∞», dans DB, t. 2, 1912, col. 1428 et «∞∞Capitation∞∞»,
dans DB, t. 2, 1912, col. 213-215. Ex 30, 12-16∞∞; 38, 26∞∞; 2 Ch 24, 4-11∞∞; Ne 10, 33-34∞∞;
Josèphe, AJ III, VIII, 194-196∞∞; XIV, VII, 110-113∞∞; XVIII, IX, 312-313∞∞; Cicéron, Pro
Flacco 28. Cf. Philon, Legatio ad Caium §156-157, 216, 291, 311-316.
49
 M. Shekalin I, 1∞∞; B. Megila 13b, 29b∞∞; B. Moed Qatan 6a.
50
 M. Shekalin I, 3-5. Cf. I, 6.
51
 M. Shekalin I, 3-4. Cf. I, 6 et Esd 7, 34.
52
 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs VII, 6, §218∞∞; Dion Cassius, Histoire romaine
LXVI, 7.
53 Suétone, Domitien 12∞∞: «∞∞Entre autres mesures le recouvrement de l’impôt judaï-

que fut pratiqué avec on ne peut plus d’âpreté∞∞; on dénonçait au fisc ceux qui sans pro-
fesser la religion juive vivaient selon ses rites, ou ceux qui dissimulaient leur origine
pour échapper au tribut imposé à cette nation. Je me souviens d’avoir été témoin dans
mon adolescence de l’examen auquel le procurateur, entouré d’un nombreux conseil, se
livrait sur la personne d’un vieillard nonagénaire pour s’assurer qu’il fût ou non circon-
cis.∞∞» Cf. Martial, Épigrammes VII, LV, 7-8 et LXXXII.
54
 E. Beurlier, «∞∞Capitation∞∞», dans DB, t. 2, 1re partie, 1912, col. 215.

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LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 373

une exemption d’impôt, arguer de sa qualité de prêtre ou de grand-prêtre


[…] de Fils de Dieu.∞∞»55 Dit plus simplement∞∞: «∞∞Jésus, qui est le fils de
Dieu, n’a pas à payer pour le temple.∞∞»56 Comme Lagrange le remarque
Jésus devance la question de Pierre en proposant une parabole57. Il im-
porte, pour la déchiffrer, d’en bien peser les termes. Tous les exégètes
sont d’accord pour dire que Jésus établit un parallèle entre les «∞∞rois de
la terre∞∞» et le Dieu d’Israël. L’utilisation du pluriel ne constitue pas un
obstacle réel car nous sommes dans le domaine des paraboles où ce
genre de correspondances n’est pas toujours respecté. On notera que si
le mot «∞∞rois∞∞» est ici mis pour «∞∞Dieu∞∞», le mot «∞∞terre∞∞», qui lui est
directement associé, désigne probablement Israël. Il s’agirait d’un sémi-
tisme. Pour un Juif, en effet, ha-arets, «∞∞la terre∞∞», «∞∞le pays∞∞», est syno-
nyme «∞∞d’Israël∞∞». Par «∞∞rois de la terre∞∞» il faudrait peut-être compren-
dre «∞∞rois de la terre∞∞» i.e. «∞∞d’Israël∞∞» plutôt que «∞∞rois des nations
étrangères∞∞». Ce n’est toutefois pas une obligation car Jésus peut sim-
plement faire un parallèle entre les «∞∞rois des nations∞∞» et «∞∞leurs fils∞∞»,
et «∞∞Dieu∞∞» et «∞∞ses fils∞∞» sans qu’il y ait nécessairement de correspon-
dance absolue. D’ailleurs, selon l’exégèse traditionnelle «∞∞leurs fils∞∞»
désigne ici Jésus. En réalité, il s’agit cette fois sûrement d’un sémitisme,
comme le notent justement É. Osty et J. Trinquet qui renvoient à Mt 8,
12 et 13, 38 et à l’expression «∞∞fils du royaume∞∞»58 qui désigne les «∞∞fils
d’Israël∞∞», c’est-à-dire les Juifs59. Il y a donc tout lieu de penser que les
«∞∞fils∞∞» de rois de la parabole représentent tous les Juifs et non pas uni-
quement Jésus, ni selon certains critiques60, seulement Jésus et ses disci-

55
 Pirot, 1935, p. 233.
56
 Sœur JEANNE D’ARC, Les Évangiles – les quatre, Paris, 19924, p. 110, note à 26c.
Cf. A. CRAMPON, La Sainte Bible, 1923, p. 21∞∞: «∞∞Jésus se dit donc fils de Dieu∞∞». P. de
BEAUMONT, Le Nouveau Testament, Paris, 1973, p. 76∞∞: «∞∞Jésus qui n’est pas tenu de
payer cet impôt parce qu’il est Fils de Dieu conseille à ses disciples de l’acquitter pour
ne pas scandaliser.∞∞» Tresmontant, 19962, p. 400∞∞: «∞∞Lui, le Fils, en principe, du point de
vue théologique, n’est pas tenu de verser l’impôt pour le service du Temple de Jérusa-
lem.∞∞»
57 Lagrange, 19416, p. 342.
58 É. OSTY, J. TRINQUET, La Bible, Paris, 1973, p. 2120.
59
 L. SEGOND, La Nouvelle Bible Segond, Genève/Paris, 2002, p. 1273∞∞: «∞∞Leurs fils∞∞:
l’expression peut signifier leur propre famille ou, moins probablement, leur propre peu-
ple.∞∞»
60
 Van Der Loos, 1965, p. 681∞∞: «∞∞There is thus a distinction between the Jews and
the “∞∞sons∞∞”.∞∞» A. MELLO, Évangile selon Saint Matthieu. Commentaire midrashique et
narratif, Paris, 1999, p. 319∞∞: «∞∞La comparaison pourrait donc impliquer que les disci-
ples de Jésus, en tant que membres de la famille du Fils et employés à son service, sont
exemptés pour la maison de son Père∞∞!∞ » (L’exclamation est de Mello). Benoit,
Boismard, 1996, t. II, p. 262∞∞: «∞∞Le raisonnement de Jésus renverse les notions commu-
nément admises parmi les Juifs, qui se considéraient comme “∞∞enfants de Dieu ∞ ”, tandis

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374 THIERRY MURCIA

ples. C’est également ce qui ressort à l’examen de la Mishna et du


Talmud où l’on peut lire∞∞: «∞∞Tous les Israélites sont fils de rois∞∞»61. Le
peuple d’Israël tout entier est fils du «∞∞Roi∞∞», c’est-à-dire de (son)
Dieu62. Jésus établit donc un parallèle entre «∞∞les rois∞∞», «∞∞leurs fils∞∞» et
les «∞∞étrangers∞∞» et Dieu, Roi d’Israël, ses fils, les enfants d’Israël, et les
étrangers au peuple d’Israël.
En effet, si les «∞∞fils∞∞» sont les Juifs, les «∞∞étrangers∞∞» sont nécessai-
rement les non-Juifs. Ils sont à la fois étrangers à «∞∞la famille royale∞∞» et
«∞∞au pays∞∞». La conclusion assez étonnante de cette parabole semble
donc être que ce n’est pas aux enfants d’Israël de payer l’impôt au Tem-
ple de son Dieu mais aux étrangers, aux non-Juifs. Ils n’ont pas à payer
car ils sont les héritiers légitimes. On remarquera que Pierre est de facto
compris dans «∞∞les fils∞∞» et qu’il n’a pas à payer non plus. Ce sont,
comme Jésus le précise, tous «∞∞les fils [qui] sont exempts∞∞». C’est pour-
quoi le providentiel statère doit naturellement servir à payer l’impôt
aussi bien pour Jésus que pour Pierre. L’apôtre ne bénéficie nullement
ici d’une sorte de «∞∞traitement de faveur∞∞» de la part de Jésus comme on
a pu le dire ou l’écrire63. Jésus conteste simplement la légitimité de cette
capitation, non seulement pour lui, mais pour tous les Juifs∞∞: c’est aux
païens de s’acquitter de l’impôt dû au Temple. Mais une semblable
halakha64 est-elle envisageable et a-t-elle des appuis scripturaires∞∞?
Il faut considérer tout d’abord que cette capitation était un impôt
contestable qui reposait essentiellement sur une interprétation d’un pas-
sage du Livre de l’Exode. Il est seulement relaté dans la Torah comment

que les autres peuples n’étaient que des étrangers∞∞; pour Jésus, ce sont ses disciples qui
sont véritablement “∞∞enfants de Dieu ∞ ”, tandis que les Juifs ne sont que des étrangers.
Théoriquement, les disciples de Jésus pourraient se considérer exempts de toute rede-
vance envers le Temple∞∞». Cela supposerait que pour Jésus la rupture entre lui-même et
ses disciples, d’un côté et le monde juif, de l’autre, est définitivement consommée. C’est
historiquement difficilement concevable pour Jésus, mais cela reste envisageable si, à
travers Jésus, c’est la communauté matthéenne qui s’exprime (voir cependant la note
62).
61 ‫ישׂראל בני מלכים הם‬-‫ – כל‬M. Shabbat XIV, 4∞∞; B. Shabbat 67a et 111ab.

«∞∞Rois∞∞»∞∞: on remarquera, ici comme chez Matthieu, l’emploi du pluriel. Si tous les Juifs
sont «∞∞fils de rois∞∞», on lit également dans le Talmud que les rabbins doivent être consi-
dérés comme des rois (B. Gitin 61a). «∞∞Fils de rois∞∞» pourrait alors avoir un sens plus
restrictif et signifier «∞∞disciples des rabbins∞∞». Mais l’expression complète «∞∞rois de la
terre∞∞» désigne plus probablement Dieu et il est en outre plus vraisemblable que Jésus
lui-même se considère comme fils de Dieu que comme disciple de rabbin.
62 L’évangéliste lui-même est à peine plus restrictif∞∞: «∞∞Les artisans de paix […] se-

ront appelés fils de Dieu∞∞» (Mt 5, 9). Mais on notera que tous les Juifs sont appelés «∞∞fils
du Royaume∞∞», y compris ceux qui en seront finalement exclus (Mt 8, 12).
63
 Lagrange, 19416, p. 342∞∞; Pirot, 1935, p. 233.
64
 Interprétation rabbinique de la Loi ayant elle-même force de loi.

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LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 375

Moïse avait organisé un recensement à l’issue duquel chaque Israélite


âgé de vingt ans et au-delà avait été astreint à verser un demi-sicle au
sanctuaire (Ex 30, 11-16∞∞; 38, 26). Il s’agissait alors clairement d’une
mesure ponctuelle. Ce n’est qu’à l’époque de Néhémie que cette contri-
bution exceptionnelle était devenue une institution permanente. Elle
avait été annualisée et portée à un tiers de sicle (Ne 10, 33). Du temps
de Jésus l’impôt, demeuré annuel, s’élevait de nouveau à un demi-sicle
(un didrachme)65 sans que l’on sache précisément qui avait décidé de
son augmentation66. Mais du seul point de vue de la Loi mosaïque son
bien-fondé était discutable. Flavius Josèphe, d’ailleurs, en parle seule-
ment comme d’une «∞∞coutume nationale∞∞»67 et on remarquera que si
Jésus accepte de payer c’est uniquement pour ne pas scandaliser68.
Mais pour quelle raison et comment les païens paieraient-ils l’impôt
du Temple à la place des Israélites∞∞? Cela peut sembler paradoxal et dif-
ficilement applicable. Le paradoxe n’est en fait qu’apparent, il s’agit
d’une question d’interprétation. Ainsi, une telle halakha pouvait-elle
parfaitement se fonder sur le Livre d’Isaïe où il est dit que dans les
temps messianiques, les nations viendront du monde entier pour rendre
un culte au Dieu d’Israël69. Or Dieu est considéré comme le seul vérita-
ble Roi pour Israël∞∞: «∞∞Yahvé votre Dieu, c’est lui votre roi∞∞!∞∞»70 Mais il
est également «∞∞roi de toute la terre […] il règne sur les païens∞∞» (Ps 47,
8-9). Il est «∞∞roi des nations∞∞» (Jr 10, 7). Lui rendre un culte et s’acquit-
ter des différentes redevances imposées revient en somme à lui verser
tribut (Ag 2, 7). Si les Juifs sont «∞∞fils de rois∞∞», ils n’ont pas à payer. En
revanche, les étrangers soumis à son joug doivent s’acquitter des rede-
vances. Qui sont-ils∞∞? Il peut s’agir, dans cette perspective, des prosély-
tes et, plus vraisemblablement encore, des craignant-Dieu71, deux caté-

65
 On notera que toutes les sources concordent sur ce point∞∞: juives, chrétiennes et
païennes.
66 Nous en sommes ici réduits à des conjectures mais on peut penser aux rois Asmo-

néens ou à Hérode qui, en 19 ou en 20 av. J.-C., avait lancé les énormes travaux de réno-
vation du Temple.
67
 Antiquités juives XVIII, IX, 1, §312.
68
 Le didrachme était censément versé pour l’entretien du Temple mais il est plus
que probable que ni Jésus, ni la communauté matthéenne, ne soutenaient l’administra-
tion du Temple qui gérait cet argent.
69 Is 2, 2-4 (= Mi 4, 1-3)∞∞; 56, 6-8∞∞; 60, 4-17∞∞; 66, 18-23∞∞; Jr 3, 17∞∞; Za 8, 20-23∞∞; 14,

16.
70
 1 S 12, 12. Cf. Ps 5, 3∞∞; 10, 16∞∞; 24, 8-10∞∞; 47, 3-9∞∞; 68, 25∞∞; 74, 12∞∞; 89, 19∞∞; 95,
3∞∞; 99, 4∞∞; 145, 1∞∞; 149, 2∞∞; Is 33, 22∞∞; 44, 6∞∞; Jr 8, 19∞∞; 10, 7-10∞∞; 46, 18∞∞; 48, 15∞∞; 51,
57∞∞; Dn 4, 34∞∞; So 3, 15∞∞; Za 14, 4∞∞; Ml 1, 14.
71 La notion de craignant-Dieu, mal renseignée, est loin de faire l’unanimité. Tous

sont d’accord pour dire qu’il s’agissait de non-Juifs sympathisants du judaïsme. Il est

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376 THIERRY MURCIA

gories particulières de croyants non-Juifs. Ce sont à la fois des étrangers


et des «∞∞sujets∞∞» volontaires et ils peuvent, à ce titre, parfaitement se
substituer aux héritiers légitimes pour le paiement de l’impôt. Mais
comment mettre concrètement en œuvre une telle halakha∞∞? Jésus donne
à Pierre la marche à suivre∞∞:
«∞∞Cependant, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, saisis
le premier poisson qui montera, et ouvre-lui la bouche∞∞: tu y trouveras un
statère∞∞; prends-le et donne-le-leur, pour moi et pour toi.∞∞”∞∞» (Mt 17, 27)
Jésus donne à présent à Pierre des consignes précises et c’est ici que
le récit de notre fameux miracle paraît débuter. En réalité, le texte de-
meure jusqu’au bout injonctif et prédictif. Nous l’avons dit, le miracle
n’est pas relaté, il est seulement annoncé. Plus exactement, on annonce
ce qui semble en être un. Jésus prévient littéralement la question de
Pierre au moyen d’une prolepse parabolique (verset 26)∞∞: «∞∞les rois de la
terre, etc.∞∞» Elle débouche sur la conclusion que ce sont les étrangers qui
doivent payer l’impôt, non les Juifs. Il lui explique donc comment faire
en sorte qu’ils s’acquittent du didrachme. La démarche est simple∞∞: «∞∞Va
à la mer, etc.∞∞» Un poisson véritable n’a évidemment pas sa place ici car
l’affaire ne peut être résolue au moyen d’un quelconque miracle. La
conséquence logique de la démonstration du Maître veut nécessairement
que l’argent vienne d’un «∞∞étranger∞∞» dont le «∞∞poisson∞∞» n’est que
l’image. La parabole initiale ne s’achève pas au verset 26. Elle se pour-
suit au verset suivant et l’englobe. Le fait que l’évangéliste la livre à son
lecteur sans explication crée l’illusion qu’il s’agit d’une véritable his-
toire. Mais s’il la livre sans commentaire c’est qu’il estime sans doute
qu’elle doit se suffire à elle-même. C’est donc toute la péricope qui est
métaphorique. Jésus a débuté sa démonstration par une parabole, c’est
également au moyen d’une parabole qu’il va en en tirer les conséquen-
ces pratiques. Pierre, lui, n’a plus qu’à s’exécuter.

Jésus demande d’abord à Pierre d’aller «∞∞à la mer∞∞». Si, comme nous
l’avons dit, «∞∞la terre∞∞» (ha-arets) est synonyme d’Israël, «∞∞la mer∞∞», par
opposition, désigne symboliquement les nations païennes72. «∞∞Va à la

probable qu’il faille les distinguer des prosélytes qui, en principe, étaient circoncis. Mais
on peut aussi les considérer comme une catégorie particulière de prosélytes. M. SIMON,
Verus Israel. Étude sur les relations entre chrétiens et juifs dans l’empire romain (135-
425), Paris, 19833, p. 132, parle de «∞∞demi-prosélytes∞∞». Certains critiques refusent
d’opérer une distinction entre prosélytes et craignant-Dieu. Sur cette question voir
S. LIEBERMAN, Greek in Jewish Palestine, New York, 1942, p. 68-90 et Fr. BLANCHETIERE,
Les premiers chrétiens étaient-ils missionnaires (30-135), Paris, 2002, p. 122-124.
72 Ceci se vérifie dans la littérature de l’époque∞∞: «∞∞la mer∞∞» peut désigner tout autant

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LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 377

mer∞∞» reviendrait donc à dire∞∞: «∞∞Va vers les païens∞∞». Cette interpréta-
tion, comme nous allons le voir, semble être en parfaite harmonie avec
l’ensemble.
L’injonction qui suit∞∞: «∞∞Jette l’hameçon∞∞»73, est une expression ima-
gée bien connue des Anciens. Platon compare le sophiste au pêcheur à
la ligne74. Martial, raillant un jouisseur de ses connaissances, dit de lui
qu’«∞∞il présente l’hameçon au mulet et au loup∞∞»75, deux variétés de
poissons figurant ici des jeunes gens. Sénèque dit de celui qui se rend au
chevet des personnes malades ou mourantes que «∞∞s’il est hanté par
l’idée du gain, il n’est qu’un captateur et ne sait que jeter l’hameçon∞∞»76.
Lucien fait dire à l’un de ses personnages∞∞: «∞∞[Il] a maintenant toute ma
fortune∞∞; comme un vrai loup marin, il a avalé l’amorce et l’hame-
çon∞∞»77. Plutarque compare le condamné à mort s’étant laissé leurré par
l’«∞∞appât∞∞» de la transgression à «∞∞un poisson qui a avalé l’hameçon∞∞»78.
L’expression est également connue des auteurs juifs et chrétiens. Com-
mentant ce verset d’Isaïe (19, 8)∞∞: «∞∞les pêcheurs gémiront, et tous ceux
qui jettent l’hameçon dans le fleuve seront dans le deuil∞∞» un rabbin pré-
cise∞∞: «∞∞N’en résulte-t-il pas que l’on s’exprime de même pour déplorer
une perte d’argent∞∞?∞ »79 Et Ignace d’Antioche entend pour sa part éloi-
gner les fidèles «∞∞de l’hameçon d’ineptes doctrines∞∞»80. La formule «∞∞je-
ter l’hameçon∞∞» peut donc avoir, selon le contexte, plusieurs significa-
tions81. En connexion avec l’argent, comme dans le cas qui nous

les Grecs (Dn 7, 2-3) que les Romains (Ap 13, 1∞∞; IV Esdras 11, 1∞∞; Commentaire
d’Habaquq 3, 8-11).
73 Mt 17, 27. «∞∞Hameçon∞∞»∞∞: ágkistron, en grec, c’est-à-dire «∞∞crochet∞∞». Il s’agit

d’un hapax du NT mais on le rencontre dans la version des LXX (2R 19, 28∞∞; Is 19, 8∞∞;
Ez 33, 3∞∞; Ha 1, 15∞∞; Jb 40, 25). Il y en a deux autres∞∞: «∞∞didrachme∞∞» (dídraxmon) –
hapax du NT – et «∞∞statère∞∞» (statßr) – hapax du NT et de la LXX. On ne saurait en
déduire pour autant que l’épisode est interpolé vu la spécificité de son thème (le paie-
ment du didrachme correspond à une réalité pour tout Juif de cette époque et un statère
vaut effectivement deux didrachmes) et de son contenu (pour pêcher un seul poisson,
même au figuré, un hameçon suffit). Tous ces termes sont grecs puisque Matthieu est
rédigé (sinon traduit) en grec∞∞: statère est mis pour «∞∞sicle∞∞», didrachme pour «∞∞demi-
sicle∞∞».
74
 Long développement sur ce thème en Sophiste 218e-222e. Chez Platon, la pêche à
la ligne est placée parmi les arts qui «∞∞se rapportent à l’acquisition∞∞» (Sophiste 219c).
75 Épigrammes II, 40.
76 Des Bienfaits IV, XX, 3.
77
 Dialogues des morts 8.
78
 Sur les délais de la justice divine X (Œuvres morales 554ef).
79
 J. Pesahim VIII, 8.
80 Epître aux Magnésiens 11, 1.
81 Pour d’autres emplois figurés de «∞∞pêcher∞∞» ou de «∞∞prendre à l’hameçon∞∞» voir∞∞:

A. BAILLY, Dictionnaire Grec Français, 1950, p. 11, qui renvoie à l’épistolographe


Aristénète de Nicée et au poète alexandrin Lycophron de Chalcis (IIIe siècle av. J.-C.).

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378 THIERRY MURCIA

intéresse, «∞∞jeter l’hameçon∞∞» revient toujours à dire «∞∞obtenir de l’ar-


gent∞∞» d’une tierce personne alors qualifiée de «∞∞poisson∞∞».

«∞∞Saisis le premier poisson qui montera∞∞», est-il ensuite précisé. De


ses disciples, et de Pierre en particulier, Jésus a voulu faire, selon ses
propres termes, des «∞∞pêcheurs d’hommes∞∞»82. «∞∞Désormais ce sont des
hommes que tu prendras∞∞» (Lc 5, 10), précise-t-il au chef des Apôtres.
Le poisson est une image du pécheur et de l’homme en général. La
métaphore hameçon/poisson se retrouve dans un passage d’Habaquq83∞∞:
«∞∞Tu traites les humains comme les poissons de la mer […] Il les prend
tous à l’hameçon∞∞» (Ha 1, 14-15).

Ouvrons ici une parenthèse et revenons au récit no 5 signalé dans la


deuxième partie de cette étude∞∞: «∞∞On raconte qu’un homme prenait tous
les jours du pain qu’il allait jeter en pleine mer. Un jour, il alla acheter
un poisson∞∞; en l’ouvrant, il trouva un objet précieux. On dit de lui∞∞:
C’est l’homme à qui son pain fut fort utile, et on lui appliqua ce verset∞∞:
“∞∞Lance ton pain sur l’eau∞∞”.∞∞»84 Outre le thème générique du poisson
réceptacle, ce récit présente avec celui de Matthieu un autre point com-
mun∞∞: tous deux sont paraboliques. En effet, pour être correctement
interprété le récit no 5 doit être replacé dans son contexte textuel où il
illustre, avec d’autres récits, le verset de l’Ecclésiaste∞∞: «∞∞Lance ton pain
sur l’eau, à la longue tu le retrouveras. Donne une part à sept ou huit,
etc.∞∞» (Qo 11, 1-2). Dans le contexte du Midrash l’expression «∞∞lancer
son pain sur l’eau∞∞» est métaphorique. Elle signifie le bien que l’on fait
à autrui sans espoir de retour et, en particulier, le bien dispensé aux
païens. Dans la série d’histoires à laquelle appartient ce récit il est ques-
tion, entre autres personnages, d’un proconsul, d’un Édomite et d’un
officier85 à qui, dans les trois cas, un Juif porte secours. La moralité est
identique∞∞: le bienfait est à chaque fois, et très largement, payé de
retour. Le récit no 5 participe de la même démonstration et présente un
tableau identique, mais de façon plus imagée. Dans ce midrash, le

82
 Mt 4, 19∞∞; 13, 47-50∞∞; Mc 1, 17∞∞; Lc 5, 10.
83
 «∞∞Pourquoi les hommes sont-ils comparés aux poissons de la mer∞∞?∞ » demande-t-on
dans un commentaire talmudique de ce passage. «∞∞De même que dans la mer, les gros
poissons avalent les plus petits, ainsi les hommes les plus puissants, n’était-ce la crainte
des autorités, dévoreraient les autres.∞∞» (B. Abhoda Zara 3b-4a).
84
 Qohélet Rabba XI, 1.
85
 Les trois hommes sont romains ou susceptibles de l’être, y compris l’Édomite qui,
dans le récit, devient empereur (il est moins probable qu’il s’agisse d’Hérode). Édom,
dans le Midrash, désigne souvent Rome.

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LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 379

«∞∞pain∞∞», le «∞∞poisson∞∞», la «∞∞mer∞∞», figurent respectivement∞∞: les bien-


faits prodigués par le Juif, le non-Juif bénéficiaire et les «∞∞nations∞∞» dont
il est issu. Comme dans les récits qui l’encadrent, le non-Juif finit par
rendre au centuple à son bienfaiteur le bien qu’il a reçu de lui. On notera
que l’idée de pain ou de miettes distribués aux païens est également pré-
sente dans l’Évangile. Dans l’épisode de la guérison de la fille de la ca-
nanéenne, les «∞∞petits chiens∞∞» figurent les païens et les «∞∞miettes∞∞» l’en-
seignement et les bienfaits qu’un Juif (en l’occurrence∞∞: Jésus) est
susceptible de leur dispenser86. Le récit no 5 semble parfaitement aller
dans le sens de notre démonstration. La symbolique est la même que
dans l’Évangile∞∞: «∞∞miettes∞∞» correspond à bienfait et/ou enseignement,
et surtout, pour le cas qui nous intéresse, «∞∞mer∞∞» correspond à nations
et «∞∞poisson∞∞» à non-Juif. Ces différents parallèles tendent à montrer que
les consignes données par Jésus doivent elles aussi être comprises méta-
phoriquement, ce que semble confirmer l’analyse de la fin de notre
péricope.

«∞∞Ouvre-lui la bouche∞∞: tu y trouveras un statère…∞∞»∞∞: si tout semble


ici se compliquer, la cohérence des images est en réalité parfaite. Le
statère ne doit pas être cherché dans les entrailles du poisson mais, con-
tre toute attente, dans «∞∞sa bouche∞∞». Une telle précision n’est pas for-
tuite. Elle constitue même peut-être, sinon la clef de voûte de cette para-
bole, du moins le point d’orgue de notre démonstration. Un poisson réel,
à l’exception peut-être du fameux Chromis, aurait naturellement avalé la
pièce. C’est dans ses entrailles et donc au prix de sa vie qu’il aurait fallu
fouiller pour trouver l’objet. Chez Matthieu, au contraire, le poisson ne
meurt pas. Jésus demande uniquement de lui ouvrir la bouche∞∞: seule la
pièce qui s’y trouve présente un intérêt. Le poisson, lui, peut même re-
tourner à la mer. Mais pourquoi la bouche∞∞?

Il y avait, du temps de Jésus, plusieurs manières de transporter son


argent. On utilisait aussi bien des bourses en cuir87, les replis de son
manteau, sa ceinture88 que sa bouche, surtout pour la menue monnaie.
On sait que les Grecs avaient coutume de placer une petite pièce,
86 Mc7, 24-30∞∞; Mt 15, 21-28.
87 Lc10, 34∞∞; 12, 33∞∞; 22, 35-36∞∞; Jn 12, 6∞∞; 13, 29∞∞; M. Baba Metsia II, 2∞∞;
J. Berakhot II, 5∞∞; J. Shevouot VII, 6∞∞; B. Berakhot 58b.
88
 Mt 10, 9∞∞; Mc 6, 8. La pundâ (du latin funda) était une ceinture à poches réservée
à cet usage. Elle est souvent mentionnée dans la littérature talmudique∞∞: M. Berakhot IX,
5∞∞; M. Shabbat X, 3∞∞; M. Sanhédrin III, 12∞∞; M. Kelim XXIX, 1∞∞; T. Baba Metsia 8, 14∞∞;
J. Shabbat XVI, 4∞∞; J. Baba Metsia III, 7∞∞; B. Shabbat 120a.

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380 THIERRY MURCIA

l’obole, dans la bouche des défunts. Cette piécette était censée permettre
au mort de s’acquitter du prix de la traversée vers l’autre monde auprès
de Charon, le nocher des Enfers89. À l’époque de Jésus cet usage s’était
répandu dans tout le monde grec et latin. Il perdurera jusqu’au moyen
âge. En Israël, il est attesté à Jéricho et même à Jérusalem où une pièce
de monnaie frappée au nom d’Hérode Agrippa et datée de 42/43 apr.
J.-C. a été retrouvée dans le crâne d’une femme d’une quarantaine
d’années90. On sait moins, en revanche, qu’en plaçant une pièce dans la
bouche des défunts, on ne faisait qu’appliquer aux morts ce qu’on vivait
au quotidien. La bouche paraissait être alors le mode de transport le plus
naturel et le plus pratique pour un objet de la taille d’une pièce de mon-
naie et il permettait de garder les mains libres. Cet usage est attesté
dès le Ve siècle av. J.-C. par plusieurs auteurs dont Aristophane91,
Théophraste92 et Artémidore93. Il était répandu dans tout le pourtour
méditerranéen et eut cours, en Orient, au moins jusqu’au début du
20e siècle94. On peut supputer que, du temps de Jésus, c’étaient surtout
les païens qui transportaient ainsi leur menue monnaie∞∞: certains rabbins
interdisaient absolument de transporter des pièces de cuivre dans la
bouche95 et on considérait qu’un Juif qui prenait un bain de purification
en gardant de la monnaie dans sa bouche demeurait impur96.
89 Aristophane, Les grenouilles 140-142∞∞; Strabon, Géographie VIII, 6, 12∞∞; Juvénal,

Satires III, 267∞∞; Apulée, Les métamorphoses 6, 18-19∞∞; Lucien, Charon ou les observa-
teurs 11, 17-19∞∞; La traversée pour les Enfers 1, 8-9∞∞; 18, 8-9∞∞; 19, 8-9∞∞; Dialogues des
morts 4, 1-2∞∞; 22, 1∞∞; Sur le deuil 10∞∞; Properce, Élégies IV, XI, 7.
90 É. PUECH, «∞∞A-t-on redécouvert le tombeau du grand-prêtre Caïphe∞∞?∞ », dans Le

Monde de la Bible 80, 1993, p. 42-47∞∞; G. COUTURIER, «∞∞Le tombeau de Caïphe∞∞», dans
Interbible (www.interbible.org), 17 mai 2002.
91
 Les guêpes 605-609. Voir la traduction de H. VAN DAELE, Paris, 1924, et la note
de bas de page∞∞: «∞∞Les gens du peuple, à Athènes, portaient les menues pièces de mon-
naie dans leur bouche. Cet usage existe encore en Orient∞∞». Deux autres occurrences∞∞:
Les guêpes 788-791∞∞; L’assemblée des femmes 816-819.
92 Caractères VI, 9∞∞: «∞∞Et la monnaie qu’il recueille de ce trafic, il se la fourre dans

la bouche∞∞».
93
 Onirocriticon I, 29∞∞: «∞∞Les mâchoires, il faut tenir qu’elles ont rapport avec les
dépôts∞∞».
94
 Voir note 91.
95 J. Terumot VIII, 3∞∞: «∞∞Il est défendu de mettre dans la bouche des pièces de mon-

naie de cuivre∞∞».
96 M. Miqvaot VIII, 5 «∞∞Si une menstruée met des monnaies dans sa bouche pour se

baigner, elle est pure de son impureté, mais impure à cause de son crachat∞∞». Mais cela
n’est cependant pas lié, comme on aurait pu le supposer, à une éventuelle impureté
intrinsèque de l’argent. Tout ce qui est en contact avec une personne, un objet ou un ani-
mal impur, devient impur à son tour. Si une personne impure a de la monnaie dans la
bouche, cette monnaie est donc également impure. Si elle prend un bain, l’argent qui est
resté dans sa bouche n’a pas été pour sa part en mesure de profiter du bain purificateur.
Il est donc demeuré impur. Puisque la personne «∞∞purifiée∞∞» continue d’être en contact
avec cet argent impur, elle demeure elle aussi impure.

93723_04_Murcia 380 06-29-2010, 10:57


LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 381

Mais comment obtenir de l’argent de la part d’un païen ou, plus pré-
cisément, d’un prosélyte ou d’un craignant-Dieu∞∞? La première idée qui
vient à l’esprit est la mendicité. Non seulement les moyens violents pour
s’en procurer ne correspondent à l’esprit ni de Jésus, ni des premiers
chrétiens, mais il est clair que tout le raisonnement repose sur l’idée
d’une contribution volontaire. Les auteurs païens du 1er siècle, qui
avaient généralement des Juifs une fort mauvaise opinion, leur repro-
chaient justement, entre autres griefs, de vivre de mendicité. Martial
stigmatise le «∞∞juif dressé par sa mère à mendier∞∞»97 et Juvénal laisse
entendre à plusieurs reprises98 que les mendiants juifs étaient monnaie
courante. Mais ces auteurs ne témoignent pas de la situation en Israël
dans la première moitié du 1er siècle. Ils rapportent seulement, sous
toute réserve, la situation à Rome, capitale de l’Empire, quelques années
après la terrible défaite juive de 70 apr. J.-C. Les conditions de vie des
Juifs, y compris dans la diaspora, ont pu considérablement évoluer en-
tre-temps. Un siècle plus tôt néanmoins, l’astronome et mathématicien
Clèomède signale également la présence d’«∞∞individus qui mendient aux
alentours des synagogues∞∞»99. Il est fort probable qu’il s’agit seulement
ici de Juifs nécessiteux désireux de profiter de la générosité de leurs
coreligionnaires. Concernant Jésus, Luc ne cache pas que plusieurs fem-
mes, dont certaines de condition, «∞∞l’assistaient de leurs biens∞∞» (Lc 8,
3). Et Celse, de son côté, accusait Jésus (et ses disciples) de vivre aux
dépens des autres en mendiant sa «∞∞subsistance d’une manière honteuse
et sordide∞∞»100 ce qu’Origène, d’ailleurs, ne tente pas de démentir∞∞:
«∞∞Qu’il nous dise d’où il tient le caractère honteux et sordide de cette
quête […] Quel est le philosophe ou le maître, consacré au service de
ses familiers, qui n’a pas reçu de quoi subvenir à ses besoins∞∞»101. Plutôt
que de réfuter l’accusation, l’exégète donne raison à Jésus. Puisque les
philosophes étaient rémunérés pour leur enseignement, pourquoi cela
serait-il honteux dans un cas, et pas dans l’autre∞∞? Jésus aurait donc très
bien pu dépêcher Pierre sur le chemin pour quémander auprès des
païens l’équivalent d’un statère102. On aurait certes raison d’objecter

97
 Épigrammes XII, 57.
98
 Satires III, 16, 295-296∞∞; VI, 543.
99 Th. REINACH, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, Paris, 1895,

p. 213.
100
 Origène, Contre Celse I, 62.
101
 Origène, Contre Celse I, 65.
102
 À Rome, du moins après 70, il est probable que les Juifs les plus nécessiteux
étaient contraints de mendier pour s’acquitter de l’impôt du didrachme. C’est ce qu’on
peut supposer à la lecture de Juvénal, Satires III, 10-16. Olivier Sers, qui traduit ce pas-

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382 THIERRY MURCIA

qu’un statère représente une somme assez importante103 et que le pro-


cédé, sans être répréhensible, manque malgré tout quelque peu de no-
blesse. Mais cet obstacle peut être aisément contourné.
En effet, il ne semble pas judicieux, dans le cas présent, de penser à
de la mendicité au sens littéral. Si les prosélytes étaient nombreux en
Israël, les craignant-Dieu l’étaient peut-être encore davantage. Sans ac-
cepter le «∞∞joug de la Loi∞∞», ils aimaient la nation juive et ne manquaient
pas de le manifester concrètement par des dons. Mais les craignant-Dieu
demeuraient extérieurs au peuple juif. À ce titre, ils restaient libres de
faire des dons volontaires mais ne pouvaient pas verser l’impôt au Tem-
ple. Venant d’un non-Israélite, «∞∞tout ce qui est considéré comme don et
offrande pourra être accueilli mais non ce qui n’est pas considéré
comme tel∞∞» précise la Mishna104. Le didrachme n’était pas considéré
comme un don ou une offrande mais comme un sacrifice ou un impôt
obligatoire. C’était de l’argent consacré et il ne pouvait pas être accepté
d’un non-Israélite105. En remettant la somme demandée à Jésus par l’in-
termédiaire de Pierre, l’impôt se transformait en «∞∞don∞∞»∞∞: le craignant-
Dieu qui le souhaitait pouvait de cette façon s’acquitter indirectement de
la capitation. Jésus offrait ainsi à n’importe quel craignant-Dieu une
occasion de manifester sa piété en participant indirectement aux frais du
Temple de son Dieu. Reste que Pierre pouvait se tourner vers n’importe
quel Israélite plus fortuné et non moins généreux. Le principe en était
parfaitement admis et même encouragé∞∞: c’était alors un acte de piété
que de s’acquitter de cet impôt pour un voisin, un pauvre ou, plus géné-
ralement, un coreligionnaire106.
Est-il possible d’affiner la recherche∞∞? On ne connaît que quelques
exemples de craignant-Dieu dont un, au moins, dans l’entourage immé-
diat de Jésus. Le premier concerne un centurion stationné à Césarée∞∞: «∞∞Il
sage, date sa rédaction de 89 apr. J.-C. et le met directement en rapport avec «∞∞la remise
en vigueur de la perception du didrachme∞∞» sous Domitien (Juvénal, Satires, texte établi
par P. de LABRIOLLE et Fr. VILLENEUVE, émendé, présenté et traduit par O. SERS, Paris,
2002, Annexe II, p. 327).
103
 Voir note 43.
104 M. Shekalin I, 5.
105 M. Shekalin I, 5. Les prosélytes, en revanche, étaient tenus de payer l’impôt

(M. Shekalin I, 3).


106
 M. Shekalim I, 7. Schwab traduit ainsi ce passage∞∞: «∞∞Si quelqu’un paie sa contri-
bution par l’entremise d’un pauvre, ou par celle de son voisin ou par un habitant de la
même ville, etc.∞∞» Bonsirven∞∞: «∞∞Celui qui verse par un pauvre, ou par un voisin, ou par
un concitoyen, etc.∞∞» Ces deux traductions de la Mishna n’offrent aucun sens. Il ne
s’agit pas de payer «∞∞par∞∞» ou «∞∞par l’entremise de∞∞», mais «∞∞pour∞∞», «∞∞à la place de∞∞»,
«∞∞à cause de∞∞» (‫ — על יד‬al yad, en hébreu). Voir infra, la note 125 et la traduction de
Neusner∞∞: «∞∞He who pays a sheqel [as a gift] for a poor man, for is neighbor, or for a
fellow townsman, is exempt.∞∞» C’est Pierre qui chez Matthieu semble tenir ce rôle.

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LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 383

y avait à Césarée un homme du nom de Corneille, centurion de la co-


horte italique. Pieux et craignant Dieu –eûseb®v kaì foboúmenov tòn
qeòn ainsi que toute sa maison, il faisait de larges aumônes au peuple
juif et priait Dieu sans cesse∞∞» (Ac 10, 1-2). Le second concerne un autre
centurion resté anonyme mais qui était visiblement stationné à Caphar-
naüm même, lieu où Jésus s’était lui aussi installé. Les anciens de la ville
disent de lui∞∞: «∞∞Il aime en effet notre nation, et c’est lui qui nous a bâti
la synagogue.∞∞» (Lc 7, 5) C’est donc un homme très pieux et prêt à s’en-
gager financièrement. Jésus et ses disciples le connaissent personnelle-
ment∞∞: le Rabbi venait, en toute gratuité, de soigner son jeune fils (moins
vraisemblablement son jeune esclave) qui paraissait être à la dernière ex-
trémité107. Plutôt qu’à un donateur inconnu, on peut donc penser à un
craignant-Dieu précis qui lui était déjà redevable108. Certes, cette hypo-
thèse ne s’impose pas. Mais Jésus a soigné de nombreux malades et on
peut gager que parmi toutes ces personnes, juives ou non, celles qui en
avaient les moyens n’auraient pas laissé échapper une pareille occasion
de pouvoir s’acquitter d’une partie de leur dette. Or, l’action se situe pré-
cisément à capharnaüm, bourgade de quelques centaines d’habitants où
tout le monde se connaît. C’est là que les percepteurs viennent trouver
Pierre et que vit le pieux centurion dont Jésus a guéri le fils…

Ainsi avons-nous d’assez bonnes raisons de penser que notre épisode


est, sinon authentique109, du moins antérieur à la destruction du Temple.
Il reflète en effet clairement, d’après la plupart des critiques, la situation
antérieure à 70 apr. J.-C110. Van Der Loos fait ainsi remarquer que des
personnes particulières sont engagées pour collecter l’impôt ce qui cor-

107
 Mt 8, 5-13∞∞; Lc 7, 1-10. Cf. Jn 4, 46-53. Pour une analyse circonstanciée de ce
miracle voir Th. MURCIA, «∞∞Une guérison à distance∞∞», dans Jésus – Les miracles élu-
cidés par la médecine, Paris, 2003, p. 93-102.
108 Voir note 85 et le texte supra.
109
 Ce point est discuté. Voir Benoit, Boismard, 1996, t. II, p. 261∞∞: «∞∞Selon toute
vraisemblance, nous sommes devant un épisode qui, absent de Marc et du Matthieu-in-
termédiaire (Luc l’ignore), fut inséré par l’ultime Rédacteur matthéen qui réutilisa deux
des données de Mc 9, 33 (ignorées aussi de Luc). Bien entendu, il est possible que l’ul-
time Rédacteur matthéen ait utilisé, en le remaniant plus ou moins, un épisode apparte-
nant à une source connue de lui seul.∞∞»
110
 Lagrange, 19416, p. 343∞∞; Van der loos, 1965, p. 680-681. Mello, 1999, p. 319∞∞:
«∞∞Évidemment, la situation supposée est celle du temps de Jésus, avant la destruction du
Temple, parce que, après 70, ce tribut deviendra le fiscus judaicus, à verser directement
à l’autorité romaine, comme signe de soumission du Dieu d’Israël à Jupiter Capitolin.∞∞».
Force est d’admettre que l’éventualité qu’il ait été composé après 70 ne peut néanmoins
être complètement écartée. L’action a très bien pu être replacée fictivement dans le
contexte précédant la destruction du Temple tandis que le fiscus judaicus serait en réa-
lité visé.

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384 THIERRY MURCIA

respond à la situation de l’époque111. Pirot explique que «∞∞dans chaque


localité, certaines personnes étaient désignées pour recevoir le demi-sicle
sacré∞∞; aussi bien en Palestine qu’au dehors∞∞; dans la diaspora on les ap-
pelait les collecteurs du didrachme∞∞»112. L’expression oï tà dídraxma
lambánontev est évidemment grecque, le didrachme étant une monnaie
grecque. Il s’agit en hébreu des gobhei al-mahatsit ha-shèqèl -‫גובי על‬
‫מחצית השׁקל‬, «∞∞ceux qui perçoivent le demi-shekel∞∞» ou, plus simple-
ment, des changeurs∞∞: shoulhanin ‫שׁולחנין‬. De fait, les sources talmudi-
ques les plus anciennes (Mishna et Tosefta) en rapport avec la capitation
ne parlent ni de «∞∞collecteurs∞∞» ni de «∞∞changeurs∞∞»113. Mais il est spéci-
fié dans la Mishna que des tables – shoulhanot en hébreu (‫– )שׁולחנות‬
étaient dressées ce jour-là114. Ce sont ces tables dressées pour l’occasion
qui impliquent la présence de changeurs – shoulhanin (‫)שׁולחנין‬. La
Tosefta précise en outre que ces préposés au recouvrement étaient des
«∞∞envoyés du tribunal∞∞» – shelouhe beth din (‫)שׁלוחי בית דין‬115. On les
reconnaissait au dinar qu’ils gardaient suspendu à l’oreille116. Ajoutons
enfin que la Mishna stipule également que «∞∞le paiement des sicles de
capitation […] n’a lieu que durant l’existence du Temple∞∞»117. Les per-
cepteurs de Matthieu dépendent visiblement aussi de l’administration du
Temple. Jésus répond d’ailleurs à Pierre qu’il faut payer pour ne pas les
scandaliser. Il ne craint pas d’éventuelles représailles comme cela aurait
pu être le cas après la destruction du Temple. Il veut s’en acquitter car
tout bon Juif était censé verser cet impôt118. D’ailleurs, à la question ini-
tiale des percepteurs, Pierre répond spontanément que son Maître va
payer. Si Jésus remet en question son principe, il ne le fait pas ouverte-
ment∞∞: ses coreligionnaires ne le comprendraient pas.

Un dernier point reste à examiner. Il est clair que, si elle est authenti-
que, la parabole de Jésus étaient dès le départ censée être comprise de
Pierre. La situation serait différente si cette péricope, qu’on ne trouve ni
chez Marc ni chez Q, les sources les plus anciennes, était directement is-
sue de la communauté matthéenne. Cela impliquerait que les propos mis
111
 Van Der Loos, 1965, p. 680-681.
112 Pirot, 1935, p. 232.
113 Sur ce point les traductions du texte mishnique proposées aussi bien par Schwab

(«∞∞receveurs∞∞») que par Bonsirven («∞∞changeurs∞∞») sont toutes les deux fautives.
114
 M. Shekalin I, 3.
115
 T. Shekalin 1, 1 (Edition Zuckermandel, 1881, p. 173).
116
 T. Shabbat 1, 8∞∞; J. Shabbat I, 3∞∞; B. Shabbat 11b.
117 M. Shekalin VIII, 8. Cf. T. Shekalin 3, 23.
118 Flavius Josèphe, AJ XVIII, IX, 312∞∞: «∞∞Les doubles drachmes que, selon la cou-

tume nationale, chacun consacrait à Dieu.∞∞»

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LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 385

dans la bouche du Maître auraient été délibérément cryptés pour que leur
signification réelle échappe au profane. Sans être authentiques, ils reste-
raient néanmoins antérieurs à 70 et leur sens n’en serait pas fondamenta-
lement changé. Leur but serait de montrer que la capitation, quoique con-
testable dans son principe, doit être payée pour ne pas formaliser, non les
percepteurs, mais les disciples «∞∞les plus faibles∞∞», ceux qu’une remise
en cause des traditions risquerait de scandaliser. La préoccupation serait
essentiellement pastorale119. Une dernière possibilité ne peut être totale-
ment écartée. Tout le discours – ou plus vraisemblablement, sa seconde
partie, le verset 27120 – pourrait être postérieur à 70. Il viserait non pas
l’impôt dû au Temple – impôt «∞∞légitime∞∞» – mais le même impôt cyni-
quement détourné par les Césars au profit de Jupiter Capitolin. Il s’agi-
rait de consignes données par la communauté matthéenne (sous l’autorité
du Maître) aux Juifs-chrétiens qui s’interrogent pour savoir s’ils doivent
ou non s’acquitter de cet impôt détourné au profit de César121. Une solu-
tion serait alors proposée au moyen d’une parabole∞∞: il convient de payer
l’impôt mais pour rendre à César ce qui lui appartient, il faut d’abord,
comme Pierre, récupérer la somme correspondante auprès des «∞∞païens∞∞»
(i.e. des païens ou peut-être même des chrétiens non Juifs) pour pouvoir
ensuite la lui restituer. On aurait ici une application pratique du fameux
«∞∞rendez à César∞∞»122. Quelle que soit la solution retenue les propos de –
ou attribués à – Jésus demeurent métaphoriques.

Nous pensons donc avoir trouvé, sur le fond du moins, la clef de no-
tre péricope. Mais avant de conclure, il nous faut revenir sur un détail de
l’épisode qui ne manque pas d’intérêt∞∞: «∞∞Donne-le-leur [le statère],
pour moi et pour toi.∞∞» Nous savons que le statère, équivalent du sicle
juif, correspondait à quatre deniers en monnaie romaine et à quatre dra-
chmes ou deux didrachmes en monnaie grecque. Le didrachme valait un
demi-sicle. Mais le Temple n’acceptait que de la monnaie juive et le
statère, venant d’un étranger, était de la monnaie grecque ou romaine. Il
fallait le changer auprès des percepteurs et s’acquitter d’un droit de
change123. La littérature talmudique nous apporte sur ce point des détails
119
 C’est plus ou moins l’idée développée par Mello, 1999, p. 318-320.
120
 Certains critiques pensent que ce verset est un ajout à un récit plus ancien. Voir
Benoit, Boismard, 19962, t. II, p. 262.
121 Beaucoup tentaient alors d’y échapper∞∞: voir Suétone, Domitien 12. Cf. Martial,

Épigrammes LXXXII.
122
 Le cas échéant, l’épisode serait de toute façon antérieur à 96 apr. J.-C. année où
l’impôt en faveur du Capitole fut aboli par Nerva.
123
 Ce droit de change était censé couvrir les frais de route du changeur (J. Shekalin
I, 4).

93723_04_Murcia 385 06-29-2010, 10:57


386 THIERRY MURCIA

fort intéressants qui nous permettent de mieux comprendre notre


péricope∞∞: ce droit était estimé selon R. Meir à un ma’ah (soit 1/6e de
drachme) et selon les autres rabbins à seulement un demi ma’ah (1/12e
de drachme) pour chaque transaction124. Or, la Mishna précise que «∞∞si
l’on paie ensemble sa propre contribution et celle de son prochain en un
séla [un sicle/statère] entier, au lieu de deux demis [deux didrachmes],
on est soumis à un seul droit pour les deux.∞∞»125. R. Meir précise même
que «∞∞si quelqu’un remet [au changeur] un séla [un sicle/statère] et se
fait restituer un [demi-]sicle126, il doit un double droit de change∞∞»127. En
effet, est-il dit, «∞∞il faut payer un droit pour le séla [un sicle/statère]
payé et autant pour le demi-sicle touché en retour∞∞»128. Remise dans son
contexte fiscal, la précision de Jésus devient on ne peut plus claire∞∞: «∞∞tu
y trouveras un statère∞∞; prends-le et donne-le-leur, pour moi et pour
toi.∞∞» En payant pour tous deux en une seule fois, Jésus propose en fait
de réaliser une économie substantielle. Il suffit alors de payer un seul
droit de change s’élevant au total à 1/12e de drachme (1/24e de drachme
chacun soit une surtaxe de 2,08% par tête). En versant le didrachme
séparément, le supplément aurait alors été doublé. Il se serait élevé à
1/6e de drachme au total (1/12e de drachme chacun soit une surtaxe de
4,16% par tête). Dans l’hypothèse enfin, où Jésus se serait acquitté seul
de l’impôt en versant le fameux statère (soit 2 didrachmes, le double de
la somme due), il aurait peut-être été astreint à régler (si l’on suit l’opi-
nion de R. Meir) un double droit de change∞∞: deux fois 1/12e de dra-
chme, soit 1/6e de drachme. Un premier droit sur le statère remis (pre-
mière transaction) et un second sur le demi-sicle (didrachme) rendu
(deuxième transaction). La surtaxe aurait alors pu s’élever à 16, 66%129.

124
 M. Shekalin I, 7∞∞; T. Shekalin 1, 8. Le ma’ah est une petite pièce d’argent valant
1/24e de séla (sicle), un demi ma’ah vaut donc 1/48e de séla. Le séla est l’équivalent
monnaie du statère.
125 M. Shekalin I, 6. Sans doute une façon d’encourager la charité, les plus aisés étant

ainsi naturellement amenés à payer à la fois pour eux-mêmes et pour un coreligionnaire


impécunieux. Voir supra et note 106.
126
 L’hébreu porte ici shèqèl ‫שׁקל‬, c’est-à-dire littéralement «∞∞sicle∞∞». Dans la littéra-
ture talmudique le terme séla est employé pour désigner le sicle biblique, le shèqèl. En
revanche, le terme shèqèl (sicle) est couramment utilisé – comme ici – pour désigner un
demi-séla autrement dit un demi-sicle, soit l’équivalent d’un didrachme.
127
 M. Shekalin I, 6 (mais un simple droit d’après les autres rabbins∞∞: T. Shekalin 1,
8). Voir note 125.
128
 J. Shekalin I, 4. Voir note 125.
129
 Si l’on suit R. Meir jusqu’au bout – qui fixe le droit de change à 1/6e de drachme
(un ma’ah) – la surtaxe aurait même été de 33,33%∞∞! Si l’on suit l’opinion de la majorité
des rabbins la surtaxe s’élevait à 4,16% par tête et pouvait être ramené à 2,08% par tête
si l’on payait par (ou pour) deux.

93723_04_Murcia 386 06-29-2010, 10:57


LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 387

Il était donc intéressant pour le contribuable d’avoir d’une part l’appoint


(pour deux personnes∞∞: un statère) et de regrouper d’autre part les paie-
ments par deux précisément, ainsi que Jésus130 engage Pierre à le faire.
Toutes ces correspondances ne s’inventent pas et ce détail renforce
l’idée que le contexte historique est bien celui précédant la destruction
du Temple et de ses institutions.

Après avoir examiné les différentes hypothèses proposées par les sa-
vants concernant le miracle du statère nous avons vu qu’aucune ne don-
nait satisfaction. Quoique fort ingénieuse, l’explication faisant intervenir
le Chromis, une espèce particulière de poisson, ne peut être retenue.
Pour diverses raisons, l’approche littérale traditionnelle ne donne pas
davantage satisfaction, notamment car la péricope ne rapporte pas un
événement passé mais à venir, le texte étant prédictif. L’approche com-
paratiste ne résout rien non plus∞∞: l’épisode matthéen ne semble dépen-
dre d’aucun autre récit connu jusqu’ici. L’approche figurative, en revan-
che, nous sommes être la bonne∞∞: les consignes précises données à
Pierre pour acquitter l’impôt sont sans aucun doute à prendre au second
degré. Nous sommes peut-être en présence d’une parole de Jésus ulté-
rieurement transformée en récit131 ou, pour être plus précis, en parabole.
Il peut également s’agir d’une création midrashique de la communauté
matthéenne fondée ou non sur un enseignement de Jésus qui serait
connu d’elle seule. La «∞∞mer∞∞», le «∞∞poisson∞∞», l’«∞∞hameçon∞∞» constitue-
raient les trois éléments imagés d’une même métaphore filée. La «∞∞bou-
che∞∞» et le «∞∞statère∞∞» seraient à prendre au sens propre∞∞: c’était dans la
bouche, entre autre, que l’on mettait sa monnaie, surtout chez les païens.
Le sens du message initial semblait déjà parfaitement clair∞∞: c’est aux
étrangers de payer cet impôt, non aux fils de roi, les Israélites. Il n’est
question, dans cette péricope, que d’une «∞∞pêche aux donateurs∞∞»132. On
peut imaginer, si le passage est authentique, que Pierre n’a eu qu’à
s’exécuter et qu’il s’est procuré l’argent nécessaire selon les consignes
données par son Maître. On peut également conjecturer, vu le
contexte133, que Jésus visait dans sa parabole un donateur précis. De
130
 Jésus et/ou la communauté matthéenne qui rapporte cet épisode. On notera de
plus que Jésus occupe ici la place du «∞∞pauvre∞∞» pour qui Pierre paie. Voir notes 106 et
125.
131 Menoud, 1948-1949, p. 189.
132
 Je remercie le Professeur Pascal Boulhol à qui je dois cette expression∞∞: nous
avons discuté du présent article à l’occasion du départ à la retraite de Christian
Amphoux organisé le 25/09/08 à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme
(Aix-en-Provence).
133 L’action se déroule à Capharnaüm où réside un craignant-Dieu aisé, pieux et

93723_04_Murcia 387 06-29-2010, 10:57


388 THIERRY MURCIA

façon pragmatique, l’impôt a ensuite été payé pour deux, afin de réduire
les frais de change. On notera que, de cette façon, Jésus paie finalement
l’impôt dont il s’estime non seulement devoir être dispensé mais dont il
remet en question le principe même. Ce pragmatisme n’a pas véritable-
ment de quoi étonner134. Il suffit de rappeler que les questions financiè-
res ne sont pas absentes des paraboles évangéliques135. Ces détails, aux-
quels il faut ajouter les correspondances étroites de notre péricope avec
les informations tirées des sources talmudiques les plus anciennes, nous
amènent à conclure que l’épisode est sinon authentique, du moins très
vraisemblablement antérieur à la destruction du Temple. Il ressort enfin
de cet examen que les évangiles ne peuvent être étudiés seuls. Pour être
compris, ils doivent être confrontés avec d’autres sources antiques, en
particulier la littérature talmudique. Tous ces documents s’éclairent
mutuellement. Des détails de la Mishna permettent de mieux appréhen-
der certains passages des évangiles restés obscurs et des détails évangé-
liques prouvent que certaines pratiques rapportées dans la Mishna et la
Tosefta avaient effectivement cours avant la destruction du second Tem-
ple. Ainsi, la pratique du paiement groupé de l’impôt du Temple, attesté
par la Mishna et la Tosefta, se retrouve en filigrane dans la péricope
matthéenne∞∞: «∞∞donne-le-leur, pour moi et pour toi∞∞». Ce ne peut être un
hasard136.

généreux. Il estime Jésus, le traite avec égards (revoir précisément Mt 8, 5-13∞∞; Lc 7, 1-


10∞∞; Jn 4, 46-53) et lui est hautement redevable. Pierre ne pose aucune question. Il sem-
ble immédiatement comprendre à quel poisson précis Jésus fait allusion.
134
 Difficile évidemment de séparer clairement le personnage Jésus plus ou moins
remodelé par les évangélistes du Jésus de l’Histoire. Ce que nous disons ici concerne
avant tout le Jésus des synoptiques et en particulier le Jésus matthéen. Il est clair que les
questions financières devaient surtout intéresser les premières communautés chrétiennes
qui devaient s’organiser pour gérer leur budget (voir note suivante).
135
 Cette question est surtout présente chez Luc tandis que Marc et Jean paraissent
l’éviter. Voir en particulier la parabole dite «∞∞des talents∞∞» chez Matthieu (Mt 25, 14-30)
qui, assez curieusement, devient la parabole «∞∞des mines∞∞» chez Luc (Lc 19, 11-27).
Mais voir également∞∞: comment calculer la dépense (Lc 14, 28-30), les deux débiteurs
(Lc 7, 41-42), la drachme perdue (Lc 15, 8-9), l’économe infidèle (Lc 16, 1-13), le tré-
sor caché (Mt 13, 44), la perle de grand prix (Mt 13, 45-46). L’impôt à César, commun
au trois synoptiques (Mc 12, 13-17∞∞; Mt 22, 15-22, Lc 20, 20-26) déborde les simples
questions financières. Clément d’Alexandrie (Stromates I, XXVIII, 177, 2) et de nom-
breux Pères rappellent également cette parole attribuée à Jésus mais qui ne figure pas
dans les évangiles canoniques∞∞: «∞∞Soyez des changeurs éprouvés∞∞». C’est l’agraphon le
plus souvent cité.
136 Je remercie le Professeur Gilles Dorival pour les conseils qu’il m’a prodigués à

l’issue de sa lecture des premières et dernières épreuves.

93723_04_Murcia 388 06-29-2010, 10:57


3962010 - T. 117-3 (pp. 389-396). LUC DEVILLERS
RB.

LE PAPYRUS BODMER II,


AUJOURD’HUI COMME HIER∞∞:
FRAGMENTS DE CORRESPONDANCE ENTRE
VICTOR MARTIN ET MARIE-ÉMILE BOISMARD
PAR
Luc DEVILLERS, O.P.
Université de Fribourg (CH)
luc.devillers@unifr.ch

SOMMAIRE
Après une brève évocation de l’intérêt actuel pour le Papyrus Bodmer II,
cet article donne accès à quelques fragments d’une correspondance privée
inédite échangée en 1957 entre V. Martin (1886–1963), éditeur du papyrus,
et M.-É. Boismard (1916–2004), jeune exégète de l’École biblique de Jérusa-
lem.

SUMMARY
After briefly evoking the current interest in Papyrus Bodmer II, this article
brings to light some fragments of letters exchanged in 1957 between V. Martin
(1886-1963), editor of the Papyrus, and M.-É. Boismard (1916-2004), then a
young professor at the École biblique de Jérusalem.

En 1956, Victor Martin, titulaire de la chaire de langue et littérature


grecques à l’Université de Genève, publia la première partie d’un des
deux grands papyrus consacrés au quatrième évangile1. Ce Papyrus
Bodmer II avait été repéré peu auparavant dans un lot de manuscrits dé-
1 V. MARTIN (éd.), Papyrus Bodmer II, Évangile de Jean chap. 1–14, Cologny-

Genève 1956. Voir aussi la brève présentation qu’il en fit aux huitièmes Journées bibli-
ques de Louvain, «∞∞Un nouveau codex de papyrus du IVe Évangile∞∞», dans F. M. BRAUN
(éd.), L’Évangile de Jean. Études et Problèmes (Recherches bibliques Publiées sous le
Patronage du Colloquium Biblicum Lovaniense III), Bruges 1958, 59-60.

93723_05_Devillers 396 06-29-2010, 10:58


LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 397

terrés à Assiout (Haute-Égypte). Les spécialistes lui ont attribué le sigle


P66. Dans l’Antiquité, le titre d’une œuvre était habituellement indiqué à
la fin du manuscrit. Cela demeure invérifiable pour P66 en raison du
mauvais état des dernières pages∞∞; en revanche, le scribe a ajouté de sa
propre main, en haut de la première page, les mots «∞∞Évangile selon
Jean∞∞». Victor Martin assura peu après la publication de la suite du
codex, c’est-à-dire un dernier tiers très incomplet2. Quelques années
plus tard, une fois devenu émérite de l’Université, il reçut l’aide de
J.W.B. Barns, spécialiste anglais de papyrologie, pour préparer une nou-
velle édition de cette seconde partie. Il eut la bonne idée de lui adjoindre
une reproduction photographique de l’ensemble du texte3. Cet événe-
ment éditorial donna accès à l’un des plus anciens témoins du texte grec
du quatrième évangile4, que les spécialistes datent des environs de
l’an 200. Étant donné qu’il donne la quasi-intégralité de l’évangile, il
demeure un témoin extrêmement précieux de l’histoire du texte de Jean,
un siècle environ après sa rédaction.

1. Actualité du Papyrus Bodmer II


Récemment Jean Zumstein, dont le commentaire du quatrième évan-
gile est en cours de publication, a donné une nouvelle preuve de l’intérêt
porté à ce codex de papyrus. Dans le cadre original d’une collection
mettant à la disposition du grand public divers trésors de la littérature
universelle, il en a présenté une nouvelle et fort belle édition5.
L’ouvrage permet de visualiser l’intégralité des cent-cinquante-quatre
pages du manuscrit, y compris les minuscules fragments de la fin, dont
la lecture et l’interprétation ne sont pas toujours aisées. Ce volume pré-
sente bien des avantages, qui invitent à le recommander. Tout d’abord,
il offre à un large public une très belle reproduction photographique en
couleur du papyrus. De plus, Zumstein a inséré en début de volume une

2
 V. MARTIN (éd.), Papyrus Bodmer II. Supplément. Évangile de Jean chap. 14–21,
Cologny-Genève 1958.
3 V. MARTIN, J.W.B. BARNS (éd.), Papyrus Bodmer II. Supplément. Évangile de Jean

chap. 14–21, nouvelle édition augmentée et corrigée, avec reproduction photographique


complète du manuscrit (chap. 1–21), Cologny-Genève 1962.
4
 Un autre témoin ancien, P75, avait été publié entre-temps dans la même collection∞∞:
V. MARTIN, R. KASSER (éd.), Papyrus Bodmer XIV-XV, Évangiles de Luc et Jean,
Cologny-Genève 1961. Il contient Jn 1–15.
5 J. ZUMSTEIN, Évangile selon Jean. Introduction et traduction [= Papyrus Bodmer

II], Paris 2008.

93723_05_Devillers 397 06-29-2010, 10:58


398 LUC DEVILLERS

introduction au quatrième évangile, et placé à la fin une utile traduction


inédite du texte grec attesté par le manuscrit6.
Malheureusement, cet heureux événement éditorial est desservi par
quelques défauts techniques difficilement compréhensibles. Ainsi, on
se demande pourquoi les planches photographiques ne sont nullement
répertoriées∞∞: aucun numéro de page ou de planche, aucune référence
aux versets de l’évangile qu’elles contiennent. Il est certain que le
public visé par cette publication ne lit guère le grec, et surtout qu’il n’est
pas expert en épigraphie∞∞; c’est donc avec peine qu’il tirera profit de
la lecture du manuscrit, d’autant plus que le système grec antique de
numérotation des feuillets du codex ne lui dit rien. Il aurait pourtant été
facile de remédier à ces difficultés. En effet, les reproductions sont en-
cadrées de façon aérée par des marges blanches bien larges, qui font
ressortir la couleur du papyrus et de son encre. On aurait donc pu don-
ner – même discrètement – toutes les indications utiles dans l’une de ces
marges, sans porter atteinte à l’aspect esthétique des planches. Malgré la
déception suscitée par cet oubli fâcheux – j’ai même entendu un grand
spécialiste de critique textuelle et d’édition de textes anciens en faire
sévèrement la remarque –, on se réjouira de la nouvelle notoriété ainsi
offerte au Papyrus Bodmer II.
Depuis l’époque de Victor Martin, notre connaissance du texte
johannique a progressé. Mais P66 joue toujours un rôle précieux dans
l’histoire de ce texte, et les spécialistes continuent de débattre sur l’in-
terprétation de ses plus petits fragments7. Quant à l’intérêt pour l’étude
des papyrus du Nouveau Testament en général, il n’a pas faibli. Mais il
a pris quelques orientations nouvelles, comme le souci de ne pas isoler
cette étude des recherches sur la papyrologie non biblique et non chré-
tienne. Ainsi, en octobre 2009, l’Institut Romand des Sciences Bibliques
a organisé à l’Université de Lausanne un colloque international intitulé
«∞∞Lire les papyrus du Nouveau Testament avec les autres papyrus
d’Égypte – New Testament Egyptian Papyri Among Others∞∞»8.

6
 Les blancs du manuscrit sont complétés en italique à partir du texte fourni par
B. ALAND, K. ALAND, J. KARAVIDOPOULOS, C.M. MARTINI, B.M. METZGER (éd.), Novum
Testamentum Graece, editione vicesima septima revisa, Stuttgart 1993.
7 À ce propos, voir l’article de P.M. HEAD, «∞∞P. Bodmer II (P66): Three Fragments

Identified∞∞», NovT 47, 2005, 105-108. Certains résultats proposés dans ces pages ont été
corrigés par la suite∞∞: voir P.M. HEAD, D.M. WHEELER, W. WILLKER, «∞∞P. Bodmer II
(P66): Three Fragments Identified. A Correction∞∞», NovT 50, 2008, 78-80.
8
 Colloque organisé par les Prof. Claire Clivaz et Jean Zumstein, avec le soutien du
FNS, du Fonds du 450e anniversaire de l’Université de Lausanne et de la CUSO.

93723_05_Devillers 398 06-29-2010, 10:58


LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 399

2. Retour sur la découverte du Papyrus Bodmer II


Le propos des pages qui suivent est simplement d’offrir quelques
éléments concernant l’histoire de l’interprétation de P66, peu après sa
découverte. À l’occasion de rangements occasionnés par mon récent
passage de l’École biblique de Jérusalem à l’Université de Fribourg
(Suisse), je suis tombé sur quelques feuillets manuscrits, glissés dans
l’exemplaire de l’édition du Papyrus Bodmer II (Jn 1–14) ayant appar-
tenu à Marie-Émile Boismard. Il s’agit de fragments d’une correspon-
dance échangée entre lui, jeune chercheur de Jérusalem alors âgé de
40 ans, et Victor Martin, l’éditeur du papyrus de trente ans son aîné. Dès
ses premières années d’enseignement, Boismard fut un passionné de cri-
tique textuelle et d’histoire des textes. Afin de compléter le portrait que
l’histoire retiendra de lui, ainsi que le souvenir de Victor Martin, décédé
peu après la publication de P66, je me suis proposé de publier ci-dessous
l’intégralité de ce bref échange de courrier. Aux yeux des spécialistes du
papyrus, ces documents pourront paraître sans grand intérêt. Il est cer-
tain qu’ils n’ajoutent rien à l’interprétation du codex. Mais, en les pu-
bliant, j’ai pensé agir «∞∞afin que rien ne soit perdu∞∞» (Jn 6,12)∞∞: par souci
de ne rien cacher de ce qu’ils peuvent nous dire sur le sujet et sur la per-
sonnalité des deux savants, si modeste cela soit-il.
Ces fragments de correspondance sont tous datés de 1957. Autrement
dit, ils portent sur la première partie du manuscrit, publiée en 1956 et
contenant presque tout Jn 1–14∞∞: il est important de s’en souvenir.
Boismard n’a alors eu entre les mains que l’édition du texte des qua-
torze premiers chapitres de Jean, sans la précieuse collection de plan-
ches photographiques fournie en 1962 par l’édition remaniée des ch.
15–21 (voir la note 3). Outre le texte imprimé par Martin, qui suit fidè-
lement le manuscrit tout en séparant les mots grecs les uns des autres,
Boismard a eu accès aux trois planches9 reproduites dès la première édi-
tion (voir sa lettre)∞∞: modeste avant-goût de l’aspect réel du papyrus, qui
permettra néanmoins au jeune chercheur de manifester la fertilité de son
esprit. Les questions qu’il soumet à l’éditeur visent donc à lui demander
confirmation ou infirmation d’hypothèses émises sans connaissance
directe et complète du codex. Martin louera la perspicacité de l’exégète.
Le premier document est une longue lettre manuscrite du P. Marie-
Émile Boismard, envoyée de Jérusalem – la Zone arabe, alors en Jor-
danie – le 20 février 1957. Afin de ne pas perdre de temps à rédiger une
9
 Ces trois planches donnent le texte de Jn 1,1-14 (entre les p. 36 et 37), 7,32-38 (en-
tre les p. 80-81) et 11,31-37 (entre les p. 110 et 111).

93723_05_Devillers 399 06-29-2010, 10:58


400 LUC DEVILLERS

nouvelle lettre qui ferait constamment référence à celle-ci, Victor


Martin l’a renvoyée à son auteur, annotée au crayon noir au fur et à
mesure des questions que Boismard lui posait. C’est ce procédé original
qui m’a valu la joie de découvrir cet échange, et m’a incité à le publier
malgré sa forme fragmentaire∞∞: en effet, je n’ai pas eu accès à la corres-
pondance conservée par Martin. Voici donc la teneur intégrale de la
lettre de Boismard, avec, entre crochets et en caractères romains, précé-
dées du sigle VM, les brèves réponses de Martin10∞∞:

Monsieur,
je suis heureux de pouvoir vous annoncer que la Bibliothèque de l’Ecole
Biblique de Jérusalem est désireuse de souscrire au facsimilé complet du
codex Bodmer II, pour la somme de 100 fr.s. Auriez-vous la bonté de me
faire savoir où et quand nous devrons faire parvenir la somme en question.
D’autre part, je me suis mis avec passion à l’étude du codex. J’ai acquis
la certitude que le scribe utilise deux (ou peut-être trois) textes différents. Il
suit tantôt l’un, tantôt l’autre, et souvent corrige l’un par l’autre. C’est vous
dire tout le prix que j’attache au “∞∞premier jet∞∞” écrit, quand ce ne sont pas
de pures fautes d’étourderie. Mais, d’après les trois pages reproduites en
facsimilé, je me rends compte que, s’il est relativement facile de repérer les
corrections faites par grattage, celles faites par lavage du texte sont beau-
coup moins perceptibles. Toutefois, l’attention étant éveillée sur un pro-
blème particulier, peut-être est-il possible de déceler des corrections à peine
visibles. C’est pourquoi je me permets de vous demander les précisions sui-
vantes, si ce n’est pas abuser de votre temps et de votre patience.
10.3 (II,15), la leçon primitive n’était-elle pas to kerma, au lieu de ta
kerma (corrigé en ta kermata)∞∞? N’y aurait-il pas trace d’un changement
d’o en a, à l’article∞∞? [VM∞∞: oui, l’o primitif est discernable.]
19.15 [corrigé au crayon∞∞: 14 – probablement par VM] (IV,15). Je pense
que le scribe avait écrit primitivement dicjsw {èta doublement souligné}
(avec D). Quand il a supprimé le sw, n’aurait-il pas aussi changé le j en
w∞∞? [VM∞∞: Impossible à dire. Il n’y a pas de grattage.]
33.10 (VI,1). Il est évident que le tiberiadov j, qui donne une ligne beau-
coup trop longue, a été ajouté. J’expliquerais ainsi la correction. Le scribe
avait écrit primitivement∞∞:

10 Pour éviter l’emploi fréquent de guillemets, tous les textes cités sont donnés en

italiques. Les réponses de Martin, insérées dans la lettre de Boismard, sont entre cro-
chets, en caractères romains et précédées du sigle VM. Quelques remarques de ma part
sont entre accolades {}. Les doubles chiffres indiqués par Boismard en début de ligne
correspondent, le premier à la page du codex (pagination de 1958), le second à la ligne
discutée. Malheureusement, à partir de 42.2 (pagination de 1958), l’édition des planches
photographiques de 1962 donne des chiffres de page inférieurs de 4 points∞∞: lire 38.2 au
lieu de 42.2, etc. L’édition récente de Zumstein suit l’ordre de 1962, mais il faut pallier
l’absence de numéros de page en comptant soi-même∞∞!

93723_05_Devillers 400 06-29-2010, 10:58


LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 401
   tjv qalassjv tjv galilaiav j    [avec une accolade reliant]
   kolouqi de ktl...    [ces deux lignes, VM∞∞: oui]
Voulant rajouter tjv tiberiadov, il a mis le t de l’article au dessus du j
déjà existant, [au-dessus de la ligne, VM∞∞: exactemt entre v et j en légère
surélévation] puis ajouté v tiberiadov j. Pensez-vous que ce soit plausible∞∞?
[VM∞∞: oui.]
42.2 (VI 58). Le scribe avait dû écrire primitivement katabainwn, avec
in. En supprimant le nwn, n’aurait-il pas changé i en {lettre rayée} s∞∞?
[au-dessus de ces mots, VM∞∞: oui] Y a-t-il encore trace du changement∞∞?
[VM∞∞: Oui, la trace est visible.]
42,18 (VI,63). Le texte actuel porte ta rjma, et ta en surcharge. Le texte
primitif n’était-il pas to rjma o∞∞? Les 2 {mot rayé} o auraient été changés
en a. [VM∞∞: En tout cas pas le premier, pr le second, je n’oserais l’affirmer.]
48.13 (VII,29). Le oide, effacé, est critiquement incompréhensible. N’y
aurait-il pas là le reste d’une leçon provenant de VIII 55∞∞? Dans ce cas,
presque tout le verset (après egw de oida) n’aurait-il pas été récrit sur un
{mot rayé} texte lavé∞∞? [VM∞∞: pas trace de lavage ici.]
49.6 (VII 33). Pour le mot pemcanta, je pense que, non seulement le e,
mais aussi le p (nettement dans la marge) ont été rajoutés [au-dessus, VM∞∞:
oui]. On songe spontanément à une faute d’inattention. Il est curieux toute-
fois de constater que la même faute se retrouve identique en 2 autres en-
droits∞∞: 46.14 (VII 18) et 100.1 (XIII 20). D’autre part, d’après la Pl. II, il
semble qu’il y ait une lettre grattée {mot rayé} après le m (ligne 6), celle
dont vous parlez p. 32 (fin du grand §). N’y aurait-il pas la même lettre
grattée aux deux autres exemples signalés∞∞? [VM∞∞: 49.6 pem#c(a)n {grat-
tage d’une lettre marqué par #} / 46.14 aucun grattage perceptible / 101 {mis
sans doute pour 100.1} mcc {un c a été effacé}]
Bien entendu, si ces vérifications devaient vous prendre trop de temps,
mettez ma lettre au panier∞∞!
En m’excusant encore de la liberté que j’ai prise, je vous prie de croire,
Monsieur, à mes sentiments respectueux.
Fr.m.e.{ou∞∞: Père∞∞?} Boismard, op.

Le bas de cette quatrième et dernière page de la lettre de Boismard


contient la réponse générale de Martin, les détails ayant été indiqués
dans le texte, ad locum. Voici les mots de Martin∞∞:

Mon Père,
je pense plus simple de vous retourner votre lettre avec les réponses à vos
questions telles que me les dicte l’inspection de l’original. Vous avez plus
d’une fois vu juste. Dans certains cas, p. ex. 49.6, il est difficile de savoir si
l’on a affaire à un grattage ou à une défectuosité du papyrus que le scribe a
enjambée. Restant à votre disposition pour toute vérification qui vous sem-
blerait désirable, je vous prie de croire, mon Père, à mes sentiments dévoués.
Victor Martin
2.III.57

93723_05_Devillers 401 06-29-2010, 10:58


402 LUC DEVILLERS

Vient ensuite une carte de Victor Martin, envoyée de Genève le 7


mars 1957 – la graphie de VM est incertaine pour le mois, mais le ca-
chet de la poste fait foi. Il nous manque donc la lettre de Boismard à la-
quelle celle-ci répond. Néanmoins, à sa lecture, nous pouvons deviner
les questions et remarques du jeune exégète∞∞:

Mon Père,
vous avez raison pour 49.20 (VII 37) le z de ekrazen est manifestement
corrigé de h, l’examen de l’original confirme votre remarque. Par contre en
50.4 (VII 39) il n’y a pas trace de correction que ce soit par grattage ou la-
vage.
Je travaille en ce moment sur les fragments des derniers chapitres. Je
pense que qques pages pourront, en partie du moins, être reconstituées,
mais il restera de grands vides. Quand je serai plus avancé, je vous récrirai.
Mais le travail avance lentement car les fragments sont très petits & souvent
difficiles à identifier.
Avec mes salutations les meilleures
Vict. Martin

Le P. Boismard a encore écrit à Martin le 22 mars. Celui-ci lui a ré-


pondu par un aérogramme daté du 2 avril 1957, qui inclut une citation
de la lettre inconnue de Boismard∞∞:

Voici, mon Père, la réponse aux questions posées dans votre lettre du 22
mars dernier.
55.5 [VIII 29]. mei est bien la seule leçon du pap. Il n’y a pas trace de
correction.
79.13 [XI 35]. L’o devant iv {abréviation surmontée d’un trait} a bien pu
être ajouté. Il est de plus petit module que les lettres voisines.
46.15 [VII 18]. Rien n’indique que estin ait été ajouté après lavage. Par
contre auton est en lettres plus petites et serrées∞∞: tocauton.
48.12 [VII 29]. autou ne présente aucune trace de correction.
48.6 [VII 28]. ekrazen P. {= papyrus} pas trace de correction.
60.1 [VIII 57]. eorakav P. «∞ ∞» «∞
60.16 [IX 4]. ewv P. «∞ ∞» «∞
65.18 [IX 34] Le P. a bien amartiav. Je ne vois pas de raison de croire
que le sigma final a été ajouté.
Quant à savoir si une correction par lavage a “∞∞été faite si délicatement
qu’il ne reste plus aucune trace visible de la correction∞∞”, je vous avoue ne
pas savoir comment on pourrait répondre à cette question, car si une cor-
rection n’a laissé aucune trace, comment la déceler∞∞?
Avec l’expression de mes sentiments dévoués
Victor Martin

93723_05_Devillers 402 06-29-2010, 10:58


LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 403

Malgré toute sa politesse, le vieil éditeur manifeste un certain amuse-


ment (étonnement∞∞? agacement∞∞?) devant l’hypothèse incroyable que
lui présente le jeune chercheur. Il suggère par une lapalissade qu’elle
contredit le bon sens∞∞: «∞∞si une correction n’a laissé aucune trace, com-
ment la déceler∞∞?∞ » Il est vrai que Boismard se fera une réputation à
force d’accumuler les intuitions originales, qui laisseront sceptiques plus
d’un de ses pairs.

À côté de cet extrait de correspondance, j’ai trouvé deux feuilles de


brouillon, écrites l’une au crayon et l’autre à l’encre. Inutile de les
publier. Boismard y avait noté les références aux versets de P66 qui lui
posaient question. La feuille écrite à l’encre porte en titre «∞∞précisions à
demander∞∞», preuve qu’il s’agit d’un brouillon ayant précédé l’échange
de courrier. Plusieurs lignes contiennent une hypothèse de lecture et
s’achèvent par un point d’interrogation. Beaucoup ont été entièrement
rayées par leur auteur, sans doute au fur et à mesure qu’il les intégrait
dans sa lettre. Ces deux pages de notes télégraphiques disent encore à
quel point leur auteur était passionné par l’histoire du texte∞∞: lui-même
évoquait cette «∞∞passion∞∞» dans sa première lettre. La découverte de P66
a certainement joué un très grand rôle dans notre connaissance de l’his-
toire du quatrième évangile. Il est clair qu’elle a aussi marqué la trajec-
toire scientifique parcourue par Marie-Émile Boismard, au fil de plus de
cinquante ans.

93723_05_Devillers 403 06-29-2010, 10:58


RB. 2010 - T. 117-3 (pp.PAGANISM
397-409). IN BYZANTINE PALESTINE 397

SOME HISTORICAL AND ARCHAEOLOGICAL


NOTES ABOUT PAGANISM IN
BYZANTINE PALESTINE
BY

Emmanuel FRIEDHEIM Shimon DAR


The Israel and Golda Koschitsky The Martin (Szuz) Department of Land of Israel
Department of Jewish History Studies and Archaeology
Bar Ilan University Bar Ilan University
RAMAT-GAN 52900 RAMAT-GAN 52900
ISRAEL ISRAEL
efriedheim@yahoo.ca dar_Is@maabarot.org.il

SUMMARY
Despite the widely accepted view that polytheistic belief began to disappear
in the early Byzantine period, especially in the Holy Land, the birthplace of
Christianity, a scrupulous examination of the historical and archaeological
sources proves that, even in the Holy Land, Christianity prevailed slowly, and
was not always successful in eradicating idolatrous practices.

SOMMAIRE
Contrairement à l'idée communément répandue concernant la disparition
rapide du paganisme à l'aube de l'ère byzantine, notamment en Palestine,
berceau de la religion chrétienne, une étude minutieuse des sources historiques
et archéologiques, fait état d'une réalité différente. Le christianisme évolua
lentement en Palestine ainsi que dans les régions adjacentes, où la ténacité du
paganisme est scientifiquement avérée.

It is commonly accepted that polytheistic belief among pagans began


to disappear in the beginning of the Byzantine era,1 especially in the
1 We are aware of the fact that there are some methodological problems with the

terms paganism and polytheism. It is certain that the ‘pagans' did not see themselves as

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398 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR

eastern part of the Mediterranean basin.2 In some areas much time mani-
festly passed before Christianity succeeded in achieving dominance.
Thus, for example, Christian and Islamic sources teach that pagan rites
continued to exist until a considerably later period in the lands of the
East, such as Egypt (sixth century), Augila (Cyrenaica – sixth century),
Asia Minor (sixth century), Ephesus (sixth century), Harran (tenth cen-
tury) and others.3 Scholars argued that, specifically in the Holy Land,
the birth place of Christianity, the new religion spread faster and deeper
than in other parts of the Roman Empire, which they deduced from the
massive construction of churches in Palestine and the pilgrimage to
Christian sacred sites that began in the fourth century.4 A meticulous
such. This is obviously a Christian view, see: A. Cameron, The Mediterranean World
in Late Antiquity: A. D. 395-600 (London–New York, 2002), 224 n. 35: “There is a
problem with the term ‘paganism,' in that it does not denote an entity in itself, but only
marks out what is not Christian; hence some scholars prefer the term ‘polytheist.' But
this is problematic too: some pagans were essentially monotheists, while some may feel
that Christianity itself was less, monotheist than this term would imply.” We decided, in
this article, to use the terms polytheism and paganism interchangeably. In that respect,
we agree with Remus's conclusion: “In place of ‘Pagan' and ‘Paganism', I would offer
the not original suggestion ‘Polytheist' and ‘Polytheism' […] whether ‘Polytheist' is, ul-
timately, less pejorative than ‘Pagan' remains a scholar's choice.” (H. Remus, “The End
of ‘Paganism'?”, Studies in Religion, 33/2 (2004), 203). See also in the same vein: M.
Sartre, d'Alexandre à Zénobie – Histoire du Levant antique (Paris, 2001), 887.
2 See E. LUCIUS, Les origines du culte des Saints dans l'église chrétienne (Paris,

1908), 147 ff; A. D. NOCK, ‘The Development of Paganism in the Roman Empire',
Cambridge Ancient History 12 (1939), 446-49; F. van der MEER, Augustine the Bishop:
The Life and Works of a Father of the Church (London–New York, 1961), 44; E. R.
DODDS, Pagans and Christians in an Age of Uncertainty: Some Aspects of Religious
Experience from Marcus Aurelius to Constantine (Cambridge, 1965), 132; A. Piganiol,
L'empire Chrétien (325-395) (Paris, 19722), 259; D. PRAET, “Explaining the Christian-
izing of the Roman Empire: Older Theories and Recent Developments," Sacris Erudiri
33 (1992-1993), 44; J. A. FRANCIS, Subversive Virtue: Asceticism and Authority in the
Second-Century Pagan World (University Park, PA, 1995), 144; et al.
3 P. CHUVIN, Chronique des derniers païens: La disparition du paganisme dans

l'empire romain du règne de Constantin à celui de Justinien (Paris, 19912), 143-44, 145-
47; Z. RUBIN, ‘Polytheism in the Eastern Roman Empire and beyond its Borders in Late
Antiquity', in: M. Kister, J. Geiger, N. Na'aman & S. Shaked (eds.), Ancient Gods –
Polytheism in Eretz Israel and Neighboring Countries from the Second Millenium BCE
to the Islamic Period, Jerusalem 2008, 195-98. (Hebrew).
4 E. D. HUNT, Holy Land Pilgrimage in the Later Roman Empire (Oxford, 1982), 83-

106; Y. TSAFRIR, Ancient Churches Revealed (Jerusalem, 1993), XI: “In the fourth cen-
tury CE Christianity throughout the Roman world underwent a dramatic change. The
rather few modest and private houses that had served the Christian congregations were
replaced by numerous larger basilicas. This process was accelerated in the Holy Land,
the cradle of Christianity”; J. PATRICH, “Church, State, and the Transformation of Pales-
tine: The Byzantine Period (324-640 CE),” in: T. E. LEVY (ed.), The Archaeology of
Society in the Holy Land (London, 1995), 470: “The main transformation that Roman
Palestine underwent, starting in 324 C.E., when Palestine fell under the aegis of a philo-
Christian emperor, was the Christianization of the country – the change from Provincia

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PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE 399

examination, however, of the historical and archaeological sources


paints a different picture: pagan rites continued to exist in Palestine and
in the surrounding Syrian sphere until the sixth century, if not later, and
the expansion of Christianity was considerably slower than what was
initially thought, especially in the rural regions.5 Scholars have shown
the absence of Christians in the major Jewish centers until the fourth
century.6
Consequently, it seems plausible that all of the non-Jewish inhabit-
ants of Palestine who had not yet adopted Christianity remained pagan
for many long decades after the pagan Roman empire had officially be-
come the Christian Byzantine empire. The scholars who noted the vital-
ity of paganism in Palestine in the Late Roman period and the Byzantine
period are, as we shall see, few in number. And, they certainly made
no effort to concentrate and organize the material pertaining to all of
Palestine and its vicinity to form a complete and coherent picture. Fur-
thermore, those studies that somewhat touched upon the question

Palaestina to Terra Sancta […] From then on it officially became the Holy Land, whose
holy places deserved a special attention on behalf of the central government – the land
of religious aspirations for multitudes of believers who flocked in from the entire Chris-
tian world […] The landscape of the country underwent a transformation due to its
Christianization.”; et al.
5 D. BAR, “The Christianization of Rural Palestine during Late Antiquity,” Journal

of Ecclesiastical History 54/3 (2003), 401-21, and especially 421: “in spite of Pales-
tine's status as the ‘Holy Land,' the abundance of holy sites, within its bounds… the
process of converting its inhabitants to Christianity was not in substance any different
from the process in other provinces of the empire…”
6 J. GEIGER, “The Spread of Christianity in the Land of Israel from Its Beginning

until the Days of Julian,” in: Z. BARAS et al. (eds.), Eretz-Israel from the Destruction of
the Second Temple to the Muslim Conquest, vol. I: A Social and Political History (Jeru-
salem, 1982), 218-33 (Hebrew); idem, “Aspects of Palestinian Paganism in Late Anti-
quity,” in: A. KOFSKY and G. G. STROUMSA (eds.), Sharing the Sacred: Religious Con-
tacts and Conflicts in the Holy Land, First-Fifteenth Centuries (Jerusalem, 1998), 3-17.
Vast areas of Palestine, such as Galilee and Samaria, had a clearly Jewish or Samaritan
majority till the end of the fourth century; see: S. GORANSON, “Joseph of Tiberias Re-
visited: Orthodoxies and Heresies in Fourth-Century Galilee,” in: E. M. MEYERS (ed.),
Galilee through the Centuries: Confluence of Culture (Winona Lake, IN, 1999), 335-
43; A. D. CROWN, “The Byzantine and Muslim Period,” in: A. D. CROWN (ed.), The
Samaritans (Tübingen, 1989), 70-78. The recent excavation of a Christian prayer hall in
Meggido Prison (north Israel) revealed an inscription dedicated to “the God Jesus
Christ,” that was erected in the early 3rd century and remained in use until the end of
the same century, as indicated by the pottery and coins uncovered in the area. In other
words, this is not an official domus ecclesiae, but just a hall in which only archaic Chris-
tian cultic acts were conducted. This amazing discovery bolsters the assumption that
Christianity was still quite rudimentary among the non-Jewish population in the third
century; see: Y. TEPPER and L. DI SEGNI, A Christian Prayer Hall of the Third Century
CE at Kefar ‘Othnay (Legio): Excavations at the Meggido Prison 2005 (Jerusalem,
2006), 28-39.

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400 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR

ignored the Jewish literature, such as the late Talmudic sources that be-
long to the beginning of the Byzantine era and passages from the Jewish
post-Talmudic magic literature that – together with the Christian literary
sources, the archaeological sources, and the epigraphic sources – cast
light on the strength of paganism in Palestine until a late period.

I
In 1901 Isidore Lévy showed that the Talmudic literature is the only
extant broad literature of Semitic origin from the first centuries CE, and
that at times it indicates how people of Semitic-Eastern descent viewed
pagan culture, while we usually learn of the various pagan practices
from the Graeco-Roman literature. According to Lévy, the Talmudic
literature provides a view of cultural contents, especially in regard to
pagan cults, that differs from, and complements, that of the classical
literature.7 The study of the Rabbinical knowledge of the Graeco-
Roman and Eastern religious cultures has advanced greatly in recent
years, and demonstrates the Rabbis' extensive knowledge of all aspects
of the life and rites of the Pagans.8 Although the approach treating
Rabbinic sources as a historical document is quite obsolete according to
the approaches introduced by J. Neusner during the past thirty years, we
share, however, the scholarly opinion that Rabbinic literature contains a
7
 I. LÉVY, “Cultes et rites syriens dans le Talmud,” Revue des études juives [= REJ]
43 (1901), 183. An identical insight was offered in the scholarly research a century
later; see, e.g., Sartre, d'Alexandre, 529.
8 S. LIEBERMAN, Hellenism in Jewish Palestine: Studies in the Literary Transmission

Beliefs and Manners of Palestine in the I Century B. C. E – IV Century C. E. (New York,


1962), 115-38. On the study of the historical reality embodied in the pagan ritual details
mentioned in the Rabbinic literature, see also M. HADAS-LEBEL, “Le Paganisme à travers
les sources rabbiniques des IIe et IIIe siècles: Contribution à l'étude du syncrétisme dans
l'empire romain,” in H. TEMPORINI and W. HAASE (eds.), Aufstieg und Niedergang der
römischen Welt [= ANRW] II, 19. 2 (Berlin-New York, 1979), 397-485; G. BOHAK,
“Rabbinic Perspectives on Egyptian Religion,” Archiv für Religionsgeschichte 2 (2000),
215-31; G. VELTRI, “Römische Religion an der Peripherie des Reiches: Ein Kapitel
rabbinischer Rhetorik,” in P. SCHÄFER and C. HEZSER (eds.), The Talmud Yerushalmi and
Graeco-Roman Culture, vol. 2 (Tübingen, 2000), 81-138; Z. SAFRAI, “The Aramaic-
Speaking Gentile Population in the Land of Israel in the Roman Period,” in M. M OR et
al., Jews and Gentiles in the Holy Land in the Days of the Second Temple, the Mishnah
and the Talmud (Jerusalem, 2003), 95-100 (Hebrew); H. CANCIK, “Fremde Bilder: Kult
und Kunst in den Talmud: Traktaken Abodah Zarah,” in B. L UCHESI and K. von
STUCKRAD (eds.), Religion und Kulturellen Diskurs: Festschrift für H. G. Kippenberg zu
seinem 65 Geburtstag (Berlin, 2004), 273-89. On the numerous pagan details embedded
in the Rabbinic literature, see the recent book: E. FRIEDHEIM, Rabbinisme et paganisme
en Palestine romaine: Étude historique des Realia talmudiques (Ier-IVème siècles) (Reli-
gions in the Graeco-Roman World 157; Leiden-Boston, 2006).

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PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE 401

solid historical background that we should not neglect; when, however,


used for historical purposes, it obviously requires critical study, like any
other literary genre.9 In that respect, Amoraic sources in the Rabbinic
literature are instructive for the continued existence of paganism in
Palestine during the fourth century CE. The claimed disappearance of
paganism among the Jews, and in the region as a whole, during the time
of the Mishnah (first-second centuries CE), and especially that of the
Talmud (third-fourth centuries CE), was recently refuted in a compre-
hensive study of paganism in the Talmudic and midrashic literature.10
Late sources cite fourth-century Palestinian Rabbis who speak of their
anticipating the disappearance of the pagan rites in the distant future,
thus attesting to the continued vitality of these rites in Palestine in the
Byzantine period. Thus, for example, in the Palestinian Talmud:
R. Nahman in the name of R. Mana: Idolatry will come and spit in the faces
of its worshippers and shame them, and it will cease to exist in the world,
and what is the Scriptural basis – (Ps. 97:7): “All who worship
images are dismayed"; R. Nahman in the name of R. Mana: Idolatry will
come and bow before the Holy One, blessed be He, and it will cease to exist
in the world, and what is the Scriptural basis – (ibid.): “all divine beings
bow down to Him."11
The late midrash Pesikta Rabbati contains an exegesis that is difficult
to date, but might be from the fourth century, with a veiled attack on the
clearly pagan nature of Aelia Capitolina:
“At that time [I will search Jerusalem with lamps]” (Zeph. 1: 12) – you will
search with lamps, and not by the light of the moon, nor by the light of the
sun, by which one does not remove the hametz [anything leavened] before
Passover. Rather, one kindles lamps and searches for the hametz before
Passover. Thus the Holy One, blessed be He, will act: He will search Jerusa-

9 Z. SAFRAI, “Rabbinic Sources as Historical: A Response to Professor Neusner,”

in: J. NEUSNER and A.-J. AVERY-PECK (eds.), Judaism in Late Antiquity: Where We
Stand, Issues and Debates in Ancient Judaism, vol. 3/1 (Leiden–Boston–Köln, 1999),
167: “The study of the sources must be careful and critical, but excessive critical in-
quiry is to be discouraged.”; G. STEMBERGER, “Rabbinic Sources for Historical Study,"
Judaism in Late Antiquity, 186: “… a certain measure of personal judgment remains in
every historical reconstruction. But although, it is no longer possible to use Rabbinic
sources in a naïve way for reconstructing history, it would be the greatest damage to the
History of Judaism if the Rabbinic texts were neglected in the historical enterprise”;
D. JAFFÉ, Le Judaïsme et l'avènement du christianisme: Orthodoxie et hétérodoxie dans
la littérature talmudique (Ier-IIe siècle) (Paris, 2005), 70 ff; C. BATSCH, “La littérature
tannaïtique comme source historique pour l'étude du Judaïsme du deuxième temple,”
REJ 166,1-2 (2007), 1-15.
10
 FRIEDHEIM, Rabbinisme et paganisme, 33-67.
11
 Palestinian Talmud, Avodah Zarah 4: 7, 44a.

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402 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR

lem only by lamps, to remove idolatry from there […] therefore it is said
(ibid.): “I will search Jerusalem with lamps.”12
The prayer known as Tziduk ha-Din (the acceptance of divine judg-
ment) that appears in Seder R. Amram Gaon (d. 875) and is recited dur-
ing a Jewish funeral service contains an intriguing passage that also
expresses the hope that Palestine will be cleansed of any foreign rite:
“[…] and uproot foreign worship from the land and restore the service
of Heaven to its place.” Although this is an extremely late prayer, it
apparently is based on earlier traditions, from the Byzantine period, and
might relate to the pagan rites that existed in Palestine and not to Chris-
tianity. Patently, these sources' anticipation of the extirpation of poly-
theism demonstrates that paganism was sufficiently strong during the
time of their authors to justify such expositions.
We can indicate at least one rite that drew the attention of the last
Palestinian Amoraim in the fourth century, that of sun-worship. This
awareness remarkably accords with the popularity enjoyed by this cult
in the third and fourth centuries, when many emperors were compared
to Sol Invictus, including Constantine (312-337) at the beginning of his
reign,13 and Julian the Apostate (360-363), whose reverence of Helios
found expression in his speech in honor of Sol Invictus during the
course of his campaign against the Persians.14 In the fourth-fifth centu-
ries, Macrobius sought to prove that Sarapis, Asklepios, Mercurius,
Ares, Apollo, Adonis, Attis, and Osiris were merely additional names
for the invincible sun god.15 Fourth-century Palestinian Amoraim voiced
their fears concerning the increasingly popular cult of the sun in their
time, especially in light of the fact that the depiction of Sol Invictus had
entered the world of the Galilean synagogues in that century, especially
in Hammat Tiberias.16 A number of sources record the fierce opposition
by the fourth-century Rabbis to these pagan phenomena. Thus, Leviticus
Rabbah contains the following exposition from the fourth century that
portrays a situation in which the sun and the moon are not desirous, as it
were, to illuminate the world, because people worship them:

12 Pesikta Rabbati 8 (ed. FRIEDMANN, 29a).


13 T. PREGER, “Constantinos-Helios,” Hermes 36 (1901), 457-69; J. MAURICE, “La
dynastie solaire des seconds Flaviens,” RA 17 (4ème série) (1911), 377-406.
14
 For primary sources, see: M. LE GLAY, La religion romaine (Paris, 19912), 260.
15
 MACROBIUS, Saturnalia 1, 17-23.
16 M. DOTHAN, Hammat Tiberias: Early Synagogues and the Hellenistic and Roman

Remains (Jerusalem, 1983), 39-45. For the presence of Sol Invictus in Galilean syna-
gogues, see the recent extensive discussion: FRIEDHEIM, Rabbinisme et paganisme, 109-
59.

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PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE 403
R. Levi said; Every day the Holy One, blessed be He, sits in judgment of the
sun and the moon, that do not want to come forth to illuminate the world.
What do they say? People offer incense to us and bow down before us.
R. Justa bar Shunem said: What does the Holy One, blessed be He, do to
them? He sits in judgment of them, and they are compelled to go forth and
illuminate the world.17

The anticipated retribution against those who worship the sun, to-
gether with the desire to prove the inability of the solar and lunar divini-
ties to save their believers, is expressed in an exegesis also delivered by
R. Levi, about the people of Sodom:
“Hurry, flee there, for I cannot do anything until you arrive there. Hence the
town came to be called Zoar” (Gen. 19:22) – […] since some men of
Sodom worshipped the sun, and others, the moon, the Holy One, blessed be
He, said: If I punish them during the daytime, now they say: If the moon
were there, it would sustain us; if at night, now they would say: If the sun
were there, it would sustain us. Rather [ed. Vilna: He punished them] on the
sixteenth of Nisan, when the sun and the moon stood in the sky; this is what
is written (Gen 19: 23): “As the sun rose upon the earth and Lot entered
Zoar.”18

A midrashic exposition from the early fourth century emphasizes the


essential differences between the nations of the world and the people of
Israel as regards idolatry and, primarily, as regards sun-worship.19 R.
Isaac, a Palestinian Amora from the third-fourth centuries, argued that
people worship the sun and the moon every day, and this arouses the ire
and wrath of the God of Israel.20 In the late fourth century, a Palestinian
Jew revered the sun, as is shown by a Hebrew popular magic text in
Sefer ha-Razim (= The Book of Secrets):
‫ אבצבי‬:‫ואחר שתראהו כן תשתחוה ותפול על פניך ארצה והתפלל את התפילה הזאת‬
‫אנתוליפון היליוס נאטוס אגדור איפסטוס אקט קוריפוס איופיסטוס הזפלה טרוכוס‬
‫אובינוס קאטאטיטס קזמונטס סגימוס פילי פאנטור קירי פומאוס איופוטוס תיוריונוס‬
.‫אסטראטיוטוס‬

The following are the Greek and English reconstructions proposed by


Morton Smith:
And after you see it, bow down, fall on your face to the ground, and
recite the following prayer:

17 LeviticusRabbah 31:9 (ed. MARGULIES, 630).


18 GenesisRabbah 50: 22-23 (ed. THEODOR-ALBECK, 530-31).
19 Lamentations Rabbah 3: 24 (ed. BUBER, 133).
20
 Babylonian Talmud, Nedarim 39b.

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404 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR

eûseb¬ âwtolikòn ÊJliov naútjv âgaqóv, pistofúlaz, korufa⁄ov


e∆pistov (Àcistov?), ºv pálai troxòn ∫brimon (oûránion?) kaqístjv,
kosmjtßv (kosmÉntjv?) †giov. polokrátwr (polupráktwr?), kúrie,
pompov e∆fwtov, túrannov, âstroqjtßv.
I revere you, Helios, who rises in the east, the good sailor, who keeps
faith, the faithful (or celestial) leader, who turns the great (or celestial)
wheel, who orders the holiness (of the planets), who rules over the
stars.21

II
The Talmudic sources join together with other historical testimonies
of various types that, too, depict the vitality of paganism in late antique
Palestine.
Yaron Dan, an Israeli scholar, proved the continuity of pagan rituals
in the region of the Negev (south Israel) until the sixth century.22 There
was a Christian presence in Caesarea and in Jerusalem earlier on, but in
limited numbers, and the Christians in the latter city succeeded in taking
possession of the sacred sites only in the first quarter of the fourth cen-
tury. In January 396 CE the Christian community in Gaza numbered
only 280 souls.23 The cult of Zeus-Marnas was the leading rite in Gaza
in the Late Roman period.24 In Gaza, sanctuaries dedicated to Helios,
Aphrodite, Apollo, Kore-Persephone, Hecate, Tyche, and Heroon still
existed at least until May 13, 402 CE, as we learn from a Christian liter-

21
 D. SPERBER, Magic and Folklore in Rabbinic Literature (Ramat Gan, 1994), 93.
22
 Y. DAN, “Pagans in Southern Palestine in the Byzantine Period,” Byzantine Stud-
ies 1-2 (1996-97), 151-61; idem, Studies in the History of Palestine in the Roman-Byz-
antine Period (Jerusalem, 2006), 22-31 (Hebrew).
23
 MARCUS DIACONUS, Vita Porphyrii 19-20 (trans. H. GRÉGOIRE and M. A. KUGENER
[Paris 1930], 20).
24
 Concerning the identification of Marnas with Zeus, as the god of rain and fertility,
see: ibid., 19:“∂legon gàr tòn Marn¢n kúrion e¤nai t¬n ∫mbrwn,tòn dè Marn¢n
légousin e¤nai tòn Día.” On the cult of this supreme deity in Gaza, see: C. R. CONDER,
“Discovery of a Statue near Gaza,” Palestine Exploration Fund Quarterly Statement
[= PEFQS] (1880), 9; D. SOURDEL, Les cultes du Hauran à l'époque romaine (Paris,
1952), 44; B. LIFSHITZ, “Bleigewichte aus Palästina und Syrien,” Zeitschrift des
deutschen Palästina Vereins 92 (1976), 168-97; G. MUSSIES, “Marnas God of Gaza,”
in: H. TEMPORINI and W. HAASE (eds.), ANRW II, 18, 4 (Berlin–New York, 1990),
2412-57, 2414: “One of the strongholds of paganism which had hitherto completely
escaped imperial repression and Christian violence was the prosperous city of Gaza in
Palestine with the famous cult of its principal deity, the god Marnas”; F. R. TROMBLEY,
Hellenic Religion and Christianization C. 370-529, vol. I (Leiden–New York–Köln,
1993), 208 ff; E. Friedheim, Pagan Cults in Roman Palestine (Ramat Gan, 1995), 130
(Hebrew); et al.

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PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE 405

ary source.25 Pagan festivals were observed in Gaza until the beginning
of the sixth century, and Christianity succeeded in dominating the city
that had been pagan for centuries only by force.26 Besides Gaza, testi-
monies to the existence of pagan rites in the Byzantine period appear in
various locations throughout the religious sphere of Palestine and Syria.
A spring containing many coins from the fourth and sixth centuries is
situated close to Shuni-Miyamas, in ‘Ein Zur, at the southeastern tip of
Ramat ha-Nadiv in the Carmel ridge. Y. Hirschfeld called the spring a
“wishing well,” and he connected this spring with the description of a
similar place by the anonymous Bordeaux Pilgrim in his pilgrimage to
Palestine in 333, that “at the third milestone from Caesarea is Mt. Sina
[= Shuni], where there is a spring, and if a woman bathes in it, she will
become pregnant.” Hirschfeld maintains that this well was unearthed at
‘Ein Zur, and was used for cultic purposes, especially in the fourth cen-
tury, as is shown by the hoard of coins discovered at the site. He also
links the spring and the ritual bathing conducted there with the cultic
system of Shuni-Miyamas, that, too, was associated with the fertility
rites held there at the Maiumas festival in honor of Aphrodite and
Dionysius.27 According to Hirschfeld, the ‘Ein Zur spring was one of
25
 MARCUS DIACONUS, Vita Porphyrii 27 (trans. H. GRÉGOIRE and M. A. KUGENER
[Paris 1930]: 24; ibid, 64: 51)
26 F. K. LITSAS, “Choricius of Gaza and His Description of Festivals at Gaza,”

Jahrbuch des Österreichen Byzantinistik 32 (1982), 429; Y. ASHKENAZI, “Paganism in


Gaza in the Fifth and Sixth Centuries,” Cathedra Quarterly 60 (1991), 106-11 (He-
brew); idem, “Pagan Worship in Palestine during the Byzantine Period,” Michmanim
8 (1995), 63-74 (Hebrew); N. BELAYCHE, “Pagan Festivals in Fourth Century Gaza,”
in: B. BITTON-ASHKELONY and A. KOFSKY (eds.), Christian Gaza in Late Antiquity
(Leiden–Boston, 2004), 5-22.
27 In IOHANNIS MALALAS' (circa 491-578 CE) Chronographia 12: 224-225 (= The

Chronicle of John Malalas, E. JEFFREYS, M. JEFFREYS, and R. SCOTT [Byzantina


Australiensia 4; Melbourne, 1986], 150-51, 198) we read the following: “eîv lógon
t¬n legoménwn ˆOrgíwn, ºper êstì mustßrion Dionúsou kaì ˆAfrodítjv,
toÕt'êstì toÕ legoménou Mañoum¢”; G. DOWNEY, A History of Antioch in Syria from
Seleucus to the Arab Conquest (Princeton, 1961), 234, 444, 456; idem, Ancient Antioch
(Princeton, 1963), 105; Y. HAJJAR, “Baalbek: Grand centre religieux sous l'empire,”
in: H. TEMPORINI and W. HAASE (eds.), ANRW II, 18. 4, (Berlin–New York, 1990),
2500. On the rite of Maiumas in Palestine during the Late Roman period and the early
Byzantine era at Ascalon, see: E. DVORJETSKI, “The Ceremonies of the Maiumas in
Ashkelon during the Roman and Byzantine Periods,” in: A. SASSON, Z. SAFRAI, and N.
SAGIV (eds.), Ashkelon: A City on the Seashore (Ashkelon–Tel Aviv, 2001), 99-118
(Hebrew); D. BAGATTI, “Ascalon e Maiuma di Ascalon,” Liber Annuus 24 (1974), 227-
64. In the heights of Samaria the Maiumas was conducted in the fourth century CE; see:
Y. BRASLAWSKI, “An Unknown Maiumas Sanctuary in the Heights near to Samaria
(Sebastia),” in: idem, For the Survey of our Land: Past and Archaeological Remains
(Tel-Aviv, 1954), 286 ff; 292 (Hebrew). The Maiumas rite existed in Betomarsea-
Maiumas, located on the east side of the Dead Sea (now in Jordan), as we learn from an

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406 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR

the few locations in Palestine in which the fertility rite and water cel-
ebration continued without interruption until the end of the Byzantine
period.28 The pagan cult continued to exist at Mamre at least until the
sixth century, as we learn from the writings of the Church Fathers.29
Eusebius and Jerome relate that in their time the pagans regarded Mt.
Hermon as a sacred mount that was identified with the ancient Baal.30
The village of Rakhle on Mt. Hermon yielded many remains related to
the rite of the Greek-Syrian goddess Leucothea-Atargatis. The finds in-

inscription of the Medaba Mosaic (Bjtomarsea ß k[aì] Maioum¢v), created during


the reign of the emperor Justinian (527-565); see: A. BÜCHLER, “Une localité
énigmatique mentionnée sur la mosaïque de Madaba,” REJ 42 (1901), 125-28; C.
CLERMONT-GANNEAU, “Betomarsea-Maïoumas et les fêtes orgiaques de Baal-Peor,” in:
idem, Recueil d'archéologie orientale, vol. 4 (Paris, 1901), 339-45. At Baalbek, the rite
of the Maiumas probably existed in the Late Roman period; see: H. SEYRIG, “La triade
héliopolitaine et les temples de Baalbek,” Syria 10 (1929), 330 (= idem, Scripta Varia:
Mélanges d'archéologie et d'histoire, E. WILL [ed.] [Bibliothèque archéologique et
historique 125, Paris 1985], 21); R. MOUTERDE, “Cultes antiques de la Coelésyrie et de
l'Hermon,” Mélanges de l'université St-Joseph (Beyrouth) (= MUSJ) 36/2 (1959), 69-73
et al.
28
 Y. HIRSCHFELD, “The Source of Fecundity at Ramat ha-Nadiv," Qadmoniot 116
(1999), 111 (Hebrew); idem, “The Excavations at Horvat Eleq: Architecture and
Stratigraphy," in: idem, Ramat Hanadiv Excavations: Final Report of the 1984–1998
Seasons (Jerusalem, 2000), 337 and Fig. 246.
29
 SOZOMEN, Historia Ecclesiastica II, 4. See also the extensive discussions: A. E.
MADER, Mambre, die Ergebnisse der Ausgrabungen im heiligen Bezirk Ramet el-Halil
in Sudpalästina 1926-1928 (Fribourg, 1957); A. KOFSKY, “Mamre: A Case of a Re-
gional Cult?”, in: idem and G. G. STROUMSA (eds.), Sharing the Sacred: Religious Con-
tacts and Conflicts in the Holy Land: First-Fifteenth Centuries CE (Jerusalem, 1998),
19-30.
30
 EUSEBIUS, Onomasticon 22 (= G. S. P. FREEMAN-GRENVILLE, R. L. CHAPMAN III,
and J. E. TAYLOR, Palestine in the Fourth Century A. D.: The Onomasticon by Eusebius
of Caesarea [Jerusalem, 2003], 20: “Aermon: Mountain of the Amorites which the
Phoenicians call Sanior, and the Amorites call Sanir. They say Mount Aermon is so
called even until today, and that it is venerated as holy by the Gentiles, opposite Paneas
and Libanos”); HIERONYMUS, Liber Locorum, s. v. “Aermon”: “In vertice eius insigne
templum quod ab ethnicis habetur e regione Paneadis et Libani”; R. MOUTERDE,
“Antiquités de l'Hermon et de la Béqa: I. Massif de l'Hermon. Les temples et les ères
en cours à l'époque romaine,” MUSJ 29 (1951-2), 22. In his Historia Ecclesiastica 7, 17
(trans. J. E. L. OULTON, Loeb Classical Library, vol. 2 [London, 1964], 174-75)
EUSEBIUS of Caesarea (265-341 CE) wrote that pagans still venerated the Jordan river as
a god, at Banyas (Gaulanitid) in the fourth century CE, when they threw an animal in the
spring of the river. See: Z. U. MA'OZ, Baniyas in the Greco-Roman Period: A History
Based on the Excavations (Qazrin, 2007), 10-13, 12: “The sacrifice of cut-throat ani-
mals onto the water at the Paneion and not just offerings of vetements, vessels or cake
(Aphca, Yarmouk) was an outstanding phenomenon compared with other hydromantaea
in the region. It could not have originated in Greek, Phoenician or Israelite custom in
which the sacrifice is divided between the Gods and men in stylized ceremony. If it is
not a barbaric rite invented locally, it may have been influenced by offering to the River
Nile in Egypt.”

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PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE 407

clude a dedicatory inscription to Leucothea dated to 360 CE.31 The tem-


ples in the Hermon area continued to exist in the Byzantine period,
when Christianity already predominated as the official religion of the
empire; thus, for example, in Mount Senaim, Kafr Dura, and Bir
Ansoba, that yielded some numismatic finds from the time of Ptolemy
the son of Menaios (85-40 BCE) and some coins from the time of the
emperor Heraclius (610-641 CE). An altar dated with almost certainty to
530 CE with depictions of many gods, including the Arab sun and moon
gods, ‘Azizos and Monimos, above the kosmokrator god identified with
Helios, was discovered at Mualaqat-Zakhle in the Lebanon Valley.32
The well-known rite of Jupiter Heliopolitanus at Baalbek continued un-
til the time of the Christian emperor Tiberius II (578-582 CE), who
finally closed the gates of the pagan temple.33 Polytheistic rites were
most likely practiced in Berytus until the fifth century.34 A Mithraeum
was still active in Sidon during the years 389-390 CE.35 A Nabatean
temple of Dushara-Dionysos was active in Gerasa (in the Decapolis area
in Transjordan) apparently until the second half of the fourth century.36
Significantly for our discussion, epigraphic testimony from 535 CE at
the pool in Canatha indicates the existence of the Maiumas festival in
the city.37 The purpose of this bathing was probably twofold: to purify
oneself, and to acquire magical powers.38 Christianity found it difficult

31 MOUTERDE, Cultes antiques, 79 no. 17.


32 MOUTERDE, op. cit., 77 no 16. The altar should most likely be dated to the
Seleucid year 841. It therefore was established in 530/540 CE, but Mouterde left a ques-
tion mark beside the date. It might be slightly older, but it undoubtedly belongs to a late
period; cf. J. P. REY-COQUAIS, Inscriptions grecques et latines de Syrie, vol. 6: Baalbek
et Beqa (BAH 78; Paris, 1967), 219 no. 2962, who refutes this dating, although he does
not provide any convincing alternative. Thus, the finds constitute decisive proof of the
existence of pagan rites in the Lebanese Beka until the sixth century CE, at the very
least.
33
 Y. HAJJAR, La triade d'Héliopolis-Baalbek, vol. 3 (Montréal, 1985), 383; R.
MACMULLEN, Christianisme et paganisme du IVème au VIIIème siècle (Paris, 1998), 47.
34 R. MOUTERDE, Regards sur Beyrouth (Paris, 1966), 39.
35 F. Cumont, Textes et monuments relatifs au culte de Mithra, II, (Bruxelles 1896-

9), 191; Idem, Les mystères de Mithra, (Paris 19854), 32, 240; E. WILL, “La date du
Mithreum de Sidon,” Syria 27 (1950), 261-69; Sourdel, Les cultes, 93 and note 5;
M. DUNAND, ‘Rapport préliminaire sur les fouilles de Sidon en 1964-1965', Bulletin
du musée de Beyrouth, 20 (1967), 29; R. BAECK, ‘Mithraism since F. Cumont', in:
H. Temporini & W. Haase (eds.), ANRW II, 17/4, Berlin – New York 1984, 2013;
R. TURCAN, Mithra et le Mithriacisme (Paris, 1993), 35.
36 C. B. WELLES, “The Inscriptions,” in: C. H. KRAELING (ed.), Gerasa: A City of

the Decapolis (New Haven, 1938), 62-63, 217-18.


37
 C. C. MACCOWN, “The Maiumas Inscription, Pool and Theater at Jerash,” Atti
XIX Congr. Intern. Degli Orientalisti (Rome, 1938), 685-89.
38 R. MACMULLEN, Paganism in the Roman Empire (New Haven–London, 1981),

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408 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR

to take root, not only in Jewish areas and the large cities, it also faced
obstacles, possibly even greater ones, in spreading throughout rural
regions such as the Auranitid (= Hauran) and the Trachonitid (= Ledja),
in present-day Syria.39 A temple of Zeus Aniketos Helios (= the god of
the ancient village of Aumos (Diòv ˆAnikßtou ¨Jlíou qeoÕ Aumou)
was active in the village of Deir el-Leben, in the Trachonitid area, in the
end of the fourth century CE;40 and a temple of Tyche existed at the be-
ginning of this century in the village of Kabab, as is taught by an epi-
graphic source.41 In the villages of Anz and Juneineh in the Hauran in-
scriptions (March 5, 362 CE) were found commemorating the reopening
of the temples according to the edict of the emperor Julian (361-363
CE), who attempted to rid the empire of Christianity while bringing
back ancient pagan worship.42 A Mithraeum, from the fourth-fifth cen-
turies CE, was active in Hawarti at the north of Apamea.43

In summation, in the uniform picture provided by the late Rabbinic


sources, Christian texts, and the archaeological finds, pagan worship
continued to exist in Palestine, and in the Syrian area, for some time
after the pagan Roman empire embraced Christianity as its official, and
sole, religion. In that respect, Palestine did not differ from the other
provinces of the empire. Christianity prevailed slowly, and was not

21: “The Maioumas, a notorious set of rites at Gerasa, brought women out of the town
to a sacred pool in the suburbs, there to bathe naked, that is, to be purified and magicked
in some way never really described, before the stare of the townsfolk.”
39
 F. R. TROMBLEY, Hellenic Religion and Christianization C. 370-529, vol. 2
(Leiden–New York–Köln, 1994), 358: “The lack of consistency shown in the inscrip-
tions of Djebel Hauran about the acceptance of Christianity is partly a consequence of
villages […] where the civic board […] unrelentingly resisted the advance of the new
religion […] With the exception of Bosana, where the Church encountered sharp politi-
cal opposition in the late fourth century, the new religion grew slowly or hardly at all
until the second quarter of the sixth century, when the imperial government forced the
issue in accordance with the Justinianic laws of 529 on Hellenic religion.”
40 SOURDEL, Les cultes, 54 and n. 4; TROMBLEY, Hellenic Religion, 375-76.
41 W. H. WADDINGTON, Inscriptions grecques et latines de Syrie, vol. 1 (Paris, 1870),

no. 2514; A. G. WRIGHT and A. SOUTER, “Greek and other Inscriptions Collected in the
Hauran by the Rev. W. Ewing,” PEFQS (1895), 52; R. E. BRÜNNOW and A. von
DOMASZEWSKI, Die Provincia Arabia, vol. 3 (Strassburg, 1909), 331; Sourdel, Les
cultes, 51 and n. 1: “¨Upatíav DiokljtianoÕ tò j' MazimianoÕ tò h' Se(bast¬)n
Aûr(ßliov) Ourov Aouidou bou(leut®v) tò tux⁄on êz eîdíwn êpójse.” The dating
is 303 CE.
42 A. SARTRE-FAURIAT, “Cultures et sociétés dans le Hauran,” Syria 75 (1998), 223

n. 157.
43
 M. GAWLIKOWSKI, “Hawarti, Preliminary Report 1998," Polish Archaeology in
the Mediterranean [= PAM], 10, Reports 1998, (Warsaw 1999), 198-204; idem, PAM,
11, (Warsaw 2000), XXX.

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PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE 409

always successful in eradicating the idolatrous practices that were firmly


embedded in the religious consciousness of its new converts, despite the
bitter and harsh antipagan struggle waged by the Church Fathers, such
as Tertullian in the second century and Firmicus Maternus in the fourth.
This being the case, the Christians were frequently forced to Christian-
ize pagan customs.44

44
 Although the question of the Christianization of pagan practices and cults is too
complex an issue to be mentioned in passing here, we decided, nevertheless, to provide
some Eastern examples. In Byzantine Egypt, Isis Lactans became Maria Lactans, see:
V. TRAN TAM TINH, Isis Lactans: Corpus des monuments gréco-romains d'Isis allaitant
Harpocrate (EPRO 37; Leiden, 1973), 210 ff; F. DUNAND, Isis: Mère des dieux (Paris,
2000), 161-68. On the possible resemblance between the mysteries of the metroac cult
and Christianity, see for instance: A. T. FEAR, “Cybele and Christ,” in: E. N. LANE
(ed.), Cybele, Attis and Related Cults: Essays in Memory of M. J. Vermaseren (Reli-
gions in the Graeco-Roman World 131; Leiden–New York–Köln, 1996), 37-50; esp.
39, 40; P. BORGEAUD, La Mère des Dieux: de Cybèle à la Vierge Marie (Paris, 1996),
182-83. For assimilations, albeit superficial, between Mithraic rites with early Christian-
ity, already in the second century CE, see: JUSTIN MARTYR, Apolog., I, 66; idem,
Dialog. contra Tryphon., 70, 78; TERTULLIAN, De praescr. Haeret, 4; idem, De cor., 15;
idem, De bapt., 5; PSEUDO-AUGUST., Quaest vet. Et nov. Test., 114; and also: J.
DUCHESNE-GUILLEMIN, “Die Magier in Bethlehem und Mithra als Erlöser?”, Zeitschrift
des deutschen morgenländischen Gesellschaft 36 (1961), 472-77; F. CUMONT, Les
mystères de Mithra (Paris, 19852), 199. Et al.

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4102010 - T. 117-3 (pp. 410-429).
RB. RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

GAMING DICE AND DICE FOR


PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST
IN LIGHT OF THE FINDS FROM MOUNT EBAL
BY
Dr. Ron BEERI & Dr. Dror BEN-YOSEF
Zinman Institute of Archaeology
University of Haifa
Mt. Carmel, HAIFA 31905
ISRAEL
Beeri-mr@013.net & drorb@hazorea.org.il

SUMMARY
The article deals with a unique, white stone die that was found in the
excavations at the site at Mount Ebal. Following a description of the die is a
discussion about its possible functions based on a comparison with similar
archaeological artifacts and written sources. Similar dice to that from Mount
Ebal were found in Mesopotamia, Syria and Egypt from the third and second
millennia BCE. In most instances these dice were used with game boards.
However, beginning from the first millennium BCE, dice found in written
sources and archaeological contexts in the Land of Israel and Syria were also
used for prognostication. It seems that the die from Mount Ebal belongs to this
category.

SOMMAIRE
L’article présente un dé en pierre blanche qui a été trouvé dans les fouilles
sur le Mt Ébal. Après une description de ce dé, vient une discussion sur son
utilisation, à partir de comparaisons avec des objets similaires et les textes
anciens. Des dés semblables ont été trouvés en Mésopotamie, Syrie et Égypte,
du troisième au deuxième millénaire av. J.-C. Dans la plupart des cas, ces dés
étaient utilisés comme jeux. Toutefois, à partir du premier millénaire, certains
dés furent trouvés en contextes archéologiques et évoqués dans des textes, en
Israël et Syrie, — ce qui montre qu’ils ont été aussi utilisés pour les présages.
Il semble que le dé du Mt Ébal appartienne à cette catégorie.

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GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 411

In 1985 a trapezoidal object, ascribed to the end of the Late Bronze


Age-beginning of the Iron Age, was discovered in the excavations at
Mount Ebal (Locus 249). This artifact was first studied by B. Brandle
(1986-1987, 170-171) who identified it as a stone stamp. Brandle does
not explain why he interprets this object as a stamp.
The authors, who reexamined the artifact, propose identifying the ob-
ject as a die. The new proposal is based on the following three assump-
tions:
1. The object is made of very soft white chalk and it is unlikely that
it was used as a seal.
2. It has six faces and eight vertices and all of the faces differ from
one another.
3. Some of the faces seem to be numbered (see below).

Figure I: The die from Mount Ebal 2 and its location


in the main building (Drawing by Sapir Hadd).

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412 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

The die (Fig. I) was found in Stratum II, in the northern corner of the
main building, above the bedrock (Fig. I). A chalice made of scoria
(Fig. II:3)1, a ceramic goblet (Fig. II:1) and the bottom part of a krater
(Fig. II:2) were discovered along side it. The last two objects may have
been used to cast lots (goral in Hebrew). The krater was adapted for
secondary use as a kind of funnel; its base was severed from the vessel
and an elliptical opening was drilled in its center (Figs. VIa-VIb). The
drilling was meticulously done and its diameter is slightly wider than
that of the die.
The die, along with other objects, could have been placed into the
krater and then removed one after the other through the opening. Hence
it is reasonable that the entire group be seen as a kind of favissa in
which several objects associated with each other were buried. One can
assume that the group of objects was intentionally buried together and
covered over with the layers of fill of the main building in Stratum I.
The die from Mount Ebal is unique both among the assemblage of
dice in general and prognostication dice in particular (see below). This
determination is supported by the unique combination of pips and
graphic markings that are engraved on the die and which have symbolic
meaning (see Fig. I and compare it to the other dice presented in
Figs. III, IV and V)2. On three of its six faces there are perforated pips
(1, 5, and 7) and we can assume that these were markings that were
agreed upon as numbers.
Most of the dice from the Late Bronze Age and the Iron Age in the
Land of Israel come from assemblages that can be interpreted as cultic.
In light of the above we believe that the die from Mount Ebal was used
to cast lots in some sort of cult related ceremony.

I. Description of the Die


Location: Area A; Stratum II; Locus 249 (the northern corner of
the main building); Registration No. 2249.
Material: White, friable chalk (mineral composition: calcite with
trace amounts of magnesium).
Manufacture: local.
State of Preservation: good.

1 A dark alkaline igneous rock frequently composed of basalt. The rock is very

poriferous due to bubbles of gas trapped in it during the rapid cooling of lava. It is
formed from cinders ejected from a volcano (Mazor 1994: 462).
2
 The die from Tell al-‘Umayri, if it is indeed a die, incorporates pips that have a nu-
merical value with graphic markings that have meaning.

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GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 413

Figure II: Artifacts that were discovered near the die:


1. the goblet; 2. the perforated base of the krater; 3. the small scoria chalice
(Drawing by Sapir Hadd).

The die was carelessly made and has six faces and eight vertices.
Two of the faces, which are square and wide (A and C), are perpendicu-
lar to the other four which are narrow and rectangular (B, D, E-F).
The faces, which are sloppily fashioned, are not completely congru-
ent and each is differentiated by incised patterns and the number of pips
which represent it. On Face F there is at least one pip; on Face C five
pips; and on Face B seven pips. Faces B and C have a combination of
incising and pips and on Faces A, D and E there is only incising.
Face A (Fig. I-A) is square and parallel to Face C and measures 21.66
x 22.93 mm3. It is incised with a straight center line that bisects it and
with straight and curved lines on both its sides which form a vague tree-
like pattern. A somewhat similar pattern was found on the base of a seal
from Tell ‘Umayri, which is dated there to the Iron Age IIC (Eggler/
Herr/Root 2002, 246-247, No. 15; Keel 2006, 318-319, No. 13).

3
 Maximum dimensions of the face.

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414 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

Face B (Fig. I-B) is rectangular and measures 14.24/15.50 x


22.30 mm. Its two narrow sides are slightly broken and it is incised with
a rectangular pattern that resembles a door (Brandle 1986-1987, 171) or
a bema. In the center of the face there are seven round drillings arranged
in three lines which may symbolize the number 7. A seal with a similar
pattern was found at Khirbat al-Mudayna in Eastern Transjordan
(Daviau/Dion 2002, 41, Fig. 7: 4). Another similar pattern is engraved
on a broken stone seal from Tell ‘Umayri, which the site’s excavators
ascribed to the Iron Age I (Eggler/Herr/Root 2002, No. 30; Keel 2006,
352-353, No. 74).
Face C (Fig. I-C) is square and measures 22.30 x 23.50 mm. It is in-
cised with a trapezoid pattern it in which there are round drillings that
resemble the number 5 – ⬊ ⬊. The trapezoid frame is composed of four

incised sides and is bisected by a vertical center line that is intersected
by a short horizontal line. These divide it into two symmetrical units
each consisting of a rectangle and a square. Next to the corners of the
trapezoid are four round drillings, in the form of ⬊⬊, which were hap-
hazardly matched to each of its corners. In addition to these there is a
fifth drilling in the center of the face. Similar drillings arranged in geo-
metric shapes were found on seals from Khirbat al-Mudayna, which are
ascribed in general to the Iron Age II (Daviau/Dion 2002, 40-43, Figs.
7:3-4, 7, 10, 13; Keel 2006, 122-123, No. 4; 123-125, Nos. 4, 8-9) and
at the citadel in Arad IX (Amiran/Aharoni 1967: 24, Fig.16; Herzog
1997, 168-169, Fig. 31).
Face D (Fig. I-D) is rectangular and measures 12.20 x 23.50 mm.
A reticulated pattern comprising three horizontal lines that intersect two
vertical lines is incised on it. The incisings form 12 symmetric rectan-
gles that are arranged in four vertical columns and three horizontal
rows. An excellent parallel of this pattern was found at Tell ‘Umayri
where it is ascribed to the sixth century BCE (Eggler/Herr/ Root 2002,
270-271, No. 50).
Face E (Fig. I-E) is rectangular, measures 15.45 x 22.30 mm and is
rather worn. Two parallel lines are incised lengthwise through its center.
Face F (Fig. I-F) is rectangular, measures 13.60 x 19.88 mm and is
partly broken. It has at least one drilling along its broken edge.

The order of the faces: the faces of the die are arranged in a manner
such that the number 5 on Face C and its incised pattern are engraved

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GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 415

opposite the “tree” on Face A. The number 7 on Face B is incised oppo-


site the twelve squares on Face D and Face E, with the two parallel
lines, is opposite Face F, which is broken (the number 1?).

II. Dice among the Archaeological Finds


From the third millennium BCE until the beginning of the first
millennium BCE there are at least three kinds of polyhedrons4 that we
know of from Mesopotamia and the Levant: the tetrahedron consisting
of four equilateral triangles (Fig. III:1), the hexahedron consisting of six
square faces and the octahedron consisting of eight equilateral triangles
(Fig. V: 9). The faces of the polyhedrons were usually congruent and
numbered with perforations. Each one of the faces was equilateral
which gave an equal chance for every result after it was cast.
Groups of pips from 1 to 6 were incised in the faces of the dice,
and we can assume that these marks were meant to signify numbers.
Already in the third millennium BCE in Mesopotamia they understood
that when a tetrahedron or octahedron is cast it is difficult to decide un-
equivocally which of it faces is the upper face so that these polyhedrons
were not suited for games of chance. Unlike these two polyhedrons the
cube (or the die) is the only regular geometric body whose form is suit-
able for games of chance: on the one hand it does not roll easily, but on
the other, when it is tossed it comes to rest in such a way as to leave no
doubt to which of its surfaces is the upper surface.
Polyhedrons in general and the cube in particular have been found in
Mesopotamia, Egypt and the Levant dating from the beginning of the
third millennium BCE until the modern era. We believe these dice (and
polyhedrons) were divided in to two groups that were used for different
purposes: A. dice for board games; B. dice for casting lots.
II.1 Dice for board games:
Syria and Mesopotamia. Various dice that resemble those we use to-
day were found in Mesopotamia and date to the beginning of the third
millennium BCE. The dice are similar to modern dice except they lack
the strict convention whereby the sum of the pips of every two opposing
faces adds up to the number 7 (Hallo 1983, 22)5.
4
 The polyhedron is a three dimensional body composed of at least four faces which
form a closed body.
5
 The die that was found at Tel Dan is the first we know of that maintained this com-
bination whereby the sum of the pips on every two opposing faces adds up to the
number 7 (see below).

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416 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

Figure III: Dice and a game board from Syria and Mesopotamia:
1-2. Ur (Woolley 1956, Fig. 7:a-b); 3. Tape Gawra (Speiser 1935,
Pl. XXXVII: a); 4. Nippur (McCown / Haines 1967, Pl. 153:11); 5. Ashur
(Hallo 1983, 19); 6. Tell Arbid (Bielinski 2001, Fig. 2).

We can assume that the Mesopotamian dice were used to determine


the course of a game, similar to the three tetrahedrons which were dis-
covered with a game board in Tomb PG/513 from the Early Dynastic III
at Ur6 (Woolley 1934, 276, Pl. 95b; Pritchard 1954, No. 212 and below
Fig. III:1).
The earliest Mesopotamian die we know of was found at Tape Gawra
VI7 (Fig. III:3). The drilled pips in the die are arranged so that the
number 2 is located opposite the number 3; 4 is opposite 5 and 1 is op-
posite 6 (Speiser 1935, Pl. XXXVII:a; Dales 1968, 18).
6
 Woolley ascribed the die to the middle of the third millennium BCE (Woolley 1934).
7
 Speiser (1935: 19) ascribes it to the beginning of the third millennium BCE.

93723_07_Beeri 416 06-29-2010, 11:00


GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 417

A “broken clay die” was also found at Tell Asmar. According to


Frankfort this was one of the possessions that belonged to a coppersmith
who placed his objects in a closed ceramic vessel beneath the floor of a
room from the Akkadian period (Frankfort 1933, 47-48).
Two other dice (besides the three tetrahedrons mentioned above)
were found at Ur (Fig. III:2a-b): one is only 5 mm in diameter and is
made of bone. The drillings in the die are extremely shallow and it is
difficult to discern the numbers of its faces and their relative order.
Woolley (1956, 44, Fig. 7:a) dated this miniature die to the I Dynasty at
Ur (i.e. Early Dynastic III). The second die (Ibid, 44, 79, Fig. 7:b),
which is made of gray clay, was found in Pit X in the Royal Cemetery.
The faces of the die, which are marked, are arranged with the number 1
opposite 2, 3 opposite 6 and 4 opposite 5 and in Woolley’s opinion it
can be dated to the beginning of the Early Dynastic III period to the
Ur III period (Ibid; Dalles 1968, 18).
Another stone die was found in the ash fill that is ascribed to the post-
Akkadian layer at Tel Arbid VI8. The die is “twice as big as a modern
one” and five of its six faces are engraved with pips arranged as fol-
lows: 1 opposite a smooth face, 2 opposite 4 and 3 opposite 5 (Bielinski
2001, 318, Fig. 2; and below Fig. III:6).
One more die made of burnt clay was found in the “Scribes Quarter”,
which is identified with the Kassite period at Nippur (Phase VII). The
faces of the die are arranged such that X (1?) is opposite 2; 3 is opposite
6 and 4 is opposite 5 (McCown/Haines 1967, Pl. 153:11; below
Fig. III:4).

EGYPT. Until now only five dice have been found in Egypt, all of
which are ascribed to the New Kingdom. Three of these were not in situ
and were discovered in the “rubbish heaps” of the Temple of Deir
el-Bahari. In Carter’s opinion the dice date to a period of time that is
no later than the XVIII Dynasty (Carnarvon/Carter 1912, 58, No. 1).
Another die, which is ascribed to the XX Dynasty, was found at Lisht
(Hayes 1959, 405).
We can assume that the dice from Egypt, like those of Mesopotamia,
were used for board games. We know of three different board games
from the time of the I Dynasty (Redford 2001, 2). The most popular of
them was znt (“passing”), which was documented in Egypt, Mesopota-
mia and Canaan from the Pre-dynastic period until the Roman period

8
 Bielinski (2001, 317-318) ascribes it to the end of the third millennium BCE.

93723_07_Beeri 417 06-29-2010, 11:00


418 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

Figure IV: Dice from the Land of Israel:


1. Tell Beit Mirsim (Albright 1938, Pl. 21: b); 2-3 Tell el-Ajjul
(Petrie 1933, Pls. XXVIII: 10-17; 1934, XXXVI:21-28).

(IDEM)9. The dice used in znt were trapezoidal, unlike the square
shaped dice we are familiar with today. A trapezoid die that was found
with a znt board in Grave Z491 at Zawiyet el-Aryan is ascribed to
the early XVIII Dynasty (Boston Museum of Fine Arts, 1982, 266-267,
Fig. 370). Similar dice were found in the Land of Israel at Tell Beit
Mirsim and at Tell el-Ajjul (see below).
9 The earliest description of a znt game was found at Saqqara, in the tomb of the no-

bleman Hesy-Re which is ascribed to c. 2600 BCE. A board game with astragals from
the XII Dynasty was found in Thebes, in the tomb of Ren-seneb (Carnarvon/Carter
1912, 56 – 59, Pl. 50, 1-2, Fig. 14; Gadd 1934, 45-50; Pritchard 1954, No. 213). Znt
boards, without dice, were found in Egypt and Canaan in contexts that are dated to the
first half of the third millennium BCE (Sabbane 1991; Redford 2001, 2-3). For board
games in Mesopotamia and the Levant see Ellis /Buchmann, 1966).

93723_07_Beeri 418 06-29-2010, 11:00


GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 419

LAND OF ISRAEL: Trapezoid shaped dice for board games were found
in Canaan in assemblages that are ascribed to the first half of the second
millennium BCE. An ivory die was found in the “Patrician house” at
Tell Beit Mirsim D (Albright 1930, 6, 9; 1933; 1938, 48, Pl. 21b; above
Fig. IV:1). The face of the die’s base is wide and the narrow opposing
face is not marked, whereas the four faces perpendicular to them are
numbered from 1 to 4 with perforations or “eyes”. The die was found
not far from ten stone trapezoid game pieces and an inlaid game board
(Albright 1933; 1938, 49).
Sixteen other trapezoidal dice were found at Tell el-Ajjul (Petrie
1933, 11, Pl. XXVIII:10-17; 1934, 11, Pl. XXXVI:21-28; above
Fig. IV:2-3). The dice, most of which are marked from 1 to 4, resemble
each other and it seems that they were used in a table game which is
similar to that of Tell Beit Mirsim. Five of them are made of limestone
and eleven are of ivory. Five of the dice are marked as follows: 1 oppo-
site 3, 2 opposite 4 and a smooth face opposite a smooth face; two dice
are marked 1 opposite 3, 2 opposite 4 and 1 opposite a smooth face;
three dice are marked 1 opposite 2, 3 opposite 4 and a smooth face op-
posite a smooth face; three dice are marked 1 opposite 2, 3 opposite 4
and 1 opposite a smooth face; one die is marked 1 opposite 4, 2 oppo-
site 3 and a smooth face opposite a smooth face. One die is marked 5
opposite 5, an X (1?) opposite X and two sets of opposing smooth faces.
Another die has six smooth faces.

EASTERN TRANSJORDAN: A conical, cylindrical, seal-like object or die


was found at Tell‘Umayri in a building thought to be an “Ammonite
citadel” (Lawlor 1989, 233-244)10. Like the die from Mount Ebal, this
one has incised patterns that include perforations: one of its faces has
one perforation and another face has four perforations. Another face
combines engravings and perforations which are set within an incised el-
lipse: on the upper part of the face there are three perforations arranged
in a row and an h-like pattern (a chair?) is engraved on a row below
them. On either side of the h-like pattern are vertical lines whose upper
part is bent to the right (Platt 1989, 355, 360, Fig. 20:5, Object no. 110;
Eggler/Herr/Root 2002, 240-241, No. 7; Keel 2006, 314-315, No. 6).
II.2. Dice in cultic archaeological contexts – prognostication dice/puru?
According to our line of reasoning the prognostication dice/puru are
dice that are marked with perforations and which were found in contexts
10
 The object was found at Tell al-‘Umayri, Area A, Square 7K51.

93723_07_Beeri 419 06-29-2010, 11:00


420 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

that can be interpreted as cultic (Fig. V). Exceptions to this rule are the
die from Mount Ebal, which has both graphic symbols and numerical
perforations, and the Assyrian die for which there is explicit written evi-
dence indicating it was used for prognostication (Fig. III: 5).
In the Land of Israel and Syria a number of dice were found in cultic
assemblages, all of which date to the end of the Late Bronze Age or the
Iron Age. We believe that these dice were used in divination:

DICE FROM THE LAND OF ISRAEL. A blue die made of faience was
found in the cultic compound at Tel Dan, in the phase that is ascribed to
the eighth century BCE (Biran 1994, 199, Fig. 157; below Fig. V:8).
The die was found north of the altar room and it would appear to be
connected to cultic practice. The excavation director, Biran (1994, 199),
explained that the die may have served the priests in divination. Its de-
sign is similar to the dice that are used in modern games and it consists
of six congruent faces inlaid with white pips that indicate a numerical
value of 1 to 6. The arrangement of the numbers on the die is such that
the sum of the pips on any two opposing faces is equal to 7; thus the
number 1 is marked opposite the number 6, 2 is opposite 5 and 3 is op-
posite 4.
Two die-like objects were found at Megiddo in what may be a cultic
context. One (Fig. V:5), which is made of marble and was not found in
situ, was discovered in the area of the temples (Area BB, Square O/14).
The die has two opposing faces with 8 and 9 perforations and the rest of
the faces have 3 perforations. The second die, which is made of steatite,
is a cylindrical object that was used as a seal or die (Fig. V:7). At least
one of its faces is marked with 11 perforations. The object was found in
what is clearly the cultic assemblage of Building 2081, which the Uni-
versity of Chicago expedition ascribed to Stratum Va (Lamon/Shipton
1939, Pl. 77:17; Loud 1948, 44-46, Pl. 163: 23, Figs. 101-102)11.
An ivory die with six faces that is marked with perforations was
found in Area H at Hazor (Yadin et al. 1961: Pl. CCCXXXVI:15; be-
low Fig. V:5). The die was found in Square E/8, in the area of the tem-
ples, and it can be attributed to the objects of one of the temples even
though there is no notation regarding its strategraphic location.
An ivory octahedron whose eight triangular faces are numbered with
perforations was found at Tell Balata (Shechem). Sellin ascribed this
11 Kempinski (1993, 178), who compared the assemblage from the room with the

cultic assemblage at Arad, suggested that both of them were meant for use in worship-
ping Yahweh, the official divinity of the United Kingdom.

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GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 421

unique object to Silo 5900, which dates to the 9th-8th centuries BCE
(Wright 1964, Fig. 83; below Fig. V:9). But the octahedron may have
“come up” from the Canaanite Fortress Temple 2 whose ruins were
used as the foundation of the Israelite administrative building (Idem,
145-147: Fig. 10, 7312). It should be noted that the Sellin expedition
(1926-1927) found it difficult to separate the finds of the Canaanite tem-
ple from those of the Israelite building.
Another die, which was made of kaolin, was found in Stratum III at
Lachish (below Fig. V:4). This die has six congruent faces inlaid with
white pips numbered from 1 to 6 (Aharoni 1975, L27, p.16, Pls. 15:7;
58). The die could have come from the foundation trenches of the Sun
Temple (Strata Ia-B), which are located beneath where it was discovered.

A DIE FROM ASHUR. An Assyrian clay die from the time of


Shalmaneser III (27 x 27 x 28 mm) was found bearing a cuneiform in-
scription that identifies it as a puru die of an eponym by the name of
Iahali (Ferris 1937, Vol. IX, No. 73; above Fig. III:5).

III. The Casting of Prognostication Dice in the Sources


The prognostication die from Ashur, the prognostication dice from
Mount Ebal and Tel Dan belong, by way of conjecture, to practices re-
ferred to in the Bible as “casting lots” and “Urim and Thummim”, in
the Scroll of Esther as pur (lot) and as puru in Akkadian.
The casting of lots in general and casting a die in particular was done
in order to select one possibility from a variety of decisive possibilities.
The lot was meant to “indicate” one possibility, “objectively” and cor-
rectly, out of a variety of possibilities. It was based on the belief that a
divine power was involved in casting the lots or casting the die. There
are four methods of divination that were practiced by ancient people: A.
the interpretation of dreams; B. observing an object (hepatoscopy13,
looking at oil on water, watching a flight of birds, the stars, etc; C. cast-
ing lots (such as belomancy, wooden sticks dice, astragals and the lot
which falls is the one that decides); D. drawing a lot from inside a con-
tainer14. In any case deciding by lots was believed to be the will of god
and his righteous judgment (Loewenstamm 1954, 459).
12
 Figure 10, 73 is a copy of an illustration by G. Welter (1930) who was Selln’s as-
sistant in the excavations at Shechem in 1926-1927 and also served as the director of the
excavation for a number of years.
13 Inspecting a liver.
14
 The different methods of divination are clearly expressed in the Book of Ezekiel
Chapters 21 and 26 and in the Akkadian text STT 73 (Reiner 1960).

93723_07_Beeri 421 06-29-2010, 11:00


422 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

Figure V: Dice from the Land of Israel:


4. Tel Lachish (Aharoni 1975, Pl. 15: 7); 5. Tel Hazor (Yadin et al. 1961:
Pl. CCCXXXVI: 15); 6-7. Tel Megiddo (Lamon/Shipton 1939, Pl. 77: 17;
Loud 1948, Pl. 163: 23); 8. Tel Dan (Biran 1994, Fig. 157); 9. Tell Balata-
Shechem (Wright 1964, Fig. 83).

III.1. The casting of lots in the Bible


A divining cup is mentioned in one of the stories about Joseph: “Is it
not from this (the cup) that my lord drinks and by this that he divines?”
(Genesis 44:5). A explicit reference to the casting of lots and Provi-
dence, the results of which determine divine judgment, appears in the
Book of Proverbs (16, 33): “The lot is cast into the lap, but the decision
is wholly from the Lord”. From this one can conclude that even though
man conducts the divination ceremony it is God that ultimately stands
behind it. In the case of Joshua and Achen it is the Lord who initiates

93723_07_Beeri 422 06-29-2010, 11:00


GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 423

and demands that Joshua cast a lot in order that he himself will arrive at
who was guilty of treachery (Joshua 7:16-21). They also would use lots
in determining the organization of the priests in the temple. In I Chroni-
cles (24:5) it says that they used lots to divide the functions among the
fathers’ houses of the priests, the poets (25:8) and the gatekeepers
(26:13)15. Casting lots was also used on Yom Kippur to decide which
of two male goats would be sacrificed on the altar as a sin offering to
the Lord and which would be sent away into the wilderness to Azazel
(Leviticus 16:8-10). There are other events that are described in the
Bible which were determined by casting lots: after the Land of Israel
was conquered lots were cast to divide it among the tribes of Israel and
their families (Numbers 26:55-56; 33:54; Joshua 14-19): “and Joshua
cast lots for them in Shiloh before the Lord; and there Joshua appor-
tioned the land to the people of Israel, to each his portion” (Joshua
18:10)16 and this is also how the Levite cities were divided (Joshua
21:4, 6, 10-20). The selection of Saul as king was done by casting lots
(I Samuel 10:20-22) and the king cast lots which determined that
Jonathan violated his oath to Saul (I Samuel 14). Lot is also the term
used regarding the reward and punishment that man will receive at
the time of redemption and the coming of the Messiah (Isaiah 34:17;
Daniel 12:13).
According to the Bible pagans also practiced casting lots: in the
Scroll of Esther (3:7) it says that “they cast Pur, that is the lot, before
Haman day after day; and they cast it month after month” in order to
know when would be the best date to carry out his intention to annihi-
late the people of Israel. The combination of “cast Pur”, implying a lot,
is repeated again in the scroll: “For Haman… had cast Pur, that is the
lot, to crush and destroy them” (Esther 9:24).
III.2. The casting of lots in non-biblical sources
In Akkadian puru is one of the names for lots. According to the Baby-
lonian Epic of Atrahasis “the gods held a bottle (or a jug with a long
neck), cast lots and divided it (the universe)” Kutam ihuzu letisha/isqam
iddû ilu izzuzu (Soden 1969, 421; 1971, 100; 1978, 55; Hallo 1983, 21).
In Assyrian documents from Cappadocia, in documents from the
Middle Babylonian period from Nuzi and in the laws of Middle Assyria
15 During the Second Temple period the priests, Levites and the people cast lots to

determine the order for bringing the wood offering (Nehemiah 10:35).
16
 Compare this with the division of the universe in the Babylonian Epic of
Atrahasis.

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424 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

– the word puru had the connotation of lot or estate. In Sumer and in
Akkad they would cast lots to divide the property of a person who died
intestate (Hallo 1983). This meaning is also repeated in a number of
documents that are ascribed to the Neo-Assyrian period and the Neo-
Babylonian period (Tadmor 1971, 446-447; Lewy 1938; 1942, 210-
211, No. 6).
The name pur is derived from the Sumerian word bur, which means
bowl. Among other things, they probably used a stone die for casting
puru which they would toss in a bowl in an act of divining (Tadmor
1971, 447; Hallo 1983). In Hallo’s opinion the deep bowls with
cuneiform inscriptions that were found at Lagash were used as bowls for
casting lots (Hallo 1983, 21). It is possible that the base of the krater
which was found next to the die from Mount Ebal was used for the same
purpose (See Fig. VIb).
In Ashur they used puru to choose the Limmu, which was the epo-
nym used to refer to the year. Thus for example, when Shalmaneser III
was chosen king of Assyria (858-824 BCE) his selection as leader was
considered to be fate. On a clay die from the time of Shalmaneser III,
the lot of the eponym is written as Iahali (Fig. III:5). On the faces of the
die is written “Oh Assur the great lord oh Adad the great lord, the lot of
Iahali the grand vizier of Salmaneser king of Assyria, governor-of-the-
land (for) the city of Kibshuni (in) the land of Qumeni, the land of
Mehrani, Uqu and the Cedar Mountain, and minister of trade – in his
Year assigned to him by lot may the harvest of the land of Assyria pros-
per and thrive, in front of the gods Assur and Adad may his lot
fall“(Hallo 1983, 20; 1983b, 27 based on Ferris 1937 Vol. IX, No. 73;
Michel 1949, 261 – 264; Albright 1937, 37)17. Hence Tadmor (1971,
447) suggests that the casting of lots was in fact an anticipation and
prayer for a blessed year. Shalmaneser himself used lots and it is said
that he “cast lots the second time”: “shanuteshu puru… akruru”.
In a Neo-Assyrian text from the seventh century BCE (LKA 13718)
the practice of casting lots is explicitly mentioned. This was done by
means of two dice: one is called “aban ersi”, “the coveted/desired die”
and the other is “aban la ersi”, “the die that is not coveted/desired”
(Reiner 1960, 25; Iwry 1961, 28, No. 7; Horowitz/Hurowitz 1992). The
dice, one of which was black and the other white,19 (and according to
the translation by Horowitz/Hurowitz 1992, one is of alabaster and the
17 Thedie was first published by Ferris 1937.
18 Thetext was published by Ebeling 1953, no. 137.
19
 Compare with the white die from Mount Ebal.

93723_07_Beeri 424 06-29-2010, 11:00


GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 425

other of hematite) were, according to the Assyrian author, meant to fore-


tell the future20, and there are those that associate this custom with Urim
and Thummim, which are mentioned in the Bible in the books of Exo-
dus 28:30; Leviticus 8:8; Numbers 27:21; Ezra 2:63:; Nehemiah
7:65; and Deuteronomy 33:821 (Reiner 1960, 25, No. 4-5; Lipinski
1970, 496; Horowitz/Hurowitz 1992 and reference therein).

Figure VIa: Fragment of the Krater Figure VIb: Proposed reconstruc-


from Locus 86. tion of the function of the krater
from Locus 86.

It is important to emphasize that the die was found outside the krater
(adjacent to it). The photograph shows the severed base ring of the krater
and the hole that was drilled in its center. We positioned the die inside
the krater and one can see that the size of the hole is slightly larger than
the dimensions of the die. The die may have been placed with other ob-
jects in the bowl and was removed from it by an “act of fate”22.
20 Oneprobably denotes a positive answer and the other a negative one. The answers
according to the dice were given quickly according to the selection of one of them.
21
 The Urim and Thummim in the Bible are divination objects by which the Lord
would express his will to the people by deciding whether to curse or bless (Tur-Sinai
1955). The Bible does not interpret which objects were the Urim and Thummim or how
they were used. The implements that were used for the casting of these lots were inside
a breastplate (hosen), pocket or square case that the high priest wore as an ephod over
his heart (Exodus 28:6). According to Tur-Sinai (1955), Urim and Thummim were
meant to determine if a man and his deeds are accursed or not in the eyes of the Lord.
22
 In the excavation at Kadesh Barnea (Area F, Stratum 3a-b, Room 853), in the Si-
nai Penisula, a die-like object was found next to a small bowl that has a hole drilled in
the center of its base (Linder 2007, Part 1: 116, 224-226, Fig. 13.4: 6; Part 2: Pl. 13.4:
6; Geva 2007, 226, Pl. 12.2: 1). The context of this find is reminiscent of the die and
perforated krater from Mount Ebal.

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426 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF

In conclusion, it seem that the die, the goblet and the base of the
krater that were in the main building at Mount Ebal were used in casting
or drawing lots. The customary practice of casting lots, which is specifi-
cally mentioned in the Bible and in Akkadian texts, the archaeological
finds of dice in close proximity to cultic locations and the explicit use of
prognostication dice in Syria and Mesopotamia (as evidenced by text
LKA 137 and the die of Iahali) corroborate this theory.

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4302010 - T. 117-3 (pp. 430-434). ÉTIENNE NODET
RB.

NOTES PHILOLOGIQUES

LE MEURTRE DE ZACHARIE FILS DE BARACHIE


(Mt 23,35)

PAR

Étienne NODET, o. p.
École biblique, POB 19053
JERUSALEM
nodet@ebaf.edu

En Lc 11,50-51, Jésus annonce que le sang de tous les prophètes sera


réclamé à cette génération, depuis le sang d’Abel, jusqu’au sang de Zacharie,
«∞∞qui périt entre l’autel et le temple (o÷kou)∞∞». Ce Zacharie doit être connu
pour que l’invective ait un sens, mais son identité reste débattue. Dans une
étude récente, I. Kalimi1 examine diverses possibilités puis finit par admettre
une explication largement reçue∞∞: puisque Abel représente le premier meurtre
biblique en contexte cultuel, Zacharie doit être le dernier. De fait, le dernier
meurtre rapporté dans le TM se lit en 2 Ch 24,20-21 et paraît convenir∞∞: après
la défaite d’Athalie, le roi Joas fit lapider sur le parvis du temple Zacharie fils
du grand prêtre Yehoyada.
L’objet de cette note est de discuter cette identification, car elle convient mal
à la version parallèle de Mt 23,35 «∞∞depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au
sang de Zacharie fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire
(naoÕ) et l’autel∞∞». Le nom est différent, et l’apostrophe est expressément diri-
gée contre les scribes et les pharisiens, qui sont au mieux des héritiers très loin-
tains du roi Joas.

I
Il y eut d’autres assassinats graves en Judée, certainement postérieurs à
l’époque de Joas. Selon 2 R 25,25 Ishmaël, de race royale, assassina Godolias,
que les Babyloniens avaient institué gouverneur des rescapés de Juda, après la

1
 Isaac KALIMI, «∞∞The Story about the Murder of the Prophet Zechariah in the
Gospels and Its Relation to Chronicles∞∞», RB 116 (2009), p. 246-261. Ses abondantes
références bibliographiques ne sont pas reprises ici.

93723_08_NotesPhil 430 06-29-2010, 11:01


NOTES PHILOLOGIQUES 431
chute de Jérusalem∞∞; Jr 41,1-18 développe longuement l’épisode. Josèphe rap-
porte que vers la fin de l’époque perse le grand prêtre Yohanân (cf. Ne 12,22)
tua dans le temple son frère Josué qui espérait l’évincer, et «∞∞jamais un acte
aussi sauvage et aussi impie n’avait eu lieu ni chez les Grecs ni chez les Barba-
res∞∞».
Si l’on suit l’ordre des livres du TM, le meurtre de Zacharie est effective-
ment le dernier rapporté, car les Chroniques viennent en dernier – et omettent
d’autres meurtres signalés par les récits parallèles de 2 R. Cela ne concorde pas
avec la chronologie des événements, puisque d’autres livres placés avant rela-
tent des épisodes expressément postérieurs (Ag, Za, Est, Dn, Esd-Ne). Cepen-
dant, l’ordre actuel des livres du TM n’est pas nécessairement très ancien. Le
prologue du traducteur du Siracide mentionne «∞∞la Loi, les Prophètes et les
autres livres ancestraux∞∞» (l. 8-10), mais ce n’est guère spécifique. Josèphe évo-
que une liste de vingt-deux livres autorisés (CAp 1∞∞:39-40)∞∞: cinq de Moïse,
treize Prophètes et quatre de sagesse et d’hymnes∞∞; il indique qu’il a d’autres
livres ultérieurs, mais d’autorité moindre. Il ne détaille pas davantage, mais les
Chroniques ne sont certainement pas à la fin de la liste principale. Il n’est
d’ailleurs pas sûr qu’elles y figuraient. Par exemple, dans l’esquisse prélimi-
naire du livre VII des Antiquités2, Josèphe suit pas à pas 2 S, puis dans la rédac-
tion finale il consacre un quart du livre (§275-350) au culte selon 1 Ch, au point
de suggérer que c’est David qui a tout organisé concrètement et presque bâti le
temple∞∞; 1 Ch paraît avoir été pour lui une sorte de dossier annexe.
En effet, la position très modeste de 1-2 Ch dans le TM est probablement
due à des doutes sur son autorité∞∞: la Mishna déclare que trois rois d’Israël
n’auront pas part au «∞∞Monde qui vient∞∞» (Royaume, résurrection)∞∞: deux rois
du Nord, Jéroboam et Achab, et un roi de Jérusalem, Manassé (m.Sanhedrin
10∞∞:2), dont les méfaits sont rapportés en 2 R. Un maître essaie de faire valoir
que selon 2 Ch 33,11-19 (passage sans parallèle dans 2 R) Manassé s’est con-
verti et qu’il ne peut être exclu, mais l’objection est sommairement écartée. En
clair, cela signifie qu’un argument tiré de 1-2 Ch n’a aucun poids. Un autre cas
montre que l’ordre des livres du TM n’est pas très ancien∞∞: il ressort d’un récit
du Talmud que le livre de Dn, connu comme Prophète à Qumrân (4 Q 174∞∞; 11
Q Melk 1∞∞:4-18), a été déclassé en Écrit, car il risquait de révéler des secrets
divins (b.Megila 3a).

II
Cependant, ces considérations sur la chronologie biblique ou l’ordre des li-
vres apportent peu. Plus important est d’observer que selon 2 Ch 24,20-22 Za-
charie fils de Yehoyada dit en mourant∞∞: «∞∞Que Yhwh voie et recherche (ou
“∞∞juge∞∞”)∞∞» (wvrdiv evei ari, ÷doi kúriov kaì krinátw). De plus, «∞∞l’Esprit de
Dieu revêtit∞∞» Zacharie (v. 20). Autrement dit, il s’agit d’un prophète assassiné

2 Les «∞∞tables des matières∞∞» des divers livres des Antiquités en reflète très mal le

contenu, et se comprennent bien mieux comme esquisses préliminaires, avant l’ajout de


compléments découverts ensuite, cf. Étienne NODET, Flavius Josèphe. Baptême et résur-
rection, Paris, Cerf, 1999, p. 126-135.

93723_08_NotesPhil 431 06-29-2010, 11:01


432 ÉTIENNE NODET

à Jérusalem, avec l’annonce d’une suite. Parallèlement, après le meurtre


d’Abel, Dieu dit à Caïn (Gn 4,10)∞∞: «∞∞La voix du sang (imd, LXX singulier) de
ton frère crie vers moi du sol.∞∞» Le pluriel imd suggère soit un coût à régler, soit
l’instance d’une postérité qui n’a pas pu exister (Ibn Ezra). Il y a donc la per-
ception d’un poids historique qui doit être porté. En Lc 11,50 Jésus ne dit pas
autre chose∞∞: il annonce l’imminence de la résolution d’une crise issue d’un
passé lointain.
Cette notion de solidarité des générations est biblique∞∞: elle figure dans
le Décalogue (Ex 20,5-6), d’où un débat sur la responsabilité personnelle
(Ez 18,1-9). Mais le poids des événements reste∞∞: par exemple, la mort fortuite
à Megiddo de Josias, le roi juste, lors d’un engagement inutile contre une armée
étrangère (2 R 23,29), est un scandale à réparer∞∞: une réécriture introduit le
péché de Josias en 2 Ch 35,19-25, avec une lamentation de Jérémie, dont
Za 12,11 garde un écho∞∞; en Ap 16,16 Armagedôn est le point de rassemble-
ment des rois du monde pour un ultime combat eschatologique, où ils seront
défaits. La même solidarité est constante dans diverses lamentations qui s’atta-
chent aux causes de malheurs présents, par exemple Ne 9,34∞∞: «∞∞Nos rois, nos
chefs, nos prêtres et nos pères n’ont pas suivi ta loi.∞∞» Une telle solidarité est à
la base de l’argumentation de Paul (Rm 5,12)∞∞: «∞∞Par un seul homme le péché
est entré dans le monde.∞∞» En sens inverse, dit-il aussi, les Israélites restent
«∞∞selon l’élection, chéris à cause de leurs pères∞∞» (Rm 11,28).

III
Ainsi, le Zacharie de Lc 11 se comprend aisément comme allusion à Zacha-
rie fils de Yehoyada. Mais il reste la version de Mt 23, et l’on se demande ce
qu’a bien pu dire Jésus. Si Lc est premier, on ne voit pas bien la raison d’une
telle déformation de son propos, car avec «∞∞fils de Barachie∞∞» l’allusion scriptu-
raire est brouillée, ce qui constituerait une anomalie. Si au contraire Mt est pre-
mier, on peut comprendre une réinterprétation de Lc selon une ligne plus
scripturaire, mais on ignore tout de ce Zacharie, qui devrait pourtant être un
notable contemporain assassiné au temple.
Avant de rechercher les ipsissima verba de Jésus3, il convient d’examiner le
contexte. En Lc 11,46-52, Jésus s’en prend aux légistes∞∞: «∞∞Vous bâtissez les
tombeaux des prophètes, et ce sont vos pères qui les ont tués.∞∞» Cela corres-
pond aux desseins de la «∞∞Sagesse de Dieu∞∞», pour que des comptes soient de-
mandés «∞∞à cette génération∞∞». Le cas d’Abel et Zacharie s’insère parfaitement,
comme référence biblique. Il n’en est pas de même du parallèle Mt 23,13-36,
bien que les éléments constituants soient semblables∞∞: après une série de sept
malédictions de Jésus contre les scribes et les pharisiens vient une accusation
directe, de style différent∞∞: «∞∞J’envoie vers vous des prophètes […] vous en tue-
rez […] pour que retombe sur vous tout le sang juste […], depuis le sang

3 Le passage, absent de Mc, a été rattaché à Q, mais l’effort pour retrouver une

source commune à Mt et Lc, fondé sur des considérations purement lexicales, n’aboutit
à rien d’utile, cf. James R. ROBINSON, Paul HOFFMANN & John S. KLOPPENBORG, The
Critical Edition of Q, Minneapolis, Fortress Press & Leuven, Peeters, 2000, Q 11∞∞:51.

93723_08_NotesPhil 432 06-29-2010, 11:01


NOTES PHILOLOGIQUES 433
d’Abel le juste, etc.∞∞». L’accusation se détache des invectives, avec une allusion
à des assassinats contemporains.
Au lieu de se résigner à ne rien savoir sur un Zacharie au temps de Jésus, on
peut examiner l’époque ultérieure de l’évangéliste. On trouve alors un Zacharie
fils de Baruch4 qui convient parfaitement. Josèphe rapporte (G 4∞∞:334-344)
qu’en 67, alors que Vespasien vainqueur en Galilée se préparait à marcher sur
Jérusalem, les zélotes massacraient de nombreux Jérusalémites, avec l’aide
d’Iduméens révoltés. En particulier, ils voulurent tuer légalement ce Zacharie,
un notable riche, intègre et influent. Ils convoquèrent au temple un faux sanhé-
drin de soixante-dix citoyens honorables pour l’accuser de haute trahison en
faveur des Romains. L’assemblée refusa ce jeu et l’acquitta∞∞; furieux, deux
zélotes se précipitèrent alors et le tuèrent sur-le-champ, «∞∞au milieu du temple
(ïer¬ç)∞∞», c’est-à-dire dans une salle du parvis intérieur, proche du sanctuaire et
de l’autel.
On ne sait trop quelles ont été exactement les paroles de Jésus, mais que
Mt ait pu y introduire des éléments postérieurs n’est pas inhabituel. Par exem-
ple, la parabole des invités qui refusent de venir à un festin nuptial se trouve en
Mt 22,1-14 et Lc 14,15-24 sous deux formes suffisamment différentes pour ex-
clure toute dépendance directe. Or Mt 22,6-7 insère, entre le refus des invités et
l’envoi des serviteurs pour parcourir les routes, une colère du roi qui fait atta-
quer et incendier la ville des invités rétifs, tout cela pendant que le festin est
prêt. L’allusion à la ruine de 70 est transparente.

IV
L’hypothèse présentée se résume donc ainsi en deux phases∞∞: d’abord
l’insertion après les malédictions de Mt d’une accusation d’assassinat incluant
Zacharie fils de Baruch et identifiant scribes et pharisiens aux zélotes∞∞; ensuite,
une reprise par Lc qui, plus éloigné des faits, réinterprète d’après un autre
Zacharie mieux connu, en omettant le nom de son père∞∞; il a pu être inspiré de
Lm 2,20 «∞∞Fallait-il qu’au sanctuaire du Seigneur soient tués prêtre et pro-
phète5∞∞?∞∞». C’est le fils de Yehoyada, tué sur le parvis alors qu’il prophétisait6.
On peut ajouter que Mt est déjà à distance de ses sources, puisque chez lui Ba-
ruch est devenu Barachie (Baraxíav), nom semblable. Il y a certainement une
influence du nom du prophète Zacharie, lui aussi fils de Barachie (Za 1,1),

4
 Les meilleurs mss mettent bareis∞∞; des témoins secondaires ont barouxou ou
bariskaiou, mais la version slavone, qui remonte à un grec antérieur à tous les mss
connus et ne peut dépendre des évangiles, a «∞∞Barukh∞∞», cf. Henry & Kate LEEMING,
Josephus’ Jewish War and Its Slavonic Version. A Synoptic Comparison, Leiden-
Boston, Brill, 2003, ad loc.
5
 Selon Esd 5,1 le prophète Zacharie est fils d’Iddo (petit-fils pour Za 1,1) et le
targum de Lm 2,20 ajoute «∞∞comme vous avez tué Zacharie fils d’Iddo, grand prêtre et
prophète véridique, dans le sanctuaire du Seigneur∞∞». L’influence littéraire du prophète
domine.
6 Julius WELLHAUSEN, Einleitung in die drei ersten Evangelien, Berlin, Vlg G. Reimer,

1905, p. 118-120, aboutissait à des conclusions analogues, mais il se fondait surtout sur
le rejet supposé de 1-2 Ch par les milieux entourant Jésus.

93723_08_NotesPhil 433 06-29-2010, 11:01


434 ÉTIENNE NODET

et certainement plus familier. L’hypothèse inverse, que Mt dépende de Lc,


n’explique ni le changement de nom (que Yehoyada implicite devienne
Barachie) ni les accusations de meurtre.
Le NT ne cite pas 1-2 Ch comme Écriture, mais le cas discuté montre une
allusion discrète. Elle est de même ampleur que bien d’autres détails attestés
par des écrits juifs de l’époque. Ces allusions sont toujours diffuses, contraire-
ment aux renvois scripturaires, explicites ou non, et elles ne préjugent en rien
de la canonicité (ultérieure) de ces écrits. Un autre exemple le montre∞∞: le TM
n’a pas retenu 1 Maccabées hébreu, que Josèphe connaissait, mais le NT y fait
allusion. Par exemple, après la disparition de Jésus, deux disciples quittaient
Jérusalem, déçus que Jésus n’ait pu «∞∞délivrer Israël∞∞», c’est-à-dire chasser les
Romains. Après cet échec, ils se rendaient à «∞∞Emmaüs∞∞». Un tel trajet peu
glorieux de Jérusalem à Emmaüs a un sens symbolique précis, car selon 1 M
4,1-15, c’est par une victoire contre l’occupant grec à Emmaüs que Judas ouvrit
la route vers la libération de Jérusalem, c’est-à-dire la «∞∞délivrance d’Israël∞∞»∞∞;
la bataille avait d’ailleurs été préparée selon les stipulations de la guerre sainte
(Dt 20,5-9). La référence est diffuse, et il n’est même pas sûr qu’elle ait été
claire pour le rédacteur final de Lc.
Jérusalem, juillet 2009

93723_08_NotesPhil 434 06-29-2010, 11:01


RB. 2010 - T. 117-3 (pp. 435-455). RECENSIONS 435

RECENSIONS

Le premier manuscrit du Livre d’Hénoch. Étude épigraphique et philolo-


gique des fragments araméens de 4Q201 à Qumrân, par Michaël
LANGLOIS, (Lectio Divina hors série), Le Cerf, Paris 2008. Broché 13,5 x
21,5, 605 p., ISBN 978-2-204-08692-9 ISSN 0750-1919.

En 1976, J.T. Milik présentait une savante édition préliminaire des frag-
ments araméens des manuscrits de 1 Hénoch qu’il avait identifiés et estimait
avoir remis en place1, réservant l’editio princeps de tous les fragments repérés
dans le volume alors programmé dans les Discoveries in the Judaean Desert.
En effet, la communauté scientifique l’attendait impatiemment depuis le jour de
septembre 1952 où, fouillant la grotte 4, il dit avoir identifié in situ des frag-
ments araméens de cet Apocryphe. Ayant fourni une abondante documentation
et une hypothèse de composition du livre, il attendait les premières réactions
des collègues qui, dans l’ensemble, furent très positives, même si des réserves
ont été exprimées sur tel ou tel détail, en particulier sur la datation des Parabo-
les qui auraient remplacé le Livre des Géants d’un pentateuque hénochite. Mais
des considérations étrangères à la science l’empêchèrent d’en fournir l’editio
princeps, tant les jalousies l’emportèrent sur la déontologie.
Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, E. Tov, nouvel éditeur en
chef, redistribua la publication des manuscrits des lots de la grotte 4 attribués à
Milik et à Strugnell et confia à d’autres la publication des derniers fragments
identifiés par Milik mais non replacés dans la composition. Ainsi parurent de
brèves notes en DJD XXXVI, et l’ensemble des fragments du Livre Astronomi-
que et du Livre des Géants de son lot, l’editio princeps de cet ensemble de frag-
ments ne lui paraissant plus nécessaire. On peut regretter cette décision d’un
opus imperfectum sur 1 Hénoch araméen.
Pour sa thèse de doctorat à l’EPHE de Paris, M. Langlois a choisi d’étudier à
nouveau frais les restes du seul manuscrit 4Q201 (= 4QHena), estimant qu’une
«∞∞nouvelle editio princeps (sic, p. 9) était indispensable∞∞», en mettant à profit
les travaux récents et les nouvelles technologies informatiques. Il a voulu jeter
un regard neuf sur ces fragments, en laissant de côté dans un premier temps les
précédentes publications, mais l’a. n’est pas le premier déchiffreur ni l’éditeur
1
 J.T. MILIK, The Books of Enoch. Aramaic Fragments of Qumrân Cave 4, with the
collaboration of M. Black, Oxford 1976.

93723_09_Recensions 435 06-29-2010, 11:02


436 REVUE BIBLIQUE

de ces fragments. En outre, il avertit qu’il transcrira l’éthiopien et l’ugaritique


(p. 9), mais en fait il livre l’un et l’autre, ce qui alourdit inutilement la lecture.
Nul besoin de donner les quelques mots en alphabet cunéiforme, la transcrip-
tion suffit largement, cela n’apporte rien mais relève de la pédanterie, tout au
plus tolérera-t-on le ge¨ez en l’une ou l’autre forme pour le lecteur qui ne con-
naîtrait pas cette écriture. L’usage abondant et constant du «∞∞nous∞∞» superféta-
toire après le «∞∞je∞∞» de l’avant-propos finit par agacer, sans parler des fautes de
grammaire (e. g. «∞∞conduits∞∞», p. 489), et fait très prétentieux, alors que l’a. ne
fait le plus souvent que reprendre la lecture et l’identification de l’éditeur. L’a.
aurait dû se limiter aux points discutables. Cela aurait rendu de bien plus grands
services au lecteur.
Après des listes et abréviations, est situé le personnage Hénoch dans la Bible
(p. 21-4), la littérature juive (p. 24-34, mais rien sur les Jubilés, etc.), chré-
tienne ancienne (p. 35s) et enfin hénochienne (p. 36-44). On est surpris de ne
pas voir mentionnés les manuscrits qumraniens hébreux et araméens où figure
Hénoch (p. 56 est autre chose). Enfin, l’a. présente «∞∞le Livre d’Hénoch à
Qumrân∞∞» (p. 44-50), en soulignant les insuffisances de l’édition préliminaire,
l’absence d’editio princeps et l’importance des outils informatiques de traite-
ment photographique permettant d’améliorer considérablement la lisibilité des
fragments (sic, p. 49), ainsi que la recherche de termes et la comparaison avec
les versions anciennes, grecques et éthiopiennes, (en particulier la publication
récente de Kébran 9 depuis l’étude de Milik). Vient ensuite (p. 51-55) l’inven-
taire des manuscrits de 1 Hénoch araméen d’après le regroupement des frag-
ments par Milik sur les Planches du Palestine Archaeological Museum en vue
de l’editio princeps de son lot∞∞: 4Q201, 202, 204, 205, 206 (signalant en pas-
sant ma discussion des fragments 2 et 3 attribués à 4Q206a), 207, 4Q208 à 211
(= Hénoch astronomiquea-d) et 4Q212. On doit noter toutefois que les fragments
d’Hénoch astronomique sont numérotés et déchiffrés dans la Concordance ma-
nuelle editorum in usum, même si Milik n’a pas publié tous les fragments de
ces manuscrits dans son livre de 1976. Est aussi mentionnée la nouvelle identi-
fication des fragments grecs de la grotte 7 à l’Épître d’Hénoch que j’ai propo-
sée en son temps, mais j’émets des doutes sur l’authenticité de XQpapHen.
Puis viennent des considérations méthodologiques (p. 56-59)∞∞: recensement des
fragments et étude paléographique en vue d’une datation et du déchiffrement,
en faisant appel à toutes les photographies disponibles, et en utilisant les outils
informatiques de traitement de l’image et de restauration, en vue d’identifier les
fragments sur fond des traductions grecques et éthiopiennes. Plus modestement,
il s’agit d’une vérification de l’édition de Milik plutôt que d’une révolution édi-
toriale.
La partie centrale consiste en une mise en œuvre de la méthodologie énon-
cée, mais la vérification de son application n’est pas sans réserver des surprises,
à commencer par le répertoire des photographies (p. 61). On relève des erreurs
et des manques, e. g.∞∞: PAM 42.227 ne porte pas d, 43.197 ne porte pas d qui
est sur 43.198, mais y ajouter q,r,s, PAM 41.665 porte aussi 2, PAM 42.228
porte aussi t et 7, manquent PAM 40.627 c ii 16-21, PAM 41.593 r, PAM
42.446 d,g,u, sans que ces remarques visent l’exhaustivité, ne disposant pas du
lot complet des photos du PAM.

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RECENSIONS 437
La paléographie réserve elle aussi des surprises. Les descriptions des tracés
des lettres sont des plus alambiquées, et le plus souvent incohérentes, ainsi les
tracés des alef, he et Ìet faussement décrits, celui du †et jamais tracé en continu,
sans trait qui remonte mais avec une crosse très réduite, oubli de signaler des
tracés de mem médial dans la forme du mem final, le pe n’est pas tracé à la fa-
çon du bet mais porte une crosse plus ou moins marquée, etc. Les descriptions
démontrent l’ignorance de la séquence des tracés d’une lettre et de leurs direc-
tions, ainsi par exemple pour les qof, res et taw. L’art de la paléographie relève
de la rigueur dans l’étude du tracé des lettres en les situant dans l’histoire de
leur évolution, tous les tracés s’inscrivant dans un module idéal selon un ductus
précis que chaque scribe s’efforce de reproduire et de traduire dans sa propre
main. Ceci a toute son importance pour l’identification de lettres mal conser-
vées en particulier et pour la datation de la copie.
L’étude des fragments commence par présenter à l’échelle 1/1 les différentes
reproductions connues de l’a., mais celles-ci ne rendent pas la clarté du papier
glacé des planches d’une publication. Les agrandissements livrent le plus sou-
vent des tracés flous, au point que l’étude paléographique apporte rarement du
nouveau, et la multiplication des propositions de lecture montre le manque de
maîtrise dans ce domaine où Milik excelle généralement2.
Viennent ensuite des considérations générales sur l’araméen du manuscrit,
phonologie, lexicographie et syntaxe (p. 423-53), tributaires de la valeur du dé-
chiffrement, e. g. l’emploi du waw comme voyelle brève (p. 430s) dans twmy’l
de lecture assurée. Mais l’absence de traces de l’araméen des targums ne sau-
rait surprendre. La reprise des explications des noms angéliques est assez inu-
tile, d’autant que des lectures sont à revoir et que plusieurs interprétations sont
plus que discutables (p. 441-47)3. Il est très douteux que dans lbÌ[yryn à l’état
absolu en 1c 1, le lamed soit accusatival (p. 449) et non la préposition dans
l’expression «∞∞dire une bénédiction pour X∞∞», qui explique bien mieux la lec-
ture et la construction proposée par Milik, ainsi que sa restauration nécessaire
pour un alignement à la marge.
Il va de soi qu’une datation de la composition est toujours délicate. La plus
claire est la datation paléographique, déjà donnée par Milik dans la première
moitié du IIe siècle av. J.-C., car il est impossible de savoir si un copiste a, ou
n’a pas, introduit des formes grammaticales contemporaines. Quant aux affini-
tés avec l’araméen galiléen et samaritain, on ne peut rien en dire, vu l’absence
de textes littéraires contemporains.
La liste des passages attestés (p. 455-7) dépend elle aussi de l’exactitude du
déchiffrement, et on doute très fortement des identifications proposées en de-
hors du Livre des Veilleurs, comme celle des fragments 1l en 1 Hénoch 93,4,
1o en 102,7, et 2 au Livre des Géants, propositions certainement à rejeter. Il est

2
 La vérification de ces lectures fait l’objet d’une longue note à laquelle je renvoie le
lecteur intéressé, voir É. PUECH, «∞∞Notes sur le manuscrit araméen 4Q201 = 4QHénocha.
À propos d’un livre récent∞∞», RQ 96 (2010).
3 Voir M. Sokoloff, «∞∞Notes on the Aramaic Fragments of Enoch from Qumran

Cave 4∞∞», Maarav, 1 (1978-79) 197-224, p. 207, pour une interprétation et traduction
correctes.

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438 REVUE BIBLIQUE

clair qu’on doit accepter les placements de 1u, 1d, 1t et 1k par l’éditeur. Je pro-
pose de nouvelles identifications qui demandent de réviser fortement celles de
l’a. Et sur ce point encore, ses conclusions sont en net recul sur l’édition préli-
minaire. La synopse (p. 457-76) reprend en les regroupant les passages étudiés,
mais on doit la réviser assez sensiblement et la compléter compte tenu des cor-
rections indispensables. Enfin la comparaison avec les versions (p. 456-86) per-
met à l’a. de conclure à une unique traduction grecque de l’araméen à l’origine
des variantes grecques et éthiopiennes. Bien des études doivent encore être me-
nées pour aboutir à un schème dûment fondé (p. 486).
Une courte conclusion (p. 487-9) résume les étapes et les résultats de la mise
en œuvre de la méthodologie suivie. Elle montre à tout le moins ses limites par
le manque de maîtrise paléographique, alors que l’œil entraîné de Milik avec la
même loupe utilisée par tous les membres de l’équipe internationale avait déjà
donné des résultats plus que probants et le plus souvent bien préférables. La
binoculaire peut aider, mais rien ne remplace le contact des originaux et l’en-
traînement de l’épigraphiste. La méthodologie mise en œuvre n’a pas abouti à
des résultats aussi probants qu’espérés, ni révolutionné la publication par une
méthode de restauration que l’on voudrait sûre, la réécriture manuelle étant tout
aussi probante et efficace. La plupart des nouvelles propositions ne sont pas à
retenir, et on est très loin de la centaine de lectures différentes estimée par l’a.
(p. 489). Le total doit être drastiquement réduit, d’autant que des corrections
ont été faites avant lui. On aurait souhaité que des notes présentent plus claire-
ment les acquis de ses devanciers.
Enfin sont donnés une bibliographie sélective (p. 492-510) où manquent
quelques études (e.g. RQ 76 [2000] 607-16, Milik 1981 cité dans cette note,
etc.) touchant directement ce sujet, alors que bien d’autres sont superflues, des
concordances qui peuvent être utiles mais une fois mises à jour (p. 511-83), et
enfin des index des citations et des auteurs (p. 583-602).
En fait d’une «∞∞nouvelle editio princeps∞∞», il n’en est rien. Était-il nécessaire
de publier toutes ces considérations∞∞? Une étude paléographique bien menée se
résume à quelques mots. Dégagé des très nombreuses répétitions et très forte-
ment réduit, le livre aurait gagné en clarté et en utilité pour le lecteur qui aura
du mal à trouver où se cache une lecture à retenir.
Un gros travail reste encore à faire, en essayant de restaurer, à partir des ver-
sions, d’autres passages pour une mise en colonne acceptable des sept petits
fragments qui restent à identifier, seule manière de remettre en place des frag-
ments qui appartiennent manifestement au même contexte. L’a. a voulu en res-
ter à un supposé déchiffrement indépendant de celui de l’éditeur, mais le sien
est certainement en retrait de l’édition préliminaire. Connaissant bien mieux le
ge¨ez que l’épigraphie, il aurait pu exploiter cet avantage dans l’étude de
4Q201.
En fin de compte, on doit admettre que «∞∞les nouveaux outils informatiques
de traitement photographique n’ont pas permis d’améliorer considérablement la
lisibilité des portions∞∞» mal conservées, ce qui était le but visé (p. 49). Seules
des vérifications justifiaient l’entreprise, mais y avait-il matière à une thèse
avec les seuls versets de 4Q201, sans l’exploitation plus avancée des parallèles

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RECENSIONS 439
relevés par Milik en 4QHénochb-c ∞∞? Ce livre, qui aurait dû être réduit à un
article, oblige le lecteur à se mettre à une étude paléographique précise et à
vérifier à nouveau l’étude préliminaire et magistrale de Milik, éditeur à l’intui-
tion inégalée.
Émile PUECH

The Copper Revolution. Smelters from Canaan and the Beginning of Civi-
lization, par Gérard N. AMZALLAG (en héb.). 14x22∞∞; 392 p. Shani-Livna
(IL), Hameara Publishing House, 2008. — NIS 98 (ISBN 978 965 91156 0 0).

Sous ce titre courageux l’A., de l’université de Béershéva, propose une thèse


de grande amplitude sur l’origine de la civilisation comme ensemble des acqui-
sitions d’une société humaine, par opposition soit à la nature soit à la barbarie.
Ce fondement lointain, postérieur cependant à la révolution liée à la découverte
de la céramique, ne serait autre que l’invention de la métallurgie du cuivre,
c’est-à-dire de la transformation d’un minerai, d’une terre, en une coulée brû-
lante de métal, utilisable ensuite directement ou par alliage pour créer des
objets. C’était un prodige, qui fut vite entouré de secrets et de récits mythologi-
ques. Plus précisément, cette découverte aurait eu lien en Canaan, et la Bible en
porte de nombreuses marques. Cependant, observons tout de suite, avant même
de présenter l’ouvrage, que les indices scripturaires qui étayent ou illustrent la
thèse sont assez nets, mais à l’état de vestiges difficiles à dater, et ceci pour
deux raisons∞∞: d’une part, la narration biblique se rattache à l’âge du Fer, où les
références ont profondément changé, comme on va le voir∞∞; d’autre part et sur-
tout, la Bible bouscule tout ce qui paraît expressément cananéen, sauf peut-être
la langue elle-même. Typiquement, les récits affirment que depuis Abraham les
Israélites sont d’origine lointaine (Mésopotamie ou Égypte) et ne professent
qu’une très faible estime pour les cananéens et leurs dieux.
L’ouvrage, très documenté, inclut une grosse bibliographie. Il est ici pré-
senté sommairement, puis évalué.
I – Présentation
Les divers chapitres de l’ouvrage sont regroupés ici en quatre sections∞∞:
1. l’archéologie, combinée avec des considérations techniques, permet de
conclure que cette découverte eut lieu dans le sud de Canaan∞∞; 2. on peut suivre
sa diffusion dans diverses cultures anciennes, proches ou lointaines, en combi-
nant l’archéologie et l’examen de la mythologie∞∞; 3. l’A. examine ensuite le
témoignage de la Bible, qui en a recueilli bien plus tard des traces dispersées,
mais cohérentes∞∞; 4. à l’âge du Fer, la diffusion de la sidérurgie a profondément
transformé les symboles et l’organisation des pouvoirs, ce dont la Bible porte
aussi des traces.
1. Pour préciser l’interprétation des données archéologiques il est nécessaire
d’entrer dans des détails techniques. L’A. commence par distinguer la métallur-
gie proprement dite, i. e. la conversion d’un minerai en métal dans un fourneau,

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440 REVUE BIBLIQUE

du forgeage, i. e. du travail à chaud d’un métal natif préexistant. L’apparition


du forgeage remonte au moins au 9e millénaire, bien avant la métallurgie, mais
souvent les deux ont été confondus par les archéologues, qui s’intéressent plus
aux objets qu’à leur matière première. Il est à noter que les objets les plus an-
ciens, en fer météorique, en or ou en cuivre, ne sont pas de simples outils ou
ustensiles, mais des objets de prestige, des parures, ou des amulettes∞∞; de la
même manière, la céramique a commencé par des figurines, et c’est bien plus
tard que tous ces matériaux d’origine un peu mystérieuse sont devenus utilitai-
res, par une sorte de profanation.
La datation au carbone 14 de débris organiques scellés a prouvé l’existence,
un peu partout dans le monde, d’objets métalliques bien antérieurs à ceux
recueillis au Proche-Orient, d’où l’idée souvent admise d’une découverte
simultanée de la métallurgie en différents endroits, en prolongement des arts du
feu. La température requise pour une glaçure (700-800°C) suffit pour ramollir
le cuivre, et l’on a imaginé soit qu’un artisan travaillant du cuivre natif ait
découvert que sa gangue en livrait aussi, soit qu’un potier ayant oublié un peu
de minerai dans un vase avant cuisson ait ensuite découvert un culot de cuivre
au fond. Dans ce cas, une telle invention, fortuite mais simple, a pu se produire
indépendamment en différents endroits au long de plusieurs millénaires.
Cependant, l’obtention du cuivre à partir d’un minerai, la malachite, sup-
pose, outre une température de 1084°C, une transformation chimique au
contact du charbon, ainsi que la présence d’adjuvants, minerai de fer et de man-
ganèse. Le four doit être très différent de lui du potier, car pour obtenir la tem-
pérature voulue, il doit inclure un système de soufflets pour l’apport d’oxygène.
L’extraction à partir d’autres minerais moins rares est encore plus complexe.
En d’autres termes, la probabilité d’une invention fortuite et indépendante en
différents endroits devient très faible.
En tout cas, seule la présence de scories au voisinage de gisements de mine-
rais permet de conclure qu’il y a bien eu métallurgie du cuivre, et pas seule-
ment forgeage à partir de pépites. L’examen des renseignements disponibles
montre que les traces de métallurgie du cuivre les plus anciennes (5e millénaire)
se trouvent au sud de Canaan, région dépourvue de cuivre natif, en particulier à
Feinân, au nord de Pétra, et à Timna, au nord d’Élat, alors que les gisements
d’autres régions auraient été plus faciles à exploiter. On a retrouvé aussi de
petits objets en verre coloré par les oxydes provenant de la métallurgie∞∞; ce
verre a été extrait de scories. Enfin, c’est encore en Canaan qu’on été trouvés
les premiers bronzes à forte teneur en étain, datant du 4e millénaire∞∞; le cas le
plus célèbre est le trésor du N. Mishmar, vers la mer Morte, qui suppose une
maîtrise parfaite de la composition des alliages et du moulage à cire perdue,
une technique particulièrement délicate.
La première métallurgie mésopotamienne-élamite du bronze, au 4e millé-
naire, est du même type, et de même en Égypte, en Anatolie, en Grèce et dans
les Balkans. Ensuite, on voit sa diffusion un peu partout, même en Inde et en
Chine. En résumé, on peut distinguer trois phases de la maîtrise de la métallur-
gie à partir de Canaan∞∞:
a) Milieu du 5e millénaire∞∞: découverte de la métallurgie du cuivre à partir
de la malachite∞∞; puis diffusion en 1000 ans sur un périmètre de 2000 km.

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RECENSIONS 441
b) Vers 4000∞∞: découverte de la métallurgie des minerais sulfatés de cuivre,
les plus répandus∞∞; mise au point d’alliages à l’arsenic, qui durcissent le cuivre.
Des outils meilleurs permettent la construction de navires plus puissants. Les
techniques se diffusent davantage.
c) Au 4e millénaire∞∞: mise au point du bronze, alliage de cuivre et d’étain, ce
qui permet la fabrication d’armes et d’outils pour l’agriculture ou le forage de
puits. La diffusion devient universelle∞∞; on peut la suivre à partir des objets
retrouvés et au moins autant par des récits mythologiques et des symboles.

2. L’A. se propose de montrer que la découverte de la métallurgie propre-


ment dite du cuivre fut davantage qu’un simple progrès technique∞∞: la coulée de
cuivre, avant de se figer, a l’allure d’un serpent vivant et brûlant, et tel est bien
le symbole qu’on voit se répandre au chalcolithique, jusqu’à l’âge du Fer. Sa
capacité à muer, signe de vitalité, ne suffit pas à expliquer son apparition juste-
ment à cette période. En fait, l’homme est par cet art nouveau devenu créateur
d’un être vivant, car il a su insuffler de l’air, cette matière insaisissable, dans un
simple minéral. Il va en résulter une révolution des symboles. L’A. juge que ce
symbolisme est suffisamment simple pour justifier des rapprochements entre
cultures très diverses.
En Égypte, en Élam, à Sumer on trouve dans les objets anciens et les récits
de création des allusions répétées au serpent, en relation avec un souffle pri-
mordial. Ptah, le patron des métallurgistes égyptiens, est la divinité créatrice
d’origine, qui a fait exister les autres dieux. Dans le poème d’Énuma Élish, les
deux premiers êtres sont des serpents, qui s’attachent ensuite à Ea. En Chine,
un souffle est à l’origine du monde, représentée par un soufflet de forge. Le
couple primordial est formé de deux dragons crachant des flammes∞∞; ce sont
encore des serpents brûlants. En Phénicie (Ougarit), le monde est né d’un œuf
cosmique que le forgeron Koushar ouvrit par le vent. Un mythe grec en dérive∞∞:
attribué aux anciens Pélasges, venus de la mer, il met en scène une force créa-
trice animée par le vent, et la chaleur créée engendre un serpent∞∞; celui-ci en-
gendre l’œuf cosmique qui est à l’origine d’un nouveau monde.
Au chalcolithique, les nouveaux outils issus de la métallurgie permettent de
creuser des citernes et surtout de forer des puits, ce qui assure un approvision-
nement illimité en eau propre, essentiel au développement des villes. Cet élé-
ment figure dans la mythologie. En Mésopotamie, Ea-Enki, patron des forge-
rons, devient pourvoyeur d’eau douce. À Ougarit, le même Koushar demande à
Baal de percer une lucarne au milieu de son temple, là où se trouve son fils
Élyon, dieu des sources et des rivières∞∞; autrement dit, c’est le forgeron qui est
à l’origine de la citerne. En Crète, la déesse Dictyna est à la fois la patronne des
forgerons et la divinité des eaux jaillissantes, et son homologue grecque,
Athéna, est à l’origine pourvoyeuse d’eau douce. Poséidon fait jaillir l’eau en
plantant dans la roche son trident de cuivre, forgé par Héphaestos. D’autres
exemples recueillis sous d’autres cieux montrent que la révolution de l’eau
douce commencée au chalcolithique est universellement liée à la métallurgie du
cuivre. De plus, la mythologie ne situe pas de civilisation avant cette œuvre
créatrice∞∞; elle en a donc bien perçu l’origine. Auparavant, il n’y a qu’une pré-
histoire mal définie.

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442 REVUE BIBLIQUE

Cependant, observe l’A., l’élan ainsi donné s’oppose aux dieux traditionnels,
qui en exigeant des cultes sacrificiels exercent une tutelle sur la nature et sur
divers aspects de la vie humaine. Il va y avoir des combats entre les héros civi-
lisateurs et les dieux. Par exemple, à Ougarit, Koushar offre au forgeron Aqhat
un arc, donc l’action à distance rivalise avec les divinités∞∞; la déesse Anat lui
offre d’échanger son arc contre l’immortalité∞∞; il refuse et en meurt, mais
l’homme est pour une fois libéré de l’emprise des divinités. Ailleurs, de nom-
breux mythes montrent que les dieux cherchent à éliminer par un déluge les
forgerons, parce qu’ils enseignent la désobéissance aux hommes. En vain∞∞: ils
se montrent plus forts que les dieux.
Les forgerons s’établissent loin des villes, auprès des mines, et gardent leurs
secrets techniques. Ils ont bien des dieux, mais ceux-ci sont impénétrables,
réservés à des initiés. Lorsque les civilisations qu’ils ont engendrées les ont
récupérés (à l’age du Fer, cf. ci-après), ils restent mystérieux, et l’on voit des
traces de culte caché. Par exemple, le lac Loéris, établi pour réguler le cours du
Nil, a été inspiré par Ptah, mais le temple associé est dual, avec deux labyrin-
thes superposés∞∞: l’un public, l’autre souterrain, pour les initiés, ce qui étonnait
Hérodote. À Athènes, l’Érechthéion, intégré à l’Acropole, était un temple dédié
entre autres à Athéna et Héphaestos∞∞; inaccessible au public, il était construit
sur une petite grotte, où se trouvait un serpent sacré, et dénommée (au pluriel)
megara, terme issu du cananéen me‘ara «∞∞caverne de l’éveil∞∞».
Il y a donc initiation et caverne. Le serpent symbolise la métallurgie, mais il
n’y a pas d’autre représentation divine. Il faut supposer que lorsque un culte
initiatique est devenu populaire – une caractéristique de l’âge du Fer –, il doit
garder des traces de ses origines, c’est-à-dire ici métallurgie et absence d’image
cultuelle. Tel est le cas de Dionysos. Il est le dieu tutélaire de Naxos, où
Héphaestos apprit la métallurgie, venue du Levant. Il s’y trouve une grotte
Nysos, appelée aussi Megara∞∞; son nom signifie «∞∞dieu de Nysos∞∞» ou «∞∞dieu de
la caverne∞∞»∞∞; il était aussi surnommé pyrogenes «∞∞né du feu∞∞». C’est là qu’il
est né dans un nid de serpents, et plus tard il fit jaillir de l’eau à Thèbes, sa ville
d’adoption. Ces symboles le rattachent à la métallurgie. Un poème homérique
situe la naissance de Dionysos loin de la Phénicie mais proche du fleuve
d’Égypte∞∞; cela peut concorder avec la région de Feinân et de Timna.
Le Dionysos populaire est le dieu du vin, mais c’est un développement tar-
dif, car le mythe d’Orion montre que la reconnaissance de Dionysos ne se fait
pas par le vin, mais par un parcours initiatique qui l’amène chez Héphaestos et
finalement sur la côte de Canaan.
Dionysos est subversif, transgresseur de l’ordre instauré sous l’autorité du
panthéon olympien. Il est honoré hors de la ville et de ses cultes officiels, ce
qui explique que des cultes agraires lui aient été rattachés. Il est perçu comme
un souffle, qui crée un enthousiasme contagieux∞∞: le bacchant est frénétique. Le
dieu s’engouffre dans l’homme, ce qu’évoque d’ailleurs la consommation du
vin. En d’autres termes, Dionysos n’est pas un dieu autonome agissant directe-
ment sur la nature, mais un dieu symbiote, agissant en symbiose avec l’homme.
L’homme se trouve divinisé, ce qui correspond bien au métallurgiste créateur.
On examine plus loin les parallélismes entre Dionysos et Yhwh, et en particu-
lier leur refus des autres dieux, mais il convient de citer déjà Plutarque, un initié

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RECENSIONS 443
au culte de Dionysos∞∞: il affirme que la connaissance de Dionysos renvoie aux
mystères profonds des Hébreux∞∞: le Dieu d’Israël est Dionysos, et ses fêtes sont
les bacchanales.
L’extase a d’autres dimensions∞∞: Aphrodite est l’épouse d’Héphaestos. Dio-
nysos a un cortège de musiciens. La musique et la métallurgie vont de pair, non
seulement à cause de l’inspiration initiatique et de la maîtrise de l’air, mais
aussi parce que la lyre à sept corde (kinor) nécessite pour sa confection des
outils appropriés. La force de la métallurgie n’est pas le feu, mais l’air, mobile
et omniprésent∞∞; et chacun sait que toute existence en dépend.
Les cyclopes, métallurgistes assistants d’Héphaestos, sont des sauvages∞∞;
leur nom évoque un tatouage sur le front. Ils se sont révoltés contre leur père
Ouranos, chef du panthéon originel, puis contre tous. Ils ne reconnaissent que
le dieu de la caverne, mais ne l’honorent pas comme un être autonome. Ils pas-
sent pour anthropophages, car ils cuisent Dionysos, mais c’est pour lui permet-
tre de renaître d’un chaudron∞∞; il en va de même des titans de l’âge d’or
d’Hésiode. Héphaestos est boiteux, car il a lutté contre Zeus, mais il anime la
danse. Ainsi, l’élan civilisateur né de la métallurgie à la fois crée ou développe
la cité par son outillage et s’oppose aux dieux qui l’encadrent∞∞: il est empoi-
sonné par ses propres fruits. Pourtant, l’ambiguïté règne, car c’est le même
Héphaestos qui a fait un trône d’airain à Zeus et a bâti l’Olympe∞∞; à Ougarit,
c’est de même Koushar qui a fait celui de Baal∞∞; en Haute-Égypte (Nagada), les
premiers pharaons sont alliés aux forgerons, alors qu’en Basse-Égypte il n’y a
pas la même centralisation.
Il y a en effet un problème de pouvoir. Au chalcolithique, la population aug-
mente, mais on ne remarque pas de centralisation systématique. Plus exacte-
ment, il y a une tension entre le dieu de la caverne qui inspire chacun et les
dieux autonomes, avec rois, prêtres et cités, car ces divinités doivent beaucoup
aux métallurgistes fondateurs. Les doctrines initiatiques se diffusent dans la
société, d’où une résistance aux cultes officiels∞∞; les avatars du culte de Diony-
sos – ou plus exactement des rencontres avec le dieu – en sont l’illustration.
D’autre part, les initiés, qui sont inspirés, sont garants de la stabilité du monde∞∞:
les forgerons sont juges∞∞; ils arbitrent même les conflits entre dieux.
Enfin, il y a un lien entre l’initiation et une écriture chiffrée. L’ancêtre de
l’alphabet cananéen est attesté par des inscriptions du début du deuxième millé-
naire, recueillies au voisinage d’anciennes mines du Sinaï. Cette invention gé-
niale, qui réduit l’art du scribe à la connaissance de vingt-deux lettres, permet
de populariser l’écriture. Le principe, dit acrophonique, en est simple∞∞: la lettre
dessine ou évoque une réalité qui a un nom, mais sa valeur est dépouillée de
son sens naturel pour être réduite au phonème initial de ce nom∞∞; par exemple,
on dessine sommairement une maison (beth, bayth) pour figurer le son b. Pour-
tant, malgré l’efficacité du procédé, l’usage réel n’en apparaît qu’au XIIIe siècle.
L’alphabet est donc resté longtemps le privilège d’initiés qui ne cherchaient pas
à conquérir le monde. En outre, le choix des réalités pour figurer les lettres a un
sens. Par exemple, la séquence yod-kaph-lamed-mem-nûn est suggestive, car
elle évoque l’art métallurgique∞∞: bras-main-apprentissage-eau-serpent∞∞; en
effet, le nûn est représenté par un serpent, lequel désigne aussi bien le cuivre
(ou le devin).

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444 REVUE BIBLIQUE

3. L’A. passe ensuite à la Bible, et observe que tous ces éléments se retrou-
vent dans la Bible, mais réinterprétés à travers un monothéisme éthique, c’est-
à-dire dans une mise en forme rédactionnelle bien plus tardive, qui d’ailleurs
est peut-être oublieuse d’origines aussi lointaines, car elle intègre d’autres sour-
ces plus visibles, historiques ou mythologiques. En particulier, les généalogies
sont toujours à examiner, car elles concordent rarement avec les récits qui les
entourent.
Dieu s’exprime d’abord par un souffle, qui agit sur l’eau et la confusion par
la parole∞∞; il est donc semblable à l’homme. Celui-ci est d’abord dans la préhis-
toire indéfinie de l’Éden, mais c’est le serpent qui l’en fait sortir, c’est-à-dire
qui le lance dans l’histoire – et ses conflits. La chronologie des générations
antédiluviennes, dont la vraisemblance est faible, situent l’événement au chal-
colithique.
Caïn, constructeur de ville, est l’ancêtre des forgerons (qénites). Il est marqué
au front comme un cyclope. Après le meurtre de son frère (Abel, la «∞∞buée∞∞»), il
rejette l’agriculture et vit en nomade, comme les Rékabites (Jr 35,7). Le premier
métallurgiste dont l’œuvre est manifeste est cependant Tubal-Caïn, à la septième
génération, chiffre qui implique une idée d’achèvement∞∞; il s’agit d’une initia-
tion. Il a deux frères de noms semblables (Yabal et Yubal), qui représentent le
nomadisme et la musique, ainsi qu’une sœur, Naama, parallèle à Aphrodite.
Si Caïn représente l’origine de la civilisation citadine – dont la Bible a la
plus grande méfiance –, il est le fruit de l’union d’Adam et Ève, de deux cultu-
res cananéennes issues du serpent et qui aboutissent à la métallurgie. Adam est
expressément rattaché à adama «∞∞terre∞∞», mais son nom peut aussi bien se lire
Édom, qu’on retrouve avec Ésaü et les qénites. Quant à Ève, Gn 4,1 pris littéra-
lement dit qu’elle a engendré «∞∞Caïn avec Yhwh∞∞»∞∞: Yhwh apparaît ainsi
comme en symbiose avec Caïn, et non comme une entité autonome. Le nom
«∞∞Ève∞∞» evc, expliqué comme «∞∞mère des vivants∞∞», se rattache aussi bien au
gentilice ivc «∞∞Hivvite∞∞», qui qualifie une épouse d’Ésaü (dont le nom peut se
comprendre «∞∞le fabre∞∞»)∞∞; c’est une autre forme de l’union entre Adam et Ève.
Ésaü est allié aux Hittites et aux Horites (Gn 36,1-2.20), deux noms d’ailleurs
interchangeables. On les retrouve en Judée et au Sinaï, et cela correspond bien
à la semi-métallurgie ancienne (forgeage) identifiée par l’archéologie.
Quant aux Hivvites, ils descendent de Canaan (Gn 10,17). Selon Jos 11,3 ils
sont au pied de l’Hermon (ou au Liban, Jg 3,3)∞∞; c’est la terre de Bashân, dont
les habitants sont rattachés par les textes d’Ougarit au forgeron Koushar, qui
voue un culte au cuivre en fusion, appelé çlm «∞∞roi∞∞», nom qu’on retrouve dans
la malachite. Selon Gn 6,4 les «∞∞fils d’Élohim∞∞» et les «∞∞filles d’Adam∞∞» se sont
unis pour donner naissance à des géants (cf. Nb 13,33), et une tradition
parabiblique comprend «∞∞habitants de Bashân∞∞» et «∞∞filles de Caïn∞∞».
L’union d’Adam et Ève représente donc la réunion de deux groupes cana-
néens∞∞: les Édomites du sud, avec leur semi-métallurgie primitive et les
Hivvites du nord, qui connaissaient les volcans et leurs coulées de lave en
forme de serpents, mais qui ignoraient les minerais. Ève est créée après Adam,
et en dépend, mais c’est elle qui rencontre le serpent, avec l’invitation à être
«∞∞comme des dieux∞∞», allusion à la symbiose avec le dieu de la caverne. En

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RECENSIONS 445
clair, les Hivvites sont apparus en Édom, vers les mines, et ce sont eux qui ont
apporté ou plutôt inventé la technique nouvelle de la métallurgie. Par son art,
l’homme a reproduit la nature, mais, tout comme le dieu des volcans, le forge-
ron refuse qu’on l’approche.
Et c’est à Hébron, nom apparenté à Héber le Qénite (cf. Jg 4,11), qu’Abra-
ham obtient des Hittites (ou Horites, car la Bible confond) une caverne, qui sera
son seul point fixe en Canaan. Il est notable que les inventions des métallurgis-
tes de Canaan ont été utilisées au loin, mais il n’est apparu aucune civilisation
urbaine sur place. Il reste une double tendance∞∞: les Édomites exaltent le pouvoir
créateur que leur donne le dieu de la caverne, qui est représenté par le hibou
(svk), l’oiseau-devin. Dans le désert, les Israélites sont protégés par un serpent
brûlant (Nb 21,6-9)∞∞; en cananéen, la même racine désigne le serpent, l’airain et
la divination. Au contraire, les Hivvites investissent la métallurgie pour se subs-
tituer aux dieux de la nature∞∞; ils s’engagent dans la politique∞∞; ils correspondent
au dieu cananéen Réshef, associé aux Rephaïm guérisseurs (Ougarit). L’archéo-
logie et les récits anciens montrent que ces deux tendances se retrouvent sous
tous les cieux, aussi loin que l’on puisse reconstituer les cultures anciennes.
La Bible maintient une ambiguïté sur Yhwh∞∞: d’un côté il est créateur et
intervient directement dans l’histoire∞∞; mais de l’autre il inspire ses fidèles, non
sans initiation ou transes contagieuses. Au buisson ardent, Moïse est comme
initié sur une montagne divine, l’Horeb∞∞; il est alors nomade, lié à son beau-
père Jéthro, prêtre de Madiân apparenté aux Qénites (cf. Nb 10,29∞∞; Jg 1,16).
Ensuite, son bâton peut devenir serpent, et inversement, ce qui suggère nette-
ment le bronze. Plus tard, en Égypte, pour populariser l’initiation, dont les
Israélites ne veulent guère, Yhwh intervient directement en bouleversant les
éléments naturels. Il en est de même d’Élie∞∞: il vainc les prêtres de Baal par une
intervention directe de Yhwh, puis à l’Horeb il rencontre Yhwh dans une
caverne, par «∞∞la voix d’un silence léger∞∞» et non par des ébranlements de la
nature. Plus généralement, le prophétisme est une inspiration, qui va des tran-
ses contagieuses du roi Saül, lequel devient «∞∞un autre homme∞∞» (1 S 10,6-9),
jusqu’aux interventions des prophètes classiques qui s’opposent régulièrement
aux prêtres, aux rois et à l’idolâtrie, symbolisée par le Baal phénicien. La sym-
biose avec Yhwh est proprement l’origine de la foi, qui consiste à se voir habité
par la divinité∞∞; le seul critère d’action divine est alors la réussite∞∞: le faux pro-
phète est celui dont la parole ne s’accomplit pas. David est au cœur de ces am-
biguïtés, car il est à la fois musicien initié puis roi, et les prophètes en attendent
un héritier digne, qui soit à la fois inspiré et juge intègre.

4. Enfin, l’A. étudie la révolution du fer, qui a supplanté le bronze, vers


1200∞∞; ses qualités mécaniques sont supérieures, le minerai est très abondant et
il n’y a pas besoin d’étain pour le durcir. Il était connu depuis longtemps, soit
issu de météorites soit comme sous-produit de la métallurgie du cuivre, à partir
de 3500. Mais c’est un métal maudit, qui n’a jamais été mis au rang des métaux
nobles∞∞: pour Hésiode, l’âge du Fer est une décadence majeure, car les objets
qu’on en tire donnent la mort. Au premier millénaire, le métal des objets sacrés
reste le bronze (ou l’or).

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446 REVUE BIBLIQUE

Ces vues négatives s’expliquent largement par des considérations techni-


ques. Le fer ne fond qu’à 1536 °C, mais on peut l’extraire des minerais par
réduction à 1200 °C, c’est-à-dire sans oxygène∞∞: le souffle perturbe le proces-
sus, et des gaz toxiques s’échappent. De plus, la coulée qui résulte de l’opéra-
tion n’est qu’une scorie de silicates∞∞: le «∞∞serpent∞∞» ne signifie plus rien, et le
fer est à peine un métal, puisqu’il ne fond pas. Ensuite, on travaille le fer par
martelage à chaud∞∞; on peut le durcir par un traitement de surface au carbone,
qui en fait de l’acier (noir). Tout cela demande une grande quantité de combus-
tible, qui est parfois devenu plus rare que le minerai. En résumé, la sidérurgie
n’est qu’un artisanat pénible et dangereux, sans aucune dimension mystique ou
sacrée∞∞; elle ne ressemble en rien à une création. Elle est symbolisée par le
chien, qui évoque la servilité.
Pourtant, les traces les plus anciennes de sidérurgie, vers 1500, ont été rele-
vées en pays édomite (ou Idumée), comme si c’était une nouvelle invention
cananéenne dérivée de la métallurgie du cuivre. Le premier grand foyer histori-
que de sidérurgie se développa autour de la mer Noire, au pied du Caucase. Les
Grecs nommaient ces forgerons chalybes, ce qui selon l’A. évoque nettement le
nom biblique de Caleb, qui signifie aussi «∞∞chien∞∞». Celui-ci n’est pas intégré
aux tribus d’Israël, mais il fait partie des Qenizzites, petite confrérie de forge-
rons du fer (1 Ch 4,14) qui est rattachée à la postérité d’Ésaü (Gn 36,11). Lors
de la conquête, Caleb est installé vers Hébron (Jos 14,13), non loin des Qénites
(Jg 1,10-16).
La conséquence majeure de la révolution du fer est que le secret des routes
de l’étain ne signifie plus rien. Les religions officielles des cités s’émancipent
de leurs origines initiatiques. Les rois deviennent conquérants. La littérature
grecque fournit plusieurs repères. Homère se détache des valeurs initiatiques
de l’âge du bronze au profit du conquérant achéen. Capturé par le cyclope
Polyphème, Ulysse refuse l’initiation et préfère les divinités officielles de
l’Olympe. En sens inverse, Héraklès se présente comme héros libérateur de
l’emprise du fer∞∞: forgeron, sourcier et justicier, il connaît le monde. Hérodote
explique qu’il venait de Tyr, où il était vénéré bien avant son arrivée en
Grèce. Il s’agit de Melqart, dont le culte s’est répandu dans toute la Méditer-
ranée. D’ailleurs, c’est peut-être avec lui qu’est arrivé l’alphabet phénicien∞∞;
Cadmos, l’antique fondateur phénicien, s’opposait lui aussi à la tyrannie.
Enfin, l’invention de la tragédie, avec mythologie, chants et danses, popula-
rise l’initiation et créant de l’enthousiasme proprement dit, plus ou moins en
relation avec Dionysos∞∞; en tout cas, c’est un lieu où les dieux officiels sont
jugés.
II – Une affaire à suivre
Le résumé qui précède ne rend pas justice à un ouvrage qui fourmille d’aper-
çus inédits et qui ose rechercher, un peu à la manière de Lévy-Strauss, de vastes
structures intelligibles, identifiables dans de nombreuses cultures allant de la
Chine à l’Afrique. Il en résulte de nombreux éclairages inédits sur la Bible∞∞;
non pas sur sa forme actuelle, mais sur des éléments plutôt dispersés qui sont
réinvestis selon des perspectives ultérieures. Chacune de ces traces est mineure,
presque négligeable, mais certaines cohérences sous-jacentes se manifestent.

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Depuis les études sur l’arithmétique des scribes, en particulier de M. Haran et
de F. Langlamet, l’on soupçonne qu’il y a des codes, c’est-à-dire des découver-
tes à faire sous l’apparence des textes.
Ce travail de pionnier est très suggestif, malgré quelques approximations sur
l’interprétation des mythes et des symboles. On suggère maintenant quelques
prolongements en vue de préciser leur impact biblique, car l’A. sous-estime
parfois les complexités rédactionnelles ou les aléas de l’étymologie comparée.

1. Dans les récits des origines, il n’est pas douteux que c’est la figure du
créateur qui domine, ce qui est nécessaire au monothéisme strict. Ce fait est en
corrélation avec l’évaluation négative d’une part de Caïn et de sa postérité, et
d’autre part de l’affaire des fils d’Élohim et des filles d’Adam, puisque leur
postérité est qualifiée d’avortons. Il faut observer à ce propos que Tubal-Caïn,
le métallurgiste initié, est l’ancêtre des forgerons du cuivre et du fer (Gn 4,22).
Les forgerons cananéens du cuivre sont donc rejetés dans un passé devenu
inutile ou nuisible. En écho, on trouve les récits de la conquête par Josué,
successeur de Moïse, où aucun compromis avec les Cananéens n’est toléré, et
où le créateur intervient directement dans les événements. Pourtant, l’affaire est
plus complexe, car ces récits sont largement annulés par le livre des Juges, où
la libération est obtenue par des héros inspirés, sans idée de centralisation ni
d’intervention divine directe sur les événements∞∞; il n’y a ni prêtre ni arche
d’Alliance (sauf dans une glose en Jg 20,27-28).
Le yahvisme a donc bien deux piliers∞∞: l’un est local, lié à l’inspiration,
l’autre vient de loin et met en scène un créateur tout-puissant.

2. De fait, le personnage de Josué est ambigu, car il apparaît aussi à Sichem


comme un législateur indépendant, qui ignore la loi de Moïse (Jos 24). La ver-
sion samaritaine du livre, qui figure en tête d’une Chronique, est courte∞∞; en
particulier, ce discours de Josué ne comporte ni allusion à Abraham ni sortie
d’Égypte, et la réponse du peuple ignore la confession de foi historique. C’est
un législateur strictement local, qui se pose en juge, entre les malédictions de
l’Ébal et les bénédictions du Garizim (cf. Dt 11,29). Dans un tout autre con-
texte, les rapatriés d’Exil, qui découvrent la loi de Moïse, font selon Ne 8,13-17
une fête des Huttes très végétale, apparemment inspirée de Lv 23,33-36. Ces
huttes submergent même le sanctuaire, et la fête est l’occasion d’une grande
liesse. Il est ajouté qu’on n’avait rien fait de tel depuis les jours de Josué fils de
Nûn. Cette restauration a une allure dionysiaque, avec une dimension mystique
de rencontre avec la divinité. C’est sous une hutte que se célèbre un mariage
(Ps 19,6∞∞; Jl 2,16), et tel est aussi le siège de la gloire divine (Is 4,5∞∞; j.Megila
1∞∞:8, 72d). Le retour à Josué prend alors un sens, puisqu’il est fils de serpent,
c’est-à-dire antérieur à la royauté et au culte∞∞; il est même descendant de
Réshef, rattaché plus haut aux Hivvites (1 Ch 7,25).
Les analogies entre Yhwh et Dionysos ont été relevées, au moins depuis
Plutarque. L’invocation des bacchantes euoi doit être rapprochée de l’invoca-
tion signalée par la Mishna pour la fête des Huttes vev ina (m.Suk 4∞∞:5). La for-
mule a un sens précis en hébreu «∞∞moi et lui∞∞», ce qui dénote une symbiose
avec Dieu, mais sans le nommer. Cependant, cette invocation est une variante

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minoritaire, opposée à une autre, qui mentionne expressément Yhwh∞∞; l’on re-
trouve ainsi la double dimension du yahwisme. On peut aussi noter que lors de
cette fête il est mentionné une joie extrême liée à une eau jaillissante (ebavwe
im hcmw), ce qui entre bien dans la symbolique initiatique. En tout cas, la con-
troverse sur l’invocation suppose un débat, voire un conflit entre une tendance
dionysiaque locale, qu’on peut rattacher à Josué et à Sichem, et une tendance
opposée, représentée par Moïse (et Abraham). Tacite déclare (Histoire 5.5.5)
que c’est par erreur qu’on a déduit de certains rites que les Juifs étaient des fi-
dèles de Pater Liber (Bacchus)∞∞: en réalité, dit-il, leurs coutumes sont «∞∞bizar-
res et moroses∞∞». La fête des Huttes de Ne 8 indique donc, ou au moins sug-
gère, que les rapatriés de Babylonie ont été soumis en Judée à un «∞∞traitement∞∞»
local, qui d’ailleurs est rattaché au prêtre Esdras, mais non à Néhémie lui-
même.

3. La crise maccabéenne, qui est à la fois fondatrice et passablement em-


brouillée, fournit d’autres indications. Avant l’émergence des Asmonéens, une
lignée de grands prêtres, représentés par Jason, Ménélas et Alkime (175-159)
s’accommode fort bien de «∞∞l’hellénisation∞∞» et des persécutions d’Antiochus
IV. Ils sont vilipendés, car les Juifs de Jérusalem, outre des persécutions, sont
soumis à la «∞∞nécessité amère∞∞» d’accompagner, couronnés de lierre, le cortège
de Dionysos (2 M 6,7), alors que le Temple à été redédié à Zeus olympien. Le
livre 2 Maccabées, qui rapporte ces faits, s’intéresse à la présence de Dieu au
temple de Jérusalem, mais, après avoir rapporté la chute en 175 d’Onias, le
meilleur des grands prêtres (2 M 3,1-3), il ignore entièrement les prêtres et la
dynastie asmonéenne. Il culmine sur un «∞∞Jour de Nikanor∞∞» commémorant la
mort d’un général grec, mais celui-ci tombe la veille du «∞∞Jour de Mardochée∞∞»,
c’est-à-dire de Purim (2 M 15,36). Par cette référence à une fête qui ignore la
Terre promise (ou Canaan), l’auteur montre des attaches orientales, ce qui est
cohérent avec un rejet de toute trace dionysiaque. C’est cohérent aussi avec
l’action de Néhémie, qui revenu de Babylone s’oppose fermement à tout lien
matrimonial entre des prêtres de Jérusalem et des Samaritains (de Sichem, Ne
13,28).

4. Car il faut revenir à Sichem, le «∞∞nombril de la terre∞∞» (Jg 9,37)∞∞; la


généalogie de Nb 26,30-31 rattache Sichem à Galaad, une région hivvite.
Abraham s’y est heurté aux Cananéens∞∞; selon la tradition, Jacob y a laissé un
puits (cf. Jn 4,6). Plus tard (1 R 12,1), c’est là que s’est jouée la succession de
Salomon, roi, bâtisseur du Temple et officiant. Ce déplacement hors de Jérusa-
lem est remarquable, mais selon 1 R 5∞∞:15 LXX «∞∞Hiram roi de Tyr envoya ses
serviteurs oindre Salomon à la place de son père∞∞», ce qui tendrait à faire de
Salomon un simple roi phénicien. À ce point, on peut faire état d’un décret bien
postérieur du roi perse Artaxerxès, qui affirme que dans le passé «∞∞des rois
puissants ont régné à Jérusalem, qui dominèrent toute la Transeuphratène∞∞»
(Esd 4,20). Après Salomon, le royaume de Judée-Benjamin au sud se maintient
avec Temple, grands prêtres et rois davidiques, tandis qu’au nord – Israël pro-
prement dit – se succèdent divers rois, sans continuité dynastique ni capitale
fixe, et le culte yahwiste, en marge d’un veau d’or à Béthel, se concentre sur

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l’intervention de prophètes∞∞; on perd de vue Sichem. Les livres des Rois
évaluent très négativement le royaume d’Israël, mais ce jugement est concentré
sur les traces d’idolâtrie cananéenne ou phénicienne, c’est-à-dire sur une simple
rivalité avec le royaume de Jérusalem. En arrière-plan, on devine que le «∞∞véri-
table Israël∞∞», au nord comme au sud, n’est maintenu que par des prophètes
inspirés, qui annoncent «∞∞une Tora∞∞» nouvelle et l’abandon des armes de fer
(cf. Is 2,3).

5. Il convient de ne pas confondre Sichem et Samarie. Selon 1 R 16,23-26,


Omri, roi d’Israël pendant douze ans (885-872), a fondé la ville de Samarie
pour en faire sa capitale, et les fouilles ont retrouvé une cité importante. Des
inscriptions recueillies dans le Négeb montrent que le Baal de Samarie n’est
autre que Yhwh. Mais il y a une suite, après la chute d’Israël en 722. Selon 2 R
17,28, l’un des prêtres déportés de Samarie revient et s’installe à Béthel, pour
enseigner aux nouveaux venus comment ils doivent révérer Yhwh. Ils conti-
nuent aussi à pratiquer leurs anciens cultes dans leurs villes. Pourtant, on
apprend ensuite (v. 34 LXX) que «∞∞jusqu’à ce jour∞∞» ils suivent les préceptes
donnés aux fils de Jacob renommé Israël, auxquels il est prescrit de n’adorer
que Yhwh qui les a fait sortir d’Égypte. Il y a des incohérences suggestives∞∞:
Jacob est mentionné, alors qu’on attendrait Moïse, et le prêtre déporté revient à
Béthel, et non à Samarie. Or, Béthel est le lieu du songe de Jacob, où il reçut la
révélation de Dieu et la promesse de la terre (Gn 28,10). On soupçonne donc,
en marge de cultes mêlés dans les villes de Samarie (la région), la présence
d’un «∞∞petit reste∞∞» israélite autour de Béthel, peut-être non déporté. Des rensei-
gnements externes permettent d’étoffer cette supposition∞∞: les Samaritains iden-
tifient Béthel au mont Garizim – ou plus exactement le nomment Garizim-
Béthel –, et le sommet porte le nom de Luza, proche de Luz, l’ancien nom de
Béthel (cf. Jg 1,23).

6. Car il faut prendre au sérieux les Samaritains, ou plus exactement les


Sichémites∞∞: ils ne sont autres que les Israélites locaux, ceux dont Zorobabel,
arrivé de Babylonie, a refusé la collaboration (Esd 4,1-3). Ce sont les récits de
Flavius Josèphe qui donnent à entendre que les Samaritains ou Cuthéens
ne sont qu’une dissidence juive abâtardie, sans pedigree. Pourtant, même la tra-
dition rabbinique a gardé un souvenir précis que la Loi avait d’abord été
donnée «∞∞à Israël∞∞» en écriture paléohébraïque (irby bhk), conservée par les
«∞∞Néapolitains∞∞» (c’est-à-dire les Sichémites de Naplouse)∞∞; au temps d’Esdras,
elle fut à nouveau donnée, mais en écriture araméenne («∞∞assyrienne∞∞», bhk
irvwa, b.Sanh 21a), c’est-à-dire étrangère. Le Pentateuque samaritain actuel, à
côté de nombreux petits contacts avec la LXX contre le TM, a des leçons pro-
pres. Parmi celles-ci, l’une concerne le lieu choisi par Yhwh pour y faire rési-
der son nom. La formule, qui ne suppose aucun établissement cultuel, figure
vingt-deux fois dans le Deutéronome (TM et LXX) sous la forme «∞∞choisira∞∞»
(rcbi), mais le samaritain met «∞∞a choisi∞∞» (rcb). Dans une étude récente,
A. Schenker montre, avec une argumentation textuelle fondée sur d’anciennes
versions indépendantes, que la leçon samaritaine est plus originale. On la
trouve aussi dans une citation en Ne 1,9. En outre, elle offre une meilleure

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450 REVUE BIBLIQUE

cohérence narrative∞∞: Sichem comme lieu effectivement choisi concorde avec


les prescriptions de Dt 11, qui prévoit une arrivée des Israélites entre l’Ébal et
le Garizim. Au contraire, la leçon au futur s’adapte mal à ces préceptes, mais
elle concorde avec la déclaration «∞∞judéenne∞∞» de Dieu à Salomon, selon
laquelle il n’a choisi aucune ville avant l’élection de David à Jérusalem (1 R
8,16).
On peut donc s’interroger sur l’arrivée du Deutéronome à Jérusalem et son
influence, puisque selon Ne 13,1-3, c’est là que les rapatriés le découvrent.
Mais surtout, le sens de ce livre est à décrypter, car il a un parfum initiatique,
voire de retour aux sources∞∞: le Sinaï devient l’Horeb∞∞; exclusion rigoureuse des
autres cultes∞∞; «∞∞lieu choisi∞∞» mystérieux et absence d’installation cultuelle visi-
ble∞∞; prêtres-lévites dans le rôle d’oracles∞∞; invitation à l’intimité avec Yhwh
(Dt 4,29-30)∞∞; méfiance à l’égard des rois, etc. L’initiation suggérée n’est pas
une transe, mais la mémorisation ou la rumination de «∞∞toutes ces paroles∞∞», au
point d’en faire la langue distincte de l’initié – ou du croyant∞∞; tel est le signe
de l’affirmation de l’unicité de Yhwh selon le Shema Israël (cf. Ps 1,2).

7. À propos de la double face de Yhwh, à la fois créateur tout-puissant et


prêt à la symbiose, le Psautier offre un éclairage. Les grands événements du
passé biblique sont rappelés, on discerne des traces de prêtres, de rois, de culte,
mais le personnage dominant est David, le chantre. De nombreux psaumes ont
un aspect directement existentiel, où la note est toujours une symbiose avec
Yhwh. Par exemple, le Ps 22 commence par «∞∞Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m’as-tu abandonné∞∞», puis, après un récit de déréliction angoissée, un salut se
manifeste∞∞: «∞∞J’annoncerai ton nom à mes frères […] Ils loueront Yhwh ceux
qui le cherchent.∞∞» L’invocation suscite une symbiose, d’où procède une force
nouvelle, car Yhwh «∞∞habite les louanges d’Israël∞∞», mais il est connu par la
mémoire de ses bienfaits∞∞; ceux-ci sont dus au créateur, qui intervient dans le
cosmos, cette action est située dans le temps ordinaire (contrairement aux
mythologies parallèles). Les paroles prononcées ou chantées ont donc un pou-
voir. De manière plus énigmatique, on retrouve cette perspective à propos du
Cantique de Moïse (Chant de la Mer)∞∞: l’épisode de Massa et Mériba se conclut
par la question fondamentale des Israélites au désert «∞∞Yhwh est-il au milieu de
nous, ou non∞∞?∞∞» (Ex 17,7). La route du désert a commencé en Ex 13,17. Si on
prend le milieu de la route parcourue, c’est-à-dire dans le texte le milieu de
cette section, en comptant simplement les mots, on tombe entre les mots vriw
eveil «∞∞Chantez à Yhwh∞∞», et c’est la réponse de Miryam la prophétesse, qui
intervient avec des chœurs et des danses (Ex 15,21)∞∞; la transe n’est pas loin,
mais elle est fugitive, puisque la rébellion de Mara a lieu trois jours plus tard.

8. La Lettre d’Aristée, qui donne un récit des origines de la traduction grec-


que du Pentateuque, signale qu’à cette occasion il a fallu lever un interdit
ancien prohibant toute traduction. Cela indique qu’il s’agissait d’une littérature
ésotérique, ancienne ou non, mais réservée à des initiés. La question est donc
de savoir comment elle s’est popularisée. Dans le texte, l’horizon lointain est
la promesse faite à Abraham d’être universellement vénéré. Ensuite, Moïse est

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RECENSIONS 451
celui qui forme un peuple à partir de l’Horeb-Sinaï. Sur le terrain, à l’époque
du Fer, l’écriture est populaire, puisque l’archéologie a recueilli des abécédaires
d’écoliers dans tous les villages fouillés de Canaan, mais cela n’implique pas
que les doctrines soient diffusées partout. Un simple indice le montre∞∞: 1 M
12,20-22 cite sans sourciller une lettre du roi des Spartiates où celui-ci déclare
au grand prêtre Onias que les Spartiates et les Juifs sont frères, comme étant
de la race d’Abraham. Cette parenté hellénique affichée est intéressante, au
regard de la diffusion de la culture cananéenne ancienne, mais elle est peu
scripturaire.

9. En fait de popularisation, la comparaison des cultures grecque et biblique


inspire la question suivante, qui touche à l’antiquité de la rédaction finale de la
Bible∞∞: alors que le culte du dieu qui inspire (Dionysos, Yhwh) est d’essence
initiatique et donc a priori peu populaire, peut-on concevoir un monothéisme
strict (et métaphysique) qui ne soit pas militant∞∞? L’exemple de Philon est
éclairant∞∞: il veut par ses écrits diffuser la loi de Moïse, seule capable d’unifier
l’humanité toujours en guerre, mais il ne peut exercer aucun contrôle sur ses
lecteurs. Selon une autre perspective, les esséniens professent des doctrines
ésotériques, mais sont prêts à admettre quiconque veut se joindre à eux∞∞; lors de
l’admission du néophyte, à la Pentecôte, il reçoit l’Esprit saint, qui le met en
symbiose avec une divinité qu’on ne nomme pas∞∞; l’essénien est cultivé,
voyant, guérisseur, mais il s’oppose largement au reste du monde et à ses dieux,
à commencer par les institutions de Jérusalem. On peut observer aussi que la
tradition rabbinique, qui privilégie la relation de maître à disciple, a conservé
des traces initiatiques proprement «∞∞cananéennes∞∞». Voici deux exemples. La
chaîne de la transmission de la Tora que donne m.Abot 1-2 s’étend de Moïse à
l’époque d’Hérode le Grand, mais elle est courte, car elle ignore les rois, les
prêtres et le Temple∞∞; de plus, elle omet l’Exil. Le second cas provient d’une
controverse sur une question de pureté (b.Baba M 59b)∞∞: R. Éliézer b. Hyrcanos
était en désaccord avec tous ses collègues∞∞; pour justifier son opinion il fit des
miracles, faisant voler un arbre, suscitant un tremblement de terre, inversant le
cours d’une rivière∞∞; ainsi, il avait avec lui la nature créée et la maîtrisait, mais
ses collègues refusèrent, et il fut excommunié. En conclusion du récit, le créa-
teur déclare∞∞: «∞∞Mes fils m’ont vaincu.∞∞» Ces fils paraissent inspirés par une di-
vinité rebelle.

D’autres aspect pourraient être abordés, comme la différence entre le culte


«∞∞en esprit∞∞» de Dionysos et le culte sacrificiel des dieux autonomes. En un
mot, l’ouvrage discuté est très stimulant. Il montre bien, entre autres choses,
que l’invention cananéenne de la métallurgie du cuivre eut des conséquences
symboliques très larges, avec à la fois création et contestation de civilisations.
Par ce biais se trouve renouvelée l’approche de nombreux aspects de la Bible,
en particulier son maintien durable à l’écart des grandes civilisations. Il faut
souhaiter qu’il soit publié en anglais et en français.
Jérusalem, avril 2008 Étienne NODET.

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452 REVUE BIBLIQUE

La route royale∞∞: Sévère d'Antioche et les Églises d'Orient (512-518),


par Frédéric ALPI (Bibliothèque Archéologique et Historique [BAH], t. 188).
Beyrouth∞∞: Institut Français du Proche Orient, 2009. 2 vols. (VIII-361,
176 p.)∞∞: ill., 28 cm. – ISBN 978-2-35159-154-3.

Severus, patriarch of Antioch from 512 to 518, has usually been studied in
the context of the Christological controversies that arose in the church in the
5th century and continued into the 6th. He was in fact a leader of the movement
that, in the name of fidelity to the Christology of Cyril of Alexandria, excluded
all those who asserted the two natures of Christ after the union. Severus tried to
settle the doctrinal quarrels by anathematizing not only Nestorius (opposed by
Cyril and condemned at Ephesus in 431) and Eutyches (condemned at
Chalcedon in 451), but also the Council of Chalcedon itself and the Tome of
Pope Leo the Great. He saw this policy as a ‘middle way’, or, as he put it, a
‘royal road’ that deviated neither to right nor to left – hence the title of the book
under review. It was expressed in a document known as the Henoticon (‘instru-
ment of unity’) and was upheld by the emperor Anastasius I. When that
emperor was succeeded by Justin I, imperial policy swung round to support for
Chalcedon, which entailed the abandonment of the Henoticon and the fall of
Severus. Nevertheless, the ‘monophysite’ movement, whose durability he did
much to ensure, survived and the ‘Jacobite’ (Syrian Orthodox) church, organ-
ized after his death, remembers him as a founding father. So much can prob-
ably be recalled by those of our readers who have studied the history of the
church or of Christian dogma.
Recently, the standard views about the reception of Chalcedon in the Eastern
parts of the empire, and in particular about ‘monophysitism’, have been ques-
tioned∞∞: Was there in fact a coherent ‘monophysite’ movement∞∞? Is ‘mono-
physite’ an appropriate label for the Christological doctrine upheld by Severus
and his followers (and by the strict Cyrillians in Egypt), and is that doctrine
really incompatible with Christian orthodoxy as defined at Chalcedon and sub-
sequently∞∞? What part did doctrinal dissent play in weakening the Eastern
Roman empire and preparing the way for the loss of Syria and Egypt to the
Arabs∞∞? And what of Severus himself, who, by any account, is a central figure
in the Eastern Roman empire in the early 6th century∞∞? What has been needed is
a full-scale historical study of the patriarch of Antioch, which would bring to-
gether what can be known about him, put that in its historical and geographical
context and assess his place in the imperial Church in the early Byzantine
period. This has now been done superbly by Frédéric Alpi, in a fine work that
originated as his doctoral thesis, prepared under the direction of Bernard Flusin
and defended at the Sorbonne (Paris IV) in 2002.
This beautifully produced book, published in two volumes in Beirut, Leba-
non, under the title La route royale. Sévère d’Antioche et les églises d’Orient
(512-518), appears in the series ‘Bibliothèque archéologique et historique
(188)’ of the Institut français du Proche Orient. It is a pleasure to review it in
these pages, in the hope that it may become well known and widely consulted
by Orientalists and Byzantinists, as well as by historians of church doctrine. For
it is precisely the merit of Frédéric Alpi (hereinafter F.A.) to show that the in-

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RECENSIONS 453
terest of the life and times of Severus of Antioch goes well beyond the history
of dogma. Indeed the subtitle of his book mentions the patriarch precisely in
relation to the ‘churches of Oriens’, that is, of the Roman ‘diocese’ that in-
cluded – in modern terms – south eastern Turkey, as well as a large part of Iraq,
Syria, Lebanon, Jordan, Israel-Palestine and Cyprus, and whose capital was
Antioch-on-the-Orontes (now Antakya, in Turkey). What emerges from a study
of the sources is not only a better appreciation of the person of Severus and a
more accurate understanding of the doctrinal issues that occupied so much of
his attention∞∞; it is finally nothing other than a detailed portrait of the patriar-
chal church of Antioch, its organization and resources, its administration, its
social context, its opponents. It should be noted that, at this time, the
patriarchate of Antioch was not completely coextensive with the diocese of
Oriens, as the Council of Ephesus had recognized Cyprus as an autocephalous
church and Chalcedon had elevated Jerusalem to the rank of a patriarchate,
which was firmly Chalcedonian in doctrine.
F.A.’s magisterial study of the Severan patriarchate rests upon an exemplary
documentation, which is collected in the second volume (‘Sources et docu-
ments’), of 176 pages. This volume contains, first, a descriptive catalogue and
bibliography of the ancient and medieval sources relating to the patriarchate of
Severus of Antioch (‘Ad fontes’), which presents in turn the critical editions
and modern studies of∞∞: Severus’ writings (essentially homilies and letters
originally in Greek but preserved mainly in Syriac)∞∞; relevant synodical and ca-
nonical documents, bishops’ lists, legislation of the emperor Justinian∞∞; then
other sources in Greek, Latin, Syriac, Arabic, Ethiopic and Coptic. Next comes
a selection of inscriptions, each with bibliographical references, transcription,
French translation and commentary. The Registers of the patriarchate of
Antioch under Severus (512-518) bring together the official acts of the patri-
arch or of his synod∞∞; this section excludes communications of a simply pasto-
ral nature but includes certain correspondence with the emperor. Finally, not
the least valuable section of this volume is a prosopography of all persons men-
tioned in the sources used.
On the basis of this documentation F.A. writes his monograph, contained in
the first volume (‘Texte’), of 360 pages. After first retelling the life of Severus
of Antioch (ca. 465-538), the author goes on to place the patriarch in a series of
wider contexts, which sometimes shaped his actions but which he himself also
shaped. The first of these is constituted by the institutions of the Severan
patriarchate, namely the see of Antioch itself, its clergy and monks and the
place of the church of Antioch in the empire, in particular Severus’ relations
with the civil and military authorities. This part of the monograph consists
largely of a socio-juridical study of the Registers mentioned above. In fact,
Severus’ attempt to rally the patriarchate of Antioch to the Henoticon entailed a
policy of strengthening the authority of the patriarch and of his synod, which
was to meet twice a year, therefore, symmetrically, of weakening the autonomy
of metropolitans and local bishops and their synods∞∞; it also meant reinforcing
the links that bound the monasteries to the patriarchate. At each stage Severus
worked closely with the emperor in Constantinople and with his representatives
closer at hand. Such a picture of centralization of ecclesiastical power in the

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454 REVUE BIBLIQUE

interests of enforcing doctrine and discipline, together with an alliance of


throne and altar, is familiar from other parts of the church.
The second part, on ‘The bishop in his city’, exploits the patriarch’s homi-
lies for the evidence they provide of his pastoral policy and action. We see
Severus concerned with the liturgy, with the maintenance of various shrines
and places of worship. He proposes to his flock a way of holiness built around
prayer, asceticism and practical charity. At the same time, we become aware of
the social limits to the realization of the patriarch’s vision of a ‘holy city’∞∞: the
distance between rich and poor, the persistence of institutions and practices dis-
approved by Severus, such as the public spectacles (notably horse racing), the
theatre, the Olympic Games, now celebrated at Antioch, hunting, gambling,
bars and baths.
The third part, dealing with the politico-religious situation of the patriar-
chate, draws on evidence of all kinds, including inscriptions. What emerges is
the formation of a ‘Severan connection’, in which well-placed confreres as-
sisted the patriarch in his project of unifying the churches of the diocese of
Oriens in support of the Henoticon. By extension, Severus sought to coordinate
his own efforts with those of other patriarchs and bishops of the imperial
church. At the same time, Severus was pursuing a policy of Christianizing the
diocese, including the conversion of nomad tribes.
That brings us to the fourth part of the monograph (‘Oppositions et
dissidences’), which shows how Severus dealt with opponents, both those who
remained outside the church and those within it who disagreed with him. First
among the former category were the Jews. Severus has left no writing directed
against them∞∞; on the other hand, passing references in his works show that he
subscribed to the classic anti-Judaism of the church fathers∞∞: Israel’s blindness,
the Law superseded, the church as ‘true Israel’, depreciation of the Jews. He
also mentions a number of concrete Jewish practices. Severus’ anti-Jewish re-
marks were no mere rhetorical flourishes. Like John Chrysostom’s sermons
‘against the Jews’ given at Antioch rather more than a hundred years previ-
ously, they show that Judaism still constituted a rival to Christianity in that city.
At the same time, Severus, again following a general practice, sometimes
labelled as ‘Jews’ those Christians who did not accept his Christological doc-
trine, which may mean that his ‘anti-Jewish’ discourse cannot always be taken
at face value. Other ‘opponents and dissidents’ with regard to Severus’ reli-
gious policy included Manicheans and adherents of earlier Christian heresies,
as well as ‘Nestorians’ and Chalcedonians.
Throughout the volume, brief introductions to each part situate the discus-
sions that follow, which are in turn summed up in conclusions. A series of
ten tables strategically placed bring together in a handy way information on
subjects such as the ranks and titles of civil and military officials and the
allegiances of the bishops of Oriens.
In a general conclusion, F.A. sums up his appreciation of the patriarchate of
Severus of Antioch. His influence on Syrian ‘Jacobite’ Christianity is real and
lasting. Also lasting was his organizing and centralizing of the patriarchate of
Antioch, from which his Chalcedonian successors profited. F.A. draws atten-
tion to Severus’ pastoral, including liturgical, programme, which shows the de-

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RECENSIONS 455
voted shepherd of his flock. He placed the poor, ‘figure and presence of the
suffering Christ’, at the heart of the Christian city, and preached practical
charity as the expression of right belief. It must be admitted that Severus en-
joyed only limited success in carrying out his ecclesiastical policies. He had to
struggle against many obstacles, including the reluctance of other metropolitans
and bishops to accept their diminished rank or to make the new central institu-
tions work properly. Furthermore, he never had financial resources adequate to
his ambitions. Finally, he was dependent on the favour and cooperation of the
imperial power. With the arrival of a new emperor committed to resolving the
schism between Constantinople and Rome, Severus fell and with him the ‘con-
nection’ he had laboured to build up. The Henoticon could no longer mask the
real doctrinal divisions that continued to exist, and unity was sought by way of
a return to Chalcedon, or rather by way of new formulations of the doctrine of
two natures after the union proclaimed at that council. For, paradoxically, the
very success of Severus’ own theological campaign against Chalcedon had pro-
voked the emergence of a ‘Cyrillian neo-Chalcedonism’, which tried to meet
the objections of the followers of Cyril of Alexandria that the Council of 451
represented a relapse into ‘Nestorianism’. This became the standard expression
of Orthodoxy. It was the least expected but perhaps not the least important
achievement of Severus of Antioch.
The bibliography of ancient sources and modern studies, along with the list
of abbreviations and sigla, is to be found at the beginning of volume I. The
same volume concludes with a glossary of theological and ecclesiastical terms,
a series of informative maps, photographs and other illustrations, finally lists
and indices.
École biblique, Jerusalem Justin TAYLOR, s.m.

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4562010 - T. 117-3 (pp. 456-476). REVUE BIBLIQUE
RB.

BULLETIN

Recueils et mélanges. — Jésus a-t-il eu des prétentions messianiques, ou son iden-


tité de Messie est-elle venue de la communauté primitive («∞∞chrétienne∞∞»)∞∞? Dans l’un et
l’autre cas, de quelle sorte de Messie s’agissait-il∞∞? Que sait-on des idées et mouvement
messianisants de l’époque et de leur audience∞∞? Un colloque tenu à Naple fin 2005 a fait
le point sur ces questions, qui sont sérieusement travaillées depuis un certain temps∞∞; les
contributions sont publiées par A. Guida et M. Vitelli1.
Giorgio JOSSA, «∞∞Introduzione. L’diea del Messia al tempo di Gesù. L’orientamento
della storiografia contemporanea∞∞», p. 15-30∞∞; Gian Luigi PRATO, «∞∞In nome di Davide∞∞:
simbologia, polivalenza e ambiguità del potere regale messianico∞∞», p. 31-56∞∞; Paolo
SACCHI, «∞∞Figure superumane e attesa messianica fra il II secolo a. C. e I secolo d. C.∞∞»,
p. 57-80∞∞; Luca ARCARI, «∞∞Il Libro delle Parabole di Enoch∞∞: alcuni problemi filologici
e letterari∞∞», p. 81-92∞∞; Dario GARRIBBA, «∞∞Pretendenti messianici al tempo di Gesù∞∞? La
testimonianza di Flavio Giuseppe∞∞», p. 93-107∞∞; Giuseppe BARBAGLIO, «∞∞Gesù ha
affermato di essere Messia∞∞?∞∞», p. 107-120∞∞; Emilio SALVATORE, «∞∞Il messianismo di
Gesù∞∞: immagini pre-kerigmatiche∞∞», p. 121-144∞∞; Cosimo PAGLIARA, «∞∞Il modello
giudaico del “∞∞profeta escatologico∞∞”∞ : stadio esistenziale nel riconoscimento proto-
cristiano di Gesù∞∞», p. 145-158∞∞; Alberto CASALEGNO, «∞∞Le opinioni degli anonimi circa
l’identità messianica di Gesù nel Vangelo di Giovanni∞∞», p. 159-174∞∞; Annalisa GUIDA,
«∞∞Il germoglio di Iesse ed il “∞∞soffio delle sue labbra∞∞” (Is 11,4)∞∞: sviluppi di
un’intertestualità influente tra II secolo a. C. e I secolo d. C.∞∞», p. 175-188.
La notion de messianisme juif, peu documentée dans la Bible et ignorée de Philon
comme de Josèphe, n’est jamais évidente, car elle se combine avec d’autres titres bibli-
ques. Une des difficulté du thème, soulignée par G. Prato, est d’éviter de faire de la
christologie, et plus généralement de donner la priorité aux idées, lorsqu’elles ne sont
pas véhiculées par un mouvement socialement visible. Il est significatif que le nom de
«∞∞chrétien∞∞» soit apparu dans des circonstances troublées∞∞: Barnabé, à Antioche, était
débordé et avait dû aller chercher Paul.
Étienne NODET.

Studies in Hebrew, Aramaic… — M. Bar-Asher, né au Maroc en 1939, est professeur


émérite de l’Université hébraïque de Jérusalem, président de l’Académie de la langue
hébraïque et de l’Alliance israélite universelle. Disciple de Y. Kutcher et spécialiste de
l’hébreu de toutes époques et des diverses formes d’araméen, il a publié en linguiste de

1 Annalisa GUIDA e Marco VITELLI, Gesù e i Messia di Israele (Coll. Oi Christianoi,


4). 14x21,5∞∞; 205 p. Trapani, Il Pozzo di Giacobbe, 2006. — Br. / 20 (ISBN 978 88
87324 93 8).

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BULLETIN 457
nombreux ouvrages dans divers domaines apparentés∞∞: codicologie, philologie sémitique
et langue rabbinique. Ses collègues, amis et disciples lui ont présenté une festschrift inti-
tulée Portes de la langue2, en trois forts volumes∞∞: hébreu biblique, hébreu et araméen
rabbiniques, langue moderne et idiomes juifs. Le tout comprend plus de cent articles,
dont une vingtaine en anglais ou français.
É. NODET.

Jerusalem Studies in the Synoptic Gospels. – This collective volume3 brings together
a number of previously unpublished studies, most of which refer in some way to the last
week of Jesus’ life. They represent the work of the Jerusalem School of Synoptic
Research. This informal body grew up from and around the joint study of the Gospels
by the late Robert Lindsey (1917-1995), Pastor of Jerusalem’s Narkis Street Baptist
Congregation, David Flusser (1917-2000), Professor of Early Christianity and Judaism
of the Second Temple Period at the Hebrew University of Jerusalem, and Shmuel Safrai
(1919-2003), Professor of Jewish History of the Mishnaic and Talmudic Period at the
same University. The Jerusalem School shares a conviction that the Hebrew language
‘played an integral part’, along with Aramaic and Greek, in the cultural environment of
first century Judaea and is ‘important for our understanding of the teachings of Jesus’.
It also believes that ‘the historical Jesus belonged within the exciting landscape of com-
peting Jewish ideas at the close of the Second Commonwealth’ (pp. 3-4). The first
conviction leads to a view that the Semitic language source or sources behind the synop-
tic Gospels would have been Hebrew rather than Aramaic. Indeed, the characteristic
approach of the Jerusalem School may be said to have begun with Robert Lindsey’s
experience in translating St Mark’s Gospel into Hebrew: he found that Mark is full of
‘non-Hebraic expressions’, from which Luke is largely free. Indeed, Luke has many
Semitisms, a fact already recognized by H.F.D. Sparks, in an article published in the
Journal of Theological Studies in 1943. According to the Jerusalem School, these should
not be explained as ‘Septuagintalisms’; they are evidence of Luke’s closeness to a
Semitic – specifically Hebrew-language – environment. The second conviction enables
the Jerusalem School often to see the New Testament as offering early – not infre-
quently the earliest – evidence of Jewish practices or controversies known later in the
Rabbinical tradition. Incidentally, this approach offers a way to use the rabbinical mate-
rial in studying the New Testament that avoids the anachronism associated with an un-
critical use of Strack-Billerbeck.

After Steven NOTLEY’s preface introducing the Jerusalem School of Synoptic


Research, the volume begins appropriately with David FLUSSER on ‘The Synagogue and
the Church in the Synoptic Gospels’, and Shmuel SAFRAI on ‘Early Testimonies in the
New Testament of Laws and Practices Relating to Pilgrimage and Passover’. There
follow: Randall BUTH and Brian KVASNICA, ‘Temple Authorities and Tithe-Evasion:

2 A. MAMAN, S. E. FASSBERG, Y. BREUER (eds), Sha{arei lashon. Studies in Hebrew,

Aramaic and Jewish Languages Presented to Moshe Bar-Asher (en hébreu). Vol. I∞∞:
Biblical Hebrew, Masorah, and Medieval Hebrew. Vol. II∞∞: Rabbinic Hebrew and
Aramaic. Vol. III∞∞: Modern Hebrew and Jewish Languages. 16 x 23,5∞∞: LVI-344-184*,
VI-452-84*, VIII-466-156* p., Jerusalem, The Bialik Institute, 2007. — Rel. 3x41,77 $
(978-965-342-945-1∞∞; 978-965-342-946-8∞∞; 978-965-342-947-5).
3 R. Steven NOTLEY, Marc TURNAGE and Brian BECKER (Eds.), Jesus’ Last Week.

Jerusalem Studies in the Synoptic Gospels – Volume One (Jewish and Christian Perspec-
tives, 11). 16 x 24,5; 350 pp. Leiden and Boston: Brill, 2006. – Rel. / 119; US$ 177
(ISBN 90-04-14790-X; ISSN 1388-2074).

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458 REVUE BIBLIQUE

The Linguistic Background and Impact of the Parable of the Vineyard, the Tenants and
the Son’ (critical notes on this parable are given in an appendix towards the end of the
volume); Serge RUZER, ‘The Double Love Precept in the New Testament and the Rule
of the Community’; R. Steven NOTLEY, ‘Learn the Lesson of the Fig Tree’ and
‘The Eschatological Thinking of the Dead Sea Sect and the Order of Blessing in the
Christian Eucharist’; Marc TURNAGE, ‘Jesus and Caiaphas: An Intertextual-Literary
Evaluation’; Chana SAFRAI, ‘The Kingdom of Heaven and the Study of Torah’; Brad
H. YOUNG, ‘A Fresh Examination of the Cross, Jesus and the Jewish People’; David
BIVIN, ‘Evidence of an Editor’s Hand in Two Instances of Mark’s Account of Jesus’
Last Week?’. The last two studies are devoted to the question of language: Shmuel
SAFRAI, ‘Literary Languages in the Time of Jesus’, and Hanan ESHEL, ‘Use of the
Hebrew Language in Economic Documents from the Judaean Desert’. Besides the
appendix already referred to, there are an Index of Scripture and Ancient Sources and
an Index of Subjects.
Justin TAYLOR

Traductologie. — Dans l’Antiquité, on se demandait si la Bible grecque


pouvait avoir la même autorité que l’original. Bien plus tard, le concile de
Trente proclama l’autorité de la Vulgate latine. Cette question normative en
cache une autre plus délicate, l’exactitude sémantique d’une traduction. Le
problème est permanent, et depuis 1990, un groupe de biblistes s’est constitué,
The Context Group∞∞: Project on the Bible and Its Cultural Environment. Il est
centré sur l’apport des sciences sociales pour améliorer les traductions de la
Bible. D. Neufeld a rassemblé une série d’études issues de ces travaux4∞∞; de
nombreux cas concrets sont discutés.
– Richard L. ROHRBAUGH, «∞∞Foreignizing Translation∞∞», recommande une
traduction délibérément installée dans les cultures antiques, ce qui peut nécessi-
ter un peu de paraphrase, pour éviter l’annotation. Par exemple, dire que Marie
était «∞∞fiancée à Joseph∞∞», sans note, aboutit à un contresens.
– Zeba A. CROOK, «∞∞Grace as Benefaction in Galatians 2∞∞:9, 1 Corinthians
3∞∞:10, and Romans 12∞∞:3∞∞; 15∞∞:15∞∞», juge que le terme «∞∞grâce∞∞» est gauchi par
des effets théologiques postérieurs à Paul.
– Richard E. DEMARIS, «∞∞Contrition and Correction, or Elimination and
Purification in 1 Corinthians 5∞∞?∞∞», juge que l’expulsion du pécheur par Paul est
simplement un rite d’exécration destiné à restaurer l’unité de la communauté.
– Dietmar NEUFELD, «∞∞Sins and Forgiveness∞∞: Release and Status Reinstate-
ment of the Paralytic in Mark 2∞∞;1-12∞∞», conclut qu’il ne s’agit pas de l’absolu-
tion du péché originel∞∞: Jésus libère le paralytique de la honte.
– Alicia BATTEN, «∞∞The Degraded Poor and the Greedy Rich∞∞: Exploring the
Language of Poverty and Wealth in James∞∞», montre que, dans une culture de
pénurie, le riche est nécessairement avare, et le pauvre est déshonoré, car il est
devenu marginal.

4 Dietmar NEUFELD (ed.), The Social Sciences and Biblical Translation (Symposium
Series, 41). 15,5 x 23∞∞; X-188 p. Atlanta, Society of Biblical Literature, 2008. — $ 24,95
(ISBN 978-1-58983-347-0).

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BULLETIN 459
– John H. ELLIOTT, «∞∞God – Zealous and Jealous but Never Envious∞∞; The
Theological Consequences of Linguistic and Social Distinctions∞∞», montre que
la «∞∞jalousie∞∞» de Dieu est souvent mal comprise.
– John H. PILCH, «∞∞The Usefulness of the “∞∞Meaning Response∞∞” Concept of
Interpreting Translations of Healing Accounts in Matthew’s Gospel∞∞», observe
que dans le NT les notions de maladie et de guérison sont moins précises
qu’aujourd’hui, et qu’il faut les rattacher à leur signification sociale.
– Carolyn LEEB, «∞∞Translating the Hebrew Body into English Metaphor∞∞»,
conclut que selon l’anthropologie biblique la locution «∞∞parler au cœur∞∞» doit
être comprise «∞∞parler à la raison, discuter∞∞», mais toujours avec une note exis-
tentielle. Dieu a donné à l’homme «∞∞un cœur pour penser∞∞» (Si 17,6).
– Robert A. KUGLER, «∞∞Relexicalizing Leviticus in 4QMMT∞∞: The Begin-
nings of Qumran Anti-language∞∞?∞∞», montre, en examinant les controverses de
4QMMT et ses références bibliques, que l’antilangage peut se ramener à un
effet de traduction.
– John SANDYS-WUNSCH, «∞∞Comments from Someone Who Once Shook
Hands with S. H. Hooke∞∞», souligne en conclusion que toute traduction est
inadéquate, ce qui pose le problème de l’autorité du commentaire qu’il faut
associer, qu’il soit écrit ou oral.
É. NODET.

Bible polyglotte. — Les grandes polyglottes classiques font toujours des


émules. L’entreprise Bibbia ebraica interlineare offre en synopse à droite
le TM avec une courte annotation textuelle (BHS, BHQ), une traduction juxta-
linéaire mot-à-mot et une analyse des verbes, et à gauche la LXX de Rahlfs-
Hanhart, la Vulgate sixto-clémentine et une traduction italienne moderne. Une
introduction détaillée précise les choix opérés∞∞; en particulier, la traduction jux-
talinéaire met les mots les plus fréquents en transcription (noms de Dieu,
termes cultuels, père, fils, pain, etc.) de manière à en aider la mémorisation
pour les hébraïsants débutants. Avec sa présentation très claire, la série consti-
tue à la fois un instrument de travail et une initiation à l’hébreu biblique. Il faut
lui souhaiter du succès, même hors d’Italie.
Les Cinq Rouleaux (Ct, Qo, Lm, Est, Rt) sont présentés en un volume5. Les
suppléments du grec sont fournis. Un détail malencontreux∞∞: contrairement à
la page de titre, la couverture et la jaquette illustrée portent ‫∞∞« המש מגלות‬qui
supprime des rouleaux∞∞», au lieu de ‫…חמש מגלות‬
É. NODET.
5 Piergiorgio BERETTA (a cura di), ‫חמש מגלות‬. Cinque Meghillôt. Rut, Cantico dei

cantici, Qohelet, Lamentazioni, Ester. Ebraico, greco, latino, italiano. Testo ebraico
della Biblia Hebraica Stuttgartensia. Traduzione interlineare italiana di Mauro BIGLINO.
Testo greco dei Settanta, ed. Rahlfs / Rahlfs-Hanhart. Testo latino della Vulgata Clemen-
tina. Testo italiano della Nuovissima Versione della Bibbia e di Mons. Gianfranco
RAVASI (Cantico dei cantici e Qohelet) (Bibbia ebraica interlineare, 17-21). 17 x 24,5∞∞;
20*-231 p. Cinisello Balsamo, Edizioni San Paolo, 2008. — Rel. / 35,00 (ISBN 978-88-
215-6301-0).

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460 REVUE BIBLIQUE

Bible grecque. — Une légende médiévale veut que Simon le Juste, un grand
prêtre prémaccabéen, ait traduit en grec la Bible hébraïque, mais il jugeait im-
possibles certaines allusions messianiques. Il lui fut donné de vivre plusieurs
siècles, pour finalement accueillir Jésus au temple∞∞: «∞∞Mes yeux ont vu ton
salut∞∞» (Lc 2,30).
Contre cette vue traditionnelle faisant de la LXX une avancée vers le chris-
tianisme, N. Fernández Marcos offre une brève synthèse sur cette traduction,
qui fut une Bible juive avant de devenir chrétienne6. Il s’adresse au non-spécia-
liste en dix brefs chapitres suivis chacun d’un complément bibliographique∞∞:
une Bible juive devenue chrétienne∞∞; les origines∞∞; traduction et traducteurs∞∞;
conflits entre hébreu et grec∞∞; les révisions chrétiennes∞∞; les fragments grecs du
désert de Juda∞∞; la LXX et les origines du christianisme∞∞; la Bible des Pères∞∞;
les éditions critiques modernes.
Ce tour d’horizon d’un spécialiste fait le point avec mesure. On ajoutera seu-
lement deux éléments au débat. La Mishna insiste sur l’importance de la Bible
hébraïque, mais signale qu’une traduction grecque fut autorisée (m.Megila
1∞∞:8). Il s’agit non pas de la LXX, mais de la traduction d’Aquila, vers 100.
Celui-ci suit très littéralement le TM, et des sages le félicitèrent (j.Megila 1∞∞:11
‫קלסו‬, de kálov, «∞∞déclarèrent bon∞∞»). Le grec était alors dominant en Judée, et
le problème des milieux protorabbiniques n’était pas d’abord de se protéger du
christianisme paulinien, éloigné de la Judée, mais de marquer une séparation
d’avec l’exégèse allégorique à la Philon.
La seconde instance concerne Josèphe. Dans sa paraphrase biblique, il utilise
un texte hébreu glosé, très probablement issu des archives du temple (recueilli
par Titus en 70). Ce texte a des parentés avec des fragments de Qumrân et aussi
avec la LXX, spécialement sous la forme attestée par la recension antiochienne
du IVe siècle (dite «∞∞lucianique∞∞»). E. Tov a montré que les singularités de cette
recension provenaient d’une traduction complète faite sur un hébreu distinct du
TM, et donc apparenté à la source de Josèphe.

Cette présentation de la LXX vient en marge d’un projet de traduction de la


Bible grecque en castillan. Le Pentateuque en constitue la première livraison7, qui
sera suivie de trois autres. Une introduction générale, dotée d’une importante bi-
bliographie, justifie l’entreprise, liée à un regain d’intérêt pour la LXX, et donne
les principes suivis∞∞: le texte retenu est celui de Göttingen ou à défaut celui de
Rahlfs∞∞; lorsqu’il y a deux recensions nettement distinctes, les deux traductions
seront mises en regard (Jos, Dn, texte antiochien de S-R-Ch, etc.)∞∞; une annota-
tion brève explique les difficultés de sens ou de traduction et signale des contacts
avec les fragments de Qumrân, mais ne s’attarde pas à la réception patristique.
Chaque livre fait l’objet d’une introduction propre, avec bibliographie.

6 Natalio FERNANDEZ MARCOS, Septuaginta. La Biblia griega de judíos y cristianos

(Biblioteca de estudios bíblicos minor, 12). 12 x 19∞∞; 157 p. Salamanca, Ediciones


Sígueme, 2008. — / 12,00 (ISBN 978-84-301-1689-8).
7
 Natalio FERNANDEZ MARCOS & María Victoria SPOTTORNO DIAZ-CARO (coord.),
La Biblia griega Septuaginta, I∞ : El Pentateuco (Biblioteca de Estudios Bíblicos, 125).
15,5 x 23,5∞∞; 448 p. + 8 planches en couleur. Salamanca, Ediciones Sígueme, 2008. —
Rel. / 29,00 (ISBN 978-84-301-1693-5).

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BULLETIN 461
Les disciples et amis de F. Gignac, s. j., lui ont offert une Festschrift pour
ses 75 ans. En l’honneur de ses travaux philologiques, elle est consacrée à la
Bible grecque8∞∞; elle inclut une bibliographie de l’impétrant et des index.
I. Genesis Creation Traditions.
– Jennifer M. DINES, «∞∞Creation under Control∞∞: Power Language in
Genesis 1∞∞:1-2∞∞:3∞∞», montre que contrairement au TM la LXX présente le ciel
et la terre comme un cosmos unifié, et non deux règnes indépendants.
– C. T. Robert HAYWARD, «∞∞Guarding Head and Heel∞∞: Observations on
Septuagint Genesis 3∞∞:15∞∞», observe que la LXX, Philon et les targums inter-
prètent le verbe difficile ‫ שוף‬comme «∞∞surveiller∞∞» avec une nuance hostile.
– Janet TIMBIE, «∞∞What is EPIFERE∞∞? Genesis 1∞∞:2b in the Sahidic Ver-
sion of the LXX and the Coptic Apocryphon of John∞∞», montre que l’emploi
anormal du mot grec de la LXX pour ‫∞∞« מרחפת‬voleter, aller et venir∞∞» provient
d’une question théologique sur l’Esprit.
II. Later Septuagintal Books.
– Alexander A. DI LELLA, «∞∞A Textual and Literary Analysis of the Song of
the Three Jews in Greek Daniel 3∞∞:52-90∞∞», propose de diviser le cantique en
sept couplets, qui reprennent les sept jours de Création.
– Jeremy CORLEY, «∞∞Septuagintalisms, Semitic Interference, and the Origi-
nal Language of the Book of Judith∞∞», montre que les sémitismes de Jdt
s’expliquent au mieux par une influence délibérée de la LXX∞∞; il n’est donc pas
nécessaire de supposer un original hébreu.
– Mark F. WHITTERS, «∞∞Martyrdom as Cultic Death in the Books of Macca-
bees∞∞: Antecedents and Later Developments∞∞», juge que les traditions grecques
qui comprennent le sacrifice humain accepté comme intercession est à l’origine
des récits de martyrs juifs, et conclut que la mort acceptée de Jésus est dans la
même ligne.
III. New Testament Texts.
– Stanley E. PORTER, «∞∞Verbal Aspect and Discourse Functions in Mark
16∞∞:1-8∞∞: Three Significant Instances∞∞», montre que des nuances stylistiques
sollicitent discrètement la réponse du lecteur, ce qu’ont souvent perçu les Pères.
– Eliott MALONEY, «∞∞The “∞∞Impersonal∞∞” Plural Active of the Verb in the
Synoptic Gospels and Acts∞∞: Semitic Interference∞∞?∞∞», conclut positivement∞∞: il
y a des interférences araméennes, spécialement chez Mc.
– Bart J. KOET, «∞∞Luke 10∞∞:38-42 and Acts 6,1-17∞∞: A Lucan Diptych on
diakonía∞∞», montre que le terme désigne un service matériel, mais qu’il ne se
comprend que combiné avec l’enseignement.
– Vincent SKEMP, «∞∞Participial Aspect and the Lamb’s Paradigmatic Wit-
ness in Revelation 13∞∞:8∞∞», montre qu’il y a un sens à parler du «∞∞livre de
l’agneau égorgé écrit dès les origines du monde∞∞».
IV. Linguistic Studies.
– M. O’CONNOR, «∞∞The Language of Creation in Ben Sira∞∞: ‫ = חלק‬ktíhw∞∞»,
montre que ‫חלק‬, qui a le sens «∞∞créer∞∞» en arabe (‫ ח‬dur), l’a aussi en hébreu tardif.

8
 Jeremy CORLEY & Vincent SKEMP (eds), Studies in the Greek Bible. Essays in
Honor of Francis T. Gignac, S.J. (The Catholic Biblical Quarterly Monograph Series,
44). 15 x 23∞∞; XIV-318 p. Washington, DC, The Catholic Biblical Association of
America, 2008. — $ 18,00 (ISBN 0-915170-43-4).

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462 REVUE BIBLIQUE

– Shawn W. FLYNN, «∞∞The Septuagint as Interpretative Translation and the


Complex Background to katanússomai in Acts 2∞∞:37∞∞», montre, par un par-
cours dans la LXX, que cet hapax du NT signifie «∞∞être poignardé∞∞» et que la
métaphore se réfère à la découverte par les auditeurs de Pierre de leur condition
de pécheurs.
– James K. AITKEN, «∞∞Phonological Phenomena in Greek Papyri and
Inscriptions and their Significance for the Septuagint∞∞», montre que certaines
particularités orthographiques momentanées des papyrus peuvent aider à dater
la LXX.

B. Wright publie un recueil d’articles sur le judaïsme hellénistique parus de-


puis vingt ans, et ajoute un inédit. Il explique en introduction que trois thèmes
dominent et s’entrelacent∞∞: les problèmes de traduction, le contexte social des
auteurs et la transmission de la tradition. La matière est en fait distribuée en
deux parties, centrées l’une sur Ben Sira et l’autre sur la Septante9. Des index
complètent l’ouvrage.
I. Ben Sira and Early Jewish Wisdom.
– «∞∞Wisdom and Women at Qumran∞∞»∞∞; l’A. observe qu’aucun des textes de
sagesse traitant des femmes n’est clairement sectaire, ou essénien.
– «∞∞From Generation to Generation∞∞: The Sage as Father in Early Jewish
Literature∞∞»∞∞; le procédé pédagogique de s’adresser à «∞∞mon fils∞∞» ou à «∞∞toi∞∞»
provient de Pr et se rencontre dans Si et des textes de Qumran.
– «∞∞The Categories of Rich and Poor in the Qumran Sapiential Literature∞∞»∞∞;
la clientèle de Ben Sira est appelée à être influente et aisée, et doit se garder
des puissants, alors qu’un maître de Qumrân (mbyn) est manifestement pauvre
économiquement, et le devient socialement.
– «∞∞“∞∞Who Has Been Tested by Gold and Found Perfect∞∞?∞∞” Ben Sira’s
Discourse of Riches and Poverty∞∞»∞∞; pour Pr, la prospérité est liée à la justice,
mais pour Si elle reste précaire, et le plus grand honneur est le service de Dieu.
– «∞∞“∞∞Fear the Lord and Honor the Priest∞∞”∞∞: Ben Sira as Defender of the
Jerusalem Priesthood∞∞»∞∞; alors que Hénoch et Lévi araméen critiquent le temple
et le pontificat, Si les défend et s’attache au calendrier lunaire.
– «∞∞“∞∞Put the Nations in Fear of You∞∞”∞∞: Ben Sira and the Problem of
Foreign Rule∞∞»∞ ; la sujétion étrangère est une conséquence du péché, mais la per-
fection du culte et de la crainte de Dieu constituent une sorte d’affranchissement.
– «∞∞Wisdom, Instruction and Social Location in Ben Sira and 1 Henoch∞∞»∞∞;
il s’agit d’ouvrages scolaires, mais le second, plus ésotérique et dissident, tient
à une sagesse révélée.
– «∞∞Ben Sira on the Sage as Exemplar∞∞»∞∞; pour accéder à la sagesse, l’ensei-
gnement théorique ne suffit pas∞∞; il faut des exemples, anciens ou récents.
– «∞∞B. Sanhedrin 100b and Rabbinic Knowledge of Ben Sira∞∞»∞∞; Si est cité
comme «∞∞Écrit∞∞», mais les citations rabbiniques, dont plusieures en araméen, ne
9 Benjamin G. WRIGHT III, Praise Israël for Wisdom and Instruction. Essays on Ben

Sira and Wisdom, the Letter of Aristeas and the Septuagint (JSJ, Suppl. 131). 16,5 x
24,5∞∞; XV-361 p. Leiden-Boston, Brill, 2008 — Rel. / 119,00. $ 189,00 (ISBN 978-90-
04-16908-1∞∞; ISSN 1384-2161).

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BULLETIN 463
concordent que partiellement avec les versions connues∞∞; cependant, celles-ci
attestent diverses expansions, et il en est certainement de même pour ces cita-
tions.
II. The Letter of Aristeas and the Septuagint.
– «∞∞The Jewish Scriptures in Greek∞∞: The Septuagint in the Context of
Ancient Translation Activity∞∞»∞∞; l’A. observe que l’œuvre des LXX, où l’origi-
nal est toujours sensible, est sans précédent, et doute que la corporation des tra-
ducteurs grecs, connue depuis Hérodote, ait réellement servi de modèle.
– «∞∞‫עבד‬/doÕlov – Terms and Social Status in the Meeting of Hebrew
Biblical and Hellenistic-Roman Culture∞∞»∞∞; le statut biblique des esclaves était
différent des coutumes gréco-romaines∞∞; la LXX met pa⁄v et évite doÕlov,
pour marquer cet écart, mais Philon et Josèphe emploient régulièrement
doÕlov∞∞; pour eux, pa⁄v signifie le plus souvent «∞∞enfant∞∞».
– «∞∞Access to the Source∞∞: Cicero, Ben Sira, the Septuagint and Their
Audience∞∞»∞∞; alors que Cicéron explique comment il traduisait pour une
audience ignorant le grec, Ben Sira et la LXX s’adressent à des gens capables
de percevoir l’original.
– «∞∞The Letter of Aristeas and the Reception History of the Septuagint∞∞»∞∞; le
but de la Lettre est de donner une autorité canonique à une traduction existante,
ce qui est contraire à la perspective du traducteur de Si.
– «∞∞Translation as Scripture∞∞: The Septuagint in Aristeas and Philo∞∞»∞∞; pour
l’un et l’autre, la LXX est destinée à remplacer l’hébreu.
– «∞∞Three Jewish Ritual Practices in Aristeas §§158-160∞∞»∞∞; les règles rela-
tives aux franges, aux mezuzot et aux phylactères ne suivent pas exactement la
lettre biblique∞∞; il y avait donc une tradition orale autorisée.
É. NODET.

Judaïsme rabbinique. — L’historia est une enquête sur les faits, qui vise à
l’objectivité, alors que le midrash est une enquête sur les mots de la Bible en
fonction d’un questionnement propre qui la provoque∞∞; c’est donc l’opposé
du commentaire, qui par hypothèse se soumet au texte pour l’expliquer.
J.-G. Kahn, qui a une forte culture classique et a beaucoup travaillé Philon,
expose la nature du midrash dans un ouvrage court mais très fin, sans lourdeur
technique10. Il s’attache surtout à la agada, qui couvre tous les domaines non
légaux du judaïsme (philosophie, poésie, sagesse, récits divers).
Il explique, en l’illustrant par des exemples, que les sciences modernes peu-
vent et doivent en augmenter l’intelligibilité, mais ne peuvent l’emprisonner.
L’histoire générale fournit des cadres, depuis les Perses et Alexandre, mais le
midrash les transforme au profit de récits qui ont le plus souvent l’aspect d’une
parabole et qui sont toujours rattachés à l’Écriture, parfois de manière impré-
vue, presque arbitraire. Les moyens d’expression sont particuliers, car dans la
langue biblique les mots, les expressions, les récits se renvoient constamment

10
 Jean-Georges KAHN, Le Midrash à la lumière des sciences humaines. 14x21∞∞; 142
p. Paris, Connaissance et savoirs, 2006. — Br. / 15 (ISBN 978 2 7539 0095 0).

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464 REVUE BIBLIQUE

les uns aux autres, dans des jeux indéfinis dépendant largement de l’interprète,
mais celui-ci doit admettre que le tout forme une révélation de Dieu qu’il s’agit
d’expliciter aujourd’hui. Les noms des choses les exprime, mais les déformer
ou les arranger autrement révèle des réalités implicites. La magie n’est jamais
loin, mais les Sages s’en méfient, quoique sans lui opposer une théologie
rationnelle.
Bref, un petit livre à recommander, documenté, réfléchi, respectueux des
sources et accessible au grand nombre. Il n’existe pas d’équivalent en anglais∞∞!

Refusant l’idée admise depuis les travaux de S. Lieberman et J. Neusner que


la transmission orale de la Mishna résultait d’une mémorisation sans réflexion,
E. Alexander propose un autre modèle, à la fois actif et constructif∞11. À travers
l’étude de plusieurs passages et de leurs développements talmudiques, elle sug-
gère que la Mishna ne s’est réellement fixée que bien plus tard qu’on ne le croit
généralement∞∞: cette fixation a été le fruit d’une forte interaction entre maîtres
et disciples, selon un processus analogue à celui de la fixation des Écritures.
Les exemples choisis sont suggestifs, mais la question n’est pas close pour
autant, car l’A. minimise l’importance d’autres recueils tannaïtiques comme la
Tosefta ou le Midrash halakha, qui supposent une Mishna largement fixée, au
moins oralement.

Y. Kolatch commence la publication d’un nouveau type de commentaire


rabbinique de l’Écriture12. Le midrash, le targum et les commentateurs tradi-
tionnels (Saadia Gaôn, Rashi et sa postérité, Maïmonide, Nakhmanide, etc.)
étant bien connus, il s’efforce de scruter leur culture, leur manière d’aborder les
textes, leurs préoccupations, le public qu’ils visent, etc. Plutôt que de risquer
une nouvelle somme encyclopédique, alors qu’il en existe déjà, il prend une
méthode progressive qui évite au lecteur de se noyer et l’invite à poursuivre. La
Tora est divisée en portions hebdomadaires de dimension notable, car elles sont
conçues pour un cycle annuel. Commençant au début de la Genèse, l’A. se
concentre sur un commentateur (ou assimilé) pour chaque portion, en suivant à
peu près l’ordre chronologique. Ainsi, la première portion ou parasha (Gn 1,1-
6,8) sert à illustrer le midrash, la seconde (Gn 6,9-11,32) le targum, etc. Pour
chacune d’elle, la présentation est la même∞∞: le commentateur (ou assimilé) est
d’abord introduit en détail avec son époque, puis le commentaire est introduit
dans son ensemble, avec ses perspectives dominantes, voire les défis de son
époque, et enfin un échantillon est minutieusement expliqué. On peut dire
qu’ainsi la tradition orale domine l’écrit.
L’ouvrage commence par un gros chapitre définissant les notions tradition-
nelles, le pourquoi et le comment des différents types d’exégèse. L’histoire

11
 Elizabeth Shanks ALEXANDER, Transmitting Midrash. The Shaping Influence of
Oral Tradition. 16x23,5∞∞; xvi-246 p. Cambridge, University Press, 2006. — Rel. $ 75,
£ 45 (ISBN 978 0 521 85750 5).
12 Yonatan KOLATCH, Masters of the Words. Traditional Jewish Bible Commentary

from the First through Tenth Centuries. Vol. I. 16x23,5∞∞; xviii-454 p. Jersey City,
KTAV Publishing House, 2006. — Rel. $ (ISBN 978 088125 936 0).

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BULLETIN 465
antérieure à la publication de la Mishna (vers 200) est envisagée de manière
peu critique, mais le tout forme une excellente introduction pour tout public
aux modes de pensée et d’exégèse du judaïsme rabbinique. Une telle transpa-
rence, légèrement atténuée par l’emploi d’un certain vocabulaire technique, est
fort peu traditionnelle, mais J. Neusner a depuis des dizaines d’années rétabli
une coutume qui s’était perdue depuis Philon∞∞: rendre accessibles des enseigne-
ments traditionnellement ésotériques, c’est-à-dire liés à la fréquentation d’un
maître.
Étienne NODET.

Septante. — La LXX est-elle inspirée∞∞? Pour la théologie médiévale, la


réponse est négative, puisqu’il s’agit de traductions, alors que l’inspiration est
un charisme personnel des auteurs sacrés. Philon n’avait aucun doute sur l’ins-
piration de la LXX, puisque c’était une traduction fidèle∞∞; de même les pre-
miers Pères, à commencer par Justin – et telle est encore la tradition des Églises
grecques. On peut même ajouter que c’est implicite chez Paul∞∞; plus générale-
ment on peut même affirmer que l’ensemble du NT n’a aucun doute sur l’auto-
rité de la traduction grecque de la Bible, LXX officielle ou non. Même Origène,
pourtant très attentif à l’hébreu, prend très au sérieux les diverses versions grec-
ques qu’il connaît. C’est Jérôme, champion de l’hebraica veritas, qui a pro-
noncé le déclin de l’autorité de la LXX. D. Kranz reprend le dossier des sources
anciennes13.
De fait, c’est une certaine doctrine de l’inspiration qui crée des difficultés
artificielles. Pour les Anciens, c’est l’usage liturgique qui constituait le critère.
Jérôme aurait bien voulu supprimer de la Vulgate les livres connus seulement
en grec (Jdt, Tb, 1-2 M, Sg, Si). Il les jugeait secondaires, car ils ne pouvaient
servir aux débats avec les Juifs, mais il était obligé d’admettre qu’ils étaient uti-
lisés partout dans la liturgie et la prédication. Un critère semblable a servi pour
le NT, en plus de l’autorité apostolique proprement dite. Ainsi Eusèbe se fai-
sait-il l’écho de doutes sur l’attribution de Jc à Jacques, frère du Seigneur, mais
il devait admettre que cette épître était lue dans la liturgie de toutes les Églises.
Le Concile de Trente n’a pas osé proclamer que la Vulgate latine était inspi-
rée, en dépit de l’opinion de certains, mais il a fait un pas décisif en déclarant
que c’était le texte biblique qui était inspiré – et non ce qu’avaient pensé ou dit
les divers auteurs. Ainsi apparaissait la notion de Bible (au singulier) comme
œuvre littéraire. De la même manière, l’autorité d’une loi ne dépend pas de la
qualité de ses rédacteurs ni des débats qui l’ont précédée.
Étienne NODET.

13
 Dirk Kurt KRANZ, Ist die griechische Übersetzung der Heiligen Schrift der LXX
inspiriert∞∞? Eine Antwort nach den Zeugnissen der Kirchenväter (2.-4. Jh.) vor dem
Aufkommen der diskussion um die∞∞» hebraica veritas «∞∞ (Studi e Ricerche, 3). 17x24∞∞;
264 p. Roma, Ateneo Pontificio Regina Apostolorum, 2005. — Br. / 12 (ISBN 88
89174 29 3). Pour une réhabilitation de la LXX sous un autre angle, cf. RB 105 (1998),
p. 426-430.

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Ben Sira. — Le livre de Ben Sira occupe une position canonique instable∞∞:
il n’est pas dans le TM, mais le Talmud le cite, et certains fragments de la
geniza du Caire ont reçu la vocalisation massorétique. Il a fait l’objet d’une
Conférence internationale tenue en 2006 à Pápa (Hongrie)∞∞; G. G. Xeravits
et J. Zsengellér en présentent les communications, en trois parties suivies
d’index14.
I. Introductory Matters.
– Maurice GILBERT, «∞∞The Vetus Latina of Ecclesiasticus∞∞», montre que les
suppléments de cette version proviennent d’un original grec perdu, lui-même
fondé sur une forme plus longue de l’hébreu – également perdue.
– Frank FEDER, «∞∞The Coptic Version(s) of the Book of Jesus Sirach∞∞», se
désole de l’absence d’édition critique de l’AT copte (sahidique et bohaïrique),
mais constate l’importance qu’a eue Si dans les lectionnaires traditionnels.
– Gabriele BOCCACCINI, «∞∞Where does Ben Sira Belong∞∞? The Canon,
Literary Genre, Intellectual Movement, and Social Group of a Zadokite Docu-
ment∞∞», cherche à situer Si dans un courant de sagesse favorable à l’élection
d’Israël, à la loi de Moïse, au culte de Jérusalem et aux grands prêtres issus
d’Aaron (Si 44,24). Il croit pouvoir le qualifier de «∞∞sadocide∞∞», à la lumière d’un
poème figurant uniquement dans le ms. A de la geniza du Caire après Si 51,12.
Cette dernière assertion est exagérée, car cet hymne loue Dieu d’avoir
choisi ‫∞∞« בני צדוק לכהן‬des fils de Sadoq pour officier∞∞» et non ‫∞∞« לכהנים‬comme
prêtres∞∞». Il faut se rappeler que l’ancêtre de ce ms. provient de Qumrân, de
même que des fragments du Document de Damas, où on lit que l’assemblée se
compose de quatre classes (CD 3∞∞:18-4∞∞:4)∞∞: les prêtres, les lévites, les fils de
Sadoq et les néophytes (‫)גרים‬. Ainsi, les «∞∞fils de Sadoq∞∞» ou membres ordinai-
res, peuvent être appelés à des rangs plus élevés, ce qui ne dépend d’aucune
généalogie. Il n’y a pas d’indice clair que les grands prêtres prémaccabéens
(oniades) aient été des «∞∞sadocides∞∞».
– Stefan SCHORCH, «∞∞The Preeminence of the Hebrew Language and the
Emerging concept of “∞∞Ideal Text∞∞” in Late Second Temple Judaism∞∞», observe
que le prologue du traducteur de Si valorise l’hébreu, bien distingué de
l’araméen (alors que plus tard on les confond, cf. Philon et le NT)∞∞; le contact
avec l’original a plus de force (cf. Dt 28,58 qui demande de se référer à «∞∞ce
livre∞∞»).
Il reste un problème∞∞: le prologue souligne la force de l’original hébreu
(l. 22), mais il ajoute que les traductions (grecques∞∞; peut-être araméennes) dif-
fèrent grandement des originaux, ce qui contredit les affirmations de la Lettre
d’Aristée.
– Armin LANGE, «∞∞“∞∞The Law, the Prophets, and the Other Books of the
Fathers∞∞” (Sir, Prologue). Canonical Lists in Ben Sira and Elsewhere∞∞?∞∞», mon-
tre qu’il ne s’agit pas proprement d’un canon tripartite∞∞: tous les livres juifs sont
inclus sans restriction dans la troisième catégorie∞∞; Si y a sa place.

14
 Géza G. XERAVITS, József ZSENGELLER (eds), Studies in the Book of Ben Sira.
Papers of the Third International Conference on the Deuterocanonical Books, Shime'on
Centre, Pápa, Hungary, 18-20 May, 2006 (JSJ, Suppl. 127). 16,5 x 24,5∞∞; XIII-267 p.
Leiden, Boston, Brill, 2008. — Rel. / 99,00. $ 158,00 (ISBN 978-90-04-16906-7∞∞; ISSN
1384-2161).

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BULLETIN 467
II. The Wisdom Teaching of Ben Sira.
– Nuria CALDUCH-BENAGES, «∞∞“∞∞Cut Her Away from your Flesh∞∞”. Divorce
in Ben Sira∞∞», conclut que les propos de Si sur le divorce reflètent simplement
la pratique de l’époque, où la femme dépend entièrement du mari.
– Friedrich V. REITERER, «∞∞Das Verhältnis der ‫ חכמה‬zur ‫ תורה‬im Buch
Ben Sira∞∞», se demande si pour Si la sagesse se confond avec la Loi, ou s’il
s’agit d’une autre «∞∞source∞∞». Il conclut d’une étude minutieuse que l’accent est
distinct∞∞: qui méprise la sagesse (nature) est sot, qui méprise la Loi (révélée) est
coupable.
– József ZSENGELLER, «∞∞Does Wisdom come from the Temple∞∞? Ben Sira’s
Attitude to the Temple of Jerusalem∞∞», constate que l’intérêt de Si pour le tem-
ple est en contraste avec les autres écrits sapientiaux∞∞; la sagesse peut s’attacher
à tout. Cependant, il y avait aussi une note de propagande∞∞: d’abord contre le
Garizim pour Ben Sira lui-même, puis contre le temple d’Onias pour le traduc-
teur, son petit-fils.
III. The Praise of the Fathers.
– Jeremy CORLEY, «∞∞Sirach 44∞∞:1-45 as Introduction to the Praise of the
Ancestors∞∞», note que Si ne croit pas à la résurrection, bien qu’il admette que
Hénoch et Élie ont été «∞∞emportés∞∞»∞∞; en tout cas, la survie des ancêtres et
des sages doit être entretenue par leur mémoire. Dans son discours-testament,
Mattathias fait de même (1 M 2,51).
– Benjamin G. WRIGHT III, «∞∞The Use and Interpretation of Biblical Tradi-
tion in Ben Sira’s Praise of the Ancestors∞∞», juge après examen que les éloges
des ancêtres furent d’abord des compositions orales simplement pétries d’allu-
sions bibliques, mais sans la lourdeur de références explicites. Le traducteur,
qui était lui aussi pétri de la LXX, a commencé par faire de même en grec.
– Pancratius C. BEENTJES, «∞∞Ben Sira 44∞∞:19-23 – The Patriarchs. Text,
Tradition, Theology∞∞», fait le point des difficultés textuelles, puis montre que
pour Abraham Si s’appuie directement sur Gn 17, non sans un écho de Ne 9,8
et une locution (grecque) qui se retrouve en 1 M 2,52∞∞; une méthode analogue
est employée pour Isaac et Jacob.
– Matthias WEIGOLD, «∞∞Noah in the Praise of the Fathers∞∞: The Flood Story
in nuce∞∞», conclut d’une analyse détaillée que Si insiste sur l’alliance noachique
comme prélude des alliances ultérieures (Abraham, Moïse).
É. NODET.

Flavius Josèphe. — Comment comprendre la personnalité de Josèphe∞∞?


Selon O. Gussman, il y a deux piliers∞∞: son but est d’introduire au judaïsme le
monde gréco-romain, et sa méthode est de se présenter comme prêtre, avec des
fonctions de culte et d’enseignement, mais sans être lié à aucune école particu-
lière15. Après une introduction, l’étude procède en deux parties, suivies d’une
grosse bibliographie et d’index.

15
 Oliver GUSSMANN, Das Priesterverständnis des Flavius Josephus (Texts and
Studies in Ancient Judaism, 124). 15,5 x 24,5∞∞; XV-514 p. Tübingen, Mohr-Siebeck,
2008. — Rel. / 120,00 (ISBN 978-3-16-149562-5).

93723_10_Bulletin 467 06-30-2010, 8:36


468 REVUE BIBLIQUE

Dans son introduction, l’A. dresse un status questionis sur l’identité de


Josèphe. Il observe que malgré l’extrême intérêt de Josèphe pour le sacerdoce
– il est lui-même prêtre et défend sa position – le thème n’a pas encore été traité
pour lui-même. La première partie présente les éléments biographiques utiles
de Josèphe comme prêtre, puis rassemble les données bibliques et postérieures
sur le sacerdoce israélite et juif, et enfin introduit une comparaison avec le culte
public romain. La seconde partie s’attache à des points particuliers∞∞: la généalo-
gie des grands prêtres, les liens entre sacerdoce et prophétie, le rôle du prêtre
dans une «∞∞théocratie∞∞» (le mot est une création de Josèphe), le temple et son
histoire, les ornements pontificaux (avec deux illustrations).
L’ensemble est très documenté, mais il manque l’élément le plus manifeste
pour expliquer l’importance du sacerdoce chez Josèphe – et son manque
d’attrait pour la royauté. Nettement après la guerre de 70, il a voulu recentrer
le judaïsme sur Rome en s’affirmant (timidement) pharisien, au moment où
Gamaliel II cherchait à en faire autant à Yabneh-Yamnia en Judée∞∞; celui-ci
s’appuyait sur les traditions babyloniennes, bien plus clairement pharisiennes et
très laïques. Josèphe voulut même restaurer à Rome la coutume de l’agneau
pascal. Une telle assertion paraît contraire au propos explicite de Josèphe, qui
dans le prologue des Antiquités affirme s’adresser aux nations. Il s’agit en fait
d’une fiction littéraire, analogue à celle de la Lettre d’Aristée. En effet, il faut
bien distinguer les perspectives des deux dernières œuvres de Josèphe∞∞: dans le
Contre Apion (vers 95), il présente le judaïsme dans un style alerte, en montre
l’antiquité en citant des historiens anciens (mais non la Bible, qui n’est pas
une autorité), et réfute l’antijudaïsme de l’époque. Au contraire, les Antiquités
juives (en 93) sont formées d’une paraphrase biblique assez lourde depuis les
origines, complétée à partir du IVe siècle par des documents plus récents sur la
Judée∞∞; en annexe figure une biographie, qui pour l’essentiel est d’abord une
illustration de ses titres à enseigner (pedigree sacerdotal et éducation) puis une
apologie de son action en Galilée comme général pendant les quelques mois de
la guerre de 67. Les faits rapportés sont strictement d’envergure locale, car dès
que l’armée de Vespasien arrive, il renvoie au récit qu’il a déjà donné dans la
Guerre. Autrement dit, quelque 25 ans après la guerre, cette apologie ne peut
avoir le moindre intérêt pour le Romain moyen, surtout en grec, alors qu’elle
est de la plus haute importance symbolique pour les juifs. En effet, la Galilée
rurale, opposée aux villes romanisées de Séphoris et Tibériade, était une haute
référence pour le judaïsme en général, de l’est comme de l’ouest, car elle com-
binait les attaches pharisiennes, les plus populaires, et la présence en Terre pro-
mise rurale, à l’écart des ambiguïtés de Jérusalem.
É. NODET.

Christianisme alexandrin. — A. Fürst montre que c’est à Alexandrie à la


fin du IIe siècle que le christianisme a pris une tournure plus intellectuelle16.
16 Alfons FURST, Christentum als Intellektuellen-Religion. Die Anfänge des Christen-

tums in Alexandria (Stuttgarter Bibelstudien, 213). 13,5 x 21∞∞; 126 p. Stuttgart, Verlag
Katholisches Bibelwerk GmbH, 2007. — / 22,80 (ISBN 978-3-460-03134-0).

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BULLETIN 469
Dans un petit livre synthétique, il passe en revue les auteurs de l’époque, dont
certains ont brillamment survécu (Clément, Origène). Il présente plusieurs
lettres du IIe siècle qui peuvent avoir été écrites par des chrétiens, mais le fait
remarquable est que pendant un bon siècle après Apollos, qui «∞∞enseignait avec
exactitude ce qui concerne Jésus∞∞» (Ac 18,25), on ignore tout du christianisme
égyptien.
É. NODET.

Dernière Cène. — Le rite de la Cène comme culte chrétien typique n’a


jamais été mis en doute dans l’Antiquité, et il ne s’agit pas d’un choix parmi les
multiples formes de repas sacrés existant à l’époque. Telles sont les conclusions
de l’étude de J. Schröter sur la dernière Cène17. Après une introduction, il pro-
cède en six chapitres∞∞: le sens de la Cène dans l’Église primitive, de Paul à
la Traditio apostolica∞∞; la consigne de répétition donnée par Jésus (absente
de Mt et Mc)∞∞; les repas sacrés dans l’Antiquité∞∞; conclusions∞∞; perspectives
actuelles. Outre index et bibliographie, des textes anciens sont donnés en an-
nexe, de Tertullien à l’encyclique Ecclesia de Eucharistia de Jean-Paul II.
L’accent est mis sur la signification traditionnelle du rite eucharistique, mais
sur ses origines l’étude est insuffisante sur trois points∞∞: 1. il y a un lien tradi-
tionnel ferme entre baptême et eucharistie, ce qui oblige à considérer les
circonstances et la postérité du baptême de Jean∞∞; 2. l’A. s’en tient aux synopti-
ques, mais la chronologie de Jn pour la passion est meilleure∞∞; 3. dans les récits
des synoptiques, le lien du rite devenu hebdomadaire avec la Pâque annuelle est
problématique, d’autant plus que l’usage primitif de pain levé s’est maintenu
pendant des siècles en Occident.
É. NODET.

Philippians. — John Reumann’s commentary on Phil in the Anchor Yale


Bible series appeared at roughly the same time as Joseph Fitzmyer’s commen-
tary on 1 Cor (cf. RB, 2009, 287-300)18. Reumann’s book is 145 pages longer
than Fitzmyer’s, even though Phil (4 chs) is only one quarter the length of
1 Cor (16 chs). There is something seriously wrong with such inflation. Hence
this review will be in two parts: (1) the contribution of Reumann, who unfortu-
nately died just about the time of publication, and (2) the editorial process.
The Contribution of Reumann
Most commentators write long and elaborate introductions to the text for
which they are responsible. Users of a commentary, however, normally go im-
17 Jens SCHROTER, Das Abendmahl. Frühchristlische Deutungen und Impulse für

die Gegenwart (Stuttgarter Bibelstudien, 210). 13,5 x 21∞∞; 224 p. Stuttgart, Verlag
Katholisches Bibelwerk GmbH, 2006. — / 29,90 (ISBN 978-3-460-03104-3).
18
 John REUMANN, Philippians. A New Translation with Introduction and Commen-
tary (Anchor Yale Bible, 33B). 24 x 16; xxiv-805 pp. New Haven and London, Yale
University Press, 2008. — Hardback. $55,70. ISBN 978-0-300-14045-3.

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470 REVUE BIBLIQUE

mediately to the verse or passage in which they are interested without working
through the introduction. Thus, Reumann, reduces his introduction to Phil to
the minimum. The city is treated in less than a page with emphasis on its
Romanitas and its lack of Jews. The accompanying bibliography is longer than
the text, but astoundingly omits the fundamental study by Pilhofer. The evange-
lisation of the city is dealt with in a brief summary of Acts 16:11-40 and 20:1-
6 without comment or explanation. Then R. turns to Paul’s epistolary relations
with Philippi and the type of contacts they imply. These latter point to Ephesus
as the place of composition rather than Caesarea or Rome.
R. believes that Phil is a collection of 3 originally independent letters, which
were written in the following order: Letter A: 4:10-20; Letter B: 1:1-3:1 +
parts of 4:1-9 and 4:21-23; Letter C: 3:2-21 + perhaps parts of 4:1-9. The two
bland remarks that R. offers as justification are completely inadequate. Instead
of going into the problem in depth, he gives space to rhetorical approaches and
chiastic structures considered to prove the integrity of Phil. These, however, he
presents without criticizing! The letters were probably combined at Philippi in
the last decade of the first century. R. then goes on to offer a detailed chronol-
ogy of Paul years in Ephesus, dating Letter A to 53-54, Letter B to 54-55, and
Letter C to 55.
I have always been convinced of the strength of the arguments used to
divide Phil into three letters, and I have proposed the same contours as those
put forward by R. though with greater precision. At one stage I also thought
that Letter C was written last, but now I incline to think that it was composed
not long after Gal, when Paul realized that the Judaizers from Antioch,
who had troubled the churches in Galatia, were following his footsteps to
the west. Philippi would have been the next on their list. It was followed
by Letters A and B in that order. The imprisonment of Paul must be dated
to the late summer of 53-54 after a new proconsul had taken up office.
R’s presentation of the chronology of Paul’s years at Ephesus is needlessly
imprecise, and is complicated by a rather bizarre view of the apostle’s corre-
spondence with Corinth. Among other points he manages to give the impres-
sion that 2 Cor was composed at Ephesus, and then says it explicitly on
p. 79.
For R. Timothy is merely a co-sender of one or all the letters in Phil, and in
no sense a co-author. In this R. wanders through a rather dated bibliography,
and comes nowhere near justifying his position. Rightly, however, he associ-
ates episcopoi and diakonoi with the financial aid that Philippi sent to Paul on
more than one occasion. There had to be someone to collect the individual con-
tributions and to ensure that the entire sum was sent on to Paul.
The ‘thanksgiving’ in Phil 1:3-11 is one of the richest in the Pauline letters.
R. treats it first from a formal point of view dealing briskly with form criticism,
rhetorical function, and liturgical elements. He insists that it is ‘a prayer report’
not an invocation, and is unduely sceptical regarding its rhetorical role, while
righly rejecting suggestions of liturgical style. To which of the three letters
does it belong? With some hesitation R. reasonably opts for Letter B. One
would have liked R. to have investigated the concept of gospel ‘partnership’
more thoroughly, particularly given the important role that women played in

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BULLETIN 471
the Philippian church. R’s treatment of 1:9-10 is exhaustive but so highly con-
densed that he fails to see the wood for the trees. The one essential point is
passed over in silence, namely that in these verses ‘love’ serves the same func-
tion that the Jew attributes to ‘law’ in Rom 2:17-18, namely, it is the source of
knowledge that determines what ta diapheronta are. Not only is this insight
fundamental to Paul’s moral theology, but it underlines just how radically
antinomian he was.
The touchstone of any exegesis of Phil is the treatment of the hymn in 2:6-
11. R. begins with an excursus in which he condenses the history of interpreta-
tion into less than six pages. The extreme condensation does not facilitate com-
prehension, particularly as regards the hymnic analyses of these verses. Nor
does it obviate the necessity of recourse to more extensive treatments in order
to discover the reason(s) why certain options were taken. R. cannot make up his
mind whether these verses constitute a ‘hymn’, and will speak only of an enco-
mium, which is ‘one composition, but hardly a smooth unity’. On the other
hand, he is fully convinced that it was created by Philippian Christians as their
adaptation of Paul’s gospel for missionary work. Epaphroditus brought it to
Paul, who made only one change in adding ‘death on a cross’. R. insists that
“2:6-11 can be read in terms of a divine figure entering into human existence,
or a human being subsequently exalted…. Either reading was relevant in the
world of kyrioi the Philipians faced” (p. 366). This ambiguity is seen as the in-
tention of the author(s) and is maintained throughout the subsequent exegesis.
R. refuses an implicit contrast to Adam, because with some reason he doubts
that Philippians would have known anything about him. The only feasible foil
to the figure of Jesus in 2:6-11, he insists, is the Roman emperor as the head of
a hierarchy that could bring about local persecution.
Here R. makes a strong case which, however, is severely weaked by his fail-
ure to specify precisely what constituted the ‘godlike status’ that Jesus did not
use to his own advantage. This vagueness leads him to interprete ‘the sphere
(morphê!) of a slave’ as meaning merely ‘serfdom’, whereas the meaning is
quite clearly determined by the parallelism in v. 8c, ‘becoming obedient unto
death’. Jesus’ choice, therefore, had to do with living or not living. Moreover,
only this approach gives adequate weight to the reflexive pronoun ‘himself’ in
vv. 7a and 8b, which formally insists on self-sacrifice. R. should have remem-
bered that the prime factor in the Philippians’ understanding of Christ was the
way Paul preached him.
It is distinctive of R’s approach that his division of Phil into three letters
obliges him to distinguish different levels of meaning for each passage, namely
the sense intended by Paul and any modification implied by its combination
with other letters. In the case of 2:6-11, therefore, he considers (1) the meaning
intended by the Philippian author(s); (2) the meaning in Letter B; and (3) the
meaning in the compilation as a whole (365). He believes that the original ex-
clusive focus on the person of Jesus Christ is both attenuated and strengthened
in Letter B, the former by the stress on intra-community relations in the intro-
duction in 2:5 and the latter by the addition of the modality of Christ’s brutal
death in v. 8c. In the final compilation the meaning of 2:6-11 was deepened by
being interpreted in the light of 3:20-21 from Letter C.

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472 REVUE BIBLIQUE

As another test of R’s treatment I selected logon zôês epechontes (2:16a),


where opinion is almost equally divided between ‘hold fast’ and ‘hold forth’.
After producing a list of strong arguments for the latter, R. simply says that
Dickson rejects them (without giving any details) and moves on. One would
have thought that, if the Philippians were spreading light (2:15), it is more
natural to think of them as proferring the gospel. R. does note that ‘word of
life’ is unique in the Pauline letters, but fails to appreciate its depth because of
his arbitrary refusal to recognize the existential mission dimension of 2:14-16.
Only the living can generate life.
Enough has been said to show the interest of R’s commentary, which is fully
worthy of the prestigious series in which it appears. It is most unfortunate that
his readers are so badly served by the editorial process that brought his book to
production.
The Editorial Process
In the preface Reuman tells us that he was commissioned to write the com-
mentary in 1973, and that the first draft ran to over 2800 manuscript pages,
which is not surprising given the incredible amount of time that had been in-
vested. In 2002 that MS was cut to 2400 pages, which the publisher then in-
sisted should be reduced to 1250 pages (p. xvii).
The AB series has long been notorious for delays in publication. This is the
inevitable result of giving the contributors unlimited latitude. The publishers, in
consequence, are certainly to be blamed for letting the writing run on so long,
which just encouraged prolixity. Fitzmyer’s contributions to this series show in
the most practical way what should be the time investment for a scientific com-
mentary of this rank. When one is writing for experienced colleagues the com-
monplace can be left unsaid and originality developed.
When Reumann was obliged to reduce his text by almost 50% there should
have been close editorial supervision to ensure that the baby was not thrown
out with the bathwater. Yet that is exactly what happened. It should have been
obvious even to an editor that the thought of the author was more important
than a mass of bibliographical references. Yet in certain sections all the thought
has been excised, and only the bibliography is left, e.g. IX. Methods and Ap-
proach in this Commentary, and X. Theology in Philippians (p. 19)! The most
effective way to save space is to avoid wasting it, and such wastage is a feature
of the Notes that are the first section of each part of the commentary.
These Notes, we are told, “survey and report the varied opinions of com-
mentators, lexica, and other resources on philological, grammatical, literary,
rhetorical, and other matters, often without reaching any conclusion” (p. xviii;
my emphasis). This is an invitation to disaster. The author is permitted to cram
in as much material as possible with the result that intelligibility and depth are
sacrificed. E.g. (p. 334) the three stanzas discerned by J. Jeremias in 2:6-11 are
mentioned but are not detailed, even though there is a later allusion to Stanza 2.
In the same short paragraph a list of others who have suggested hymnic ar-
rangements is provided but their proposals are not spelt out. Nothing, of course,
is evaluated. Then under a completely different rubric, ‘History-of-Religions

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BULLETIN 473
Backgrounds’ we find, “J. T. Sanders on NT hymns generally” (p. 335; my
emphasis).
Word studies are a feature of the Notes, and often involve no more than
references to the classical dictionaries and grammars that are on everyone’s
bookshelf. Thus apropos of touto in 2:5 we are given “BDAG 1.a.b and b.a”
followed by “BDAG 1.a.d and b.b” (p. 340). Any student using the AB series
would know where to look for this information. The same is true for morphê
theou (2:6) where we are referred to TDNT, NIDNTT, EDNT, and TLNT —
all standard reference books familiar to beginning students, but there are no
original Greek texts that might be of use to advanced students. R. is permitted
two highly condensed pages detailing the wide variety of meanings that com-
mentators have attributed to morphê theou. A strong editor would have con-
strained him (a) to say the obvious, namely, that the vast majority provide
nothing more than guesses steming from presuppositions, and so dismiss them
out of hand, or (b) to fix on a meaning and then to justify it on the basis of
C1 AD Greek usage. The latter would have been a better use of space. Given
his freedom, R. does neither, and opts for a meaning ‘sphere’ for which I
cannot find cited a single contemporary attestation. Finally, the proliferation
of brackets makes the Notes virtually unreadable. To give but one example,
the last paragraph on p. 307 has 14 lines, but there are 13 parenthetical refer-
ences.
In the interest of saving space a serious editor should have restrained R’s
compulsion towards completeness by ruthlessly eliminating anything that
commonsense indicated was just sheer speculation. The most egregious exam-
ple of a completely wasted page that comes to mind is R. detailed explanation
(and refutation) of Fleury’s preposterous hypothesis that the money for which
Paul expresses gratitude in 4:10-20 was the profits of his business partnership
with Lydia, which continued after his departure from Philippi (p. 693).
The quality of the copyediting is hinted at on the bottom of p. 27, where a
single book by the same person is assigned to 1996 and to 1997 in consecutive
lines. The bibliographies are voluminous, in keeping with the current (unfortu-
nate) fashion of the series, but I have not been able to work out the principle of
selection. The General Bibliography, for example, includes Jack Elliott’s cel-
ebrated study of 1 Peter, A Home for the Homeless, whose index shows only 5
allusions to Phil, all of them simply chapter and verse numbers in lists! All that
an editor had to do was to take the author through the interminable number of
books and articles asking ‘why this?’ in each case. I hope that the new general
editor of the series, whose signature appears on this volume for the first time,
does not think that his job is a sinecure.
J. MURPHY-O’CONNOR.

Bible. — À la suite d’autres études, A. Paul présente une vue d’ensemble de


l’émergence de la Bible comme œuvre disponible à tous. Il part non pas de la
formation des livres bibliques, mais des traductions grecques commencées à
Alexandrie au IIIe ou IIe s. av. J.-C., c’est-à-dire à partir du moment où elle

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474 REVUE BIBLIQUE

prend un essor dans le monde gréco-latin19. Il en suit les différentes étapes, de-
puis les débats entourant la formation du NT jusqu’à la définition solennelle du
Concile de Trente, en passant par les traductions juives, Origène, Jérôme et
Augustin, lequel à la suite d’Ambroise de Milan ne conçoit de roi que chrétien.
En conclusion, l’A. prêche pour une promotion séculière de la Bible, comme
objet culturel ayant façonné l’Occident, en la distinguant de l’Écriture, objet
religieux quelque peu confisqué par les clercs.
Sur les avatars de la Bible, de sa canonisation, des difficultés textuelles de la
Vulgate latine, l’A. offre une documentation étoffée, peut-être trop copieuse
pour le lecteur éclairé à qui il s’adresse, mais il néglige l’influence culturelle du
christianisme, ce qui prive de base son plaidoyer final pour la laïcité, et il ne se
demande pas pourquoi l’influence de la Bible – ou du christianisme – aura été
si différente en Orient et en Occident. En effet le processus moderne de
sécularisation, proprement occidental, est à la fois issu du christianisme, qui
cherche le réel derrière les apparences mythiques, et en même temps largement
opposé à ses autorités constituées, d’où des crises à répétition. Le gallicanisme
en fournit un bon exemple∞∞: la doctrine de Bossuet sur la royauté de droit divin
utilise un langage chrétien, mais surtout affirme qu’elle n’est pas de droit ponti-
fical. On est loin de Charlemagne, ou de la pratique d’un Innocent III, qui au
XIIIe siècle faisait et défaisait rois et empereurs.

Étienne NODET.

Spritualité biblique. — Quelle est la valeur de la Bible pour la vie quoti-


dienne∞∞? À 83 ans, Ph. King couronne une carrière de bibliste en offrant une
perspective pratique, tirée de l’expérience20. L’étude scientifique de la bible est
difficile et complexe, avec des problèmes de langues mortes, de littérature et de
mythologies anciennes, de religions comparées. Pourtant, depuis toujours, elle
parle de l’homme et à l’homme. Il s’agit de foi, d’espérance et d’amour∞∞; de
prière∞∞; d’alliance et d’hospitalité∞∞; de sainteté, d’humilité et de pardon∞∞; de pro-
phétie∞∞; de la position des femmes∞∞; du souvenir des ancêtres∞∞; de sagesse
croyante∞∞; de vie spirituelle. À travers ces thèmes de chapitres, l’A. parcourt
l’ensemble de la Bible. Il donne en outre des éléments de bibliographie ainsi
qu’un glossaire.
Les récits bibliques présentent des personnages très réalistes, avec leurs
grandeurs et leurs petits côtés. Les principaux ont réussi, en dépit de leurs fautes
et d’obstacles divers. D’autres ont échoué. W. Vogels présente quelques uns de
ces derniers∞∞: Lot, le patriarche manqué∞∞; Samson, le juge fort et malhabile∞∞;
Saul, le roi écarté∞∞; Jonas, le prophète malgré lui∞∞; Judas, l’apôtre déviant21.
19
 André PAUL, La Bible et l’Occident. De la bibliothèque d’Alexandrie à la culture
européenne. 16x24∞∞; 412 p. Paris, Bayard, 2007. — Br. / 28 (ISBN 978 2 227 35027 4).
20 Philip J. KING, The Bible is for Living. A Scholar's Spiritual Journey. 16 x 24∞∞;

XVIII-181 p. Washington, DC, Biblical Archaeology Society, 2008. — Rel. $ 24,95


(ISBN 978-0-9796357-9-3).
21
 Walter VOGELS, I falliti della Bibbia. Storie bibliche di insuccesso per imparare a

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BULLETIN 475
Tous ont une relation complexe avec la mort, mais sans le savoir ils contribuent
à l’avancée de l’histoire. Ainsi, Judas est le seul disciple qui a contribué à l’ac-
complissement des Écritures (Ac 1,16).

Mgr O. de Berranger propose en soixante-trois péricopes une lectio divina


du deuxième évangile, qui est le préféré des commençants dans les cercles
bibliques22. Il se fonde sur la traduction de Sr Jeanne-d’Arc (1986), qui facilite
les résonances avec l’AT.

Jusqu’à quel point les techniques modernes de communication peuvent-elles


aider à comprendre ou diffuser l’enseignement biblique∞∞? G. Mazza et G.
Perego présentent les actes d’un colloque Bibbia e comunicazione, tenu en
200723. Le problème n’est pas de commercialiser un produit mal connu, mais
de communiquer comme le fait la Bible, qui est elle-même une symphonie
communicative. Les contributions sont regroupées en cinq sections, qui s’atta-
chent à laisser parler l’Écriture en termes actuels∞∞: les lieux (jardin, Babel,
montagnes, corps du Christ, la porte, la ville)∞∞; les temps (les rythmes de
l’homme, l’histoire du salut)∞∞; les thèmes (la vérité de Job, le scandale, le
pouvoir de la parole)∞∞; les codes (jalousie de Dieu, parole, geste, silence, signes
liturgiques)∞∞; les obstacles (peur, oubli, incompréhension, échec).
É. NODET.

Apocalyptique. — L’écrit apocalyptique connu comme 4 Esdras, composé


vers 100 ap. J.-C., débat du sens théologique de la ruine de 70∞∞: Dieu paraît
avoir oublié ses promesses, et de plus la destruction semble injuste, puisque
Dieu sait que l’homme est toujours pécheur. Le livre se déroule en sept épiso-
des∞∞: les trois premiers sont des discussions entre le voyant Esdras et un ange,
Uriel∞∞; le quatrième est une lamentation d’Esdras, suivi d’un dialogue entre lui
et une femme en deuil, laquelle se transforme sous ses yeux en une ville, qui
sera la Sion eschatologique∞∞; les deux épisodes suivants sont des visions, qui
sont interprétées par Uriel∞∞; le dernier est la restauration de l’Écriture par
Esdras, à qui sont dictés en outre soixante-dix livres secrets. Le tout est consi-
déré comme une œuvre unifiée, mais son interprétation est délicate, car il
présente des thèses opposées sur la justice de Dieu dans l’histoire∞∞: Esdras reste
dans le cadre d’Israël, un peu dans la ligne de la sagesse de Ben Sira, de
2 Baruch ou des amis de Job, alors qu’Uriel a des vues eschatologiques à la
manière de Dn ou de 4 QInstructions∞∞; il voit le monde au-delà de l’Alliance, à

vincere (Fame e sete della Parola. Personaggi, 45). 12,5 x 20∞∞; 183 p. Cinisello Balsamo,
Edizioni San Paolo, 2008. — / 14,00 (ISBN 978-88-215-6153-5). (Original∞∞: Biblical
Human failures. Lot, Samson, Saul, Jonah, Judas, Ottawa, Novalis, 2007).
22 Olivier de BERRANGER, L’évangile selon Marc. Une lectio divina. 14 x 21∞∞; 249 p.

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23
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93723_10_Bulletin 475 06-30-2010, 8:36


476 REVUE BIBLIQUE

partir de son terme. Mais, dans les limites du langage humain, le dialogue
n’aboutit pas, et K. M. Hogan, dans une thèse conduite avec finesse et clarté,
juge que la clé du livre est le quatrième épisode24, qui éconduit toute théodicée
rationnelle et annonce une restauration de Sion «∞∞au temps fixé∞∞». Il s’agit
d’une combinaison dynamique de la sagesse de l’Alliance avec l’apocalyptique,
qui peut être exprimée par une symbolique religieuse.

L’apocryphe connu comme 2 Baruch ou Apocalypse de Baruch, est rattaché


au secrétaire de Jérémie et prend pour cadre la ruine de 587. Il s’agit en fait
d’une réflexion sur la ruine de 70, analogue à celle de 4 Esdras∞∞: Dieu convainc
peu à peu Baruch que ce désastre a un sens, dans la perspective plus large d’une
rédemption d’Israël, car la dispersion des tribus impies est le signe que la fin
est proche∞∞: tout ce qui est périssable disparaît peu à peu, et l’autre monde qui
s’annonce a été créé pour Israël. L. I. Lied aborde l’ouvrage sous l’angle de la
«∞∞Terre d’Israël∞∞», thème qui malgré les apparences est loin d’être mineur25∞∞:
avant l’exil, il y eut d’abord tout le pays, autour du temple, puis une restriction
progressive à Juda, puis à Jérusalem, sous le dernier roi juste∞∞; ensuite, les
éléments se dispersent, mais à l’ère messianique le Reste entre à nouveau au
mont Sion, et après le jugement final il est transféré dans l’autre monde∞∞: telle
est la nouvelle «∞∞terre∞∞».
É. NODET.

24
 Karina Martin HOGAN, Theologies in Conflict in 4 Ezra. Wisdom Debate and
Apocalyptic Solution (JSJ, Suppl. 130). 16,5 x 24,5∞∞; XVI-271 p. Leiden, Boston, Brill,
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25 Liv Ingeborg LIED, The Other Lands of Israel. Imaginations of the Land in

2 Baruch (JSJ, Suppl. 129). 16,5 x 24,5∞∞; XX-375 p. Leiden, Boston, Brill, 2008. — Rel.
/ 119,00. $ 189,00 (ISBN 978-90-04-16556-4∞∞; ISSN 1384-2161).

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