• 1,30 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9138 MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 WWW.LIBERATION.

FR

«LES AMOURS LA BOXEUSE

«LA YUMA»

IMAGINAIRES»: CINEMA
REBELLE
DU NICARAGUA
Page IV

DR
•
DOLAN SE FAIT
LIBÉRATION
MERCREDI 29 SEPTEMBRE
2010

DES FILMS NOUVELLE

(MINI) VAGUE
ET AUSSI HUPPERT, TRIO «Les Amours
imaginaires»,
second film séducteu
jeune Québécois r du
Xavier Dolan.

NACERI, PODALYDÈS...
LES AMOURS monde. Un peu violent
aussi,
IMAGINAIRES du genre à fouailler
de et le spec-
XAVIER DOLAN avecavec tateur au niveau
du cœur, le
Monia lui arracher et le
Chokri, Niels Schneider, remplacer
Anne par le sien. Lui
Dorval… 1h35. coudre sa
peau, ses muscles,
lui greffer
Xavier Dolan est son cerveau. Le forcer
à
vivant, ce
qui n’est pas donné le monde en Dolan. voir
à tout le étonnant donc qu’on Pas

CAHIER CINÉMA
8 PAGES
Xavier Dolan
incarne Francis,
fasciné par Niels.

MK2 IMAGES
Nucléaire NICHES FISCALES:
COMMENT PAYER
13€ D’IMPÔT AVEC
Le virus 145000 € DE REVENUS PAGES 12­13

qui attaque
l’Iran
Un mystérieux logiciel très
sophistiqué vise le programme
atomique de la République islamique,
qui accuse les services secrets
PLAINPICTURE

israéliens et américains. PAGES 2­5

Bruxelles KATERINE,
Hirsch dénonce SUR LE FIL
livre la
les petits cadeaux sécurité
DU DÉRISOIRE
PAGE 24

POLÉMIQUE «Un déla-

teur, un traître, un person-
– Pour en finir avec les
conflits d’intérêts– dans
alimentaire
n a ge m e s q u i n … »
Martin Hirsch en a
lequel l’ancien
haut-commissaire
à une
pris pour son grade
hier, à l’Assemblée
de Sarkozy donne
des exemples de
ancienne
MATHIEU ZAZZO

nationale. C’est peu

dire que les élus UMP
«petits cadeaux»
visant Gérard Lon-
lobbyiste
n’ont pas appré-
cié son der- AF
P
guet et Jean-François
Copé.
pro-OGM
nier livre PAGE 8 PAGE 17

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,40 €, Canada 4,25 $, Danemark 22 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2 €, Etats­Unis 4,25 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,40 €,
Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,40 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 1700 DT, Zone CFA 1 700 CFA.
 EVENEMENT
2 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

Centrale nucléaire
de Bushehr (Iran) en
novembre 2009.
PHOTO MEHDI GHASEMI .
Le virus Stuxnet a infesté un Par JEAN­PIERRE PERRIN
avec DELPHINE
ISNA . REUTERS nombre important d’ordinateurs MATTHIEUSSENT à Jérusalem

contrôlant des infrastructures

J
usqu’alors, la menace exté-
rieure que le régime islami-
du pays, notamment le centre que craignait, c’était celle de
frappes aériennes israélien-

Un ver
de recherche atomique de nes visant ses sites nucléaires. Ce
qui expliquait leur extrême dis-
Natanz. Téhéran soupçonne persion et la volonté de Téhéran
d’acquérir à tout prix (737millions
les Etats-Unis et Israël. d’euros) le système russe hyper-
sophistiqué de missiles S-300.
Mais le danger n’est pas venu des

informatique dans
F-15 et F-16 israéliens. L’attaque a
été le fait de bombes virtuelles,
soit un virus informatique, en
l’occurrence un ver, lancé par un
logiciel de sabotage ultraperfec-
tionné. Grâce à ce «maliciel»
(malware ou logiciel d’attaque)

le nucléaire iranien
baptisé Stuxnet, il est possible non
seulement de paralyser des systè-
mes informatiques mais de provo-
quer des dégâts mécaniques et de
détruire des installations entières.

REPÈRES LE PROGRAMME
NUCLÉAIRE IRANIEN
Initié dans les années 50 par le
chah Reza Pahlavi, le programme
nucléaire est stoppé par la révolu­
tion islamique de 1979, avant
d’être repris grâce au soutien
russe. La principale centrale, qui
fournit de l’énergie civile, se trouve
aujourd’hui à Bushehr. Signataire
du Traité de non­prolifération
(TNP) dès sa création, en 1968,
l’Iran continue de ne revendiquer
aucun usage militaire du nucléaire.
Le Guide suprême de la révolu­
tion, Ali Khamenei, a même affirmé
en 2009 que la bombe atomique
était contraire aux valeurs de
l’islam. Il n’empêche que le gouver­
nement de Mahmoud Ahmadine­
jad entreprend, de manière
non­officielle, un processus d’enri­
chissement de l’uranium, sur le
site de Natanz, au centre du pays.
Soufflant le chaud et le froid
auprès de la communauté interna­
tionale, l’Iran, en tant que signa­
taire du TPN, est tenu de rendre
compte de ses activités auprès de
l’Agence internationale de l’éner­
gie atomique. Mais il argue que
des puissances non­signataires,
comme l’Inde, le Pakistan ou Israël,
ont vraisemblablement acquis la
bombe sans jamais être inquiétés.
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 • 3

L’analyse de Marc Blanchard, spécialiste des logiciels malveillants: ÉDITORIAL

Par FRANÇOIS SERGENT

«Il est impossible de localiser Virus

les développeurs responsables»
arc Blanchard dirige les labora-
L’Iran des mollahs mène
depuis 1987 un programme
atomique. Théoriquement
à usage civil, même si
les. On les trouve également possible de localiser les dé- Téhéran ne cache pas son

M toires de recherches technolo-

giques et scientifiques des édi-
tions Profil, qui distribuent l’antivirus
BitDefender. Il étudie l’émergence et la
dangerosité des malwares, ces logiciels
malveillants comme le ver Stuxnet af-
dans les raffineries de gaz ou
de pétrole.
En terme de conséquences, à
veloppeurs responsables.
C’est un ennemi invisible,
d’autant que certains vers
ambition de devenir une
puissance nucléaire
militaire. Mais ces vingt-
quoi peut-on s’attendre ? peuvent se mettre à jour trois ans d’efforts n’ont
Elles sont diverses. On peut sans intervention exté- toujours pas abouti, preuve
par exemple envisager des rieure, et évoluent de ma- selon les Occidentaux de

DR
fectant les installations iraniennes. changements des temps de nière significative en l’es- l’efficacité des sanctions et
On connaît depuis longtemps les atta- réponses pour modifier les débits des pace d’une heure ou deux. autres coups tordus pour
ques contre des sites Internet, pour en pompes. En cas d’urgence, elles sont Peut-on prévenir ou lutter efficacement ralentir la course atomique
extraire des informations, mais Stuxnet censées réagir en 100 millisecondes ! contre une telle menace? de la République
vise carrément des infrastructures con- Contrôlé à distance, le ver peut égale- Le problème, c’est qu’il s’agit d’attaque islamique. Il est tentant de
crètes. ment bouleverser les configurations des dite «zero day», autrement dit en temps voir dans Stuxnet le
C’est un niveau de cyberterrorisme qui systèmes Scada, ou encore les instruc- réel, visant des systèmes pas encore as- dernier avatar viral de
dépasse de loin ce qu’on a pu connaître tions habituellement entrées par les in- sez protégés pour y faire face. De fait, cette guerre secrète. Plus
par le passé. L’origine de l’infection n’a génieurs. Stuxnet peut aussi rendre le plus souvent, la seule chose qu’il reste discret et moins
rien à voir avec la plupart des attaques toute surveillance du système inutile, à faire, une fois l’infection détectée, spectaculaire que des
classiques qui se propagent via le web, en faisant afficher aux consoles de su- c’est rester sur la défensive, attendre et frappes aériennes, mais
ce n’est pas en cliquant sur un lien que pervision des données trompeuses : à subir l’attaque pour mettre ensuite en peut-être finalement tout
les techniciens des centrales iraniennes les lire, les techniciens peuvent croire place une méthode de protection adap- aussi efficace. Pour
ont infecté leurs ordinateurs. Stuxnet, que tout va bien, alors que ce n’est pas tée. Tous les pays devraient se consulter certains, tout cela ne
découvert au mois de juin, est un ver du tout le cas. sur les procédures à suivre quand de relève que de théories du
qui débarque sur une machine, ici les Qui peut être derrière ces attaques? telles installations industrielles sont vi- complot improuvables.
PC portables des techniciens, via une C’est la question à ne pas poser… Je sées. C’est un refrain connu : en 1998, Pour d’autres, il s’agit bien
simple clé USB. Le ver se connecte en- travaille régulièrement avec des em- déjà, quand j’alertais des responsables d’actions occultes des
suite aux systèmes Scada (système de ployés de gouvernements, et sauf en sur ce sujet, on me riait au nez. Avec services secrets
contrôle des installations industrielles), cas de revendication claire, ils avouent l’accès au haut débit en Afrique prévu occidentaux, américains et
qui sont à boucles fermées pour éviter être incapables de retrouver les auteurs pour fin 2011, et les 100 millions d’in- israéliens notamment, qui
toute intervention humaine. Ces systè- de telles attaques. On peut déterminer ternautes supplémentaires que cela va auraient délibérément
mes permettent de surveiller en temps quelles régions sont touchées par un représenter, le risque va s’accroître. Des saboté l’appareil industriel
réels des installations industrielles, et virus – dans le cas du ver Stuxnet, attaques bien pires que celles-ci sont à iranien, tout comme ils ont
sont dans le cas présent utilisés pour la 60% des ordinateurs infectés se trou- craindre. enlevé ou assassiné des
gestion des pompes à eaux des centra- vent en Iran, par exemple, mais im- Recueilli par ALEXANDRE HERVAUD physiciens nucléaires de
la République islamique ou
réussi à expédier des
matériels défectueux. On
D’où le remue-ménage en cours à groupe allemand Siemens, qui allusion à une possible contami- sait qu’en ce domaine,
Téhéran, où l’on évoque le spectre L’ESSENTIEL contrôle oléoducs, plateformes nation des installations nucléaires, instiller le doute chez son
d’une «guerre électronique» enga- pétrolières, centrales électriques c’est le centre d’enrichissement ennemi est une arme de
gée par l’Occident et qui se pour- LE CONTEXTE et autres installations industriel- de Natanz, où se trouve l’essentiel guerre, et il ne faut
suit actuellement. Un logiciel extrêmement les. «C’est Scada, le système de des 8000 centrifugeuses iranien- attendre ni confirmation
sophistiqué paralyse depuis contrôle fourni par Siemens pour nes, qui a été la principale cible de ni démenti des services.
DÉGÂTS. Si l’on en croit un haut juin l’appareil industriel, faire fonctionner les centrifugeuses, la cyberattaque. «La mise en place Mais tout comme une
responsable iranien, quelque notamment nucléaire, qui est visé. Le virus ne s’est pas de cascades de centrifugeuses à Na- frappe militaire, ces efforts
30000 adresses IP -identifiant un iranien. contenté de contrôler l’ordinateur et tanz est une opération sophistiquée ne feront au mieux que
ordinateur- ont été infectées à ce d’y détruire des données. Il a pris le qui requiert des programmations in- retarder de quelques
jour par Stuxnet. C’est «probable- L’ENJEU contrôle de Scada de façon années la marche vers la
ment un gouvernement étranger qui sélective pour donner de «Les auteurs de l’attaque ont bombe iranienne. Ils ne
est à l’origine de ce virus», a ajouté
L’Iran accuse les services mauvaises informations doivent pas éliminer la
Mahmoud Liayi, responsable des
secrets des Etats­Unis et aux centrifugeuses. Cela
une connaissance précise du voie diplomatique, autre
implique qu’en plus de con- système de contrôle fourni par
technologies de l’information au
d’Israël de vouloir saboter volet de la politique
ministère de l’Industrie. «Le virus
son programme atomique. naissances informatiques, Siemens aux centrales d’Iran.» d’Obama et de l’ONU,
n’a pas été capable de pénétrer ou de les auteurs de l’attaque ont Avi Weissman du groupe See Security même si jusqu’à présent
causer des dégâts sérieux dans l’ap- des renseignements précis le pouvoir iranien a rejeté
pareil gouvernemental», a-t-il af- velles versions sont apparues depuis leur permettant de contrôler formatiques, aussi je ne serais pas toutes les offres de
firmé. Mais, selon Hamid Alipour, que nous avons commencé les opé- Scada», explique Avi Weissman, surpris s’il y avait un montage com- compromis et de
directeur adjoint de la société rations de nettoyage». le président (israélien) du groupe plexe vulnérable» à un tel sabotage, négociations. Le virus ne
d’Etat des technologies informati- Stunext a été découvert en juin par de conseil See Security. indique Mark Fitzpatrick, expert sera pas l’arme fatale qui
ques, «les attaques continuent et de une société de sécurité informati- CASCADES. Stuxnet a principale- cité hier par le Financial Times. fera rendre raison aux
nouvelles versions du virus sont en que biélorusse. Il a été programmé ment frappé l’Iran, et, peut-être Le même journal n’exclut pas que mollahs.
train d’être propagées. Nous avions pour rechercher dans les ordina- accidentellement l’Indonésie, la centrale de Bouchehr, sur
prévu de l’éliminer en deux mois teurs qu’il infecte un programme l’Inde et le Pakistan. Même si le Golfe, ait pu être touchée par
mais il n’est pas stable. Trois nou- particulier, développé par le aucun responsable iranien n’a fait le virus même si une telle

STUXNET TROIS FAMILLES DE VIRUS TROIS TYPES DE HACKERS

Découvert en juin, ce virus informati­
que a pour but de s’infiltrer dans
un logiciel mis au point par le
concepteur de matériel électronique
Siemens, lequel est utilisé dans
la gestion de diverses infrastructures
industrielles.
w Les vers sont des virus capables de se propager à
travers un réseau, et de remonter aux informations.
w Les chevaux de Troie se glissent dans une faille du
système informatique afin d’en prendre le contrôle.
w Les bombes logiques se déclenchent soit à un
moment précis du programme, soit à la suite d’une
action particulière.
w Les chapeaux blancs utilisent leurs
compétences uniquement dans le res­
pect de la loi.
w Les chapeaux noirs emploient leur
talent dans un but malveillant.
w Les chapeaux gris jouent avec le sys­
tème, dans un esprit de défi.
4 • EVENEMENT LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

attaque n’aurait guère de sens
puisqu’il s’agit d’un réacteur civil
dont l’alimentation en matière fis-
sile est uniquement assurée par
Moscou. Siemens, de son côté, a as-
suré n’avoir pas livré le logiciel in-
criminé à cette centrale, construite
par la Russie.
Après cette offensive informatique,
d’une ampleur sans précédent, les
regards se tournent vers Washington
et Tel Aviv, dont l’hostilité envers le
programme iranien est manifeste.
Le gouvernement Nétanyahou a dé-
fini la cyberguerre comme une prio-
rité nationale, et l’armée israélienne
dispose d’une unité spécialisée. «Il
s’agit de l’unité 8 200. Il est possible
qu’elle ait reçu l’aide de l’Allemagne.
Siemens a en effet fourni les systèmes
de contrôle des installations nucléaires
iraniennes. C’est d’ailleurs un expert
allemand qui a fait sortir l’histoire
après avoir entendu parler de dysfonc-
tionnements à Natanz», souligne
Yossi Melman, spécialiste des ques-
tions technologiques et militaires du
quotidien Haaretz.
PREMIER ROUND.«La paternité d’Is-
raël n’est pas encore remontée à la
surface, souligne de son côté Michel
Makinsky, un expert français sur
l’Iran. Mais il est évident que les Israé-
liens, plus que Washington, sont prêts
à payer le prix politique d’une telle
Le sabotage des systèmes informatiques est devenu une arme de guerre.
Quand les ordinateurs zombies
attaquèrent l’Estonie
Un centre de cyberdéfense de l’Otan, à Tallinn, en Estonie. PHOTO INTS KALNINS. REUTERS
attaque vraisemblable des infrastruc-
connectés d’Europe, puisque 90% des tran-
même si aucune piste ne permet d’authenti-
fier formellement ce piratage.
La dernière affaire de ce genre remonte à
l’année dernière. Le 29 mars 2009, le New
York Times, s’appuyant sur une étude de
l’université de Toronto, révèle l’existence
d’un virus baptisé GhostNet («réseau fan-
tôme»), qui aurait permis d’infiltrer 1 295
ordinateurs dans 103 pays. Les chercheurs
du Centre Munk pour les études internatio-
nales, sollicités en juin 2008 par le dalaï-
lama afin d’inspecter des logiciels douteux,
ont mis au jour un vaste réseau de cyberes-
pionnage, qui touche principalement des
Etats d’Asie du Sud-Est, mais aussi plusieurs
pays d’Europe. Des hackers chinois sem-
blent avoir été à l’origine de la manipula-
tion, bien qu’aucune preuve n’ait permis
d’impliquer Pékin.
Agences. La «cyberguerre» va-t-elle
changer la guerre et devenir un outil des
conflits? Elle fut employée à plusieurs repri-
ses au cours des quinze dernières années. En
1998, en pleine guerre du Kosovo, une action
de sabotage informatique avait rendu inopé-

«On peut imaginer un feu vert

américain à ces projectiles
virtuels en échange du
renoncement par Israel à une
attaque aérienne.»
Michel Makinsky expert français sur l’Iran
opération. On peut cependant imagi-
ner que les Américains ont donné leur
feu vert à ces projectiles virtuels et
qu’en échange, les Israéliens aient re-
noncé à une attaque aérienne.» «On
assiste, ajoute-t-il, au premier round
d’une guerre informatique. Dès lors,
une question se pose: de quels moyens
les Iraniens disposent-ils pour lancer
une contre-offensive ? On sait qu’ils
disposent d’une cyberarmée contrôlée
par les Gardiens de la révolution.»
Ceux-ci sont d’ailleurs suspectés
d’avoir provoqué, à la suite d’un dif-
L’ tures iraniennes par le virus Stuxnet
n’est pas une première. Le premier in-
cident de grande ampleur a touché l’Estonie
en 2007. Personne n’est parvenu à en iden-
tifier la source. Les soupçons pèsent néan-
moins sur le gouvernement russe, alors en
crise avec son voisin balte. Le différend con-
cernait le déplacement d’un monument aux
morts de l’Armée Rouge du centre de Tallinn
vers un cimetière militaire, source d’inci-
dents violents entre nationalistes estoniens
et minorité russophone.
Une série d’attaques virtuelles frappe alors
le petit Etat: des ordinateurs zombies activés
à travers le monde envoient une multitude
de données aux sites de banques, d’institu-
tions gouvernementales et aux réseaux
d’achats en ligne. Rapidement, les serveurs
estoniens croulent sous les requêtes, qui fi-
nissent par paralyser le pays, l’un des plus
Les Etats-Unis veulent permettre à la justice l’accès aux échanges sur le Web.
sactions bancaires s’y réalisent en ligne.
Le numéro des urgences ne fonctionne plus,
le parlement estonien ferme sa messagerie
électronique et plusieurs partis politiques
font l’objet d’attaques.
Sous les traits de Hitler. A la suite de cette
première attaque de grande ampleur, l’Otan
apporte une réponse concrète en ouvrant,
en mai 2008, dans la capitale estonienne, un
centre de recherche sur la cyberdéfense.
Mais quelques mois plus tard, la guerre in-
formatique refait surface, lors du conflit
russo-géorgien d’août 2008. Bien supérieure
à la Géorgie sur le plan militaire, la Russie
manque de soutiens au niveau international.
C’est probablement ce qui explique le dé-
tournement de plusieurs sites institutionnels
géorgiens, qui font apparaître le président
Mikhaïl Saakachvili sous les traits d’Adolf
Hitler. Là encore plane l’ombre de Moscou,
rant le système de défense aérien serbe.
L’année suivante, en Inde, un site gouverne-
mental fut piraté, et laissa apparaître
des exactions commises au Cachemire par
des soldats indiens. Et en 2003, une vaste
attaque, désignée sous le nom de Titan Rain,
a visé les serveurs de l’administration amé-
ricaine, et de l’industrie aérospatiale et mili-
taire. Les Etats-Unis ont ainsi été les pre-
miers à réagir. Dès 2007, un Cybercommand
est créé au sein de l’US Air Force. Un nou-
veau centre est en construction sous l’égide
de la NSA (National Security Agency), avec
un budget de 1,5 milliard de dollars (1,1 mil-
liard d’euros). La France dispose pour sa
part, depuis juillet 2009, de l’Agence natio-
nale de la sécurité des systèmes d’informa-
tions (Anssi). Le Royaume-Uni bénéficie lui
aussi d’un organisme de cybersécurité.
SAMUEL CHAMBAUD

Durcir la loi pour contrôler le Net

férent avec Pékin, le sabotage de
l’un des principaux moteurs de re-
cherche chinois.
Après ce «round d’observation», il
est cependant difficile de mesurer
l’étendue des dégâts infligés au po-
tentiel nucléaire iranien. On sait par
l’Agence internationale pour l’éner-
gie atomique (AIEA) que seules la
moitié des 8000 centrifugeuses ira-
niennes sont en état de fonctionner.
Est-ce à mettre au compte du «sa-
botage informatique» ou du retard
technologique de Téhéran ?
Mais même si la cyberguerre fait ap-
pel aux technologies les plus élabo-
rées, l’élément humain reste au
cœur de l’opération. Les ordinateurs
sensibles de l’Iran, comme ceux des
autres pays, n’étant pas connectés
à Internet, il a fallu une «petite
main» pour implanter le virus dans
le cœur du programme nucléaire.
C’est pourquoi les services secrets
iraniens sont sur les dents. •
ans les mois qui ont pré-
D cédé sa tentative ratée
d’attentat à Times Square
(New York), Faisal Shahzad,
Américain d’origine pakista-
naise aujourd’hui en attente de
procès, était entré en contact
avec des talibans pakistanais sur
Internet. Il avait ainsi échappé à
la vigilance des autorités améri-
caines, qui ont retrouvé les mes-
sages sur son ordinateur après
son arrestation.
Ecoutes. Selon la Maison Blan-
che, c’est parce que les terroris-
tes ont fait du Web leur moyen
privilégié de communication
que l’Amérique veut accroître
son contrôle sur la Toile. Le FBI
vient de confirmer une informa-
tion révélée lundi par le New
York Times selon laquelle la NSA,
l’agence fédérale chargée de la
sécurité, et l’administration
Obama souhaitent étendre une
loi de 1994 qui impose aux opé-
rateurs de télécommunications
de posséder la technologie né-
cessaire afin de surveiller les
échanges de leurs clients. Et de
mettre ces «écoutes» à la dispo-
sition des autorités sur présenta-
tion d’un mandat judiciaire.
Aujourd’hui, les services inter-
net n’ont aucune obligation
d’avoir la capacité technique
d’espionner tout ce qui transite
sur leur réseau. Et Washington
aimerait notamment pouvoir in-
tervenir sur les messages transi-
tant par Skype, Facebook ou
Blackberry. Ce téléphone, déve-
loppé par la marque canadienne
Research in Motion, permet en
effet d’envoyer des mails cryp-
tés sur ses serveurs. Quant au
système du peer to peer, qui pro-
meut les échanges directs entre
internautes, il est considéré par
le FBI comme l’un des moyens
de communication les plus utili-
sés par les terroristes.
Critiques. Parmi les mesures
envisagées figure l’obligation
pour les compagnies possédant
un système de mails cryptés de
concevoir un programme pou-
vant les déchiffrer. S’il s’agit
d’une société basée à l’étranger,
les messages qui passent par les
serveurs américains doivent
pouvoir être interceptés. Quant
aux développeurs de logiciels
peer to peer, ils devront égale-
ment mettre en place cette ca-
pacité d’écoute.
Le projet de loi, qui pourrait être
présenté au Congrès l’an pro-
chain, fait déjà grincer des dents
les défenseurs des droits civi-
ques. «Il s’agit d’une prise de
pouvoir énorme du gouvernement
sur l’Internet, explique John
Verdi, du Electronic Privacy In-
formation Center. Tout cela est
contraire à la Constitution.» Se-
lon lui, les nouvelles mesures
pourraient permettre aux pirates
informatiques d’accéder à des
centaines de milliers d’informa-
tions privées en détournant les
écoutes gouvernementales.
FABRICE ROUSSELOT
correspondant à New York
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 • 5

DÉSINTOX • SUR LIBÉRATION.FR

Sécurité: Morano w «Planète durable» Tous les débats du

forum Libé sont disponibles en vidéo.

w Défilé La Fashion Week parisienne dans

détourne les chiffres les starting­blocks: suivez le déroulé heure

par heure sur Next.fr.
ALAIN BRILLON

«l’accompagnement person- fait du CDDF, mais d’un «en- sière intox de Morano est w Emission Retrouvez les critiques littéraires
nalisé, le partage des informa- semble de mesures». Idem bien rodée. L’an passé, la de Libération dans Sous les couvertures.
tions entre tous les acteurs, pour le chiffre de 25 % que baisse des délits de 80% dans
permet d’apporter une réponse Morano présente à tort les quartiers sensibles d’Or- w Galerie photo des squelettes de dino­
à une famille en difficulté, à un comme la baisse de la délin- léans, que la secrétaire d’Etat saures qui vont être mis aux enchères
«Je vais à Orléans enfant en difficulté». quance des mineurs (en fait, avait vendue aux journalistes par Sotheby’s.
il s’agit de la baisse de la part comme le résultat du CDDF,
pour faire le bilan ne baisse de 61 % de des mineurs dans l’ensemble correspondait déjà à une ten- w Diaporama «A la découverte d’Angkor»
des CDDF. La
délinquance des
mineurs y a baissé
U la délinquance grâce
aux CDDF? C’est à se
demander pourquoi il n’y a
de la délinquance, ce qui
n’est pas pareil) : il porte
aussi sur une évolution de-
dance depuis 2001. Le CDDF,
ou le miracle d’un dispositif
à efficacité rétroactive.
sur l’exposition du musée Cernuschi,
à Paris, retraçant un siècle de fouilles,
de 1860 à 1960.
que quelques dizaines de puis huit ans. En fait, la gros- CÉDRIC MATHIOT
de 25%, et la
mairies en France qui ont fait
délinquance confiance à ce dispositif,
générale a baissé permettant au maire de réu-
de 61%!» nir autour des familles à pro-
blèmes les acteurs de la sécu-
Nadine Morano rité et de la prévention.
mgen.fr

Personne n’est à l’abri d’un accident

le 21 septembre sur BFM TV La raison est peut-être que ou d’une maladie grave, source de perte
d’autonomie temporaire ou totale, avec
les statistiques de Morano d’importantes conséquences financières.
n peut tout faire dire sont... parfaitement bidons.

O aux chiffres. Y com-

pris n’importe quoi.
Le 21 septembre, Nadine Mo-
rano, secrétaire d’Etat char-
gée de la Famille et de la So-
lidarité, était invitée sur
BFM TV. L’occasion de van-
ter la réussite des conseils
des droits et devoirs des fa-
milles (CDDF), ces structu-
res municipales prévues par
la loi du 5 mars 2007 relative
à la prévention de la délin-
quance : «Je vais à Orléans
Il est aisé de retrouver les
chiffres cités par la secrétaire
d’Etat dans les communiqués
Or, la protection MGEN inclut
systématiquement des garanties
de prévoyance en cas de perte d’autonomie.
Ainsi vous êtes sûr de bénéficier d’un
de la ville d’Orléans. Mais il soutien financier et de services
est risible de voir ce qu’elle d’accompagnement, quoi qu’il arrive.
en fait.
DÉSINTOX Ainsi, la
c h u t e
de 61% évoquée par Morano
correspond, non pas à la
baisse de la délinquance gé-
nérale comme elle le dit (la-
quelle a baissé de 41%), mais
à la baisse de la délinquance

pour faire le bilan des CDDF.
La délinquance des mineurs
y a baissé de 25 %, et la dé-
linquance générale a baissé de
61 % !», s’est-
INTOX elle félicitée.
L’an passé déjà,
Nadine Morano avait usé de
l’exemple d’Orléans pour
faire la retape des CDDF, an-
nonçant une«baisse de 80%
de la délinquance dans les zo-
nes urbaines sensibles», ce
qui prouvait, selon elle, que
complémentaire santé :
de proximité. Surtout, ce
chiffre correspond à une
baisse enregistrée de-
puis 2001. Il faut donc une
mauvaise foi crasse pour sug-
gérer que cette évolution tra-
duit le succès du CDDF lo-
cal... qui a été mis en place
à Orléans en novembre 2007.
Depuis cette date, la délin-
quance générale à Orléans a
baissé de 13% selon les chif-
fres de la mairie, qui précise
illico que ce n’est pas le seul

MAKING­OF
Photos : © Jean-Pierre Salle - 15425

Lyon: «Libé» en fait un max

Huitième forum pour Libération ce week­end et on trou­
vera aujourd’hui le traditionnel kaléidoscope qui succède
à chacune de nos éditions. Cent quatorze invités (que
l’on remercie encore) et 114 photos pour cette édition
lyonnaise et le journal du jour. Trois jours de débats qui
ont fait du bien après le sale été (de l’affaire Bettencourt
à l’expulsion des Roms et autre discours de Grenoble) et
un automne sur la même tonalité. Le tout­sécuritaire va­
t­il encore longtemps saturer l’espace public français? Eh
bien non! Les 25000 acteurs du deuxième forum de
Lyon ont remis les pendules à l’heure. Ce refus citoyen
de se laisser dicter les calendriers électoraux, cet appétit MUTUELLE SANTÉ • PRÉVOYANCE • DÉPENDANCE • RETRAITE
de dialogue selon d’autres hiérarchies, d’autres valeurs,
constituent le principal succès de ces trois jours. Oui, le MGEN, Mutuelle Générale de l’Education nationale, n°775 685 399, MGEN Vie, n°441 922 002, MGEN Filia, n°440 363 588, mutuelles soumises aux dispositions du livre II du code

temps long de l’humain a prévalu. Il n’y aura pas de pla­ de la Mutualité - MGEN Action sanitaire et sociale, n°441 921 913, MGEN Centres de santé, n°477 901 714, mutuelles soumises aux dispositions du livre III du code de la Mutualité.

nète durable sans humanité durable. Vivement Lyon 2011!

MAX ARMANET

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 MONDE
6 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

Iouri Loujkov à
Moscou, mardi.
PHOTO ALEXEI
FILIPPOV ITAR­TASS

REPÈRES

IOURI LOUJKOV
A 74 ans, l’ancien maire de
Moscou détenait un
record, celui de la longé­
vité politique. Ce nationa­
liste orthodoxe, dévot mais
amateur de luxe et de
bonne chère, a régné pen­

Le«tsar»deMoscoucongédié
dant dix­huit ans sur la
capitale russe. Marié à la
femme la plus riche du
pays, Elena Batourina, de
vingt­sept ans sa cadette, il
ambitionna un moment de

parunoukasedeMedvedev siéger au Kremlin. Fin

politique, il sut s’écarter
en 2000 pour laisser
passer Vladimir Poutine.
Le président russe a mis fin aux fonctions de Iouri Loujkov, maire depuis 1992.
MOSCOU
Par VERONIKA DORMAN qu’audacieuse. A ne rien faire, Loujkov sur le secteur immobilier et pas peur.» Pour l’heure, Vladimir
Correspondante à Moscou l’autorité du Président aurait été le BTP de Moscou est le secret le Poutine, qui s’était abstenu de com- Iouri Loujkov a transformé
ébranlée. Car Loujkov règne sur moins bien gardé de la capitale. menter les déboires du maire ces cette grise ville soviétique
en une métropole trépi­

L’
inamovible maire de Mos- Moscou depuis dix-huit ans avec ar- Même si lui et son épouse, la milliar- dernières semaines, n’a fait que
cou a raté sa chance de rogance et indépendance, tout en daire Elena Batourina, présidente de soutenir la décision présidentielle en dante, capitale du bling­
partir à l’amiable. Après restant un pilier du pouvoir et de la compagnie de travaux publics regrettant que Loujkov n’ait pas bling, à l’image d’un capita­
plusieurs semaines de son parti, Russie unie. Inteco, ont toujours nié toute «pris les mesures nécessaires pour lisme sauvage né de l’effon­
prises de bec avec le Kremlin, Iouri Aujourd’hui, Moscou rime avec collusion d’intérêts. normaliser la situation [alors que] ses drement du système
Loujkov a été démis de ses fonctions Loujkov. En 1992, dans l’efferves- Poids lourd de la vie politique russe, relations avec le Président n’étaient soviétique. Sa politique de
par un décret de Dmitri Medvedev, cence des années de transition, populaire malgré tout dans sa ville, clairement pas bonnes». Il n’a pas rénovation a été critiquée
dont «il a perdu la confiance». Boris Eltsine l’affecte au fauteuil où les retraites et pensions sont plus oublié, tout de même, de saluer le par de nombreux archi­
En vertu de la Constitution municipal. Il sera par la élevées qu’ailleurs dans le pays, maire sortant, «qui a beaucoup fait tectes, qui lui reprochent
russe, c’est le président qui ANALYSE suite élu en 1996, réélu Iouri Loujkov aurait pu quitter son pour le développement de Moscou et d’avoir remplacé des
nomme et révoque les gou- en 1999 et 2003, puis, lors- siège la tête haute, en négociant une est d’une certaine manière une figure chefs­d’œuvre par de
verneurs et le maire de Moscou, qui que le système de désignation a nouvelle affectation. Mais «la situa- symbolique de la Russie moderne». vagues copies. Et d’avoir
a le même statut. Dmitri Medvedev changé, nommé en 2007 par Vladi- tion évolue selon un scénario violent, permis l’enrichissement de
était attendu au tournant. Depuis mir Poutine, alors président. Ses commente Evgueni Minchenko, di- INTÉRIM. A dix-huit mois de la pré- sa femme, à la tête d’un
quelque temps, Iouri Loujkov don- longues années de règne ont recteur du Centre international de sidentielle, le tandem au pouvoir empire immobilier qu’il lui
nait l’impression de défier le chef de façonné la capitale. De ville morose l’expertise politique, des actions continue d’afficher une certaine aurait été sans doute
l’Etat. Après une série d’incartades et grise, Moscou s’est muée en mé- pénales contre l’entourage du maire complicité. Mais alors que le Pre- impossible de créer sans
et une violente campagne média- gapole clinquante et insomniaque, seront certainement entreprises. On ne mier ministre, Poutine, qui avait sa relation privilégiée avec
tique orchestrée par les chaînes de où les vitrines des magasins de luxe perd pas la confiance du Président paru renforcé cet été par sa gestion le maire.
télévision fédérales contre lui, Lou- se mirent dans les façades des grat- pour un rien.» des incendies, fait profil bas, c’est le
jkov était parti célébrer son 74e an- te-ciel et autres centres d’affaires de président Medvedev
niversaire dans sa résidence autri- verre et d’acier. On lui doit la re- Pour l’heure, Vladimir Poutine, qui pourrait sortir RUSSIE UNIE
chienne et réfléchir à la suite des construction de la cathédrale Saint- grandi de cette affaire.
événements. De retour lundi à la Sauveur, dynamitée par Staline, et
qui avait confirmé Loujkov à son Dans la foulée, Med- Iouri Loujkov a également
mairie, il a déclaré qu’il ne démis- la grande autoroute périphérique poste en 2007, n’a fait que soutenir vedev a nommé en quitté Russie unie, le parti
sionnerait pas de son plein gré, tout (MKAD). Depuis des années, des la décision présidentielle. remplacement le vice- de Vladimir Poutine, dont il
en exposant son agenda municipal organisations de défense du patri- maire Vladimir Resin, constituait un des piliers.
pour les semaines à venir. En dépla- moine dénoncent la destruction du Boris Nemtsov, un des leaders du un proche de Loujkov, chargé des Le puissant Premier minis­
cement en Chine, Medvedev s’est vieux Moscou et la construction mouvement d’opposition Solidar- secteurs de la construction et des tre russe, qui semblait
contenté d’un décret cinglant et la- erratique d’immeubles modernes nost et auteur d’un texte dénoncia- politiques urbanistiques. Ce n’est moins hostile au maire de
conique, hier matin : «Démettre qui détruisent l’unité architecturale teur, «Loujkov : bilan», est plus pas exactement un changement Moscou que le président
Youri Loujkov de ses fonctions de maire du centre historique; des milliers de nuancé: «On ne perd la confiance du d’ère. Mais il ne fait qu’assumer Dmitri Medvedev qui l’a
de Moscou parce qu’il a perdu la Moscovites s’épuisent quotidienne- Président que pour des causes très l’intérim. Si le Président parvient à limogé pour «perte de con­
confiance du président de la Russie.» ment dans d’interminables bou- graves. A Moscou, il pourrait s’agir de mettre en place un maire efficace fiance», s’est empressé de
chons provoqués par une gestion corruption. Mais Loujkov est con- qui s’attaquera aux maux de Moscou dire qu’il approuvait la
PILIER. Pour de nombreux observa- urbanistique insensée, alors que la vaincu que Poutine ne laissera per- imputés à Loujkov, il aura accompli, décision du président
teurs et commentateurs du Kremlin, construction des logements aurait sonne le juger pour cela, tandis que par ce limogeage, un véritable geste russe et qu’il contribuerait
cette décision était aussi vitale baissé de 30%. L’emprise de l’accusation de Medvedev ne lui fait de modernisation. • à lui trouver un successeur.
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
VU DE BANGKOK
Par ARNAUD DUBUS
Thaïlande: le mime rouge
contre les bananes farcies
e programme était at-
L tractif : des centaines
de militantes antigou-
vernementales devaient pa-
tauger «en bikini rouge»
dans la mer du golfe de
Thaïlande, face à la sulfu-
reuse station balnéaire de
Pattaya, le 5 septembre. Une
manifestation symbolique
des «chemises rouges», le
mouvement qui souhaite une
restructuration de la société
thaïlandaise dans un sens
plus égalitaire. La réalité fut
plus conforme à ces valeurs
culturelles thaïlandaises que
sont la reap-royness (le sens
de ce qui convient de faire)
et cette touchante pudeur
corporelle des habitants du
royaume en public. Une
vingtaine de jeunes femmes
en tee-shirts et jupes se lan-
cèrent dans les eaux brunâ-
tres de Pattaya South Beach
en clamant des slogans pro-
démocratiques.
Ce week-end militant à la
plage fait partie d’une
MEXIQUE: APRÈS L’OURAGAN ET LA
TEMPÊTE, LE GLISSEMENT DE TERRAIN
Entre 100 et 300 maisons ont été ensevelies hier à l’aube
par un pan de colline dans la région de Oaxaca (sud­est
du Mexique), faisant craindre jusqu’à un millier de morts.
Un fonctionnaire municipal de Santa Maria Tlahuitoltepec,
localité de 10000 habitants, a précisé que 400 personnes
sont recherchées dans le quartier d’El Calvario («le cal­
vaire»). Depuis un mois, le pays est confronté à de fortes
pluies, comme à Oxolotan (photo), causées par l’ouragan
Karl et la tempête tropicale Matthew, qui ont fait au moins
une cinquantaine de morts, des centaines de milliers de
sinistrés et des milliards de dollars de dégâts. PHOTO AP
NIGERIA Des hommes armés
ont enlevé dans le sud pétro-
lifère du Nigeria 15 enfants à
bord d’un car scolaire et ont
réclamé hier une rançon de
près de 100 000 euros.
PAKISTAN Quatre insurgés
ont été tués, hier, dans le
nord-ouest du pays, par les
missiles d’un drone améri-
cain. Il s’agit de la 21e attaque
de ce type en trois semaines
campagne baptisée «Diman-
ches rouges», lancée par
Sombat Boonngamanong, un
mime de profession qui a pris
fait et cause pour les Rouges,
lesquels demandent un
rééquilibrage social, éducatif
et politique. La créativité du
mouvement est frappante
face à l’attitude empesée des
politiciens du Parti démo-
crate au pouvoir, qualifiés de
«stuffed bananas» («bananes
farcies») par Yvan Cohen,
spécialiste français de la po-
litique thaïlandaise.
«Nous qui sommes de la classe
moyenne, nous soutenons le
combat des classes défavori-
sées. Mais nous voulons utili-
ser le pouvoir du savoir pour
transformer le pays. Nous
voulons porter le combat sur le
champ de la communication,
non de la violence», explique
Sombat, lequel a effectué un
séjour en prison pour avoir
accroché des rubans rouges
à des poteaux électriques
dans la capitale. •
dans les zones tribales, fief
des talibans alliés à Al-
Qaeda.
CUBA Fidel Castro, de retour
sur la scène politique depuis
août, a fustigé, hier, «l’em-
pire barbare» des Etats-Unis
dans un discours prononcé
devant des milliers de per-
sonnes à l’occasion du
50e anniversaire des comités
de défense de la révolution.
MONDEXPRESSO • 7
RETOUR SUR LA SUCCESSION DE KIM JONG­IL EN CORÉE DU NORD
A Kim III bombardé général quatre étoiles
La première dynastie communiste au
monde tente de se prolonger. Kim
en position de succéder à son père. Ce
dernier avait lui-même pris les rênes
nord-coréens ont annoncé la promo-
tion, au même rang de général, de la
Jong-un (27 ans), troisième fils du après la mort du «Grand leader» en sœur du dictateur, Kim Kyoung-hui.
dictateur nord-coréen Kim Jong-il et 1994. Il est aujourd’hui d’une santé Agée de 64 ans, celle-ci est membre
petit-fils du «Grand leader» Kim Il-
sung, a été nommé hier général qua-
tre étoiles. Sa promotion, au jour de
chancelante. Pour souligner l’impor-
tance de cette conférence, qualifiée
d’«historique», le régime communiste
du comité central depuis 1998. Elle est
surtout l’épouse du vice-président de
la commission nationale de la Dé-
l’ouverture à Pyongyang d’une confé- préparerait pour les jours qui vien- fense, Chang Song-taek, considéré
rence extraordinaire du Parti des tra- nent le plus grand défilé militaire de comme le numéro 2 du pouvoir.
vailleurs (le PC nord-coréen), le place son histoire. Les médias officiels PHILIPPE GRANGEREAU (à Pékin)
INTÉGRATION Mevlut Çavusoglu, président de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe, avait pointé cet été une montée de la xénophobie:
«LeproblèmedesRoms
n’estpasseulementfrançais»
in août, Mevlut Çavu- Vous présidez l’APCE alors la Russie, c’est le place de celle hé-
F soglu, président de
l’Assemblée parlemen-
taire du Conseil de l’Europe
même que la Turquie est l’un
des pays les plus condamnés
par la Cour européenne des
pays le plus épin-
glé par la CEDH.
Cela nous rappelle
ritée du régime
militaire.
amendements in-
Les
(APCE), fut l’un des premiers droits de l’homme. N’est-ce l’urgence d’une troduits par le ré-
AFP
à dénoncer «le risque d’une pas un peu paradoxal ? profonde réforme férendum du
montée des sentiments racistes En huit ans, la Turquie a fait de la justice en 12 septembre ne
et xénophobes en Europe» une véritable révolution si- Turquie. Il nous faut aussi sont qu’un premier pas.
avec les expulsions de Roms lencieuse. Il est vrai qu’après une Constitution civile à la Recueilli par MARC SEMO
de France et d’Allemagne.
Elu en janvier à la tête de
cette assemblée où sont re-
présentés les 47 pays mem-
bres et premier Turc à occu-
per cette fonction, il a
effectué hier sa première vi-
site officielle à Paris.
Votre appel a-t-il été en-
tendu?
Ma déclaration voulait inci-
ter les pays membres à être
plus responsables et à ne pas LE FUTUR, MAINTENANT.
accroître la xénophobie. Elle
a été très bien accueillie par
beaucoup de pays, d’autres
se sont contentés d’en pren-
dre note. Je suis maintenant
moins inquiet. Les autorités
françaises se montrent prêtes
à coopérer à une solution.
Qu’est-il possible de faire?
Le secrétaire général du Con-
seil de l’Europe a proposé
une réunion à haut niveau le
20 octobre à Strasbourg entre
les Vingt-Sept et les pays
membres du Conseil de l’Eu-
rope qui n’appartiennent pas
à l’UE. Le problème des
Roms n’est pas celui seule-
ment de la France ou de l’Al-
lemagne. Il y a des Roms
dans tous nos 47 pays mem-
bres, et depuis plus de
vingt ans, nous avons consa-
10H-20H /// NOCTURNES JEUDIS JUSQU’À 22H
cré à cette question de nom-
breuses études, rapports et
résolutions. Les priorités BILLETS EN VENTE /// 0892 700 891* /// MAGASINS AUCHAN, CARREFOUR,
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 FRANCE
8 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

Martin Hirsch
(à droite) avec Jean­
François Copé
(au centre)
et Eric Besson,
à Antibes, en 2008.
PHOTO TSCHAEN. SIPA

– un cumul dont l’interdiction est

préconisée par Hirsch comme par
le président du Nouveau Centre,
Hervé Morin – le député maire de
Meaux était hier fort remonté. Lors
de sa conférence de presse, il en a
appelé à la «conscience» des jour-
nalistes, invités à avoir «le cou-
rage» de déboulonner «l’intoucha-
ble icône médiatique».

TIMBRES. Car non content de «cra-

cher dans la soupe», Hirsch se serait
rendu coupable de violation du se-
cret professionnel. Selon plusieurs
élus UMP, les informations sur Gé-
rard Longuet – jamais cité dans le
livre mais clairement identifiable–
ont été puisées dans les déclarations
à la Commission pour la transpa-
rence financière de la vie politique.
Hirsch évoque le cas d’un ancien
ministre des Postes qui aurait fi-
nancé «en grande partie» par la
vente de timbres sa maison dans le
sud de la France. En tant que
conseiller d’Etat, Hirsch a siégé

ContreHirsch,ledélitde dans la commission qui examine les

déclarations des élus. Hier, devant
le groupe UMP, Copé a souhaité que
le vice-président du Conseil d’Etat
soit «convoqué» à l’Assemblée na-

solidaritéactiveavecCopé tionale afin qu’il s’explique sur les

conditions dans lesquelles il entend
faire respecter le secret profession-
nel dans son institution. Sur ce
point, Hirsch renvoie à la lecture de
Les parlementaires UMP reprochent à l’ex haut-commissaire de cracher dans son livre : c’est de la bouche de
l’ancien directeur de la poste Yves
la soupe dans un essai qu’il vient d’écrire concernant les «petits cadeaux». Cousquer qu’il tient ses informa-
tions. Manifestement blessé par
Par ALAIN AUFFRAY pris soin de citer le chef de l’Etat : des conflits d’intérêts. Réunis hier Bernard Kouchner, ministre des l’attaque, Copé a parlé dimanche
«Je demanderai à une commission re- à huis clos en présence de François Affaires étrangères, est lui aussi en sur France Inter de «délation», al-

«U
n délateur, un traître,
un personnage mes-
quin…» Martin
Hirsch en a pris pour
son grade hier, à l’Assemblée natio-
nale. C’est peu dire que les élus
UMP n’ont pas apprécié son dernier
livre – Pour en finir avec les conflits
d’intérêts – dans lequel il donne
quelques exemples de «petits ca-
deaux» et de «mélanges des gen-
res», visant implicitement les prési-
dents des groupes UMP au Sénat et
à l’Assemblée nationale, Gérard
Longuet et Jean-François Copé. A
priori, le propos n’a pourtant rien
d’iconoclaste. En exergue du petit
essai qui paraît ce matin, l’auteur a
présentant toutes les familles politi- Fillon, de nombreux députés UMP partie épargné. lant même jusqu’à convoquer les
ques de réfléchir dès la semaine pro- ont violemment critiqué une dé- Rappelant qu’ils ont voté sans ter- «Justes» qui ont sauvé ses parents
chaine à la façon dont on doit, ou non, marche, selon eux «déloyale». Ils giverser les projets du haut-com- juifs, comme ceux de Martin
modifier la loi pour éviter dans l’ave- reprochent d’abord à l’ancien pré- missaire, les députés de droite Hirsch, de la barbarie nazie. Venant
nir toute forme de conflit s’étonnaient hier que Hirsch ose de celui qui s’est dit «scandalisé»
d’intérêt.» Ainsi s’expri- «A propos de conflits d’intérêts, leur donner des leçons de morale. par l’évocation de Vichy à propos
mait Nicolas Sarkozy le Et de pointer qu’il touche des expulsions de Roms, cette sur-
12 juillet sur France 2,
Hirsch a oublié le sien.» aujourd’hui son salaire de président prenante évocation semble trahir
alors qu’il tentait de désa- Jean­François Copé de l’Agence du service civique, éta- une perte de sang-froid. Conscient
morcer l’affaire Woerth- blissement qu’il a créé alors qu’il qu’il fait à ce livre une publicité
Bettencourt. Mais on reste sans sident d’Emmaüs d’avoir l’indigna- était au gouvernement. «A propos bien involontaire, Copé a laissé par-
nouvelles, depuis, de la «commis- tion sélective et de passer sous si- de conflits d’intérêts, Hirsch a oublié ler sa colère hier: «Il va faire de ma-
sion» promise. lence les confits d’intérêt touchant le sien. Je regrette d’avoir à le dire, gnifiques droits d’auteur, espérons
ses amis. Martin Hirsch avoue can- mais il y a beaucoup de présidents qu’ils iront à une œuvre caritative.»
DÉMARCHE. Martin Hirsch, du didement avoir «des liens amicaux» d’agence qui n’ont pas de rémunéra- La lecture du livre devrait le rassu-
coup, a pris les devants en livrant avec Eric Woerth. Il a donc jugé tion», expliquait hier Jean-François rer sur ce point : l’ancien haut-
ses propres réflexions sur ce que «inopportun» de traiter de l’affaire Copé. A la fois président de groupe commissaire précise que les droits
pourrait être une loi de prévention qui est pourtant à l’origine du livre. parlementaire et avocat d’affaires iront en effet à une œuvre. •

UN LIVRE POLÉMIQUE Martin Hirsch, 46 ans, dirige «Après toutes les

REPÈRES
Pour en finir avec les conflits
d’intérêts (Stock, 12 euros) sort
aujourd’hui. Martin Hirsch y
«explore ces zones grises proches
du trafic d’influence: au sommet
des entreprises, dans la santé,
DR
aujourd’hui l’Agence du service
civique. Ancien président
d’Emmaüs, ce fils de haut
fonctionnaire a été durant
près de trois ans Haut­
commissaire aux solidarités
actives, puis à la jeunesse dans
attaques (de la gauche),
Hirsch, c’est la goutte
d’eau qui fait déborder
le vase.»
Jean­François Copé présidentdu
groupeUMPàl’Assembléenationale

au Parlement.» les gouvernements Fillon.

LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 FRANCEXPRESSO • 9

À LA BARRE
RETOUR SUR LA LOI SUR L’IMMIGRATION À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

A Eric Besson mal à l’aise devant les députés

Par PATRICIA TOURANCHEAU

Procès Ferrara: le baiser

Un peu besogneuse, la présentation
par Eric Besson devant l’Assemblée
nationale de son projet de loi sur l’im-
migration. Le ministre en a énuméré
les différentes mesures, le nez dans
son discours, bafouillant parfois.
Ainsi, la déchéance de la nationalité
pour les Français naturalisés depuis
moins de dix ans qui auraient commis
un crime contre un dépositaire de
l’autorité publique, la création d’une
interdiction de retour sur le territoire
français pour les étrangers expulsés,
ou la limitation du rôle du juge des
libertés dans la procédure d’expul-
sion. Les socialistes ont annoncé leur
intention de ferrailler contre le texte.
Côté majorité, Etienne Pinte a expli-
qué qu’il voterait contre un projet de
loi qui «vise à draguer l’électorat
du Front national». François Goulard,
UMP tendance Villepin, a également
déclaré qu’il «ne votera pas ce texte».
«L’essentiel du groupe est derrière
moi», a affirmé Thierry Mariani, le
rapporteur du projet de loi.
L’Assemblée devait commencer à
examiner le texte dans la nuit,
notamment son article 3 qui prévoit
la déchéance de la nationalité. C. C.
qui tue du maton dévoyé
émoin au procès d’as-
T sises à Paris des huit
accusés de l’évasion
d’Antonio Ferrara, Hocine
Kroziz, 38 ans, surveillant de
Fresnes, condamné à douze
ans de réclusion pour com-
plicité, veut «bien prêter ser-
passer un message à Ferrara:
«T’as le bonjour de Mimi, on
s’occupe de tout.» Il a eu
d’autres rendez-vous assor-
tis de «menaces» avec
«Mouss» et Illouli qui lui de-
mandaient comment le «pe-
tit» pouvait «aller au quartier

Lagaucheveutdescendre
ment de dire la vérité, mais pas
sans crainte». Le «maton»
dévoyé se sent «en milieu
hostile». Il dit : «Je n’accuse
personne.» Mais met en
disciplinaire» (QD), mieux
situé pour le délivrer. Le ma-
ton a suggéré un «refus de
fouille». Il a revu Illouli le
21 janvier 2003 : «Il était

Accoyerdesonperchoir
PARLEMENT Après le débat écourté sur les retraites, les chefs des groupes
d’opposition demandent la démission du président de l’Assemblée.
Hier, à l’Assemblée. Marginalisée, la gauche s’en prend à Accoyer. PHOTO SÉBASTIEN CALVET
ue l’opposition de-
La gauche reproche à Ac-
che a juridiquement tort, car
président utilisent l’«hyper-
Parlement» comme machine
de guerre contre le PS pour
servir les ambitions de Jean-
François Copé. Ainsi, chaque
fois que l’opposition a voulu
utiliser ses droits nouveaux,
le groupe UMP a tout fait
pour qu’elle ne puisse le
faire. Il a ainsi mis son veto à
la création d’une commis-
sion d’enquête parlemen-
taire sur les sondages de
l’Elysée. Et quand le PS dé-
fend une de ses propositions
de loi, le groupe UMP quitte
l’hémicycle.
Droits. Accoyer avait promis
à Ayrault de tout faire pour
que soient respectés les
droits de l’opposition. Si le
président du groupe socia-
liste demande aujourd’hui sa
démission, c’est qu’il a com-
pris le 15 septembre que le
cause trois accusés. énervé. Il m’a dit : “on a dé-
posé 10 boulons ou dix plaques
Kroziz n’a pas fait appel, au baveux Achoui”, et il n’a
mais nie avoir remis un por- rien fait. C’est lui qui devait
table et un colis au détenu donner le feu vert à Ferrara.»
Ferrara :«J’ai pas fait péter le
truc.» Dans le box, Ferrara Il a beau assurer qu’il rap-
lance: «Oui, c’est moi qui l’ai porte des propos sans savoir
fait.» A savoir, placer la «si c’est vrai ou faux», le ma-
charge de Pep 500 contre les ton répète cette accusation
barreaux à 4 heures le majeure contre Karim
12 mars 2003 pour s’enfuir. Achoui, vert sur sa chaise.
«J’ai pas apporté l’explosif, Condamné à sept ans pour
hein ?» lui demande Kroziz. complicité, l’ex-avocat joue
Ferrara : «Absolument pas.» sa peau et sa robe. Kroziz en-
«J’ai pas apporté le bigo ?» fonce encore Illouli avec cet
«Absolument pas.» Pas ran- ultime rendez-vous, le
cunier, Ferrara. L’ex-gardien 11 mars, pour lui indiquer
de Fresnes a pourtant chargé que Ferrara est au QD et «du
son pote Hamed Illouli qui bon côté» propice à l’évasion
proteste de son innocence. qui eût lieu dans la nuit. Les
Kroziz a répété qu’il a été avocats de la défense ont
«approché» six mois avant étrillé le maton que les psys
l’attaque par Illouli pour ont trouvé mythomane. •
CONFIDENTIEL
LA DOUBLE TOURNÉE DE CAMBADÉLIS
Officiellement, il ne s’agit que de présenter à ses camara­
des son dernier essai sur la diplomatie sarkozyste, Dis­
moi où sont les fleurs? (L’encyclopédie du socialisme).
Débats, rencontres avec les militants et les patrons de
fédérations: Jean­Christophe Cambadélis a calé pas

Q mande la démission
du président de l’As-
semblée nationale :
jamais de mémoire de dépu-
tés, cela ne s’était produit.
En tout cas pas depuis le dé-
but de la Ve République. Hier
pourtant, Jean-Marc Ayrault
au nom du groupe socialiste,
Yves Cochet (Verts) pour le
groupe GDR (gauche démo-
crate et républicaine) et
«l’ensemble des député(e)s
socialistes, radicaux et ci-
toyens, communistes, Verts et
apparentés» ont appelé Ber-
nard Accoyer à quitter ses
fonctions, dans une tribune
dans le Monde. Ils l’accusent
d’avoir «préféré complaire au
président de la République plu-
tôt que de protéger une institu-
tion dont il est le garant».
La tension n’est donc pas re-
tombée après la trêve des
journées parlementaires la
semaine dernière, à Pau pour
le PS, à Biarritz pour l’UMP.
coyer d’avoir brutalement
mis fin, le 15 septembre, au
débat sur les retraites, alors
que 143 orateurs disposaient
encore de cinq minutes cha-
cun pour expliquer leur vote,
un droit garanti par l’article
49.13 du règlement adopté
après la réforme constitu-
tionnelle de 2008. Accoyer
s’en est expliqué le 23 sep-
tembre dans Libération, esti-
mant qu’il s’agissait «à l’évi-
dence d’obstruction». Ce que
la réforme visait justement à
empêcher.
Impasse. Socialistes et com-
munistes ne manquent pas
d’arguments pour faire va-
loir que le président de l’As-
semblée aurait dû laisser
parler tous les députés ins-
crits. Mais, pour reprendre la
célèbre phrase prononcée en
octobre 1981 par le socialiste
André Laignel répondant à
l’ancien garde des Sceaux
gaulliste Jean Foyer : la gau-
elle est politiquement mino-
ritaire. «Rien ne peut con-
traindre Bernard Accoyer, élu
président de l’Assemblée
n’était pas en mesure de te-
nir cet engagement.
moins de 49 déplacements en province d’ici à Noël! Le
lieutenant de DSK n’en profiterait­il pas pour plaider dis­
crètement la cause de ce dernier? Dénégation outragée
pour la durée de la législature, FRANÇOIS WENZ-DUMAS de l’intéressé: «Faut bien que je vende mon livre!»
à démissionner, et les socialis-
tes le savent très bien», rap-
pelle le villepiniste François
Goulard.
Alors pourquoi ce durcisse-
ment de ton? «Les socialistes
sont dans un jeu de rôles»,
tente de minimiser Jean Leo-
netti, vice-président du
groupe UMP. En haussant le
ton, ils sortent de l’impasse
dans laquelle ils se sont mis
en boycottant le débat sur la
réforme territoriale les 16 et
17 septembre. L’opposition
ne peut à la fois réclamer le
respect de ses droits et prati-
quer la chaise vide.
Cette escalade vise aussi à
pointer les dysfonctionne-
ments du Parlement engen-
drés par la réforme constitu-
tionnelle, et surtout la façon
dont le groupe UMP et son
10 • FRANCE
HLM,unetaxepeuconstructive
En passe d’être soumis à une «contribution sur les revenus locatifs» imposée aux seuls
logements sociaux, les acteurs du secteur ne décolèrent pas contre l’Etat qui les prive de moyens.
Par TONINO SERAFINI
C
ertes l’époque est au rabo-
tage et aux économies.
Mais, sous couvert de lutte
contre les déficits publics,
le gouvernement s’apprête à infli-
ger au logement social un traite-
ment jugé inéquitable par le monde
des HLM. Dans le projet de loi de fi-
nances de 2011, il
ANALYSE est prévu d’ap-
pliquer une taxe
de 2,5% sur les loyers perçus par les
HLM. Les quatre millions de loge-
ments du parc public sont concer-
nés par cette «contribution sur les
revenus locatifs» (CRL). Montant
total du prélèvement: 340 millions
d’euros, soit 85 euros par an et par
logement en moyenne. Curieuse-
ment, les 6,4 millions de logements
du parc locatif privé échappent à
cette taxation, excepté les
275000 logements appartenant aux
banques, aux compagnies d’assu-
rance et aux sociétés foncières qui
payent déjà cette CRL. Autrement
dit, 96% du parc privé sera exonéré
de la CRL, alors que 100% du parc
HLM, où habitent les personnes les
plus modestes, sera taxé.
BONDIR. Pour tenter de faire passer
la pilule, le secrétaire d’Etat au Lo-
gement, Benoist Apparu, prétend
que cela relève de la «chasse aux ni-
ches fiscales». On appliquerait fina-
lement aux HLM le même régime
qu’aux banques, assurances et so-
ciétés foncières. Une comparaison
qui fait bondir les acteurs du loge-
ment social. «Le monde HLM ne fait
pas de bénéfices, ne distribue par de
dividendes. Il assume une mission
d’intérêt général», rappelle Thierry
Repentin, sénateur (PS) et président
de l’Union sociale pour l’Habitat
qui fédère tous les organismes de
HLM. «L’argument de la lutte contre
les niches fiscales est fallacieux,
commente-t-il. C’est un rideau de
fumée pour faire passer une taxe
qu’on nous inflige. Je note que les pro-
priétaires privés ne sont pas touchés.»
Cette crispation survient alors que
les HLM tiennent – jusqu’à de-
main – leur congrès annuel :
4 000 personnes (élus, dirigeants
d’organismes, responsables d’asso-
ciations de locataires, représentants
des métiers du BTP…) sont réunies
à Strasbourg. La taxation anime les
discussions à la tribune comme
dans les couloirs du congrès. Une
coutume bien établie veut que le
ministre du Logement en place pro-
nonce le discours de clôture. De-
main, l’exercice risque de se révéler
compliqué pour Benoist Apparu.
«Le ministre va être à la fête. On va
se charger du comité d’accueil», pro-
met Serge Incerti-Formentini, pré-
sident de la CNL (Confédération na-
La taxe devrait ponctionner 380 millions d’euros aux organismes HLM. PHOTO MICHEL LE MOINE. FEDEPHOTO
tionale du logement). Raffut,
tapage, chahut, banderoles: les as-
sociations de locataires vont mener
la fronde, sous l’œil plus discret
mais approbateur des élus et des di-
rigeants de HLM.
Pour tenter de calmer les habitants
du parc social, Benoist Apparu as-
sure que la CRL «va être payée par
les organismes de HLM et non par
leurs locataires». C’est eux qui rece-
vront la taxe à payer pour l’ensem-
ble des loyers encaissés. Et «pas
question, souligne le secrétaire
d’Etat, qu’ils augmentent les loyers
au-delà de ce que permet l’Indice de
révision annuel» pour récupérer par
ce biais le montant de la taxe qu’ils
auront déboursé. Un argument qui
ne convainc pas grand-monde. «Il
ne faut pas se cacher derrière son pe-
tit doigt. L’argent des HLM vient des
locataires HLM, pointe Jean-Yves
Mano, adjoint (PS) au maire de Pa-
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
veut dire moins de logements cons-
truits, moins de réhabilitations et
moins de rénovations pour le plan cli-
mat», souligne l’élu parisien.
IMPACT. Tous les bailleurs sociaux
ont calculé l’impact de la CRL dans
leur trésorerie : 800 000 euros par
an à l’Office HLM de Colombes,
1,7 million à Plaine Commune Habi-
tat (Seine-Saint-Denis), 11 millions
à l’Immobilière 3F. «Ça va compli-
quer le montage de nos opérations à
venir», commente Yves Laffou-
crière, le directeur général des 3F.
Ce prélèvement intervient alors que
les collectivités territoriales, elles-
mêmes en butte à des difficultés fi-
nancières, se désengagent aussi du
financement des HLM. «Avant,
pour construire un logement en Ile-
de-France, un organisme de HLM
devait mettre de 15 000 à
20 000 euros de fonds propres. De-
main, il devra sortir entre 30 000 et
40000 euros, puisque des aides dis-
paraissent, pointe Pierre Carli, pré-
sident de l’Aorif (Association des
organismes de HLM d’Ile-de-
France). Si on ne fait rien, la moitié
de nos capacités de production vont
s’en trouver réduites.» Le BTP est
l’un des rares moteurs de la crois-
sance. •
REPÈRES
4
C’est, en millions, le nombre
de logements HLM que
compte l’Hexagone.
Près de 11 millions de Français
y habitent. Soit plus d’un
ménage sur six.
CONGRÈS
Le 71e congrès des HLM s’est
ouvert hier à Strasbourg
sur fond de crise avec
le gouvernement. La loi de
finances prévoit de créer
une taxe sur les loyers en
HLM de 340 millions d’euros.
ris en charge du logement. Cette
taxe va frapper les ménages les plus «Monsieur Apparu
pauvres puisque le parc locatif privé
est exonéré», ajoute l’élu parisien.
peut s’attendre à des
Dans la capitale, les bailleurs so- manifestations d’un
ciaux ont déjà fait leurs calculs. La caractère inhabituel
taxe va leur coûter 25 millions pendant son discours
d’euros (14 millions pour l’office de
HLM, et 12 millions pour les socié-
de clôture du congrès.»
tés d’économie mixte immobilières Thierry Repentin président
municipales). «On va être obligés de de l’Union sociale pour l’habitat
faire des choix. Moins d’argent, ça et sénateur (PS)
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 FRANCEXPRESSO • 11

L’HISTOIRE INTERPELLATION Une qua- SQUAT La propriétaire d’un

LA MÈRE D’UN
ENFANT BLESSÉ
ATTAQUE L’ÉTAT
La mère d’un petit garçon
de 3 ans, blessé en 2006
par un automobiliste de
86 ans, a récemment
assigné l’Etat en justice
pour faute grave, a indiqué
hier son avocat. Elle
dénonce l’absence de
contrôle médical sur les
conducteurs âgés. L’acci­
dent s’est produit alors que
le garçon traversait sur un
passage piéton protégé en
compagnie de sa mère sur
le chemin de l’école. Selon
l’avocat de la plaignante, le
Des pièces liées aux fuites sur l’affaire Bettencourt ont été saisies chez David Sénat., PHOTO AFP conducteur, qui serait
atteint de la maladie
d’Alzheimer, ne s’est pas
trième personne, un jeune hôtel particulier de la place
de 18 ans, a été interpellée des Vosges, dans le centre de
lundi dans le cadre de l’en- Paris, occupé depuis près
quête sur l’agression, le d’un an par des membres
15 septembre d’un lycéen du collectif Jeudi noir défen-
parisien de 17 ans, plongé dant le droit au logement,
depuis dans le coma, a-t-on a refusé la médiation suggé-
appris hier. Trois mineurs rée par la cour d’appel de Pa-
avaient déjà été mis en exa- ris. La cour devra trancher le
men dimanche. 22 octobre.
LES GENS
MARC­PHILIPPE
DAUBRESSE VEUT AIDER
LES JEUNES SANS EMPLOI
Le ministre de la Jeunesse, Marc­Philippe Daubresse, a
annoncé hier une expérimentation à partir de décembre:
un «revenu contractualisé d’autonomie» (RCA)
de 250 euros par mois. Il sera versé durant deux ans

L’ex-conseillerdeMAM rendu compte de ce qui

venait de se produire. Les
témoins de la scène l’ont
alors poursuivi «pour qu’il
maximum à 5500 jeunes peu qualifiés qui ne trouvent
pas de travail et, durant un an, à un millier d’étudiants
avec au moins un bac+3 et qui sont inscrits à Pôle Emploi
depuis plus de six mois. L’expérience, financée à hauteur

placéengardeàvue
s’arrête». En 2007, l’auto­
mobiliste a été condamné
pour blessure involontaire
par le tribunal correction­
nel de Reims, et s’est vu
JUSTICE David Sénat serait intervenu en faveur de la infliger une suspension de
permis de six mois.
société Visionex, impliquée dans des paris illicites. Le garçon renversé pré­
sente encore de légères
our Michèle Alliot-Ma- Nadine Berthélémy-Dupuy plice. Les policiers de la BRB séquelles dues à l’accident.
de 20 millions d’euros, inclut une aide à l’insertion profes­
sionnelle. Si elle est concluante, elle pourrait être éten­
due. Mais le ministre s’est dit contre une généralisation à
tous les jeunes: «Ce serait de l’assistanat.» L’Unef, qui
réclame une allocation d’autonomie universelle, a
regretté que «l’insuffisance du dispositif le condamne à
l’échec». «La priorité pour les jeunes, c’est de trouver du
travail, ils n’ont strictement rien à faire d’avoir une alloca­
tion au bout de six mois», a indiqué Génération précaire,
qui lutte contre les stages abusifs. V.S. PHOTO AFP

P rie, c’est incontesta-

blement une tuile. Da-
vid Sénat, son ex-conseiller
pénal, a été placé en garde à
vue, hier, sur commission
rogatoire d’une juge d’ins-
truction parisienne dans une
affaire d’exploitation de jeux
illicites. Dans la journée, les
policiers de la Brigade de ré-
pression du banditisme
(BRB) ont découvert des do-
cuments sur l’affaire Betten-
court en perquisitionnant le
domicile du magistrat.
Sénat avait été désigné
comme la source du Monde
par l’enquête parallèle de la
Direction centrale du rensei-
gnement intérieur (DCRI)
sur les fuites, puis dénoncé
comme tel au procureur. La
saisie chez lui de pièces rela-
tives à la procédure de Nan-
terre risque d’être lourde de
conséquences. Jusqu’à pré-
sent, les policiers ne dis-
posaient que d’indices
«techniques» – notamment
l’existence de contacts télé-
phoniques avec un journa-
liste du Monde.
Influence. Proche conseiller
d’Alliot-Marie, désormais
chargé d’une «mission de
préfiguration de la cour d’ap-
pel de Cayenne», Sénat avait
suivi la ministre, de-
puis 2002, à la Défense, l’In-
térieur et la Justice. C’est son
intervention en faveur de la
société Visionex, exploitant
de bornes Internet, lorsqu’il
était au cabinet de la minis-
tre de l’Intérieur, qui a pro-
voqué sa garde à vue. La juge
enquête sur les jeux d’in-
fluence exercés en faveur de
l’entreprise, et dont l’un des
points culminants semble
avoir été un courrier de Mi-
chèle Alliot-Marie à la garde
des Sceaux de l’époque, Ra-
chida Dati, le 21 juillet 2008.
Une lettre préparée par Da-
vid Sénat.
A l’origine, Olivier Sigoi-
gnet, un respectable mar-
chand de flippers, a implanté
dans des cafés, sans véritable
autorisation, des bornes In-
ternet comprenant des jeux
promotionnels qui ressem-
blaient un peu trop à des
bandits manchots. Les bor-
nes ne permettaient pas
d’autre mise que les 2 euros
à glisser périodiquement
dans le monnayeur. Les ser-
vices de l’Etat ont tergiversé,
la police des courses et jeux
étant totalement hostile.
L’ex-garde des Sceaux Albin
Chalandon et son fils Fabien,
banquier d’affaires, se sont
entremis : le premier béné-
volement, le second contre
rémunération –10000 euros
mensuels à compter de 2009.
En trois ans, quatre procédu-
res judiciaires sont déclen-
chées contre Visionex. L’ac-
tion des Chalandon va
consister, en partie, à faire
pression pour les interrom-
pre. L’enquête conduite à
Carcassonne se conclut par
une relaxe. Mais au prin-
temps dernier, la mise en
examen de Sigoignet à Paris
est suivie par celle de Fabien
Chalandon, comme com-
estiment déjà que «le rôle, les
méthodes d’intervention de
certaines personnes telles que
MM. Chalandon, père et fils, et
David Sénat, posent problème
dans ce dossier». Chalandon
fils est incarcéré durant
quinze jours, début juillet. A
la mi-2008, Albin Chalandon
a contacté en premier lieu
Rachida Dati, dont il est l’un
des proches. Il écrit à Alliot-
Marie, puis rencontre Eric
Woerth et Brice Hortefeux,
en juin et octobre 2009.
«Suspect». «A l’origine de
ce dossier, il y a effectivement
une demande d’Albin Chalan-
don, explique à Libération
l’ex-directeur de cabinet de
MAM à l’Intérieur, le préfet
Michel Delpuech. J’ai indiqué
aux intéressés que les jeux of-
ferts devaient être impérative-
ment gratuits.» Le préfet dé-
couvre le «caractère ambigu
et suspect de cette affaire»,
lors de la préparation de la
lettre de MAM à Dati.
«J’avais bloqué cette lettre à la
signature car elle ne reprenait
pas ma position, poursuit-il.
J’ai découvert qu’elle avait été
remise à la signature par
M. Sénat. J’ai appris qu’il
l’avait transmise à Fabien
Chalandon.» Dans ce cour-
rier, MAM communique à
Dati «les éléments» qui «pa-
raissent concourir à la preuve
de la bonne foi de M. Sigoi-
gnet». Un courrier d’«infor-
mation» qui s’apparente à
une intervention dans une
procédure judiciaire.
KARL LASKE

24.09.2010 16:19 PDF_QUADRI_300dpi_txvecto

 ECONOMIE
12 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
Alors qu’est annoncé aujourd’hui le budget 2011,
un fiscaliste a inventé pour «Libération» le cas
d’une famille fictive profitant des niches fiscales.
145000euros
derevenus,
13eurosd’impôt
Par CHRISTOPHE ALIX
Dessin SÉVERIN MILLET
D
epuis des mois, le gouverne-
ment annonce la couleur.
Confronté à un déficit public
record en 2010, il a juré de
s’attaquer massivement aux 468 niches
fiscales qui grèvent ses recettes d’envi-
ron 75 milliards d’euros. En réalité, son
coup de rabot général ne visera que
22 niches, pour lui rapporter 460 mil-
lions d’euros (lire ci-contre) dans le
budget 2011. Avec l’aide d’un conseiller
en gestion de patrimoine, Libération
s’est livré à un exercice grandeur nature
d’optimisation fiscale en réduisant à
néant ou presque –et le plus légalement
du monde – l’impôt sur le revenu 2011
d’un ménage fictif appartenant aux 1%
des Français les plus riches. Démons-
tration.
La quarantaine, monsieur et madame
Niche ont deux enfants de 12 et 5 ans et
vivent à Montrouge, en banlieue pari-
sienne, dans un grand pavillon acquis
en 2006. Monsieur est un journaliste
arrivé au sommet de l’échelle, tra-
vaillant dans une grande chaîne de télé-
vision et rédacteur en chef du magazine
d’actualité phare. Il gagne 75000 euros
de salaire annuel. Cadre supérieur dans
la pub, madame touche pour sa part un
très confortable salaire de 70000 euros
par an. Soit à eux deux, des revenus de
145 000 euros.
IMPÔT À PAYER : 23 580 EUROS
Un abattement
Lié à la nature de l’activité, l’abatte-
ment permet à monsieur, en raison de
son métier de journaliste professionnel
titulaire de la carte de presse, de com-
REPÈRES LESNICHESETEXONÉRATIONSFISCALESLESPLUSCOÛTEUSES «500 millions, c’est peu.
   
 
 
mais une lime à ongle!»
TVA à 5,5 % Crédit Prime Exonération TVA à 5,5 % Réduction
sur travaux d'impôt pour sur produits de
logements recherche l'emploi capitalisation restauration pour salarié
achevés depuis (CIR) et assurance-
+ de 2 ans
mencer par déduire 7650 euros de son
revenu imposable au titre «d’allocation
pour frais d’emploi». Cet abattement
aboutit à une baisse significative de son
imposition parce qu’il impacte surtout
l’avant-dernière tranche marginale, à
30%. Bingo !
RESTE À PAYER : 20 636 EUROS
Deux réductions
de base imposable
Prévoyants, monsieur et madame Niche
ont décidé de compléter leur retraite et
versent 2 500 euros par an chacun sur
un contrat épargne-retraite. Soit
5 000 euros, déductibles à 100% dans
le calcul de leur base imposable. Ils ont
réalisé des travaux de peinture pour un
montant de 2000 euros dans l’apparte-
ment dont ils sont nus-propriétaires, la
mère de madame ayant gardé l’usufruit.
Là aussi, la déduction est intégrale.
RESTE À PAYER : 19 414 EUROS
Onze réductions
d’impôt
Grâce à un saupoudrage très large de
petits investissements dans diverses ni-
ches fiscales, ils vont pouvoir diviser
encore par deux leur imposition. Ils font
d’abord un «don à des personnes en diffi-
culté» en versant 510 euros à une asso-
ciation d’aide à l’insertion, ce qui leur
procure une réduction d’impôt de
383 euros. Les dons qu’ils font aux ONG
Greenpeace (1 000 euros) et Médecins
sans frontières (1500 euros) leur appor-
tent 1 650 euros de réduction. D’un
montant de 302 euros, la cotisation
syndicale de monsieur au SNJ, Syndicat
en 2010, en milliards d'euros
Ce n’est plus un rabot,
  
Abaement Crédit d'impôt Exonération Exonération Gilles Carrez rapporteur (UMP)
dans la d'impôt -10 % sur les dépenses en faveur de de diverses du budget, dans le Figaro, à propos de
pensions et logement certaines allocations
à domicile retraites pour économies mutuelles (APA…) la limitation à 22 niches de la réduction
vie d'énergie de 10% de l’avantage fiscal
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
Proche du PS, le think­tank Terra
Nova préconise une réforme plus
ample des niches fiscales. Elle doit
permettre de supprimer 50 milliards
d’euros de niches, pour un gain fiscal
net de 25 milliards. Par ailleurs, Terra
Nova juge «extrêmement téméraire,
voire fallacieux», l’objectif de réduc­
tion du déficit à 6% en 2011.
6%
du PIB, c’est le déficit public auquel
le gouvernement s’est engagé à par­
venir d’ici la fin 2011, contre 7,8%
prévu à la fin de cette année.
national des journalistes, minore leur
imposition de 198 euros supplémentai-
res. Très attachés à la Corse où ils pas-
sent leurs vacances, ils y ont investi
2000 euros dans un fonds d’investisse-
ment de proximité (FIP) afin de soutenir
l’économie locale : 1 000 euros de
réduction.
Ils soutiennent aussi la rénovation du
patrimoine et ont acquis, 100% à crédit,
un studio dans un immeuble classé du
centre historique de La Rochelle. Les
travaux qu’ils y ont effectués pour
13000 euros leur minorent leur imposi-
tion de 3 900 euros au titre de la loi
Malraux. Le père de monsieur a trimé
toute sa vie sur des chalutiers, et c’est
la raison pour laquelle ils ont souscrit
pour 1 400 euros de Sofipêche ouvrant
droit à 400 euros de réduction. Même
soutien à la production cinématogra-
phique française avec les 2 000 euros
placés en Sofica, retenus pour
960 euros. Grâce aux 1000 euros qu’ils
ont placés pour aider au développement
d’entreprises innovantes (FCPI), nou-
velle ristourne de 250 euros. Dans le
même genre, ils ont également donné
1 000 euros à un copain chômeur qui
monte son entreprise: 250 euros. Pour
diversifier encore leur défiscalisation,
ils ont mis 1000 euros dans une société
civile de placement immobilier éligible
à la loi Scellier. 44 euros de pris! La pré-
sence de leur fils au collège leur a enfin
permis d’économiser 61 euros de plus.
C’était fastidieux, mais voilà qu’ils ont
encore diminué de 9096 euros leur im-
position.
RESTE ENCORE À PAYER 10318 EUROS
Cinq crédits
d’impôt
Les 1500 euros d’équipements installés
dans leur pavillon pour y recevoir la
mère handicapée de monsieur leur en
donnent 375 euros. Le remplacement
pour 2000 euros des vieilles fenêtres du
pavillon par des doubles vitrages super-
isolants 500. Il y a aussi les frais de
garde de la petite qui apportent une ris-
tourne de 1150 euros. Monsieur et ma-
dame Niche s’en donnent enfin à cœur
joie avec la super-niche des emplois de
salariés à domicile. Une véritable PME
puisqu’ils font appel à une femme de
ménage trois fois par semaine, un prof
de piano, un autre de maths pour leur
fils et un dernier de yoga pour tous les
deux le samedi: 14000 euros de dépen-
ses annuelles et 7 000 euros de crédit
d’impôt.
On n’oublie rien ? Si, la déduction de
3000 euros d’intérêts d’emprunt sur le
crédit contracté pour l’achat du pa-
villon: 1280 euros «d’imputation». En
tout, monsieur et madame Niche ont
dépensé et-ou investi pour près de
40 000 euros, ce qui leur a donné le
droit de retrancher environ
20 000 euros de leur feuille d’impôt.
RESTE À PAYER... 13 EUROS ! •
Au chevet de la Sécu
Le gouvernement a présenté hier le
budget 2011 de la Sécurité sociale et
ses mesures d’économies afin de limi­
ter à 21,4 milliards d’euros le déficit
du régime général. Soit un effort de
plus de 7 milliards par rapport aux
chiffres de la Commission de comp­
tes de la Sécurité sociale (CCSS).
ECONOMIE • 13
Présentation des 40 milliards
d’euros à trouver en 2011.
Le budget
de la ration
n budget de rigueur mais qui n’en porte pas
U le nom. C’est le cru 2011 de la loi de finan-
ces présentée ce matin en Conseil des mi-
nistres. Ce budget d’après-récession combine à la
fois une baisse drastique des dépenses et une
hausse certaine des prélèvements, via un modeste
coup de rabot général sur 22 niches fiscales et dif-
férentes hausses d’impôt plus ciblées, notamment
pour financer les comptes so-
ANALYSE ciaux (retraites, assurance mala-
die, etc.). Il ambitionne une ré-
duction du déficit public jamais vu sur un an, de
7,8% cette année à 6% en 2011. Depuis 2002, la
France n’est jamais parvenue à réduire son déficit
public de plus de 0,5% par an.
Pour atteindre 40 milliards d’euros, l’exécutif con-
tinue son tour de vis. La poursuite du plan de ré-
duction de la dépense publique doit permettre
d’économiser 7 autres milliards. Les dépenses en
valeur de l’Etat seront gelées, hors pensions et
charge de la dette, et ses dépenses de fonctionne-
ment et d’intervention baisseront de 5%. Les fonc-
tionnaires seront touchés via la poursuite du non
remplacement d’un départ à la retraite sur deux,
et le gel des salaires. Les collectivités locales subi-
ront une suspension des transferts financiers de
l’Etat, ce qui devrait se traduire par une perte de
recettes pour 30000 communes. Surtout, 16 mil-
liards de crédits votés l’an dernier dans le cadre du
plan de relance ne seront pas reconduits.
Côté recettes, le gouvernement compte sur le re-
tour de la croissance, révisée à 2% en 2011 après
1,5% cette année. Et donc sur de meilleures ren-
trées d’impôts et des cotisations sociales en hausse
(7 milliards supplémentaires). Par ailleurs, il es-
père faire rentrer 10 milliards d’euros grâce à des
hausses d’impôt et-ou des réductions de niche.
Distillées par petites touches ces dernières semai-
nes, les mesures se répartissent entre les particu-
liers (pour 4 milliards d’euros) et les entreprises
(pour 6 milliards). Certaines touchent un large pu-
blic, comme la hausse de la TVA sur les abonne-
ments à Internet triple-play, la fin des déclarations
de revenus multiples pour les jeunes mariés ou en-
core la réduction des crédits d’impôt sur les équi-
pements photovoltaïques.
D’autres sont plus ciblées sur les épargnants (paie-
ment de la CSG et CRDS sur les assurances vie…)
et sur les contribuables les plus aisés (augmenta-
tion de 1% de l’imposition des hauts revenus,
hausse des prélèvements sur les retraites chapeau
et les stock-options). Des hausses pour lesquelles
le bouclier fiscal, écorné à la marge, ne jouera pas.
Pour le président (PS) de la commission des finan-
ces de l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac, qui
juge abusif de qualifier de «niches, la majorité des
mesures envisagées», «le compte n’y est pas». A
l’instar d’autres parlementaires, y compris de la
majorité, il a prévenu qu’il profiterait du débat, qui
commencera dès octobre à l’Assemblée, pour
monter au créneau sur le très contesté bouclier fis-
cal ou le très cher crédit impôt recherche.
C.Al.
HAUSSE D’IMPÔTS DÉGUISÉE
La réduction des niches fiscales décidée par le
gouvernement pour réduire le déficit de la
France va conduire «aux plus fortes hausses de
prélèvements depuis celles décidées par Alain
Juppé en 1995», dénonce le président PS de la
commission des finances de l’Assemblée,
Jérôme Cahuzac.
14 • ECONOMIE
Un bureau d’inscription au chômage, à Madrid, le 2 septembre. Le pays compte 4,5 millions de sans­emploi, soit 20% de la population. PHOTO DANIEL OCHOA DE OLZA. AP
Cechômagequitravaillel’Espagne
La grève générale, aujourd’hui, contre la politique d’austérité ne devrait pas mobiliser les sans-emploi.
Par FRANÇOIS MUSSEAU
Correspondant à Madrid
R
upture. José Luis Zapatero
affronte aujourd’hui sa
première grève générale
depuis son arrivée au pou-
voir en 2004, qui sera accompagnée
d’une centaine de manifestations
dans tout le pays. Ses amis de tou-
jours, les deux principaux syndicats
(CCOO et UGT), ne lui pardonnent
pas d’avoir agi en ultralibéral sou-
cieux de contenter le Fonds moné-
taire international et les marchés. A
la fin du printemps, pour éviter un
scénario à la grecque, le leader so-
cialiste a réalisé un tour de vis bud-
gétaire sans précédent (gel des re-
traites, baisse de 5% des salaires des
fonctionnaires). Il a «réformé» le
marché du travail: on peut licencier
plus souplement et pour moins
cher. «Le pire attentat commis en
vingt ans», selon les syndicats.
D’où cette grève générale, qui rêve
de rivaliser avec celle de 1988 à
l’encontre d’un autre dirigeant so-
cialiste, Felipe Gonzalez. Derrière
cette huelga general se joue un
drame silencieux, un chômage
de 20%. Le double de la moyenne
européenne. Pourtant, la plupart de
ces 4,5 millions de sans-emploi
tournent le dos à ces manifestations
et à des syndicats qui ne semblent
pas se soucier d’eux. Portrait de
quatre chômeurs dans une Espagne
désenchantée. •
DEMANDEURS D'EMPLOI EN ESPAGNE
REPÈRES en % de la population active
par trimestre
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
CRISTINA, 30 ANS JAVIER, 43 ANS CARLOS, 49 ANS ALBERTA, 51 ANS
Psychologue Ex­chargé de DRH Informaticien Auxiliaire médicale
«J’ai confiance en moi. Je vais remuer Il est assis sur un banc, abasourdi. «Si tu as plus de 25 ans dans ce pays, Menue et vive, debout dans une
ciel et terre pour trouver un boulot, Javier est venu s’inscrire à une tu es foutu.» Depuis trois décennies, agence d’emploi, elle attend
n’importe lequel.» Cristina est une agence de l’Inem, l’ANPE espa- cet informaticien a enchaîné qu’une conseillère l’oriente. Sans
battante, au chômage depuis no- gnole. «J’ai perdu mon emploi hier. les boulots sans difficulté: univer- se faire d’illusions: «L’Espagne est
vembre 2009. Psychologue spécia- Je ne comprends toujours pas ce qui sités, laboratoires, centres com- un pays sinistré, et pour un bout de
lisée pour une organisation de réin- m’arrive. Je ne m’imagine pas rester merciaux. «Jamais plus de trois ans temps.» Depuis sa vingtaine, Al-
sertion de prisonniers, elle gagne une seule semaine sans emploi.» Ja- d’affilée car, au-delà, on est obligé berta n’a jamais fait de manières :
1 100 euros par mois. vier a toujours bossé de te signer un CDI.» En septem- cuisinière dans une clinique,
«J’ai appris un peu TÉMOIGNAGES depuis l’âge de 18 ans bre 2009, sa boîte de distribution de femme de ménage dans une maison
plus tard avoir été rem- dans divers postes de composants informatiques tombe de retraite. Grâce à des cours du
placée par une psychologue tout juste ressources humaines. En 2008, son en carafe. Les 16 salariés sont mis à soir, elle devient auxiliaire médi-
licenciée, qu’ils paient 30% moins cabinet de gestion explose avec la la rue. Depuis, Carlos est très actif: cale à Ramon y Cajal, un presti-
cher. Ici, plus tu as une bonne forma- bulle immobilière: la plupart de ses des jours entiers à prospecter sur le gieux hôpital de Madrid :
tion, moins tu as de chance. Nous clients viennent du BTP… Sur Web les offres d’emploi, de longues 892 euros mensuels. Jusqu’à octo-
sommes une génération surdiplômée, 74 employés, 35 sont virés. Le pa- heures à arpenter les rues. «Je suis bre 2009. Virée pour «restrictions
mais sous-employée, ou à la rue.» tron s’appuie sur la réforme du entré dans le processus de sélection de budgétaires». «Le ciel m’est tombé
Cet été, elle a joué les intérimaires marché du travail. Indemnités de Darty, Auchan, Mercadona. Ils te po- sur la tête. J’ai senti que, cette fois-ci,
dans un centre gériatrique. Le licenciement ? Vingt jours par an- sent dix questions par téléphone. Il le chômage allait durer longtemps.»
temps ne joue pas en sa faveur. En née travaillée, au lieu des quarante- faut que ce soit parfait pour un entre- Ses indemnités sont sur le point
février, si elle ne décroche aucun tien personnel.» En Es- d’être supprimées. Son prêt immo-
job, elle perdra ses indemnités chô- «Aucun surdiplômé au chômage pagne, un million de bilier est remboursé, les enfants
mage, comme 700000 Espagnols. foyers ne touche pas sont indépendants, et son mari,
Ce jour-là, elle se présente au BHV
ne fera la grève générale. Ça, c’est de revenu. Carlos, lui, concierge, a un emploi stable. Al-
espagnol, pour devenir vendeuse. pour les salariés, les privilégiés.» vit avec sa mère. Il a berta est prête à tout type d’emploi,
Elle passe ses matinées à surfer sur Cristina psychologue au chômage d’abord touché le chô- «de jour ou de nuit». On lui a offert
les bourses du travail online. «Ils mage pendant six une formation à Getafe, à deux
m’appellent souvent, mais me harcè- cinq auparavant. Pour autant, il ne mois, puis le subsidio (70% du chô- heures de Madrid. «Je dois prendre
lent avec cette même question : soutient pas la grève générale: «Les mage). Depuis mai, ses droits ont deux bus, et manger sur place. Et
“Pourquoi tu veux faire ce travail avec syndicats se fichent éperdument des pris fin. Il bénéficie d’un revenu c’est trop cher pour moi.» Dans la
de tels diplômes?” Je leur réponds, du chômeurs et des précaires. Ils ne dé- minimum d’insertion, le RAI : réforme du travail de Zapatero, en
tac au tac : “Pour payer mon loyer et fendent que les acquis des retraités et 426 euros. Devant l’afflux de gens vigueur, tout sans-emploi ayant
mes factures!”» Des surdiplômés au des fonctionnaires.» Célibataire sans touché, Zapatero a décidé de main- refusé une formation à trois repri-
chômage, elle en connaît. «Pas un enfants, Javier n’a qu’une obses- tenir le RAI, sans en préciser la du- ses sera privé des indemnités chô-
seul ne fera la grève générale. Ça, sion : jouer sur tous ses contacts. rée. Carlos: «Si je ne vivais pas chez mage. «Je prendrai la prochaine for-
c’est pour les salariés, les privilégiés. «Au bout de quelques mois sans rien, ma mère, je me demande ce qu’il ad- mation», dit Alberta. En espérant
Nous, on est la génération sacrifiée.» j’aurai décroché.» viendrait de moi.» qu’elle ne suppose «pas de frais».
7,9% «Cette réforme La réforme en vigueur du gou­
vernement Zapatero vise à flui­
du marché du travail est



difier le marché du travail face





la plus inopportune



à un taux de chômage record, en



Source : INE

de l’histoire de la réduisant les indemnités de licen­







C’est le taux de réduction démocratie en Espagne.» ciement et en restreignant l’octroi






des dépenses publiques prévu des allocations chômage. La

par le projet de budget 2011, Ignacio Fernandez Toxo secrétaire réforme des retraites vise à recu­
    présenté le 24 septembre. général du syndicat CCOO ler l’âge du départ de 65 à 67 ans.
 «LA YUMA»

LA BOXEUSE
REBELLE
DU NICARAGUA
Page IV

DR
•
CINEMA LIBÉRATION
MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

NOUVELLE
(MINI) VAGUE
TRIO«Les Amours imaginaires»,
second film séducteur du
jeune Québécois Xavier Dolan.
LES AMOURS
IMAGINAIRES de et avec
XAVIER DOLAN avec Monia
Chokri, Niels Schneider, Anne
Dorval… 1h35.
Xavier Dolan est vivant, ce
qui n’est pas donné à tout le
monde. Un peu violent aussi,
du genre à fouailler le spec-
tateur au niveau du cœur, le
lui arracher et le remplacer
par le sien. Lui coudre sa
peau, ses muscles, lui greffer
son cerveau. Le forcer à voir
le monde en Dolan. Pas
étonnant donc qu’on
MK2 IMAGES

Xavier Dolan
incarne Francis,
fasciné par Niels.
II • CINÉMA À L'AFFICHE
adore ou qu’on déteste
son cinéma. Le corps que
Dolan nous prête est rêvé,
narcissique et conscient de
l’être, souffrant à plaisir et
ricanant de se voir pleurer,
s’administrant tour à tour
baffes et caresses. Torturé
comme la jeunesse, ose-
rait-on dire si l’on ne crai-
gnait le bémol. Le Québécois
a réalisé son premier film,
J’ai tué ma mère, à 18 ans.
Pour celui-ci, il avait 20 ans.
Pokémon. Les Amours ima-
ginaires est un film alarmé et
drôle, dont l’intrigue est ré-
duite à peu de choses, à une
occupation connue de tous
les amoureux : l’interpréta-
tion des signes. Francis (Xa-
vier Dolan) et Marie (Monia
Chokri) sont les meilleurs
amis du monde. Débarque
alors Nicolas (Niels Schnei-
der), beau blond fatigant qui
cite Koltès comme d’autres
les Pokémon. Francis et Ma-
rie tombent amoureux de cet
obscur objet de désir qui ne
leur demande rien. Les deux
post-ados se mettent à guet-
ter tous les indices d’un pos-
sible intérêt de sa part, de-
viennent barjo comme
chacun de nous l’a été. La
machine à délirer fonctionne
à plein : pourquoi m’a-t-il
frôlé la joue? Est-ce qu’il m’a
vraiment frôlé la joue ? Un
peu, beaucoup, pas du tout?
S’il n’appelle pas, c’est bon
ou mauvais signe ? L’excel-
lent est que le film ne bla-
blate pas sur ces détours du
cœur et de l’esprit : il les
montre par les seuls moyens
du cinéma, physiquement.
Et, comme le discours
amoureux est éternel, Dolan,
en bon barthésien, s’amuse
aussi à égrener ses clichés
(ainsi de la séquence où Ni-
colas apparaît sous une pluie
de guimauves), à ajouter à la
douleur du désir incompris
la rage de se voir changé en
caniche énamouré.
«Rupture». Enfin, nette-
ment moins comique, les
Amours imaginaires rendent
compte de ce que «l’amour
ne cesse pas de préparer sa
propre disparition, de mimer
sa rupture», comme l’écrit
Deleuze dans Proust et les si-
gnes. A la fois parce que le
désir ne vit que de l’antici-
pation de sa propre mort, se
représente toujours déjà
après la fin, et parce qu’in-
terpréter les signes de l’autre
nous conduit aussi à conce-
voir tous les mondes dont il
nous exclut, et donc mène à
la jalousie. Les Amours ima-
ginaires, c’est un peu Un
amour de Swann plongé dans
le Red Bull - vodka.
ÉRIC LORET
INTERVIEW Xavier Dolan, réalisateur des «Amours imaginaires» :
«LE SPECTATEUR
EST UNE CIRE VIERGE»
I
l bâille. Il est 11 heures, il s’excuse :
«C’est encore tôt.» Il déclame Racine
sans se tromper, il agite beaucoup ses
pieds. Xavier Dolan est bouclé dans les
bureaux de MK2 à Paris pour quelques
jours d’entretiens enchaînés.
Votre cinéma utilise un certain nombre
de procédés rhétoriques assez marqués.
Cela signifie-t-il que vos personnages
«se font un film»?
Oui. On croit parfois que c’est en hom-
mage à des cinéastes et à des films que
je n’ai jamais vus. Mais ces procédés ont
une fonction esthétique, pas esthéti-
sante. Par exemple, les ralentis. Dans
J’ai tué ma mère, ils rappellent la soli-
tude des personnages, donnent à leur
quotidien trivial le côté élégant, fluide,
qui leur manque. Dans les Amants
imaginaires, le ralenti a une tout autre
signification. C’est ce sentiment, quand
on est en amour, de léviter, d’être dé-
connecté de l’environnement. Quand
j’étais vraiment amoureux, il m’arrivait
de ralentir mon corps et je marchais
presque au ralenti dans la rue. C’est un
état anormal, on vit autrement, c’est ça
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
que je voulais montrer. Les amours sont
imaginaires à partir du moment où ap-
paraît le lapin blanc dans les bois et jus-
qu’à ce que Francis et Marie se battent
dans la forêt. C’est une parenthèse oni-
rique. Tout pourrait être dans leur tête.
Les gestes de Nicolas, les contacts aléa-
toires, tout est interprété et déformé à
travers la lunette magnifiante du cœur
malade. On est dans la peau de person-
nages qui tordent la réalité à leur con-
venance, à leur satisfaction, à partir
d’un amour superficiel. Il n’y a pas de
profondeur. C’est la raison pour laquelle
Nicolas ne peut pas être un personnage
émouvant: il n’existe pas, c’est un pro-
totype, un cyborg.
Les Amours… est le deuxième volet
d’une trilogie. Vous incarniez jusqu’ici
le héros, mais ce ne sera pas le cas dans
votre prochain film, Laurence
Anyways…
C’est une trilogie de l’amour impos-
sible. L’amour filial et adolescent,
l’amour jeune, puis l’amour adulte.
Quand j’écrivais J’ai tué ma mère, je
n’avais pas l’intention de me mettre en
scène. Mais, de façon égoïste, ça a été
une manière de m’assurer de l’interpré-
tation de Hubert, qui était un rôle collé
à ma vie, le rôle de ma vie, si l’on veut.
Je n’ai pas vécu les amours à trois des
Amours imaginaires, mais j’ai vécu ces
fragments d’un discours amoureux,
donc c’est encore autofictif. Laurence
Anyways, en revanche, est une allégorie
sur la différence, sur un homme qui ré-
vèle à sa fiancée qu’il va bientôt devenir
une femme et qui lui demande de l’ac-
compagner dans ce changement. Et
comme je n’ai pas 30 ans, que je ne suis
pas transsexuel, on peut dire que le récit
de leur amour est fictif. Cela dit, c’est
mon discours sur la différence, telle que
je la vis.
Le personnage de Marie, c’est encore
vous?
J’ai écrit les dialogues, Monia Chokri a
composé le personnage. C’est un peu
Judy Davis dans Maris et Femmes de
Woody Allen. Ces personnages névrosés
et secs sont attachants, alors que les
gens doux, gentils, victimes, sont plutôt
énervants. Mon personnage est une
De gauche à droite:
Xavier Dolan, Monia Chokri
et Niels Schneider.
PHOTO OLIVIER ROLLER
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 À L'AFFICHE CINÉMA • III

victime manipulatrice, mais une vic-

time tout de même.
Peut-on dire que vos films sont des
comédies?
«UN HOMME QUI CRIE»,
LA RAGE D’ADAM
Les Amours imaginaires n’est pas une
comédie, c’est un drame avec des ins-
tants comiques. J’ai tué ma mère est
particulièrement violent. Il y a de l’hu-
mour, bien sûr, parce que dans la vie il
y a de l’humour, mais ce n’est pas une
comédie classique. Je n’ai pas envie
TCHAD Tragédie africaine sur fond de rivalités entre un père et son fils.
d’un cinéma monocorde, monotone,
monochrome, mono… J’ai envie de di-
chotomie parce que c’est la richesse. Je
n’ironise pas, et je ne me moque pas de
mes personnages. Je leur fais assez
confiance pour être drôles par eux-mê-
mes. D’habitude, quand on veut ap-
puyer un gag, on fait ça (il se lève et
mime un gros plan sur notre visage avec
ses doigts) et c’est drôle, c’est : drôle-
drôle-drôle. Je crois que ce n’est pas la
peine. Dans les scènes où je les trouve
les plus drôles, les personnages sont fil-
més à l’épaule, en plan à deux.
La littérature, dites-vous, vous inspire
plus que le cinéma. Quels sont vos
auteurs de prédilection?
Barthes, Duras, Cocteau, Musset, tous
les cœurs brisés. Racine, aussi. Quand
Andromaque vient voir Hermione pour
la supplier de protéger son enfant, de
l’aider à fuir et que celle-ci répond: «Je
Le père, ex­maître
conçois vos douleurs…» Il y a des gens
nageur, et sa
plus sensibles que d’autres qui pleurent
belle­fille. PHOTO
en lisant Racine parce qu’ils voudraient
PYRAMIDE DISTR.
pouvoir exprimer leur douleur comme
ça. C’est la même chose, le même dis-
cours, il n’y a eu aucun progrès, aucune sent sous la figure d’Adam. Celui, universel parlons que du premier: Djénéba, la fiancée
évolution de Racine à Musset, à Bar- UN HOMME QUI CRIE et cosmique, d’un homme qui voit son fils malienne d’Abdel, enceinte, 17 ans, chan-
thes… Comme ils sont sincères et qu’ils de MAHAMAT­SALEH HAROUN avec prendre sa place sur Terre, et le refuse, et le teuse. Merveilleuse chanteuse. A la K7 en
écrivent avec leur cœur, leur écriture Youssouf Djaoro, Diouc Koma, Djénéba Koné… 1h30 regrette. Celui, politique et historique, d’une forme de lettre d’amour qu’elle reçoit du
est toujours empirique et ils ont tou- Afrique sacrifiant ses enfants. L’art du ci- front, elle répond par une autre K7, chantée
jours raison. Le progrès est nucléaire, C’est une histoire de place, la place d’un néaste Haroun consiste à fabriquer un pur et déchirante. Cette séquence est typique du
médical, statistique, mais le progrès homme. Adam, 55 ans, ex-champion de na- cinéma du cadre, du montage, du jeu et de tact par lequel Haroun s’emploie à éduquer
n’est pas humain. tation devenu le premier maître nageur du l’observation, porté assez haut par son pro- notre regard en partageant le sien. Concret,
Pourtant, Racine ou Barthes ne soulè- Tchad, surveille désormais la piscine d’un hô- pre élan et, surtout, sa propre légèreté pour sombre, dur, un tel film n’encourage pas à
vent plus l’enthousiasme des gens de tel pour touristes à N’Djamena, où travaille ne jamais patauger dans la parabole ni laisser l’optimisme mais à la lucidité. Ainsi qu’à une
20 ans. On a l’impression que les senti- aussi son fils Abdel. Dans leur tenue de travail s’égarer son film, prix du jury à Cannes, dans admiration certaine. On en sort sans doute
ments eux-mêmes ont changé… immaculée, ils forment une paire heureuse l’astuce métaphorique. plus insurgé, ou accablé, sur un certain état
Si Racine n’est plus compris, c’est à de men in white. Mais, un jour, la direction Lucidité. «Il n’y a rien à espérer du ciel», du monde mais surtout mieux instruit sur
cause de la langue. Ou alors peut-être chinoise de l’établissement décide de faire avait eu raison de dire Adam. Mais, de la vie, celui-ci, et donc plus fort.
que les gens ne comprennent plus ce d’Adam le planton du parking, et le remplace on peut attendre le meilleur et le pire. Ne OLIVIER SÉGURET
qu’ils vivent. Nos priorités ne sont plus auprès des clients par ce fils. Adam en est ma- 29_09NANCY:Mise en page 1 27/09/10 18:18 Page1
les mêmes mais l’amour, c’est toujours lade. «La piscine, c’est ma vie», dit-il bête-
la même chose. C’est ce que je voulais ment, ou tragiquement.
montrer en passant de Dalida à Wagner, Mélancolie. La dépression d’Adam est cli-
de Sting à France Gall, de la robe vin- matique: tout s’assombrit, le vent se lève, la
tage au courriel, du SMS à la lettre ca-
chetée à la cire. Manifestement, on
gambade d’époque en époque et rien
poussière poudroie, et les rumeurs de la
guerre grondent au large de la capitale. Dans
ce pays qui n’a pas connu de véritable paix,
INVITATION
ne change.
Deux films en deux ans, vous avez 21 ans.
ou apaisement, depuis des décennies, on
manque aussi d’argent et de soldats. Si Adam
La 37e édition du Nancy Jazz Pulsations se tiendra du
Quel rapport avez-vous au temps?
J’ai l’impression que J’ai tué ma mère,
ne peut pas payer son tribut à l’armée, c’est
son fils qu’il devra lui livrer. Placé, remplacé,
6 au 16 octobre. Libération vous offre des places pour
c’était il y a dix ans. Ce sera bientôt le déplacé. Quelle place reste-t-il à Adam, qui ce festival événement, ouvert à toutes les musiques.
cas pour les Amours imaginaires. A par- a vu toutes ses illusions modestes de réussite
tir du jour de sortie du film, je suis déjà relative et de tranquillité lui glisser entre les 16 invitations pour :
blasé. Les spectateurs sont comme des doigts, comme les reflets liquides de cette le jeudi 7 octobre à 20h :
cires vierges quand ils le voient, mais piscine aux alouettes, qui viennent régulière- Hindi Zahra, Ben L’oncle Soul et Speed Caravan
moi j’en ai déjà marre parce que j’ai ment noyer l’écran d’Un homme qui crie de 14 invitations pour :
vu le film soixante fois. Je l’ai écrit, leur mélancolie impressionniste ? le mercredi 13 octobre à 20h :
joué, réalisé, monté, je l’ai démonté, Le jour où Abdel est enrôlé de force sous ses
remonté, jusqu’à 4 heures du matin en yeux embusqués, Adam ne bouge pas. Crime,
Nnenna Freelon 5tet, Samarabalouf et
dormant deux heures, je n’ai pas vengeance, lâcheté ? Il ne faut pas compter Le manoir de mes rêves.
mangé, j’ai le teint verdâtre. Puis sur Mahamat-Saleh Haroun pour prononcer
vient la répétition technique, le mo- un réquisitoire, ou même un jugement. Si son Pour recevoir une invitation
ment où l’on vérifie le film avant de le film résonne parfois comme un verdict, c’est adressez votre demande à :
projeter aux journalistes. Il n’y a rien de celui de la faillite d’un pays, ou plus juste- liberationinvitation@liberation.fr
pire au monde que ce moment-là. Le ment d’un Etat. Il y a déjà longtemps, en ef-
film est abject, innommable, c’est fet, que l’histoire semble avoir commencé Précisez votre adresse postale complète et la date
de votre choix.
d’une médiocrité incommensurable. lorsque nous débarquons dans le film. Une Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression de ces informa-
Tout est mauvais. Personne n’aimera le histoire où le destin des personnages paraît tions (art.27 de la loi informatique et libertés). Les informations recueillies sont des-
tinées exclusivement à Libération et à ses partenaires commerciaux sauf opposition
film. déjà emprisonné, quelles que soient les joies de votre part en cochant cette case
Recueilli par É.Lo. irréelles du présent. Deux récits se superpo-
IV • CINÉMA À L'AFFICHE LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

STONE REPREND
DU KRACH
ACTION «Wall Street 2» fustige
l’ultraspéculation. Courageux.
WALL STREET 2,
L’ARGENT NE DORT
JAMAIS d’OLIVER STONE
avec Michael Douglas,
Shia LaBeouf… 2h11
Il y a un très bon gag en
ouverture de Wall Street 2,
suite du premier film sur les
Isabelle Huppert.
agissements du financier ra-
Si! PHOTO PATRICK
pace Gordon Gekko (Michael
MULLER
Douglas, reptilien et magné-
tique) datant de 1987. Ce
donner raison puisque le
krach de l’automne 2008 ré-
vèle l’ampleur du désastre
spéculatif globalisé transfor-
mant l’économie mondiale
en container de produits fi-
nanciers toxiques.
On peut se demander si Oli-
ver Stone ne porte pas une
part de responsabilité dans
l’hystérisation cupide de la
vie économique, dans la me-
sure où son premier Wall
Street et la création du démon

MAUX DE PASSE
HORIZONTALITÉ Le psy et la putain vus par Jeanne Labrune.
SANS QUEUE NI TÊTE de JEANNE
LABRUNE avec Isabelle Huppert,
Bouli Lanners, Richard Debuisne… 1h35
Si son nom ne figurait pas à côté de
l’image, sur l’affiche, bien malin qui
saurait identifier la mince créature gri-
mée en écolière japonaise, jupe plissée,
chemisier blanc, chaussettes montantes
et gros nœud papillon. Or, il s’agit ef-
fectivement d’Isabelle Huppert, rajeu-
nie pour l’occasion d’une quarantaine
d’années –ce qui vaut une des répliques
les plus imparables du film, quand elle
voit son reflet dans une glace: «Ça com-
mence à être limite»! Sans queue ni tête,
comme le clame le titre? Voire, dans la
mesure où tout le propos de la cinéaste
Jeanne Labrune tient, au contraire, de
l’argumentation démonstrative, opé-
rant un rapprochement entre les activi-
tés professionnelles liées à la prostitu-
tion et à la psychanalyse.
Gourgandine. Huppert interprète ici
une prostituée qui aime jouer avec les
apparences (cf la scène d’ouverture,
chez un antiquaire, où l’on a la confir-
mation que, depuis Magritte, le mot
dernier sort de taule après Gekko ont fonctionné à plein
des années à l’ombre pour régime comme une publicité
diverses malversations (délit pour la carrière de grand
d’initié, blanchiment d’ar- courtier. Il s’agit aujourd’hui
gent…). On lui restitue ses de réparer les dégâts en mon-
affaires, dont un téléphone trant un jeune trader idéaliste
portable de la taille d’un tal- branché énergie propre, Jake
«pipe» demeure une source inépuisable les témoignages les plus fragiles, com- kie-walkie militaire. A la fin Moore (Shia LaBeouf), et de
d’équivoque) et propose à ses clients mence aussi à se poser de sérieuses des années 80, le trader avait clouer au pilori un nouveau
des scénarios où elle change régulière- questions sur sa destinée. ce genre d’engin collé à genre de pourriture capita-
ment de toilettes et de perruques : un Leste. Les deux étant faits pour se ren- l’oreille et sa grosseur était liste, le milliardaire Bretton
jour, ambiance femme fatale à tendance contrer, Labrune –qui dit avoir eu une un signe de pouvoir équiva- James (Josh Brolin), façonné
SM dominatrice; le lendemain, épouse révélation à la lecture du mot «passe» lent à la taille de la bagnole sur le modèle des sorciers
docile prompte à se transformer en employé dans un livre par Lacan – n’a ou de la Rolex. fous à la tête de Goldman
gourgandine quand son homme rentre plus qu’à égrener les caractéristiques qui Dans nos joyeuses années Sachs. Le film s’oublie très
au bercail après une dure journée de feraient converger les deux pratiques : 2000, Gekko n’a pas de mal vite et enfonce les portes
labeur ; ou encore, en rapport avec la position horizontale du client-patient, à s’adapter au cynisme am- ouvertes à grands coups
respect supposé d’un certain biant. L’ancien chacal de la d’épaules courageuses. Pour-
«Tu es cynique par conformisme secret professionnel, rapport Bourse a écrit un livre où il tant, ces combats de coqs
frontal à l’argent, risque fait la leçon aux nouveaux dans la basse-cour du profit
et mou par indifférence.» d’insensibilisation physique empereurs du marché, leur et cette course à l’argent au
La femme du psy s’adressant à son mari ou émotionnelle à force de expliquant qu’ils gâchent le prix de la ruine générale ne
recevoir… Ambiguë dans son métier. Les faits et le scéna- laissent pas de fasciner.
spectaculaire image du début, nym- approche, Labrune envisage sa «fantai- rio ne vont pas tarder à lui DIDIER PÉRON
phette sur l’épaule de laquelle un géant sie» amorale sur un ton leste et acerbe,
en marcel viendra chercher autant de avant de s’appesantir sur le malaise
réconfort que de sensations fortes. existentiel des uns et des autres en quête
Au petit jeu du «chacun cherche son d’une issue.
psy», Alice la catin tape aussi dans l’œil Sans queue ni tête est le huitième film de
de Xavier (Bouli Lanners, laconique et Jeanne Labrune (Ça ira mieux demain),
rasé de frais, loin des personnages des- devenue une sorte de spécialiste de la
salés où il a percé dans la filière wal- comédie intelligente et qui n’avait rien
lone), un analyste, habillé pour l’hiver sorti depuis 2004. Bien que ce ne soit
par sa femme («tu es cynique par confor- sans doute pas son meilleur, on s’en
misme et mou par indifférence») et qui, voudrait de le déconseiller.
à force d’écouter d’une oreille distraite GILLES RENAULT

ENTRAIN POUR «LA YUMA»

BOXE Une comédie nicaraguayenne douce, amère et réussie.
LA YUMA de FLORENCE JAUGEY
avec Alma Blanco, Gabriel Benavides… 1h24
Un mois après la sortie de Rudo et Cursi,
le monde du cinéma découvre avec stu-
péfaction que la comédie mexicaine de
l’année est en réalité nicaraguayenne et
qu’elle ne met pas en scène deux foot-
balleurs idiots mais une boxeuse intelli-
gente. Elle a nom Yuma, comme la ville
d’Arizona, et n’a rien à voir avec le
western du même titre.
On vous le signale, parce la Yuma, pre-
mier film produit au Nicaragua depuis
vingt ans, ne bénéficie pas d’une cam-
pagne de pub très visible, et qu’il est
frémissant comme une chair adoles-
cente. Yuma est issue d’un quartier
pauvre, ce qui ne constitue pas un motif
de mélodrame mais l’occasion de docu-
menter un pan de la réalité socio-éco-
nomique du pays (la réalisatrice, do-
cumentariste française, signe là sa
première fiction). Son beau-père bat sa
mère, elle a frère et sœur et un job qui
l’ennuie chez une gentille marchande
de fringues garanties made in USA. Son
futur ex-petit copain est une crapule un
peu violente et elle tombe amoureuse
d’un étudiant des quartiers riches. Une
seule chose la passionne : la boxe.
Il n’y a rien d’ouvertement comique
dans la Yuma. En revanche, Jaugey
trouve un regard tendre pour ses per-
sonnages. Non pas apitoyé ou niaiseux
(ce qui serait du mépris), mais critique
et attentif à leurs forces et défauts. Les
tonalités et les genres se mélangent, on
passe du grave au ludique, les classes
sociales et les sexualités se cherchent les
unes les autres. Moments d’attente, de
désir, de combat ou de frustration, le
film tient avec naturel son cap sans em-
prunter les autoroutes évidentes de la
comédie commerciale ni les ornières
obligées du néoréalisme sud-américain.
É.Lo.
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
Robert Blake dans un rôle à la gnome. Le réalisateur, James William Guercio, produisait le groupe Chicago dans les années 70.
GÂCHETTE SANS CIBLE
REPRISE «Electra Glide in Blue», queue de comète de la contre­culture américaine.
ELECTRA GLIDE IN BLUE de JAMES
WILLIAM GUERCIO avec Robert Blake,
Billy Green Bush… 1h49 (également disponible en DVD
zone 2 chez Wild Side)
Il a dû être écrit quelque part que l’automne 2010
serait celui de l’exhumation sur les écrans fran-
çais de ce que le cinéma américain des années 70
aura produit de plus malade. A quelques semaines
d’intervalles ressortent le tétanisant The Swim-
mer, chef-d’œuvre poutre apparente de Frank
Perry (en salles le 24 novembre) et Electra Glide
in Blue, unique réalisation plus habillée mais pas
moins maboule d’un producteur de disques alors
âgé de 26 ans : James William Guercio. Qui,
en 1973, n’est pas tout à fait un gamin aux yeux
de l’industrie du divertissement. Puisque ce fils
de projectionniste et fan de John Ford devant
l’éternel produit et manage le groupe de rock su-
diste Chicago, qui remplit alors les stades d’un
public de freaks ressemblant comme deux gouttes
d’eau au gourou psychopathe Charles Manson
sous cure d’amaigrissement.
Tombereau. Guercio est aussi compositeur (il
signe Jim Guercio des chansons qu’il offre aux
autres) et a approché le versant poétique de la fo-
lie en produisant en 1969 deux disques avec
Moondog, le Viking aveugle de la 52e rue. Il fait
brièvement partie de ces types qui, lors d’une
soirée piscine à Hollywood, se voient tout à coup
proposer par un ponte de la United Artist un mil-
lion de dollars (ce qui est beaucoup et peu à la
fois) pour pondre vite fait un truc qui, avec un
peu de chance, rapportera le double. Nous som-
mes en 1973 et il n’y a plus que les moguls des
studios pour croire que la contre-culture a des
chances de casser la baraque.
À L'AFFICHE CINÉMA • V
AUTRES
FILMS
LA MEUTE, premier long
métrage franco­belge du
Lorrain Franck Richard, est
une histoire de corons mais
passée au filtre de la comé­
die noire gore. Une jeune
fille, Charlotte (Emilie
Dequenne) est séquestrée
par la Spack (Yolande
Moreau), la patronne d’un
bar perdu, et son fils bou­
deur (Benjamin Biolay). Ces
deux cinglés veulent la
livrer à des créatures
réchappés de la terre, fan­
tômes de mineurs morts
dans cette région de terril
triste. Le film nous semble
plus réussi sur le versant
comique («Si tu te tires pas,
je vais repeindre le lino avec
ton jus de couille» pronon­
cée par Yolande Moreau,
fusil à la main, est l’une des
répliques du mois) que sur
celui du fantastique (très
sous influence Carpenter).
En contrepoint moral à
Wall Street 2, on ira voir
MOI, LA FINANCE ET LE
DÉVELOPPEMENT DURA­
PHOTO MISSION­DISTRIBUTION BLE de Jocelyne Lemaire­
Darnaud (qui avait signé
Paroles de Bibs), documen­
taire sur les alternatives
aux marchés financiers des­
tructeurs, citant en ouver­
ture l’économiste Keynes :
«Le capitalisme est cette
croyance étonnante que les
plus mauvais des hommes
feront les pires des choses
Guercio nage suffisamment dedans pour savoir People. Pour jouer ce grand (enfin…) naïf conser- pour le plus grand bien de
qu’Altamont, le bourbier vietnamien, l’affaire vateur dans l’âme, Guercio est allé chercher Ro- tous.» Instructif.
Sharon Tate, la mauvaise qualité du LSD et la trop bert Blake. L’acteur de la série Baretta, révélé De même, AO, LE DERNIER
forte appétence addictive de l’héroïne en prove- en 1967 dans De sang-froid, l’adaptation de Tru- NÉANDERTAL de Jacques
nance des ateliers chimiques de Chinatown, ça man Capote par Richard Brooks. En 1997, le Malaterre, réalisateur des
plus la politique grandes oreilles de Nixon ont déjàmême Robert Blake, son sourire sardonique et sa documentaires sur la pré­
refermé le tombereau des espoirs du summer of taille naine vous ont empêché de dormir : histoire l’Odyssée de
love depuis un bail. Le grand soir hippie, à l’orée l’homme mystère aux sourcils rasés de Lost High- l’espèce et Homo Sapiens,
du mitan des seventies, n’est plus qu’un filon way, c’est lui. représentation fictionnelle
pour revendeurs de posters à l’effigie du Grateful Injuste. Blake, on s’en aperçoit mieux dans Elec- des rudesses de la vie en
Dead dans des souks patchoulis. tra… a toujours été flippant. Il dégage quelque peau de bête quelques
Qu’arrive-t-il quand la contre-culture flippe ? chose d’insaisissable : la vie a l’air perpétuelle- centaines de milliers
Elle essaye de saisir à quel moment les choses ont ment injuste envers lui, mais il continue de garder d’années avant l’arrivée de
semblé foutues. Et immédiatement revient en le sourire. Alors chaque scène qu’écrit Guercio notre seigneur J.­C. Le
mémoire de Guercio le final d’Easy Rider et ses le met dans une situation de test (celle avec la bar cinéaste a cherché à resti­
tender et semi-pute Jolene est de ce tuer au plus juste les condi­
point de vue un bonheur de sadisme), tions de l’époque, tournant
Robert Blake campe un flic à moto, sa caméra guettant le moment où dans les paysages bulgares
John Wintergreen, réglant la circulation cette surface va se fendiller. et ukrainiens, en pleine
en plein désert d’Arizona, qui rêve La bio de Blake a pris une tournure tempête de neige, et utili­
sant de vrais animaux plu­
d’enquêtes sérieuses sur les homicides. démente en avril 2002, quand il a été
accusé du meurtre de sa deuxième tôt que de l’animation 3D.
femme, Bonnie Lee Bakley. Son garde TROP LOIN POUR TOI de
gentlemen-farmers qui dézinguaient Hopper et du corps est lui aussi arrêté pour complicité. Plu- Nanette Burstein (qui avait
Fonda à la carabine comme on s’exerce sur des sieurs cascadeurs à la retraite ont témoigné que signé le documentaire The
cannettes vides. Electra Glide in Blue repartira de Blake les avait contactés pour qu’ils fassent le Kid Stays in the Picture sur
ce meurtre symbolique pour en prendre l’étrange boulot à sa place. L’acteur se retrouve en taule la vie du producteur légen­
contre-pied : ce film sera l’histoire d’un flic à mais en ressort après paiement d’une caution daire de la Paramount,
moto, John Wintergreen, réglant la circulation en (1,5 million de dollars –1,1 million d’euros), auto- Robert Evans) raconte un
plein désert d’Arizona avec son coéquipier Zip- risé à attendre son procès à l’air libre. Celui-ci se amour à l’épreuve de la
per. Wintergreen se la raconte un maximum, déroulera en décembre 2004 se soldant, faute de séparation kilométrique
mais c’est un nabot qui rêve de passer à la vitesse preuve, par un acquittement. Ses trois enfants entre Erin, jeune journaliste
supérieure, secteur des enquêtes sérieuses sur les l’ont alors traîné au tribunal civil, convaincus à San Francisco, et son boy­
homicides. qu’il avait bien dessoudé leur mère. Le jury le friend Garrett, tête cher­
Le premier quart d’heure prend un soin si sensuel condamne à leur payer 30 millions de dollars. De- cheuse rock à Manhattan.
à filmer chaque centimètre du ceinturon de puis, Robert Blake fait profil bas. Il n’a plus rien Le couple à l’écran l’est
l’agent Wintergreen que l’on pourrait croire que tourné depuis 1997. aussi en privé, c’est Drew
le film a inspiré le casting de folles des Village PHILIPPE AZOURY Barrymore et Justin Long.
VI • CINÉMA ZOOM LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

BOBINES PATRICK
FABIAN Samy Naceri,
à Clamart, le
15 septembre.
(«LE DERNIER PHOTO BRUNO
CHAROY
EXORCISME»)
Par BAYON

Qui connaît Patrick Fabian, et qui est-il donc ? Nullement

un fleuron de l’insipide cinéma français, mais un routier
pennsylvanien de séries télé US, révélé ces jours-ci sur le re-
tour d’âge (45 ans fillette) par la perle noire cinématographi-
que inaperçue le Dernier Exorcisme.
Gars blond au physique avantageux, a priori odieux de par
son rôle (de religieux, berk, chrétien, berk-berk), mais bien-
tôt irrésistiblement sympathique, Patrick Fabian joue ici le
Reverend Cotton Marcus, prêcheur évangéliste repenti plus
vrai que nature. Il s’offre en sujet volontaire (selon l’histoire)
d’un «documentaire» sur le charlatanisme, notamment en
relation avec la pratique locale de l’exorcisme. Sur ces bases
ethno-sociologiques on ne peut plus austères, le document
animé par le très persuasif Fabian Marcus entraîne le specta-
teur en Louisiane, terreau de fermentation religieuse, sur la
piste de l’obscurantisme, au prix du marché de dupes qu’est
tout «divertissement».
Outre un spécimen virtuose de néo cinéma-vérité à la Blair-
witch-Cloverfield-Paranormal Activity, le Dernier Exorcisme
est de fait moins un film d’épouvante qu’une belle «arna-
que». Le propre friand du genre «film d’arnaque» (modèles:
Témoin à charge, les 13 Reines) est de bien vous prévenir, dans
la tradition illusionniste: «Attention, vous êtes en train de vous
faire empaumer» – et effectivement, passez muscade.
En l’espèce, notre défroqué confie cœur sur la main, avec
le sourire en gaufrette d’un Julien Clerc revu Bill Clinton,
qu’homme à faire gober n’importe quoi en chaire (démons-
tration), il a quitté l’habit par honnêteté et témoigne pour
«sauver des enfants»… Cependant que le film même, via son
démontage transparent de l’escroquerie, fait du spectateur
le dindon final de la farce mystique. A la façon des «faux»
films de grizzly ou de Loch Ness tordus récents d’Herzog.
Le héros annexe du jour est le cameraman (à l’épaule) «Da-
niel», qu’on ne voit forcément jamais, dont on ne s’avise qu’à
force quand il supplie qu’on arrête (sans le faire), et qui de-
vient la mauvaise conscience fondue au noir du document
face à un white trash à serpette digne de Délivrance. Mais le
Grand Imposteur, comme dit Herman Melville, est focalement
l’acteur, en cela remarquable, Patrick Fabian.

«J’AI QUAND MÊME

42 FILMS À MON ACTIF»
RENCONTRE ROSE, NACERI NOIR par une.» Avant ça, rappelle le livre, il y
de SAMY NACERI avait Samy N., né Saïd-Robert, fils de
Samy Le Cherche Midi, 175pp., 15€. Djillali d’Alger et de Jacqueline de Nor-
Naceri, mandie, né et grandi à Paris puis en ban-

acteur,
ex­taulard,
se raconte
dans
un livre.
Patrick Fabian, en exorciste démonté. FALLEN ANGEL PROD.
Tenant de Michael Douglas et de Charles Berling (avec le che-
veu plus sûr), fan des Beatles au point d’avoir baptisé Abbey
Ray sa fille née récemment au lendemain d’un concert de
McCartney, Patrick Fabian est coutumier des rôles de «prof».
D’anthropologie par ci, de criminologie par là. Son pasteur
sceptique inspiré, pour le meilleur et pour le pire, tient de
ces doctes archétypes en sa cordialité embobelinante.
Cette prestation au cordeau de Fabian, en star obscure du
brillant Dernier Exorcisme, aura évidemment des suites.
Q
uoi, Samy Naceri a fait un livre ? lieue, «diable» dès le CP, qui crevait d’en-
Mais oui, et pas inintéressant. L’ac- vie de faire du cinéma, et qui y est contre
teur rebeu au regard irradié, révélé toute attente parvenu. Success-story tor-
en pile électrique (Raï puis Taxi) puis en pillée par «la blanche», l’alcool, une «cer-
grand nerveux à la rubrique faits
divers, procède certes à un plai-
velle de moineau». A en faire
INTERVIEW oublier l’acteur stupéfiant qu’il
doyer pro domo. Mais à la façon peut être, si l’on veut bien voir le
d’un échappé d’un roman d’André Héléna, pas si lointain Indigènes. Aujourd’hui, non
le «forçat du polar» des années 50-60, ou sans panache vu le scepticisme alentour,
de Mean Streets : les choses dites cash, les il se dit prêt à revenir, clean, apaisé, fiable.
mains dans le cambouis de ses «conneries». Pourquoi avoir écrit ce livre?
Voir la scène du 2 janvier 2007, à Aix, au J’avais des choses à dire, des pendules à re-
seuil d’une boîte de nuit: «Les vigiles m’ont mettre à l’heure. J’en avais assez que les
refusé l’entrée. Pourtant, j’étais bien propre. magazines people fassent tranquille leur
J’étais avec deux filles, je n’étais pas bourré. petite tambouille. Ils ne prennent même
[…] Ils m’ont fait traverser la rue, ils m’ont pas la peine de vérifier leurs infos… Vous
mis quelques droites, ils m’ont cassé la bou- voulez savoir d’où je viens, qui je suis vrai-
che. Les implants dentaires giclaient de tous ment ? Voilà la vérité. J’ai fait le livre avec
les côtés. Quand je suis arrivé à l’hôpital, ils Gilbert Jouin, un monsieur qui a beaucoup
ont été obligés de m’arracher les dents une écrit sur et avec des artistes.
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
Vous ne vous ménagez pas dans ces pages…
Y a des gens qui me disent: «Bon courage.»
Mais bon courage pour quoi ? Je suis en
bonne santé, j’ai une femme qui m’accom-
pagne, j’ai un toit, une voiture, une carte
Bleue, pourquoi on irait me plaindre? C’est
vrai qu’à un moment donné, adolescent,
quand mon père est reparti au pays [en Al-
gérie, ndlr], j’ai sans doute manqué de
quelqu’un à qui parler et à qui m’identifier,
de repères. Ça n’excuse pas tout, et j’étais
pas facile, c’est clair. En même temps,
j’estime qu’il y a eu de la part de certains
un malin plaisir à descendre Samy Naceri,
à préférer le voir un genou à terre que sur
un écran de cinéma. J’ai quand même
42 films à mon actif, plus des pièces de
théâtre… Mais, de toute façon, il n’y a pas
de respect. Quand je vois ce qui se passe
avec Jean-Paul Belmondo et sa femme…
Belmondo, il a fait le cinéma français,
c’était une force de la nature, sportif, pas
d’alcool, et pourtant certains le descen-
dent comme le dernier des derniers.
Vous croyez au genre de retour en grâce,
type Mickey Rourke?
Oui. D’ailleurs, j’ai adoré The Wrestler.
Après, il y a le capital travail, et le capital
confiance. J’aimerais que les gens se di-
sent: «C’est bon là, il a 49 ans, on l’a vu sur
29-09_FESTIVAL_ESSONE:Mise
scène six jours sur sept, il a tenu le coup, ça
marche.» Je dis ça parce que je prépare un
one-man-show, qui se concrétisera, j’es-
père, en 2011. Un truc un peu autobiogra-
phique, avec des anecdotes, des blagues…
Votre livre a un côté roman noir, avec
gouaille de titi…
J’ai lu plein de Série noire, en prison. Mais
il y a un bouquin qui m’a beaucoup parlé,
c’est Jo Attia, mon père, écrit par sa fille. Jo
Attia, voyou d’avant-guerre et d’après-
guerre, était à l’époque le seul Maghrébin
du milieu, et parfois je me suis dit qu’il
aurait pu être mon père. Il a eu une sacrée
vie, a notamment sauvé des Juifs à
Mauthausen, le camp de concentration où
il avait été déporté. J’ai toujours voulu
adapter ce livre au cinéma, et je me serais
bien vu en Jo Attia. Pour ce qui est de la
gouaille, normal, je suis un vrai parigot,
même si on me dirait sorti de Bab el-Oued.
Aznavour, mais aussi Belmondo, Gabin,
Delon… Vous êtes assez old school…
Ah oui, respect total pour ces anciens.
J’ajouterais Claude Lelouch, une sacrée
carrière, et puis il est plein de bons conseils
pour moi. J’admire aussi le cinéma améri-
cain, Cassavetes, Scorsese, De Palma, Cop-
pola… J’ai des connexions là-bas, et j’envi-
sage un petit voyage, pour tâter le terrain.
Vous êtes plus en forme qu’il y a un an…
Y a un an, je sortais de Fresnes, là je sors de
deux mois de vacances, sur la Côte d’Azur
et au Maroc, c’est pas pareil. J’ai la patate.
Normalement, d’après les magazines peo-
ple, je devais mourir en janvier, me faire
greffer un foie. Je pense plutôt qu’eux de-
vraient se faire greffer une cervelle.
Quel est votre quotidien, ces temps-ci?
Lever à 8h30 maximum, ensuite quelques
épaulés-jetés en salle de sport, puis un bon
hammam, un peu de piscine et du taf :
rencontrer des gens, déposer des scénars,
aller au charbon, quoi. Après, retour à la
maison, bonne bouffe et coucher de bonne
heure après un petit film.
Vous en êtes où, au plan judiciaire?
Il me reste une affaire, qui doit être jugée
dans deux mois, celle de la dispute avec ce
mec qui a sorti une arme [Samy Naceri est
accusé d’avoir blessé au couteau cet homme,
proche d’une ex-compagne, ndlr]. J’ai les
pièces qu’il faut pour démontrer pas mal
de choses.
Recueilli par SABRINA CHAMPENOIS
ZOOM CINÉMA • VII
PAULETTE BOUVET, MORT
D’UNE «PARFAITE INCONNUE»
DISPARITIONSa silhouette était familière aux admirateurs de
Biette et Vecchiali. Paulette Bouvet s’est éteinte à 96 ans.
F
igure décisive et dis- compagné une des filmogra-
crète, l’actrice Paulette phies les plus singulières du
Bouvet est morte ven- cinéma français, prématuré-
dredi 24 septembre à 96 ans. ment interrompue en 2003,
Un communiqué nous l’ap- en en devenant un des signes
prenait en ces termes : «Elle reconnaissables, un des
n’a pas souhaité de cérémonie charmes discrets.
religieuse, ni même laïque. «Loin de Manhattan (1982) est
Pour aider à la recherche sans doute le film embléma-
scientifique et l’enseignement tique de la “carrière” de Pau-
médical, elle fait don de son lette Bouvet, qui y donne
corps à la faculté de médecine toute la mesure de son in-
de Paris.» L’écrivain Mathieu croyable talent. Elle y campe
Riboulet, dont le dernier li- Paulette Bouvet dans le Théâtre des matières (1977). PHOTO DR la mère du héros (joué par
vre Avec Bastien vient de pa- Jean-Christophe Bouvet, son
raître aux éditions Verdier, a lière, une de ces pépites que dès qu’elle apparaît dans un fils dans la vie aussi, qui la fit
souhaité lui rendre hom- les tamis du grand public plan, son engagement total jouer dans l’insensé les Dents
mage. laissent allègrement filer et le tranchant souverain, de ma mère), saupoudre le
«La vie moderne a de ces pa- enalors
pagequ’elles
1 27/09/10 brillent 13:39 extra- Page1papal, avec lequel elle débite film de remarques définitives
radoxes qui laissent rêveur. ordinairement si l’on daigne le texte qu’elle a à jouer. Du invariablement conclues par
Si l’on tape le nom de Pau- se pencher sur l’éclat qui coup, il lui a réservé quel- un “C’est dément!” théâtral à
lette Bouvet dans le moteur émane d’elles. ques-uns de ses traits les souhait et propose à qui veut
de recherche de l’Interna- «Ce que Biette a sans doute plus affûtés, de ses scènes les en boire un verre de
tional Movie DataBase mieux compris que d’autres, plus drôles. Du Théâtre des “bleuade” (variante biet-
[www.imdb.com, ndlr], on en tout cas mieux saisi, c’est matières (1977), où elle appa- tienne, et bleue, de l’oran-
obtient une liste de vingt- l’incroyable compacité de raît en directrice d’agence de geade). Ce sont des choses
trois titres, étalés de 1977 (la Paulette Bouvet, l’absolu de voyages, au Complexe de Tou- que l’on n’oubliera pas.»
Machine, Paul Vecchiali) à son imperturbable présence lon (1996), elle aura ainsi ac- MATHIEU RIBOULET
2000 (l’Affaire Marcorelle,
Serge Le Péron), et du même
coup le sentiment d’avoir af-
faire à une filmographie que
d’aucuns pourraient envier,
invitation
non tant pour le nombre de
rôles que pour les noms qui y
affleurent : Vecchiali, donc,
Biette, Guiguet, Treilhou, Té-
chiné, Dubroux… un petit
pan du cinéma français de
Libération vous invite à la 12ème édition du
ces années-là, discret et for-
midablement inspiré.
Festival du Cinéma Européen en Essonne,
«Or, Paulette Bouvet est ce
qu’on appelle couramment
soutien actif à la découverte et à la diffusion
une parfaite inconnue, c’est-
à-dire une personne dont du cinéma européen !
l’existence n’appelle aucun
commentaire grand public. 40 invitations au total
Mais, dans l’expression
“parfaite inconnue”, c’est le à gagner.
WWW.CINESSONNE.COM
terme “parfaite” qu’il faut 12e FESTIVAL DU CINÉMA
évidemment retenir. Paul EUROPÉEN EN ESSONNE
8-23 OCTOBRE 2010 01 69 06 71 79
Vecchiali (un important ci-
néaste français vivant, rap-
pelons-le) a employé de film
en film quelques acteurs non Pour recevoir une invitation
professionnels qui ont fini
par former une petite troupe adressez votre demande à :
dans laquelle ont naturelle- liberationinvitation@liberation.fr
ment puisé ceux qui, pro-
duits par Vecchiali au sein de
Diagonale, se sont à sa suite Précisez impérativement votre
mis en tête d’œuvrer. Au adresse postale complète.
premier rang desquels Jean-
Claude Biette, qui sans con- INVITÉS D’HONNEUR
VOLKER SCHLÖNDORFF
teste donna à Paulette Bouvet ET JEAN-CLAUDE CARRIÈRE,
MATHIEU AMALRIC ET LES FRÈRES LARRIEU,
ses plus beaux rôles, recou- OLIVIER ASSAYAS, GEORGES SCHWIZGEBEL…
rant à son talent dans la plu-
part de ses films. C’est ainsi
que, pour un certain nombre
d’amoureux du cinéma, Pau-
lette Bouvet de parfaite in-
connue est devenue incon-
Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression de ces informations (art.27 de la loi informatique et libertés). Les informations recueillies sont
nue parfaite, quelque chose destinées exclusivement à Libération et à ses partenaires commerciaux sauf opposition de votre part en cochant cette case
comme une silhouette fami-
CINEMA
Quel spectateur êtes­vous? Un invité nous répond du tac au tac.
SÉANCE TENANTE
DENIS PODALYDÈS
Comédien et metteur en scène, sociétaire
de la Comédie­Française, scénariste, Denis
Podalydès, né en 1963, aura bientôt une
riche actualité puisqu’on le verra en 2011
dans la Conquête de Xavier Durringer, récit
fictionné de la campagne présidentielle
de Nicolas Sarkozy, dont il tient le rôle à ses
risques et périls. PHOTO AFP

«SANS TAMBOUR
NI TROMPETTE»
w La première image de cinéma?
Très confuse. Mary Poppins ? Le Livre
de la jungle? Bambi? Un passage dra-
matique en tout cas, d’un de ces des-
sins animés.
w Le premier film vu seul?
J’ai vu avec deux amis, à 13 ans, les
Dents de la mer. J’étais si terrifié que
je me croyais absolument seul, livré au
film.
w Le film qui a traumatisé votre en-
fance?
Le plan où Nosferatu, dans le film de
Murnau, se lève de son cercueil. Le fait
d’être muet et en noir et blanc ajoutait
m’a sans doute pas influencé, mais
que j’ai vu un nombre de fois considé-
rable. Comme les Parrain. Il y a Shi-
ning. Il y a Monsieur Verdoux. Et, en ce
moment, il y a Takeshi Kitano. J’en
suis obsédé au point de parler comme
lui dans un faux japonais – que je ne
comprends pas du tout ni ne parle évi-
demment – qui m’échappe de la
bouche à tout bout de champ. Shimi-
tsugero nakajimaste ! Sur un ton ru-
gueux, violent et sans appel.
w Qu’est-ce qui vous fait rire?
Je me souviens d’un fou rire irrépres-
sible et gênant, à 14 ou 15 ans, dans
DIAPHANA DISTRIBUTION
FESTIVAL FÊTE DU CINÉMA ALLEMAND À PARIS
C’est la quinzième édition du festival du cinéma
allemand, rendez­vous devenu déterminant cha­
que année pour faire le point sur ce qui se passe
de beau chez nos voisins d’outre­Rhin. La sec­
tion Nouvelle Vague allemande, supervisée par
le Goethe­Institut, permettra de mettre l’accent
sur la galaxie de cinéastes gravitant autour de la
revue Revolver, crée en 1998, un semestriel ciné­
phile qui a fédéré créateurs et spectateurs dans
une même perspective moderniste. Samedi, à
midi, il sera possible de rencontrer deux de ces
LES CHOIX DE «LIBÉ»
participants, Benjamin Heisenberg et Christoph
Hochhäusler, le premier cofondateur de la revue
et auteur du Braqueur, la dernière course, un
polar projeté à 18 heures, l’autre connu pour son
Bois lacté (2003) et qui revient avec Sous toi
la ville (photo), peinture d’une société affairiste
et malade (soirée de clôture le 5 octobre
à 20 heures).
PHOTO DR
Jusqu’au 5 octobre à l’Arlequin, 76 rue de Ren­
nes, 75006. Rens.: Festivalcineallemand.com

à l’effroi. La nuit qui suivit fut horrible. une salle de cinéma, devant Pierre Ri-

LES FILMS DU LOSANGE

La salle de bain, tout au fond du cou- chard qui provoquait un type au ka-
loir immense et obscur, complètement raté, je ne sais plus quel était le film.
inaccessible plusieurs soirs de suite. Je n’ai jamais autant ri.
LES ACACIAS

w Une scène fétiche? w Une scène qui vous fait toujours

Michael Lonsdale et André Falcon
dans Baisers volés de Truffaut. Lons-
dale vient voir un détective (Falcon)
pour comprendre ce qui lui arrive :
«Personne ne m’aime, faites une en-
quête.»
w Une réplique favorite?
«J’aimerais trouver un titre à mon livre.
– Il y a des tambours dans votre livre ?
– Non. – Des trompettes ? – Non.
– Alors appelez-le Sans tambour ni
trompette.» (Toujours Truffaut, dans
Domicile conjugal).
w Le film que vous êtes le seul à connaî-
tre?
Un film intitulé Vif, somme de tout ce
que je voudrais faire, voir et dire au ci-
néma. Evidemment, pas une ligne
n’est écrite, pas une image n’existe.
Mais je le vois très distinctement.
w Un rêve qui pourrait être le début
d’un scénario?
Un intérieur doux et charmant, hum-
ble et vrai. Quelques bougies allu-
mées. La fenêtre ouverte. Un petit
courant d’air léger. Un rideau de fine
gaze vient doucement, selon les bouf-
fées d’air, lécher une des bougies…
w Vous dirigez un remake. Lequel?
Le train sifflera trois fois. Je dis n’im-
porte quoi. Les remakes ne me con-
vainquent jamais, à part, sans doute,
le Nosferatu de Werner Herzog, ou le
Psychose de Gus Van Sant. Parce que
ce sont de vrais remakes, plan par
plan.
w Le film qui vous a le plus influencé?
Il y a Voyage au bout de l’enfer, qui ne
pleurer?
Les larmes de George Dzundza, en
préparant l’omelette, après s’être
contenu devant les autres, à la fin de SIMON WERNER A DISPARU MIEL et MILK CHANTRAPAS
Voyage au bout de l’enfer. de Fabrice Gobert, 1 h 33. de Semih Kaplanoglu, 1h43 et 1h42. d’Otar Iosseliani, 2 h 02.
w Dernier film vu. C’était comment? Un premier film dans la lignée mi­ La découverte d’un nouveau ci­ Un jeune cinéaste géorgien fuit le
Oncle Boonmee. J’ai cru entrevoir ce nimaliste du Gus Van Sant d’Ele­ néaste important en provenance régime communiste et la censure,
que c’est que mourir, en tant que pas- phant ou de Paranoid Park. Lé­ de Turquie à travers deux films s’installe en France puis revient
sage, action concrète. C’est un très gère idéalisation du réel par un sur l’enfance et la formation d’un au pays natal. Un récit fortement
beau film. Merci au grand Tim (j’ai jeu sobre sur la lumière, ses poète. «Nous ne voyons pas ce autobiographique par le véné­
parlé de Sleepy Hollow ? Non, j’aurais éclats et ses estompages, am­ monde uniquement avec nos rable Iosseliani. Tout ressemble à
pu), et à son jury. Sans cette palme, je pleur calme des mouvements yeux, mais aussi à travers nos une farce, à un drame, aux deux,
n’aurais sans doute jamais vu ce film. d’une caméra qui semble mar­ rêves, dit le cinéaste. La réponse c’est exactement Tchekhov en
w Un film dont vous oubliez toujours cher au pas d’un nomadisme pré­ à nos questionnements existen­ images, tel qu’en parlait Nabokov:
la fin? Pourquoi? cis et téléguidé, le film est une tiels ne se limite pas au monde «Ce qui l’intéressait, c’était d’être
Comme pour les romans, j’oublie sou- ode à l’adolescence inquiète et physique.» Sans musique, pres­ fidèle à la vie, d’être fidèle au
vent la quasi-totalité de l’intrigue, du néanmoins sexy. Sonic Youth a que sans parole, deux récits caractère de l’homme en tant que
début à la fin, même quand mon sou- composé la musique, Agnès Go­ ouverts aux sensations et à la personnage et non en tant que
venir est apparemment vif, très net dard signe l’image. mélancolie du temps perdu. symbole.»
sur certaines images ou séquences,
totalement vague sur les enchaîne-
ments de ces séquences ou de ces BOX­OFFICE (SOURCE «ÉCRAN TOTAL»)
images.
w Si vous étiez une actrice? Film Semaine Ecrans Entrées Evolution Cumul
Deborah Kerr. Je viens de répondre Resident Evil : Afterlife 3D 1 408 360 771 – 360 771
sans réfléchir et m’étonne un peu de Des hommes et des dieux 3 442 345 636 ­6% 1 294 530
ce choix, mais voilà, c’est dit. Mange, prie, aime 1 304 233 149 – 233 149
w La bande originale que vous aimez The Town 2 297 196 472 ­ 26 % 516 616
écouter à la maison? Hors­la­loi 1 400 162 132 – 162 132
Ali de Michael Mann. Il y a quelques
chansons de R. Kelly que je reprends Hors­la­loi, en dépit des polémi­ d’exploitation rassemblait déjà dats maghrébins volant au se­
à tue-tête, lamentablement, je ne ques (la représentation du massa­ 705 891 spectateurs (sur 460 co­ cours de la France occupée
peux pas m’en empêcher. cre de Sétif) et de son sujet (l’or­ pies). Il devrait atteindre en fin fédérait plus que celle de l’action
w Le cinéaste absolu, à vos yeux? ganisation FLN à Paris dans les de course les 500 000 entrées insurrectionnelle contre cette
Jean Renoir. années 60) a fait un démarrage quand Indigènes franchissait le même France colonisatrice. Si­
w Le cinéma meurt. Une épitaphe? faible sur 400 écrans avec seule­ cap des 2 millions d’entrées au mon Werner a disparu rassemble
Le cinéma est mort, vive le cinéma. ment 162 132 entrées quand Indi­ bout de quatre semaines à l’affi­ 40 282 spectateurs (sur 93 co­
Recueilli par ANNE DIATKINE gènes sur sa première semaine che. Signe que l’histoire des sol­ pies). Le Beauvois tient bon.
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
RETRAITES François Chérèque, le leader de la CFDT, propose de ne
mettre au vote qu’en 2015 le recul de l’âge du taux plein de 65 à 67 ans.
«Legouvernementjoue
àunjeutrèsdangereux»
trois jours d’une nou-
A velle mobilisation,
samedi, contre la ré-
forme des retraites et après
de nouvelles ouvertures fai-
tes ce week-end aux syndi-
cats par Gérard Larcher, pré-
sident du Sénat (UMP),
entretien avec François Ché-
rèque, responsable de la
CFDT.
Comment réagissez-vous aux
propos de l’exécutif, qui a vu
dans la journée du 23 sep-
tembre une «décélération»
de la mobilisation?
Annoncer, de la part du gou-
vernement, une moindre
mobilisation et en déduire un
soutien de la population à sa
réforme, alors même que le
cortège pari-
sien n’était pas
encore parti, a
été très mal
vécu par les
manifestants.
Il y avait une
volonté claire
de les humi-
AFP
lier. C’est le si-
g ne q ue le
pouvoir est gêné par notre
mouvement parce qu’il reste
maîtrisé et républicain.
Question : le gouvernement
a-t-il provoqué les manifes-
tants afin de les pousser à la
radicalisation et les priver
ainsi d’un soutien populaire
fort? S’il tel est le cas, il joue
à un jeu très dangereux…
Le président du Sénat a évo-
qué de nouvelles avancées
possibles, notamment sur le
recul de l’âge du taux plein de
65 à 67 ans pour certaines gé-
nérations de femmes…
Le gouvernement découvre
qu’il y a un souci avec la re-
traite des femmes et des
handicapés, mais aussi, et
toujours, sur les carrières
longues, les polypension-
nés, la pénibilité. Bref, de
nombreux problèmes, en-
core, qui nécessitent à l’évi-
dence de retravailler la ré-
forme dans son ensemble.
D’autant que l’injustice de
base du projet reste entière :
tous ceux qui ont com-
mencé à travailler jeune
vont devoir cotiser entre 41
et 44 ans, soit jusqu’à trois
ans de plus que le mini-
mum. Ces salariés, qui
auront de faibles retraites
tout en ayant occupé les
métiers les plus pénibles,
vont cotiser trois ans pour
ECONOMIEXPRESSO • 15
-0,10 % / 3 762,35 PTS
3 509 840 504€ +41,45%
LVMH
UNIBAIL-RODAMCO
SCHNEIDER ELECTR.
MICHELIN
PEUGEOT
ACCOR
des prunes, afin de financer manif à Bruxelles contre les risque de compromettre la
10 836,87 +0,23 %
2 368,39 -0,06 %
5 578,44 +0,09 %
les retraites des cadres, qui politiques de rigueur… sortie de crise. Il faudrait au
auront des pensions plus Tous les pays en Europe font contraire aller vers une coor-
élevées après des carrières payer les déficits de la crise dination des politiques éco-
9 495,76 -1,12 %
moins fatigantes… Une vraie par des plans de rigueur nomiques et budgétaires en «Je n’accepte pas de voir une direction,
redistribution à l’envers. quasi exclusivement financés Europe, qui permettrait à des
Est-ce à dire qu’il n’y a rien à par les salariés, au lieu de re- pays de mener des politiques
sous la pression de fonds d’investissement
obtenir du côté des séna- mettre en
Next_SUP_AUTO:ap nextcause leurs27/09/10
fin septembre systè- d’économies et à d’autres de étrangers, bloquer tout dialogue social.»
14:30 Page1
teurs? mes fiscaux souvent injustes. poursuivre la relance. Christian Estrosi ministre de l’Industrie, a annoncé hier une
Nous restons fermement op- Cette politique de rigueur Recueilli par LUC PEILLON médiation du préfet dans le dossier Lejaby (Libération d’hier)
posés à la réforme et notam-
ment au recul des deux bor-
nes d’âges. En même temps,
notre travail de syndicaliste,
c’est d’obtenir des avancées. VENDREDI 1ER OCTOBRE, AVEC LIBÉRATION
Pour ma part, je fais une pro-
position au gouvernement :
qu’il subordonne le recul de
l’âge du taux plein de 65 à
67 ans – prévu à partir
de 2016– à un vote formel du
Parlement
en 2015, et
après un rap-
port sur la si-
tuation des
femmes et des
précaires. C’est
une question
de démocratie:
aux nouveaux
députés issus
des prochaines législatives de
Innovation
s’en saisir et de décider ou
5 concept cars
renversants
non de l’appliquer. Par
ailleurs, le recul de cette Pilote
borne d’âge ne devant pas Jean Nouvel :
intervenir avant 2016, cela « Freiner sec,
ne remettra pas en cause accélerer dur »
l’équilibre financier de la ré- Reportage
forme. Bref, ce schéma per- Les Argentins
met à tout le monde de sau- sont fidèles
ver la face. Et nous laisse du à leur voiture
temps pour redébattre sé-
rieusement d’une nouvelle
réforme et du recul de l’âge
légal de départ à 62 ans.
Qu’attendez-vous de la mo-
bilisation de samedi?
Notre objectif, c’est de faire
aussi bien que lors de la der-
nière journée du 23 septem-
bre. Le gouvernement, pour
sa part, prend un grand ris-
que, notamment politique, à
mondial
ne pas donner de réponses à
ces immenses manifesta-
tions. Il a tort de les considé-
rer comme un folklore. C’est
un problème beaucoup plus
lourd dans la population. Je
lui demande solennellement
de réagir et de répondre aux
demandes des manifestants.
de l’auto 2010
Si rien ne bouge, il y aura
une nouvelle journée d’ac-
tion le 12 octobre. Ensuite,
nous verrons avec les sala- 40 PAGES D’INNOVATION ET DE PLAISIR AUTOMOBILE
riés, comme nous le faisons
depuis le début.
Aujourd’hui a lieu une euro-
16 • ECONOMIEXPRESSO LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

6 Plaidoyervertpourla
L’HISTOIRE

millions d’euros supplé­

mentaires seront versés
en 2010 aux exploitations
agricoles qui se convertis­
taxesurlestransactions
sent au bio, ce qui porte FINANCE Le groupe Europe Ecologie au Parlement
le total à 10 millions.
Troismille producteurs ont européen prône un taux d’imposition de 0,05%.
franchi le pas sur les sept RYANAIR MIS EN EXAMEN
premiers mois de l’année. e groupe des Verts au vait se faire contre les Etats- péenne, pourrait rapporter
«Si le rythme se maintient,
nous serons à 6%, voire
légèrement plus, d’exploita­
POUR «TRAVAIL DISSIMULÉ»
Les employés de Ryanair basés à Marseille peuvent­ils
dépendre du droit social irlandais plutôt que français?
L Parlement européen
vient de lancer une
pierre dans le jardin de Jean-
Unis et la Grande-Bretagne.
Une initiative européenne
isolée «pourrait tout simple-
entre 80 et 190 milliards
d’euros. Et, «seulement»,
entre 41 et 98 milliards pour
tions bio en 2012», a précisé C’est la question que se pose la justice française, saisie par Claude Trichet. Lundi, le ment déplacer les transactions les pays de la zone euro. «Il
hier le ministre de l’Agricul­ des syndicats de personnels. Hier, la compagnie irlandaise président de la Banque cen- vers d’autres places». Une faudra que les Etats et les
ture, Bruno Le Maire. Soit à bas coûts a été mise en examen à Aix­en­Provence, trale européenne (BCE) avait manière de répondre à Paris membres du Parlement qui
l’objectif intermédiaire notamment pour «travail dissimulé». Le directeur général repris l’argument qu’une et Berlin qui tentent depuis le sont contre une taxe sur toutes
défini lors du Grenelle, qui de Ryanair avait menacé de quitter Marseille si des pour­ taxe sur les transactions fi- début de l’été de rallier leurs les transactions couvertes en
vise les 20% de surface en suites étaient engagées. Le syndicat Unac s’est félicité hier nancières internationales partenaires européens afin euros, comme les actions,
bio à horizon 2020. que la justice n’ait «pas cédé au chantage». PHOTO AFP n’était pas viable si elle de- de présenter un front uni au obligations, produits dérivés
sommet du G20, en novem- de taux d’intérêts, s’expliquent
bre à Séoul. sur leur obstination à refuser
Depuis hier, l’argument du de discuter sérieusement du
«tout le monde ou personne» sujet», explique Canfin.
a perdu une part de sa perti- L’étude de faisabilité des
nence. Le groupe Verts a en Verts-ALE ne balaie pas d’un
effet planché sur la véracité revers de main l’argument de
de cette affirmation. Conclu- ceux qui estiment qu’une
sion ? «Sur le plan technique taxe en Europe pourrait se
et juridique, il est possible traduire par des délocalisa-
RAYMOND
RAYMOND D : d’instaurer une taxe sur les tions en série. Mais elle en
transactions financières au ni- rejette les explications «trop

« UN MATCH GAGNÉ
veau de la zone euro ou au ni-
veau des vingt-sept pays de
l’Union européenne», expli-
«Sur le plan technique
simplistes». Certes, l’Europe
est totalement immergée
dans la mondialisation. Mais
l’étude souligne
que l’euro est

C’EST TOUJOURS MIEUX

principalement
et juridique, il est possible utilisé au niveau
d’instaurer une taxe.» de Vieux Conti-
Pascal Canfin eurodéputé EE nent. Quant au
risque de voir de

QU’UN MATCH PERDU. »

que Pascal Canfin, eurodé- grands groupes comme Total
puté Europe Ecologie. Et quitter le CAC 40 pour re-
d’ajouter : «C’est une ques- joindre, par exemple, des
tion de volonté politique.» Les cieux plus tranquilles comme
Verts n’hésitent pas à multi- la Bourse de New York… Il
L'ÉQUIPE, LE 27 MARS 2008
plier par dix le taux de la taxe serait minime. A moins que
sur les transactions financiè- ces groupes acceptent de
res présenté il y a peu par le prendre plusieurs risques :
ministre français des Affaires comme celui d’être coté là où

LE WEEK-END PRENEZ LE TEMPS DE RÉFLÉCHIR

étrangères, Bernard Kouch- une class-action est monnaie
ner. Quand ce dernier van- courante, là où les investis-
tait les mérites d’un grain de seurs préfèrent d’ordinaires
sable de 0,005%, capable de de l’Exxon plutôt que du To-
générer au niveau mondial tal, là où la législation finan-
près de 45 milliards d’euros cière est différente, là où in
© DUFOUR SEBASTIEN / GAMMA

pour financer le développe- fine le coût d’une délocalisa-

ment, Europe Ecologie pro- tion financière et boursière
pose un taux de 0,05%. serait nettement supérieur à

OFFRE LIBÉRATION WEEK-END 9€

Un zéro de moins après la un grain de sable de la taille
virgule, le tout limité au seul d’un 0,05%…
espace de l’Union euro- VITTORIO DE FILIPPIS

L’ÉDITION DU VENDREDI ET DU SAMEDI CHEZ VOUS / L’ACCÈS À L’ACTU ET AUX ARCHIVES SUR LIBERATION.FR
RCS PARIS 382 028 199 -

ET LE MENSUEL NEXT POUR SEULEMENT 9€ PAR MOIS ISLANDE Par 33 voix contre
POUR VOUS ABONNER : APPELEZ LE 3240 ET DITES «LIBÉRATION» OU RENDEZ VOUS SUR LIBERATION.FR 30, le Parlement islandais a
voté pour traduire devant
une cour spéciale l’ex-Pre-
mier ministre Geir Haarde
pour «négligence» lors de
l’effondrement du système
FRED & FARID®
loo a arrêté définitivement le
couloir dans lequel va s’ins-
crire le tracé de la ligne à
grande vitesse qui doit relier
Bordeaux à l’Espagne et Tou-
louse. Et assuré que le finan-
cement des travaux par les

financier du pays en octo- collectivités était proche

bre 2008. Haarde, 59 ans,
avait démissionné pour soi-
L'INFO EST UN COMBAT gner un cancer en janvier.
TRANSPORTS La LGV Sud-
Cette offre est valable jusqu’au 30 décembre 2010, exclusivement pour un nouvel abonnement en France métropolitaine. L’abonnement ne comprend aucun engagement de durée, il peut être stoppé
à tout moment sur simple demande. L’offre Libération Week-End inclut la livraison à domicile chaque semaine des éditions du vendredi et du samedi du journal Libération + la livraison à domicile du Ouest a un tracé… et presque
magazine Next 9 fois par an + l’accès gratuit aux services web « Libé + Essentiel ». Achetés séparément, les produits de l’offre Libération Week-End reviennent à 17,40€ par mois.
un financement. A Bor-
deaux, hier, Jean-Louis Bor-
d’être bouclé.
TÉLÉPHONIE Le Conseil de
Paris a voté hier en faveur de
l’arrivée des antennes relais
de l’opérateur Free sur les
toits de la capitale, malgré
l’opposition des Verts.
 TERRE
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 • 17

Bánáti a été élue présidente de

l’Agence européenne de sécurité
alimentaire en 2008, puis réélue en
juillet cette année. C’est en éplu-
chant sa «déclaration d’intérêt»
que José Bové a découvert le pot
aux roses. Elle avait simplement
mentionné qu’elle avait été «mem-
bre du comité scientifique de l’Ilsi» et
juré aux députés européens
«[qu’]elle n’a jamais été approchée
par des lobbyistes».
«Un conflit d’intérêts scandaleux»,
s’emporte José Bové, qui exige sa
«démission immédiate». «J’ai averti
la Commission le 14 juillet, j’attends
toujours une réponse.» L’ancienne
ministre de l’Environnement
Corinne Lepage, elle aussi députée
européenne, est sur la même
longueur d’ondes: «Il est choquant
qu’aucun contrôle des déclarations
d’intérêts ne soit effectué par la Com-
mission européenne. Si des gens
représentent l’industrie, qu’ils se pré-
sentent en tant que tel.» Joints au té-
léphone, ni la Commission ni
l’AESA n’ont souhaité faire de
commentaire sur cette affaire.
Depuis l’origine, les écologistes dé-
Un champ de maïs transgénique à Toulouse. L’Agence de sécurité alimentaire n’a jamais refusé une autorisation d’importation d’OGM. CHRISTIAN BELLAVIA noncent le mode de fonctionne-
ment de l’AESA : elle ne mène
aucune étude elle-même, mais

Europe:lelobbyOGMinfiltréàla
s’appuie sur les dossiers transmis
par les industriels à qui il appartient
de démontrer l’innocuité de leurs
produits. Autre lacune de taille :
aucune évaluation des risques à

têtedelasécuritéalimentaire
long terme n’est exigée. Alors que
pour les pesticides, les industriels
doivent tester leurs substances sur
des rats durant deux ans, pour les
OGM, trois mois suffisent.
Diána Bánáti, la présidente de l’agence qui délivre les autorisations POSITIFS. La composition de
d’importation, a maquillé son CV pour minorer son passé dans l’agrobusiness. l’AESA explique sans aucun doute
cette coupable inclination. Car
Diána Bánáti n’est pas un cas isolé.
Par JULIE MAJERCZAK l’industrie elle-même. José Bové, affaire, l’Organisation mondiale de cette matière ne reposait sur En avril, l’ancienne directrice du
et JEAN QUATREMER eurodéputé vert et vice-président la santé l’a retiré de sa liste d’orga- aucune base sérieuse… département OGM de l’AESA, Suzy
Correspondants à Bruxelles de la commission agriculture du nisations «partenaires». On re- Nommée membre du conseil d’ad- Renckens, a été embauchée par
Parlement européen, vient ainsi de trouve aussi l’Ilsi dans l’affaire du ministration en 2006, sur proposi- l’agrochimiste Syngenta… L’actuel

L
a Commission européenne lever un beau lièvre : la présidente Teflon créé par le groupe DuPont : tion de la Commission et décision président du comité scientifique
a toujours été l’amie des du conseil d’administration de son étude prouvant l’innocuité de du Conseil des ministres, Diána OGM de l’agence, le professeur
OGM, comme en témoi- l’AESA, la Hongroise Diána Bánáti, Harry Kuiper, est, par ailleurs, le
gnent les 125 autorisations a dissimulé qu’elle avait été mem- coordinateur d’Entransfood, un
d’importation accordées de- bre du comité des directeurs REPÈRES projet soutenu par l’UE visant à
puis 1998. Mis à part les six RÉCIT de la branche européenne de «favoriser l’introduction des OGM

125
dossiers retirés par les in- l’International Life Science L’AESA sur le marché européen et rendre l’in-
dustriels eux-mêmes, on ne Institute (Ilsi), le «lobby de l’agro- dustrie européenne compétitive». On
compte absolument aucun refus en business», comme le qualifie Bové. L’Agence européenne de comprend mieux pourquoi les avis
douze ans ! Les instances commu- sécurité alimentaire a vu le de l’agence sont toujours positifs.
nautaires écartent systématique- DANGERS. Cet organisme prétend jour en janvier 2002. Elle est Quelles que soient les objections,
ment les objections avancées tant donner des conseils scientifiques chargée de donner des avis C’est le nombre d’OGM elle ne change pas d’avis. Ainsi,
par les scientifiques que les autori- indépendants dans tous les domai- scientifiques à la Commission autorisés à l’importation dans le cas du maïs MON 810 de
tés sanitaires nationales ou les as- nes agro-alimentaires, alors qu’il européenne sur tous les dos­ (notamment le maïs, colza, Monsanto, la Commission lui a de-
sociations de défense de ne fait que reprendre à siers touchant à la sécurité de soja, tabac…) au sein mandé à trois reprises son avis, des
l’environnement. La son compte les données la chaîne alimentaire. de l’Union européenne. études récentes, notamment de
création, en 2002, de fournies par ses mem- l’Institut Pasteur, ayant mis en
l’Agence européenne de bres, au rang desquels on avant les incertitudes existantes
sécurité alimentaire compte tous les grands «La Commission Face à l’hostilité des opinions sur les effets à long terme de cet
(AESA), au lendemain des OGM que sont Mon- publiques européennes aux OGM. L’AESA n’a pas revu sa copie.
du scandale de la vache santo, Syngenta, Bayer,
européenne doit revoir OGM, la Commission euro­ Or, les avis de l’agence sont cru-
DR

folle, n’a strictement BASF, etc. L’Ilsi s’est par de fond en comble péenne a proposé de laisser ciaux, la Commission s’y rangeant
rien changé à ce biais favorable aux exemple illustré aux Etats-Unis en le fonctionnement la liberté aux Etats d’inter­ dans tous les cas. Le Conseil des
champions des biotechnologies. Et fournissant des études «scientifi- de l’AESA et mettre dire ou non la mise en cul­ ministres, sur proposition de la
pour cause : la Commission a peu- ques» sous-estimant les dangers du
en place un moratoire ture des OGM. Pour l’instant, France, a demandé à la Commis-
plé l’AESA de personnalités acqui- tabac, ce qui a conduit la justice seuls deux OGM peuvent sion de revoir le fonctionnement de
ses à la cause des OGM quand elles américaine à s’intéresser à son total sur les OGM.» être cultivés dans l’UE. Tous l’AESA. C’était en 2008. On attend
ne sont pas directement issues de fonctionnement. A la suite de cette José Bové les autres sont importés. encore. •
18 • SPORTS LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

L’HISTOIRE
GOLF : COLIN MONTGOMERIE
SE FAIT TWEETER LE SIFFLET
C’est ce qui s’appelle bouffer son chapeau. Lundi,
Colin Montgomerie, le capitaine de l’équipe européenne
de Ryder Cup, jurait que ses joueurs ne tweeteraient pas
pendant le match qui les opposera aux Etats­Unis à partir
de vendredi à Newport (Pays de Galles). Une nouvelle
que l’Anglais Ian Poulter et l’Irlandais Graeme McDowell
n’ont pas tardé à… tweeter. Hier, Montgomerie a dû revoir
ses ambitions à la baisse. «Tweeter n’a pas été interdit.
Interdire les choses est très dangereux, a­t­il déclaré, visi­
blement agacé de devoir revenir sur la question. Je
croyais que j’étais le capitaine d’une équipe de golf et non
celui d’un organisateur de tweets.» Le capitaine a adouci
la règle, exigeant seulement que le secret du vestiaire soit
respecté et que ses consignes tactiques ne fassent pas
le tour du Web sitôt annoncées à ses joueurs.

163
C’est le nombre de footballeurs français au chômage
selon le dernier pointage de l’Union nationale des
footballeurs professionnels. C’est une soixantaine de plus
que l’an dernier après la clôture du mercato. Ces joueurs
sans club peuvent être recrutés sans restriction jusqu’au
31 janvier.
LES GENS
POUR SES 40 ANS, DATE
S’OFFRE UNE VICTOIRE
SUR UN COURT MAISON
C’est un sacré coup de chance quand on mène une vie
de globe­trotter des courts de pouvoir célébrer son
anniversaire dans «son» tournoi. Surtout quand il s’agit
de ses 40 ans, âge quasi­canonique pour une tenniswo­
Marseille impuissant devant Chelsea
C’est un Olympique de Marseille ver-
sion costaude qui s’est présenté hier
contre Chelsea sur la pelouse de Stam-
ford Bridge pour la deuxième journée de
la Ligue des champions. Devant, Des-
champs avait choisi d’aligner Brandao
plutôt qu’Ayew à gauche et Rémy plutôt
que Valbuena à droite, les deux enca-
drant Gignac. Pourquoi pas ? Sauf que
c’est les neurones marseillais qu’il
aurait fallu muscler. Histoire d’éviter de
prendre un but sur le premier corner à
la 7e minute, puis un deuxième sur un
penalty – sévère- vingt minutes plus
tard.
Soit 2-0 à la demi-heure de jeu, very bad
trip pour des Marseillais, dominés phy-
siquement, tactiquement et technique-
ment, incapables de mettre le pied sur
le ballon et, par là, d’inquiéter la dé-
fense londonienne pendant la première
mi-temps. La seconde sera moins pire
pour l’OM sur le plan du jeu, mais pas
plus bénéfique sur celui du score, mal-
gré les entrées de Valbuena et Ayew.
Après cette deuxième défaite, logique,
en deux matchs, la Ligue des Cham-
pions est très mal emmanchée pour
l’OM. Tout comme pour Auxerre qui,
après avoir résisté plus de quatre-vingts
minutes sur sa pelouse, s’est finalement
incliné 0-1 face au Real Madrid.
PHOTO DYLAN MARTINEZ.REUTERS

L’Olympiquelyonnais
man. Hier à Tokyo, Kimiko Date (67e joueuse mondiale)
s’est offert une victoire au deuxième tour pour son
entrée dans la cinquième décennie de son existence en
profitant de l’abandon de Daniela Hantuchova. Mais c’est
la veille que la quadragénaire avait fait fort au cours d’un
premier tour extravagant entre deux anciennes gagnan­
tes du tournoi: la Russe Maria Sharapova (15e joueuse
mondiale) victorieuse en 2005 et 2009 et Date, donc,
qui s’était imposée à Tokyo en… 1995. L’année suivante, la
joueladiversioneuropéenne
Japonaise prenait, à 26 ans, une retraite dont elle est
sortie en 2008. PHOTO REUTERS
FOOT Les hommes de Puel affrontent ce soir un Tel-Aviv en petite
forme. Aulas espère faire oublier la catastrophe du championnat.
FOOT Martine Aubry a posé Lorient. Ces matchs se joue- est un entraîneur qui rale et sportive, c’est aussi avait remporté le match le marqué à la suite d’une er-
lundi la première pierre du
Grand Stade de Lille. Cette
première enceinte construite
ront les 26 et 27 octobre.

BASKET L’équipe de France

en France selon la formule du
partenariat public-privé de-
viendra, en 2012, le troisième
stade français derrière le
Stade de France à Saint-De-
nis et le stade Vélodrome à
Marseille, avec un peu plus
de 50 000 spectateurs.
FOOT Le tirage au sort des
huitièmes de finale de la
Coupe de la Ligue a été effec-
tué hier. Il a accouché no-
tamment d’un Lyon-PSG et
d’un Saint-Etienne-Bor-
deaux. Les autres matches :
Guingamp (national)-Mar-
seille, Auxerre-Bastia (natio-
nal), Montpellier-Ajaccio
(L2), Lille-Caen, Valencien-
nes-Boulogne (L2), Monaco-
féminine atteint les quarts de
finale du Mondial. Malgré
l’absence de joueuses ma-
jeures, les Bleues atteignent
leur objectif. En quart, elles
rencontreront la Russie ou
l’Espagne.
TENNIS Juan Martín Del
Potro perd d’entrée, après
huit mois d’absence. Malgré
16 aces, l’Argentin s’est in-
cliné hier au premier tour du
tournoi de Bangkok face au
Belge Olivier Rochus 7-6
(9-7), 6-4. Son dernier
match était un 8e de finale à
l’Open d’Australie contre le
Croate Cilic. Il a subi une
opération au poignet qui l’a
forcé à se retirer des courts.
C’ réunit ses joueurs qui
viennent de prendre
une pipe en championnat et
tente de les remobiliser pour
la Ligue des champions.
«Nous sommes une grande fa-
mille, nous devons accepter
nos erreurs et les corriger»,
leur dit-il. C’est Claude
Puel ? Non, Elie Gutman, le
coach de l’Hapoël Tel-Aviv.
Si ça peut rassurer les Lyon-
nais, leurs deuxièmes adver-
saires en Ligue des cham-
pions, ce soir en Israël, sont
en aussi petite forme qu’eux
(battus samedi 2-4 à domi-
cile par la modeste équipe de
Kyriat Shmona). Mais ils ont
beaucoup moins de pression
sur les épaules.
Si la Ligue des champions est
l’occasion pour les Lyonnais
de se refaire une santé mo-
(surtout) le moyen de diver-
sion qu’a utilisé samedi
Jean-Michel Aulas pour cal-
plus important de la se-
maine, en l’occurrence celui
contre Schalke 04, quelques
reur grossière de la défense
adverse à la 21e minute. A
égalité numérique, Schalke
mer les supporteurs récla- jours plus tôt. On n’est pas s’était montrée l’équipe la
mant la démission de Claude obligé de croire Jean-Michel plus dangereuse.
Puel après la défaite contre Aulas. Il affirmait cet été «Nous verrons la situation fin
les Verts (qui, eux, «jouent laavec autant de conviction octobre après dix journées de
que l’objec- championnat et trois de Ligue
«[Les joueurs de Saint-Etienne], tif numéro 1 des champions, a réaffirmé
de son club Aulas pour décider éventuel-
eux, jouent la Ligue des cette saison lement du sort de Puel. L’OL
champions sur Playstation.» était la re- doit franchir la phase de pou-
Jean­Michel Aulas devant les supporteurs conquête du les, c’est déterminant.» No-
t i t re de tamment sur le plan finan-
Ligue des champions sur champion de France. cier. Une qualification pour
Playstation»). L’Europe «est Surtout, la victoire contre les huitièmes de finale paraît
prioritaire à court terme», Schalke 04 avait tout du suc- vitale pour le club, qui a vu
martelait aussi le président cès en trompe-l’œil. Contre son chiffre d’affaires chuter
lyonnais samedi soir. les Allemands, Lyon avait de 50 millions d’euros en
Il avait déjà emprunté joué cinquante-deux minu- deux ans, de 210 à 160 mil-
l’échappatoire continentale tes à onze contre dix après lions d’euros entre autres à
après la défaite à Bordeaux l’exclusion de Höwedes sans cause de la baisse du niveau
(0-2) il y a dix jours, décla- pouvoir inscrire d’autre but des cessions de joueurs.
rant alors que son équipe que celui de Michel Bastos, G.Dh.
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20 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

Fin du pétrole… ou de la spéculation

P
Par LOÏK étrole, gaz, charbon sont des ressources encore du pétrole et donc de la pétrochimie. De ce Ensuite, mettre en place une politique agressive mon-
LE FLOCH­ naturelles issues du vivant, on peut donc côté-là, tout va bien. diale d’économie d’énergie, notamment pour les ap-
PRIGENT­ considérer qu’il y a une limite liée à l’his- En ce qui concerne l’énergie, on connaît deux utilisa- plications de mobilité, par la suppression des moteurs
AGENCE ACP toire de la Terre, puisque forêts, algues et tions majeures : la fourniture de mobilité (automo- dispendieux et polluants. Enfin, développer des
Ex­PDG d’Elf, animaux marins n’ont pas existé en biles, navires, avions, trains) et celle, statique, d’élec- substituts dès que possible, tels les véhicules élec-
Loïk Le Floch­ quantités infinies. Il en est de même pour tricité. Plus de la moitié du pétrole est utilisée pour triques et des flottes adaptées pour les transports
Prigent est tous les minéraux puisque l’écorce terres- la mobilité, là où les substituts sont rares. Depuis urbains.
actuellement tre est également limitée. En revanche, soleil, vent et cent cinquante ans, les progrès d’utilisation de dérivés On pourrait prendre chacune de nos ressources avec
incarcéré eau semblent des valeurs plus pérennes, et par consé- du pétrole pour la mobilité sont spectaculaires, en la même rationalité et en déduire une politique. Mais,
à Fresnes. quent tout ce qui permet de capter cette énergie «gra- matière de rendement et de baisse de la pollution. pour cela, il faut faire travailler les ingénieurs et spé-
En 2003, il a été tuite» et «renouvelable» a, de tout temps, été favorisé D’ailleurs, à l’apparition de l’automobile, tout a été cialistes de chaque secteur. Les économistes et les po-
condamné pour par l’humanité. L’engouement récent pour le renou- essayé et c’est avec l’essence que l’on a trouvé les litiques ne venant qu’après, avec un terrain déblayé.
détournement velable a été jusqu’à la biomasse et aux biocarburants, meilleurs compromis. Mon éducation bretonne était dirigée par des pré-
de fonds. mais la raison a montré la limite de ce raisonnement. La gestion optimale de la ressource pétrole est simple. ceptes rigoureux, le principal d’entre eux étant «Fais
Les forêts sont essentielles à notre survie et un arbre Nous sommes autour de 80 millions de barils par jour ton devoir». Si des circonstances sur lesquelles je n’ai
met des années à se développer. De même, on a besoin et de 80 dollars le baril [59 euros]. Avec ce chiffre, pas eu la maîtrise m’ont éloigné un temps de ques-
de la terre pour se nourrir plus que pour faire tourner on peut tenir une bonne centaine d’années. Sans tions essentielles, tel notre futur collectif, il n’en est
les moteurs. On en arrive donc à deux constats. doute plus. Mais si la demande augmente, par exemple pas de même pour tous les ingénieurs, scientifiques
Le premier est que nos ressources illimitées – soleil, à 100 millions de barils par jour, on risque d’attein- et techniciens avec qui j’ai eu le plaisir de travailler
vent, eau– offrent, avec nos techniques actuelles, peu dre rapidement 150 dollars le baril [111 euros] et de ré- à Rhône-Poulenc, la Direction générale de la recher-
d’énergie et imposent beaucoup d’efforts. Le duire le nombre d’années. Notre intérêt collectif est che scientifique et technique (DGRST), le ministère
deuxième est que, pour les ressources limitées, il s’agit donc de nous en tenir à 80 millions de barils par jour. de l’Industrie, Elf, Gaz de France et SNCF.
plus d’un problème économique que de quantité dis- Mais comment faire? Cela ne paraît pas impossible en Dans ce monde incertain où chacun essaie de com-
ponible physiquement car une augmentation de prix suivant les conditions suivantes. prendre ce que sera l’avenir, il faudrait que chacun
permet d’aller chercher dans les réserves. D’abord éliminer progressivement les utilisations fasse son devoir. Il faut témoigner en disant la vérité.
Il y a encore quelques années, on recherchait le kilo statiques du pétrole, en particulier le cancer des pays «Ne plus avoir peur», comme le demandait Jean Paul II.
d’or par tonne dans les mines. Désormais, avec le prix émergents: ces générateurs diesel en habitat urbain, Relevez la tête, en particulier vous, les ingénieurs pé-
de l’or, on recherche le gramme par tonne. Ce qui est pour compenser le délestage électrique. D’où l’utili- troliers, gaziers et nucléaires. Dites ce que vous vivez
vrai pour l’or, est vrai pour le pétrole, le gaz, le char- sation du gaz, des énergies renouvelables et du et comment vos enfants, nos enfants, pourront conti-
bon ou l’uranium. On est encore très loin d’avoir nucléaire. Le pétrole ne doit être que la ressource de nuer à vivre. Ne soyez plus les esclaves des forces de
épuisé les réserves évaluées et nous n’avons exploré la pétrochimie, du bitume et de la mobilité. la spéculation, de l’obscurité et du fanatisme !
que le tiers des bassins sédimentaires de la planète.
Mais il est clair que les
Si des circonstances sur lesquelles matériels utilisés sont L'ŒIL DE WILLEM
de plus en plus sophis-
je n’ai pas eu la maîtrise m’ont tiqués et les zones étu-
éloigné un temps de questions diées de plus en plus
essentielles, tel notre futur collectif, difficiles. Et ceci a un
il n’en est pas de même pour tous. coût.
Mais il ne faut pas non
plus exagérer. Si, en effet, à chaque nouvelle frontière,
les coûts paraissent prohibitifs, ils vont en décrois-
sant: on appelle cela la courbe d’expérience. Il y aura
donc une baisse des coûts de production. Mais pas for-
cément une baisse des prélèvements des pays produc-
teurs! Arrêtons donc de dire «l’après pétrole». Il y a
et il y aura du pétrole, de même qu’il y a et qu’il y aura
du gaz, du charbon, de l’uranium, de l’or. Une ques-
tion demeure : à quel prix ?
C’est en fait une question double. La première réponse
est aisée : elle a trait au coût. La seconde est impos-
sible: elle demande de faire des prévisions sur les pré-
lèvements des Etats, producteurs ou consommateurs.
Tout le monde, désormais, sait que dans le prix d’un
litre d’essence à la pompe, il y a en majorité la taxe du
pays consommateur et en grande minorité la taxe du
pays producteur. Le coût «technique» est un faible
pourcentage du prix !
La question n’est donc plus celle qui est véhiculée par
la propagande «pro» ou «anti», mais celle de la ges-
tion optimale des ressources et de la répartition des
revenus. Je vais prendre le pétrole pour exemple car
c’est celui qui revient dans toutes les bouches, objet
de tous nos maux, climatiques ou géopolitiques ;
source de toutes les corruptions ; opaque, polluant,
émetteur de CO2. A entendre la nouvelle Cassandre,
il faudrait précipiter le monde dans le nouveau paradis
qui s’annonce : un monde sans pétrole !
Le pétrole, c’est 85% d’énergie et 15% d’industrie
–cosmétique, plastique, bitume– et ce pourcentage
ne cesse d’augmenter. Dans les pays émergents, l’uti-
lisation des plastiques et du bitume est essentielle
– des bouteilles d’eau aux routes en passant par les
canalisations– et il y aura pour des centaines d’années
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
La résurrection des gauches européennes
En France, on sait. Por-
tée par le désamour
dans lequel est tombé
Nicolas Sarkozy, la
gauche y aborde la pro-
chaine présidentielle
dans les meilleures
conditions possibles,
mais les socialistes
français ne sont pas
seuls à reprendre du
Par BERNARD muscle en Europe.
GUETTA En Allemagne et en
Grande-Bretagne éga-
lement, dans les deux autres puissances
européennes, la gauche a le vent en poupe et
remonte dans les sondages. A Berlin, les so-
ciaux-démocrates sont désormais crédités
de 30% des intentions de vote, en progres-
sion de 7 points sur un an. La gauche alle-
mande a repris tant de force que les élections
régionales de l’année prochaine s’annoncent
mal pour les démocrates-chrétiens d’Angela
Merkel et leurs partenaires libéraux, pour
cette coalition de droite issue des législatives
de septembre dernier que la sociale-démo-
cratie et l’autre gauche, les Verts en specta-
culaire ascension, distancent largement
aujourd’hui. Si l’Allemagne votait demain,
ses gauches l’emporteraient haut la main et
Polygamie et loi:
des liaisons dangereuses
Par CHANTAL BRUNEL Députée UMP,
rapporteure de l’Observatoire de la parité
O
n pensait le problème tombé en
désuétude sinon disparu. Mais
voilà qu’en avril, l’affaire Lies
Hebbadj, dite «de Nantes», a fait
ressurgir au cœur du débat cette pratique
longtemps éludée par les pouvoirs publics :
la polygamie. Celle-ci n’a jamais disparu de
notre territoire. Une enquête de la Commis-
sion nationale consultative des droits de
l’homme en 2006 comptait 20000 familles,
près de 200 000 personnes. Des dizaines
d’enfants entassés dans un espace exigu,
attendant dans la rue leur tour pour le repas
et suivant une scolarité intermittente ; des
femmes subissant une situation aussi inextri-
cable qu’avilissante ; des prestations escro-
quées sur le dos du contribuable.
Face à cette réalité, le long silence des pou-
voirs publics peut surprendre. La polygamie
est-elle trop marginale? Moins que la burqa,
sur laquelle l’Assemblée a légiféré. N’est-elle
pas assez inquiétante? Lies Hebbadj aurait-il
donné une explication en affirmant, non sans
un certain contentement: «Si on est déchu de
sa nationalité pour avoir des maîtresses, il y a
beaucoup de Français qui seraient déchus de la
nationalité»? Quoi qu’il en soit, la polygamie
a trop été longtemps tolérée. Seul Nicolas
Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur
en 2006, avait eu le courage d’accepter deux
amendements que j’avais déposés. Hélas,
l’affaire a été enterrée. Ce n’est que récem-
ment que sont apparues les premières propo-
sitions pour lutter contre ce phénomène.
REBONDS • 21
les travaillistes britanniques ont mis moins contraire, que les entreprises et les contri- il rapproche les gauches des syndicats et des
de temps encore à remonter la pente. Battus buables les plus aisés doivent participer à plus démunis dont la quête d’un recentrage
en mai, après treize années de pouvoir, les l’effort commun en payant plus d’impôts. les avait éloignées.
travaillistes n’auront mis que quatre mois On peut ne toucher ni aux entreprises ni aux C’est vrai en France. Ça l’est en Allemagne.
à refaire jeu égal avec les conservateurs dont grosses fortunes parce qu’elles peuvent s’ex- Ça l’est, surtout, en Grande-Bretagne où,
les alliés libéraux démocrates sont en perte patrier et assurent la croissance, ou consi- après avoir inventé la troisième voie sociale-
de vitesse. dérer, à l’inverse, que la baisse continue de libérale, le Parti travailliste vient de porter
Donnée pour morte il n’y a pas si longtemps, leur fiscalité depuis plusieurs décennies à sa tête le candidat des syndicats, Ed Mili-
considérée comme intellectuellement épui- autorise à les imposer plus lourdement et band qui, tout en se défendant d’être «Ed le
sée par une pléiade de politologues, la gau- qu’on ne peut demander de sacrifices à un Rouge» («Red Ed», comme l’a surnommé la
che européenne ressuscite dans les trois plus pays que s’ils sont équitablement répartis et presse conservatrice) pourfend les banques
grandes capitales de l’Union et il y a deux portent, d’abord, sur ceux qu’ils feront le et prône la «prudence» dans la réduction des
raisons communes à ce retournement de moins souffrir. dépenses.
situation. La première est que l’endettement Au cœur de ce débat, on retrouve non seule- Quant à la seconde raison de ce réveil des
et les déficits publics euro- ment la question du rôle éco- gauches, elle est que les difficultés budgé-
péens ont ramené droite et DIPLOMATIQUES nomique de l’Etat, systéma- taires aiguisent les différences entre les diffé-
gauche à leurs fondamen- tiquement diminué par les rents courants des droites européennes qui
taux. Partout, il faut réduire l’écart entre les trois décennies libérales, mais toute la ques- ont de plus en plus de mal à gouverner
dépenses et les rentrées des Etats car le ren- tion, aussi, de la justice sociale et de la cohé- ensemble.
chérissement de la protection sociale, le ra- sion politique qui en dépend. Face à la dette En France, la guerre est déclarée entre un
lentissement de la croissance et les relances publique, gauches et droites reviennent à leur président de la République de culture libérale
budgétaires imposées par la crise de 2008 identité, leur histoire et leurs bases sociales. et les branches gaulliste et centriste de sa
ont porté leur dette à des niveaux insoute- On le voit, en France, avec la bataille rangée majorité. En Allemagne, la démocrate-chré-
nables. Partout, droites et gauches s’accor- sur la réforme des retraites. On le voit dans tienne qu’est Angela Merkel supporte de plus
dent sur cette nécessité mais il y a, bien sûr, les trois pays, avec le refus que les gouver- en plus mal l’allergie fiscale de ses parte-
plusieurs manières de rééquilibrer les comp- nements de droite opposent à toute véritable naires libéraux. En Grande-Bretagne, enfin,
tes nationaux. augmentation des impôts. Paneuropéen, le les électeurs libéraux démocrates, des cen-
On peut se contenter de tailler dans la dé- problème de la dette fait non seulement tristes, se détournent de leur parti car ils es-
pense, de sacrifier les services publics et les émerger des droites et des gauches euro- timent que le libéralisme de ses alliés conser-
programmes sociaux, ou estimer, au péennes aux traits
122x163-HS Gd communs et affirmés mais
Ecrivains.qxp:Mise en vateurs
page 1 a 28/09/10
trop déteint11:09
sur lui. Page 1
Déchéance de nationalité, lutte antifraude,
sanction de la polygamie au titre d’une vio-
lence faite aux femmes. Rien n’est encore
fixé, et pour cause, Lies Hebbadj a mis le
doigt sur la difficulté principale: que signifie
être polygame ?
Le dispositif légal en vigueur sanctionne le
fait de contracter plusieurs unions civiles,
mais la plupart des unions sont célébrées à
l’étranger. En outre, de nombreux polygames
se marient religieusement à plusieurs fem-
mes et n’en déclarent qu’une comme épouse
officielle, les autres pouvant toucher l’alloca-
tion de parent isolé. L’arsenal législatif est la-
cunaire, alors, que sanctionner exactement?
S’il s’agit du simple fait d’entretenir plu-
sieurs foyers, autant recréer une police des
mœurs ! S’il s’agit de la fraude aux presta-
tions sociales ou d’une violence faite aux
femmes, il existe des sanctions adaptées. Un
moyen de sortir de l’impasse serait d’ajouter
un critère de contrainte, que celle-ci soit
physique, morale ou économique. Le délit de
polygamie condamnerait le mari qui impose
à plusieurs femmes une union de fait, carac-
térisée par une stabilité, une dépendance et
une continuité. Cette définition serait suffi-
samment large pour englober certains délits
collatéraux potentiels (violences, fraude…)
et suffisamment étroite pour que ne soient
Connaissez-vous les grands écrivains ?
pas concernés les époux pour lesquels ma- Quel rapport y a-t-il entre Rabelais et Céline ou Frédéric Dard ? Pourrez-vous distinguer
riage et fidélité ne font pas bon ménage. les vers de Verlaine de ceux de Rimbaud ? A l’occasion de la rentrée littéraire, Le Monde
Une chose est sûre : dans nos démocraties vous propose un parcours ludique et instructif dans le monde des lettres, du Moyen Âge
libérales où chacun veut conserver intacte la jusqu’à nos jours. En 300 quiz et jeux, vous partirez ainsi à la découverte des écrivains,
de leurs œuvres, des histoires et de l’Histoire, de l’homme et des passions humaines.
sphère privée, les liaisons entre le législateur
et le polygame ne sont pas seulement DÈS LE 23 SEPTEMBRE, CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
complexes, elles sont aussi dangereuses.
 VOUS
22 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

On c
onna
la Cans ît
on

lorants, tous
les ingrédients sont là.
Prêts à être violemment
touillés.
naît dans le En guise d’usine, 25000 m2
bruit et la moiteur. carrés d’humidité, de chaleur

Par CATHERINE MALLAVAL
Envoyée spéciale à Annonay
POCHETTE Le fameux
papetier, sis en Ardèche,
fait à chaque rentrée un
carton auprès des
écoliers et des artistes.
Effeuillage d’une marque
de plus de 450 ans.
S
e Ici que l’on fabrique tous
glisser
dans leurs
petits papiers.
Se faire ouvrir les portes
du moulin du Roy. Et péné-
trer enfin dans le monde des enfants
de la balle. Les vrais, les papetiers
de Canson. Ceux qui, depuis l’Ar-
dèche, font à chaque rentrée sco-
laire un carton avec leur mythique
pochette verte et crème, cette an-
née relookée pour mieux clamer :
«Papiers d’inspiration depuis 1557.»
L’objet immanquablement «pres-
crit» par les instits et profs de des-
sin, qui chaque année réveille les
souvenirs de classe des parents et
donne des envies de croquer aux
enfants. Sur des feuilles «C’» à
grain , des «Mi-teintes» thé vert,
myrtille, ou safran, des millimé-
trées, des calques satin…
C’est là, à Saint-Marcel-lès-Anno-
nay, arrosé par l’eau pure de la
rivière Deûme, que le papier velours
sur lequel Degas fit glisser ses pastels
et de raffut dont on se protège
les jours 45 tonnes de longues avec des bouchons dans les
feuilles qui s’envolent des cours oreilles. C’est un gigantesque ham-
d’écoles aux cimaises des musées. mam où les balles de fibres se jettent
de tout leur poids dans un pulpeur
HAMMAM. Fini de se battre comme qui, tel un énorme robot de cuisine
des chiffonniers pour récupérer les d’1,5 tonne, les mixent avec l’eau de
meilleurs tissus qui, à force d’être la Deûme pour livrer une grosse
mouillés dans un pourrissoir, deve- soupe blanchâtre. Epuré, le liquide
naient pâte à papier. On attaque la se met maintenant à dévaler sur une
visite du moulin du Roy par la ma- table plate de vingt mètres sur trois.
C’est là que la toile de pa-
pier prend forme. Des
Canson ne s’est pas toujours feutres, grosses barres de
appelé Canson, mais Montgolfier. cuivre, lui impriment du
Une montgolfière stylisée est grain ou la lissent. La toile
d’ailleurs le logo de la marque. s’écrase et crache son eau
en se faufilant dans trois
presse-essoreuses, finit
tière brute : le bois. Point de ron- d’exsuder en se couchant sur des
dins, mais des tas de balles bourrées cylindres chauffés à la vapeur.
de fibres. Les résistantes des rési- Enorme. Ça impressionne (papier
neux, les courtes des feuillus et carbone…).
eucalyptus, les soyeuses du coton L’immense feuille est maintenant
dont raffolent les aquarellistes. Des enduite d’amidon, sauf à vou-
sacs d’amidon, de charbon actif, de loir du papier buvard. Encore un
talc des Pyrénées, des tubes de co- coup de séchage. Et «à ce stade, on
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
n’arrête de
jouer avec
l’eau», badine
Daniel Triou-
leyre, le direc-
teur du site. Le
papier s’enroule
maintenant en bobines de 300 kg
à une tonne. Débitées par des bobi-
neuses, elles fileront se faire massi-
coter, mettre en pochettes, en blocs
ou en albums, à quelques kilomètres
de là, sur le site du Grand Mûrier.
Ce jour-là, après une heure et demie
d’usinage, le papier est blanc. Epais.
Doux. Sensuel comme de la soie.
D’un bel épair: en transparence, pas
de nuages. Un fil d’eau lui a coupé
des bords frangés. Le commandi-
taire est un éditeur d’art. «Voyez,
SAVEZ­VOUS PARLER PAPIER ?
Petite révision
Azur: afin de masquer un éventuel
manque de blancheur des feuilles,
les papetiers ajoutent du bleu à la
pâte (bleu de Prusse, indigo,
bleu Joseph).
Balle: paquet de dix rames de
papier. L’expression «enfant de la
balle» s’utilise dans le monde du
papier. Mais elle est née dans
l’imprimerie (et non au cirque). La
balle était un tampon de crin
entouré de tissu servant à encrer
les planches de caractère.
Epair: aspect du papier observé
par transparence. Régulier et d’une
c’est une usine
de spécialité»,
lance avec élé-
gance Charles
de James, direc-
teur de l’activité
papiers beaux-
arts. Oui, une
vieille spécialité
qui se défie du di-
gital. Avec des ma-
chines qui vrom-
bissent vingt-
quatre heures sur
vingt-quatre, sept
jours sur sept, et une
centaine d’employés
en bleu qui s’y re-
laient. Des hommes
seulement. Encore
parfois de père en fils.
Le papier c’est du cos-
taud. Et Canson, toute
une histoire qui s’ex-
porte dans 150 pays,
particulièrement en Es-
pagne et aux Etats-Unis,
mais aussi en Chine, ber-
ceau du papier il y a plus
de deux mille ans.
En fait, Canson, vénérable
marque aux 100 millions
d’euros de chiffre d’affaires, leader
français du dessin scolaire (un tiers
du chiffre d’affaires), champion
mondial du papier beaux-arts (un
autre tiers du chiffre d’affaires),
sans avoir raté le coche du techni-
que et du numérique (avec ses ra-
mes pour conception assistée par
ordinateurs, etc.), ne s’appelle pas
Canson. Mais… Montgolfier. Et
comme se plaît à le souligner
Jacques Joly, directeur général de la
marque, dans le petit village d’An-
nonay, encore aujourd’hui, si «vous
tapez sur un arbre, il en tombe dix
Montgolfier». Comment ça? L’expli-
cation, la voilà.
Il était une fois Jacques Montgolfier,
premier papetier d’une longue saga,
qui en 1557 s’installa au moulin de
bonne opacité, on le dit «fondu». Il
devient persillé quand des très
petits amas de fibres sont répartis
régulièrement, et nuageux quand
les amas dessinent des ombres.
Format: mais non, il n’y a pas que
le A4 (21x29,7) mais une ribambelle
de formats avec des petits noms.
Le Raisin (50x65), le Petit Aigle
(70x94), l’Univers (100x130), etc.
Grain: il est A ou C (selon
l’épaisseur), fin ou satiné, et
accroche plus ou moins les mines
de crayon.
A lire: «D’art et de papier», de Marie­
Hélène Reynaud, ed. Textuel
VOUS • 23
ELDORADOS
Par MARIE­JOËLLE GROS
«C’est ton avenir,
il ne tient qu’à toi, etc.»
Vidalon (aujourd’hui un quartier
d’Annonay). S’ensuivit une belle
descendance et surtout une dynas- est sûr, ça fait un Entre les cours, elles vont
tie de visionnaires de la papeterie
qui, en 1777, mirent au point un pa-
pier vélin, sans grain et si lisse qu’il
«C’ petit boum au cœur
de se dire qu’on est
reparti pour trente-six semai-
«au tabac, à la boulangerie, où
on veut! Plus besoin de se jus-
tifier !» Najoua tape dans la
cloua la plume aux nostalgiques du nes, confie Mehdi qui vient main de sa copine: «Pareil!»
parchemin fin, en peau de veau d’entrer en cinquième. Oui, Elles sont catégoriques :
mort-né. L’exploit ne s’arrête pas là. trente-six semaines, j’ai «Nous, quand on ne nous met
En 1782, un étrange sac de papier se compté», insiste le collégien. pas la pression, on a envie
met à enfler au-dessus d’un feu Mehdi est assis dans l’herbe d’aller en cours.» N’empê-
allumé dans la cour de la manufac- du parc de Bercy, à Paris. Son che, leur rentrée au lycée
ture des Montgolfier. Il se redresse, copain Corentin lui fait face. s’est assortie d’une mise en
s’envole. Joseph et Etienne Mon- Chacun tient une console de garde des parents. Najoua
tgolfier viennent tout simplement jeux. «La rentrée, c’est un ef- mime sa mère: «Cette année,
d’inventer la montgolfière, qui sert fort physique et mental», sou- tu vas travailler. Je ne veux pas
encore de logo (très stylisé) à la pire Mehdi. de bêtises, pas d’absences. On
marque Canson. Bluffé, Louis XIV fera le point à la fin du premier
anoblit la famille, qui devient de Najoua et Sokaïna ne se con- trimestre et si ça ne va pas, il
Montgolfier, tandis que la manu- naissaient pas trois semaines n’y aura pas de cadeaux à Noël
facture devient papeterie royale. plus tôt. Mais elles sont en- et plus de portable.» Sokaïna,
Bientôt, de Montgolfier va devenir trées au lycée dans la même hilare :«Pareil !»
Canson à l’occasion du mariage classe de seconde et, entre
d’Alexandrine, l’une des six filles elles, il y a eu comme un Pour elles, c’est une évi-
d’Etienne de Montgolfier, avec Bar- flash. Depuis, elles ne se dence, les parents radotent.
thélémy de Canson. quittent plus et flânent dans Et d’une famille à l’autre,
le parc après les cours, retar- c’est l’éternel même refrain:
REPENTIR. Chance, Barthélémy le dant le moment de se sépa- «De toute façon, c’est ton ave-
gendre ne manque pas de patte. rer. «On est d’accord sur nir, il ne tient qu’à toi de, etc.»
En 1809, il invente le papier-calque tout», dit l’une, et l’autre lui Sokaïna, subitement lasse :
dont s’éprennent les architectes. Les tape dans la main en criant : «Ça va, on sait...» On sait
innovations s’enchaînent. En 1853, «Pareil !» Des siamoises ? quoi? «On sait bien qu’on doit
c’est le papier photo… Entre-temps, «Franchement, j’ai trop flippé taffer. On pense aux parents
Ingres a obtenu qu’on lui fabrique pendant l’été, je croyais qu’au quand on est en cours. Mais
un papier capable de conserver la lycée les grands écrasaient les quand on se retrouve devant
moindre nuance de la mine et des petits : je me suis inquiétée eux et qu’ils répètent la même
pigments qui vient enrichir la pour rien, raconte Najoua, chose pour la cent millième
gamme du papetier. Plus tard, Aris- emballée. En fait, les gens fois, on fait genre on s’en fout
tide Maillol (sculpteur et peintre sont sociables, les surveillants et on se tape des barres!» Elle
du XIXe siècle) aura aussi le sien: le ne crient plus pour qu’on se lève la main, sa copine
Montval, d’un excellent repentir mette en rang, on est libre !» frappe dedans: «Pareil!» •
(capacité du papier à être «lavé» au
pinceau pour correction).
En 1877, le catalogue est déjà riche
de plusieurs centaines de référen-
ces (plus de 3000 aujourd’hui, sans
compter les demandes spécifiques).
En 1947, la marque – qui a «bien
écouté les maîtres d’école», s’amuse
Catherine Barthe, la responsable de
celle-ci – invente la célèbre po-
chette à dessin chouchoute de
l’école: fini de ployer sous des blocs
à dessins et de ne pouvoir afficher
dans les classes les chefs-d’œuvre
des petits. La vieille marque prend
s on e s s or . E m ploie j u s -
qu’à 1 000 salariés. Conquiert le
monde dans les années 80. Mais le
secteur du papier commence à se
racornir et se restructure. En 1976,
Canson est acheté par le papetier
Arjomari, futur Arjowiggins, avant
de retomber en 2007 dans les bras
du groupe familial normand Hame-
lin (Oxford, Elba…). Comme une
sorte de retour à la maison. Avec de
nouveaux desseins. Renouer au plus
près avec le pilier historique de
l’entreprise : les beaux-arts. Deux
sites pour artistes de tout poil ont
vu le jour –Canson.com et Latribu-
desartistes.com, sorte de galerie en
ligne –, un fonds, un prix beaux-
arts. Mais il faut savoir terminer un
papier… •
 CULTURE
24 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

Philippe Katerine et son

doudou, le 23 septembre.

Comme si je réinventais le Tour de

France dans ma chambre quand
j’étais gamin…» D’autres fois, le jeu
est de construction : dans Les der-
niers seront toujours les premiers,
Katerine le numérologue récite l’al-
phabet à l’endroit et à l’envers ;
Musique d’ordinateur se décline
autour du seul son d’allumage Mi-
crosoft sur PC. Il est enfin des mor-
ceaux plus classiques dans leur ar-
chitecture, comme les excellents
Des bisoux (sur la quête universelle
d’amour), la Banane (éloge de la
paresse), Té-lé-phone (hymne anti-
portable), ou le joliment bossa Pa-
rivélib’ (déambulation vélocipédi-
que nocturne sous ecstasy).
Musicalement, l’album n’est pas un
sommet de complication. Ce qui
tombe bien, vu qu’il n’en a claire-
ment pas l’ambition. Au contraire:
le dépouillement est ici revendiqué,
avec un minimalisme (un ou deux
instruments par morceau) aussi
poussé que celui des textes. Voire
des titres chantés a cappella. De
quoi renforcer le caractère unitaire
de l’ensemble. «Pour Robots, ce
sont les machines qui jouaient, rap-
pelle Philippe Katerine. Là, ce sont
des humains, sans aide technolo-
gique. On est passé de l’urbanité à la
ruralité. D’ailleurs, cet album aurait
pu s’appeler Humains malgré tout.»

«SANGUINOLENTES». Osons dé-

sormais une affirmation. Non, la
dernière saillie du Vendéen artisti-
quement polymorphe (musique,
ciné, danse, dessin, livres, perfor-
mances), avec ses aphorismes-slo-
gans, ne se fout pas totalement du
monde. Mais elle permet à son
auteur d’aller au bout du propos
barré et amusé qui est le sien depuis
ses débuts, il y a bientôt vingt ans,
avec les Mariages chinois. Mieux,
cette farce se révèle réjouissante sur
CHANSON L’artiste grinçant sort un huitième album qui joue la longueur.
Pourquoi alors ne pas prendre ce
le dépouillement mélodique et textuel. Diagnostic. Philippe Katerine pour ce qu’il est
– un disque simple mais élégant,
sans sophistication déplacée–, non

Katerine, tout court

Par PHILIPPE BROCHEN l’écriture simple, parfois cinglante,
Photo MATHIEU ZAZZO toujours déjantée; mélodiquement
aussi entêté qu’entêtant, ou un im-
sensible que l’abyssal mystère de la
prépondérance de l’œuf sur la
poule. Alors, avant d’avancer une
comme des dessins. Je trouve qu’avec
une économie de mots on dit plus de
choses.» Parfois, lesdits morceaux
pas pour ce qu’on aurait voulu
qu’il soit ou, plus encore, ce qu’on
croit qu’il est. Et, dans cette hypo-
thèse, applaudissons l’artiste et le
«happeneur». Dans le film de Ka-
terine, Peau de cochon, Domini-
que A disait en substance de son
ami : «Il n’a pas peur du ridicule, il
n’a pas d’amour-propre.»
Mais, très cher Philippe, il y a tout

C’
est un disque de la ren-
trée qui fait débat. De ce
point de vue, le nouvel
album de Philippe Kate-
rine a remporté l’affaire haut la
main côté marketing. Mais qu’en
est-il artistiquement ? Le succes-
seur du prospère Robots après tout
(qui aurait vendu 150 000 exem-
plaires depuis 2005), porté par le
gimmick «Et je coupe le son, et je re-
mets le son…» (dans Louxor j’adore),
est-il une merveille de simplicité
surréaliste pop-variétoche, ou une
potacherie fainéante ? Un mani-
feste mi-pataphysique mi-dada, à
mense foutage de gueule ? Une opinion, disséquons l’affaire se résument à une simple formule, de même de la provocation dandy
brillante collection de haïkus aigui- cliniquement. chantée ad libitum : «Je m’éloigne là-dedans? «Non, ce n’est pas mon
sés en autant de slogans existentia- d’autant que je m’approche», «Bla truc, s’étonne Katerine. Si je le vou-
listes et anars, ou un pur ratage de YÉYÉ PUNK. Philippe Katerine, hui- bla bla», «J’me sens bien, j’me sens lais, j’irais bien plus loin. Parfois,
la part d’un pourtant efficace tième livraison du bonhomme aux mal», «Liberté mon cul égalité mon j’écris des chansons atroces, sangui-
ongles peints et collants, cul fraternité mon cul», «A toi… A nolentes. Mais, comme je ne désire
«Je trouve qu’avec une économie totalise 24 titres, cin- toi…», «Comment tu t’appelles? Phi- pas faire de peine aux gens, je les
de mots on dit plus de choses.» quante minutes et cinq lippe», «Juifs, Arabes», «Je suis la jette. Moi, mon truc, c’est la mise en
secondes. Le morceau le reine d’Angleterre et je vous chie à la scène, pour provoquer de l’émotion.»
Philippe Katerine
plus long dure trois mi- raie», etc. On y est. La légèreté. Le jeu. L’ima-
auteur-compositeur-interprète, en nutes dix-neuf, le plus court, tren- «J’aime les gestes brefs, assure Ka- gination. La dérision. Pas la préten-
mal d’inspiration, qui toucherait le te-trois secondes. Pas loin du for- terine. Comme la moustache de Du- tion. Mais on peut bien évidem-
fond de sa provocation ? mat yéyé et de l’esprit punk. champ avec la Joconde. Ou les mo- ment se tromper. •
Convoquer tous les experts de la «J’aurais pu faire mille autres albums, nochromes d’Yves Klein. J’aime aller
faculté rock-critic ne suffirait pas assure Katerine. Mais c’est celui-là au plus profond de moi-même. J’en PHILIPPE KATERINE
à répondre à cette question, aussi que j’ai fait. J’ai pensé ces morceaux sors comblé, léger. Vide et céleste. CD: PHILIPPE KATERINE (Barclay).
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 CULTURE • 25

Mort du décorateur Pierre Guffroy «Le conflit

Le grand chef décorateur français Pierre Guffroy est mort
absurde de l’art
dimanche, à 84 ans. Né à Paris le 22 avril 1926, il a fait l’Idhec et du pouvoir:
après les Beaux-Arts, il avait débuté au côté de Jean Cocteau mes œuvres ont été
pour le Testament d’Orphée. Il a ensuite travaillé avec François créées pour cela,
Truffaut, Claude Sautet, Luis Buñuel, Roman Polanski, Milos
Forman, Ettore Scola, Nagisa Oshima. Il a reçu trois césars
illustrer cette idiotie
et un oscar (pour Tess). des idiots.»
Avdeï Ter­Oganian peintre
Lectures pour la maison de Colette russe censuré par Vladimir
Danièle Delorme, Arielle Dombasle, Andréa Ferréol, Cathe- Poutine, et que sept de ses
rine Jacob, Micheline Presle, Leslie Caron, Juliette, Mathieu pairs veulent soutenir en
Amalric, Carole Bouquet, entre autres comédiens ou chan- boycottant une expo russe
teurs, liront Colette, le 9 novembre, au théâtre du Châtelet, en octobre au Louvre
à Paris. Les bénéfices de cette soirée de bienfaisance de-
vraient servir au sauvetage de la maison natale de l’auteure

25
de Claudine à l’école, à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne).

Mylène Farmer, «Oui mais non»

Tel serait le titre du single d’appel d’un album à l’étude de
la chanteuse canadienne quinquagénaire Mylène Farmer (Li-
bertine), de sortie ce jour.
Droit de réponse
L’article intitulé «Chez Dey-
rolle, homard m’a tuer»
paru dans l’édition du
4 août, titre qui évoque une
affaire devenue synonyme
d’erreur judiciaire, met en
cause Louis Albert de Broglie
«accusé» par Anne Dele-
porte de détenir des œuvres
qui seraient sa propriété. Il
faut préciser que Madame
Deleporte a fait assigner la
société Deyrolle et non Mon-
sieur de Broglie, et ce après
la parution de cet article
qu’elle produit dans le cadre
de la procédure comme une
pièce en sa faveur, pour une
audience qui se tiendra en
octobre 2010. Son action re-
pose sur la confusion que fait
Madame Deleporte entre ses
droits d’auteur et le droit de
propriété sur les œuvres qui
revient à Deyrolle sur des
œuvres de commande finan-
cées par cette société. Dey-
rolle a, en effet, fourni toute
la matière première, proposé
de mettre à disposition des
éléments de son patrimoine,
couvert les frais d’Anne De-
leporte pour le montage de
l’exposition (1350 euros), fi-
nancé la réalisation et la
promotion des œuvres
(20 000 euros) par un dîner
de 60 personnes, un cocktail
de plusieurs centaines d’in-
vités et la réalisation du li-
juridiquement les relations
entre les parties, alors que le
principe d’un partage de ré-
munération sur la vente des
œuvres a été convenu et ap-
pliqué, Madame Deleporte
ayant reçu à ce titre, à la
suite de la vente du 15 no-
vembre 2009, une somme de
900 euros. Il sera démontré
que la réclamation de Ma-
dame Deleporte visant à se
faire juger propriétaire des
œuvres de commande finan-
cées par Deyrolle n’est pas
fondée, par une réponse cir-
constanciée qui sera déposée
devant le tribunal appelé à
statuer en référé. Deyrolle
regrette qu’Anne Deleporte
ait cru bon de contacter la
presse, avant que la décision
qu’elle a sollicitée n’ait été
rendue, dans le but évident
de semer le discrédit sur son
adversaire et de créer un cli-
mat qu’elle pense propice à
sa thèse.
Réponse de Vincent Noce. Le
prince de Broglie ajoute ici
quelques détails sur ses mé-
saventures avec une artiste
qu’il a exposée, en modifiant
les chiffres qu’il avait lui-
même donnés dans ses pre-
mières déclarations rappor-
tées dans nos colonnes.
Quoi qu’il en soit, il a re-
connu n’avoir établi aucun
Gil Vicente, à la Biennale de São Paulo, devant sa série Ennemis. PHOTO MAURICIO LIMA. AFP livres interdits,
«25 seulement sur
254000»: c’est ce qu’a
FUSAIN L’artiste brésilien Gil Vicente expose une série allégué hier le ministère
d’œuvres dans lesquelles il tue les grands de ce monde. koweïtien de l’Information,
pour défendre sa décision
tyrannique de boycotter
Des dessins mortels des ouvrages à la Foire
annuelle du livre locale,
qui devrait se tenir
du 13 au 23 octobre.
il Vicente en veut au On ne sait si l’artiste a réussi n’entend se vendre que dans Les livres prohibés, pour
G monde entier. Ce n’est
pas une simple lubie
chez cet artiste brésilien de
sa catharsis au fusain, mais
elle a déclenché une belle
polémique à la Biennale de
son intégralité, pour la
somme de 260 000 dollars
(191 000 euros).
atteinte aux prophètes,
pornographie ou plus
si affinités, sont pour la
52 ans, mais une colère poli- São Paulo, ouverte la se- SAMUEL CHAMBAUD plupart égyptiens.
tique essentielle et argumen- maine dernière.
tée. Dont l’intéressé, qui se A l’heure où le Premier mi-
défend de tout «grief person- nistre russe Vladimir Poutine
nel», a d’ailleurs fait la ma- ordonne l’interdiction d’une
tière même d’une œuvre toile conceptuelle du peintre
«artistique». Avdeï Ter-Oganian coupable
Entre 2005 et 2006 Gil Vi- d’être légendée : «Cette
cente s’est lancé dans l’éla- œuvre appelle à commettre un
boration d’une série d’auto- attentat contre l’homme d’Etat
portraits au fusain, où il V.V. Poutine, dans le but d’ar-
exécute symboliquement, rêter son activité étatique et
mais méthodiquement, les politique» (lire ci-dessus),
l’ordre des
«Et les reportages sur la avocats bré-
violence à la télé, alors!? Il n’y silien a ainsi
requis le retrait
a que mes toiles qui soient de la collection
une apologie du crime?» en neuf meur-
tres, sobre-
Lénine
Gil Vicente
ment intitulée
principaux dirigeants de la Ennemis, arguant par com-
planète. L’ancien président muniqué que, «pour exposer
américain George W. Bush publiquement, il faut des
inaugure son travail, repré- limites».
Staline
senté à genoux, pistolet sur Gil Vicente se défend : «Ils et la musique
la tempe. Idem pour le prési- allèguent que c’est faire l’apo-
dent iranien Mahmoud Ah- logie du crime, mais le vol de
madinejad ou l’ancien Pre- l’argent public n’est-il pas un CINÉ-CONCERTS
mier ministre israélien Ariel crime? Et les reportages sur la
Sharon. La reine d’Angle- violence à la télé, alors!? Il n’y 07/10, 20h Octobre film d’Eisenstein Chostakovitch
terre y passe à son tour, a que mes toiles qui soient une Orchestre National d’Île-de-France Dmitry Yablonsky
08/10, 20h Aelita film de Protazanov Kourliandski
Scène du film Octobre d’Eisenstein - Licences  1014849, 1013248, 1013252.

vret de l’exposition. Aucune
œuvre n’ayant été vendue, à
sa demande, Monsieur de
Broglie a avancé à Anne
Deleporte 2 000 euros.
Mme Deleporte a souhaité
une deuxième exposition,
faite toujours aux frais de
Deyrolle, à un prix décoté de
50%, sans plus de succès,
car une seule vente à un tarif
à nouveau remise de 25% a
été faite. En l’absence de
contrat écrit, la loi et les usa-
ges permettront de qualifier
contrat, verbal ou écrit, en ce
sens avec l’artiste, dont il a
gardé toutes les œuvres au
motif que l’exposition était
déficitaire. Il appartiendra le
13 octobre au tribunal de Pa-
ris d’examiner la validité ju-
ridique de cet argumentaire.
Une chose est sûre : le
prince, qui se présente
comme «le défenseur des
artistes», veut bien les expo-
ser et les défendre, à condi-
tion de ne s’exposer à aucun
risque commercial.
abattue de dos sans façon par apologie du crime ?» expli-
(création) Ensemble 2e2m Pierre Roullier
l’auteur, comme le pape, en- que-t-il dans une interview
tre Fernando Henrique Car- à l’AFP. 09/10, 20h La Nouvelle Babylone film de Kozintsev
et Trauberg Chostakovitch Orchestre Philharmonique
doso, révolvérisé, et Kofi An- Les commissaires de l’expo- de Radio France Frank Strobel
nan, tandis que le populaire sition ont déjà apporté leur 17/10, 20h Lullaby for Moscow film documentaire
président brésilien Lula da soutien au doux forcené, en de Kaufman et Kopaline Moscow Contemporary Music
Silva, saucissonné sur une refusant, au nom de l’indé- Ensemble Alexei Vinogradov
chaise, doit s’apprêter à se pendance et de la liberté
voir égorgé comme un bœuf. d’expression, que ses neuf
«Ils tuent tant de monde qu’il fusains de 2 mètres de haut Cité de la musique
vaudrait mieux les tuer eux sur 1,5 mètre de large soient
www.citedelamusique.fr 01 44 84 44 84
[…]. Pourquoi les gens au pou- bannis de la Biennale.
voir ou ceux des classes aisées Concrètement, la série régi-
ne meurent-ils pas?» s’inter- cide de l’artiste en révolte
roge Gil Vicente. radicale contre le système
 ECRANS&MEDIAS
26 • LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

Image extraite du documentaire, tourné dans deux cités de Vitry­sur­Seine, dont celle où Sohane, 17 ans, avait été brûlée vive dans un local à poubelles en 2002. PHOTO DR

TÉLÉ Le docu sur les violences faites aux femmes journaliste, avec la promesse, dit-
elle, que «le documentaire parlera
prend-on que Hakim et Yassine, «à
24 ans, vivent de petits business, de
déprogrammé par Arte fin août est diffusé ce soir. plus largement de l’évolution des rap-
ports garçons-filles dans les quar-
petits trafics. Jamais levés avant
midi, ils tiennent les murs». Sauf que
tiers». Le rédacteur en chef de Doc Hakim travaille à l’aéroport d’Orly

La cité des
en Stock ainsi que le producteur,
Daniel Leconte, n’ont pas voulu
commenter les déclarations de leur
journaliste. Après avoir reçu Libé-
ration, Daniel Leconte nous a inter-
dit d’utiliser ses propos, de peur
depuis 2005, son casier judiciaire
est vierge, et que Yassine est intéri-
maire.
Toujours selon le commentaire,
Okito, 18 ans, est un jeune Français
d’origine sénégalaise, chef de

lieux communs
qu’ils soient utilisés en justice. La
réalisatrice, elle, est invisible et ne
s’exprime pas depuis le début de
l’affaire.
CARICATURALE. Laïb dit avoir pré-
senté une cinquantaine de person-
Par STÉPHANIE BINET morte en 2002 Sohane Benziane, «fixeuse» alors que sa fiche de paie nes à la réalisatrice. Au final, la Cité j’ai peur qu’on me retire la garde si le
17 ans, brûlée vive par un amou- indique «journaliste-pigiste») ne du mâle donne la parole à dix jeunes
bande de la cité Barbusse. Il est
d’origine congolaise, et lycéen, en
dernière année de BEP. Sa mère Ni-
cole, qui a cinq enfants, est terrifiée
à l’idée que le docu soit diffusé :
«J’ai des enfants mineurs encore sous
mon toit, raconte-t-elle à Libération,
papa voit ça. On va dire au monde

Q
uelques personnages
floutés et certains pas-
sages du commentaire
bipés. Voilà les maigres
retouches que devrait
apporter le producteur Doc en
Stock au documentaire la Cité du
mâle qu’Arte diffuse ce soir, après
l’avoir déprogrammé à la dernière
minute il y a un mois, suite à un
appel affolé de la journaliste qui a
permis sa réalisation, Nabila Laïb.
Depuis, elle menace de déposer un
référé contre la société de produc-
tion pour «approximations, erreurs,
mensonges» (ce qu’elle n’a toujours
pas fait à l’heure où nous impri-
mons) tandis que la réalisatrice du
documentaire, Cathy Sanchez, an-
nonce en retour vouloir assigner la
journaliste en diffamation…
«GIFLE». La Cité du mâle se veut un
document inédit sur les violences
faites aux femmes à Vitry-sur-
Seine, ville du Val-de-Marne où est
reux éconduit qui voulait lui inter-
dire les portes de la cité. Dans la
version qui devait être diffusée le
31 août, le documentaire interroge
des machos immatures qui squat-
tent au pied des cités. Il s’entame
par la démolition d’une des barres
de la cité Balzac à Vitry-sur-Seine.
Le commentaire –grosse voix dra-
matisante – précise que c’est la
barre où est morte Sohane. En fait
non, l’immeuble où Sohane a ago-
nisé est encore debout.
Peu importe, la réalisatrice Cathy
Sanchez profite de cette démolition
pour interroger une habitante. Tou-
jours émue par le souvenir de So-
hane, la femme est prise à partie
par un grand Black, qui se dit ami
de l’assassin: «Je vais te mettre une
grande gifle dans ta bouche. Evite de
parler.» Hors-champ, une autre
voix (faute incluse): «Qu’elle crève
Sohane, qu’elle va en enfer».
Présente ce jour-là, Nabila Laïb (que
Doc en Stock s’obstine à qualifier de
pensait pas que la séquence avait
été filmée. Laïb, écartée du mon-
tage du documentaire pour lequel
elle a pourtant trouvé la majorité
des protagonistes, la découvre le
jour de la diffusion chez Doc en
Stock. En regardant les quinze pre-
mières minutes, Laïb dit avoir été
prise d’un malaise. La journaliste,
31 ans, mère de deux enfants, est
une proche de la famille Benziane,
amie des sœurs de Sohane qui habi-
tent toujours la cité Bourgogne.
Nabila Laïb a commencé le journa-
lisme dans la revue de SOS racisme,
Pote à Pote, a cosigné des enquêtes
dans le Point, puis a suivi la forma-
tion de l’ESJ à Montpellier et a ob-
tenu un contrat de qualification à
France 2. La jeune femme a su ex-
ploiter ses contacts privilégiés dans
les banlieues. Après avoir refusé
une première fois en mars 2010
d’être «fixeuse» pour ce docu-
mentaire, elle se laisse convaincre
un mois plus tard par un poste de
hommes, entre 18 et 24 ans, à qua- entier que je suis une mauvaise
tre jeunes femmes de 15 à 22 ans, et mère.» Elle raconte les circonstan-
à une mère de famille. Au mieux, ils ces du tournage : «Un jour, je suis
ont une attitude
passive, au pire, le Hakim, 24 ans, est présenté dans le
plus souvent, ils
tiennent un discours
docu comme un chômeur vivant de
effrayant de bêtise, petits trafics. En réalité, il travaille à
violent et sans Orly et son casier est vierge.
aucune distance.
Seul un adulte, animateur et rap- rentrée du travail, j’ai trouvé des gens
peur – présenté comme un fils de avec des caméras chez moi. Cathy et
polygame –, remet dans les deux Nabila m’ont expliqué qu’elles fai-
dernières minutes du film les té- saient un reportage sur les jeunes de
moignages en perspective. cité, qu’ils n’étaient pas comme les
Mais ce qui aurait pu être finale- gens le croient, et elles voulaient aussi
ment un point de vue d’auteur, une m’interviewer pour expliquer com-
manière caricaturale mais efficace ment je fais pour élever mon fils seule,
de mettre certains jeunes de quar- ici. Je ne savais pas que ça passerait
tier devant leur machisme, est sur Arte ou Internet.» Depuis, Okito
malheureusement discrédité par le a honte des extraits diffusés sur In-
commentaire. Il ne donne jamais ternet. Il ne sort plus de chez lui. •
les statistiques des violences faites
aux femmes, un phénomène natio- LA CITÉ DU MÂLE documentaire
nal et pas spécifique aux quartiers, de CATHY SANCHEZ, sur Arte,
et est truffé d’erreurs. Ainsi ap- ce soir à 21h35.
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 ECRANS&MEDIAS • 27

A LA TELE CE SOIR
9,1% Des licenciements éco aux «Echos»
Selon les syndicats, la direction des Echos a annoncé hier lors
d’un comité d’entreprise cinq licenciements pour motif éco-
nomique. Une annonce qui, pour les syndicats, rompt un
TF1
20h45. Mentalist.
FRANCE 2
20h35. En marge des
FRANCE 3
20h35. Des racines
CANAL +
20h45. Football :
C’est la part d’audience moratoire sur les licenciements économiques. La direction les Série américaine : jours. & des ailes. Hapoel Tel Aviv / Lyon.
cumulée de France Inter expliquerait par une diminution de 20% du chiffre d’affaires Pour une poignée de Téléfilm d’Emmanuel Passion patrimoine : 2e journée de la
en juillet et août 2010 par rapport à 2006. diamants, Fils prodige, Finkiel. Le rêve d’une vie. phase de groupes -
La veuve rouge. Avec Michèle Laroque, Magazine de Coup d’envoi.
selon une étude Médiamé­ Avec Simon Baker. Wladimir Yordanoff. Myriam Elhadad Sport.
trie publiée hier. La radio 23h10. Fringe. 22h25. Le bureau des 22h25. Météo, Soir 3. 22h35. Football :
publique prend donc la AFP: La CGT furax contre la rédac chef Série américaine : plaintes. 22h55. Ce soir La grande soirée
deuxième place de ce La CGT de l’AFP dénonce «une politique de pressions […] et Dr Sommeil et mister Divertissement (ou jamais !). champions league.
classement d’été, derrière de mise au pas» de la rédaction en chef France: dépêche par- Rêves, La formule. présenté par Magazine présenté par Magazine.
RTL (11,1%) toujours lant des Roms sous un angle non sécuritaire édulcorée, sujets Avec Blair Brown. Jean-Luc Lemoine. Frédéric Taddeï. 23h45. The pacific.
0h45. Compte 0h10. Journal de la 0h00. Tout le Sport. 2 épisodes.
première radio de France, «people», etc. La CGT menace d’une motion de défiance. à rebours. nuit. 0h10. Vie privée vie Série.
et détrône NRJ (8,7%) par Les otages. 0h25. Des mots de publique, l’hebdo. 1h50. Inglourious
rapport à l’été 2009. Avec Série. minuit. Magazine. basterds.
8,2%, Europe 1 progresse L’HISTOIRE
aussi et prend la quatrième
place devant France Info, ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5
qui perd près de
20h40. Menace contre 20h40. On a échangé 20h35. Montreux 20h35. La maison de
508000 auditeurs par rap­ Solidarnosc. nos mamans. festival du rire fête ses France 5.
port à l’été 2009 (de 8,4% Quand l’Allemagne de Évelyne et Frédérique. 20 ans. Magazine présenté par
à 7,4%). l’Est voulait envahir la Divertissement. Divertissement. Stéphane Thébaut.
La plus forte progression Pologne. 22h00. On a échangé 22h35. 21h20. Silence,
de l’été a été enregistrée Documentaire. nos mamans. Chefs de guerre. ça pousse !
par RMC, qui a gagné 21h33. Thema : Bettina et Christina. Documentaire. Magazine présenté par
“Femmes, pourquoi Divertissement. 0h30. Noëlle Bréham et
quelque 300000 audi­
teurs avec 6,4%
L’HADOPI DÉVOILE SON MAIL TYPE tant de haine ?”. 23h10. Les parents les Being Human : la Stéphane Marie.
21h35. La cité du mâle. plus stricts du monde. confrérie de l’étrange. 22h10. C’est notre
d’audience cumulée. L’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et Documentaire. Au Canada. Pour le meilleur et pour affaire.
En juillet et août, 39,3 mil­ la protection des droits sur Internet) a présenté hier le 22h30. Quand le rap Divertissement la mort. Magazine.
lions de personnes ont mail type que vont recevoir les internautes coupables de dérape ! 0h30. Les parents les Série. 22h40. C dans l’air.
écouté la radio tous les téléchargement illégal. Ou plutôt, en langage Hadopi Documentaire. plus stricts du monde. 2h10. Programmes de Magazine.
22h55. Débat. Divertissement. nuit. 23h45. L’air du temps.
jours, soit 400000 audi­ dans le texte, les abonnés dont «l’accès à Internet a été
teurs de plus qu’à la même utilisé pour commettre des faits, constatés par procès­ver­
période l’année dernière. bal, qui peuvent constituer une infraction pénale». Selon
La durée d’écoute a légère­ le secrétaire général de l’Hadopi, Eric Walter, les pre­
LES CHOIX
ment baissé, de 3 heures miers mails d’avertissement devraient partir «quarante­
en 2009 à 2h52 cet été. huit heures après cette communication», soit demain. A.F.

LAISSEZ-VOUS SÉDUIRE
PAR L’OFFRE INTÉGRALE LIBÉRATION Militant Périclitant Flippant
M6, 20h40 Planète, 20h40 Arte, 20h40
On milite pour l’organisa­ Si l’on en croit le bon docu En 1980, flippant du suc­
Offre dent tion d’un On a échangé nos le Masculin, un genre en cès de Walesa, l’Allema­
lanceme

19
mamans à Libération, ver­ péril, il n’y aura bientôt gne de l’Est a failli envahir
€ sion «On a échangé nos plus un seul mec sur la pla­ la Pologne, raconte le doc
par mois
35 € services». Ce serait drôle. nète. Pas trop tôt. Menace contre Solidarnosc.
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28 • LYON
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

LIBÉRATION
24­25­26 SEPTEMBRE

HICHAM­STÉPHANE PETER MYLES CLAUDE PAUL YANN GENEVIÈVE PHILIPPE BERTRAND

AFEISSA AINSWORTH ALLEN ALPHANDÉRY ARIÈS ARTHUS­BERTRAND AZAM BARBARIN BARRÉ

XAVIER JEAN­LOUIS JEANNETTE WILLIAM PATRICE RONY PASCAL TOM JEAN­CLAUDE

BERTRAND BORLOO BOUGRAB BOURDON BOUVERET BRAUMAN BRUCKNER BURKE CARRIÈRE

Ils étaient tous à Lyon ce

week-end pour le forum
sur le thème
JEAN­LOUIS FRANÇOIS YVES GÉRARD BORIS
«Planète durable!»
CHAUSSADE CHÉRÈQUE COCHET COLLOMB CYRULNIK
organisé par «Libération»
et qui a rassemblé plus de
25000 personnes.

JEAN
DANIEL
MARC­PHILIPPE
DAUBRESSE
DOMINIQUE
DAVID
BERTRAND
DELANOË
JEAN­PAUL
DELEVOYE
Un appétit de
dialogue
Photos DAVID BORDES
HARLEM MICHEL CÉCILE JEAN­PIERRE BERNARD
DÉSIR DESTOT DUFLOT DUPUY EMSELLEM

RAPHAËL VINCENT GENEVIÈVE PATRICE SALVATORE GIUSEPPE CLARA CAMILLE ALFRED

ENTHOVEN FELTESSE FERONE FRANCESCHI GABOLA GAMBA GAYMARD GRAND GROSSER

JOSÉ ÉLISABETH STÉPHANE ERNST FRANÇOIS DIDIER ALBERT YANNICK EVA

GUALINGA GUIGOU HALLEGATTE HILLEBRAND HOLLANDE HOUSSIN JACQUARD JADOT JOLY
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 • 29

DAVID CHANTAL JEAN­PIERRE TONY JEAN­CLAUDE SIMON VÉRONIQUE MAREK THIERRY

JONES JOUANNO JOUYET JUNIPER KAUFMANN KELNER DE KEYSER KORNAT KOSKAS

STAVROS LUC PASCAL JACK CORINNE SERGE CAROLINE DENIS PHILIPPE

LAMBRINIDIS LAMPRIÈRE LAMY LANG LEPAGE LEPELTIER LUCAS MACSHANE MANIÈRE

CHRISTOPHE PHILIPPE JEAN­LOUIS ANDRÉ­JULIEN MICHAEL LORD PETER ALAIN JEAN­PIERRE ARNAUD
DE MARGERIE MARTIN MARTINELLI MBEM MCCARTHY MELCHETT MINC MINNE MONTEBOURG

HERVÉ PIERRE JOAQUIN ALEXANDRE TOMASZ SERGE YANNOS PASCAL LAPO

MORIN MOSCOVICI MUNOZ ORLOV ORLOWSKI ORRU PAPANTONIOU PERRINEAU PISTELLI

EMMANUEL JONATHON JEAN­JACK BRUNO STÉPHANE PETRA ARIELLE FRANÇOIS MICHEL

POILÂNE PORRITT QUEYRANNE RACINE RICHARD ROTH DE ROTHSCHILD ROUSSELY SAPIN

YOUSSEF JACQUES JEAN­MICHEL ANDREW ALAIN ALBERT BERNARD BENOÎT SERGE

SEDDIK SÉGUÉLA SEVERINO SIMMS SOUCHON TÉVOÉDJRÈ THIBAULT THIEULIN TISSERON

ANTONY CATHERINE ROBERTO NAJAT HUBERT DOMINIQUE CHICO PATRICK RUTH

TODOROV TRAUTMANN TRICARICO VALLAUD­BELKACEM VÉDRINE VOYNET WHITAKER ZELNIK ZYLBERMAN
LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010
PORTRAIT TAKEHISA YAEGASHI
A 67 ans, cet
ingénieur
japonais,
inventeur de
la première
voiture
hybride, ne
vit que pour
les moteurs.
Par MICHEL TEMMAN
Photo JÉRÉMIE SOUTEYRAT
A
ffable, courtois et économe en mots de prime
abord, Takehisa Yaegashi, veste et chemise à fines
rayures, a tout du salaryman nippon. Rien, a priori,
n’évoque en lui le savant fou, tifs hirsutes à la Eins-
tein, serrant des boulons dans un garage. Tranquillement
assis dans un café du 41e étage d’une tour de Tokyo, l’homme
ne se fait cependant pas prier pour dévisser sur son sujet féti-
che: les voitures et les moteurs. Au Japon, où il est surnommé
Mr Hybrid («monsieur Hybride»), Takehisa Yaegashi est une
icône en matière de motorisation auto. Il est le «père» –«plus
que l’inventeur» – de la Prius, la première voiture hybride
(à motorisation alternative essence-électricité) commer-
cialisée en masse en 1997 par Toyota.
Cet ingénieur, recruté après son départ à la retraite en 2007
par une filiale (Toyota Technical Development) de son ex-
employeur, est tombé petit dans le chaudron des sciences.
Son père, son grand-père, et deux de ses oncles, étaient mé-
decins –l’un d’eux était engagé dans la recherche fondamen-
tale. Il fut un gosse choyé, avec très tôt la tête dans les cylin-
dres, valves, injecteurs, soupapes et pistons. «A 10 ans, j’étais
Papa Prius
passionné par tout ce qui roulait ou volait, avions, fusées, trains
ou automobiles. Je me demandais comment tout cela fonction-
nait.» Collégien, il découvre dans son manuel d’histoire des
photos en noir et blanc des machines à vapeur d’antan qui
le fascinent. Après la classe, il fabrique dans sa chambre des
fusées en papier. Jusqu’à ce jour, à l’âge ado, où il pilote son
premier modèle motorisé, un avion télécommandé, alimenté
à l’essence. «J’étais moins attiré par cette miniature volante que
par l’odeur du moteur et de l’essence brûlée. J’en suis certain,
c’est cette odeur très désagréable qui m’a conduit inconsciem-
ment vers les moteurs de voitures.» L’ingénieur avance un autre
mobile: «Bientôt, mon rêve a été de conduire un jour la voiture
que j’aurais fabriquée moi-même, et dont j’aurais réduit au
maximum les effets négatifs et polluants.»
Au printemps 1968, alors que la colère gronde dans la plupart
des campus du Japon, jusqu’à Hokkaido, le jeune Takehisa
s’éclate au volant de sa première voiture («un cadeau de mon
père»), dont il dévoile la photo en dégainant son iPad. «J’ac-
tionnais une manivelle pour la démarrer. C’était la première qua-
tre roues à suspension autonome. Un beau modèle mais qui tom-
bait souvent en panne.» Sa deuxième voiture, il se l’offre avec
le salaire de son premier employeur, Toyota, maison où il fera
toute sa carrière et qui l’a recruté sur concours à la sortie de
la fac. C’est une Toyota pardi! Une Celica, d’un blanc imma-
culé, qui évoque par ses formes allongées la Ford Gran To-
rino 74 (celle de la série Starsky et Hutch et du film de Clint
Eastwood).
Le week-end, au lieu de draguer les filles, l’ingénieur préfère
dépecer et analyser chaque détail du moteur. «Chez Toyota,
j’étais déjà en charge des moteurs propres. Mais j’étais impatient
d’aller plus loin. Car la question devenait à mes yeux: comment
rouler propre et vite ? Mon objectif était clair : mettre au point
un moteur nerveux et peu polluant.» Takehisa Yaegashi avoue
adorer la vitesse, et n’a eu, depuis l’obtention de son permis
(il y a quarante-quatre ans), aucun accident ni amende pour
excès. Il concède uniquement une chute à vélo…
Muté au centre de recherche appliquée Toyota de Higashi-
Fuji, son vœu est exaucé. Le centre a sa piste d’essais. Take-
hisa Yaegashi et ses coéquipiers roulent à cœur joie, testent
des moteurs propres en pensant vitesse et sécurité. «Ma mère
pensait qu’en continuant ainsi à ne penser qu’aux moteurs, je
ne rencontrerais jamais aucune femme. Ma famille m’a alors pré-
senté ma future épouse. J’ai accepté l’idée d’un mariage ar-
rangé.» Le père de la Prius aura deux enfants. Le premier,
35 ans, travaille dans les nouvelles technologies, le second,
31 ans, est maître de conférences en informatique à l’univer-
sité de Shikoku.
Takehisa Yaegashi roule EN 7 DATES
bientôt des mécaniques pour
vanter les mérites de sa Prius, 3 octobre 1943 Naissance
voiture dont il est d’autant à Hokkaido (Japon).
plus fier qu’elle reste 1969 Son père lui offre
«le quatre roues qui produit le sa première voiture.
moins de CO2 au monde». 1996 Nommé directeur
«J’ai beaucoup travaillé sur les
du programme Prius
de Toyota. 1997 Débuts
moteurs propres, les pots de la Prius sur le marché.
d’échappement et la façon de 2007 Départ à la retraite
rendre les villes plus respi- et recrutement par
rables, dit-il. Puis, il y a une filiale de Toyota.
vingt ans, les préoccupations 2009 Commercialisation
ont évolué. La priorité est de- de la Prius III en Europe
venue la lutte contre le réchauf- (3,9 litres aux 100 km/h).
fement de la planète et la ré- 2010 Participe au projet
duction des gaz à effets de Kléber à Strasbourg. Invité
serre. La Prius est née dans ce
au Mondial de l’automobile.
contexte.» En février 1996, un
vice-président de Toyota le reçoit dans son bureau. Deux mois
plut tôt, les dirigeants lui donnent l’ordre d’impulser le pro-
gramme Prius. Takehisa Yaegashi s’entend dire : «Tu as
deux ans pour réussir.» «C’était un peu comme si on me deman-
dait d’escalader l’Everest en quarante-huit heures !» Fin 1997,
la Prius, reine du couple électromécanique, roule enfin, est
prête à la vente. «Pour moi, c’était un miracle. C’était révolu-
tionnaire. Toyota avait mis à ma disposition une équipe de très
haut niveau, des moyens illimités. Nous avions réussi. Et Dieu n’y
était pour rien.»
Treize ans plus tard, l’hybride de Toyota est un best-seller
mondial. En 2008, Toyota annonçait avoir vendu 1 million
d’unités. Deux tiers des voitures hybrides achetées chaque
année aux Etats-Unis sont des Prius. Les ventes n’ont même
pas souffert de «l’affaire Toyota» (pédales et freinages défec-
tueux) qui a défrayé la chronique cet hiver et égratigné
l’image du constructeur. Les carnets de commandes sont
pleins. La voiture a viré au phénomène de société. Quant à
son procréateur, il ne tient toujours pas en place. «Je participe
à des régates, je fais du ski l’hiver et du cyclisme le reste de l’an-
née. J’ai besoin de rester en mouvement.» Il roule en Prius et
les moteurs restent sa passion.
Ecolo, le bonhomme ? Même pas. Calculer le bilan carbone
de la fabrication d’une Prius, ce n’est pas son truc. La ques-
tion lui paraît presque saugrenue. «Toute vie humaine ou ani-
male produit du carbone et des rejets, faut-il interdire de vivre?»
Le défi de la planète, selon lui, est énergétique. «Quelle est
l’alternative à l’utilisation des énergies fossiles et à l’épuisement
des réserves pétrolières?» Nul doute pour l’ingénieur, «l’avenir
appartient au tout électrique». En attendant, Takehisa Yaegashi
sera ces jours-ci en France pour déguster ses vins favoris (bor-
deaux, bourgogne, vins d’Alsace), et surtout pour participer
au Mondial de l’auto à Paris. A 67 ans, il est l’une des chevilles
du Projet Kléber de Strasbourg sur les voitures propres, initié
en 2007 entre Toyota, EDF et la ville de Strasbourg, et dont
l’objectif est de tester à grande échelle des véhicules propres
à batteries rechargeables (VHR). Il ne veut pas entendre parler
de retraite. Mais à quel moteur roule donc Papa Prius ? •
Mercredi_29_09:LIBE09 28/09/10 18:35 Page1

LIBÉRATION MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010 JEUX­METEO • 31

 SUDOKUMOYEN  MOTCARRÉ MERCREDI

6 4 A E G L MATIN Temps gris et parfois humide APRÈS-MIDI Quelques pluies près
6 9 2 5 7 S I A LIBÉRATION sur l'extrême nord. Temps ensoleillé de la Manche et au nord-est. Temps
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partout ailleurs après dissipation des plus sec et ensoleillé en allant vers
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4 8 3 1 cedex 03 brouillards matinaux. le sud.
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Brest Strasbourg
4 5 8 2 6 R S L F Nathalie Collin
Associée unique
SA Investissements Presse
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6 1 4 5 8 3 9 7 2 S B R E H U C I N Coprésidents du directoire
Nantes Dijon
2 5 3 7 9 4 8 1 6 U I H C B N E S R Laurent Joffrin
3 8 2 9 4 7 6 5 1 Nathalie Collin 1,5 m/15º
C H E R U B I N S
1 6 9 2 3 5 7 4 8 I U S H N C R B E  Pratiqué en couture Directeur de la publication
4 7 5 8 1 6 3 2 9 N R B S E I U C H
et de la rédaction
9 3 1 4 7 8 2 6 5 H C I B R S N E U
Laurent Joffrin
Directeurs adjoints
5
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4
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8
6
3
1
6
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C
H
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R
H
C
I
de la rédaction Limoges Lyon
Paul Quinio 0,3 m/17º
François Sergent
Directrice adjointe de la
Nicolas et les taupes... w LES MOTS D’OISEAU   rédaction, chargée du Bordeaux
magazine.
         Béatrice Vallaeys
H. I. Un produit que l’on recommande à la maison
I Sarkozy en cas d’énurésie (qui sait...), ou pour mieux Rédacteurs en chef
museler la liberté de la presse. - II. M. Lefèbvre s’en Stéphanie Aubert (édition) Montpellier Nice
II Ludovic Blecher (internet) 0,3 m/18º Toulouse Marseille
est fait une spécialité. - III. Point de vue plutôt plus Christophe Boulard (technique)
III intéressant qu’un autre. Le dernier film de la belle Gérard Lefort
IV Angelina. - IV. Son sommeil n’est jamais léger. Nuance Fabrice Rousselot
que McCarthy ne pouvait sentir. - V. Article. Bien Olivier Wicker (suppléments) Ajaccio
V contrôlé. - VI. Se vident si l’on démonte. - VII. Grues Directeur artistique
Alain Blaise 0,6 m/18º
VI en version marine. Symbole. - VIII. Traduit un grand
Rédacteurs en chef adjoints 0,3 m/21º
froid. Mise. - IX. Folle contrariée. - X. Pronom. Beau
VII modèle de rapidité. - XI. Nécessiterait peut-être
Michel Becquembois (édition)
Grégoire Biseau (éco-terre)
VIII l’intervention de l’entreprise ci-après évoquée. Olivier Costemalle et Richard
V. 1. Une entreprise à laquelle la maison Sarkozy Poirot (éd. électronique) FRANCE MIN/MAX FRANCE MIN/MAX SELECTION MIN/MAX
IX pourrait aussi utilement recourir (comme d’autres Mina Rouabah (photo)
X avant elle...) pour remonter aux sources. - 2. Pépin. Marc Semo (monde) Lille 10/18 Dijon 7/17 Alger 16/25
10/17
A toujours bonne mine. Grecque. -3. Ce philosophe Sibylle Vincendon (société) Caen 10/19 Lyon 7/19 Bruxelles
a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z 19/28
XI
LES MOTS D’OISEAU L IHGJ
allemand fit du sentiment religieux une analyse Pascal Virot (politique)
Directeur administratif Brest 12/17 Bordeaux 7/22 Jérusalem
phénoménologique novatrice en 1917. Bon train. - et financier
a
V. Devina. b cTaro. VII.d
Eh. VI. SNES. Scribes.e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z 12/17
H:I. Perplexes. II. Roulement. III. Elée. Ante. IV. Ni. Benoît.
VIII. Antivol.
4. Très en avance. - 5. Note. Bonne base pour sacrées
robes. Prélèvement en belle pagaille. - 6. Toujours
7/14
Chloé Nicolas
Directeur commercial
Nantes
Paris
9/20
10/19
Ajaccio
Toulouse
12/22
7/21
Londres
Berlin
IX. Rait. Niño. X. Tiges. Eup. XI. Inespérée. les premiers cités. Telle une tranche de colonne Philippe Vergnaud
V:1. Prends parti. 2. Eolien. Nain. 3. Rue. Vestige. 4. Plé- élastique. - 7. Théâtre jadis d’une chute ensoleillée. diffusion@liberation.fr Nice 12/22 Montpellier 8/23 Madrid 10/26
biscités. 5. Le. EN. RV. sp. 6. Emanation. 7. Xéno. Ablier. Vaut accord. - 8. Fait se confondre sphères privée Directeur du
8. Entière. Nue. 9. Stéthoscope. et professionnelle. - 9. Ne tient plus très bien. développement Strasbourg 9/17 Marseille 9/21 New York 14/22
Max Armanet
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w ECHECS 9;9: NIVEAU 8 sceabo@liberation.fr JEUDI VENDREDIER
8 yfyzyzmz 39e olympiades, Russie 2010
abonnements.liberation.fr
PuBLICITÉ Le front pluvieux se décalera vers La perturbation apportera des pluies
7
zyzyzyzy Les Blancs jouent et gagnent
B. Nepomniachtchi N. Sasikiran
Directrice générale
d’Espaces Libération
Marie Giraud
l'Est, ciel variable à l'arrière et mis-
tral modéré en Méditerranée.
dans le Nord-Ouest, mitigé à l'est du
Rhône. Ailleurs, belles éclaircies.
6
yeylyzyz Olympiades à Khanty-Mansiysk: 7e ronde . C’est
encore Sébastien Feller, le mousquetaire stakha-
Espaces Libération
11, rue Béranger,
5
zozykqeq noviste, qui décide de l’issue du match contre l’Es-
pagne. Il est le seul à remporter sa partie face au
75003 Paris.
Tél. : 01 44 78 30 67 Publicité
commerciale, littéraire,
0,3 m/16º
Lille
0,3 m/16º
Lille
4
qzyzydyz grand maître Alsina Leal Daniel (2523), tandis que
sur les premiers échiquiers Maxime Vachier-Lagra-
financière,
arts et spectacles. Publicité 0,3 m/16º 0,6 m/16º

3
kwlyzyzy ve et Vladislav Tkatchiev calment les ardeurs (par- locale et parisienne. Caen Caen
Amaury médias Paris Paris
Strasbourg Strasbourg
ties nulles) de deux géants des échecs , Alexei Chi- 25, avenue Michelet
Brest Brest
2
yzyzygwz rov (2749) et Vallejo Pons (2697). CeOe importan-
te victoire propulse les Français dans les premières
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Championnats d’Europe des jeunes à Batoumi
Petites annonces.Carnet.
IMPRESSION 0,3 m/17º 0,6 m/17º
(Géorgie) L’équipe de France tient bien son rang POP (La Courneuve), Lyon Lyon
yzyztzyz SOLUTION LNLM de grande puissance mondiale en remportant deux Midi-print (Gallargues)
Nancy Print (Nancy)
eyzyzyeo médailles de bronze chez les moins de 12 filles et Ouest-Print (Bournezeau),
Bordeaux Bordeaux
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yzyzykwz Gary Giroyan, nos deux héros, tous deux de Can- ISSN 0335-1793.
zyzyzyiy nes-Echecs, démontrent des nerfs d’acier en rem- CCP 2240185 Paris.W
Le pion «d» blanc est promu... à un brillant avenir, portant leur partie de dernière ronde. Déception Soleil Éclaircies Nuageux Couvert Faible Calme
mais il y a pour l’heure une urgence en g2. Un mat. corse pour Mickael Massoni, dont le manque d’ex- Modéré Peu agitée
1.f3? Serait une lourde erreur, car après 1... De1+ et Averses Pluie Orage Neige fort Agitée
périence à ce niveau lui coûtera la 3e place du
2...Dg3+, c’est nulle par échec perpétuel. Le bon podium chez les moins de 18 ans. Au lieu d’assu-
coup consiste à échanger les dames par 1.Dg6+! Nous informons nos lecteurs
rer tranquillement une position gagnante face au que la responsabilité du journal
DxECM139-Bärtsch-248x41-02_Mise
g6 2.Cxg6 1-0, et les noirs sont impuissantsen facepageMI1 ukrainien
21/09/10 12:59 Page1
Bogdanovich, le junior s’emballe, veut ne saurait être engagée en cas
à la promotion du petit pion: 2...Fe6 3.Cf8+ et 4.Cxe6. conclure brillamment, et gaffe. (FFE) J-P Mercier de non-restitution de documents -10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

Nik Bärtsch Piano

Nik Bärtsch’s Llyrìa

Sha Clarinette basse, saxophone alto
Björn Meyer Basse

Ronin Nouvel album

Kaspar Rast Batterie
Andi Pupato Percussions

RITUAL GROOVE MUSIC

En concert au New Morning
le 1er octobre 2010
ECM 274 282-0