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PROFESSEUR TITULAIRE
CHAPITRE 1 : GENERALITES
1. Introduction
Initier à l’anthropologie est la modeste tâche que s’est assigné ce cours destiné aux
étudiants de Licence 1. Il s’agit précisément d’une initiation plutôt que d’une volonté de faire
savoir et connaître tout à des néophytes qui vont prendre contact et faire l’expérience, peut-
être pour la première fois, d’une discipline qui relève des sciences humaines et sociales.
L’idée première c’est de ne pas prendre l’anthropologie pour ce qu’elle n’est pas. Elle
n’est pas un art, elle n’est pas non plus une façon, à soi, de comprendre les phénomènes socio-
culturels, voire les comportements des êtres humains dans leur quotidienneté. Elle se veut,
avant tout, une science au sens de sciences de l’homme et de la société. Le but de toute
activité scientifique étant d’accumuler de la connaissance, du savoir qui s’emploie à s’ériger
en « vérité », il se pose alors la question de savoir s’il est possible de disposer d’un « savoir
total » sur un « objet » de recherche. Cela n’est pas la vocation de l’anthropologie.
Ainsi, une attitude s’impose qui consiste à recueillir des informations réalistes, c’est-à-
dire objectivement sélectionnées sur la base d’observation et de participation et d’entretiens.
Dans cette perspective, le recours à des procédures qui permettent au chercheur de construire
son ou ses expérience(s) de « terrain en faits sociaux est une condition sine qua non. Il
incombera donc au chercheur en anthropologie de comprendre comment ces phénomènes sont
appréhendés et vécus par ceux qui les ont faits exister et au travers desquels ils s’exercent en
les agitant du dehors et du dedans ; comment un groupe donné vit tel fait d’échange, par
exemple. Cette attitude exige un esprit critique, d’analyse du vécu du groupe en question ;
esprit analytique qui n’a de sens que dans la prise en compte des représentations, des
symboles, des images et des imageries, des affects qui font la spécificité et même la
particularité du groupe en question.
2. Objet de l’anthropologie et évolution
3. La mort du « primitif »
Sur le plan sémantique, c’est le terme de primitif qui pose véritablement problème
l’expression de « société primitive » née des théories évolutionnistes du XIXe siècle a eu dès
le départ une signification péjorative et donc difficilement acceptée « elle sous-entendu que
les groupes ethniques auxquels elle s’intéressait sont plus proches de l’état de nature. Ainsi on
les considère comme des peuples inférieurs aux populations des sociétés dites « civilisées ».
C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’utilisation du terme « primitif » reste gênante
; ce vocable étant dès le départ, associé à « barbare », « sauvage ». Le mot lui-même est en
voie de disparition à la suite des études de plus en plus nombreuses menées précisément chez
ces peuples, dont on a progressivement découvert la complexité et parfois même la richesse
culturelle. L’un des plus grands ethnologues français, Claude Lévi-Strauss, a écrit dans ce qui
est devenu classique de la réflexion pour les étudiants (Race et histoire, p.32 et 46) qu’il
n’existait pas de « peuples enfants »et que les aborigènes australiens, apparemment si «
primitifs », connaissaient une organisation familiale si complexe que la nôtre, pourrait-on
ajouter, apparaît en regard comme bien élémentaire. Et il multipliait les exemples de ce types,
tant chez les Esquimaux que dans les sociétés d’Extrême- Orient, si réputés dans la
connaissance du domaine « des rapports entre le physique et la morale » (Lombard, 2004).
Une des questions fondamentales auxquelles la philosophie des lumières s’est intéressée,
c’est la réflexion sur la nature de l’homme. La question de la nature renvoyant à la recherche
des origines, donc s’éloigne de la science. Les penseurs des lumières se sont intéressés sur
l’étude des hommes et non pas sur l’homme. La philosophie des lumières fondée aussi sur un
certains humanisme, celui de l’unité de l’homme, permit à l’anthropologie de se constituer.
Cet état d’esprit qui permet de comprendre pourquoi les évolutionnistes ont divisé les sociétés
en culture inférieures et supérieures avec l’idée d’évolution des sociétés en étapes différentes
que sont la sauvagerie, la barbarie et la civilisation. Cela a abouti au postulat selon lequel
l’homme est partout le même.
Toutefois, le principe de l’unité de l’homme n’est pas universel. Dans certaines sociétés,
l’humanité n’a plus de sens en dehors des frontières culturelles. La monographie d’Evans-
Pritchard chez les Nuer du Soudan montre que chez ces derniers, l’étranger est considéré
comme un ennemi ; il est l’autre absolument. Dans son ouvrage intitulé Race et Histoire,
Claude Lévi-Strauss montre que certains groupes humains se donnent le nom de « bons » d’«
excellents », de « complets » et nomment les autres « singes » ou « oeufs de pou ». Les Nagas
de l’Himalaya se disent être les AOR (ceux qui existent) et s’opposent aux autres « les Mirir »
(ceux qui n’existent pas). Godelier donne le nom de « Baraya » qui signifie les grands
hommes. Les wolof sénégalais parlent de « gnakk », terme qui veut dire « barrière », « clôture
» pour nommer les autres, c'est-à-dire, tous ceux qui sont à distance de la culture. Cette
conception de l’homme était aussi connue dans la Grèce antique où il était question d’opposer
les « métèques », étrangers vivant à Athènes et les « barbares », tous ceux ne maitrisaient pas
la langue grecque et qui étaient considérés comme des sous hommes qui coupaient des têtes et
mangeaient des fœtus.
C’est pendant la renaissance que les Européens sont devenus conscients de l’unité de
l’espèce humaine. Avant cette époque, les européens croyaient en l’existence de créatures qui
étaient ni hommes, ni animaux. A ce propos, Leach cite dans son ouvrage intitulé Social
Anthropologie, Marco Polo qui affirmait que les habitants des îles Andaman étaient des
cannibales à « tête de chien ». L’implantation européenne de la culture des voyages a favorisé
la remise en cause l’existence de certains êtres monstrueux habitant dans certaines contrées du
globe. C’est ce qui est à l’origine de la surprise de Christophe Colomb lors de son passage aux
Caraïbes qui étaient sensé habité par des monstres. Ainsi, l’imagination commence à céder le
pas à l’expérience.
Toutefois, c’est à la fin du XVIIIème siècle que se fonde, selon l’expression de Robert
Deliège, la première véritable société d’anthropologie dont l’objectif principal est de vérifier
sur le terrain la vision du monde propre aux lumières. Il s’agit de la société des observateurs
de l’homme qui a eu une courte durée de vie. Cette société va renaître au début du XIXème
siècle, sous la direction de Jauffret. C’est ainsi que le 19 Octobre 1800, deux bateaux, le
Géographe et le Naturaliste, partirent du Port du Havre pour une expédition scientifique vers
les terres australes sous le commandement de Baudoin.
2. L’histoire coloniale
Les récits de voyage ont largement contribué à l’émergence de l’anthropologie. Il suffit
simplement de lire les écrits d’Hérodote et plus récemment de Marco Polo pour comprendre
comment ces derniers ont pu influencer les premiers anthropologues. Cependant, c’est à partir
du XVème siècle (renaissance) que les expéditions européennes vers le reste du monde
commence à se faire sentir davantage.la philosophie des lumières axée principalement sur la
question de l’unité de l’homme est renforcée sur le plan idéelle par les récits de voyage. La
connaissance des autres devient moins ambiguë. Ce qui a favorisé l’instauration des relations
d’échanges entre le monde occidental et les autres qui jusque-là étaient considérés comme les
« autres absolument ». Il s’agit de l’Afrique, les Amériques et de l’Asie.
C’est à la fin du XVIIIème siècle et plus particulièrement au début du XIXème siècle que
la relation entre l’Europe et les communautés « sauvages » cessent d’être de type commercial
pour devenir une relation d’ordre politique, religieuse. Ainsi né la colonisation qui a pour
vocation d’administrer les « sauvages » de leur apporter la « bonne nouvelle » afin qu’ils
profitent de la performance de la civilisation occidentale, symbole par excellence du progrès.
On est plus dans l’ère de l’idéologie du « bon sauvage » mais dans celle ethnocentrique de
l’être inférieur et barbare que seule la civilisation judéo-chrétienne occidentale peut sauver.
C’est dans cette perspective que les missionnaires ont également participé à la reconstruction
utopique de l’image des créatures inférieures et sauvages qu’il fallait nécessairement
évangéliser et civiliser.
C’est le fameux Survival of the fittest. Ainsi, au travers de ses écrits sur l’origine des
espèces, Darwin jette non pas seulement les bases d’une vision évolutionniste des différentes
cultures, mais il remet en cause, par l’usage d’outils scientifiques, l’idée d’une création
jusque-là considérée par l’Eglise et par les hommes comme une affaire de Dieu. Les pères
fondateurs de l’anthropologie. Suite à l’influence de Darwin et notamment de sa théorie
évolutionniste, les premiers anthropologues ont développé des théories allant dans le sens
d’expliquer les différentes étapes de l’évolution des hommes. Chacun des premiers auteurs
cherche à créer une théorie générale de l’évolution de l’humanité applicable à toutes les
sociétés.
CHAPITRE 3 : LES PERES FONDATEURS DE L’ANTHROPOLOGIE
Constatant en particulier que dans les sociétés amérindiennes qu’il étudie, les appellations
« père » ou « mère » servent à désigner aussi les frères du premier et les sœurs de la seconde,
il en déduit que ce système de terminologie est la survivance d’un stade antérieur de
promiscuité familiale et de communauté sexuelle, faisant de tous les frères d’un homme les
conjoints possibles d’une femme et des soeurs d’une femme les épouses tolérées du mari. Il
en résulte une impossibilité réelle de connaître la paternité d’un individu, d’où l’appellation
de père donnée à tous les oncles paternels, géniteurs potentiels. C’est là une des idées
essentielles de son ouvrage, Système de consanguinité et d’affinité (1871). Mais c’est
vraiment dans sa grande œuvre Ancient Society (1877), qu’il révèle le mieux et son talent et
ses conceptions d’évolutionniste. Morgan n’y fait rien moins que d’envisager les grandes
étapes de l’évolution de l’humanité à partir des phénomènes ou des institutions qu’il juge
déterminants pour cette évolution (les techniques et les moyens de subsistance ; la famille et
son organisation ; les formes de gouvernement ; la propriété ; le langage ; n’attachant que peu
d’intérêt à la religion, comme indicateur de changement).
Du point de vue politique, il souligne une opposition fondamentale, qui restera la clé de
toute compréhension des systèmes de gouvernement des hommes, celle existant entre les
sociétés fondées sur les relations entre les groupes de parenté, sociétés donc sans État, où la
solidarité et l’entraide se manifeste à l’intérieur de ces groupes, parfois entre certains d’entre
eux, système de gouvernement qu’il appelle societas, et les sociétés fondées sur la solidarité
territoriale, avec État généralement, et qu’il nomme civitas, celles-ci succédant naturellement
aux premières. Chacun de ces phénomènes, famille, gouvernement, etc., a vu au cours du
temps sa structure et ses fonctions se modifier et a contribué par ses modifications au progrès
général de l’humanité. Car, comme il écrit lui-même, « l’histoire de l’humanité est une quant
à la source ; une quant à l’expérience ; une quant au progrès » (Société archaïque, Avant-
propos). L’évolution est donc unilinéaire et toutes les sociétés ont connu le même
cheminement, par les mêmes stades. Mais l’essentiel de sa problématique repose sur deux ou
trois questions :
« Comment l’humanité a vécu pendant les temps anciens ? »
« Comment, à un rythme à peine perceptible, certains ont une condition supérieure ? »
« Pourquoi d’autres tribus et d’autres nations sont restées en arrière sur le chemin du progrès ?
Et il divise ce chemin du progrès en trois périodes, elles-mêmes divisées en trois sous-
périodes, l’ « état sauvage », la « barbarie », l’ « état civilisé », chacune des périodes ou sous-
périodes débutant par un changement important dans les techniques ou les organisations.
Tylor part de l’idée d’une dualité fondamentale, le corps et l’âme, que suggèrent chez
l’homme d’abord le rêve, puis la mort. Dans son sommeil, on se voit agir, se déplacer, vivre,
si bien qu’on en conclut qu’il existe un double de soi-même, l’âme. Et si celle-ci semble bien
vivante dans ce corps inerte qui celui de l’homme qui dort, elle le restera également dans ce
corps inerte qu’est celui du mort. L’esprit vital quitte alors définitivement un habitacle qu’il
rejoignait autrefois après le sommeil. Cette idée de survie de l’âme va donner naissance au
culte des morts, et en particulier au culte des ancêtres, phénomène qui pour Tylor est
étroitement associé à l’animisme. L’ancêtre qu’on on prie est un esprit qui protège. Si le corps
humain fonctionne grâce à un double spirituel qui l’habite, la nature est également animée par
des esprits identiques. C’est au stade du polythéisme que ces esprits de la nature deviennent
des divinités considérées comme plus ou moins bénéfiques ou maléfiques. C’est alors
qu’apparaît le dernier stade, celui du monothéisme. Derrière ce monde de divinités, l’individu
présume l’existence d’un dieu suprême, créateur, qui dans la conception laïque de Tylor a été
ainsi l’aboutissement de la réflexion religieuse de l’homme à travers le temps et non le produit
d’une révolution divine.
Il est difficile de donner une définition qui jouit d’une unanimité internationale de
l’anthropologie dont le sens étymologique est : l’étude de l’homme. C’est sans doute ce
caractère vague voire imprécis de cette définition qui est à l’origine de l’usage de quelques
expressions telles que : anthropologie sociale, anthropologie culturelle, anthropologie
physique ou encore anthropologie philosophique. Ce phénomène est dû à la variété des
traditions nationales, des programmes thématiques et des options théoriques.
L’anthropologie est le terme utilisé pour désigner la discipline qui se donne pour tâche
de s’interroger sur l’homme. Par son caractère globalisant, le vocable met en évidence la
complexité des « objets » possibles de toute science de l’homme. Pour reprendre Marcel
Mauss, nous disons tout simplement que l’anthropologie est l’étude de « l’homme total ».
L’ « anthropologie française », ou plutôt l’anthropologie en France, comprend deux (2) sous-
disciplines :
- l’anthropologie physique qui se donne pour tâche de mettre en relation des caractéristiques
physiques de l’homme et de ses comportements sociaux et culturels ;
- l’anthropologie sociale qui se caractérise par deux (2) branches :
1-L’ethnologie (discours sur…) est synonyme d’ethnographie au départ (description des faits,
collecte des matériaux…) ;
2-L’ethnologie proprement dite dont la caractéristique est d’être une démarche par
l’intermédiaire de laquelle l’« esprit » de synthèse et de généralisation trouve le plus grand
privilège.
C'est à l'anthropologie anglaise qu'on doit cet emprunt, plus exactement à E.B. Tylor
dont le volume Primitive Culture parut en 1871. Dès le début de son ouvrage, Tylor donna
une définition de la culture qui a été par la suite citée de nombreuses fois: «La culture ou la
civilisation, entendue dans son sens ethnographique étendu, est cet en- semble complexe qui
comprend les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les
autres aptitudes et habitudes qu'acquiert l'homme en tant que membre d'une société». Cette
définition, qui est plutôt une description, présente ceci de particulier qu'elle se rapporte plutôt
à un ensemble de faits qui peuvent être directement observés en un moment donné du temps,
comme on peut aussi en suivre l'évolution, ainsi que l'a fait Tylor lui-même. Nous inspirant de
la définition de Tylor et de plusieurs autres, nous pourrions définir la culture comme étant : «
un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant
apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective
et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».
En second lieu, ces manières de penser, de sentir et d'agir peuvent être «plus ou moins
formalisées»; elle sont très formalisées dans un code de lois, dans des formules rituelles, des
cérémonies, un protocole, des connaissances scientifiques, la technologie, une théologie; elles
le sont moins, et à des degrés divers, dans les arts, dans le droit coutumier, dans certains
secteurs des règles de politesse, notamment celles qui régissent les relations interpersonnelles
impliquant des personnes qui se connaissent et se fréquentent de longue date. Moins les
manières de penser, de sentir et d'agir sont formalisées, plus la part d'interprétation et
d'adaptation personnelle est permise ou même requise.
2. L’autre/l’altérité
3. Le relativisme culturel
4. L’ethnocentrisme
5. L’ethnie
Issu du terme ethnos (peuple en Grec), le vocable fait penser à une population qui
partagent la conscience commune d'avoir une même origine, de posséder des valeurs socio-
culturelles communes et de parler la même langue. Toutefois, Amsèle et Mbokolo, dans leur
ouvrage Les ethnies ont une préhistoire montrent que les ethnies ont été créées pendant la
période coloniale pour des besoins administratifs et donc n'ont aucun fondement naturel. Ce
faisant, si l'ethnologie est l'équivalent de science des ethnies, nous devons cette acception à la
conception de l'ethnie propre au XIXème siècle.
6. Le symbolique
Dans son Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss, Lévi-Strauss situe son projet par
rapport à celui de Mauss en ces termes : « Mauss croit encore possible d’élaborer une théorie
de sociologie du symbolisme, alors qu’il faut évidemment chercher une origine symbolique de
la société8. » Ce qui est ainsi censé conférer son unité au projet anthropologique, c’est qu’il
s’intéresse à des objets liés entre eux par le fait qu’il s’agit d’instances de communication
symboliques entre les hommes : c’est assez évident s’agissant des mythes, qui nous placent
d’emblée dans le registre du discours, mais c’est aussi le cas dans les Structures élémentaires
de la parenté, où Lévi-Strauss montre comment les hommes communiquent à travers les
échanges matrimoniaux, de telle sorte que l’existence sociale devient elle aussi un système de
signes où les individus deviennent eux-mêmes des signes se définissant davantage par leur
position dans ce système que par leur réalité.