La cavité orale est à la fois ouverte sur le milieu extérieur et sur le milieu intérieur. Elle doit donc se
comporter comme une véritable interface, traitant tout ce qui y transite pour le rendre acceptable par
l’organisme. Qui plus est, la bouche est le siège de plusieurs fonctions spécifiques comme l’élocution et
l’expression du visage par exemple. Pour répondre à ces exigences, l’ensemble des partenaires de cet
environnement particulier interagit, donnant un ensemble extrêmement évolutif. Les sécrétions salivaires,
spécifiques selon leur origine, sont un contributeur majeur de l’écosystème buccal. Si leur étude
particulière est essentielle pour connaître la physiologie et la physiopathologie salivaire, il est nécessaire
de comprendre comment les produits de ces sécrétions se comportent dans le fluide oral qui habite la
cavité buccale. Ce fluide oral est lui-même l’un des éléments d’un ensemble plus complexe appelé milieu
buccal qui intègre tous les éléments anatomiques de la bouche, mais aussi tout ce qui rentre et qui sort de
cet espace (micro-organismes, aliments, air, polluants atmosphériques, etc.). Comment le fluide oral
interagit-il avec les dents, avec les muqueuses, avec les micro-organismes, vis-à-vis des aliments ?
Comment un environnement soumis à tant de contraintes mécaniques, chimiques, microbiennes,
physiques, s’adapte-t-il, bien ou mal ?
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Mots clés : Milieu buccal ; Salives ; Fluide oral ; Bactéries ; Dents ; Muqueuses
.
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les sécrétions salivaires contribuent à l’écosystème oral ; elles
sont issues de trois paires de glandes salivaires dites majeures
¶ Fluide oral 2
(glandes parotides, sous-mandibulaires et sublinguales) et de
¶ Composition inorganique des sécrétions salivaires 2 nombreuses petites glandes dites mineures, réparties dans les
¶ Mucines 2 différentes muqueuses tapissant la cavité buccale. Toutes les
Structure des mucines 3 glandes salivaires sont faites de cellules d’origine épithéliale
Glycoprotéines muqueuses 1 (MG1) : MUC5B salivaires 3 hautement différenciées constituant deux parties bien distinc-
Glycoprotéines muqueuses 2 (MG2) : MUC7 salivaires 4 tes ; l’acinus et son canal intercalaire d’une part, et deux
Activité du groupe sanguin dans les sécrétions salivaires 4 niveaux de canaux (granulaires et striés) d’autre part. Le
¶ Amylases salivaires 4 processus sécrétoire se fait en deux temps : d’abord par émission
d’un fluide primaire par ultrafiltrat plasmatique isotonique via
¶ « Proline-rich proteins » (PRP) 4 les cellules acineuses, enrichi de substances synthétisées in situ,
¶ Stathérine 5 puis transformation de ce produit lors de la traversée
¶ Cystatines 6 du système canalaire par réabsorption énergie-dépendante,
protéolyse sous le contrôle d’enzymes sécrétées à ce niveau et
¶ Anhydrases carboniques 6
synthèse et sécrétion de nouvelles substances [1]. L’ensemble de
¶ Diverses molécules 6 ces processus est régulé par le système nerveux autonome [2].
¶ Propriétés antibactériennes des salives 7 Les salives sécrétées par chacun des types de glandes ont leur
Défensines 7 caractère propre. L’homme produit entre 750 et 1 000 ml de
Peroxydases salivaires 7 salive par 24 heures selon trois périodes bien distinctes :
Lysozyme 7 • repos : 0,5 ml/min ;
Lactoferrine 7 • stimulation (repas) : 1 à 2 ml/min ;
Histatines 7 • sommeil profond : 0,05 ml/min.
Immunoglobuline A 8 La salive est un liquide fait de 99,4 % à 99,5 % d’eau ; le
¶ Propriétés antivirales des salives 8 résidu sec se partage entre 0,30 % à 0,34 % de substances
Virus influenza A (VIA) 8 organiques (3 à 3,4 g/l, pour l’essentiel des protides) et 0,18 %
Virus herpès simplex de type 1 (VHS1) 8 à 0,22 % de substances inorganiques (1,8 à 2,2 g/l).
Virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH1) 8 La salive est très hypotonique par rapport aux autres fluides
physiologiques : 60 à 120 mOsm/kg contre 290 mOsm/kg pour
¶ Notions d’endocrinologie salivaire 8
le plasma.
¶ Notion de peptidome oral 8 Le pH salivaire moyen, en l’absence de toute stimulation, est
¶ Conclusion 9 de 5,75 à 6,15. Dans les mêmes conditions, la salive paroti-
dienne est plus acide (pH 5,8) que la salive sous-mandibulaire
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28-150-H-10 ¶ Salives et milieu buccal
Contributions locales
Sécrétions salivaires
Fluide gingival
“ Point important
Hémorragies locales
Cellules épithéliales desquamées Le milieu buccal
Le concept de milieu buccal s’inspire de celui de milieu
Contributions exogènes intérieur. Il faut le voir comme un espace, voire comme un
Bactéries
Levures sas, siège d’interactions entre ses constituants.
Fluide
Champignons Appartiennent au milieu buccal les éléments anatomiques
Contributions endogènes oral
Sécrétions nasales
Virus qui l’occupent et le bordent (dents, langue, lèvres, joues,
Débris alimentaires palais, plancher, gencives, muqueuses), les sécrétions
et bronchiques
Médicaments et produits
Éventuels produits du salivaires, les produits apportés par le fluide gingival, la
d'hygiène résiduels
reflux gastro-œsophagien flore microbienne résidente ou en transit, les aliments de
Gaz de l'air respiré
Polluants atmosphériques passage et retenus, l’air inspiré et expiré. Des interactions
entre tous ces partenaires dépend l’état physiologique ou
Figure 1. Fluide oral.
pathologique des dents, du parodonte et des muqueuses.
Tableau 1.
Concentrations ioniques (en mol/l) dans la salive sécrétée, le fluide oral, et par comparaison, dans le plasma.
Salives sécrétées non stimulées Salives sécrétées stimulées Fluide oral (valeurs moyennes) Plasma
Na+ 2,7 50 13 143,3
K+ 46 18 20 4,1
Cl– 31 36 100,9
++
Ca total 1,6 1,5 2,5
2 Médecine buccale
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Salives et milieu buccal ¶ 28-150-H-10
NeucAc F
Gn Gn
G G
Gn M G
GaN Gn
O G
N C Apomucine
GaN
Gn F
S S
S S
Organisation de MUC5B
Figure 2. Structures des mucines. GaN : N-acétylgalactosamine ; Gn : N-acétylglucosamine ; F : fructose ; M : mannose ; NeucAc : acides N-acétyl-
neuraminiques (NeucAc ou NANA ou acides sialiques).
et des glandes mineures (mais pas par les glandes parotidien- moléculaire à l’égard de divers constituants protéiques ou
nes), et constituent les composants majeurs de ces salives lipidiques, un support sérologique, une barrière bactériostatique.
(jusqu’à 26 % des protéines salivaires sont des mucines). Ce Les chaînes glycanniques protègent les mucines de la protéolyse
sont les glycoprotéines muqueuses 1 (MG1 ou MUC5B codées et interagissent avec nombre de micro-organismes.
par le gène MUC5B) et 2 (MG2 ou MUC7 codées par le gène La glycosylation des mucines peut évoluer en réponse à des
MUC7). stimuli extérieurs et lors des processus pathologiques [6].
Les propriétés lubrifiantes des mucines, déjà évoquées, sont
Structure des mucines liées à leur état de polyions amphotères. L’ionisation des
groupes des chaînes glycanniques est sensible aux variations de
Les mucines sont des glycoprotéines : la protéine porteuse
pH et de force ionique, à la présence de substances chélatantes
– l’apomucine – constitue le squelette de la molécule. Sa partie
(rhubarbe, épinards, oseille, etc.) et de produits riches en acides
centrale est faite de « séquences répétées en tandem » de 6 à
organiques tels l’acide oxalique, l’acide citrique, l’acide malique
170 acides aminés, riches en sérines et thréonines, résidus
(pommes), l’acide tartrique (raisin) ; ces aliments sont qualifiés
supports des O-glycosylations. Les extrémités N- et C-terminales
d’astringents [7].
sont particulièrement riches en cystéines pour les mucines
Il est notable que la désialidation (élimination des acides
formant des gels. C’est là que se forment les ponts disulfures
sialiques par une neuraminidase) des mucines entraîne une
entre monomères (Fig. 2).
évolution de la conformation en bâtonnet vers une forme
Les chaînes glycanniques greffées sur l’apomucine dépassent
globulaire, avec perte de la viscosité.
largement en masse la partie protéique et se lient aux acides
aminés hydroxylés sérine et thréonine par l’intermédiaire d’une Glycoprotéines muqueuses 1 (MG1) :
N-acétylgalactosamine ; ces chaînes présentent une grande
hétérogénéité (2 à 15 unités glucidiques en séquences linéaires MUC5B salivaires
ou ramifiées), tout en restant faites d’un nombre limité de types Les glycoprotéines muqueuses 1 (MG1), ou MUC5B, de haut
de glucides : N-acétylgalactosamine, N-acétylglucosamine, poids moléculaire (> 11 × 106 Da), insolubles, codées par le gène
fructose, galactose, mannose, acides N-acétyl-neuraminiques MUC5B, sont exprimées dans les glandes majeures, sous-
(NeucAc ou NANA ou acides sialiques). Les acides sialiques (en mandibulaires, sublinguales, et mineures, palatines et labiales.
fait, tout un groupe de molécules dérivées de l’acide neurami- Leur apomucine ne représente que 15 % de leur masse ; les
nique), toujours situés en extrémité de chaîne glycannique, chaînes sont sulfatées et riches en résidus d’acides sialiques. Ce
exercent, de par leur caractère anionique, un effet de répulsion sont des oligomères faits de nombreux monomères de 2 × 106 Da
interdisant le repliement de la molécule et justifiant la confor- reliés par ponts disulfures ou liaisons non covalentes de type
mation en bâtonnet des mucines. Cette structure explique les hydrophobe. Les fortes propriétés rhéologiques de MUC5B
propriétés viscoélastiques caractéristiques des mucines en expliquent leurs propriétés viscoélastiques qui facilitent la
solution aqueuse. mastication, l’élocution et la déglutition. MUC5B contribue à la
Les mucines sont très interactives. La fraction glycannique formation de tous les films recouvrant l’émail en 2 heures
peut être considérée comme une résine biologique, un piège (contribution à la formation de la pellicule acquise exogène par
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Salives et milieu buccal ¶ 28-150-H-10
α-amylase
Glucose
Maltose
Maltotriose
Dextrine-limite
O
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28-150-H-10 ¶ Salives et milieu buccal
Co roph patite
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Cr rphyr cteriu
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du tath
es iva
do
PhSér Glu
po lis e
ma érine
ur
ine
Domaine d'affinité à l'hydroxyapatite, C
au calcium et au phosphate
t
Figure 4. Structure évolutive de la stathérine. Glu : acide glutamique ; Asp : acide aspartique ; PhSér : phosphosérine.
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Salives et milieu buccal ¶ 28-150-H-10
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28-150-H-10 ¶ Salives et milieu buccal
Hst3 et Hst5 qui est le produit d’une protéolyse post- contienne de l’acide ribonucléique (ARN) viral (et très rarement
translationnelle de Hst3, à une concentration totale de 30 à des particules virales infectieuses). Plusieurs molécules salivaires
150 µg/ml [31]. Or, le fluide oral ne compte plus que 2 à 4 µg/ml sont présumées jouer un rôle anti-VIH1 : en particulier, la
d’histatines [32]. Nous avons là une nouvelle illustration de lactoferrine, les PRP, les défensines, l’histatine 5, l’agglutinine, la
l’importante protéolyse, essentiellement microbienne, qui se thrombospondine-1, le SLPI (secretory leukocyte protease inhibitor
manifeste dans le milieu buccal, et qui justifie la distinction produit par les cellules acineuses et les leucocytes), les mucines,
entre salives et fluide oral. Toutefois, en ce qui concerne Hst5, voire l’hypotonicité de la salive.
sa protéolyse partielle ne compromet pas ses propriétés fongici- Il semble que les cellules de la gencive saine présentent fort
des. Hst5 adopte une structure amphipathique (ou amphiphile, peu de récepteurs/corécepteurs pour VIH1, limitant le risque
ce qui évoque une structure à la fois hydrophobe et hydrophile) d’infection [36]. En revanche, la parodontite chronique s’accom-
en hélice a, qui pourtant, ne semble pas former de pores au sein pagne d’une augmentation significative de ces récepteurs, mais
des membranes microbiennes ; il semblerait plutôt que Hst5 se aussi d’une augmentation importante des a-1-défensines
fixe à une protéine de liaison et perturbe le métabolisme jusqu’à salivaires, ce qui assure une bonne protection contre
entraîner la mort de la cellule. l’infection [37].
Par leur forte affinité pour les hydroxyapatites (surtout Hst- Une étude récente laisse supposer qu’un contexte de paro-
1 qui est phosphorylée), les histatines contribuent à la forma- dontite chronique pourrait favoriser la réactivation d’une
tion de la pellicule acquise exogène. infection VIH1 latente ; l’acide butyrique produit et libéré dans
Les histatines semblent aussi se comporter comme un efficace le milieu buccal et les poches par Porphyromonas gingivalis
facteur de stimulation de la cicatrisation buccale en activant la activerait l’expression du gène VIH1 déjà inséré dans le génome
migration des cellules épithéliales [33]. des cellules hôte des tissus oraux. En effet, l’acide butyrique est
l’inhibiteur d’une enzyme (l’histone désacétylase) qui « désac-
tive » les protéines porteuses des histones au sein des chromo-
Immunoglobuline A somes, facilitant ainsi l’activation du promoteur du gène
Les sécrétions salivaires se caractérisent par la production VIH1 [38].
d’une immunoglobuline particulière ; l’immunoglobuline A
sécrétoire (IgAs). Sa structure particulière la rend tout à fait
adaptée à l’environnement oral. Nous renvoyons le lecteur à un
chapitre d’immunologie pour plus de détails.
■ Notions d’endocrinologie
salivaire
■ Propriétés antivirales des salives S. Cohen reçut le prix Nobel de physiologie en 1986 pour
avoir identifié l’epidermal growth factor (EGF) dans les glandes
salivaires de souris. Plusieurs polypeptides doués de propriétés
Les sécrétions salivaires contribuent de diverses manières à
de facteurs de croissance ont été identifiés dans les sécrétions
contrôler dans la cavité buccale l’infection par certains virus,
salivaires (EGF, nerve growth factor [NGF], transforming growth
mais tous les virus ne sont pas contrariés dans leur virulence
factor alpha [TGF-a], insuline, pseudo-insuline I et II, transfor-
dans la cavité buccale. On sait, par exemple, que le virus
ming growth factor beta [TGF-b], fibroblast growth factor [FGF]).
d’Epstein-Barr peut s’exprimer de diverses façons dans l’envi-
Ces substances jouent certainement un rôle dans le processus
ronnement oral (mononucléose infectieuse, carcinome naso-
cicatriciel intrabuccal connu pour être particulièrement perfor-
pharyngé, lymphome de Burkitt).
mant. Ce fait est à rapprocher du temps de coagulation qui est
plus court dans la cavité orale qu’ailleurs. Des effets distants
Virus influenza A (VIA) (ulcère œsophagien et gastrique) de ces facteurs de croissance
salivaires font l’objet de recherches.
On sait que ce type de virus est impliqué dans la morbidité Les hormones stéroïdiennes, lipophiles, évoluent dans les
et la mortalité lors d’épidémies saisonnières ou de pandémies sécrétions salivaires à des taux plus bas que dans le plasma,
(grippe, entre autres dans ses formes aviaires ou porcines). mais de façon tout à fait proportionnelle (cortisol, progestérone,
Plusieurs molécules salivaires pourraient être actives dans le œstradiol, testostérone, etc.).
contrôle de l’infection VIA : MUC5B et peut-être MUC7 pour les Certaines de ces hormones sont soupçonnées moduler la
salives sous-mandibulaires et sublinguales, gp340 pour la salive croissance de certains germes.
parotidienne. Il est probable que MUC5B et gp340 se compor-
tent comme des ligands contenant des acides sialiques, qui se
lient aux hémagglutinines des virus Influenza, interdisant leur
liaison aux cellules cibles [34]. Toutefois, les virus Influenza sont ■ Notion de peptidome oral
tout à fait en mesure de compromettre l’effet antiviral de
MUC5B en détachant leurs acides sialiques grâce à leur neura- Si l’on identifie plus de 400 protéines différentes dans les
minidase (cette « défense » virale est contrariée par l’oseltamivir sécrétions salivaires (on parle de protéome salivaire), nombre
ou Tamiflu®, inhibiteur de neuraminidase). d’entre elles ne sont pas retrouvées dans le fluide oral. En
revanche, on dénombre à ce jour plus de 180 peptides [39] dont
il apparaît qu’ils sont issus de protéolyses des protéines salivaires
Virus herpès simplex de type 1 (VHS1) natives PRP acides et basiques, stathérine, histatines entre
autres, signant l’activité d’enzymes non exocrines, très proba-
Souvent exposée au virus herpès simplex, la cavité buccale ne
blement d’origine microbienne [40]. L’étude des cinétiques de
présente que rarement des signes cliniques pathologiques. Il
dégradation des protéines sécrétées confirme cette hypothèse,
semble que la lactoferrine (hLf) salivaire, non seulement inhibe
puisqu’elles sont 100 à 250 fois plus rapides dans le fluide oral
l’attachement du virus aux cellules cibles, mais aussi neutralise
que dans les salives pures. En revanche, il n’est pas certain que
VHS1 [35].
la fragmentation de ces protéines entraîne systématiquement
une perte de fonction. Il est même évident que beaucoup de ces
Virus de l’immunodéficience humaine peptides peuvent révéler des activités biologiques nouvelles. Il
de type 1 (VIH1) n’est pas exclu que certains de ces peptides générés dans la
cavité buccale et déglutis puissent jouer un rôle dans l’estomac
La transmission par voie orale du virus de l’immunodéfi- et l’intestin, par exemple en modulant des enzymes digestives.
cience humaine (VIH) est peu fréquente, bien que la salive de Nous connaissons d’autres cas d’interférence milieu buccal-
sujets malades du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) milieu intérieur.
8 Médecine buccale
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Salives et milieu buccal ¶ 28-150-H-10
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n
An
r ie
Antiviral
PRG
tifo
cté
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ng
a
tib
n Stathérine 93.
iqu
An
ati
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Bicarbonates
Muqueuses
n 4
Gus
ion
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Él
lim n
ta
Stathérine
l a tio
oc
est
PRP
ut
Dig
io n
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A ; IgAs : immunoglobulines A sécrétoires ; PRP : proline-rich proteins ; nutrient for dental plaque bacteria. Oral Microbiol Immunol 2008;23:
PRG : PRP glycosylées ; SLPI : secretory leukocyte protease inhibitor. 177-82.
[14] Wickström C, Hamilton IR, Svensäter G. Differential metabolic
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of MUC5B mucins in solution and in biofilms. Microbiology 2009;155:
■ Conclusion 53-60.
[15] Granger DA, Kivlighan KT, El-Sheikh M, Gordis EB, Stroud LR.
Pour comprendre la physiologie et la physiopathologie de Salivary alpha-amylase in biobehavioral research. Recent
l’espace oral, il est essentiel de raisonner en termes de milieu developments and applications. Ann N Y Acad Sci 2007;1098:122-44.
buccal. L’un des contributeurs est le fluide oral qui interagit [16] Scannapieco FA, Torres G, Levine MJ. Salivary alpha-amylase: role in
avec tous les autres partenaires du milieu. Et ce fluide se dental plaque and caries formation. Crit Rev Oral Biol Med 1993;4:
constitue à partir des sécrétions salivaires qui subissent des 301-7.
modifications importantes. L’influence déterminante de la flore [17] Matsumoto-Nakano M, Tsuji M, Amano A, Ooshima T. Molecular
orale, mais aussi de l’alimentation et de tout ce qui transite par interactions of alanine-rich and proline-rich regions of cell surface
la cavité buccale justifie combien ce milieu apparaît comme protein antigen c in Streptococcus mutans. Oral Microbiol Immunol
instable et en constante transformation. Les fonctions biologi- 2008;23:265-70.
ques inhérentes aux constituants des sécrétions salivaires sont [18] Sarni-Manchado P, Canals-Bosch JM, Mazerolles G, Cheynier V.
nombreuses et variées, mais évolutives au gré des modifications Influence of the glycosylation of human salivary proline-rich proteins
on their interactions with condensed tannins. J Agric Food Chem 2008;
structurales subies in situ.
56:9563-9.
Néanmoins, on peut considérer que l’apport salivaire est
[19] Schlesinger DH, Hay DI. Complete covalent structure of statherin, a
essentiel dans les interactions avec les dents, les micro- tyrosine-rich acidic peptide which inhibits calcium phosphate
organismes, les muqueuses et les fonctions orales. Nous en precipitation from human parotid saliva. J Biol Chem 1977;252:
proposons une représentation schématique que nous appelons 1689-95.
« le diamant des fonctions des salives » (Fig. 6). [20] Goobes G, Goobes R, Schueler-Furman O, Baker D, Stayton PS,
Meilleure sera la connaissance de cet environnement, plus Drobny GP. Folding of the C-terminal bacterial binding domain in
prometteuses seront les perspectives thérapeutiques, car elles statherin upon adsorption onto hydroxyapatite crystals. Proc Natl Acad
seront mieux ciblées sur la biologie très particulière du milieu Sci USA 2006;103:16083-8.
buccal. [21] Goobes R, Goobes G, Campbell CT, Stayton PS. Thermodynamics of
statherin adsorption onto hydroxyapatite. Biochemistry 2006;45:
5576-86.
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright [22] Long JR, Dindot JL, Zebroski H, Kiihne S, Clark RH, Campbell AA,
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré. et al. A peptide that inhibits hydroxyapatite growth is in an extended
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.
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B. Pellat, Chirurgien dentiste, docteur ès sciences, habilité à diriger des recherches, professeur des Universités, praticien hospitalier
(bernard.pellat@parisdescartes.fr).
Université Paris Descartes, Hôpital Louis Mourier (AP-HP), Faculté de chirurgie dentaire, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pellat B. Salives et milieu buccal. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine buccale, 28-150-H-10,
2010.
10 Médecine buccale
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