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Université HASSAN II

Faculté des sciences


juridiques, économiques
et sociales
Ain chock

Master Droit des Affaires


Semestre : 3
Élément de Module : Droit Pénal Des Affaires

Exposé sous le thème :

L'abus De Biens
Sociaux

Réalisé par : Sous la Direction de :

- Abdelhakim EL OMARY Professeur T. LAASRY


- Ahmed DEHBI

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2017/2018


Introduction

Dans le système économique et commercial, l’on distingue deux types d’acteurs: le


commerçant personne physique et le commerçant personne morale. Ce dernier est connu par
le public sous le nom de « société ».
Les sociétés consistent donc en des personnes morales auxquelles on affecte des biens et des
industries, et ce en vertu d’une convention conclue entre au moins deux personnes 1. Elles sont
principalement réglementées par le droit des sociétés qui les classe selon leurs différentes
formes. Dans toute forme de société, il y a ce qu’on appelle le « capital social », lequel réside
dans l’ensemble des biens appartenant à la société.
Même si toute société a des fondateurs qui apportent leurs biens personnels afin de les mettre
au service de la société, le capital social n’appartient en aucun cas aux associés ou aux
actionnaires. Le montant de ce capital est, par ailleurs, fixé par la loi et dépend de la forme de
l’entreprise.
Les sociétés constituent les principales sources d’investissement. Il en existe partout dans le
monde et leur influence excède les frontières nationales, favorisées en cela par le progrès que
connaît le monde à tous les niveaux (mondialisation, développement exponentiel du
commerce électronique et des moyens de communication…).
Les fonctions économiques des sociétés sont la création de richesse à travers la production de
biens et de services, la répartition de ces richesses par le partage de la valeur ajoutée et
l’innovation2. Et c’est leur caractère de fructificateur d’argent ou encore de créateur de
bénéfices qui fait des sociétés une source naissante de délit.
En effet, toutes les activités en rapport avec l’argent, ou, plus précisément, impliquant une
gestion ou administration de fonds pour le compte d’autrui, sont susceptibles d’être entachées
de comportements délictueux en raison de la nécessité prédominante de l’argent dans la vie
des êtres humains, et essentiellement de la cupidité de certains individus pour qui les principes
moraux ne valent pas grand-chose devant l’appât du gain.
Ces infractions sont nombreuses au sein de l’activité d’une société et heurtent de plein fouet
les fondements et principes ayant déterminé les fondateurs à mettre leur biens en commun et
créer une société.
Le problème de ces infractions réside bien évidemment dans leur caractère néfaste pour les
intérêts de la société, mais également dans le fait qu’elles sont le plus souvent imprévisibles
puisqu’elles sont commises par des membres de ladite société, qui jouissent de la confiance
des associés ou actionnaires, le coupable étant rarement extérieur à celle-ci.

1
Sous réserve de certaines exceptions telles les sociétés à responsabilité limitée à associé unique.
2
V. à ce propos, www.bts-banque.nursit.com/Definition-et-fonctions

2
Afin de résoudre les problèmes engendrés par ces infractions, un droit pénal des affaires a été
mis en place par le législateur3. Ce droit pénal distingue principalement les infractions
commises lors de la constitution de la société, celles se produisant dans le cadre de son
fonctionnement et celles commises lors de la liquidation de la société.
Lors de la constitution de la société, des personnes mal intentionnées commettent parfois le
délit de simulation de souscription ou de versement, ou encore celui de publication de faits
mensongers ; d’autres n’hésitent pas à insérer de fausses allégations sur le certificat de dépôt,
ou à surévaluer les apports...
Des infractions sont également susceptibles d’être commises lors de la phase de liquidation,
notamment par le liquidateur qui n’observe pas les prescriptions légales relatives à la
publication ou à la convocation des parties, ou qui répartit l’actif social entre les actionnaires
avant l’apurement du passif…
Force toutefois est de constater que le risque est encore plus grand lors du fonctionnement de
la société puisque les dirigeants disposent de pouvoirs très étendus qui favorisent la
commission d’infractions si ces pouvoirs se trouvent entre les mains d’individus peu
scrupuleux. L’on rencontre ainsi des cas d’escroquerie, d’abus de confiance, de fraude, des
délits d’initiés4, la présentation de comptes non fidèles, la répartition de dividendes fictifs, etc.
Parmi les délits qui peuvent être perpétrés dans le cadre du fonctionnement figure le délit
d’abus des biens sociaux, lequel paraît être le plus nuisible, que ce soit à court ou à long
terme, aux intérêts de la société, pouvant même, en certains cas, mettre en péril son existence.
Le délit d’abus des biens sociaux occupe de ce fait une place centrale dans la délinquance
d’affaires. C’est un délit suscitant l’appréhension au sein de toutes les entreprises, même
celles n’ayant pas subi ce genre de pratiques illicites5. La principale raison de sa « popularité
» est qu’elle concerne les hommes détenant les leviers du pouvoir, qu’il s’agisse de dirigeants
d’entreprise ou, bien souvent, d’hommes politiques.
Ce délit consiste, principalement pour des dirigeants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou
du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins
personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés
directement ou indirectement.
C’est un délit d’appropriation illégitime, voisin de l’abus de confiance, qui peut consister en
une action ou une omission. C’est aussi une infraction plus facile à caractériser que celle de la
corruption, grâce aux traces laissées par les flux financiers illégaux, et aussi plus facile à
poursuivre du fait des règles de prescription plus favorables. Il est parfois qualifié

3
G. DANJAUME, Abus de biens sociaux, Banqueroute, Hermès, 1ère éd., 1996, p. 7
4
« Le délit d'initié est le fait pour un dirigeant de société dont les actions sont cotées sur un marché
réglementé et pour les personnes disposant à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, d'informations
dites "privilégiées" de réaliser ou de permettre à une personne ou à des tiers de réaliser des opérations sur
les titres de la société grâce à l'information privilégiée et ce, avant que celle-ci ne soit rendue publique ».
V. pour d’amples détails, http://particuliers.lcl.fr/Divers/optimus/kitform/fiches/le_deelit_dinitie.html
5
E. JOLY et C. JOLY-BAUMGARTNER, L’abus de biens sociaux à l’épreuve de la pratique, Economica,
2002, pp. 1 et 2.

3
communément comme étant un « attrape-tout », ce qui est contraire aux principes de légalité
et d’interprétation stricte du droit pénal.
Le législateur intervint par la voie de la loi 17.95 dernièrement amendée par la loi 78.12 sur
les sociétés anonymes pour instituer le délit d’abus de biens sociaux.
Le délit est prévu à l’article 384 de la loi 17-95 qui réprime tout dirigeant de société lorsqu’il
utilise en connaissance de cause les biens, le crédit, les pouvoirs ou les voix d’une société à
des fins personnelles directes ou indirectes. Il est considéré comme l’une des formes possibles
de détournement de biens.
C’est donc face à cette réalité indéniable, c’est-à-dire l’influence néfaste de cette
infraction tant au niveau de la société qu’à l’échelle de l’économie nationale, de même
que les vives appréhensions qu’elle suscite de la part des composantes des sociétés ainsi
que des opérateurs économiques dans l’ensemble, que l’on a été amené à traiter ce sujet
et à s’interroger principalement sur la capacité du cadre juridique actuel à pourfendre
efficacement le délit d’abus de biens sociaux et instaurer un climat de sécurité juridique
au sein des divers intervenants.
La réponse à la problématique précitée sera fournie à travers l’étude des éléments constitutifs
du délit précité, en l’occurrence l’élément matériel et l’élément moral d’une part (partie I) et
d’autre part d’en présenter la répression en identifiant les personnes responsables, le
déroulement des actions en justice ainsi que les peines applicables (partie II).

4
PLAN :

PARTIE I : L’ABUS DE BIENS SOCIAUX :


ELEMENTS CONSTITUTIFS
CHAPITRE I : L’ELEMENT MATERIEL

CHAPITRE II: L’ELEMENT MORAL

PARTIE II: L’ABUS DE BIENS SOCIAUX : LA


REPRESSION
CHAPITRE I: LES PERSONNES RESPONSABLES
CHAPITRE II : L’ACTION EN JUSTICE ET LES PEINES APPLICABLES

5
PARTIE I : LES ELEMENTS
CONSTITUTIFS DE L’ABUS DE BIENS
SOCIAUX

Les éléments constitutifs de l’infraction sont les suivants : usage des biens de la société, usage
contraire à l’intérêt général, usage dans un but personnel et dernièrement, la mauvaise foi.
Tous ces quatre éléments peuvent être regroupés au sein de deux catégories, nécessaires pour
la détermination de toute infraction à savoir : l’élément matériel (Chapitre 1) et l’élément
moral (Chapitre 2).
----------CHAPITRE I : L’ELEMENT MATERIEL----------
L’abus de biens sociaux est un délit qui a été mentionné, réglementé et réprimé par le
législateur dans l’article 384 al. 3 et 4 de la loi 17.95.
Ce texte de loi indique les conditions requises pour que le délit d’abus de biens sociaux soit
retenu. Ces conditions résident en deux éléments qui doivent impérativement être caractérisés
par les juridictions répressives avant de condamner du chef d’abus de biens sociaux. Le
premier de ces éléments consiste dans l’élément matériel. Celui-ci est l’évènement entrant
dans les prévisions d’une incrimination. C’est un comportement qui pourrait aboutir à un
résultat.
Il paraît donc édifiant, dans l’optique de bien cerner les contours de cette notion d’usage,
d’analyser en premier lieu l’usage des biens sociaux (section 1), puis en second lieu de
fournir des clarifications au sujet de l’usage contraire à l’intérêt social (section 2).
Section 1 : L’usage Des Biens Sociaux
Le premier fait caractéristique du délit d’abus de biens sociaux est l’usage. Ce dernier,
consiste dans le fait de se servir de quelque chose ou encore dans le fait d’employer ou
d’utiliser quelque chose pour sa consommation, pour ses besoins personnels ou autres.
Il paraît de ce fait impérieux d’apporter tout d’abord des clarifications quant à la notion
d’usage (Paragraphe 1), et ceci avant d’identifier l’objet de l’infraction (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La notion d’usage
Le terme « usage » est très large, il englobe les actes de disposition (détournement des biens
ou fonds appartenant à la société) ou les actes d’administration (le fait d’utiliser sans
contrepartie un bien appartenant à la société). Ici plusieurs exemples peuvent être cités : le fait
d’opérer des prélèvements dans la caisse sociale, le fait d’encaisser sur son compte des
chèques émis au nom de la société, acquérir un véhicule en crédit-bail dont les échéances sont
payées par la société.
Le fait d’exposer l’entreprise à des risques non justifiés est aussi considéré comme un abus de
biens ou de crédit car la société a légalement un objet social qui en définit son domaine
d’intervention.

6
Il y a lieu de distinguer l’usage avec appropriation définitive6 de l’usage sans
appropriation définitive :
On parle d’usage avec appropriation définitive, par exemple lorsqu’un président du conseil
d’administration fait effectuer par sa société d’importants travaux dans sa propriété
personnelle. Le fait aussi pour le président de percevoir à son profit personnel les redevances
provenant de la cession de brevets, dont les dépenses de recherche et de mise au point avaient
été supportées par la société. Dans ce cas d’espèce, l’acte abusif consiste dans l’encaissement
à titre personnel de redevances qu’aurait dû percevoir la société. Pour la jurisprudence, le délit
est instantané et il est consommé au moment même où est accompli l’acte abusif. C’est donc
au jour des encaissements, et non au jour où les brevets étaient mis au point, comme le
soulève pour sa défense le président, que le délit était consommé. En effet, ce n’est pas la
cession des brevets qui constituait l’acte abusif.
Contrairement à l’usage avec appropriation définitive, le délit d’abus de biens sociaux peut
être consommé même s’il n’y a pas eu d’appropriation définitive7. Ainsi donc, la restitution
des sommes utilisées ne fait pas disparaître le délit. Une simple utilisation suffit à le
consommer. Il peut s’agir par exemple de l’utilisation des fonds sociaux pour effectuer une
opération de bourse, même si elle ne s’est pas soldée par une perte. De manière plus
habituelle, il peut s’agir du recours au compte courant qui deviendra débiteur temporairement,
peu importe que le dirigeant ait pu avoir droit à des dividendes, dès lors que ceux-ci n’avaient
pas encore fait l’objet d’une décision de distribution.
Paragraphe 2 : L’objet de l’usage
Le texte de loi a pris bien soin de préciser l’objet du délit d’abus de biens sociaux. En effet,
les dispositions de l’article 384 al 3 et 4 de la loi 17.95 précise que l’abus de biens sociaux
consiste en un usage des biens ou du crédit de la société. Elles identifient donc cet objet
comme étant « les biens ou le crédit de la société ». Cependant, on peut relever que l’objet du
délit ne se limite aucunement au patrimoine matériel de la société. S’ajoutent ainsi à cette
catégorie « les pouvoirs et les voix » de celle-ci. L’on suppose donc que le dirigeant a fait
usage de tous les moyens mis à sa disposition par la société, en vue de réaliser un acte,
qualifié plus tard d’abus de biens sociaux8. La notion de « biens », dans ce cas, regrouperait
dans un premier temps tout ce que la société possède, puis les différentes prérogatives dont
jouit le dirigeant.
A- les biens et les crédits :
Les biens et les crédits d’une société sont des notions différentes. Toutefois, elles présentent
certaines caractéristiques similaires. Il convient par conséquent, afin de bien cerner ces deux
notions, les aborder de manière distincte :
1- les biens de la société :

6
Cass. crim., 08 mars 1967, arrêt Retout, n° 93.757/65, cité par E. JOLY et C. JOLY-BAUMGARTNER,
op. cit., p. 58.
7
Cass. crim., 19 mai 1999, n° 88-80.726, cité par E. JOLY et C. JOLY-BAUMGARTNER, op. cit., p. 65.
8
J. LEROY, Les éléments constitutifs du délit d’abus de biens sociaux, Revue Juridique du Centre Ouest,
Janvier 1997, pp. 26 et s.

7
En droit, le bien est, proportionnellement à la définition issue de la matière civile, une chose
matérielle ou un droit susceptible de faire partie d’un patrimoine. Tout comme l’usage, la
notion de « bien » est entendue de manière extrêmement large par la jurisprudence. Elle
regroupe les biens mobiliers (le matériel, les marchandises en stock, les commandes, le
mobilier, etc.), les biens immobiliers, (les appartements et immeubles) et les biens incorporels
(les brevets, la marque, la clientèle, les créances…) relevant du patrimoine de la société.
Les biens sociaux font, bien souvent, l’objet de manœuvres frauduleuses. Pour être considérés
comme objet du délit, ces biens doivent appartenir à la société. Des biens inscrits au nom
d’une tierce personne ou d’un membre de la société ne pourront ainsi faire l’objet du délit.
Précisons par ailleurs que les biens sociaux comprennent tous les actifs de la personne morale.
2- les crédits sociaux :
Le crédit d’une société englobe en effet plusieurs éléments tels que sa surface financière, sa
crédibilité, sa réputation, sa solvabilité mais surtout sa capacité à emprunter. Selon la
jurisprudence, l’usage abusif du crédit de la société consiste à faire courir à ladite société un
risque auquel elle ne devrait pas être exposée9. C’est donc le fait de mettre la société dans une
situation qui risquerait de l’appauvrir, par exemple par la signature d’engagements financiers
comme la garantie d’une dette personnelle.
Au sujet de l’usage abusif du crédit social, la jurisprudence est particulièrement sévère en
raison de l’atteinte irréversible que peut avoir cet acte sur la société, les aspects visés ayant un
large champ d’application. S’il arrivait que la réputation et l’image externe d’une société
soient entachées par un acte de cette catégorie, c’est toute l’activité de la société qui
s’effondrerait que ce soit dans ses rapports avec les banques, mais aussi vis-à-vis des clients et
autres fournisseurs. En somme, ce serait un coup fatal pour ladite société. C’est la raison pour
laquelle la jurisprudence n’est pas clémente à ce sujet et passe « au peigne fin » tous les
détails portant sur l’acte en question10.
Cet usage porte atteinte au crédit de la société dans la mesure où il est susceptible de porter
atteinte à son patrimoine. Ainsi, la Cour de cassation a retenu l’usage abusif du crédit de la
société lorsqu’un dirigeant fait cautionner des dettes personnelles par la société, ou encore la
condamnation du dirigeant qui fait cautionner les dettes de sa maîtresse par la société11.
Signalons en outre que l’abus de crédit s’étend également aux effets de commerce 12. Il
convient de préciser à cet égard que les effets de commerce sont des moyens de paiement. Ce
sont également des titres négociables qui peuvent tendre à l’amélioration de la trésorerie
d’une société. Parmi ces effets, on citera, entre autres, le billet à ordre et le chèque.
B- L’usage des pouvoirs et voix de la société :

9
9 V. à titre d’exemple, Cass. crim., 8 décembre 1971, Rev. Soc. 1972, 514, note B. Bouloc
10
E. JOLY et C. JOLY-BAUMGARTNER, op. cit., p. 71.
11
Cass. crim., 13 mars 1975, Boujassy et Chezleprete, n° 91.955/74, Bull. Crim., n° 78, p. 214, rapp. par E.
JOLY et C. JOLY-BAUMGARTNER, op. cit., p. 72, .
12
A titre d’exemple, B. BOULOC, « Le dévoiement de l’abus de biens sociaux », RJ com., 1995, p. 305.

8
L’abus de pouvoirs et l’abus de voix de la société sont réprimés par les mêmes textes que
l’abus des biens et crédits de la société. L’étude de ces délits vient parfaire la notion d’usage.
1- l’usage abusif des pouvoirs de la société :
Les pouvoirs dont il est ici question, ce sont les droits reconnus aux dirigeants sociaux par la
loi ou les statuts de la société. Ils ne se confondent pas avec les procurations ou « pouvoirs »
en blanc adressés aux dirigeants sociaux par les actionnaires et dont l’usage abusif est
également incriminé par l’article 384 al 4 de la loi 17.95.
Ainsi, c’est user de ses pouvoirs que de donner des ordres à des salariés de la société pour
l’accomplissement de travaux dans son intérêt personnel, salariés qui sont subordonnés et
doivent obéissance aux dirigeants sociaux. La plupart du temps, l’usage des pouvoirs
comporte aussi un usage des biens de la société dans la mesure où l’acte frauduleux causera
un préjudice à la société.
Constitue aussi un abus de pouvoirs l’organisation par un PDG de SA « d’une fusion-
absorption déséquilibrée, lésionnaire et dépourvue de toute justification économique pour la
société » mais avantageuse pour lui-même et d’autres sociétés dans lesquelles il était
intéressé13. Il en est de même du PDG d’une société qui évince les membres du comité des
rémunérations hostiles au déplafonnement de sa rémunération et qui constitue un nouveau
comité acquis à ses vœux : augmentation de sa rémunération, indemnités de départ et
attribution de stock-options14.
Contrairement à l’abus des biens qui suppose nécessairement l’accomplissement d’un acte
positif, l’abus des pouvoirs peut résulter d’une abstention. Comme le dit la Cour de cassation,
ne pas utiliser ses pouvoirs lorsqu’il doit le faire, c’est, pour un dirigeant social, commettre un
abus : en l’espèce, le président n’avait pas réclamé à une société dans laquelle il était intéressé
le paiement de marchandises dû à la société qu’il présidait15 ou avait renoncé à une
indemnisation prévue en faveur de sa société contre un avantage personnel16.
Bien souvent, comme le remarque la doctrine, l’abus de pouvoir est absorbé par l’abus de
biens sociaux car on abuse des biens de la société en exerçant ses pouvoirs (acte de vente,
d’achat, etc.).
2- L’usage abusif des voix de la société :
Le délit d’abus des voix de la société est un délit très rare dans la pratique. Le nombre de cas
soumis à la justice frôle l’inexistence, ce qui se ressent dans la jurisprudence qui s’abstient de
donner son avis et se contente d’appréhender le délit tel qu’il est présenté par les textes. Car si
les cas d’abus de voix sociaux se font rares, le législateur est resté prudent et a pris soin de
réprimer cet acte, qui fait courir un risque à la société. Le délit d’abus des voix de la société

13
Crim. 10 juill. 1995, Bull. crim. No 253 ;JCP 1966. II. 22572, note J. Paillusseau
14
Crim. 16 mai 2012, Dr. pénal 2012. Comm. 104, note J.-H. Robert ; D. 2012. 1698, obs. C. Mascala ;
RTD com. 2012. 631, obs. B. Bouloc ; RSC. 2012.565, obs. H. Matsopoulou
15
Crim. 15 mars 1972, Rev. sociétés 1973. 357, note Bouloc
16
Crim. 28 janv. 2004, Rev. Sociétés 2004. 722, note B. Bouloc. Sur l’ensemble, v. D. Rebut, « L’abus de
biens sociaux par abstention », D. 2005. Chron. 1290 et Crim. 31 mai 2012, Rev. Sociétés 2013. 47, note H.
Matsopoulou

9
consiste en un abus de procuration. Ces procurations sont ceux que les actionnaires adressent
aux dirigeants pour qu’ils les représentent lors des assemblées générales. Cette infraction
consiste donc en un usage abusif des procurations qu’on donne aux dirigeants, par ceux-ci.
Comme cela a été relevé précédemment, il n’est presque jamais fait application des
dispositions régissant cette infraction. Elle passerait donc bien après le délit d’abus de
pouvoirs, qui, lui, se situerait après le délit d’abus de biens et de crédits sociaux.
Section 2 : Un Usage Contraire à L’intérêt Social
L’acte d’usage des biens, du crédit de la société ou des pouvoirs possédés par le dirigeant
dans la société doit être contraire à l’intérêt social pour être punissable en tant qu’abus de
biens sociaux. Il parait donc nécessaire de distinguer selon que la société est une société
indépendante (paragraphe 1) ou une société faisant partie d’un groupe de sociétés
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Cas d’une société indépendante
En l’absence de définition légale de l’intérêt social, il va appartenir au juge répressif et à lui
seul d’apprécier la situation et de décider si les faits compris dans les poursuites sont ou ne
sont pas contraires à l’intérêt social.
Dans le cadre d’une société indépendante, la jurisprudence est revenue à une stricte
interprétation des textes après avoir estimé un temps que l’acte était nécessairement abusif s’il
poursuivait un but illicite.
En effet, une approche intéressante de la notion d’intérêt social peut être effectuée en
distinguant selon que les actes litigieux entrent ou n’entrent pas dans l’objet social tel que
défini par les statuts de la société.
Pour les actes étrangers aux statuts sont a priori contraires à l’intérêt social puisqu’ils
n’entrent pas dans l’objet social tel qu’il est défini dans les statuts17. Le caractère
répréhensible des actes totalement étrangers à l’objet social n’est guère contestable lorsque
ces actes se traduisent par de véritables détournements des biens de la société, par des
prélèvements directs sur les fonds sociaux, par la prise en charge des dépenses personnelles
des dirigeants ou le cautionnement de leurs dettes. Par exemple, le dirigeant qui engage un
détective privé pour suivre son épouse aux frais de la société18. Mais il ne s’agit pas d’une
présomption irréfragable.
Quant aux actes entrant dans l’objet social, ils peuvent donner lieu à un abus de biens
sociaux lorsqu’ils se traduisent par des opérations désavantageuses pour la société entraînant
une diminution de son patrimoine ou lorsqu’ils l’exposent à des risques inutiles ou excessifs19.
Par exemple, le fait pour le dirigeant d’utiliser les fonds de la société pour rémunérer des
personnes occupant un emploi fictif20 ou pour s’octroyer des rémunérations excessives21. En
revanche, des frais de voyage et d’installation ont été considérés comme justifiés par l’intérêt
17
Coralie Ambroise-castérot, Droit pénal spécial et des affaires (5e édition) Gualino, 2016, page 123
18
Crim., 20 févr. 2002, nº 01-86.329
19
Coralie Ambroise-castérot, op.cit, page 124
20
Crim., 28 mai 2003, nº 02-83.544
21
Crim., 22 sept. 2004, nº 03-82.266

10
social22. La Cour de cassation a également sanctionné une fusion-absorption « déséquilibrée,
lésionnaire et dépourvue de toute justification économique mais avantageuse pour le dirigeant
et d’autres sociétés dans lesquelles il était intéressé »23. De même, les tribunaux n’hésitent pas
à appliquer l’infraction à des mouvements de fonds illégitimes concernant les comptes-
courants d’associé qui ne sauraient être utilisés pour servir à accorder des avances ou des prêts
au détriment de la société24.
Paragraphe 2 : Cas des groupes de sociétés
L’infraction d’abus de biens sociaux créée par le décret-loi français de 1935 a été conçue pour
un contexte de sociétés indépendantes les unes des autres. Mais à partir des années soixante,
on a assisté à une formidable concentration ayant pour résultat la constitution de groupes de
sociétés liées entre elles par des intérêts économiques et financiers.
Donc la question qui se pose est de savoir si les règles classiques de l’abus de biens sociaux
peuvent être infléchies lorsque les agissements du prévenu ont pour cadre un groupe de
sociétés. Il peut en effet paraître excessif de retenir l’incrimination sur le seul critère de l’acte
contraire aux intérêts de la société : ce qui peut nuire à celle-ci peut être bénéfique au groupe
en son ensemble et à long terme à la société elle-même.
En effet, dans le cadre d’un groupe de sociétés auquel appartient l’entreprise, il convient de
raisonner différemment pour savoir si l’acte abusif est ou non contraire à l’intérêt social. En
effet, l’intérêt général du groupe est devenu une sorte de fait justificatif d’origine prétorienne
depuis le célèbre arrêt Rozenblum de la Chambre Criminelle de la Cour de cassation du
4 février 198525. Dans cet arrêt, la Cour de cassation dégage trois critères (doivent être
vérifiées de manière cumulative) permettant de mettre en avant le fait justificatif de groupe
dès lors que le dirigeant fait effectuer par la société un acte pouvant paraître contraire à son
intérêt. Il faut :
_ Que l’on se trouve en présence d’un groupement économique fortement structuré ne
reposant pas sur des bases artificielles
_ Que les sacrifices demandés à l’une des sociétés aient bien été réalisés dans l’intérêt du
groupe et aient une contrepartie. Cette condition est essentielle et la contrepartie doit toujours
exister même si elle est à long terme.
_ Que les sacrifices ne fassent pas courir à la société concernée des risques trop importants
pouvant grever son avenir.

22
Crim., 22 oct. 2014, n 13-81.743
23
Crim., 10 juill. 1995, nº 94-82.665
24
Crim., 7 juin 2000, nº 99-84.487 ; Crim., 31 mai 2006, nº 05-86.635
25
Crim., 4 févr. 1985, nº 84-91.581

11
----------CHAPITRE II: L’ELEMENT MORAL----------
L’élément moral est double : il se déduit d’abord de la mauvaise foi des auteurs de l’acte
incriminé (Section 1 : dol général) et en second lieu, de leur intention de poursuivre la
réalisation d’un intérêt personnel (Section 2 : dol spécial).
Section 1 : Le Dol Général
La mauvaise foi ou encore le dol général peut être défini comme la volonté et la conscience de
commettre l’infraction telle qu’elle est définie par la loi. Ce serait donc la connaissance de
l’identité infractionnelle de l’acte abusif qu’on est en train de poser. Cette mauvaise foi doit
nécessairement être caractérisée pour que l’infraction soit constituée. Cette nécessité du dol
général est mentionnée par l’article 384 alinéa 3 et 4 de la loi 17-95 à travers la formulation
suivante : « qu’ils savent contraire à l’intérêt social ».
La mauvaise foi nécessite à première vue la connaissance de la situation financière actuelle ou
même future de la société, étant donné qu’elle peut être fragile avant la commission de l’acte,
et inéluctablement se détériorer suite à cet acte. Le dirigeant sait également que l’acte n’est
pas conforme à l’esprit social, mais « s’entête » à le réaliser afin d’obtenir un avantage
beaucoup plus prometteur que celui qu’il perçoit lorsqu’il met en œuvre son honnêteté au
service de la société26.
La mauvaise foi aurait deux conditions qui la constituent : la connaissance du caractère
contraire à l’intérêt social et la volonté de frauder. Cependant, toutes les décisions rendues ne
reconnaissent pas le dol avec ces deux conditions qui sont en principe cumulatives. Certaines
se contentent de relever l’une ou l’autre. Si ces deux conditions mettent en présence la
mauvaise foi, qu’en est-il lorsque le dirigeant reçoit le consentement préalable des associés ?
Dans cette situation, la revue de la jurisprudence révèle que les arrêts rendus sur la question
relevaient que l’accord des associés n’était pas éclairé ou avait passé outre le désaccord de
certains minoritaires. De ce fait, ces circonstances ne peuvent exonérer le dirigeant et vont
même jusqu’à être révélatrices du caractère lésionnaire de la décision envisagée par le
dirigeant, et donc à être facteur de la caractérisation de la mauvaise foi. L’assentiment aura un
effet exonératoire lorsqu’il sera donné librement. Dans ce cas, l’assemblée est coupable dans
son entièreté et plusieurs auteurs considèrent que le prévenu est présumé être de bonne foi27.
Le dirigeant cherche toujours à s’exonérer. Et pour cela, il fera parfois valoir que l’opération
concernée résulte d’une simple négligence. La jurisprudence reste encore ferme à cet égard.
Il résulte donc de ce qui précède que la nécessité de la caractérisation de la mauvaise foi
trouve ses principaux fondements dans le raisonnement jurisprudentiel.
Quant à la charge de la preuve de la mauvaise foi, elle reviendrait en principe au ministère
public, puisque c’est lui qui forme l’accusation et qui présente une personne comme étant
coupable de l’abus de bien sociaux28. Et pour ce faire, cette mauvaise foi doit être appréciée

26
Michel Véron, droit pénal des affaires (11e édition) Dalloz, 2016, page 408
27
Michel Véron, op. cit, page 409
28
Eudoxie Gallardo Philippe Bonfils, droit pénal des affaires (2e édition) LGDJ, 2016, Page 300

12
au jour où les actes litigieux ont été commis sans que des évènements futurs viennent
interférer dans la qualification29.
Section 2 : Le Dol Spécial
La loi énonce un intérêt personnel que doit avoir le dirigeant. Cependant, elle n’en fournit
aucun détail. Les explications sont données par la jurisprudence qui a pris soin de traiter
convenablement cette notion de dol spécial. Si le dol général est défini comme étant
l’intention de commettre une infraction, le dol spécial est le mobile de cette intention, un
mobile qualifié de personnel30.
Habituellement, le terme « mobile » n’a pas sa place en droit pénal. Mais dans le cadre du
délit d’abus de biens sociaux, il se justifie par la nécessité de ne pas freiner « l’esprit
d’entreprise »31. Car si une société est alimentée par des intérêts personnels, il ne faudrait pas
que ceux-ci soit contraires à l’intérêt social. Ce point a été soulevé par l’article 384 alinéa 3 et
4 à travers la formulation suivante : « … à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ».
Observons à ce propos que la jurisprudence interprète cette notion dans un sens large. De
l’intérêt personnel, la jurisprudence dégage deux autres intérêts : soit elle retient un intérêt
matériel, soit elle penche pour un intérêt moral. L’intérêt matériel, ou encore intérêt
pécuniaire, est assimilable à l’enrichissement personnel du dirigeant grâce à la société. Il se
traduit très souvent par une perspective ou un but de réaliser un profit pécuniaire soit par un
enrichissement direct, soit par une absence d’appauvrissement. Il y a donc selon les juges un
enrichissement lorsque le dirigeant reçoit de la part de la société des rémunérations trop
élevées32.
Les magistrats ont aussi relevé que l’intérêt matériel n’apparaissait pas dans le fait pour un
chef d’entreprise de se faire verser des primes ainsi qu’aux membres de sa famille, dès lors
que tout le personnel bénéficiait en usage de ces primes supplémentaires33. En revanche, cet
intérêt est caractérisé lorsque le dirigeant d’une société perçoit des sommes pour la cession de
brevets alors que les dépenses incombant à la recherche pour aboutir au dépôt des brevets
avaient été déboursées par la société.
L’intérêt matériel peut être constitué par le fait que le dirigeant poursuivi ne s’appauvrisse
pas, et cela chaque fois que la société règle les dépenses personnelles de ses dirigeants. Parmi
les dépenses on pourrait citer les voyages personnels du dirigeant ou le règlement des
honoraires de ses avocats.
La jurisprudence s’est également intéressée à l’intérêt moral, elle l’entend au sens large.
L’intérêt moral peut être d’ordre professionnel ou tout simplement un lien moral en rapport
avec la famille. De ce fait, elle a jugé que le désir de s’attirer la reconnaissance de ceux à qui

29
Eudoxie Gallardo Philippe Bonfils, op.cit, Page 301
30
Wilfrid Jeandidier, Droit pénal des affaires - 6e éd, Dalloz, 2005, page 278
31
Wilfrid Jeandidier, op.cit, page 279
32
rachid lazrak, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, Editions La Porte, 1997, page 180
33
rachid lazrak, op.cit, page 181

13
l’abus profite caractérisait l’intérêt moral. De même, le souci d’entretenir des bonnes relations
avec des employés municipaux, était facteur de la réalisation de l’intérêt moral.
Les juridictions ont aussi caractérisé cet intérêt par le fait de vouloir réaliser dans le cadre de
sa stratégie de carrière une « opération d’éclat » pour un dirigeant qui traversait une période
personnelle difficile. A également été reconnu l’intérêt moral du dirigeant lorsque l’abus de
biens ou de crédit de la société a pour objectif de sauvegarder sa réputation ou son confort
personnel. C’est donc au juge de pouvoir soulever ce qui caractérise cet « intérêt » personnel.
Le dirigeant doit avoir agi à des fins personnelles ou pour le compte d’une autre société ou
entreprise. C’est une règle découlant du texte et c’est à travers ces deux manières distinctes
que la jurisprudence admet le caractère personnel de l’intérêt. Les agissements à des fins
personnelles concernent les actes qui ont profité personnellement au dirigeant, soit à travers
des rémunérations de ses avocats, soit lorsqu’il y a confusion des patrimoines de la société et
ceux du dirigeant. Ils visent également les actes qui ont été accomplis dans l’intérêt des
proches du dirigeant tels que les membres de sa famille ou sa maîtresse.
Quant aux agissements pour le compte d’une autre société ou entreprise, la Cour de cassation
a estimé que les commissions injustifiées, versées par le président a une société à
responsabilité limitée qu’il a créée, constituait l’infraction d’abus de biens sociaux. La
décision du juge devra toutefois préciser que le prévenu était intéressé à titre personnel,
directement ou indirectement, dans la société qu’il a avantagée34. L’intérêt sera perçu comme
étant indirect lorsque le bénéficiaire des agissements poursuivis s’avère être une personne
autre que le dirigeant, mais avec qui il pourrait avoir un intérêt commun. Cet intérêt personnel
issu de cet avantage accordé par le dirigeant à une autre société doit être existant. Dans le cas
contraire, on serait face à « un acte de gestion critiquable », mais non constitutif d’abus de
biens sociaux.
La détermination de l’intérêt personnel diffère dans certains cas. Il en sera ainsi des groupes
de sociétés, et du cas de financement illicite. En effet, la caractérisation est particulière dans
les deux cas car le juge devra être doté d’une extrême vigilance. Dans le cas des groupes de
sociétés, le juge devra faire preuve de vigilance afin de ne pas confondre l’intérêt du groupe
de sociétés et l’intérêt personnel du dirigeant, car le dirigeant peut avoir un intérêt direct ou
indirect à toutes les opérations réalisées par les sociétés du groupe, s’il est par exemple
actionnaire ou associé.
En ce qui concerne les actes de financement illicites, il a été difficile de pouvoir affirmer que
cet acte illicite était contraire à l’intérêt de la société car il apparaissait vrai semblablement
comme une infraction commise personnellement par le dirigeant mais pour le compte de la
société. Cependant, la caractérisation de l’intérêt personnel étant faite par les juges, c’est donc
à ces derniers de pouvoir affirmer la présence ou pas d’un intérêt personnel dans l’acte illicite
commis, comme ils l’ont fait dans la célèbre affaire « Noir-botton » dans laquelle la Cour de
cassation a considéré que « … en matière d’abus de biens sociaux, l’intérêt personnel peut
être aussi bien moral que matériel, et résulter, notamment, comme en l’espèce, du souci
d’entretenir de bonnes relations avec un tiers proche des sphères politiques ».

34
Eudoxie Gallardo Philippe Bonfils, op.cit, page 478

14
Ainsi au regard de ce qui précède, la caractérisation du dol spécial revient aux juges et sans
elle, l’infraction ne saurait être constituée. La plupart du temps, ce dol se déduit des faits de la
cause ; il suffira donc de constater le fait que le dirigeant ait prélevé des fonds de la caisse
afin de financer des dépenses personnelles pour le caractériser. On serait amené à penser aussi
que la recherche de l’intérêt personnel n’est qu’une formalité, surtout si elle se traduit par la
conservation de bonnes relations avec un homme politique. Cependant, les décisions rendues
ont permis de relever le caractère nécessaire de la caractérisation du dol spécial.
De ce fait, certains juges considèrent que pour que les fins personnelles soient suffisamment
caractérisées, il faut qu’elles constituent l’élément déterminant de l’utilisation des fonds
sociaux. Ils ont donc jugé que les dirigeants sociaux qui avaient payé une amende due par un
employé pour vol au préjudice de la société pour éviter une grève dont la menace était réelle,
n’étaient pas principalement animés par la recherche de leur intérêt personnel.

15
PARTIE II : L’ABUS DE BIENS SOCIAUX : LA
REPRESSION

------CHAPITRE I: LES PERSONNES RESPONSABLES------


Plusieurs personnes sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale, la rigueur des
textes s’explique par le fait que l’abus de biens sociaux porte aussi bien atteinte au
patrimoines social qu’au patrimoine personnel. Quels sont donc les auteurs de ce délit ? Et
quels sont leurs complices ?
Sections I : Les Auteurs
Il peut s’agir aussi bien des personnes physiques que des personnes morales, pour ce qui
est de premiers, ils sont divisés en deux d’une part les dirigeants de droit et d’autre part les
dirigeants de fait.
Alors pour ce qui est des dirigeants de droit dans la société anonyme de type classique, c'est-
à-dire à conseil d’administration et président directeur général35, l’article 384 de la loi 17-95
sur la société anonyme vise le président, les administrateurs ou les directeurs généraux.
Dans les sociétés anonymes de type à directoire et conseil de surveillance le même article 384
de la loi 17-95 vise les membres des organes de direction ou de gestion.
Dans le même ordre d’idées, l’article 423 de la loi 17-95 sur les sociétés anonymes ajoute que
peut être poursuivi pour abus de biens sociaux, le liquidateur d’une société quelconque;
« Sera puni d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 8.000 à 40.000
dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement, le liquidateur qui, de mauvaise foi :
Aura fait des biens ou du crédit de la société en liquidation, un usage qu'il savait contraire à
l'intérêt économique de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou
entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ».
En ce qui concerne les dirigeants de fait, l’article 374 de la loi 17-95 sur les sociétés
anonymes prévoit ce qui suit : Les dispositions du présent titre visant les membres des
organes d’administration, de direction ou de gestion seront applicables à toute personne qui,
directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la direction, l'administration ou
la gestion de sociétés anonymes sous le couvert ou aux lieux et place de leurs représentants
légaux.
Il en est de même dans l’article 100 de la loi 5-96 sur les autres sociétés commerciales « les
dispositions du présent titre visant les gérants de société objet de la présente loi seront
applicables à toute personne qui directement ou par personnes interposées, aura en fait exercé
la gestion de ces sociétés sous le couvert ou au lieu et place de leur représentants légaux.

35
Cozian. M, Viandier. A, Deboissy. FL, Droit des societes, Litec, 13e ed, 2000, page 89

16
La direction de fait est l’application de la théorie de l’apparence valable dans toutes les
législations. Elle est basée sur l’adage que l’erreur commise fait le droit. Est considéré comme
dirigeant de fait celui, qui en toute souveraineté et indépendance, exerce une activité de
gestion et de direction sans être investi légalement36.
Pour ce qui est des personnes morales, l’article 127 du code pénal prévoit : « les personnes
morales ne peuvent être condamnées qu’à des peines pécuniaires et aux peines accessoires
prévues sous les numéros 5,6 et 7 de l’article 36, elles peuvent également être soumises aux
mesures réelles de l’article 62 »
Donc les seules peines qui peuvent être prononcées à l’encontre de la personne morale sont
les peines pécuniaires, les peines accessoires (confiscation partielle des biens, dissolution) et
les mesures de sûreté réelle (confiscation des objets dangereux, fermeture).
La loi pénale, assimile expressément les personnes morales aux personnes physiques au
regard de l’incrimination et de la responsabilité pénale, néanmoins, l’incrimination pourra être
appliquée à la personne morale lorsque la loi spécifie dans son texte qu’il s’agit de personne
physiques ; à titre d’exemple « tout fonctionnaire », « tout dirigeant ». Par contre, l’expression
« quiconque » est suffisante pour inculper la personne morale en tant qu’auteur principal.
De part ces interprétation, on peut déduire que la personne morale ne peut être incriminée
pour abus de biens sociaux comme auteur ou comme complice. Pour pouvoir imputer à une
personne morale une infraction, elle doit être expressément visée comme telle par la loi ou par
les règlements.
Ainsi, l’acte délictueux, fut-il accompli par le représentant ou l’organe de la personne morale,
n’engage la responsabilité pénale de cette dernière que lorsque l’acte se trouve accompli dans
l’intérêt personnel de l’auteur de l’infraction.
Si la quasi-totalité des textes relatifs aux crimes et délits contre les biens incriminent de façon
systématique les personnes morales qui peuvent par conséquent engager leur responsabilité
pénale en matière de vol, escroquerie, abus de confiance, recel. Ce n’est pas le cas, des textes
relatifs au délit d’abus de biens sociaux.
Pour ce qui est de la tentative, l’article 115 du code pénal prévoit qu’elle n’est punissable que
lorsqu’elle fait l’objet d’une disposition spéciale de la loi. Dans le silence des textes, la
tentative d’abus de biens sociaux échappe à toute répression.
Les auteurs peuvent avoir des complices
Section 2 : Les Complices Et Le Recel
On distingue le complice d’une part et le receleur d’autre part, pour ce qui est du premier le
principe est que la complicité de tout crime ou délit est toujours punissable, qu’il s’agisse
d’une infraction punie par la loi pénale, par une loi spéciale ou qu’il s’agisse d’une infraction
involontaire, deux conditions sont nécessaires : premièrement la nécessité d’un fait
principal punissable : c'est-à-dire que l’infraction doit être objectivement punissable.
36
Lamsafer. M, La responsabilité dans le nouveau droit des affaires, séminaire du 25 et 26 Mai 1999
compte rendu non publié.

17
Deuxièmes la nécessité d’être dans un cas de complicité par la loi, il est exigé un accord
entre l’auteur principal et le complice, qui se manifeste par un accord positif.
La complicité d’un abus de biens sociaux exige la connaissance au moment de l’infraction de
l’acte incriminé par le complice que celui-ci était contraire à l’intérêt de la société ou
l’exposait à un risque de rémunération, prépare et facilite les agissements illicites d’un associé
majoritaire et membre du directoire.
On peut dire que pour qu’il ait complicité, un acte d’abus de biens sociaux pleinement
constitué doit nécessairement exister. A titre d’exemple, peuvent être complices d’abus de
biens sociaux :
 Le commissaire aux comptes qui découvre un abus de biens sociaux, aussi minime
soit-il en effet, il a tout intérêt, à en informer les dirigeants sociaux.
 Le membre du directoire qui ayant eu connaissance des abus de biens sociaux commis
par le président, ne s’y est pas opposé
Le complice n’exclut pas le receleur.
Pour ce qui est du receleur, l’article 571 du code pénal prévoit : « Quiconque, sciemment
recèle en tout ou en partie des choses, soustraites, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime
ou d'un délit, est puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 200258 à
2.000 dirhams, à moins que le fait ne soit punissable d'une peine criminelle comme
constituant un acte de complicité de crime prévu par l'article 129. »
L’article 321 du code pénal français définit le recel comme étant le fait de transmettre une
chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose
provient d’un crime ou d’un délit. Le deuxième alinéa de ce texte précise que peut constituer
également un recel de fait, en connaissance de cause, de bénéficier par tout moyen des
produits d’un crime ou d’un délit.
De part ces deux textes, on constate que le recel de fait n’est pas prévu par le code pénal
marocaine et donc ne peut en aucun cas concerner l’abus de biens sociaux.
En guise conclusion, qu’il s’agisse du personnel de direction, de gérance de droit ou de fait,
les personnes pouvant être responsable en matières d’abus de biens sociaux sont fort
nombreuses et, rares sont ceux qui sont à l’abri d’une inculpation, il suffit que l’infraction soit
commise et découverte pour que l’action en justice soit déclenchée.

------CHAPITRE II : L’ACTION EN JUSTICE ET LES PEINES APPLICABLES------


Dans le cadre de ce chapitre on va traiter dans la première section l’action en justice dans
laquelle on va voire l’action publique d’une part, et d’autre part, l’action civile. Nous aurons
l’occasion de voir dans la deuxième section les peines applicables
Section 2 : L’action En Justice
Toute infraction à la loi pénale, crime, délit, ou contravention commise, donne naissance à
une action contre son auteur, appelée action publique, dès lors que l’infraction a engendré un

18
dommage matériel ou moral, la victime peut également exercer une action en réparation,
l’action civile.
Ces actions obéissent aux règles posées par le code de procédure pénale et le code de
procédure civiles, cependant, pour l’abus de biens sociaux, la charge de la preuve semble être
renversée, car La charge de la preuve pèse en principe sur la personne qui agit, c’est la partie
poursuivante qui doit établir les éléments constitutifs de l’infraction et l’absence de tous les
éléments susceptibles de la faire disparaitre.
D’ailleurs, la garantie essentielle de la présomption d’innocence précise que si un doute
subsiste ç la culpabilité du prévenu, sa relaxe s’impose.
Paragraphe 1 : L’action publique
L’action publique a pour but de réprimer le trouble subi par l’ordre social et pour objet
l’application d’une peine ou d’une mesure de sureté au délinquant, l’action publique est
exercée par les juges du ministère public devant les juridictions répressives.
Ainsi, elle s’exerce contre les auteurs « auteurs et co-auteurs » ou les complices, susceptibles
de commettre un abus de biens sociaux. Les principes de la responsabilité individuelle et de la
personnalité des peines ne permettent d’exercer l’action publique que contre le délinquant, A
titre d’exemple, en cas de décès, les héritiers ne sont tenus que des réparations civiles.
Néanmoins, l’action publique ne peut être déclenchée que si le parquet opportun, et ce d’après
le principe de l’opportunité des poursuites. Le ministère public n’est pas toujours obligé de
poursuivre l’auteur d’une infraction, si le trouble à l’ordre social est assez faible et que
l’infraction parait insignifiante, la poursuite présentera beaucoup plus d’inconvénients que
d’avantages pour l’ordre public, il appartient donc au ministère public d’apprécier dans
chaque situation s’il y a lieu ou non de poursuivre. Cependant, cette liberté n’est pas sans
limite. La constitution en partie civile de la victime a pour effet de déclencher la poursuite.
Si elle n’est pas exercée au bout d’un certain temps, l’action publique se prescrit,
conformément à l’article 4 du code de procédure pénale : « sauf dérogation résultant de loi
spéciales, l’action publique se prescrit : En matière criminelle, par vingt années grégoriennes
révolues à compter du jour où le crime a été commis ; En matière délictuelle, par cinq années
grégoriennes révolues à compter du jour où le délit a été commis ; En matière de simple
police, par deux années grégoriennes révolues à compter du jour où la contravention a été
commis »
En l’absence de dérogations spéciales dans les textes incriminants l’abus de biens sociaux, ce
sont les règles du droit commun qui s’appliquent, le délai de prescription de l’action publique
est de cinq années à partie du jour de la commission des faits. « L’action publique n’exclut
pas l’action civile ».
Paragraphe 2 : L’action civile
L’action civile a pour but de réparer le dommage qui résulte de l’infraction et a pour objet de
faire condamner le délinquant ou bien les tiers qui en sont civilement responsables de lui à des
dommages-intérêts. Elle peut être exercée en même temps que l’action publique devant les

19
juridictions répressive, elle peut aussi être exercée séparément de l’action publique devant la
juridiction civile compétente.
Lorsque l’action publique est prescrite, l’action civile ne peut plus être intentée que devant la
juridiction civile.
Concernant l’abus de bien sociaux, seule la société elle-même et les associés ou actionnaires
peuvent se constituer parties civiles.
A- L’action civile exercée par la société :
Le délit étant contraire à ses intérêts, la société victime de l’abus de biens sociaux est habilitée
à se constituer partie civile par l’intermédiaire de son représentant légal : président, directeur,
gérant ou liquidateur, tant qu’il n’a pas été procédé à la clôture de la liquidation.
Dans le cas des groupes de sociétés, il a été jugé qu’une société peut se porter partie civile
contre l’auteur d’un abus de biens sociaux de la société absorbée, et ce en vertu du principe de
la transmission universelle du patrimoine. La société absorbante s’est constituée partie civile
contre un dirigeant de fait de la société absorbée, poursuivi pour abus de biens sociaux
puisqu’il s’était injustement fait remboursé des frais par cette dernière.
L’action de la société peut aussi être déclenchée par un actionnaire, mais, dans ce cas tous les
dommages obtenus seront versés à la caisse sociale et non à l’actionnaire.
B- L’action civile exercée par les actionnaires ou les associés :
Cette action tend à faire réparer le préjudice personnel subi par l’actionnaire ou par l’associé.
Le délit d’abus de biens sociaux est de nature à leur causer un préjudice direct, et rend
recevable leur constitution en partie civile. En effet, la société est un contrat par lequel
plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de partager le
bénéfice qui en résultera37. Donc, le préjudice subi aura pour conséquence de priver les
actionnaires ou associés de percevoir les bénéfices ou de s’acquitter de leurs créances.
C’est ainsi, que l’action doit être exercée par l’actionnaire lui-même. La plainte avec
constitution de partie civile d’un syndicat de défense d’actionnaires n’est pas recevable.
Si la société est en état de redressement ou de liquidation judiciaire, ceci n’influence en aucun
cas l’exercice de l’action civile par l’actionnaire, étant donné que l’action sera entamée contre
le dirigeant et non par contre la société en état de cessation de paiement.
Enfin, l’action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui n’appartient
qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
En cela, les créanciers et les salariés ne sont pas autorisé à se constituer partie civile.
C- La prescription :
L’article 355 de la loi 17-95 sur les sociétés anonymes prévoit : « L’action en responsabilité
contre les administrateurs, les membres du directoire ou du conseil de surveillance tant
sociale qu'individuelle, se prescrit par cinq ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été

37
rachid lazrak, op.cit, page 185

20
dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par
vingt ans ».
Il en est de même dans l’action en responsabilité pour les gérants et ce en vertu de l’article 68
de la loi 5-96 sur les autre sociétés commerciales : « l’action en responsabilité prévues à
l’article 67 se prescrivent par cinq ans à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimule
de sa révélation, toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par vingt ans ».
Si dans l’action publique, le délai de prescription court à partir du jour où l’infraction a été
commise, en matière d’action civile, le principe est différent, le délai peut commencer à courir
à partir de la commission du délit s’il été ostensible. Dans le cas contraire il commencera au
moment de sa révélation. Cette situation peut s’avérer dangereuse, et peut conduire à une
imprescriptibilité du délit.
En guise conclusion, l’analyse du déroulement des actions en justice nous a permis de relever
la particularité par rapport, au droit commun, surtout en matière de délai de prescription,
comment se présenteront les choses au Maroc ? En attendant, il est nécessaire d’étudier
l’application des peines
Section 2 : Les Peines Applicables
L’abus de biens sociaux est un délit tel qu’il résulte des textes sur la société anonyme et des
textes sur les autres sociétés commerciales. Comment se présentent donc les peines
principales prévues par les textes ? Existe-il des peines accessoires et des mesures de sureté ?
Paragraphe 1 : les peines principales
Il existe des peines principales comme pour toutes les infractions, seulement dans certains cas,
le texte spécial peut déroger au texte général.
A- Les peines prévues par les textes
Dans la loi 17-95 sur la société sur la société anonyme, l’article 384 dispose que les membres
des organes d’administration, de direction ou de gestion, coupables d’abus de biens sociaux,
encourent un emprisonnement de 1 à 6 mois et un amende de 100.00 à 1.000.000 dirhams ou
de l’une de ces deux peines seulement.
En vertu de l’article 423 de la loi 17-95 sur la société anonyme, les liquidateurs coupables
d’abus de biens sociaux sont assujettis à la même peine d’emprisonnement, mais à une
amande de 8.000 à 40.000 dirhams, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Dans la société anonyme simplifiée, l’article 437 alinéas 2 de la loi 17-95 sur la société
anonyme prévoit que les mêmes sanctions encourues par les membres des organes
d’administration, de direction ou de gestion des sociétés anonymes sont applicables aux
présidents et aux dirigeants des sociétés anonymes simplifiées.
Dans les autres sociétés commerciales, l’article 107 de la loi 5-96 sur les sociétés
commerciales dispose que les gérant coupables d’abus de biens sociaux encourent un
emprisonnement de 1 à 6 mois et une amende de 10.000 à 100.000 dirhams, ou de l’une de
ces deux peines seulement, l’article 105 de la même loi sur la sociétés commerciales rend

21
applicables l’article 423 cité précédemment de la loi 17-95 sur la société anonyme en ce qui
concerne les liquidateurs.
Le législateur marocain n’a pas voulu être aussi sévère et passer d’une phase où il n’y avait
pas répression pour abus de biens sociaux à une autre qui ne ferait qu’effrayer davantage le
milieu des affaires, d’autant plus que la promulgation de la loi relative aux sociétés anonymes
a fait l’objet d’une forte polémique. Elle est considérée comme étant très sévère même si son
but essentiel est de chercher à responsabiliser davantage les dirigeants de sociétés à l’égard
des associés et des tiers.
Par ailleurs, la loi prévoit des dérogations.
B- Les dérogations prévues par les lois sur les sociétés
Pour pouvoir identifier quelles sont les dérogations prévues par les lois sur les sociétés par
rapport aux règles normales posées par le code pénal, il est nécessaire de commencer par
présenter la règle normale.
En ce qui concerne la fixation de peine, l’action 141 du code pénal précise que le juge est
libre de fixer la peine entre le maximum et le minimum prévu par le texte qui fixe
l’incrimination et la sanction. Néanmoins, l’article 146 et suivant permettent de descendre au-
dessous du minimum légal en octroyant des circonstances atténuantes.
Dans l’article 377 de la loi 17-95 sur la société anonyme et l’article 103 de la loi 5-96 sur les
autres sociétés commerciales, il est précisé que les amendes prévues ne peuvent être réduites
au-dessous du minimum légal, ce qui semble exclure l’octroi des circonstances atténuantes.
La situation est similaire lorsqu’il s’agit du sursis. Si l’article 55 du code pénal dispose que le
sursis à l’exécution de la peine peut être prononcé (si le condamné n’a pas subi de
condamnation antérieure à l’emprisonnement pour crime ou délit), il n’en reste pas moins
vrais que dans l’article 377 de la loi 17-95 sur les sociétés commerciales, le sursis ne peut
être ordonné que pour les peines d’emprisonnement. En d’autres termes, en matière de
sociétés, le sursis sera accordé dans les conditions prévues par le code pénal puisque les lois
sur les sociétés n’y dérogent pas pour les peines privatives de liberté. Par contre, les peines
d’amendes ne peuvent faire l’objet d’un sursis.
Pour ce qui est de la récidive, l’article 375 de la loi 17-95 sur la société anonyme et l’article
101 de la loi 5-96 sur les autres sociétés commerciales dérogent aux articles 156 et 157 du
code pénal.
En effet, dans les lois sur les sociétés, il n’y a pas de limite de temps à la récidive entre la
commission des deux infraction, ce qui est dangereux, alors qu’en droit commun, pour qu’il
ait récidive, le deuxième crime ou délit doit avoir lieu dans un délai de cinq ans après
l’expiration de la première peine prononcée.
Les principales appellent d’autres accessoires, voire mêmes des mesures de sureté.
C- les peines secondaires
On distingue les peines accessoires aux mesures de sureté
1- Les peines accessoires

22
L’article 40 et suivants du code pénal disposent qu’il n’y a de peines accessoires de plein droit
en matière délictuelle, que dans les cas déterminés par la loi. Ainsi, dans les lois sur les
sociétés, aucune disposition n’ayant été prévue, les peines accessoires en conséquence ne sont
pas applicables.
- Les mesures de sureté
Les lois sur les sociétés ne prévoyant pas de mesures de sureté il faut donc se reporter au texte
général qui est le code pénal.
Les mesures de sureté sont prévues à l’article 61 du code pénal qui les énumère comme suit :
- Les mesures de sureté personnelles :
Dans le cadre de la prévention générale :
*La relégation
*L’obligation de résider dans un lieu déterminé
*L’incapacité d’exercice toute profession, acticité ou art, subordonné ou non à une
autorisation administrative
*L’interdiction de séjour
*La déchéance des droits de puissance paternelle
Dans le cadre de la prévention spéciale :
*l’interdiction judiciaire dans un établissement psychiatrique
*le placement judiciaire dans un établissement thérapeutique
*le placement dans une colonie agricole
- les mesures de sureté réelles
*La confiscation des objets ayant un rapport avec l’infraction ou des objets nuisibles ou
dangereux ou dont la possession est illicite
*la fermeture de l’établissement qui a servi a commettre une infraction
*L’article87 du code pénal prévoit aussi une interdiction d’exercer un métier ou profession
pour les condamnés pour crime ou délit : « lorsque la juridiction constate que l’infraction
commise a une relation directe avec de graves craintes qu’en continuant à les exercer, le
condamné soit un danger pour la sécurité, la santé, la moralité ou l’épargne publique »

23
Conclusion

Le monde des affaires étant en perpétuel évolution, il paraît évident d’envisager une évolution
parallèle des méthodes ou actes qui conduiraient à la réalisation d’abus de biens sociaux. Il
faudrait que les moyens de prévention de l’infraction ne se limitent pas uniquement à des
contrôles et informations sur les actes financiers des entreprises, ce qui s’avérera inefficace.
Aux côtés des moyens de prévention qu’il convient de mettre en place, le renforcement et
l’application des sanctions sont devenus nécessaires. Compte tenu de la persistance du délit en
raison de l’inefficacité de sa répression et du vieillissement des textes de loi, il semble ainsi
judicieux de ne pas laisser la jurisprudence comme seul outil d’adaptation de la loi pénale à la
pratique des affaires, et de prévoir de véritables projets de réforme des textes de loi dans le
but de renforcer les sanctions pénales qui viennent parfaire la condamnation, et mettre à jour
le droit pénal.

24
Bibliographie

OUVRAGES :
 G. DANJAUME, Abus de biens sociaux, Banqueroute, Hermès, 1ère éd., 1996
 E. JOLY et C. JOLY-BAUMGARTNER, L’abus de biens sociaux à l’épreuve de la
pratique, Economica, 2002
 J. LEROY, Les éléments constitutifs du délit d’abus de biens sociaux, Revue Juridique
du Centre Ouest, Janvier 1997
 Coralie Ambroise-castérot, Droit pénal spécial et des affaires (5e édition) Gualino,
2016
 Michel Véron, droit pénal des affaires (11e édition) Dalloz, 2016
 Eudoxie Gallardo Philippe Bonfils, droit pénal des affaires (2e édition) LGDJ, 2016,
Page 300
 Wilfrid Jeandidier, Droit pénal des affaires - 6e éd, Dalloz
 rachid lazrak, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, Editions La Porte, 1997
 Cozian. M, Viandier. A, Deboissy. FL, Droit des societes, Litec, 13e ed, 2000

JURISPRUDENCE:
 Cass. crim., 08 mars 1967, arrêt Retout, n° 93.757/65
 Cass. crim., 19 mai 1999, n° 88-80.726
 Cass. crim., 8 décembre 1971, Rev. Soc. 1972, 514, note B. Bouloc
 Cass. crim., 13 mars 1975, Boujassy et Chezleprete, n° 91.955/74, Bull. Crim., n° 78,
p. 214, B. BOULOC, « Le dévoiement de l’abus de biens sociaux », RJ com., 1995
 Crim. 10 juill. 1995, Bull. crim. No 253 ;JCP 1966. II. 22572, note J. Paillusseau
 Crim. 16 mai 2012, Dr. pénal 2012. Comm. 104, note J.-H. Robert ; D. 2012. 1698,
obs. C. Mascala ; RTD com. 2012. 631, obs. B. Bouloc ; RSC. 2012.565, obs. H.
Matsopoulou
 Crim. 15 mars 1972, Rev. sociétés 1973. 357, note Bouloc
 Crim. 28 janv. 2004, Rev. Sociétés 2004. 722, note B. Bouloc. Sur l’ensemble, v. D.
Rebut, « L’abus de biens sociaux par abstention », D. 2005. Chron. 1290 et Crim. 31
mai 2012, Rev. Sociétés 2013. 47, note H. Matsopoulou
 Crim., 20 févr. 2002, nº 01-86.329

25
 Crim., 28 mai 2003, nº 02-83.544
 Crim., 22 sept. 2004, nº 03-82.266
 Crim., 22 oct. 2014, n 13-81.743
 Crim., 10 juill. 1995, nº 94-82.665
 Crim., 7 juin 2000, nº 99-84.487 ; Crim., 31 mai 2006, nº 05-86.635
 Crim., 4 févr. 1985, nº 84-91.581

WEBOGRAPHIE:
 www.bts-banque.nursit.com/Definition-et-fonctions
 http://particuliers.lcl.fr/Divers/optimus/kitform/fiches/le_deelit_dinitie.html

COLLOQUE:
 Lamsafer. M, La responsabilité dans le nouveau droit des affaires, séminaire du 25 et
26 Mai 1999 compte rendu non publié.

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Table des Matières

PARTIE I : L’ABUS DE BIENS SOCIAUX : ELEMENTS CONSTITUTIFS 4


CHAPITRE I : L’ELEMENT MATERIEL 4
Section 1 : L’usage Des Biens Sociaux 4
Paragraphe 1 : La notion d’usage 4
Paragraphe 2 : L’objet de l’usage
A- les biens et les crédits : 5
1- les biens de la société : 5
2- les crédits sociaux : 6
B- L’usage des pouvoirs et voix de la société : 6
1- l’usage abusif des pouvoirs de la société : 7
2- L’usage abusif des voix de la société : 7
Section 2 : Un Usage Contraire à L’intérêt Social 8
Paragraphe 1 : Cas d’une société indépendante 8
Paragraphe 2 : Cas des groupes de sociétés 9
CHAPITRE II: L’ELEMENT MORAL 10
Section 1 : Le Dol Général 10
Section 2 : Le Dol Spécial 11

Partie II: l’abus de biens sociaux : la répression 14

CHAPITRE I: LES PERSONNES RESPONSABLES 14


Section 1 : Les Auteurs 14
Section 2 : Les Complices Et Le Recel 15
CHAPITRE 2 : L’ACTION EN JUSTICE ET LES PEINES APPLICABLES 16
Section 1: L’action En Justice 16
Paragraphe 1 : L’action publique 17
Paragraphe 2 : L’action civile 17
A- L’action civile exercée par la société : 18
B- L’action civile exercée par les actionnaires ou les associés : 18
C- La prescription : 18
Section 2 : Les Peines Applicables 19
Paragraphe 1 : les peines principales 19
A- Les peines prévues par les textes 19
B- Les dérogations prévues par les lois sur les sociétés 20
C- les peines secondaires 20

27
3- Les peines accessoires 20
Les mesures de sureté 21
- Les mesures de sureté personnelles 21
- les mesures de sureté réelles 21

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