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Les marchés financiers déstabilisent ils l’économie ?

Introduction

Qu’est ce qu’un « marché financier » ? On en entend toujours beaucoup parler mais lorsqu’il
s’agit de donner une définition exacte, la tâche n’est pas si évidente. Bien que la définition du
dictionnaire ne soit pas exhaustive, il nous est dit qu’il s’agit de « marchés de capitaux de
longue durée qui représentent l’ensemble des offres et des demandes des capitaux pour des
souscriptions au capital social des entreprises et des placements à long terme ». Depuis une
dizaine d’année, le système financier prend une importance grandissante : cela est dû à la
déréglementation des marchés financiers et à la désintermédiation de l’économie (voir les
définitions exactes à la dernier page). On est passé d’une économie d’endettement à une
économie de marché de capitaux (même si on fait un mix des deux aujourd’hui encore).
Aujourd’hui, les marchés financiers ont mauvaise presse.

Ici, la question n’est pas de savoir si oui ou non ils déstabilisent l’économie, c’est de savoir si
ils la déstabilisent et c’est bien ou/et s’ils la déstabilisent et c’est mal. En d’autres termes, le
système financier est il source de croissance ou source de crise ?

I. Les marchés financiers sont une aubaine pour l’économie en ce qu’ils


l’empêchent d’être inerte, c'est-à-dire congelée

A. Les marchés financiers financent l’économie de façon transparente

1. Le rôle principal du marché financier est le financement de l’économie

Une économie stable, c’est aussi une économie congelée. Les marchés financiers sont
capables de mobiliser des capitaux très importants et de façon très flexible : ils peuvent faire
faire des allers retours considérables à l’argent.

Cela profite aux entreprises…

La fonction première du marché financier est de drainer une partie de l’épargne en vue de
contribuer au financement des investissements des entreprises et de l’économie nationale :
collectant des capitaux auprès des agents économiques qui disposent de capacité de
financement, le MF procure aux entreprises et aux administrations publiques des ressources
longues, il facilite la croissance des sociétés et confère à l’Etat des moyens supplémentaires
pour mener à bien sa politique dans les domaines économique et social. Le MF établit un
circuit quasiment direct entre l’épargnant qui désire placer ses capitaux et l’investisseur qui a
besoin de ces capitaux. C’est la désintermédiation : avant on passait par des banques qui
prenaient un intérêt à placer l’argent des autres. Actuellement, le recours à la Bourse couvre
60 % des besoins de financement de l’économie.

….et aux épargnants en ce qu’ils leur permettent de réaliser des plus values

Les entreprises recourent au MF par l’émission d’actions ou d’obligations.

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Définition d’actions

Pourquoi acheter une action ?

- spéculation, c'est-à-dire revendre plus cher


- recherche d’un profit, la dividende
- participer au capital de l’entreprise pour l’influencer

Définition d’obligations

Moins risqué, mais aussi moins bien rémunéré

2. L’avantage des marchés financiers est qu’ils sont les plus transparents de l’économie

 Réduction des conflits d’intérêt :


Séparation au sein des banques de métiers de BFI et de banque commerciale
Séparation dans les cabines d’audit des métiers d’audit et du conseil

 Contrôle des dirigeants et administrateurs d’entreprises au profit des actionnaires :


Passage des plans de stock-options dans le compte des charges des entreprises
Instauration d’un plafond du nombre de mandats d’administrateur (3)
 Obligation pour les institutionnels de voter aux AG, afin que leur poids dans les firmes
puisse accompagner les intérêts des actionnaires individuels

 Renforcement des prérogatives des autorités de régulation


 Création aux Etats-Unis de la Corporate Fraud Task Force, alliance
entre la SEC et le FBI en juillet 2002
 Loi Sarbannes-Oxley protége les actionnaires américains en donnant plus de pouvoir et
de moyens aux autorités de régulation
Création de l’AMF, dotée de prérogatives renforcées (fusion CMF et COB)

 Vers une régulation globale :


 Création de normes comptables internationales, afin de faciliter les comparaisons entre
firmes cotées sur les différents marchés internationaux

B. … et la poussent à avancer

« Une première ambiguïté doit être dissipée : la montée des marchés financiers dans les
économies industrielles n'est pas seulement le produit de la libéralisation. Elle est aussi une
réponse à un besoin né du développement économique lui-même. Dans une économie
moderne, la mise en oeuvre d'un capital matériel et immatériel important rend le travail plus
productif en même temps qu'elle conduit à une forte accumulation d'actifs financiers"

1. Ce sont les marchés financiers qui poussent à l’optimisation des capitaux investis

Ce sont les marchés financiers qui permettent des marchés démocratiques : le dirigeant d’une
entreprise détenue par des actions et des fonds est poussé par ses actionnaires à faire le mieux
possible, il est responsable, il a des comptes à rendre (des OPA, etc.). L’économie doit

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avancer, dégager du profit, faire prendre à l’action de la plus value, augmenter les dividendes
(stakeholdershareholder).
Les marchés financiers poussent l’économie à avancer ; prenons l’exemple de Moulinex,
entreprise familiale détenue par son fondateur jusqu’à sa mort, qui, seul, dictait sa loi comme
un dictateur, avec ses propres accords avec la CGT. Moulinex n’a pas rénové ses produits, n’a
pas licencié des gens lorsqu’il le fallait, elle ne s’est pas introduite dans de nouveaux marchés.

Du fait de la pression à rentabilité, le plus faible doit mourir, l’entreprise agonisante doit
disparaître pour l’optimum. L’optimisation des capitaux investis et la mise en concurrence de
différents emplois ou de différents managements les concourent à détruire les positions
acquises, ce qui est bon pour l’économie- ici on ne s’intéresse pas aux conséquences sociales.

2. Et qui facilitent l’évolution des groupes industriels

Le MF permet les restructurations industrielles grâce à des fusions, absorptions ou prises de


participations. Les OPA (Offres publiques d’achat) et les OPE (d’échange), dont la régularité
est contrôlée par la COB (Commission des opérations de Bourse), sont un moyen efficace
pour mener à bien ces restructurations. Les OPA et les OPE s’appellent aussi des raids. Ds le
cas d’1 OPA, l’entreprise qui a pris l’initiative propose aux actionnaires de l’entreprise qu’elle
souhaite absorber, de leur acheter leurs actions à un cours supérieurs à celui du marché, et ds
le cas d’1 OPE, de les échanger contre certaines de ses propres actions.

II. … néanmoins ils sont aussi à l’origine de certaines crises qui la ponctuent

Qu’est ce que la spéculation ? C’est un pari risqué sur l’avenir

1. En même temps que l’on dit ça, il faut bien voir que le spéculateur est essentiel à
l’économie

Le spéculateur est essentiel à la stabilité du marché financier : Il sert à répartir les risques.
Si les gens spéculent demain sur le dollar, c’est un marché qui se met en face de gens qui ont
besoin de se couvrir sur le dollar demain.

Pour illustrer cela : en ce moment, tout le monde a peur que le dollar baisse, donc ceux qui
vendent leur exportation contre des dollars veulent bien payer une prime mais ils veulent
s’assurer que le dollar encaissé dans deux mois est celui de la valeur d’aujourd’hui. Il faut
bien avoir un assureur en face : celui la est le spéculateur- il fixe le prix du risque contre
lequel les autres se couvrent. Il est aux marchés financiers ce qu’est l’assureur est à
l’assurance.

2. Le caractère autoréaliseateur de la spéculation : les selfulfilling prophecies

Celui qui est le meilleur sur un marché financier n’est pas celui qui a raison (non le prix du
pétrole devrait être plus bas et je vous le prouve), en réalité il vaut mieux avoir tort avec
tout le monde que d’avoir raison tout seul. Il faut mieux faire les mêmes erreurs que les
autres. Ce n’est pas la rationalité qui guide un marché d’anticipation mais l’anticipation de ce
que sera le comportement moutonnier des autres ; et cela peut avoir tendance à accroître les
variations normales des biens économiques.

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Par exemple : on sait qu’il y aura plus de pétrole dans vingt ans, que le prix du baril passera
de 50 à 60$, juste histoire de donner un ordre des grandeurs, car l’économie repart avec l’Inde
et la Chine. Avec la spéculation, le pétrole monte à 80$.
Grâce au PER (rapport entre le prix des actions et les bénéfices par action) on peut dire que
les krachs boursiers sont essentiellement dus à une surévaluation des cours des actions. On
parle de « mimétisme autoréférentiel » pour qualifier cette interdépendance des anticipations
et surestimation fréquente des profits futurs de 20 à 30%.

B. … qui conduit souvent à une rupture entre la sphère réelle


et la sphère financière, rupture préjudiciable à l’appareil
productif et à l’emploi

1. La spéculation entraîne des sous estimations d’entreprises ou de secteurs qui auraient un


avenir

Exemple d’internet: de bons petits business se sont multipliés dans les années 90, en
rapportant par exemple par année 1 millions de dollar. On leur propose de s’introduire sur le
marché pour être racheté à 150 millions. Ils acceptent ; la spéculation fait ainsi que plein
d’argent s’est déversé sur cette PME. Cela tend à déstabiliser la croissance de l’entreprise car
cela lui donne trop d’argent, qui lui fait prendre de mauvaises décisions.

De la même façon, l’argent peut aller sur un métier lorsqu’il est à la mode et faire monter les
actifs pour que quelques années plus tard, il ne vale plus rien. L’inverse s’est passé en
France : selon les prix du pétrole, il est rentable d’avoir une usine de nucléaire ou pas. A la fin
des années 90, les prix du pétrole étant très bas, tout le monde s’est moqué de la France qui
dépensait des milliards et des milliards sur une activité qui ne servait que très peu.
Aujourd’hui, avec la montée de la Chine et de l’Inde, on voit bien que les prix du pétrole
suivent une tendance lourde à la hausse. On aurait pu donc fermer des industries de nucléaires
ne se doutant pas qu’elles seraient compétitives dans x années.

La conclusion est que l’extrême fluidité de l’argent des marchés financiers, les mouvements
massifs d’argent pour entrer ou se retirer d’un secteur peuvent avoir des effets réels non
anticipés. La fluidité de l’argent se manie à coups de clics, tandis que lorsqu’il s’agit de
construire ou de détruire des vrais actifs, comme des usines, c’est plus compliqué.

- En imposant des logiques de portefeuille où on vend et achète à CT, la liquidité


permanente des marchés financiers a en réalité aggravé distance actionnaires/
stratégies d’entreprises. Le pivot du capitalisme financier= la théorie de la valeur
actionnariale faisant de l’entreprise le domaine de valorisation du capital.
Actionnaire : contrôle externe fondé sur respect du ROE de 15%. D’où expression
d’Artus : « Capitalisme sans projet » (autre que d’atteindre cette exigence). Les
logiques financières semblent prendre le pas sur les logiques industrielles : une
version court-termiste de la création de richesse. Mouvement de concentration et
absence de convergence logique financière/logique industrielle.

La création de valeur n’est alors pas une création durable intégrant K humain, innovation,
investissement LT… La valorisation de l’entreprise doit être fondée sur l’idée de
continuité d’exploitation dans le temps. Horizon temporel naturel de chaque investisseur
devrait être pris en compte. Lorsque les rendements des placements sur le marché financier

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sont supérieurs aux rendements de l’investissement, les entreprises peuvent préférer placer en
Bourse plutôt que d’effectuer des investissements productifs.

La Bourse a un effet d’éviction sur l’investissement. Les capitaux qui participent au


gonflement de la bulle financière sont des capitaux perdus pour la production et il y a une
rupture entre la sphère financière et la sphère réelle.
La rentabilité du capital (« shareholder value ») est utilisée comme prétexte aux fusions et dc
réalisation d’économies d’échelle : Logique de Croissance externe pousse à la concentration,
alors même que cette dernière n’est pas justifiée sur le plan industriel (pas de justification par
les économies d’échelle). Recherche systématique du goodwill dans la croissance externe
(différence entre le prix d’achat de l’entreprise acquise et sa valeur nette comptable). A défaut
de pouvoir augmenter la rentabilité des investissements, on fait diminuer les fonds propres en
s’endettant : Quel mécanisme ? LBO ou « acquisition avec de levier »= financer une
acquisition par un crédit qui sera remboursé grâce aux flux de liquidités engendrés par
l’entreprise rachetée. Entreprises en LBO sont très sensibles aux retournements de
conjoncture et à la hausse des taux d’intérêt : risque important pour l’économie car
interdépendance des marchés.

On a déjà évoqué comment l’incertitude nourrit des bulles spéculatives. Interdépendance


des opérateurs sur le marché crée une croyance collective déterminante dans les choix
d’investissement boursier. C’est ce qui s’est passé en 98-2000 dans le secteur « nouvelle
économie ». Incertitude sur marchés financiers surinvestissementsurévaluation sur
les bases d’anticipations fausses.

Instabilité vient de la conjonction entre bulle spéculative/ sous-évaluation du risque sur


les marchés de crédit.

2. et des marchés de promesse où le levier peut être extrêmement risqué

Ils s’échangent beaucoup moins de dollars que de promesses de dollars. On peut acheter du
dollar ou dire qu’on vend le dollar dans 3 mois et qu’on achète le dollar dans 6 mois. C’est
« shorter une action » : je pense que vivendi va baisser donc je vends du vivendi à celui qui
croit le contraire. Celui la préfère acheter une promesse d’acheter du vivendi dans deux mois
au prix d’aujourd’hui car il pense que cela aura dans 2 mois plus de valeur.

En cas de crise : c’est la faillite

Conclusion : Il est vrai que les marchés financiers sont source de croissance mais jusqu’à un
certain point seulement pour éviter au maximum les crises financières dont on a vu les périls
deux moyens :

1- La régulation (hedge funds, transparence, obligation d’expliquer les


risques d’endettement, etc.)
2- Mais aussi une politique monétaire forte car c’est en augmentant le
prix de l’argent qu’on empêche la volatilité des capitaux (c'est-à-dire
politique de Trichet avec la BCE)

Les marchés financiers financent l’économie et la poussent à avancer

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ENTREPRISE pour se financer
actions, obligations
Marchés Financiers : marchés de
Autofinancement Emprunt auprès capitaux de longue durée qui représentent
des banques l’ensemble des offres et des demandes
des capitaux pour des souscriptions au
capital social des entreprises et des
placements à long terme

*Actions : parts de propriété de l’entreprise qui donnent à l’actionnaire le droit à une fraction
de bénéfice appelée le dividende, et lui confèrent également un droit de vote lors de
l’Assemblée générale.

*Obligations : sont des titres d’emprunt émis par des entreprises. L’obligataire ne possède
pas de part dans l’entreprise mais en est créancier, et il bénéficie d’un intérêt dont le taux peut
être fixe ou variable et ne dépend pas des résultats de l’entreprise.

*Désintermédiation : les entreprises au lieu de recourir aux financements bancaires,


difficiles à obtenir et coûteux, se sont mises à rechercher des fonds là où les offres de capitaux
étaient les plus abondantes.

*Shareholder ó valeur actionnariale un système qui privilégie la création de valeur pour


l'actionnaire, l'entreprise cherchant à maximiser le cours boursier des titres détenus par les
entreprises.

*Stakeholder: óvaleur partenariale on valorise plutôt la création de valeur pour l'ensemble


des partenaires de l’entreprise

*OPA : Offres publiques d’achat

*OPE : Offres publiques d’échange

Les marchés financiers sont à l’origine de nombreuses crises économiques

*Spéculation : spéculer c’est prendre une position contraire, et donc risquée, à la tendance en
cours : c’est se porter vendeur quand on pense que les cours vont baisser. C’est parier sur
l’avenir.

*Mimétisme autoréférentiel : interdépendance des anticipations et surestimation fréquente


des profits futurs ; « mieux vaut avoir tort ensemble que raison tout seul »

*Goodwill : différence entre le prix d’achat de l’entreprise acquise et sa valeur nette


comptable

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Bibliographie

Principes d’économie moderne, Joseph E. Siglitz


Economie, Samuelson et Nordhaus
18 leçons sur la politique économique, Prager et Villeroy de Galhau
Les marchés et la croissance, Brender et Pisani

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