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LE MIRAIL
Site de Foix
Brice JULIEN
2008/2009
Photo : Brice JULIEN, Aston, (Ariège)
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UNIVERSITE TOULOUSE DEPARTEMENT DU CETIA
LE MIRAIL
Site de Foix
Brice JULIEN
2008/2009
Photo : Brice JULIEN, Aston, (Ariège)
3
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé et guidé durant mon travail de
recherche et de rédaction.
Je remercie Pierre TORRENTE, mon directeur de recherche pour ses conseils et sa vision
éclairante des territoires de montagne.
Je souhaite aussi adresser mes remerciements à tous les professionnels qui ont accepté de
me rencontrer dans le cadre d’entretiens exploratoires (Accompagnateurs, office national des
forêts, Comité Départementale du tourisme de l’Ariège, jeunesse et sports…) sans qui mes
recherches auraient été moins riches en données de terrain.
Merci à mes proches pour leur soutien, à Audrey et Nans pour leurs relectures efficaces.
Enfin, merci à Magalie pour son expérience et ses conseils motivants et lucides.
4
SOMMAIRE
Remerciements ......................................................................................................................... 4
Introduction générale............................................................................................................... 7
Synthèse de la démarche de recherche ................................................................................... 9
5
Chapitre 2 : l’accompagnateur, un acteur inscrit dans le processus de développement et
en phase avec la demande...................................................................................................... 71
1. L’accompagnateur dans le processus touristique ................................................................. 71
2. Analyse historique des rapports de l’homme à la montagne................................................ 73
6
Introduction générale
L’urbanisation croissante des territoires et la concentration des hommes dans les villes
encouragent le touriste à partir en quête d’espaces naturels sauvages. La montagne apparaît alors
comme un lieu privilégié de découverte et de dépaysement. Lieu fortement symbolique, entouré d’un
imaginaire puissant, la montagne attire de nombreux alpinistes plus ou moins confirmés.
Ce phénomène est très ancien, il date des débuts du tourisme mais semble peu à peu s’intensifier
avec l’essor du tourisme vert qui montre un réel besoin d’évasion, et une recherche accrue de valeurs
identitaires et d’authenticité de la part du monde citadin.
Ces pratiques se sont en effet démocratisées et aujourd’hui des millions de français déclarent
pratiquer les sports de nature, entraînant ainsi une hausse de la fréquentation touristique en montagne.
La randonnée pédestre est une composante forte des sports de nature et du développement
touristique en général. Des millions de français déclarent pratiquer cette activité.
Mais au sein d’un développement touristique polarisé et principalement axé sur un modèle de
stations de sports d’hiver, comment est exploitée la demande grandissante de sports de nature en
montagne ? Quels sont les acteurs des sports de nature ?
Ainsi, dans un premier temps, nous étudierons le développement touristique en montagne. Nous
tenterons d’analyser le rapport de l’homme à la montagne au regard de l’imaginaire et des
représentations de la montagne. Nous retracerons la genèse du tourisme en montagne pour bien
intégrer les tenants et les aboutissants, avant de s’intéresser aux pratiques et particulièrement à la
randonnée pédestre.
Nous pourrons nous appuyer sur cette analyse pour essayer de déterminer en quoi les
accompagnateurs jouent un rôle clés dans le développement du tourisme en montagne.
7
Enfin dans un troisième temps, nous tenterons, à travers une analyse de terrain dans le
département de l’Ariège d’observer concrètement la place du métier d’accompagnateur en montagne
au sein d’un territoire montagnard.
8
Synthèse de la démarche de recherche
Stage de licence en
agence de trekking Intérêt personnel Projet d’étude socio
économique sur le métier
d’accompagnateur
Tourisme en Métier
montagne D’accompagnateur
Questions de départ :
En quoi le tourisme de nature peut-il être vecteur de développement pour les
territoires de montagne ?
Problématique :
En quoi les accompagnateurs en montagne sont des acteurs clés du développement
touristique des territoires de montagne ?
Hypothèses :
- Un rôle de médiateur et d’interprète du milieu montagnard
- Un acteur inscrit dans l’offre touristique locale
- Un rôle à jouer dans la structuration du territoire
9
PARTIE 1:
Développement touristique en montagne,
Définitions et enjeux
10
Introduction de la première partie
Le développement touristique en montagne est une question complexe et ambiguë. Force est de
constater que ce développement n’a pas toujours été bien vécu par les territoires de montagne et les
populations d’accueil, les acteurs du tourisme en montagne semblent réfléchir depuis un vingtaine
d’année à des solutions plus « durables ».
Dans ces territoires de montagne, le tourisme a longtemps été présenté comme la seule alternative
possible à la déprise agricole. Il représente une part significative de l’économie locale en générant des
milliers d’emplois. Mais il soulève aussi des interrogations en termes de dégradation de
l’environnement et des sites naturels. Il est donc temps d’engager une réflexion concernant une
approche plus diffuse du tourisme en montagne.
Dans cette première partie, notre objectif sera donc d’analyser le développement touristique en
zone de montagne en posant les différents concepts.
Nous nous consacrerons dans un premier temps, à la définition de ce concept abstrait et fascinant
qu’est la montagne. Un lieu d’imaginaires où l’étude des représentations permet de comprendre la
façon dont on l’a aménagé et « touristifié ».
Enfin, dans un troisième temps nous compléterons cette analyse en nous focalisant sur les
pratiques sportives de nature ou sports de nature. Cette approche permettra de mettre en avant une
pratique qui nous concerne particulièrement, celle de la randonnée pédestre.
11
Chapitre 1 : Définitions de l’espace montagnard, de ses
spécificités, et du concept de territoire
La montagne est un concept difficile à définir car différentes approches sont possibles suivant les
disciplines. Selon la définition du Larousse, la montagne correspond à « une élévation importante du
sol, par opposition à une plaine ou une vallée »1, définition succincte et peu précise qui définit la
montagne comme un lieu par défaut « en opposition à une plaine ou une vallée ». En cela, on
remarque à quel point les contours de la montagne sont peu précis et dépendent de la perception de
chacun. Ainsi, il est difficile de trouver une définition commune pour tous, tant ce terme est employé
dans des contextes trop différents.
Cette ambiguïté terminologique s’explique aussi par le fait que la montagne est une impression
subjective. En effet, la perception d’un paysage (et d’autant plus s’il est montagnard) varie selon les
individus et leurs acquis culturel, intellectuel et affectif. C’est pourquoi, un citadin, pour qui la
moindre variation altitudinale s’assimile à de la montagne n’aura pas ma même vision qu’un habitant
de SEM dans la vallée du Vicdessos des Pyrénées Ariégeoises.
Il existe cependant des espaces situés en zone de montagne, cette nomenclature établie en 1961 par
la communauté économique européenne les qualifie de zones défavorisées. Toutefois, cette
délimitation est à nuancer car elle ne concerne presque que l’agriculture de montagne. De plus, ces
zones fluctuent au gré des politiques agricoles et ont été modifiées de nombreuses fois depuis 1961. La
définition de la montagne par ces critères agricoles semble être trop restrictive.
12
conditions de vie plus difficile et restreignant l’exercice de certaines activités économiques […] et se
traduisent par une limitation des possibilités des terres et une accroissement important des coûts de
travaux dus : soit à l’existence, en raison de l’altitude de conditions climatiques très difficiles […] soit
à la présence de fortes pentes […] soit à la combinaison des deux facteurs ». La montagne est donc
définit au travers de la difficulté à y vivre et à y exercer des activités économiques en de la
combinaison de plusieurs facteurs : l’altitude, le climat et la dénivellation.
Pour être moins vague dans leur définition, les géographes induisent des aspects particuliers de
cette réalité physique : géologie, pentes, latitude, orientation, forme du relief. Ainsi, des distinctions
s’opèrent entre Haute montagne, moyenne montagne, plateaux, collines et plaines. Selon le Service
d’Etude pour l’Aménagement Touristique de la Montagne (SEATM, aujourd’hui ODIT France) la
haute montagne est définie comme l’altitude à partir de laquelle l’enneigement de quatre moins et
demi est garanti (1600 mètres pour les Alpes, 1400 mètres pour les Pyrénées, entre 800 et 1200 pour
les autres massifs français). La moyenne montagne est donc située en deçà de ces limites et regroupe
les étages boisés et les zones habitées. La moyenne montagne est aussi la zone où 90% des
montagnards vivent et où se concentrent l’essentiel des activités agricoles et industrielles.
Au contraire, la haute montagne apparaît comme un milieu difficile pour l’habitation permanente
et où les activités agricoles se résument à l’élevage en été. Bien sûr, nous verrons plus loin comment le
tourisme a su s’installer sur ce territoire.
Ces définitions limitées à la réalité physique semblent un peu réductrices. Certains géographes
voient dans la montagne, une végétation particulière, un type d’agriculture, d’industrie, de tourisme ou
d’habitat, en somme ce que certains s’accordent à nommer « un genre de vie ». En effet, il est clair que
les peuples de montagnes partagent de nombreuses similitudes par rapport à leur mode d’organisation
et leurs cultures à travers les massifs du monde entier.
Ces définitions semblent rester encore trop peu précises et les contours de cet espace impossibles à
tracer. Il parait difficile de le définir sans faire référence à son inverse : la plaine. C’est pourquoi,
certains décrivent la montagne comme une plaine où les conditions naturelles seraient excessives (plus
pentu, plus froid, plus haut…). En somme, la montagne est un milieu terrestre extrême2. Et la césure
entre plaine et montagne ne peut être faite que d’un un point de vue personnel et donc subjectif.
2
BOZONNET Jean Paul, Des monts et des mythes, l’imaginaire social de la montagne, collection montagnes,
PUG, Grenoble, 1999
13
Certains chercheurs concluent donc : « A chacun sa montagne 3» car la montagne apparaît plus
comme une construction mentale, relative et subjective que comme une réalité physique. Elle varie
selon les groupes sociaux et les représentations collectives de chacun d’eux.
Selon Bernard Debarbieux4, on distinguera la montagne comme : une modèle de l’altérité, un lieu
sous l’emprise religieuse, un espace naturel et sauvage, une échappatoire et une alternative. Puis nous
verrons comment ces croyances ont influé sur les pratiques touristiques et les aménagements
touristiques.
Une des définitions souvent utilisée pour la montagne est celle d’un « lieu présentant un fort
contraste topographique avec le lieu depuis lequel on l’observe ». Ainsi, la montagne est souvent
considérée par l’homme comme un « ailleurs », un « autre ». Elle se différencie donc essentiellement
par ses caractéristiques topographiques prononcées. L’individu se retrouve perturbé et marqué par le
contraste paysager auquel il a affaire. Sans oublier que « la montagne physique est d’abord reliée au
geste vertical »5 et que la verticalité, associée au redressement de l’homme sur ses membres
postérieurs fascine et a « profondément valorisé le psychisme humain ».
3
ZUANON Jean Paul, La protection de la montagne, des discours aux politiques, des mythes aux réalités,
Grenoble, CERAT-IEP, 1980
4
DEBARBIEUX Bernard, Les montagnes, représentations et constructions culturelles, in VEYRET Y (dir.),
Les montagnes : discours et enjeux géographiques, Paris, SEDES, 2001
5
BOZONNET Jean Paul, Op. Cité
14
1.2.1.2. L’importance de la vision religieuse
La montagne est donc loin d’être un simple accident de la géomorphologie, elle est le vivier
d’innombrables croyances, souvent divines ou maléfiques qui, comme on le verra par la suite,
continuent de fasciner et de motiver les pratiques.
Nos civilisations depuis toujours très agricoles ont multiplié les astuces pour adapter les cultures
aux contraintes naturelles. Rappelons à cette occasion que ce qui fait la beauté de l’espace rural
aujourd’hui est issu de pratiques paysannes ancestrales. En effet, les murets de pierre servant à la
traditionnelle culture en terrasse font partie de notre patrimoine rural. Cette optimisation de l’espace
par ces paysans de jadis continue à marquer les territoires. En Ardèche notamment, de randonnées à
thèmes sont organisées sur la thématique de la culture en terrasse dans les châtaigneraies.
Malheureusement, la déprise agricole semble emporter avec elle cette culture paysanne et cet entretien
de l’espace, pilier du tourisme en espace rural.
La difficulté voire l’impossibilité de la vie sédentaire en montagne due aux contraintes climatiques
hostiles et dangereuses a contribué à lui donner l’image d’un monde sauvage.
Cette quasi-impossibilité d’apprivoiser cet espace dit « sauvage » explique peut-être la présence
supposée d’animaux monstrueux plus connus sous le nom de Yéti ou de Migou dans l’Himalaya, ou
de Big Foot dans les rocheuses.
15
1.2.1.4 Les figures du montagnard6
Comme on l’a étudié précédemment, la montagne est un lieu relatif (« A chacun sa montagne ») et
l’altérité qui s’en dégage peut être un facteur de différenciation sociale pour les peuples qui y vivent.
Ainsi, des peuples qui ne se considèrent pas montagnards seront pourtant qualifiés comme tel par des
peuples vivant plus loin ou plus bas dans la vallée. Cette façon de nommer des peuples selon leur
environnement naturel permet selon DEBARBIEUX « de mettre en ordre et de structurer l’ensemble
des représentations de l’espace et des sociétés d’un peuple ». Derrière cette simple « nomination » se
cache la volonté d’organiser la société et de faire le distinguo entre les montagnards et les autres. Dans
certains cas, lors de la colonisation des Amérindiens, cette distinction entre Colons qui occupaient les
vallées et Amérindiens (appelés Montagnais, qui vivaient sur les reliefs) était une façon d’assurer la
gestion sociale.
Si on ramène cette différenciation aux sociétés montagnardes, le cas paraît certes un peu plus léger
mais non moins intéressant. En effet, il subsiste que le « montagnard » est censé avoir développé un
rapport particulier avec le contexte naturel qui l’entoure. Des qualifications parfois un peu réductrices
voire méprisantes sont alors utilisées pour décrire les qualités physiques (résistant, fort, souple…) et
morales (besogneux, économe…). A noter que cette représentation du « montagnard » a aussi été
utilisé pour qualifier la paysannerie (individus parlant le patois, bourrus et sauvages).
Cette façon de qualifier tel ou tel individu est intéressante car elle nous montre comment la société
se conçoit elle-même. Ces représentations évoluent forcément, par exemple une société paysanne vue
comme archaïque à un certain moment de l’histoire est appréciée comme la gardienne des valeurs
oubliées le jour où la tradition et l’authentique reviennent à la mode. La société a besoin de repères,
organiser les individus en groupe la rassure et lui permet d’évoluer.
Au fil de l’histoire du tourisme et notamment au XIXe siècle, c’est au travers de ces
représentations relayées par la littérature que les touristes puisent leurs motivations et s’imagine la
montagne. Dans notre société occidentale, ces « mythes » persistent encore, il suffit d’ouvrir une
brochure spécialisée de voyagistes pour retrouver l’image du tibétains ou du Ladakhis qui représente à
lui seul une vision traditionnelle et romantique de l’Himalaya.
Ces montagnards qualifiés par des populations se considérant comme extérieures à ce milieu ont
parfois rejetées ces représentations. Mais l’image de plus en plus positive de la montagne en Occident
a encouragé l’émergence de mouvements revendiquant le statut de « montagnard », l’association des
élus de la montagne a ainsi vu le jour.
6
DEBARBIEUX Bernard, Op.Cité
16
1.2.1.5 Une échappatoire et une alternative
Espace naturel
Modèle et sauvage
d’Altérité
La montagne
Vision Echappatoire
Religieuse et Alternative
La figure du
montagnard
A travers l’imaginaire créé par la montagne auprès des peuples, un certain nombre d’attirances se
matérialisent par des pratiques (touristiques ou autres). Nous déclinerons les pratiques liées
spécifiquement à l’idée que la montagne est un lieu d’altérité (pratiques contemplatives et hygiénistes,
et les pratiques pour lesquelles la montagne n’est qu’un support (Ski, …).
17
1.2.2.1 Les pratiques contemplatives et hygiénistes
Ces pratiques se basent sur des croyances à travers lesquelles la montagne représente « l’autre »,
quelque chose de différent, qui contraste avec l’environnement habituel. En Asie notamment, des
milliers de croyants bouddhistes et hindouistes prennent la route des sommets pour réaliser leur
pèlerinage. En Occident, on assiste depuis le XVIIIe siècle à des déplacements de population vers la
montagne pour y apprécier la qualité du paysage, ses valeurs esthétiques ou spirituelles. Et toujours à
la même époque, l’élite intellectuelle européenne se presse dans les premières stations pour profiter
des vertus soit disantes bénéfiques de l’air (climatisme) et de l’eau (thermalisme). La montagne avec
ses attributs grandioses et lointains fascine les premiers touristes et motive les déplacements.
Certaines pratiques individuelles ou collectives sont plus basées sur la recherche d’un cadre idéal
jouissant de conditions optimales à l’activité pratiquée, qu’à la montagne elle-même. Le sportif est
plus à la recherche de sensations procurées par « sa glisse » s’il s’agit de ski, que par la beauté du
paysage enneigé qui l’entoure. Il est intéressant de constater que l’on retrouve ce phénomène dans
d’autres sports comme la spéléologie, le canyoning ou encore le parapente. En effet, la pratique du
parapente en montagne est directement liée aux courants ascendants générés par l’importance et la
diversité du relief. Ceci dit, ces sportifs ne sont pas pour autant insensibles à la magie des lieux, mais
leurs motivations sont partagées.
Ce phénomène se retrouve beaucoup moins dans l’alpinisme et la randonnée qui additionnent
généralement les deux types de motivations. Cela est peut-être dû au caractère indissociable de ces
deux sports avec la montagne qui est abordée dans sa globalité et non de façon parcellaire
(neige+pentes pour le ski et Air+relief pour le parapente).
Selon le sociologue Bernard Kaiser, l’espace rural se définit par une faible densité de population et
de construction qui favorise une prédominance du végétal. L’économie est basée sur l’agriculture, la
sylviculture, le pastoralisme. Le mode de vie est caractérisé par l’appartenance des populations à des
collectivités de taille limitée et par une forte connotation de la culture paysanne dans l’identité et les
représentations des populations rurales. A travers cette définition, nous remarquons que la montagne
partage avec l’espace rural de nombreuses similitudes. Notamment la faible densité de population et
l’importance de l’agriculture dans l’économie.
18
Comment les campagnes françaises qui englobent l’espace montagnard ont évolué ces dernières
décennies ? Nous allons tenter de retracer l’histoire des campagnes françaises à travers trois phases
successives de 1945 à aujourd’hui.7
Jusqu’aux années 50, les campagnes françaises sont encore organisées autour des « paysans ».
L’agriculture, diversifiée selon les zones géographiques et les climats est celle de l’openfield au Nord,
du bocage et des grands propriétaires à l’Ouest, et de la petite paysannerie en zones de montagne.
L’agriculture est conçue sous un système de polyculture élevage, à vocation encore largement vivrière.
Les exploitations familiales, de petites tailles et dispersées sont dominantes.
7
BESSIERE Jacinthe, Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamiques de développement territorial,
logiques sociales, L’Harmattan, 2001
19
Vers la perte de l’identité paysanne ? Selon Henri Mendras8, les sociétés paysannes se définissent
comme autonomes et favorisent l’échange de connaissances (sociabilité d’interconnaissances). Ces
paysans sont réunis autour de valeurs fortes et ont un véritable rapport à l’espace (leurs terres) et au
temps (les saisons). Ils disposent d’un régime qualifié de semi autarcique (qui sera abandonné plus
tard pour la spécialisation).
Ce statut de paysan se voit bouleversé par les évolutions du monde rural. En effet le passage de
l’état de paysan à celui d’agriculteur s’accompagne d’une véritable perte d’identité, de valeurs, c’est la
disparition d’un mode de vie à part entière. Cette culture, ébranlée par le monde capitaliste suscite
plusieurs mouvements protestataires qui dénoncent les choix politiques productivistes au dépend de la
culture paysanne. Le sociologue Henri Mendras en fait partie avec la parution de son ouvrage, « La fin
des paysans » en 1967.
Le modèle agricole productiviste et technicien est accompagné par la mise en place du Marché
commun et plus tard de la PAC (politique agricole commune). Cette logique de production tend à
favoriser l’exclusion des moins productifs. Les exploitations les moins performantes disparaissent et le
nombre d’agriculteurs diminue.
En marge de ces idéaux mercantilistes, les mouvements sociaux de Mai 68, redonnent un peu
d’élan à la dynamique locale avec le slogan « vivre et travailler au pays ». Ce slogan traduit l’idée
selon laquelle c’est à partir du pays et de ses acteurs que l’on peut mettre fin à la désertification des
campagnes. Il traduit aussi le rejet de la société de consommation.
A cette époque, l’espace rural n’a plus seulement la fonction agricole. La croissance des villes
développe la fonction résidentielle des campagnes qui voient des citadins venir s’y installer. L’espace
rural développe de nouvelles activités, notamment sous l’impulsion de la DATAR (délégation à
l’aménagement du territoire et à l’action régionale) qui préconise un développement plus qualitatif.
D’autres procédures comme la mise en place de Parcs naturels régionaux, les contrats de « pays » (Loi
Voynet) vont aussi dans le sens d’une stratégie plus territoriale du développement rural.
Le milieu des années 70 avec le choc pétrolier marque la fin de l’illusion productiviste. La hausse
du prix du pétrole se répercute directement sur les biens nécessaires à la production. D’autre part, les
excédents de production ne parviennent plus à être écoulés, ce qui entraîne une baisse du prix de vente.
Les subventions versées par la PAC ne suffisent plus. Les deux tiers du budget agricole européen
servent à soutenir la vente de surplus totalement décalés des cours mondiaux.
8
MENDRAS Henri, Les sociétés paysannes, Armand Colin, 1976
20
Parallèlement, les paysans sont devenus agriculteurs en intégrant le principe de « la fuite en
avant ». Afin d’augmenter leur production et de suivre ainsi la politique qui leur est dictée, les
agriculteurs investissent pour la modernisation et l’agrandissement de leurs exploitations. Le principe
est de pallier la baisse des prix de vente par l’augmentation du volume écoulé. Simplement, pour
maintenir une production importante, l’augmentation de la surface exploitée et l’achat de matériel
performant sont nécessaires et le poussent à des investissements permanents. L’exploitant se retrouve
donc pris au piège, il investit pour assurer les revenus nécessaires au remboursement de ses dettes. Ce
système en crise marque bien les limites du productivisme.
Ces limites sont aussi exprimées dans la contestation générale envers une agriculture trop
pollueuse, dont la qualité des produits se dégrade, et dont les multiples aides sont montrées du doigt.
A cette époque, on distingue donc différents types de territoires9, les territoires de production
agricole, les territoires en difficultés (en voie d’abandon ou de survie) et enfin les territoires
diversifiés.
Les territoires de production agricole confèrent un rôle traditionnel à l’espace rural. L’agriculture
intensive y est dominante. Sont concernées les régions de la Beauce (production céréalière) et de
l’Ouest (production animale), qui traduisent bien une logique productive et compétitive insérée dans
le marché Européen et mondial.
Les territoires en difficultés, en voie d’abandon ou de survie. Dans ces territoires, la démographie
est en baisse, l’activité principale est l’agriculture extensive. Elle est pratiquée par quelques
agriculteurs âgés et sans successeurs.
Les territoires diversifiés sont au cœur d’une agriculture encore proche du modèle paysan
(exploitation familiale). Ils expérimentent un modèle plus territorial qui introduit de nouveaux modes
de production (accueil touristique, production de qualité). Ces choix de développement vont dans le
sens du « retour au local » et d’un souci plus grand de l’écologie.
Ces territoires qui optent pour la diversification et la valorisation des ressources humaines et
naturelles traduisent le concept de développement local des années 80.
9
BESSIERE Jacinthe, op. cit
21
traduit un mode de pensée différent et une mobilisation des acteurs locaux envers des projets destinés
à agir sur leur propre territoire.
La lecture historique du développement est très intéressante, elle permet de comprendre des faits
et de mieux positionner son action. De plus dans notre travail, la prise en compte de cette évolution
sera primordiale. D’une part, car elle nous montré le rôle de l’agriculture dans la structuration de
l’espace rural et montagnard, et ensuite comment le concept de développement local s’est peu à peu
légitimé sur les territoires.
Comme on l’a évoqué précédemment, la fonction agricole des espaces montagnards et pastoraux
n’est plus dominante. L’industrie à travers les activités hydroélectriques, papetières et minières est
depuis longtemps installée en montagne. Les services, avec la prédominance du tourisme ont aussi
investi l’espace montagnard. Nous allons tenter à présent de détailler les différentes fonctions de cet
espace.
Montagne et agriculture sont évidemment très liées. Et derrière ce couple, se cache de nombreux
questionnements sur la gestion et l’entretien de l’espace naturel, et sur l’économie des zones de
montagne. Mais la montagne a développé très tôt la pluriactivité lui permettant de ne pas reposer
uniquement sur l’agropastoralisme. Quelles sont donc les différentes fonctions de l’espace
montagnard ?
L’espace montagnard, malgré de profondes mutations, reste étroitement lié aux activités agro-
pastorales. L’exemple des Pyrénées est édifiant. Selon Max DAUMAS10, en 1980 l’agriculture
montagnarde occupe 45% de la population active.
En effet, depuis des siècles la montagne a fonctionné sous le triptyque : Homme, troupeaux et
ressources naturelles. Selon le dictionnaire11 le pastoralisme décrit la relation d’interdépendance entre
l’éleveur, ses troupeaux (ovins, bovins, caprins, équins), et leur biotope (ressources naturelles). La
présence de cette activité en zone de montagne n’est pas un hasard et correspond à une gestion de
l’espace nécessaire aux équilibres naturels. Cette recherche de l’équilibre se retrouve dans la
transhumance. Cette pratique, aujourd’hui fortement folklorisée pour le plus grand bonheur des
touristes, correspond à la montée des troupeaux dans les pâturages d’altitude durant la période estivale
(de Mai à Octobre). Derrière cette pratique ancestrale, se cache une véritable gestion des ressources
10
DAUMAX Max, Les Pyrénées, de la montagne à l’homme, Sous la direction de François TAILLEFER, Privat,
1974
11
LAROUSSE, dictionnaire de la langue française, 1992
22
nécessaires à l’élevage. Pendant que les troupeaux sont gardés en altitude, l’éleveur en profite pour
produire et stocker son fourrage pour l’hiver.
Les effets positifs de ces troupeaux en montagne sont souvent mal connus. Le troupeau est
l’instrument le plus rentable jamais trouvé par la collectivité pour entretenir l’espace montagnard et on
imagine les intérêts engagés quand il s’agit d’entretenir les immenses domaines skiables français.
Cependant, le recul des activités agricoles paysannes (auxquelles est lié le pastoralisme) au
profit d’une agriculture intensive pose de nombreuses questions sur la pérennité des paysages et de
l’équilibre montagnard. N’oublions pas que les attraits touristiques de cet espace sont essentiellement
liés à la beauté des lieux, beauté qui rime avec activité agricole.
Ainsi, on observe en France, une certaine volonté politique envers la restauration de cabanes et
des granges pastorales notamment pour donner un nouvel élan au métier de berger.
Les nombreuses mutations qui ont touché le monde rural ont fait basculer l’économie de
production vers une économie résidentielle. Avec l’exode rural et la concentration des activités dans
des agglomérations toujours plus grandes, les espaces ruraux ont perdu leurs habitants et leurs
activités. Il faut attendre l’arrivée de population urbaine et périurbaine pour enregistrer une reprise
démographique. Cette arrivée de nouveaux habitants se conjugue avec celle d’activités du secteur
tertiaire. Le tourisme est alors prisé par les populations locales pour redynamiser l’espace montagnard
mais l’absence d’initiatives agricoles et industrielles reste pesante.
23
La spécialisation de certains territoires de montagne dans le tourisme accentue la baisse du nombre
d’habitants à l’année. Ajouté à ceci, l’accroissement du nombre de résidences secondaires soulève de
nombreuses interrogations quand à l’avenir des espaces ruraux.
3. Le concept de territoire
La définition du territoire est complexe et dépend de la discipline par laquelle on l’aborde. En
géographie, ce terme a fait l’objet de nombreuses réflexions et a connu des évolutions au fil du temps.
Dans cette étape, nous définirons le territoire à travers la sociologie puis au sens de l’économie.
Les nombreuses définitions proposées par les géographes comme en témoignent le Dictionnaire de
Géographie de Jacques Lévy et Michel Lussault13, montrent bien l’intérêt actuel pour la notion de
territoire.
Il est important de bien saisir ce concept de territoire car il est très souvent utilisé dans un contexte
où les régions françaises disposent de plus en plus de compétences. De plus, dans le domaine du
tourisme, la mise en place de projet rime très souvent avec « territoire » (territoire de projet ou projet
12
François LABANDE, Association Mountain Wilderness,
13
Jacques LEVY et Michel LUSSAULT, Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, BELIN,
PARIS, 2003
24
de territoire ?) par l’intermédiaire d’un cadre institutionnel de type « pays » ou « communauté de
communes ».
Le territoire au sens sociologique peut être lié à l’identité culturelle des populations. Selon le
géographe Bernard DEBARBIEUX, le territoire est « un agencement de ressources matérielles et
symboliques capable de structurer les conditions pratiques de l’existence d’un individu ou d’un
collectif social et d’informer en retour cet individu et ce collectif sur sa propre identité ». Le territoire
apparaît ainsi comme un ensemble de ressources naturelles indispensables à l’homme pour sa survie et
comme un ensemble de ressources symboliques vecteur d’identité. Guy Di Méo14, va plus loin en
parlant de « l’appropriation économique, idéologique, et politique de l’espace (du territoire) par des
groupes qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes et de leur histoire. ». L’auteur
indique que le rapport à l’espace passe par « l’appropriation », c'est-à-dire par la conquête du
territoire, à différents niveaux. Et de cette appropriation va naître des repères, des valeurs communes,
en somme une histoire collective du groupe.
La notion de territoire est donc très importante et traduit le rapport entre l’homme et l’espace.
Nous pouvons penser que lors de la conduite d’un projet touristique sur un territoire, la prise en
compte de celui-ci, de ses frontières et de ses valeurs collectives contribuera à la réussite du projet.
D’autre part, au sens de l’économie, comment est apparue la notion de « territoire » ? Selon
Hugues FRANCOIS15, le territoire n’apparaît dans notre économie qu’à l’aune de la conjoncture
actuelle. Il constitue « le pendant au constat de l’échec du fordisme ». En effet, après la SECONDE
GUERRE MONDIALE, la croissance de la productivité du monde agricole liée à la forte demande de
main d’œuvre peu qualifié dans les usines, reconfigure le territoire français en répartissant les activités
selon une diagonale allant du Havre à Marseille. Devant ces inégalités de développement, il faut
attendre les années 60 pour voir se mettre en place des politiques visant à rééquilibrer le territoire
français.
Le « territoire », dans ce contexte économique délicat apparaît comme une alternative à la
polarisation de l’espace prôné par l’Etat.
Après la SECONDE GUERRE MONDIALE, le modèle de développement impulsé par l’Etat est
celui des « pôles de croissance ». Ils se composent d’un pôle de croissance au centre, regroupant les
moyens de production et la capacité d’innovation et d’une périphérie constituée de fournisseurs
14
Guy DI MEO, Les territoires du quotidien, L’Harmattan, 1996
15
Hugues FRANCOIS, De la station ressource pour le territoire au territoire ressource pour la station, le cas
des stations périurbaines de moyennes montagne de Grenoble, Thèse de doctorat, Institut de géographie alpine,
2007.
25
(matières premières) et de sous traitant. Dans les années 70, la crise touche les économies occidentales
à la suite du premier choc pétrolier et remet en cause ce développement polarisé. La périphérie
reléguée jusqu’ici au second rang se montre particulièrement attractive. Ainsi, dans les années 85, de
nouvelles dynamiques régionales apparaissent et interrogent à nouveaux l’efficacité de ce modèle de
croissance.
C’est donc dans ce contexte de crises et d’incertitudes que le territoire voit le jour, notamment par
l’intermédiaire des Petites et Moyennes Entreprises (PME). Or, dans le contexte économique instable
des années 70, les entreprises entrent dans une crise de dimension, et les PME apparaissent beaucoup
plus enclin à suivre les fluctuations du marché. Comme le souligne H. FRANCOIS16, « L’avantage
des PME réside dans leur flexibilité et leur capacité de réaction ».
La montagne est donc un espace complexe. Difficile à définir, elle suscite encore la crainte et la
fascination. Des sentiments qui justifient parfois les aménagements en place aujourd'hui.
Globalement, il s’agit d’un espace « multifonction » marqué par un passé agricole fort. Ce monde
agricole dont la crise du système doublé de l’exode rural a encouragé le développement des activités
de services.
Plus qu’ailleurs, l’approche territoriale a du sens en montagne. Tant d’un point de vue
sociologique qu’économique, la pertinence du territoire montagnard ne fait pas de doute.
16
Hugues FRANCOIS, op. cit
26
Chapitre 2 : Le développement touristique de la montagne
Pour comprendre l’organisation contemporaine du tourisme en montagne, nous aurons une
approche historique et politique du développement touristique, puis nous verrons comment sont nées
les premières formes d’un tourisme plus diffus avant d’aborder la question de l’avenir des stations de
montagne.
La lecture historique permet de comprendre beaucoup de faits, voire de se projeter dans l’avenir en
essayant de ne pas reproduire les erreurs du passé. Dans la formule de l’historien Marc Bloch17 :
«L’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé », nous retrouve bien l’idée
que les configurations sociales actuelles sont issus de celle qui les ont précédées, autrement dit la
connaissance « d’avant », donne les clés du « maintenant » et aide à construire « l’après ».
Dans cette partie, nous nous intéresserons aux premières formes de tourisme et à l’évolution de la
fréquentation en montagne au XIXe siècle.
Les débuts du tourisme apparaissent dès le XVIIIe siècle, lorsque qu’un petit nombre de jeunes
aristocrates partent faire le « grand tour ». Ce grand tour consiste à parcourir l’Europe pour découvrir
les grandes capitales européennes.
Les villes de montagne (Chamonix, Grindelwald…) rencontrent aussi un certain succès auprès de
ces premiers « touristes ». A travers cette première approche à la montagne, les jeunes aristocrates
pratiquent une randonnée de moyenne montagne sur des sentiers balisés. Les motivations qui les
guident sont essentiellement la curiosité et l’initiation.
A la même période, d’autres nobles font le « petit tour », un voyage sur le même modèle que le
« grand tour » mais qui se restreint à un tour de France (Château de la Loire, côte d’Azur).
Suite à ces voyages initiatiques, ils décident de passer l’hiver sur le littoral français (Nice, Cannes)
pour profiter de la douceur du climat. La villégiature est née. Cette forme de tourisme élitiste pratiquée
par une minorité d’aristocrates consiste à « passer l’hiver » au soleil (environ 4 mois). Cette
villégiature entraîne avec elle une véritable économie saisonnière.
Ce tourisme est fondamentalement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. A
l’époque, peu de touristes génèrent beaucoup de services (Entreprises de bâtiment, domestiques..) et la
17
Marc BLOCH, L’apologie de l’histoire ou le métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1993
27
durée de l’hivernage est de quatre mois. La main d’œuvre employée par les nobles se compose
essentiellement de paysans qui trouvent dans cette activité touristique saisonnière un complément de
revenus. Aujourd’hui, la durée moyenne des séjours est de 5 à 6 jours. Le nombre de service généré
par un touriste est faible, et l’activité touristique est totalement tributaire du climat (contrairement au
début du tourisme).
D’hier à aujourd’hui, le tourisme en montagne a bien évolué. Motivé par des pratiques différentes,
elles-mêmes suscitées par un imaginaire et des représentations changeantes, nous allons voir comment
se fait la transition entre les débuts de l’alpinisme et les stations « front de neige ».
De qui se composent les premières sociétés d’alpinisme ? Pour tenter de répondre à cette question,
il est intéressant d’avoir un aperçu global de la composition sociale de la population française.
A la fin du XIX siècle, le peuple français se compose d’environ 37 millions d’habitants et est à
70% rural. L’agriculture est le secteur ayant le plus de poids dans l’économie, devant l’industrie et les
services. Les ouvriers représentent cependant 70 % de la population active, les employés 11%, les
cadres 5% et les artisans, chefs d’entreprises, commerçants et artisans 17%.
A la même époque, les premières sociétés d’alpinisme se forment et rassemblent des membres
aisés et cultivés. Les catégories de cadres, professions libérales et professions intermédiaires
représentent la moitié des effectifs. Paradoxalement, dans cette France essentiellement rurale, la
catégorie socioprofessionnelle peu ou pas représentée est celle des agriculteurs. Les débuts de
l’alpinisme concernent plus la bourgeoisie que tout autre catégorie sociale.
Mais comment se construit cet alpinisme classique ? A ses débuts, l’alpinisme s’apparente plus à
de la randonnée en moyenne montagne qu’à des ascensions techniques. Les bourgeois optent pour des
18
Olivier HOIBIAN, La montagne, entre passé et avenir, essai de mise en perspective, in La montagne, terrains
de jeu et d’enjeux, Philippe BOURDEAU (Dir), Edition du Fournel, 2006
19
Olivier HOIBIAN, Op.Cit.
28
randonnées nécessitant des conditions physiques modestes et privilégient les observations scientifiques
et la contemplation des paysages aux prouesses physiques. Ces premiers alpinistes ont déjà des
convictions profondes envers la protection de l’environnement et prônent le reboisement des pentes
contre le ravinement, la création de parcs naturels…
En somme, aujourd’hui, un alpiniste qui associerait sa pratique de la montagne à ses aspirations
écologistes ne feraient que revenir aux débuts de la pratique de l’alpinisme. En cela, la lecture du passé
est enrichissante car elle nous apprend que le caractère novateur de certains comportements n’est en
réalité qu’un retour en arrière. Nous verrons comment l’offre de l’accompagnateur s’inscrit souvent
dans cette optique d’alpinisme classique.
Cette première forme de pratique qualifiée de contemplatives et mondaines se voit chamboulée par
une approche plus dominatrice et compétitive du sport en général incarné par le « Mouvement
Olympique International » lancé par Pierre de Coubertin. Prenant place en 1910 et plus largement
après la première guerre mondiale, cette nouvelle conception de l’alpinisme à travers la création du
Groupe de Haute Montagne (GHM) en 1919 définit la pratique selon le degré de difficulté technique
des ascensions. On s’éloigne ainsi grandement de « l’excursionnisme cultivé » de l’époque.
Tout au long de l’évolution de l’alpinisme, et particulièrement au temps des conflits entre
alpinisme de la première et de la seconde génération, l’idée selon laquelle l’alpinisme est un sport à
part prédomine. Pour les pratiquants, contrairement aux autres disciplines fédérales, la seule prouesse
athlétique ne suffit pas et « l’accès à la haute montagne se mérite ». Certains considèrent même que
l’alpinisme permet « à l’individu de se connaître et de se juger »20.
Il est important de préciser que l’influence des récits de voyages se traduit par une pratique
grandissante de la montagne au XIXe siècle. Ainsi, le désir de découverte du milieu naturel évolue peu
à peu en une approche plus agressive et conquérante de la montagne.
Par ailleurs, le développement du chemin du chemin de fer et du réseau routier sous Napoléon
additionné au nombre croissant de pratiquants entraîne la création des premières stations de montagne
comme Chamonix ou Cauterets.
L’élite attirant la masse, les premières vagues de touristes se rendent dans les stations pour suivre
les exploits des premiers alpinistes et retrouver les récits des écrivains et aventuriers de l’époque.
Après avoir retracé les débuts de l’alpinisme, nous nous intéresserons à une époque beaucoup plus
marquante en terme d’aménagement de la montagne.
20
Lucien NELTER, L’alpinisme, sport de fond par excellence, Jeunesse-sport n°7, Juillet 1947
29
1.2.2 Seconde Etape : la montagne ou le tourisme de masse
Après une PREMIERE GUERRE MONDIALE dévastatrice, les congés payés de 1936 de Léon
Blum commencent à démocratiser les pratiques touristiques dans la France du XXe siècle. N’oublions
pas cependant que congés payés et vacances scolaires n’ont pas cette vocation première. Ils permettent
respectivement d’apporter aux ouvriers français le repos nécessaire qui améliorera leur rendement par
la suite et aux enfants d’aider aux travaux des champs (nombreux en été).
Ceci dit le concept de station de montagne ou littoral marque l’ensemble du développement
touristique en France à cette période. En montagne, plusieurs modèles de stations se sont développés
avant et surtout après la seconde guerre mondiale.
Ainsi, les stations de première génération ou dites « stations villages » apparaissent dans des
communes ayant déjà une fréquentation touristique et se développent à partir de villages existants.
Les aménagements mis en place peuvent être qualifiés de « sauvages et anarchiques », et ne
tiennent pas compte du paysage. Ces stations pionnières ne sont pas construites dans une logique
fonctionnelle, les remontées mécaniques sont situées en bas des pistes et il faut avoir recours à la
marche à pied pour relier le village aux pistes de ski.
L’un des éléments fort de cette première phase est l’importance des initiatives locales dans le
développement touristique, qui contraste grandement avec les phases d’aménagement postérieures.
En effet, la croissance de ces stations de première génération est marquée par la pluralité des
porteurs de projet, essentiellement issus de la population locale. Cet élément se traduit par une
21
Philippe BOURDEAU, Les sports d’hiver en mutation : crise ou révolution géoculturelle, Lavoisier, 2007
30
meilleure maîtrise des autorités communales sur les décisions relatives à la station et explique en
partie leur meilleure intégration dans le territoire. L’autorité encore influente des communes leur
permet d’avoir encore une certaine maîtrise de l’immobilier et des équipements en remontées
mécaniques. C’est pourquoi, comme le souligne Rémy KNAFOU22 : « La station dans la collectivité
locale n’est pas un Etat dans l’Etat, vie communale et vie de la station se confondant plus ou moins
totalement ».
L’aide extérieure est partielle et la volonté d’accueillir d’autres activités en montagne découle des
populations locales. Sans oublier que ces premières stations sont polyvalentes et bénéficient d’une
fréquentation autant estivale qu’hivernale.
Après la SECONDE GUERRE MONDIALE et jusqu’en 1960, une seconde génération de stations
se développe. Ces stations se créent dans une absence de planification spatiale et se situent sur des
sites en altitude où les conditions d’enneigement sont meilleures. Cette période est marquée par une
volonté étatique d’aménagement et de développement des territoires montagnards. En 1942, le
gouvernement crée la Commission Interministérielle de l’Aménagement en Montagne (CIAM) qui
deviendra par la suite le SEATM lui-même refondu dans le service ODIT. L’objectif de cette
commission passe par la prospection de l’ensemble des sites successibles d’accueillir une station de
sports d’hiver.
L’état désire créer des « stations idéales » de sports d’hiver de renommées mondiales. Pour ce
faire, on abandonne l’idée d’une multitude d’initiatives privées et locales au profit d’un promoteur
unique chargé de construire et d’exploiter l’ensemble des activités nécessaires au fonctionnement
d’une station. (Hébergements, restaurations, remontées mécaniques, commercialisation).
Le choix d’un site en altitude prime sur celui du village car comme l’indique MICHAUD
(directeur du CIAM à l’époque) : « Au lieu de chercher un village où nous pouvions implanter des
remontées mécaniques, nous avons chercher un endroit idéal pour le ski où nous pouvions implanter
un village » . La volonté est de créer une station où le touriste puisse partir de son logement « ski aux
pieds » et y revenir de même (convergence des pistes vers la grenouillère).
22
Rémy KNAFOU, Les stations intégrées dans les Alpes françaises, Masson, Paris, 1978
31
Dans ce développement, l’Etat s’engage à réaliser les moyens d’accès aux stations (routes..) et
laisse aux municipalités la tâche de trouver un opérateur privé voulant prendre en charge
l’aménagement et la gestion de la station.
Ce modèle de station sera celui de Courchevel émanant du projet « des trois vallées » (St Bon, les
Allues, Belleville). Sur le plan politique, la création de ces aménagements est présentée comme une
nécessité pour assurer la démocratisation des sports d’hiver. Certains toutefois restent sceptiques et
pensent que « les promoteurs ne sont pas là pour mettre en place des produits touristiques pour
familles nécessiteuses ». 23
Par la suite, dans les années 60, la mise en place du « plan neige » (lancé lors du IVe plan 1962),
montre la volonté de l’Etat de poursuivre et d’étendre le développement de cet aménagement
montagnard dont le modèle est celui des stations de deuxième génération. Ce plan neige rend compte
« d’une véritable doctrine de l’aménagement touristique de la montagne24 ». Les stations qui seront
issues de cette période seront celles de La Plagne, Superdévoluy, Chamrousse, les Arc, Flaine,
Avoriaz, … et la Mongie dans les Pyrénées.
Le concept station « pied de piste » ou « front de neige » domine, tout est organisé autour de la
pratique du ski : les immeubles font face aux pistes de ski, le rez-de-chaussée est occupé par les
commerces et les routes d’accès à la station permettent d’accéder aux parkings des résidences
touristiques. Tout ceci en parallèle d’une mécanisation importante des versants de montagne en
remontées mécaniques.
A travers cet historique, nous remarquons que l’espace montagnard se transforme. Ses
inconvénients (fortes pentes, enneigement) deviennent des atouts et se trouvent valorisés par l’essor du
ski.
Dans cette organisation en stations ex-nihilo et intégrées, les pouvoirs publics veulent mettre fin à
l’exode rural, créés des emplois et surtout faire accéder la montagne à la « modernité ».
A cette période, le tourisme est vu comme une activité salvatrice. Selon les politiques publiques,
seul le tourisme peut sortir la montagne de ses crises.
23
Thierry TERRET, Histoire des sports, L’harmattan, 2004
24
Pierre MERLE, Tourisme et aménagement touristique, des objectifs inconciliables ? Les études de la
documentation française, Paris, 2001
32
Bien évidemment la hausse incontestable de la fréquentation touristique dans les années 60 et la
mécanique des congés payés ne sont pas étrangers à la réussite de ce développement. Développement
que l’on peut qualifier de « fordiste » tant il se base sur la standardisation des produits et donc sur le
tourisme de masse. Ce tourisme de masse, qui rappelons-le se définit par la production et l’achat en
grande quantité de produits touristiques standardisés sur un même lieu.
L’état souhaite fonctionnaliser la montagne. Cette idée se confirme par la politique de station.
Pour l’Etat, la polarisation du développement touristique est une solution privilégiée car elle est visible
(à l’œil nu). Même si la volonté est de diviser les tâches dans les stations (accueil/ski-
animation/hébergement), tous les éléments sont en interdépendance les uns par rapport aux autres.
Ainsi, parc d’hébergements et remontées mécaniques vont de pair. La vente de biens immobiliers
assure les revenus nécessaires au renouvellement des remontées mécaniques. Ce mécanisme sera
analysé plus tard comme « une fuite en avant ».
Malgré les apparences innovantes de ce concept, ce développement montagnard laisse derrière lui
de nombreuses critiques, comme l’indique le Commissariat au plan dans un rapport d’évaluation de la
politique de la montagne25 en 1999. Dans les années 70 principalement, on remet en cause ce principe
« de ville à la montagne », en soulignant la difficulté de la population locale à s’intégrer dans ce
processus de développement. L’accent est aussi mis sur l’importance des investissements engrangés,
sur la faible rentabilité du système pour les communes et sur le fort caractère saisonnier de l’offre
(environ 4 mois par an).
Les bénéfices engloutis par les gestionnaires privés sont réinvestis dans d’autres projets (sur le
littoral notamment) et ne reviennent pas à la collectivité. La station est une « machine à sous » dont le
contrôle échappe de plus en plus aux communes supports, ce qui provoque d’autant plus de critiques et
de méfiance envers le système.
Dans le même sens, les environnementalistes soulèvent des questions sur le plan écologique,
architectural et paysager. En réponse à ces critiques, un nouveau concept de stations dites de quatrième
génération émerge comme le montre l’exemple de Valmorel.
Dans un contexte de décentralisation (1982), les collectivités locales souhaitent reprendre en main
leur territoire et modérer le pouvoir des promoteurs. Elles seront confortées par la Loi Montagne de
1985 qui entérine la responsabilité des communes ou groupements de communes vis-à-vis du
développement touristique local.
25
Conseil national de l’évaluation, Commissariat général au plan, La politique de la montagne, rapport
d’évaluation, volume 1 et 2, La documentation française, Paris, 1999
33
2. Approche politique de la montagne, entre développement et
préservation
En montagne, la multiplication des lois, a créé un grand nombre de zonages qui rendent l’analyse
complexe. Si on ajoute à la loi montagne, les Plan Locaux d’Urbanisme (PLU), les plans de prévention
des risques, les directives territoriales d’aménagement, les zonages de « natura 2000 », les zones de
revitalisation rurale, les parcs nationaux et les zones définit comme « territoire de montagne »,
l’administration d’une commune de montagne devient ultra complexe.
D’autant plus que ces zonages répondent à des objectifs différents et parfois contradictoires les uns
envers les autres : protection de l’environnement, développement économique, gestion foncière…
En 1977, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing est mise en place « la directive
montagne » qui a pour objectifs :
- de favoriser le développement de l’activité agricole en réservant les terres exploitables aux
agriculteurs,
- d’éviter le mitage et maîtriser l’urbanisation grâce au concept d’unités touristique nouvelles
(UTN),
- d’assurer la préservation de la haute montagne.
Cette directive, malgré ces fondements indiscutables ne répond pas à toutes les interrogations des
élus qui l’acceptent plutôt mal. La loi montagne de 1985 apportera un élément décisif aux
municipalités. Car la finalité de cette loi est « de permettre aux populations locales et à leurs élus
d’acquérir les moyens et la maîtrise de leur développement en vue d’établir, dans le respect de
l’identité culturelle montagnarde, la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et
les autres régions ».
Cette loi montagne va entériner juridiquement la responsabilité des collectivités locales dans le
pilotage du développement touristique local.
34
Dans le même sens, cette loi se veut dans un double objectif de protection et de développement
économique, comme l’annonce son article 1er : « une politique spécifique de développement et de
protection ». Dans un contexte de critiques ouvertes envers le développement intensif de la montagne
des années 60, cette loi vise à prendre en compte les territoires de montagne dans leur globalité pour
mettre en place un développement harmonieux passant par la connaissance de trois droits essentiels26 :
Cependant, plus de vingt ans après sa création, le bilan de cette loi montagne est loin d’être
entièrement positif. De nombreuses critiques seront formulées au fil du temps.
En partie en réponse à ces critiques, différents acteurs participent à la mise en œuvre d’un
tourisme qualifié de « doux », qui on le verra par la suite, se matérialisera par des aménagements
vers des pratiques de plein air.
- Dans le monde agricole, c’est le ministère de l’agriculture qui se charge d’organiser le tourisme
en espace rural. Dans une agriculture affaiblie par la déprise agricole, le ministère affichera une
politique favorisant la prolifération de gîtes ruraux. Ces gîtes seront perçus comme de véritables
26
Source : Mountain Widerness
27
Conseil national de l’évaluation, Commissariat Général du Plan, La politique de la montagne, Rapport
d’évalutation, volume 1 et 2, La documentation française, Paris 1999
35
instruments assurant la complémentarité de l’activité des agriculteurs. Des financements seront
octroyés pour la rénovation et la reconversion de bâtiments agricoles vers une utilisation
touristique (gîtes, granges foraines).
Cette période correspond aussi à un essor du tourisme de nature à travers les activités de plein air
qui font partie intégrante du tourisme diffus.
Le modèle de station de ski dans son ensemble est un pari un peu osé car la viabilité du modèle est
remise en cause de façon permanente. L’idée est simple : sans neige, pas d’activité… Dans un
contexte environnemental changeant, nulle station ne peut garantir à 100% son enneigement. Les
stations mettent donc en place des stratégies pour perdurer. Avec cependant un bémol, le skieur
d’aujourd’hui est beaucoup plus sensibilisé au caractère éthique de sa pratique et à la préservation de
la nature.
36
L’impact du changement climatique sur les Alpes, selon Jean Christophe LOUBIER28, pourrait se
caractériser selon trois axes :
- les systèmes physiques, en effet en cas d’une augmentation de la teneur atmosphérique des
Alpes, on assisterait à une élévation des températures hivernales (+4°C) additionnées d’une
augmentation des précipitations (de l’ordre de 15%). Les ressources en eau se verraient donc
réparties de manières différenciées dans les massifs.
- Les systèmes écologiques, cet axe regroupe les influences du changement climatique sur les
écosystèmes, et d’une façon générale sur le déplacement des niches écologiques des espèces
vivantes.
- Les systèmes économiques, évidemment le problème majeur soulevé par ces évolutions
climatiques et celui de l’enneigement. Duquel découle la fréquentation donc la viabilité de
cette économie de stations. Aujourd’hui, selon une étude suisse réalisée en 200029, la
viabilité d’un domaine skiable est assurée si l’enneigement est garanti 7 hivers sur 10 avec
une épaisseur d’au moins 30 cm pendant au moins cent 100 jours du 1er décembre au 15
avril. Actuellement, seules les stations situées au dessus de 1600 mètres remplissent ces
conditions. Dans le cas d’une augmentation de 1,8 °C, le seuil en deçà duquel les conditions
ne seraient plus remplies est supérieur à 1800 mètres.
Ce genre de perspectives nous amène à nous interroger sur l’avenir d’un bon nombre de
stations situées dans cet intervalle.
Il y a visiblement deux possibilités d’adaptation des domaines skiables face au risque climatique.
Une des réponses est d’abord technique et se matérialise par des procédés visant à garantir
l’enneigement. La production de neige de culture date des années soixante dix et connaît depuis
environ 5 ans une utilisation massive dans les stations. Elle permet de maintenir le manteau neigeux
dans les stations situées à basse altitude ou peu gâtées par l’enneigement. Mais cette production
s’avère très coûteuse. Elle implique des travaux de terrassement conséquents pour optimiser cette
« neige de culture ».
La production de neige de culture a aussi des conséquences environnementales. Pomper
d’énormes quantités d’eau pour alimenter les canons ne laisse pas le niveau des nappes phréatiques
intactes. Sans compter les additifs qui sont ajoutés à l’eau pour faciliter la transformation en neige. La
production de neige de culture soulève donc encore des interrogations.
28
Jean Chistophe LOUBIER, Le changement climatique comme facteur de mutation, in Les sports d’hiver en
mutations, Philippe BOURDEAU (Dir), Lavoisier, 2007
29
Jean christophe LOUBIER, Op. Cit.
37
La seconde possibilité des stations serait de diversifier l’offre. Cette approche porte sur
l’exploitation du domaine skiable à d’autres périodes de l’année que pendant les mois d’hiver.
L’utilisation des remontées mécaniques en été par exemple, à d’autres pratiques sportives (VTT) serait
une possibilité. La station cesserait d’être un élément central du territoire mais deviendrait un élément
plus global d’une offre touristique locale.
Naturellement, ces activités estivales ne seront pas aussi attractives que le ski mais les
perspectives sont intéressantes. Le VTT notamment est une pratique dont l’effort est assez comparable
au ski, on emprunte les remontées mécaniques et on descend. Alors même s’il paraît difficilement
envisageable que des touristes viennent spécifiquement pour faire une semaine COMPLETE de VTT,
l’accumulation de « facteurs attractifs » comme la beauté du site et une offre organisée de services
touristiques pourrait suffire à rendre rentable l’activité de la station en été.
Cette démonstration concernant l’avenir des stations de ski dans un contexte environnemental
changeant nous permet de faire la transition avec l’essor des pratiques sportives de nature ou sports de
nature.
Face à cet espace montagnard menacé par des aménagements outranciers, la solution fut de
légiférer. Mais quel bilan peut-on faire aujourd'hui de la loi Montagne de 1985 ? A-t-elle suffit à
canaliser le bétonnage lancé dans les années 60 ?
Quoiqu’il en soit la naissance d’une approche plus diffuse du tourisme en montagne est bien
réelle. Devant le constat d’un réchauffement climatique inquiétant, la question des alternatives est
posée. Dans ce contexte, les sports de pleine nature n’apparaissent-ils pas comme une diversification
plausible ?
38
Chapitre 3 : L’émergence des sports de nature : l’exemple de la
randonnée
L’objectif de ce chapitre sera d’étudier l’émergence des sports de nature au regard de l’offre et de
la demande. Nous choisirons l’exemple de la randonnée pédestre pour illustrer notre propos.
Qu’en est-il de l’évolution des pratiques ? Selon le Ministère de la jeunesse et des sports
l’évolution des pratiques d’activités physiques est positive. En effet, à la question avez-vous eu au
moins une activité physique au cours de cette année, 47% des interrogés ont répondu OUI, contre 43
30
Minisère de la santé, jeunesse et sport, Sports de nature, repère et actions, Août 2007
31
Source : INSEE, Enquête « participation culturelle et sportive », mai 2003
39
en 2000. De même 31% déclarent en 2005 avoir une activité physique régulière contre 28 en 2000.
Enfin, quand à la pratique du sport en vacances en 2004, on relève que 33% des vacanciers pratiquent
un ou (des) sports pendant les vacances contre seulement 9% en hiver.
La répartition territoriale des équipements, espaces et sites relatifs aux sports de nature démontre
l’importance de l’attractivité de certaines zones de montagne.
84% des sites concernent des sport de nature terrestre (escalade, VTT, randonnées équestre et
pédestre…).
Nous remarquons aussi l’importance des équipements concernant ces sports, quand on voit que
23% du nombre des équipements sur le territoire concernent des sports de nature. L’offre est
importante et dispatchée sur l’ensemble de l’hexagone.
Les départements sont les acteurs du développement maîtrisé des sports de nature, à travers les
CDESI/PDESI32 qui ont pour but de mettre en place des politiques favorisant le développement et
l’encadrement des sports de nature. A voir l’engouement de certains départements pour ces politiques,
notamment le département de l’Ardèche, nous apercevons qu’ils commencent à mesurer l’importance
de maîtriser et d’organiser les pratiques sur leur territoire dans le but d’en faire un levier de
développement local.
A travers ces différentes analyses, nous pouvons dire que la pratique de sports de nature se
démocratise de plus en plus et répond à un besoin d’évasion ressenti par un nombre croissant de
citadin. Un français sur trois les pratique, notamment durant ses vacances. Ainsi, il apparaît primordial
pour les départements à dominante rurale de s’organiser en vue de développer la pratique de ces sports
et d’en faire une vitrine de leur offre touristique.
Après avoir parcouru l’évolution globale de l’ensemble des sports de nature, il conviendrait de
recentrer notre analyse sur la randonnée pédestre et le VTT.
Pour bien analyser les attentes de la clientèle des sports de nature, il faut comprendre les évolutions
des expressions désignant ces pratiques. Du « plein air » en passant par les « activités physiques de
pleine nature », aux « sports de nature ». Comme l’indique Olivier BESSY33 le vocabulaire employé
32
CDESI : commisison départementale des espaces, des sites et itinéraires relatifs aux sports de nature, PDESI :
plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature.
33
Olivier BESSY, « Du plein air aux sports de nature, nouvelles pratiques, nouveaux enjeux » in Sciences
sociales et loisirs de nature, 2004, collection sports de nature, p. 21-33.
40
n’est jamais neutre et « derrière les mots se cache une évolution des représentations de la nature et du
sport qui dépassent la simple rhétorique linguistique », ainsi, l’expression « sports de nature »
apparaît suite à de nouvelles pratiques et répond à de nouveaux enjeux de société.
Les pratiques de plein air commencent à partir de la seconde moitié de XIXème siècle, au moment
où la thématique de l’air ne répond plus seulement à la fonction respiratoire mais s’associe à l’idée de
nature et de bonne santé. On a alors une conception naturiste de la pratique sportive. Ces pratiques
restent élitistes jusqu’à l’époque du front populaire qui les démocratise plus largement dans la société.
Les pratiquants du plein air sont porteurs de valeurs comme le pacifisme ou l’écologie. Les premiers
surfeurs ou grimpeurs incarnent bien cette génération de pratiquants. Ces pratiques de plein air
privilégient donc la nature comme un bien utile pour la santé (hygiène de vie) et identitaire (nature =
idéal de vie).
34
Olivier BESSY, op. cit.
35
C. POCIELLO, 1995, Les cultures sportives, pratiques, représentations et mythes sportifs, Paris, PUF
41
nombreuses. Les sports de nature marquent bien cette évolution. Désormais, la nature n’est plus
considérée comme un simple outil mais comme un patrimoine qu’il faut défendre.
Le passage du plein air, aux APPN puis aux sports de nature montre bien que les attentes et les
motivations ont évoluées. La nature fut d’abord envisagée comme un support à une pratique
hygiéniste, puis comme un espace ludique ou la recherche de sensations prime sur la préservation de
l’environnement. Enfin, les sports de nature font références à une nature davantage plurielle que l’on
utilise mais que l’on cherche à protéger. Ils apparaissent comme un vecteur de développement local
pour les acteurs locaux en se situant aux carrefours d’enjeux socioculturels, économiques et
environnementaux.
42
Ci-dessous, un schéma résumant ces différentes évolutions sémantiques
Plein Air
- Seconde moitié du XIXe
- Pratique hygiéniste du sport en nature
- Valeurs pacifistes et écologistes
- Exemple des premiers surfeurs et
premiers grimpeurs
Sports de Nature
- De 90 à aujourd’hui
- Diversité des projets sportifs : de la compétition
au simple jeu
- Recherche du ludisme et du bien être
- Préoccupations climatiques grandissantes
- La nature est vue comme un patrimoine à
défendre
Qui pratiquent les sports de nature ? Après avoir étudié les attentes générales de la clientèle, il
convient de qualifier les types de pratiquants selon leur profil. Dans cette partie, nous nous appuierons
entre autres sur des chiffres faisant référence à des pratiquants licenciés.
43
Comme l’indique un graphique représentant « L’adhésion aux association sportives selon âge »36
la pratique sportive est essentiellement jeune, en effet 33% des pratiquants licenciés ont de 15 à 29
ans, 21% pour les 40-49 ans et 14% pour les 60 ans et plus. La pratique sportive concerne donc un
public de jeunes.
Les femmes préfèrent les sports de nature aux sports « traditionnels ».37. Car si en moyenne, 27%
des femmes sont licenciées dans des fédérations unisports, elles sont plus de 41% à bénéficier d’une
licence dans les fédérations sportives de nature. Et c’est au sein des sports terrestres qu’elles sont les
plus nombreuses. Sur le total des licenciés de la Fédération française de Randonnée Pédestre, 62%
sont des femmes. En équitation, leur présence est encore plus marquée car 77% des cavaliers sont des
femmes.
Cette féminisation de plus en plus forte dans le sport peut évidemment s’expliquer par l’évolution
des pensées et des modes de vie.
La typologie des clientèles, une fois ces observations faites, dépend de la nature de l’activité.
Dans la pratique de la randonnée pédestre, 31 millions de personnes déclarent marcher. Cependant il
serait abusif de parler de 31 millions de randonneurs. La distinction est complexe entre le promeneur
du dimanche et le randonneur assidu38. Nous reviendrons plus loin sur le public de randonneurs.
Prenons pour exemples les pratiques du VTT et de l’escalade. Pour les pratiquants du VTT, la
moyenne d’âge est relativement faible, ce qui s’explique par les qualités physiques requises pour ce
sport. De plus39, on assiste à une nouvelle vague de vététistes : les free riders, ils pratiquent le VTT
de descente en montagne durant l’été et donnent une utilisation estivale aux remontées mécaniques.
Quant à l’escalade, selon Jean Corneloup40, il existe quatre familles de grimpeurs ayant des
pratiques et un rapport au risque différent :
Les Alpins-cafistes, (appartenant au Club Alpin Français) qui sont proches de la tradition alpine et
dont les lois ou morales sont construites autour de la montagne.
Les Hédo-sportifs, qui recherchent le plaisir de grimper entre copains. Ils défendent l’aseptisation
des sites et une grimpe « sans risques ».
36
Source : MSJS, 2007
37
Minisère de la santé, jeunesse et sport, Sports de nature, repère et actions, Août 2007
38
Nous reviendrons plus loin sur ce point
39
Source : Fédération Française de Cyclotourisme
40
Jean CORNELOUP, « Risques, opinion publique et pratiques d’escalade », De Boeck et Larsier, Bruxelles,
1997
44
Les Néo-aventuriers, eux, valorisent la prise de risque extrême et grimpent dans des endroits
sauvages et peu équipés.
Enfin, les Touristes sont pour la banalisation de tous les espaces « de grimpe » et la falaise n‘est
qu’un support à leur pratique. Pas de réel investissement ni de véritable conscience environnementale.
A travers ces différents points, nous remarquons que la typologie des clientèles des sports de
nature est complexe. Naturellement dans le marché des sports de nature, la nécessité pour l’offre de
bien connaître les composantes de la demande (familles, motivations) est primordiale. Mais qu’en est-
il de la randonnée pédestre ?
La randonnée pédestre ou plus généralement la marche connaît un essor conséquent depuis la fin
des années 80. Stimulée en grande partie par le besoin de retour à la nature, d’écologie et
d’authenticité, la randonnée constitue également une motivation pour accéder aux sites naturels et
culturels.
Par ailleurs, la recherche du bien être est de plus en plus au cœur de nos préoccupations. Les
vacanciers optent aujourd’hui pour des séjours actifs et fuient la passivité des années 80. Ainsi, les
activités de pleine nature et notamment la randonnée correspondent à leurs attentes.
Le vacancier recherche la pratique sportive à une condition : elle ne doit pas s’accompagner d’un
apprentissage long et complexe. On veut accéder à la pratique de façon quasi-instantanée et en famille.
Le sport d’aujourd’hui est plus un sport de plaisir et de sensations qu’un sport de compétition. L’autre
condition qui découle de la première est le caractère « gratuit » de l’activité. En cela, la randonnée
apparaît comme adéquate car l’apprentissage est très court et aucune barrière (technique, matérielle)
n’empêche l’accès à la pratique.
45
L’évolution de la pratique de la randonnée est impressionnante. En 1989, elle était pratiquée par 6
millions de français. Aujourd’hui, c’est 13 millions de personnes41 de plus de 15 ans qui déclarent
pratiquer la marche. Même si le nombre de marcheurs semble se stabiliser depuis 1997, le nombre
d’adhérents à la Fédération Française de Randonnée Pédestre (FFRP), croît toujours. En 1998, elle
comptait 120 840 licenciés dans 1950 clubs et associations42. Aujourd’hui, la fédération recense
quelques 300 000 adhérents dans plus de 3000 clubs et associations43. Cette progression est
intéressante car elle exprime une durabilité de la pratique par l’adhésion du marcheur à la fédération.
L’activité randonnée génère donc des marchés indéniables du côté des hébergeurs44 sur les
territoires et surtout du côté des équipementiers. Ces derniers semblent être ceux qui profitent le plus
de cette expansion des sports de nature. En 2005 la Fédération Professionnelle des entreprises du
Sport et des loisirs (FPS) estime le marché du sport à 8,9 milliards d’euros pour un budget moyen de
360 euros par ménage. Environ 65 % du chiffre d’affaires sont réalisés par la distribution spécialisée.
Les trois premiers distributeurs français sont Décathlon, Go sport et Sport 2000. Prenons l’exemple de
Décathlon, en 2006 son chiffre d’affaires était de 4,005 milliards d’euros contre 3,7 milliards d’euros
en 2005(soit une hausse de 7,4 %).
L’activité randonnée en expansion est donc un marché très prisé par les distributeurs. Cependant,
les ventes de matériel telles que les sacs à dos ne sont pas un baromètre fiable de la pratique de la
randonnée en France. En effet, ces matériels souffrent d’une polyvalence d’utilisation : on parle de
récupération trottoir. Les équipementiers jouent d’ailleurs sur ce point en proposant des articles « plus
urbains », pouvant être utilisés en toute circonstance. D’autre part, n’oublions pas qu’un grand nombre
de randonneurs accèdent à leur pratique sans aucun matériel ni équipement dû au caractère très
accessible de certains sentiers. En outre, pour abaisser les barrières à la pratique, les topos guides
édités par la FFRP s’avèrent être des outils indispensables et très prisés par les randonneurs. Force est
de constater que ces topos autonomisent les randonneurs dans leur pratique, nous reviendrons sur ce
point quand à une éventuelle « concurrence » des topos-guides envers l’accompagnateur.
La randonnée est naturellement très liée aux espaces ruraux et montagnards dans le sens où ce sont
des supports à la pratique. Seulement des supports ? Nous verrons comment la randonnée est un lien
41
Source : INSEE, Enquête « participation culturelle et sportive », mai 2003,
42
Philippe GODARD, Tourisme vert et développement local, 1999, UTM
43
Source : Fédération française de randonnée pédestre
44
Nous reviendrons plus tard sur ce point, et notamment sur les éventuelles logiques d’interactions entre l’offre
des accompagnateurs et les hébergeurs sur un territoire (dernier point du chapitre).
46
entre le pratiquant et le territoire, et comment elle est associée à la découverte du milieu naturel et du
patrimoine local.
Il serait toutefois imprécis de dire que toutes les formes de randonnée sont associées au tourisme
vert dans le sens où cette pratique est polymorphe, le rapport au territoire sera donc différent selon une
pratique très sportive de la randonnée (trekking) ou une pratique plus douce (sentiers à thème).
Mais comment cet engouement des français envers le monde rural et la randonnée est-il apparu ?
A la fin des années 60, la société de consommation est à son maximum. Or, dans la population,
commence à naître des contestations vis-à-vis des conséquences de la doctrine économique impulsée
après guerre. Les pollutions (marées noires…), sont montrées du doigt, tout comme l’apparition des
premiers doutes envers l’agriculture productiviste. Ces contestations sont amplifiées par les
mouvements de Mai 68, desquels émergent des idéaux favorisant le retour au pays et à la nature. Ces
contestations envers le modèle économique en place se poursuivront au début des années 70 avant de
stagner. Cependant, l’image de la campagne a bel et bien évolué et le retour vers la ruralité est en
marche.
Dans les années 80, ces mouvements contestataires retrouvent de la vigueur à travers des
associations comme Green Peace. La population ressent de façon croissante le manque de repères
naturels, culturels et identitaires du à la vie citadine. La ville et son rythme infernal « métro boulot
dodo » influe sur le moral des gens. Le bruit, le stress du travail et des transports additionnés à une vie
familiale totalement désorganisée est le quotidien du citadin.
45
Partie 1, Chapitre 2.1
46
Aujourd’hui encore, 80% de la population française, se concentre sur 20% du territoire
47
On comprend ainsi la volonté du retour à la nature. La campagne apparaît comme un lieu calme
où la réappropriation de repères semble possible (repères temporels, familiaux…). Cet élan vers la
nature va aussi de pair avec une « demande d’écologie », qui se traduit notamment par le
développement des Appellations d’Origine Contrôlée destinées à assurer une certaine qualité des
productions alimentaires. A cette époque, le consommateur est en mal de confiance vis-à-vis de
l’alimentation, suite aux scandales qui jaillissent (poulets aux hormones, Organismes génétiquement
modifiés). Il en va de même pour les produits issus de l’Agriculture biologique, leur réussite tient aux
manques de repères des consommateurs.
Dans ce contexte, on imagine que les choix en matière de tourisme seront aussi orientés.
L’amélioration de l’image des campagnes couplé à une recherche d’authenticité et de « consommer
propre » joueront en faveur du tourisme rural.
La randonnée peut se pratiquer aussi bien de façon individuelle qu’en groupe (clubs de
randonneurs…). Dans la pratique du tourisme rural, les motivations qui guident les touristes sont : se
sentir bien (calme, nourriture saine, beauté des paysages), changer de rythme (casser la routine
urbaine) et faire des rencontres. A ces trois motivations, la randonnée apporte des réponses.
En effet selon Bernard Deniez, 47 la randonnée pédestre représente un triple voyage :
- un voyage dans le temps (géologique et historique),
- un voyage dans la connaissance du monde (du minéral au végétal et à l’animal),
- un voyage dans l’espace (déplacement).
Dans tout les cas, la randonnée amène l’individu à faire des découvertes. Elle est la traduction du
désir des individus de connaître le passé et d’être en symbiose avec la nature. Les randonneurs à
travers leurs pratiques vont à la rencontre de richesses culturelles, spirituelles et naturelles. Les
découvertes sont multiples. D’autant plus, quand ce loisir correspond à une recherche d’évasion du
cadre urbain pour la campagne. L’individu se retrouve à la recherche de sensations oubliées, il troque
le temps d’une marche son environnement citadin contre « l’authenticité » du monde rural.
Dans le cadre de ce travail de recherche, il est primordial pour comprendre le rôle des
accompagnateurs en montagne sur les territoires de bien saisir les deux caractéristiques phares de la
randonnée, à savoir : la liberté et la gratuité de cette pratique.
Cette liberté inhérente à la pratique se traduit par un randonneur qui veut pouvoir randonner où
bon lui semble, quand il veut, avec qui il veut.
47
3ème rencontres du tourisme pyrénéen : la randonnée en question , in Philippe GODARD, Op. Cit.
48
La gratuité se matérialise par un accès libre aux sentiers et par un choix de consommer ou non.
Comme on l’a évoqué auparavant, la randonnée, activité du tourisme rural correspond à un besoin de
fuite vers la tranquillité, le calme, loin de l’effervescence des villes et de la société de consommation.
Quoi de plus normal donc, de souhaiter accéder librement et gratuitement à une pratique ? Ce
paradoxe nous amènera à nous questionner sur le rôle de l’accompagnateur dans ce tandem
pratiquant/randonnée, quel valeur ajoutée saura t-il apporter ?
Quand on observe les types de marcheurs ou randonneurs, on remarque qu’ils sont parfois très
différents et qu’ils cherchent à répondre à des motivations diverses. Du marcheur du dimanche au
randonneur confirmé, quelle distance les sépare ?
D’après une étude de l’AFIT48 (aujourd’hui ODIT France), plus de 80%49 des randonneurs
déclarent pratiquer la randonnée en montagne. Cet espace apparaît donc comme l’espace de
prédilection pour les randonneurs. La campagne et la forêt arrivent en deuxième (73,3%) et troisième
position (69,3%). Cependant, même si huit personnes sur dix qui séjournent à la montagne déclarent
pratiquer la randonnée, il faut souligner que deux randonneurs sur dix ne s’y rendent pas du tout.
L’association rapide entre randonnée et montagne ne concerne pas l’ensemble des randonneurs.
Qu’est-ce qui les motive ? Il apparaît50 que l’une des motivations principales des randonneurs
réside avant tout dans le charme des sentiers traversant des sites naturels ou culturels, les randonneurs
aspirent essentiellement à se détendre, profiter de la nature et découvrir des paysages et une région.
Il apparaît aussi, que pour 91,5% d’entre eux, la randonnée est l’occasion de partager une activité
avec des proches. Pour 86,6%, elle permet de développer ses connaissances sur la nature. Cet aspect
de la randonnée lié à la découverte sera utilisé plus loin pour tenter de montrer l’adéquation entre
l’offre et la demande. Enfin pour 66,7% des randonneurs, c’est l’occasion de fuir la ville.
Les actifs : 5 à 6 millions de personnes qui pratiquent au moins une demi-journée par mois ou une
journée par mois tous les 2/3 mois.
48
AFIT, La pratique de la randonnée pédestre en séjour touristique en France, 2003
49
Cependant, un même individu randonne en général dans plusieurs environnements différents, donc dans
l’enquête présente, le randonneur pouvait citer plusieurs environnements.
50
Céline CROISIER, La randonnée pédestre : du loisirs sportif au tourisme, 2001, SOURCE
51
Etude de la clientèle de la randonnée pédestre, Sportlabs, Avril 1999
49
Les intensifs : 1,5 à 2 millions de personnes pratiquant une journée par mois ou plus.
Les itinérants : 0,5 à 1 million de personnes pratiquant plusieurs jours de suite.
Les chiffres présentés sont des estimations car il faut savoir que le recensement et le classement
des pratiquants s’avère très difficile. Il apparaît donc que les pratiquants appartenant à la catégorie
« randonneur » sont environ 8,5 millions.
Intensité
Itinérants
1 millions
Les intensifs :
1,5 à 2 millions
Ci-dessus un schéma reprenant les trois grandes typologies décrites par Céline CROISIER. (Figure
Céline CROISIER)
L’essor des sports de nature est indéniable. L’urbanisation croissante de notre société explique en
partie ce besoin d’évasion et d’immersion en nature. L’analyse sémantique que nous avons développée
le prouve. Le rapport à l’espace et à la pratique évolue en permanence. Le pratiquant ne recherche plus
la performance mais le contact du milieu.
En randonnée, ces tendances se confirment. Pratiquée par des millions de gens, la randonnée
pédestre est un véritable baromètre de la société. A travers les pratiques qui se développent, c’est
véritablement une société qui s’exprime. Cependant, ce besoin de contact avec le milieu peut-il se faire
spontanément ? Le pratiquant n’a-t-il pas besoin d’un intermédiaire pour comprendre et s’immerger
dans cette nature ?
50
Conclusion de la première partie
En souhaitant dresser une définition de la montagne, nous nous somme rendus compte que la
chose était loin d’être aisée. L’expression « à chacun sa montagne » le prouve. L’espace montagnard
est difficile à définir tellement différentes approches sont possibles. Alors les géographes essaient de
la définir en utilisant la géologie, les pentes, la forme du relief… mais ces définitions restent encore
trop imprécises. En somme la montagne apparaît comme une construction mentale relative et
subjective.
La perception de la montagne varie aussi selon les groupes sociaux et les représentations de
chacun. Certains voient en cette montagne ses vertus bénéfiques d’autres y voient un support au jeu.
Par ailleurs les spécificités de l’espace montagnard sont nombreuses. La montagne est avant tout
un espace rural. Elle possède donc une histoire forte marquée par une transformation du monde
agricole. Cette lecture historique nous a permis de comprendre la montagne d’aujourd’hui.
Dans ce contexte montagnard, l’approche territoriale est très importante. Elle traduit le rapport de
l’homme à l’espace. Dans les projets de développement touristique notamment, la notion de territoire
est pertinente. Bien la comprendre nous permettra plus loin dans l’analyse d’essayer de saisir les
relations entre l’accompagnateur en montagne et le territoire auquel il appartient.
Par la suite, nous avons analysé les rapports entre montagne et tourisme. Longtemps considéré
comme un secteur salvateur, le tourisme a laissé une empreinte indélébile au sein des espaces
montagnards. L’après tourisme de masse laisse entrevoir des alternatives envisageables à un modèle
de stations qui s’essouffle.
Ainsi, une des diversifications possibles pourrait être celle des sports de nature. Ces pratiques
sportives connaissent en effet un développement grandissant depuis quelques années. Quels sont les
enjeux des sports de nature au sein des territoires de montagne ?
En termes de pratiques, la randonnée pédestre occupe une place de choix. Elle correspond à une
demande croissante de randonneurs en quête de nature et de connaissance de soi.
Ainsi cette première partie nous a permis de définir les concepts et de dresser l’état des lieux
actuel du tourisme en montagne.
Nous allons à présent utiliser cette analyse pour connaître la place et le rôle des accompagnateurs
en montagne dans le développement touristique des territoires de montagne.
51
PARTIE 2 : En quoi les accompagnateurs sont-ils des
acteurs clés du développement touristique des territoires
de montagne ?
52
Introduction de la deuxième partie
Le métier d’accompagnateur est un métier relativement récent. Il date des années 70. Mais il
s’inscrit dans la continuité de la profession de guide de haute montagne.Ce métier de guide de haute
est l’une des premières professions exercées par les montagnards de l’époque.
Peu à peu ce métier de guide a pris de l’ampleur et est parfois devenu pour certains une activité
principale. Quoi de plus naturel penserait-on aujourd'hui ?… Mais à l’époque le métier de guide était
considéré comme un complément, un gagne pain…
En 1976, l’Etat décide de créer un Brevet d’Etat pour normaliser la profession d’accompagnateur
en montagne (AMM). Cette volonté institutionnelle a pour vocation de créer des emplois et
d’encourager les jeunes montagnards à rester au pays. Ainsi, le marché de la randonnée voit apparaître
une nouvelle profession.
Mais dans le contexte de développement touristique que nous venons d’aborder, quels sont la
place et le rôle de cette profession ?
Après avoir dans un premier temps traité l’histoire de l’accompagnement, nous analyserons le
profil socio-économique et les caractéristiques de cette profession.
Par la suite, nous essaierons de comprendre le rôle de l’accompagnateur sur le territoire. Il sera à
la fois perçu comme un médiateur de la vie locale et comme acteur en phase avec la demande.
53
Chapitre 1 : Le métier d’accompagnateur en montagne
Notre sujet traitant des accompagnateurs en montagne, il convient de revenir sur le thème du
guidage en général, autrement dit sur l’histoire des guides de haute montagne. Ce qui nous permettra
ensuite de faire une description du métier d’accompagnateur et de voir comment se structure cette
activité sur un territoire.
Il est intéressant d’analyser comment les guides sont perçus par les clients de l’époque et comment
se positionne un guide vis-à-vis de son client. Dans les ouvrages de l’époque (Fin XVIIIème et XIXème
siècle) qui relatent les aventures alpinistiques de leurs auteurs, la position donnée au guide est
inférieure à celle du client.
54
Naturellement la différence de catégorie socio-économique explique ce décalage. Cependant,
même si les clients considèrent le guide comme un exécutant, un domestique, les rapports entre ces
deux classes ne sont pas aussi simples. Le guide par ses connaissances de la montagne est un
« référent », et se donne une position d’autorité, le guide comme on dit vulgairement, c’est « celui qui
sait et qui va devant ». Son autorité, il la puise dans son expérience de la montagne. En effet
l’ensemble des difficultés rencontrées par les clients dans la technique ou le manque d’entraînement
participe à asseoir cette autorité, car le guide montre qu’il protége, qu’il aide, qu’il soutient et que sans
lui l’accès à la montagne serait impossible.
Les guides ont deux comportements distincts : certains montrent une volonté d’éduquer leur client,
de lui apprendre la technique pour le rendre « autonome » par la suite. D’autres au contraire, (les plus
anciens de l’époque) n’ont pas la même approche et considèrent que « l’ignorance » des clients est le
cœur de leur métier. Dans son ouvrage52, Renaud de BELLEFOND, exprime cette idée en indiquant
que les premières initiatives en faveur des écoles d’escalade furent un échec. Non par le manque de
clientèle, sinon par une opposition virulente d’une majorité de guide envers ces structures formant des
« futurs sans guides »53.
La défaillance technique du client est une réalité et représente pour le guide un danger permanent.
Ainsi, certains guides n’hésitaient pas à employer des porteurs, pas uniquement pour assurer le portage
du matériel, mais car le porteur « est capable d’assurer » en cas de chute, alors que le client, lui « peut
faire tomber ».
Même si le métier de guide existait déjà avant la PREMIERE GUERRE MONDIALE, c’est
véritablement après 1918 que la clientèle arrive et souhaite parcourir la montagne. A cette période, le
métier connaît une sorte de renouvellement de son effectif à cause de la mort de nombreux
montagnards durant la guerre. A part peut-être à Chamonix, où la profession semble déjà plus
structurée, de nombreux jeunes montagnards s’improvisent guide avant d’être nommé, ni même
d’avoir été porteur. En effet, la demande est croissante et les jeunes y répondent.
Au départ, l’ENSA n’existe pas54, la formation des futurs guides se fait donc avec leurs pairs. Le
père emmène son fils à l’âge de 14-15 ans avec lui lors des courses, celui-ci tient le rôle de porteur ou
52
Renaud de BELLEFOND, Histoire des guides de montagne, Alpes Pyrénées, Cairn, Milan, 2003
53
Terme désignant le client devenu autonome grâce aux enseignements reçus dans ces écoles d’escalade.
Enseignements qui lui permettront d’aller en montagne sans l’intermédiaire du guide, d’où l’expression « sans
guide ».
54
En effet, l’ENSA fut créée en 1946
55
« d’accompagnateur de chevaux». Il porte les affaires des clients, prépare les repas, et s’occupe des
chevaux. Son père et son grand père lui enseigne les chemins, le nom des montagnes en lui répétant :
cela te servira de « gagne pain » plus tard. Sa formation, le futur guide la suivra selon cet
« apprentissage ». Ainsi, les nouveaux guides de l’époque sont nommés par les anciens. Aucun
examen n’est passé par le candidat, ou plutôt l’ensemble des courses qu’il a réalisées jusque là
constitue son seul examen. Les guides discutent entre eux et jugent le jeune candidat capable ou non
d’exercer le métier.
Cette continuité de devenir guide de père en fils semble assez légitime et logique dans le sens où la
progéniture est baignée dans cette culture montagnarde depuis sa plus tendre enfance. L’oralité est
primordiale ; l’enfant assiste aux veillées durant lesquelles se retrouvent les adultes lors des longues
soirées d’hiver. Les sujets abordés touchent essentiellement aux souvenirs des temps passés, à la vie
quotidienne paysanne et aux courses en montagne. L’enfant est immergé dans cette « culture
montagnarde ». Pour lui, le métier s’inscrit dans une continuité naturelle, dans la ligné de son grand
père, de son père…La profession s’inscrit donc dans une tradition familiale et locale.
Le métier de guide pour les autochtones apparaît comme une nécessité de la vie en montagne. Le
métier de paysans est difficile et le guidage apparaît comme un complément à cette activité, mais le
guide ne marque pas de différence entre sa vie de berger, de cultivateur et ses accompagnements en
montagne. Cette pluriactivité apparaît comme naturelle.
Pour le paysan des montagnes, le métier de guide ne s’apprend pas. Il fait partie de son quotidien.
Depuis l’enfance, le paysan-guide se déplace en montagne pour vaquer à ses occupations agricoles :
faucher les foins, couper le bois, garder les bêtes… Il est d’ailleurs surprenant de constater la
complémentarité entre cet ensemble d’activités paysannes et les qualités physiques exigées par le
métier. Loin de la mécanisation, le quotidien du paysan s’apparente à un véritable entraînement pour
l’alpinisme. Son travail lui permet d’acquérir de la résistance, l’endurance et la prudence nécessaire à
la vie en montagne. Entre porter une hotte remplie de bois ou un « bourra » de foin pour le paysan et
un sac à dos pour le guide, l’écart est mince. Parfois les mêmes outils peuvent servir aux champs et en
montagne. Le piolet ressemble étrangement à une pioche : ainsi, creuser des marches dans la neige ne
pose aucune difficulté au paysan-guide. L’approche de la montagne par l’agriculture ou par la marche
montre beaucoup de similitudes, dans les deux cas, l’homme doit s’adapter à ces composantes
naturelles hors du commun.
Voilà sans doute pourquoi beaucoup d’anciens guides ne marquent pas de frontière entre ces deux
activités, qui dans les deux cas nécessitent une bonne connaissance de la montagne et une résistance
physique certaine.
56
Mais ces guides paysans se voient rejoindre par une autre génération de montagnards, issus des
plaines et bien décidés à faire évoluer la profession.
Il y a en effet deux types de guides : les guides du pays et les guides citadins. Les premiers
concernent notre analyse ci-dessus, il s’agit de paysans, nés dans les montagnes ayant hérité de
compétences en guidage par leurs aïeux.
Les seconds, qualifiés de « citadins » se composent de descendants d’une vieille noblesse en soif
de sensations55.
Dans les deux cas, les motivations sont fortes et bien réelles. Pour les guides autochtones, être
guide c’est s’inscrire dans la lignée de ses ancêtres, c’est une « affaire de tradition », quelque chose de
naturel. Pour les seconds, cette appropriation de la montagne est plus vécue comme une rupture avec
les contraintes de la société, additionnée à un désir de conquête des sommets et une adoration envers
cette montagne.
L’un des grands exemples de cette arrivée d’une nouvelle génération de guide de montagne est
Roger Frison Roche. Le célèbre auteur marque un grand moment dans l’histoire des guides à son
entrée au bureau des guides de Chamonix. A l’époque, cette nomination est décisive car la compagnie
avait jusque là un règlement clair : « il fallait être né à Chamonix, de parents chamoniards, pour
pouvoir être candidats au titre de guide ». A partir de là, le cercle des guides de Chamonix s’élargit
peu à peu laissant entrer des candidats « étrangers », « de la plaine ».
Cette arrivée d’étranger va bouleverser quelque peu la profession. Les guides de l’époque ne
passaient pas d’examen, ils étaient élus lorsque qu’on les jugeait apte à guider seul en montagne. Avec
la venue de ces citadins, la profession évolue. La professionnalisation s’opère de plus en plus. Pour
devenir guide, il faut désormais se soumettre à une série de tests physiques, moraux et techniques ; les
guides citadins apportent avec eux de nouveaux savoirs comme la lecture de carte par exemple. Ces
55
Max LIOTIER, Celui qui va devant, Arthaud, 1969
56
Pour beaucoup de vieux guides, le client « Anglais » représente la clientèle idéale d’autrefois. Il est une sorte
de symbole pour la profession à la fin du XIXème siècle. Cet Anglais est celui qui à fait tous les plus grands
sommets alpins et Pyrénéens, et qui revient tous les ans : un client fidèle et rémunérateur. La baisse de
fréquentation de cette clientèle apparaît après la fin de la première guerre mondiale. Les territoires de montagne
connaissent à cette époque une baisse démographique due à la forte mortalité des hommes à la guerre. Ainsi,
cette période correspond à l’arrivée d’une nouvelle population en montagne.
57
savoirs sont plus physiques, plus techniques et surtout « acquis indépendamment des anciens 57».
L’introduction des écoles d’escalade (en 1935 par Frison Roche par ex.) pour fixer cette pratique
comme une référence au métier de guide est un élément fort.
Cette élévation du niveau requis pour exercer le métier contribuera à accroître le sentiment de
dépossession des anciens guides envers la profession. Cette professionnalisation du métier de guide se
concrétisera par la mise en place de l’école nationale du ski et de l’alpinisme (ENSA) en 1946.58
La supériorité physique et technique du guide de haute montagne reste encore aujourd’hui une
caractéristique phare de la profession. Ainsi, la différence entre le métier d’accompagnateur et celui de
guide se joue principalement sur ce point. Les compétences de l’accompagnateur s’arrêtent là où
seules celles du guide commencent. La pratique de l’escalade (en falaises ou en cascades de glaces)
marque la principale limite entre les deux professions.
L’accompagnateur ne peut pas faire appel à l’utilisation de crampons, de piolet lors de ses
randonnées et sa pratique de la raquette (pour ceux qui bénéficient de la qualification) se limite aux
espaces nordiques non accidentés (relief vallonné).
Le métier d’accompagnateur apparaît dans les années 1930 avec la montée du tourisme social et
des camps de jeunesse, il concerne dans un premier temps les instituteurs, les gardes forestiers ou
autres paysans capables d’assurer des sorties en montagne. Ce métier ne concurrence pas celui des
guides dans le sens où il ne concerne pas (exactement) le même public. L’accompagnateur favorise
l’accès à la montagne pour un plus large public.
Tout comme le métier de guide en 1947, la profession d’accompagnateur se réglemente en 1976
avec la mise en place d’un Brevet d’état. A l’origine, ce diplôme ne concernait que les montagnards et
traduisait la volonté des pouvoirs publics de maintenir les jeunes au pays en leur proposant des
débouchés sur le marché des loisirs en compléments de leur activité principale. Ce dernier élément est
important et permet de commenter le fait qu’un très grand nombre d’accompagnateurs sont pluriactifs.
Tout comme le métier de guide (à l’origine du moins) le métier d’accompagnateur est un complément.
57
Renaud de BELLEFOND, Op Cit.
58
2 Le métier d’accompagnateur en montagne
Afin de cerner les différentes caractéristiques du métier d’accompagnateur, nous allons présenter
le diplôme permettant d’exercer cette profession, l’offre et la demande relatifs à l’AMM et enfin la
structuration de cette activité.
En France, toute personne désirant enseigner le sport contre rémunération doit posséder au
minimum un Brevet d’Etat d’Educateur Sportif du premier degré (BEES). Le BEES comporte trois
degrés qui correspondent à différents niveaux de qualification professionnelle.
En 1976, le décret ministériel n° 76-556 du 17/06/1976 définit l’option « Accompagnateur en
montagne ». Ce diplôme de par son identité montagnarde est rattaché au BEES d’alpinisme. Cette
profession s’intègre parfaitement dans la logique de développement durable des massifs institué par la
loi Montagne de 1985. A l’heure actuelle, plus de 8500 diplômes d’AMM ont été délivré.
La distinction entre le métier de guide de haute montagne se fait donc par le niveau technique,
mais pas seulement. L’accompagnateur, à la différence du guide n’est pas ou très peu dans une logique
de performance. La valeur ajoutée des Accompagnateurs en Montagne consiste en l'apport
d'informations et de connaissances, à l'occasion de la pratique de la randonnée, pour tout ce qui
concerne le patrimoine naturel, culturel et humain, plus particulièrement propre au milieu montagnard.
Son rôle est plus dans la transmission d’un « savoir » et d’une expérience de la montagne.
Comme nous l’avons évoqué auparavant, l’accompagnateur doit être titulaire d’un BEES premier
degré qui se compose de deux parties60 :
- une formation commune (ou tronc commun) à tous les sports (biomécanique,
physiologie, psycho-pédagogie, réglementation...) acquise soit par la réussite à un examen,
soit par un contrôle continu des connaissances, soit par équivalence pour les titulaires du
DEUG STAPS (sciences et techniques des activités physiques et spotives).
59
Source : Syndicat national des accompagnateurs en SNAM
60
source : Ministère jeunesse et sports
59
- une formation spécifique au sport choisi qui s’obtient, elle, à l’issue d’un examen ou d’un
contrôle continu des connaissances ou d’une formation modulaire pour certaines
disciplines.
- une épreuve de marche en montagne comportant +/- 1500 mètres de dénivelée positif, à
réaliser en moins de 7 heures avec un sac à dos de douze kilos. Immédiatement suivi d’un
parcours en terrain varié.
- une épreuve pratique d'orientation, avec comme matériel, une carte fournie, une boussole
et un altimètre. Le but étant de trouver cinq balises en moins de deux heures et trente
minutes.
- une épreuve d'entretien avec un jury portant sur une liste (fournie par le candidat) de vingt
randonnées en montagne, destinée à évaluer ses connaissances du milieu montagnard et son
aptitude à communiquer devant un public.
Après avoir réussi l’examen probatoire, le candidat se voit remettre un livret de formation. Ce
dernier est valable trois ans à partir du moment où il est fournit.
Le tronc commun et l’examen probatoire en poche, le candidat AMM doit suivre trois unités de
formation (UF1, UF2, et UF3), entrecoupées d’un stage pour arriver ensuite à l’examen final.
Cette première unité de formation a pour objectif de faire acquérir au candidat les connaissances
fondamentales à l'exercice de la profession dans différents domaines qui sont : l’animation et la
conduite de groupe, la sécurité en terrain montagnard et l’orientation-navigation, la connaissance du
milieu montagnard et enfin la législation propre à l’activité et au milieu.
Le stage en situation est constitué par une période d'expérience pré-professionnelle qui peut se
dérouler jusqu'à la péremption du livret de formation. Cette période permet la réalisation de
randonnées pédestres recouvrant un minimum de 20 journées dont plus de la moitié est effectuée dans
60
la même région. Six journées au minimum comportant au moins une sortie de deux jours sont passées
en présence d'un titulaire de l'un des diplômes du brevet d'Etat d'alpinisme. Et trois de ces dernières
sont effectuées sous l'autorité du conseiller pédagogique qui atteste de la liste des randonnées
réalisées.
Les objectifs du stage sont de permettre à l’accompagnateur stagiaire de se familiariser avec la
profession et d’acquérir de l’expérience.
Cette Unité de formation ne fait pas l’objet de notation et est simplement destinée à perfectionner
le stagiaire dans sa connaissance de la montagne (faune, flore, géologie, patrimoine culturel et
humain).
Durant une semaine, les enseignements concernent donc différents sujets comme l’agriculture de
montagne, la compréhension de la faune, la botanique, le développement des nouvelles pratiques en
montagne (le handisport…), le patrimoine ou encore la géologie.
Chaque sujet est illustré par des intervenants spécialistes qui possèdent le diplôme
accompagnateur en montagne.
L'unité de formation "Moyenne montagne enneigée" (ou l'unité de formation "Moyenne montagne
tropicale"), d'une durée de 80 heures minimum, est accessible aux candidats justifiant de la réalisation
de l'unité de formation "milieu naturel estival".
Cette troisième et dernière unité comporte les enseignements suivants :
- Epreuve d’orientation en terrain enneigé,
- Nivologie, météorologie et sécurité en espace montagnard enneigée,
- Progression en terrain enneigé, de type nordique, notamment à l'aide de raquettes.
Enfin, la formation se termine par un examen final ayant lieu généralement en juin de chaque
année. Cet examen est composé d’une épreuve écrite. Le candidat doit rédiger un document portant sur
son expérience pré-professionnelle.
Puis d’une épreuve orale portant sur le même document. Le jury appréciera la présentation du
candidat sur ses expériences acquises et ses connaissances au programme de la formation.
Enfin d’une épreuve pratique d’encadrement sur le terrain pendant laquelle seront jugées son
animation et sa conduite de groupe en sécurité ainsi que sa connaissance et son observation du milieu
montagnard.
61
2.2 Les Accompagnateurs en Montagne : Qui sont-ils ?
Depuis 1976, plus de 9000 accompagnateurs ont été brevetés. Aujourd’hui, 3500 accompagnateurs
sont aujourd’hui déclarés en situation d’exercice professionnel sur le territoire français.
D’après une expertise62 du Pôle Ressource National des sports de nature basé à Vallon Pont d’Arc
(07), nous pouvons observer sur la carte suivante, la répartition géographique des accompagnateurs.
61
Syndicat National des Accompagnateurs en Montagne, Dossier de presse, 2009
62
Pôle Ressource National des sports de nature, Enquête sur les éducateurs déclarés "sports de nature », 2005
62
Sans surprise, la profession se regroupe en général dans les territoires montagnards. Les Alpes en
tête, puis les Pyrénées, le Massif Central, le Jura et les Vosges et enfin le pourtour méditerranéen (les
calanques vers Marseille, Alpilles, Hérault…) et la Corse. Sans oublier la Réunion parmi les DOM-
TOM qui semble tirer son épingle du jeu notamment grâce à la qualification CANYON, et
« l’accompagnement en milieu tropical ».
Désormais, à partir d’une étude63 réalisée dans la région midi Pyrénées concernant l’évaluation des
retombées économiques des sports de nature, nous allons tenter de dresser un profil général des
accompagnateurs en montagne.
En effet, un volet de cette étude traite « du poids socio-économique et emploi chez les prestataires
de sports de nature : guides et accompagnateurs ». C’est à partir de ces données que nous étayerons
notre profil. Ce volet ne concerne donc pas uniquement le métier d’accompagnateur mais aussi celui
des guides de haute montagne. Faute de données plus précises, nous exploiterons celle-ci.
Dans le cadre de cette étude, un questionnaire a été envoyé aux 474 guides et accompagnateurs
identifiés en région Midi Pyrénées comme proposant des prestations encadrées en matière de sports de
nature. Les questionnaires ont été envoyés par courrier et suivi d’une relance téléphonique intégrale un
mois après l’envoi.
Au final, le nombre de questionnaires exploitables est de 83, soit un taux de réponse de 17,5%.
Ainsi, les résultats présentés pourront accuser une marge d’erreur de plus ou moins 10%. L’intégralité
des données et commentaires présentés ci-dessous devront donc faire preuve de prudence compte tenu
du faible taux de réponse pouvant se traduire par une non représentativité des données récoltées.
Tout d’abord, nous analyserons l’ancienneté et la forme juridique des structures
d’accompagnement :
Année de création
avant 1980 3%
63
Etude Sports de nature en Midi Pyrénées, poids socio économique/emploi/développement des territoires,
Cabinet Trace Tpi, Altimax et Versant Sud 2008.
63
Le graphique ci-dessus64, nous montre que les structures d’accompagnement sont relativement
récentes. En effet, environ 65% d’entre elles se sont créées après 2001.
65
Ces structures portent à 85% la forme d’entreprise individuelle. Au niveau national, 80% des
accompagnateurs sont des travailleurs indépendants et majoritairement installés en réseaux locaux de
professionnels. Une minorité d’accompagnateurs est salariée des tours opérateurs, des parcs
nationaux, des centres de vacances…
Les randonnées avec animaux de Bât sont aussi une offre très appréciée de la clientèle par son
originalité. Tout comme les randonnées à thème (géologie, flore printanière, patrimoine local..) qui
donnent du sens à la marche et répondent à un besoin de connaissance de la part du randonneur. Selon
une étude de l’AFIT67 (aujourd’hui ODIT France), 99% des randonneurs associent la randonnée au
verbe « DECOUVRIR ». Ce qui exprime bien cette curiosité envers le milieu parcouru.
Toutefois la randonnée et la raquette à neige restent les deux activités phares de l’accompagnateur
pour respectivement 94% et 84% d’entre eux. Ainsi, l’encadrement en général représente l’essentiel de
64
Etude Sports de nature en Midi Pyrénées, Op. Cit.
65
Source : Syndicat National des Accompagnateurs en montagne
66
Discipline originaire des pays scandinave entre la randonnée et le Jogging qui se pratique à l’aide de bâtons de
randonnée pour solliciter le haut du corps (bras, coup épaule) en plus des membres inférieurs.
67
Etude de l'AFIT "la pratique de la randonnée en France", 1998
64
leur activité pour 94% des répondants, devant la formation (20%) et l’organisation d’évènement
(13%).
Randonnée 78
Raquettes 70
Autres 33
Canyonisme 24
Escalade/Spéléo/Via ferrata 23
Nombre
Alpinisme 16
Ce point est très important pour saisir le rôle de l’accompagnateur dans les territoires de
montagne. La randonnée est une activité où le randonneur veut pouvoir aller où il veut, quand il veut
et avec qui il veut, bref Gratuité et Liberté. Ainsi, une étude69 réalisée dans les Pyrénées en 1999, nous
indique que plus de 97 %70 des randonneurs déclarent randonner sans guide.
68
Etude Sports de nature en Midi Pyrénées, Op. Cit.
69
Philippe GODARD, Etude sur l’impact économique de la randonnée dans les Pyrénées, sous la direction de
Pierre TORRENTE, UTM, 1999
70
Sur environ 1000 personnes interrogées
71
On fait ici référence aux itinérants et aux intensifs et aux actifs cités dans le 2.3.3.3
65
Le public de scolaires : selon le Syndicat des AMM (SNAM), les Accompagnateurs sont agréés
par les Inspections Académiques, pour animer et encadrer des activités de randonnée en montagne
en lien avec le projet pédagogique. La connaissance du milieu montagnard et leurs compétences
en organisation et logistique leur permettent de participer à l’organisation et à l’encadrement de
classe environnementale. Auprès de ce public, le rôle de l’accompagnateur vis-à-vis de l’éducation
à l’environnement est très important.
Les centres de vacances : appelés autrefois colonies de vacances, ils sont des clients potentiels
pour l’AMM. L’accompagnateur aide à la conception de voyage (logistique, hébergement,
matériel) et assure les prestations d’encadrement et d’animation.
Les personnes handicapées : l’accès en montagne est de plus en plus possible grâce aux progrès
technique. Les accompagnateurs dotés de la certification Handisport sont habilités à encadrer des
personnes à mobilité réduite, à l’aide de « Joelette » (chaise à porteur) ou de « fauteuil tout
terrain » (FTT).
Les groupes constitués : comités d’entreprises, clubs de marcheurs sont aussi des clientèles
captées par l’accompagnateur. Encore une fois, ses atouts pour ce type de public résident dans ses
compétences en organisation de séjours, d’animation et son lien avec les prestataires locaux
(hébergement, encadrement sportifs…).
Les clients individuels : Cités à la fin, ces clients ne sont pas les moins nombreux,
l’accompagnateur doit cependant afficher la valeur ajoutée (randonnées thématiques, portage des
bagages par exemple) de son produit face à un séjour « randonnée libre » (non accompagné). Ce
public regroupe les couples, les familles, les groupes d’amis.
En moyenne, dans la région Midi Pyrénées72, le nombre médian de clients par an est de 400 par
guides et accompagnateurs. 40% des personnes interrogées déclarent avoir encadré entre 100 et 500
clients sur une année.
Même si les accompagnateurs sont les premiers opérateurs dans le champ des sports et des loisirs
de montagne hors ski, notamment grâce à l’essor de la raquette à neige, il n’en reste pas moins que ce
métier soit affecté par la saison touristique.
72
Etude sport de nature en Midi Pyrénées Op. Cit.
66
Ainsi, rares sont les accompagnateurs qui peuvent vivre de leur activité à l’année. Le Syndicat
National des Accompagnateurs en Montagne indique que plus de la moitié des AMM sont pluriactifs.
Ils sont : moniteurs de ski, pisteurs, spéléologues, parapentistes, gardiens de refuges, hébergeurs,
commerçants agriculteurs… un nombre non négligeable d’AMM est aussi fonctionnaire de l’Etat ou
des collectivités territoriales : enseignants, techniciens de l’ONF, gendarmes et militaires de
montagne.
Cette pluriactivité n’est pas nouvelle. Rappelons que depuis ses débuts, le tourisme est lié au
rythme saisonnier. Et l’activité d’accompagnement en montagne (guide, accompagnateur) d’autant
plus, au sens où la randonnée en montagne est tributaire de la météo. En hiver, les sorties sont moins
nombreuses. Le métier de guide n’a jamais été, à ses débuts, envisagé comme une activité principale.
Il constituait « un complément» au métier de paysan. C’est d’ailleurs pourquoi, bon nombre de guides
paysans de l’époque ne marquaient pas de frontière entre leurs deux activités.
3. Structuration de l’activité
Comment s’organise cette profession ? Nous allons étudier d’une part la forme juridique des
entreprises d’Accompagnement en Montagne. Et d’autre part, autour de quels réseaux locaux et
nationaux, les accompagnateurs se fédèrent-ils ?
67
3.1 Les formes juridiques des entreprises
A travers les données fournies par le Syndicat National des Accompagnateurs en Montagne73
(SNAM), nous avons établi le graphique suivant :
20%
80% Indépendants
Autres
Le graphique fait apparaître que les accompagnateurs sont majoritairement des travailleurs
indépendants (80%) et, dans cas le plus souvent organisés en réseaux locaux de professionnels
(bureaux multi-activités). Ils optent pour les statuts d’Entreprise Individuelle (EI), d’Entreprise
Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL), ou de Société à Responsabilité Limitée S.A.R.L.
Les Accompagnateurs sont ainsi nombreux à conserver leur statut de travailleur indépendant au
moment où ils créent une entreprise, souvent pour des raisons de commodité administrative.
Les 20% restant (« autres ») sont salariés des centres d’hébergement, des parcs nationaux, ou des
tours opérateurs.
73
Syndicat National des Accompagnateurs en Montagne, Dossier de presse, 2009
68
Pourquoi adhérer au SNAM ?74
« Etre membre du SNAM, c'est non seulement bénéficier de services à
l'adhérent et d'une assurance en RCP mutualisée sur un vaste contrat groupe
mais c'est aussi et surtout :
- être l'héritier d'un BE crée en 1976 et reconnaître le travail effectué par les premiers
Accompagnateurs en Montagne et leurs successeurs, élus du SNAM et des sections, pour que notre
métier soit reconnu et trouve sa place au sein de la filière de l'Alpinisme,
- appartenir à un groupe de professionnels et être en phase et en relation avec les confrères pour
partager les expériences, les problématiques et les solutions,
- être le garant du respect d'une déontologie et d'une éthique professionnelle, Que l'on soit
principalement, secondairement, ou accessoirement AMM au titre de la pluri-activité, Que l'on soit
travailleur indépendant, AMM salarié ou salarié d'un tout autre métier principal, fonctionnaire de
l'Etat et des Collectivités Locales. »
Ainsi, l’avantage du syndicat et dans le regroupement des individus autour d’objectifs communs,
afin d’améliorer l’écoute des pouvoirs publics devant les revendications de la profession. Nous
reviendrons plus tard sur l’intérêt du syndicat en termes de formation professionnelle et d’aide à la
décision.
74
Source : Syndicat national des accompagnateurs en montagne
69
Mais cette organisation présente aussi des avantages pour les prestataires (indépendant pour la
plupart) en terme d’organisation Elle permet d’optimiser les compétences (en communication,
promotion, gestion financière) et de mutualiser les moyens en mettant en place des projets communs
(Site WEB…).
Le métier d’accompagnateur s’inscrit donc dans la lignée du métier de guide de haute montagne.
La lecture historique permet de mieux positionner l’offre de l’accompagnateur au regard de la
demande. Nous comprenons ainsi, l’importance des caractères de « référent » qui véhicule la sécurité
et la connaissance.
Les données concernant les accompagnateurs en montagne sont assez limitées, peu d’études
existent. Cependant le profil que nous avons construit semble révéler quelques tendances. La
profession est jeune, la majorité des accompagnateurs sont indépendants et pluriactifs. Pluriactivité
choisie ou subie ?
Par ailleurs, la profession se structure. Un syndicat national veille à représenter et défendre les
intérêts des adhérents, et de plus en plus d’alliances entre accompagnateurs ou professionnels de sports
de nature sont créées. Elles ont pour objectif la mutualisation des moyens et la mise en place de
stratégies de commercialisation et de promotion efficaces.
70
Chapitre 2 : l’accompagnateur, un acteur inscrit dans le processus
de développement et en phase avec la demande
Quel est le rôle des accompagnateurs ? Comment s’intègrent t-ils dans l’économie locale ?
Correspondent-ils à une demande ? Dans ce chapitre, nous tenterons d’apporter des éléments de
réponse à ces interrogations.
L’image du site naturel permet la vente de PE : produits extérieurs dont le faire valoir est le
produits locaux adaptés site naturel
H : Habitants permanents du site touristique
PE C
PL H
75
Cours Pierre Torrente, Master 1 tourisme et développement, année scolaire 2008-2009
71
Observons à présent le deuxième schéma traitant du « Principe de régulation » pour essayer de
comprendre dans quels cas le tourisme est vecteur de développement et comment l’accompagnateur en
montagne peut être un acteur de ce système.
Dans ce second schéma, l’objet du déplacement des touristes (paysages, site naturel) est au service
de Produits Extérieurs (PE) conçus spécialement pour la clientèle. Par ailleurs, le circuit économique
de la population locale autrement appelé circuit domestique ou fondamental n’est pas dépendant du
circuit économique lié aux activités touristiques.
I/SN
C
PE
PL H
Pour saisir le rôle des accompagnateurs dans ce tourisme vecteur de développement, il faut bien
comprendre le mécanisme du Produit Extérieur. Ce dernier doit être intimement lié au but du
déplacement des touristes. Un bon exemple de PE est celui de la station de ski. La station de ski est
totalement liée à l’espace montagnard. Sans pentes, ni conditions climatiques adéquates, la station de
ski n’a pas lieu d’être. Et en tant que PE, elle offre un service spécialement conçu pour la clientèle
(remontées mécaniques, ventes de forfait), en lui laissant le choix de le consommer ou non.
L’accompagnateur, à nos yeux, constitue un Produit Extérieur par excellence. Son activité de
randonnée s’appuie totalement sur le potentiel naturel du territoire et n’est absolument pas un passage
obligé pour le randonneur qui souhaite marcher librement et gratuitement. L’offre de
l’accompagnateur est un service spécialement conçu pour la clientèle (organisation de la randonnée,
commentaires, sécurité, portage des bagages, nourriture…).
72
L’intérêt de l’accompagnateur réside dans la valeur ajoutée qu’il apporte au produit randonnée.
L’impact économique de la randonnée est très difficile à mesurer et s’avère souvent faible.
L’accompagnateur, en proposant ses services génère de la consommation, et transforme une activité
gratuite en un produit de consommation.
Prenons pour exemple une publicité76 éditée par le département des Hautes Alpes (05) qui propose
un séjour « randos ludiques » à Serre Chevalier. L’objectif est de vendre des séjours randonnées
accompagnées tout compris (Hébergement, centre thermal…). L’accompagnateur apparaît comme
l’élément central d’une offre plus globale et apporte de la valeur marchande à l’offre de randonnée.
Or, pour bien saisir dans quels cas l’accompagnateur est un acteur efficace du développement, il
faudra analyser comment il crée son offre, que représente son volume d’activité, quelles sont les
éventuelles interrelations avec les autres prestataires touristiques (producteurs locaux, hébergeurs,
restaurateurs…), afin de mesurer le rayonnement de cette activité et les impacts économiques.
Dans la troisième partie de ce mémoire, nous présenterons quelques pistes de réflexion pour
mesurer l’impact socio-économique du métier d’accompagnateur.
A partir d’un travail de Jean CORNELOUP77, nous proposerons ici une évolution historique des
rapports de l’homme à la montagne pour analyser en quoi l’accompagnateur est un acteur en phase
avec les évolutions de cette demande. Cette lecture de l’évolution nous parait pertinente pour voir
comment l’offre de l’accompagnateur peut être en adéquation avec la demande d’aujourd’hui.
Distinguer les cultures sportives et apporter une offre la plus adaptée possible sera le travail de
l’AMM.
La montagne d’aujourd’hui n’est plus la même que celle d’hier, mais qu’en est-il des pratiquants ?
Qui sont-ils ? Que recherchent-ils en montagne ?
Très rapidement, on peut décompter quatre périodes qui marquent le rapport à l’homme, à la
nature, au corps : les cultures traditionnelles, modernes, post-modernes et écologiques.
76
Voir annexe n° 4
77
Jean Corneloup, in Philippe Bourdeau (dir), La montagne, terrain de jeu et d’enjeu, Edition du Fournel, 2006
73
Le premier mouvement culturel est traditionnel. Il fait référence à l’époque médiévale durant
laquelle s’organisaient des pratiques récréatives et utilitaires. On dénombre les pratiques utilitaires
(chasse, pêche, cueillette), les jeux et fêtes traditionnelles (danse, folklore..), les pèlerinages, et enfin
les jeux guerriers. A cette époque, comme on l’a démontré auparavant, la montagne représente
l’ailleurs et à une valeur symbolique forte.
Le second mouvement culturel est celui de l’ère moderne. Il débute au XIXème siècle, période ou
la montagne cesse d’être un espace chaotique et devient un lieu reconnu, que l’on cherche à conquérir.
J. CORNELOUP décompose cette époque en cinq familles de pratique : les pratiques d’engagement
(alpinisme, canoë, spéléo), les activités d’itinérance (randonnée, rallye motorisés), les sports classiques
(golf, tennis…), les activités touristiques (visite des hauts lieux de nature, détente, promenade), et pour
finir les mouvements de jeunesse (détente, promenade). Naturellement, des pratiques naissent
l’aménagement du territoire en fonction (construction de stations de sports d’hiver et d’été, sentiers de
randonnée), et de culture professionnelle (guides, accompagnateurs..).
Le troisième mouvement est le mouvement post-moderne, il apparaît dans les années 70-80. Il
prend forme suite aux évolutions sociétales de cette époque (augmentation du temps libre, économie
tertiaire) et en parallèle du fort développement des pratiques de plein air qui apparaissent comme
alternatives à la saturation des pratiques classiques de la montagne. De ce troisième mouvement
culturel vont suivre les cultures californiennes, (VTT, escalade en blocs et falaises, parapente, base
jump…), les pratiques ludiques (accrobranches, parc aventure, saut à l’élastique, …), les hédo-sports
(canoying, via ferrata…), les produits de services (stage, sentier à thème, séminaire aventure…) et les
raids aventure.
Enfin, la quatrième et dernière phase est celle du mouvement écologique. Ce dernier courant
montre la motivation de certains envers des pratiques plus proche de la nature. On ne peut citer ce
mouvement sans le rapprocher de l’écotourisme qui véhicule les mêmes valeurs. Comme exemples de
pratiques, on retrouve les formes d’itinérances sportives (pédestre, VTT), les pèlerinages ou autres
voyages spirituels, les expériences en milieux extrêmes (immersion longue en nature..) et enfin le
développement des éco-randonnée (nourriture bio, village nature, découverte des écosystèmes…).
A la suite de cette analyse, la tendance vers des sports de nature où le mot nature prend toute sa
place affiche un développement croissant. Le pratiquant souhaite de plus en plus un accès rapide à la
pratique, sans apprentissage long et fastidieux. L’accompagnateur n’apparaît-il pas comme un acteur
en phase avec cette demande « écologique » ? Sa connaissance du milieu et des acteurs lui permet de
mettre en place des produits correspondant à cette demande.
74
On peut aussi penser que la force de l’accompagnateur est dans sa capacité à s’adapter au public.
Car si dans une enquête réalisée en 200178, il apparaît que 86 % des randonneurs interrogés déclarent
partir en montagne pour contempler les paysages et observer la faune et la flore, il apparaît aussi que
64% d’entre eux souhaitent se surpasser et atteindre un objectif en montagne.
L’adaptation de l’AMM est donc dans la proposition d’une offre qui correspond aux sportifs
(trekking avec portage des bagages) et aux contemplatifs (randonnée à thème).
L’itinérance fait depuis longtemps partie de nos sociétés. Des peuples nomades anciens, aux
pèlerinages du moyen Age en passant par la définition du tourisme à travers le grand tour au XVIIIème
siècle, notre société est profondément ancrée dans ces multiples formes d’itinérance. Même si depuis
le XXème siècle, la société a tendance à se sédentariser et à favoriser la polarisation des services,
touristiques notamment (concepts de stations), l’itinérance est toujours bel et bien présente. A travers
la littérature notamment, où des auteurs comme R-L STEVENSON ou encore A. DAVID-NEEL
contribue à la faire vivre à travers leurs périples individuels. Naturellement le concept d’itinérance, se
retrouve dans le champ du tourisme sous forme motorisée, équestre ou pédestre.
En observant la société moderne, que Jean VIARD qualifie de « société de mobilité »79, on
constate que nous sommes une société de mouvement, « marquée par des mobilités professionnelles
(subies ?) et personnelles (choisies ?) […] Dans cette logique, la multiplication des déplacements et
l’éloignement ostentatoire des destinations visitées ( sont classiquement analysés comme des facteurs-
clés de rentabilité symbolique et de distinction sociale » 80. Ainsi, tourisme et excursions en Europe
deviennent parfois synonymes de low-cost.
Paradoxalement semblent se développer les pratiques de proximité, peut-être pas si paradoxales,
dans le sens où elles s’inscrivent dans une forme de rupture avec « la course au low-cost » privilégiant
un tourisme générant moins d’impacts environnementaux. Apparaissent ainsi certains slogans de
Comité Régionaux de Tourisme qui jouent sur cette tendance : « Se sentir loin, sans aller loin » (CRT
Rhône Alpes). Tourisme de proximité rime aussi avec économie. A l’heure où la crise fait des ravages
et touche un bon nombre de secteur de l’économie, un français sur deux81 déclare qu’il ne partira pas
en vacances. Peut-être tourisme de proximité rime t-il avec tourisme de crise ? (Économique mais
aussi environnemental, énergétique et sécuritaire ?).
78
Jean CONELOUP, Etude sur l’analyse des cultures sportives de la montagne, 2001-2002
79
Jean VIARD, Eloge de la mobilité, Edition de l’Aube, 2006
80
Jean CORNELOUP, Philippe BOURDEAU, Du tour aux détours, UMR Pacte-territoires, Sportsnature.org,
2006
81
Sondage IPSOS pour France Bleue, Mars 2009
75
Ceci étant, il est difficile d’aborder la question de l’itinérance sans s’interroger sur la logistique et
les formes d’hébergement. L’accompagnateur semble ici jouer un rôle clé. Outre les produits phares
comme la tente « 2 minutes » de la marque Décathlon, ou le GPS qui autonomisent l’itinérant, la
question des abris et des refuges de montagne peut être posé. En effet, certains projets, notamment
celui du concept de RETROUVANCE initié par l’Office National des Forêts (ONF) semble
intéressant et laisse apparaître le rôle central de L’AMM.
RETROUVANCE est un concept lancé par l’Office national des Forêts il y a dix ans. Ce projet
vise au départ à restaurer le bâti (cabanes forestières) appartenant à l’ONF pour ensuite proposer des
séjours de randonnée (en itinérance) tout compris libre ou accompagné. Ce concept s’inscrit dans un
démarche de préservation du patrimoine bâti local. De plus, ce projet se veut être un moyen de
dialogue entre l’ONF et le randonneur car durant le séjour des interventions des agents ONF sont
82
prévus. RETROUVANCE, comme l’indique le site WEB, a aussi pour objectifs de créer des
richesses sur un territoire. Durant les randonnées, toute l’offre proposée aux randonneurs
(accompagnement, logistique, nourriture, hébergements…) et le fruit de partenariats locaux.
Comme nous l’avancions auparavant, l’accompagnateur joue un rôle central dans ce genre de
projet. D’une part, il assure l’accompagnement (donc la sécurité) des randonneurs, mais ses
compétences lui permettent d’assurer la logistique nécessaire au séjour (portage des bagages de
cabanes en cabanes, préparation des repas…). L’ONF parle de « faire revivre les histoires secrètes et
méconnus des forêts visités ». Derrière, ces phrases vendeuses, se trouvent véritablement
l’accompagnateur, qui se fait le relais et l’interprète de cette histoire locale.
82
site WEB : www.onf.fr/retrouvance
76
2.2.1 Le médiateur de l’espace montagnard
L’accompagnateur est donc un référent mais outre les connaissances qu’il transmet, il est aussi
celui qui véhicule la sécurité. L’AMM assure la sécurité de son groupe et participe également à la
responsabilisation des pratiquants. Comme le décrit le SNAM : « les accompagnateurs font partager
leurs expériences et leur vécu en montagne pour donner de nombreux conseils : de l’équipement
personnel, à la lecture de carte et à l’orientation, à la gestion de l’effort, à la nutrition et à
l’hydratation… ».
Ils permettent donc une approche de la montagne plus singulière que celle du sentier balisé.
L’aspect sécuritaire est un élément déterminant dans le choix d’un accompagnateur pour une sortie en
montagne, l’hiver notamment, les randonnées en raquettes nécessitent des précautions particulières,
l’AMM (habilité pour les sorties en raquettes) est l’intermédiaire idéal entre le pratiquant et la
montagne enneigée. Il a une bonne connaissance de la nivologie, du terrain parcouru, des abris
éventuels… De plus, il saura conjuguer la sortie avec des thématiques : observation de la faune
hivernale (interprétations des traces), technique d’orientation en milieu enneigé, nivologie…
Par ailleurs, le guide ou l’accompagnateur « sont ceux qui savent, parce qu’ils ont déjà
parcouru »84. L’expérience et la connaissance du terrain montagnard participe à asseoir le rôle
« d’encadrant » de l’accompagnateur. Comme le rappelle Renaud de Bellefond, la culture du guide et
de l’accompagnateur passe par leurs connaissances de la cartographie. Ce savoir-faire leur permet de
s’aventurer dans des zones « non déjà parcourues », de s’affranchir du territoire proche et des sentiers
83
Philippe Bourdeau (dir), La montagne, terrain de jeu et d’enjeu, 2006
84
Renaud de Bellefond in Montagne Méditerrannée, Les métiers du sport et du tourisme, dans les espaces
ruraux et montagnards, N°13, 2001
77
balisés. Cet outil de connaissance de l’inconnu qu’est la carte, conforte l’aspect sécuritaire du métier
de l’AMM.
En cela, L’étude réalisée dans les Pyrénées85 qui montre que plus de 97% des randonneurs
randonnent sans guide peut être interprétée. Les enquêtes parvenant à ces résultats ont été réalisées sur
des sentiers balisés, sécurisés qui ne nécessitent pas nécessairement la présence d’un accompagnateur,
celui-ci intervient généralement sur des terrains plus spécifiques où la sécurité doit être assurée par un
professionnel. Logiquement, l’aménagement de sentiers balisés (sentiers pour les raquettes
notamment) et la création de topos-guides, auxquelles sont généralement associés certains AMM,
amènent le randonneur à randonner seul. Mais nous étudierons dans la troisième partie comment
l’AMM peut adapter son offre et réagir face à cette autonomisation du randonneur.
85
Etude Philippe Godard Op. Cit.
86
UNESCO, Tendance de l’éducation relative à l’environnement,1977
87
Sylvain SALAMERO, Etude sur les accompagnateurs et l’écotourisme en Ariège, 2009.
78
Conclusion du deuxième chapitre
Ce chapitre a donc permis de saisir le rôle du métier d’accompagnateur au sein du processus
touristique. S’appuyant sur les ressources naturelles du territoire, l’accompagnateur construit une offre
demandée par la clientèle.
L’analyse des rapports de l’homme à la montagne a bien montré qu’aujourd'hui le randonneur est
à la recherche de la nature. Son mode de vie citadin le pousse à tenter des expériences « d’immersion
naturelle ».
Face au développement de l’itinérance, du trekking et autre, un besoin d’hébergement et de
logistique se crée, l’AMM en réponse à ce besoin apporte son offre et ses compétences.
De même, dans la rencontre entre le client et la nature, l’accompagnateur est un interprète. Il
accompagne et encadre la découverte d’un milieu naturel fragile.
79
Chapitre 3 : l’AMM, un rôle dans l’économie et la structuration
du territoire
L’activité de l’accompagnateur a une incidence sur l’économie locale, mais laquelle ? En quoi ce
métier peut encourager une restructuration de l’espace ? C’est ce que nous analyserons dans ce
troisième chapitre.
Même si la randonnée est présentée comme l’activité la plus pratiquée dans le domaine du
tourisme et des sports de pleine nature, rappelons que 31 millions de personnes déclarent marcher
chaque année. Bien sûr, ce chiffre ne signifie pas qu’ils soient tous des adeptes de la randonnée.
Cependant, l’engouement pour cette pratique reste très important et peut notamment s’expliquer par
les caractères de liberté et de gratuité déjà évoqués. Alors comment mesurer l’impact économique de
cette activité ? Bien souvent, les estimations de dépenses de randonneurs sont trop approximatives et
les contours des zones de pratique restent flous.
Plusieurs études arrivent cependant à montrer que l’essentiel de la consommation du randonneur
se fait en amont de son activité. Et ceux qui apparaissent comme les principaux bénéficiaires de la
randonnée sont les distributeurs et les équipementiers. Si l’accès à un sentier reste libre, un minimum
de matériel est toutefois nécessaire : chaussures, sac à dos...
Pour arriver à appréhender quelles sont véritablement les retombées économiques de la
randonnées pour un territoire, il faut s’intéresser à ce qui a motivé le déplacement88 du randonneur.
Ainsi, il est possible de faire apparaître plusieurs typologies de randonneurs. Si la randonnée est
considérée comme étant le but principal du déplacement du visiteur, l’intégralité de ses dépenses
pourra être considérée comme liées à l’activité randonnée directement ou indirectement.
88
Etude Philippe Godard, Op. Cit
80
Si le randonneur ne vient pas spécifiquement pour la randonnée, mais que la possibilité de
pratiquer cette activité apparaît comme une composante forte dans le choix de la destination, la
randonnée sera analysée comme un plus-produit.
Enfin, si le randonneur n’a pas choisi son lieu de déplacement en fonction des possibilités de
randonnée, et que son éventuelle pratique de cette-ci arrive en remplacement d’une autre activité, les
dépenses de ce visiteur ne peuvent être directement ou indirectement attribuées à la randonnée.
Après cette analyse des randonneurs, l’analyse économique devra aussi faire le rapprochement
entre les investissements, les charges et les retours sur investissement.
En ce qui concerne les accompagnateurs, trop peu de données sont disponibles sur l’impact
économique réel de ce métier. L’Etude Sports de nature en Midi Pyrénées89 indique que le total des
guides et accompagnateurs rassemblerait environ 190 000 clients par an pour un chiffre d’affaires de
5 700 000 euros HT. Nous devons rester prudents sur ces chiffres compte tenu du taux assez faible de
réponses à l’enquête (17,5%).
Par ailleurs cette estimation est pour le moins grossière, et aucun indicateur n’indique précisément
le comportement de ces clients (comment et où consomment t-ils ? Sont-ils venus spécifiquement pour
l’accompagnateur ? ) Et quel peut être le rayonnement de ce métier sur l’ensemble des acteurs du
territoire concerné (partenariat avec les hébergeurs, restaurateurs…).
Or, la démarche qui nous a poussé à investir ce sujet des accompagnateurs pour le mémoire de
Master 1, s’inscrivait aussi dans la perspective d’un stage destiné à apporter quelques réponses à la
dimension socio-économique de ce métier. Ainsi, à la fin de ce travail, dans la troisième partie,
quelques pistes de réflexion seront proposées, sur la méthodologie à mettre en œuvre pour obtenir des
éléments de réponse.
89
Etude Sports de nature en Midi Pyrénées, Op. Cit.
81
2. Désacralisation des pratiques de haute montagne90
Naturellement, il conviendra tout d’abord de relativiser cette désacralisation des pratiques de haute
montagne au profit des moyennes et des basses vallées. Dans une étude publiée par ODIT France91 sur
les intentions de départ à la montagne pour l’hiver 2008-2009, plus de quatre français sur dix déclarent
que leurs séjours à la montagne se feront dans une station de ski92. Les pratiques d’altitude sont et
restent prépondérantes. Le fort enneigement de l’hiver 2009 accompagné par de très bonnes
fréquentation des stations de montagne appuiera cette idée.
Or, à travers un travail de Philippe BOURDEAU sur la vallée de la Vallouise (Hautes Alpes),
nous observons toutefois dans certains cas une repolarisation des territoires de pratique. Dans les
années 80, seul le bureau des guides de la Compagnie des guides de l’Oisans situé à Ailefroide à 1500
m d’altitude existe. Peu à peu, de nouvelles structures professionnelles s’installent dans les années 90
mais de plus en plus en aval : A Vallouise (alt. 1100 m), aux Vigneaux (alt. 1000 m), et dans le milieu
des années 90, à l’Argentière la Bessée (alt. 970 m.). Ces structures si elles portent toujours le nom de
« bureau des guides » se distinguent des anciennes à travers les trois points suivants :
- Ce sont des structures commerciales et non plus syndicales comme les précédentes. Comme
le signale Bourdeau : « les logiques professionnelles se transforment lorsque la culture
sportive s’efface au profit d’une culture ludique marquée par un traitement entreprenarial
des pratiques ».
- Ces structures sont orientées vers une multi-activité sportive qui fonde une « mixité
professionnelle ». La cohabitation guide/accompagnateurs, classique depuis le début des
années 80 s’élargit à d’autres brevets d’état : Escalade, parapente, eaux vives, spéléologie…
Elles sont mobiles dans l’espace et le temps. Les déménagements intercommunaux sont très
fréquents.
Les espaces de pratiques valorisés se modifient donc. Et les vallées deviennent des terrains de jeu
privilégiés, confortant la revalorisation des zones de vallées par rapport aux zones d’altitude.
Dans notre sujet, cette repolarisation progressive des prestataires de sports de nature nous
intéressera du point de vue de l’organisation professionnelle des acteurs. L’exemple de l’Ariège
90
Jean CORNELOUP, in Philippe BOURDEAU, Op. Cit.
91
ODIT France-TNS SOFRES, Focus sur les séjours à la montagne, Décembre 2008 et Janvier 2009
92
Nous noterons que l’exemple peut être contestable dans le sens où la station de ski n’est pas forcément située à
très haute altitude.
82
montre en quoi les accompagnateurs sont des acteurs de cette nouvelle structuration du territoire quand
ils s’organisent en bureau multi-activité : par exemple, le bureau des guides et accompagnateurs d’Ax-
les-thermes en Ariège regroupe diverses compétences (Randonnée, alpinisme, escalade, canyoning,
VTT). Les accompagnateurs sont des acteurs de l’organisation territoriale des sports de nature sur un
territoire.
A l’heure d’Internet, le touriste supprime les intermédiaires coûteux et organise lui-même ses
vacances. Posséder un site WEB attrayant et bien référencé est donc indispensable. A travers la
mutualisation des moyens financiers, les professionnels du sport et de l’accompagnement peuvent
réaliser ce genre de projets. Outre les investissements, ces regroupements sont avantageux au niveau
humain. L’un des points clés d’une structure unipersonnelle est la polyvalence. Cependant, trop de
polyvalence en est peut-être la limite. L’accompagnateur indépendant est éducateur, logisticien,
93
Syndicat National des Accompagnateurs en montagne, Dossier de presse, 2009
83
gestionnaire, secrétaire… il couple un ensemble de compétences à lui seul. Mais comment répondre
aux demandes des clients (et remplir son carnet de réservations) quand on accompagne des clients
toute la journée ? Le regroupement permet d’organiser des heures d’accueil et de permanence pour
répondre convenablement aux demandes des clients. En un mot : regroupement résonne avec synergie.
Or, les avantages de ces structures multi-activités se retrouvent aussi du côté de la clientèle et
jouent en faveur des territoires. Regrouper les prestataires et encadrants du monde sportif autour d’une
même structure permet d’améliorer la visibilité de l’offre sur un territoire. La démarche du client est
simplifiée.
D’autre part, les tendances de consommation actuelle sont en phase avec ces agences multi-
activités. Selon l’analyse d’Olivier BESSY94 concernant l’évolution sémantique des expressions
désignant les pratiques de plein air, la demande actuelle (celle des « sports de nature »), privilégie une
pratique sportive plurielle (multiplier les expériences et réduire les temps d’apprentissage) où la
recherche du ludisme et du bien être est très forte. L’agence multi activité répond à ces attentes de
pratiques sportives diverses.
Pour arriver à légitimer le métier d’accompagnateur sur le territoire et lui faire peser plus de poids
face aux décideurs, connaître l’impact économique de la profession est incontournable. Mais le
caractère peu organisé de l’offre rend l’analyse complexe.
Par ailleurs, la diffusion des acteurs sur le territoire apparaît comme une piste intéressante de
développement en opposition à un développement polarisé (stations). Le regroupement des
professionnels des sports de nature en agence multi-activités irait dans le sens d’une atomisation des
services touristiques.
94
Partie deux, chapitre trois, 1.1.1
84
Conclusion de la deuxième partie
Cette approche historique permet aussi d’analyser l’origine de la pluriactivité chez les guides.
Aujourd'hui en Ariège, près de 77% des accompagnateurs déclarent être pluriactifs. Est-ce par choix,
ou est-ce par manque d’activité ? Quoiqu’il en soit ce caractère non permanent du métier
d’accompagnateur n’est pas toujours négatif. Ce qui semble important, c’est la cohérence de l’offre
d’accompagnement et le partenariat avec le territoire. L’approche quantitative du phénomène est
subjective.
Par ailleurs, les trois quarts des accompagnateurs sont déclarés travailleurs indépendants. Mais,
ont de plus en plus tendance à se regrouper entre accompagnateurs ou plus globalement entre
professionnels de la montagne. Cette stratégie semble efficace et améliore la visibilité de l’offre de
sports de nature sur le territoire. La mutualisation des moyens leur permet d’entreprendre des actions
de plus grande envergure et participe à améliorer l’image de la profession.
En terme d’impact dans l’économie locale, l’absence d’étude sérieuse ne nous permet pas
d’avancer des éléments concrets. Au regard de l’analyse systémique de Pierre TORRENTE,
l’accompagnateur s’inscrit toutefois comme un élément à part entière de l’organisation d’un tourisme
vecteur de développement. Le métier d’accompagnateur s’inscrit dans un processus de réversibilité.
Par la suite, l’analyse de la demande actuelle en termes de sports de nature nous a montré que
l’accompagnateur correspond à une demande réelle. Et qu’une société citadine, profondément ancrée
dans l’univers citadin a parfois besoin d’un interprète pour appréhender respectueusement l’espace
montagnard, sa nature et ses habitants.
Nous pouvons à présent appliquer nos hypothèses sur un territoire, autrement dit « passer notre
tête par la fenêtre » et se rendre compte de la réalité de terrain.
85
PARTIE 3 : Application des hypothèses au territoire de
l’Ariège
86
Introduction de la troisième partie
Après avoir définit les concepts et développé « théoriquement » nos hypothèses de recherche,
l’approche par le terrain permettra d’analyser le décalage possible entre la théorie et la réalité. Dans la
partie précédente, nos hypothèses se sont appuyées sur des travaux universitaires et sur des ouvrages
théoriques.
A présent, il convient de voir en quoi les acteurs de terrain, les projets éventuels… permettent ou
non de valider ces hypothèses.
Pour faire le lien entre ce mémoire de Master 1 et le stage de fin d’année, les bases d’une
méthodologie d’étude de l’impact socio-économique du métier d’accompagnateur en Ariège sera
proposée.
87
Chapitre 1 : Le département de l’Ariège
1. Présentation du département
Nous allons dans un premier temps présenter le département de l’Ariège à travers des données
concernant la situation géographique, son économie et la place du tourisme dans cette économie.
Le département de l’Ariège dans la partie centrale des Pyrénées. Situé entre les départements de la
Haute Garonne, de l’Aude et des Pyrénées Orientales, l’Ariège se trouve à la frontière de l’Espagne et
de la principauté d’Andorre.
La préfecture, Foix, est située à seulement une heure de Toulouse en direction de la Principauté
d’Andorre. Ce département possède une « position carrefour » sur l’axe Nord-Sud (Toulouse-
Barcelone) et sur l’axe Est-Ouest (Méditerranée-Atlantique).
Le département, d’une superficie de 4890 Km2, connaît une grande diversité au niveau du relief,
du climat et des paysages. Le Nord, comprend de vastes plaines agricoles. Le sud est marqué par un
relief important ; certains sommets y culminent à plus de 3000 mètres.
Au point de vue administratif, l’Ariège se découpe en trois arrondissements : Foix, Pamiers et St
Girons.
Le département de l’Ariège compte plus de 145 000 habitants. Même si ce département accuse une
faible densité de population (29 habitants/km2), l’Ariège a connu la plus forte poussée démographique
de la région Midi Pyrénées depuis l’an 200095 (tendance qui s’accentue depuis 2005). Cette attractivité
s’explique par le dynamisme de l’agglomération toulousaine qui fait du Nord de l’Ariège une zone
périurbaine très prisée par les citadins.
Cependant, après la lecture d’une carte96 publiée par la Chambre de Commerce et d’Industrie, on
remarque que le développement démographique n’est pas réparti équitablement. En effet, seul le Nord
du département (limitrophe avec l’agglomération toulousaine) semble en profiter. Le reste du
95
Source : INSEE, données recencement
96
Source Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Ariège
88
département, et notamment les zones du sud marquées par un relief et une ruralité plus forte, reste
faiblement peuplé.
L’Ariège compte plus de 5100 entreprises déclarées aux Registre du Commerce et des Sociétés
(RCS), ce qui équivaut à 5% du tissu d’entreprise de Midi Pyrénées.
Le schéma suivant permet de voir comment se répartissent les entreprises selon les secteurs
d’activités.
Services
37%
En 2008, l’Ariège est le troisième département français pour la création d’entreprise (+11,6% sur
l’ensemble des établissements). Ce genre de classement peut être un indicateur du dynamisme de la
population ariégeoise et des opportunités qu’offre le département pour créer son entreprise.
L’industrie ariégeoise est axée principalement autour du textile (Michel Thierry), de la métallurgie
(Aubert et Duval, Forges de Niaux), et des activités papetières (St Girons industrie).
L’activité commerciale à l’international diminue mais la balance commerciale reste excédentaire.
La majorité des échanges commerciaux se fait avec l’Europe. L’Ariège bénéficie en général du
dynamisme régional porté, entre autres, par le secteur aéronautique.
Le secteur agricole, reste stable au niveau de la surface agricole exploitée (42% de la surface du
département). L’agriculture est essentiellement tournée vers l’élevage (ovin et bovin). Outre la partie
Nord du département où la plaine permet une exploitation intensive des terres (cultures céréalières et
oléagineuses), l’agriculture extensive domine. Nous constatons cependant, (tendance qui se confirme à
l’échelle nationale) que le vieillissement de la profession est important (un grand nombre d’agriculteur
a plus de 40 ans) et que le nombre d’installation diminue. Cette situation peut s’avérer problématique à
l’avenir dans la mesure où l’agriculteur, et ce n’est pas nouveau, est celui qui entretient l’espace, crée
89
les paysages des campagnes. Que deviendrait l’image d’une destination comme l’Ariège, si ses
pelouses d’alpages se transformaient en friche ? Si les pistes des stations de sports d’hiver n’étaient
plus entretenues par la montée des troupeaux en été ? Autant de questions qu’il faudra se poser dans le
futur, si la déprise agricole continue.
En observant ce graphique, nous remarquons combien la place du secteur tertiaire est importante
par rapport au reste de l’économie. Les évolutions 2003-2006 montrent le recul du secteur agricole98 et
industriel. A l’inverse, le secteur tertiaire et encore plus celui de la construction (à relativiser en 2008
avec la crise) connaissent des évolutions positives.
Dans le sujet qui nous anime, nous allons à présent analyser la place du tourisme dans ce
département.
L’Ariège possède une offre touristique diversifiée. Patrimoine, sports de nature (hiver et été),
festivals, les produits touristiques sont nombreux et satisfont une clientèle nombreuse et diverse.
En 2007, le département de l’Ariège a comptabilisé environ 1,5 millions de visiteurs pour un peu
moins de 9,2 millions de nuitées. Si nous observons le poids de ce département par rapport à
97
INSEE, Estimation annuelle emploi, 2006
98
La part du secteur agricole en Ariège représente le double de la moyenne nationale. Cependant, l’interprétation
de ce chiffre doit être prudente car ce département compte prés de 45% de surfaces agricoles. La comparaison
avec d’autres départements ruraux semblerait plus juste.
90
l’ensemble des nuitées régionales, l’Ariège est en troisième position derrière les Hautes Pyrénées et le
Lot.
A en croire la courbe de l’évolution des nuitées de 1996 à 2007 présentée ci-dessous, les nuitées
touristiques connaissent une évolution croissante jusqu’en 2002-2003, puis semble stagner depuis cette
période99.
9694 9672
9511 9555
9379 9431
9311 9335
9187
8875
8897
8478
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
99
Il faut noter que les moins bons résultats de fréquentation de l’année 2007 sont imputables à la mauvaise
saison estivale entachée par un temps pluvieux.
91
Le graphique ci-dessous101, permet d’observer comment se répartit l’activité touristique en Ariège
en 2007. Près de la moitié des touristes (44%) se rendent en Ariège durant l’été, contre 22% durant la
saison hivernale. Le mois d’Août semble être la période préférée des touristes car prés de 26% des
nuitées sont enregistrées à cette période.
Printemps; 18%
Hiver
Eté; 44% Printemps
Eté
Automne
Les loisirs de nature et les loisirs sportifs se sont affirmés comme des activités majeures et un
secteur phare du tourisme ariégeois. La demande a progressé, et les résultats des structures et des
professionnels sont relativement satisfaisants.
L’offre de sports de nature en Ariège est principalement axé autour de la randonnée sous ses
différentes formes (pédestre, équestre et VTT), des sports d’aux vives (canoë, kayac) et autres
parcours aventure ou accro branches.
En 2007, au vu des donnés récoltées par le CDT de l’Ariège, on estime le nombre de randonneurs
guidés ou accompagnés102 à 14 634. Sur l’évolution 2006-2007, ce nombre est en baisse. Cette baisse
peut s’expliquer par le mauvais temps de l’été 2007 et par le manque de neige qui pénalisa la pratique
de raquette à neige.
Pour mesurer cette activité de randonnée, il est intéressant d’analyser la fréquentation des refuges
et des gîtes d’étape103, établissements dédiés à ces pratiquants.
101
Observatoire du tourisme Ariège, La fréquentation en 2007, 2008
102
« guidés » si encadrés par guides de hautes montagne, « accompagnés » si encadrés par accompagnateurs en
montagne.
103
Observatoire du tourisme Ariège, Refuges et gîtes d’étape en 2007, 2008
92
Les refuges : L’Ariège compte neuf refuges (En Beys, le Rhule, le Pinet, Bassiès, Chioula, Etang
Fourcat, les Estagnous, Etang d’Araing, les Besines) pour 446 places (le nombre de jours d’ouverture
des refuges varie de 77 à 300 jours par an. Au total, ces refuges ont réalisé 17 822 nuitées en en 2007.
La répartition de la fréquentation se fait essentiellement en été car 95,4% des nuitées sont enregistrées
entre Mai et Septembre. Ceci s’explique par la fermeture de presque tous les refuges en hiver.
Au niveau de la clientèle, 82% des clients sont français et à 71% originaires du Grand Sud Ouest.
10% des clients viennent de Paris.
Si on observe les évolutions de la demande constatées par les gardiens de refuges, on constate :
- Un nombre grandissant de randonneur en itinérance (nous verrons comment analyser cette
tendance en rapport avec les AMM ariégeois),
- Une clientèle nouvelle qui découvre les refuges,
- Une demande croissante de confort (chambres séparées plutôt que dortoirs, douche,
sanitaires plus confortables et plus de services)104.
Les gîtes d’étape : En 2006, l’Ariège compte 29 gîtes d’étape pour 622 lits. En 2007, ces gîtes d’étape
ont enregistré plus de 7000 nuitées au total. En observant le tableau suivant105, le constat est rapide,
40% des nuitées sont réalisées durant les mois Juillet et Août. Et 60% des nuitées dans la période Juin
à Septembre.
19% 19%
11% 9%
7%
7% 6%
6% 2%
5%
4% 5%
e
e
t
er
ai
in
re
r
ût
il
il le
br
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br
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M
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Av
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Ao
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vr
em
em
em
Ju
M
Fé
ct
Ja
pt
ov
éc
O
Se
104
Les refuges semblent aujourd’hui dans une phase clé de leur développement (réglementation commune,
formation des gardiens de refuges et question sur l’aménagement matériel du refuge). Le refuge doit-il conserver
ses dortoirs qui font probablement son identité ou s’ouvrir aux demandes de plus en plus nombreuses d’un
« confort souverain »? Nous pouvons croire que les « premières rencontres européennes des refuges de
montagne » qui se tiendrons à Aussois (73) en Mai 2009 dégageront des pistes de réflexion sur ces points.
105
Observatoire du tourisme Ariège, Op. Cit.
93
L’offre de randonnée pédestre et de raids se décline aussi à travers les évènements suivants :
La Course du Montcalm, le 18 août qui a réuni 600 participants contre 558 lors de la dernière
édition, et plus de 1500 spectateurs, provenant de l’Ariège, Haute – Garonne, Pyrénées orientales,
Aude, Andorre, Espagne, Hollande.
Le Cross du Mont Fourcat, le 24 juin, 120 participants, et une centaine de spectateurs.
Dans le pays d’Olmes, le Trail des citadelles les 7 et 8 avril, a inscrit 846 coureurs pour 642 l’an
passé, et 473 en 2005. Ils provenaient de Haute Garonne, Ariège, Aude, Tarn, Pyrénées orientales.
Les sports d’eaux vives ont connus en 2007, une légère hausse de fréquentation. Les clients sont
avant tout des sportifs et des familles et sont principalement originaires de l’Ariège et de la Haute
Garonne.
Plusieurs sites ariégeois sont dédiés à la pratique d’accro branche et accueille en général près de
10 000 pratiquants par ans. Ces parcs sont situés en Haute Ariège, sur les coteaux de la Lèze, et dans
le Couserans.
L’Ariège, avec ses cours d’eau, est aussi un lieu propice à la pratique de la pêche. Cette activité
connaît une activité légèrement en baisse depuis quelques années.
Enfin les activités équestres sont présentes dans le département à travers 33 structures. Leurs
activités se concentrent principalement sur l’été avec une offre de randonnée équestre importante mais
les structures ont globalement une activité à l’année concernant l’apprentissage (cours d’équitation) et
le dressage.
Les sports de nature en Ariège apparaissent donc comme une composante incontournable du
tourisme ariégeois, principalement tournée vers la saison estivale. Cependant, ne perdons pas de vue
que ces activités de plein air sont fortement tributaires de la météo et qu’en 2008, le premier critère
pris en compte pour partir en vacances devant le prix, était la météo.
94
1.4.3 Tourisme en Ariège et sports d’hiver
L’Ariège est un département situé en grande partie en zone de montagne qui ne compte pas moins
de 10 stations de sports d’hiver. Ax les trois domaines, Guzet, les Monts d’Olmes, Ascou-Pailhères,
Mijanes et Goulier neige en ce qui concerne le ski de piste. Et le Plateau de Beille, le domaine du
Chioulat, l’étang de Lers, la Tour Lafont pour le ski nordique.
Au travers des entretiens que nous avons pu réaliser, l’offre de stations au regard du métier
d’accompagnateur est très intéressante. Les stations sont perçues différemment selon les
accompagnateurs.
Pour certains, elles apparaissent comme un concurrent déloyal. Plusieurs stations ariégeoises
proposent en effet des pistes de raquettes balisées et concurrencent de fait l’activité hivernale des
accompagnateurs. Ces équipements raquettes sont mal vécus, car selon les accompagnateurs, la station
de ski ne s’est pas souciée de savoir si ces aménagements pouvaient mettre à mal certaines
professions.
Pour d’autres, notamment les structures multi-activités situées près de la station d’Ax, la station
« fait venir du monde »106 et permet de capter la clientèle de passage. D’autres encore ont mis au point
des partenariats avec les stations. Globalement, les avis sont donc partagés vis-à-vis de cette offre de
sports d’hiver et nous reviendrons plus tard sur cette approche.
106
Entretien n° 1, Mr G, accompagnateur en montagne, Février 2009
95
Chapitre 2 : Analyse des hypothèses sur le territoire de l’Ariège
Tout au long de ce travail de recherche, les rencontres107 avec des accompagnateurs et des acteurs
du tourisme nous auront permis d’avoir un contact nécessaire avec le terrain et rassembler le peu de
données qui existent sur cette profession en Ariège.
Suivant les sources (SNAM, CDT, DDJS, Les accompagnateurs eux-mêmes) le nombre
d’accompagnateurs en Ariège fluctue.
Comment compter les accompagnateurs en montagne ? Une personne qui possède le diplôme mais
qui n’encadre pas est-elle encore considérée comme membre de la profession ? Suffit-il de se déclarer
à la DDJS pour être comptabilisé parmi les accompagnateurs ? Qu’en est-il des accompagnateurs
bénévoles ou qui n’encadrent qu’une ou deux randonnées par an ? De même comment comptabiliser
un accompagnateur qui appartient à une structure collective (agence multi-activité, bureaux des
guides) mais qui conserve son statut de travailleur indépendant ?
Sur le terrain, le comptage s’est avéré plus complexe que prévu. Selon la DDJS, le nombre
d’accompagnateurs en Ariège est de 84, dont 80 sont en capacité réglementaire d’encadrer les sorties
en raquettes à neige. 10 seulement possèdent la qualification complémentaire VTT. Ces chiffres sont à
nuancer car ils ne garantissent pas du nombre de randonnées encadrées par l’accompagnateur. Ils
permettent juste de savoir combien d’accompagnateurs sont déclarés dans le département.
Pour notre travail de recherche, nous utiliserons les chiffres d’une étude commanditée par le projet
de Parc Naturel régional108. En Ariège, il y aurait 71 accompagnateurs en activité. Afin d’observer
107
6 entretiens au total, 4 accompagnateurs en montagne, une personne chargée des sports de nature pour le
CDT, et un employé de l’Office National des Forêts pour le projet RETROUVANCE. Nous avons aussi
rencontré un employé de la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports de l’Ariège (DDJS) mais pas
sous la forme d’un entretien exploratoire.
108
Cette étude a été réalisée en 2009 par Sylvain SALAMERO, étudiant stagiaire au PNR de l’Ariège. Nous le
remercions de bien avoir voulu nous communiquer ces données. 71 enquêtes furent envoyées, 42 réponses ont
été récoltées, soit un taux de réponse de plus de 59%.
96
comment s’organise l’offre d’accompagnement sur le territoire, nous avons établi, la répartition
géographique des accompagnateurs109 (page suivante).
Nous remarquons ainsi où se situent les accompagnateurs sur le département. Globalement ils sont
assez dispersés sur le territoire mais ont tendance à se concentrer dans les vallées à proximité d’Ax-les
-Thermes. Ce qui s’explique par la notoriété et le potentiel de la zone géographique en terme de
randonnée.
Cette carte confirme aussi une information qui nous fut transmise lors de notre sixième entretien.
L’accompagnement en Ariège s’organise autour de deux pôles qui correspondent aussi à deux entités
géographiques différentes. Le Couserans à l’ouest et les Vallées d’Ax à l’Est. Un bon nombre des
accompagnateurs du Couserans se sont regroupés au sein des Accompagnateurs en Montagne du
Couserans (AMC). Dans les vallées d’Ax, la situation est plus complexe, leur nombre important ne
permet pas de tous les rassembler autour de la même structure110 et les accompagnateurs se retrouvent
donc en concurrence.
La lecture géographique du phénomène est intéressante et permet de comprendre certaines
logiques personnelles ou collectives.
L’étude commanditée par le parc nous montre que 75% des accompagnateurs Ariégeois sont
travailleurs indépendants contre 15% de salariés. Près de 50% des structures sont des entreprises
individuelles, environ 16 % des S.A.R.L, puis des associations (13%) et des syndicats professionnels
(13%)111.
En terme d’activité, les données ariégeoises confirment les tendances nationales. Seuls 20,5% des
accompagnateurs vivent de cette activité à l’année, contre 76,90% d’accompagnateurs pluriactifs.
Les données concernant les chiffres d’affaires sont aussi très parlantes. 37% des accompagnateurs
soit plus du tiers, déclarent générer un chiffre d’affaires inférieur à 5000€. Ces chiffres d’affaires assez
faibles s’expliquent par le fait que ce métier pour certains accompagnateurs, est envisagé comme un
complément, voire comme une activité occasionnelle…
109
La répartition géographique a été faite à partir de données de l’observatoire du tourisme en Ariège.
110
Il faut noter qu’il existe toutefois des initiatives de regroupement comme le « bureau des guides et des
accompagnateurs » ou l’association « Montagne Passion ».
111
Les 8% restants appartenaient à la catégorie « autres »
97
En revanche, les 4% qui déclarent avoir un chiffre d’affaires supérieur à 300 000 €, doivent avoir
une démarche professionnelle différente. Ce sont certainement des groupements de professionnels
comme le bureau des guides, les Accompagnateurs en montagne du Couserans (AMC) et Montagne
Passion, qui entrent dans cette catégorie.
98
Répartition112 Géographique des Accompagnateurs en Montagne en Ariège
112
Carte réalisée à l’aide du moteur de recherche google (google map). Source : Brice JULIEN
99
2. Le métier d’un AMM Ariégeois
Afin d’illustrer notre propos, nous proposerons ici la présentation113 d’une structure, en mettant en
avant son offre et sa clientèle. Pour des raisons d’anonymat, nous appellerons la structure « randonnée
accompagnée » (RA). RA est une structure qui existe depuis 2006 à l’initiative de deux
accompagnateurs indépendants. Son statut est celui d’une société à responsabilité anonyme (S.A.R.L).
Malgré leur appartenance à la société, les deux AMM ont conservé leur statut d’indépendant pour des
raisons administratives. Ils possèdent le diplôme d’accompagnateur depuis une dizaine d’années.
L’activité de leur société se fait à 80% sur le département de l’Ariège, les 20% restants sont
réalisés sur les autres départements des Pyrénées.
RA confirme donc les données plus générales du département. Selon l’étude de S.
SALAMERO114, 75% des accompagnateurs ariégeois sont des travailleurs indépendants contre
seulement 15% de salariés.
La société n’a pas « pignon sur rue », elle est uniquement visible à travers son site internet. Son
emplacement dans les environs de Foix, contrairement aux structures situées en vallées d’Ax, ne lui
permettrait pas de tirer profit d’une vitrine.
Ce choix se répercute donc sur la clientèle. La clientèle de RA est à 85% composée de comités
d’entreprise (CE), très peu d’individuels font appel à ses services (moins de 100 clients par an). Le
client individuel, en général ne prévoit pas à l’avance de faire appel à l’accompagnateur, c’est
seulement une fois sur le territoire qu’il s’aperçoit de l’offre proposée. Il est donc difficile pour cette
structure de capter ce type de clientèle.
Etant positionnée sur le marché des CE, l’activité de la structure est à contre courant de l’ensemble
de la profession. Les vacances hivernales et les mois de juillet/août sont les périodes creuses de
l’année. En additionnant le nombre de jours travaillés par an, nous arrivons à un total de 100 jours par
an. Une activité encore trop faible pour ne pas être envisagée en parallèle d’une activité
professionnelle complémentaire. RA est toutefois une structure jeune en plein développement, qui
cherche à fidéliser sa clientèle. Actuellement 15% de clients font de nouveau appel à la structure pour
des randonnées ultérieures.
113
Entretien n°6, Monsieur S, accompagnateur en montagne, Mai 2009
114
Etude S. SALAMERO sur les accompagnateurs et l’écotourisme, Op. Cit.
100
En terme de provenance, la clientèle CE est à 100% française et à 80% régionale. La durée
moyenne des séjours est de 3 jours et 2 nuits.
L’accompagnateur doit apporter une valeur ajoutée à la randonnée. Logistique (portage des
bagages, préparation des repas), vente de séjours tout compris (réservation des hébergements,
transports, randonnée) sont les composantes phares de son offre. Le client doit y trouver un avantage.
Les mentions « pas de sacs lourds à porter » ou « nous réservons votre hébergement » font partie des
arguments de vente.
A l’échelle du département de l’Ariège, deux types de réseaux peuvent être appréhendés, l’un
syndical, l’autre professionnel.
Le réseau syndical n’est autre que la délégation départementale du Syndicat National des
Accompagnateurs en Montagne (SNAM). Composé d’environ 60 accompagnateurs, le SNAM 09 a
pour but de défendre les intérêts de la profession auprès des institutions du département. Son
115
Pour proposer des produits tout compris, l’accompagnateur doit posséder une habilitation tourisme
101
président116 nous explique que les objectifs du SNAM 09 sont de : « faire exister la profession et la
valoriser ».
Pour ce faire, le syndicat met en place des actions comme la journée nationale de la raquette
(JNR). Depuis 2000, le temps d’une journée, un ensemble d’actions est mis en place un peu partout
dans les départements montagnards français autour de la promotion de la raquette à neige et du métier
d’accompagnateur. En 2009, les Accompagnateurs ariégeois ont accueilli 192 participants117 au
plateau de Beille. La majorité des participants déclarent être des pratiquants occasionnels et ne pas
connaître les accompagnateurs en montagne. Plus de 80% sont issus d’Ariège ou de départements
voisins (Haute Garonne, Aude).
Ce type de manifestation est un outil de communication pour la profession et lui permet de se faire
connaître auprès du grand public.
Le deuxième type de réseau est professionnel. Afin de mutualiser les moyens, de regrouper les
compétences et d’être plus visible, certains accompagnateurs ariégeois décident de créer des structures
communes. Nous avons analysé le cas de la société Randonnée Accompagnée, nous allons voir ceux
des Accompagnateurs du Couserans (AMC) et du Bureau des guides et accompagnateurs de l’Ariège
(BGAA).
Les AMC118 comme leur nom l’indique sont localisés dans le Couserans. Les membres de ce
groupement (6 accompagnateurs) sont presque tous pluriactifs (excepté un). Leur volonté de se
regrouper faite suite à une volonté de mettre en place des outils de communication communs et de
pouvoir répondre à des demandes variées (groupe important, demande particulière). Les AMC
souhaitent étendre leur regroupement à travers le label montagne en créant un réseau des
professionnels de la montagne119.
116
Entretien n°6, Op. Cit.
117
SNAM 09, Bilan de la journée nationale de la raquette en Ariège, 2009
118
Entretien N°5, Madame C, accompagnatrice en montagne, Avril 2009
119
Voir retranscription de l’entretien n° quatre en annexe
120
Entretien N°1, Monsieur G, accompagnateur en montagne, Février 2009
102
L’étude de ces deux structures est intéressante, d’autant plus qu’elles appartiennent aux deux
différentes zones qui partage l’Ariège (le Couserans et les Vallées d’Ax) et donnent une image globale
de la vision des accompagnateurs en Ariège.
Globalement la dynamique de réseau semble positive pour une profession qui ne se sent pas
toujours valorisée à la hauteur de ce qu’elle souhaiterait.
A la suite d’un entretien réalisé avec l’ONF121, nous allons étudier le concept de
RETROUVANCE en Ariège et voir comment l’accompagnateur peut s’intégrer à ce type de projet et
surtout quel est son rôle.
L’ ONF, est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé en 1966. Cet
établissement a pour vocation d’assurer la gestion des milieux naturels publics : les forêts domaniales
(domaines privés de l’état), et les forêts appartenant aux collectivités (communes, départements). Ses
attributions sont définies par le code forestier.
L’autonomie de l’ONF, l’amène à mettre en place deux types d’action :
- des actions « régaliennes » régies par différents codes (de l’environnement, forestier, rural)
- des actions « marchandes » qui génèrent des retombées économiques permettant à
l’établissement de fonctionner.
Dans le département de l’Ariège, l’établissement gère 105 000 hectares de forêt et se divise en
quatre unités. L’unité du val Ariège pays d’Olmes a développé depuis trois ans le projet de
RETROUVANCE dont le principe est de proposer des produits randonnées (accompagnés ou libres).
RETROUVANCE est un concept créé par l’ONF en 1997. Il existe actuellement cinq produits
randonnées en France. Ce projet se base sur le constat suivant : l’abandon du patrimoine bâti dans les
hautes-alpes (anciens hameaux). Un patrimoine racheté par l’Etat à la fin du 19e siècle dans le cadre
des politiques de restauration des terrains de montagne (RTM).
RETROUVANCE est donc un projet visant à valoriser ce patrimoine en associant la randonnée, la
découverte du milieu montagnard et l’utilisation de ce patrimoine bâti comme hébergement au sein
d’un produit randonnée.
Les randonneurs se déplacent donc de refuges forestiers en refuges forestiers, guidés par un
accompagnateur ou non. En parallèle une logistique assure le portage des bagages et permet de
121
Entretien n°4, Monsieur O, salarié de l’ONF, Mars 2009
103
simplifier au maximum la randonnée. Le séjour est ponctué par l’intervention d’un agent de l’Office
national des forêts qui présente son métier et les missions de l’ONF.
En Ariège, le séjour standard proposé est d’une durée de six jours/cinq nuits. Cependant, plusieurs
formules existent. Les randonneurs ont le choix entre un séjour accompagné ou un séjour libre. L’un
des objectifs du projet RETROUVANCE est aussi de générer de l’activité au sein du territoire. C’est
pourquoi, la différence tarifaire entre un séjour accompagné et un séjour libre est faible (pour favoriser
l’accompagnement).
L’ONF supervise l’intégralité du séjour et s’occupe de réunir les différents prestataires
(accompagnateurs, logisticiens, producteurs locaux, transporteurs, muletier…).
En observant les statistiques fournies par l’ONF122, quelques tendances générales se dégagent. En
2008, 182 personnes ont randonné dans le cadre de RETROUVANCE, soit environ 7 % de moins
qu’en 2007. Cependant, selon la composition des séjours vendus en 2008, la vente des séjours
accompagnés a augmenté (80% contre 77% en 2007).
Ce fort taux de séjours accompagnés peut s’expliquer par la politique commerciale de l’ONF qui
vise à favoriser la vente des séjours accompagnés, et par la valeur ajoutée que représente
l’accompagnateur pour le randonneur.
La répartition des séjours en 2008, se fait principalement sur la saison estivale (mai à septembre).
En moyenne, les groupes se constituent de 7 à 13 personnes.
Globalement, les randonneurs ont eu connaissance du circuit grâce aux tours opérateurs (42%) et
au « bouche à oreille » (40%). 80% des clients interrogés déclarent avoir plus de 55 ans. Ce qui
confirme qu’en terme de randonnée, la clientèle est relativement âgée.
La région (massif des Pyrénées), le contact avec la nature et le « sans portage »123 apparaissent
comme les trois motivations principales pour ce circuit. Suivent la rencontre avec l’ONF, le caractère
traditionnel des hébergements et l’aspect culturel du séjour. Le côté sportif apparaît en septième et
dernière position. En observant ces motivations, nous comprenons pourquoi 80% des séjours sont
accompagnés. Le randonneur vient plus chercher un service (logistique, accompagnement) et une
découverte qu’une performance physique.
122
ONF, bilan RETROUVANCE, 2008
123
Autrement dit le transfert des bagages d’un hébergement à l’autre
104
2.1.3 Le rôle de l’accompagnateur
Sans surprise, nous retrouvons ici les rôles de médiateur et de garant de la sécurité. Dans un projet
comme RETROUVANCE, axé principalement sur la découverte du milieu naturel, l’accompagnateur
est un maillon de la chaîne presque indispensable.
L’un des premiers rôles de l’accompagnateur est la sécurité. L’accompagnateur est un référent.
Dans le cas du projet RETROUVANCE, l’accompagnateur permet aux clients de randonner sans se
soucier de l’itinéraire, ni de la gestion du temps.
Par ailleurs, selon l’ONF, l’accompagnateur apporte une véritable valeur ajoutée au produit
RETROUVANCE. Par sa connaissance de la montagne et du territoire, il permet de faciliter
l’approche de la nature, de transmettre l’histoire locale et de sensibiliser les randonneurs sur un certain
nombre de points : la gestion de l’eau dans les refuges, la fragilité des équilibres montagnards. Il est un
médiateur à la compréhension du milieu montagnard.
Ensuite, les compétences de l’accompagnateur en terme de logistique sont mises en valeur car
RETROUVANCE se distingue aussi par le principe du portage des bagages. Un séjour mobilise un
accompagnateur et un logisticien. Le logisticien s’occupe d’assurer le transfert de bagages jusqu’à
l’hébergement suivant, prépare les repas, etc…
Il est important de ne pas à sous-estimer cette partie logistique car elle représente la valeur ajoutée
de la majorité des produits randonnées sur le marché actuel. Aujourd’hui, le transfert de bagages et
presque une condition sine qua none dans la vente de séjour randonnée.
Sur les 50 accompagnateurs en montagne en activité sur le département de l’Ariège, seule une
dizaine participe au projet RETROUVANCE.
Comment s’est fait la sélection ? En 2006, au commencement du projet RETROUVANCE en
Ariège, l’ONF a sélectionné une dizaine d’accompagnateurs en montagne à la suite d’un entretien. Ils
ont ensuite suivi une formation pour leur présenter le projet et leur expliquer leur rôle.
105
2.4 Comment envisagent-ils l’avenir ?
Etant donné notre nombre restreints d’entretiens auprès des accompagnateurs (quatre seulement),
il n’est pas possible de connaître l’avis général de la profession concernant l’avenir. Globalement, les
avis recueillis sont mitigés.
Une partie des accompagnateurs est pessimiste et pense que l’autonomisation du randonneur est le
plus grand danger. L’édition de topos-guides toujours plus complets et à faibles coûts concurrence
l’accompagnateur dans son rôle de médiateur de l’espace montagnard. Et l’essor des technologies de
la mobilité124 favorisera demain le départ du randonneur sans guide.
Par ailleurs, certains se voient concurrencés par l’offre de sentiers damés et balisés proposés par
certains domaines skiables. Et la différence de tarif aide souvent le consommateur à opter pour la piste
balisée.
Enfin, la réforme des Brevets d’Etat avec l’arrivée sur le marché des BPJEPS (brevet
professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) contribue à attiser la crainte des
accompagnateurs. Etant moins qualifiés, les BPJEPS auront des tarifs inférieurs aux accompagnateurs
et accentueront l’engorgement du marché de l’accompagnement.
D’autre part, certains professionnels ont une vision plus optimiste de l’avenir de
l’accompagnement. Selon eux, le client vient avant tout pour rechercher du contact humain,
l’accompagnateur est pour eux un animateur, que nul ne saurait remplacer par un livre.
Les stations proposent des sentiers damés, mais font parfois appel à des accompagnateurs. La
station de Guzet par exemple travaille en partenariat avec les AMC qui encadrent toutes les sorties
raquettes. Ce genre de partenariat serait, à leurs yeux, une solution envisageable pour mettre fin à la
concurrence accompagnateur/station.
124
On entend par technologie de la mobilité, les GPS et téléphones portables ultras modernes permettant de
recevoir des cartes et des itinéraires pré enregistrés.
106
Conclusion du deuxième chapitre
71 accompagnateurs sont donc installés en Ariège. Ils sont globalement travailleurs indépendants
et proposent, pour la plupart, une offre d’animation nature. Les structures sont relativement jeunes.
56% d’entre elles ont été créées il y a moins de cinq ans.
En terme de clientèle, la durée moyenne d’une prestation est faible. La majorité des clients
viennent à la journée ou à la demi journée. Il s’agit d’une clientèle de passage difficile à capter qui ne
génère pas beaucoup de développement sur le territoire tant sa consommation est limitée.
Pour compléter l’analyse, il faudrait savoir si c’est l’offre de l’accompagnateur qui crée une
clientèle de passage ou si c’est la communication touristique du département qui entretient ce
phénomène.
Conformément à nos hypothèses, l’accompagnateur est un intermédiaire et le projet
RETROUVANCE prouve que le client est à la recherche de services plus que de performance
physique. La clientèle est aussi attirée par des offres de produits tout compris. Or près de 70% des
accompagnateurs ariégeois ne possèdent ni d’habilitation, d’agrément ou de licence permettant de
commercialiser des offres tout compris.
Face à l’avenir, les avis sont mitigés. Les plus pessimistes considèrent que l’autonomisation du
randonneur et la concurrence des stations sonnent le glas de leur profession. A l’inverse, d’autres
considèrent que l’individualisme de notre société pousse le client à faire appel à l’accompagnateur.
107
Chapitre 3 : Réflexion sur l’impact socio-économique du métier
d’accompagnateur en montagne en Ariège
Ce chapitre visera à faire le lien entre ce mémoire de recherche et le stage de Master 1 au sein de
la Fédération des accompagnateurs en montagne des Pyrénées. L’idée de réaliser ce mémoire de
Master 1 sur les accompagnateurs est apparue après avoir pris connaissance que la profession
souhaitait connaître l’impact de son métier125 sur les territoires. En choisissant ce thème, l’idée fut de
travailler sur un sujet d’actualité.
Par la suite, notre stage de master aura pour but la réalisation d’une étude pilote sur le département
de l’Ariège afin d’analyser l’impact socio économique de ce métier et de mettre en place une
méthodologie pour étendre l’analyse à l’échelle du massif des Pyrénées.
L’objectif de ce travail qui nous a été confié est d’analyser l’impact socio-économique du métier
d’accompagnateur sur un territoire afin de déterminer l’évolution des pratiques liées à cette activité et
les orientations qui doivent être envisagées pour la pérenniser.
Il conviendra donc, d’une part de mesurer le véritable impact du métier d’accompagnateur sur le
département de l’Ariège. C’est-à-dire de dresser un état des lieux des différentes pratiques proposées
par l’accompagnateur, de mesurer l’adéquation entre l’offre et la demande (clients, opérateurs),
d’estimer et d’apprécier le poids économique et les logiques d’interaction des accompagnateurs sur et
avec les autres prestataires touristiques (hébergeurs, restaurateurs…) du département de l’Ariège.
Enfin, d’appréhender l’impact économique réel de la profession sur le territoire.
D’autre part, il faudra apporter des préconisations pour pérenniser les activités des
accompagnateurs.
Afin de répondre aux objectifs fixés, ce travail s’appuiera sur trois différents types d’enquête et
sur des recherches bibliographiques et statistiques concernant le métier d’accompagnateur et les sports
de nature en général.
125
En confiant la réalisation d’une étude socio-économique du métier d’accompagnateur sur le massif pyrénéen
au CETIA de Foix.
108
La méthodologie s’appuiera donc sur une quadruple approche :
- approche par la clientèle (dépenses des pratiquants et évolution de la demande),
- approche par les accompagnateurs (prestataires directs),
- approche par l’offre partenariale (prestataires indirects),
- approche par une étude statistique et bibliographique.
Cette approche permettra de mesurer la place de l’accompagnateur dans l’offre touristique d’un
territoire et sera réalisée sur la base d’enquêtes terrain auprès d’un échantillon de clients randonneurs
sur le territoire.
L’accompagnateur fait partie intégrante de cette offre touristique. Mais quel est l’impact
économique réel de son activité ? Comment les touristes perçoivent-ils cet accompagnateur parmi les
autres prestataires du territoire ? Sa présence participe t-elle à la venue de touristes sur le
département ? Pourquoi les randonneurs ne font t-il pas systématiquement appel à ses services ?
126
Voir annexe N° (schéma sur les différents types de clientèle)
109
3.2 L’approche par les accompagnateurs
Données sur le métier : Nombre de jour d’activité par an et par période, pluriactivité ou non,
les difficultés rencontrées dans leur activité, leur perception de l’avenir de leur activité,
comment conçoivent-ils le partenariat avec le territoire, ont-ils des attentes particulières (en
termes de coordination, de communication…)
Données sur l’offre : Les activités proposées, ont-ils des qualifications spéciales (raquettes,
VTT…), par quel biais communiquent-ils leur offre (canaux de communication).
Il sera aussi intéressant vis-à-vis de l’offre globale des accompagnateurs d’analyser la part des
« produits randonnées » proposés et vendus comprenant au moins une nuitée (gîtes, chambre d’hôtes,
refuges, hôtels), et/ou une prestation restauration (table d’hôtes, restaurant, achat de produits locaux)
et/ou une autre prestation (visites guidées, musées, location de matériel).
Cette analyse permettra de voir dans quelle mesure l’offre de l’accompagnateur intègre d’autres
prestations (hébergement, restauration) et comment se fait le partenariat avec le territoire.
Il s’agira de dresser une enquête auprès des prestataires touristiques partenaires des
accompagnateurs pour essayer de mesurer le rayonnement de l’activité d’accompagnement sur un
territoire.
Cette enquête s’adressera aux acteurs économiques, entreprises, commerçants, artisans impliqués
dans les retombées économiques de l’accompagnateur.
127
Pour certaines données nous utiliserons les résultats de l’étude de S. SALAMERO.
110
Ce sera notamment : les hébergeurs, les restaurateurs, les commerces d’alimentation, les loueurs de
matériels.
Les thèmes qui peuvent être envisagés pour la mise en place de ces enquêtes et questionnaires sont les
suivants :
- le type de structure
- le bilan financier
- le poids des clientèles de randonneurs accompagnés dans leur chiffre d’affaires
- les services offerts aux clientèles de randonneur (tarif préférentiels…)
- le partenariat avec l’accompagnateur (fonctionnement, principes)
Bien entendu cette étude s’appuiera aussi sur une analyse des études socio-économiques existantes
et des recherches bibliographiques. Sur ces points, nous pensons que tout le travail de recherche relatif
au mémoire pourra et devra être exploité.
Pour synthétiser cette première approche méthodologique, nous avons construit le schéma suivant.
111
Schéma méthodologique
Enquêtes randonneurs pour Enquêtes Accompagnateurs Enquête auprès des Recherches
mesurer la place de l’AMM pour analyser le profil prestataires touristiques bibliographique et
dans l’offre touristique du général de la profession partenaires des AMM statistique sur les
territoire accompagnateurs et les
tendances de la demande
en terme de randonnée.
Choix des sites/ Réalisation Choix des accompagnateurs Choix des prestataires Synthèse des données
des enquêtes en fonction de l’offre partenaires et réalisation des recueillies
proposée et réalisation des enquêtes
enquêtes/entretiens
Mesurer adéquation
Les Passagers Mesurer l’importance de Offre/demande par
Amm : fait partie de l’offre de l’AMM sur le rapport aux résultats
l’offre, plus produit territoire obtenus
Synthèse
Les électrons libres Mesurer la notoriété de +
Randonneurs libres l’AMM Préconisations
112
Conclusion du troisième chapitre
Ainsi, notre démarche sera de mettre en place une méthodologie visant à mesurer cet impact
socio-économique. S’appuyant sur une quadruple approche (clientèle, accompagnateur, offre
partenariale et recherche bibliographique) cette étude permettra de mettre en avant des données et de
proposer des pistes de développement envisageables pour la profession.
113
Conclusion de la partie trois
La confrontation des données théoriques avec un terrain d’application permet de mesurer des
décalages éventuels.
Dans notre cas, il est vrai que notre vision aurait été beaucoup moins riche si nous n’avions pas pu
rencontrer des professionnels. Leur vision du métier, leur opinion, leur investissement plus ou moins
marqué dans la vie syndicale, apporte des informations indispensables.
Nous avons cependant l’impression de n’avoir qu’effleuré les problématiques touchant cette
profession d’accompagnateur en montagne en Ariège.
Pour l’heure, compte tenu de notre sujet, l’accompagnateur semble jouer un rôle dans le
développement touristique des territoires de montagne. L’essor grandissant des sports de nature ouvre
des portes au marché de l’accompagnement. En Ariège notamment, le département a privilégié la mise
en place de ces pratiques. Ce qui explique une forte concentration d’accompagnateurs dans ce
département.
A l’inverse, peu d’accompagnateurs ont l’impression que la vague écologique aura une influence
positive sur leur activité. Selon eux, sans incitation financière, le client ne changera pas ses modes de
consommation touristique.
Par ailleurs, ce travail de terrain nous a aussi montré la complexité du développement touristique
sur les territoires. En effet, la multitude d’acteurs présents et les conflits d’intérêt liés au
développement de chaque profession et aux partenariats public/privé rendent l’analyse délicate et
difficile.
114
Conclusion générale
La montagne est un espace fascinant. D’un point de vue touristique, elle possède une forte
attractivité. Du simple visiteur à l’alpiniste chevronné, ils sont nombreux à parcourir cet espace
montagnard. En quête de nature, de liberté et d’air pur, leurs motivations sont diverses mais restent
non moins liées au caractère fascinant de la montagne.
Au sein de cet espace, se développe une multitude de pratiques sportives parmi lesquelles, la
randonnée. L’accompagnateur en montagne inextricablement lié à cette pratique, occupe une place
particulière dans le développement touristique montagnard. Son rôle de médiateur entre le randonneur
et la montagne favorise la compréhension et la protection du milieu.
Face à une demande croissante et de plus en plus citadine, l’accompagnateur en montagne permet
de faciliter le contact entre le randonneur et son espace de pratique. En tant qu’acteur du territoire,
l’accompagnateur participe à l’éducation à l’environnement de ses clients, sensibilise les randonneurs
à la fragilité des écosystèmes montagnards et aux problématiques écologiques actuelles (gestion de
l’eau…). Il est en phase avec la demande.
D’un point de vue systémique, son inscription dans un processus touristique vecteur de
développement démontre que son rôle n’est pas uniquement social.
Le constat de notre travail est toutefois mitigé. Nous avions envisagé les accompagnateurs en tant
qu’acteurs « clés » dans le développement touristique en montagne. Or d’un point de vue économique,
l’absence de données et d’analyse approfondie ne nous permet pas de confirmer cette hypothèse. Nous
ne sommes pas en mesure d’affirmer clairement les incidences économiques et les éventuelles
dynamiques générées par ce métier.
Selon des premières estimations que nous avons pu réaliser, le volume d’activité des
accompagnateurs au regard de celui des stations de sports d’hiver est très limité.
115
Ce travail de recherche nous amène donc à faire preuve de lucidité. L’accompagnateur officie sur
un marché délicat, celui de la randonnée. Même s’il apporte une valeur ajoutée, un savoir-faire et une
offre de services, la randonnée reste pour beaucoup synonyme de liberté et de gratuité. Nous pensons
qu’il s’agit bien là des principales limites du développement de la profession.
En outre, ce métier semble souffrir d’un déficit d’image dû à un manque de communication. Trop
de gens ignorent la présence des accompagnateurs sur les territoires et encore pire, à quoi ils servent…
Ces faiblesses peuvent être expliquées par les carences de la formation du brevet d’état
d’accompagnateur en termes de communication et de commercialisation. Et peut-être par leur manque
de poids auprès des décideurs.
La mutualisation des moyens et les regroupements en agence multi-activités semblent être des
solutions envisageables. Certains l’ont déjà compris.
Quoiqu’il en soit, le développement touristique en montagne est dans une phase importante. La
majorité des stations de ski, issues des années 60 doivent moderniser leurs installations vieillissantes.
Vont-elles développer des alternatives au ski ? Si oui, les accompagnateurs n’ont-ils pas un rôle à
jouer ? L’idée de multiplier les partenariats entre stations et accompagnateurs n’est-elle pas
envisageable ?
Nous pensons que le stage de fin d’année au sein de la Fédération des accompagnateurs en
montagne des Pyrénées permettra d’approfondir le sujet et de soulever des pistes de réflexions
possibles.
Ainsi, les lectures et notre analyse de terrain ont montré que la question du rôle et de la place des
accompagnateurs dans le développement touristique était complexe. Les conflits d’intérêts entre les
acteurs du tourisme sont permanents. Et la question des stations de ski nous est apparue
prépondérante.
C’est pourquoi, afin de mieux cerner les mécanismes du développement touristique en zone de
montagne, l’année prochaine, notre travail de recherche portera sur la question de la gouvernance dans
les territoires de montagne.
116
Table des annexes
117
Annexe 1 : Guides d’entretien
Quelles sont les activités que vous proposez ? (Séjour ? Randonnée pédestre, VTT ?), et où ?
Qu’elles sont les principales différences entre un guide de haute montagne et un accompagnateur ?
(Rapport entre les deux professions, concurrence, double casquette ?)
Quels sont les rapports/liens entre les accompagnateurs sur le département de l’Ariège (concurrence,
collaboration…)
Avec quel type de clientèle travaillez vous ? (CSP, âge, sexe, groupe, individuel, nationalité)
Quel est le rôle de l’AMM vis-à-vis du client ? (« simple » accompagnateur, naturaliste, animateur
… ?)
- rôle de sensibilisation ? éducation à l’environnement ?
De quelle façon assurez vous la promotion de vos activités ? (Internet, brochure spécialisée, salons) et
comment essayer vous de capter de nouveaux clients ?
118
(si adhérent ou délégué SNAM)
En tant que délégué du SNAM (syndicat national des accompagnateurs en montagne), pouvez vous
nous expliquer le fonctionnement et les missions du syndicat en Ariège ?
Comment se répartie votre activité sur l’année ? En nombre de jours par période ? Quels sont les mois
les plus remplis en termes d’activité ? (Haute, basse saison)
Si, oui, quelles en sont les contraintes ? Pluriactivité ? Si oui, quelle est votre seconde profession
Selon vous, de quoi aurait besoin la profession pour se développer ? (Formation, coordination, réseau)
Le métier d’accompagnateur est-il reconnu et pris en compte par les décideurs et les partenaires
locaux ? (Élus, CDT…)
Globalement, quant à l’avenir de votre activité, êtes vous optimiste ? Comment imaginez vous son
développement ?
Comment envisagez vous le partenariat avec le territoire ? (Travailler vous avec des partenaires
locaux : hébergeurs, restaurateurs… ? Part de ces produits dans l’activité globale ?)
Selon vous quelle est la place des AMM dans le développement touristique montagnard de demain ?
- Ont-ils un rôle à jouer ? (participation à la diversification des station ?)
119
Guide d’entretien N°2 ADT Ariège
Bonjour, étudiant en master 1 tourisme et développement, j’ai commencé un travail de recherche sur la
thématique des accompagnateurs en montagne, et plus justement sur leur place dans le développement
touristique en montagne. Pour cela, j’ai besoin de récolter des informations sur les activités de
promotion du comité départemental du tourisme envers les sports de nature en Ariège.
1/ Pouvez vous tout d’abord présenter le rôle de l’ADT (agence de développement touristique) en
Ariège ?
2/ Quelles sont vos missions en tant que chargé de mission des sports de nature ?
5/ Quelles types de pratiques sportives sont privilégiées par les touristes qui viennent en Ariège ?
6/ Que représente la randonnée pédestre (en terme de fréquentation) vis-à-vis de l’ensemble de l’offre
de sports de nature en Ariège ?
12/ En Ariège, les accompagnateurs connaissent-ils des freins dans le développement de leurs
activités ?
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Guide d’entretien N°3 ONF Ariège
Bonjour, étudiant en master 1 tourisme et développement, j’ai commencé un travail de recherche sur la
thématique des accompagnateurs en montagne, et plus justement sur leur place dans le développement
touristique en montagne. Lors de mes recherches, j’ai appris l’existence des randonnées
RETROUVANCE, il m’a donc paru opportun de rencontrer l’ONF en Ariège qui est chargée de
l'organisation de ces randonnées, afin de comprendre leur fonctionnement et le rôle des
accompagnateurs ariégeois.
1/ Pouvez vous nous présenter l’ONF ? Son fonctionnement, ses fonctions, son rôle… en Ariège ?
7/ De quel type de clients se compose la clientèle ? Groupe, individuels, couples, age, CSP,… ?
121
3/ Quels est le rôle de l’accompagnateur lors d’une randonnée RETROUVANCE ?
5/ Y a-t-il des choses à améliorer aujourd'hui dans l’offre et /ou les compétences des accompagnateurs
Ariégeois ?
6/ Pouvez nous expliquer comment fonctionne votre partenariat avec les accompagnateurs ?
8/ Avez-vous des retours client sur la prestation d’accompagnement ? Si oui, quels sont-ils ? Comment
les gens perçoivent-ils l’accompagnateur ? (Connaissance, sécurité…).
122
2. Compte rendu et retranscription des entretiens
Mr G : il faut d’abord passer un brevet d’état qui appartient à la filière alpinisme, et qui dure environ
deux ans.
En termes de parcours, j’ai fini mes études il y a dix ans, ici après avoir obtenu le master 2
aménagement des espaces transfrontaliers de la montagne, ensuite j’ai été agent de développement en
tant que chargé de mission à la communauté de communes des vallées d’Ax. Dans le cadre de ce
boulot, j’ai commencé mon diplôme d’accompagnateur. Puis, j’ai quitté la communauté de communes
pour reprendre le refuge d’En Beys. J’ai fini la formation d’accompagnateur en 2004 qui s’inscrivait
dans une volonté de travailler en montagne l’hiver en complément de mon activité de gardien de
refuge. Puis j’ai arrêté le refuge en 2005, donc depuis cette période, le métier d’accompagnateur est
mon activité principale. Donc, ma vocation, c’est de travailler en montagne, en Ariège de surcroît.
Après, si on regarde la vocation de l’ensemble des accompagnateurs, on s’aperçoit que de plus en plus
ce sont des gens extérieurs qui entrent dans la profession, soit dans le cadre d’une reconversion
professionnelle, soit pour passer un diplôme qui les sortira un peu de leur environnement quotidien.
Donc parmi les candidats au diplôme aujourd’hui, la proportion de gens qui ont un réel passé
montagnard est plus faible qu’il y a quelques années.
Mr G : moi, je suis né à fontainebleau, en seine et marne, j’habite ici depuis 1997, mais mes parents
sont originaires d’ici et j’ai toute ma famille ici, à côté de là où j’habite et où je suis conseiller
municipal.
Etudiant : C’est donc ça, qui vous a poussé à venir exercer le métier en Ariège plutôt que dans les
Alpes ?
Mr G : oui, c'est-à-dire, pour moi, ça a été un moyen facile de trouver une activité en complément du
métier de gardien de refuge à un moment donné. Je ne l’ai jamais pris comme ma future destination
professionnelle, c’est un passage quoi…
Mr G : alors, moi je suis travailleur indépendant, donc il y a une partie des produits que je propose
moi… ensuite je fais partie du bureau des guides de l’ariège qui propose des produits que j’encadre,
est également j’encadre pour d’autres structures qui me demandent des prestations particulières. Enfin
particulières, disons que je ne choisis pas ce que j’encadre.
123
Donc sur le bureau des guides : c’est de la demi-journée, de la journée, de la nocturne, l’hiver, avec du
séjour trois, quatre, cinq, jour et des week-ends. Et l’été c’est de la demi-journée, journée, course
d’orientation, du séjour avec des week-ends une nuit en refuge et du trois à sept jours… avec
différents publics….
Etudiant : du coup, ces randonnées, Vous les faites sur l’Ariège ou sur l’ensemble du massif ?
Mr G : alors, principalement sur l’ariège, l’idée quand on a créé le bureau des guides et des
accompagnateurs… on est neuf dans le bureau des guides, c’était de ne pas aller travailler ailleurs. Et
cette idée venait principalement des guides de haute montagne qui en avait marre d’aller faire leur
saison dans les alpes. C’était donc la volonté de vivre de son métier à la maison. Donc, de faire
travailler les gens du coin et d’avoir nos activités ici, sur l’ariège.
Etudiant : et, dans la réalité c’est ça ? Dans votre chiffre d’affaires vous retrouvez cette logique ?
Mr G : alors, d’un point de vue légal, le diplôme est beaucoup plus poussé, au niveau technique, car il
y a les techniques d’alpinisme, donc ça c’est important. Après, ce qui différencie l’accompagnateur du
guide, c’est que l’accompagnateur il est là pour animer une sortie, tandis que le guide on le paye pour
aller en haut d’une falaise, pour faire une sortie à ski dans un endroits où on est sûr de ne pas passer
dans une avalanche, la dimension sécurité est beaucoup plus présente avec le guide.
Après, l’approche du métier n’est pas tout à fait la même dans le sens où quand tu es accompagnateur
tu dois te bouger un peu plus pour emmener des clients en randonnée car cette notion de sécurité et
moins prégnante, donc il faut trouver autre chose… alors que le guide, quand il a vendu son sommet il
a déjà fait une grosse partie du TAF. Le guide a l’habitude de travailler en bureaux des guides, on
l’appelle, on lui dis tu fais une sortie tel jour…. Et voilà. L’accompagnateur ne fonctionne pas comme
ça, il se construit une clientèle… au niveau du bureau des guides, je le vois on ne travaille pas de la
même façon…
Mr G : ben, ce qui est le plus facile c’est les groupes… les groupes constitués, il y a un seul
interlocuteur, c’est relativement simple. Après il y a aussi les individuels, ça, je ne le fait plus en tant
qu’indépendant. Mais, avec le bureau des guides, on travaille encore avec, les gens viennent au
bureau, s’inscrivent sur des sorties programmées, à partir de cinq, on sort… à moins de cinq, on ne
sort pas… ça c’est les individuels c’est particulier. Si on segmente cette clientèle individuelle, on a les
contemplatifs, ceux qui veulent le découvrir… et les sportifs qui sont à la recherche d’une randonnée
un peu plus sportive.
Mr G : pour les accompagnateurs en montagne, se sont la famille et les contemplatif, sauf pour ceux
qui font essentiellement de séjour en trek, où là le public sera plus sportif… mais ce sont des publics
bien particuliers
Etudiant : alors, selon vous, ces différents types de public, pourquoi font-ils appel à un
accompagnateur ?
Mr G : et bien, il viennent chercher… il y a des thématiques qui marchent bien, par exemple celle des
animaux de montagnes. On leur dit vous venez avec nous et … alors eux ont l’impression qu’on leur
garantit le fait de voir des animaux, alors c’est un peu particulier, on leur explique qu’on n’en verra
pas forcément… on va simplement comprendre comment fonctionne l’animal. Après par rapport au
famille, c’est faire des choses, en hiver surtout qu’ils ne savent pas faire seul, par ex construire des
igloos, ou sortir des sentiers balisés en raquette… aller ailleurs qu’au Plateau de Beille qui a ses pistes
124
de raquettes ou au Chioulat.. Après pourquoi ? euh… ca va être pour la sécurité, se dire qu’on se
confie à l’accompagnateur… et puis pour d’autre, ça va être la logistique, appeler le refuge pour savoir
s’il y a de la place, être sûr qu’on a le temps d’aller de tel point à tel point… là c’est entre la sécurité et
le confort.
Mais c’est un métier qui tend à se réduire, dans le sens où de plus en plus les territoires mettent en
place des espaces de randonnées balisés, artificialisés, qui répondent au plus grand nombre… il n’y a
en fait pas de rapport réel entre les acteurs de terrain et le territoire…entre ce que le territoire a envie
de mettre en place et ce que veulent les acteurs de terrain…
Etudiant : l’accompagnateur n’est donc pas un simple accompagnateur au sens de boussole et carte…
a-t-il un rôle de sensibilisation et d’éducation à l’environnement ?
Mr G : il a forcement un rôle de sensibilisation… enfin en tout cas… euh.. il y a deux choses très
importantes, c’est l’animation et l’éducation, en tout cas la sensibilisation. Entre animer une sortie…
et marcher simplement d’un point A à un point B en regardant des choses que l’on trouve jolies mais
que l’on ne comprend pas, l’accompagnateur va être là pour aider à comprendre ce qui se passe, après
il y a une sensibilisation dans le sens où on est dans un milieu qui n’est pas le notre, en tout cas que
l’on a pas domestiqué totalement encore, donc je pense que l’accompagnateur est utile dans ce sens là,
il tiens un discours en faveur de la protection de la nature.. mais suivant les groupes, notre
comportement va s’adapter, suivant comment on sent les gens, on va plus jouer sur le tableau nature
ou anecdote… mais de toute manière, de la sensibilisation, on essaie d’en faire de toute façon…
Mr G : personnellement, je suis un très très mauvais vendeur…par contre au niveau du bureau des
guides, on est pas tout à fait dans la même logique dans le sens où on a un local et des charges à
payer, donc on essaie plus de fidéliser…
Mr G : ouaip… après je vous dirais que j’ai un vision un peu paradoxale de ce métier, car moi
emmener des gens en montagne, ça m’embête de les faire payer, je suis un peu dans l’optique « métier
passion »… mais au niveau du bureau c’est différent, c’est ce qui nous fait vivre, donc il faut
vendre…mais vendre… euh… c’est pour ça que sur le bureau des guides, on est neuf, et sur les neuf,
y’en a qui sont très bons pour vendre, d’autre qui sont bons pour gérer une structure, bon pour la
communication…
Etudiant : Au niveau des accompagnateurs, êtes vous nombreux à être dans cette logique de métier
passion ?
Mr G : et bien nous sommes plusieurs comme ça, après d’autres sont plus dans une logique
« économique »… après je pense pas qu’ils aient plus tord ou raison que moi , on a une vision
différente du métier.
Mr G : Alors, j’avais lancé un site web « propre », mais Internet évolue tellement vite et il y a
tellement d’infos, qu’au final on arrive à plus trop être visible. Alors mon site internet, il n’est pas
regardé… et globalement je ne suis pas très bon pour ça..
Au niveau du bureau de guides, c’est un peu différent, on a mis en place un site qui est en train d’être
finalisé et qui nous a coûté 8000 euros. Et puis on est resté sur de la pub par flyers, et puis avec des
partenariats : avec le territoire, office de tourisme, CDT, et avec nos partenaires hébergeurs. On a des
conventions de partenariats, ils font de la promotion de nos activités et en contre partie, quand on
monte des produits, on va chez eux…
125
Mr G : alors en terme de chiffre d’affaires, pour le bureau des guides, ça reste encore la clientèle
captive, qui vient en Ariège pas que pour ça mais que l’on arrive à capter, et puis il y a aussi les CE
que l’on va chercher sur Toulouse. Et c’est en train de s’équilibrer… les CE il y a en de plus en plus…
et comme leur budget son plus importants..
Mr G : Et ben de la rando raquette, de la rando, de la course d’orientation, en plus vu qu’on est sur
plusieurs activités, on leur propose un mix…. Ces CE c’est nous qui allons les chercher mais ce sont
les hébergeurs qui nous les renvoie aussi, car ils savent qu’on à l’habitude…
Etudiant : Alors, ce que vous êtes en train de me dire, c’est que la majorité de vos client aujourd'hui,
ne viennent pas spécifiquement pour ça… ils sont en séjours à Ax et vous découvrent un peu par
hasard…
Mr G : oui, aujourd'hui en terme de fréquentation, je pense que c’est ça. Mais aussi, je pense car les
deux activités qui marchent le plus dans le bureau, c’est le canyoning et la raquette, mais ça s’est
calmé la raquette, et puis la spéléo… Alors aujourd'hui, notre but c’est d’être de moins en moins
dépendant de ces gens là, mais c’est pas facile, cela demande du temps…et des moyens que l’on a pas
forcément ou que l’on a pas envie de mettre…
Mr G : alors, vous m’auriez posée la question il y a deux ans, j’aurais dis essentiellement hivernale, il
y un cinq ou six, j’aurais dis estivale… et cette année, même si l’été n’est pas encore passé, je pense
que cela va s’équilibrer… Pendant cinq ans il y a eu un grand boom sur la raquette, il suffisait de
proposer des sorties raquette et on remplissait. Et puis les stations de ski, ont flairé l’intérêt financier
de mettre en place des sentiers balisés, et du coup un bon nombre de gens qui venaient avec nous, vont
maintenant directement en station sur les sentiers baisés et ne reviennent plus.
Mr G : Franchement, je sais pas trop, parce la montagne a baissé en terme de destination.. On n’est
maintenant derrière la destination ville et campagne.. Et puis l’autre chose c’est qu’avec la crise
économique, je pense que globalement les gens partiront plus facilement seuls en rando pour ne pas
avoir à payer d’accompagnateur… et puis enfin, l’apparition des BPJEPS est aussi problématique car
ces brevets professionnels randonnée pourront travailler avec un tas de public, notamment les jeunes,
les centres de vacances, les colonies… ces BPJEPS seront moins qualifiés et donc moins cher.
Aujourd'hui, nous il y a un tas de demande auxquelles on ne veut et on ne peut pas répondre car elles
ne nous permettent pas de vivre correctement… je pense que les BPJEPS y répondront… cela risque
de poser un problème de concurrence et de tirer les prix vers le bas…en tout cas je ne sais pas si c’est
un métier qui a beaucoup d’avenir…
Etudiant : mais le client ne vient pas chercher que de la sécurité, ne croyez vous pas que dans la
tendance actuelle de touristes qui veulent de l’écotourisme pourrait relancer votre activité ?
Mr G : (bruit de bouche pour montrer qu’il n’est absolument pas convaincu de mon idée), non… mais
moi ça me fais rire… enfin pas vraiment rire quand sur le territoire, des gens me disent, oui on va
faire de l’écotourisme et tout révolutionner… oui mais bon avant que tu fasses vivre tout les gens du
tourisme avec de l’écotourisme, il va falloir…. Euh… harmoniser les moyens… mettre en place des
nouveaux produits…. Des choses que ne fait pas le territoire. Donc il y a vraiment très peu de chances
pour qu’on……. L’écologie s’est bien, mais s’il n’y a pas une incitation financière…. Regardez le
carburant, quand les prix à la pompe augmentent, la consommation diminue, et quand ils baissent, les
gens recommence à consommer aussitôt, Voilà. Moi, je ne vois pas trop de différence d’année en
année, regardez les stations de ski, elles font le plein cette année, pourtant c’est du tourisme de masse,
etc… moi je ne vois pas de transformation…
126
Etudiant : D’accord… Comment s’organise la profession, quelles sont, en général, les formes
juridiques des structures d’accompagnement ? Vous êtes pour la plupart indépendants… ?
Mr G : Alors, il y a deux cas. Soit tu es indépendant, comme la plupart des gens en Ariège, donc tu as
ta propre structure. Soit tu es salarié, et en Ariège il y en a assez peu. Les indépendants sont seuls ou
regroupés. Quand ils se regroupent, c’est par la forme associative, ou syndicale ou encore sous la
forme d’une entreprise (SARL…)…
Etudiant : Pouvez nous nous parler un peu du syndicat des accompagnateurs en montagne ?
Etudiant : Pour en revenir au bureau des guides et des accompagnateurs, vous multiplier les
compétences ?! Il y a du Cayoning, de l’escalade, de la spéléologie, des guides de hautes montagne,
des accompagnateurs… c’est quand même assez polyvalent…
Mr G : Oui, alors il y 3 guides de hautes montagne, trois accompagnateurs, deux BE spéléologies qui
ont la qualif’ canyon et un BE escalade qui à aussi la qualif’ canyon.
Mr G : Evidemment pour mutualiser les moyens, quand on veut faire un site Internet à 8000 €, il est
plus facile de le faire à plusieurs que tout seul, après c’est sûr que c’est une gestion un peu complexe,
dans le sens où notre l’activité propre de chacun ne se fait pas à la même période, par exemple le BE
escalade, travaille surtout l’été, mais il donne son avis sur les questions relatives au bureau des guides
tout au long de l’année. C’est une aventure humaine assez complexe. C’est pas toujours évident, ou
car en plus on est dans un contexte économique pas très favorable, et en plus un bureau des guides en
Ariège, n’est pas quelque chose que les touristes s’attendent à trouver. En Ariège, il n’y a pas de très
haute montagne….
Etudiant : Oui mais, ce bureau vous permet quand même d’avoir pignon sur rue, d’avoir une vitrine, et
du coup vous êtes visibles pour les touristes de passage… ??!!
Mr G : Oui en effet, il arrive que les clients viennent pour une activité, et vu qu’on en propose
plusieurs, ils en consomment plusieurs, c’est un avantage… le souci, c’est quand tu as eu quelqu’un en
randonnée, et que la personne au lieu d’aller faire de la spéléologie ensuite comme il était prévu,
préfère revenir avec toi en rando… ça c’est problématique, il faut gérer ces comportements.
Mr G : Ben non, évidemment, c’est un métier saisonnier, le soucis c’est que la saison aujourd'hui ne
nous fait pas gagner suffisamment notre vie pour pouvoir en vivre à l’année. Et en même temps, pour
cumuler une activité professionnelle en plus, c’est délicat vu qu’en hors saison, c’est là que l’on
construit nos produits, qu’on met en place des partenariat avec le territoire, qu’on fasse du
repérage…y a des réunions… mais la plupart des accompagnateurs sont quand même pluriactifs…
127
Etudiant : Globalement que pensez vous du développement touristique en montagne, comment
inscrivait vous l’offre d’accompagnement vis-à-vis de l’offre de station de sports d’hiver par
exemple ?
Mr G : Alors, c’est un peu compliqué comme question, c’est super vague… Ce qui est sûr, c’est que
les stations, il ne faut pas trop les critiquer, car elles font quand même venir du monde, et à un moment
donné elles font venir du monde que l’on serait peut être pas capable de faire venir nous,
accompagnateurs. Cependant, le public qui vient dans les stations est difficile à capter, dans le sens où
le touriste qui va en station, il n’est pas encore habitué à consommer à l’extérieur de la station, à
consommer des produits hors ski…
Il est vrai que c’est peut être aussi à nous de proposez notre offre au station. Je veux dire, aujourd'hui
le système des stations connaît quand même la crise : enneigement, etc… et aurait sans doute besoin
de diversifier un peu son offre. Mais en même temps, en période de crise, les stations n’ont pas
beaucoup d’argent et préfèrent investir…. Allez disons le dans les canons à neige. Les rapports
aujourd'hui entre la station et les accompagnateurs sont très réduits…
Etudiant : Comment voyez s’orienter les activités dans l’avenir, plus dans l’optique de la station ou
plus dans une organisation diffuse des sports de nature ?
Mr G : Disons que l’approche diffuse est assez délicate car, une des conditions à faire venir du monde,
est d’avoir des lits touristiques. Et les lits touristiques, où sont-ils ? Dans les stations..
Etudiant : Pourriez vous un peu me parler de la gouvernance, que vous évoquiez tout à l’heure ?
Mr G : Alors, les économistes ont beaucoup travaillé sur la dimension entreprise, la station de sports
d’hiver a été fondé sur un modèle « entrepreneurial », avec les logiques qui en découlent, l’idée de la
gouvernance serait donc d’étudier les différentes parties prenantes dans les territoires de montagne
afin de basculer d’un développement de stations à un développement de territoire. Mais si le sujet vous
intéresse, il faut regarder une thèse qui a été soutenue par un doctorant de Grenoble sur le cas des
stations périurbaines.
Etudiant : aujourd’hui en Ariège, selon vous le métier d’accompagnateur est-il reconnu et pris en
compte ?
Mr G : Alors il est reconnu mais il est pas pris en compte. Reconnu car les autres personnes qui vivent
en montagne connaissent la profession et savent que des gens font de l’accompagnement… mais il
n’est pas reconnu car les décideurs ne cherchent pas à développer la profession ou du moins à
encourager son développement. Un exemple, au plateau de beille, quand la station a mis en place des
pistes raquettes balisées, personne n’est venue demander si quelqu’un vivait de cette activité…
Etudiant : selon vous, quel rôle l’accompagnateur va jouer dans l’avenir, dans ce développement
touristique ?
128
Retranscription N°2, accompagnateur en montagne
Mr H : 2002
Mr H : ici, en Ariège
Etudiant : Comment devient-on accompagnateurs, hormis le diplôme, est-ce une vocation, aviez-
vous métiers avant … ?
Mr H : Oui, j’avais un métier avant, j’étais dans la finance, j’ai voulu changer de métier et devenir
accompagnateur en montagne. J’ai toujours été un… j’ai toujours fait de la montagne. Et je ne pensais
pas que l’on puisse en vivre, alors quand j’ai appris ça, j’ai pensé que cela pourrait être intéressant,
comme reconversion.
Mr H : ben, je ne sais pas, une rencontre, quelqu’un m’a parlé de cette formation, je ne savais pas
qu’elle existait, je pensais qu’il y avait que la formation de guide de haute montagne. Et vu que je n’ai
absolument pas le niveau ni l’envie de faire ce type de métier… après j’ai appris qu’il y avait
l’accompagnateur, et moi ce qui me motivait c’était surtout le trekking ou les voyages lointains, à
l’étranger… après j’ai donc suivi la formation.
Etudiant : Quelles sont les activités que vous proposez ici ? Comment se décline votre offre ?
Mr H : je vais parler de « nom de l’entreprise », et bien maintenant nous sommes plus axés agence de
voyage. Donc mon diplôme d’accompagnateur je l’utilise de moins en moins. Mis à part lors de sorties
avec nos groupes ou d’autres groupes avec des structures comme MP. Euh… je fais plus moi sur le
l'organisation, de la logistique et de la création de circuit, donc de moins en moins j’utilise le diplôme
d’accompagnateur.
Mr H : Au début, c’était au premier rang, et puis maintenant l’agence de voyage prend le pas.
Etudiant : Vous me parlez de « nom de la structure », mais il existait autre chose avant ?
Mr H : oui, car au début, j’étais trésorier de MP, donc on faisait beaucoup beaucoup
d’accompagnement. J’ai laissais tomber MP, et maintenant je me consacre exclusivement à mon
agence.
Mr H : oui
129
Etudiant : Globalement, quel part de votre chiffre d’affaires est réalisé sur l’Ariège ?
Mr H : oh, en terme d’accompagnement vis-à-vis de l’agence, cela représente 3%. C’est très très
peu..,
Etudiant : et le reste ?
Etudiant : Globalement le chiffre réalisé sur la partie françaises des Pyrénées est estimé à
combien ?
Mr H : oh, très peu… très très peu… auparavant quand je travaillait avec MP, c’était à peu près 50/50,
entre accompagnement dans les vallées d’Ax et le trekking, maintenant on est plus sur un chiffre
d’affaires qui doit valoir 2 ou 3 % du total.
Etudiant : pourquoi avoir privilégier plus le créneau Agence de voyage plutôt que
l’accompagnement ?
Mr H : et bien cela découle d’une analyse du secteur, de l’activité et puis des choix à faire, et puis
pour ne pas courir plusieurs lièvres à la fois…
Mr H : oui, c’est ça, mais dès fois je le fait. Là je pars 15 jours au Maroc, j’encadre pas mais je suis
sur la logistique d’un groupe. Une ou deux fois par an, j’y vais. Là bas, on travaille avec des réceptifs
et une équipe de guide. C’est le réceptif qui gère ça, la logistique, les guides…
Mr H : (sifflement) c’est deux mondes totalement différents ! ça n’a rien à voir… Au niveau de la
pratique, de l’esprit, ce sont des athlètes, des mecs de haut niveau, des purs montagnards, (coup de
téléphone)… la clientèle, l’activité… tout, vraiment tout.
Mr H : Les guides vendent de l’alpinisme, nous on vend la randonnée, de la découverte. Eux, c’est
une pratique engagée, nous c’est pas engagé, eux c’est beaucoup plus sportif, beaucoup plus
technique, beaucoup plus dangereux, plus physique, l’engagement moral et physique est énorme,
regardez la mortalité chez les guides, c’est énorme !
C’est un métier que je ne voudrais vraiment pas exercer, vraiment pas !
Mr H : Ah oui, oui, oui, totalement différente, ce sont des gens que j’admire, mais moi je ne pourrais
pas…
Mr H : On doit être entre 50 et 60, quelque chose comme ça… et à en vivre réellement, on doit être un
ou deux… en tant qu’indépendant, oui, on n’est très très peu… à côté de ça, les autres sont pluriactifs.
130
Nous, nous sommes une agence de voyage, nous vivons donc de ça, l’accompagnement est un plus…
c’est par là que je suis entré dans le métier, ce qui me permet maintenant de connaître le marché et la
clientèle.
Etudiant : Au niveau de la clientèle, quelles sont les types de clientèle que vous rencontrez ?
Mr H : des comités d’entreprise, des groupes de randonneurs, des associations, des groupes d’amis,
des familles… dans l’individuel n’est pas gérable, trop difficile
Etudiant : Pour quelles raison les clients font qu’ils appel à vos services ?
Mr H : Je dirais, l’hiver c’est parce qu’ils ont peur, de la neige et parfois c’est parce qu’ils n’ont pas
les raquettes… eh oui, la neige on ne voit pas dessous. Et puis l’été, c’est surtout pour la logistique.
Au niveau de l’accompagnement, c’est pour la découverte, ils sont à la recherche de sentier
thématique (faune, flore)
Mr H : Nous proposons, les sentiers Cathares, le chemin des bonshommes, donc tout ça sur le
Catharisme. Mais concrètement, on ne le vend jamais en accompagnement, ça ne marche pas les
clients l’achète et partent en libre…
Mr H : Oui, les clients préfèrent marcher seul, en liberté, et ne pas payer, car c’est vrai que cela
revient plus cher en accompagné.
Mr H : Ha oui, complètement !! Enfin non, pas tout à fait… c’est compliqué, nous on vend des
circuits liberté et accompagné… donc le GR pour nous est très positif. Pas au niveau de
l’accompagnement, mais au niveau de l’agence… pour l’activité sentier liberté, c’est très bien, le GR
et un fil conducteur : le sentier cathare par exemple, c’est un itinéraire très intéressant, au niveau de la
notoriété, oui car les gens ont entendu parler du Catharisme, des sentiers cathares, mais du point de
vue de l’AMM, c’est une forte concurrence…
Etudiant : Pour vous, cela semble s’avérer positif, mais pour un simple accompagnateurs, n’est-
ce pas plutôt un frein ?
Mr H : Si, mais tout concourt à « flinguer » le métier d’accompagnateurs… les sentiers raquettes que
proposent les stations, le balisage à outrance, les topo-guides… bientôt il y aura les GPS qui affichent
la rando… j’ai même lu dans la dépêche que certains offices de tourisme loués des raquettes en
fournissant une carte topo… donc voilà, tout concourt à flinguer cette profession… pour moi ce n’est
pas un métier d’avenir…
Etudiant : Mais, quel est le rôle de l’accompagnateur vis-à-vis du client ? Est-ce un simple
accompagnateur, ou se dirige t-il plus vers la sensibilisation à l’environnement, l’éducation à
l’environnement ?...
Mr H : Ben, si c’est un simple accompagnateur, il a tout faux, s’il ne fait que manipuler une carte et
une boussole le client ne viendra pas… non, c’est quelqu’un qui va assurer la sécurité d’abord, qui va
131
faire vivre en groupe, raconter des anecdotes, historique, vécu et puis tout le côté accueil, gérer le
groupe, que les gens se sentent bien, créer une atmosphère conviviale.
Etudiant : mais ce que vous me dites, c’est une valeur ajoutée que n’aura jamais le topo-guide ?
Mr H : Oui, encore faut-il le faire comprendre aux clients. C’est après qu’on le comprend, dans l’acte
d’achat… , il y a très peu de gens qui le comprennent avant. Il y a 100 € de différence entre un circuit
accompagné est un circuit libre, le client regarde le prix.
Mr H : Six jours.
Etudiant : Avec du recul, depuis des 2002 comment voyez-vous évoluer votre activité ?
Etudiant : En sachant qu’une prestation de guidage au Maroc doit coûter moins cher qu’une
prestation dans les Pyrénées.
Mr H : Et oui… en plus la concurrence entre les guides et très forte au Maroc, donc on arrive à
trouver des guides pas cher, de plus il n’y a pas de Tva au Maroc contrairement en France…. C’est
important d’étudier la politique fiscale du pays.
Mr H : Si c’est très sûr, mais dans l’image, dans l’inconscient, la Libye c’est Kadhafi… c’est le
terrorisme. Donc nous sommes essentiellement sur les Pyrénées et le Maroc.
132
Etudiant : Et c’est important ?
Mr H : Oui oui, c’est très important, plus il sera fort et plus la profession sera forte…
Mr H : Non…. c'est-à-dire, pas par choix mais c’est plutôt au niveau financier. Car j’ai déjà une
adhésion au syndicat national des agences de voyages, donc c’est pour ça, j’essaie de réduire les
coûts… non non, après c’est vrai que le SNAM est très, très important.
Mr H : Jusqu’à présent l’hiver était une très bonne saison… mais, euh… maintenant c’est presque
plus le printemps et l’été qui marche le plus. De mai à septembre, environ c’est la pleine saison..
Mr H : Et bien, les deux hivers précédents il n’y avait pas de neige, et cette année il y avait de la neige
mais les gens, apparemment ont préféré aller faire du ski.
Etudiant : Donc, du coup l’activité agence est l’activité accompagnement vous permettent d’en
vivre toute l’année, vous n’êtes pas pluriactifs ?
Mr H : Sincèrement, je pense que tout concourt à ce que les AMM ne fonctionnent plus. Après si
c’est bien ou pas bien, je ne sais pas… et ce n’est pas à moi à le dire. Après, ce que je vois c’est qu’un
bon nombre de collectivité mets en place des outils qui autonomisent le randonneur. Ce n’est pas
normal que l’on crée des pistes raquette, que des bus entiers de gens suivent la trace,… la station
pourrait très bien payer un accompagnateur à la saison. Comme certaines le font d’ailleurs. Elle salarie
l’accompagnateur, mais bon ça c’est un choix de collectivités.
Je n’arrive pas à savoir pourquoi, on cherche à flinguer la profession, est-ce des problèmes de
rentabilité, je ne sais pas, est-ce que les stations n’arrivent pas à s’entendre avec les accompagnateurs
pour travailler ensemble… je n’ai pas assez de données pour répondre.
Etudiant : Mais en été, vous ne ressentait pas quand même l’émergence des sports de nature ?
Mr H : Allez en vallée d’Ax, l’été vous les verrez les clients, ils suivent des balises, ils ont leur topo-
guide à 5 €, et ils font huit jours de randonnée avec… des topo-guides qui sont très bien fait d’ailleurs.
Tu peux être le meilleur accompagnateur du monde, pour les clients individuels en été, c’est mort…
Mr H : Non,… c’est fini. Après, il y a des créneaux qui vont rester, comme le public scolaire… mais
bon après on va tous se batailler ce public. En plus, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a
une création de nouveaux diplômes, je ne sais pas si vous en parler dans votre travail, mais il y a un
vrai business dans les formations. C’est scandaleux. L’accompagnateur, le diplôme d’accompagnateur
133
devrait être gérée par l’ENSA, comme les guides. Il ne devrait pas y avoir des formations détachées et
organisées par l’un ou l’autre. Si tout été géré par l’ENSA, comme les guides, tout serait beaucoup
plus carré. Et puis il faudrait mettre en place une formation beaucoup plus dure. Car il y a trop de
monde, tout le monde l’a le BE d’accompagnateur , passez un BE VTT, il y en a très peu, ça sa
marche…
Mr H : (rires) Pour les accompagnateurs, non. Ou alors il faut travailler sur des niches, avoir plusieurs
brevets d’état. Je connais quelqu’un qui vient faire la saison d’hiver à Bonascre et qui part ensuite faire
du parapente dans le massif central l’été.
Remerciements et fin
134
Retranscription n°3 : Comité départementale du tourisme
Etudiant : Pouvez vous tout d’abord présenter votre rôle au sein de l’ADT (agence de développement
touristique), et vos missions concernant les sports de nature ?
Mme B : Alors tout d’abord, je vais faire une présentation de l’ADT et de son rôle. L’ADT a pour
missions de faire la promotion de l’Ariège à la fois sur des marchés régionaux et sur des marchés
internationaux ; Espagne … et les marchés du nord : Bénélux, Allemagne, Pays bas, Angleterre.
Ensuite, on a une centrale de réservation… pour assurer la réservation de nos séjours en Ariège. Et
puis on a aussi un volet formation pour les professionnels du tourisme, cela vient juste d’être mis en
place donc on a pas encore définit les types de formation mais on y travaille.
Moi, mon rôle au sein de l’ADT est de faire la promotion des sports de plein air du département, on a
donc deux brochures pour cette promo. Il y a le « journal randonnée » distribué sur nos salons, dans
les décathlons et nous faisons également une édition sur l’hiver qui concerne plus l’offre des stations
de sports d’hiver, mais aussi, l’alpinisme, la cascade de glaces, la raquette… donc ça, ce sont des deux
éditions sur lesquels je travaille. Et ensuite, je m’occupe de la mise en réseau des acteurs de sports de
nature (accompagnateur, escalade…)…
Mme B : Alors c’est essayer de les faire travailler ensemble et leur présenter pourquoi le regroupement
peut être intéressant… Au niveau de la mise en place d’une communication commune par
exemple…etc… en sachant que la semaine dernière, on a eu une réunion pour proposer une idée de
regroupement de tous les acteurs des sports de plein air, donc une partie de mon temps de travail
consistera à mettre en place des actions dans ce sens…
Etudiant : D’une manière globale, que représentent les sports de nature en Ariège ?
Mme B : Au niveau des chiffres, il est très difficile de connaître précisément les retombées des sports
de nature… chaque année, l’observatoire du tourisme envoie un questionnaire aux professionnels,
mais nous avons très peu de retour car les professionnels ne comprennent pas pourquoi on leur
demande tout ça… alors si on veut se regrouper en filière les sports de nature c’est aussi pour mettre
en place une étude qui nous montrerait l’impact socio-économique et environnemental des sports de
nature en Ariège. Ceci dans le but d’avoir du poids aux yeux des décideurs…
Etudiant : De manière assez large, comment évolue la demande des sports de nature en Ariège ?
Mme B : La demande est croissante, au niveau de nos éditions, nous sommes toujours en rupture de
stocks, c’est un signe que les gens sont intéressés par notre offre de sports de nature.
Etudiant : Au niveau de votre centrale de réservation, arrivez vous à identifiez si la randonnée est le
but de déplacement du touriste ou si elle fait simplement partie de l’offre globale du territoire ?
135
Mme B : Non, je pense que la randonnée en liberté est le but du déplacement d’un bon nombre de
touristes. Généralement l’objectif est le dépaysement, alors ils vont consommer de la randonnée mais
pas seulement, il sont à la recherche de découverte… une fois sur le territoire, ils cherchent et
consomment différents services touristiques : grotte de Niaux, château de Foix…
Etudiant : Le CDT met-il de plus en plus de moyens pour développer et faire la promotion des sports
de nature ?
Mme B : Oui, oui, notamment les éditions de journal rando et de l’édition hivernale. Ces projets vont
dans le sens du développement des sports de nature. Bien entendu la volonté de l’ADT est d’aller dans
ce sens….
Etudiant : Comment identifiez vous le rôle d’un accompagnateur, pour les groupes notamment ?
Par contre l’accompagnateur en hiver, va fonctionner davantage… les randonneurs voient plus
l’intérêt de partir avec un accompagnateur. Pour faire des raquettes, dans un milieu enneigé, le client
se réfère plus à des professionnels. Après, les randonneurs vont aussi dans les stations, Bonascre,
Chioulat ou Beille qui proposent désormais des sentiers raquette balisés.
Ils en faut pour tout les goûts, tous les gens n’ont pas les moyens de se payer un accompagnateur..
Et le problème des accompagnateurs, c’est qu’à la fin de leur diplôme, on leur dit qu’ils peuvent
monter leur entreprise…. Très bien, simplement, la plupart n’a pas de formation en communication et
en marketing… alors comment faire pour être visible et vendre ses produits ? Certains ne savent même
pas que le CDT existe !!
En plus pour beaucoup d’entre eux les mots promotion et communication sont des gros mots…. Mais
bon, il faut se rendre compte à un moment donné que la communication est indispensable !!
Les gens qui vivent à l’année de ça, ce sont ceux qui sont bons en marketing, ceux qui savent se
vendre.
Donc, le projet de formation que l’on souhaite mettre en place ira dans ce sens, nous organiserons des
formations en gestion d’entreprise… communication….
Et c’est la même chose pour les langues étrangères… Aujourd'hui, l'ADT ne va pas communiquer sur
les accompagnateurs à l’étranger, si on n’est pas sûr qu’il soit capable d’assurer derrière !
Etudiant : En Ariège, certains ont déjà commencé à comprendre ces logiques, en se regroupant en
structure multi-activités ?
Mme B : Oui, mais ça fait pas longtemps… je reviens sur notre projet de regroupement en filière, on a
eu peu de réponses, peu de professionnels se sentent concernés…
Etudiant : Pensez vous que les topo-guides autonomisent le randonneur de façon dangereuse pour
l’accompagnateur ?
Mme B : C’est sûr que l’édition de topo-guides doit avoir une incidence sur leurs activités, simplement
comme je l’ai dit tout à l’heure, il en faut pour tout les goût, la randonnée est à la base une activité
gratuite. Après certains accompagnateurs savent en profiter aussi… par exemple, on a sorti un topo-
136
guide sur le chemin des bonhommes et une structure a monté un produit tout compris chemins des
bonhommes derrière. Idem pour la traversée des Pyrénées en VTT.
Et puis il y aussi le projet RETROUVANCE organisé par l’ONF qui est un bon exemple de partenariat
entre les accompagnateurs et le territoire… il vous faudrait rencontrer un agent de l’ONF pour en
discuter avec lui. Dans ce produit, il y a beaucoup d’étrangers, on leur fait le portage des bagages, ils
passent la nuit en refuge forestier… etc..
Remerciements et fin
137
Retranscription n° 5, Accompagnateur en Montagne
Présentation personnelle, du thème de recherche et des objectifs du mémoire de Master un.
Madame C : Je suis accompagnatrice en montagne depuis 2004. J’ai eu mon diplôme en 2004 et
j’exerce depuis.
Madame C : Deux choses sont indispensables. D’une part, on doit être attiré par le milieu
(montagnard) et ensuite par la pratique de la randonnée. Le brevet d’état correspond à un
aboutissement. En effet, pour moi avant de devenir accompagnatrice en montagne, je suis arrivé à un
stade où le désir d’enseigner été fort. J’ai commencé par acquérir les diplômes fédéraux avant de
passer le brevet d’Etat. Une pratique longue est nécessaire selon moi pour avoir une bonne
connaissance du milieu.
Ensuite, on rentre véritablement dans le diplôme. Celui-ci, débute par un probatoire, et se poursuit par
une formation. Cette dernière, et à mon avis assez bien faite, encore que certains points ne sont pas
assez approfondis (connaissance de la faune et de la flore). Ainsi, si la formation et un aboutissement à
une pratique longue, elle peut s’avérer suffisante. Mais souvent ce n’est pas le cas, et beaucoup de
candidats viennent en quête de connaissance. Cependant, le mémoire qui doit être réalisé durant la
formation est une démarche très intéressante. Les connaissances que l’on aura approfondie dans ce
mémoire nous donnerons un bagage certains dans notre futur vie professionnelle.
Mme C : oui oui, ce mémoire, je m’en sers au quotidien. L’ensemble de ce travail (analyse,
bibliographie) permet de fournir des réponses pertinentes aux clients.
Etudiant : aviez-vous, quand vous avez commencé cette formation, un projet professionnel ?
Mme C : oui, j’étais en contact avec un groupement d’accompagnateurs, sur mon territoire qui me
proposait d’intégrer le groupement. Il s’agit des accompagnateurs du Couserans. Nous sommes des
accompagnateurs qui nous nous regroupons autour d’un réseau pour mutualiser les moyens notamment
en terme de communication, mais aussi pour pouvoir répondre à des demandes les plus variées
possibles (groupes importants, qualifications différentes). Notamment des villages vacances qui
peuvent avoir besoin de plusieurs accompagnateurs le même jour. La particularité des membres du
groupement et que nous sommes presque tous pluriactifs.
Certains sont agriculteurs, animateurs en centre de classe de découverte, ou propriétaires de chambres
d’hôtes…
Mme C : disons que, sur tous les membres du groupement, une seule personne en vit à l’année, grâce
notamment à son ancienneté (25 ans d’accompagnement derrière lui) et à la qualification VTT qu’il
possède. Il a donc un bon réseau de clientèle. De plus, c’est lui qui est à l’origine du groupement,
notamment dans la volonté de partager cette clientèle entre plusieurs accompagnateurs. Ceci dans un
but de développement local, et de développement de l’activité. Il serait d’ailleurs intéressant que vous
le rencontriez pour votre mémoire. Il cherche vraiment à utiliser la profession comme un outil de
développement territorial. Nous sommes d’ailleurs en train de monter un réseau de professionnels de
la montagne, dans un souci d’ouverture à d’autres professionnels sous le label montagne. Toujours
dans la logique d’échange, de partage, de solidarité, de création d’activités et de développement local.
Car l’objectif aussi c’est de pouvoir vivre à la montagne mais aussi d’en vivre.
138
Étudiant : pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le label montagne ?
Mme C : la label montagne, c’est un réseau de professionnels montagnards qui comprend pour
l’instant les hébergeurs, les accompagnateurs en montagne et les agriculteurs.
Il a deux axes :
- un axe interne de fonctionnement en réseau, de solidarité, d’échange, de partage et
complémentarité
- un axe dit de rayonnement, autour d’un objectif économique de valorisation des différentes
productions du réseau. L’idée est bien de créer une identité à ce label (logo..). Car les gens ont
besoin de se reconnaître autour de valeurs communes.
Étudiant : vous, vous exercer votre métier seulement par l’intermédiaire des AMC ?
Mme C : Oui, en tant qu’accompagnatrice en montagne, j’exerce mon métier qu’avec les AMC.
Étudiant : Quelle est l’offre que vous proposez au sein de votre groupement des AMC ?
De plus, cet été il est prévu que je mette en place un produit « initiation à la lecture de carte », nous
faisons aussi des sorties enfants (éducation à l’environnement).
L’hiver, propose de l’accompagnement en raquettes et des sorties nocturnes astronomie (que nous ne
faisons pas l’été, les jours étant trop longs).
Nous proposons aussi des séjours avec nuit en refuge mais cela ne nous satisfait pas. En effet, nous
voudrions mettre en place des séjours avec nuit en bivouac, mais cela pose des problèmes de
logistique. Cependant, nous pensons que le produit bivouac peut que vraiment bien marcher.
Étudiant : par rapport à l’ensemble de cet offre, quels sont les produits qui se vendent le plus ?
Mme C : Le VTT. Et j’ai oublié de citer tout à l’heure, en proposons des séjours en collaboration avec
les thermes d’Aulus (½ journées de randonnées, ½ journée au therme d’Aulus). C’est d’ailleurs, un
produit qui marche bien avec les comités d’entreprise (Hiver/été).
Alors, sinon les randonnées classiques marchent très bien, le VTT aussi, et les randonnées
thématiques. Ces dernières, fonctionnent à peu près toutes de la même manière, à part peut-être les
randonnées axées sur la faune (Isard, ours) qui se vendent un peu mieux. Car les clients ont vraiment
envie de voir des animaux.
Nous avons d’ailleurs travaillé avec le PNR il y a deux ans, nous proposions des randonnées sur le
thème des vautours qui fonctionnaient bien.
Et nous proposons aussi des séjours à l’étranger. Nous proposons Madère, Les Azores et la Grèce (car
un de nos accompagnateurs est Grec-écossais). Il travaille donc avec des groupes anglais.
139
Étudiant : avez-vous un périmètre défini les AMC ?
Mme C : oui, le Couserans. Sauf quand nous proposons des séjours lointains. Nous allons aussi un
peu en Espagne, dans les Asturies…
Après, nous nous fonctionnons en réseau. Quand certains clients viennent nous voir pour faire une
randonnée dans le secteur des vallées d’Ax, nous leur donnons le contact d’accompagnateurs sur
place. La réciproque n’est pas toujours vraie.
Mais nous fonctionnons comme ça, d’abord car les gens sur place connaissent mieux leur secteur, et
puis ensuite pour nous cela nous oblige à nous déplacer.
Mme C : au niveau de l’organisation, c’est un point délicat. En règle générale, c’est le président de
notre réseau qui centralise les demandes. Cependant, cette organisation connaît des limites quand le
président est trop occupé. D’autre part, nous avons tous des professions à côté, une famille etc… du
coup, l’organisation est un peu compliquée. C’est pourquoi, nous pensons à créer un poste de
secrétaire. Apparemment, le statut associatif de notre réseau nous permettrait de créer un emploi
mutualisé de secrétaire. La secrétaire aurait en effet la charge de plusieurs associations. Nous les AMC
nous aurions besoin d’aide pour la comptabilité, les devis et aussi dans le démarchage de nouveaux
clients.
Mme C : nous avons un site Internet, facile d’utilisation que nous pouvons modifier nous-mêmes, ceci
par l’intermédiaire du pays de l’ours. Ensuite nous avons aussi une plaquette (établit dans le cadre
d’un projet Interreg avec la communauté de communes du Couserans). Nous reprenons ainsi la charte
graphique de cette plaquette pour éditer nos programmes de saison. Nous avons une affiche aussi.
Étudiant : à travers ce que vous me dites, j’identifie quand même des avantages à se mettre en
réseau…
Mme C : en effet, l’avantage est que nous sommes plus visible, les clients arrivent à nous identifier
plus facilement. De plus, vis-à-vis du projet Interreg, je pense que un accompagnateur indépendant,
seul n’aurait pas pu attirer l’attention des élus et de Europe tout seul. Par ailleurs, avec le groupement
nous avons un quasi monopole de l’accompagnement dans le Couserans. Monopole car au lieu de se
concurrencer les uns les autres, nous nous sommes regroupés, nous captons l’ensemble des clients que
nous nous dispatchons ensuite selon nos besoins et nos compétences. Car l’idée de « besoin » est aussi
une idée maîtresse de notre groupement, en effet nous essayons de distribuer les demandes en fonction
des besoins (financiers notamment) de chacun. En début de chaque saison, nous faisons une réunion
pour fixer l’ensemble de nos disponibilités et de nos besoins. Évidemment, l’implication dans le
réseau de chacun (en terme d’organisation) devra être proportionnelle aux nombres de clients
distribués.
Étudiant : y a-t-il d’autres accompagnateurs dans le Couserans ? Vous êtes les seuls ?
Mme C : en tant qu’accompagnateur professionnels, nous sommes les seuls. Mis à part une personne
qui souhaitait nous rejoindre dans le groupement. Nous avons d’ailleurs essuyé plusieurs demandes
d’accompagnateurs voulant nous rejoindre au sein des AMC. A un moment donné nous n’avons pas la
charge de travail suffisante pour étendre le réseau indéfiniment. Déjà, à six nous n’en vivons pas.
Nous avons une activité à côté. Alors si demain sommes 15 ou 20, on va se retrouver à faire une
randonnée par saison ! On préfère donc refuser des gens pour l’instant, et une fois qu’on aura généré
suffisamment d’activité, on pourra s’ouvrir à d’autres accompagnateurs.
140
Étudiant : mais, comment comptez-vous augmenter votre activité ? Avez-vous identifié un
produit susceptible de se développer plus que les autres ?
Mme C : Disons, que nous travaillons beaucoup avec des villages vacances, notamment car
aujourd’hui, il y a une forte demande vers le « tout compris », que tout soit prêt est prévu. Et ensuite,
le développement de notre activité passera par la communication, à travers des salons, et des
manifestations de promotion (qui sont coûteux). D’ailleurs, là je vais partir participer à un salon avec
l’ADT de l’Ariège, qui s’appelle « label rando », à Portet d’Aspet, le 16 et 17 Mai. Ce salon nous a été
proposé par l’ADT moyennant dans un lot pour la tombola (en l’occurrence nous offrirons une nuit en
chambre d’hôtes avec une randonnée en montagne.
L’avantage de ce type de manifestation, c’est qu’il y aura une grosse communication sur la région de
Toulouse, ce qui est bénéfique pour nous.
Mme C : Alors, moi j’ai eu un intervenant intéressant, car il était honnête, franc, et nous disait :
« c’est du business quand même l’accompagnement ! C’est pas que la montagne, les petites fleurs…
D’abord, il y a des clients derrière, qui ne sont pas forcément agréables, et puis il y a une relation
économique, les clients te payent, et sont donc en position d’exiger quelque chose en retour de leur
argent… ».
Après au niveau, de la commercialisation en tant que telle, non… Vu la durée de la formation, la
question est juste abordée, mais y a pas « d’atelier ». Par exemple créer une plaquette pourrait être
intéressant, avoir une salle informatique pendant une journée dans laquelle on puisse faire des
exercices serait bien…
Etudiant : et au niveau des langues étrangères ? N’est-ce pas un manque de ne pas avoir de
cours d’Anglais, …
Mme C : Moi, je parle Anglais, Allemand et Espagnol, donc cela ne me dérange pas trop, je les
parlais déjà avant la formation. Après si vous me demandez de basculer maintenant sur une autre
langue je risque d’avoir quelques soucis, mais cela revient vite avec la pratique. Maintenant, c’est vrai
que pour mes collègues, certains même l’Anglais, ils ne le parlent pas, évidemment sauf notre collègue
Ecossais… Mais ça c’est un cas typiquement français de ne pas apprendre d’autres langues.
Etudiant : Cela peut être délicat, car les clients étrangers ne sont-ils pas plus susceptibles de
faire appel à des accompagnateurs que les clients français ?
Mme C : Et bien, sur notre plaquette c’est stipulé, Anglais, Allemand, Espagnol… Après évidemment
que si on ne peut pas parler une autre langue… on ne peut répondre à la demande. Mais encore une
fois, le groupement est là pour ça… Notre groupement est à même de pouvoir répondre à des
demandes étrangères. Individuellement non, mais collectivement oui, et c’est la force du groupement.
On retrouve ça aussi au niveau des compétences, certains sont plus spécialistes en Géologie, d’autre
flore montagnarde, … et donc à même de répondre à une demande hyper diversifiée…
Pour en revenir à la clientèle étrangère, je pense qu’on a un problème de promotion vers les publics
Allemands et Espagnols. Ils sont présents sur le territoire mais on a du mal à les capter.
Etudiant : Pour en revenir au label Montagne, sur quel secteur souhaiteriez vous le développer ?
Mme C : Le Couserans…
Mme C : Pour l’instant, c’est le Couserans car l’initiative vient de là. Il s’agit avant tout d’un réseau
avec des gens que l’on connaît. Dans le Castillonais, et aux alentours de Oust, Seix… Après pourquoi
pas l’étendre à un secteur plus large, mais laissons le d’abord se mettre en place.
141
Etudiant : Au niveau de votre clientèle, de qui se compose t-elle ? Groupe, Individuels,
scolaires… ?
Mme C : Comme je disais, elle se compose de plus en plus de village vacances, mais dans l’ensemble
la clientèle est assez hétérogène, on a des jeunes, des familles…
Mme C : Oui, mais ça c’est différent, c’est en hors saison, on travaille avec le centre d’accueil de la
ville de Toulouse à Aulus les Bains. Oui car en effet, l’inspection académique oblige d’avoir un Brevet
d’état pour encadrer les scolaires. Ce public vient surtout pour la randonnée pédestre et les sorties
raquettes en hiver.
Mme C : Oh, bien souvent c’est à la journée. On travaille en journée et demi-journée. Après on a des
produits sur deux jours, et sur les séjours plus lointains (Espagne, Grèce) la durée du séjour est en
général de 7 et 15 jours.
Mme C : L’accompagnateur est un interprète. Non seulement du milieu naturel mais aussi d’un
territoire, d’un terroir. On est le lien en le touriste et la vie locale, qu’elle soit naturelle, naturaliste :
faune, flore, le climat… tout les facteurs biogéographiques qui caractérisent le lieu, mais aussi et
surtout avec le milieu humain. Car faire le lien avec une « une petite bête », ça va, mais faire le lien
avec un agriculteur ou un éleveur, notamment en montagne qu’en on randonne sur les estives, là,
l’accompagnateur est presque nécessaire. Car le touriste n’a pas toujours « un code bonne pratique
dans la tête », et cela peut créer des conflits d’usage… pas par mauvaise intention mais plutôt par
manque de connaissances. Parfois certains touristes vont discuter avec le berger, il n’imagine pas qu’il
n’a pas que ça à faire. Parfois le touriste imagine que la vie en montagne n’est là que pour lui.
Donc l’accompagnateur est un interprète principalement et un « lien » entre touriste et le territoire.
Mme C : La sécurité aussi, mais honnêtement les randonnées qu’on fait ne sont pas très dangereuses.
On est plutôt sur de l’équipement que sur la sécurité. En dispensant des consignes de bases : « prenez
votre gourde, des lunettes, un chapeau, de bonnes chaussures », comme avec des enfants, exactement
pareil !
Etudiant : Peut être que lors des randonnées en raquettes, la sécurité est plus présente ?
Mme C : Oui, car en raquette, il y a plus d’incertitudes. Le manteau neigeux est un support instable, et
plus « dynamique », donc le choix de l’accompagnateur, de l’itinéraire, la connaissance du manteau
neigeux et de la météo fait que nous sommes plus sollicités pour la sécurité.
Après l’été, c’est vrai que nos itinéraires ne sont très risqués. Mais il arrive quand même qu’il faille
apprendre à des gens à marcher…
Etudiant : D’autres accompagnateurs que j’ai pu rencontrés n’étaient pas très optimistes quand
à l’avenir de votre profession dans le sens où maintenant les clients peuvent acheter un topo-
guide à sept euros et ont tendance à de plus en plus s’autonomiser.. Qu’en pensez vous ?
Mme C : Je pense que le topo guide ne remplacera jamais la relation avec l’accompagnateur. Le topo-
guide, c’est un morceau de papier avec des couleurs et je pense qu’il ne remplacera jamais la
personne. Ça ne remplacera jamais le contact humain, et c’est ça que recherche les gens, la
proximité… Donc si on sait communiquer là dessus, le topo-guide ne fera pas concurrence.
142
Le danger du topo-guide, je le vois plutôt du côté de la sécurité. En effet, certains sentiers balisés sont
sur des itinéraires risqués et par temps de brouillard, pour des gens qui ne connaissent pas l’endroit,
cela peut s’avérer dangereux.
Mais je pense qu’il y a aussi un travail de partenariat à faire avec les offices de tourisme, pour que
l’office de tourisme fasse plus la promotion de nos randonnées que celle du topo-guide.
Mais, dans la société actuelle avec le manque de rapports entre les hommes, je pense que notre métier
(animateur, interprète), qui consiste à « donner de l’humain », n’est pas encore perdu.
Mme C : Oui, oui, oui, le SNAM est intéressant, car d’un point de vue historique, il a défendu la
profession, l’a valorisé et c’est un organe représentatif… je ne suis pas trop investie dans le SNAM, il
faudrait que vous rencontriez Mr S, qui lui est le président du SNAM 09. Mais oui c’est important,
c’est la voix des accompagnateurs. Il y a vraiment un travail de concertation, tous les accompagnateurs
sont consultés… Il est force de propositions, je le vois comme un organe très dynamique… je me
retrouve tout à fait là dedans, dans les actions du SNAM, même si je ne vais pas trop aux réunions, car
je suis déjà dans pas mal d’associations… mais là ligne qui suivent me convient. Et je pense que les
syndicats d’accompagnateurs, de guides, de moniteur de ski, sont des groupements très puissants qui
ont permis de sauvegarder ces secteurs.
Etudiant : par rapport à la saisonnalité, c’est un métier où l’on travaille principalement l’été…
Mme C : euh, non, été hiver, l’hiver avec les raquettes, et justement parce que les gens n’osent pas
trop s’aventurer tout seul en raquettes. Donc là, l’aspect sécurité nous amène un public différent de
l’été. Enfin, on a les gens qui viennent pour avoir des commentaires, ce sont des gens qui randonne
l’été tout seul, mais qui viennent nous voir l’hiver car ils ne veulent pas se préoccuper de la neige.
Etudiant : oui, mais que pensez-vous des stations qui proposent des sentiers raquettes balisés ?
Mme C : Alors ça, ça n’a absolument aucun intérêt, ni pour eux ni pour nous. À part peut-être pour
mamy ou le bébé de deux ans…
Mme C : Ben, disons que le principe de la raquette c’est de marcher dans de la neige vierge, alors si
elle est damée et c’est pas intéressant. Par contre, si les stations commencent créer des circuits non
damés avec un balisage, là ça commence à être plus ennuyeux… mais en termes de responsabilité et
d’assurance je ne pense pas qu’ils puissent le faire.
Mme C : Oui nous, avec Guzet. Nous sommes en partenariat avec l’école de ski de Guzet qui nous
vend des demi-journées raquettes tous les après-midi durant les vacances scolaires (noël et février).
Nous étions souvent remplis, donc oui ça marche bien.
Etudiant : Une question un peu plus générale, que pensez-vous projet de la FCAMP, de réaliser
une étude de l’impact socio-économique du métier d’accompagnateur sur un territoire ? Pensez-
vous que c’est nécessaire ?
Mme C : Oui, cela peut être extrêmement intéressant si cela donne lieu à une base de données à
laquelle chaque accompagnateur puisse accéder, afin de voir les pistes de développement possibles.
Car c’est vrai qu’en travaillant, on a peu de temps pour se pencher sur l’évolution de la demande, alors
si l’étude permet de mettre en adéquation l’offre et la demande, ce sera très intéressant de savoir quels
produits mettre en place.
143
Etudiant : Globalement, êtes vous optimiste quant à l’avenir de la profession ? L’évolution de
votre activité est-elle positive dans le temps ?
Mme C : Au niveau du public d’individuels, avec la crise je pense, ça n’augmentera pas trop… il y a
peut-être un travail à faire au niveau de la communication. Par contre, on a pas mal de nouveaux
marchés avec des centres de vacances, comités d’entreprise qui sont à la recherche de « tout
compris ». Et puis, il faut faire des produits phares, c’est du marketing après… et puis il faut aussi
penser à la diversification. Moi, je vois le métier d’accompagnateur au sein d’un développement
montagnard au sens large. Ne pas garder une vision sectorielle, mais faire fonctionner l’agriculture, le
tourisme et l’artisanat ensemble. Et c’est un peu ce qu’on cherche à faire avec le réseau label
montagne : développer les interrelations entre professionnels de la montagne, à l’image de l’équilibre
d’un écosystème. De plus, je pense que ça répond aussi à la demande de plus en plus de clients.
Etudiant : En effet, vous les AMC avec le réseau la montagne, vous vous placez dans une
démarche de développement local ?
Mme C : oui, je pense il y a une volonté de développement local, de vie locale en fait. Les acteurs du
territoire ne doit pas faire un plus un plus, cela doit être un tout, et il faut que l’on arrive à travailler
ensemble. Ce n’est pas évident, car nous sommes tous dans des logiques sectorielles depuis
longtemps. Il faut que chacun est envie de se regrouper, il faut une démarche volontaire. Nous avons la
démarche, il faut maintenant fédérer.
Etudiant : pensez-vous vraiment que le métier d’accompagnateur soit un métier à temps plein ?
Mme C : Et bien, non vu l’activité telle qu’elle est, je pense que la pluriactivité est nécessaire.
Maintenant, il est vrai qu’en travaillant avec des classes de découverte par exemple cela peut faire un
bon complément d’activité car eux ils sont hors des temps de vacances. Et puis après en saison
travailler avec des centres de vacances et des individuels cela pourrait peut-être marcher. Mais, il n’est
quand même pas évident d’en vivre à temps plein. En plus de ça, je pense qu’avoir un travail à côté
permet d’enrichir la personnalité et le discours de l’accompagnateur. Donc dans un sens je pense qu’il
est intéressant avoir un autre travail à côté.
Remerciements et fin
144
Annexe 3. Schéma de typologies des clientèles
Pour essayer de résumer le « processus touristique », nous avons construit le schéma suivant :
Terrain de
Randonnée
Terrain de
Randonnée
LEGENDE :
Territoire concerné
Les « 100% » : Clients qui ont prévu à l’avance leur séjour avec un accompagnateur,
La randonnée accompagnée est la raison principale de leur déplacement
Les « Passagers» : Clients en séjour sur le territoire, et qui ne font pas appel à
l’accompagnateur.
Clients « Passagers AMM », qui sont amenés à prendre les services d’un AMM.
L’AMM n’est pas la raison première du déplacement, il est plus considéré comme un
« plus produit ».
145
Les « Electrons libres » : Clients qui viennent randonner sans AMM (libre) et qui ne
consomme rien sur le territoire, mais ils donneront leur perception de l’AMM (qu’est
ce qu’il représente pour eux ? Comment le définisse t-il ? Pourquoi ne pas avoir
recours à son offre ?)
Le schéma ci-dessus essaie de montrer les différents comportements envisageables du touriste avec les
effets qu’ils induisent. Il nous a permis de dresser trois typologies différentes (client A, B et C). A
travers l’étude de ces trois typologies, nous pourrons tenter de répondre aux interrogations émises plus
haut.
Tout d’abord, seuls les 100% permettront d’apprécier l’impact économique réel de l’accompagnateur
sur le territoire. En effet, l’ensemble des dépenses occasionnées pendant le séjour sera lié à son activité
car l’AMM constitue la raison principale du déplacement du touriste. L’AMM est le premier
intermédiaire entre le client et le territoire. Il conviendra de quantifier cet impact économique et
d’analyser dans quelle mesure l’offre vendue fait appel à des services touristiques partenaires ou
annexes (hébergeurs, produits locaux) payants. Car, dans le cas où l’offre proposée ne contiendrait
aucuns services touristiques (accompagnement sec), l’accompagnateur pourrait être perçue comme un
acteur qui appauvrit le territoire128.
Les retombées générées par les Passagers (dans le cas où l’AMM est sollicité) ne peuvent être
analysées de la même façon. Les retombées économiques du séjour ne sont ici, pas uniquement dues à
l’AMM. L’accompagnateur est un simple acteur touristique au même titre qu’un site touristique ou un
hébergeur. Il fait partie d’un ensemble.
Nous étudierons toutefois dans quelle mesure la présence de l’accompagnateur conditionne t-elle la
venue du touriste sur le territoire, comment est perçue son offre par la clientèle et en quoi cette offre
peut provoquer un séjour ultérieur.
Enfin, l’étude de la troisième et dernière typologie, à savoir les Electrons libres, permettra de mesurer
la notoriété de l’AMM. Cette troisième catégorie se compose de randonneurs « libres » qui se rendent
sur le territoire pour pratiquer la randonnée sans rien consommer. Auprès de cette clientèle, nous nous
efforcerons de comprendre quelle est leur vision de l’AMM, et pourquoi préfèrent-ils randonner seuls.
L’approche sociale sera privilégiée.
128
Exemple : Une famille décide de faire appel à un accompagnateur pour la journée. Celui-ci leur demande de
prévoir un pique nique pour la sortie. La famille (prévoyante), achète ce dont elle besoin avant de partir
(nourriture, matériel, carburant pour trajet) et se rend chez l’accompagnateur qui assure la randonnée. A la fin
de la journée, la famille rentre chez elle. Quelles sont les retombées pour le territoire ? Non seulement, la
famille ne consomme pas (hormis la prestation de l’AMM), mais en plus elle génère des charges (Déchets…).
Dans ce cas présent, on est peut s’interroger sur le rôle de l’AMM dans le développement du territoire.
146
Annexe 4 : Publicité du Comité départemental des Hautes Alpes
Offre de
l’accompagnateur : faune,
flore, aquarelle
Prestation d’accompagnement
inclus dans une offre globale, en
formule « tout compris ».
Montagne + découverte +
ludisme + Confort + services
147
Bibliographie
Ouvrages généraux
ATTAC, Le développement a-t-il un avenir : pour une société économe et solidaire, Mille et
une nuits, 2003, 242 p.
BELLEFON Renaud, Histoire des guides de montagne Alpes Pyrénées, CAIRN, MILAN,
2003, 551 p.
BESSY Olivier, Sport, loisirs, tourisme et développement des territoires, Editions PUS
(presse universitaire du sport), Août 2008, 170 p.
BOURDEAU Philippe, Les sports d’hivers en mutation, Hermes sciences, Lavoisier, 2007,
231 p.
BOURDEAU Philippe, La montagne, terrain de jeu et d’enjeux, ed. du Fournel, 2006, 205 p.
CORNELOUP Jean, sciences sociales et loisirs sportifs de nature, ed. du Fournel, 2007,390p.
Rapports/Etudes/Dossiers
Ministère de la santé, jeunesse et sport, Sports de nature, repère et actions, Août 2007
ODIT France, Les chiffres clés du tourisme en montagne, Edition 2005, ODIT France, Paris
2006
ODIT France, Le tourisme estival en France, approche comparative des massifs français et
étrangers, propositions pour dynamiser le marché français, ODIT France, paris, 2008
ODIT France-TNS SOFRES, Focus sur les séjours à la montagne, Décembre 2008 et Janvier
2009
Pôle Ressource National des sports de nature, Enquête sur les éducateurs déclarés "sports de
nature », 2005
TRACE TPI, ALTIMAX ET VERSANT SUD, Etude Sports de nature en Midi Pyrénées,
poids socio économique/emploi/développement des territoires, 2008.
VAN LIERGUE Nadège, Sports de nature, outils pratiques pour leur gestion, Cahiers
techniques N°80, L’ATELIER, 2007, 72 p.
Travaux universitaires
149
Actes de colloques
Périodiques
Les cahiers espaces, Sport de nature : évolution de l’offre et de la demande, n°81, mai 2004
Montagne mediterranéennes, les métiers du sport et du tourisme dans les espaces ruraux et
montagnards, N°13, « L’évolution aux métiers du tourisme au regard des mutations du
tourisme en montagne et dans le monde rural », p 37 à 41 et « Les métiers du sport et du
tourisme, dans les espaces ruraux et montagnards » 2001
Sites Internet
150
Table des matières
Remerciements ......................................................................................................................... 4
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 5
Synthèse de la démarche de recherche ................................................................................... 9
152
Chapitre 2 : L’accompagnateur, un acteur inscrit dans le processus de développement et
en phase avec la demande...................................................................................................... 71
1. L’accompagnateur dans le processus touristique ........................................................... 71
2. Analyse historique des rapports de l’homme à la montagne ......................................... 73
2.1. Un acteur en phase avec la demande............................................................................. 73
2.1.1 Le développement de l’itinérance ........................................................................... 75
2.2 L’accompagnateur, un intermédiaire nécessaire ............................................................ 76
2.2.1 Le médiateur de l’espace montagnard .................................................................... 77
2.2.2 Entre connaissance et sécurité................................................................................ 77
2.3 L’accompagnateur et l’éducation à l’environnement..................................................... 78
Chapitre 3 : l’AMM, un rôle dans l’économie et la structuration du territoire............... 80
1. Le rôle de l’accompagnateur dans le tissu économique du territoire............................ 80
1.1 La difficulté de mesurer l’impact économique de la randonnée .................................... 80
1.2 L’impact économique des accompagnateurs : trop peu de données .............................. 81
2. Désacralisation des pratiques de haute montagne .......................................................... 82
2.1 L’exemple de la vallée de la Vallouise .......................................................................... 82
2.2 Des structures polyvalentes adaptées aux tendances de consommation. ....................... 83
154