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Avertissement : consécration textuelle de la garantie autonome par l'ordonnance n°2006-346 du
23 mars 2006 relative aux sûretés.
L'ordonnance du 23 mars 2006 a donc inséré la garantie autonome dans le nouveau Livre IV du
Code civil : « Des sûretés ». Elle se limite en fait à en donner la définition dans le Chapitre II : « De la
garantie autonome » du Titre 1er : « Des sûretés personnelles », à l'article 2321 nouveau aux termes
duquel « la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une
obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des
modalités convenues (al. 1). Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du
bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre (al. 2). Le garant ne peut opposer
aucune exception tenant à l'obligation garantie (al. 3). Sauf convention contraire, cette sûreté ne
suit pas l'obligation garantie (al. 4) ».
Remarque
Dispositions limitatives du champ d'application de la garantie autonome. Interdiction de souscrire
une garantie autonome en matière de droit de la consommation (C. consom., art. L. 313-10-1
nouveau), et possibilité restreinte en matière de baux d'habitation (L. n°89-462 du 6 juill. 1989, art.
22-1-1 nouveau).
Notion :
Nouveau type de sûreté personnelle, désormais consacrée dans le Livre IV du Code civil (v. plus
haut), la garantie autonome est, selon une définition donnée par la doctrine, "un engagement de
payer une certaine somme, pris en considération d'un contrat de base et à titre de garantie de
son exécution, mais constitutif d'une obligation indépendante et caractérisé par l'inopposabilité des
exceptions tirées de ce contrat ", (cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°269, p. 2 ) .
Comme le cautionnement, la garantie autonome est un engagement personnel pris par un tiers en
guise de sûreté de la dette du débiteur principal, mais dans lequel, c'est là la grande différence, le
garant ne s'oblige pas à payer la dette du débiteur ni à se substituer à lui : il prend un engagement
qui est détaché du contrat de base. La garantie est «autonome» et non plus accessoire (V. entre
autres illustrations, Cass. com. 11 juin 2002, Bull. civ. IV, n°101 ; D. 2002, p. 3332, obs. L. Aynès :
ne donne pas de base légale à sa décision de qualifier cautionnement une convention dite de «
participation aux risques d'une opération de crédit » une cour d'appel qui a relevé que la banque
s'était engagée à garantir le « risque de l'opération » subi par le prêteur en cas de non-paiement
du crédit, calculé après revente du matériel et recours contre le défaillant et ses garants, ce dont il
résulte que l'engagement de la banque n'avait pas pour objet la propre dette du débiteur principal).
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Jurisprudence
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi jugé, dans un arrêt de principe du 13
décembre 1994, qu'un acte intitulé «engagement autonome de garantie exécutable à première
demande», avec une mention manuscrite répétant les mêmes termes, mais portant garantie du
remboursement des «sommes dues par le débiteur comme décrit ci-dessus», n'était pas une
garantie autonome car « en dépit de l'intitulé de l'acte et de la mention, même manuscrite, de
paiement à première demande, l'engagement litigieux [avait] pour objet la propre dette du débiteur
principal » (v. aussi Cass. com., 14 juin 2000 et 27 juin 2000).
Il faut préciser, néanmoins, que la simple référence au contrat de base n'emportera pas
disqualification de la garantie autonome dès lors que son efficacité, son étendue, son extinction
seront bien déterminées par les seules stipulations du contrat de garantie (Cass. com., 18 mai
1999) , et que le garant ne pourra donc opposer au bénéficiaire aucune exception tirée du contrat
de base.La garantie autonome est une création de la pratique bancaire étrangère qui s'est introduite
en France dans les années 1980, où elle a vite joué le rôle d'un «super-cautionnement». Elle a été
consacrée par trois arrêts de la Cour de cassation de 1982 et 1983.
Dans les deux premiers arrêts, du 20 décembre 1982, il s'agissait de savoir si la banque garante
avait la possibilité d'opposer au créancier bénéficiaire l'exception de nullité du contrat de base. La
Chambre commerciale le refuse : « Paribas s'est engagé envers la société Creusot-Loire à la payer
à première demande...cet engagement ne constituait pas un cautionnement mais une garantie
autonome, ce qui interdisait à la banque de se prévaloir, en l'état, des exceptions que la société
Siegfried [le donneur d'ordre] pouvait opposer à la société Creusot-Loire, tenant à l'inexécution
du contrat les unissant » (1er arrêt). Un tel engagement, « autonome à l'égard du contrat de
base,...était régi par les seules dispositions de la lettre de garantie » (2e arrêt).Dans le troisième
arrêt, en date du 13 décembre 1983, la Chambre commerciale affirme qu'une éventuelle nullité de
l'obligation principale garantie « serait sans influence sur l'engagement indépendant de la banque
contregarante ».
Un autre grand trait des garanties autonomes est à déduire de l'absence, jusqu'à l'ordonnance du 23
mars 2006, de normes légales nationales les régissant : elles ont toujours été une pure émanation
de la liberté contractuelle, et la définition de base qu'en a donné l'article 2321 du Code civil ne
change pas fondamentalement, à notre avis, cette situation. Leur validité prend ainsi toujours pour
appui, à côté de ce nouveau texte, l'article 1134 du Code civil, et leur variété est en principe illimitée.
On essaiera néanmoins de dégager les caractères (section 1) et le régime de base des garanties
autonomes (section 2).
§ 1. L'autonomie
Sens de l'expression :
Le concept d'autonomie doit être bien compris parce que toute garantie, même présentée comme
indépendante, suppose immanquablement quelque chose à garantir, c'est-à-dire une obligation
principale en considération de laquelle elle est mise en place.
Mais ainsi que l'explique la doctrine, le lien s'arrête là, au stade précontractuel en quelque sorte, et il
est rompu dès le moment de la souscription de la garantie qui acquiert instantanément son autonomie
à l'égard du contrat de base. L'existence de cette garantie, son régime et son extinction, sont alors
indépendants de celui-ci (cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°284, p. 249) . Le garant
contracte ainsi un engagement nouveau dont l'objet est déterminé de manière autonome par rapport
à l'obligation garantie. Il ne s'engage pas à payer la dette du débiteur principal ni à se substituer à lui
comme dans le cautionnement (si c'est le cas, la garantie sera disqualifiée en cautionnement : Cass.
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com. 8 oct. 2003, deux arrêts, v. JCP G 2004, I, 141, n°8, obs. Ph. Simler), mais à payer à première
demande du bénéficiaire une certaine somme, ce qui explique que la garantie autonome peut elle
excéder ce qui est dû par le débiteur ou être contractée sous des conditions plus onéreuses.
Jurisprudence
Le garant ne pourra en effet opposer au bénéficiaire qui réclame l'exécution que les seules
exceptions issues du contrat de garantie, et non la nullité du contrat de base (Cass. com., 13 déc.
1983) , sa résiliation ou sa résolution (CA Paris, 15 déc. 1991) , son exécution (Cass. com., 18 mai
1999) , enfin aucune cause d'extinction de la dette principale garantie telle que la novation (Cass.
com., 15 nov. 1994) , la confusion ou la compensation (CA Paris, 7 nov. 1983), ou même le défaut
de déclaration de la créance dans la procédure collective du débiteur (cass. com., 30 janv. 2001,
Bull. civ.IV, n°25 ; JCP E 2001, p. 568, note D. Legeais ; D. 2001, somm. 3426, obs. A. Honorat).
La garantie autonome, on le voit, est un mécanisme implacable dès lors qu'elle est mise en action.
La seule soupape de sécurité admise en jurisprudence est l'hypothèse d'un appel «manifestement
abusif» de la garantie, sur laquelle on reviendra plus loin.
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Section 2. Le régime de base des garanties autonomes
§ 1. Les conditions de formation et de preuve
Droit commun :
Emanations de la liberté contractuelle, les garanties autonomes sont soumises au droit commun des
contrats en ce qui concerne leurs conditions de validité, ainsi qu'à celui des règles de preuve.
S'agissant des conditions de validité du contrat constitutif d'une garantie autonome, on peut d'abord
faire quelques observations sur le consentement. Bien entendu, la garantie à première demande
requiert la rencontre des consentements du garant et du bénéficiaire. Mais lorsque la garantie
autonome est donnée par un professionnel avisé, on peut être moins «regardant» sur l'existence et
la qualité du consentement : un banquier sait en général à quoi il s'engage ! En revanche, lorsque
la garantie autonome est donnée par un profane, l'exigence «qualitative» est accrue, et l'existence
et le caractère réfléchi du consentement doivent être vérifiés avec soin par le juge.
La capacité, ensuite, n'appelle pas d'observations particulières. Comme le garant contracte une
obligation personnelle susceptible d'engager son patrimoine, il doit, comme la caution, être capable
de s'engager.La cause, quant à elle, a suscité un intense débat doctrinal autour du caractère abstrait
ou causé de la garantie autonome (sur lequel, v. M. Cabrillac et C. Mouly, op. cit., n°426 s., p. 417).
Sachant que le rôle de la cause est limité en la matière, il est inutile d'y revenir. On n'oubliera tout
de même pas que l'article 1131 du Code civil dispose que « l'obligation sans cause, ou sur une
fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet », et que si on cherche à savoir
pourquoi le garant s'engage, la réponse est assez simple : il s'engage pour permettre au donneur
d'ordre d'obtenir l'avantage subordonné à la garantie (en ce sens, Ph. Simler et Ph. Delebecque,
op. cit., n°219, p. 223) .
Jurisprudence
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a d'ailleurs consacré le caractère causé de
la garantie autonome dans un arrêt du 19 avril 2005, affirmant que « l'engagement d'un garant
à première demande est causé dès lors que le donneur d'ordre a un intérêt économique à la
conclusion du contrat de base, peu important qu'il n'y soit pas partie » (Bull. civ. IV, n°91 ; JCP G
2005, I, 185, n°9, obs. Ph. Simler, et II, 10075, note Ph. Pétel ; JCP E 2005, 916, note J. Stouflet).
S'agissant des règles de preuve, elles revêtent une véritable importance du fait que l'engagement
de garantie autonome est régi par ses seules dispositions. On a justement relevé que pendant
longtemps cette sûreté avait le caractère d'un acte de commerce parce qu'elle était souscrite entre
commerçants, d'où l'application de l'article L. 110-3 du Code de commerce relatif à la liberté de
la preuve (v. S. Piedelièvre, op. cit., p. 108) .Mais les temps ont changé, et comme des garanties
autonomes sont désormais souscrites par des particuliers non commerçants les règles du droit
commun de la preuve ont vocation à s'appliquer. L'article 1341 du Code civil, mais aussi, parce que la
garantie autonome constitue un engagement unilatéral de payer une somme d'argent, l'article 1326.
A cet égard, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt en date du 10
janvier 1995, que « la preuve d'un engagement, serait-il autonome..., peut résulter de la souscription
d'un acte écrit, même imparfait au regard de l'article 1326 du Code civil, dès lors qu'en tant que
commencement de preuve par écrit, il est complété par un élément extrinsèque établissant que la
personne engagée avait une exacte conscience de la nature et de la portée de l'obligation ». (Bull.
civ. IV, n°13 ; D. 1995, p. 201, note L. Aynès ; JCP G 1995, II, ,22397, note M. Billiau. Un arrêt de
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cette même Chambre commerciale, en date du 10 décembre 2002 (n°97-13330 ; JCP G 2003, I,
176, n°10, obs. Ph. Simler), a réaffirmé que l'article 1326 du Code civil était applicable à la garantie
autonome, souscrite en l'espèce par un gérant de société (lequel n'est pas un commerçant).
La question la plus importante que pose l'appel en garantie est celle de savoir si le garant, qui
doit s'exécuter sur-le-champ, a néanmoins, malgré le principe de l'inopposabilité des exceptions, le
moyen de s'opposer à l'exécution. Si la garantie a été effectivement exécutée par le garant, et elle
l'aura été dans l'immense majorité des cas, des recours sont alors ouverts.
Principe du paiement immédiat : La demande d'exécution étant régie par les seules dispositions
de la lettre de garantie (qui doit bien sûr avoir lieu avant l'expiration de celle-ci, autrement l'obligation
s'éteint : Cass. com., 12 juill. 2005, Bull. civ. IV, n°161 ; JCP G 2005, I, 185, n°10, obs. Ph. Simler ; D.
2005, p. 2214, obs. X. Delpech), elle doit en respecter les formes et les modalités. Si l'engagement
est réputé pur et simple ou la garantie payable à première demande du bénéficiaire, le garant devra
en principe s'exécuter sans délai. Il engagerait sa responsabilité s'il différait l'exécution de la garantie,
même à la demande expresse du donneur d'ordre (Cass. com., 20 déc. 1982, Bull. civ. IV, n°417 ;
D. 1983, p. 365, note M. Vasseur) . Un certain formalisme s'impose cependant dans la mesure où
la garantie doit être appelée par le bénéficiaire. On a relevé que la forme de l'appel était a priori
indifférente mais que le garant devra démontrer au donneur d'ordre qu'il a effectivement effectué le
paiement, ce qui peut rendre un écrit nécessaire (cf. S. Piedelièvre, op. cit., p. 112) .
Les recours après paiement :Trois types de recours peuvent être exercés après le paiement de la
garantie (v. S. Piedelièvre, op. cit., p. 115 s.) . Le premier recours, celui du garant contre le donneur
d'ordre, s'exerce dans tous les cas car le garant a agi sur ordre. Les deux autres recours sont plus
hypothétiques : l'un appartient au donneur d'ordre contre le bénéficiaire en cas de paiement injustifié
de la garantie, l'autre est celui du garant de premier rang contre un éventuel contre-garant.Le recours,
personnel, du garant contre le donneur d'ordre ne soulève pas de difficultés particulières. En payant
la somme promise, le garant libère à due concurrence le donneur d'ordre et lui rend un service qui
l'appauvrit. Il doit être remboursé.Le recours, en cas de paiement injustifié, du donneur d'ordre contre
le bénéficiaire n'en pose pas davantage.
Jurisprudence
Ainsi que l'a affirmé la Cour de cassation, « le donneur d'ordre d'une garantie à première demande
est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir
que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres
obligations contractuelles, ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du
cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à
justifier d'une fraude ou d'un abus manifeste » (Cass. com., 7 juin 1994) .
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