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La construction de I’hétel particulier par la famille Prouvost Nous avons retenu le nom « Hétel particulier Lepoutre » a posteriori, mais celui-ci a été construit pour la famille Prouvost vers 1868. Quelques années auparavant (en 1851), Amédée Prouvost fonda avec les Fréres Lefebvre une usine de peignage mécanique de la laine, rue du Fort 4 Roubaix. La grande qualité de ses peignés lui valut une renommée internationale. Ce peignage, considéré a I'6poque comme le plus grand de France, a donné naissance a la Lainiére de Roubaix en 1911 (créée par son fils, Jean). Par la suite, la famille exporta ses usines a I'étranger, en Amérique du Nord et Espagne, notamment. Amédée et Joséphine Prouvost ont élevé leurs trois fils et leurs trois filles dans cet hétel particulier. Amédée décéda dans les lieux en 1885 et sa femme, Joséphine née Yon, vécut ici jusqu’en 1902. Une architecture typique du 18éme siécle Cet hétel particulier a été construit entre cour et jardin, selon une disposition typique du 18éme siécle parisien. En facade, le batiment ne laisse pas deviner le prestige de I’édifice intérieur. Depuis le trottoir, on n‘entrevoit que la conciergerie et la porte cochére. La facade sur cour doit son originalité au perron semi-circulaire garni de balustres et muni de quatre colonnes construites d'un seul bloc de pierre. Lintérieur a © Erwan Le Moigne quasiment conservé son agencement et ses décorations originelles, notamment des plafonds en stuc richement sculptés. installation de la famille Lepoutre Apres le décés de Madame Prouvost, Jeanne et Augustin Lepoutre louérent I'édifice de 1902 a 1918 auprés de l'entreprise Prouvost SA. Eux-mémes travaillaient la laine et leur usine se trouvait de l'autre coté de la rue Pellart, en face de I'hétel particulier. La famille Lepoutre a marqué Vindustrie textile a travers le monde, particuli¢rement 4 Woonsocket (Rhode Island) aux Etats Unis. En 1899, Augustin Lepoutre y introduisit une technique francaise de filature au sec dans leur usine Lafayette Worsted Mills. Les fils d’Augustin Lepoutre achetérent ensuite le batiment, qui resta dans la famille jusqu’en 1940. La période de la seconde guerre mondiale La Ville de Roubaix fut occupée du 28 mai 1940 au 3 septembre 1944. Lors de l'occupation allemande, Madame Lepoutre quitta la région pour se réfugier en Normandie ot elle passa la plus grande partie de la 2nde guerre mondiale. L’hétel, vide, fut loué aux sergents de ville, I'€quivalent des policiers municipaux aujourd'hui. En 1942, il devint le commissariat central pour le régime de Vichy. Si les commissariats dépendaient de Vichy, ce n‘est pas pour autant que le personnel s'est nécessairement soumis aux ordres qui émanaient du gouvernement. En témoigne la parole de Madame Dieu, fille du commissaire Honoré Dieu : « [Mon pére] appartenait aux Forces Frangaises Combattantes de /'Intérieur et n‘a pas remis les armes du commissariat central alennemi ni a ses complices ; il a établi de nombreuses cartes d'identité. Recherché par la Police de Sdreté, il a quitté son poste en 1944 en emportant les archives politiques du District de Roubaix. ». Le commissariat central de Roubaix Ala signature de l'armistice, I'hétel devient le commissariat central de Roubaix jusqu’en 1990. L'administration acheta finalement le batiment en 1957 au prix de 17 millions d’anciens francs (env. 26 000 €). L'annexe du Lycée Saint Martin De 1990 a 1993, il fut utilisé comme annexe du Lycée Saint Martin (qui se trouve aujourd'hui rue de Lille). L’emménagement d'associations musicales A partir de 1993, trois associations musicales s'y installent : 'ARA, Live et Radio Boomerang. L’ARA - Autour des Rythmes Actuels est créée en 1988 a Lille puis s‘installe dans le corps principal de I'Hétel Lepoutre en 1993. L’association LIVE qui gére le Bar Live s'est installé dans I'ancienne conciergerie, de l'autre cété de la cour. Au méme moment, Radio Boomerang a posé ses micros dans une annexe qui n’existe plus aujourd'hui. Leurs locaux sont désormais rue de Lille, toujours 4 Roubaix ! En 2003, I'hdtel a été menacé de démolition quand le projet Géant Casino, voisin du batiment, a vu le jour. Par chance, son inscription a l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 30 avril 1999 I'a sauvé ! Sa rénovation s'est déroulée de 2002 a 2005. Les locaux ont été réhabilités pour répondre aux besoins des activités musicales de 'ARA (insonorisation des salles de cours, création d'un studio d’enregistrement et d'une salle de spectacle...) et de Live. © Charles Delcourt Light Motiv BLE REZ-DE-CHAUSSEE = Epoque “ I Prouvost L a '.. - Lepoutre ees = es | (1868 - 1940) Epoque Commissariat (1942 - 1990) ARA (1990 - Aujourd’hui) Le grand couloir Ce grand couloir dessert toutes les piéces du rez-de-chaussée et crée une séparation entre les piéces donnant sur la cour et les piéces cété jardin. Aujourd’hui, les apprenti-e-s musicien-ne:s de 'ARA I'empruntent chaque semaine pour se rendre a leur cours de musique ! La salle de réception Les réceptions constituaient des moments trés importants dans la société bourgeoise. Elles étaient l'occasion pour les grandes familles d’afficher leur réussite et de maintenir la cohésion entre les grands industriels. Les femmes se retrouvaient d’ailleurs quotidiennement pour prendre le thé en fin daprés-midi. Ces visites sociales leur permettaient de marquer leur rang. Nous pouvons supposer que les fantémes de la famille Prouvost apprécient que leur demeure accueille désormais une école de musique. En effet, les moulures du plafond ainsi que la fenétre en verre dépoli mettent en évidence I'attrait des Prouvost pour l'art et la musique. Des instruments de musique ornent la fenétre et les moulures. On y retrouve par ailleurs des symboles d’abondance tels que des corbeilles de fruits avec des raisins et fruits exotiques. La feuille de chéne, symbole de puissance, y est également représentée de méme que le flambeau, symbole trés répandu au 19émesiécle pour évoquer I'esprit, les sciences, le savoir. Cette piéce est devenue le bureau du commissaire durant la période de la 2nde guerre mondiale. Aujourd’hui, I'ARA y a installé son accueil. Chaque soir de cours, les apprenti-e's musicien-ne:s se présentent ici avant de rejoindre leur professeur-e, dans les salles situées au premier étage ou au sous-sol. C'est a la fois un lieu de passage, de détente et de discussions ! La salle 4 manger De grandes portes séparent la salle 4 manger de la salle de réception. Lorsqurelles étaient ouvertes ces deux piéces n’en formaient plus qu'une pour accueillir un grand nombre de convives ! Tout comme dans la salle de réception, des cornes d'abondance ornent les moulures pour témoigner de la richesse de la famille qui vivait ici. Cette piéce est restée inchangée depuis I'époque Prouvost-Lepoutre : les couleurs et les décors d'origine ont été préservés, contrairement aux autres salles. Des instruments de musique (tambours, flies...) sont représentés dans les écussons qui habillent la piéce. Une fois de plus, cet endroit était prédestiné a accueillir des activités musicales ! Aujourd'hui, cest le bureau du péle Formation Artistique ou prennent forme les projets de I'ARA liés a I'école de musique ou a Vaccompagnement artistique de musicien-ne:s. Le boudoir COté cour, au rez-de-chaussée, se trouve le boudoir de la grand-mére Prouvost, elle y passait le plus clair de son temps. Un témoignage d’Albert- Eugéne Prouvost, son petit-fils, décrit ainsi le quotidien de son aieule : « Je retrouve encore dans ma mémoire la vaste maison de Ia rue Pellart’ construite par mon grand-pére Amédée Prouvost a proximité du peignage (...). Deux salons, une grande salle a manger, la traditionnelle salle de billard et & droite en rentrant, le bureau (on dirait aujourd'hui le boudoir) de la grand- mére Amédée Prouvost, qui y passait le plus clair de la journée. De 1a, assise devant sa table a’ébéne, en parfaite maitresse de maison, elle organisait et dirigeait tout, veillait au moindre détail de ses nombreuses réceptions. Chaque jour, elle adressait une longue lettre a l'enfant en voyage? , 'intimité de la famille ne devant pas souffrir méme d'une courte absence. ». ‘La rue Pellart s’étendait auparavant de la jonction de la rue du Curé et de la rue du Pays jusqu’a la place d’Audenarde. Une partie de la rue a été absorbée par lavenue des Nations Unies. “Albert Prouvost, pére de auteur. L'escalier principal Un trés bel escalier en fer forgé a été placé a l'extrémité du batiment pour gagner en espace et permettre une meilleure distribution des piaces. La lumiére qui I’éclaire provient d'une jolie verriére en verre dépoli, typique des maisons bourgeoises de la fin du 19eme siécle. Le plafond qui le surplombe est richement décoré. Aux quatre coins, se trouvent des putti (des angelots nus et ailés) dans des écussons. L'un d’eux tient une serpe devant des gerbes de blé, symbole de prospérité, bonheur et fécondité. Bvetace Le couloir du haut Ce couloir ressemble beaucoup a celui du rez-de-chaussée a la différence prés que les décorations y sont bien plus sobres car il dessert les chambres 8 coucher et le salon de musique, des piéces qui n'avaient pas vocation a accueillir de convives. Alépoque du commissariat, il s'agissait essentiellement de bureaux. Aujourd‘hui, on y trouve la salle de cours de guitare, de MAO, de saxophone et de clavier. La chambre a coucher de Madame Lepoutre Homme et femme devaient répondre a une morale familiale et conjugale stricte. Une certaine pudeur présidait dans les relations entre homme et la femme : le couple ne dormait pas dans un lit commun, chacun possédait sa propre chambre... Madame Lepoutre était sans doute loin d'imaginer que sa chambre a coucher serait un jour la salle dans laquelle des apprenti-e-s musicien-nes viennent chaque semaine composer de la musique sur ordinateur !

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