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Chapitre IV : La

pathologie du Béton
1. Les pathologies du béton

Les différentes pathologies pouvant affecter les bétons :


Ces pathologies sont de deux types principaux :
 Mécaniques,
 Physico-chimiques.

Parmi les premières, on rencontre essentiellement des phénomènes de fissuration, liés


à des problèmes structurels ainsi que le problème de retrait.

Dans les secondes, on peut citer :


-Les réactions de gonflement internes (RSI et alcali-réaction),
-La dégradation du béton par l’environnement,
-Les phénomènes de corrosion des armatures,
-Les désordres consécutifs à un incendie.
A. Défauts mécaniques d’ordre structurel :
On rencontre deux types principaux de fissurations d’origine mécanique :

Fissures verticales à mi-portée ou aux appuis.


Fissures inclinées à 45° sur le 1er tiers
de la portée.

Les fissures verticales sont liées à un ferraillage insuffisant dans les zones les plus sollicitées :
-En partie inférieure à mi-portée,
-En partie supérieure (« chapeaux ») aux appuis.
Les fissures à 45° (fissures d’effort tranchant) sont causées par un nombre insuffisant de
cadres aux extrémités.
L’origine de ces désordres peut être liée à une erreur de dimensionnement, à un défaut
d’exécution (erreur dans le ferraillage, décoffrage prématuré) ou à une utilisation anormale
(surcharge d’exploitation).

Poutre

Console (balcon)

Nota : même en l’absence de rupture, les


fissures formées peuvent favoriser d’autres
pathologies dans la structure.
B. Dégradation chimique du béton
 Réactions de gonflement interne :

 Réaction alcali-granulats
Cette réaction se produit entre les alcalins de la solution interstitielle du béton et la silice
ou les silicates de certains granulats. Elle entraîne la formation de gels expansifs qui
provoquent des gonflements et une fissuration du béton.
Pour que la réaction se produise, trois éléments sont nécessaires :
-La présence en quantité suffisante de granulats réactifs (contenant de la silice amorphe
ou incomplètement cristallisés, comme l’opale),
-Une teneur en alcalins (sodium ou potassium) élevée dans la solution interstitielle,
-Une humidité relative ambiante élevée (> 85 %).
 Réaction sulfatique interne (RSI)
Dans le cas d’une élévation importante de température lors du coulage du béton (entre 70
& 90° C, par exemple dans des pièces massives) , l’ettringite primaire qui se forme
initialement à partir des aluminates ne se forme pas ou se décompose puis, lors du
refroidissement, de l’ettringite différée se forme.
Dans un second temps, en présence d’humidité, cette ettringite précipite sous la forme de
sels expansifs qui entraînent la fissuration et l’éclatement du béton.

Des recommandations ont été établies pour limiter l’échauffement du béton, et pour
contrôler la teneur en sulfates et en aluminates du béton.
 Dégradations liées à l’environnement :

 Gel / Dégel – Action des sels


Les effets constatés sont de deux types:
-Eclatements consécutifs au gel à cœur du béton,
-Ecaillage du béton par à proximité de la surface.
Ces dégradations sont liées aux déplacements de l’eau dans les porosités du béton. Ce n’est pas
l’expansion liée au gel (volume de la glace supérieur de 9 % à celui de l’eau) qui entraîne la fissuration,
mais les phénomènes de pression osmotique entre les pores.
Le phénomène est comparable en présence de sels de déverglaçage qui sont surtout à l’origine des
écaillages superficiels. Là encore, le fait que les sels soient hygroscopiques (ils augmentent de volume
en présence d’eau) n’est pas déterminant dans la survenue des fissurations.
L’importance des désordres est directement imputable à la répétition des cycles gel- dégel ou
humidification-séchage.
 Eaux et sols acides
Les eaux naturelles sont agressives vis-à-vis du béton : le CO2 dissous qu’elle contiennent peut
dissoudre la chaux du béton, puis les autres constituants de la phase liante.
La dissolution de la phase liante entraîne une augmentation de la porosité du béton et on observe un
aspect superficiel dégradé avec des coule
ures blanchâtres et un déchaussement des granulats, puis une décomposition du béton dans la
phase ultime du phénomène.
Les acides organiques ou minéraux ont un effet identique, mais beaucoup plus intense.
Les sols acides (sols riches en matières organiques : tourbières, marécages) présentent les mêmes
risques, surtout s’ils sont fortement humides.
On se prémunit contre ces risques en utilisant des ciments pauvres en chaux.
 Attaques sulfatiques

En présence de sulfates, de calcium et d’aluminates (apportés par les C3A du ciment), des
sels expansifs (ettringite, thaumasite) précipitent dans les pores du béton et les fortes
pression de cristallisation entraînent la fissuration du béton, voire sa destruction.

Ettringite primaire Ettringite secondaire Thaumasite expansive


(faciès en « oursins ») expansive
Forme normale Formes pathologiques
 Attaque bactérienne
Ce phénomène se rencontre essentiellement dans les réseaux d’égouts et les stations d’épuration.

Biotope aérobie :
thiobacilles

H2SO4, SO42-

H2S

Eaux résiduaires
Biotope anaérobie :
bactéries sulfato-réductrices
 Milieu marin
 Facteurs physiques :

Action des vagues (abrasion) et cycles humidification / séchage (absorption et évaporation


de l’eau)

 Facteurs chimiques :

- Formation de sels expansifs : sulfates,

- Dissolution de la phase liante : échanges ioniques Ca2+  Mg2+ avec formation


de bructeMg(OH)2 et de silicates de magnésium hydratés M-S-H sans propriétés liantes.

- Action des chlorures sur les armatures.


On peut distinguer 3 zones distinctes dans les structures exposées à l’ambiance marine :

- La zone immergée : les altérations sont modérées pour un béton compact (système
saturé en eau).

- La zone de marnage : il s’agit généralement de la zone la plus critique, en raison des


effets cumulée mécaniques, physiques et chimiques (action mécanique des vagues,
cycles humidification-séchage).

-La zone émergée (éclaboussures et embruns) : le risque essentiel d’altération concerne


principalement la corrosion des armatures en raison des chlorures.
 La corrosion des armatures

 origines du phénomène
La corrosion des armatures se produit en présence :
 d’eau
 d’oxygène
Elle est favorisée par :
 le CO2
 les chlorures
La qualité d’exécution du béton est un facteur essentiel dans l’apparition des désordres :
 présence de fissures
 ségrégation du béton
 porosité importante
 enrobage des armatures
 Carbonatation
Dans le béton, l’acier se trouve dans un milieu de pH élevé qui est environ de 13 , en situation
de passivation.
Toutefois, l’alcalinité du béton est progressivement neutralisée par le CO2 atmosphérique qui se
combine avec la portlandite suivant la relation :
Ca(OH)2 + CO2  CaCO3 + H2O
On parle de Carbonatation du béton. Ce phénomène entraîne une diminution du pH de la solution
interstitielle qui passivait les armatures ; lorsque la zone carbonatée atteint le niveau des aciers, la
corrosion peut alors s’amorcer.

La vitesse de carbonatation obéit à la loi X = K et , avec x : épaisseur de béton et t : temps.


La vitesse de carbonatation varie avec l’humidité de l’air ; elle est maximale pour une hygrométrie
comprise entre 55 & 75 %.
 Enrobage des aciers
L’enrobage des armatures est l’élément déterminant pour la durabilité du béton.
À titre d’exemple, les règlements de construction (CCBA 68, BAEL, puis Eurocode 2) fixent
cet enrobage entre 4 et 5 cm pour les bétons exposés à une ambiance marine.
La pénétration de l’oxygène, de l’humidité ou des agents agressifs peut être favorisée par :
 Une composition incorrecte du béton (dosage insuffisant, mauvais rapport E/C) qui
abaisse les caractéristiques mécaniques, favorise l’apparition de fissures et augmente la
porosité,
 Une mauvaise mise en œuvre (ségrégations du béton) ou une cure insuffisante
(formation de fissures).
 Action des chlorures
Les chlorures entraînent la dépassivation de l’acier, même pour un pH élevé. Ils ont donc
tendance à favoriser l’initiation de la corrosion.
Le taux de chlorures libres autorisé dans le béton était fixé à 0,65 % / poids de ciment. Il
a été ramené à 0,4 % voire 0,2 % pour le béton précontraint. Cela correspond à un
rapport [Cl-] / [OH-] = 0,6.
La corrosion initiée par les chlorures présente généralement un caractère localisé
(piqûration).
 Fissuration et éclatements
La rouille (oxyde de fer hydraté) présente un caractère expansif qui entraîne l’éclatement du béton.
 Corrosion en cellule occluse
Dans un cas très particulier (milieu confiné, absence d’oxygène, teneur élevée en
chlorures), la corrosion s’opère en cellule occluse et ne se traduit pas par la formation
d’oxydes expansifs. Il se forme un constituant spécifique : la rouille verte, stable en
l’absence d’oxygène.
Il se produit une acidification importante du milieu et l’acier se dissous totalement sans
aucun signe extérieur visible.
 Synthèse

Milieu marin / sels


de déverglaçage

Action mécanique SO2 CO2


Eau Oxygène Chlorures

Porosité
Dissolution des sels
Fissures Dépassivation Oxydation des Sels expansifs
des armatures armatures Rouille
Délavage du liant

Efflorescences Fissures
Gel
er
1 stade : 2e stade : 3e stade :
Fissures fines Agrandissement des fissures Eclatements
Efflorescences Epaufrures sur les angles Aciers fortement corrodés
Traces de rouille Gonflement des bétons

Évolution de la dégradation du béton


 Armatures de précontrainte
Pour les aciers de précontrainte (fils ou torons) la combinaison des attaques corrosives et
des contraintes de tension appliquées dans ces armatures entraînent une rupture par
corrosion sous tension.
Il s’agit d’une corrosion à caractère fissurant se développant à partir de piqûres
superficielles des armatures et qui peut entraîner la rupture sans perte de matière
significative.
 Béton et Incendie :
Le béton est incombustible et conduit relativement mal la chaleur. Il présente donc de
bonnes propriétés isolantes pour un sinistre d’importance moyenne.
Toutefois, si l’incendie se prolonge ou si la température est trop élevée, divers
phénomènes peuvent se produire :
 Pertes des caractéristiques du liant,
 Dilatation des agrégats, entraînant la fissuration du béton,
 Diminution des caractéristiques des aciers

Liant :
- Jusqu’à 300° C : évaporation de l’eau libre et de l’eau liée physiquement,
- De 300 à 550° C : décomposition de la portlandite Ca(OH)2 CaO +H2O,
- De 600 à 700° C : destruction des C-S-H et décohésion de la phase liante.
La perte de résistance peut atteindre 20 % pour une température de 300 ° C. À partir de
900° C, le matériau est considéré comme détruit.
Granulats :
- À 573° C : point quartz – éclatement des granulats siliceux,
- de 600 à 800° C : décohésion liant – granulats sous l’effet de la dilatation,
- Au-delà de 700° C : décarbonatation des matériaux calcaires (CaCO3  CaO + CO2)
Armatures :
- Jusqu’à 300° C : pas de modification sensible des caractéristiques,
- De 300 à 550° C : baisse rapide des performances. À 550° C la limite élastique Re et le
module d’Young E sont réduits de 50 %,
- À partir de 700° C : modification structurale de l’acier – fusion vers 1450° C.
2. Les méthodes de contrôle
Les phases du diagnostic :
1. Inspection
2. Investigations – Sondages
3. Analyses en laboratoire
4. Rapport d’étude
5. Suivi dans le temps / Instrumentation
6. Rédaction d’un DCE
7. Suivi des travaux (ou éventuellement de la démolition)

Nature des contrôles réalisés :


 Investigations in situ :
- Armatures : enrobage, état de corrosion, prélèvements d’aciers.
- Béton : carbonatation, résistance, prélèvements (carottages, poudre de béton).
 Investigations en laboratoire :
- Armatures : identification (visuelle et par essais de traction).

Recherche des armatures :


 Détection magnétique :

 Détection par radar :


Objectifs :
Localisation d’armatures, de câbles ou de conduits
Mesure des épaisseurs des couches structurelles
Détection de vides
Caractéristiques :
Limite de détection d’au moins 400 mm de profondeur
Antenne 2,6 GHz
Mesures électrochimiques :

Mesures de
potentiels

Mesures de résistivité dans le


béton (sonde de Wenner)

Mesures de vitesse de corrosion


Contrôles sur béton :
Scléromètre : mesure la dureté
superficielle du béton  Estimation de
Rc (NF EN 10250-2)

99999

Ausculteur sonique : mesure la vitesse du son dans le


béton pour en évaluer la résistance (NF EN 10250-4)
Analyses en laboratoire :
 Essais physiques :
-Rc sur carottes,
-Masse volumique, Porosité,
-Granulométrie,
-Essais au gel.

 Analyses chimiques :
- Analyse complète,
- Teneur et dosage en ciment,
- Rapport E/C,
- Teneur en agents agressifs (chlorures, sulfates, …) en fonction de la profondeur
 Autres examens :
- Mesure de la profondeur de carbonatation sur échantillons de béton, par test à
la phénolphtaléine,

- Essais de traction sur armatures (vérification des caractéristiques mécaniques),


- Examen microstructural au microscope électronique à balayage (MEB)
 Recherche de gels expansifs,
 Analyse de la phase liante

Les résultats des investigations permettent de vérifier les points suivants :


- Qualité des bétons mis en œuvre,
- Carbonatation du béton, pénétration des agents agressifs, et situation des
armatures par rapport à ces éléments,
- Etat de corrosion des armatures dans le béton,
À partir de ces éléments, et connaissant l’étendue et la gravité des désordres par
rapport à la totalité de la structure étudiée, il est possible d’évaluer l’évolution
probable des phénomènes et de définir les préconisations pour d’éventuels
travaux de réparation.

On peut également préconiser la mise en place d’une instrumentation (sur des


fissures notamment) afin de suivre l’évolution des phénomènes dans le temps.

4. Les procédés de réparation


Méthodologies de réparation :
Les travaux de réparation doivent être précédés par une préparation comprenant :
- La purge des bétons dégradés,
- Le traitement des armatures corrodées, leur remplacement éventuel ou l’ajout
d’armatures supplémentaires,
- Le nettoyage des surfaces.
Trois modes de réparation peuvent être envisagés :
- La restauration du béton par ragréage (petites surfaces),
- La restauration du béton par bétonnage / béton projeté,
- Le renforcement structural par ajout de béton et/ou d’armatures.

Le traitement des fissures :


On envisagera quatre modes de réparation en fonction de l’évolution des fissures :
- Le ragréage classique,
- L’injection de la fissure au moyen d’un produit souple,
- Le pontage de la fissure,
- La transformation de la fissure en joint de dilatation.
Modes de protection des armatures :
Quatre possibilités peuvent être envisagées :
- La purge des bétons dégradés et leur remplacement, avec éventuellement un traitement
de protection des armatures (passivation) ; n’est praticable que si on peut éliminer en
totalité les polluants du béton.
- La mise en œuvre d’une protection cathodique.
- La déchloruration des bétons, suivie de leur réalcalinisation. On extrait les chlorures par
électrolyse avant d’apporter des ions OH-,
-La mise en œuvre d’inhibiteurs de corrosion à la surface du béton qui vont diffuser en
profondeur et passiver les armatures.
•PROTECTION CATHODIQUE :
- Par anodes sacrificielles,
- Par courant imposé.

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