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HOMMAGE
À
Fabien Eboussi Boulaga
Source : http://www.kweeper.com
Melchior MBONIMPA
Département de sciences religieuses
Professeur Titulaire
Université de Sudbury, Sudbury, Ontario, Canada
Email : mmbonimpa@usudbury.ca
@ 2018 RCGT-CJTG Tous droits réservés /All rights reserved
Il se pourrait qu’il existe des disciples adversaires d’Eboussi, ou Avant ce passage à Sudbury, je n’avais pas revu Eboussi depuis
simplement d’autres intellectuels de son étoffe qui ont pensé une vingtaine d’années. J’avais été son étudiant dans un cours
contre lui, en se plaçant sur le même terrain de la rigueur et de qu’il avait offert comme professeur visiteur à Kimwenza
l’honnêteté sans compromis. S’ils existent, j’avoue que je ne les (Kinshasa – Zaïre) où je faisais alors mon premier cycle
connais pas, et ce n’est pas faute de les avoir cherchés. Car, à universitaire en philosophie. Son cours portait sur un livre de
une époque de mon évolution intellectuelle, notamment après Kant : La religion dans les limites de la simple raison. Il nous a
le mémoire de maîtrise dont je viens de parler, j’ai tenté de exposé le contenu de l’ouvrage, et à la fin, il nous a surpris en
m’émanciper de la pensée d’Eboussi. Pour y parvenir, il aurait concluant que Kant avait tout faux, et que « sa compréhension
fallu que je repère moi-même des failles dans cette pensée ou de la religion était misérable et même nulle. » Pour nous, qui
que je trouve quelqu’un d’autre qui ait soutenu, de façon avions appris dans d’autres cours que Kant était le plus grand
convaincante, l’antithèse de ses affirmations ou la négation de philosophe de tous les temps, cette conclusion était comme la
ses thèses. Mes efforts n’ont abouti à rien et je me suis foudre en saison sèche. Puis, Eboussi est parti sans nous
finalement résolu à mettre fin au masochisme : pourquoi fallait-il imposer un examen, au grand déplaisir des autorités
bouder le plaisir de lire et de relire un maître à penser qui oblige académiques. Et quand je l’ai accueilli à l’aéroport de Sudbury,
à tout repenser, à tout redire comme lui, avec lui? Après tout, ses premiers mots étaient : « Je craignais que vous ne me
Platon n’a-t-il pas usé ses jours à rendre impérissable la pensée reconnaissiez pas parce que j’ai vieilli et je suis tout fripé. » Je ne
de Socrate, son maître? Et Hegel, dont l’ambition n’était sais plus comment j’ai réagi à cette sortie qui contrastait
nullement d’élever la pensée de Kant à l’ordre de ce qui nettement avec son allure plutôt juvénile, mais je me souviens
demeure, n’a-t-il pas dû reconnaître (tout en le regrettant) que d’avoir été surpris de le voir partir vers la sortie sans attendre
son aîné avait conduit la critique des « preuves de l’existence de l’arrivée des bagages. Il venait de passer plus d’un mois au
Dieu » à un seuil qui les rendait inutilisables? Canada avec un petit bagage à mains, et quand je l’ai
accompagné à l’aéroport pour repartir, il n’était pas plus
RCJT/CJTG, Université Laurentienne/Laurentian University, Géographie/Geography, Sudbury,
surchargé qu’àOntario, P3E Cette
l’arrivée. 2C6, Canada. ISSN :volontaire,
simplicité 2292-
4108. Vol. 5(2) : 1-3. Copyright @ 2018 RCGT-CJTG Tous droits réservés/All rights reserved.
2 je ne l’ai
jamais vue chez aucun autre voyageur africain : c’est plutôt
l’excès de bagages qui nous caractérise.
accompagné à l’aéroport pour repartir, il n’était pas plus
surchargé qu’à l’arrivée. Cette simplicité volontaire, je ne l’ai
jamais vue chez aucun autre voyageur africain : c’est plutôt
l’excès de bagages qui nous caractérise.
Fabien Eboussi Boulaga a été un géant, une grande conscience
qui, pendant des décennies, n’a cessé de nous donner des
leçons de lucidité, d’intrépidité et de dissidence. Pour parier si
obstinément sur l’espérance rebelle, en appelant de tous ses
vœux l’avènement d’une Afrique qui marche sur ses pieds plutôt
que sur la tête, qui se tient debout plutôt qu’à genoux ou à plat
ventre, même si dans sa grande humilité, il aurait
vigoureusement rejeté ce que je vais affirmer, il lui a fallu une
dose non négligeable de surhumanité. De son vivant, il a été,
selon moi, non pas le plus grand philosophe, mais le plus grand
penseur ou le plus grand intellectuel de l’Afrique francophone.
Et je sais que lui aussi avait un admirateur parce qu’il me l’a
révélé : l’un de ses grands regrets était d’avoir séjourné à Boston
sans parvenir à obtenir un rendez-vous avec Noam Chomsky
que même ses détracteurs reconnaissent comme « le plus grand
intellectuel vivant ».
Référence électronique
Melchior Mbonimpa (2018). « Hommage à Fabien Eboussi Boulaga.
Jamais Eboussi ne cessera de nous manquer ». Canadian journal of
tropical geography/Revue canadienne de géographie tropicale
[Online], Vol. (5) 2. Online in December 25, 2018, pp. 1-3. URL:
http://laurentian.ca/cjtg
RCJT/CJTG, Université Laurentienne/Laurentian University, Géographie/Geography, Sudbury, Ontario, P3E 2C6, Canada. ISSN : 2292-
4108. Vol. 5(2) : 1-3. Copyright @ 2018 RCGT-CJTG Tous droits réservés/All rights reserved.
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