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INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER ET ATTRACTIVITÉ APPRÉCIATION

ET ENJEUX POUR LA TUNISIE

Zouhour Karray, Sofiane Toumi

Armand Colin | « Revue d’Économie Régionale & Urbaine »

2007/3 octobre | pages 479 à 501


ISSN 0180-7307
ISBN 9782200923259
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2007-3-page-479.htm
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Investissement Direct Étranger
et Attractivité
Appréciation et enjeux pour la Tunisie *

Foreign Direct Investment and


Attractiveness
Appreciation and threat for Tunisia

Zouhour KARRAY
Maître Assistante en Sciences Économiques
Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Nabeul – Tunisie.
Chercheur à l’UAQUAP (Unité d’Analyse Quantitative Appliquée) Institut
Supérieur de Gestion, Tunis
Chercheur associé au LERPES – GRES (Laboratoire d’Études et de Recherches
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sur l’Économie, les Politiques et les Systèmes sociaux), Université des
sciences sociales, Toulouse 1

Sofiane TOUMI
Assistant en Sciences Économiques
Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Nabeul – Tunisie.
Chercheur associé à l’Institut CEDIMES (Centre d’Études du Développement
International et des Mouvements Économiques et Sociaux), Université
Panthéon-Assas, Paris II

Mots clés : Attractivité, Investissement Direct Étranger, Délocalisation, Logit

Keywords : Attractiveness, Foreign Direct Investment, Delocalization, Logit

Classification JEL : F21, C31

* Première version juillet 2006, version révisée janvier 2007.


Les auteurs tiennent à remercier les deux référés anonymes de la revue pour leurs commen-
taires relatifs à la première version de cet article, ils demeurent toutefois responsables de
toutes les imperfections éventuelles.

2007 - No 3 - pp. 479-501 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 479


Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

Résumé
L’article analyse les facteurs d’attractivité de la Tunisie par rapport aux investissements directs
étrangers en considérant que la décision de localisation est le résultat non seulement de la stratégie de
la firme, mais également des avantages offerts par les zones d’accueil. Les estimations économétriques
réalisées sur des données qualitatives à travers un modèle logit permettent, d’une part, d’estimer la
probabilité de réinvestissement en fonction des différents facteurs d’attractivité, et d’identifier, d’autre
part, les enjeux que présentent les menaces de délocalisation des entreprises étrangères vers d’autres
territoires potentiellement plus attractifs.

Summary
The paper analyzes the attractiveness factors of Tunisia with regard to foreign direct investments,
considering that the decision of localization is the result not only of the firm’s strategy, but also of the
advantages offered by host countries. The estimates are based on qualitative data through a logit
model. On the one hand it estimates the probability of reinvestment according to the various
attractiveness factors, and on the other hand, it entifies threats of delocalization of the foreign
companies to other potentially more attractive territories.

Introduction
L’attractivité des territoires est devenue au cours des dernières années une
question cruciale en matière de politique économique. Attirer les Investissements
directs étrangers (IDE) constitue depuis longtemps une préoccupation majeure
pour la Tunisie. Les IDE sont censés renforcer les exportations du pays, créer de
l’emploi, transférer de la technologie, participer à un aménagement plus harmo-
nieux du territoire et contribuer au développement industriel. Afin de parvenir à ces
objectifs, des mesures spécifiques (programme de privatisations, régime d’incita-
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tions fiscales et financières, etc.) ont été mises en place. Mais, certaines interroga-
tions ont émergé récemment sur le « paradoxe de l’attractivité tunisienne » (Rapport
ABBATE, 2002) pour désigner l’écart entre, d’une part, l’effort de promotion, son
ancienneté, son renforcement constant à travers l’adoption d’une loi sur l’investis-
sement et la création de la FIPA (Foreign Investment Promotion Agency) et, d’autre
part, le montant des IDE qui, bien qu’en forte hausse par rapport au début des
années 1990, reste en deçà des « potentialités du pays ». D’autres interrogations
concernent la capacité de la Tunisie à retenir les investisseurs étrangers présents sur
le territoire. Des craintes se cristallisent récemment autour des risques de délocali-
sation des activités productives étrangères en Tunisie vers des pays émergents
bénéficiant notamment de coûts salariaux attractifs. Certes, ces préoccupations ne
sont pas totalement nouvelles, ni propres à la Tunisie dès lors que l’on songe à
l’augmentation des flux d’IDE destinés aux pays en développement passant de
moins de 18 % des flux mondiaux en 2000 à près de 42 % en 2004 1. Attirer les IDE
constitue une préoccupation majeure pour la plupart des pays en voie de dévelop-
pement. Mais, en même temps, le débat témoigne d’un glissement conceptuel.

La question centrale est moins de savoir le mode optimal d’internationalisation


des firmes. Il s’agit plutôt de mettre en perspective les facteurs d’attractivité des pays.
Cette évolution, en passant de la mesure des avantages compétitifs des entreprises à
celle des avantages comparatifs des territoires (PORTER, 1993), témoigne d’une

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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

mutation des mentalités (FERRARA et HENRIOT, 2004). Dans cette perspective, l’inter-
nationalisation des firmes n’est plus perçue comme un danger. Au contraire, elle
devient une donnée qui doit être prise en compte dans la stratégie des responsables
gouvernementaux. Concrètement, la multiplication des agences de promotion des
investissements (Invest in...) témoigne de la volonté des responsables de promou-
voir leur territoire auprès des investisseurs potentiels. L’attention se focalise sur le
positionnement stratégique de la Tunisie (en tant que territoire d’accueil des IDE)
dans la compétition entre différents territoires pour la localisation des IDE et sur la
capacité de ce territoire à résister face à la montée en puissance des nouveaux
compétiteurs sur la scène internationale.

Dans ce contexte, notre article se propose de fournir une évaluation de l’attrac-


tivité du territoire tunisien pour les IDE. L’attractivité territoriale est perçue à deux
niveaux : dans le temps pour voir dans quelles mesures les investisseurs étrangers en
Tunisie envisagent de réinvestir ou d’étendre leur investissement actuel, et dans
l’espace pour évaluer le risque de délocalisation vers d’autres territoires jugés plus
attractifs. Ainsi, le présent article est organisé comme suit. La première partie passe
brièvement en revue les principales théories sur l’attractivité territoriale par rapport
aux IDE. Plus précisément, il s’agit de mettre en avant les liens entre les stratégies des
entreprises et les déterminants de la localisation des IDE. La seconde partie présente
la source de données. Enfin, pour la troisième et la quatrième partie, chacune d’elles
présente la spécification du modèle économétrique à estimer et analyse les résultats
des estimations. Il s’agit d’une part des résultats liés à l’attractivité des IDE en Tunisie
(troisième partie), et d’autre part, de ceux relatifs au risque de délocalisation des
entreprises étrangères vers d’autres sites (quatrième partie).
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-1-
Les Fondements théoriques de l’attractivité
territoriale des IDE
L’internationalisation d’une entreprise peut prendre différentes formes : expor-
tation, implantation d’une filiale de commercialisation, possession d’une unité de
production (par création ou rachat d’une entreprise locale), vente de licence à un
partenaire étranger ou accord de sous-traitance avec un fabricant local. Le choix
entre ces différents modes d’internationalisation est fonction de plusieurs critères :
degré de maturité du produit (VERNON, 1966 ; ETHIER et MARKUSEN, 1996 ; HUNG,
2004), coûts respectifs de la pénétration du marché selon les différents modes
(HIRSH, 1976 ; BUCKLEY et CASSON, 1981 ; LIPSEY et WEISS, 1984 ; BLONIGEN, 2001 ;
MUCCHIELLI, 2001), structure du marché (SMITH, 1987 ; HORSTMANN et MARKUSEN,
1992). Ces différentes approches et leurs prolongements mettent l’accent sur le fait
que le choix du mode d’internationalisation résulte d’une logique microéconomi-
que propre à chaque firme.

La décision d’implantation à l’étranger et la forme qu’elle prend, dépendent non


seulement de la stratégie de la firme, mais également des avantages du territoire
d’accueil. Une telle conceptualisation a été développée initialement dans le cadre du
paradigme Oli 2 (DUNNING, 1988, 2001). Plus précisément, l’entreprise décide de

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Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

l’implantation d’une unité de production en fonction de quatre déterminants


principaux : la taille du marché, les coûts des facteurs de production, le nombre
d’entreprises locales et étrangères déjà présentes, les différentes politiques d’attrac-
tivité menées par les autorités locales (MUCCHIELLI, 1998). Ainsi, le choix de
l’implantation est fonction de la combinaison des avantages de la firme et de la zone
d’accueil (FERRARA et HENRIOT, 2004).

La notion d’attractivité apparaît alors au cœur de l’analyse de la localisation des


IDE. La quête d’une plus grande compétitivité territoriale sous-entend une réparti-
tion implicite des tâches entre entreprises multinationales et gouvernements. Les
premières, à la recherche d’une plus grande profitabilité, déterminent la localisation
de leurs activités en fonction des caractéristiques internes (coûts et conditions de
production, potentiel de marché, etc.). De leur côté, les autorités locales essayent de
valoriser leur territoire afin d’attirer les investisseurs étrangers.

Les facteurs internes à la firme permettent de répondre à la question « pourquoi


une firme, pour accéder au marché international, décide de s’implanter à l’étranger
plutôt que d’exporter, de vendre une licence à un partenaire étranger ou de signer un
accord de sous-traitance avec un fabricant local? » En effet, la présence d’actifs
intangibles spécifiques à la firme (tels que les technologies, le savoir-faire, etc.) rend
difficiles les transactions de marché en raison des défaillances du marché liées à ces
actifs (BLONIGEN, 2005). Par exemple, lors d’un accord de licence, l’acquéreur de
celle-ci sous-estime la valeur de l’actif tant que sa spécificité n’est pas révélée, alors
que le vendeur de licence ne veut pas révéler totalement l’actif tant que le contrat
n’est pas signé. Dans ces conditions, la décision optimale pour la firme semble être
l’internalisation de la transaction en créant sa propre filiale de production 3.
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Les facteurs externes permettent de répondre à la question « pourquoi une firme
multinationale choisit d’implanter une filiale dans un tel pays et non dans un
autre? » Il s’agit plus précisément d’examiner les facteurs exogènes qui peuvent
affecter la décision de localisation de la firme. À ce niveau de l’analyse, les critères de
localisation d’un IDE peuvent être confondus avec les facteurs d’attractivité de leurs
pays hôtes. Il existe un consensus général dans la littérature sur les déterminants
externes du choix de localisation des firmes multinationales (GLOBERMAN et SHA-
PIRO, 1999 ; SHAPIRO et GLOBERMAN, 2001). Les IDE sont généralement attirés par les
caractéristiques économiques fondamentales des pays d’accueil : la taille du marché
et le niveau du revenu réel, le coût et le niveau de qualification de la main-d’œuvre,
la stabilité politique et économique, la libéralisation des politiques commerciales,
les mouvements de taux de change, les politiques de taxation, etc. La qualité des
institutions et infrastructures affecte également la décision de localisation des IDE,
particulièrement dans les pays en développement (BLONIGEN, 2005). En effet, le
réseau des infrastructures locales (biens publics) dépend largement du fonctionne-
ment des institutions nationales. De plus, une faible qualité des institutions néces-
saires au bon fonctionnement des marchés (et/ou la corruption) augmente les coûts
de transaction dans le territoire hôte. En utilisant divers indices de corruption, WEI
(2000) montre que le niveau de corruption est fortement et négativement corrélé
aux IDE. Enfin, les incitations fiscales n’influencent que faiblement le choix de
localisation des firmes multinationales (BLOMSTRÖM et KOKKO, 2003). Le recours

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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

aux incitations n’est justifiable que lorsque les bénéfices attendus des IDE sont aussi
importants que les coûts liés à ces incitations. De plus, un des principaux effets
attendus des IDE concerne les externalités technologiques. Or, ces effets ne peuvent
réellement avoir lieu que si les firmes locales disposent d’une capacité d’absorption
des savoirs et technologies étrangers. Focaliser l’attention sur les incitations orien-
tées exclusivement aux entreprises étrangères n’est pas généralement un moyen
efficace pour améliorer le bien-être national. Ainsi, afin de favoriser les effets de
diffusion, il faut simultanément promouvoir les incitations à l’investissement
auprès des multinationales et améliorer les conditions d’apprentissage et d’investis-
sement auprès des firmes locales.

L’importance relative des différents facteurs d’attractivité permet d’identifier


deux formes d’IDE (MARKUSEN et MARKUS, 1999) : le modèle vertical basé sur les
différences de dotations factorielles et dont le principe consiste à réexporter les
produits vers le pays d’origine de la firme multinationale, et le modèle horizontal
fondé sur les motivations d’accès au marché local. Les modèles gravitationnels 4 ont
été largement utilisés dans les travaux empiriques sur les échanges extérieurs (voir,
par exemple, FONTAGNÉ, PAJOT et PASTEELS, 2002) et sur l’analyse de la localisation
des entreprises multinationales (voir, par exemple, GAO, 2003) pour déterminer le
type d’IDE. La spécification classique de ce type de modèle exprime les flux de
commerce (ou d’IDE) entre deux pays comme une fonction des niveaux de PIB dans
chaque pays et de la distance séparant les deux nations. Des formulations plus
élargies intègrent des variables supplémentaires comme la différence de niveaux de
coûts salariaux entre les deux pays ou la langue en tant qu’indicateur de proximité
culturelle (FERRARA et HENRIOT, 2004). L’importance relative des différentes varia-
bles permet d’identifier le type de modèle de firme multinationale. Par exemple, le
rôle joué par la taille du marché dans les deux pays plaide en faveur du modèle
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horizontal alors que la différence de coûts salariaux met en avant un investissement
de type vertical 5. Des travaux récents mettent en évidence une nouvelle forme de
l’IDE (« modèle oblique ») selon lequel une firme multinationale procède à un IDE
dans un pays hôte qui sera considéré comme une « plateforme de production » afin
d’exporter vers un groupe de pays voisins (ECKHOLM, FORSLID et MARKUSEN, 2003 ;
BERGSTRAND et EGGER, 2004).

Ces modèles offrent l’avantage de situer la notion d’attractivité dans une problé-
matique relative à la localisation des activités des entreprises multinationales et
d’identifier le type d’IDE à partir des facteurs d’attractivité mis en avant. En revanche,
une telle modélisation est réductrice car elle ne peut tenir compte de toute la
complexité inhérente aux décisions de localisation des entreprises (FERRARA et
HENRIOT, 2004). Le modèle gravitationnel ne permet pas d’inclure des variables
ayant trait à la fiscalité, à la qualité des infrastructures, à la stabilité économique et
politique, etc., bref aux facteurs d’attractivité ayant une dimension qualitative.
L’attractivité territoriale se construit à partir d’un ensemble complexe de facteurs qui
sont étroitement inter-liés. Par exemple, la qualité des infrastructures (réseaux de
transport et de communication) dépend directement du fonctionnement des insti-
tutions. De même, le développement de compétences locales en termes de savoir-
faire et de qualification n’est pas sans lien avec l’existence d’un tissu d’entreprises
dynamiques et d’un environnement favorable à l’innovation.

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Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

Dans une telle perspective, MICHALET (1999) identifie deux catégories de facteurs
d’attractivité : d’une part, les facteurs qualifiés de « fondamentaux » qui renvoient à
un certain nombre de pré-requis jugés essentiels pour un territoire (stabilité écono-
mique et politique, taille du marché, incitations fiscales, état des infrastructures et
des institutions, disponibilité en main-d’œuvre qualifiée). D’autre part, les facteurs
considérés comme « nécessaires » qui contribuent davantage au renforcement de
l’attractivité d’un territoire (existence d’un tissu d’entreprises locales performantes,
existence d’un environnement favorable à l’innovation, politiques de privatisation
et de libéralisation du marché, considérations géographiques et culturelles, création
d’organisme de promotion, adhésion à une zone d’intégration régionale).

Selon cette approche, les gouvernements ne doivent pas se contenter de mettre


en place ces facteurs d’attractivité essentiels, sans veiller à maintenir la dynamique
des réformes. Le changement rapide du contexte économique mondial implique
une évolution des exigences et objectifs des investisseurs internationaux. Par consé-
quent, les politiques d’attractivité doivent être en permanence révisées. L’attractivité
peut évoluer au cours du temps à la fois du fait des changements endogènes au
territoire (hausse ou baisse des coûts, construction d’infrastructures, etc.) et de ceux
affectant les autres territoires concurrents. Ainsi, l’attractivité d’un territoire n’est pas
figée et statique, au contraire, elle est conçue dans une perspective dynamique. Un
territoire peut être jugé satisfaisant pour un type de projet donné et peut ne l’être pas
pour un autre type, il peut se montrer attractif pour une activité et moins pour
d’autres car l’importance de chaque facteur d’attractivité peut différer d’un investis-
sement à un autre (HATEM, 2004). De même, un territoire peut être considéré
comme attractif pour une certaine période car bénéficiant d’un avantage comparatif
en termes de dotations factorielles (disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée à
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faible coût). Cet avantage peut s’éroder avec l’apparition de territoires plus
compétitifs.

La concurrence entre territoires pour attirer les IDE permet certes d’améliorer les
conditions économiques d’un pays lorsque les gouvernements réalisent des efforts
dans l’amélioration de la productivité du travail, de la croissance économique, dans
l’offre des incitations fiscales, etc. Mais, cette concurrence peut être également source
de problèmes lorsque les effets des IDE en termes de création d’emploi et de
diffusion technologique, par exemple, sont en deçà des attentes (OMAN, 2000).
Dans ces conditions, les bénéfices liés aux IDE pour un territoire peuvent être
insuffisants pour justifier les coûts engagés par les autorités nationales dans la
promotion du territoire en termes d’incitations fiscales par exemple. D’où, l’intérêt
pour un territoire d’évaluer son positionnement concurrentiel par rapport à l’évo-
lution de ces propres facteurs d’attractivité (le réinvestissement ou l’extension de
l’investissement existant pouvant être perçus comme des signaux d’une « bonne »
attractivité territoriale) et par rapport aux territoires concurrents (afin d’évaluer le
risque de délocalisation des activités étrangères installées dans un pays vers un pays
concurrent).

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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

-2-
Source de données
Les données mobilisées dans le cadre de cet article sont issues d’une enquête
réalisée en 2005 auprès des entreprises étrangères en Tunisie pour apprécier l’attrac-
tivité du territoire tunisien vis-à-vis des IDE. Le questionnaire est conçu sur la base
de l’approche de MICHALET (1999). Les investisseurs étrangers sont interrogés sur les
principales conditions d’investissement tout en respectant la distinction entre les
facteurs « fondamentaux » et les « conditions nécessaires ». Il s’agit plus précisément
d’une mesure d’appréciation par rapport aux différents facteurs d’attractivité. Ces
derniers tiennent compte des caractéristiques d’un territoire : nature et rôle des
institutions, qualité des infrastructures, qualité et coût de la main-d’œuvre, stabilité
politique et économique, etc. L’enquête s’est déroulée par des entretiens personnels
auprès des entrepreneurs étrangers installés sur le territoire.

L’échantillon comporte 100 entreprises étrangères déjà implantées sur le terri-


toire tunisien, qui ont été définies comme des sociétés dont :
- Plus de 50 % du capital est détenu par des étrangers : selon le code de l’investisse-
ment en Tunisie, une entreprise est considérée comme étrangère si plus de 50 % de
son capital est étranger.
- L’investissement est de type horizontal, c’est-à-dire que l’entreprise est partielle-
ment exportatrice. La production ou la prestation de service est destinée aussi bien
aux marchés étrangers qu’au marché local tunisien. Par conséquent, les firmes
étrangères totalement exportatrices (IDE vertical) sont exclues de l’enquête. En effet,
comme souligné dans l’analyse théorique, les entreprises procédant à un investisse-
ment de type vertical sont attirées essentiellement par la faiblesse des coûts de
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production, alors que l’IDE de type horizontal peut être attiré par les différents
facteurs d’attractivité (coûts, institutions, infrastructure, taille du marché, etc.).
Intégrer dans l’analyse empirique l’IDE de type vertical (surtout pour un échantillon
de 100 entreprises) risque de biaiser et d’affecter l’évaluation objective et réelle de
l’attractivité du territoire.
- L’activité appartient à l’un des secteurs suivants : industriel, agricole et tertiaire. Les
entreprises étrangères partiellement exportatrices appartenant au domaine de l’éner-
gie et du tourisme sont exclues, puisque ces firmes sont attirées par « les avantages
acquis et naturels » des pays (comme, par exemple, les ressources naturelles, le
soleil, la mer, etc.), alors que nous nous intéressons aux « avantages construits » sur
lesquels les gouvernements peuvent agir pour renforcer l’attractivité de leurs terri-
toires. Les secteurs du tourisme et de l’énergie sont exclus de l’analyse car répondant
à une logique particulière et limitée de l’attractivité basée sur les ressources naturel-
les du territoire.

En se référant aux données statistiques fournies par l’agence de promotion des


investissements étrangers (FIPA), il existe jusqu’à fin décembre 2004 près de 2659
investisseurs étrangers dont 768 uniquement de type horizontal qui desservent
également le marché domestique. Parmi ces firmes partiellement exportatrices, 209
sont des projets orientés vers le tourisme ou l’énergie (essentiellement le pétrole et
le gaz naturel). En tenant compte des hypothèses précédentes, la population mère se

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Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

compose alors de 559 entreprises partiellement exportatrices hors énergie et tou-


risme. L’échantillon comporte 100 entreprises étrangères (ce qui représente près de
20 % de la population totale) tirées de façon à respecter une représentativité selon
deux facteurs : la taille des entreprises et le secteur d’activité. Ces entreprises sont
localisées essentiellement dans les régions littorales qui accueillent plus de 90 % des
IDE en Tunisie.

-3-
Identification des principaux facteurs d’attractivité
en Tunisie
Étant donnée la taille de l’échantillon, on ne peut intégrer le nombre important
de variables dont nous disposons en tant que tel dans une estimation économétri-
que. D’où l’intérêt d’un effort de synthèse à travers l’Analyse de correspondance
multiple (ACM). Dans un premier temps, il s’agit de réaliser une ACM en intégrant
toutes les variables pouvant apprécier l’attractivité en Tunisie, cette analyse nous
permet de retenir deux facteurs : les facteurs institutionnels et les facteurs de
proximité/coût. Dans un second temps, il s’agit de déterminer à l’aide d’une
estimation économétrique les principaux facteurs d’attractivité en Tunisie.

3.1. Deux principaux facteurs d’attractivité : cadre


institutionnel et proximité/coût
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Le questionnaire réalisé auprès des entreprises étrangères comprend un nombre
important de modalités pour apprécier les différentes composantes de l’attractivité
d’un territoire. Les dirigeants étaient invités à préciser le degré de satisfaction de
chaque facteur d’attractivité en Tunisie, (fortement satisfait ou faiblement satisfait).
Les entrepreneurs étrangers étaient amenés à évaluer les facteurs jugés « fondamen-
taux » et ceux liés aux « conditions nécessaires » (tableau 1).

Tableau 1 : Pourcentage des entreprises selon le niveau de satisfaction


accordé aux facteurs « fondamentaux » et aux « conditions nécessaires »

Facteurs « fondamentaux » « Conditions nécessaires »

Critères/satisfaction Faible Forte Critères/satisfaction Faible Forte


Climat politique 2% 98 % Proximité 2% 98 %
Climat économique 24 % 76 % Liens culturels 8% 92 %
Taille du marché 48 % 52 % Relations d’affaires 24 % 76 %
Législation 50 % 50 % Bureaucratie 90 % 10 %
Infrastructures 48 % 52 % Coûts de production 14 % 86 %
Marché du travail 4% 96 % Matières premières 48 % 52 %

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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

Du point de vue des dirigeants interrogés, la Tunisie semble satisfaire trois


principaux facteurs fondamentaux d’investissement. En premier lieu, il s’agit de la
stabilité politique et de la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée, puisque ces
critères sont jugés fortement satisfaisants par respectivement 98 % et 96 % des
entrepreneurs étrangers. En second lieu, le climat économique est jugé satisfaisant
par la majorité des investisseurs même s’il est critiqué par 24 % d’entre eux. En ce qui
concerne les autres facteurs fondamentaux d’attractivité, les avis sont partagés.

Pour ce qui est des « conditions nécessaires », la proximité géographique et les


liens culturels constituent incontestablement les principaux attraits de la Tunisie en
tant que lieu d’investissement, puisque ces critères sont jugés satisfaisants par
respectivement 98 % et 92 % des entrepreneurs interrogés. Ce résultat ne nous
surprend pas puisque la majorité des entreprises sélectionnées (94 %) sont euro-
péennes. La faiblesse des coûts de production est également appréciée par 86 % des
dirigeants. À l’inverse, la majorité des investisseurs étrangers (90 %) critiquent
sévèrement la lourdeur des démarches administratives.

Nous disposons ainsi de 12 variables qualitatives permettant d’apprécier l’attrac-


tivité du territoire tunisien. Ces variables ne peuvent être introduites simultanément
dans un modèle économétrique lorsque la taille de l’échantillon est réduite. D’où, le
recours à l’ACM qui permet de réaliser une synthèse des différentes informations
(HAIR et al., 1998). Les variables considérées (facteurs d’attractivité), ainsi que les
mesures de discrimination, sont résumées dans le tableau suivant.

Tableau 2 : Les facteurs d’attractivité du territoire tunisien


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Mesures de discrimination

Dimension 1 Dimension 2
(l = 0,223) (l = 0,155)
Climat politique 0,409 0,098
Climat économique 0,347 0,090
Taille/potentiel du marché 0,079 0,112
Législation et système juridique 0,276 0,000
Infrastructures 0,472 0,044
Qualification du personnel/main-
0,184 0,306
d’œuvre
La situation géographique 0,049 0,405
Les considérations culturelles 0,012 0,600
Existence de relations d’affaires 0,370 0,002
Démarches administratives 0,010 0,017
Faiblesse des coûts de production 0,011 0,380
Source de matières premières 0,094 0,175

2007 - No 3 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 487


Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

L’ACM menée sur ces douze variables nous permet de retenir deux axes (appelés
aussi dimensions) dont les valeurs propres l sont supérieures à 1/12 (= 0,0833). La
première dimension est corrélée principalement aux 5 variables suivantes (parmi les
12 variables au total) : « le climat politique », « le climat économique », « la législa-
tion », « les infrastructures et « l’existence de relations d’affaires ». Notons tout de
même que ces variables contribuent différemment à la construction du premier axe
avec une corrélation plus importante pour les variables « climat politique » et
« infrastructures ». Le premier axe renvoie donc aux facteurs institutionnels et
indique le degré d’importance accordée au cadre institutionnel du pays. Quant à la
deuxième dimension, elle est corrélée principalement aux quatre variables suivan-
tes : « la qualification du personnel », « les coûts de production, la proximité géo-
graphique » et « les considérations culturelles ». Les deux dernières variables contri-
buent plus particulièrement à la construction de l’axe. Le deuxième axe regroupe
alors les facteurs de proximité/coûts et révèle l’importance accordée à la proximité et
aux coûts de production. La proximité est appréhendée dans une double dimension
géographique et culturelle. Enfin, les trois variables restantes à savoir « la taille du
marché », « les démarches administratives » et « source de matières premières »,
semblent ne présenter qu’une faible corrélation, voire aucune, avec les deux axes
retenus. Même si elles sont mieux corrélées avec le deuxième axe, ces variables ne
seront pas retenues dans l’analyse puisqu’elles ne sont pas bien représentées (voir
annexe I).

3.2. Évaluation de la probabilité de réinvestissement :


une démarche par l’attractivité

Afin d’évaluer l’attractivité de la Tunisie pour les investissements étrangers, on


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se propose d’expliquer la probabilité de réinvestissement d’une entreprise déjà
installée sur le territoire et ce en tenant compte des principaux facteurs d’attracti-
vité qui viennent d’être identifiés. Nous commençons par préciser les variables
introduites dans le modèle à estimer, ensuite nous interprétons les résultats de
l’estimation.

a. Spécification économétrique et identification des variables


Pour ce qui est de la variable endogène, il s’agit d’expliquer « la probabilité de
réinvestissement » des investisseurs étrangers sur le territoire tunisien. Ceci pourrait
nous éclairer sur le pouvoir attractif du pays, et voir si les conditions d’investisse-
ment en Tunisie sont assez satisfaites pour inciter les firmes à réinvestir. Sur les
100 entrepreneurs interrogés, 56 % d’entre eux ont déjà effectué ou envisagent
d’autres projets en Tunisie.

L’indicateur de réinvestissement n’est rien d’autre que les chances qu’une firme,
prise au hasard, choisisse de réinvestir. Pour une entreprise i, on peut définir alors la
probabilité Pi que la firme réinvestisse en Tunisie :

Pi = proba [REINVi = 1]

488
Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

où REINVi est une variable dichotomique qui prend la valeur 1 si la firme i choisit
le réinvestissement, et 0 sinon, pour i = 1,..., n. n étant la taille de l’échantillon. La
variable à expliquer étant binaire, le modèle approprié est alors de type logit
(GOURIEROUX, 1984 ; GREEN, 1997).

On suppose que le choix de réinvestissement dépend d’un vecteur de variables Zi


désignant des caractéristiques (variables explicatives) propres à l’entreprise (taille et
secteur d’activité) et à son appréciation du territoire d’accueil. On peut alors spécifier
pour la ie firme une relation entre la probabilité de réinvestir et ces caractéristiques
de la manière suivante :

Pi = proba [REINVi = 1] = F (Zi, b)

où F (.) désigne la fonction de répartition d’une loi de probabilité continue et


le vecteur b reflète l’effet marginal – positif ou négatif – des changements dans Zi
sur la probabilité Pi. Ces caractéristiques ne sont rien d’autre que les variables
explicatives.

Quatre variables explicatives sont introduites dans le modèle : la taille, le secteur


d’activité et deux variables relatives aux facteurs d’attractivité des territoires.

* La variable relative à la taille des entreprises : la taille des firmes est une variable
de profil, appréciée par une variable qualitative codée en 3 tranches : petite entre-
prise (effectif compris entre 10 et 49), moyenne entreprise (effectif compris entre 50
et 199) et grande entreprise (effectif supérieur ou égal à 200). L’échantillon est
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composé à 72 % de petites et moyennes entreprises.

* La variable sectorielle : trois secteurs d’activités sont retenus, l’industrie manu-


facturière, le secteur agricole et le secteur tertiaire. L’échantillon est représentatif de
la population totale, où 74 % des investissements étrangers en Tunisie appartien-
nent au secteur industriel, contre 16 % dans celui des services et 10 % dans le secteur
agricole.

* Les variables relatives aux facteurs d’attractivité : nous retenons les deux
variables construites (métriques) à partir de l’ACM. Il s’agit du degré d’importance
accordé aux facteurs institutionnels, et du degré d’importance accordé aux facteurs
de proximité/coûts.

b. Interprétation des résultats

L’estimation du modèle logit pour identifier les facteurs explicatifs du réinvestis-


sement en Tunisie (REINV) donne les résultats suivants :

2007 - No 3 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 489


Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

Tableau 3 : Estimation des facteurs explicatifs du réinvestissement

Modèle Modèle : REINV = 1


Variables Coef. Wald
Constante -0,078 0,009
Facteurs institutionnels 0,213 6,413**
Facteurs de proximité/coûts 0,525 7,451***
Secteur
Industrie manufacturière 0,148 0,030
Secteur agricole 0,142 0,013
Secteur des Services (réf.)
Taille
200 et plus 1,195 2,272
50 à 199 -0,336 0,188
10 à 49 (réf.)
R2 (Mc Fadden) 0,103
-2 log vraisemblance 57,925
Test du ratio du maximum de vraisemblance
c2 = 13,084*** (>c2 (6))
Taux de classification 68 %
* Coefficient significatif au seuil 10 %
** Coefficient significatif au seuil 5 %
*** Coefficient significatif au seuil 1 %

Le modèle témoigne d’un rapport de vraisemblance significatif (au seuil de 1 %)


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et d’un taux de classification important (68 %). La spécification du modèle est donc
globalement significative. L’ensemble des variables considérées dans le modèle
explique la volonté de l’entreprise de réinvestir sur le territoire tunisien.

Parmi les facteurs d’attractivité considérés, la variable relative aux facteurs insti-
tutionnels (significative au seuil de 5 %), et surtout celle relative aux facteurs de
proximité/coûts (significative au seuil de 1 %), exercent une influence positive
significative sur la probabilité de réinvestir sur le territoire tunisien. Ces résultats
renforcent l’explication que l’investissement étranger est déterminé, entre autres, par
les avantages de localisation qu’offrent les territoires d’accueil. Quant à l’effet des
variables relatives à la taille des entreprises et à leur secteur d’activité, il est non
significatif.

La variable relative aux facteurs d’attractivité institutionnels est une variable


construite à partir d’un ensemble de variables qualitatives (selon la méthode ACM).
Elle reflète – rappelons le – le climat politique et économique qui règne en Tunisie,
ainsi que l’existence de relations d’affaires dans ce pays et enfin, l’état des
infrastructures et du système légal en place, en particulier celui relatif aux
investissements étrangers. Cette variable construite est significative au seuil de 5 %.
Ceci prouve que ces facteurs réunis constituent des attraits importants du territoire
tunisien et ils sont sérieusement pris en compte lors du choix du lieu d’implantation

490
Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

par les firmes étrangères. Dans l’ensemble, les investisseurs interrogés semblent
assez satisfaits de la stabilité politique qui règne dans le pays. Notons, toutefois, que
le régime politique en place est souvent critiqué parce qu’il renforce la planification
centrale qui ralentit parfois l’exécution des transactions, favorise la lenteur adminis-
trative et rend difficile la gestion courante des activités. L’environnement économi-
que est jugé plutôt satisfaisant. En effet, la croissance économique moyenne avoi-
sine les 5 % par an. Mais, c’est la fragilité du système bancaire et financier qui
préoccupe les investisseurs qui estiment que ce secteur n’arrive pas à financer
considérablement la croissance. Quant aux infrastructures, certains investisseurs
pensent qu’elles demeurent faibles entravant parfois le déroulement de leurs activi-
tés, alors que d’autres dirigeants estiment qu’elles sont assez développées. Ils
critiquent sévèrement l’état des infrastructures internes puisque la liaison avec
plusieurs villes demeure très difficile 6.

Concernant la deuxième variable construite, elle englobe les facteurs d’attracti-


vité qui constituent certainement les principaux atouts de la Tunisie. Il s’agit de la
proximité géographique, des considérations culturelles, de la qualification du
personnel et enfin de la faiblesse des coûts de production. Il ne fait aucun doute que
la proximité géographique de la Tunisie à l’Europe constitue un atout considérable
qui ne peut laisser indifférent les investisseurs étrangers. D’ailleurs, ils avouent tous
que la proximité a été sérieusement prise en compte lors du choix du site d’implan-
tation. Ce résultat est attendu puisque 94 % des firmes sont européennes. Même si
en théorie « la situation géographique » est « une condition nécessaire », certains
investisseurs n’hésitent pas à l’associer aux conditions « fondamentales », puis-
qu’elle a constitué le critère décisif lors du choix du site de localisation. Par ailleurs,
presque tous les dirigeants interrogés sont d’accord sur le fait que la Tunisie jouit
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d’un marché du travail doté d’un personnel qualifié capable de s’adapter aux
nouvelles techniques de production. De plus, les coûts de production y sont
globalement avantageux.

Enfin, les principaux obstacles dont souffre la Tunisie aujourd’hui sont l’étroi-
tesse du marché local et les problèmes liés à la bureaucratie. En effet, la taille du
marché est estimée modeste surtout du point de vue des investisseurs industriels qui
pensent que la demande interne reste assez limitée et ne permettrait pas une
expansion du projet sauf en s’orientant de plus en plus vers l’exportation. Cette
situation pourrait engendrer à terme la délocalisation d’un certain nombre de firmes
étrangères implantées sur le territoire tunisien, d’autant plus que la distance géogra-
phique ne constitue plus un obstacle avec le développement des moyens de
communications. La création d’un véritable marché maghrébin unique semble une
solution intéressante et permet aux entreprises de développer un investissement de
type « oblique » où la Tunisie serait une « plateforme » de production pour exporter
vers les pays du Maghreb. Le deuxième obstacle de taille porte sur les problèmes
bureaucratiques et administratifs. Deux phénomènes majeurs sont généralement
signalés : d’une part, la longueur et la complexité des négociations avec les autorités,
notamment en raison des difficultés à trouver les décideurs et de leurs réticences à
prendre des responsabilités ; d’autre part, la bureaucratie omniprésente héritée du
système de planification centrale, ainsi que la longueur et la complexité fréquentes

2007 - No 3 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 491


Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

des procédures d’obtention d’agréments et d’autorisations. La bureaucratie est


souvent source de coûts supplémentaires (liés par exemple à la corruption).

-4-
Identification des principaux sites concurrents
En matière d’IDE, la Tunisie se trouve en concurrence avec un certain nombre de
régions du monde. D’une part, les pays développés et plus précisément les États-
Unis, l’Europe et le Japon, qui attirent la majorité des investissements mondiaux. Le
pouvoir attractif de ces pays est élevé et il est basé sur des facteurs bien connus (taille
de marché, pouvoir d’achat, stabilité et démocratie politique, infrastructure bien
développée, etc.). Même si on admet aujourd’hui que les économies du Nord
connaissent un problème de délocalisation de leurs entreprises attirées essentielle-
ment par les faibles coûts de production offerts par les économies du Sud, on ne peut
réellement parler de concurrence en matière d’attraction d’IDE entre la Tunisie et ces
marchés développés. D’autre part, la Tunisie est en concurrence avec plusieurs pays
en développement qui présentent les mêmes attraits. Dans ce cas, la concurrence est
plus évidente puisque le développement économique de ces pays est plus ou moins
équivalent et par conséquent chaque gouvernement estime avoir les compétences et
les moyens pour rendre son territoire plus attractif que celui du voisin. C’est cette
concurrence qui menace la Tunisie aujourd’hui et la pousse à renforcer son attrac-
tivité afin d’être plus compétitive que ses rivales. Dans ce travail, on s’intéresse à ce
type de concurrence, c’est-à-dire la compétition qui oppose la Tunisie aux autres
économies en développement. Notre objectif se résume en deux grands points :
- Identifier les régions que les investisseurs considèrent plus attractives que le
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marché tunisien ;
- Dégager les conditions et facteurs qui rendent ces pays plus attractifs que la Tunisie
à travers une estimation économétrique.

Nous commencerons d’abord, par présenter les variables endogènes du modèle.


Ensuite, nous identifierons les variables exogènes, cette étape consiste à réaliser une
ACM sur l’ensemble des variables pouvant apprécier le risque d’une meilleure
attractivité dans d’autres pays. Enfin, il s’agit d’interpréter les résultats des régres-
sions logistiques.

4.1. Présentation des variables endogènes

Il s’agit d’expliquer l’existence de meilleurs sites d’investissements ailleurs qu’en


Tunisie. Ceci signifie que des pays en développement offrent de meilleurs facteurs
d’attractivité que la Tunisie, ce qui augmente le risque de délocalisation des firmes
étrangères implantées sur le territoire tunisien. Près de 68 % des dirigeants pensent
qu’il existe des économies en développement plus attractives que le territoire
tunisien. Les entrepreneurs ont précisé que ces régions présentent davantage
d’attraits pour les secteurs dans lesquels ils opèrent. Pour avoir une idée plus précise
sur les sites qui concurrencent la Tunisie, nous avons également demandé aux

492
Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

dirigeants d’identifier parmi une liste de régions, les pays qu’ils jugent plus attractifs
que la Tunisie 7. Il s’agit des :
- Pays de l’Europe Centrale et Orientale (PECO), ainsi que les nouveaux pays
indépendants (Ex Union Soviétique) ;
- Pays du Sud-Est Asiatique et la Chine ;
- Pays arabes et les économies méditerranéennes.

Les résultats révèlent qu’une grande partie des firmes (48 %), estiment que
d’autres pays arabes et méditerranéens présentent plus d’attraits que la Tunisie. Il
s’agit essentiellement des pays appartenant à la rive Est de la Méditerranée, notam-
ment la Grèce (qui appartient à l’Union Européenne), la Turquie et certains inves-
tisseurs ont même évoqué la Jordanie et le Maroc. Les pays de l’Europe Centrale et
Orientale sont également considérés plus attractifs par 42 % des dirigeants. Enfin,
plusieurs investisseurs (36 %), pensent que la Chine ainsi que les pays de l’Asie du
Sud-Est sont les sites d’investissements de l’avenir.

Par conséquent, nous avons trois modèles à estimer et trois variables endogènes
à expliquer. On peut définir les probabilités P1i , P2i et P3i que la firme i estime qu’il
existe de meilleurs sites respectivement dans les PECO, en Asie du Sud-Est ou en
Chine et dans les pays arabes et méditerranéens.

P1i = proba [MEISIT - PECOi = 1]

P2i = proba [MEISIT - ASIEi = 1]


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P3i = proba [MEISIT - MEDi = 1]

où MEISIT – PECOi, MEISIT - ASIEi et MEISIT - MEDi sont des variables dicho-
tomiques qui prennent la valeur 1 si la firme i estime qu’il existe de meilleurs sites
respectivement aux PECO, en Asie du Sud-Est ou en Chine et dans les pays arabes et
méditerranéens. Elles prennent la valeur 0 sinon avec i = 1,..., n. n étant la taille de
l’échantillon. Il s’agit alors d’estimer des modèles de type logit.

4. 2. Les variables exogènes du modèle

Pour ce qui est des variables exogènes, outre la taille et le secteur d’activité, nous
intégrerons des variables relatives aux facteurs d’attractivité des sites concurrents. Il
s’agit de la liste de facteurs « fondamentaux » et « nécessaires ». Pour chaque varia-
ble, le dirigeant doit mentionner si la condition est mieux satisfaite ailleurs qu’en
Tunisie, ou non. En poursuivant la même méthodologie, une ACM est réalisée sur
l’ensemble des facteurs considérés. Les variables considérées (meilleurs facteurs
d’attractivité ailleurs), ainsi que les mesures de discrimination, sont résumées dans
le tableau 4 suivant.

2007 - No 3 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 493


Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

Tableau 4 : Meilleurs facteurs d’attractivité ailleurs qu’en Tunisie

Mesures de discrimination

Dimension 1 Dimension 2
(l = 0,416) (l = 0,152)
Climat politique 0,025 0,084
Climat économique 0,131 0,164
Taille/potentiel du marché 0,598 0,034
Législation et système juridique 0,559 0,057
Infrastructures 0,649 0,000
Qualification du personnel/main-d’œuvre 0,384 0,245
La situation géographique 0,290 0,415
Les considérations culturelles 0,151 0,431
Existence de relations d’affaires 0,669 0,122
Démarches administratives 0,729 0,000
Faiblesse des coûts de production 0,451 0,160
Source de matières premières 0,361 0,115

L’ACM menée sur ces douze variables nous permet de retenir deux axes dont les
valeurs propres l sont supérieures à 1/12 (= 0,0833). En effet, la première dimension
est corrélée principalement aux 6 variables suivantes : « la taille du marché », « la
législation », « les infrastructures », « l’existence de relations d’affaires », « les démar-
ches administratives », et « les coûts de production ». Notons tout de même que ces
variables contribuent différemment à la construction du premier axe avec une
corrélation plus importante pour les variables « démarches administratives », « exis-
tence de relations d’affaires » et les « infrastructures ». Ainsi, cette dimension renvoie
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aux facteurs institutionnels et d’opportunités. Quant à la deuxième dimension, elle
est corrélée principalement aux deux variables suivantes : « la proximité géographi-
que » et « les considérations culturelles ». Ces variables contribuent significative-
ment à la construction de l’axe relatif aux facteurs de proximité (proximité géogra-
phique et culturelle). Ces deux axes sont considérés comme des variables exogènes
dans les estimations économétriques. Enfin, les quatre variables restantes à savoir
« le climat politique », « le climat économique », « la qualification du personnel », et
« la source de matières premières », semblent présenter une corrélation faible, avec
les deux axes retenus. Même si elles sont mieux corrélées avec le premier axe pour les
variables « qualification du personnel et source de matières premières », et avec le
deuxième axe pour les variables « climat politique et climat économique », ces
variables ne seront donc pas retenues dans l’analyse puisqu’elles ne sont pas bien
représentées (voir annexe 2).

4.3. Résultats des estimations : facteurs justifiant l’existence


de meilleurs sites d’investissements

Trois modèles sont estimés : dans le modèle 1 nous essayerons d’identifier les
facteurs justifiant l’existence de meilleurs sites dans les PECO [MEISIT - PECO]. Le
modèle 2 identifie les facteurs justifiant l’existence de meilleurs sites en Asie du

494
Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

Sud-Est et en Chine [MEISIT - ASIE]. Enfin, le modèle 3 identifie les facteurs


justifiant l’existence de meilleurs sites en Méditerranée et dans les pays arabes
[MEISIT - MED]. Les résultats des estimations sont présentés dans le tableau 5.

Tableau 5 : Estimation des facteurs justifiant l’existence de meilleurs sites


ailleurs qu’en Tunisie

Modèle 1 : Modèle 2 : Modèle 3 :


Modèle Variables MEISIT - PECO = 1 MEISIT - ASIE = 1 MEISIT - MED = 1

Coef Wald Coef Wald Coef Wald


Constante 0,476 0,214 -2,419 3,526* -0,076 0,004
Fac. Institu-opport 1,735 12,523*** 1,905 8,580*** 1,147 7,144***
Fac. Proximité 0,110 0,092 -0,931 3,324* 1,990 9,393***
Secteur
Secteur manufacturier -1,587 2,005 0,372 0,090 -0,135 0,012
Secteur agricole
-0,082 0,003 1,587 0,791 0,708 0,185
Secteur Services (réf.)
Taille
200 et plus 0,215 0,055 2,815 4,891** -0,872 0,723
50 à 199 0,046 0,002 -1,545 1,499 0,268 0.072
10 à 49 (réf.)
R2 (Mc Fadden) 0,341 0,441 0,432
-2 log vraisemblance 42,174 32,827 38,933
Test du ratio du max. c2 = 22,930*** c2 = 27,663*** c2 = 29,660***
de vraisemblance (>c2 (6)) (>c2 (6)) (>c2 (6))
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Taux de classification 84 % 84 % 78 %
* Coefficient significatif au seuil 10 %
** Coefficient significatif au seuil 5 %
*** Coefficient significatif au seuil 1 %

Les trois modèles témoignent d’un rapport de vraisemblance significatif et d’un


taux de classification important (84 % pour les modèles 1 et 2 et 78 % pour le
modèle 3). La spécification des modèles est donc globalement significative.
L’ensemble des variables considérées dans le modèle justifie l’existence de facteurs
d’attractivité mieux satisfaits dans d’autres territoires, et, par conséquent, l’existence
de meilleurs sites d’investissements que la Tunisie.

Dans le modèle 1, relatif à l’identification de meilleurs facteurs d’attractivité dans


les pays de l’Europe de l’Est (PECO), la variable relative aux facteurs institutionnels
et d’opportunités exerce une influence positive significative (au seuil de 1 %) sur la
probabilité que les pays de l’Europe de l’Est présentent une attractivité meilleure que
celle de la Tunisie. Elle reflète la législation, les infrastructures, les démarches
administratives, la taille du marché, les relations d’affaires et les coûts de
production. Ceci prouve que ces facteurs réunis sont mieux satisfaits dans les PECO.
C’est l’intégration future de ces pays à l’Union Européenne ainsi que la faiblesse du

2007 - No 3 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 495


Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

coût de la main-d’œuvre qui justifient ce jugement. Toutefois, les entrepreneurs


estiment que des obstacles tels que la langue, la fragilité politique, le passé commu-
niste de ces pays, sont des contraintes à prendre en considération. Quant à l’effet des
variables relatives au secteur d’activité et à la taille des entreprises, il est non
significatif.

Dans le modèle 2, relatif à l’identification de meilleurs facteurs d’attractivité en


Asie du Sud-Est et en Chine, ce sont essentiellement les facteurs institutionnels et
d’opportunités qui exercent une influence positive significative (au seuil de 1 %) sur
la probabilité que ces pays présentent une attractivité meilleure que celle de la
Tunisie. L’effet des facteurs de proximité (significatif au seuil de 10 %) est de signe
négatif, c’est-à-dire que moins les entreprises accordent une importance à la
proximité géographique et culturelle, plus la probabilité de qualifier l’Asie comme
meilleur site est élevée. De plus, la taille exerce un effet significatif à 95 %, la menace
de délocalisation émane essentiellement des grandes entreprises de plus de 200
employés puisque c’est la seule tranche de taille ayant un effet significatif. En
revanche, la variable « secteur d’activité » n’a pas un effet significatif. Il semble alors
que la proximité géographique et culturelle pose moins de contraintes essentielle-
ment pour les grandes entreprises. Tout se passe comme si l’importance de la taille
du marché et la faiblesse des coûts de production compensent l’effet dissuasif lié à la
situation géographique.

Les investisseurs voient dans la Chine ainsi que dans les pays d’Asie du Sud-Est
les lieux d’investissements de l’avenir. La taille du marché est nettement supérieure
à celle de la Tunisie, les taux de croissance économique y sont élevés, les coûts de
main-d’œuvre y sont extrêmement faibles, enfin, malgré un régime en place peu
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démocratique, la situation politique semble assez stable. Toutefois, l’éloignement
de cette région est un obstacle de taille pour la plupart des investisseurs. En effet, ils
considèrent que même si les coûts de transport tendent à baisser, l’investissement
dans ces régions ne peut être rentable que si la taille du projet est assez importante,
permettant la réalisation d’économies d’échelle. La taille importante du marché et
les faibles coûts de production sont donc les deux variables qui renforcent l’attrac-
tivité de la Chine et des pays du Sud-Est Asiatique.

Dans le modèle 3, relatif à l’identification de meilleurs facteurs d’attractivité en


Méditerranée, aussi bien les facteurs institutionnels et d’opportunités (variable
significative au seuil de 1 %), que les facteurs de proximité (variable significative au
seuil de 1 %) expliquent le fait que les conditions d’investissement dans les pays
méditerranéens soient meilleures qu’en Tunisie. Cependant, le deuxième facteur
exerce une influence négative. En effet, moins les entreprises accordent une impor-
tance aux facteurs de proximité géographique et culturelle, plus il est probable de
qualifier d’autres sites en Méditerranée comme plus attractifs. Quant à l’effet des
variables relatives à la taille des entreprises et à leur secteur d’activité, il est non
significatif.

En effet, les économies méditerranéennes offrent d’une manière générale les


mêmes facteurs d’attractivité que la Tunisie (proximité géographique, faibles coûts

496
Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI

de production, main-d’œuvre qualifiée, considérations culturelles, etc.). Mais, cer-


tains pays se distinguent du territoire tunisien par la dimension plus importante du
marché local. Les avantages de proximité géographique et culturelle que possède la
Tunisie, perdent de leur valeur lorsqu’on compare l’attractivité tunisienne avec celle
de plusieurs pays méditerranéens, puisque ces derniers détiennent également les
mêmes atouts. C’est pour cette raison que dans le troisième modèle toutes les
variables intégrées ont une forte significativité.

D’après les résultats de ces estimations, nous pouvons conclure que la Tunisie est
sérieusement menacée par la concurrence d’autres pays en développement en
matière d’attraction des investissements directs étrangers, essentiellement une riva-
lité avec les pays méditerranéens voisins, et à moindre mesure avec les pays de
l’Europe de l’Est et les économies du Sud-Est Asiatique ainsi que la Chine. L’exis-
tence d’une taille de marché importante est la principale raison justifiant l’existence
d’économies en développement plus attractives que la Tunisie. Les dirigeants ont
évoqué d’autres attraits tels que l’existence de meilleures relations d’affaires, une
administration plus efficace, des coûts de production plus avantageux et une
infrastructure plus développée. Par ailleurs, quand il s’agit de stabilité politique, de
proximité géographique, d’existence de liens culturels et de disponibilité d’une
main-d’œuvre qualifiée, les autres sites concurrents semblent moins menaçants. A
priori, du point de vue des investisseurs étrangers, la Tunisie satisfait ces conditions
et elle ne risque pas ou peu d’être inquiétée par les autres pays à ce niveau.

Conclusion
L’attractivité des territoires par rapport aux IDE est située dans une problémati-
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que de localisation des activités. Pour une entreprise étrangère, le choix de localisa-
tion est le résultat d’une combinaison entre sa propre stratégie et les avantages
offerts par les zones d’accueil. Ces avantages sont diversifiés et interdépendants, ce
qui rend plus complexe la décision de choix de localisation. Ainsi, une compétition
s’installe entre les territoires concurrents offrant des avantages comparables, les
autorités nationales et locales s’efforçant de valoriser leurs territoires afin d’attirer les
investisseurs étrangers.

La notion d’attractivité des territoires souvent abordée à partir du rôle de la taille


du marché, de la proximité géographique et des coûts des facteurs de production
(dans les modèles gravitationnels) est élargie ici pour tenir compte des effets des
variables qualitatives pouvant influencer le choix de localisation des investisseurs
étrangers. Ce travail offre la possibilité (à travers la réalisation d’une enquête auprès
des investisseurs) d’identifier les différents facteurs d’attractivité ayant une dimen-
sion aussi bien institutionnelle et macro économique qu’une dimension coûts. Le
modèle présenté dans cet article essaie de tenir compte aussi bien des variables
objectives et standards telles que la taille du marché et les coûts de production que
des variables ayant une dimension plus subjective (liens culturels, états des infras-
tructures, etc.). La complexité des décisions d’investissement à l’étranger amène à
tenir compte de diverses dimensions pouvant intervenir dans la décision de
localisation.

2007 - No 3 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 497


Investissement direct étranger et attractivité en Tunisie

Plusieurs améliorations pourraient être apportées à ce travail. Une première voie


à explorer consiste à prendre en compte les spécificités sectorielles en considérant un
niveau d’analyse plus désagrégé au niveau des secteurs. Le rôle des différents
déterminants (institutionnels, coûts, proximité, etc.) varie certainement d’un sec-
teur à un autre. Une deuxième voie consiste à considérer le rôle de la capacité
d’absorption locale. Il s’agira alors de voir dans quelle mesure les IDE peuvent
s’accompagner d’un transfert technologique, lequel transfert nécessiterait un certain
investissement local en capacité d’absorption pour bien profiter des effets potentiels
de diffusion technologique. Cette capacité d’absorption pourrait alors jouer le rôle
d’un facteur d’attractivité pouvant limiter les menaces de délocalisations vers des
territoires considérés plus captifs.

ANNEXES
Annexe 1 : Qualité de représentation des variables pour ACM 1 (facteurs
d’attractivité pour la Tunisie)
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Annexe 2 : Qualité de représentation des variables pour ACM 2 (facteurs © Armand Colin | Téléchargé le 01/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 197.15.244.68)
d’attractivité pour les pays concurrents)

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Notes
1 - Durant la même période, les flux d’IDE destinés aux pays développés passent de plus de
80 % à près de 53 % (Rapport CNUCED, 2004).
2 - L’avantage spécifique ou monopolistique de la firme (O, comme ownership advantages),
l’avantage à la localisation à l’étranger (L) et l’avantage à l’internalisation (I) (implantation
d’une filiale pour assurer un meilleur contrôle du marché).
3 - La notion de spécificité des actifs et son effet sur l’internalisation des transactions de
marché ont été introduits initialement par Oliver WILLIAMSON dans le cadre de la théorie
des coûts de transaction, ainsi que par John H. DUNNING dans le cadre du paradigme OLI.
4 - Pour une analyse des fondements théoriques du modèle gravitationnel, voir ANDERSON et
WINCOOP (2003).
5 - Pour une revue des travaux empiriques sur les déterminants des IDE, voir BLONIGEN
(2005).
6 - En effet, les dirigeants estiment qu’il est parfois plus facile d’envoyer une marchandise vers
un pays étranger que vers une ville tunisienne ce qui nuit sérieusement au développement
de l’offre interne.
7 - Le questionnaire tient compte de la région de l’Amérique du Sud dans la liste présentée aux
investisseurs. Vu le nombre très réduit de réponses considérant que les sites de cette région
sont plus attractifs que le territoire tunisien, les résultats obtenus ne sont pas significatifs.
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