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Zouhour KARRAY
Maître Assistante en Sciences Économiques
Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Nabeul – Tunisie.
Chercheur à l’UAQUAP (Unité d’Analyse Quantitative Appliquée) Institut
Supérieur de Gestion, Tunis
Chercheur associé au LERPES – GRES (Laboratoire d’Études et de Recherches
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Sofiane TOUMI
Assistant en Sciences Économiques
Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Nabeul – Tunisie.
Chercheur associé à l’Institut CEDIMES (Centre d’Études du Développement
International et des Mouvements Économiques et Sociaux), Université
Panthéon-Assas, Paris II
Résumé
L’article analyse les facteurs d’attractivité de la Tunisie par rapport aux investissements directs
étrangers en considérant que la décision de localisation est le résultat non seulement de la stratégie de
la firme, mais également des avantages offerts par les zones d’accueil. Les estimations économétriques
réalisées sur des données qualitatives à travers un modèle logit permettent, d’une part, d’estimer la
probabilité de réinvestissement en fonction des différents facteurs d’attractivité, et d’identifier, d’autre
part, les enjeux que présentent les menaces de délocalisation des entreprises étrangères vers d’autres
territoires potentiellement plus attractifs.
Summary
The paper analyzes the attractiveness factors of Tunisia with regard to foreign direct investments,
considering that the decision of localization is the result not only of the firm’s strategy, but also of the
advantages offered by host countries. The estimates are based on qualitative data through a logit
model. On the one hand it estimates the probability of reinvestment according to the various
attractiveness factors, and on the other hand, it entifies threats of delocalization of the foreign
companies to other potentially more attractive territories.
Introduction
L’attractivité des territoires est devenue au cours des dernières années une
question cruciale en matière de politique économique. Attirer les Investissements
directs étrangers (IDE) constitue depuis longtemps une préoccupation majeure
pour la Tunisie. Les IDE sont censés renforcer les exportations du pays, créer de
l’emploi, transférer de la technologie, participer à un aménagement plus harmo-
nieux du territoire et contribuer au développement industriel. Afin de parvenir à ces
objectifs, des mesures spécifiques (programme de privatisations, régime d’incita-
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mutation des mentalités (FERRARA et HENRIOT, 2004). Dans cette perspective, l’inter-
nationalisation des firmes n’est plus perçue comme un danger. Au contraire, elle
devient une donnée qui doit être prise en compte dans la stratégie des responsables
gouvernementaux. Concrètement, la multiplication des agences de promotion des
investissements (Invest in...) témoigne de la volonté des responsables de promou-
voir leur territoire auprès des investisseurs potentiels. L’attention se focalise sur le
positionnement stratégique de la Tunisie (en tant que territoire d’accueil des IDE)
dans la compétition entre différents territoires pour la localisation des IDE et sur la
capacité de ce territoire à résister face à la montée en puissance des nouveaux
compétiteurs sur la scène internationale.
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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI
aux incitations n’est justifiable que lorsque les bénéfices attendus des IDE sont aussi
importants que les coûts liés à ces incitations. De plus, un des principaux effets
attendus des IDE concerne les externalités technologiques. Or, ces effets ne peuvent
réellement avoir lieu que si les firmes locales disposent d’une capacité d’absorption
des savoirs et technologies étrangers. Focaliser l’attention sur les incitations orien-
tées exclusivement aux entreprises étrangères n’est pas généralement un moyen
efficace pour améliorer le bien-être national. Ainsi, afin de favoriser les effets de
diffusion, il faut simultanément promouvoir les incitations à l’investissement
auprès des multinationales et améliorer les conditions d’apprentissage et d’investis-
sement auprès des firmes locales.
Ces modèles offrent l’avantage de situer la notion d’attractivité dans une problé-
matique relative à la localisation des activités des entreprises multinationales et
d’identifier le type d’IDE à partir des facteurs d’attractivité mis en avant. En revanche,
une telle modélisation est réductrice car elle ne peut tenir compte de toute la
complexité inhérente aux décisions de localisation des entreprises (FERRARA et
HENRIOT, 2004). Le modèle gravitationnel ne permet pas d’inclure des variables
ayant trait à la fiscalité, à la qualité des infrastructures, à la stabilité économique et
politique, etc., bref aux facteurs d’attractivité ayant une dimension qualitative.
L’attractivité territoriale se construit à partir d’un ensemble complexe de facteurs qui
sont étroitement inter-liés. Par exemple, la qualité des infrastructures (réseaux de
transport et de communication) dépend directement du fonctionnement des insti-
tutions. De même, le développement de compétences locales en termes de savoir-
faire et de qualification n’est pas sans lien avec l’existence d’un tissu d’entreprises
dynamiques et d’un environnement favorable à l’innovation.
Dans une telle perspective, MICHALET (1999) identifie deux catégories de facteurs
d’attractivité : d’une part, les facteurs qualifiés de « fondamentaux » qui renvoient à
un certain nombre de pré-requis jugés essentiels pour un territoire (stabilité écono-
mique et politique, taille du marché, incitations fiscales, état des infrastructures et
des institutions, disponibilité en main-d’œuvre qualifiée). D’autre part, les facteurs
considérés comme « nécessaires » qui contribuent davantage au renforcement de
l’attractivité d’un territoire (existence d’un tissu d’entreprises locales performantes,
existence d’un environnement favorable à l’innovation, politiques de privatisation
et de libéralisation du marché, considérations géographiques et culturelles, création
d’organisme de promotion, adhésion à une zone d’intégration régionale).
La concurrence entre territoires pour attirer les IDE permet certes d’améliorer les
conditions économiques d’un pays lorsque les gouvernements réalisent des efforts
dans l’amélioration de la productivité du travail, de la croissance économique, dans
l’offre des incitations fiscales, etc. Mais, cette concurrence peut être également source
de problèmes lorsque les effets des IDE en termes de création d’emploi et de
diffusion technologique, par exemple, sont en deçà des attentes (OMAN, 2000).
Dans ces conditions, les bénéfices liés aux IDE pour un territoire peuvent être
insuffisants pour justifier les coûts engagés par les autorités nationales dans la
promotion du territoire en termes d’incitations fiscales par exemple. D’où, l’intérêt
pour un territoire d’évaluer son positionnement concurrentiel par rapport à l’évo-
lution de ces propres facteurs d’attractivité (le réinvestissement ou l’extension de
l’investissement existant pouvant être perçus comme des signaux d’une « bonne »
attractivité territoriale) et par rapport aux territoires concurrents (afin d’évaluer le
risque de délocalisation des activités étrangères installées dans un pays vers un pays
concurrent).
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-2-
Source de données
Les données mobilisées dans le cadre de cet article sont issues d’une enquête
réalisée en 2005 auprès des entreprises étrangères en Tunisie pour apprécier l’attrac-
tivité du territoire tunisien vis-à-vis des IDE. Le questionnaire est conçu sur la base
de l’approche de MICHALET (1999). Les investisseurs étrangers sont interrogés sur les
principales conditions d’investissement tout en respectant la distinction entre les
facteurs « fondamentaux » et les « conditions nécessaires ». Il s’agit plus précisément
d’une mesure d’appréciation par rapport aux différents facteurs d’attractivité. Ces
derniers tiennent compte des caractéristiques d’un territoire : nature et rôle des
institutions, qualité des infrastructures, qualité et coût de la main-d’œuvre, stabilité
politique et économique, etc. L’enquête s’est déroulée par des entretiens personnels
auprès des entrepreneurs étrangers installés sur le territoire.
-3-
Identification des principaux facteurs d’attractivité
en Tunisie
Étant donnée la taille de l’échantillon, on ne peut intégrer le nombre important
de variables dont nous disposons en tant que tel dans une estimation économétri-
que. D’où l’intérêt d’un effort de synthèse à travers l’Analyse de correspondance
multiple (ACM). Dans un premier temps, il s’agit de réaliser une ACM en intégrant
toutes les variables pouvant apprécier l’attractivité en Tunisie, cette analyse nous
permet de retenir deux facteurs : les facteurs institutionnels et les facteurs de
proximité/coût. Dans un second temps, il s’agit de déterminer à l’aide d’une
estimation économétrique les principaux facteurs d’attractivité en Tunisie.
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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI
Dimension 1 Dimension 2
(l = 0,223) (l = 0,155)
Climat politique 0,409 0,098
Climat économique 0,347 0,090
Taille/potentiel du marché 0,079 0,112
Législation et système juridique 0,276 0,000
Infrastructures 0,472 0,044
Qualification du personnel/main-
0,184 0,306
d’œuvre
La situation géographique 0,049 0,405
Les considérations culturelles 0,012 0,600
Existence de relations d’affaires 0,370 0,002
Démarches administratives 0,010 0,017
Faiblesse des coûts de production 0,011 0,380
Source de matières premières 0,094 0,175
L’ACM menée sur ces douze variables nous permet de retenir deux axes (appelés
aussi dimensions) dont les valeurs propres l sont supérieures à 1/12 (= 0,0833). La
première dimension est corrélée principalement aux 5 variables suivantes (parmi les
12 variables au total) : « le climat politique », « le climat économique », « la législa-
tion », « les infrastructures et « l’existence de relations d’affaires ». Notons tout de
même que ces variables contribuent différemment à la construction du premier axe
avec une corrélation plus importante pour les variables « climat politique » et
« infrastructures ». Le premier axe renvoie donc aux facteurs institutionnels et
indique le degré d’importance accordée au cadre institutionnel du pays. Quant à la
deuxième dimension, elle est corrélée principalement aux quatre variables suivan-
tes : « la qualification du personnel », « les coûts de production, la proximité géo-
graphique » et « les considérations culturelles ». Les deux dernières variables contri-
buent plus particulièrement à la construction de l’axe. Le deuxième axe regroupe
alors les facteurs de proximité/coûts et révèle l’importance accordée à la proximité et
aux coûts de production. La proximité est appréhendée dans une double dimension
géographique et culturelle. Enfin, les trois variables restantes à savoir « la taille du
marché », « les démarches administratives » et « source de matières premières »,
semblent ne présenter qu’une faible corrélation, voire aucune, avec les deux axes
retenus. Même si elles sont mieux corrélées avec le deuxième axe, ces variables ne
seront pas retenues dans l’analyse puisqu’elles ne sont pas bien représentées (voir
annexe I).
L’indicateur de réinvestissement n’est rien d’autre que les chances qu’une firme,
prise au hasard, choisisse de réinvestir. Pour une entreprise i, on peut définir alors la
probabilité Pi que la firme réinvestisse en Tunisie :
Pi = proba [REINVi = 1]
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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI
où REINVi est une variable dichotomique qui prend la valeur 1 si la firme i choisit
le réinvestissement, et 0 sinon, pour i = 1,..., n. n étant la taille de l’échantillon. La
variable à expliquer étant binaire, le modèle approprié est alors de type logit
(GOURIEROUX, 1984 ; GREEN, 1997).
* La variable relative à la taille des entreprises : la taille des firmes est une variable
de profil, appréciée par une variable qualitative codée en 3 tranches : petite entre-
prise (effectif compris entre 10 et 49), moyenne entreprise (effectif compris entre 50
et 199) et grande entreprise (effectif supérieur ou égal à 200). L’échantillon est
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* Les variables relatives aux facteurs d’attractivité : nous retenons les deux
variables construites (métriques) à partir de l’ACM. Il s’agit du degré d’importance
accordé aux facteurs institutionnels, et du degré d’importance accordé aux facteurs
de proximité/coûts.
Parmi les facteurs d’attractivité considérés, la variable relative aux facteurs insti-
tutionnels (significative au seuil de 5 %), et surtout celle relative aux facteurs de
proximité/coûts (significative au seuil de 1 %), exercent une influence positive
significative sur la probabilité de réinvestir sur le territoire tunisien. Ces résultats
renforcent l’explication que l’investissement étranger est déterminé, entre autres, par
les avantages de localisation qu’offrent les territoires d’accueil. Quant à l’effet des
variables relatives à la taille des entreprises et à leur secteur d’activité, il est non
significatif.
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par les firmes étrangères. Dans l’ensemble, les investisseurs interrogés semblent
assez satisfaits de la stabilité politique qui règne dans le pays. Notons, toutefois, que
le régime politique en place est souvent critiqué parce qu’il renforce la planification
centrale qui ralentit parfois l’exécution des transactions, favorise la lenteur adminis-
trative et rend difficile la gestion courante des activités. L’environnement économi-
que est jugé plutôt satisfaisant. En effet, la croissance économique moyenne avoi-
sine les 5 % par an. Mais, c’est la fragilité du système bancaire et financier qui
préoccupe les investisseurs qui estiment que ce secteur n’arrive pas à financer
considérablement la croissance. Quant aux infrastructures, certains investisseurs
pensent qu’elles demeurent faibles entravant parfois le déroulement de leurs activi-
tés, alors que d’autres dirigeants estiment qu’elles sont assez développées. Ils
critiquent sévèrement l’état des infrastructures internes puisque la liaison avec
plusieurs villes demeure très difficile 6.
Enfin, les principaux obstacles dont souffre la Tunisie aujourd’hui sont l’étroi-
tesse du marché local et les problèmes liés à la bureaucratie. En effet, la taille du
marché est estimée modeste surtout du point de vue des investisseurs industriels qui
pensent que la demande interne reste assez limitée et ne permettrait pas une
expansion du projet sauf en s’orientant de plus en plus vers l’exportation. Cette
situation pourrait engendrer à terme la délocalisation d’un certain nombre de firmes
étrangères implantées sur le territoire tunisien, d’autant plus que la distance géogra-
phique ne constitue plus un obstacle avec le développement des moyens de
communications. La création d’un véritable marché maghrébin unique semble une
solution intéressante et permet aux entreprises de développer un investissement de
type « oblique » où la Tunisie serait une « plateforme » de production pour exporter
vers les pays du Maghreb. Le deuxième obstacle de taille porte sur les problèmes
bureaucratiques et administratifs. Deux phénomènes majeurs sont généralement
signalés : d’une part, la longueur et la complexité des négociations avec les autorités,
notamment en raison des difficultés à trouver les décideurs et de leurs réticences à
prendre des responsabilités ; d’autre part, la bureaucratie omniprésente héritée du
système de planification centrale, ainsi que la longueur et la complexité fréquentes
-4-
Identification des principaux sites concurrents
En matière d’IDE, la Tunisie se trouve en concurrence avec un certain nombre de
régions du monde. D’une part, les pays développés et plus précisément les États-
Unis, l’Europe et le Japon, qui attirent la majorité des investissements mondiaux. Le
pouvoir attractif de ces pays est élevé et il est basé sur des facteurs bien connus (taille
de marché, pouvoir d’achat, stabilité et démocratie politique, infrastructure bien
développée, etc.). Même si on admet aujourd’hui que les économies du Nord
connaissent un problème de délocalisation de leurs entreprises attirées essentielle-
ment par les faibles coûts de production offerts par les économies du Sud, on ne peut
réellement parler de concurrence en matière d’attraction d’IDE entre la Tunisie et ces
marchés développés. D’autre part, la Tunisie est en concurrence avec plusieurs pays
en développement qui présentent les mêmes attraits. Dans ce cas, la concurrence est
plus évidente puisque le développement économique de ces pays est plus ou moins
équivalent et par conséquent chaque gouvernement estime avoir les compétences et
les moyens pour rendre son territoire plus attractif que celui du voisin. C’est cette
concurrence qui menace la Tunisie aujourd’hui et la pousse à renforcer son attrac-
tivité afin d’être plus compétitive que ses rivales. Dans ce travail, on s’intéresse à ce
type de concurrence, c’est-à-dire la compétition qui oppose la Tunisie aux autres
économies en développement. Notre objectif se résume en deux grands points :
- Identifier les régions que les investisseurs considèrent plus attractives que le
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dirigeants d’identifier parmi une liste de régions, les pays qu’ils jugent plus attractifs
que la Tunisie 7. Il s’agit des :
- Pays de l’Europe Centrale et Orientale (PECO), ainsi que les nouveaux pays
indépendants (Ex Union Soviétique) ;
- Pays du Sud-Est Asiatique et la Chine ;
- Pays arabes et les économies méditerranéennes.
Les résultats révèlent qu’une grande partie des firmes (48 %), estiment que
d’autres pays arabes et méditerranéens présentent plus d’attraits que la Tunisie. Il
s’agit essentiellement des pays appartenant à la rive Est de la Méditerranée, notam-
ment la Grèce (qui appartient à l’Union Européenne), la Turquie et certains inves-
tisseurs ont même évoqué la Jordanie et le Maroc. Les pays de l’Europe Centrale et
Orientale sont également considérés plus attractifs par 42 % des dirigeants. Enfin,
plusieurs investisseurs (36 %), pensent que la Chine ainsi que les pays de l’Asie du
Sud-Est sont les sites d’investissements de l’avenir.
Par conséquent, nous avons trois modèles à estimer et trois variables endogènes
à expliquer. On peut définir les probabilités P1i , P2i et P3i que la firme i estime qu’il
existe de meilleurs sites respectivement dans les PECO, en Asie du Sud-Est ou en
Chine et dans les pays arabes et méditerranéens.
où MEISIT – PECOi, MEISIT - ASIEi et MEISIT - MEDi sont des variables dicho-
tomiques qui prennent la valeur 1 si la firme i estime qu’il existe de meilleurs sites
respectivement aux PECO, en Asie du Sud-Est ou en Chine et dans les pays arabes et
méditerranéens. Elles prennent la valeur 0 sinon avec i = 1,..., n. n étant la taille de
l’échantillon. Il s’agit alors d’estimer des modèles de type logit.
Pour ce qui est des variables exogènes, outre la taille et le secteur d’activité, nous
intégrerons des variables relatives aux facteurs d’attractivité des sites concurrents. Il
s’agit de la liste de facteurs « fondamentaux » et « nécessaires ». Pour chaque varia-
ble, le dirigeant doit mentionner si la condition est mieux satisfaite ailleurs qu’en
Tunisie, ou non. En poursuivant la même méthodologie, une ACM est réalisée sur
l’ensemble des facteurs considérés. Les variables considérées (meilleurs facteurs
d’attractivité ailleurs), ainsi que les mesures de discrimination, sont résumées dans
le tableau 4 suivant.
Mesures de discrimination
Dimension 1 Dimension 2
(l = 0,416) (l = 0,152)
Climat politique 0,025 0,084
Climat économique 0,131 0,164
Taille/potentiel du marché 0,598 0,034
Législation et système juridique 0,559 0,057
Infrastructures 0,649 0,000
Qualification du personnel/main-d’œuvre 0,384 0,245
La situation géographique 0,290 0,415
Les considérations culturelles 0,151 0,431
Existence de relations d’affaires 0,669 0,122
Démarches administratives 0,729 0,000
Faiblesse des coûts de production 0,451 0,160
Source de matières premières 0,361 0,115
L’ACM menée sur ces douze variables nous permet de retenir deux axes dont les
valeurs propres l sont supérieures à 1/12 (= 0,0833). En effet, la première dimension
est corrélée principalement aux 6 variables suivantes : « la taille du marché », « la
législation », « les infrastructures », « l’existence de relations d’affaires », « les démar-
ches administratives », et « les coûts de production ». Notons tout de même que ces
variables contribuent différemment à la construction du premier axe avec une
corrélation plus importante pour les variables « démarches administratives », « exis-
tence de relations d’affaires » et les « infrastructures ». Ainsi, cette dimension renvoie
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Trois modèles sont estimés : dans le modèle 1 nous essayerons d’identifier les
facteurs justifiant l’existence de meilleurs sites dans les PECO [MEISIT - PECO]. Le
modèle 2 identifie les facteurs justifiant l’existence de meilleurs sites en Asie du
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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI
Les investisseurs voient dans la Chine ainsi que dans les pays d’Asie du Sud-Est
les lieux d’investissements de l’avenir. La taille du marché est nettement supérieure
à celle de la Tunisie, les taux de croissance économique y sont élevés, les coûts de
main-d’œuvre y sont extrêmement faibles, enfin, malgré un régime en place peu
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D’après les résultats de ces estimations, nous pouvons conclure que la Tunisie est
sérieusement menacée par la concurrence d’autres pays en développement en
matière d’attraction des investissements directs étrangers, essentiellement une riva-
lité avec les pays méditerranéens voisins, et à moindre mesure avec les pays de
l’Europe de l’Est et les économies du Sud-Est Asiatique ainsi que la Chine. L’exis-
tence d’une taille de marché importante est la principale raison justifiant l’existence
d’économies en développement plus attractives que la Tunisie. Les dirigeants ont
évoqué d’autres attraits tels que l’existence de meilleures relations d’affaires, une
administration plus efficace, des coûts de production plus avantageux et une
infrastructure plus développée. Par ailleurs, quand il s’agit de stabilité politique, de
proximité géographique, d’existence de liens culturels et de disponibilité d’une
main-d’œuvre qualifiée, les autres sites concurrents semblent moins menaçants. A
priori, du point de vue des investisseurs étrangers, la Tunisie satisfait ces conditions
et elle ne risque pas ou peu d’être inquiétée par les autres pays à ce niveau.
Conclusion
L’attractivité des territoires par rapport aux IDE est située dans une problémati-
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ANNEXES
Annexe 1 : Qualité de représentation des variables pour ACM 1 (facteurs
d’attractivité pour la Tunisie)
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Annexe 2 : Qualité de représentation des variables pour ACM 2 (facteurs © Armand Colin | Téléchargé le 01/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 197.15.244.68)
d’attractivité pour les pays concurrents)
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Zouhour KARRAY, Sofiane TOUMI
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Notes
1 - Durant la même période, les flux d’IDE destinés aux pays développés passent de plus de
80 % à près de 53 % (Rapport CNUCED, 2004).
2 - L’avantage spécifique ou monopolistique de la firme (O, comme ownership advantages),
l’avantage à la localisation à l’étranger (L) et l’avantage à l’internalisation (I) (implantation
d’une filiale pour assurer un meilleur contrôle du marché).
3 - La notion de spécificité des actifs et son effet sur l’internalisation des transactions de
marché ont été introduits initialement par Oliver WILLIAMSON dans le cadre de la théorie
des coûts de transaction, ainsi que par John H. DUNNING dans le cadre du paradigme OLI.
4 - Pour une analyse des fondements théoriques du modèle gravitationnel, voir ANDERSON et
WINCOOP (2003).
5 - Pour une revue des travaux empiriques sur les déterminants des IDE, voir BLONIGEN
(2005).
6 - En effet, les dirigeants estiment qu’il est parfois plus facile d’envoyer une marchandise vers
un pays étranger que vers une ville tunisienne ce qui nuit sérieusement au développement
de l’offre interne.
7 - Le questionnaire tient compte de la région de l’Amérique du Sud dans la liste présentée aux
investisseurs. Vu le nombre très réduit de réponses considérant que les sites de cette région
sont plus attractifs que le territoire tunisien, les résultats obtenus ne sont pas significatifs.
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