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Georges-Jean Pinault Bulletin de la Société de linguistique

de Paris, t. XCVIII (2003), fasc. 1, p. 123-161

SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE


DES CONTACTS EN ASIE CENTRALE

RÉSUMÉ. — La nouvelle lecture d’un texte bilingue révèle un sub-


stantif tokh. B oñi, qui désigne la «∞∞ hanche∞∞ ». La structure morpho-
logique et la forme phonétique de ce mot peuvent s’expliquer par un
emprunt très ancien à un mot *ani-. Il est proposé d’en rapprocher
sanskrit a∞i-, signifiant 1) «∞∞ cheville∞∞ » (en védique, «∞∞ cheville d’es-
sieu∞∞ »), et 2) «∞∞ partie de la jambe au-dessus du genou∞∞ ». Ces deux
emplois résultent d’extensions du sens premier de «∞∞ hanche∞∞ », soit
par transfert anatomique, soit par analogie des parties du char avec
les parties du corps humain. L’adjectif kaly0∞a-, interprété par Wac-
kernagel comme signifiant originellement «∞∞ aux beaux coudes∞∞ », est
analysé comme le masculinatif du féminin kalya∞2-∞∞ : celui-ci continue
un composé signifiant «∞∞ aux belles hanches∞∞ », *kaly-a∞i- = su-sro∞i-
selon une conception constante de la beauté féminine dans le monde
indien. L’indo-aryen ancien a intégré, avant le stade de composition
des hymnes védiques, un terme hybride appartenant à un dialecte
indo-aryen archaïque∞∞ : alors que le premier membre du composé est
hérité (cf. gr. kalli-), le second membre a∞i- ne présente pas une
structure indo-européenne. Ce nom de la hanche aurait été emprunté
indépendamment par les Indo-Aryens et les ancêtres des Tokhariens
à une langue non indo-européenne d’Asie Centrale.

§1. Nous connaissons un nombre significatif des dénominations


tokhariennes pour les parties du corps, en particulier grâce à l’énu-
mération des «∞∞ Trente-deux Marques du Grand Homme∞∞ » (skr.
maha-puruÒa-lakÒa∞a-) visibles sur le corps du Buddha. La liste est
donnée dans trois passages du Maitreyasamiti-Na†aka («∞∞ Drame sur
la Rencontre avec Maitreya∞∞ ») en tokharien A, qui a fait l’objet d’une
traduction en turc ancien (ouïgour), connue par deux recensions (Sän-
gim/Murtuq, près de Turfan, et Hami), dont l’archétype doit remonter
au VIIIe siècle de notre ère. Les caractéristiques propres au Grand
Homme sont énumérées depuis les pieds jusqu’au sommet du crâne,
ou vice versa∞∞ : dans l’ouvrage en question, le premier ordre est
employé dans deux des trois passages (à l’acte II et à l’acte XXVI) où
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la liste est donnée parallèlement dans le texte tokharien et dans sa tra-


duction turque (voir ZusTreff, pp. 126-133, 154-157, 304-313∞∞ ; YQ,
pp. 82-91, 114-118 et Pinault, 1999, pp. 208-221, où l’on trouvera la
bibliographie antérieure). Ce thème de la littérature bouddhique a
permis la notation de termes du vocabulaire anatomique∞∞ : leur identi-
fication est assurée par la confrontation avec les termes employés
dans d’autres langues du bouddhisme, à commencer par le pali et le
sanskrit. Il s’agit en fait d’une application systématique, en contexte
bouddhiste, d’un procédé de description du corps qui est bien connu
dans l’ensemble de la tradition indienne∞∞ : le genre du «∞∞ portrait d’une
belle personne∞∞ » (cf. Wurm, 1992, plus spécialement pp. 131-133).
Une autre source importante de notre connaissance de cette partie du
lexique réside dans les traductions en tokharien de textes médicaux
sanskrits. Un bilan fut dressé par Krause à la fin d’un article classique
(1951, pp. 202-3). Cette liste assez longue des mots des deux langues
tokhariennes est passée dans les manuels et les dictionnaires étymo-
logiques. Elle pourrait être amendée sur certains points, et elle devrait
être complétée par de nouvelles identifications, à la faveur des pro-
grès de l’interprétation des documents tokhariens.
Le mot nouveau qui sert de point de départ à la présente enquête
est apparu grâce à une nouvelle lecture d’un manuscrit médical déjà
publié, mais de façon imparfaite. Le passage en question figure dans
une des trois feuilles, non successives, d’un manuscrit bilingue (situé
approximativement au VIIe siècle ap. J.-C.) conservé dans le fonds
Pelliot de la Bibliothèque Nationale de France∞∞ : il contenait le texte
sanskrit d’un compendium de la médecine indienne, le Yogasataka,
dont chaque section était suivie de sa traduction en tokharien B. Ces
feuilles (PK AS 2A, 2B et 2C) ont été publiées, traduites et commen-
tées, à la suite de Sylvain Lévi, par Jean Filliozat (1948, pp. 31-48,
avec les sigles Y1, Y2 et Y3, qui sont encore employés dans les
publications tokharologiques). L’état du texte montre qu’il a suivi
une transmission assez longue, à partir d’une traduction et d’un com-
mentaire qui sont antérieurs de plusieurs siècles. Le manuscrit a fait
l’objet récemment d’une nouvelle lecture, sur l’original, par Gerd
Carling et moi-même. Il a été possible, sur de nombreux points,
de préciser ou de corriger les interprétations antérieures à l’aide
d’éditions plus récentes du Yogasataka en sanskrit et en tibétain
(H. Schmidt, 1978 et Filliozat, 1979), et par la prise en compte systé-
matique des doctrines de la tradition médicale indienne∞∞ : les résultats
de cette enquête, achevée au début de l’année 2001, se trouvent dans
un article à paraître de G. Carling (2002). Ces moyens ont permis de
revenir sur les corrections proposées par E. Sieg dans sa révision
(1955, pp. 64-67) de l’édition de J. Filliozat∞∞ : celles-ci étaient le plus
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souvent adéquates, mais, dans plusieurs cas, elles n’étaient pas fon-
dées sur un nouvel examen du manuscrit original, et elles ignoraient
certains aspects de la médecine indienne. Le passage qui nous inté-
resse contient la strophe 18 (= strophe 19 du texte sanskrit et de sa
traduction tibétaine, cf. Filliozat, 1979, pp. 8-9 et 91∞∞ ; Schmidt, 1978,
pp. 83-84)∞∞ : elle donne la recette d’une décoction (skr. kaÒaya-,
emprunté en tokh. B sous la forme kaÒay, PK AS 2A, a5), et son
application à des douleurs dans diverses parties du corps. Je reproduis
ici le texte du dernier vers de la stance, en séparant les mots sanskrits
du long composé∞∞ : sro∞y-aµsa-me∂hra-h®daya-stana-rukÒu peyaÌ
(peyaµ dans le manuscrit PK AS 2A, a 4) «∞∞ est à boire en cas de dou-
leurs à l’aine, à l’épaule, au pénis, au cœur et au sein∞∞ » (Filliozat,
1979, p. 91), «∞∞ soll bei Lenden-, Schulter-, Penis-, Herz- und Brust-
schmerzen getrunken werden∞∞ » (H. Schmidt, 1978, p. 83). La traduc-
tion de cette phrase en tokharien B est, selon la transcription révisée∞∞ :
PK AS 2A, a6 oñi[ne] (antsene) ts[ai]∞∞ : indrine . araµsne pis yikne
lakle wikäÒÒäµ «∞∞ elle [la décoction] fait disparaître une douleur dans
la hanche, (dans l’épaule), dans l’organe du bas-ventre, dans le cœur,
[une douleur] de cinq sortes∞∞ ». Le premier mot est sûr∞∞ : la lecture
erronée [sr]oñine par Filliozat (1948, p. 35), enregistrée dans le glos-
saire (p. 141), est malheureusement passée dans le récent dictionnaire
(Adams, 1999, p. 644)∞∞ : le mot est évidemment considéré comme un
emprunt au sanskrit. Les corrections, assez importantes, par rapport à
l’édition de Filliozat concernent aussi les autres lignes de cette feuille
(PK AS 2A = Y1), qui est constituée en fait de deux fragments rap-
prochés. Les déficiences de la première lecture étaient dues pour l’es-
sentiel à un mauvais placement du petit fragment de gauche, qui avait
été rapproché à l’excès du grand fragment de la feuille, comportant le
texte à droite du trou d’enfilage∞∞ : cette restauration erronée était en
quelque sorte officialisée par les photographies fournies avec l’édi-
tion de 1948. Ce fait invalide aussi les corrections de Sieg, qui repo-
saient sur les mêmes fac-similés∞∞ : avant indrine, il n’est plus possible
de restituer, comme il le proposait (1955, p. 65)∞∞ : (a)ts[e], avec une
variante du nom de l’épaule (B antse), à l’oblique singulier. Les
autres termes de cette énumération sont au locatif singulier, cf. oñi-
ne, indri-ne, araµs-ne. La syllabe qui précède indrine peut être lue
ts[ai], et complète l’énoncé du terme correspondant à skr. me∂hra-
«∞∞ pénis∞∞ » (MW, p. 832b)∞∞ : cette forme tsai est l’oblique singulier de
B tso «∞∞ bas-ventre∞∞ ». L’analyse d’un autre manuscrit médical (IOL
306 = StCh.00316a2) a permis de corriger le sens admis jusqu’à pré-
sent pour le substantif tso, à savoir «∞∞ pénis∞∞ » (cf. Winter, 1962,
p. 113 n. 10∞∞ ; K. T. Schmidt, 1997, pp. 247, 256∞∞∞; Adams, 1999,
p. 743). L’identification du contenu médical du texte, qui concerne
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diverses formes de cancer, et la comparaison avec les traités sans-


krits, a permis à Gerd Carling (2003, à paraître) de montrer que tokh.
B tso (IOL 306, b5.6) correspond à skr. kukÒi- «∞∞ belly, cavity of the
abdomen, womb∞∞ » (MW, p. 287b), et désigne le bas-ventre. En PK
AS 2A, a 6, le composé tsai-indri est une désignation pudique du
«∞∞ pénis∞∞ », dénommé «∞∞ organe du bas-ventre∞∞ ». Avec B tso est com-
biné B indri «∞∞ organe∞∞ », emprunt de skr. indriya-, qui réfère aux
organes des sens, et éventuellement aux organes génitaux (MW,
p. 167b). Le terme suivant, araµs-ne est le locatif singulier de B
arañce, obl. sing. arañc «∞∞ cœur∞∞ », et traduit skr. h®daya- (MW,
p. 1302c). Seul le cinquième terme de l’énumération, skr. stana-
«∞∞ poitrine, sein∞∞ » (MW, p. 1257b) n’est pas directement traduit∞∞ : il
doit être inclus dans la mention finale pis-yikne lakle «∞∞ une douleur
de cinq sortes∞∞ » (pour pis-yäkne), qui sert de récapitulation. Son équi-
valent est connu seulement au duel, B päscane A pässäµ «∞∞ seins∞∞ »
(cf. TEB II, p. 210∞∞ ; Hilmarsson, 1989, p. 98 sq.)∞∞ : or, tous les autres
termes de cette liste, même quand ils sont connus par ailleurs au duel
(cf. B aµtsane/antsne A esäµ «∞∞ épaules∞∞ »), sont au singulier. Par
conséquent, la lacune, longue de trois caractères environ, entre oñine
et tsai indrine peut être complétée par antse-ne, le locatif singulier
attendu du nom de l’épaule, correspondant à skr. aµsa- (MW, p. 1b)∞∞ ;
le premier terme de l’énumération est clairement oñi-ne, qui corres-
pond à skr. sro∞i- «∞∞ hanche, flanc, fesse∞∞ » (MW, p. 1102c). Ce sub-
stantif était employé le plus souvent au duel, sro∞i, car il s’agit de
deux régions symétriques. Les traductions précises varient, mais la
localisation ne fait pas de doute∞∞ : angl. «∞∞ the hips and loins, but-
tocks∞∞ » (op.cit.), all. «∞∞ Hinterbacke, Keule, Hüfte∞∞ » (PW VII,
col. 396), «∞∞ Hüfte, Lende, Hinterbacke∞∞ » (KEWAi III, p. 395∞∞ ;
EWAia II, p. 671). Les correspondants du substantif indo-aryen
(CDIAL no 12729, p. 738) dans les autres langues réfèrent le plus sou-
vent aux hanches (av. sraoni-, khot. ÒÒuni-, sogd. swn, gall. clun, lit.
slaunìs), ou aux fesses (lat. clunis, surtout au plur. clunes «∞∞ fesses,
croupe∞∞ », cf. André, 1991, p. 231), immédiatement voisines. Le pro-
totype indo-eur. *klouni- est glosé par all. «∞∞ Hinterbacke, Hüfte∞∞ »
(IEW, p. 607∞∞∞; Reallexikon, t. I, p. 637), ou par angl. «∞∞ haunch, hip∞∞ »
(EIEC, pp. 17, 260, voir aussi le schéma, p. 18)∞∞ : son signifié peut
donc être traduit par «∞∞ hanche∞∞ ». Nous obtenons ainsi une désigna-
tion supplémentaire d’une partie du corps en tokharien.

§2. La forme du locatif singulier tokh. B oñi-ne nous suffit pour pré-
ciser le statut morphologique de ce substantif. Rappelons qu’en
tokharien, les formes des cas «∞∞ secondaires∞∞ », à valeur concrète ou
circonstancielle, reposent sur la forme d’oblique, à laquelle sont ajou-
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tés des affixes, indifférents au nombre, qui sont d’anciennes postpo-


sitions. Le cas appelé traditionnellement «∞∞ oblique∞∞ » (all. Obliquus)
correspond simplement à l’accusatif des autres langues indo-euro-
péennes. La finale de l’oblique singulier oñi et la palatalisation de la
consonne précédente fournissent les deux critères pour attribuer ce
mot à la classe VI.1 des substantifs (TEB I, §186, pp. 132-133)∞∞∞: e.g.
B yÒiye, obl. sing. yaÒi (A wÒe) «∞∞ nuit∞∞ », B lalyiye, obl. sing. lalyi,
obl. plur. laliµ «∞∞ effort∞∞ », B scirye, obl. plur. sciriµ (A plur. sreñ,
obl. sres) «∞∞ étoile∞∞ », B salyiye, obl. sing. salyi (A sale), plur. salyiñ
(A saleyäntu) «∞∞ sel∞∞ ». Il est donc permis de restituer le nominatif sin-
gulier de notre mot sous la forme B oñiye*. Descriptivement,
l’oblique singulier est formé par soustraction de la voyelle finale du
nominatif. La palatalisation apparaît pour toutes les consonnes qui
possèdent une forme palatalisée, par ex. /Ò/ par opposition à /s/, /ly/
par opposition à /l/, et parallèlement /ñ/ par opposition à /n/. Le point
de départ de cette classe morphologique a été élucidé par Hilmarsson
(1987a, pp. 45-49), qui a démontré qu’elle remonte en dernière ana-
lyse à des thèmes indo-eur. en *-en- de flexion hystérokinétique
(nom. sing. *-en, acc. sing. *-én-µ, nom. plur. animé *-én-es, thème
faible en *-n-), soit hérités, soit formés en proto-tokharien par addi-
tion de ce suffixe à des thèmes indo-eur. dotés originellement d’un
suffixe différent, en particulier des thèmes en consonne, et des
thèmes en *-i-∞∞ ; d’une manière générale, les suffixes en nasale sont
devenus productifs en tokharien, et ont servi à élargir de nombreuses
formations. En partant d’étymons très probables, Hilmarsson a pu
rendre compte intégralement des finales flexionnelles, B sing. nom.
–(i)ye, obl. –i, plur. nom. –iñ, obl. –iµ, et je ne reprends pas ici le
détail de sa démonstration. Elle a été confirmée depuis par la décou-
verte de formes qui sont probantes, puisqu’elles relèvent d’un sub-
stantif indo-européen qui n’est connu que sous la forme d’un thème
en *-en-, et qui est immotivé, le nom de l’agneau∞∞ : tokh. B yriye, obl.
sing. yari, nom. plur. yriñ (cf. Pinault, 1997, pp. 185-187). Ces
formes proviennent des allomorphes d’un thème *werH1-en-, évi-
demment apparenté à *w®H1-én- connu par plusieurs langues∞∞ : véd.
úra∞- (sing. nom. úra, acc. úra∞am), gr. ârßn (crét. ¸arjn), arm.
garn, etc. (cf. EWAia I, pp. 225-6 et autres références dans l’article
cité à l’instant). Un certain nombre de mots contiennent une finale
–iye qui peut remonter à l’addition du suffixe *-en- à un thème en
*-i-∞∞ : cela permet de rendre compte aisément de B salyiye, obl. sing.
salyi «∞∞ sel∞∞ », à partir d’un thème élargi *sali-en-, nom. sing. *sali-en,
réalisé comme *salyen ou *saliyen, avec développement d’un glide
(Hilmarsson, 1987a, pp. 48-9 et 1987b, pp. 86-90 pour le processus
de palatalisation, et la fixation de la variante –Ciy-). La base est le
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thème *sal-i-, doublet du nom-racine *sal- «∞∞ sel∞∞ » (cf. lat. sal, salis,
gr. †lv, älóv), bien attesté par lat. sale, arm. a¥ (gén. sing. a¥i)
«∞∞ sel∞∞ », véd. sali-lá- (RV +) «∞∞ salé∞∞ », nt. «∞∞ mer, océan∞∞ » (cf. IEW,
p. 878 sq. et EWAia II, p. 712). Une explication alternative (avancée
également par Hilmarsson, 1989, pp. 90-92) consisterait à expliquer
le suffixe B –iye (ainsi que ses équivalents A –i et –e) par la recarac-
térisation du thème au moyen de l’addition de la finale flexionnelle à
la syllabe prédésinentielle, soit par ex. nom. sing. *-C-en refait, par
une sorte de réduplication, en *-C-en-en > tokh. com. *-C’äñæ(n) >
*-C’äyæ > B –iye. Les étymons possibles autorisent aussi ce scénario.
De toute façon, la relation de cette classe morphologique avec les
thèmes en nasale est indéniable.

§3. Pour restituer le point de départ possible de tokh. B oñiye*, obl.


sing. oñi, nous devons tirer parti des structures morphologiques
connues, ainsi que des lois phonétiques établies par des exemples
indépendants, et admises par la plupart des chercheurs. Il est de toute
façon exclu de rapprocher ce mot de tokh. A oñi∞∞ : la ressemblance est
fortuite. L’adjectif tokh. A oñi (Thesaurus, p. 45) “∞∞ menschlich∞∞ ”
(TEB II, p. 87) est dérivé du substantif A onk “∞∞ homme∞∞ ”, au moyen
du suffixe –ñi, parallèle à tokh. B enkwaññe «∞∞ masculin∞∞ », dérivé de
B enkwe, le substantif correspondant (TEB II, p. 171∞∞ ; Adams, 1999,
p. 79). Le développement de tokh. A oñi est régulier à partir de
*onkñi < *onkäñi (cf. Hilmarsson, 1987b, p. 85, pour la correspon-
dance des suffixes∞∞ ; autres exemples de chute d’occlusive dans un
groupe terminé par nasale, dans Ringe, 1996, p. 164). Revenons à
notre désignation de la hanche. La voyelle initiale ou intérieure B /o/
remonte normalement (sans effet d’Umlaut ou de labialisation par
contact) à indo-eur. *a (entre autres, *eH2), selon l’évolution sui-
vante∞∞ : *a > tokh. com. *Ç (labialisation non conditionnée) > B o A
a (cf. Normier, 1980, p. 254∞∞ ; Winter, 1981, p. 938∞∞ ; Hilmarsson,
1986, pp. 11-20 et 1988, p. 516 n. 7∞∞∞; Ringe, 1996, p. 97, avec nota-
tion *o du stade atteint en proto-tokharien), e.g. B procer A pracar
«∞∞ frère∞∞ » < *prÇcær < *bhrater (IEW, p. 164) et B ost (< *wost) A
waÒt «∞∞ maison∞∞ » < wÇstä < *wastu, cf. véd. v0stu- nt. «∞∞ résidence∞∞ »
(EWAia II, p. 549). Par conséquent, il est parfaitement possible de
faire remonter tokh. B oñiye à un prototype *ani-en-, nom. sing.
*an(i)yen. Cette restitution trouve un appui en tokharien même. En
effet, un autre nom de partie du corps, bien attesté, appartient au
même type flexionnel∞∞ : B alyiye*, obl. sing. alyi, ali (A ale), obl.
plur. aliµ, duel alyine, aline (cf. Hilmarsson, 1989, p. 5∞∞ ; Adams,
1999, p. 27) «∞∞ paume de la main∞∞ ». Le rapprochement ancien (mais
rejeté par Van Windekens, 1976, p. 161) avec le nom indo-eur. du
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«∞∞ coude∞∞ » (cf. gr. Ölénj, lat. ulna, arm. o¥n (gén. sing. o¥in), uln
(gén. sing. ulan), v.h.all. elina, got. aleina, v.irl. uilen, etc., voir IEW,
pp. 307-308∞∞ ; EIEC, p. 176∞∞ ; Mastrelli, 1976∞∞ ; André, 1991, pp. 91-
93) peut être maintenu, car les reflets de ce mot (peut-être dérivé
d’une racine signifiant «∞∞ courber, ployer∞∞ », cf. EWAhd II, col. 1045-
1049, avec la bibliographie antérieure) peuvent référer dans certaines
langues à des parties voisines des membres supérieurs∞∞ : «∞∞ avant-
bras∞∞ » (gr. Ölénj), «∞∞ bras∞∞ » (gr. Ölßn), «∞∞ colonne vertébrale, dos,
épaule∞∞ » (arm. o¥n), «∞∞ vertèbre dorsale, nuque, cou∞∞ » (arm. uln)∞∞ ; lat.
ulna «∞∞ aune∞∞ » fut employé pour mesurer la longueur depuis le coude
jusqu’à l’extrémité du médius, donc en intégrant la main. On conçoit
donc que le même terme ait pu désigner en tokharien la main étendue,
d’où la paume, par un phénomène de «∞∞ transfert∞∞ » vertical, selon la
même direction, dont les noms des parties du corps offrent de nom-
breux exemples (André, 1991, p. 257). Formellement, le thème
*(H)ol-en-/*(H)ol-en- (continué le plus directement par le grec et
l’arménien, cf. Lidén, 1906, pp. 127-9∞∞ ; GEW II, pp. 1146-7∞∞ ; DELG,
p. 1300∞∞ ; EWAhd II, col. 1048∞∞ ; laryngale entre parenthèses, car ne
jouant aucun rôle dans la présente démonstration) rend compte des
formes tokhariennes∞∞ : directement, si l’on reprend l’explication par
réduplication du suffixe en nasale, soit *(H)olen-en > *alyäñæ(n) >
*alyäyæ > B alyiye (cf. Hilmarsson, 1989, p. 91, voir aussi p. 92 pour
les formes de pluriel et de duel). Le premier scénario de Hilmarsson
(1987a, p. 46) consistait à poser une réfection de l’aboutissement
d’indo-eur. *(H)olen (> B *alye) sous l’influence du type en *-i-en >
*-iyen > B –iye attesté éventuellement par le nom du «∞∞ sel∞∞ », B
salyiye (voir plus haut). Dans ce cas, on aurait une analogie plus
directe si l’on reconstruit un thème élargi *ani-en pour une autre par-
tie du corps, à savoir la hanche. Quel que soit le scénario préféré,
l’appartenance de tokh. B alyiye et oñiye à la même classe flexion-
nelle n’est pas indifférente∞∞ : dans la mesure où le premier substantif
remonte à un thème indo-européen en *-en-, il a dû influencer la
réfection du radical *ani- en *ani-en-, qui référait également à une
partie du corps.

§ 4. L’analyse interne au tokharien, jusqu’au stade proto-tokharien,


nous conduit donc à isoler une forme *ani-, base de la désignation de
la hanche. Ce mot ne correspond à aucun vocable reconstruit du
même champ sémantique (cf. Reallexikon, t. I, p. 634-638∞∞∞; EIEC,
pp. 17-19). Il n’est probablement pas d’origine indo-européenne∞∞ : il
n’est pas susceptible de recevoir une analyse morphologique en
racine et suffixe, qu’il s’agisse d’un thème en *-i- ou d’un thème en
*-ni-. On ose à peine évoquer le terme superficiellement ressemblant,
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lat. anus «∞∞ anus∞∞ », par transfert figuratif à partir de «∞∞ anneau∞∞ »
(DELL, p. 37∞∞ ; André, 1991, p. 148), cf. arm. anur «∞∞ collier∞∞ », v.irl.
áinne «∞∞ anneau, bague∞∞ », même métaphore dans gr. daktúliov
«∞∞ bague∞∞ » et «∞∞ anus∞∞ » (cf. LSJ, p. 367b), cf. fr. rond, rondelle, etc.
Même en admettant qu’il ait existé un thème *ani-, doublet de ce mot
*ano- désignant un objet circulaire (IEW, p. 47), il serait très aventu-
reux de poser deux étapes supplémentaires pour le tokharien∞∞ : 1) la
même métaphore qu’en latin∞∞ ; 2) un transfert par contiguïté de l’anus
aux fesses, puis aux hanches. Les deux saillies symétriques que
constituent les hanches ne peuvent pas être conçues, et donc nom-
mées, à l’image d’un «∞∞ anneau∞∞ », d’un «∞∞ rond∞∞ ». Par conséquent,
s’agit-il d’un emprunt∞∞ ? La question n’a d’intérêt que dans la mesure
où l’on peut en identifier la source. Les mots empruntés en tokharien
proviennent le plus souvent de langues moyen-iraniennes (bactrien,
sogdien, khotanais), ou de l’indo-aryen, au stade du prakrit (gand-
hari), avec une tendance croissante à la sanskritisation∞∞ : plus les
emprunts à l’indo-aryen sont récents, plus ils reposent sur les formes
sanskrites, avec les adaptations à la phonologie tokharienne. Si l’on
se reporte à des périodes plus anciennes, on ne peut pas exclure que
le proto-tokharien, ou le tokharien commun, ait emprunté des mots à
une variété de l’ancien iranien, en particulier à une langue orientale
ou septentrionale∞∞ : des indices indirects sur l’existence de ces mots
en ancien iranien sont donnés par l’avestique et le vieux-perse, et par
leurs aboutissements dans des langues beaucoup plus récentes,
comme l’ossète (cf. Winter, 1971). Si nous cherchons des mots
proches aussi bien formellement que sémantiquement de la base
*ani-, l’enquête du côté iranien se révèle décevante. En fait, dans le
domaine indo-iranien, le seul vocable qui offre une possibilité de rap-
prochement est skr. (déjà védique) a∞í-, masc., mais dans un sens qui
n’est attesté que par les traités médicaux∞∞ : «∞∞ partie de la jambe immé-
diatement au-dessus du genou∞∞ » (PW I, col. 614∞∞ : «∞∞ der Theil des
Beins unmittelbar über dem Knie∞∞ »∞ ∞; MW, p. 134a∞∞ : «∞∞ the part of the
leg just above the knee∞∞ »). Cette définition figure dans la Susruta-
Saµhita, livre III (Sarirasthanam), chap. VI (analyse des «∞∞ points
vitaux∞∞ », marman-), §§5 et 40. Autrement dit, skr. a∞i- référait dans
la littérature médicale à une partie de la cuisse∞∞ : un rapprochement
avec un nom qui référait anciennement à la hanche est tout à fait
acceptable, selon le processus de transfert de haut en bas, illustré jus-
tement par fr. cuisse en regard de lat. coxa «∞∞ hanche∞∞ » (cf. André,
1991, p. 257), passé tardivement (VIe siècle ap. J.-C.) au sens de
«∞∞ cuisse∞∞ ». Voyons comment on peut expliquer ce rapprochement,
satisfaisant pour le sens, entre tokharien et sanskrit. Sur le plan pho-
nétique, il est exclu de voir dans la base *ani- du mot tokh. B oñiye*
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 131

le reflet d’une forme a∞i- (éventuellement *ani-) de l’indo-aryen.


Une première hypothèse consisterait à postuler un emprunt direct du
proto-tokharien à l’indo-aryen ancien. Bien que cela ne soit pas exclu
en principe, il n’y a pas d’autre exemple d’un tel phénomène. La for-
mation du tokharien commun, antérieur aux deux langues A et B,
s’est développée en Asie Centrale, de façon totalement autonome par
rapport aux autres branches dialectales connues de l’indo-européen,
et en particulier de l’indo-iranien, comme il est admis par tous les
chercheurs (voir par exemple Adams, 1984 et Ringe, 1991). Il appa-
raît que les contacts directs entre les locuteurs tokhariens et les par-
lers indo-aryens se sont produits seulement à la faveur de l’expansion
du bouddhisme en Asie Centrale, et précisément dans le bassin du
Tarim, où les «∞∞ Tokhariens∞∞ » (terme utilisé ici par simple commo-
dité) sédentaires occupaient un certain nombre d’oasis sur la route du
Nord, au pied des monts Tianshan. Dans cette période, aux premiers
siècles de notre ère, le stade moyen de l’indo-aryen, comme de l’ira-
nien, avait été atteint depuis longtemps. L’hypothèse d’un emprunt au
sanskrit «∞∞ classique∞∞ » (postérieur au IVe siècle av. J.-C.) ou au
moyen-indien, est également à écarter, d’après le passage *a- > tokh.
com. *Ç- > tokh. B o- (§3). En effet, les emprunts de mots tirés du
prakrit ou du sanskrit qui comportaient la voyelle /a/ conservent ce
timbre vocalique∞∞ : e.g. tokh. B asaµ, A asaµ «∞∞ siège, trône∞∞ » < skr.
asana-∞∞ ; B kaÒar, A kaÒar «∞∞ vêtement de moine∞∞ » < pk. *kaÒara- (cf.
Niya kaÒar) pour skr. kaÒaya-. De même, dans les emprunts au
moyen-iranien, e.g. B akalk A akal «∞∞ souhait∞∞ » < bactr. agalgo,
même sens < *a-gada-ka- (voir maintenant Sims-Williams, 2001,
pp. 177 et 254), B sate, A sat „riche“∞∞ < sogd. s’t, cf. av. sata-
«∞∞ joyeux∞∞ » (exemples empruntés à la monographie d’Isebaert, 1980).
Il faut donc placer beaucoup plus haut dans le temps l’emprunt du
proto-tokharien, à un stade où une voyelle /a/ dans un mot emprunté
devait subir la même évolution qu’un *a hérité de l’indo-européen. Il
est impossible de situer précisément dans le temps le phénomène,
mais on pourrait remonter au IIe millénaire avant notre ère, voire au-
delà. L’enquête sur le mot tokharien B oñi jette un nouvel éclairage
sur le dossier embrouillé du substantif véd. a∞í-, et des mots éven-
tuellement apparentés.

§ 5. Le statut du mot védique a∞í-, masc., est inséparable d’un nœud


de problèmes. Tout d’abord, rappelons que le premier sens attesté de
ce substantif (PW I, col. 614∞∞ ; MW, p. 134a) est∞∞ : «∞∞ esse, cheville de
l’essieu∞∞ », précisément une cheville ou clavette que l’on passe dans
un trou à chaque extrémité de l’essieu pour empêcher que les roues
n’en sortent (Rau, 1983, p. 28 et n. 71∞∞ ; Sparreboom, 1985, pp. 30 et
132 GEORGES-JEAN PINAULT

130). Les textes védiques ont conservé un grand nombre de termes de


charronnerie. Voyez la reconstruction du char léger, à deux roues, de
l’époque védique, avec les termes techniques correspondants aux dif-
férentes parties, procurée par Piggott (1950, p. 280, fig. 32). Le mot
est attesté dès le RV (3 x) et poursuit sa carrière dans la littérature
védique, ainsi qu’en moyen-indien (pali). En sanskrit «∞∞ classique∞∞ »,
ce mot est rare∞∞ ; le sens de «∞∞ cheville∞∞ » est connu en architecture,
dans la description des assemblages (cf. Mayamata, chap. XVII.44∞∞ :
t. I, p. 352). Les sens «∞∞ angle d’une maison∞∞ » et «∞∞ limite, frontière∞∞ »
ne sont attestés que par les lexicographes, mais ils apparaissent en
indo-aryen ultérieur, tout comme les sens «∞∞ cheville, piton, verrou∞∞ »,
vel sim. (cf. CPD II, p. 48∞∞ ; DP I, p. 292∞∞ ; CDIAL no 1110, p. 50).
L’emploi au sens de «∞∞ cheville∞∞ » en général, d’objet court et pointu
servant à bloquer ou à fermer, est clairement une extension du sens
védique. Les tentatives d’étymologie n’ont pas donné de résultat
concluant (cf. KEWAi I, p. 72 et III, p. 639∞∞ ; EWAia I, pp. 161-162).
L’histoire de la recherche se partage entre deux courants.
1) Origine non indo-européenne, et plus spécifiquement dravi-
dienne. L’idée s’appuie sur la présence de mots de sens relativement
proche («∞∞ cheville, clou, piton∞∞ ») dans plusieurs langues dravi-
diennes∞∞ : tamoul a∞i «∞∞ nail, small pike, peg, linch-pin∞∞ », malayalam
a∞i «∞∞ peg, nail∞∞ », kanna∂a a∞i «∞∞ linch-pin∞∞ », tulu a∞i «∞∞ peg, nail,
wedge, screw∞∞ », telugu a∞i «∞∞ nail, pin, linch-pin∞∞ », etc. (DED,
no 295, p. 26). Elle remonte à l’évêque Caldwell (1875, pp. 454-455),
et elle a été reprise avec d’autres arguments par Kuiper (1955, pp.
162-163∞∞ ; 1964, p. 323). Néanmoins, il est apparu depuis que ces
mots étaient si proches formellement et sémantiquement du terme
sanskrit et pali, dont le sens le mieux attesté est finalement «∞∞ che-
ville∞∞ », que l’emprunt est plus plausible dans l’autre sens, de l’indo-
aryen au dravidien. En outre, les tentatives d’étymologie du mot à
l’intérieur du dravidien, sur un radical signifiant «∞∞ barrer, entraver,
empêcher∞∞ », se sont révélées très fragiles. Dans l’édition révisée du
DED, dravidien a∞i figure désormais dans l’appendice regroupant
une soixantaine de lexèmes d’origine indo-aryenne (Appendix no 10,
p. 509). Kuiper s’est rallié à cette doctrine. Dans sa dernière contri-
bution à la question des emprunts non indo-européens en védique, il
fait figurer a∞í- dans une liste de quelque 380 mots dont l’origine
indo-européenne est très douteuse, «∞∞ from one Indo-Europeanist’s
point of view∞∞ » (1991, p. 89 sq.), même s’ils ne sont pas nécessaire-
ment d’origine dravidienne. Nous verrons que cette position d’attente
était la plus raisonnable.
2) Origine indo-européenne, par rapprochement avec le nom de
l’articulation du bras dans d’autres langues∞∞ : v.h.all. elina «∞∞ avant-
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 133

bras, aune, coude∞∞ », v.angl. eln, all. mod. Elle, got. aleina (germ.
*alino à côté de *alino), lat. ulna, gr. Ölénj, Ölßn (gén. sing.
-énov), formes thématisées *Öln-o- dans la glose d’Hésychius éol.
√llon, *Ölen-o- /*ôlen-o- dissimilés dans Ölékranon, ôlékra-
non «∞∞ tête de l’os cubitus, pointe du coude, coude∞∞ » et dans d’autres
langues, les mots déjà cités plus haut (§3). Le rattachement de skr.
a∞i- a d’abord été proposé (cf. Fortunatov, 1881, p. 216) par l’inter-
médiaire du sens anatomique et de l’emploi comme «∞∞ angle d’une
maison∞∞ », tous les mots apparentés se trouvant reliés par la notion
commune de «∞∞ courbure∞∞ » (all. Bug, cf. Ellen-bogen, angl. elbow,
v.angl. elnboga < *alino-bugon). Le rapprochement fut complété par
Fick (1883, p. 95), au moyen de v.h.all. lun «∞∞ esse, cheville d’es-
sieu∞∞ », v. sax. lunisa, all. mod. Lünse, v.angl. lynes (d’où angl. linch-
pin), qui permettait de rendre compte aussi de l’emploi de véd. a∞í-
pour désigner la même partie du char. De fait, à l’intérieur du germa-
nique, les groupes représentés respectivement par all. Elle et Lünse
sont toujours considérés comme apparentés (cf. Kluge-Mitzka, pp.
163 et 450∞∞ ; Kluge-Seebold, pp. 217-8 et 528∞∞ ; EWAhd II, col. 1046).
Parallèlement, en indo-aryen ancien, on croyait pouvoir établir une
relation entre véd. a∞í- et le substantif qui signifie incontestablement
«∞∞ coude∞∞ », véd. aratní- masc. (RV +), avec des correspondants en
iranien, av. duel ar¢‡nÇ, v. perse ar(a)snis, khot. arniñe, pers. mod.
aran(j), etc. (cf. KEWAi I, p. 47∞∞ ; EWAia I, p. 109). Cet ensemble de
dérivés se rattache très probablement au même radical que le thème
en *-en- continué par les autres langues, mais avec un élargissement
en dentale∞∞ : *(H)ol-tn- reflété par l’iranien, et sans doute *(H)ol-∞-tn-
comme base de véd. aratní- (cf. EWAhd II, col. 1047∞∞ ; implicitement,
AiGr II/2, §510, p. 696∞∞ ; un peu différemment, Szemerényi, 1967, p.
199, qui pose un thème *(H)ol-∞t-). Quant au substantif a∞í-, il est
reconstruit comme *(H)ol-n-i- ou *(H)ol-n-i- (dans une notation
actuelle), selon que l’évolution phonétique s’est accompagnée – ou
non – d’un allongement compensatoire∞∞ ; notons en passant que le
timbre /e/ ne serait pas exclu en théorie, mais qu’il s’impose moins
que le timbre /o/ reflété par les termes considérés comme apparentés
dans les autres langues. Avec des nuances, cette interprétation de véd.
a∞í- est entrée dans tous les dictionnaires étymologiques (Uhlenbeck,
p. 20∞∞ ; WP I, pp. 70, 157∞∞∞; LEW II, p. 812∞∞ ; IEW, p. 308∞∞∞; KEWAi I,
p. 72∞∞ ; EWAhd II, col. 1046). Dans son second dictionnaire, Mayrho-
fer semble plus hésitant (EWAia I, pp. 161-2), et déclare le mot
comme «∞∞ problématique∞∞ ». La tradition philologique sur ce terme fut
également liée aux discussions sur la loi de Fortunatov∞∞ : de fait, le
mot figure en bonne place dans l’article déjà cité (1881) où le lin-
guiste russe a énoncé cette loi, qui revient à expliquer une partie des
134 GEORGES-JEAN PINAULT

consonnes rétroflexes de l’indo-aryen en position intervocalique par


un développement propre des consonnes dentales en groupe après /l/,
différent de celui des groupes avec /r/ initial∞∞ : la liquide est amuïe
avec passage de la consonne dentale suivante à une articulation rétro-
flexe, e.g. pa†ala- nt. «∞∞ toit, voile, chose qui couvre∞∞ » et pa†a- masc.
«∞∞ objet tissé, étoffe, vêtement∞∞ » (MW, p. 579a), considérés comme
reposant sur *pe/ol-t-V, et rapprochés de gr. péltj «∞∞ bouclier
léger∞∞ », v.sl. platino «∞∞ tissu∞∞ » (IEW, p. 803∞∞ ; voir désormais EWAia
III, p. 298). Pour notre mot, cela revient à poser *(H)olni- ou
*(H)elni- > véd. a∞í-, sans intermédiaire, et en admettant un allonge-
ment compensatoire. Il n’est pas nécessaire de résumer ici la contro-
verse sur la validité de cette loi (voir le bilan et la bibliographie dans
Collinge, 1985, pp. 41-46). Il suffit de rappeler que notre mot a tou-
jours été considéré comme un des meilleurs exemples possibles, qui
subsistaient après filtrage des cas douteux (voir Bechtel, 1892, qui en
retenait seize, p. 383∞∞ ; Petersson, 1911, pp. 3 et 92)∞∞ ; Bartholomae,
qui a cherché à réfuter systématiquement l’hypothèse de Fortunatov,
mentionnait encore a∞i- parmi les sept exemples qui pouvaient être
considérés, et pour lesquels il fallait trouver une explication autre
(1894, pp. 181 et 188). Dans un article qui établit, à mon avis de
façon convaincante, la validité de cette loi, Burrow retient le terme
anatomique a∞i- «∞∞ partie de la cuisse∞∞ » (< *(H)olni-), qu’il semble
vouloir séparer de véd. a∞í- «∞∞ cheville de l’essieu∞∞ » (1972, p. 543).
La théorie alternative consiste à poser un traitement de type moyen-
indien (e.g. pk. ka†a- < skr. k®ta-, cf. O. v. Hinüber, 2001, pp. 165-
169, 199) pour un certain nombre de mots védiques, sans motivation
claire∞∞ : dans ce cas, on pose un développement plus récent, postérieur
à la confusion des deux liquides *r et *l au profit de /r/, soit, à partir
des prototypes déjà posés, proto-indo-aryen *ar∞i- > véd. a∞í- (AiGr
I, §172a, p. 192∞∞ ; cf. déjà Bartholomae, 1894, pp. 191 et 193). C’est
la solution adoptée par Mayrhofer, qui refuse par ailleurs la loi de
Fortunatov (1968, p. 509). De toute façon, ce point est finalement
indépendant du problème étymologique posé par notre mot. Le débat
sur la loi de Fortunatov pourrait se continuer même si cet exemple
venait à être éliminé de la liste. On peut seulement constater que les
étymologistes se sont donné une grande latitude sémantique en rap-
prochant le terme bien attesté pour l’articulation du bras, le coude,
etc. et le mot skr. a∞i-, lequel désigne une partie du corps qui n’est
pas en contiguïté avec les membres supérieurs∞∞ ; le rapport avec véd.
a∞í- «∞∞ cheville de l’essieu∞∞ » est encore plus lointain. La notion qui
permet de faire le lien serait celle de «∞∞ pliure, courbure∞∞ », qui serait
exprimée par la racine *el-, *ol- (qui est réécrite aujourd’hui *H2el-
ou *H3el-, voir EWAhd II, col. 1049). Cette reconstruction est admis-
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 135

sible, car la même racine présente probablement des formes suffixées


en *-(e)k-, qui ont servi de base à divers dérivés complexes, surtout
en baltique et en slave, cf. lit. alk4ne «∞∞ coude, courbure∞∞ », v.sl.
lakuti, russe lókot’ «∞∞ coude∞∞ », lit. uolektìs «∞∞ aune∞∞ », etc. (IEW,
p. 308∞∞∞; EWAhd II, col. 1047sq.). Mais, pour expliquer les emplois du
mot védique, la référence à la notion de courbure reste beaucoup trop
vague∞∞ : de très nombreuses parties du corps peuvent être vues comme
courbes ou arrondies, et une «∞∞ cheville∞∞ » utilisée dans le montage
d’un char ne doit pas être confondue avec un crochet plié∞∞ : une che-
ville de bois est simplement enfoncée dans le trou ménagé à cet effet.

§6. Au dossier de véd. a∞í- se trouve associé, dans le cadre de l’ar-


gumentation indo-européaniste, le problème de l’interprétation de
l’adjectif kaly0∞a- (RV +). Ce mot est bien attesté et présente en
sanskrit classique et en moyen-indien un éventail assez large de
valeurs positives∞∞ : «∞∞ beau, aimable, excellent∞∞ ; de bon augure, heu-
reux, noble∞∞ », nt. substantivé «∞∞ bonne fortune, bon augure, bonheur,
prospérité∞∞ ; bien, vertu∞∞ » (Dictionnaire sanskrit-français, par N.
Stchoupak, L. Nitti et L. Renou, Paris, 1959, p. 183∞∞ ; pareillement
PW II, col. 178-179 et MW, p. 263b). Les mêmes valeurs sont
connues en moyen-indien et dans les quelques langues qui gardent
des reflets de ce mot en indo-aryen moderne (CDIAL no 2952,
p. 150), cf. pali kalya∞a-, kalla∞a- «∞∞ fine, excellent∞∞ ; good∞∞ ; vir-
tuous∞∞ ; beautiful∞∞ » (DP I, p. 656). Le substantif neutre est employé
au sens moral dans les prakrits notés par les inscriptions du roi
Asoka∞∞ : «∞∞ bonne action, quelque chose de bien∞∞ » (traductions de
J. Bloch, Paris, 1950, pp. 101, 102, 123, 163). Le passage aux valeurs
exprimées par «∞∞ heureux, plaisant, prospère, auspicieux∞∞ » n’apparaît
nettement qu’à partir de la prose védique (Brahma∞as). En védique
ancien, il est incontestable que le mot réfère à la beauté physique∞∞ : il
est majoritairement employé au féminin, kalya∞2- (3 exemples sur
4 du RV∞∞ ; 13 occurrences dans l’AV, sans aucun exemple du mascu-
lin)∞∞ ; le féminin est substantivé avec une valeur identique à celle d’un
abstrait, «∞∞ beauté∞∞ », en AV VI.107.3 et 4. Par contraste avec les
termes védiques qui expriment la notion de beauté (à savoir sr2-,
súbh-, subhrá-, vápuÒ-, bhadrá-), kalya∞2- concerne spécifiquement la
beauté corporelle d’une personne divine ou humaine, comme l’a
relevé Oldenberg (1918, p. 53sq.). Il est appliqué explicitement à des
femmes jeunes et adultes (yóÒa- en RV IV.58.8b, yuvatí- en X.30.5b,
jay0- en III.53.6b). Le seul exemple du masculin en védique ancien
est appliqué au dieu Agni, au vocatif (I.31.9d), et peut être traduit par
«∞∞ O beautiful one∞∞ » (Oldenberg, 1897, p. 23), plutôt que par «∞∞ ô
(dieu) bénéfique∞∞ » (Renou, EVP XII, p. 5, à la suite de Geldner, RV.
136 GEORGES-JEAN PINAULT

I, p. 35∞∞ : «∞∞ Glückbringender∞∞ »), car il est dit par ailleurs qu’Agni, le
feu divinisé, est «∞∞ beau∞∞ » à voir (e.g. subhrá-, aussi au vocatif sing.
en V.5.4c, vápuÒ- en I.141.2a, VIII.19.11a, darsatá- en I.144.7c,
III.1.3c, III.2.15c, III.10.6c, V.56.7b, VI.1.3c, VIII.74.5b, etc.). En
partant de «∞∞ beau (belle) à voir∞∞ », par l’intermédiaire du sens élargi,
non exclusivement physique, «∞∞ agréable, aimable, plaisant∞∞ », on est
passé, mais seulement en védique ultérieur, à «∞∞ bon, heureux, pro-
pice∞∞ », avec application au domaine moral (Oldenberg, 1918, p. 54).
Si un consensus s’est réalisé sur l’aspect sémantique, la difficulté
essentielle de ce mot réside dans le fait que la nasale de sa dernière
syllabe ne peut se rattacher à aucun type de suffixation connu. En
prenant pour point de départ le féminin kalya∞2-, E. Leumann (1893)
a proposé d’identifier sa dérivation à celle des noms propres féminins
en -ani-∞∞ : ceux-ci sont dérivés de noms propres masculins, théonymes
ou anthroponymes, e.g. indra∞2- «∞∞ épouse d’Indra∞∞ » en regard du
nom propre índra-, varu∞an2- en regard de váru∞a-∞∞ ; purukútsani- en
regard de purukútsa-, mudgal0ni- en regard de múdgala-∞∞ ; le suffixe
a servi aussi à former des noms de génies ou de déités secondaires à
partir d’appellatifs, cf. ara∞yan2- «∞∞ Dame de la forêt∞∞ » (ára∞ya-),
urj0ni- «∞∞ génie de la vigueur∞∞ » (4rj-). En dehors de ce dernier
exemple, la plupart de ces féminins ont pour base un nom thématique
(thème en –a-)∞∞ : c’est l’effet de l’extension de la coalescence des suf-
fixes (*-a-ani-) dans les noms les plus fréquents. Cette formation pro-
ductive est restée vivante en indo-aryen (AiGr II/2, §164, pp. 279-
81). Elle signifie littéralement «∞∞ celle de N∞∞ » («∞∞ celle d’Indra, celle
de Mudgala, celle de la forêt∞∞ »). La formation est le plus souvent
dérivée de noms thématiques, mais il est probable que cette associa-
tion est secondaire. Le suffixe complexe peut être reconstruit comme
la recaractérisation comme féminin au moyen du suffixe -i- (< *-iH2-)
d’une formation à nasale remontant à *-on-, dont il existe d’autres
reflets dans des noms féminins d’autres langues (cf. depuis Dunkel,
1991, pp. 20-25). Leumann reconstruisait un thème *kalyan-, qui
serait le dérivé d’un adjectif kalya-, apparenté à gr. kalóv «∞∞ beau,
bon∞∞ » (1893, p. 309, repris en 1907, p. 59∞∞ : kalya∞2- serait littérale-
ment «∞∞ eine Schönheit∞∞ »). Cette hypothèse n’était pas convaincante,
car 1) le suffixe -ani- fournit des féminins à des substantifs, et non à
des adjectifs, et 2) il relève de la flexion de type dev2- «∞∞ déesse∞∞ »
(nominatif sing. sans désinence, suffixe alternant -i-/-ya-), alors que
kalya∞2- suit la flexion du type v®k2- «∞∞ louve∞∞ » (nominatif sing. avec
désinence *-s, suffixe non alternant), cf. nom. sg. kalya∞2Ì (RV
III.53.6b), plur. kalya∞(í)yaÌ (IV.58.8b). Les formes du type dev2-
apparaissent plus tard (dans l’AV, cf. AiGr III, §88e, p. 174 et Zehn-
der, 1999, p. 147), conformément à la confusion des deux flexions et
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 137

à l’élimination progressive du type v®k2- (sur l’histoire générale de


ces deux flexions, cf. AiGr III, pp. 163-181∞∞ ; voir le rappel des carac-
téristiques et la comparaison avec l’iranien ancien chez Mayrhofer,
1980, spécialement p. 134). Ces objections ont été nettement formu-
lées par Wackernagel (1934, p. 191 sq.), dans un article célèbre qui
offre jusqu’à ce jour la seule explication complète du mot. Il restitue,
en partant du masculin, un composé kaly-0∞a-, dont le premier
membre correspond à gr. kalóv, tandis que le second reflète le nom
du «∞∞ coude∞∞ », connu notamment par gr. Öllón, glose d’Hésychius, à
l’accusatif sing. (op.cit., p. 192). La restitution complète serait *kali-
olno-∞∞ ; l’adjectif signifierait donc originellement «∞∞ aux beaux
coudes∞∞ »∞ ∞: «∞∞ mit schönen Ellbogen, schönarmig∞∞ » (p. 194). Wacker-
nagel peut justifier la restitution du thème *kal-i- en premier membre
de composé, en regard de l’adjectif simple *kal-wo- > *kal¸óv >
béot. kal¸ov, ion. kâlóv, att. kâlóv. Il compare les composés
homériques en kalli- (avec une gémination qui se retrouve dans les
formes de comparatif kallíwn et de superlatif kállistov, et dans le
neutre kállov «∞∞ beauté∞∞ »), lesquels réfèrent effectivement à une
belle partie du corps ou à une belle parure (p. 195)∞∞ : kallipárjÇov
«∞∞ aux belles joues∞∞ », kallísfurov «∞∞ aux belles chevilles∞∞ », kalli-
plókamov «∞∞ aux belles tresses∞∞ », kallíhwnov «∞∞ «∞ ∞à la belle cein-
ture∞∞ », etc. Indirectement, il voit dans véd. kaly-0∞a-, appliqué de fait
prioritairement à des femmes divines, un correspondant de l’épithète
homérique leuk-Élenov «∞∞ aux bras blancs∞∞ » (surtout dit de la
déesse Héra), qui présente en second membre un reflet d’un autre
allomorphe du thème en nasale désignant le coude ou l’avant-bras
(p. 196). Il est bien sûr assez facile de trouver des composés posses-
sifs (bahuvrihi), qui présentent en second membre le nom d’une par-
tie du corps. Cette interprétation (reprise dans AiGr II/2, §246bd,
p. 377) est mentionnée de façon assez distante par les dictionnaires
étymologiques du grec (cf. GEW I, p. 767∞∞ ; II, p. 1147∞∞ ; DELG,
p. 487) et de l’indo-aryen (KEWAi I, p. 185∞∞ ; présentation plus favo-
rable dans EWAia I, pp. 325-6). Il faut bien observer que la brillante
étymologie de Wackernagel repose sur un paradoxe∞∞ : ce composé
fournirait la meilleure préservation du sens de «∞∞ coude∞∞ » de l’étymon
indo-européen, alors que le simple véd. a∞í- réfère à deux réalités
(«∞∞ cheville de l’essieu∞∞ » et «∞∞ partie de la cuisse∞∞ »), dont la relation
avec l’articulation du coude est perdue en synchronie. Implicitement,
Wackernagel privilégie le sens anatomique du mot en sanskrit clas-
sique (1934, p. 192), mais il ne cherche pas à rendre compte de la
divergence des emplois. Il n’y a plus de relation sémantique et déri-
vationnelle entre a∞í- et kaly-0∞a-∞∞ : ce mot serait un héritage direct
de l’indo-européen.
138 GEORGES-JEAN PINAULT

§ 7. La problématique change d’aspect depuis que le tokharien


confirme la théorie de l’emprunt à une langue non indo-européenne,
tout en attestant le sens de «∞∞ hanche∞∞ » pour le prototype *ani-. Il suf-
fit pour cela d’identifier cet *ani- au mot *a∞i- reflété par la forme
védique. Comme la phonologie tokharienne ignore les consonnes
rétroflexes, il était prévisible qu’un mot *a∞i- ait été transposé en
*ani-, avec identification de la nasale rétroflexe à sa forme non rétro-
flexe, destinée à être palatalisée dans la forme élargie *ani-en-, nom.
sing. *an(i)yen (voir plus haut § 3). Par contraste, en ancien indo-
aryen, une forme empruntée *a∞i- devait conserver sa nasale rétro-
flexe, car la langue connaissait déjà ce type d’articulation, soit par
développement interne, soit par d’autres emprunts à des langues voi-
sines qui possédaient des phonèmes rétroflexes. De fait, on a observé
depuis longtemps que toutes les langues non indo-européennes de
l’aire indienne (munda, dravidien, burushaski, plus certains langues
tibéto-birmanes et iraniennes) possèdent ce type de phonèmes (cf.
Kuiper, 1967, p. 86sq.∞∞ ; Masica, 1991, p. 131), quoique avec des dis-
tributions différentes. Alternativement, on pourrait aussi maintenir
une forme *ani- pour la langue de départ, mais avec une cérébralisa-
tion spontanée de –n- intervocalique en védique, selon un processus
dont il existe des exemples indéniables (Mayrhofer, 1968∞∞ ; sur la
continuité en moyen-indien, cf. O. v. Hinüber, 2001, p. 169), e.g. véd.
sth4∞a- fém. «∞∞ pilier, colonne∞∞ », pour *sth4na-, auquel répondent
exactement av. stuna-, v. perse stuna-, etc. Le phénomène, docu-
menté par un nombre assez important d’exemples, semble avoir été
plus que sporadique dès l’indo-aryen ancien (cf. Burrow, 1971). La
deuxième partie de l’argument concerne le sens∞∞ : en fait, la référence
à l’articulation des hanches rend compte également de l’emploi des
deux mots en cause, à savoir véd. a∞í- et kaly0∞a-, et même de
manière plus satisfaisante que le rattachement à des mots d’autres
langues indo-européennes qui réfèrent au coude ou à l’avant-bras. En
ce qui concerne le substantif a∞í-, on doit considérer que des noms de
parties du corps sont employés, de façon métaphorique, pour désigner
des parties du char, avec lesquelles elles pouvaient présenter quelque
analogie. Dans la terminologie védique, nous pouvons citer les
exemples suivants∞∞ : ratha-mukhá- (AV, aussi JB, TS) et ratha-sirÒá-
(SB IX.4.1.13) pour le «∞∞ devant du caisson du char∞∞ », composés avec
les substantifs múkha- «∞∞ bouche, face∞∞ » et sirÒán- «∞∞ tête∞∞ » (cf. Spar-
reboom, 1985, p. 127)∞∞ ; n0bhi- (RV +) «∞∞ moyeu∞∞ » et nábhya- (RV +)
«∞∞ partie médiane d’une roue pleine∞∞ » (ibid., pp. 130 et 123), cf.
n0bhi- «∞∞ nombril, centre∞∞ »∞ ∞; kákÒa- (RV +) «∞∞ aisselle∞∞ » (cf. av. kasa-,
idem, lat. coxa «∞∞ hanche∞∞ », v.irl. coss «∞∞ pied∞∞ »), dont dérive
kakÒ(í)ya- (RV), désignant une sangle placée derrière les pattes anté-
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 139

rieures des chevaux (Hoffmann, 1966, p. 201, cf. Sparreboom, 1985,


p. 131sq.∞∞ ; Jamison, 1987, pp. 83-88)∞∞ ; en outre, dans des textes plus
récents, ámsa- «∞∞ épaule∞∞ » est employé pour désigner les deux pan-
neaux symétriques placés sur les côtés du châssis, et kukÒí-
«∞∞ ventre∞∞ » (au duel «∞∞ fesses∞∞ », par transfert d’une partie rebondie du
corps, les «∞∞ joues∞∞ », cf. Jamison, 1987, pp. 71-81) pour les moyeux
des roues (Sparreboom, 1985, pp. 126 et 130). Des transpositions
analogues sont connues par d’autres langues, en particulier en grec
homérique∞∞ : knßmj «∞∞ jambe, tibia∞∞ », désignant par métaphore le
«∞∞ rayon de roue∞∞ », cf. le composé ôktá-knjmov «∞∞ doté de huit
rayons∞∞ », appliqué aux roues (Il. E, 723)∞∞ ; ômfalóv «∞∞ nombril∞∞ »,
d’où «∞∞ bosse∞∞ » au centre du joug (cf. Plath, 1994, pp. 338-342 et
386-388). Un exemple est transversal à plusieurs langues, et atteste
l’analogie entre «∞∞ essieu, axe∞∞ » et «∞∞ aisselle∞∞ », cf. all. Achse et Ach-
sel∞∞ : à partir d’une base *aks- (reposant en définitive sur un thème en
*-s-, et référant peut-être à la notion de mouvement, de rotation), on
peut citer d’une part germ. *ahso (v.h.all. ahsa), lat. axis, lit. asìs, gr.
ãzwn, véd. ákÒa- «∞∞ essieu∞∞ » (aussi “∞∞ clavicule∞∞ ”, SB), et d’autre part
germ. *ahslo (v.h.all. ahsala), lat. axilla, av. asa- «∞∞ aisselle∞∞ », et
germ. *ohsa- «∞∞ creux de l’aisselle∞∞ » (v.h.all. uoh(a)sa, dérivé à
v®ddhi de *ahs(o)- cité plus haut (cf. Darms, 1978, pp. 143-157∞∞ ;
EWAhd I, col. 113-116∞∞ ; Plath, 1994, p. 297∞∞ ; Kluge-Seebold, pp. 11-
12∞∞ ; EWAia I, p. 41). La référence à l’articulation des membres est
probablement originelle (Darms, op. cit., p. 153). Par conséquent, le
char était conçu, en divers lieux et à différentes époques, comme un
ensemble articulé, dont les parties jointes et mobiles étaient ana-
logues à celles des articulations du corps humain (voir aussi Huld,
2000, pp. 103-111). Si un char peut avoir une tête, des épaules, des
jambes, il n’est pas surprenant d’y trouver des hanches. Plus précisé-
ment, les extrémités de l’essieu pourvues des chevilles définissent la
largeur maximale du char∞∞ : elles sont analogues aux hanches, c’est-à-
dire aux deux régions symétriques formant saillie au-dessus des
flancs, au niveau où se situent les deux crêtes iliaques. Le char
avance par le mouvement des roues bien fixées, comme l’homme
avance sur ses deux jambes. Le maintien en place des roues de
chaque côté de l’essieu peut aussi être comparé à l’articulation coxo-
fémorale, qui réunit les deux membres inférieurs, par l’emboîtement
de la tête de chacun des deux fémurs dans les cavités de l’os iliaque.
Par conséquent, la restitution d’un mot *a∞í- au sens de «∞∞ hanche∞∞ » à
un stade archaïque de l’indo-aryen rend compte sans difficulté des
deux emplois techniques, dans la terminologie du char et en méde-
cine. Le premier emploi est le plus anciennement attesté, en raison de
l’importance du thème du char de guerre (rátha-) dans la poésie
140 GEORGES-JEAN PINAULT

védique. Le deuxième emploi, pour désigner un point vital au-dessus


du genou, s’explique par une translation de la hanche à la cuisse selon
un processus déjà décrit (§4)∞∞ : le fait est solidaire de la sélection du
substantif sró∞i-, déjà connu du RV (dans un hymne tardif, X.163) et
de l’AV, pour désigner la hanche.

§ 8. Cependant, c’est l’interprétation de l’adjectif kaly0∞a- qui offre


un appui décisif. Il faut revenir à l’argument distributionnel utilisé par
Ernst Leumann (1893, p. 309), qui fut trop rapidement réfuté par
Wackernagel (1934, p. 191), à la suite d’Oldenberg (1918, p. 54 n. 4),
croyant expliquer la prédominance du féminin par le fait «∞∞ qu’on prê-
tait davantage attention à la beauté des femmes qu’à celle des
hommes∞∞ ». Il est indéniable que les emplois les plus anciens du mot
sont ceux du féminin kalya∞2-∞∞ : il prédomine en védique ancien, et
reste vivant dans les Brahma∞as pour qualifier une belle femme. De
façon très significative, un passage du JB emploie le superlatif
kalya∞a-tama- (lequel, comme le comparatif, apparaît à partir de ce
Brahma∞a) dans une proposition relative, qui se rapporte à l’appa-
rence, à la beauté (rupa-) des femmes (stri-) séduisantes à l’acmé de
leur jeunesse∞∞ : yat kalya∞atamam rupa∞am «∞∞ laquelle est la plus
belle des apparences∞∞ » (JB III.352). Cette construction a été com-
mentée par Forssman (1996) et mise en parallèle avec une expression
analogue à propos de la vigueur et de la beauté juvénile (gr. Øbj)
dans l’épopée homérique. Elle prouve la prégnance de notre adjectif
dans la conception de la beauté physique, et son extension depuis la
sphère féminine. L’adjectif thématique kaly0∞a- «∞∞ beau∞∞ » est le mas-
culinatif de kalya∞2- «∞∞ belle∞∞ », selon un processus dont il y a d’autres
exemples. J’emprunte le terme de masculinatif, qui définit un mascu-
lin tiré secondairement d’un féminin, de même qu’un singulatif est
tiré d’un pluriel ou d’un collectif, à Ch. de Lamberterie (1990, t. I,
p. 339∞∞ ; t. II, pp. 632-4, 646). On peut citer immédiatement sapátna-
masc. «∞∞ rival∞∞ », qui apparaît à la fin de la période du RV (4 x dans la
partie finale du livre X, où figurent aussi 3 occurrences du composé
sapatna-hán- «∞∞ qui tue le rival∞∞ »), et qui devient courant dans l’AV∞∞ :
il est tiré secondairement du féminin sapátni- «∞∞ rivale∞∞ » (RV 11x,
dont 3x dans des parties plus anciennes, en dehors du livre X), dont
le sens et la formation peuvent être complètement justifiés∞∞ : ce com-
posé (< *sµ-pot-n-iH2-) signifie littéralement «∞∞ qui possède en com-
mun un époux (páti- < *pót-i-) dont elle dépend∞∞ », d’où «∞∞ épouse
(pátni-) en commun [avec d’autres épouses]∞∞ », «∞∞ épouse secon-
daire∞∞ » ou «∞∞ concubine∞∞ », et «∞∞ rivale∞∞ » (Renou, 1957, pp. 4-5∞∞ ; AiGr
II/1, §38b, p. 90∞∞ ; KEWAi II, p. 202∞∞ ; EWAia II, p. 75). La relation
entre máhiÒi- (RV 3 x) «∞∞ princesse∞∞ » («∞∞ grande dame∞∞ ») et le mascu-
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 141

lin mahiÒá- (RV 46 x) «∞∞ puissant∞∞ » (et secondairement, par conden-


sation d’un syntagme et substantivation, «∞∞ buffle∞∞ ») est peut-être ana-
logue∞∞ : le féminin est ici ancien, et non dérivé du masculin, puisqu’il
est en réalité le féminin formé régulièrement sur le thème faible du
comparatif (*máhiÒ- < *megH2-is-), cf. gr. méhw, myc. me-zo <
megH2-yos- «∞∞ plus grand, plus fort∞∞ » (AiGr II/2, §256h, p. 420 et
§269a, p. 443∞∞ ; différemment, EWAia II, p. 340). Le masculin, s’il
n’est pas dérivé du féminin, doit être un dérivé indépendant de la
même base (*mahiÒ-) par thématisation. De toute façon, la langue
offrait un nombre considérable de correspondances entre masculin en
–a- et féminin en -i-, quelle que fût le statut dérivationnel premier de
ces deux entités. Les dérivés en –i- du type v®k2- servent à former les
féminins de substantifs thématiques, qui désignent des êtres animés
(humains, animaux), e.g. yam2-, sœur de yamá- «∞∞ jumeau∞∞ », v®k2-
«∞∞ louve∞∞ » en regard de v®´ka- «∞∞ loup∞∞ » (AiGr II/2, §244, p. 369sq.).
Notons que dans le même champ sémantique de la féminité, nous
trouvons véd. prapharv2- (RV X.85.22, AV, etc.) qui désigne une
«∞∞ jeune fille∞∞ », non encore mariée, mais dont la maturité sexuelle est
visible∞∞ : c’est le féminin d’un adjectif *prapharvá- < *pra-phal-wa-
«∞∞ dotée du gonflement en avant∞∞ » (des seins), selon l’analyse lumi-
neuse de Mme Narten (1986, spécialement p. 41). Le type v®k2- four-
nit aussi des féminins, éventuellement substantivés, d’adjectifs thé-
matiques, e.g. aru∞2- «∞∞ rougeâtre∞∞ », dit des vaches (RV 9 x), sur
aru∞á-, subhr2- (AV) «∞∞ belle∞∞ » en regard de subhrá- (RV +)
«∞∞ beau∞∞ » (AiGr II/2, §245, p. 373sq.). L’exemple cité à l’instant pou-
vait fournir le modèle de la création de kaly0∞a- «∞∞ beau∞∞ » en regard
de kalya∞2-, à partir du stade où cet adjectif (qui pouvait aussi être
substantivé, comme il se produit dans l’AV) signifiait simplement
«∞∞ belle∞∞ » et subst. «∞∞ une belle, une beauté∞∞ » dans la langue courante.
Cependant, le déplacement d’accent entre kalya∞2- et kaly0∞a-
dénonce le fait que la formation du masculinatif s’est alignée sur un
modèle supplémentaire. La catégorie la plus déterminante est celle
des nombreux composés possessifs (bahuvrihi), qui s’appliquent à
des êtres animés, et dont le second membre désigne une partie du
corps, cf. RV X.62.7 aÒ†a-kar∞2-, qualifiant un animal «∞∞ dont les
oreilles (kár∞a-) sont marquées∞∞ » (EWAia I, p. 41), RV supar∞2- (2 x)
en regard de su-par∞á- «∞∞ doté de bonnes (belles) ailes∞∞ » (AiGr II/2,
§246, pp. 376-381). Dans ces composés, le féminin du type v®k2- est
régulièrement accentué sur la finale, quelle que soit l’accentuation du
masculin, selon une règle qui sera ultérieurement fixée dans la gram-
maire de Pa∞ini (cf. Wackernagel, 1934, p. 193). Dans un bahuvrihi,
l’accent est normalement sur le premier membre, qui garde l’accen-
tuation du mot simple (AiGr II/1, §113, p. 291 sq., voir §114, p. 293
142 GEORGES-JEAN PINAULT

sq. pour les exceptions), d’où le féminin sahasra-par∞2- (AV) en


regard de sahásra-par∞a- masc. (RV +) «∞∞ doté de mille feuilles∞∞ »,
hira∞ya-kes2- (AV) en regard de híra∞ya-kesa- (RV +) «∞∞ aux cheveux
d’or∞∞ », etc. Selon ce principe, on pourrait attendre *kalí-a∞a- masc.
en regard du féminin kaly-a∞2- si le premier membre était originelle-
ment accentué sur sa syllabe finale (*kalí-)∞∞ : mais, comme l’avait
déjà noté Wackernagel (loc. laud. et AiGr II/1, pp. 295-297), le trans-
fert d’accent sur la syllabe suivante, donc sur la première syllabe du
second membre, est régulier dans la langue du RV (mais non pas dans
l’AV), lorsque le premier membre est terminé par –i-, cf. dvi-pád-
«∞∞ bipède∞∞ », siti-pád- «∞∞ aux pieds blancs∞∞ », et sur ce modèle sity-
óÒ†ha- (TS, KS) «∞∞ aux lèvres blanches∞∞ » (simple óÒ†ha-), etc. Par
conséquent, la relation entre le masculin secondaire kaly0∞a- et le
féminin kalya∞2-, du type v®k2-, s’est conformée à des schémas déri-
vationnels bien établis.
Si le féminin kalya∞2- est le terme qui doit être interprété en pre-
mier, il suffit d’introduire au second membre le sens du lexème a∞í-
que nous avons restitué∞∞ : «∞∞ aux belles hanches∞∞ » donne immédiate-
ment un sens plausible, et même plus pertinent que le sens proposé
par Wackernagel, «∞∞ aux beaux coudes∞∞ ». En effet, l’interprétation de
Wackernagel s’appuyait essentiellement sur l’étymologie externe, par
le rapprochement du second membre avec gr. Ölénj, *Öllóv, etc.
De plus, elle était entachée d’une sorte de pudibonderie qui lui inter-
disait d’imaginer que la partie du corps ainsi qualifiée de «∞∞ belle∞∞ »
puisse référer aux formes spécifiquement féminines. Les considéra-
tions développées par Wackernagel à la fin de son article (1934, p.
195sq.) sont d’une candeur étonnante∞∞ : son immense acribie de phi-
lologue s’accompagne d’un pouvoir d’imagination qui s’avoue en
toute franchise. Il voit les Indiens de l’époque védique sur le modèle
d’un monde homérique très idéalisé, où la description de la beauté
féminine serait toujours inspirée par la pudeur∞∞ : les parties du corps
célébrées (chevilles, bras) par les poètes seraient seulement celles que
les vêtements ne cachaient pas complètement, ou qui étaient révélées
fugitivement par les mouvements modestes de la femme noble. Mais
les poètes védiques ne connaissaient pas ces préventions ou ces pro-
hibitions∞∞ : dans le RV et plus encore dans l’AV, les réalités du corps
et du sexe sont nommées de façon assez directe et objective.

§9. En fait, kalya∞2- n’est qu’une expression particulièrement an-


cienne, et qui n’était plus transparente, d’un topos qui connaît
d’autres formulations en védique même. La largeur et l’opulence des
hanches et des fesses sont des caractéristiques de la femme féconde et
aimable. Pour désigner cette partie du corps, un autre terme utilisé est
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 143

jaghána- masc. (RV +) «∞∞ postérieur∞∞ » (cf. EWAia I, p. 563∞∞ : «∞∞ Hin-
terbacke, Hinterteil, Schamgegend∞∞ »), avec son dérivé jaghána-
«∞∞ hanche, fesse∞∞ ». On trouve ce dernier dans le composé féminin
p®thu-jaghana-, employé par Indra pour célébrer la beauté du corps
de son épouse, Indra∞i, dans le célèbre hymne dialogué, dit de
V®Òakapi, à côté d’autres adjectifs composés pour d’autres parties du
corps, RV X.86.8∞∞ : «∞∞ Femme aux beaux bras (subaho), aux beaux
doigts (s(u)vangure), aux larges tresses (p®thuÒ†o), aux larges hanches
(p®thujaghane), pourquoi, femme d’un héros, t’en prends-tu si vio-
lemment à notre V®Òakapi∞∞ ?∞ ∞» (modification de la traduction de
Renou, HSV, p. 93, pour rendre littéralement p®thú- «∞∞ large∞∞ »). Le
discours d’Indra, qui s’adresse ici à une déesse conçue à l’image
d’une reine, n’a rien de vulgaire ou d’obscène. Les épithètes
employées appartiennent au style de la haute poésie, et trouvent des
parallèles dans les composés mélioratifs de la diction homérique
(Thieme, 1985, p. 244). Le «∞∞ postérieur∞∞ » est la partie du corps de la
femme qui est associée symboliquement à la fécondité (cf. Jamison,
1996, pp. 41-42 et 79 pour la traduction de cette strophe dans le cadre
d’une interprétation générale de l’arrière-plan rituel de l’hymne
X.86). Aux deux hanches (forme à restituer en jaghána) sont compa-
rées les deux meules du pressoir en RV X.28.2, par analogie avec les
organes génitaux. En AV XIV.1.36, dans un hymne nuptial, le poète
prie les dieux d’accorder à l’épousée la splendeur du jaghána- carac-
téristique d’une «∞∞ grande femme nue∞∞ » (maha-nagn2-), d’une courti-
sane. Le composé p®thú-sro∞i- «∞∞ broad about the hips∞∞ » apparaît
dans le SB (I.2.5.16, III.5.1.11) pour décrire une femme bien faite,
modèle de l’autel sacrificiel (la vedi-)∞∞ : «∞∞ s’élargissant par derrière,
amincie au milieu et large en avant∞∞ », Davantage∞∞ : nous pouvons
retrouver en indo-aryen ancien une «∞∞ traduction∞∞ » littérale de
l’épithète kalya∞2-∞∞ : Thieme a proposé (loc. laud.) gr. kallípugov
«∞∞ aux belles fesses∞∞ » comme équivalent de p®thu-jaghana- en RV
X.86.8b∞∞ ; la même idée est exprimée par le composé su-jaghaná-
(TS, etc., jusqu’en sanskrit classique) «∞∞ having beautiful hips∞∞ » (MW,
p. 1223b). Nous savons (voir les références, fin du §1) que le terme
qui réfère habituellement, et de manière précise, aux hanches est
sró∞i-, duel sró∞i (RV et bien attesté dans l’AV). Or, il existe un
composé, synonyme de su-jaghaná-, su-sro∞i- (attesté plus tard,
MBh), que les auteurs du premier dictionnaire occidental du sanskrit
traduisaient justement par kallípugov (PW VII, col. 1138, repris par
MW, p. 1237b). La convergence des avis de ces géants de l’indologie
est digne d’être exploitée. La segmentation du terme *kali- «∞∞ beau,
bon∞∞ » dans kalya∞2-, à la suite de Wackernagel, isole un adjectif
obsolète en indo-aryen, dont le correspondant supposé en grec ancien,
144 GEORGES-JEAN PINAULT

le premier membre de composé kalli-, équivaut à un autre premier


membre de composé, êu-= véd. su- «∞∞ bon, beau∞∞ » (< *H1s-u-),
d’après des paires nombreuses dans la langue poétique, cf. êuplóka-
mov vs. kalliplókamov «∞∞ aux belles tresses∞∞ », êúsfurov vs.
kallísfurov «∞∞ aux belles chevilles∞∞ », êúhwnov vs. kallíhwnov«∞∞ à
la belle ceinture∞∞ » (Ch. de Lamberterie, 1990, t. II, p. 760). Autre-
ment dit, su-jaghaná- et su-sro∞i- ont remplacé dans la variété deve-
nue dominante de l’indo-aryen un terme qui était devenu inanaly-
sable, dont les deux lexèmes constituants avaient de nouveaux
équivalents. Le proto-indo-aryen connaissait sans doute, comme le
grec homérique, une équivalence et une concurrence entre les deux
premiers membres de composés, *kali- et *su-, dont les sens étaient
proches∞∞ : en védique, le premier est pratiquement éliminé. Ses deux
quasi-synonymes avaient peut-être acquis une distribution dialectale.
Dans la segmentation kaly-a∞2-, les deux éléments distingués se
confortent réciproquement, puisque *kali- = su- et a∞í- = sró∞i-.
Notre solution, fondée sur le féminin de l’adjectif, apporte finalement
une légère correction à la reconstruction de Wackernagel, qui a dis-
tingué le premier membre du composé, ce qui faisait sortir le radical
de gr. kalóv, kalli-, etc. de son isolement. Tous les éléments pro-
bants se trouvaient déjà dans les textes védiques. Il est inutile de rap-
peler qu’une des voies fécondes de l’étymologie est offerte par la tra-
duction des langues indo-européennes entre elles.

§10. Par l’effet d’une prudence confinant à une géniale intuition,


Renou, qui était tenté d’adopter l’interprétation de Wackernagel (cf.
GLV, §179, p. 134), a traduit une des occurrences de kalya∞2- en
recourant à un terme plus général, mais encore rattaché au corps∞∞ :
III.53.6b kalya∞2r jay0 «∞∞ une épouse aux belles articulations∞∞ » (EVP
XVII, p. 92). Dans ce passage, l’évocation de l’épouse d’Indra qui
l’attend au foyer est associée à la promesse du plaisir d’amour, au
bon délassement (surá∞am, mot suivant du même vers). Les autres
occurrences du RV font entrevoir aussi la dimension érotique sous-
jacente à kalya∞2-∞∞ : X.30.5ab y0bhiÌ sómo módate hárÒate ca,
kalya∞2bhir yuvatíbhir ná máryaÌ «∞∞ Elles [les eaux, apáÌ, c] avec
lesquelles le Soma s’amuse et s’excite comme le garçon avec de
belles jeunes-filles∞∞ » (EVP XV, p. 128)∞∞ ; IV.58.8ab abhí pravanta
sámaneva yóÒaÌ, kalya∞(í)yaÌ smáyamanaso agním «∞∞ Elles [les cou-
lées de beurre fondu, gh®tá-] bondissent vers Agni, souriantes,
pareilles à de belles jeunes femmes qui vont à la fête∞∞ » (modification
de Renou, HSV, p. 34, voir aussi EVP XVI, p. 106). Ce n’est pas par
hasard que ces occurrences de kalya∞2- figurent dans des comparai-
sons formulaires, qui associent les deux partenaires de la relation
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 145

sexuelle (sur le développement poétique de cette association, voir


mon étude, 2000, p. 56 sq.). Replacée dans son contexte général, et
dans une continuité pluriséculaire, la traduction de véd. kalya∞2- par
«∞∞ [femme] aux belles hanches∞∞ » apparaît d’une parfaite évidence, car
elle est conforme à une représentation constante de la beauté fémi-
nine dans la littérature et dans l’art du monde indien. Selon le canon
de la beauté dans la poésie classique, la femme idéale possède entre
autres des seins rebondis et fermes, une taille fine, un nombril pro-
fond, des hanches et des cuisses larges, comparées couramment à des
trompes d’éléphants ou à des troncs de bananiers∞∞ ; le poids de sa
croupe alanguit sa démarche (cf. Ingalls, 1965, p. 164∞∞ ; Brough,
1968, pp. 33 et 38-39). Ces caractéristiques sont énoncées dans les
portraits d’héroïnes ou de déesses, qui énumèrent les diverses parties
du corps (cf. les exemples de ce genre littéraire donnés par Wurm,
1992, pp. 134-139). Voyez par exemple la description de la jeune
Savitri dans l’épisode célèbre du MBh∞∞ : «∞∞ And in course of time, the
maiden reached the age of womanhood. And seeing her with her slen-
der waist and ample hips (p®thu-sro∞i-), like a golden image, the
people all agreed that it was as if they had obtained a goddess∞∞ » (tra-
duction de Brough, 1978, p. 25). Nous y retrouvons le composé
p®thu-sro∞i- «∞∞ aux larges hanches∞∞ », attesté depuis les Brahma∞as
(SB, cf. § 9). Il suffit de renvoyer à d’autres œuvres poétiques de la
littérature classique, comme le poème Meghaduta (str. 79) et le
drame Vikramorvasi (acte IV, str. 26) de Kalidasa, et aux nombreuses
strophes recueillies dans les anthologies (cf. SRK, str. 400, 426, 428,
448, 450, traduites par Ingalls, pp. 167, 172, 175). Plusieurs des
stances rassemblées par Böhtlingk peuvent être mentionnées (IndSpr,
no 181, 1127, 1670, 2319, 2529, 2823, 4458)∞∞ ; je citerai seulement
celle-ci, qui contient encore le même adjectif∞∞ : no 2486 «∞∞ Qui n’est
pas terrassé par la beauté des femmes, par un corps à la taille mince,
aux hanches larges (p®thu-sro∞i-), aux lèvres rouges, aux yeux noirs,
au nombril profond, aux seins dressés∞∞ ?∞ ∞» (IndSpr, t. II, p. 55). Dans
l’art indien, les représentations féminines suivent les indications des
traités, qui sont elles-mêmes en cohérence avec les conventions de la
poésie∞∞ : chacun garde en mémoire les femmes aux formes amples de
la statuaire (voir entre autres les fig. 30, 31, 32, 77, 78, 83, 84, 85, 94
dans l’ouvrage de Sivaramamurti). Les caractéristiques énumérées
plus haut figurent dans les règles de l’iconographie, par exemple dans
la description d’une statue de la déesse LakÒmi selon le Mayamata∞∞ :
entre autres, elle doit être vipula-sro∞i- «∞∞ aux hanches volumi-
neuses∞∞ » (XXXVI.251∞∞ : t. II, p. 456). Il ne nous appartient pas de
traiter la question de l’histoire et des motivations de cet idéal de la
beauté féminine, qui apparaît dès les premiers exemples de sculpture
146 GEORGES-JEAN PINAULT

bouddhique (cf. Zimmer, 1960, p. 75sq.). Nous n’avons pas d’icono-


graphie pour l’époque védique, dont la religion était sans images. Sur
le long terme, nous devons constater l’accord des descriptions litté-
raires et des conventions plastiques. Par conséquent, rien n’est plus
«∞∞ indien∞∞ » que la qualification d’une belle femme comme «∞∞ possé-
dant de belles hanches∞∞ ». Pourtant, le mot qui exprime cette repré-
sentation atteste une combinaison d’éléments d’origines diverses dès
une haute époque.

§ 11. La formation de l’adjectif kalya∞2- reflète une histoire relative-


ment complexe. Posons le composé primitif *kaly-a∞i- «∞∞ aux belles
hanches∞∞ ». Nous pouvons admettre qu’il a été recaractérisé comme
féminin, en *kaly-a∞i-H-, sur le modèle des composés du type v®k2-
(voyez supra §8) à un stade où ce type de féminin hérité en *-iH2-
avait conservé son suffixe complexe *-iH- devant désinence, avec la
laryngale finale sous forme consonantique. La dérivation pouvait sans
doute s’appuyer sur quelques exemples de féminins en –2- (avec l’ac-
centuation caractéristique sur le suffixe) dérivés de substantifs en –i-,
dont il reste des exemples dans la langue populaire, e.g. krim2- (AV),
femelle en regard de krími- «∞∞ ver∞∞ » (cf. AiGr II/2, §244ab, p. 370).
D’un certain point de vue, cette recaractérisation annonce les
échanges entre thèmes en –i- et thèmes en -i- qui s’observent assez
tôt dans les substantifs féminins (AiGr II/2, §191a, p. 305∞∞ ; III, §68a,
pp. 134-8), et qui aboutissent à leur confusion (III, §94, p. 182sq.). Le
point le plus important concerne la préhistoire de ce composé∞∞ : les
deux lexèmes réunis, selon un type très courant de composition dans
la langue poétique, ont des origines différentes. Notre interprétation
confirme la reconstruction de Wackernagel (1934) pour le premier
membre (voir plus haut §9). Si *a∞i- apparaît comme un lexème non
indo-européen, *kal-i- s’intègre à la morphologie indo-européenne,
par sa structure suffixale de thème en *-i- sur un radical, et sa parti-
cipation à un ensemble de dérivés en implication mutuelle, connu
sous le nom de «∞∞ système de Caland∞∞ »∞ ∞: ce système de substitution
de suffixes sur un même radical se manifeste par la coexistence de
divers thèmes d’adjectifs primaires, remplacés par un thème en *-i-
en premier membre de composé, du comparatif et du superlatif pri-
maires, et d’un abstrait neutre en *-e/os- (cf. Risch, 1974, §§28-39,
pp. 65-112, spécialement p. 66)∞∞ : gr. kal(¸)óv, kalli-, kallíwn,
kállistov, (tò) kállov. L’adjectif simple en *-wo- peut avoir rem-
placé un ancien thème *kal-u- (Ch. de Lamberterie, 1990, t. II,
pp. 834-835). Pour le premier membre de composé, on attendrait évi-
demment *kali-∞∞ : la gémination généralisée dans la base kall- peut
recevoir plusieurs explications (GEW I, p. 767∞∞ ; DELG, p. 487).
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 147

Cette dernière difficulté ne diminue pas la plausibilité de la corres-


pondance entre gr. kalli-et véd. *kali-, qui est renforcée par la nou-
velle interprétation proposée ici pour le composé indo-aryen. Les
compilateurs des dictionnaires étymologiques ont toujours été un peu
embarrassés par cette correspondance qui ne concernait que deux
langues, et dont l’aspect sémantique n’était pas entièrement satisfai-
sant (cf. récemment EIEC, pp. 56-7). On a souvent joint au dossier du
lemme *kal- une famille de mots germaniques désignant le guerrier,
le héros∞∞ : v.isl. halr, v.angl. hale(d), v.h.all helid, all. mod. Held, etc.
(IEW, p. 524). Mais la signification de départ d’une désignation de ce
genre reste très incertaine, et difficilement compatible avec l’idée de
beauté∞∞ : il vaudrait mieux abandonner ce rapprochement, même si
rien de plus convaincant n’a été proposé pour expliquer les termes en
question (cf. Kluge-Seebold, p. 368). J’ai proposé (1994, pp. 205-
207) d’ajouter une troisième branche dialectale à cette correspon-
dance, grâce au tokharien (en reformulant une idée de Van Winde-
kens, 1976, p. 193)∞∞ : le substantif tokh. B kalske, kalyske (mal décrit
dans TEB II, p. 237) désigne un étudiant brâhmanique (skr. ma∞ava-
ou ma∞avaka-). D’après la graphie ancienne kalyske, nous pouvons
poser tokh. com. *kalyä-skæ, qui s’explique par l’addition d’un suf-
fixe courant de diminutif (tokh. B -ske) à un thème issu régulièrement
de *kali-, peut-être premier membre de composé. L’évolution séman-
tique se ferait à partir de du sens de «∞∞ beau∞∞ », d’où «∞∞ satisfaisant
pour l’œil et pour l’esprit∞∞ », «∞∞ convenable∞∞ » (valeurs connues en
grec)∞∞ ; le point d’aboutissement pourrait être glosé par «∞∞ bien
formé∞∞ », selon les traités et les rites traditionnels. Bizarrement, mon
argument n’est pas mentionné par Adams (1999, p. 155), alors que
ma reconstruction va plus loin que le rapprochement sommaire donné
par Van Windekens. Il faut admettre que ce mot est, pour le moment,
isolé en tokharien, mais un héritage n’est pas exclu. Enfin, au dossier
de *kali- en indo-aryen, il serait tentant d’ajouter, maintenant que
l’interprétation de kalya∞2- est mieux assurée, le nom propre véd.
kalí-∞∞ : il s’applique à un homme (RV I.112.15, X.39.8) ou (au pluriel,
RV VIII.66.15 et AV) à des êtres mythiques apparentés aux Gand-
harvas, génies musiciens. Or, cet homme a recouvert la vigueur juvé-
nile grâce aux Asvin, selon la légende évoquée en X.39.8∞∞ : ces dieux
jumeaux, guérisseurs et secourables, rendent aux humains la jeunesse,
la santé, l’énergie sexuelle, la fécondité, toutes qualités associées à la
beauté (cf. Zeller, 1990, pp. 49-77). Ils sont eux-mêmes appelés dans
le RV subhás páti (21 x) «∞∞ maîtres [époux] de la beauté∞∞ ». Il ne serait
donc pas impossible de faire de kalí- la substantivation d’un adjectif
«∞∞ beau∞∞ », qui serait soit la continuation d’un adjectif simple, soit un
hypocoristique. On conçoit aussi que des êtres surnaturels soit quali-
148 GEORGES-JEAN PINAULT

fiées de «∞∞ beaux∞∞ », et dénommés en conséquence. Cela indiquerait


qu’une partie de l’indo-aryen ancien a connu d’autres composés en
*kali-, en plus de l’épithète archaïque. Néanmoins, on ne peut utiliser
ce mot (dont d’autres interprétations ont été proposées, cf. EWAia I,
p. 323) comme un témoignage décisif pour la survie de *kali- en
indo-aryen.
Le mot *kaly-a∞i- était fondamentalement hybride. En raison des
connexions proprement indo-européennes du premier membre, il
n’est pas possible de considérer que le composé dans son ensemble
était emprunté à une langue non indo-européenne. Seul le second
membre est vraiment problématique du point de vue de l’étymolo-
gie et de la morphologie indo-européenne. L’équivalence entre
kaly-a∞2- et su-sro∞i- (§ 9) met sur la piste du scénario suivant∞∞∞:
1) dans une phase très archaïque de l’indo-aryen, il existait encore
des composés possessifs, à valeur élogieuse, avec concurrence entre
*kali- et *su- au premier membre∞∞∞; 2) les dialectes indo-aryens pré-
védiques auraient privilégié l’un ou l’autre terme∞∞∞; 3) dans la
langue poétique d’un dialecte qui utilisait encore le premier membre
*kali-, le nom hérité de la hanche (probablement le mot indo-ira-
nien, véd. sró∞i- = av. sraoni-) dans le composé signifiant «∞∞∞pour-
vu(e) de belles hanches∞∞∞» aurait été remplacé par un mot emprunté,
à savoir *a∞i-∞∞∞; 4) enfin, cette forme poétique aurait été intégrée au
mélange dialectal de la langue conventionnelle des hymnes du RV.
Ce dernier stade, celui de la composition des hymnes peut être situé
vers 1700-1200 av. J.-C., selon l’estimation aujourd’hui couram-
ment admise (voir par ex. Witzel, 1995, p. 98). L’emprunt du nom
*a∞i- (ou *ani-) se serait donc produit antérieurement, ou dans la
phase initiale de composition des hymnes, étant donné que kalya∞2-
(3x∞∞∞: III1 IV1 X1) aussi bien que a∞í- (3x∞∞∞: I2 V1) appartiennent déjà
aux parties anciennes du RV (livres familiaux∞∞∞: II à VII). La
motivation de cet emprunt, qui concerne la désignation d’une partie
du corps associée à la sexualité, peut avoir été simplement l’euphé-
mie, dans une «∞∞∞école∞∞∞» poétique qui voulait se distinguer des
autres.

§12. Nous avons écarté plus haut (§4), pour des raisons de chrono-
logie des développements phonétiques et de vraisemblance histo-
rique, un emprunt de tokh. B oñiye* à l’indo-aryen, ancien ou
moyen. Mais il n’est pas question de remplacer cette hypothèse par
celle d’un emprunt de l’indo-aryen à une phase archaïque du tokha-
rien. De toute façon, la structure du mot *a∞i- (ou *ani-) le dénonce
comme non indo-européen. En fait, une autre hypothèse doit être
sérieusement envisagée∞∞∞: des emprunts indépendants du proto-indo-
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 149

aryen et du proto-tokharien à une langue non indo-européenne


d’Asie Centrale. Comme nous l’avons indiqué, le mot a été intégré
à l’indo-aryen à un stade où les laryngales avaient gardé leur forme
consonantique. Depuis plusieurs décennies, des recherches indépen-
dantes ont mis en évidence la diversité des formes dialectales de
l’indo-aryen ancien, et l’importance des faits de substrat ou d’ad-
strat dans sa genèse linguistique (cf. l’article essentiel de Kuiper,
1967 et son bilan de 1991). Les influences et les convergences
affectent déjà le stade védique, et même la langue du RV. Il
convient désormais d’envisager des sources plus diverses pour les
emprunts non indo-européens, qui ne se limitent pas aux langues
dravidiennes (cf. Witzel, 1995, pp. 98-109). Ces enquêtes sont sou-
vent solidaires de théories sur les migrations des Indo-Aryens avant
leur installation dans le bassin de l’Indus, et sur leur séparation
d’avec les Iraniens (voir Parpola, 1998, où l’on trouvera la biblio-
graphie de travaux antérieurs∞∞∞; Witzel, 1999 et 2000, pp. 283-291).
La communauté linguistique indo-iranienne est établie par la
reconstruction linguistique, surtout à partir de l’avestique ancien et
du védique ancien, et par le fait que ces peuples se donnaient prati-
quement le même nom, à savoir véd. 0r(i)ya- et iranien *arya- > av.
airiia-, v. perse ariya- (cf. EWAia I, p. 174 sq.). En l’absence de
tout document écrit, il est impossible d’attribuer avec certitude
l’une ou l’autre des cultures matérielles décelées en Asie Centrale
entre 3000 et 1500 av. J.-C. plutôt aux Indo-Iraniens qu’aux Ira-
niens, ou qu’aux Indo-Aryens. Un nouvel ensemble de données
archéologiques de l’âge du Bronze fait actuellement l’objet de vifs
débats et d’hypothèses contradictoires∞∞∞: le complexe archéologique
bactro-margien (Bactria-Margiana Archaeological Complex), appelé
aussi «∞∞∞civilisation de l’Oxus∞∞∞», et occupant une zone couvrant
l’Afghanistan du Nord-Ouest et l’Ouzbékistan méridional, entre
environ 2500 et 1500 av. notre ère, florissante vers 2200-1750 av.,
d’après les preuves matérielles d’échanges commerciaux à longue
distance (cf. Mallory dans EIEC, pp. 72-74∞∞∞; Francfort, 1989,
pp. 367-388 et Hiebert, 1998). Au cours de cette période, les ves-
tiges archéologiques attestent des contacts dans toutes les direc-
tions, avec le Proche-Orient, la civilisation de l’Indus, le monde des
steppes, l’actuel Xinjiang, etc. Cette civilisation se trouve sur la
route généralement admise pour le mouvement des Indo-Aryens (et
d’une partie au moins des Iraniens) depuis leur point de départ sup-
posé, les steppes de la Russie actuelle (groupe des cultures d’An-
dronovo) jusque dans la vallée de l’Indus, où ils succèdent au déclin
de la civilisation harappéenne (2500-1800 av.). ll ne semble pas que
le BMAC puisse être attribué aux *ar(i)ya- sans autre forme de pro-
150 GEORGES-JEAN PINAULT

cès∞∞∞: il est plus probable que la culture des steppes s’est enrichie et
modifiée dans les rapports avec cette civilisation sédentaire et com-
merçante, pratiquant l’irrigation (cf. Mallory, 1998). La civilisation
bactro-margienne serait l’espace intermédiaire par lequel sont pas-
sés les Indo-Aryens, et avec lequel les ancêtres des Tokhariens ont
pu aussi entrer en contact, au cours de l’âge du Bronze. Des travaux
très récents suggèrent qu’aux langues donatrices de mots empruntés
en indo-aryen ancien et/ou en iranien ancien, voire déjà au stade
indo-iranien, il faudrait ajouter une langue (ou des langues) d’Asie
Centrale (cf. Witzel, 1999, p. 342 et 2000, p. 288) et que cette
source lexicale pourrait relever de l’aire du BMAC. Lubotsky a
dressé (2001, pp. 310-315) une liste de mots de l’indo-aryen ancien
qui ont des correspondants en iranien ancien, et qui peuvent donc
être reconstruits pour l’indo-iranien, mais qui ne sont pas d’origine
indo-européenne∞∞∞: des particularités de phonétisme et de structure
morphologique s’ajoutent au fait qu’ils n’ont pas de correspondants
directs dans d’autres langues indo-européennes. Lubotsky propose
d’appeler cet ensemble lexical le «∞∞∞substrat indo-iranien∞∞∞», et
considère (2001, p. 308) qu’un bon nombre de ces mots auraient pu
être empruntés à la civilisation urbaine du BMAC.
Cette idée peut s’appuyer sur au moins un exemple assez plau-
sible, qui a déjà été relevé (Witzel, loc. cit.∞∞∞; Lubotsky, 2001,
p. 311), et que j’ai discuté en détail dans une étude récente (2002,
pp. 327-331). Un groupe de mots de l’iranien et de l’indo-aryen
repose sur une base *ist(i)- qui n’a pas d’étymologie indo-euro-
péenne∞∞∞; ils désignent des objets fabriqués en argile∞∞∞: v.perse isti-,
m. perse et persan mod. xist «∞∞∞brique∞∞∞», av. réc. istiia- nt. «∞∞∞tuile,
brique∞∞∞», composé z¢moistuua- nt. «∞∞∞brique d’argile∞∞∞»∞∞∞; véd. íÒ†aka-
fém. «∞∞∞brique crue∞∞∞», doublet iÒ†ika- (CDIAL no 1600, p. 72∞∞∞;
EWAia I, p. 201). En tokharien, on trouve B iscem «∞∞∞argile∞∞∞» (déjà
rapproché des mots précédents par Van Windekens, 1976, pp. 184-
5), adjectif dérivé iscemaÒÒe «∞∞∞fait en argile∞∞∞». J’ai proposé d’ajou-
ter tokh. B iscake* (noté iÒcake dans un fragment bilingue tokh.
B/sanskrit conservé à St. Petersburg), qui désigne «∞∞∞une sorte d’ar-
gile∞∞∞» (contenant de l’alun), et qui présuppose une forme *isc∞∞∞:
celle-ci serait l’oblique sing. solidaire d’un nominatif sing. *isce, flé-
chi selon le type de meñe «∞∞∞mois∞∞∞»∞∞∞: obl. sing. meñ, asce∞∞∞: as(c)
«∞∞∞tête∞∞∞», etc. (classe V.2, cf. TEB I, p. 130 sq.). Cette forme se dis-
simule derrière iscem, qui est en fait un dérivé inverse de l’adjectif
isce-maÒÒe, avec un suffixe complexe connu par ailleurs. De plus,
l’équivalent de tokh. B *isce∞∞∞: *isc en tokh. A serait *isäc∞∞∞: ce mot
fut emprunté par le turc ancien sous la forme prévisible isic ou äsic,
qui désigne par synecdoque un pot, une marmite en terre. Le mot
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 151

tokharien commun ne peut pas s’expliquer par un emprunt à l’ira-


nien ou à l’indo-aryen, en raison de la palatalisation de la dentale. Le
proto-tokharien a emprunté *isti- à une date assez haute (vers 2000
av. J.-C.) pour que s’applique encore la palatalisation qui affecte les
phonèmes issus de l’indo-européen, soit *isti- > *iscä-∞∞∞; de plus, la
flexion adoptée est aussi celle des substantifs en *-i- de flexion hys-
térokinétique, avec nom. sing. en *-ey, cf. B masce «∞∞∞poing∞∞∞», obl.
sing. masc, nom hérité et apparenté à véd. muÒ†í-, av. musti- (cf.
Normier, 1980, p. 260∞∞∞; Adams, 1999, p. 443)∞∞∞; le nom. sing. masce
remonte à *mäscæ < *mustey (Klingenschmitt, 1994, p. 399). Cet
emprunt s’est donc aligné sur un type de flexion de thèmes en *-ey-/
-i- qui était resté vivant en tokharien commun. La langue d’Asie
Centrale auquel appartenait le mot *ist(i)- «∞∞∞argile∞∞∞» et «∞∞∞brique∞∞∞»
serait à situer dans l’aire de la civilisation bactro-margienne, dont on
connaît, par les fouilles archéologiques, l’utilisation abondante des
briques crues pour la construction (cf. Witzel, 1995, p. 103). Sur ce
dernier point, la culture matérielle offre un argument supplémentaire
à la localisation du mot emprunté indépendamment par le proto-
tokharien et par l’indo-iranien commun. En ce qui concerne le mot
*a∞i-, les vestiges archéologiques ne fournissent pas de témoignage
net. Nous savons très peu de choses sur l’iconographie de la Bac-
triane à l’âge du Bronze, qui n’a pas fourni beaucoup de représenta-
tions de figures féminines, en dehors de celles qui étaient importées
depuis longtemps du Proche-Orient (Élam). Il existait, semble-t-il,
une «∞∞∞grande déesse∞∞∞» (d’origine probablement élamite) de la végé-
tation et de la fertilité, maîtresse des lions (Francfort, 1994, pp. 407,
410-411∞∞∞; Parpola, 2002, pp. 281-285), mais ses représentations ne
sont pas dénudées. On trouve des figurines de femmes aux hanches
fortes dans beaucoup de civilisations, à diverses époques, et entre
autres dans la civilisation harappéenne, qui a précédé l’arrivée des
Indo-Aryens dans le bassin de l’Indus∞∞∞: cela ne semble pas pouvoir
constituer un marqueur culturel. Des statuettes stéatopyges sont
aussi connues pour la période élamite moyenne (cf. Daems, 2001,
pp. 8-31), et ces modèles de représentations ont pu parvenir jusqu’en
Bactriane. Pour la seconde phase, plus locale, de la civilisation bac-
tro-margienne, on a découvert (dans la nécropole de Bustan VI, Ouz-
békistan méridional, XVIe s. av.) des assemblages liés à des rites
funéraires, comportant des figurines en argile crue, parmi lesquelles
il y a des femmes dont le torse et les hanches sont fortement souli-
gnés par le modelage (cf. Avanessova, 1995, pp. 38-42, avec photo-
graphies). La présence d’un culte du feu ne suffit pas pour attribuer
cette culture matérielle aux Indo-Aryens, comme le veut l’archéo-
logue citée à l’instant (op.cit., pp. 42-43, chronologie à corriger). La
152 GEORGES-JEAN PINAULT

langue de la population qui pratiquait ces rites est évidemment


inconnue, mais il n’est pas exclu qu’elle ait été en contact avec les
Indo-Aryens au cours de leur migration vers le Sud∞∞∞: ceux-ci
auraient connu chez ces habitants de Bactriane les figurations fémi-
nines, et auraient emprunté un des mots du lexique associé à ces
images. Je proposerais donc pour le moment, avec toute la prudence
requise, que le mot *a∞i- «∞∞∞hanche∞∞∞» fut emprunté indépendamment
par le proto-tokharien et le proto-indo-aryen à une langue d’Asie
Centrale en rapport avec la civilisation bactro-margienne. Bien que
nous puissions lui attribuer déjà plusieurs mots, il faudrait se garder
de croire qu’il est actuellement possible de circonscrire la langue de
cette civilisation∞∞∞: il serait erroné de la croire a priori unilingue.

Reprenons pour finir les points principaux de notre hypothèse.


L’adjectif kalya∞i- fut formé dans un dialecte archaïque de l’indo-
aryen, qui connaissait encore le premier membre de composé *kal-
i- «∞∞∞beau∞∞∞» hérité de l’indo-européen. Ce dialecte aurait formé un
composé signifiant «∞∞∞aux belles hanches∞∞∞», en utilisant comme
second membre un emprunt à une langue non indo-européenne
(peut-être possédant des articulations rétroflexes), à savoir *a∞i-
«∞∞∞hanche∞∞∞». Parallèlement, en dehors de ce composé, l’emprunt
aurait été employé, peut-être originellement dans un autre parler,
avec une transposition métaphorique au vocabulaire technique,
pour désigner une partie du char. Dans la langue composite et
conventionnelle du RV, il n’y a plus de rapport concevable entre
kalya∞2- «∞∞∞aux belles hanches∞∞∞», donc «∞∞∞belle∞∞∞» (par excellence)
et a∞í- «∞∞∞cheville de l’essieu∞∞∞». En conclusion, l’adjectif kalya∞2-,
qui associe un élément indo-européen hérité et un élément non
indo-européen provenant de l’Asie Centrale, témoigne de la
diversité des formes pré-védiques de l’indo-aryen, et des contacts
des Indo-Aryens avant l’expansion de la civilisation védique
dans le Panjab et au-delà vers la vallée du Gange∞∞∞: à ce stade,
kalya∞2- n’est déjà plus que le féminin de l’adjectif kaly0∞a-, des-
tiné à un bel avenir. Plus tard, un terme particulièrement élogieux,
appliqué au Buddha, ne sera-t-il pas kalya∞a-mitra- «∞∞∞ami de la
vertu∞∞∞»∞∞∞?

Georges-Jean Pinault
EPHE, Sciences historiques et philologiques
23, rue Léon Frot
F-75011 Paris
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 153

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[Paris, mars 2002, revisé en janvier 2003]

ABSTRACT. — From a thorough examination of a bilingual text, a


new Tocharian B word has emerged, oñi, meaning “∞∞ hip∞∞ ”. The mor-
phological structure and the phonetic shape of this word can be
explained as reflecting a very ancient borrowing from *ani-, at the
Proto-Tocharian stage. It is proposed to connect it with Sanskrit a∞i-,
which designates two different things∞∞ : 1) “∞∞ linch-pin, peg, bolt∞∞ ”
(“∞∞ axle-pin∞∞ ” in Vedic) and 2) “∞∞ the part of the leg just above the
knee∞∞ ”. Both usages result from extensions of the original meaning
“∞∞ hip∞∞ ”, either by anatomical transfer or by analogy between the
parts of the chariot and the parts of the human body. The adjective
kaly0∞a-, meaning fundamentally “∞∞ beautiful∞∞ ” was interpreted by
Wackernagel as a compound meaning originally “∞∞ with beautiful
elbows∞∞ ”, on the basis of a comparison with Homeric Greek. One
replaces this reading by “∞∞ with beautiful hips∞∞ ”, according to a per-
manent conception of the feminine beauty in India∞∞ : kaly0∞a- is the
masculinative based on the original feminine kalya∞2-, which reflects
a compound *kaly-a∞i- = su-sro∞i-. Before the stage of composition
of the Rigvedic hymns, Old Indo-Aryan has assimilated a word com-
bining elements of different origins∞∞ : while the first member of the
compound is inherited from Proto-Indo-European, the second is
deprived of any etymology and cannot be analyzed in terms of Indo-
European morphology. Finally, one draws the hypothesis that the
word *a∞i- (or *ani-) “∞∞ hip∞∞ ” belonged to a non Indo-European lan-
guage of Central Asia, from which it was independently borrowed by
the ancestors of the Indo-Aryans and of the Tocharians during the
Bronze Age.

ZUSAMMENFASSUNG. — Ein neues Tocharisch B Substantiv, oñi


“∞∞ Hüfte∞∞ ”, ist aus der revidierten Lesung eines bilingualen Texts
erschlossen worden. Die morphologische und lautliche Struktur
dieses Worts kann erklärt werden durch eine alte Entlehnung, im
Proto-Tocharischen, von einem Stamm *ani-, der unmöglich als indo-
germanisches Erbe angenommen werden kann. Man untersucht das
ansprechende Verhältnis dieses Worts mit altindischem a∞i-, bezeich-
nend 1) den “∞∞ Bolzen∞∞ ” (der das Rad an der Achse festhält) und 2)
den “∞∞ Teil des Beines unmittelbar über dem Knie∞∞ ”. Die zweite
Bedeutung folgt aus der Übertragung von den Hüften zu den Schen-
SANSKRIT KALYAıA- INTERPRÉTÉ À LA LUMIÈRE DES CONTACTS 161

keln, und die erste beruht auf dem metaphorischen Gebrauch von
Körperteilbezeichnungen zur Benennung der Teile des Streitwagens.
Das Adjektiv aind. kaly0∞a-, welches im Grunde “∞∞ schön∞∞ ” bedeutet,
wurde von Wackernagel als ein altes Kompositum erklärt, das “∞∞ mit
schönen Ellbogen, schönarmig∞∞ ” bedeuten dürfte. Eine andere Deu-
tung, als *kaly-a∞i- “∞∞ mit schönen Hüften∞∞ ” (= su-sro∞i-), wird vor-
geschlagen, im Einklang mit der indischen Anschauung der weibli-
chen Schönheit. Der Ausgangspunkt war das Femininum kalya∞2-,
das dieses Kompositum *kaly-a∞i- widerspiegelt, und das Maskuli-
num wurde retrograd davon gebildet. In diesem Kompositum ist das
erste Glied *kal-i- vom Indogermanischen ererbt, aber das zweite
Glied stammt vermutlich von einer nicht-indogermanischen Sprache
aus Zentralasien∞∞ : *a∞i- (bzw. *ani-) “∞∞ Hüfte∞∞ ” wurde in unabhängi-
ger Weise von den Indoarien und von den Tocharen entlehnt.

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